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La Méditerranée médiévale 

: espace d'échanges et de
conflits à la croisée de trois civilisations
Au Moyen Âge, la Méditerranée est partagée entre trois grandes civilisations. Celles-ci se définissent par
leur religion et par le pouvoir politique qui s'y exerce. Il s'agit de la chrétienté d'Orient, avec l'Empire
byzantin, de la chrétienté d'Occident, avec les États d'Europe occidentale, et du monde musulman. Ces trois
aires de civilisation connaissent des conflits, mais entretiennent également des rapports commerciaux et
culturels. Toutes trois recueillent également les héritages de l'Antiquité.

I. Trois aires de civilisation


1. L'Empire byzantin et le christianisme orthodoxe
• L'Empire byzantin est issu du partage de l'Empire romain entre Orient et Occident par Théodose en
395. L'Empire romain d'Occident disparaît en 476, remplacé par des royaumes barbares, mais l'Empire
romain d'Orient survit, avec sa capitale, Constantinople, jusqu'à sa chute face aux Turcs ottomans en 1453.
Ce nom d'Empire byzantin trouve son origine en Byzance, cité grecque où Constantin fonda la nouvelle
capitale. Cet empire est marqué par l'usage de la langue grecque, la plus diffusée dans la partie orientale de
l'Empire romain.
• Le pouvoir est exercé à Constantinople par le basileus, nom grec donné à l'empereur. Celui-ci, nommé par
l'armée, dispose d'un pouvoir absolu. Il fonde son pouvoir sur la religion chrétienne, qui le reconnaît
comme « lieutenant du Christ sur la Terre ». À ce titre, il nomme le patriarche de Constantinople, principale
autorité religieuse de l'Empire. Celle-ci regroupe les chrétiens d'Orient, qui partagent la foi de l'empereur.
• À partir du VIIIe siècle, les oppositions grandissent entre chrétiens d'Occident et ceux placés sous l'autorité
du patriarche de Constantinople. On prend alors l'habitude de désigner ces derniers sous le nom
d'« orthodoxes ». Ils se distinguent des chrétiens catholiques, qui sont sous l'autorité du pape de Rome,
essentiellement sur des questions d'autorité et de rites.

2. La civilisation de l'Occident chrétien


• La civilisation de l'Occident chrétien marque les États issus de la chute de l'Empire romain d'Occident.
Au XIIe siècle, ceux qui s'ouvrent sur le monde méditerranéen sont essentiellement le royaume de France, le
Saint-Empire romain germanique et les États italiens dont le royaume de Naples et les États de l'Église,
dirigés par le pape. À la différence de l'Empire byzantin, on trouve donc ici plusieurs royaumes, la
reconstitution d'un empire romain d'Occident par Charlemagne (800) n'ayant pas été durable.
• L'unité de l'Occident est donc essentiellement religieuse, l'ensemble des croyants étant sous l'autorité du
pape. Celui-ci possède, à partir du XIe siècle, le droit de couronner l'empereur du Saint-Empire romain
germanique. Ce grand pouvoir est source de conflit avec les souverains, qui veulent jouir d'une plus grande
autonomie.
• À partir de l'an mille, l'Occident est marqué par la féodalité. Le roi est à la tête d'une pyramide sociale
fondée sur des rapports de fidélité, garantis par l'obtention d'un fief, donné par le seigneur à son vassal.
La société s'organise autour de l'idée d'une tripartition entre trois ordres : le clergé, qui prie, les guerriers,
qui constituent la noblesse, et ceux qui travaillent, dont l'ensemble sera plus tard appelé tiers état.

3. La civilisation musulmane


• La civilisation de l'Islam apparaît en 622 avec le début de l'Hégire, exil de Mohamed à Médine. Elle est
caractérisée par la concentration des pouvoirs politiques et religieux entre les mains du calife, successeur
du prophète de l'islam, Mohamed, chef religieux, politique et militaire.
• À la fin de la conquête musulmane, au VIIIe siècle, l'empire dirigé par les souverains arabes possède des
territoires importants sur les rives de la Méditerranée, à l'ouest, au sud et à l'est. Au sein de ces espaces
demeurent d'importantes minorités juives et chrétiennes, qui sont à la fois protégées et discriminées, à
travers le statut de « gens du Livre ».
• Plusieurs dynasties de succèdent à la tête de l'Empire. Tout d'abord les Omeyyades, puis les Abbassides,
avant qu'il n'éclate entre plusieurs États et ne soit envahi par les Turcs à partir du XIIe siècle.

II. La Méditerranée : un espace de conflits


1. Des fractures au sein des civilisations
• Plusieurs conflits marquent l'espace méditerranéen médiéval. Certains sont internes aux différentes
civilisations. Ainsi, au sein de l'Islam, une fracture religieuse et politique intervient dès 658 au sujet de la
succession du Prophète en tant que calife. Après plusieurs batailles, un schisme intervient entre les
partisans d'Ali, gendre et cousin du Prophète, et ceux des Omeyyades, les compagnons d'armes de
Mohamed. Les premiers sont qualifiés de chiites, les seconds de sunnites. Si les califes omeyyades puis
abbassides sont sunnites, on voit apparaître ensuite certains États dirigés par les chiites, comme l'Égypte,
où la dynastie fatimide est au pouvoir de 969 à 1171.
• La chrétienté d'Orient, quant à elle, est déchirée de 726 à 843 par la crise iconoclaste. Une partie des
orthodoxes considère en effet que le culte des images n'est pas fondé, alors que pour une autre l'image est
acceptée non comme une idole mais comme une icône, simple reflet de la réalité spirituelle qu'elle
représente. L'affaire devient politique et conduit à une situation de guerre civile. La crise s'achève par la
victoire des partisans des icônes.
• En Occident, à partir du XIIe siècle, l'Église est confrontée à des hérésies, c'est-à-dire des croyances
différentes des siennes, comme celle des cathares dans le sud de la France, ou des vaudois, dans la vallée
du Rhône.

2. Les conflits entre civilisations


• Les conflits existent également entre civilisations. Entre chrétiens d'Orient et chrétiens d'Occident,
plusieurs facteurs de division existent. Les Byzantins ne reconnaissent pas le fait que le pape puisse
nommer un empereur en Occident. En 1054, le schisme d'Orient consomme la rupture entre l'Église
orthodoxe et l'Église catholique.
• Entre l'Islam et les deux civilisations chrétiennes, les conflits commencent avec la conquête menée par
Mohamed et ses successeurs. Dès le VIIe siècle, les musulmans, au nom de la guerre sainte servant à
propager l'islam, conquièrent de vastes territoires dépendant de l'Empire byzantin, comme la Syrie et
l'Égypte, et de la chrétienté occidentale, comme l'Afrique du Nord, la Sicile et l'Espagne.
• À partir de la fin du XIe siècle, les croisades créent un nouveau type de conflit en Méditerranée. En 1009, le
calife Al-Hakim fait raser les églises de Jérusalem. En 1078, il est interdit aux pèlerins chrétiens de venir se
recueillir dans la ville, considérée comme sainte à la fois par les juifs, les chrétiens et les musulmans. En
Occident, en 1095, le pape Urbain II prêche la croisade : une expédition militaire pour prendre Jérusalem,
accordant la rémission des péchés à ses participants, appelés « croisés ». En 1099, Jérusalem est prise. Les
croisés établissent sur les rives orientales de la Méditerranée des États latins, dirigés par des seigneurs
venus d'Occident et adoptant le système féodal. Huit croisades se succèdent jusqu'en 1270. En 1147, la
deuxième croisade est prêchée par Bernard de Clairvaux, un moine fondateur de l'ordre cistercien, un des
plus rigoureux et ascétique. Cette croisade est un échec, les croisés ne parvenant pas à prendre Damas. En
1187, Jérusalem est reprise par les musulmans commandés par Saladin, mais les chrétiens obtiennent la
garantie du libre accès au pèlerinage sur les lieux saints.
• La dynamique des croisades nourrit également la reconquête de l'Espagne entreprise par les États
chrétiens du nord de la péninsule face aux États musulmans installés au VIIIe siècle. En 1212, la bataille de
Las Navas de Tolosa permet aux chrétiens de l'emporter. Entre la fin du XIIIe siècle et 1492, un seul royaume
musulman demeure en Espagne, celui de Grenade.
• Les croisades ont également été marquées par des affrontements entre chrétiens. En effet, avant la
conquête musulmane, les territoires occupés par les États latins appartenaient à l'Empire byzantin.
L'empereur de Byzance se méfie des ambitions territoriales des chrétiens d'Occident. En 1182, les
Occidentaux présents à Constantinople sont massacrés lors d'une émeute. En 1204, la quatrième croisade,
qui aurait dû aller reprendre Jérusalem aux musulmans, pille Constantinople. Un empereur latin est installé
sur le trône et la république de Venise prend le contrôle économique de l'Empire. Toutefois, en 1261, les
Byzantins rétablissent un pouvoir orthodoxe. Mais l'Empire, affaibli, est désormais fragile face à la menace
turque.

III. La Méditerranée médiévale : un espace d'échanges


1. Les échanges économiques
• La Méditerranée médiévale constitue également un espace intense d'échanges et de rencontres
culturelles. Du point de vue commercial, des routes permettent les échanges des productions venant
d'Orient et celles venues du Nord. Ainsi, la route « des Grecs aux Varègues » permet les échanges entre la
Scandinavie et le monde byzantin. Elle est également empruntée par les missionnaires grecs orthodoxes,
comme Cyrille et Méthode, pour aller convertir les peuples slaves, tels les Russes en 948.
• Les produits orientaux, comme l'encens, les épices ou les soieries, transitent essentiellement par le
monde musulman, puis par Constantinople. Toutefois, dès le XIe siècle, Venise s'impose comme un
nouveau centre de ce commerce. Cette cité, liée à l'Empire byzantin, est désormais un État indépendant
dans lequel le duc, appelé « doge », est élu à vie. Elle établit des comptoirs commerciaux en Méditerranée
orientale et profite des croisades, dont elle assure le transport et le ravitaillement. La cité de Gênes l'imite
bientôt.

2. Les échanges culturels


• Du point de vue des échanges culturels, certains espaces méditerranéens ont constitué des lieux de
rencontre, sans qu'on puisse parler de véritable tolérance au sens actuel du terme. Dans l'Espagne
musulmane, même si juifs et chrétiens sont discriminés, des débats intellectuels existent. Ainsi le
philosophe juif Maïmonide (1138-1204) développe une pensée philosophique tentant de concilier foi et
science, tout comme son contemporain musulman, Averroès (1126-1198).
• La Sicile, quant à elle, a connu la civilisation byzantine jusqu'à sa conquête par les Arabes en 827. En 1061,
le pape fait appel à des Normands pour prendre l'île, qui est ainsi intégrée à la civilisation chrétienne
occidentale. Toutefois, ses souverains, comme Roger II (1130-1154), mènent une politique d'équilibre entre
orthodoxes, catholiques et musulmans. Ils favorisent un art associant mosaïques d'inspiration
byzantine, stucs et entrelacs s'inspirant de l'art islamique, comme à la chapelle palatine de Palerme.
• Quant aux croisés présents en Orient, malgré la violence de la prise de Jérusalem en 1099, ils échangent
également avec les chrétiens d'Orient, les juifs et les musulmans, ce qui a pu jouer un rôle dans la
redécouverte de la philosophie d'Aristote. L'architecture chrétienne orientale a également pu influencer à la
construction de certaines églises romanes en Europe.
• Ainsi, la Méditerranée médiévale constitue un espace de rencontre entre civilisations, même si le
contexte conduit à dessiner au sein de cet espace des aires culturelles bien définies. Une situation très
différente de l'Antiquité, où cette mer pouvait être qualifiée de « lac romain ».

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