Caspratiquerussie
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Caspratiquerussie
Son copain Luc, également Français, pense la même chose. Il a conclu un contrat avec
un Russe pour une réparation de sa voiture. Mécontent de la réparation, il n’a pas
payé. Sur le contrat, il était indiqué qu’en cas de litige, le tribunal de Moscou serait
compétent. Mais il n’est pas commerçant et il a aussi appris en cours de procédure
civile que de telles clauses ne sont valables qu’entre commerçants. Qu'en
pensez-vous ?
Solutions
Les faits comprennent plusieurs éléments d’extranéité. Jacques et Luc sont français,
domiciliés en France. Luc a conclu un contrat avec un Russe en Russie tandis que la
voiture endommagée par Jacques appartient à un Russe. Jacques a endommagé la
voiture en Russie.
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I. La situation de Jacques
Jacques estime qu’il devrait être jugé par un tribunal français et non par un tribunal
russe. Il évoque deux sortes de fondements : d’une part, la compétence du tribunal du
domicile du défendeur et, d’autre part, sa nationalité française.
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o La question est posée après la date d’application du règlement qui est donc de
ce point de vue applicable. Mais il convient de tenir compte des dispositions
transitoires. Selon l’article 66 : « 1. Le présent règlement n’est applicable qu’aux
actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés
formellement et aux transactions judiciaires approuvées ou conclues à compter du
10 janvier 2015. » L’action a été intentée mais la décision n’a pas encore été
rendue. Le règlement paraît donc applicable du point de vue temporel.
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o Par ailleurs, conformément à l’article 71§1 : “ Le présent Règlement n'affecte
pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des
matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou
l'exécution des décisions”. En outre, selon l’article 73§ 3. « Le présent règlement
n’affecte pas l’application des conventions et accords bilatéraux conclus entre un
État tiers et un État membre avant la date d’entrée en vigueur du règlement (CE)
no 44/2001 qui portent sur des matières régies par le présent règlement ».
o Mais selon l’article 39 du Règlement fait référence à une décision rendue dans un
Etat membre. En outre, selon l’article 2 a) le terme «décision» est défini comme
« toute décision rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la
dénomination qui lui est donnée telle qu’arrêt, jugement, ordonnance ou mandat
d’exécution, ainsi qu’une décision concernant la fixation par le greffier du
montant des frais du procès. »
o La décision rendue par le juge russe n’est pas une décision rendue par un Etat
membre dès lors que la Russie ne fait pas partie de l’Union européenne.
o La reconnaissance d’une décision russe ne doit donc pas être appréciée dans ce
cadre. Elle doit être appréciée dans le cadre du droit positif français applicable à
défaut de textes de l’UE ou internationaux.
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applique ses propres règles).
o Le juge doit contrôler, d’une part, si les juridictions françaises ne sont pas
exclusivement compétentes et, d’autre part, contrôler si les juridictions étrangères
sont compétentes au motif que le litige se rattache de manière caractérisée et non
frauduleuse à l'Etat étranger (Civ. 1re, 6 fév. 1985, Simitch).
o Ce texte est applicable en toute matière et donc dans le cas d’une responsabilité
délictuelle (Civ. 1re, 17 nov. 1981, N de pourvoi: 80-14728, Bull. Civ. I, n° 341).
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o Il convient, au-delà des idées de Jacques, de vérifier si le Règlement n° 1215/2012
ne contient pas de compétences exclusives.
o A titre liminaire, il convient d’observer qu’il est bien applicable (v. supra).
o Il convient seulement d’ajouter ici que Jacques est bien domicilié sur le territoire
d’un Etat membre. Or, conformément à l’article 4 § 1 : « Sous réserve des
dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un
État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions
de cet État membre ». En outre, conformément à l’article 5 § 1 : « Les personnes
domiciliées sur le territoire d'un État membre ne peuvent être attraites devant les
tribunaux d'un autre État membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à
7 du présent chapitre ».
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II. La situation de Luc
Rappel des faits : Luc a conclu un contrat en Russie avec un Russe pour une réparation de sa voiture. Mécontent de la
réparation, il n’a pas payé. Sur le contrat, il était indiqué qu’en cas de litige, le tribunal de Moscou serait compétent.
Mais il n’est pas commerçant et il a aussi appris en procédure civile que de telles clauses n’étaient valables qu’entre
commerçants. Qu'en pensez-vous ?
Il pourrait aussi être assigné devant le tribunal russe, ce qui poserait la question, s’il
est condamné, de savoir dans quelle mesure le jugement pourrait être exécuté en
France.
Les juridictions russes et françaises pourraient être toutes les deux saisies, ce qui pose
la question de la litispendance ou de la connexité. Dans tous les cas, la juridiction
française devrait s’interroger sur la compétence.
N.B. : Ce qui a été dit sur ce point dans le cas de Jacques peut être repris ici (inutile donc de
rappeler ce qui suit en italique : ceci n’est rappelé que pour des raisons pédagogiques)
o Dans le cas de Luc, il existe une clause attributive de compétence. Or, l’article 25
du règlement considère que de telles clauses confèrent, sauf convention contraire,
compétence exclusive à la juridiction désignée. Toutefois, le Règlement 1215/2012
n’envisage que les prorogations de compétence au profit de juridictions d’Etats
membres.
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o Il s’agit bien ici d’un litige international. Mais il n’y a pas de compétence
territoriale impérative. En effet, il a été jugé que les articles 14 et 15 ne sont pas
d’ordre public (Civ. 1re, 7 juillet 1981, v. Fiches de TD) et qu’une clause attributive
de compétence territoriale constitue une renonciation à se prévaloir des articles 14
et 15 du code civil (Civ. 1re, 19 novembre 1985, Ibid).
B. Litispendance ou connexité
o Jacques pourrait-il saisir le juge français sur le fondement des articles 4 7,8 ou 9.
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L’article 4 ne permet pas de le saisir car le défendeur a son domicile en Russie. Les
article 7 et 8 font également référence aux personnes domiciliées sur le territoire
d’un Etat membre. L’article 9 vise une hypothèse de responsabilité du fait de
l’utilisation d’un navire, ce qui n’est pas le cas ici. En réalité, conformément à
l’article 6 § 1 : « Si le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État
membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État
membre, sous réserve de l’application de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 21,
paragraphe 2, et des articles 24 et 25. » Ces articles ne s’appliquent pas en l’espèce.
Il convient donc d’appliquer les dispositions du droit français.
« L'EXCEPTION DE LITISPENDANCE PEUT CEPENDANT ETRE RECUE DEVANT LE JUGE FRANCAIS, EN VERTU DU DROIT
COMMUN FRANCAIS, EN RAISON D'UNE INSTANCE ENGAGEE DEVANT UN TRIBUNAL ETRANGER EGALEMENT
COMPETENT, MAIS NE SAURAIT ETRE ACCUEILLIE LORSQUE LA DECISION A INTERVENIR A L'ETRANGER N'EST PAS
SUSCEPTIBLE D'ETRE RECONNUE EN FRANCE. »
Il semble donc que l’on serait plutôt ici en présence d’une connexité que d’une
litispendance, sauf si Luc saisissait le Tribunal français d’une demande de
responsabilité et le Russe d’une demande reconventionnelle de paiement du prix
tandis que le Russe saisirait le juge russe d’une demande de paiement du prix et le
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Français d’une demande reconventionnelle au titre de la responsabilité.
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