La Therapie Des Schemas - Jeffrey E Young
La Therapie Des Schemas - Jeffrey E Young
La Therapie Des Schemas - Jeffrey E Young
Couverture
Préface de l’édition américaine
Préface
Avant-propos du traducteur
Chapitre 1 - Modèle théorique de la thérapie des schémas
Chapitre 2 - Diagnostic des schémas et information du patient
Chapitre 3 - Méthodes cognitives
Chapitre 4 - Méthodes émotionnelles
Chapitre 5 - La modification comportementale
Chapitre 6 - La relation thérapeutique
Chapitre 7 - Plans détaillés de traitement des schémas
Chapitre 8 - Le travail sur les modes de schémas
Chapitre 9 - Thérapie des schémas pour le trouble de personnalité borderline
Chapitre 10 - Thérapie des schémas du trouble de la personnalité narcissique
Annexe - Questionnaire des schémas de Young
Bibliographie
Index
Les auteurs
Notes
Résumé
Préface
de l’édition américaine
Il est difficile de croire que 9 ans se sont écoulés depuis notre dernier livre important de schéma-
thérapie. Au cours de cette décennie, qui connut l’intérêt naissant pour cette approche thérapeutique, on
nous a régulièrement demandé : « Quand écrirez-vous une mise à jour d’un manuel thérapeutique de
synthèse ? » Un peu gênés, nous étions bien obligés de répondre que nous n’en avions pas encore
trouvé le temps.
Après 3 ans de travail intense, nous avons enfin rédigé ce qui, nous l’espérons, deviendra la « bible »
pratique de la thérapie des schémas. Nous avons essayé d’inclure dans ce livre toutes les nouveautés
des 10 dernières années, notamment notre modèle conceptuel réactualisé, des protocoles
thérapeutiques détaillés et des exemples de cas. Nous avons consacré, en particulier, deux chapitres
importants au traitement des troubles de personnalité borderline et narcissique.
Au cours des 10 dernières années, le domaine de la santé mentale a connu de nombreux changements
qui ont eu un impact en thérapie des schémas. Les praticiens de toutes orientations n’étant pas satisfaits
des limites des psychothérapies classiques, il est parallèlement apparu un intérêt pour les tendances
intégratives en psychothérapie. Étant une des premières approches intégratives, la thérapie des
schémas a attiré de nombreux thérapeutes qui recherchaient un guide les autorisant à dépasser les
limites des modèles existants.
L’un des signes évidents de cet intérêt grandissant pour la thérapie des schémas est l’usage largement
répandu du Questionnaire des Schémas de Young (YSQ) par les cliniciens et les chercheurs au niveau
mondial. Le YSQ a déjà été traduit en espagnol, grec, néerlandais, français, japonais, norvégien,
allemand et finlandais, pour ne citer que certains des pays où l’on utilise des éléments de ce modèle. Les
nombreuses recherches sur le YSQ soutiennent de façon importante le modèle du Schéma.
L’autre témoin de l’intérêt porté à la schéma-thérapie est le succès de nos deux premiers livres, même
10 ans après leur sortie : Cognitive Therapy for Personality Disorders : A Schema-Focused Approach
en est à sa troisième édition, et Je ré-invente ma vie, qui s’est vendu à plus de 125 000 exemplaires, est
toujours disponible en librairie et a été traduit en plusieurs langues.
La dernière décennie a également connu l’extension de la thérapie des schémas au-delà des
indications que représentent les troubles de personnalité. Cette approche a pu être appliquée à un grand
nombre de problèmes cliniques, tels que la dépression chronique, les traumatismes infantiles, les
problèmes de criminalité, les troubles alimentaires, les problèmes de couple et la prévention de rechute
dans les conduites addictives. On utilise souvent la thérapie des schémas pour traiter des problèmes
caractériels chez des patients ayant des troubles de l’Axe I, une fois les symptômes aigus disparus.
La spiritualité a contribué à un autre développement important de la thérapie des schémas. Il est paru
trois livres (L’alchimie des émotions, de Tara Bennett-Goleman ; Praying through our Lifetraps : a
Psycho-spiritual path to Freedom, de John Cecero ; et The Myth of More, de Joseph Novello) qui
associent la thérapie des schémas et la méditation de pleine conscience (mindfulness) ou d’autres
pratiques religieuses traditionnelles.
Il est décevant de constater, et on peut espérer que cela changera dans les dix ans à venir, l’effet
négatif de la maîtrise des dépenses publiques en matière de traitement des troubles de personnalité aux
États-Unis. Il est devenu de plus en plus difficile pour les praticiens d’obtenir le remboursement de leurs
interventions par les assurances sociales. De même, les chercheurs ont beaucoup de mal à faire
subventionner leurs recherches par le gouvernement fédéral ; ceci parce que les traitements pour l’Axe II
sont plus longs et ne correspondent donc pas aux modèles habituels de prise en charge. Si bien qu’en
matière d’aide accordée aux travaux sur les troubles de personnalité, les États-Unis sont maintenant à la
traîne par rapport à bien d’autres pays.
La réduction de cette aide a eu pour conséquence le faible nombre d’études bien conduites dans ce
domaine. (À l’exception de celle sur l’approche comportementale et dialectique de Marsha Linehan pour
le traitement des borderlines.) Il nous a donc été très difficile d’obtenir des subventions pour des études
susceptibles de démontrer l’intérêt pratique de la thérapie des schémas.
Nous nous tournons actuellement vers d’autres pays pour obtenir la subvention d’études dans ce
domaine. Aux Pays-Bas, Arnoud Arntz dirige une étude importante, en voie d’achèvement, qui nous
intéresse tout particulièrement. Cette étude multicentrique à grande échelle compare la thérapie des
schémas à l’approche d’Otto Kernberg dans le domaine du traitement du trouble de personnalité
borderline. Nous en attendons les résultats avec impatience.
Pour les lecteurs qui ne sont pas familiers à la schéma-thérapie, nous passerons en revue les
nombreux avantages de cette méthode par rapport aux autres thérapies les plus courantes. Si on la
compare à d’autres approches, la thérapie des schémas est plus intégrative, elle fait intervenir des
aspects de la thérapie cognitivo-comportementale, de la psychodynamique (notamment les relations
d’objet), de la théorie de l’attachement (Bowlby) et de la Gestalt. La schéma-thérapie considère que la
composante cognitivo-comportementale est l’essentiel du traitement, mais elle donne aussi une valeur
égale aux méthodes émotionnelles et à la relation thérapeutique.
Un autre bénéfice important de la schéma-thérapie est son apparente simplicité, bien qu’elle soit, en
fait, une méthode complexe et qu’elle agisse en profondeur. Elle est simple à comprendre, aussi bien
pour les patients que pour les thérapeutes. Le modèle du schéma fait appel à des idées complexes, dont
beaucoup apparaissent confuses aux patients qui reçoivent d’autres thérapies, et ce modèle les présente
d’une manière simple et directe. La thérapie des schémas se sert donc du bon sens de la thérapie
cognitivo-comportementale, tout en ayant la profondeur de la psychodynamique et des approches
voisines.
La schéma-thérapie retient deux caractéristiques principales de la thérapie cognitive et
comportementale : elle est structurée et systématisée. Le thérapeute suit une séquence de techniques
diagnostiques et thérapeutiques. La phase de diagnostic comprend l’administration de questionnaires qui
évaluent les schémas et les stratégies d’adaptation. Le traitement est actif, directif, en vue du
changement cognitif, émotionnel, interpersonnel et comportemental. La thérapie des schémas peut aussi
être utile en thérapie de couple, pour aider chacun des deux partenaires à comprendre et guérir leurs
schémas.
Un autre avantage de ce modèle est sa spécificité. Il détermine de façon spécifique des schémas, des
styles d’adaptation (stratégies) et des modes de schémas. De plus, il établit des méthodes
thérapeutiques spécifiques elles aussi, permettant le re-parentage partiel approprié et adapté aux
besoins de chaque patient. Il fournit une méthode accessible pour comprendre et travailler avec la
relation thérapeutique. Les thérapeutes surveillent leurs propres schémas, leurs styles d’adaptation et
leurs modes, au cours des séances avec les patients.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, nous estimons que l’approche des schémas est humaine et
empreinte de compassion, si on la compare à un « simple traitement ». Elle normalise, au lieu de les
pathologiser, les troubles psychologiques : chacun d’entre nous a ses schémas, ses styles d’adaptation
et ses modes de schémas – ils sont simplement plus extrêmes et plus rigides chez les patients que nous
sommes amenés à traiter. Cette approche est sympathique et respectueuse, particulièrement vis-à-vis
des patients les plus sévèrement atteints, comme les borderlines, qui sont souvent traités avec très peu
de compassion et avec une attitude de réprimande dans les autres méthodes psychothérapiques. Les
concepts de confrontation empathique et de re-parentage partiel incitent les thérapeutes à une attitude
très attentionnée vis-à-vis des patients. L’utilisation des modes facilite le processus de confrontation, elle
permet au thérapeute de confronter de façon agressive les comportements rigides et inadaptés, tout en
restant allié avec le patient.
Pour finir, nous insistons sur les nouveaux développements que la schéma-thérapie a connus au cours
des dix dernières années. Tout d’abord, la liste des schémas a été revue de façon plus large et elle
comprend actuellement 18 schémas, appartenant à cinq domaines. Ensuite, nous avons développé de
nouveaux protocoles, détaillés, pour le traitement des troubles de personnalité borderline et narcissique.
Ces protocoles ont étendu la portée de la schéma-thérapie, essentiellement grâce à l’adjonction du
concept de mode de schémas. Troisièmement, nous insistons beaucoup plus sur les styles d’adaptation,
notamment l’évitement et la compensation, et sur leur modification grâce aux techniques
comportementales. Notre but est de remplacer des styles d’adaptation dysfonctionnels par d’autres, plus
sains, qui permettront aux patients de satisfaire leurs besoins affectifs fondamentaux.
Avec le développement et la maturation de la schéma-thérapie, nous avons insisté davantage sur le re-
parentage partiel pour tous les patients, notamment ceux qui souffrent de troubles sévères. Dans le
cadre des limites appropriées de la relation thérapeutique, le thérapeute essaie de combler les besoins
affectifs infantiles insatisfaits du patient. Enfin, nous insistons sur les schémas et styles d’adaptation
personnels du thérapeute, dans le cadre de la relation thérapeutique.
Nous espérons que ce livre apportera aux thérapeutes une nouvelle approche des patients ayant des
scénarios et des thèmes récurrents chroniques et que la thérapie des schémas permettra des bénéfices
significatifs à ces patients extrêmement demandeurs et difficiles que notre approche a pour but de traiter.
Préface
Il est rare que le public francophone ait aussi rapidement une traduction de qualité d’un ouvrage
fondamental, paru en 2003, comme La thérapie des schémas, de Jeffrey Young, Janet Klosko et
Marjorie Weishaar. Il faut donc louer la célérité et la précision de la traduction de Bernard Pascal, qui a
su restituer la saveur du texte original, et en remercier les Éditions De Boeck.
Pour permettre au lecteur francophone d’aborder cet ouvrage plus facilement, je vais tenter de clarifier
la notion de schéma, en la mettant en perspective.
1. Une brève histoire des schémas cognitifs
Bien que le terme de schéma ait été élaboré par les penseurs de la Grèce antique, il faut attendre le
XVIIIe siècle pour voir apparaître, véritablement, une définition opérationnelle des schémas cognitifs.
Emmanuel Kant, dans La Critique de la raison pure distinguait les choses en soi, ou noumènes, de leurs
apparences : les phénomènes. Et il soutenait que personne ne pouvait se vanter de connaître ou
comprendre le monde nouménal. En fait chacun doit imposer aux objets du monde extérieur trois
catégories mentales « a priori », qui sont des schèmes : le temps, l’espace et la causalité. Ils spécifient
la forme du monde des apparences. L’homme va imposer aux objets les catégories de son entendement,
mais il ne peut connaître que ce qui tombe dans ces catégories. Kant propose donc l’un des premiers
modèles psychologiques de traitement de l’information.
À partir de là on peut distinguer deux manières de concevoir les schémas :
Comme on va le voir, à la lumière des données actuelles des neurosciences cognitives, ces deux
conceptions ne sont pas irréconciliables.
Il existe donc une série d’équilibres successifs qui partent des schèmes innés sensori-moteurs les plus
élémentaires : sucer et prendre, pour aller vers les stades les plus élaborés de la connaissance : les
opérations logiques concrètes puis abstraites. Les notions d’assimilation au schéma et d’accommodation
du schéma ont été reprises par les thérapeutes cognitivistes qui ont mis au point la thérapie cognitive des
troubles de la personnalité (Layden et al., 1993).
On entend par pensée automatique une image ou une pensée dont le sujet n’est pas conscient à moins
de se focaliser sur elle. Beck propose, lorsque le sujet, au cours d’une séance de thérapie, ressent une
forte émotion, de lui demander quelle est la pensée qui lui vient à l’esprit. Cette mise à jour de
constellations de pensées automatiques permettra progressivement de comprendre et d’évaluer les
schémas : « l’émotion est la voie royale vers la cognition ».
La thérapie cognitive va s’appliquer rapidement et avec succès à la dépression, aux troubles anxieux,
aux troubles de la personnalité (Beck et al., 1990), et plus tardivement aux états psychotiques. Elle sera
aussi appliquée à l’étude de la montée de la violence communautaire dans la société, dans un essai
prémonitoire publié avant les événements du 11 septembre 2001 par A.T. Beck (1999).
La thérapie comportementale et cognitive représente actuellement la forme de psychothérapie la plus
efficace dans la plupart des troubles psychologiques et psychiatriques, ainsi que le montre, à la suite de
bien d’autres, le rapport publié par l’INSERM, en 2004.
3. Schémas cognitifs et neurosciences cognitives
Un certain nombre d’auteurs, plus théoriciens que thérapeutes, ont tenté d’ancrer les schémas cognitifs
dans les neurosciences cognitives. Ainsi, Ingram et Wisnicki (1991) qui distinguent plusieurs niveaux dans
les cognitions selon un modèle que j’appellerai par commodité POPS.
1. Les Produits cognitifs qui sont accessibles à la conscience et sont faits de pensées
automatiques, d’images mentales et d’émotions.
2. Les Opérations cognitives (ou processus cognitifs) : attention, encodage, traitement de
nouvelles informations et accès aux anciennes informations.
3. Les Propositions cognitives qui sont représentées par le contenu des schémas fait de
croyances fonctionnelles ou de dysfonctionnements.
4. Les Structures cognitives : elles correspondent à l’organisation des schémas dans la
mémoire à long terme. En particulier, dans la mémoire sémantique où les schémas représentent
des règles et des abstractions. Ces schémas sont aussi reliés à la mémoire autobiographique
qui a enregistré les épisodes personnels de vie.
Le modèle POPS se fonde aussi sur des processus neurobiologiques. Des anomalies de la
neurotransmission peuvent entraîner des dysfonctionnements des réseaux de neurones, qui seront
modifiés aussi bien par des médicaments que par des thérapies cognitives et comportementales, comme
l’ont montré en particulier des travaux de neuro-anatomie fonctionnelle dans les obsessions-compulsions,
les phobies sociales et la dépression (Cottraux, 2004).
4. La thérapie des schémas précoces inadaptés
La contribution considérable de Jeffrey Young réside dans la définition, l’étude et la modification des
schémas précoces inadaptés par une forme originale de thérapie cognitive. Un premier ouvrage
scientifique très influent, publié par Young (1990, 1994), suivi d’un livre plus « grand public » en 1995,
avaient « placé sur la carte » cette notion clé. Elle est développée, avec le recul de quinze ans de
travaux, dans le présent ouvrage.
Selon Young, les schémas précoces inadaptés représentent des modèles ou des thèmes importants et
envahissants pour l’individu. Ils sont constitués de souvenirs, d’émotions, de pensées et de sensations
corporelles. Ils concernent la personne et ses relations avec les autres. Ils se sont développés au cours
de l’enfance ou de l’adolescence. Ils se sont enrichis et complexifiés tout au long de la vie. Cinq grands
domaines de fonctionnement sont explorés : séparation et rejet, manque d’autonomie et de performance,
manque de limites, orientation vers les autres, sur-vigilance et inhibition.
Le schéma n’est pas un comportement, mais les stratégies individuelles d’adaptation vont entraîner un
style relationnel particulier, pour tenter de résoudre les problèmes qu’il pose. Ainsi, par exemple, une
personne qui se sent inférieure peut soit devenir égocentrique pour compenser (personnalité narcissique),
soit se vouloir persécutée (personnalité paranoïaque), ou encore chercher la protection d’autrui
(personnalité dépendante).
Les schémas précoces inadaptés se traduisent dans des comportements autodéfaitistes, qui
apparaissent très tôt dans le développement et se répètent tout au long de la vie. Les contenus des
schémas sont latents et évités par le sujet qui ne peut reconnaître qu’ils guident sa vie. Ils représentent
donc un des éléments constitutifs de la personnalité et sont à la source des scénarios de vie, selon
lesquels un individu va répéter sans cesse les mêmes erreurs en croyant que sa vie va changer
(Cottraux, 2001).
Les schémas précoces sont mesurés par le Questionnaire des Schémas de Young dont plusieurs
versions existent. Ce questionnaire a été traduit en français et revalidé (Lachenal-Chevallet, 2002), ce qui
a, en particulier, montré qu’il présentait des scores significativement plus élevés chez des personnalités
borderline que chez des sujets tirés de la population générale. On trouvera en annexe de cet ouvrage une
version de ce questionnaire. Il existe également une forme abrégée. Elle vient d’être revalidée, dans sa
version française (Lachenal-Chevallet et al., 2004).
À la suite d’autres auteurs du courant comportemental et cognitif, Young s’est efforcé d’ancrer son
modèle dans les perspectives actuelles des neurosciences concernant les relations entre le
conditionnement émotionnel et les souvenirs traumatiques, développées par LeDoux (1996, 2003).
Cependant, les schémas ne résultent pas tous d’expériences traumatiques intenses et ponctuelles, ils
peuvent avoir été stabilisés pas des expériences précoces répétées et nocives. Le rôle du
psychothérapeute est donc « d’aider le patient à mettre des mots sur l’expérience émotionnelle du
schéma ». Ce dernier ne sera peut-être jamais complètement modifié, car il est inscrit dans le cerveau
émotionnel, mais le sujet pourra vivre une vie plus satisfaisante, à travers les modifications cognitives
émotionnelles et comportementales proposées par un thérapeute actif.
Plusieurs études contrôlées commencent à voir le jour et à démontrer l’efficacité de cette approche
dans le trouble de personnalité borderline. En particulier, une étude hollandaise a montré la supériorité de
la Thérapie Cognitive des Schémas par rapport à la Thérapie Psychanalytique après une thérapie de
trois ans (Giesen-Bloo et al., 2004). D’autres études contrôlées, dans la même indication, sont en cours
en particulier à Philadelphie (Cory Newman), à Glasgow (Kate Davidson : Boscot Project) et à Lyon et
Marseille (Jean Cottraux et Ivan Note : Programme Hospitalier de Recherche Clinique). Elles permettront
d’évaluer, de manière toujours plus précise, l’apport de cette nouvelle psychothérapie.
L’essentiel du présent ouvrage réside dans la présentation d’un modèle pratique et structuré de
psychothérapie fondé tout autant sur des interventions cognitives que comportementales. Le lecteur
intéressé à la psychologie trouvera, ici, de quoi satisfaire sa curiosité et le psychothérapeute le moyen
d’enrichir sa pratique, en particulier dans le domaine difficile du traitement des personnalités narcissiques
et du trouble de personnalité borderline.
La thérapie des schémas, en moins de quinze ans, a séduit aussi bien les psychothérapeutes que les
patients en Amérique et en Europe. Cet ouvrage magistral en présente une peinture vivante, à travers de
nombreuses histoires de cas, où les difficultés de la relation thérapeutique et la résolution des différents
problèmes rencontrés par le clinicien, sont particulièrement bien étudiées.
Jean COTTRAUX 1
Psychiatre des Hôpitaux,
Chargé de cours à l’Université Lyon 1
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Avant-propos du traducteur
Depuis ses débuts, dans les années 80, la Thérapie des Schémas a bien évolué. Le concept de Mode
est actuellement de premier ordre pour la conceptualisation et la prise en charge des troubles sévères de
la personnalité et de nouveaux Modes ont été décrits à cet effet, notamment pour aborder les
personnalités antisociales : Modes Brutal Attaquant, Prédateur, Escroc Manipulateur 2. Les patients
apprécient la conceptualisation en termes de Modes, car cette approche leur permet de se sentir
compris et reconnus dans leurs difficultés psychiques.
Elle peut s’appliquer à tous les types de troubles de la personnalité, ainsi que, de façon générale, à
tous les problèmes psychiques au long cours. Une étude récente 3 a montré son efficacité dans les
troubles de personnalité obsessionnel-compulsif, évitant, dépendant, histrionique, narcissique et
paranoïaque.
Par ailleurs, la Thérapie des Schémas a reçu validation scientifique au travers d’un certain nombre de
travaux. Une étude clinique importante 4 a comparé il y a dix ans la thérapie centrée sur le transfert de
Kernberg à la Thérapie des Schémas et a montré que la Thérapie des Schémas était d’une efficacité
incontestablement supérieure. Il a également été montré dans une méta-analyse récente de 72 études
réalisées entre 1990 et 2015, portant sur 4 463 patients ayant été traités par 16 types différents de
psychothérapies, que la Thérapie des Schémas était le traitement qui connaissait le plus faible taux
d’abandon de traitement (10 % à un an), loin devant toutes les autres méthodes 5.
L’avenir de la Thérapie des Schémas s’annonce ainsi sous des augures favorables et d’autres travaux
viendront, à n’en pas douter, conforter cette tendance.
Remerciements
Je tiens particulièrement à remercier Jean Cottraux pour le soutien qu’il a apporté à ce travail de
traduction, ainsi que pour son enseignement de thérapie cognitive et comportementale à l’Université de
Lyon 1.
Je remercie également Christine, ainsi que Marie, Jean-Loup, Camille et Rémi, pour leur contribution
au bon état de fonctionnement de mes schémas cognitifs personnels.
Enfin, j’adresse à Marie mes remerciements pour sa re-lecture de la traduction.
Notes terminologiques
Dans cette traduction, un certain nombre de termes sont présentés avec des lettres capitales : cette
façon de rédiger veut signifier que les substantifs et leurs adjectifs épithètes, repérés par une lettre
capitale, correspondent à une entité définie par les auteurs.
Ainsi, partout où le lecteur trouvera l’expression Schéma, Schéma Précoce Inadapté, il sera fait
référence aux définitions respectives de ces termes, telles qu’elles sont présentées dans le modèle
théorique (chapitre 1).
De même, chacun des dix-huit Schémas Précoces Inadaptés sera présenté tout au long du livre avec
des capitales : par exemple « Droits Personnels Exagérés/Grandeur », ou « Fusionnement/Personnalité
Atro-phiée », ou encore « Punition ». De cette manière, on différenciera aisément l’acception « punition »
au sens large de sanction et celle de « Punition » faisant référence au sens restreint de Schéma Précoce
Inadapté de Punition.
Il en sera de même pour chacun des dix modes de Schémas répertoriés par les auteurs : l’Enfant
Vulnérable, le Protecteur Détaché, sont des exemples de modes définis aux chapitres 1 et 8.
Pour traduire le terme « schema therapy », le terme de thérapie des schémas a été choisi plutôt que
celui de schéma-thérapie. Ce dernier m’a paru trop se rapprocher d’une sorte de label qui annoncerait la
naissance d’une méthode radicalement nouvelle, alors que le terme de thérapie des schémas est plus
approprié à la terminologie utilisée par Jeffrey Young dans son livre princeps « Cognitive therapy for
personnality disorders : A schema-focused approach » (1990). En parlant de thérapie des schémas, on
signifie que la thérapie cognitive des troubles de la personnalité dirige le projecteur sur les schémas
cognitifs, tout en se plaçant dans le prolongement de la thérapie cognitivo-comportementale classique.
Néanmoins, le terme de « schéma-thérapeutes » est utilisé dans ce livre pour désigner les praticiens
qui utilisent cette approche thérapeutique, ceci afin d’alléger l’écriture et d’éviter de longues périphrases.
Dr Bernard PASCAL
1 Montée Saint-Nicolas
F- 38420 Domene
E-mail : [email protected]
CHAPITRE 1
Modèle théorique de la thérapie des schémas
La thérapie des schémas est une méthode originale et intégrative développée par Young et ses collègues
(Young, 1990, 1999). Elle est une expansion des concepts et des traitements cognitivo-comportementaux
habituels. Elle rassemble des éléments issus de différentes écoles (la thérapie cognitivo-
comportementale, la théorie de l’attachement, la Gestalt-thérapie, le constructivisme et la psychanalyse)
en un modèle conceptuel et thérapeutique riche et unificateur.
La schéma-thérapie propose un nouveau système de psychothérapie, particulièrement adapté aux
patients souffrant de troubles psychologiques chroniques très enracinés, considérés jusqu’alors comme
difficiles à traiter. Dans notre expérience clinique, les patients atteints de troubles de personnalité
caractérisés, ainsi que ceux présentant des troubles de l’Axe I sous-tendus par des problèmes
caractériels importants, répondent extrêmement bien à la thérapie centrée sur les schémas (parfois
associée à d’autres approches thérapeutiques).
1. De la thérapie cognitive à la thérapie des schémas
Pour expliciter les raisons qui ont conduit Young à développer la thérapie des schémas, il est important
d’examiner le champ de la thérapie cognitive et comportementale. Les chercheurs et les praticiens
cognitivo-comportementalistes ont réalisé d’importants progrès dans le développement de traitements
psychologiques efficaces pour les troubles de l’Axe I, notamment les troubles dépressifs, les troubles
anxieux, les troubles sexuels, les troubles des conduites alimentaires, les troubles somatoformes et les
troubles liés à l’abus de substances. Ces traitements sont généralement de courte durée (environ
20 séances) et sont centrés sur la modification des symptômes, le développement d’habiletés et la
résolution des problèmes de la vie du patient.
Cependant, bien que de nombreux patients puissent être aidés par ces traitements, pour beaucoup
d’autres, il n’en est rien. Les études de suivi thérapeutique montrent généralement des taux de succès
élevés (Barlow, 2001) ; dans la dépression par exemple, le taux de succès après traitement initial est de
60 %. Mais le taux de rechute est d’environ 30 % après un an (Young, Weinberger et Beck, 2001), ce qui
laisse un nombre significativement élevé de patients pour lesquels le traitement n’a pas été efficace. Les
patients présentant des troubles de personnalité et des problèmes caractériels répondent généralement
mal aux traitements cognitivo-comportementaux classiques (Beck, Freeman et al., 1990). La thérapie
comporte-mentale et cognitive actuelle doit accepter le défi de développer des méthodes efficaces pour
gérer ces patients chroniques, difficiles à traiter.
Les troubles de personnalité peuvent mettre en échec la thérapie cognitive et comportementale
classique pour plusieurs raisons. Certains patients nécessitent un traitement pour des symptômes de
l’Axe I, tels que l’anxiété ou la dépression, mais ils ne parviennent pas à progresser au cours de la
thérapie ou alors ils rechutent une fois le traitement terminé. Prenons l’exemple d’une patiente qui
consulte pour le traitement d’une agoraphobie. On lui propose un programme de contrôle respiratoire, de
restructuration des idées catastrophiques et d’exposition progressive aux situations phobogènes ; elle
réduit alors de façon importante sa crainte des symptômes de panique et surmonte son évitement dans
de nombreuses situations. Cependant, une fois le traitement terminé, la patiente rechute de son
agoraphobie. Une vie entière de dépendance, avec des sentiments de vulnérabilité et d’incompétence –
ce que nous appelons ses schémas de dépendance et de vulnérabilité – l’empêche de s’aventurer seule
dans le monde. Elle manque de confiance en elle pour prendre des décisions, n’a pas réussi à acquérir
des habiletés telles que la conduite automobile, la gestion de son entourage, la gestion de son argent et
le choix de son avenir. Elle préfère laisser ses proches décider à sa place. Sans l’aide du thérapeute, la
patiente est incapable de maintenir les bénéfices thérapeutiques obtenus.
D’autres patients viennent en thérapie comportementale et cognitive pour le traitement de symptômes
de l’Axe I, mais après la cure de ces symptômes, il apparaît que le thérapeute doit se centrer sur des
problèmes caractériels. Par exemple, un patient entreprend une thérapie classique pour un trouble
obsessionnel compulsif. Après un programme comportemental d’exposition avec prévention de la
réponse, il parvient rapidement à supprimer les pensées obsédantes et les rituels compulsifs qui
envahissaient sa vie. Lorsque ces symptômes de l’Axe I ont disparu, et qu’il a disposé de suffisamment
de temps pour reprendre d’autres activités, il doit faire face à l’absence quasi complète de vie sociale qui
résulte de son mode de vie solitaire. Ce patient a un schéma d’imperfection, auquel il s’adapte en évitant
les situations sociales. Il est tellement sensible au rejet et aux affronts qu’il perçoit que, depuis l’enfance,
il évite la plupart des relations interpersonnelles. Il devra continuer à se battre avec son éternel
évitement pour construire une vie sociale satisfaisante.
Enfin, d’autres patients viennent en thérapie comportementale et cognitive sans symptôme spécifique
pouvant servir de cible à la thérapie. Leurs problèmes sont vagues, diffus, sans facteurs déclenchants
nets. Ils ressentent que quelque chose d’important est absent de leur vie ou va de travers. Ces patients
ont en fait des problèmes caractériels : ils sont à la recherche d’un traitement pour des difficultés
chroniques dans leurs relations interpersonnelles ou professionnelles. Comme ils n’ont aucun symptôme
significatif de l’Axe I, ou qu’ils en ont au contraire trop, la thérapie cognitive et comportementale est
difficile à utiliser chez eux.
Les patients présentant des troubles de la personnalité ne répondent pas à certaines
conditions de la thérapie cognitivo-comportementale classique.
La thérapie cognitivo-comportementale classique pose plusieurs conditions que les patients porteurs
des troubles de la personnalité ne peuvent pas toujours remplir. Ces patients présentent des
caractéristiques psychologiques qui les distinguent des cas plus simples de l’Axe I, faisant d’eux des
sujets peu propices au traitement cognitif et comportemental.
a. En effet, le patient doit tout d’abord pouvoir adhérer aux procédures thérapeutiques : la
thérapie cognitive et comportementale classique suppose que les patients soient motivés pour
soigner leurs symptômes, mettre en place des habiletés, résoudre leurs problèmes actuels.
Stimulés par le renforcement positif, ils devront se conformer aux procédures thérapeutiques
nécessaires. Cependant, dans le cadre des troubles de la personnalité, la motivation et
l’approche de la thérapie sont complexes, et les patients sont souvent récalcitrants ou
incapables d’adhérer aux techniques de la thérapie comportementale et cognitive. Il arrive qu’ils
n’accomplissent pas les tâches assignées. Ils font parfois preuve d’une grande réticence pour
apprendre des stratégies d’autocontrôle (schémas de manque de limites, par exemple). Ils sont
souvent davantage motivés pour obtenir le réconfort du thérapeute que pour apprendre des
stratégies qui pourraient leur rendre service.
b. Autre condition de la thérapie cognitive et comportementale classique : avec un peu
d’entraînement, les patients doivent avoir accès à leurs cognitions et à leurs émotions, et être
capables de les verbaliser dans la thérapie. Cependant, les patients présentant des troubles
de personnalité sont souvent incapables de le faire. Ils se montrent fréquemment détachés de
leurs émotions, à cause d’un évitement cognitif et affectif. Ils bloquent les pensées et les images
qui les perturbent. Ils évitent l’introspection. Ils évitent les souvenirs pénibles et les émotions
négatives, ainsi que beaucoup de comportements et de situations qui leur permettraient de
progresser. Des émotions négatives telles que l’anxiété ou la dépression sont activées par des
stimulus liés à des souvenirs d’enfance, rendant impérieux l’évitement de ces stimulus dans le
but de se soustaire à l’activation émotionnelle. L’évitement devient une stratégie habituelle
d’adaptation aux émotions négatives, extrêmement difficile à modifier. De plus, les sujets ayant
des schémas de dépendance aux autres peuvent se focaliser par excès sur la recherche de ce
que veut le thérapeute et, de ce fait, éprouver des difficultés à parler de leurs propres pensées
et émotions.
c. Autre condition : les patients parviennent à modifier leurs comportements et leurs cognitions
dysfonctionnels grâce à des méthodes telles que l’analyse empirique, l’analyse logique,
l’expérimentation, les étapes progressives et la répétition. Or, dans notre expérience, les
patients présentant des troubles de personnalité ont des pensées irrationnelles et des
scénarios de vie autodéfaitistes extrêmement résistants aux techniques cognitivo-
comportementales. Après des mois de thérapie, il n’y a souvent aucune amélioration durable.
d. Les patients présentant des troubles de personnalité sont particulièrement rigides sur le
plan psychologique et répondent généralement peu rapidement aux techniques de la thérapie
cognitivo-comportementale classique. La rigidité est une caractéristique des troubles de
personnalité (American Psychiatric Association, 1994, p. 633). Les problèmes de ces patients
sont égo-syntoniques : leurs scénarios de vie autodéfaitistes font partie d’eux-mêmes et ils ne
s’imaginent pas les modifier. Ces troubles font partie du cœur de leur personnalité et les
changer serait pour eux voir mourir une partie de leur être. Lorsqu’on leur propose une remise
en question, ces patients s’accrochent de façon rigide et parfois agressive à ce qu’ils ont
toujours considéré comme des vérités absolues pour eux-mêmes, et pour le monde qui les
entoure.
e. La thérapie cognitive et comportementale présuppose également que les patients puissent
établir une relation collaborative avec le thérapeute en quelques séances. Les traitements
cognitivo-comportementaux ne s’intéressent guère aux difficultés rencontrées dans le cadre de
la relation thérapeutique. De telles difficultés sont plutôt considérées comme des obstacles qui
doivent être surmontés pour obtenir la compliance du patient vis-à-vis des procédures
thérapeutiques. La relation thérapeutique n’est généralement pas considérée comme un
« ingrédient actif » du traitement. Cependant, les patients porteurs de troubles de la
personnalité ont souvent de la difficulté à former une alliance thérapeutique, ce qui reflète les
difficultés relationnelles qu’ils rencontrent en dehors de la thérapie. Beaucoup de patients
difficiles à traiter ont eu des relations interpersonnelles dysfonctionnelles qui ont commencé tôt
dans leur vie. Les perturbations au long cours dans les relations avec les proches sont une autre
caractéristique des troubles de personnalité (Million, 1981). Ces patients éprouvent souvent des
difficultés à former des relations thérapeutiques sûres. Certains d’entre eux, notamment ceux à
personnalité borderline ou dépendante, sont tellement occupés à essayer d’obtenir du
thérapeute qu’il comble leurs besoins affectifs, qu’ils sont souvent incapables de se concentrer
sur leur vie personnelle en dehors de la thérapie. D’autres, tels que ceux ayant des
personnalités narcissiques, paranoïaques, schizoïdes, obsessionnelles-compulsives, sont
souvent si hostiles ou détachés qu’ils sont incapables de collaborer avec le thérapeute. Les
relations interpersonnelles étant souvent le problème central chez ce genre de patients, la
relation thérapeutique est un des meilleurs champs d’intervention pour le diagnostic et le
traitement – champ souvent très négligé dans la thérapie cognitive et comportementale
traditionnelle.
f. Enfin, la thérapie comportementale et cognitive exige des patients des buts précis pour guider
les orientations thérapeutiques. Souvent, les patients porteurs de troubles de personnalité ne
peuvent pas remplir cette condition. Ils ont souvent des problèmes vagues, chroniques et
envahissants. Ils sont malheureux dans de nombreux domaines de leur vie et ce, aussi loin qu’ils
remontent dans leurs souvenirs. Ils estiment, par exemple, qu’ils ont été incapables d’établir une
relation amoureuse à long terme, qu’ils ne sont pas parvenus à utiliser toutes leurs capacités
professionnelles, ou bien ils trouvent leur vie trop vide. Ces thèmes de vie très larges sont
difficiles à définir en tant que cibles pour la thérapie comportementale et cognitive classique.
Nous verrons plus loin comment certains schémas spécifiques compliquent parfois pour les patients
l’accès aux bénéfices de la thérapie comportementale et cognitive classique.
2. Développement de la thérapie des schémas
Pour toutes les raisons que nous venons de décrire, Young (1990, 1999) a développé la thérapie des
schémas. Son but est de traiter les patients présentant des troubles de personnalité que la thérapie
comportementale et cognitive classique n’avait pas suffisamment pu aider : « les échecs
thérapeutiques ». La schéma-thérapie est une approche systématique qui, à partir de la thérapie
cognitive et comportementale, intègre des techniques tirées de différentes écoles de psychothérapie.
Suivant le patient, la schéma-thérapie peut être d’une durée courte, intermédiaire ou longue. C’est une
expansion de la thérapie cognitive et comportementale qui insiste sur l’exploration de l’origine des
problèmes dans l’enfance et l’adolescence, sur les techniques émotionnelles, sur la relation
thérapeutique et sur les styles d’adaptation dysfonctionnels.
Une fois que les troubles aigus de l’Axe I ont été réduits, il est licite de proposer la schéma-thérapie
pour traiter des troubles de l’Axe I ou de l’Axe II fondés sur des thèmes caractériels qui persistent tout au
long de la vie des patients. La thérapie est souvent entreprise en association avec d’autres méthodes
telles que la thérapie cognitive comportementale et un traitement psychotrope. La schéma-thérapie a
pour but de traiter les aspects caractériels chroniques des troubles et non pas des symptômes
psychiatriques aigus (tels qu’un état dépressif majeur ou bien des attaques de panique récidivantes). Elle
s’est avérée utile pour traiter la dépression chronique, l’anxiété chronique, les troubles du comportement
alimentaire, les problèmes de couple et les difficultés à long terme dans les relations intimes. Elle est
également utile pour traiter certains criminels et pour prévenir la rechute chez les toxicomanes.
La schéma-thérapie aborde les thèmes psychologiques centraux qui sont précisément ceux des
patients porteurs de troubles de personnalité. Comme nous le verrons en détail dans le paragraphe
suivant, nous appelons ces thèmes centraux les Schémas Précoces Inadaptés. La schéma-thérapie aide
les patients et les thérapeutes à clarifier les problèmes envahissants chroniques et à les organiser de
façon compréhensible. À partir de ce modèle, les patients peuvent envisager leurs problèmes de
personnalité sous un angle égo-dystonique et devenir capables de s’en débarrasser. Le thérapeute se
fait l’allié du patient pour combattre les schémas, en utilisant des méthodes cognitives, émotionnelles,
comportementales et interpersonnelles. Lorsque les patients répètent des scénarios de vie
dysfonctionnels provoqués par leurs schémas, le thérapeute les confronte de façon empathique aux
nécessités du changement. Grâce au re-parentage partiel des patients, le thérapeute comble
partiellement des besoins affectifs laissés insatisfaits depuis leur enfance.
3. Les Schémas Précoces Inadaptés
En résumé, les Schémas Précoces Inadaptés sont des modèles cognitifs et émotionnels
autodéfaitistes qui apparaissent très tôt dans le développement et se répètent tout au long de la vie. Il
faut remarquer que, d’après cette définition, le comportement d’un sujet n’appartient pas au schéma lui-
même ; selon la théorie de Young, les comportements inadaptés se développent en réponse à un
schéma. Ainsi donc, les comportements sont dictés par les schémas, mais n’en font pas partie. Nous
explorerons davantage cette idée lorsque nous discuterons des styles d’adaptation, plus loin dans ce
chapitre.
Nous croyons que ces besoins sont universels. Ils existent chez tous les individus, bien que certains
sujets aient des besoins plus importants que d’autres. Un individu sain sur le plan psychologique est une
personne qui parvient à combler de façon adaptée ses besoins affectifs fondamentaux.
Par interaction entre le tempérament inné de l’enfant et son environnement précoce, il résultera de la
frustration plutôt que de la satisfaction dans le domaine de ces besoins affectifs de base. Le but de la
schéma-thérapie est d’aider les patients à trouver des moyens adaptés pour satisfaire leurs besoins
affectifs fondamentaux. C’est la finalité de toutes nos interventions.
Nous considérons que le tempérament détermine en partie la façon dont un individu va procéder à
l’identification et l’internalisation des caractéristiques d’un personnage proche. Par exemple, un enfant au
tempérament dysthymique ne va probablement pas internaliser le style optimiste d’un de ses parents. Le
comportement du parent est tellement contraire à la prédisposition de l’enfant que celui-ci ne pourra
l’assimiler.
Émotif ↔ Aréactif
Dysthymique ↔ Optimiste
Anxieux ↔ Calme
Obsessionnel ↔ Distractif
Passif ↔ Agressif
Irritable ↔ Jovial
Timide ↔ Social
On peut concevoir le tempérament d’un individu comme un ensemble de points pris chacun sur une de
ces dimensions (à n’en pas douter, d’autres aspects du tempérament seront identifiés dans le futur).
Le tempérament émotionnel interagit avec les situations difficiles de l’enfance pour former les
schémas.
1. Des tempéraments différents exposent différemment les enfants au cours de leur enfance :
un enfant agressif sera davantage exposé à un parent mal-traitant qu’un enfant calme et passif.
2. Différents tempéraments rendent des enfants différemment sensibles à des circonstances
de vie similaires : deux enfants peuvent réagir très différemment. Considérons par exemple
deux garçons qui ont tous les deux été rejetés par leur mère. L’enfant timide se mettra
progressivement en retrait par rapport au monde, et deviendra de plus en plus dépendant de sa
mère. L’enfant sociable s’aventurera dans le monde et se créera d’autres relations, plus
positives. On a montré que la sociabilité était une caractéristique saillante chez les enfants
débrouillards, qui s’adaptent et font leur vie malgré les abus ou les négligences.
3. Dans notre expérience, un environnement particulièrement aversif ou extrêmement
favorable peut prendre le dessus d’un tempérament émotionnel, et ceci de façon significative.
Par exemple, un environnement familial sécurisant et pourvoyeur d’affection peut faire qu’un
enfant timide devienne très sociable dans un bon nombre de situations. D’autre part, si
l’environnement précoce est suffisamment rejetant, même un enfant sociable aura tendance à
s’isoler.
4. Un tempérament émotionnel extrême peut prendre le dessus d’un environnement ordinaire
et produire une pathologie, sans justification apparente dans l’histoire du sujet.
b) Schéma de Méfiance/Abus
Le patient s’attend à ce que les autres le fassent souffrir, le maltraitent, l’humilient, lui mentent, trichent et
profitent de lui. En général, la souffrance infligée est perçue comme intentionnelle ou résultant d’une
négligence extrême et injustifiable. Ceci peut aussi inclure le sentiment d’être constamment défavorisé
par rapport aux autres ou de toujours « tirer la courte paille ».
d) Schéma d’Imperfection/Honte
Le patient se juge imparfait, mauvais, inférieur ou incapable ; en faire la révélation entraînerait la perte de
l’affection des autres. Ceci peut inclure l’hypersensibilité aux critiques, au rejet et aux réprimandes. Il peut
exister une gêne à se comparer aux autres et un manque de confiance en soi. Le patient peut ressentir la
honte des imperfections perçues, qui peuvent être internes (par exemple : égoïsme, colère, désirs
sexuels inacceptables) ou externes (par exemple : défaut physique, gêne sociale).
a) Dépendance/Incompétence
Ces patients se croient incapables de faire face aux responsabilités journalières sans l’aide des autres
(par exemple : gérer son argent, résoudre les problèmes de tous les jours, faire preuve de bon sens,
aborder de nouvelles tâches, prendre des décisions). Ils disent souvent : « je suis incapable de... ». Ce
schéma se manifeste souvent par une passivité ou un manque d’initiative envahissants.
c) Fusionnement/Personnalité Atrophiée
Il s’agit d’un attachement émotionnel excessif à une ou plusieurs personnes, souvent les parents, au
détriment d’une adaptation sociale normale et d’une individualisation accomplie. C’est très souvent la
croyance qu’au moins l’un des individus liés ne peut pas survivre à l’autre ou ne peut être heureux sans
l’autre. Le patient peut avoir le sentiment d’être étouffé par les autres, de faire fusion avec eux, ou bien il
doute de lui-même et de sa propre identité. Il a le sentiment d’être vide, sans but ; ou, dans des cas
extrêmes, il se questionne sur sa propre existence.
d) Échec
Ce schéma correspond à la croyance selon laquelle on a échoué, on échouera inévitablement, on est
incapable de réussir aussi bien que les autres (études, carrière, sports, etc.). Souvent, le patient se juge
stupide, inapte, sans talent, ignorant, inférieur aux autres, etc.
a) Assujettissement
Le schéma d’assujettissement correspond à une soumission excessive au contrôle des autres, parce
qu’on se sent forcé d’agir ainsi, en général pour éviter colère, représailles ou abandon. Il existe deux
formes majeures :
Selon ce schéma, les émotions et les besoins du sujet sont perçues comme n’ayant aucune valeur ni
aucune importance. Le schéma se manifeste souvent par une docilité excessive et par un empressement
à faire plaisir, mais le patient présente une hypersensibilité aux situations dans lesquelles il ressent qu’il
se « fait avoir ». Il existe presque toujours une colère refoulée, provoquant des symptômes tels qu’un
comportement passif/agressif, des explosions de colère non contrôlées, des symptômes
psychosomatiques ou un retrait affectif.
b) Abnégation
Les patients qui ont un schéma d’abnégation ont le souci de combler les besoins des autres au détriment
des leurs. Ils agissent ainsi dans le but d’épargner aux autres de la douleur, d’éviter de se sentir
coupables d’égoïsme, d’augmenter leur estime de soi ou de maintenir un lien affectif avec une personne
qu’ils perçoivent comme nécessiteuse. Ce schéma résulte souvent d’une hypersensibilité aux souffrances
des autres. Le patient peut éprouver le sentiment que ses propres besoins ne sont jamais satisfaits et
développer un ressentiment envers ceux dont il s’occupe. (Ce schéma recouvre le concept de co-
dépendance.)
a) Négativité/Pessimisme
Ce schéma envahissant est centré sur les aspects négatifs de la vie (par exemple, la douleur, la mort, la
perte, la déception, le conflit, la trahison, la culpabilité, le ressentiment, les problèmes non résolus, les
erreurs possibles) et il en minimise les aspects positifs. Il implique généralement l’attente exagérée que,
dans des contextes divers (travail, situation financière, relations interpersonnelles), tout pourrait tourner
au pire. Ces patients ont une peur exagérée de commettre des erreurs et ils en craignent les
conséquences : ruine, humiliation, perte, situation désagréable. Comme ils amplifient les événements
potentiellement négatifs, ces patients sont fréquemment soucieux, anxieux, pessimistes, mécontents et
indécis.
b) Surcontrôle Émotionnel
Ces patients exercent un contrôle excessif sur leurs réactions spontanées (actions, sentiments, paroles),
leur but étant d’éviter la perte du contrôle de leurs impulsions ou la désapprobation d’autrui. Les secteurs
les plus concernés par ce surcontrôle sont :
– du perfectionnisme : le sujet a besoin de « bien » faire les choses, attache une importance
excessive aux détails et sous-estime son niveau de performance personnel ;
– des règles rigides : il faut faire son devoir. Ces règles s’appliquent dans de nombreux
domaines de la vie : la morale, la culture, la religion ;
– une préoccupation constante du temps et de l’efficacité : il faut toujours faire plus et mieux.
d) Punition
Le sujet a tendance à se montrer intolérant, très critique, impatient et à « punir » les autres et lui-même
s’ils n’atteignent pas le niveau de perfection qu’il exige. Il lui est difficile de pardonner les erreurs ou les
imperfections – chez lui-même ou chez les autres, parce qu’il est incapable de prendre en compte les
circonstances atténuantes, qu’il manque d’empathie et de flexibilité ou qu’il est incapable d’admettre un
autre point de vue.
EXEMPLE DE CAS
Pour illustrer le concept de schéma, examinons le cas de Nathalie, jeune femme qui demande une thérapie. Nathalie a un schéma de
Manque Affectif. Ses parents étaient froids ; bien qu’ils aient satisfait tous ses besoins physiques, ils n’ont pas su lui donner
suffisamment d’attention ou d’affection. Ils n’ont pas essayé de la comprendre. Dans sa famille, Nathalie se sentait seule.
Nathalie consulte pour un problème de dépression chronique. Elle explique à sa thérapeute qu’elle est dépressive depuis toujours.
Malgré des années de thérapie, sa dépression persiste. Nathalie est en général attirée par des hommes peu enclins à donner de
l’affection. Son mari, Paul, correspond à ce modèle. Lorsque Nathalie s’approche de Paul pour obtenir de l’affection et de la tendresse, il
s’irrite et la repousse. Ceci active le schéma de Manque Affectif de Nathalie, qui se met en colère. Cette colère est en partie justifiée, et
représente par ailleurs une réaction au comportement de son mari, qui l’aime mais ne sait pas le lui montrer.
La colère de Nathalie contribue encore davantage à l’isoler de son mari, perpétuant ainsi le schéma de Manque Affectif. Ils sont tous les
deux pris dans un cercle vicieux dirigé par son schéma. Dans son mariage, Nathalie continue à vivre le manque affectif de son enfance.
Avant de se marier, Nathalie avait rencontré un homme plus démonstratif sur le plan affectif, mais il ne l’attirait pas sexuellement, et elle
se sentait étouffée par la tendresse qu’il lui manifestait. Cette tendance à être surtout attiré par des partenaires qui activent un schéma
central est un phénomène que nous observons couramment chez nos patients (« chimie du schéma »).
Cet exemple illustre la façon dont le manque affectif au cours de la petite enfance peut conduire au
développement d’un schéma, lequel va inconsciemment se rejouer et se perpétuer dans la vie ultérieure,
conduisant à des relations interpersonnelles dysfonctionnelles et à des symptômes chroniques de l’Axe I.
Schémas inconditionnels
Abandon/Instabilité
Méfiance/Abus
Manque Affectif
Imperfection
Isolement Social
Dépendance/Incompétence
Peur du Danger ou de la Maladie
Fusionnement/Personnalité Atrophiée
Échec
Négativité/Pessimisme
Punition
Droits Personnels Exagérés/Grandeur
Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants
Schémas conditionnels
Assujettissement
Abnégation
Recherche d’Approbation et de Reconnaissance
Surcontrôle Émotionnel
Idéaux Exigeants/Critique Excessive
Les schémas conditionnels représentent souvent des tentatives d’adaptation développées à partir de
schémas inconditionnels. Vus sous cet angle, les schémas conditionnels sont « secondaires ». En voici
des exemples :
Il est habituellement impossible de satisfaire en permanence les exigences des schémas conditionnels.
Il est difficile, par exemple, de s’assujettir complètement et de ne jamais se mettre en colère. Il est
difficile de parvenir à un degré d’abnégation suffisant pour satisfaire tous les besoins des autres. Les
schémas conditionnels peuvent tout au plus être l’antichambre des schémas centraux : le sujet est
destiné à échouer bientôt et il devra donc à nouveau affronter la réalité du schéma central. (Les schémas
conditionnels ne peuvent pas tous être reliés à des schémas plus précoces. Ces schémas sont
conditionnels dans la mesure où, si l’enfant fait ce qu’on attend de lui, les conséquences qu’il redoute
pourront souvent être évitées.)
Donc, selon LeDoux, les mécanismes cérébraux qui enregistrent, stockent et récupèrent les souvenirs
émotionnels d’un événement traumatique sont différents des mécanismes qui traitent les souvenirs
conscients et les cognitions de ce même événement. L’amygdale stocke des souvenirs émotionnels, alors
que l’hippocampe et le néocortex stockent les souvenirs cognitifs. La réponse émotionnelle peut survenir
sans la participation des processus mis en jeu dans la pensée, le raisonnement et la conscience.
Ainsi, la thérapie a donc pour but d’intensifier le contrôle des schémas par la conscience, d’affaiblir les
souvenirs, les émotions, les sensations corporelles, les cognitions et les comportements associés aux
schémas.
Les traumatismes de la petite enfance interviennent aussi sur d’autres parties du corps. On a démontré
chez les primates séparés de leur mère une élévation des taux plasmatiques du cortisol. Si l’on répète les
séparations, ces modifications deviennent permanentes (Coe, Mendoza, Smotherman et Levine, 1978 ;
Coe, Glass, Wiener et Levine, 1983). Au cours des séparations maternelles précoces, on a aussi montré
des modifications neurobiologiques à long terme portant sur les enzymes de la biosynthèse des
catécholamines dans les surrénales (Coe et al., 1978, 1983) et la sécrétion hypothalamique de
sérotonine (Coe, Wiener, Rosenberg et Levine, 1985). Les recherches sur les primates suggèrent aussi
que le système des morphiniques intervient dans la régulation de l’anxiété de séparation et que
l’isolement social modifie la sensibilité et le nombre des récepteurs cérébraux aux morphiniques (van der
Kolk, 1987).
Sur tous les plans – cognitif, émotionnel, comportemental et inter-personnel – Martine agit avec ces
femmes dans le sens du maintien de son schéma. Elle ignore leurs nombreux témoignages d’amitié
(« Si elles sont gentilles, c’est à cause de Johnny. Mais elles ne m’aiment pas. ») et elle interprète de
façon erronée leurs agissements et leurs propos en leur donnant un sens négatif. Par exemple, si l’une
d’entre elles, Robin, ne demande pas à Martine d’être demoiselle d’honneur à son mariage prochain,
Martine se dépêche d’en conclure qu’elle la déteste ; et ce même si elle ne connaît Robin que depuis trop
peu de temps pour être une candidate potentielle. Martine présente de fortes réponses émotionnelles
aux événements qui ressemblent tant soit peu aux situations de son enfance qui ont généré le schéma.
Elle se sent profondément bouleversée dans toute situation qui lui évoque plus ou moins le rejet. Lorsque
Robin ne lui a pas demandé d’être demoiselle d’honneur, par exemple, Martine s’est sentie honteuse et
sans valeur. « Je me déteste », dit-elle à sa thérapeute.
Martine recherche malgré elle des relations qui sont susceptibles de reproduire celles de son enfance
entre elle et sa mère. Dans ce groupe de femmes, elle a recherché de façon très active l’amitié de celle
qui est la plus critique et à qui il est le moins facile de plaire ; comme elle le faisait avec sa mère, Martine
est toute déférence et pardon envers elle.
La plupart des patients porteurs de troubles de personnalité reproduisent, de façon autodéfaitiste, les
modes de vie négatifs de leur enfance. Ils s’engagent en permanence dans des pensées, des émotions,
des comportements et des types de relation qui maintiennent leurs schémas. De cette manière, ils
poursuivent involontairement dans leur vie adulte la répétition des conditions de leur enfance qui ont été
pour eux les plus néfastes.
Les styles d’adaptation (voir plus loin) sont des comportements qui permettent au sujet de vivre en
s’adaptant avec son schéma sans trop souffrir : ils maintiennent également les schémas en évitant leur
remise en cause. (Renforcement du schéma dans le cadre du conditionnement opérant.)
Abandon/ Instabilité Choisit des partenaires qui Évite les relations Reste collé à son partenaire qu’il
ne peuvent pas s’engager et intimes ; s’alcoolise « étouffe » au point de le
persiste dans cette relation beaucoup quand il repousser ; fait des scènes
est seul violentes à son partenaire pour des
séparations même de courte
durée
Méfiance/ Abus Choisit des partenaires qui Évite d’être en Utilise et maltraite les autres (« Je
le maltraitent et les autorise position de faiblesse les aurai avant qu’ils ne m’aient »)
à le maltraiter et de faire confiance
aux autres ; garde
des secrets
Manque Affectif Choisit des partenaires qui Évite toutes les Est affectivement exigeant avec
donnent peu d’affection et ne relations intimes ses amis proches et ses
leur demande pas de partenaires
combler ses besoins
Imperfection/Honte Choisit des amis qui le Évite d’exprimer ses Critique et rejette les autres tout en
critiquent et le rejettent pensées et ses cherchant à être parfait
sentiments réels ;
évite de laisser les
autres devenir trop
proches
Isolement Social En groupe, remarque Évite les situations Se fait caméléon pour s’adapter
exclusivement les sociales aux groupes
différences avec les autres et les groupes
plutôt que les similitudes
Dépendance/Incompétence Demande à ses proches Évite les nouveaux Développe une telle confiance en
(parents, épouse) de défis, tels soi qu’il ne demande rien à
prendre à sa place les qu’apprendre à personne (« contre-dépendant »)
décisions financières conduire
Peur du Danger ou de la Lit les journaux de façon Évite les endroits qui Agit de façon insouciante, sans
Maladie obsessionnelle à la ne paraissent pas considérer le danger (« contre-
recherche des complètement phobique »)
catastrophes ; anticipe les « sûrs »
catastrophes dans les
situations quotidiennes
Fusionnement/ Raconte tout à sa mère, Évite l’intimité ; reste Cherche à devenir le contraire
Personnalité Atrophiée même étant adulte ; vit au indépendant de ses proches
travers de son partenaire
Droits Personnels Fait faire aux autres ce qu’il Évite les situations Porte une attention excessive
Exagérés/Grandeur veut par la menace ; se où il ne se sent pas aux besoins des autres
vante de ses réussites supérieur
Abnégation Donne beaucoup aux autres Évite les situations Donne aussi peu que possible aux
et ne demande rien en qui impliquent de autres
retour donner ou de
recevoir
Recherche d’Approbation Agit pour faire impression Évite ceux dont Agit différemment des autres pour
et de Reconnaissance sur les autres l’approbation est provoquer la désapprobation ;
recherchée reste en retrait
Négativité/ Pessimisme Ne remarque que le négatif ; Boit pour masquer Est optimiste à l’excès ; refuse
ignore le positif ; se fait ses sentiments d’accepter les événements
constamment du soucis ; pessimistes et son désagréables
fait tous les efforts possibles chagrin
pour éviter d’éventuelles
conséquences négatives
Surcontrôle Émotionnel Se donne un air calme et Évite les situations Essaie maladroitement de faire le
émotionnellement terne dans lesquelles les bouffon, même si c’est de façon
gens partagent ou forcée et artificielle
expriment leurs
sentiments
Idéaux Exigeants/Critique Passe beaucoup de temps Évite et procrastine Ne se préoccupe d’aucune norme ;
Excessive à essayer d’être parfait dans les situations et accomplit les tâches à la hâte et
les tâches où l’on négligemment
juge sa
performance
Punition Se traite et traite les autres Évite les autres par Pardonne de façon trop indulgente
rudement et de façon peur d’être puni
punitive
Dissocié ↔ Intégré
Non reconnu ↔ Reconnu
Dysfonctionnel ↔ Adapté
Extrême ↔ Léger
Rigide ↔ Souple
Pur ↔ Associé
Une autre différence entre les sujets sains et les malades tient dans la puissance et l’efficacité du
mode Adulte Sain. Bien que nous ayons tous un mode Adulte Sain, celui-ci est plus fort et plus
fréquemment activé dans la population psychologiquement saine. Le mode Adulte Sain est capable de
modérer et de guérir les modes dysfonctionnels. Par exemple, lorsque des gens psychologiquement
sains se mettent en colère, leur mode Adulte Sain est capable de maintenir les émotions et les
comportements de colère sous leur contrôle. À l’opposé, les borderlines ont typiquement un mode Adulte
Sain très faible, si bien que, lorsque le mode Enfant Coléreux est activé, il n’existe aucune force
suffisamment puissante pour s’y opposer. La colère envahit presque complètement la personnalité du
patient.
La relation thérapeutique
Le thérapeute détermine et traite les schémas, les styles d’adaptation et les modes, au fur et à mesure
qu’ils apparaissent dans la relation thérapeutique. Celle-ci joue le rôle d’antidote partiel contre les
schémas du patient. Le patient internalise le thérapeute en tant qu’Adulte Sain qui se bat contre ses
schémas, à la recherche d’une vie émotionnelle satisfaisante.
Deux caractéristiques de la relation thérapeutique sont particulièrement importantes dans la schéma-
thérapie : la confrontation empathique et le re-parentage partiel. La confrontation empathique consiste à
montrer de l’empathie pour le patient lorsque ses schémas apparaissent dans la relation, tout en lui
expliquant que ses réactions contre le thérapeute sont souvent erronées ou dysfonctionnelles et qu’elles
reflètent ses schémas et ses styles d’adaptation. Le re-parentage partiel consiste à fournir aux patients,
dans les limites autorisées par la relation thérapeutique, ce que leurs parents auraient dû leur donner,
mais qu’ils n’ont jamais reçu, au cours de leur enfance. Nous discuterons de ces concepts plus loin dans
ce livre.
7. Comparaison de la thérapie des schémas aux autres modèles
Dans le cadre du développement d’une approche conceptuelle et thérapeutique, les schéma-thérapeutes
adoptent une philosophie d’ouverture et d’inclusion. Ils recherchent des solutions en « ratissant large »,
sans bien se préoccuper de savoir si leur travail doit être qualifié de thérapie cognitivo-comportementale,
de psychodynamique ou de Gestalt-thérapie. Ce qui compte surtout, c’est que les patients parviennent à
changer de façon significative. Cette attitude a contribué à donner plus de liberté aux patients et aux
thérapeutes dans leurs discussions, leurs interventions et dans la façon dont ils les mettent en œuvre.
Cependant, la schéma-thérapie n’est pas une thérapie éclectique qui procéderait d’une méthode par
essai-erreur. Il s’agit d’une théorie unifiée. La théorie et ses méthodes thérapeutiques constituent un
modèle très structuré et systématique.
Résultant d’une philosophie d’inclusion, le modèle du schéma recouvre plusieurs autres modèles
psychologiques, notamment la thérapie cognitive et comportementale, le constructivisme, la
psychodynamique, les relations d’objets et la Gestalt-thérapie.
Bien que la schéma-thérapie recouvre, par certains aspects, d’autres modèles, elle en diffère aussi par
de nombreux points importants.
Dans ce paragraphe nous allons mettre en évidence les similitudes et les différences entre la schéma-
thérapie et les récentes formulations de Beck concernant la thérapie cognitive. Nous parlerons aussi
rapidement de quelques autres approches thérapeutiques qui recouvrent de façon importante la schéma-
thérapie.
1. Les processus de contrôle défensifs qui impliquent l’évitement des pensées douloureuses par
le contenu de l’expression (par exemple en en minimisant l’importance ou en portant son
attention ailleurs).
2. Les processus de contrôle défensifs qui impliquent un évitement par la manière de
l’expression (par exemple : intellectualisation verbale).
3. Les processus de contrôle défensifs qui mettent en jeu une adaptation par un changement de
rôle (par exemple : le passage abrupt d’un rôle passif à un rôle grandiose).
Avec cette typologie, Horowitz (1997) recouvre la plupart des phénomènes représentés par la
soumission, l’évitement et la compensation de schémas.
Au cours du traitement, le thérapeute soutient le patient, agit contre l’évitement en redirigeant
l’attention du patient, interprète les attitudes dysfonctionnelles et la résistance et il aide le patient à
organiser l’essai des nouveaux comportements. Comme chez Ryle (1991), l’introspection est la partie la
plus importante du traitement. Le thérapeute éclaircit et interprète, il amène le patient à se concentrer,
dans ses pensées et son discours, sur ses processus de contrôle défensifs et ses modèles relationnels
de rôle. Le but est d’obtenir que de nouveaux schémas supra-ordonnés prennent le pas sur les schémas
immatures et inadaptés.
Si on la compare avec la schéma-thérapie, la méthode de Horowitz (1997) ne fournit pas de stratégie
thérapeutique systématique et détaillée et n’utilise pas de technique de re-parentage partiel. La schéma-
thérapie insiste davantage sur l’activation des émotions que ne le fait Horowitz. Le schéma-thérapeute
accède à ce que Horowitz nomme les états régressés – et que nous appelons le mode de l’Enfant
Vulnérable.
RÉSUMÉ
Young (1990) a initialement développé la thérapie des schémas pour traiter des patients qui n’avaient pas répondu correctement au
traitement cognitif et comportemental classique, particulièrement les patients présentant des troubles de personnalité et des problèmes
de caractère importants responsables de troubles de l’Axe I. Ces patients entrent en désaccord avec plusieurs des conditions de la
thérapie cognitive et comportementale et, de ce fait, ils sont difficiles à traiter par cette méthode. Les révisions récentes de la thérapie
cognitive des troubles de personnalité (Beck et al., 1990 ; Alford et Beck, 1997) sont plus en accord avec les conceptions de la schéma-
thérapie. Cependant, des différences significatives persistent entre ces deux approches, notamment au niveau conceptuel et dans le
cadre des stratégies thérapeutiques.
La schéma-thérapie est un modèle large et intégratif. En tant que telle, elle présente des recoupements importants avec d’autres
systèmes de psychothérapie, notamment le modèle psychodynamique. Cependant, la plupart de ces approches sont de conception
plus étroite que la schéma-thérapie, soit en termes de modèle conceptuel, soit dans le domaine des stratégies thérapeutiques. Il existe
aussi des différences significatives dans la relation thérapeutique, dans le style général du thérapeute et dans le degré d’activité et de
directivité du thérapeute.
Les Schémas Précoces Inadaptés sont des thèmes ou des modèles larges et envahissants concernant soi-même et les relations avec
les autres, et qui sont significativement dysfonctionnels. Les schémas sont faits de souvenirs, d’émotions, de cognitions et de
sensations corporelles. Ils se développent au cours de l’enfance ou de l’adolescence et s’affinent tout au long de la vie. Au départ, ils
sont des représentations adaptées et relativement précises de l’environnement de l’enfant, mais ils deviennent inadaptés et imprécis
lorsque celui-ci est devenu grand. Du fait de la recherche humaine de la continuité, les schémas se battent pour leur survie. Ils tiennent
un rôle majeur dans la façon de penser, de ressentir, d’agir des individus et dans leurs relations avec les autres. Les schémas sont
activés lorsque l’individu rencontre un environnement ressemblant à celui de son enfance qui les a produits. Lorsqu’un schéma est
activé, le sujet est envahi par une émotion négative intense. Les recherches de LeDoux (1996) sur les systèmes cérébraux mis en jeu
dans le conditionnement de la peur et dans les traumatismes proposent un modèle pour le support biologique des schémas.
Les Schémas Précoces Inadaptés sont le résultat de l’insatisfaction des besoins affectifs fondamentaux. Les expériences aversives de
l’enfance en sont l’origine principale. D’autres facteurs jouent un rôle dans leur développement, tels que le tempérament émotionnel et
les influences culturelles. Nous avons défini 18 Schémas Précoces Inadaptés, classés en cinq domaines. Ces schémas ont reçu une
confirmation empirique importante.
Nous définissons deux opérations fondamentales pour les schémas : le maintien et la guérison. La guérison de schémas est le but de la
schéma-thérapie. Les styles d’adaptation dysfonctionnels sont les mécanismes que les patients développent précocement dans leur vie
pour s’adapter aux schémas, et ils sont responsables de leur maintien. Nous avons identifié trois styles d’adaptation dysfonctionnels : la
soumission, l’évitement et la compensation. Les réponses d’adaptation sont les comportements spécifiques par lesquels ces trois
styles d’adaptation s’expriment. Il existe des réponses d’adaptation habituelles pour chacun des schémas. Les modes sont des états, ou
des facettes de la personnalité, qui mettent en jeu des schémas spécifiques ou des opérations de schémas spécifiques. Nous avons
défini quatre catégories principales de modes : les modes de l’Enfant, les modes des Styles d’Adaptation Dysfonctionnels, les modes du
Parent Dysfonctionnel et le mode de l’Adulte Sain.
La thérapie de schéma se déroule en deux phases : la phase de diagnostic et d’information du patient et la phase de changement. Dans
la première phase, le thérapeute aide les patients à identifier leurs schémas, à en comprendre les origines infantiles et à les relier à leurs
problèmes actuels. Dans la phase de changement, le thérapeute associe des techniques cognitives, émotionnelles, comportementales
et interpersonnelles pour guérir les schémas et remplacer les styles d’adaptation dysfonctionnels par des comportements plus sains.
CHAPITRE 2
Diagnostic des schémas et information du patient
Pour le diagnostic, le thérapeute va construire des hypothèses basées sur les données recueillies et
ajuster ces hypothèses au fur et à mesure qu’il accumule davantage d’informations. Lorsque le
thérapeute détermine les scénarios de vie dysfonctionnels, les schémas, les styles d’adaptation et le
tempérament émotionnel, il utilise les diverses méthodes diagnostiques que nous allons décrire, et le
diagnostic va progressivement se fondre en une conceptualisation unifiée du cas centrée sur les
schémas.
Voici maintenant un bref aperçu des étapes du processus de diagnostic et d’information. Le thérapeute
commence par l’évaluation initiale. Il détermine les problèmes actuels du patient et les buts
thérapeutiques ; il détermine également si la schéma-thérapie est bien adaptée au cas du patient.
Ensuite, il établit un historique de vie et il identifie les scénarios de vie dysfonctionnels qui empêchent le
patient de combler ses besoins affectifs de base. Ces scénarios de vie mettent généralement en jeu des
cycles qui s’autoperpétuent à long terme, ils concernent les relations interpersonnelles et professionnelles
et ils sont responsables d’une insatisfaction et de symptômes cliniques. Le thérapeute explique le modèle
du schéma ; il montre au patient qu’ils vont travailler ensemble pour identifier ses schémas et ses styles
d’adaptation. Le patient complète des questionnaires au cours des tâches à domicile, et il discute des
résultats avec son thérapeute au cours des séances. Ensuite, le thérapeute utilise des techniques
émotionnelles, notamment l’imagerie, pour accéder aux schémas et les activer ; il relie les schémas à
leurs origines infantiles et aux problèmes actuels. Le thérapeute observe les schémas et les styles
d’adaptation du patient au fur et à mesure qu’ils apparaissent dans la relation thérapeutique. Enfin, le
thérapeute détermine le tempérament émotionnel du patient.
Au cours du diagnostic, les patients arrivent à reconnaître leurs schémas et à en comprendre les
origines infantiles. Ils analysent la façon dont des scénarios de vie autodestructeurs sont apparus de
façon récurrente tout au long de leur vie. Ils identifient les styles d’adaptation qu’ils ont développés pour
gérer leurs schémas – soumission, évitement ou compensation – et ils éclaircissent la façon dont leur
tempérament individuel et les expériences précoces de leur vie les ont conduits à développer ces styles
d’adaptation. Ils relient leurs schémas à leurs problèmes actuels, de façon à ce qu’ils aient conscience
d’une continuité depuis leur enfance jusqu’à l’époque actuelle. De cette manière, leurs schémas et leurs
styles d’adaptation deviennent pour eux des concepts qui clarifient la vision qu’ils ont de leur vie.
Nous pensons que l’utilisation de plusieurs méthodes de diagnostic augmente la précision de
l’identification des schémas. Certains patients vont, par exemple, déclarer un schéma sur le
Questionnaire des Attitudes Parentales, mais pas sur le Questionnaire des Schémas de Young. Il est
plus facile pour ces patients de se rappeler les attitudes et les comportements de leurs parents que
d’accéder à leurs propres émotions. Les patients donnent parfois des informations contradictoires ou
discordantes sur les questionnaires à cause d’un évitement ou d’une compensation – processus qui
seront moins gênants dans le travail d’imagerie.
La phase de diagnostic présente un aspect à la fois intellectuel et émotionnel. Les patients identifient
leurs schémas de façon rationnelle en utilisant les questionnaires, la logique, les arguments empiriques,
mais ils vivent également leurs schémas sur le plan émotionnel grâce aux techniques émotionnelles telles
que l’imagerie. Pour décider si une hypothèse de schéma correspond au patient, on se fie
essentiellement au sentiment du patient : un schéma correctement identifié doit avoir pour lui une
résonance émotionnelle.
Au cours de la phase de diagnostic, le thérapeute utilise des méthodes cognitives, émotionnelles et
comportementales, et il observe la relation thérapeutique. Le diagnostic est ainsi une tentative dans
laquelle le thérapeute et le patient établissent et affinent des hypothèses au fur et à mesure qu’ils
recueillent des compléments d’information. Des schémas centraux apparaissent, car ces méthodes
multiples convergent vers des thèmes centraux de la vie du patient. Le diagnostic se cristallise
progressivement en une conceptualisation du cas centrée sur les schémas.
La durée nécessaire à cette phase de diagnostic est variable. Dans les cas relativement simples, cinq
séances de diagnostic pourront suffire, alors que chez des patients très compensateurs ou évitants, il
faudra davantage de temps.
1. Conceptualisation du cas centrée sur les schémas
La schéma-thérapie insiste sur la conceptualisation individualisée des cas. Plusieurs thérapeutes
cognitivistes ont fourni d’excellents exemples de formulation de cas selon la perspective cognitive
(notamment, Beck et al., 1990 ; Persons, 1989). La conceptualisation du cas centrée sur les schémas
est plus large : elle fournit un cadre intégratif qui inclut les scénarios de vie auto-défaitistes, les étapes
précoces du développement, les styles d’adaptation et les schémas. Si bien que chaque patient aura une
conceptualisation unique basée à la fois sur ses Schémas Précoces Inadaptés et sur ses styles
d’adaptation.
À la fin de la phase de diagnostic, le thérapeute complète le Formulaire de Conceptualisation de Cas
de Schéma-thérapie (voir figure 2.1). Ce formulaire comprend les schémas du patient, les liens avec les
problèmes actuels, les situations activant les schémas, les facteurs de tempérament supposés, les
origines infantiles, les souvenirs centraux, les distorsions cognitives centrales, les comportements
d’adaptation, les scénarios de vie dysfonctionnels, les effets des schémas sur la relation thérapeutique,
et les stratégies en vue du changement.
© 2002 – Jeffrey Young. Toute reproduction non autorisée par l’auteur est interdite. Pour toute demande, écrire à :
Schema Therapy Institute, 36 West 44th Street, Suite 1007, New York, NY 10036
D’autres facteurs influencent également les schémas qu’un patient va développer et la force de ces
schémas. Beaucoup de patients, tels que la deuxième femme que nous venons de décrire, ont dans leur
vie une personne proche qui contrecarre le schéma en comblant leurs besoins, l’affaiblissant ainsi ou bien
l’empêchant de se développer. Les patients peuvent aussi faire des expériences de vie qui modifient ou
guérissent le schéma. Par exemple, les patients peuvent développer des relations amoureuses saines ou
établir des relations amicales proches et parfois même guérir partiellement des schémas du domaine de
Déconnexion et Rejet. Parfois, le tempérament émotionnel d’un patient travaille contre la formation d’un
schéma. Certaines personnes se montrent psychologiquement fortes et ne développent pas de Schémas
Précoces Inadaptés, même sous des conditions très hostiles, alors que d’autres personnes seront
psychologiquement plus vulnérables et développeront des schémas inadaptés malgré un niveau de
maltraitance relativement faible.
Il est important d’identifier les schémas de façon précise, car il existe des méthodes thérapeutiques
spécifiques pour chacun d’eux. Par exemple, une patiente demande très souvent à son thérapeute de lui
donner son avis sur les problèmes qu’elle rencontre avec son petit ami. En partant de cet élément et
d’autres, similaires, son thérapeute conclut par erreur que la patiente a un schéma de Dépendance.
Comme la stratégie thérapeutique pour le schéma de Dépendance consiste à augmenter la confiance en
soi de la patiente en lui faisant prendre elle-même ses décisions, le thérapeute refuse de donner son
avis. En fait, la patiente a un schéma de Manque Affectif. Elle n’a jamais eu quelqu’un de fort à qui se
confier pour la conseiller. La stratégie thérapeutique pour le Manque Affectif consiste à re-materner le
patient en lui accordant de l’attention, de l’empathie et des conseils pour le guider – pour combler d’une
façon partielle les besoins affectifs inassouvis du patient. En voyant la patiente sous cet angle, le
thérapeute aurait directement donné son avis. Ainsi donc, l’identification correcte des schémas montre le
chemin à suivre pour une intervention adéquate.
Il est également important d’identifier de façon précise les styles d’adaptation du patient. Son
comportement primaire est-il la soumission, l’évitement ou la compensation, pour ses schémas ? La
plupart des patients utilisent un mélange de styles d’adaptation. Un patient ayant un schéma
d’Imperfection peut compenser au travail en étant très performant et compétitif mais éviter les relations
intimes dans sa vie personnelle et s’engager dans des activités solitaires. Les styles d’adaptation ne sont
pas spécifiques à un schéma : ils en sont indépendants et peuvent servir de mécanismes d’adaptation
aux émotions bouleversantes produites par de nombreux schémas différents. Par exemple, les individus
qui s’adonnent au jeu compulsif dans le but d’échapper à de fortes émotions peuvent avoir pour craintes
l’abandon, l’abus, le rejet ou l’assujettissement. Ils jouent pour éviter la douleur de tout schéma qui
provoque chez eux une souffrance psychologique.
Il est important pour le thérapeute de confirmer la valeur adaptative antérieure du style d’adaptation du
patient. Lorsque le patient a développé un style d’adaptation, il y avait une raison valable à cela : il
s’agissait de s’adapter à une situation difficile de son enfance. Cependant, le style d’adaptation est
devenu inadapté dans le monde des adultes, monde dans lequel de nouveaux choix s’offrent au patient,
et dans lequel il n’est plus à la merci de la maltraitance ou de la négligence de ses parents. S’il s’agit d’un
évitement ou d’une compensation, on peut prévoir que ce style d’adaptation deviendra problématique au
cours de la thérapie car il constituera une barrière au travail sur le schéma. Ces styles d’adaptation
rendent le schéma inaccessible à la conscience ; or il faut que le patient soit conscient de son schéma
pour pouvoir le combattre. Le style d’adaptation est également problématique car il réduit la qualité de
vie du patient, provoquant chez lui procrastination, isolement social, détachement émotionnel, dépenses
excessives, abus de drogues.
Les patients peuvent répondre aux interventions thérapeutiques qui activent leur schéma avec les
mêmes styles d’adaptation que ceux qu’ils utilisent dans la vie courante. Il est important de reconnaître
ces styles d’adaptation, parce qu’un comportement qui apparaît sain peut en fait représenter un style
d’adaptation dysfonctionnel. Le détachement calme d’un patient qui a un style d’adaptation d’évitement
peut ressembler au maintien correct d’un adulte sain, mais il indique en fait une approche dysfonctionnelle
des émotions.
En envisageant les comportements problématiques en tant que styles d’adaptation, nous pourrons
comprendre pourquoi les patients persistent à se comporter de façon autodéfaitiste. La résistance aux
changements de ces patients indique en fait qu’ils continuent à faire confiance à des réponses qui ont
fonctionné, même à un degré minime, dans le passé.
2. Le processus de diagnostic et d’information dans le détail
Nous allons maintenant détailler les étapes spécifiques du processus de diagnostic et d’information.
1. Le patient est en crise majeure dans un aspect de sa vie : le thérapeute devra d’abord
résoudre la crise avant de débuter la schéma-thérapie.
2. Le patient est psychotique.
3. Le patient présente un trouble de l’Axe I aigu, sévère, non traité. Si le patient présente, par
exemple, des attaques de panique, un trouble dépressif majeur, une insomnie, une boulimie, le
thérapeute devra gérer en premier le trouble aigu, par une thérapie cognitivo-comportementale
ou une médication psychotrope.
4. Le patient est actuellement buveur excessif ou consomme des drogues d’une façon
modérée à sévère : le thérapeute commencera par traiter le problème d’addiction ; puis il
passera au travail de schéma. Il est rarement possible de faire un travail de schéma efficace
chez les patients consommant des drogues, car celles-ci insensibilisent les patients aux fortes
émotions nécessaires à leur progrès.
5. Le problème présenté est situationnel ou ne semble pas lié à un scénario de vie ou à un
schéma.
La schéma-thérapie a été développée initialement pour traiter les troubles de personnalité, mais on
l’utilise maintenant pour de nombreux troubles chroniques de l’Axe I, souvent en association avec d’autres
méthodes. La résistance au traitement, l’anxiété récidivante et la dépression récidivante sont souvent de
bonnes indications d’adéquation de la schéma-thérapie. Lorsqu’un patient ne paraît pas présenter
clairement un trouble de l’Axe I, ou n’a pas répondu à une thérapie antérieure pour un trouble de l’Axe I,
alors la schéma-thérapie est souvent indiquée. Par exemple, un homme de 31 ans est en thérapie
cognitive et comportementale pour une dépression ; il ne parvient pas à exécuter ses tâches assignées
de façon répétitive. Le thérapeute modélise le problème sous l’angle du schéma d’Assujettissement du
patient. Les tâches assignées lui rappellent les devoirs de sa période scolaire, quand il se sentait
contrôlé par ses parents et ses professeurs et qu’il se rebellait contre l’autorité. Tout comme il le faisait
alors, le patient compense pour son schéma en ne réalisant pas ses tâches assignées. Parce que le
patient veut faire des progrès, le thérapeute peut s’allier avec lui pour combattre le schéma, de façon à
ce que le travail cognitif et comportemental soit mené à sa fin.
D’autres difficultés rencontrées en thérapie peuvent bénéficier d’une approche par les schémas, telles
que les problèmes d’assiduité et de relation thérapeutique. Lorsqu’il existe des blocages au changement,
une approche des schémas peut aider le thérapeute et le patient à conceptualiser le blocage et à trouver
des solutions. Il est souvent utile de présenter au patient le blocage comme un mode et de lui permettre
de répondre sainement à ce mode.
Tout en construisant des hypothèses sur les schémas et les styles d’adaptation, le thérapeute
recherche si certains schémas sont liés entre eux : existe-t-il des schémas qui semblent être activés
ensemble ? Nous les appelons des « schémas liés ». Marika, par exemple, présente un lien entre les
schémas de Manque Affectif et d’Imperfection. Lorsqu’elle se sent isolée affectivement, elle s’en prend à
elle. Elle attribue les négligences de James à ses propres défauts. Elle n’est pas « assez bien » pour
être aimée de façon inconditionnelle. Son sentiment de manque affectif est lié de façon inextricable à son
sentiment d’imperfection.
L’inventaire historique
L’inventaire historique donne une vision globale des problèmes actuels du patient, de ses symptômes, de
son histoire familiale, de ses images, ses cognitions, ses relations, des facteurs biologiques, de ses
souvenirs et expériences significatifs. L’inventaire est long et sera prescrit en tâche la maison. Le
formulaire demande par exemple au patient de faire la liste de ses souvenirs d’enfance : ces souvenirs
donnent des indications au sujet des Schémas Précoces Inadaptés. (Parfois, les patients qui ne font pas
état d’un abus au cours de l’entretien vont en parler dans le questionnaire. Ils ne parviennent pas à en
parler au thérapeute en face-à-face, mais sont capables de lui en parler par écrit, lorsqu’ils sont chez
eux.) Le thérapeute utilisera ces informations pour construire des hypothèses sur les scénarios de vie
dysfonctionnels, les schémas et les styles d’adaptation.
Au cours de la séance suivante, le thérapeute et le patient discutent ensemble des items fortement
cotés. Le thérapeute demandera au sujet de s’étendre sur chaque origine en donnant des exemples pris
dans son enfance ou dans son adolescence qui illustrent le comportement parental. La discussion se
poursuivra jusqu’à ce que le thérapeute ait une vision complète et précise de la contribution de chaque
parent au développement des schémas du patient. Le thérapeute explique au patient la relation entre
chaque origine et le schéma correspondant, il explique également la relation entre l’origine, le schéma et
les problèmes actuels du patient.
Le YPI n’est pas prévu pour déterminer les schémas des patients mais plutôt pour identifier les
origines des schémas fortement cotés sur le YSQ. Cependant, le YPI s’est avéré une mesure valable
indirecte pour les schémas. Si un patient cote fortement sur le YPI des items reflétant les origines d’un
schéma donné, nous observons fréquemment que le patient possède ce schéma, même s’il a été
faiblement coté dans le YSQ. L’explication la plus vraisemblable à cela est l’évitement de schémas : si les
patients sont souvent capables d’identifier avec précision le comportement de leurs parents, ils sont
parfois incapables d’avoir accès à leurs propres émotions. Donc, pour les patients qui présentent un fort
évitement de schémas, le YPI peut s’avérer une meilleure méthode d’identification des schémas que le
YSQ.
Le thérapeute compare les réponses du YPI à celles du YSQ. Si les schémas fortement cotés sur l’un
des questionnaires correspondent aux schémas fortement cotés sur l’autre questionnaire, cela ajoute de
la signification aux schémas. Les incohérences sont également riches en informations. Comme avec le
YSQ, les scores sur le YPI peuvent s’avérer bas en raison d’une stratégie d’évitement ou de
compensation. Lorsqu’une réponse apparaît anormalement basse, le thérapeute peut dire quelque chose
comme : « sur votre questionnaire de schémas, vous dites que tout au long de votre vie des gens ont
essayé de vous contrôler, mais sur l’inventaire parental, vous indiquez que votre mère et votre père n’ont
pas essayé de contrôler votre vie. Pouvez-vous m’aider à comprendre comment ces deux affirmations
sont compatibles pour vous ? » La résolution des contradictions apparentes telles que celle-ci s’avère
très utile, à la fois pour clarifier les schémas d’un patient et leurs origines et, d’autre part, pour aider les
patients à faire face aux émotions et aux événements qu’ils évitent ou qu’ils bloquent.
2.4. Déclencher les schémas par l’imagerie et comprendre leur origine dans
l’enfance ou l’adolescence
À ce moment du processus de diagnostic, le thérapeute a établi un historique de vie ciblé et il a étudié les
questionnaires remplis par le patient. Le patient et lui commencent à connaître les schémas et les styles
d’adaptation du patient, en tout cas sur le plan intellectuel.
L’étape suivante consiste à activer les schémas du patient au cours de la séance de thérapie de façon
à ce que le thérapeute et le patient puissent, tous deux, les ressentir sur le plan émotionnel. Pour ce
faire, le thérapeute utilise habituellement l’imagerie. Pour beaucoup de patients, l’imagerie est un moyen
de diagnostic puissant. Cette méthode révèle souvent de façon immédiate et dramatique des
informations centrales ; ainsi, elle représente fréquemment le moyen le plus efficace d’identifier des
schémas. Nous décrirons de façon détaillée le travail d’imagerie dans le chapitre 4. Voici un bref aperçu
de l’utilisation de l’imagerie dans un but diagnostique.
Les buts de l’imagerie diagnostique sont les suivants :
Nous commençons par expliquer au patient les principes du travail d’imagerie : l’imagerie est destinée
à les aider à ressentir leurs schémas, à en comprendre les origines infantiles, et à relier ces schémas à
leurs problèmes actuels.
Après ces explications, nous leur demandons de fermer les yeux et de laisser venir une image dans
leur esprit. Nous leur demandons de ne pas forcer cette image mais de la laisser venir toute seule. Une
fois qu’ils sont parvenus à obtenir une image, nous leur demandons de nous la décrire, à voix haute, en
parlant au présent. Nous les aidons à la rendre vive et à la ressentir émotionnellement.
L’exercice suivant est une introduction à l’imagerie, dont nous conseillons aux lecteurs d’en faire l’essai
sur eux-mêmes. Il est basé sur un exercice d’entraînement de groupe que nous avons développé pour les
thérapeutes fréquentant les ateliers de schéma-thérapie (Young, 1995).
1. Fermez les yeux, imaginez-vous dans un endroit où vous vous sentez en parfaite sécurité.
Servez-vous d’images, et non pas de mots ni d’idées. Laissez cette image venir d’elle-même.
Observez les détails, dites-moi ce que vous voyez, ce que vous ressentez, si vous êtes seul ou
avec quelqu’un. Profitez de la sensation de détente et de sécurité de cet endroit.
2. Gardez les yeux fermés, effacez cette image. Créez maintenant l’image de vous-même,
enfant, avec l’un de vos parents, dans une situation bouleversante. Que voyez-vous ? Où vous
trouvez-vous ? Observez les détails. Quel âge avez-vous ? Que se passe-t-il dans l’image ?
3. Que ressentez-vous ? Que pensez-vous ? Que ressent votre parent ? Que pense votre
parent ?
4. Engagez une discussion avec votre parent. Que lui dites-vous ? Que répond-il ? (Poursuivez
le dialogue jusqu’à sa conclusion spontanée.)
5. Envisagez ce que vous voudriez de différent chez votre parent dans l’image, même si cela
vous semble impossible. Par exemple souhaitez-vous que votre parent vous donne davantage
de liberté ? D’affection ? De compréhension ? De reconnaissance ? Moins de critique ? Qu’il
soit un meilleur modèle ? Maintenant, dites à votre parent, dans l’image, comment vous voudriez
qu’il change, en utilisant vos mots d’enfant.
6. Quelle est la réaction de votre parent ? Que se passe-t-il ensuite dans la scène ? Gardez
cette scène en tête jusqu’à sa conclusion. Que ressentez-vous à la fin ?
7. Gardez les yeux fermés. Concentrez-vous sur les émotions que vous avez en tant qu’enfant
dans cette scène. Intensifiez-les. Maintenant, en conservant ces émotions, effacez cette image
de l’enfant et remplacez-la par une image de vous-même dans votre vie actuelle, dans laquelle
vous ressentez pratiquement la même émotion. N’essayez pas de la forcer laissez-la venir toute
seule. Que se passe-t-il dans la scène ? À quoi pensez-vous ? Quelles sont vos émotions ?
Dites-le à haute voix. S’il y a quelqu’un d’autre dans cette scène, dites à cette personne ce que
vous voudriez qu’elle change dans son comportement. Comment réagit-elle ?
8. Effacez la scène et replacez-vous dans un endroit calme, où vous vous sentez en parfaite
sécurité. Relaxez-vous de façon agréable. Ouvrez les yeux.
L’imagerie à but diagnostique que nous utilisons avec les patients est semblable à celle de cet
exercice. Nous commençons et finissons par un endroit sûr. Nous demandons aux patients de créer des
images séparées de situations bouleversantes de leur enfance avec chacun de leurs parents ou avec tout
autre personnage proche de leur enfance ou de leur adolescence. Puis nous leur demandons de parler à
ces gens dans leurs images, en exprimant leurs pensées et leurs émotions, ainsi que leurs désirs à
propos du comportement de l’autre personne. Nous leur demandons ensuite de passer à une image de
leur vie actuelle où ils ressentent la même chose que dans la situation de leur enfance. Là encore, les
patients vont dialoguer avec la personne de l’image, ils diront à haute voix ce qu’ils pensent, ce qu’ils
ressentent, et ce qu’ils veulent obtenir de l’autre personne. Nous répétons ce procédé jusqu’à ce que tous
les personnages importants de leur enfance ayant contribué à la constitution des schémas soient passés
en revue. (Le chapitre 4, concernant les techniques émotionnelles, décrit en détail la façon dont le
docteur Young mène cet exercice avec un patient.)
Lorsque le thérapeute utilise le travail d’imagerie avec les patients, il est important qu’il commence tôt
dans la séance, pour laisser assez de temps à la discussion qui va suivre. Dans cette discussion, il aide
le patient à explorer les images de façon à identifier les schémas, en comprendre l’origine infantile et les
relations avec les événements actuels. De plus, le thérapeute aide le patient à intégrer le travail
d’imagerie aux informations recueillies lors des séances précédentes.
Il arrive que les patients soient inattentifs après une séance d’imagerie. En commençant le travail
d’imagerie tôt dans la séance, on s’assure de disposer de suffisamment de temps pour que le patient
récupère avant de partir. Lorsque le travail d’imagerie effraie le patient, le thérapeute s’efforce de le
mettre à l’aise. Il explique que c’est le patient qui contrôle l’image, et que même si le thérapeute lui
demande de fermer les yeux pour une plus grande concentration, il a le droit de les ouvrir si la difficulté
devient trop grande. Certains patients participent aux exercices d’imagerie non pas les yeux fermés, mais
les yeux baissés vers le sol, à cause de certaines histoires traumatiques, de sentiments de méfiance ou
d’angoisse. D’autres demandent que le thérapeute ne les regarde pas au cours des exercices. Le
thérapeute s’adapte. Après l’exercice, il peut être nécessaire au thérapeute de ramener ses patients à la
réalité du moment présent, grâce à un exercice d’attention.
Habituellement, nous commençons par une image bouleversante de l’enfance du patient, puis nous
travaillons à relier cette image à une image bouleversante de la vie actuelle du patient. Il existe
cependant une autre manière de procéder. Par exemple, si le patient arrive à la séance particulièrement
bouleversé par un événement récent, on peut utiliser une image de cet événement comme image de
départ : on demande alors au patient de créer une image de cette situation actuelle et on travaillera à
remonter le temps, en lui demandant une image d’une situation de son enfance où il a ressenti la même
chose. Il est également possible d’utiliser une image d’un symptôme du patient en tant qu’image de
départ. On dira, par exemple : « Pouvez-vous créer une image de votre dos lorsque vous avez mal ?
Décrivez-la. Que dit votre douleur ? »
EXEMPLE 1 : IMAGERIE DE L’ENFANCE
Nadine a 25 ans. Elle a demandé une thérapie pour une dépression. Nadine travaille comme chef de service dans une grande
entreprise. Elle a régulièrement des promotions professionnelles car elle est un excellent médiateur dans toutes les disputes du bureau
et parce qu’elle est toujours prête à prendre en charge des tâches que les autres préfèrent éviter. Bien qu’elle exerce ses responsabilités
à un haut niveau, le thérapeute a déterminé que sa dépression est un symptôme indiquant que son comportement professionnel est
dicté par un schéma et qu’il lui est préjudiciable.
Dans son historique de vie, Nadine explique qu’elle a été élevée dans une famille religieuse où personne n’avait le droit d’exprimer de la
colère, à l’exception de son père. Nadine est l’aînée de cinq enfants. Bien qu’elle ait une mère malade et qu’elle ait la charge de ses
frères et sœurs plus jeunes, elle n’avait pas le droit de se plaindre. Elle avait l’obligation de se sacrifier pour le bien de ses parents et de
sa fratrie, qui avaient davantage de besoins qu’elle.
Au cours du travail d’imagerie sur son enfance, Nadine rapporta un incident dans lequel elle était faussement accusée par son père
d’avoir donné à sa mère un mauvais médicament. En fait, c’est la jeune sœur de Nadine qui avait donné ce médicament, mais Nadine a
considéré qu’il était mal de mettre en cause sa sœur et elle a pris à sa charge la réprimande. Elle se tenait debout devant son père en
furie, sacrifiant sa colère à son abnégation. Quand le thérapeute lui demande de créer une image d’une situation de sa vie actuelle où
elle a ressenti la même chose, Nadine crée une image où elle reçoit un blâme au travail à la place d’un de ses subordonnés qui avait fait
une erreur.
Le schéma d’Abnégation de Nadine la rend particulièrement vulnérable à une exploitation professionnelle. Dans sa famille d’origine,
Nadine intervient dans les disputes en tant que médiateur : elle absorbe les reproches et se porte volontaire pour les tâches dont
personne ne veut. Elle s’interdit la colère, mais sa dépression grandit. Guidée par son abnégation, elle développe son manque affectif.
(Ceci est presque toujours vrai : les patients qui ont un schéma d’Abnégation ont aussi un schéma de Manque Affectif, parce qu’ils
privilégient les besoins des autres au détriment des leurs.) À la maison comme au travail, Nadine s’occupe des autres, mais personne
ne s’occupe d’elle. L’imagerie aide Nadine à reconnaître l’origine de son schéma d’Abnégation dans son enfance et à relier ce schéma à
sa dépression.
– Le patient peut refuser l’exercice, prétendant que cela ne servira à rien (réponse fréquente
chez les patients narcissiques).
– Il peut faire traîner en posant des questions ou en parlant d’autre chose, de façon à distraire
le thérapeute.
– Il peut garder les yeux ouverts ou dire qu’il ne voit qu’un « écran blanc ».
– Les images peuvent rester trop vagues pour être utilisables, ou bien le patient voit des
personnages figés.
Il y a plusieurs causes possibles à l’évitement de schéma. Certaines sont faciles à surmonter : il peut
arriver que, par souci de la performance, le patient veuille « trop bien faire » l’exercice ; ou bien qu’il soit
trop nerveux pour se concentrer. Le thérapeute parvient souvent à résoudre ces difficultés de façon
simple, en réexpliquant les principes de l’imagerie et en assurant au patient que ces difficultés peuvent
être surmontées. Le thérapeute peut également commencer l’imagerie avec un contenu moins menaçant :
il commencera par des images agréables ou neutres et il pourra ensuite introduire des images plus
pénibles.
Nous avons plusieurs méthodes pour surmonter l’évitement de schéma au cours du travail d’imagerie.
Elles sont décrites avec davantage de détails dans le chapitre 4, mais en voici un résumé rapide :
Si le patient éprouve de la difficulté à se visualiser en tant qu’enfant, le thérapeute pourra alors lui
demander de se visualiser dans l’époque actuelle, puis en tant que jeune adulte, puis adolescent, et
finalement en tant qu’enfant. On peut aussi demander au patient de visualiser son entourage proche
(fratrie, parents) tels qu’il était dans son enfance : certains patients ne parviennent pas à se visualiser
eux-mêmes, mais ils arrivent à voir d’autres personnes et des lieux de l’enfance. Les patients peuvent
aussi apporter des photographies d’eux-mêmes quand ils étaient enfants pour stimuler l’imagerie. Le
thérapeute et le patient les regardent ensemble, et le thérapeute peut demander : « Que pense l’enfant ?
Que ressent-il ? Que veut-il ? Que se passe-t-il ensuite dans l’image ? »
Il est aussi possible de conduire un dialogue avec le côté évitant du patient. Nous appelons ce côté le
mode « Protecteur Détaché » (voir chapitre 8). Le Protecteur Détaché protège le patient en supprimant
ses émotions. Le thérapeute négocie avec le Protecteur Détaché pour obtenir l’accès à la partie
vulnérable du patient où se trouvent les schémas centraux – le mode Enfant Vulnérable.
Cependant, il n’est parfois pas facile pour le thérapeute de gérer l’évitement de schéma. Si l’évitement
persiste, cela signifie que les schémas du patient sont sévères. Par exemple, les patients qui ont été
maltraités peuvent être trop méfiants pour accepter de se rendre vulnérable aux émotions. Les patients
très fragiles peuvent être trop effrayés pour accepter de vivre l’émotion liée à leurs schémas, à cause
d’un risque de décompensation. Les éviteurs et les compensateurs les plus sévères ont des difficultés
avec l’imagerie parce qu’ils sont incapables de supporter les émotions négatives. Tous les patients ont
besoin de former une alliance plus stable et plus confiante avec le thérapeute avant de se lancer dans le
travail d’imagerie.
Certains patients rencontrent de grandes difficultés à imaginer leur enfance en raison des souvenirs
traumatiques intenses qui bloquent l’évocation. Ou bien, à l’autre extrême, le manque affectif et la
négligence ont été tels que l’évocation reste vide. Ils ont très peu de souvenirs d’enfance. Dans ces cas,
le thérapeute devra obtenir des informations sur les schémas par d’autres méthodes de diagnostic.
Cependant, il est toujours possible pour les patients traumatisés ou négligés de décrire des émotions et
des sensations qui seront autant d’indices pour les schémas. Les patients peuvent, par exemple,
rapporter qu’ils se sentent pris au piège lorsqu’ils ferment les yeux ou bien qu’ils se sentent seuls. Les
sensations et les émotions peuvent aider le thérapeute à établir des hypothèses de schémas.
Émotif ↔ Aréactif
Dysthymique ↔ Optimiste
Anxieux ↔ Calme
Obsessionnel ↔ Distractif
Passif ↔ Agressif
Irritable ↔ Jovial
Timide ↔ Social
Nous émettons l’hypothèse que le tempérament est un assemblage de points sur chacune de ces
dimensions. Le tempérament influence les styles d’adaptation adoptés par les individus pour gérer leurs
schémas.
1. Il est inné et il constitue une part incontournable des réponses du sujet à son environnement.
2. Chaque tempérament présente des avantages et des inconvénients. Les patients peuvent
apprendre à accepter et à apprécier leur tempérament naturel, mais aussi à en surmonter les
inconvénients. Connaître son tempérament peut être d’une grande richesse. On ne choisit pas
son tempérament. On ne choisit pas d’être émotif, agressif ou timide. Le tempérament n’est ni
bon ni mauvais ; il est simplement notre façon d’être. Pour les patients borderlines, par exemple,
la reconnaissance de leur nature intensément émotionnelle aide souvent à la construction de
l’estime de soi : ils réalisent qu’ils ne sont pas « mauvais » en eux-mêmes à cause de leurs
émotions intenses, même si cette intensité posait des problèmes à leurs parents, mais plutôt
qu’il est dans leur nature de vivre les choses passionnément. Les patients pourront apprendre
des stratégies pour moduler leur tempérament et se comporter de façon adaptée malgré leur
construction émotionnelle.
Il faut signaler que nous n’avons pour l’instant aucune mesure adéquate pour déterminer avec certitude
le tempérament inné d’un individu. Nous devons nous contenter de suppositions obtenues grâce à un
historique détaillé. Dans un cadre clinique cependant, il n’est pas important de savoir si l’humeur qui a
caractérisé un patient tout au long de sa vie est d’origine innée ou si elle est le résultat d’expériences de
vie précoces. Le tempérament fait partie de leur vie, il est habituellement très résistant au changement
psychothérapique et de ce fait, on peut le considérer comme s’il était inné.
Pour conceptualiser le tempérament du patient, le thérapeute commence par lui poser une série de
questions relatives à ses états affectifs, telles que : « Que disent les membres de votre famille de ce que
vous étiez (sur le plan émotionnel et interpersonnel) à l’époque de votre enfance ? » ; « Êtes-vous en
général une personne énergique ? » ; « Êtes-vous en général optimiste ou pessimiste ? » ; « Que
ressentez-vous lorsque vous êtes seul ? » ; « Pleurez-vous souvent ? » ; « Perdez-vous souvent le
contrôle de vous-même ? » ; « Vous faites-vous beaucoup de soucis ? »
Les traits qui persistent tout au long de la vie du sujet ont de fortes chances de faire partie du
tempérament. C’est pourquoi, pour chacune de ces questions, le thérapeute demande si cela a toujours
été vrai pour le patient ou si cela n’a été vrai que pour certaines périodes de sa vie. Plus les états
émotionnels seront d’origine ancienne et plus ils seront persistants dans le temps, plus il est
vraisemblable qu’ils feront partie du tempérament inné et ne seront pas des réponses ponctuelles aux
événements de la vie.
En plus du questionnement, le thérapeute observera le comportement émotionnel du sujet au cours des
séances. Il considérera aussi ce qu’il ressent en présence du patient : la relation thérapeutique révèle
beaucoup d’informations sur le tempérament du patient.
– Événements actuels : les schémas sont souvent activés spontanément au cours de la vie du
patient. Les événements de la vie courante peuvent activer les schémas du patient. Le
thérapeute demandera au patient de parler des évènements qui déclenchent en lui des émotions
fortes et il lui demandera la signification de ces évènements.
– Livres et films : la prescription de films et de livres relevant des hypothèses de schémas peut
provoquer l’activation des schémas, qui sera discutée en séance.
– La thérapie de groupe : elle est un excellent moyen pour déclencher ceux des schémas qui
sont de type interpersonnel.
– Les rêves : les schémas apparaissent aussi dans les rêves. Le sujet notera ses rêves,
surtout s’ils sont récurrents ou très générateurs d’émotion, de façon à en discuter en séance.
Les rêves sont souvent le portrait des schémas du patient, et ils peuvent être le point de départ
pour un travail d’imagerie.
RÉSUMÉ
Ce chapitre traite de la phase de diagnostic et d’information de la schéma-thérapie. Cette phase comporte six buts principaux :
(1) l’identification des scénarios de vie dysfonctionnels ; (2) l’identification et l’activation des Schémas Précoces Inadaptés ; (3) la
compréhension des origines infantiles des schémas ; (4) l’identification des styles et des réponses d’adaptation ; (5) le diagnostic du
tempérament ; et (6) la formulation de la conceptualisation du cas.
Le diagnostic utilise des autoquestionnaires, des méthodes émotionnelles, comportementales et interpersonnelles. Il commence par
l’évaluation initiale, dans laquelle le thérapeute définit les problèmes actuels du patient et les buts thérapeutiques, et il évalue si le patient
présente une indication pour la schéma-thérapie. Ensuite, le thérapeute établit un historique de vie, il identifie les scénarios de vie, les
schémas et les styles d’adaptation dysfonctionnels. Progressivement, le patient remplit les questionnaires suivants en tant que tâches
assignées : (1) le questionnaire d’historique de vie ; (2) le Questionnaire des Schémas de Young ; (3) l’Inventaire des Attitudes
Parentales de Young ; (4) l’Inventaire des Attitudes d’Évitement de Young-Rygh ; et (5) l’Inventaire des Attitudes de Compensation de
Young. Le thérapeute et le patient discutent des résultats de ces questionnaires en séance, et le thérapeute explique au patient le
modèle du schéma. Ensuite, le thérapeute utilise des techniques émotionnelles, particulièrement l’imagerie, pour accéder aux schémas
du patient, pour les activer, pour établir la relation entre ces schémas et leurs origines infantiles, ainsi que la relation avec les problèmes
actuels du patient. Tout au long de ce processus, le thérapeute observe les schémas du patient ainsi que ses styles d’adaptation au
cours de la relation thérapeutique. Enfin le thérapeute établit le tempérament émotionnel du patient. Le thérapeute et le patient formulent
et affinent des hypothèses, si bien que le diagnostic aboutit progressivement à une conceptualisation du cas.
L’évitement de schéma est l’obstacle le plus habituel au travail de diagnostic par imagerie. Nous présentons des méthodes pour
surmonter l’évitement de schéma dans l’imagerie, telles que l’explication des principes du travail d’imagerie au patient ; la revue des
avantages et des inconvénients qu’il y a à pratiquer cet exercice ; le démarrage avec une imagerie douce et l’introduction progressive
d’images plus chargées émotionnellement ; la conduite d’un dialogue avec le côté évitant du patient (travail sur les modes de schémas) ;
l’utilisation de techniques régulatrices telles que la méthode de pleine conscience (« mindfulness ») ou la relaxation ; et la prescription de
psychotropes.
CHAPITRE 3
Méthodes cognitives
Le thérapeute se place donc en empathie avec la raison qui fait que Marika se comporte d’une façon si
agressive avec James – c’était pour elle la seule façon d’obtenir quelque chose de son père – tout en lui
présentant les conséquences négatives de ce comportement et l’intérêt de se montrer plus vulnérable
avec James.
3. Techniques cognitives
Il est important pour le thérapeute d’utiliser les techniques cognitives dans un certain ordre, lequel
assurera la bonne construction de l’ensemble stratégique cognitif.
1. Je ne suis pas comme les autres. Je suis différente et je l’ai toujours été.
2. Ma famille était différente des autres.
3. Ma famille était honteuse.
4. Personne ne m’a jamais aimée ni n’a jamais fait attention à moi lorsque j’étais enfant. Je n’ai
jamais appartenu à quiconque. Même mon père ne s’occupait pas de moi, il ne me voyait pas.
5. Avec les autres, je suis égoïste, j’ai peur, je suis horrible, obsédée, artificielle, maladroite.
6. Je ne sais pas me comporter avec les autres. Je ne connais pas les règles.
7. Avec les autres, je suis servile et complaisante. J’ai tellement besoin d’être acceptée et
approuvée.
8. J’ai trop de colère en moi.
Il faut signaler que malgré la critique qu’elle fait de ses capacités sociales, elle est en fait hautement
capable, socialement parlant. Elle a un problème d’anxiété sociale, mais pas d’habileté sociale.
Naturellement, Shari a trouvé très difficile de composer la seconde liste, celle des arguments contre le
schéma. Parvenue à cet exercice, elle ne trouve rien à écrire du tout. Bien qu’elle ait réussi, aussi bien
sur le plan personnel qu’au niveau professionnel, et qu’elle ait de nombreuses qualités, elle ne parvient
pas à se décrire positivement. Le thérapeute doit intervenir et lui suggérer chacun des arguments.
Le thérapeute pose des questions dirigées pour tirer du patient des arguments contre le schéma. Par
exemple, lorsqu’un patient à un schéma d’Imperfection, comme Shari, il peut lui demander : « est-ce que
quelqu’un vous a déjà aimée ? Est-ce que vous essayez d’être quelqu’un de bien ? Qu’y a-t-il de bon chez
vous ? Y a-t-il quelqu’un qui vous est cher ? Quels compliments vous a-t-on déjà faits ? » De telles
questions, souvent formulées d’une manière extrême, forcent le patient à créer des informations
positives. Le thérapeute et le patient vont développer progressivement une liste des qualités du patient.
Plus tard, le patient pourra utiliser cette liste pour contrer son schéma.
Voici la liste que Shari a établie avec l’aide de son thérapeute.
Il est important que le thérapeute écrive les arguments contre le schéma parce que les patients ont
tendance à les oublier rapidement.
Shari a de la chance, car il existe une quantité d’arguments contre son schéma d’Imperfection. Les
patients n’ont pas tous autant de chance. Lorsqu’il n’y a pas beaucoup d’arguments pour contredire le
schéma, le thérapeute le reconnaît, mais il dit : « il ne faut pas que ça se passe comme ça. »
Par exemple un homme ayant un schéma d’Imperfection peut n’être aimé que par très peu de gens dans
sa vie. En se soumettant à son schéma (en choisissant des personnes proches qui sont critiques et qui le
rejettent facilement), en évitant le schéma (en soutenant l’écart des relations intimes) ou en compensant
le schéma (en traitant les autres de façon arrogante et en les repoussant), ce patient peut passer une vie
entière sans amour. Le thérapeute lui dit :
« Je reconnais que vous n’avez pas développé de relations d’amour au cours de votre vie, mais il y a à cela une bonne raison. Si cela
vous est si difficile, c’est à cause de ce qui vous est arrivé lorsque vous étiez enfant. Vous avez appris très tôt à vous attendre à la
critique et au rejet, vous avez cessé d’aller vers les gens. Mais nous pouvons changer ce mode de vie. Nous pouvons travailler
ensemble pour vous aider à choisir des gens qui sont chaleureux, qui vous acceptent et que vous parviendrez à laisser entrer dans
votre vie. Vous pouvez travailler à devenir progressivement proche de ces gens et à les laisser progressivement entrer dans votre
intimité. Vous pourriez essayer de cesser de vous dénigrer vous-même ainsi que les autres. Si vous passez par ces étapes, les choses
pourront devenir différentes pour vous. Nous allons travailler à ça dans la thérapie. »
Au fur et à mesure que la thérapie progresse et que le patient développe ses capacités à former des
relations intimes, le thérapeute et le patient peuvent ajouter des informations à la liste des arguments qui
contrent le schéma.
Dans une autre étape du processus d’étude des arguments, les patients étudieront la façon dont ils
réduisent l’importance des arguments contraires au schéma. Ils mettent par écrit la façon dont ils nient
ces arguments. Par exemple, Shari fait la liste des moyens qu’elle utilise pour nier les arguments contre
son schéma d’Imperfection.
1. Je me dis que je berne mon mari et mes enfants ; ils m’aiment mais ils ne me connaissent
pas réellement. S’ils me connaissaient mieux, ils ne m’aimeraient pas.
2. J’en fais plus pour ma famille et mes amis que je n’en fait pour moi-même ; ensuite, je me dis
que c’est la seule raison qui fait qu’ils s’intéressent à moi.
3. Lorsque les gens me font des compliments, je ne les crois pas. Je pense qu’ils disent ça pour
une autre raison.
4. Je me dis que je ne suis sensible aux sentiments des autres que par faiblesse. J’ai trop peur
de m’affirmer moi-même.
5. Je me reproche de m’être mise en colère lorsque je m’occupais de ma mère.
Après avoir écrit comment ils pouvaient nier ces arguments, les patients reconsidèrent les arguments
contradictoires au schéma. Le thérapeute montre que le fait de nier les arguments allant à l’encontre du
schéma est simplement une autre forme de maintien du schéma.
Finalement le thérapeute reprend les arguments en faveur du schéma et les réorganise. S’il s’agit d’un
argument tiré de l’enfance, le thérapeute va le reformuler en tant que problème lié aux parents ou au
système familial. Si c’est un argument tiré de la vie ultérieure, le thérapeute montre qu’il s’agit d’un
processus de perpétuation du schéma, qui a permis de transformer le schéma en une prophétie qui
s’auto-accomplit au cours de la vie du patient.
Cet exercice aide Kim à faire face à la réalité de la situation. Si elle continue sur le style d’adaptation
actuel dans le cadre de son schéma d’Abandon, elle est certaine de finir sa vie seule. Cependant, si elle
accepte de tolérer son anxiété et de s’engager dans une relation prometteuse, il deviendra possible
qu’elle obtienne ce qu’elle désire le plus : une relation stable avec un homme qui va guérir son schéma
d’Abandon, plutôt que de le renforcer.
Le patient change de chaise en changeant de côté dans son rôle. Le thérapeute continue l’exercice
jusqu’à ce que le côté sain ait le dernier mot.
Pour la plupart des patients, il faut beaucoup de temps et d’entraînement avant de pouvoir jouer le côté
sain avec assurance. Il faut répéter cet exercice pendant plusieurs mois pour mettre en pièces le schéma
et renforcer le côté sain. Le thérapeute demande au patient de répéter les dialogues jusqu’à ce qu’il
puisse jouer le côté sain de façon autonome. Cependant, même lorsqu’ils arrivent à tenir le rôle du côté
sain, les patients disent encore : « Je ne crois pas vraiment au côté sain. » Le thérapeute peut
répondre : « la plupart des patients ressentent la même chose que vous à ce point de la thérapie : ils
comprennent intellectuellement le côté sain, mais sur le plan affectif, ils ne l’admettent pas encore. Tout
ce que je vous demande de faire pour l’instant, c’est de tenir un langage qui vous semble vrai au niveau
logique. Plus tard, nous travaillerons à placer sur un niveau émotionnel ce que vous dites actuellement. »
FIGURE 3.1
Fiche de schéma (« MÉMO-FLASH »)
© 1996 – Jeffrey Young, PhD, Diane Wattenmaker, RN & Richard Wattenmarker, PhD.
Toute reproduction non autorisée par l’auteur est interdite. Pour toute demande, écrire à :
Schema Therapy Institute, 36 West 44th Street, Suite 1007, New York, NY 10036.
Le thérapeute demande aux patients de transporter avec eux des copies du Journal de Schémas au
cours de leurs activités quotidiennes. Lorsqu’un schéma s’active, le patient remplit le journal de façon à
pouvoir travailler le problème et parvenir à une solution saine. Le Journal de Schémas demande aux
patients d’identifier les événements activateurs, les émotions, les pensées thématiques, les
comportements, les schémas, les pensées saines alternatives, les idées réalistes, les réactions
excessives, les comportements sains.
Exemple : Émilie a 26 ans. Elle vient de commencer à travailler en tant que directrice de projets dans
une fondation artistique. Son schéma d’Assujettissement fait qu’il lui est difficile de gérer son personnel.
Elle rencontre les plus grandes difficultés avec une subordonnée nommée Jane, qui est dominante et
condescendante. Au moment où Émilie commence sa thérapie, elle laisse son personnel prendre la
plupart des décisions administratives qui lui sont propres. Lorsque Jane se comporte avec elle de façon
coléreuse, Émilie s’excuse. « C’est comme si elle était mon patron, alors que c’est moi le patron. »
FIGURE 3.2
Le journal de schémas d’Émilie
Au cours de la thérapie, Émilie identifie son schéma d’Assujettissement et en explore l’origine dans son
enfance. Elle observe quand son schéma l’empêche de s’affirmer, particulièrement avec Jane. Émilie a
rempli le Journal de Schémas (voir figure 3.2) à son travail, après que Jane a demandé un entretien avec
elle en fin de journée.
RÉSUMÉ
Les stratégies cognitives permettent au patient une prise de conscience intellectuelle du caractère inexact ou excessif du schéma. Le
thérapeute et le patient commencent par envisager le schéma comme une hypothèse qui doit être testée. Ils passent en revue, dans le
passé du patient et dans sa vie actuelle, les arguments qui confirment le schéma et ceux qui le réfutent. Ensuite, le thérapeute et le
patient créent des explications alternatives aux arguments en faveur du schéma. Le thérapeute attribue les arguments provenant de
l’enfance à une dynamique familiale perturbée, et les arguments postérieurs l’enfance au maintien de schémas. Le thérapeute aide le
patient à mener des dialogues entre le « côté du schéma » et le « côté sain ».
Ensuite, le thérapeute et le patient font la liste des avantages et des inconvénients des styles d’adaptation actuels du patient, et le patient
s’engage à chercher des comportements plus adaptés. Il met en pratique ces comportements sains, tout d’abord en utilisant des fiches
mémo-flash et ensuite en remplissant le Journal de Schémas. Les étapes du travail cognitif s’imbriquent de façon séquentielle et se
construisent l’une l’autre. Le travail cognitif prépare le patient au travail émotionnel, comportemental et interpersonnel qui lui fait suite.
Le thérapeute et le patient vont continuer le travail cognitif tout au long du processus thérapeutique. Au fur et à mesure que la thérapie
progresse, les patients complètent la liste des arguments qui contredisent leurs schémas. Par exemple, lorsque Émilie est devenue
plus indépendante dans ses décisions et s’est mise à se comporter de façon plus active dans son travail, elle a commencé à avoir
beaucoup de succès. Si bien qu’un des dirigeants a souhaité lui parler du budget. Plutôt que de se sentir faible et de procrastiner, Emilie
a préparé la rencontre. Elle a joué en rôle la rencontre au cours d’une séance de thérapie, en étudiant tous les aspects pratiques. Au
moment de la rencontre, Emilie a pu répondre à toutes les questions du conseil d’administration et suggérer de nouvelles idées. En
continuant ses progrès, elle a accumulé de plus en plus d’arguments contre son schéma d’Assujettissement. En se battant contre son
schéma et en améliorant ses réponses d’adaptation, sa vie s’est mise à lui prouver de plus en plus que son schéma était faux.
CHAPITRE 4
Méthodes émotionnelles
Chez la plupart de nos patients, les techniques émotionnelles apparaissent comme étant celles qui
produisent le changement le plus profond. Grâce au travail émotionnel, les patients parviennent à faire le
passage depuis la connaissance intellectuelle qu’ils ont acquise de l’inexactitude de leurs schémas vers la
conviction émotionnelle de cette fausseté. Alors que les techniques cognitives et comportementales tirent
leur puissance de l’accumulation de petits changements réalisés grâce à la répétition, les techniques
émotionnelles sont beaucoup plus radicales. Elles tirent leur puissance de quelques expériences
émotionnelles correctives profondément convaincantes. Chez l’être humain, la capacité à traiter les
informations devient beaucoup plus efficace lorsqu’une émotion est présente : cette constatation est à la
base de ces techniques.
Ce chapitre décrit les techniques émotionnelles que nous utilisons le plus souvent au cours de la
schéma-thérapie.
1. Imagerie et dialogues durant la phase diagnostique
Le plus souvent, nous exposons brièvement le travail d’imagination. Nous expliquons que le but de ce
travail est de leur faire ressentir leurs schémas et de leur faire comprendre comment ceux-ci ont débuté
au cours de leur enfance. L’imagerie va donc approfondir la compréhension intellectuelle qui découle du
travail cognitif par une compréhension émotionnelle.
Début de l’imagerie
Au cours du travail d’imagerie, le principe est de fournir au patient le minimum d’information nécessaire
pour qu’il produise une image utilisable. Nous voulons que les images produites par les patients soient
complètement leur œuvre. Le thérapeute évitera de faire des suggestions et il interviendra aussi peu que
possible. Le but est de saisir de la façon la plus précise possible l’expérience du patient, plutôt que
d’insérer dans l’image les propres idées ou hypothèses du thérapeute. On cherche à obtenir des images
centrales – celles qui sont reliées à des émotions primaires telles que la peur, la colère, la honte ou la
tristesse – celles qui sont liées aux Schémas Précoces Inadaptés du patient.
Généralement, le thérapeute donne au patient les instructions suivantes : « fermez les yeux et laissez
une image flotter dans votre esprit. Ne forcez pas cette image ; laissez simplement une image venir dans
votre tête et dites-moi ce que vous voyez. » Le thérapeute demande au patient de décrire l’image à voix
haute, à la première personne et au présent de l’indicatif, comme si les choses se produisaient à l’instant
même. Le thérapeute demande au patient d’utiliser des images et non pas des mots ou des pensées :
« L’imagerie n’a rien à voir avec la libre association des idées, dans laquelle une pensée conduit à une
autre ; plus précisément, il s’agit de regarder un film à l’intérieur de votre esprit. Mais plutôt que de
regarder simplement ce film, je vous demande d’être dans le film et de vivre tous les événements qui
s’ensuivent. » Ayant ce but en tête, le thérapeute aide le patient à préciser l’image, à la rendre vivante et
à être très concentré sur cette image.
Le thérapeute peut aider le patient en posant des questions telles que : « Que voyez-vous ? » ;
« Qu’entendez-vous ? » ; « Est-ce que vous vous voyez dans l’image ? À quoi ressemble votre visage ? »
Une fois l’image bien distincte, le thérapeute explore les pensées et les émotions de tous les
personnages de l’image. Est-ce que le patient est dans cette image ? Que pense-t-il ? Que ressent-il ?
Dans quelles parties du corps ressent-il ces émotions ? Qu’a-t-il envie de faire ? Y a-t-il quelqu’un d’autre
dans l’image ? Quels sont les pensées et le sentiment de cette personne ? Qu’est-ce que cette personne
a envie de faire ? Le thérapeute demande au patient de parler à voix haute et de faire dire à chacun des
personnages à son tour ce qu’il ressent. Comment les personnages se voient-ils les uns les autres ?
Quelles sont leurs envies vis-à-vis des autres ? Peuvent-ils les exprimer à voix haute ?
Le thérapeute met fin à la séance d’imagerie en demandant au patient d’ouvrir les yeux et il lui pose
alors des questions telles que : « Que pensez-vous de cette expérience ? » ; « Que signifiaient pour vous
ces images ? » ; « Quels en étaient les thèmes ? » ; « Quels sont les schémas liés à ces thèmes ? »
Le thérapeute cherche non seulement à aider les patients à ressentir leurs schémas très intensément,
mais il essaye aussi de vivre l’image avec le patient de façon à la comprendre à un niveau émotionnel.
Cette sorte d’empathie empirique avec l’imagerie du patient est une méthode puissante pour
diagnostiquer les schémas.
Le thérapeute aide Hector à produire une image et à la vivre comme s’il s’agissait du moment présent.
Certains points sont importants pour faire imaginer un endroit sûr. Contrairement à l’imagerie
habituelle, dont le but est de déclencher des émotions négatives, le but de l’imagerie d’un endroit sûr est
d’apaiser le patient. Le thérapeute essaie d’apaiser et de relaxer le patient, en évitant des éléments
négatifs. Le thérapeute exprime ses idées en termes positifs : par exemple, plutôt que de dire, « il n’y a
aucun danger », le thérapeute dira « vous êtes dans un endroit sûr », plutôt que de dire, « vous n’êtes
pas anxieux », il dira « vous vous sentez détendu. » Le thérapeute éloigne le patient des thèmes à forte
charge psychologique et s’efforce de provoquer des images chaleureuses, réconfortantes et
encourageantes.
Certains patients – particulièrement ceux qui ont eu des expériences infantiles traumatiques d’abus ou
de négligence – sont incapables de produire seuls des images d’un endroit sécurisant. Ils n’ont peut-être
jamais connu un endroit calme et sécurisant. Le thérapeute aide ces patients à construire des images
d’endroit sûr. On peut choisir des scènes naturellement belles, telles que des plages, des montagnes,
des prés ou des forêts. Cependant, même avec de l’aide, certains patients sont incapables d’imaginer un
endroit quelconque où ils se sentent en sécurité. Lorsque cela se produit, le thérapeute peut se servir de
son bureau en tant qu’endroit sécurisant : le thérapeute demande au patient de regarder autour de lui et
de décrire tout ce qu’il voit, entend, ressent, jusqu’à ce qu’il déclare se trouver détendu. Il est quelquefois
indispensable de repousser le travail d’imagination à plus tard dans la thérapie, lorsque les patients se
sentiront en confiance avec le thérapeute et qu’ils pourront imaginer son bureau en tant qu’endroit
sécurisant.
Le thérapeute commence par une image non structurée, en demandant simplement aux patients de
créer une image bouleversante tirée de leur enfance. Ceci donne aux patients la possibilité de s’exprimer
sur tout ce qui leur a paru difficile dans leur enfance. On passe ensuite à des images structurées, faisant
intervenir tous les proches, de façon à s’assurer que l’on passe en revue tout ce qui a pu contribuer aux
schémas.
EXEMPLE DE CAS
L’exemple suivant est tiré d’une séance d’imagerie où le docteur Young traite Marika, la patiente présentée dans le chapitre 2, qui a
demandé une thérapie pour l’aider dans ses problèmes conjugaux. Elle explique qu’elle souffre d’une carence d’intimité dans son
mariage et que son mari, James, est distant, critique, désagréable.
Dans ses questionnaires, Marika a indiqué que son père était « distant », « sarcastique » et qu’avec lui, « il fallait se contenter des
miettes ». Elle a déjà pratiqué l’imagerie d’un endroit sécurisant avec son thérapeute. Dans cet extrait, le thérapeute demande à Marika
de se concentrer sur une image bouleversante de son père alors qu’elle était enfant.
Thérapeute : Êtes d’accord pour faire un exercice maintenant ?
Marika : Oui.
Thérapeute : Bien, maintenant fermez les yeux un moment.
Marika : O.K.
Thérapeute : Vous allez garder les yeux fermés, et je vais vous demander de vous imaginer avec votre père lorsque vous étiez enfant.
N’essayez pas de forcer l’image, laissez-la venir toute seule.
Marika : O.K.
Thérapeute : Que voyez-vous ?
Marika : (Elle se met brusquement à pleurer.) Je suis là, il est assis, il lit son journal, il a une chemise blanche, il a des crayons dans la
poche de sa chemise. Je vais vers lui, je tapote un peu son journal ; il me regarde et il me dit : « Tu m’ennuies ». Mais je sais qu’il va me
laisser grimper sur ses genoux. (Elle pleure doucement.)
Thérapeute : C’est un peu comme s’il ne voulait pas vous soyez là.
Marika : Je sais qu’il va me laisser monter sur ses genoux et alors je m’assieds sur ses genoux ; il pourrait me lire une histoire, mais il
lit toujours les histoires qu’il a décidées de lire lui, et pas celles que je voudrais. Alors je commence à prendre ses crayons dans sa
poche, il me les fait toujours remettre en place, il veut que je les remette en place. Et après si je continue, il me prend les doigts et les
retourne en arrière. Et ça fait mal et j’appelle « mon oncle » et je me sauve. Ou bien je reste là et je me fais toute gentille, pour qu’il...
(Longue pause.).
Thérapeute : Pour qu’il vous aime encore ?
Marika : Pour qu’il m’aime encore.
Thérapeute : Donc, il semble que vous deviez faire tout ce qu’il veut ; est-ce que ça se passe toujours comme ça ?
Marika : Oui.
Thérapeute : Et vous n’avez toujours que les miettes, quand il vous donne quelque chose, même si ce n’est pas ce que vous voulez.
Marika : Oui.
Thérapeute : Dans l’image maintenant, pouvez-vous dire à votre père comment vous auriez voulu qu’il soit ?
Marika : D’accord.
Thérapeute : Pensez bien à lui dire ce que vous voulez, ce dont vous avez besoin.
Marika : Eh bien, j’aurais voulu qu’on sorte et qu’on aille se promener dans la rue. J’aurais voulu que tu souries un peu plus. Et j’aurais
voulu que tu nous emmènes, mon frère et moi, quelque part pour jouer avec nous. Mais tu ne voulais jamais jouer avec nous.
La première chose que l’on remarque dans cette séance d’imagerie avec Marika, c’est la rapidité avec
laquelle ses sentiments changent. Dès qu’elle ferme les yeux et qu’elle s’imagine son père, elle se met à
pleurer. Cette modification rapide des émotions du patient est très habituelle au cours du travail
d’imagerie.
L’émotion principale qu’exprime Marika dans cette séance est la peine : ses pleurs expriment de la
peine car ses besoins affectifs ne sont pas comblés par son père. Le thème central est le Manque
Affectif – son père rechigne à prêter attention à elle et à lui donner une affection physique et il manque
d’empathie pour ses sentiments. Il semble ne pas s’intéresser à elle. Ceci est la base du Manque
Affectif : le parent est séparé émotionnellement de l’enfant. L’enfant persiste à essayer d’obtenir une
relation avec son parent, mais le parent donne rarement suite à cette demande.
Marika a deux autres schémas liés : Assujettissement et Méfiance/Abus. Tout se trouve dans le
comportement du père : il condescend à laisser Marika grimper sur ses genoux ; ils lisent ensemble les
histoires qu’il a décidé de lui lire. Quand elle est avec lui, elle doit faire ce qu’il veut. Il la contrôle ; elle n’a
aucun pouvoir lui permettant d’obtenir son attention et son affection. Elle doit « être gentille » pour être
acceptée, même si son père lui tord les doigts – elle doit accepter les mauvais traitements si elle veut
obtenir l’attention de son père.
Un thème plus subtil mais très important est l’Imperfection. La plupart des enfants négligés ont le
sentiment que si leurs parents ne s’occupent pas d’eux, c’est parce qu’ils n’en valent pas la peine.
L’indifférence du père de Marika à son égard représente un rejet, thème qui fait partie du schéma
d’Imperfection. Marika veut être digne de l’amour de son père, et lorsqu’elle fait face à l’incapacité de
son père à lui donner de l’amour, elle ressent qu’elle est la seule fautive. Elle se sent incapable d’être
aimée. (Ce thème émerge plus clairement au cours de l’avancement de la séance.)
Presque tout ce que Marika dit à James dans cette image, elle aurait pu le dire à son père. Les
thèmes sont les mêmes. C’est le Manque Affectif : Marika veut que James prête attention à elle,
l’écoute, s’amuse avec elle. Il y a l’Assujettissement : James pose les conditions de leur relation. Comme
il travaille beaucoup, c’est à lui de décider quand il dispense son affection. Marika n’a aucun droit pour
faire une demande quelconque. Et il y a l’Imperfection : Marika veut que James la trouve séduisante et
qu’il soit content auprès d’elle, plutôt qu’il ne se comporte en la rejetant.
Le thérapeute fait ressortir le thème central dans les relations de Marika avec son père et son mari.
Les deux hommes renforcent son sentiment de manque affectif. Le thérapeute continue par la description
du schéma d’Imperfection de Marika.
Thérapeute : Voyons un autre schéma qui me paraît problématique, celui d’Imperfection, c’est-à-dire du sentiment que vous avez d’être
intérieurement défectueuse ou d’être incapable d’être aimée. Il me semble qu’une bonne partie de ce que vous avez décrit avec votre
père pourrait relever de ce sentiment. Il a pu vous faire ressentir qu’il y avait chez vous quelque chose de mauvais qui faisait que vous
ne pouviez jamais obtenir son attention, quelque chose qui faisait qu’il ne voulait pas être avec vous, qu’il vous regardait d’une façon
aussi dédaigneuse. Cela a pu créer chez vous, je pense, le sentiment profond d’être d’une certaine façon inadéquate ou de ne pas
correspondre à ses besoins ou ses attentes. Est-ce que cela vous paraît correct ?
Marika : (elle pleure.) Oui. Et aussi un problème de féminité, parce qu’il ne se passe pas une journée de ma vie où je ne critique mon
aspect. Mes cheveux sont trop raides, je suis trop grosse, je ne suis pas assez belle, etc., aussi loin que remontent mes souvenirs,
parce que c’est ce que disait ma mère.
Thérapeute : Et, implicitement, c’est ce que faisait votre père aussi ; en ne vous prêtant aucune attention, en vous ignorant, il vous
faisait ressentir que vous n’étiez pas suffisamment bien – qu’il y avait chez vous des défauts qui faisaient qu’il ne voulait pas faire
attention à vous. Si bien que, entre les critiques de votre mère et l’indifférence de votre père, vous pouviez avoir le sentiment qu’il était
normal qu’on vous critique, voyez-vous ce que je veux dire ?
Marika : (elle soupire profondément.) Oui.
Le thérapeute fait ressortir le fait que Marika agit en renforçant son schéma d’Imperfection.
Thérapeute : Et je me demande si ce sentiment, le sentiment d’imperfection, vous en avez bien conscience. Vous continuez à le faire
fonctionner, vous continuez à vous trouver des défauts, vous continuez à trouver de nouveaux arguments, votre poids ou votre aspect
physique, que vous utilisez pour vous diminuer, pour garder votre sentiment de défaut. Vous voyez ce que je veux dire ?
Marika : Oui. C’est automatique. Même si je pesais 60 kilos, il y aurait encore quelque chose qui n’irait pas.
Thérapeute : Et ça, c’est le schéma qui parle.
Marika : Oui, après avoir réussi à perdre beaucoup de poids, j’ai réalisé que mes problèmes n’étaient pas terminés.
Thérapeute : Le sentiment d’imperfection était toujours présent, même lorsque votre poids était normal. Et bien sûr, il a fallu vous
choisissiez un mari qui renforce ce schéma, qui vous critique.
Marika : Oui.
Thérapeute : Qui contribue à renforcer votre sentiment d’Imperfection. Vous essayez de vous battre et de vous défendre, mais au plus
profond de vous-même il y a une partie de vous qui croit votre mari, et c’est le schéma.
Tout en décrivant les thèmes qui apparaissent au cours de la séance d’imagerie, le thérapeute met en
relation ces thèmes avec des exemples de la vie courante de Marika. En faisant cela, il aide Marika à
voir le travail de son schéma dans sa vie de tous les jours.
2.1. Principe
Le principe du travail émotionnel est de combattre les schémas sur le plan affectif. À ce moment du
traitement, le thérapeute et le patient ont déjà étudié les arguments pour et contre le schéma et ils en ont
fait le procès rationnel. À la fin de l’étape cognitive, le patient dit souvent quelque chose comme : « sur un
plan rationnel je comprends que mon schéma n’est pas vrai, mais je ressens toujours la même chose ;
sur le plan émotionnel je ressens qu’il est vrai. » C’est essentiellement le travail émotionnel (combiné avec
le re-parentage partiel) qui l’aidera à combattre son schéma à un niveau émotionnel.
Le patient protège l’Enfant Vulnérable pour éviter qu’il souffre. Ceci est compréhensible pour des
patients qui ont des schémas centraux dans le domaine de Séparation et Rejet. Ils sont détachés de
l’émotion liée à leurs schémas, et il leur est difficile de rouvrir la plaie douloureuse que met en jeu ce
travail d’imagerie. Les patients qui ont été abusés lorsqu’ils étaient enfants sont complètement terrorisés
par leur thérapeute.
À ce moment, le thérapeute commence un dialogue avec la partie du patient qui a un comportement
d’évitement (le mode « Protecteur détaché »). Le thérapeute essaie de persuader le patient qu’il peut en
toute sécurité autoriser le thérapeute à parler à l’Enfant Vulnérable.
Thérapeute : Pourquoi le Petit Hector ne me fait-il pas confiance ? Qu’a-t-il peur que je fasse ?
Hector : Il pense que vous allez lui faire de la peine.
Thérapeute : De quelle façon pense-t-il que je pourrais lui faire de la peine ?
Hector : Il pense que vous allez être désagréable et vous moquer de lui.
Thérapeute : Êtes-vous d’accord avec lui ? Est-ce que vous pensez que je pourrais vraiment le traiter de cette façon ? Que je pourrais
être désagréable et me moquer de lui ?
Hector : (Pause) Non.
Thérapeute : Bien, alors pourriez-vous le lui expliquer ? Pourriez vous lui dire que je suis quelqu’un de bien, que j’ai été bon pour vous et
que je ne veux pas lui faire de la peine ?
Le thérapeute continue de cette façon jusqu’à ce que le patient lui donne la permission de parler
directement à l’Enfant Vulnérable. Avec un patient qui a beaucoup souffert, cela peut prendre plusieurs
séances.
Le thérapeute dit à l’enfant : « qu’attendez-vous de moi ? Que puis-je faire pour vous aider ? »
Certains patients disent : « je veux juste que vous jouiez avec moi. Voulez-vous jouer avec moi ? Ou bien
ils disent : « je veux que vous me preniez dans vos bras » ou bien « dites-moi que je suis un bon enfant. »
Quel que soit le désir du patient (s’il s’agit d’un comportement approprié de la part d’un parent avec un
enfant, bien sûr), nous essayons de répondre à la demande dans l’image. Pour des patients qui veulent
qu’on joue avec eux, nous demandons : « à quel jeu voulez-vous jouer ? » À des patients qui veulent être
pris dans les bras, nous répondons : « et si je mettais mon bras autour de vos épaules dans l’image ? »
En tant qu’Adulte Sain dans l’image, le thérapeute apporte l’antidote aux schémas centraux du patient.
Étape 3 : l’Adulte Sain du patient, construit sur le modèle du thérapeute, re-materne l’Enfant
Vulnérable
Après avoir re-materné l’Enfant Vulnérable, nous demandons aux patients d’accéder à une partie
bienveillante d’eux-mêmes, construite sur le modèle du thérapeute, qui puisse faire la même chose. C’est
souvent au cours d’une séance ultérieure qu’on pourra le faire, lorsque le côté sain du patient aura été
renforcé.
Thérapeute : Je voudrais que vous entriez dans l’image en tant qu’adulte. Imaginez-vous en tant qu’adulte dans cette image, vous voyez
le Petit Hector, la chambre, et votre petit frère est là avec vous. Vous pouvez voir ça ?
Hector : Oui-oui.
Thérapeute : Pourriez-vous parler au Petit Hector ? Pourriez-vous l’aider et le réconforter ?
Hector : (au Petit Hector) Je vois que ça va vraiment pas bien. Tu as vraiment très peur. Est-ce que tu veux en parler avec moi ? Si tu
venais ici, près de moi, on pourrait rester ensemble moment.
Thérapeute : Et comment se sent le Petit Hector quand il entend ça ?
Hector : Il se sent mieux, il sent que quelqu’un est là pour lui.
Le but est que l’Adulte Sain du patient comble les besoins affectifs de l’Enfant Vulnérable dans l’image.
Cet exercice aide les patients à construire une partie d’eux-mêmes qui puissent être capable de satisfaire
leurs besoins affectifs inassouvis et donc combattre leurs schémas.
Le re-parentage par l’imagerie est également d’un grand intérêt pour les séances à venir. Une fois que
le thérapeute aura pu parler directement à l’Enfant Vulnérable du patient, il pourra faire appel à ce mode
dans les séances ultérieures, chaque fois que le patient se retranchera dans un mode d’évitement ou de
compensation. Le thérapeute pourra atteindre la partie vulnérable du patient qui se cache derrière
l’évitement ou la compensation. Voici un exemple avec Hector, qui commençait généralement ses
séances avec un mode détaché.
Thérapeute : Vous me paraissez distant et un peu triste aujourd’hui.
Hector : Oui.
Thérapeute : Que se passe-t-il ? Est-ce que vous le savez ?
Hector : Non. Je ne sais pas pourquoi.
Thérapeute : Si on faisait un exercice pour trouver ? Fermer les yeux et imaginez le Petit Hector. Pouvez-vous vous l’imaginer
maintenant et me dire ce que vous voyez ?
Hector : Il est tout recroquevillé sur lui-même. Il a peur.
Thérapeute : Qu’est-ce qui lui fait peur ?
Hector : Il a peur qu’Ashley ne le quitte.
Souvent, lorsque les patients disent qu’ils ne savent pas quels sont leurs sentiments, ils ont perdu le
lien avec leur Enfant Vulnérable. Lorsque le thérapeute leur demande de fermer les yeux et d’imaginer
leur Enfant Vulnérable, ils peuvent soudain identifier ce qu’ils ressentent. Le thérapeute a alors accès à
des informations qui étaient inaccessibles un peu plus tôt dans la séance.
Une fois que le thérapeute a établi un lien avec l’Enfant Vulnérable du patient, il dispose pour tout le
reste de la thérapie d’une stratégie qui lui permet d’avoir accès à ce que le patient ressent au plus
profond de lui-même, même lorsque le côté adulte du patient l’ignore. Chaque fois que le patient dit : « je
ne peux pas dire ce que je ressens actuellement », ou bien « j’ai peur mais je ne sais pas pourquoi », ou
« je suis en colère mais je ne sais pas pourquoi », le thérapeute peut dire « fermez les yeux et imaginez-
vous en tant que petit enfant ». L’accès au mode de l’Enfant Vulnérable permet presque toujours d’obtenir
des informations sur les sentiments des patients et leur cause.
Chère maman,
Lorsque j’étais enfant, tu ne m’aimais pas. J’ai toujours su que je ne correspondais pas à ce que
tu voulais. Je n’étais ni belle ni agréable. Je pense que tu me détestais. Et tu étais toujours en
colère contre moi parce que je n’étais pas de ton avis, parce que je ne faisais pas ce que tu
voulais. Tu m’as toujours critiquée. J’avais l’impression que, quoi que je fasse, je ne pourrais
jamais te faire plaisir. Je ne me souviens pas d’avoir réussi une seule fois à te plaire.
Je suis en colère, je me sens trahie et je souffre. Je me déteste et il faut que je vive comme ça,
en tout cas pour l’instant. J’espère qu’un jour je pourrai vivre autrement. Je me déteste pour tout
ce que tu détestais chez moi, pour mon allure et parce que je ne suis pas agréable. Je me sens
tellement triste. Je me sens comme une source intarissable de tristesse.
J’aurais tellement aimé que tu apprécies ce qu’il y a de bon chez moi. Tu me faisais comprendre
que tout était mauvais en moi, mais ce n’est pas vrai. J’étais une fille gentille. J’étais sensible
aux émotions des autres. Je voulais que tu aies de l’amour pour moi et que tu me le prouves,
mais tu ne l’as jamais fait.
J’ai le droit d’être reconnue et acceptée de toi. J’ai le droit que tu me respectes pour ce que je
suis. J’ai le droit de me libérer de tes critiques incessantes. J’ai droit à tout ça, et si tu ne peux
pas me le donner, je n’aurai plus envie de parler avec toi de tout ce qui m’est personnel.
Tu ne peux pas savoir combien de fois j’ai décroché le téléphone pour t’appeler, avec l’envie de
te parler, et puis j’ai raccroché après t’avoir parlé, démoralisée. Je veux que tu cesses de me
détester et de te mettre en colère contre moi. Je veux que tu cesses de me démoraliser. À
cause de toi, j’ai l’impression de ne pas exister et de ne rien avoir.
Je pense que tu n’es pas capable de faire ce que je veux. Pour commencer, tu ne te rends
même pas compte que tu me démoralises. Tu crois m’aider. Tu penses que tu fais tout ce qu’il
faut pour moi. Si j’expédie cette lettre, je suis sûre que tu ne comprendras pas de quoi je parle.
Tu vas seulement te mettre en colère contre moi. J’aimerais que tu comprennes, mais si tu le
pouvais, je n’aurais pas eu besoin d’écrire cette lettre.
Ta fille, Kate.
Cette lettre résume les éléments essentiels du travail cognitif et émotionnel de Kate. Elle exprime ce
que Kate a souffert de la part de sa mère lorsqu’elle était enfant. Elle permet à Kate d’affirmer son droit
à ressentir et à exprimer sa colère, et à demander à sa mère d’avoir un comportement approprié à partir
de maintenant. Bien que la patiente n’ait jamais envoyé cette lettre à sa mère, elle lui a permis de
combattre ses schémas et d’éclaircir ses problèmes relationnels.
Noter que le thérapeute ne demande pas à Daniel de s’entraîner à parler à une femme dans une salle
de danse. En fait, le thérapeute demande à Daniel de combattre ses schémas et son style d’adaptation
d’évitement. Plutôt que d’intérioriser ses émotions et de se renfermer sur lui-même comme il le ferait
normalement – permettant ainsi le maintien de ses schémas de Méfiance/Abus et d’Imperfection – Daniel
s’imagine approchant des femmes et leur parlant selon un mode authentique et vulnérable. Une attitude
plus ouverte envers les femmes contrecarre ses schémas et le conduit à un meilleur résultat. Cet
exercice aide Daniel à se construire une partie de lui capable de se comporter de façon positive dans les
situations sociales avec des femmes. L’imagerie aide également Daniel à réaliser que ses craintes à
propos des femmes ne sont pas réalistes, mais qu’elles sont dictées par ses schémas. Tout ceci
contribue à réduire sa honte et, de ce fait, son évitement.
Après avoir donné la parole au schéma d’Imperfection de Daniel, le thérapeute passe au schéma de
Méfiance/Abus.
Thérapeute : La notion de confiance est-elle pour vous un problème ? Êtes-vous en train de vous demander si vous pouvez lui faire
confiance ?
Daniel : Eh bien, comme nous essayons d’êtres authentiques l’un envers l’autre, je pense que ce sentiment est en train de diminuer,
mais il est toujours là quand même.
Thérapeute : Tenez le rôle de la partie de vous-même qui se méfie d’elle, je veux entendre ce que cette partie est en train de dire.
Daniel : (Pause) J’ai peur que vous ne me manipuliez. Si nous nous décidons pour un rendez-vous, ce sera pour que je vous invite au
restaurant, et puis, je n’entendrai plus parler de vous ou bien vous allez me rejeter. Je me méfie : je vais peut-être vous servir à remplir
votre emploi du temps jusqu’à ce que vous trouviez mieux. J’ai peur que vous ne me manipuliez.
Thérapeute : Que répond-elle ?
Daniel : Elle dit : « Ne soyez pas idiot, je vous aime bien. »
Thérapeute : Quand elle dit ceci, vous sentez-vous complètement rassuré, ou restez-vous encore méfiant ?
Daniel : Je me sens un peu rassuré.
Le thérapeute discute de l’exercice d’imagerie avec le patient.
Thérapeute : Maintenant, vous pouvez ouvrir les yeux.
Daniel : (Il ouvre les yeux.)
Thérapeute : Alors c’était comment, cet exercice ?
Daniel : J’ai trouvé que c’était un bon exercice, il m’a forcé à me mettre dans une situation sociale.
Thérapeute : Est-ce que ce sont bien là les sentiments que vous vivez dans de telles situations, ceux qui vous empêchent d’aller vers
plus d’intimité ?
Daniel : Oui, je crois. Je commence aussi à réaliser qu’une des choses les plus importantes sur laquelle il faut que je travaille, c’est
l’idée d’accepter d’être plus sincère et aussi plus vulnérable.
Thérapeute : Il y a chez vous tellement de colère et de peur, que vous ne vous comportez pas de la sorte, parce que vous avez peur
d’être rejeté ou manipulé.
Daniel : Oui.
Thérapeute : Donc, plutôt que de vous cacher, protégez-vous.
Daniel : Oui.
Une fois de plus, le but du thérapeute n’est pas d’entraîner Daniel à une compétence sociale avec les
femmes. Il lui demande plutôt de combattre ses schémas en lui faisant réaliser que ses craintes lui sont
dictées par ses schémas, et qu’elles sont irréalistes.
3. Surmonter les obstacles dans le travail émotionnel : l’évitement de schémas
La plupart des patients se débrouillent bien avec l’imagerie, et ceci rapidement. Ils produisent facilement
des images nettes et mènent des dialogues, ils se sentent concernés émotionnellement par l’imagerie et
ils ont besoin d’assez peu d’assistance et d’interventions de la part du thérapeute. Cependant, une
minorité significative de patients a besoin de beaucoup d’assistance : leurs images sont floues,
éparpillées, inexistantes ou bien ils se sentent détachés émotionnellement de ces images.
L’évitement de schéma est l’obstacle principal dans la pratique du travail émotionnel.
Le travail d’imagerie est douloureux et beaucoup de patients agissent automatiquement et
inconsciemment pour éviter cette douleur. Ils ferment les yeux et disent « je ne vois rien », « je ne vois
qu’un écran blanc », « je vois une image mais elle est floue et je ne peux rien en faire ». Le thérapeute
dispose de plusieurs stratégies pour surmonter l’évitement de schéma.
Il suffit parfois de combiner la permission du thérapeute et quelques minutes de temps pour que le
patient produise finalement une image. Cependant, si cela ne suffit pas, il y a d’autres options.
Nous discutons du travail de mode plus loin dans ce livre. Cependant, cet exemple montre comment le
travail de mode peut être utile. À partir d’un style d’adaptation évitant, nous fabriquons un mode, nous lui
donnons une voix à laquelle nous pouvons parler et avec qui nous pouvons négocier.
Si, après tout ce travail, le patient persiste à ne pas pouvoir réaliser le travail d’imagerie, nous
essayons une dernière technique. Nous expliquons au patient qu’un pourcentage extrêmement élevé de
patients disant qu’ils ne peuvent réaliser le travail d’imagerie sont en fait capables de le faire. Nous leur
demandons ensuite d’essayer une expérience : ils regardent le thérapeute pendant une minute entière,
puis ils ferment les yeux et ils essaient de se représenter le thérapeute dans une image. Presque tous les
patients disent qu’ils peuvent voir le thérapeute. Cette expérience montre que la plupart des patients sont
capables de créer des images. C’est le Protecteur Détaché qui les empêche de les voir.
RÉSUMÉ
Les techniques émotionnelles permettent au thérapeute et au patient d’identifier puis de combattre les schémas du patient au niveau
émotionnel.
Les méthodes émotionnelles ont pour but d’identifier les schémas centraux du patient, d’en comprendre les origines infantiles et de les
relier aux problèmes actuels du patient. Nous décrivons la façon de conduire une séance de diagnostic par l’imagerie, en partant de
l’image d’un endroit sécurisant pour évoluer vers des images pénibles de l’enfance du patient et enfin parvenir à des images liées aux
problèmes actuels du patient.
Le thérapeute introduit les techniques émotionnelles de changement à la suite des techniques cognitives de changement. Le but est
d’aider les patients à renforcer la compréhension intellectuelle de leurs schémas par une compréhension émotionnelle. De nombreuses
techniques émotionnelles de changement sont des formes simplifiées du travail de modes de schémas ; elles utilisent l’imagerie et les
dialogues avec trois personnages principaux : l’Enfant Vulnérable, le Parent Dysfonctionnel et l’Adulte Sain. Le thérapeute introduit
l’Adulte Sain dans les images d’enfance du patient pour re-materner l’Enfant Vulnérable. Le but est de développer le mode Adulte Sain du
patient, qui sera imité d’après le thérapeute. Nous proposons également d’autres méthodes émotionnelles pour le changement, telles
que les lettres aux parents et l’imagerie pour la modification comportementale.
Enfin, nous abordons le problème des obstacles au travail émotionnel, essentiellement représentés par l’évitement. Nous proposons
des solutions parmi lesquelles figurent l’information du patient, l’autorisation de prendre son temps pour générer des images, l’imagerie
de relaxation avec force émotionnelle progressivement croissante, les médicaments, l’expression corporelle et les dialogues avec le
mode Protecteur Détaché.
Dans le chapitre suivant, nous décrirons l’étape suivante de la phase de changement de la schéma-thérapie : la modification
comportementale.
CHAPITRE 5
La modification comportementale
À l’étape de modification comportementale, les patients doivent chercher à remplacer les styles de
comportements que dirigent leurs schémas par des styles d’adaptation plus sains. La modification
comportementale est la partie la plus longue et, d’une certaine façon, la plus cruciale, de la schéma-
thérapie. Sans elle, la rechute est probable. Même si les patients sont éclairés sur leurs Schémas
Précoces Inadaptés, même s’ils sont passés par le travail cognitif et émotionnel, leurs schémas vont se
réaffirmer eux-mêmes si les patients ne modifient pas leurs comportements. Les progrès qu’ils ont
accomplis vont s’amenuiser et finalement ils retomberont sous la coupe de leurs schémas. Pour que les
patients achèvent leur travail et jouissent pleinement de leurs gains, il est essentiel qu’ils changent leurs
comportements.
Parmi les quatre agents modificateurs principaux de la schéma-thérapie, la modification
comportementale est habituellement l’étape sur laquelle les thérapeutes se concentrent en dernier.
Si les patients n’ont pas progressé de façon adéquate au travers des étapes cognitive et émotionnelle,
il est peu probable qu’ils parviennent à réaliser les modifications de l’étape comportementale. Les autres
parties du traitement préparent le patient à la tâche de modification comportementale. Elles lui
permettent de prendre de la distance par rapport au schéma, elles l’aident à voir son schéma comme un
intrus plutôt que comme une vérité fondamentale appartenant à sa personnalité. Les étapes cognitive et
émotionnelle renforcent le côté sain du patient, particulièrement la capacité que possède cette partie
saine à combattre les schémas du patient. Une fois le traitement comportemental mis en route, elles
aident le patient à surmonter les blocages dans la modification comportementale.
Ainsi, l’étape comportementale du traitement se situe dans le cadre du modèle du schéma et elle utilise
les autres techniques pour schémas, tels que les fiches, l’imagination et les dialogues. Au besoin, le
thérapeute utilise également les techniques comportementales classiques, telles que la relaxation,
l’affirmation de soi, la gestion émotionnelle, les stratégies de contrôle de soi (autosurveillance,
détermination des buts, autorenforcement) et l’exposition graduée aux situations redoutées. (On suppose
que le lecteur est habitué à ces méthodes classiques de thérapie comportementale, qui ne seront donc
pas détaillées dans ce livre.)
1. Les styles d’adaptation
La modification comportementale a pour cible les styles d’adaptation : les comportements qu’il va falloir
changer sont ceux que le patient utilise pour se soumettre, éviter et compenser vis-à-vis de ses Schémas
Précoces Inadaptés. Ce sont des comportements autodéfaitistes qu’il utilise pour s’adapter lorsque ses
schémas sont déclenchés : les accusations jalouses non fondées du patient ayant un schéma d’Abandon,
les réflexions autodévalorisantes du patient ayant un schéma d’Imperfection, les avis sollicités par le
patient qui a un schéma de Dépendance, l’obéissance du patient à schéma d’Assujettissement,
l’évitement phobique du patient qui un schéma de Peur du Danger ou de la Maladie. Ces comportements
de soumission, d’évitement et de compensation servent finalement à perpétuer les schémas. Il faut que
les patients changent leurs styles d’adaptation pour pouvoir soigner leurs schémas et, par là même,
combler les besoins non assouvis qui les ont conduits en thérapie.
EXEMPLE DE CAS
Une jeune femme nommée Ivy demande une thérapie parce qu’elle est frustrée et malheureuse dans de nombreux domaines de sa vie.
Le modèle est toujours le même : en famille, dans sa vie amoureuse, au travail, avec ses amis, elle est celle qui s’occupe de tout le
monde sans rien demander pour elle-même. « Je m’occupe de tout le monde, mais personne ne s’occupe de moi. » Elle est
dépressive, débordée, fatiguée et pleine de ressentiment. Dans la phase de diagnostic, Ivy et son thérapeute ont mis en évidence un
schéma d’Abnégation. Son principal style d’adaptation est la soumission à son schéma. Elle prend soin des autres, mais elle ne les
laisse pas s’occuper d’elle.
Depuis quelques semaines, Ivy dîne le soir avec Adam, son meilleur ami. Le repas se déroule toujours de la même manière : Adam
demande à Ivy comment s’est passée sa journée et Ivy répond de façon succincte, banale et positive : « tout va bien » ; elle demande
ensuite à Adam comment il va. Adam répond en parlant d’un de ses problèmes, et ils passent tous les deux le reste du repas à en
discuter. Pourquoi Ivy ne partage-t-elle avec son ami aucune information personnelle qui soit importante ? Parce que les questions de
son ami activent son schéma d’Abnégation : Ivy se sent coupable et égoïste si elle parle d’elle. Elle s’adapte avec l’activation de son
schéma en répondant de façon rapide et non significative et en renvoyant le dialogue sur Adam. Ivy finit par se sentir en manque
d’affection (le schéma d’Abnégation est très souvent lié à un schéma de Manque Affectif).
Dans la partie comportementale du traitement, Ivy décide d’améliorer l’équilibre de ses relations intimes avec Adam. Pour la préparer,
son thérapeute lui demande de fermer les yeux, de s’imaginer en train de dîner avec Adam, lui parlant des évènements de sa journée.
En imagination, Ivy mène un dialogue entre le côté du schéma d’Abnégation, qui lui commande de renvoyer la parole à Adam, et le côté
sain, qui lui conseille de partager un problème avec son ami. Ensuite, elle change de chaise, passant du « côté du schéma » au « côté
sain. » Elle se met en colère contre son schéma, affirmant son droit à être le sujet de l’attention des autres. Au travers de l’imagerie, elle
relie la situation actuelle à celle de son enfance avec sa mère fragile dont elle devait s’occuper. Elle dit à sa mère : « Ça me coûte
beaucoup de m’occuper de toi : c’est comme si je n’existais pas ».
Elle se visualise ensuite, en imagination, faisant part à Adam d’un problème personnel ; elle gère les obstacles qui apparaissent.
Thérapeute : Que voulez-vous dire à Adam ?
Ivy : Je veux lui parler de ma mère malade qui a tant besoin de moi.
Thérapeute : D’accord ; pouvez-vous vous imaginer en train de lui dire ça ?
Ivy : Je veux lui en parler, mais ça me fait peur.
Thérapeute : Que dit le côté qui a peur ?
Ivy : Il dit : « Ça ne doit pas se passer comme ça. Adam n’est pas là pour s’occuper de moi ; c’est à moi d’être attentif à ses besoins ».
Thérapeute : Qu’avez-vous peur qu’il se produise si vous laissez Adam prendre soin de vous ?
Ivy : J’ai peur qu’il ne m’aime plus.
Thérapeute : Avez-vous peur d’autre chose ?
Ivy : J’ai peur de me mettre à pleurer, ou quelque chose comme ça.
Thérapeute : Et qu’y aurait-il de mal à ça ?
Ivy : Je me sentirais gênée.
Thérapeute : Eh bien, c’est votre schéma d’Abnégation qui parle, chaque fois que vous dites : « Il ne faut pas laisser les autres
s’occuper de toi. Les gens ne vont plus t’aimer s’ils s’aperçoivent de ta fragilité. Tu ne dois pas pleurer. » Que répond à ça le côté sain ?
Pourriez-vous parler en tant que côté sain, dans l’image ?
Ivy : Eh bien, le côté sain dit : « Je peux parfaitement laisser mes amis prendre soin de moi. Ils m’aimeront toujours. Ce n’est pas un
problème de pleurer avec un ami proche. »
Comme tâche comportementale assignée, Ivy s’entraînera à répondre de façon plus authentique à son ami lorsqu’il lui posera des
questions sur sa vie. Au dîner suivant, elle échange avec Adam des idées sur un problème lié à leur relation. Adam répond de façon
chaleureuse en la soutenant, ce qui contrecarre les schémas d’Abnégation et de Manque Affectif d’Ivy.
T ABLEAU 5.1
Exemples de styles d’adaptation associés aux schémas
Abandon / Instabilité Choisit des partenaires et des Évite toutes les relations Repousse les
proches qui sont non disponibles intimes par peur de de partenaires et les
ou qui sont imprévisibles l’abandon proches par des
comportements de
possession ou de
contrôle
Méfiance / Abus Choisit des partenaires et des Évite de s’impliquer de Maltraite ou exploite les
proches non dignes de façon trop proche avec les autres ; agit de façon
confiance ; est hyper-vigilant et autres dans sa vie trop confiante
méfiant vis-à-vis des autres personnelle et
professionnelle ; ne se
confie pas ; ne se révèle
pas
Manque Affectif Choisit des partenaires et Se tient en retrait et s’isole ; Demande de façon non
proches froids et détachés ; évite toutes les relations réaliste aux autres de
décourage les autres de lui intimes combler ses besoins
donner de l’affection affectifs
Imperfection /Honte Choisit des partenaires et des Évite de partager des Se comporte de façon
proches qui le critiquent ; pensées et des sentiments critique et supérieure
s’autodévalue « honteux » avec ses envers les autres ;
partenaires et ses proches essaie de passer pour
de peur d’être rejeté « parfait »
Dépendance /Incompétence Demande beaucoup trop d’aide ; Procrastine devant les Se montre
fait vérifier ses décisions par les décisions ; évite d’agir de excessivement confiant
autres ; choisit des partenaires façon indépendante ou de en soi, même s’il serait
qui font tout à sa place prendre les responsabilités normal et sain de
normales d’un adulte demander de l’aide aux
autres
Peur du Danger ou de la Se fait continuellement du souci Évite de façon phobique les Utilise la pensée
Maladie à propos de catastrophes qui situations dangereuses magique et les rituels
vont lui tomber dessus ; compulsifs ; se
demande répétitivement aux comporte de façon
autres de le rassurer dangereuse et
insouciante
Fusionnement /Personnalité Imite le comportement de ses Évite les relations avec les Se comporte de façon
Atrophiée proches, se tient étroitement au gens qui favorisent autonome à l’excès
contact de la personne avec qui il l’individualité plutôt que la
fusionne ; ne développe pas une fusion
identité et des préférences
personnelles
Échec Travaille en dessous de son Évite totalement les tâches Dévalorise les
niveau de capacité ; à tendance nouvelles et difficiles ; réussites des autres ;
à sous-estimer ses réussites par procrastine au travail ; évite se veut perfectionniste
rapport à celles des autres de se fixer des objectifs pour compenser son
professionnels en rapport sentiment d’échec
avec son niveau de
capacité
Droits Personnels A des relations interpersonnelles Évite les situations où il ne Fait des cadeaux
Exagérés/Dominance non réciproques ; se comporte peut pas exceller ou se disproportionnés ou
de façon égoïste et supérieure ; mettre en avant des contributions
ne tient pas compte des charitables pour pallier
sentiments et des besoins des à son égoïsme
autres
Contrôle de Accomplit de façon négligée les Ne travaille pas ou ne va Fait des efforts à court
Soi/Autodiscipline tâches ennuyeuses ou pénibles ; pas à l’école ; ne se fixe terme très importants
Insuffisants perd le contrôle de ses pas d’objectifs pour terminer un projet
émotions ; mange, boit et joue de professionnels à long ou s’autocontrôler
façon excessive ; consomme terme
des drogues pour son plaisir
Assujettissement Choisit des partenaires et des Évite toutes les relations ; Se comporte de façon
proches qui le dominent et le évite les situations dans passive-agressive ou
contrôlent lesquelles ses désirs sont se rebelle
différents de ceux des
autres
Abnégation Se comporte de façon critique Évite les relations intimes Se met en colère si
envers soi-même ; en fait trop ses proches ne
pour les autres et pas assez l’apprécient pas ou
pour lui n’agissent pas de
façon réciproque ;
décide de ne plus rien
faire pour les autres
Recherche d’Approbation Attire l’attention des autres sur Évite les relations avec les Agit manifestement
et de Reconnaissance les réussites liées à sa situation gens que l’on admire de pour être désapprouvé
peur de ne pas obtenir leur par les gens que l’on
approbation admire
Peur d’événements Minimise les événements N’espère pas trop ; ne Se comporte d’une
Évitables/Pessimisme positifs, exagère ceux qui sont s’attend à rien de bon façon excessivement
négatifs ; s’attend et se prépare optimiste et positive
au pire (rare)
Surcontrôle Émotionnel Donne la prépondérance à la Évite les activités impliquant Se comporte de façon
raison et à l’ordre sur l’émotion ; l’expression des émotions impulsive et désinhibée
agit de façon contrôlée et terne ; telles que l’amour ou la (parfois sous l’influence
ne montre pas d’émotion ou de peur, ou qui demandent un d’une substance telle
comportement spontané comportement désinhibé que l’alcool)
(danser, par ex.)
Idéaux Exigeants/Critique Cherche à agir avec perfection ; Évite de prendre en charge Ne se préoccupe
Excesive impose des normes élevées, des tâches au travail ; d’aucune norme ; agit
pour lui-même et pour les autres procrastine avec un bas niveau de
performance
Punition Traite les autres rudement et de Évite les situations où on Pardonne de façon trop
façon punitive l’évalue, pour échapper à indulgente, tout en
une punition étant intérieurement
sévère et en colère
Grâce aux techniques cognitivo-comportementales classiques, les patients peuvent souvent modifier
des comportements discrets, liés à une situation, mais les modes de vie comportementaux répétitifs,
commandés par leurs Schémas Précoces Inadaptés, nécessitent une approche intégrant d’autres
moyens. L’affirmation de soi peut aider un patient qui aurait des difficultés à fixer des limites à sa petite
amie, mais cette méthode seule ne suffira probablement pas à modifier un mode de vie plus large
d’assujettissement aux autres. Les patients sont assujettis parce qu’ils ont peur de la punition, de
l’abandon ou de la critique ; ils doivent travailler sur ces problèmes sous-jacents pour surmonter le mode
de vie. Les schémas liés à ces problèmes sous-jacents – Punition, Abandon, Imperfection – bloquent tout
progrès. Si le patient a un schéma de Méfiance/Abus, il aura peur que l’affirmation de soi n’incite sa
petite amie à le traiter de façon agressive. S’il a un schéma d’Abandon, il aura peur qu’elle ne le quitte s’il
s’affirme. S’il s’agit d’un schéma d’Imperfection, il ne se donnera pas le droit de s’affirmer, même s’il
connaît les étapes du processus d’affirmation de soi. L’entraînement aux habiletés n’est pas l’intervention
de base, le plus souvent. Le schéma a des aspects cognitifs et émotionnels que le traitement doit
prendre en compte au préalable.
Il est souvent plus facile pour les patients de modifier leurs cognitions, leurs émotions, que de casser
des scénarios comportementaux qui se sont répétés tout au long de leur vie. Pour cette raison, le
thérapeute doit être patient et insistant tout au long de l’étape comportementale, en utilisant la règle de la
confrontation empathique. Le thérapeute reconnaît qu’il est difficile de changer des scénarios
comportementaux profondément enracinés, et parallèlement il confronte continuellement le patient à la
nécessité de ce changement.
2. Quand débuter la modification comportementale
Comment déterminer s’il est temps de passer à la modification comporte-mentale ? On commence quand
le patient a maîtrisé avec succès les étapes cognitive et émotionnelle du traitement. S’il est capable de
nommer ses Schémas Précoces Inadaptés lorsqu’ils s’activent, d’en comprendre l’origine infantile et de
participer à des dialogues dans lesquelles il inflige régulièrement la défaite à ses schémas en utilisant le
côté sain – à la fois sur les plans cognitif et émotionnel – alors il est prêt à débuter la modification
comportementale.
3. Définir pour cibles des comportements spécifiques
La première étape pour le thérapeute et le patient consiste à établir une liste détaillée des
comportements spécifiques susceptibles de servir de cibles pour le changement. Ils établiront cette liste
à partir de la conceptualisation du cas établi à la phase de diagnostic, des descriptions détaillées des
comportements problématiques, de l’imagerie des situations problématiques, de la relation thérapeutique,
des relations interpersonnelles avec les proches et des questionnaires de schémas.
En reprenant cette dispute de façon détaillée, Daphné et son thérapeute ont pu identifier les
comportements problématiques. Le retard de Mark a activé le schéma d’Abandon/Instabilité de Daphné,
qui s’est mise en colère en paniquant. Lorsqu’il rentre tard, plutôt que de lui montrer sa faiblesse et sa
peur, elle se déchaîne sur lui et lui fait le plus de mal qu’elle peut. En s’adaptant à son schéma par la
compensation, Daphné maintient son schéma. Finalement, elle a de plus en plus peur que Mark ne la
laisse, recréant ainsi l’atmosphère d’instabilité qui l’effrayait tant lorsqu’elle était enfant.
Les patients peuvent lire la fiche soit avant de se préparer aux situations, pour se rappeler l’importance
du changement de comportement, soit en situation, lorsqu’ils ressentent le besoin de revenir à l’ancien
comportement, inadapté.
7. Répéter le comportement sain en imagination et en jeux de rôle
Le patient s’entraîne à la pratique du comportement sain en séance. Il s’entraîne à recréer en imagination
la situation problématique et joue en rôle la situation avec le thérapeute. Il s’imagine gérant la situation en
imagination, naviguant avec succès entre les écueils. Voici une scène d’imagerie avec Justine.
Thérapeute : Fermez les yeux et créez une image de Richard qui rentre à la maison. Il est tard, le bébé pleure et vous êtes au bout du
rouleau. Vous voyez cette scène ?
Justine : (les yeux fermés) Oui.
Thérapeute : Que se passe-t-il ?
Justine : Je l’attends, je piétine, je regarde l’heure.
Thérapeute : Que ressentez-vous ?
Justine : Par moment, j’ai très peur qu’il ne rentre pas du tout. L’instant d’après, j’ai envie de le tuer quand il me fait ça.
Thérapeute : Que se passe-t-il quand il franchit la porte ?
Justine : Il me regarde, m’interroge, pour savoir de quelle humeur je suis.
Thérapeute : Qu’avez-vous envie de faire ?
Justine : Je ne sais pas si j’ai envie de lui hurler après en lui frappant la poitrine à coups de poings ou si je veux lui sauter au cou pour
l’embrasser.
Thérapeute : Et comment faite-vous pour gérer ces deux parties ?
Justine : Je parle à la partie en colère. Je lui dis : « Écoute, tu aimes Richard et tu ne veux pas lui faire du mal. Tu es bouleversée parce
que tu pensais qu’il ne reviendrait plus à la maison, mais le voilà ! Tu peux être contente. »
Thérapeute : Et que répond la partie en colère ?
Justine : Elle dit « d’accord, », elle se sent bien.
En parlant à son côté en colère, Justine travaille en modes de schémas. Elle mène un dialogue entre
les modes de l’Enfant en Colère et de l’Adulte Sain.
En jeux de rôle, le thérapeute commence par servir de modèle pour le comportement sain, pendant
que le patient joue le rôle de l’autre personne dans la situation problématique. Puis ils inversent les rôles,
le patient joue le comportement sain et le thérapeute tient l’autre rôle. Le thérapeute et le patient
travaillent ensemble à gérer les obstacles probables, de façon à ce que le patient soit préparé du mieux
possible.
8. Se mettre d’accord sur une tâche à domicile
L’étape suivante consiste à déterminer une tâche concernant le nouveau modèle comportemental. Le
patient accepte de transposer le comportement sain dans la vie réelle et de noter ce qui se produit.
Le patient écrit la tâche assignée, le thérapeute en garde une copie. La tâche est spécifique et
concrète. Exemple : « cette semaine, je vais demander à mon patron des vacances fin mai. Avant de le
lui demander, je consulterai la fiche, je m’imaginerai lui demandant mes congés, ainsi que je l’ai prévu.
Ensuite, j’écrirai ce qu’il s’est produit, ce que j’ai ressenti, ce que j’ai pensé, ce que j’ai fait et ce que mon
patron a dit. »
9. Revoir la tâche en séance
Au début de la séance suivante, le thérapeute et le patient, se référant à la copie écrite, font la revue de
cette tâche. Cette revue des tâches est très importante : si le thérapeute oublie une tâche assignée, le
patient en conclura que le travail en séance n’est pas important et que le thérapeute n’accorde pas
d’importance à ses efforts. Cela rendra alors peu probable l’investissement du patient dans les tâches
futures. L’attention et les félicitations du thérapeute sont probablement les renforçateurs les plus
importants de l’accomplissement des tâches, particulièrement dans les premières étapes de la
modification comportementale.
10. Exemple d’un cas de modification comportementale
Alec a 35 ans, il est avocat. Il vient de divorcer de Kay après 7 ans de mariage. Malgré un mariage sans
bonheur et une liaison avec une collaboratrice, Alec a été très surpris de la demande de divorce de Kay.
Comme motif de divorce, elle lui a dit qu’elle était malheureuse. Elle a refusé sa proposition de thérapie
de couple et a quitté la maison le jour même. Le couple n’a pas d’enfant. Après un an de séparation, le
divorce est prononcé et Kay peut disposer librement de sa vie. Quelques mois plus tard, Alec demande
une thérapie.
Le problème actuel d’Alec est sa difficulté à entamer une relation avec une femme, notamment une
relation qui conduirait à se marier et à fonder une famille. Il lui est difficile d’envisager la scène de la
rencontre. De plus, il ne comprend pas pourquoi Kay a mis fin à leur mariage, ni pourquoi la femme qui lui
plait, au travail, refuse de sortir avec lui. Il est obsédé par cette femme et il passe une grande partie de
sa journée à penser à elle, à essayer de la voir, si bien que son efficacité professionnelle diminue de
façon importante.
Alec a deux frères plus âgés. Sa mère est morte lorsqu’il avait 8 ans et c’est son père, accablé par la
peine, qui l’a élevé. Ses frères ont grandi et sont partis pour l’université, laissant Alec seul pour s’occuper
de son père. (Depuis lors, il considère ses frères comme des étrangers.) En dehors de la maison, Alec
se considérait comme « inadapté social ». Il était très bon élève, mais il avait du mal à se faire des amis.
Sa vie rébarbative lui paraissait très différente de celle, insouciante, de ses camarades. Pour eux, la vie
à la maison était joyeuse, alors que la sienne était vide et triste. Son père était dépressif de façon
chronique. Alec dit : « Mon père passait son temps à dormir ou à regarder la télévision. Il vivait entre le lit
et le canapé. Il ne sortait jamais et ne voyait jamais personne. Tout ce qu’il savait me dire, c’est « passe-
moi le sel » ou des choses comme ça.»
Au cours de la phase de diagnostic, Alec et son thérapeute ont identifié des schémas
d’Abandon/Instabilité (lié à la mort de la mère et au départ des deux frères) ; de Manque Affectif (lié à
son père apathique et distant, et à ses frères qui ne se sentaient pas concernés) ; d’Isolement Social (lié
à sa vie familiale qui le faisait se considérer comme différent de ses pairs) ; et d’Abnégation (lié à la
charge de s’occuper de son père).
Son style d’adaptation principal est l’évitement : très tôt, il est devenu un bourreau de travail. Il s’est
jeté à corps perdu dans son travail scolaire, puis plus tard dans sa carrière juridique. Il a rencontré Kay à
la faculté de droit et ils se sont mariés quelques années plus tard. Il n’était pas amoureux d’elle, mais il la
trouvait stable et sensible et il avait peur d’affronter le monde en restant seul. Comme son père, Alec
était déprimé de façon chronique. Il voulait des enfants, mais Kate refusait. Leur vie commune était
stable, mais monotone et sans passion. (Le mariage d’Alec avec Kate représente sa soumission au
schéma de Manque Affectif. Il a reproduit dans son mariage la vie familiale de son enfance, qui était vide
sur le plan affectif.)
Ces dernières années, Alec s’est mis à être très attiré par Joan, sa collaboratrice. Elle flirtait avec lui
du temps de son mariage, mais elle a refusé de sortir avec lui après son divorce, malgré les invitations
répétées d’Alec. Elle acceptait de lui des cadeaux et des faveurs, mais elle n’éprouvait pas de sentiment
amoureux envers lui, chose qu’Alec avait beaucoup de mal à accepter. Lorsqu’on lui demandait ce qui
l’attirait tant chez Joan, Alec répondait : « Lorsque nous sommes seuls, j’ai l’impression que je suis le seul
au monde pour elle. Elle est très attentionnée et à l’écoute. Mais lorsqu’il y a du monde, elle est
distante. » Alec trouve l’inconstance de Joan à son égard très excitante. Le thérapeute émet l’hypothèse
que l’attrait d’Alec pour Joan est guidé par son schéma d’Abandon/Instabilité. De plus, il est probable que
le schéma d’Abnégation intervienne aussi dans cette attirance, car Alec donne beaucoup à Joan et reçoit
peu en retour.
Alec et son thérapeute sont d’accord pour décider que la première cible du changement
comportemental devra être les activités centrées sur Joan au travail : passer ses journées à rêver à elle,
à l’appeler au téléphone, à lui envoyer des e-mails, à questionner les gens à son sujet, à chercher des
articles de journaux qui l’intéressent, à les lui apporter, à s’arranger pour tomber sur elle « par hasard ».
Alec passait toutes ses journées à ces activités, même si cela le torturait et s’il devait le regretter après
coup. De plus, comme déjà signalé, son efficacité professionnelle avait sérieusement diminué.
Le thérapeute commence par aider Alec à relier le comportement cible à ses origines infantiles. Il lui
demande de fermer les yeux et de s’imaginer au travail, en train de penser à Joan qui lui manque.
Thérapeute : Que voyez-vous ?
Alec : Je suis assis à mon bureau. J’essaie de travailler, mais je ne peux pas cesser de penser à elle. Je sais qu’il faudrait que je me
concentre sur mon travail, mais je veux la voir. Je veux lui donner un article que j’ai trouvé, je sais qu’il va l’intéresser, il parle de…
Thérapeute : (L’interrompant) La partie de vous qui veut la voir, que dit-elle ?
Alec : Elle dit que je ne peux pas continuer à supporter ça.
Thérapeute : Pouvez-vous créer une image où vous êtes enfant et ressentez la même chose ?
Alec : Oui.
Thérapeute : Que voyez-vous ?
Alec : Je suis seul, dans mon lit, je pleure et je veux ma mère. C’est après son décès. Je voulais très fort qu’elle vienne, mais elle ne
venait pas.
Lorsque Joan lui manque, quand il est au travail, c’est le schéma d’Abandon qui s’active chez Alec,
évoquant une émotion liée au décès de sa mère. Pour échapper à cette émotion, Alec va à la recherche
de Joan. Le thérapeute et Alec composent une fiche mémo-flash qu’Alec lira lorsque son schéma
s’activera au travail. La fiche lui conseille, plutôt que de chercher Joan, de donner la parole à la voix de
l’enfant en écrivant un dialogue entre les modes de l’Enfant Abandonné et de l’Adulte Sain (Alec appelle
son mode Adulte Sain la « Bonne Mère »). Si l’Adulte Sain parvient à combler les besoins affectifs
inassouvis de l’Enfant Abandonné, alors cet Enfant Abandonné ne partira pas à la recherche de Joan
dans le but de combler ses besoins.
Pour continuer à préparer Alec à la modification comportementale, le thérapeute lui demande de mener
un dialogue entre le côté du schéma, qui voudrait qu’il reste concentré sur Joan, et le côté sain, qui veut
lui faire oublier Joan pour se concentrer sur son travail et lui permettre de rencontrer d’autres femmes,
plus disponibles. Alec joue les deux côtés, en changeant de chaises pour représenter le changement de
côté. Au début de cet extrait, le thérapeute demande à Alec de s’imaginer au travail, en train de
combattre le désir de retrouver Joan.
Alec : (en tant que coté du schéma) « Va la retrouver. C’est tellement bien quand tu es avec elle. Il y a tellement longtemps que rien n’a
été aussi bon…. Etre avec elle une fois de plus vaut bien la peine que tu perdes un peu de ton temps de travail ; ça vaudrait même la
peine de tout laisser pour elle. »
Thérapeute : Maintenant, jouez le côté sain.
Alec : (changeant de chaise ; en tant que côté sain) « Tu as tort ; tu te sentiras encore bien plus mal ; tu n’y trouveras rien de bon :
seulement davantage de solitude. »
Thérapeute : Maintenant, le côté du schéma.
Alec : (changeant de chaise, en tant que côté du schéma) « Je vais te dire ce qu’est ta vie sans elle : une vie d’ennui, voilà. Tu n’as rien
à espérer. Tu es plus mort que vivant. »
Thérapeute : Le côté sain, maintenant.
Alec : (changeant de chaise, en tant que côté sain) « Non, tu as tort, ne fais pas comme ça. Tu pourras rencontrer une autre femme,
quelqu’un qui aura des sentiments pour toi. »
Le dialogue se poursuit jusqu’à ce qu’Alec ressente que le côté sain a vaincu le côté du schéma.
La première tâche assignée d’Alec est de cesser ses activités centrées sur Joan en les remplaçant par
la lecture de la fiche et en écrivant des dialogues. Il ne parvient que de façon partielle à accomplir cette
tâche. À la séance suivante, il explique qu’il est parvenu à cesser la plupart des activités dans son
bureau : les coups de téléphone et les envois d’e-mails. Tous les matins, il se promet de ne pas chercher
à voir Joan, mais, à la fin de la journée, il a quasiment toujours trouvé un prétexte pour la rencontrer. Le
thérapeute aide Alec à travailler sur ce blocage dans le changement de comportement. Alec établit la
liste des avantages et des inconvénients à continuer à voir Joan. L’avantage principal est que, aussi
longtemps qu’il continuera à la voir, il aura une chance de la séduire. L’inconvénient principal est que ce
comportement le maintient dans une position de manque et de douleur.
L’autre comportement qu’Alec et son thérapeute veulent modifier est son excès à travailler. Ils
s’accordent à dire qu’Alec devrait passer ses week-ends à des activités qui lui permettent de rencontrer
d’autres femmes, plutôt qu’à travailler au bureau comme à l’accoutumée. Dans l’extrait suivant, Alec et
son thérapeute étudient une tâche comportementale dans cette intention.
Thérapeute : De quel type d’activité pourrait-il s’agir ? Où pourriez-vous rencontrer des femmes qui vous plairaient ?
Alec : Je ne sais pas, il y a si longtemps que je ne suis allé nulle part ailleurs qu’au bureau.
Thérapeute : Que voudriez-vous faire le week-end ?
Alec : À part travailler ? (Rires.)
Thérapeute : Oui. (Il rit aussi.)
Alec : Voyons, aller dans un bar pour regarder des matchs, peut-être. Mais ce n’est pas là que je ferai des rencontres.
Thérapeute : Aimeriez-vous faire autre chose ?
Alec : Peut-être faire du vélo, s’il fait beau…
Thérapeute : Où irez-vous pour ça ?
Alec : Au parc.
Thérapeute : Ça vous plairait ?
Alec : Oui, j’aimerais ça. Il y a des gens, au bureau, qui se retrouvent le samedi matin pour aller faire du vélo. Je n’y suis jamais allé.
Thérapeute : Pourquoi ?
Alec : Je ne sais pas, je me trouverais ridicule.
Thérapeute : Ça vous rappelle quelque chose ? Pouvez-vous rapporter ce sentiment à votre enfance ?
Alec : Oui, j’avais l’habitude de rester dans la salle de classe durant les récréations, pour travailler, plutôt que d’aller jouer à l’extérieur. Je
ressens la même chose.
Thérapeute : Bien ; dites-moi, si vous entriez maintenant, en tant qu’adulte, dans la salle de classe, et que voyiez votre « moi enfant »
assis durant la récréation, alors que tous les autres enfants s’amusent dehors, que diriez-vous à l’enfant ?
Alec : Je lui dirais : « Tu ne veux pas aller jouer dehors ? Tu ne veux pas aller dehors avec les autres ? »
Thérapeute : Et que répond l’enfant ?
Alec : (en tant qu’enfant) « Oh, si ! Mais j’ai l’impression de ne pas faire partie de leur groupe. »
Thérapeute : Et que lui répondez-vous ?
Alec : (en tant qu’adulte) « Je lui dis « Et si je venais avec toi ? Si les autres enfants apprenaient à te connaître, je suis sûr qu’ils
t’aimeraient. Je vais venir avec toi et je t’aiderai. »
Thérapeute : Et que dit l’enfant ?
Alec : Il dit « D’accord ».
Thérapeute : Bien. Maintenant, imaginez-vous au travail, en train de vous renseigner, auprès d’un collègue, sur le vélo du samedi. Que
voyez-vous ?
Alec : Je vais voir Larry, au déjeuner, et je lui dis « Larry, j’aimerais me joindre à vous ce samedi pour la ballade à vélo. Pourrais-tu me
dire comment ça se passe ? » C’est tout ce que j’aurais à faire.
Thérapeute : Êtes-vous d’accord pour cette tâche ?
Alec : O.K.
Le patient écrit la tâche assignée, avec l’instruction d’enregistrer les pensées, les émotions et les
comportements. À la séance suivante, Alec amène les résultats. Le thérapeute le félicite pour sa réussite
et montre l’intérêt qu’il porte à la conclusion. De plus, il rappelle les bénéfices à achever la tâche.
11. Surmonter les obstacles au changement comportemental
Il est difficile de changer des comportements commandés par les schémas et, malgré le désir des
patients, ce processus rencontre de nombreux écueils. Les Schémas Précoces Inadaptés sont
profondément enracinés, ils se battent pour survivre, parfois de façon subtile. Nous avons développé
plusieurs approches pour surmonter les blocages au changement comportemental.
11.2. Imagerie
Dans le chapitre précédent, nous avons parlé de façon très détaillée de l’imagerie utilisée dans le cadre
du changement comportemental. Nous passerons ici en revue certaines de ces méthodes pour insister
sur leur importance dans le changement comportemental.
L’imagerie peut servir à comprendre les blocages : le thérapeute demande au patient de visualiser la
situation problématique et de décrire ce qui se passe lorsqu’il essaie le nouveau comportement. Le
thérapeute et le patient explorent ensemble le moment où le patient se trouve bloqué. Quelles sont les
pensées et les émotions du patient à cet instant ? Quelles sont les pensées et les émotions des autres
personnages ? Que veut-il faire ? De cette façon, le thérapeute et le patient parviennent souvent à définir
la nature du blocage.
Le thérapeute peut également demander au patient de s’imaginer dans son nouveau comportement et
étudier le détail de ce qui survient ensuite. Se sent-il coupable ? Est-il l’objet de la colère d’un membre de
la famille ? Anticipe-t-il une issue terrible ?
Le thérapeute peut aussi demander au patient de se concentrer sur une représentation imagée du
blocage et de s’imaginer en train de le forcer. Le blocage peut, par exemple, être décrit comme une
masse noire qui appuie sur le patient du haut vers le bas : le questionnement révèle que ce blocage est
porteur du même message qu’un de ses parents pessimistes. Le patient repousse ce message en
repoussant physiquement le blocage.
Le thérapeute peut relier l’instant du blocage à un blocage qui s’est produit au cours de l’enfance en
demandant au patient de se concentrer sur une l’image où il se voit enfant ressentant la même émotion. Il
en profitera pour re-materner l’Enfant Vulnérable du patient.
Ainsi l’imagerie peut servir à la fois à la découverte et au franchissement des obstacles.
11.6. Renforçateurs
Si ces méthodes s’avèrent inefficaces, le thérapeute peut envisager d’instaurer un renforcement pour
récompenser le nouveau comportement. La récompense pourra être l’achat d’un cadeau, une activité de
loisir ; le patient se récompensera lui-même pour avoir accompli le nouveau comportement dans le cadre
d’une tâche assignée. Un renforçateur particulièrement efficace est l’autorisation de téléphoner au
thérapeute ou de laisser un message sur son répondeur, pour expliquer que la tâche a été accomplie.
Si le patient s’avère récalcitrant à tout changement thérapeutique sur une longue période, le dernier
renforçateur consiste à suggérer un arrêt dans la thérapie. Le thérapeute pourra, par exemple, émettre
l’idée d’un effort sur un temps limité : il détermine avec le patient de la durée à consacrer à un
changement comportemental et, si aucun changement n’est survenu au cours de cette période, ils
décident de cesser temporairement la thérapie. Le thérapeute fait comprendre au patient que la thérapie
pourra reprendre dès que le patient sera prêt pour le changement comportemental. Le thérapeute peut
présenter les choses comme un problème de disponibilité du patient : il attendra que le patient lui fasse
savoir qu’il se sent prêt. Il s’agit là d’une mesure extrême réservée aux cas les plus résistants. Parfois
des patients ne sont tout simplement pas prêts pour le changement. Ils ont besoin que du temps passe
ou que les circonstances de leur vie changent avant qu’ils ne se risquent à de nouveaux comportements.
Ils ont parfois besoin d’éprouver un fort niveau d’angoisse. Pour certains patients, rester figé dans son
comportement doit déclencher un état émotionnel pire que celui provoqué par l’idée du changement,
avant qu’ils n’éprouvent une motivation pour changer.
Il faut absolument évaluer s’il existe pour le patient des bénéfices à rester en thérapie – par exemple le
re-parentage, pour une personnalité borderline – qui pourraient influencer sur l’absence de changement
comportemental. Ainsi, il nous arrive parfois de poursuivre le traitement sur une période de temps très
longue sans changement comportemental, s’il existe une raison impérieuse à cela, pour un patient
particulier.
Le thérapeute peut introduire l’idée d’un effort en temps limité suivi d’une interruption de la façon
suivante :
« Je pense que vous faites beaucoup d’efforts, mais que vos schémas sont très puissants. Selon ce point de vue, nous sommes peut-
être allés aussi loin que possible dans le domaine du changement. Parfois, des événements de vie surviennent, qui rendent les gens
capables de modifier leur comportement. Que pensez-vous de l’idée suivante : nous pourrions continuer à nous rencontrer un mois de
plus pour voir si vous parvenez à faire des changements. Sinon, nous pourrions interrompre la thérapie un moment et vous me
rappellerez lorsque vous vous sentirez prêt à reprendre le traitement et à travailler sur les modifications comportementales. Que
pensez-vous de ce programme ? »
EXEMPLES DE CAS
Spencer : Un conflit de modes
Spencer a 31 ans. Il vient en thérapie parce qu’il est mécontent de son travail. Bien qu’il soit titulaire d’une maîtrise en arts décoratifs, il
n’a jamais eu depuis la sortie de l’école un poste correspondant à son niveau de compétence. Il s’ennuie à son travail et estime qu’il n’y
est pas apprécié, mais il se déclare malgré cela incapable de chercher un autre emploi. Aucun emploi ne lui convient parfaitement : soit
le poste n’est pas assez bien, soit il ne se sent pas suffisamment qualifié. Au cours de la phase de diagnostic, Spencer identifie des
schémas d’Imperfection et d’Échec. Après les phases cognitive et émotionnelle du traitement, il entreprend le changement
comportemental. Semaine après semaine, il s’avère qu’il est incapable de mener à bien ses tâches assignées comportementales. Le
temps passe et il persiste à ne pas avancer. Cependant, il se produit une chose inattendue : Spencer perd son travail. Ses réserves
financières s’amenuisent, mais il est toujours incapable de rechercher activement un travail. Sa survie est menacée.
Le thérapeute conceptualise le blocage de Spencer comme un conflit de modes. Lorsque les patients doivent franchir une étape
véritablement indispensable à leur survie, mais qu’ils persistent à s’estimer incapable d’agir, l’hypothèse de conflit de modes est très
vraisemblable. Le thérapeute aide Spencer à identifier les deux modes bloqués dans le conflit : l’Enfant Déficient, qui se sent trop
impuissant et désespéré pour progresser, et l’Adulte Sain qui veut trouver un travail plus satisfaisant. Spencer conduit des dialogues
entre ces deux modes qui l’aident à résoudre le conflit. L’Adulte Sain apaise les craintes de l’Enfant Vulnérable et lui promet de prendre
en charge toutes les difficultés qui surviendront.
Rina : Quand le patient manque de motivation pour changer
Les patients se sentent bien avec leurs Schémas Précoces Inadaptés : les schémas représentent une partie d’eux-mêmes. Ils sont
tellement persuadés de la véracité de leurs schémas qu’ils sont souvent incapables de saisir la possibilité du changement. Dans
certains cas, les patients ne se sont pas suffisamment mis en colère contre le schéma. Dans d’autres cas, comme cela arrive
fréquemment avec le trouble de personnalité narcissique, les inconvénients des comportements dysfonctionnels ne sont pas
suffisamment motivants. Beaucoup de comportements narcissiques exaspèrent les proches bien plus qu’ils ne gênent les patients eux-
mêmes, et ces patients ne sont pas motivés pour changer, à moins qu’un de leurs proches ne prenne une décision énergique, comme
par exemple de menacer d’interrompre leur relation. Le thérapeute corrige ce problème en insistant sur les conséquences négatives
qu’entraînerait à long terme le maintien du comportement narcissique.
Rina a un schéma de Droits Personnels Exagérés. Elle a été un enfant gâté, elle estime qu’elle a droit à un traitement spécial. Parmi les
privilèges qu’elle s’accorde à elle-même (et pas aux autres), il y a celui d’exploser de colère toutes les fois qu’elle n’obtient pas ce qu’elle
veut. Elle vient en thérapie parce que son fiancé, Mitch, la menace de rompre ses engagements si elle n’apprend pas à contrôler son
tempérament. Rina rencontre des difficultés dans la réalisation de ses tâches comportementales assignées. Elle a, par exemple,
convenu avec son thérapeute de faire une pause lorsqu’elle sent qu’elle est sur le point de perdre sa bonne humeur avec Mitch ; mais le
moment venu, elle décide toujours que ce qu’elle veut à ce moment précis est la chose la plus importante. « Je veux ce que je veux, dit-
elle, et céder n’est pas du tout mon style ». Rina n’a pas de schéma de Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants, car ce problème de
contrôle de soi n’apparaît que lorsqu’elle ne parvient pas à obtenir ce qu’elle veut.
Le thérapeute l’aide à surmonter son blocage. Rina fait la liste des avantages et inconvénients qu’il y aurait à continuer de perdre sa
bonne humeur. Elle mène des dialogues entre son côté sain et son côté grandiose. Avec son thérapeute, elle compose une fiche mémo-
flash qui lui rappelle l’importance d’apprendre à contrôler sa bonne humeur : elle met en danger sa relation avec Mitch chaque fois qu’elle
perd son calme, et il est plus important pour elle de garder Mitch que d’obtenir ce qu’elle veut de façon momentanée. Rina s’entraîne à
contrôler sa colère en imagination et en jeux de rôle. Progressivement, elle apprend à maîtriser sa colère et à s’exprimer de façon plus
adaptée dans sa relation avec Mitch.
12. Comment faire des changements majeurs
Même lorsque les patients réalisent avec succès des changements dans leur vie, une situation
douloureuse et destructive peut persister. Dans de tels cas, les patients peuvent décider d’un
changement majeur dans leur vie, tel qu’un changement d’école, de travail, de métier, un déménagement,
une rupture avec des amis ou des membres de la famille, la fin d’une relation amoureuse. Le thérapeute
les soutient dans la recherche de la voie qui leur convient.
Lorsque les patients envisagent de quitter une situation problématique, il est important pour le
thérapeute de déterminer si les raisons qui ont motivé leur décision sont saines ou bien commandées par
un schéma mal adapté. Lorsque le Schéma commande, les raisons de la décision prennent en principe la
forme d’un évitement ou d’une compensation. Un jeune patient, Jim, décide, par exemple, de quitter son
travail dans le domaine financier et de déménager pour la côte. Ce changement est financièrement
possible pour lui, mais à la réflexion, il réalise qu’il est commandé par son schéma d’Assujettissement. Ce
déménagement représente à la fois un évitement de schéma et une compensation : en déménageant, Jim
pourrait éviter de faire face aux conflits avec ses clients et ses collègues, et il pourrait compenser son
schéma en faisant ce qu’il a envie de faire. Jim reconnaît que s’il n’avait pas de conflit avec les clients et
ses collègues, il resterait dans ce même emploi.
Chaque fois que les patients décident des changements brutaux ou soudains, le thérapeute doit
analyser la situation avec prudence. Même si leur comportement apparaît sain, les patients peuvent
manquer de préparation. Dans de tels cas, la confrontation empathique fera découvrir au thérapeute un
évitement ou une compensation.
Si le changement que propose le patient n’est pas du domaine de l’évitement ou de la compensation,
l’étape suivante consiste à explorer les solutions alternatives ; le thérapeute et son patient font la liste
des solutions, ils cherchent pour chacune les avantages et les inconvénients, et déterminent la meilleure.
Le thérapeute questionne : « si votre schéma n’existait pas, que feriez-vous ? » Cette question aide les
patients à identifier la bonne voie. De plus, le thérapeute et son patient cherchent les avantages et les
inconvénients à changer ou à ne pas changer. Parfois, la décision réside dans des considérations
pratiques : le patient peut-il financièrement supporter le changement ? Est-il certain de trouver un autre
travail, qui soit meilleur ? Trouvera-t-il une relation plus satisfaisante ?
Le thérapeute aide le patient à se préparer au défi que représente un changement important dans leur
vie. Lors d’un changement majeur, il faut aussi pouvoir tolérer la frustration et la déception, la
désapprobation de son entourage et la gestion des problèmes inattendus.
RÉSUMÉ
Dans la partie comportementale du traitement, les patients essaient de remplacer des modèles comportementaux dirigés par les
schémas par des modes de vie plus adaptés. Les comportements visés par le changement sont les styles d’adaptation dysfonctionnels
qu’utilisent les patients lorsque leurs schémas sont activés. Ces styles d’adaptation dysfonctionnels sont généralement la soumission,
l’évitement ou la compensation, bien que chaque Schéma Précoce Inadapté possède ses propres réponses adaptatives.
La modification comportementale commence par la définition de comportements spécifiques en tant que cibles pour le changement. Le
thérapeute et le patient disposent pour cela de plusieurs moyens : (1) ils affinent la conceptualisation de cas établie au cours de la phase
de diagnostic ; (2) ils décrivent de façon détaillée les comportements problématiques ; (3) ils étudient les événements activateurs grâce
à l’imagerie ; (4) ils explorent la relation thérapeutique ; (5) ils demandent leur avis aux proches ; (6) ils étudient les inventaires de
schémas.
Ensuite, le thérapeute et le patient déterminent les comportements à modifier prioritairement. Nous estimons qu’il est important
d’essayer de changer des comportements dans le cadre d’une situation donnée de la vie actuelle avant de faire des changements de vie
importants. À la différence de la thérapie cognitive comportementale traditionnelle, les patients commencent par le comportement le plus
problématique qu’ils sont capables de prendre en charge.
Pour motiver le patient au changement, le thérapeute établit la liaison entre le comportement cible et ses origines infantiles. Le
thérapeute et le patient font la liste des avantages et des inconvénients à garder ce comportement. Ils rédigent une fiche de schéma qui
résume les principaux points. Au cours des séances, le patient s’entraîne au comportement sain en imagination et en jeux de rôle. Le
thérapeute et le patient décident de tâches assignées comportementales. Le patient exécute ces tâches, dont les résultats seront
commentés à la séance suivante.
Nous faisons plusieurs propositions pour surmonter les blocages au changement comportemental. D’abord, le thérapeute et le patient
établissent un concept du blocage. Le blocage est habituellement un mode ; le thérapeute et le patient formeront une alliance pour lui
faire face. Le patient mène des dialogues entre le blocage et le côté sain. Le thérapeute et le patient composent une fiche que le patient
pourra lire. Si, après un nouvel assignement de la tâche, le patient est toujours incapable de l’accomplir, le thérapeute pourra mettre en
place des renforçateurs.
CHAPITRE 6
La relation thérapeutique
Ce chapitre décrit la relation thérapeutique dans le cadre de la thérapie des schémas. Nous nous
intéresserons d’abord à l’utilité de la relation thérapeutique pour le diagnostic des schémas et des styles
d’adaptation, puis à son rôle en tant qu’agent du changement.
1. La relation thérapeutique à la phase de diagnostic
Au cours de la phase de diagnostic et d’information, la relation thérapeutique est une méthode très utile
pour déterminer les schémas et informer le patient. Le thérapeute établit le rapport collaboratif, formule
la conceptualisation du cas, décide du style de re-parentage partiel le plus adapté au patient, et il
détermine si ses propres schémas sont susceptibles d’interférer avec la thérapie.
Cet extrait est un bon exemple de la façon dont le thérapeute peut utiliser la relation thérapeutique pour
informer les patients de leurs schémas. De plus, il est intéressant de noter que le Dr Young a demandé
de façon précise au patient si ses schémas étaient activés au cours de la relation thérapeutique. Sans
cette question directe de la part du thérapeute, le patient n’aurait jamais soulevé le sujet.
Il y a des comportements de séance typiques pour chaque schéma. Les patients qui ont, par exemple,
des schémas de Droits Personnels Exagérés demandent du temps supplémentaire ou des faveurs
spéciales dans le programme de leurs rendez-vous ; les patients qui ont des schémas d’Abnégation vont
chercher à prendre soin du thérapeute ; les patients qui ont des schémas d’Idéaux Exigeants peuvent
critiquer les petites erreurs du thérapeute. Le comportement du patient avec le thérapeute suggère des
hypothèses sur le comportement du patient avec ses proches. Les schémas et les styles d’adaptation qui
se manifesteront avec des personnages proches seront les mêmes que ceux que le patient fait
apparaître avec le thérapeute.
Si le thérapeute avait pris Jasmine au mot, et qu’il avait cherché à préserver son indépendance, il
n’aurait pas pu la guider autant qu’elle en avait besoin. Jasmine n’était pas trop dépendante. En fait, on
ne l’avait jamais autorisée à accepter de dépendre de quelqu’un. Sur le plan affectif, elle a toujours été
seule. En la re-maternant en accord avec son schéma central, le thérapeute pourra l’aider à reconnaître
que ses besoins de dépendance sont normaux et que l’on parvient à l’autonomie de façon progressive.
1. La sécurité liée à l’attachement aux autres (qui comprend : la stabilité, la sécurité, l’éducation
attentive et l’acceptation)
2. L’autonomie, la compétence et le sens de l’identité
3. La liberté d’exprimer ses besoins et ses émotions
4. La spontanéité et le jeu
5. Les limites et l’autocontrôle
Le but est que le patient internalise un mode d’Adulte Sain, calqué sur le thérapeute, qui puisse
combattre les schémas et inspirer un comportement sain.
EXEMPLE DE CAS
Lily a 52 ans, ses enfants ont grandi et ont quitté la maison. Elle a un schéma de Manque Affectif. Lorsqu’elle était enfant, personne ne
communiquait avec elle sur le plan affectif. Elle s’est progressivement mise à l’écart, préférant étudier ou jouer du violon plutôt que
d’interagir avec les autres. Elle avait peu d’ami, et aucun n’était vraiment intime. Lily est mariée à Joseph depuis trente ans. Son mariage
ne l’intéresse plus et elle passe son temps seule à la maison avec ses livres et sa musique. À la phase de diagnostic, Lily et le
thérapeute ont estimé que son schéma central était le Manque Affectif et que son style d’adaptation principal était l’évitement.
Les semaines passant, Lily se met à avoir une attirance sexuelle pour son thérapeute masculin. Elle réalise à quel point sa vie est vide
sur le plan affectif. Ne se satisfaisant plus de lire et de jouer de la musique toute seule, elle commence à vouloir davantage. Inquiète et
honteuse de ses besoins, elle s’adapte en se retirant psychologiquement vis-à-vis du thérapeute. Le thérapeute observe ce retrait. Il
émet l’hypothèse que son schéma de Manque Affectif a été activé au cours de la relation thérapeutique et qu’elle est en train de répondre
par un évitement de schéma. La connaissance de son schéma central et de son style d’adaptation principale guide le thérapeute dans
sa compréhension.
Le thérapeute remarque le retrait de Lily et il l’aide à l’explorer. Bien qu’elle ne soit pas capable de parler de son attirance sexuelle, elle
est capable de dire qu’elle ressent des sentiments d’attention chaleureuse à l’égard du thérapeute et que cela la gêne considérablement.
Il y a longtemps qu’elle ne s’est pas vraiment préoccupée de quelqu’un. Le thérapeute demande à Lily de fermer les yeux et de relier ce
sentiment de gêne à la personne pour laquelle elle a eu dans le passé un sentiment identique. Elle commence par relier ce sentiment à
son mari au début de leur mariage puis à son père lorsqu’elle était enfant. Elle se souvient d’avoir vu, en rentrant de l’école, un petit
garçon sauter dans les bras de son père ; elle s’est alors sentie envahie par une grande envie d’en faire autant avec son père à elle qui
était si distant. Car Lily, quand elle rentrait de l’école, montait dans sa chambre et passait le reste de la journée à jouer du violon.
Le thérapeute aide Lily à reconnaître la distorsion cognitive dans sa vision de la relation thérapeutique. À la différence de son père, son
thérapeute fait bon accueil à son besoin d’attention (lorsqu’il s’exprime dans les limites appropriées de la relation thérapeutique). Dans la
relation thérapeutique, on l’autorise à être attentionnée et à demander de l’attention ; le thérapeute ne la rejettera pas. On l’autorise à
parler de ses sentiments de façon directe, elle n’est pas obligée de se mettre en retrait. Ce type de communication était impossible avec
son père, mais il est possible avec le thérapeute et, par conséquent, avec d’autres personnes dans le monde. (Nous encourageons les
patients à verbaliser leur attirance sexuelle pour le thérapeute, tout en précisant gentiment et sans rejeter le patient, que de tels
sentiments envers le thérapeute ne peuvent conduire à aucune suite dans les faits. Nous expliquons au patient qu’ils finiront par partager
de tels sentiments avec quelqu’un d’autre dans leur vie qui sera en position de répondre de façon réciproque à leurs sentiments.)
Dans les pages suivantes, nous donnons des exemples de scénarios dans lesquels les schémas du
thérapeute ont un impact négatif sur la relation thérapeutique. Chaque exemple est illustré par des cas
cliniques.
1.6. Exemples dans lesquels les schémas du thérapeute ont un impact négatif sur
la relation thérapeutique
EXEMPLE 2
Kenneth est un patient âgé ayant un schéma d’Idéaux Exigeants ; sa jeune thérapeute a un schéma d’Imperfection (lié à son père qui
était très critique envers elle). À la moindre erreur mineure, le patient critique le thérapeute : « vous me décevez vraiment beaucoup »,
ce qui active le schéma d’Imperfection et fait rougir le praticien. Suivant le style d’adaptation du moment, la thérapeute répond soit en se
dévalorisant (soumission au schéma), soit en se retirant du problème en changeant de sujet (évitement), soit en se défendant de façon
accusatrice (compensation). Tous ces comportements inadaptés, imparfaits, déclenchent l’activation du schéma d’Idéaux Exigeants de
Kenneth qui va être encore plus désobligeant, etc. Finalement, convaincu de l’incapacité de sa thérapeute, il quittera la thérapie.
EXEMPLE 3
Alana, une jeune patiente, a un schéma de Méfiance/Abus, résultat de ses relations infantiles avec un oncle qui a abusé d’elle
sexuellement. Son style d’adaptation est la soumission : avec les autres, elle tient toujours le rôle de la victime. Sa thérapeute est une
femme âgée, elle a un schéma d’Assujettissement, son style d’adaptation est la compensation : elle domine les patients pour s’adapter
à son sentiment d’être sous contrôle dans plusieurs domaines de sa vie, notamment sa vie de couple et sa famille.
Au cours de la thérapie, la patiente devient de plus en plus passive, la thérapeute la domine de plus en plus et y prend du plaisir ; Alana,
qui n’a jamais appris à résister, se soumet à toutes les demandes de sa thérapeute. Inconsciemment, la thérapeute utilise la patiente
pour réduire son propre sentiment d’assujettissement, renforçant ainsi le schéma de Méfiance/Abus de la patiente.
EXEMPLE 4
Un patient a un schéma de Dépendance, son thérapeute un schéma d’Abnégation. Le thérapeute en fait trop pour le patient, le
maintenant dans sa dépendance.
EXEMPLE 5
Un patient a un schéma d’Échec et le thérapeute un schéma d’Idéaux Exigeants. Le thérapeute a des attentes irréalistes à l’égard du
patient, il lui communique son impatience et renforce ainsi son schéma d’Échec.
EXEMPLE 6
Un patient a un schéma de Négativité/Pessimisme, son style d’adaptation est la compensation obsessionnelle-compulsive, son
thérapeute a un schéma de Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants. Il apparaît désorganisé et impulsif. Le patient, inquiet, quitte la
thérapie, son schéma de Pessimisme étant aggravé.
Un désaccord existe entre les besoins du patient et les schémas ou les styles d’adaptation
du thérapeute
Le patient peut avoir des besoins que le thérapeute est incapable de combler. À cause de ses propres
schémas ou styles d’adaptation, le thérapeute ne peut pas donner au patient le type de re-parentage qui
lui convient. (Le thérapeute ressemble souvent au parent qui, au départ, provoqua le schéma chez le
patient.) En voici quelques exemples.
EXEMPLE 1
Neil démarre une thérapie pour une dépression et des problèmes conjugaux. Il a un schéma de Manque Affectif, lié à son enfance près
de parents négligents et égoïstes, et lié aussi à son mariage avec une femme égoïste. C’est le Manque Affectif de Neil qui le rend
dépressif. En termes de re-parentage partiel, il a besoin que le thérapeute soit empathique et attentionné.
Malheureusement, son thérapeute a un schéma de Sur-contrôle Émotionnel : il ne pourra pas lui apporter la chaleur empathique
nécessaire. La thérapie progressant, Neil ressent du manque affectif de la part de son thérapeute aussi, et devient de plus en plus
dépressif.
EXEMPLE 2
Edouard a un schéma de Dépendance/Incompétence. Plutôt que d’entrer à l’université après le lycée, il y a 6 ans, il s’est mis à travailler
pour son père dominateur, qui tient une usine de textile florissante. Son père prend toutes les décisions professionnelles et, comme
avant qu’Édouard ne vienne travailler pour lui, il exerce une grande influence sur la vie personnelle de son fils.
Édouard demande une thérapie pour une anxiété chronique importante. Toute décision qu’il a à prendre le tourmente, si minime soit-elle.
Face à une décision, il se sent paralysé par l’anxiété et son moyen pour réduire l’angoisse consiste à consulter son père.
En termes de re-parentage, il a besoin d’un thérapeute qui favorise chez lui une prise graduelle d’autonomie. Hélas, le sien a un schéma
de Fusionnement. Édouard finit par se soustraire à l’influence de son père, pour devenir dépendant de son thérapeute.
EXEMPLE 3
Max a un schéma de Contrôle De Soi/Autodiscipline Insuffisants. Il entre en thérapie parce que son schéma l’empêche de progresser
dans sa carrière de journaliste. Comme il ne parvient pas à gérer son temps, il a de la difficulté à terminer ses articles. Il a besoin d’un
thérapeute qui le confronte de façon empathique et le structure.
Sa thérapeute a un schéma d’Assujettissement vis-à-vis des hommes, lié à son enfance au contact d’un père strict. Quand elle faisait
quelque chose de mal, son père entrait souvent dans une colère incontrôlée. Comme avec son père, elle adopte avec Max un style
d’adaptation évitant : lorsque Max n’accomplit pas ses tâches assignées ou qu’il se laisse aller à éviter des points difficiles au cours des
séances, elle reste muette. Pour éviter les conflits, elle ne fait pas de confrontation et ne fixe aucune limite. Elle est incapable de donner
à son patient la structure dont il a besoin et renforce son schéma au lieu de le guérir.
Une identification forte se met en place lorsque les schémas du patient et du thérapeute se
rencontrent
Si le patient et son thérapeute ont le même schéma, le thérapeute s’identifie fortement dans son patient
et perd son objectivité. Il agit en complicité avec le patient, dont il renforce le schéma.
EXEMPLE
Richie et sa thérapeute ont tous les deux un schéma d’Abandon. Les parents de Richie ont divorcé lorsqu’il avait 5 ans. Il est resté avec
son père, et sa mère est devenue un personnage lointain dans sa vie. Il vient en thérapie après que sa petite amie l’ait quitté. Il est
dépressif et présente des attaques de panique.
Sa thérapeute a perdu sa mère dans un accident d’automobile alors qu’elle avait 12 ans. Lorsque Richie parle de la perte de sa mère, la
thérapeute ressent une peine intense. Lorsqu’il se lamente sur la fin de sa relation avec sa petite amie, elle se sent envahie par sa peine
à lui. Elle se sent tellement concernée par la vie de Richie qu’elle est incapable de se fixer des limites. Elle lui demande de lui téléphoner
à toute heure du jour ou de la nuit s’il se sent bouleversé et elle passe plusieurs heures par semaine avec lui au téléphone. Elle met
beaucoup de temps à discerner ses distorsions cognitives ; elle est souvent d’accord avec lui au lieu de le confronter empathiquement à
la réalité, lorsqu’il interprète de petites séparations d’avec ses amis comme des exemples d’abandon caractérisé. Elle soutient ses
réponses dysfonctionnelles plutôt qu’elle ne l’aide à les changer.
Le schéma d’Abnégation est peut-être le plus fréquent chez les thérapeutes. Lorsqu’ils travaillent avec
un patient qui partage ce schéma, ils doivent veiller à ne pas agir en complicité avec le schéma du
patient. Ces thérapeutes doivent, par un effort conscient, doser avec finesse l’équilibre entre « donner »
et « recevoir », en évitant de trop donner comme de trop recevoir de la part de leur patient si
désintéressé.
Le schéma d’Idéaux Exigeants est également très fréquent chez les psychothérapeutes. En traitant
des patients dont ils partagent le schéma, les thérapeutes doivent se fixer des attentes raisonnables, à la
fois pour eux-mêmes et aussi pour leurs patients perfectionnistes.
EXEMPLE 2
Hans a 55 ans. Il vient de perdre son emploi de directeur dans une petite société. Bien qu’il ait gagné des centaines de milliers de dollars
par an au cours des trois années durant lesquelles il a tenu ce poste, il n’a pas d’argent d’avance. Il est même endetté. Il s’est fait
renvoyer de plusieurs emplois car il ne sait pas gérer sa colère. Hans a un schéma d’Imperfection et, chaque fois qu’il se sent critiqué, il
compense par des remarques faites en criant et d’un ton coupant. Comme il perçoit souvent des affronts là où il n’y en a pas, la plupart
des gens qu’il rencontre sont la proie de ses commentaires sarcastiques et insultants.
Il demande une thérapie pour l’aider à gérer sa colère et lui permettre de trouver un nouvel emploi. Au cours des séances, il part dans de
longues tirades sur la succession des évènements qui lui ont fait perdre son travail et sur les gens de l’entreprise qui l’ont trahi et ont
conspiré contre lui. Sa colère apparaît sans limite.
Le temps passe et il n’est toujours pas capable de se mettre sérieusement à la recherche d’un emploi ; il commence même à se mettre
en colère contre le thérapeute et il passe ses séances à pester contre ce thérapeute qui ne l’aide pas.
Le thérapeute a un schéma d’Assujettissement ; il ne parvient pas à supporter les accès de colère de son patient et adopte un
comportement défensif. Plus le thérapeute se défend, plus le patient se met en colère.
Les patients qui se présentent comme très fragiles ou très coléreux de façon prolongée dans le temps
risquent de provoquer un évitement comportemental chez le thérapeute. Les patients porteurs d’un
trouble de personnalité borderline, en particulier, ont des émotions intenses et des intentions suicidaires
très fréquentes, que le thérapeute peut avoir du mal à supporter. Il se met alors en retrait, ce qui active
le schéma d’Abandon du patient ; par voie de conséquence, l’intensité des affects du patient est
renforcée, ainsi que son désir suicidaire, selon un cercle vicieux qui peut rapidement s’accélérer jusqu’à la
crise. Nous discuterons de ce problème dans le chapitre 9.
EXEMPLE 2
Un patient a un schéma de Droits Personnels Exagérés et son thérapeute un schéma d’Abnégation : le thérapeute tendra
continuellement à l’encourager de façon excessive et, lorsque le patient formulera une requête personnelle exigeante, le thérapeute
compensera en se mettant en colère contre lui.
EXEMPLE 2
Lana a un schéma d’Imperfection. Elle demande une thérapie car, actrice à succès, elle estime qu’elle est sans valeur et incapable
d’être aimée. Malheureusement, son thérapeute masculin a un schéma d’Idéaux Exigeants. Il se comporte comme le père de sa
patiente, comme un parent exigeant, et il lui fixe des objectifs trop élevés pour elle. La patiente reste en thérapie durant des années en
se battant pour devenir « suffisamment bonne » aux yeux de son thérapeute et obtenir son approbation…
EXEMPLE 2
Un patient a un schéma de Fusionnement, il rencontre un thérapeute au schéma d’Isolement Social avec lequel il a une relation
fusionnelle : le besoin de relations proches du thérapeute ne lui permettra pas d’aider ce patient.
EXEMPLE 3
Un patient a un schéma de Recherche d’Approbation et fait fréquemment des compliments à son thérapeute (dans le but de lui plaire) ;
si son thérapeute a un schéma d’Imperfection et de Dépendance, il répondra à ces louanges par du plaisir. Malheureusement, la
réponse positive du thérapeute renforce le comportement du patient, et donc son schéma.
Les schémas du thérapeute sont activés par « l’insuffisance des progrès » du patient
Les thérapeutes dont les schémas sont faits d’Imperfection, d’Échec, de Dépendance/Incompétence
répondent de façon inappropriée aux patients qui ne s’améliorent pas en thérapie. Ils expriment de la
colère ou de l’impatience, perpétuant ainsi les schémas des patients.
EXEMPLE
Beth est une patiente porteuse d’un trouble de personnalité borderline et consulte pour un état dépressif lié à ses relations avec son ami,
Carlos. Au début de leur relation, ils étaient inséparables. Progressivement, Carlos a voulu « davantage d’espace », ce qui mettait Beth
hors d’elle. Elle s’est mise à le coller, le contrôler, à être bouleversée chaque fois que Carlos s’absentait, lui demandant des comptes sur
son emploi du temps. Lorsqu’elle commence sa thérapie, Carlos veut clairement se séparer d’elle, mais Beth refuse la rupture. Elle
l’appelle continuellement au téléphone, elle pleure, promet de changer de comportement, l’implore de revoir sa décision. Carlos refuse
fermement de poursuivre la relation et se met à fréquenter d’autres femmes.
Le thérapeute a un schéma de Dépendance/Incompétence. Il cherche trop rapidement à lui faire faire le deuil de son ami. Il montre à
Beth, et elle l’admet, que chercher à conserver Carlos a un côté auto-destructeur. Il lui apprend à stopper sa pensée par des méthodes
de distraction lorsqu’elle est obsédée par Carlos. Il l’aide à trouver des solutions alternatives lorsqu’elle éprouve le besoin de lui
téléphoner. Cependant, quoi qu’il fasse, rien ne change : Beth continue à être obsédée par Carlos, à lui téléphoner continuellement et à
l’implorer de revenir. Le thérapeute commence à se sentir incapable et irrité. Lorsque Beth exprime son sentiment de délaissement, il se
met à la critiquer. Il lui exprime qu’elle refuse en fait d’aller mieux (= stratégie de compensation du thérapeute). Lorsqu’elle parle des
coups de téléphone qu’elle donne à Carlos, il la réprimande. Beth finit par penser qu’elle n’est pas assez bonne, ni pour son ami, ni pour
le thérapeute.
Les schémas du thérapeute sont activés par les crises du patient (notamment les crises
suicidaires)
Ces crises sont hautement susceptibles d’activer les schémas du thérapeute. Elles testent les capacités
du thérapeute à s’adapter de façon positive.
EXEMPLE
Une thérapeute a un schéma d’Assujettissement lié à sa mère qui la contrôlait dans son enfance : « Si tu es vilaine (= si tu ne fais pas
ce que je veux), je t’abandonnerai. »
En débutant sa thérapie, la patiente, Jessica, fait un récit confus de son enfance. À un moment, elle raconte que sa tante et son oncle
ont sexuellement abusé d’elle et de son jeune frère. Mais plus tard, elle dit que cela ne s’est en fait jamais produit. Elle a un ami qui se
drogue (alcool, cocaïne). Lorsqu’il est sous l’emprise des drogues, il disparaît, souvent pour plusieurs jours. La dernière fois qu’il est
parti, Jessica s’est tailladé les chevilles avec un rasoir.
Après quelques semaines de thérapie, ce garçon pose un lapin à Jessica (ils avaient rendez-vous pour un dîner). Jessica rentre chez
elle, se taillade les chevilles et téléphone à sa thérapeute, qu’elle réveille. Au téléphone, Jessica gémit : « Comment a-t-il pu me faire
ça ? » et elle raconte qu’elle s’est tailladé les chevilles. Plutôt que de répondre de façon empathique, la thérapeute répond furieusement,
pensant à une manipulation, à une tentative de contrôle (comme le faisait sa mère). « Je désapprouve complètement ce que vous avez
fait » lui répond-elle, ce qui déclenchera chez Jessica une crise de panique.
Pour gérer les crises, le thérapeute doit conserver son empathie et son objectivité, n’être ni critique ni
punitif (voir la gestion des crises et du risque suicidaire, chapitre 9.)
L’envie peut inciter le thérapeute à se polariser sur le problème et avoir un comportement de jalousie
(soumission au schéma), à éviter de parler d’un problème important (évitement de schéma) ou à tenter
de vivre au travers du patient (compensation de schéma).
Les thérapeutes doivent s’acharner à reconnaître leurs propres limites : lorsque les patients activent
chez eux des Schémas Précoces Inadaptés, ils doivent décider s’ils sont capables de répondre de façon
adaptée en fonction des buts thérapeutiques et de continuer à se comporter de façon professionnelle.
Les thérapeutes peuvent utiliser les techniques de schéma-thérapie pour traiter le problème, soit par
eux-mêmes, soit en supervision. Ils peuvent conduire des dialogues entre le schéma et le côté sain :
Que dit le schéma dans les séances avec le patient ? Que commande-t-il au thérapeute de faire ?
Comment le côté sain – le bon thérapeute – réagit-il ?
Ils peuvent utiliser les techniques d’imagerie pour explorer et corriger le problème. Le thérapeute peut,
par exemple, se rappeler l’image d’une situation où son schéma a été activé en séance. Quand, dans son
enfance, a-t-il ressenti la même chose ? Que dit l’Enfant Vulnérable du thérapeute dans cette image ?
Quelle est la réponse de l’Adulte Sain ? Le thérapeute mène des dialogues entre les différents modes.
Enfin, ils peuvent également pratiquer les techniques comportementales. Plutôt que de répondre de
façon inadaptée au patient, ils pourront se déterminer des tâches consistant à utiliser la confrontation
empathique et le re-parentage partiel.
Si des problèmes restent non résolus, par la consultation ou la supervision, le thérapeute devra
envisager d’adresser le patient à un autre thérapeute.
EXEMPLE 2
Clifford, 52 ans, vient à sa première séance. Il consulte pour retrouver confiance en lui, de façon à améliorer son ascension
professionnelle. Il a perdu la plupart de ses relations importantes – sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, son meilleur ami – mais
son assurance agressive ne lui permet pas d’apprécier ses pertes à leur juste valeur. Ed, son thérapeute, recadre le problème actuel du
patient, en incluant les relations interpersonnelles, mais Clifford n’est pas d’accord : « C’est moi qui paie, c’est moi qui décide. » À la
seconde séance, Ed reprend le problème, en donnant pour exemple la façon dont il a lui-même été traité à la première séance. « Bien
que vous pensiez que vous avez un problème de confiance en vous, vous avez en fait un problème plus profond. Il s’agit d’un
narcissisme, qui vous empêche d’être proche des autres et de connaître vos véritables émotions. » Pour ce patient l’utilisation du mot
« narcissisme » a été d’un grand secours ; il explique que les autres thérapeutes ont cessé de travailler avec lui sans jamais lui dire
pourquoi. (En revanche, pour d’autres patients qui ont moins de défenses, un diagnostic peut être ressenti de façon péjorative et être
plus dangereux qu’utile.)
2. La relation thérapeutique à la phase de changement
Au cours de la phase de changement, le thérapeute continue à confronter le patient à ses Schémas
Précoces Inadaptés et à ses styles d’adaptation dysfonctionnels, dans le cadre de la relation
thérapeutique. La confrontation empathique et le re-parentage partiel sont les deux moyens principaux
pour favoriser le changement.
EXEMPLE 3
Un jeune homme a un schéma d’Imperfection ; il dit à son thérapeute : « Dans ma famille, on dit que je suis égoïste. Pensez-vous que je
sois égoïste ? » Le thérapeute répond honnêtement : « Non, je ne vous crois pas égoïste ; je vous considère comme quelqu’un qui
donne beaucoup aux autres. » La révélation de soi à laquelle se prête le thérapeute fournit un antidote partiel au schéma du patient.
EXEMPLE 4
Bill a un schéma d’Échec. Il demande une thérapie car sa carrière de directeur de société ne lui procure pas l’avancement qu’il souhaite.
À la fin de la première séance, Eliot, son thérapeute lui remet le Questionnaire des Schémas de Young, avec la tâche de le remplir à la
maison. Bill vient à la séance suivante sans avoir effectué sa tâche, avec une attitude belligérante, en piétinant de façon coléreuse, et il
fait des excuses.
Le thérapeute attend que Bill soit suffisamment calme pour entamer la discussion. Ils analysent ce qui vient de se passer. « Je pensais
que vous alliez me crier après », explique Bill. Eliot explore alors l’origine de cette attente dans l’enfance de Bill et ses effets dans sa vie
professionnelle. Bill a grandi dans une ferme et lorsqu’il était enfant, son père le punissait durement lorsqu’il ne terminait pas son travail
suffisamment vite. (Bill a aussi un schéma de Punition.) Le thérapeute sympathise avec l’expérience infantile de Bill : sous l’apparence
coléreuse, se cache un Enfant Vulnérable qui a peur de l’échec et de la punition. Le thérapeute aide alors Bill à suivre les effets de ses
schémas dans sa vie professionnelle. Il en ressort que Bill est souvent en opposition avec ses collaborateurs et ses supérieurs, ce qui
constitue un obstacle dans la progression de sa carrière. Une fois que Bill a compris ses schémas (Échec et Punition) et ses stratégies
inadaptées (compensation par un comportement coléreux), le thérapeute passe à la mise à l’épreuve de la réalité. Il fait de la révélation
de soi au sujet du comportement coléreux de Bill : lorsque Bill se comporte ainsi, le thérapeute a envie de prendre de la distance par
rapport à lui.
Si on analyse leurs schémas quand ils s’activent au cours de la relation thérapeutique, les patients
parviennent à réaliser la manière dont ils les perpétuent et ils se préparent à mieux comprendre leurs
difficultés de vie en dehors de la thérapie.
Les thérapeutes peuvent anticiper l’activation de schéma et ils peuvent apprendre aux patients à faire
de même. Il est facile de prévoir que le schéma d’Abandon d’un patient sera activé lors des congés du
thérapeute. Cette notion permet au thérapeute de prévenir son patient suffisamment à l’avance et de
l’aider à développer une stratégie d’adaptation saine. Le thérapeute et le patient pourront, par exemple,
rédiger une fiche mémo-flash que le patient lira quand le thérapeute s’absentera.
De la même façon, on peut prévoir qu’un patient au schéma d’Assujettissement sera réticent à suivre
les directives du thérapeute. Le thérapeute peut se préparer à cette éventualité et donner au patient des
suggestions plutôt que des directives, dans le cadre des exercices en séance ou des tâches assignées.
Plutôt que de donner des instructions au patient, le thérapeute lui demande de choisir l’exercice ou de
formuler la tâche.
EXEMPLE 2
Un patient au schéma d’Imperfection remarque que sa thérapeute a un pèse-personne dans son bureau et lui demande pourquoi. La
thérapeute répond qu’elle traite des patients présentant des troubles des conduites alimentaires et que ces patients se pèsent au cours
des séances. Le patient réplique : « Ah, je croyais que vous essayiez de me dire que j’étais gros. » Une réponse directe de la part de la
thérapeute améliore la confiance du patient. La thérapeute ne lui envoie pas des messages indirects négatifs.
Inversement, les patients ayant des schémas de Dépendance demandent souvent à leur thérapeute
son opinion pour des décisions qu’ils pourraient prendre seuls. Dans de tels cas, le thérapeute associe la
confrontation empathique et le re-parentage partiel et refuse gentiment de répondre. Il dira, par
exemple : « je sais que prendre une décision vous rend anxieux. Votre schéma de Dépendance vous
empêche d’essayer de décider par vous-même, mais vous pouvez le faire. Plutôt que de vous dire
comment vous devez faire, je vous aiderai dans votre recherche de la réponse. »
Les thérapeutes doivent se souvenir que leur travail n’est pas d’éviter l’activation des schémas du
patient au cours de la relation thérapeutique. D’abord il est probablement impossible de l’éviter, surtout
avec des patients fragiles. Le travail du thérapeute est de s’occuper des schémas lorsqu’ils sont activés.
Plutôt que de minimiser l’importance de ce qui se produit, le thérapeute utilise l’activation du schéma
comme une occasion pour augmenter les capacités du patient à se développer psychiquement.
Le re-parentage partiel est très lié à l’ensemble du travail émotionnel, particulièrement à l’imagerie.
Lorsque le thérapeute pénètre les images du patient pour tenir le rôle de « l’Adulte Sain », et qu’il
autorise le patient à formuler à voix haute ce dont il avait besoin lorsqu’il était enfant, mais qu’il n’a pas pu
obtenir de la part de ses parents, alors il fait du re-parentage. Le thérapeute apprend au patient qu’il
aurait pu être traité autrement par ses parents. Lorsqu’il était enfant, il avait des besoins qui n’ont pas été
comblés, et il est possible que d’autres parents aient pu les combler. En façonnant tout d’abord l’Adulte
Sain dans l’image, puis en amenant ensuite le patient à y tenir ce rôle lui-même, le thérapeute apprend au
patient à re-materner son propre enfant interne.
Nous avons développé des stratégies de re-parentage partiel spécifiques pour chaque Schéma
Précoce Inadapté. Ces stratégies prennent en compte les styles d’adaptation, qui caractérisent
typiquement chaque schéma. Les stratégies de re-parentage partiel ont pour but de fournir un antidote
partiel contre le schéma, dans le cadre de la relation thérapeutique.
Le même comportement chez des patients différents nécessite des réponses thérapeutiques
différentes en fonction des schémas sous-jacents. Le scénario suivant en est un exemple :
Une jeune femme arrive aux séances avec un retard régulier et important (il ne reste plus que dix
minutes de séance).
a. Si son schéma est la Méfiance/Abus : elle arrive en retard parce qu’elle a peur que le
thérapeute abuse d’elle d’une façon quelconque. Il faut donc la re-materner en entrant en
empathie avec l’Enfant Maltraité et aider ensuite le mode enfant à se sentir en sécurité. « Je
sais qu’il vous est difficile de venir aux séances, et que, dans votre for intérieur, je vous
terrorise. Je sais aussi que si vous ressentez cela, c’est qu’il y a une raison : la façon dont
certaines personnes en qui vous aviez confiance vous ont traitée lorsque vous étiez enfant. Je
suis heureux que vous parveniez à venir quand même, et j’espère que, progressivement, vous
me ferez suffisamment confiance pour profiter des séances dans leur intégralité. »
b. Si son schéma est l’Abandon/Instabilité : elle arrive en retard parce qu’elle a peur de
s’attacher au thérapeute et de le perdre inévitablement par la suite. Son re-parentage
commande de rassurer l’Enfant Abandonné sur la stabilité de la relation thérapeutique. « Je sais
que vous croyez que je suis en colère contre vous pour votre retard. Je veux vous dire qu’il n’en
est rien et que je sais que la cause de votre retard a quelque chose à voir avec votre enfance.
Même si vous arrivez en retard, je continuerai à me sentir lié à vous. »
c. Si son schéma est le Manque Affectif : elle est en retard parce qu’elle compense en se
donnant le droit de le faire. Son re-parentage demandera d’entrer en empathie avec l’Enfant
Délaissé qui va maintenant manquer une bonne partie de sa séance. Car néanmoins la séance
finira à l’heure dite. « Je regrette que vous soyez en retard et je n’aurais que quelques minutes à
passer avec vous. J’aimerais que vous exprimiez votre sentiment à ce sujet. Passons là-dessus
le reste de la séance. »
d. Si le schéma est l’Imperfection : elle a peur que le thérapeute la voie telle qu’elle est
réellement et la trouve mauvaise. Son re-parentage demandera d’entrée en empathie avec
l’Enfant Rejeté et d’insister sur le fait que le thérapeute l’accepte quel que soit son retard. « Je
vous suis reconnaissant d’être venue, même si c’est très difficile pour vous. Il est important pour
moi que vous sachiez que je vous accepte et que notre relation est importante, même si vous
arrivez retard. »
e. Si le schéma est l’Échec : elle est en retard parce qu’elle est certaine qu’elle échouera dans
sa thérapie. Son re-parentage exigera d’entrer en empathie avec l’attente d’échec sous-jacente
en confrontant les conséquences de ce comportement. « Je sais qu’il vous est difficile de croire
au succès de cette thérapie parce que beaucoup de choses dans votre passé ne se sont pas
bien déroulées. Mais considérons ensemble ce qui va se passer si vous ne venez pas à l’heure
et envisageons ce qui pourrait se passer si vous arriviez à l’heure. »
f. Si le schéma est l’Incompétence/Dépendance : elle est en retard parce qu’elle ne sait pas
s’organiser et se débrouiller toute seule. Le re-parentage comprendra donc l’apprentissage de
certaines habiletés. « Examinons ensemble ce que vous avez fait correctement pour venir ici et
à quel moment les choses sont allées de travers ; de cette façon, nous allons étudier ensemble
le moyen qui vous permettra d’arriver à l’heure la semaine prochaine. »
g. Si le schéma est l’Abnégation : elle s’est fait retarder par la rencontre d’une connaissance en
cours de route et elle n’a pas su se libérer. Son re-parentage consistera à mettre en évidence la
conséquence négative de son côté « abnégation » et à construire des habiletés sociales
d’affirmation de soi. « La discussion qui vous a retardée vous coûte la majeure partie de votre
séance et vous n’y avez rien gagné non plus. Voyons comment vous auriez pu vous libérer de
cette personne. Voulez-vous essayer en imagination ? Fermer les yeux et concentrez-vous sur
l’image de la rencontre avec votre ami, imaginez-vous coincée dans cette conversation. »
La connaissance des schémas du patient aide le thérapeute à re-materner le patient de la façon la plus
adaptée.
RÉSUMÉ
En thérapie des schémas, la relation thérapeutique est un élément essentiel du diagnostic et du changement du schéma. Dans notre
méthode, la relation thérapeutique se caractérise par deux choses : la confrontation empathique et le re-parentage partiel. Dans la
confrontation empathique, le thérapeute exprime sa compréhension des schémas du patient tout en le confrontant à la nécessité du
changement. Le re-parentage partiel comble de façon partielle les besoins affectifs de l’enfance du patient.
Dans la phase de diagnostic et d’information, la relation thérapeutique est un moyen efficace pour déterminer les schémas et pour
informer le patient. Le thérapeute établit le rapport collaboratif, il conceptualise le cas, il décide du style de re-parentage partiel dont le
patient a besoin et détermine si les propres schémas et stratégies d’adaptation du thérapeute sont susceptibles d’interférer avec le
déroulement de la thérapie.
La confrontation empathique et le re-parentage partiel s’associent ou s’alternent tout au long des stades cognitif, émotionnel et
comportemental de la phase de changement. Le thérapeute adapte son style de re-parentage pour correspondre aux schémas et aux
stratégies du patient. La connaissance de soi, de ses schémas et de ses stratégies d’adaptation aide le thérapeute à rester vigilant vis-
à-vis de la meilleure méthode susceptible de re-materner le patient.
CHAPITRE 7
Plans détaillés de traitement des schémas
Dans ce chapitre, nous abordons chacun des 18 schémas en examinant la présentation clinique, les buts
du traitement, les méthodes utilisées et les problèmes particuliers.
1. Domaine de séparation et rejet
1.1. Abandon/Instabilité
Buts du traitement
Le premier but du traitement est d’aider ces patients à devenir plus réalistes à propos de la stabilité des
relations interpersonnelles. Ceux d’entre eux qui ont été traités avec succès ne se soucient plus en
permanence du risque de disparition des gens qui leur sont importants. En termes de relations d’objets,
ils ont appris à internaliser les personnes proches comme des objets stables. Ils auront beaucoup moins
tendance à amplifier ou à interpréter les comportements en tant que signes indiquant leur abandon
prochain par les autres.
Habituellement, leurs schémas liés sont diminués eux aussi. Comme ils se sentent moins assujettis,
dépendants ou imparfaits, l’abandon ne les effraie plus autant. Ils se sentent davantage en sécurité dans
leurs relations interpersonnelles, si bien qu’ils n’ont plus besoin de s’accrocher aux autres, de les
contrôler ou de les manipuler. Ils sont moins coléreux. Ils sélectionnent des proches qui sont présents
pour eux de façon durable et ils n’évitent plus les relations intimes. Enfin, ils sont capables de rester seuls
durant des périodes prolongées, sans être anxieux ni déprimés, et sans avoir le besoin urgent de
rencontrer quelqu’un.
Problèmes spécifiques
L’abandon devient un problème dans la thérapie lorsque le thérapeute est à l’origine d’une séparation –
par exemple, en terminant une séance, en partant en vacances ou en changeant l’horaire d’un rendez-
vous – le schéma est activé et le patient a peur ou bien est en colère. Ces situations fournissent une
excellente occasion au patient pour progresser avec son schéma. Dans ce but, le thérapeute utilisera la
confrontation empathique : bien qu’il comprenne la raison de l’effarement de son patient, le thérapeute se
trouvera en réalité toujours lié au patient lorsqu’ils sont éloignés et il recommencera à le voir à son retour.
Les patients peuvent faire preuve d’une compliance excessive en thérapie, de façon à s’assurer que le
thérapeute ne va jamais les quitter. Ils sont de « bons patients », mais ils ne sont pas authentiques. Les
patients peuvent aussi assaillir le thérapeute par un besoin constant de se faire rassurer ou par des
coups de téléphone entre les séances pour rétablir le lien. Les patients évitants peuvent oublier les
séances, être réticents à venir de façon régulière ou sortir prématurément de thérapie parce qu’ils ne
veulent pas s’attacher à leur thérapeute. Certains patients peuvent tester le thérapeute de façon
répétée – par exemple, en menaçant de cesser la thérapie ou en accusant le thérapeute de vouloir
l’interrompre. Nous traitons de ces problèmes de façon détaillée dans le chapitre 9, consacré au
traitement des borderlines. De façon résumée, le thérapeute abordera ce problème en associant la
détermination de limites et la confrontation empathique.
Ces patients risquent également d’ériger de façon permanente le thérapeute en personnage central de
leur vie, plutôt que de former des relations stables avec d’autres personnes. Être dépendant du
thérapeute peut devenir une issue pathologique à la thérapie. Le but de la thérapie est de faire qu’en
dehors des séances, ces patients puissent entrer en relation avec des gens susceptibles de combler
leurs besoins émotionnels.
1.2. Méfiance/Abus
Buts du traitement
Le but principal du traitement est d’aider les patients ayant un schéma de Méfiance/Abus à réaliser que,
bien que certaines personnes ne soient pas dignes de confiance, beaucoup d’autres le sont. Nous leur
apprenons que les meilleures solutions, dans la vie, consistent à éviter autant que possible les gens qui
maltraitent les autres, à se débrouiller seul lorsque c’est nécessaire et à chercher à avoir des relations
personnelles avec des gens dignes de confiance.
Les patients qui ont pu guérir un schéma de Méfiance/Abus ont appris à distinguer les gens qui sont
dignes de confiance de ceux qui ne le sont pas. Ils ont appris qu’il y a un spectre de continuité dans la
confiance : les gens dignes de confiance n’ont pas besoin d’être parfaits ; il faut simplement qu’ils soient
« suffisamment dignes de confiance. » Avec les gens dignes de confiance, les patients apprennent à se
comporter d’une manière différente. Ils acceptent de leur accorder le bénéfice du doute, ils sont moins
sur leurs gardes et moins méfiants, ils cessent de les tester, et ils ne trahissent plus les autres par peur
d’être trahis. Ils deviennent plus authentiques avec leurs amis proches et leurs partenaires. Ils partagent
leurs secrets et acceptent d’être davantage vulnérables. Finalement, ils découvrent que, s’ils se
comportent de façon ouverte, les gens dignes de confiance vont généralement bien les traiter en retour.
Problèmes spécifiques
Si le schéma de Méfiance/Abus est apparu à la suite de traumatismes infantiles précoces, il est souvent
long à traiter – il n’y a guère que le schéma d’Abandon qui soit aussi long à soigner. Il peut arriver que la
blessure soit si grave que le patient ne parviendra jamais à faire suffisamment confiance au thérapeute
pour s’ouvrir au changement. Quoi que fasse le thérapeute, le patient va continuer à déformer le
comportement de celui-ci de telle façon qu’il lui apparaîtra mal intentionné ou bien reflétant quelque
motivation négative sous-jacente. Lorsque le patient a de forts comportements compensatoires, ce
schéma peut être très difficile à surmonter.
À un moindre degré, les patients peuvent refuser que le thérapeute ne prenne des notes, refuser de
remplir des formulaires, ou faire de la rétention d’informations importantes parce qu’ils ont peur que,
d’une manière ou d’une autre, ces informations soient utilisées contre eux. Nous pensons que le
thérapeute doit, dans la mesure du possible, se plier à ces requêtes, mais qu’il doit aussi en profiter pour
montrer au patient qu’elles sont des exemples du schéma qui se maintient.
Buts du traitement
Un des principaux buts du traitement est d’aider les patients à acquérir la conscience de leurs besoins
affectifs. Il leur est si naturel d’avoir des besoins affectifs insatisfaits qu’ils ne sont même pas conscients
de ce qui ne va pas. L’autre but est de les aider à accepter que leurs besoins affectifs sont normaux.
Tous les enfants ont besoin de chaleur affective, d’empathie, de protection et, en tant qu’adultes, nous
avons aussi besoin de tout ça. Si les patients apprennent à choisir les gens appropriés, puis à formuler
leurs besoins de façon adaptée, alors les autres leur donneront de l’affection. Les autres ne sont pas en
eux-mêmes frustrants : ce sont les comportements que ces patients ont appris qui les conduisent à
choisir des proches incapables de donner, ou qui découragent ceux qui savent donner de satisfaire leurs
besoins.
Problèmes spécifiques
Le problème le plus fréquent est que les patients ayant ce schéma en sont très fréquemment
inconscients. Même si le Manque Affectif est l’un des trois schémas les plus fréquents dont nous ayons à
nous occuper (les deux autres étant l’Assujettissement et l’Imperfection), les gens ignorent souvent qu’ils
l’ont. Comme ils n’ont jamais pu satisfaire leurs besoins affectifs, ces patients ne réalisent même pas que
de tels besoins puissent exister. Il est donc important d’aider ces patients à établir un lien entre leur
dépression, leur solitude ou leurs symptômes physiques, d’une part, et l’absence d’attention chaleureuse,
d’empathie et de protection, d’autre part. Il est souvent utile de faire lire le chapitre de Je réinvente ma
vie (Young et Klosko, 1993) consacré au schéma de Manque Affectif, pour les aider à reconnaître ce
schéma. Ils peuvent s’identifier avec certains des personnages ou reconnaître le comportement frustrant
d’un parent.
Les patients ayant ce schéma dénient souvent le bien fondé de leurs besoins affectifs. Ils dénient
l’importance ou la valeur de leurs besoins, ou bien ils pensent que les personnes fortes n’ont pas de
besoins. Ils pensent qu’il est mauvais ou faible de demander aux autres de satisfaire ses besoins et ils
ont de la difficulté à accepter qu’il y ait en eux un Enfant Esseulé à la recherche d’amour et de relation,
aussi bien avec le thérapeute qu’avec ses proches dans la vie de tous les jours.
De même, ces patients pensent que les autres devraient savoir de quoi ils ont besoin, sans qu’il soit
nécessaire de demander. Toutes ces croyances œuvrent contre la capacité du patient à demander aux
autres la satisfaction de ses besoins personnels. Ces patients apprennent qu’il est humain d’avoir des
besoins, et qu’il est normal de demander aux autres de les satisfaire. C’est dans la nature humaine d’être
vulnérable sur le plan émotionnel. Notre objectif dans la vie est d’établir un équilibre entre la force et la
vulnérabilité, si bien qu’à certains moments nous sommes forts et à d’autres, vulnérables. N’avoir qu’un
côté – être uniquement fort – c’est ne pas être totalement humain et dénier une partie centrale de nous-
mêmes.
1.4. Imperfection/Honte
Buts du traitement
Le but fondamental du traitement est d’augmenter l’estime de soi de ces patients. Les patients qui ont
guéri de ce schéma ont la croyance qu’ils ont droit à de l’amour et du respect, que leurs sentiments
d’imperfection étaient soit erronés, soit grandement exagérés : soit ils ont pris pour un défaut un trait de
caractère qui n’en était pas un, soit ce trait de caractère n’est qu’une simple restriction, beaucoup moins
importante qu’elle ne leur parait. De plus, le patient est souvent capable de corriger le « défaut ». Mais,
même s’il ne peut le corriger, cela ne renie pas sa valeur en tant qu’être humain. Il est dans la nature des
êtres humains de présenter des défauts et d’être imparfaits. Cela ne nous empêche pas de nous aimer.
Les patients qui ont guéri d’un schéma d’Imperfection se sentent plus à l’aise avec les gens qui les
entourent. Ils se sentent moins vulnérables et moins exposés à des risques, ils ont davantage envie de
créer de nouvelles relations. Ils n’ont plus autant tendance à se surveiller lorsque les autres leur prêtent
attention. Ils considèrent les autres comme ayant moins de propension à les juger et davantage à les
accepter, ils considèrent les défauts des humains selon une vue plus réaliste. Devenus plus ouverts aux
autres, ils cessent de leur cacher autant de leurs pensées et de leurs aspects personnels, ils sont
capables d’avoir une notion stable de leur valeur personnelle, même lorsque les autres les critiquent
ou les rejettent. Ils acceptent plus spontanément les compliments et ils n’autorisent plus les autres à mal
les traiter. Moins sur la défensive, ils sont moins perfectionnistes vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres, et
ils choisissent des partenaires qui les aiment et qui les traitent bien. En résumé, ils présentent moins de
comportements d’évitement, de soumission ou de compensation vis-à-vis de leur schéma
d’Imperfection/Honte.
Problèmes spécifiques
Beaucoup de patients ayant ce schéma n’en sont pas conscients. Beaucoup d’entre eux évitent ou
compensent la douleur de ce schéma, qu’ils veulent éviter d’éprouver. Les patients à trouble de
personnalité narcissique sont l’exemple d’un groupe de patients à haute probabilité d’avoir un schéma
d’Imperfection et à faible probabilité d’en être conscients. Les narcissiques se laissent souvent prendre à
entrer en compétition avec le thérapeute, ou à le dévaloriser, plutôt que de travailler à changer.
Les patients ayant un schéma d’Imperfection dissimulent de l’information à leur sujet parce qu’ils se
sentent gênés. Il peut s’écouler beaucoup de temps avant qu’ils n’acceptent de partager totalement leurs
souvenirs, leurs désirs, leurs pensées et leurs sentiments.
Ce schéma est difficile à changer. Plus la critique et le rejet des parents aura été précoce et sévère,
plus il sera difficile à guérir.
1.5. Isolement Social
Buts du traitement
Le but principal du traitement est d’aider les patients à se sentir moins différents des autres. Même s’ils
ne sont pas dans la tendance générale, il existe d’autres personnes qui leur sont semblables. De plus,
nous sommes tous, à la base, des êtres humains, avec les mêmes besoins fondamentaux et les mêmes
désirs. Même si nous avons beaucoup de différences, nous avons tous davantage de similitudes que de
différences. Il peut y avoir une tranche de la société dans laquelle le patient ne se sentira pas adapté –
par exemple, un patient gay dans un groupe religieux fondamentaliste – mais il y aura d’autres endroits
où il se sentira bien. Il faut qu’il s’éloigne des groupes mal accueillants et qu’il trouve des gens davantage
semblables à lui qui l’accepteront mieux. Le patient devra souvent faire des changements importants
dans sa vie et surmonter un évitement important, pour y parvenir.
Problèmes spécifiques
Le problème le plus fréquent est la difficulté qu’éprouvent les patients à surmonter leur évitement des
situations sociales et des groupes. Pour affronter les situations qu’ils craignent, ces patients doivent
accepter de tolérer un haut niveau de malaise émotionnel. Pour cette raison, leur évitement est résistant
au changement. Lorsque l’évitement bloque la progression de la thérapie, le travail des modes aide
souvent les patients à construire la partie d’eux-mêmes qui souhaite le changement du schéma et qui
parle au schéma. Les patients peuvent, par exemple, imaginer la situation d’un groupe dans lequel ils se
sont récemment sentis isolés. Le thérapeute entre dans l’image en tant qu’Adulte Sain qui conseille
l’Enfant (ou l’Adolescent) Esseulé pour lui permettre d’intégrer le groupe. Plus tard, le patient entrera
dans l’image sous la forme de son propre Adulte Sain, pour aider l’Enfant Esseulé à maîtriser les
situations sociales et en profiter.
2. Domaine de manque d’autonomie et de performance
2.1. Dépendance/Incompétence
Buts du traitement
Les buts du traitement sont d’augmenter le sentiment de compétence du patient et de réduire sa
dépendance vis-à-vis des autres. Pour augmenter le sentiment de compétence, il faut améliorer la
confiance en soi et les habiletés ; réduire la dépendance revient à surmonter l’évitement et développer la
prise en charge de tâches de façon solitaire. Idéalement, ces patients deviendront capables de cesser
de compter sur les autres de façon excessive.
Se débarrasser de la dépendance est la clé du traitement. Le thérapeute guide les patients grâce à
une sorte de prévention de réponse : les patients cessent de se tourner vers les autres pour demander
de l’aide, gèrent des tâches seuls, acceptent le fait que les erreurs sont un moyen d’apprendre,
persévèrent jusqu’à ce qu’ils réussissent et se prouvent à eux-mêmes qu’ils peuvent finalement trouver
leurs propres solutions aux problèmes. Grâce au principe d’essai/erreur, ils apprennent à faire confiance
à leur propre intuition et à leur jugement, au lieu de se déconsidérer.
Problèmes spécifiques
Un des risques principaux est que le patient devienne dépendant du thérapeute au lieu de surmonter son
schéma. Le thérapeute se fourvoie à assumer un rôle de personnage parental et il gère la vie du patient.
Le degré de dépendance qu’autorise le thérapeute tient d’un équilibre délicat. Si le thérapeute n’autorise
aucune dépendance, le patient ne va probablement pas rester en thérapie. Pour être réaliste, le
thérapeute doit commencer par autoriser un certain degré de dépendance, pour ensuite aller dans le
sens de la réduction. Il doit s’efforcer d’autoriser le minimum de dépendance possible compatible avec le
maintien du patient en thérapie.
Un des grands défis du traitement des patients ayant ce schéma est de surmonter l’évitement du
fonctionnement indépendant. Les patients doivent accepter de négocier une souffrance à court terme
pour obtenir des gains à long terme, et de supporter l’anxiété de fonctionner dans le monde en tant
qu’adultes. Comme nous l’avons déjà signalé, la motivation est un aspect important du traitement. Le
travail des modes peut aider les patients à renforcer la partie saine d’eux-mêmes, celle qui recherche
l’indépendance et la compétence. Ce Chercheur d’Indépendance peut conduire des dialogues avec le
parent dysfonctionnel, et avec les modes adaptatifs du patient qui bloquent la motivation.
Problèmes spécifiques
Le problème principal est que ces patients ont très peur de stopper leur évitement ou leur compensation.
Ils résistent à abandonner ces protections contre l’angoisse de leur schéma. Comme nous l’avons
signalé, le travail de modes peut aider ces patients à renforcer la partie saine qui, chez eux, désire
ardemment une vie plus remplie.
Buts du traitement
Le but essentiel est d’aider les patients à exprimer leur personnalité spontanée, naturelle – leurs
préférences et tendances personnelles, leurs opinions, leurs décisions, leur talent – au lieu de refouler ce
qu’il y a d’authentique dans leur personnalité et d’adopter de préférence l’identité du personnage avec
lequel ils sont fusionnés. Les patients qu’on a réussi à traiter pour des problèmes de fusionnement ont
perdu cette référence maladive à un personnage parental : leur vie personnelle est organisée autour
d’eux-mêmes. Ils ne sont plus fusionnés avec ce personnage et ils sont devenus conscients, aussi bien
de leurs ressemblances que de leurs différences mutuelles. Ils établissent des limites à ce personnage et
ils ont une notion bien précise de leur identité personnelle.
Avec les patients qui, adultes, évitent les relations intimes pour se protéger d’un fusionnement, le but
thérapeutique est d’établir des relations avec les autres qui ne soient ni trop distantes, ni trop
fusionnelles.
Problèmes spécifiques
Le problème spécifique le plus évident est le risque de fusionnement avec le thérapeute, qui deviendra
alors le nouveau personnage parental dans la vie du patient. Le patient est capable de se débarrasser de
l’ancien personnage parental, mais uniquement pour le remplacer par le thérapeute. Comme dans le
schéma de Dépendance/Incompétence, le thérapeute doit autoriser un certain degré de fusionnement au
départ du traitement, mais il doit rapidement inciter le patient à s’individuer.
2.4. Échec
Buts du traitement
Le but essentiel est d’aider ces patients à se sentir et à devenir aussi performants que leurs pairs (dans
les limites de leurs capacités et de leurs talents). On peut utiliser trois lignes directrices. La première
consiste à augmenter le niveau de réussite en développant les habilités et la confiance en soi. Ensuite,
s’ils s’avèrent suffisamment performants par rapport à leurs capacités, on peut augmenter l’appréciation
qu’ils ont de leur niveau de performance, ou bien modifier les perceptions qu’ils ont de leur groupe de
pairs. Enfin, il est possible de faire admettre aux patients qu’ils ont des capacités dont les limites ne sont
pas améliorables, mais qu’ils sont néanmoins des personnes suffisamment valables.
Problèmes spécifiques
Le problème le plus fréquent est la persistance des comportements d’adaptation dysfonctionnels des
patients. Ils continuent à se soumettre, à éviter ou à compenser le schéma plutôt que d’essayer de
changer. Ils sont tellement convaincus qu’ils vont échouer, qu’ils sont peu enclins à s’engager
complètement dans la voie de la réussite. Le travail des modes peut les aider à renforcer l’Adulte Sain,
lequel est capable d’accepter le combat contre le schéma. Grâce à l’imagerie, les patients revivent les
moments d’échec du passé et du présent. L’Adulte Sain aide l’Enfant en échec à s’adapter de manière
appropriée.
3. Domaine de manque de limites
Buts du traitement
Le but principal est d’aider ces patients à accepter le principe de réciprocité dans les interactions
humaines. Nous essayons d’enseigner à ces patients l’idée que, pour ce qui est des valeurs
fondamentales, tous les gens naissent égaux et ont des droits égaux (à la différence de la ferme des
animaux, de George Orwell, où les animaux ont remplacé cette loi par : « Tous les animaux naissent
égaux, mais certains naissent plus égaux que d’autres. ») Tous les individus ont une valeur identique :
personne n’est intrinsèquement plus valable qu’un autre et personne n’a droit à un traitement spécial. Les
individus sains ne dominent pas et ne brutalisent pas les autres, au contraire ils respectent les besoins et
les droits des autres ; ils font de leur mieux pour contrôler leurs impulsions de façon à ne pas blesser les
autres, et ils suivent la plupart du temps les règles sociales.
Problèmes spécifiques
La difficulté la plus probable réside dans le maintien de la motivation du patient pour le changement. Une
proportion importante des patients ayant ce schéma quitte la thérapie avant d’aller mieux, parce que ce
schéma est responsable d’avantages importants. C’est agréable d’obtenir ce que l’on veut : pourquoi le
patient désirerait-il changer ? Le thérapeute doit trouver un moyen de pression : les circonstances qui
font de la grandeur un motif de souffrance pour le patient. Il lui faudra ensuite rappeler continuellement au
patient les conséquences négatives de son schéma.
3.2. Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants
Buts du traitement
Le but est d’aider les patients à reconnaître l’importance qu’il y a à négliger une satisfaction à court
terme au profit d’un objectif à long terme. Les bénéfices liés à l’épanchement des émotions ou à
l’assouvissement d’un plaisir immédiat ne valent pas ceux liés à un avancement de carrière, à une
réussite, aux relations interpersonnelles, et ils diminuent l’estime de soi.
Techniques principales du traitement
Les techniques thérapeutiques cognitivo-comportementales sont presque toujours les méthodes les plus
utiles avec ce schéma. Le thérapeute apprend au patient à s’exercer au contrôle de soi et à
l’autodiscipline, l’idée de base étant qu’entre l’impulsion et l’action, il faut apprendre à insérer de la
pensée. Il faut qu’il apprenne à envisager les conséquences liées au laisser aller d’une impulsion avant de
la laisser s’exprimer.
Par les tâches assignées, les patients apprennent progressivement à être organisés, à accomplir des
tâches ennuyeuses ou routinières, à être à l’heure, à être structurés, à réfréner leurs émotions et leurs
impulsions excessives. Ils débutent par des tâches peu difficiles. Ils se contraignent à accomplir de telles
tâches durant une période limitée, qui progressivement augmentera. Ils apprennent des techniques de
contrôle des émotions (relaxation, technique de pleine conscience, distraction) ; ils rédigent des fiches
de schéma où figurent les raisons qui imposent ce contrôle de soi et les méthodes à utiliser pour y
parvenir. En séance, ces patients utilisent l’imagerie et le jeu de rôle pour s’entraîner au contrôle de soi
et à l’autodiscipline. Ils se récompensent lorsqu’ils réussissent à mettre en application le contrôle de soi
et l’autodiscipline dans leur vie courante. Ces récompenses peuvent être l’autosatisfaction, un cadeau, la
pratique d’une activité de plaisir ou du temps libre.
Il arrive que le schéma Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants soit lié à un autre schéma, lequel est
parfois plus primordial. Dans ce cas, le thérapeute doit s’occuper du schéma principal, aussi bien que du
schéma Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants. Parfois, ce schéma surgit parce que les patients ont
trop longtemps réfréné leurs émotions. Cela se produit souvent avec le schéma d’Assujettissement.
Durant une très longue période, ces patients n’ont pas exprimé leur colère lorsqu’ils la ressentaient. Cette
colère s’est progressivement accumulée, puis elle éclate brusquement, d’une manière incontrôlée.
Lorsque des patients passent d’état de passivité prolongée à un soudain comportement d’agressivité, ils
ont souvent un schéma d’Assujettissement sous-jacent (voir le traitement de ce schéma plus loin). Si ces
patients apprennent à exprimer de façon adaptée leurs besoins et leurs sentiments du moment, alors la
colère ne s’accumulera pas en tâche de fond. Moins les patients refoulent leurs besoins et leurs
émotions, moins ils seront susceptibles de développer un comportement impulsif.
Certaines techniques émotionnelles peuvent rendre service. Les patients peuvent imaginer des scènes
passées et actuelles dans lesquelles ils ont présenté un manque de contrôle de soi ou d’autodiscipline.
Le thérapeute, puis le patient, entrent dans les scènes dans le rôle de l’Adulte Sain qui aide l’Enfant
Indiscipliné à se contrôler. Lorsque ce schéma est lié à un autre, le thérapeute utilise les techniques
émotionnelles pour aider le patient à combattre le schéma sous-jacent. Ceci est particulièrement
important chez les borderlines. À cause de leur schéma d’Assujettissement, ces patients ressentent qu’ils
ne sont pas autorisés à exprimer leurs besoins et leurs émotions. Lorsqu’ils le font, ils méritent d’être
punis par le Parent Punitif qu’ils ont internalisé. Ils s’interdisent donc de façon répétitive leurs émotions et
leurs sentiments. Comme le temps passe, leurs besoins et leurs émotions s’accumulent, ils ne
parviennent plus à les contenir, et ils embrayent alors le mode Enfant Coléreux où ils les expriment : ils
deviennent soudain impulsifs et furieux. Lorsque cela se produit, l’approche générale du thérapeute
consiste à leur permettre de passer complètement leur colère, à empathiser, puis à les confronter à la
réalité.
Au cours de la relation thérapeutique, il est important que le thérapeute soit ferme dans la fixation des
limites à ces patients. Ceci est particulièrement vrai lorsque l’origine du schéma est un manque de limites
au cours de l’enfance. Certains de ces patients étaient des « enfants à la clé » : comme leurs parents
travaillaient tous les deux, ils étaient livrés à eux-mêmes à la maison, où il n’y avait personne pour leur
imposer une discipline. Lorsque la démission parentale représente l’origine infantile de ce schéma, le
thérapeute peut apporter un antidote partiel en re-maternant activement le patient. Il impose des
sanctions lorsque celui-ci arrivera en retard aux séances ou qu’il n’accomplira pas ses tâches assignées.
Problèmes spécifiques
Ce schéma apparaît parfois biologiquement déterminé et donc difficile à modifier par la seule
psychothérapie, notamment lorsque le patient présente un problème d’apprentissage tel que le Trouble
déficit de l’attention/hyperactivité. Si le schéma est biologiquement déterminé, il est possible que le
patient ait du mal à développer un contrôle de soi et une autodiscipline suffisants, même s’il est très
motivé et qu’il fait beaucoup d’efforts. En pratique, il est difficile de connaître le degré relatif d’intervention
du tempérament et celui du manque de limites parentales. Chez les patients qui persistent à rencontrer
des difficultés pour combattre ce schéma, malgré un engagement apparent dans la thérapie, il faut
envisager un traitement médicamenteux.
4. Domaine d’orientation vers les autres
4.1. Assujettissement
Buts du traitement
Le but principal du traitement et de permettre à ces patients de voir qu’ils ont droit à des besoins et des
sentiments personnels, et qu’ils ont le droit de les exprimer. En général, le meilleur mode de vie consiste
à exprimer ses besoins et ses sentiments de façon appropriée au moment où ils se présentent, au lieu
de remettre à plus tard, voire de ne pas les exprimer du tout. Il est normal d’exprimer ses besoins et ses
sentiments, dans la mesure où cela est fait de façon appropriée, et les gens normaux ne se vengeront
pas contre eux si les patients agissent ainsi. Les gens qui répondent de façon constante par un sentiment
de vengeance lorsqu’ils expriment leurs besoins et leurs sentiments ne sont pas des personnes
intéressantes à choisir pour des relations intimes. Nous incitons les patients à entrer en relation avec des
gens qui les autorisent à exprimer leurs besoins et leurs sentiments normaux, et à éviter les relations
avec les gens qui ne le font pas.
Techniques principales du traitement
Les quatre types de techniques thérapeutiques – les techniques cognitives, émotionnelles,
comportementales et la relation thérapeutique – sont importantes pour traiter ce schéma.
En termes de techniques cognitives, les patients assujettis ont des attentes négatives irréalistes quant
aux conséquences de l’expression de leurs besoins et de leurs sentiments vis-à-vis de leurs proches. En
étudiant les arguments et en construisant des expériences comportementales, ils apprennent que ces
attentes sont exagérées. De plus, il est important qu’ils apprennent que l’expression des besoins et des
sentiments de manière adaptée est un comportement normal – même si leurs parents leur ont délivré le
message qu’il était « mal » de le faire, lorsqu’ils étaient enfants.
Les techniques émotionnelles sont extrêmement importantes. Dans l’imagerie, les patients expriment
leur colère et affirment leurs droits vis-à-vis du parent contrôleur et des autres personnages représentant
l’autorité. Les patients ayant ce schéma ont souvent de la difficulté à exprimer de la colère,
particulièrement à l’encontre du parent qui les a assujettis. Il faut que le thérapeute persiste avec le
travail émotionnel jusqu’à ce que les patients soient capables de libérer pleinement leur colère dans les
exercices d’imagerie ou de jeu de rôle. Il est crucial d’exprimer sa colère pour surmonter le schéma. Plus
les patients se lient à leur colère et l’assouvissent en imagerie ou en jeu de rôle (notamment contre le
parent contrôleur), plus ils seront capables de combattre ce schéma dans leur vie courante. L’expression
de la colère n’a pas pour seul intérêt l’assouvissement : elle aide surtout les patients à se sentir puissants
et actifs. La colère fournit la motivation et l’élan nécessaires pour combattre la passivité qui accompagne
presque toujours l’assujettissement.
Sur le plan comportemental, il est capital d’aider ces patients à choisir des partenaires non-
contrôleurs. Habituellement, les gens assujettis sont attirés par les partenaires contrôleurs. S’ils se
sentent attirés par un partenaire qui désire une relation d’égalité, c’est l’idéal. Mais dans le cas habituel,
ces patients ont tendance à choisir quelqu’un qui les contrôle – pour que s’accomplisse la « chimie du
schéma. » On peut espérer que ce partenaire soit suffisamment peu contrôleur pour que le patient puisse
exprimer tous les besoins et les sentiments qu’il voudra. Si le partenaire est dominateur, mais qu’il
accepte de prendre en compte les besoins et les sentiments du patient, il peut être une solution pour ce
schéma : il y a suffisamment de « chimie » pour maintenir la relation, mais aussi suffisamment de
guérison de schéma pour que le patient mène une vie normale. Les patients travaillent aussi à choisir des
amis non-contrôleurs. Les techniques d’affirmation de soi peuvent aider ces patients à affirmer leurs
besoins et leurs sentiments avec leur partenaire et les autres.
Lorsque ce schéma provoque une personnalité atrophiée – au point que les patients servent les autres
si assidûment dans leurs besoins et dans leurs préférences, qu’ils ignorent leurs propres besoins et
préférences – les patients travaillent à s’individuer. Les techniques émotionnelles et cognitivo-
comportementales peuvent les aider à identifier leurs tendances naturelles et à les mettre en pratique. Ils
peuvent, par exemple, pratiquer des exercices d’imagerie pour recréer des situations au cours desquelles
ils ont refoulé leurs besoins et leurs préférences. Dans les images, ils disent à voix haute ce dont ils ont
besoin et ce qu’ils veulent faire. Ils peuvent imaginer les conséquences. Ils expriment leurs besoins et
leurs sentiments vis-à-vis des autres en jeu de rôle, puis dans la vie courante au cours de tâches
comportementales.
La plupart des patients assujettis commencent par percevoir le thérapeute comme un personnage
d’autorité qui veut les contrôler ou les dominer, même s’il n’en est rien. Pour ce qui est du re-parentage, il
est important que le thérapeute soit le moins directif possible ; il autorise les patients à faire des choix au
cours du traitement : quels problèmes veulent-ils corriger, quelles techniques veulent-ils apprendre,
quelles tâches comportementales veulent-ils accomplir ? Il est également attentif à repérer tout
comportement de déférence de la part du patient, grâce à la confrontation empathique. Enfin, il aide le
patient à reconnaître et exprimer sa colère envers le thérapeute, lorsqu’elle s’accumule, avant qu’il ne
parvienne au point de rupture.
Problèmes spécifiques
Lorsque ces patients expriment leurs besoins et leurs sentiments, ils le font souvent de façon maladroite.
Au début, il arrive qu’il leur soit impossible de s’affirmer suffisamment pour être entendus, ou bien qu’ils
basculent dans l’extrême inverse avec une attitude agressive. Le thérapeute leur fait réaliser qu’il leur
faudra un certain temps pour trouver un juste équilibre entre la suppression et l’expression des besoins et
des sentiments, et qu’il ne faut pas qu’ils se jugent trop sévèrement sur ce point.
Lorsque les patients assujettis commencent à exprimer leurs besoins et leurs émotions, ils disent
souvent : « Mais je ne sais pas ce que je veux, je ne sais pas ce que je ressens. » Dans de tels cas, le
schéma d’Assujettissement est lié à un schéma de Personnalité Atrophiée, et le thérapeute aide ces
patients à développer une notion de soi en leur apprenant à surveiller leurs désirs et leurs émotions. Les
exercices d’imagerie aident à explorer les émotions. Pour finir, si ces patients résistent à leur
assujettissement et s’ils persistent dans l’introspection, ils vont pour la plupart parvenir à reconnaître ce
qu’ils veulent et ce qu’ils ressentent.
Comme certains thérapeutes apprécient le comportement de déférence des patients assujettis, il peut
arriver qu’ils renforcent cet assujettissement. Il est facile de considérer par erreur qu’un patient assujetti
est un « bon » patient : dans les deux cas, ils sont accommodants. Il n’est cependant pas bon qu’un
patient assujetti soit trop accommodant : cette attitude risque de maintenir le schéma au lieu de le guérir.
Dans bien des cas, ce schéma est facile à traiter. Nous obtenons un fort taux de réussite clinique avec
les problèmes d’assujettissement.
4.2. Abnégation
Buts du traitement
Le but principal est d’apprendre aux patients ayant un schéma d’Abnégation que tout individu a le droit
d’obtenir la satisfaction de ses besoins, et que ce droit est identique pour tous. Même si ces patients
croient qu’ils sont plus forts que les autres, en réalité, la plupart d’entre eux souffrent de manque affectif.
Ils ont fait le sacrifice d’eux-mêmes et n’ont pas obtenu satisfaction de leurs besoins en retour. Ils ont
donc des besoins à satisfaire – autant que les gens « faibles » qu’ils se dévouent à aider. La différence
essentielle est que les patients ayant un schéma d’Abnégation n’éprouvent pas de besoins, tout au moins
consciemment. Habituellement, ils restent fixés sur la frustration de leurs besoins, pour pouvoir persister
dans l’abnégation.
Il est important d’aider ces patients à reconnaître qu’ils ont des besoins insatisfaits, même s’ils n’en ont
pas conscience, et qu’ils ont autant le droit que n’importe qui d’autre d’obtenir la satisfaction de ces
besoins. Même si ce schéma peut leur apporter des bénéfices secondaires, ces patients paient un tribut
très élevé pour leur abnégation : ils n’obtiendront pas ce dont ils ont absolument besoin, c’est à dire
l’attention des autres êtres humains.
Le traitement doit aussi chercher à réduire le sentiment de responsabilité du patient. Le thérapeute lui
montre qu’il exagère souvent la fragilité et l’impuissance des autres. La plupart des gens ne sont pas
aussi fragiles et impuissants que le patient veut bien le penser. S’il en faisait un peu moins pour eux, les
autres continueraient à aller bien. Dans la plupart des cas, l’autre ne va pas s’effondrer ni connaître une
souffrance insupportable si le patient lui apporte moins.
Le traitement vise aussi à corriger le manque affectif associé. Le thérapeute incite les patients à
s’intéresser à leurs besoins personnels, à laisser les autres satisfaire leurs besoins, à demander de
façon plus directe ce dont ils ont besoin, et à être davantage vulnérables au lieu de chercher à paraître
forts.
Problèmes spécifiques
L’abnégation représente souvent une valeur culturelle et religieuse forte, ce qui peut poser un problème.
De plus, l’abnégation n’est pas un schéma dysfonctionnel, lorsqu’elle ne dépasse pas les limites
normales. C’est même une bonne chose, à un certain degré ; elle ne devient pathologique que si elle est
excessive. Pour que l’abnégation d’un patient soit un schéma dysfonctionnel, il faut qu’elle nuise au sujet.
Il faut qu’elle soit responsable de symptômes ou qu’elle gêne les relations interpersonnelles. Il faut qu’elle
se manifeste d’une certaine manière sous la forme d’une difficulté : la colère s’accumule, le patient
ressent des troubles psychosomatiques, il se sent dépressif, ou présente une souffrance affective
quelconque.
Buts du traitement
Le but essentiel est que les patients reconnaissent l’authenticité de leur personnalité, au lieu de la définir
de façon erronée par une recherche d’approbation. Ils ont passé leur vie à refouler leurs émotions et
leurs tendances naturelles parce qu’ils ne se préoccupaient que d’obtenir l’approbation ou la
reconnaissance. Comme leur personnalité vraie a été refoulée et que leur personnalité chercheuse
d’approbation a dirigé leur vie, leurs besoins affectifs fondamentaux n’ont pas été satisfaits. Comparée à
l’expression authentique de soi, aussi bien sur le plan des émotions, des pensée et des comportements,
l’approbation par les autres n’apporte qu’une satisfaction superficielle et transitoire. Nous sommes ici en
présence d’un postulat philosophique de notre théorie : les êtres humains sont plus heureux et satisfaits
lorsqu’ils expriment des émotions authentiques et qu’ils agissent selon leur tendances naturelles. La
plupart des patients ayant ce schéma ignorent ce que signifie « être authentique. » Lorsqu’ils sont livrés à
eux-mêmes, ils ne connaissent pas leurs tendances naturelles. Le but du traitement est d’aider ces
patients à moins se concentrer sur la recherche d’approbation ou de reconnaissance, et davantage sur
leur valeur intrinsèque, sur ce qu’ils sont.
Problèmes spécifiques
Le schéma de Recherche d’Approbation et de Reconnaissance génère pour le patient un certain nombre
de bénéfices secondaires. Sur le plan interpersonnel, l’approbation et la reconnaissance sont des
éléments gratifiants et sur le plan social, ce schéma est hautement valorisé. Obtenir des félicitations,
devenir célèbre, être renommé, réussir, être apprécié, être bien adapté – tous ces faits sont fortement
renforcés dans la société : le thérapeute demande donc au patient de combattre ou de modérer quelque
chose que la société valorise de façon importante. Le thérapeute et le patient travaillent ensemble pour
établir que le coût d’une recherche excessive d’approbation ou de reconnaissance est trop élevé par
rapport aux bénéfices. De plus, le but est de modérer cette tendance, et non pas de l’éradiquer : ce
schéma présente des aspects intéressants s’il est contre-balancé par une personnalité corrigée par le
traitement.
On peut facilement faire l’erreur de considérer les patients ayant ce schéma comme des sujets
normaux, c’est pourquoi il arrive souvent que les thérapeutes, involontairement, les renforcent dans leur
comportement dysfonctionnel : ces patients font de gros efforts pour que le thérapeute les approuve ou
les admire ; mais si leurs efforts sont fondés sur une distorsion dans la façon de percevoir leur identité,
alors ils seront un obstacle à leur progrès thérapeutique.
5. Domaine de sur-vigilance et d’inhibition
5.1. Négativité/Pessimisme
Problèmes spécifiques
Ce schéma est habituellement difficile à changer. Les patients n’ont souvent aucun souvenir de la période
où ils n’étaient pas pessimistes et ne peuvent imaginer d’autre façon de ressentir les choses. Le travail
des modes peut les aider à libérer leur mode Enfant Heureux, longtemps resté caché sous une montagne
de soucis. L’Adulte Sain, d’abord joué par le thérapeute, puis par le patient, entre dans les images de
situations bouleversantes du passé et du présent, pour aider l’Enfant Inquiet à avoir une vision plus
positive des choses.
Les thérapeutes doivent faire très attention à ne pas tomber dans le piège qui consiste à argumenter
sur les pensées négatives des patients. Il est important que le patient joue les deux côtés (négatif et
positif) plutôt que de lui laisser le rôle du côté négatif. Lorsque le thérapeute et le patient prennent en
charge chacun un côté opposé, les séances se transforment en débats entre deux adversaires. Si le
patient joue alternativement les deux côtés, le thérapeute peut guider le côté sain lorsque c’est
nécessaire. Le thérapeute aide le patient à identifier les deux modes : le Pessimiste et l’Optimiste, et à
mener des dialogues entre eux.
Le schéma peut engendrer des bénéfices secondaires si le patient reçoit de l’attention lorsqu’il se
plaint. Il faut que le thérapeute modifie ce type de renforcement autant que possible. Il peut rencontrer
les membres de la famille qui renforcent les plaintes du patient et leur apprendre une réponse plus saine.
Il les aide à ignorer le patient lorsqu’il se plaint, et à renforcer à la place les comportements qui expriment
l’espoir et la confiance.
Lorsque ce schéma est la conséquence d’événements extrêmement négatifs de la vie, et qu’il est donc
plus difficile de le changer, il est souvent utile que les patients expriment la souffrance de leurs pertes
anciennes. L’expression du chagrin peut soulager le besoin de se plaindre. Le chagrin aide les patients à
distinguer le présent, où l’on suppose qu’ils sont en sécurité, du passé, où ils ont été traumatisés par des
pertes ou des préjudices.
Comme nous l’avons dit, il peut y avoir chez certains patients une composante biologique à l’inquiétude,
si bien que le traitement médicamenteux peut être utile chez eux, notamment les antidépresseurs
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
Buts du traitement
Le but essentiel du traitement est d’aider ces patients à s’exprimer plus facilement et plus spontanément
sur le plan émotionnel. Ils apprennent des manières appropriées de parler des émotions qu’ils refoulent
et pour les exprimer. Ils apprennent à exprimer leur colère de façon adaptée, à pratiquer davantage
d’activités de loisir, à exprimer de l’affection, et à parler de leurs sentiments, à valoriser les émotions à
l’égal de la raison, à cesser de contrôler les gens de leur entourage, d’humilier ceux qui expriment des
émotions normales, et d’avoir honte de leurs propres émotions. Ils s’autorisent au contraire, eux et les
autres, à être plus expressif sur le plan affectif.
Problèmes spécifiques
Lorsque les patients ont toujours vécu (ou presque) en sur-contrôle émotionnel, il leur est très difficile de
se mettre à se comporter différemment. L’expression des émotions leur est tellement étrangère – elle est
tellement contraire à leur vraie nature – qu’ils rencontrent de grandes difficultés à le faire. Le travail des
modes peut aider ces patients à accéder à leur côté sain, celui qui veut combattre le schéma, et à
exprimer leurs émotions de façon plus ouverte.
Buts du traitement
Le but essentiel du traitement est d’aider ces patients à réduire l’exigence de leurs idéaux et de leur
tendance critique. Il y a deux aspects : obtenir que ces patients cherchent à accomplir moins de tâches,
et qu’ils cherchent à les réussir avec moins de perfection. On pourra considérer le traitement réussi si le
patient a amélioré l’équilibre entre ses réussites et le plaisir : il lui est aussi facile de s’amuser que de
travailler, et il ne se soucie pas de « perdre son temps », de même qu’il n’en ressent plus de culpabilité. Il
prend le temps d’avoir des relations affectives avec ses proches et il s’autorise l’imperfection sans pour
autant se dévaloriser. Moins critique vis-à-vis de lui-même et des autres, il est moins exigeant et il
accepte davantage l’imperfection humaine, de même qu’il devient moins rigide avec les règles. Il parvient
à réaliser que ses idéaux exigeants lui coûtent davantage qu’ils ne lui apportent de bénéfices : en
essayant d’améliorer très légèrement une situation, il en dégrade beaucoup d’autres.
Problèmes spécifiques
L’obstacle principal est représenté par le bénéfice secondaire lié au schéma : quand on cherche à bien
faire les choses, on en tire de nombreux bénéfices. Beaucoup de patients ayant ce schéma rechignent à
abandonner leurs idéaux exigeants parce qu’à leurs yeux le bénéfice dépasse largement le coût. De plus
ils ont souvent peur, en étant amenés à ne plus viser des normes si élevées, d’être mal à l’aise, d’avoir
honte, de se sentir coupables et ils redoutent leur autocritique. L’incidence des sentiments négatifs leur
paraît si élevée qu’ils hésitent à abaisser leurs normes, ne serait-ce que très peu. On peut les aider en
avançant lentement, et en évaluant très précisément les conséquences de l’abaissement des normes. Le
travail des modes les aide à construire un côté sain qui soit capable de gérer au mieux le perfectionnisme
au profit d’une vie mieux remplie.
5.4. Punition
Buts du traitement
Le but essentiel est d’aider ces patients à devenir moins punitifs et à pardonner davantage, aussi bien
aux autres qu’à eux-mêmes. Le thérapeute commence par leur apprendre que, la plupart du temps, la
punition a peu d’intérêt. La punition n’est pas un moyen efficace pour changer les comportements,
notamment si on la compare à d’autres méthodes comme la récompense d’un bon comportement ou
l’exemple donné par un modèle. Il existe de nombreuses études sur l’inefficacité de la punition en tant que
moyen de changement comportemental (Baron, 1988 ; Beyer et Thrice, 1984 ; Coleman, Abraham et
Jussin, 1987 ; Rachlin, 1976). D’autres études montrent que le style parental autoritaire est moins
efficace que le style démocratique. Dans le style parental autoritaire, le parent punit le mauvais
comportement ; dans le style démocratique, il explique pourquoi le comportement de l’enfant est mauvais.
Les parents autoritaires ont tendance à produire des enfants qui désobéissent lorsque les parents sont
hors de leur vue, alors que les parents démocratiques produisent plutôt des enfants qui cherchent à faire
ce qui est bien, que les parents soient présents ou absents. De plus, les enfants de parents
démocratiques ont une haute estime d’eux-mêmes (Aunola, Stattin et Nurmi, 2000 ; Patock-Peckham,
Cheong, Balhorn et Nogoshi, 2001).
Chaque fois que le patient exprime le désir de punir quelqu’un, le thérapeute pose une série de
questions : « La personne avait-elle des intentions bonnes ou mauvaises ? Si les intentions de la
personne étaient bonnes, est-il qu’il ne faut pas en tenir compte ? La personne ne mérite-t-elle pas d’être
pardonnée ? Si les intentions de la personne étaient bonnes, quelle sera l’utilité d’une punition ? Cette
personne ne sera-t-elle pas tentée de répéter le comportement lorsque vous ne serez pas là pour la voir
faire ? Même si la personne se comporte mieux la prochaine fois, le coût n’est-il pas trop élevé ? La
punition va détériorer votre relation, ainsi que l’estime de soi de cette personne : est-ce là ce que vous
voulez ? Ces questions guident le patient et lui font découvrir que la punition n’est pas l’approche la plus
judicieuse.
Les patients travaillent à développer de l’empathie et du pardon vis-à-vis des êtres humains, à en
admettre les faiblesses et les imperfections. Ils apprennent à prendre en compte les circonstances
atténuantes et à avoir une réponse modérée lorsque quelqu’un fait une erreur ou ne parvient pas à
répondre à leurs attentes. S’ils sont en position d’autorité (si l’autre personne est un enfant ou un
employé, par exemple), ils ne punissent pas la personne. Ils vont plutôt s’intéresser à faire comprendre à
cette personne comment mieux se comporter la fois suivante. La punition doit être réservée à ceux qui
commettent des négligences grossières ou qui ont des intentions immorales. La balance de la justice doit
toujours être modérée par la clémence.
Problèmes spécifiques
Ce schéma peut s’avérer difficile à changer, particulièrement s’il est associé à un schéma d’Imperfection.
La rigueur morale du patient et son sens de l’injustice peuvent être très rigide. La clé du traitement réside
dans le maintien de la motivation du patient à changer. Le thérapeute aide le patient à rester concentré
sur le coût et le bénéfice du schéma en termes d’amélioration de l’estime de soi et de relations
interpersonnelles plus harmonieuses.
CHAPITRE 8
Le travail sur les modes de schémas
Comme nous l’avons indiqué dans le chapitre 1, un mode est un ensemble de schémas ou d’opérations
de schémas – adaptés ou inadaptés – qui sont actifs à un moment donné chez un individu. Le concept de
mode que nous avons développé fait partie d’une évolution naturelle au cours de laquelle nous nous
sommes intéressés à des patients ayant des troubles de sévérité croissante. Nous avons commencé
avec la thérapie cognitive-comportementale classique, qui a rendu service à de nombreux patients
porteurs de troubles de l’axe I. Cependant, chez de nombreux autres patients – tout particulièrement
ceux qui sont porteurs de symptômes chroniques et ceux qui présentent des troubles de l’axe II –, on
constate soit une absence d’amélioration, soit une amélioration insuffisante de leurs symptômes de
l’axe I, et, en même temps, la persistance d’une gêne émotionnelle significative et d’une réduction des
fonctions psychiques – c’est-à-dire une psychopathologie du caractère significative. De la même façon, la
thérapie des schémas a pu aider une grande partie de ces patients, mais elle laissait de côté un
ensemble de patients porteurs de troubles sévères qui nécessitaient un traitement plus approfondi, en
particulier les patients porteurs des troubles de personnalité borderline et narcissique.
Bien que nous ayons, au départ, développé le travail sur les modes pour traiter ce genre de patients,
nous l’utilisons actuellement avec un grand nombre de nos patients porteurs de troubles moins sévères.
Si bien que le travail sur les modes fait maintenant partie intégrante de la thérapie des schémas, et nous
associons régulièrement le travail sur les modes aux travail des schémas : nous ne considérons pas qu’il
s’agit de deux approches distinctes. La différence se fait plutôt au niveau du choix de l’approche initiale :
pour les patients porteurs de troubles borderline ou narcissique, nous utilisons en premier l’approche des
modes, alors que chez les patients moins sévères, ce travail interviendra en tant que méthode adjuvante.
En conséquence, le travail sur les modes est un outil amélioré qui s’ajoute au travail des schémas, et que
le thérapeute peut utiliser partout où il se trouve bloqué ou bien lorsqu’il sent que cela peut être utile.
Tous les dialogues entre deux modes différents, notamment entre le côté du schéma et le côté sain, sont
des formes de travail sur les modes.
1. Quand utiliser l’approche des modes ?
Quand le clinicien est-il susceptible de choisir l’approche des modes plutôt que l’approche plus simple des
schémas décrite jusque-là ? Dans notre pratique, plus le fonctionnement psychique du patient est élevé,
plus on sera amené à utiliser les méthodes standard de la schéma-thérapie (telles qu’elles ont été
décrites dans les chapitres précédents de ce livre) ; plus le patient est porteur de troubles sévères, plus
on devra mettre l’accent sur les techniques des modes. Pour des patients de type intermédiaire, on
pourra associer les deux types d’approches, et parler des schémas, des styles d’adaptation et des
modes.
On pourra passer d’une approche simple des schémas à une approche des modes lorsque la thérapie
paraîtra bloquée et qu’on ne pourra pas briser l’évitement ou la compensation du patient pour parvenir
au schéma sous-jacent. Cela peut se produire avec un patient très rigide, très évitant ou très
compensateur, tels que des patients obsessionnels-compulsifs ou narcissiques.
On peut aussi basculer vers une approche des modes lorsque le patient est autopunitif et autocritique
d’une façon particulièrement rigide. Ceci indique habituellement l’internalisation d’un parent
dysfonctionnel qui punit et qui critique le patient. Le clinicien et le patient peuvent alors allier leurs forces
contre ce mode du Parent Punitif. Le fait de nommer le mode de cette façon va aider le patient à
externaliser ce mode et à le rendre davantage égo-dystonique.
On peut aussi utiliser les modes avec un patient présentant un conflit interne qui paraît insoluble, par
exemple lorsqu’il existe deux parties de la personnalité qui se mettent en opposition pour une décision
importante de la vie, comme celle de mettre fin ou non à une relation de longue durée. On pourra
spécifier en tant que modes chacune des deux parties, et les deux modes pourront mener des dialogues
et négocier l’un avec l’autre.
Enfin, nous accordons généralement plus d’importance aux modes chez les patients qui présentent des
fluctuations fréquentes dans leurs émotions, comme cela se produit souvent chez les patients
borderlines, lesquels sautent de façon répétée de la colère à la tristesse puis à l’autopunition puis à
l’anesthésie affective.
2. Les modes de schémas habituels
Comme indiqué au chapitre 1, nous avons identifié quatre types principaux de modes : les modes de
l’Enfant, les modes des Styles d’Adaptation Dysfonctionnels, les modes des Parents Dysfonctionnels et
le Mode de l’Adulte Sain. Chaque type de modes est associé à certains schémas (à l’exception des
modes de l’Enfant Heureux et de l’Adulte Sain) ou concrétise certains styles d’adaptation.
Chez les patients porteurs de troubles de personnalité borderline ou narcissique, les modes sont
relativement séparés et les patients ne sont capables de vivre qu’un seul type de mode à la fois. Les
patients borderlines sautent rapidement d’un mode à un autre. D’autres patients, tels ceux porteurs d’un
trouble de personnalité narcissique, ont des variations de modes moins rapides et peuvent rester dans le
même mode sur une période prolongée. Un narcissique en vacances pour un mois peut, par exemple,
passer la totalité de cette période dans un mode détaché auto-apaisant, à la recherche de la nouveauté
et de l’excitation ; au contraire, un narcissique au travail ou dans une soirée pourra passer son temps
dans un mode d’auto-inflation de soi.
D’autres patients encore, tels que ceux porteurs d’un trouble de personnalité obsessionnel-compulsif,
sont verrouillés de façon rigide dans un mode unique et ne fluctuent presque jamais. Sans tenir compte
de l’endroit où ils se trouvent, des gens avec qui ils sont ou de ce qui peut leur arriver, ils sont en réalité
les mêmes : rigides et perfectionnistes. La fréquence de fluctuation est importante lorsqu’on considère un
patient donné, mais elle n’intervient pas pour définir un mode. Les modes peuvent changer fréquemment
chez un patient donné, ou bien rester relativement constants. L’un ou l’autre de ces extrêmes peut
conduire à des problèmes significatifs pour le patient.
T ABLEAU 8.1
Les modes de l’Enfant
Enfant Ressent des émotions dysphoriques ou Abandon , Méfiance/Abus, Manque Affectif, Isolement
Vulnérable anxieuses, particulièrement tristesse, peur et Social, Dépendance/Incompétence, Peur du Danger et de
impuissance, lorsque les schémas associés la Maladie, Fusionnement/Personnalité Atrophiée, Peur des
sont activés. Événements Évitables/Pessimisme.
Enfant Agit de façon impulsive, selon ses désirs Droits Personnels Exagérés, Autocontrôle/Autodiscipline
Impulsif/ immédiats de plaisir, sans tenir compte des Insuffisants.
Indiscipliné limites ni des besoins ou des sentiments des
autres (non lié aux besoins fondamentaux).
Dans le mode Enfant Vulnérable, le patient peut apparaître effrayé, triste, accablé ou désespéré. Ce
mode ressemble à un jeune enfant lâché dans le monde, qui aurait besoin de l’attention des adultes pour
survivre, mais qui ne parvient pas à la trouver. (Marilyn Monroe représentait le côté sans défense de
l’Enfant Vulnérable.) La nature spécifique de la blessure de l’Enfant Vulnérable dépend du schéma : le
parent laisse l’enfant seul durant de longues périodes (Enfant Abandonné), frappe l’enfant de façon
excessive (Enfant Maltraité), lui refuse son amour (Enfant Privé d’Affection), le critique sévèrement
(Enfant Imparfait). D’autres schémas peuvent être associés à ce mode, tels que l’Isolement Social, la
Dépendance/Incompétence, la Peur du Danger et de la Maladie, le Fusionnement/Personnalité Atrophiée,
et l’Échec. Pour cette raison, nous considérons l’Enfant Vulnérable comme le mode central en ce qui
concerne le travail des schémas. C’est, en fin de compte, le mode que nous cherchons le plus à soigner.
L’Enfant Coléreux est devenu furieux. Tous les jeunes enfants sont susceptibles de se mettre en
colère lorsqu’on ne comble pas leurs besoins fondamentaux. Bien que les parents puissent punir ou
réprimer cette réponse d’une façon quelconque, la colère est une réaction normale chez un jeune enfant
dans cette situation. Les patients dans le mode de l’Enfant Coléreux libèrent leur colère en réponse
directe à des besoins perçus comme non satisfaits ou à un traitement déloyal lié à un des schémas
associés, tels que l’Abandon, la Méfiance/Abus, le Manque Affectif et l’Assujettissement. Lorsqu’un
schéma est activé et que le patient se sent abandonné, maltraité, privé ou assujetti, il devient furieux et
se met à hurler, à avoir des idées ou des impulsions violentes.
L’Enfant Impulsif/Indiscipliné agit de façon impulsive pour remplir ses besoins (non liés aux besoins
fondamentaux) et recherche le plaisir sans tenir compte des limites ni se préoccuper des besoins ou des
sentiments des autres. Ce mode est l’enfant naturel, non inhibé et « non civilisé », irresponsable et libre.
(Peter Pan, l’enfant éternel, incarne ce mode.) L’Enfant Impulsif/Indiscipliné a une basse tolérance à la
frustration et il est incapable de différer une gratification à court terme au profit d’un objectif à long terme.
Une personne dans ce mode apparaît gâtée, coléreuse, insouciante, paresseuse, impatiente, inattentive,
incontrôlée. Les schémas associés sont notamment Droits Personnels Exagérés et Auto-
contrôle/Autodiscipline Insuffisants.
L’Enfant Heureux se sent aimé et satisfait. Ce mode n’est associé à aucun Schéma Précoce Inadapté
parce que les besoins fondamentaux de l’enfant sont satisfaits de façon adéquate. Le mode de l’Enfant
Heureux représente la circonstance saine de l’absence d’activation de tout schéma.
T ABLEAU 8.2
Les Modes des Styles d’Adaptation Dysfonctionnels
Mode Description
Soumis Adopte un style d’adaptation d’obéissance et de dépendance.
Obéissant
Protecteur Adopte un style d’adaptation de retrait émotionnel, d’évitement comportemental, se coupe des autres.
Détaché
Compensateur Adopte un style d’adaptation de contre-attaque et de contrôle. Peut compenser par des moyens semi-adaptatifs
tels que le travail excessif.
Le Protecteur Détaché utilise l’évitement comme style d’adaptation. Ce style d’adaptation consiste en
un retrait psychologique. Les individus dans ce mode se détachent des autres et effacent leurs émotions
dans le but de se protéger de la perception douloureuse de leur vulnérabilité. Ce mode est une sorte
d’armure ou de mur protecteur, à l’intérieur duquel se cachent les modes plus vulnérables. Dans le mode
Protecteur Détaché, les patients se sentent vides ou insensibilisés. Ils peuvent adopter une posture
cynique ou distante pour éviter de s’investir affectivement avec les autres ou dans des activités. Sur le
plan comportemental, ils présentent un retrait social, un excès de confiance en soi, un autoapaisement
par des conduites addictives, la rêverie, la distraction compulsive et la recherche d’excitations. Le mode
du protecteur Détaché pose un problème chez nombre de nos patients présentant des troubles de
personnalité, notamment les borderlines, et il est souvent le mode le plus difficile à modifier. Lorsque ces
patients étaient enfants, le mode du Protecteur Détaché a constitué pour eux une stratégie d’adaptation.
Ils étaient pris au piège dans un environnement traumatisant qui leur causait trop de souffrance, et il a
paru nécessaire de prendre de la distance, de se détacher et de ne rien ressentir. Lorsque ces enfants
ont grandi et sont devenus adultes, ils sont entrés dans un monde moins hostile ou moins frustrant ;
l’adaptation aurait alors consisté en l’abandon du Protecteur Détaché pour s’ouvrir à nouveau à leurs
propres émotions et au monde. Mais ces patients se sont tellement habitués à leur mode de Protecteur
Détaché qu’il est devenu automatique et qu’ils ne savent plus comment s’en débarrasser. Leur refuge est
devenu une prison.
Le Compensateur utilise la compensation en tant que stratégie d’adaptation. Il agit comme si l’inverse
du schéma était vrai. S’il se sent, par exemple, porteur de défauts, il cherche à être parfait et supérieur
aux autres. S’il se croit coupable, il accuse les autres. S’il se sent dominé, il tyrannise les autres. S’il se
sent utilisé, il exploite les autres. S’il se croit inférieur, il cherche à impressionner les autres par son statut
ou ses réussites. Certains compensateurs sont passifs-agressifs. Ils apparaissent ouvertement
obéissants alors qu’ils préparent secrètement leur vengeance ou bien ils se rebellent intérieurement en
procrastinant, en traînant les pieds, en se plaignant ou par le refus de performance. D’autres
compensateurs sont obsessionnels. Ils maintiennent un ordre strict, observent un autocontrôle étroit ou
un haut niveau de prévision grâce à la programmation, la pratique de routines excessives ou des
précautions exagérées.
T ABLEAU 8.3
Les modes du Parent Dysfonctionnel
Parent Fixe aux autres des attentes élevées et un haut Idéaux Exigeants, Abnégation.
Exigeant niveau de responsabilité.
Le Parent Punitif punit de façon coléreuse, il critique ou prive l’enfant qui a exprimé des besoins ou qui
a fait des erreurs. Les schémas le plus souvent associés sont la Punition et l’Imperfection. Ce mode est
spécialement évident chez les borderlines et les dépressifs sévères. Les borderlines ont un mode de
Parent Punitif dans lequel ils deviennent leur propre parent abuseur et se punissent eux-mêmes. Ils
disent, par exemple, qu’ils sont le diable, qu’ils sont sales, méchants, et ils se punissent souvent en se
coupant. Dans ce mode, ils ne sont pas des Enfants Vulnérables, mais des Parents Punitifs qui infligent la
punition à l’enfant Vulnérable. En réalité, ils sautent du Parent Punitif à l’Enfant Vulnérable et vice-versa, si
bien qu’à certains moments, ils sont l’enfant que l’on maltraite, et qu’à d’autres moments ils sont leur
propre parent qui se livre à la maltraitance.
Le Parent Exigeant pressurise l’enfant pour qu’il accomplisse des objectifs parentaux irréalistes car
trop élevés. Le sujet ressent que la « bonne » façon d’être se trouve dans la perfection et que la
« mauvaise » façon est représentée par la faillibilité ou la spontanéité. Les schémas associés sont
souvent les Idéaux Exigeants ou l’Abnégation. Ce mode est très courant dans les troubles de
personnalité narcissique et obsessionnel-compulsif. Les patients passent dans un mode de Parent
Exigeant à l’intérieur duquel ils se fixent des normes élevées et ils se fixent pour but de les atteindre.
Cependant, le parent Exigeant n’est pas nécessairement Punitif : il attend beaucoup, mais il ne
réprimande pas et ne punit pas. Plus fréquemment, l’enfant reconnaît la déception du parent et se sent
honteux. La plupart des patients utilisent un mode combiné de Parent Exigeant et Punitif, dans lequel ils
se fixent d’une part des normes élevées, et d’autre part se punissent quand ils ont failli à leur objectif qui
était de les atteindre.
Tout au long du traitement, les patients internalisent le comportement du thérapeute en tant que partie
constitutive de leur propre mode d’Adulte Sain. Au départ, le thérapeute joue le rôle de l’Adulte Sain
toutes les fois que le patient est incapable de le faire. Si le patient est capable, par exemple, de
combattre lui-même le Parent Punitif, le thérapeute n’intervient pas. Cependant, si le patient est incapable
de combattre le Parent Punitif, et qu’à la place il s’attaque à lui-même indéfiniment sans aucune riposte,
alors le thérapeute intervient et combat le Parent Punitif pour le patient. Progressivement, le patient
tiendra le rôle de l’Adulte Sain. (C’est ce que nous appelons le re-parentage partiel.)
3. Les sept étapes du travail sur les modes
Nous avons mis au point sept étapes dans le travail sur les modes de schémas. (Dans les deux chapitres
suivants, nous verrons comment nous pouvons adapter ces stratégies pour travailler avec les modes
individuels identifiés chez les patients borderlines et narcissiques.)
Sous l’ennui d’Annette se cache la dépression du mode Enfant Vulnérable. Le thérapeute l’expliquera
plus tard à Annette.
« Annette Gâtée »
Le thérapeute aide Annette à identifier le mode qu’elle et son thérapeute vont appeler « Annette
Gâtée ». (Nous n’utilisons habituellement pas de dénominations péjoratives, mais la patiente a elle-même
fait allusion à cette idée.) Ce mode est une variation de l’Enfant Impulsif/Indiscipliné. Bien qu’Annette ait
eu récemment quelques succès dans le combat contre ce mode, il continue à lui causer des problèmes
en lui faisant faire tout ce qui lui est agréable dans l’instant présent – boire, faire la fête – plutôt que ce
qui lui serait bénéfique à long terme – développer, par exemple, des relations intimes plus durables ou
une carrière.
Le thérapeute continue à explorer la dépression sous-jacente à l’ennui d’Annette.
Thérapeute : Donc, ce qui se passe, c’est que si tout est calme, il y a place pour les pensées dépressives sous-jacentes. En revanche,
les stimulations, les activités, vous poussent à éviter ces idées pénibles.
Annette : (d’un ton las) Je ne pense pas toujours à ça, c’est trop difficile.
Thérapeute : Que voulez-vous dire par trop difficile ? Trop pénible ?
Annette : (d’un ton las) Quand je m’ennuyais, j’avais l’habitude de sortir avec des amis et de boire à en être ivre, pour ne penser à rien.
Maintenant, il faut que je supporte toutes ces idées pénibles, et je n’ai pas l’habitude.
Thérapeute : On dirait que pour vous, c’est une offense d’avoir à supporter des choses pareilles.
Annette : (elle rit.)
Thérapeute : Vous voyez ce que je veux dire : vous ne devriez pas avoir à faire ça ; pourriez-vous me parler de cet aspect de vous qui
ne devrait pas avoir à faire ça ?
Annette : Je ne devrais pas avoir à faire ce que je ne veux pas faire, hein ?
Thérapeute : Vous dites « hein » comme si je devais vous approuver.
Annette : Et vous n’êtes pas d’accord ?
Le thérapeute explore les pensées et les sentiments de la partie d’Annette qui s’octroie des droits.
Thérapeute : Vous m’avez dit que vos deux parents vous laissaient faire tout ce que vous vouliez. Mais vous avez ajouté que vous
réalisiez que ce n’était pas une bonne chose.
Annette : Je ne ferais pas comme ça avec mon enfant, si j’en avais un : je vois bien maintenant que ce style d’éducation a des
conséquences néfastes.
Thérapeute : Donc, vous savez, intellectuellement, les conséquences néfastes de ce style d’éducation, mais sur le plan émotionnel,
vous ressentez toujours que vous ne devriez pas avoir à faire les choses que vous ne voulez pas faire.
Annette : Oui, mon caractère est tel que, si ça ne va pas comme je veux, je sens que je pique une crise.
Thérapeute : Je vois : comme un enfant qui fait un caprice.
Annette : Je ne fais pas de caprices.
Thérapeute : Ça se présente comment alors ?
Annette : Si les autres ne font pas comme je veux, comme avec mes parents, je ne reste pas avec eux, je m’en vais.
Thérapeute : Comme pour les punir ?
Annette : (elle s’agite) Oui, c’est ça, je les punis : c’est exactement ça.
Thérapeute : D’accord : vous les punissez parce qu’ils ne vous donnent pas ce que vous voulez ?
Annette : Oui, exactement. Mais en fait, c’est moi que je punis ; c’est moi qui souffre, personne d’autre, mais c’est comme ça que ça se
passe.
Ensuite, le thérapeute désigne « Annette gâtée » comme étant un mode.
Thérapeute : Il existe donc une partie de vous, et comprenez bien que ce n’est pas une critique, qui apparaît comme la partie gâtée.
Annette : (elle rit.)
Thérapeute : Est-ce que cela vous semble correct ? Y a-t-il une partie de vous qui ressent que vous ne devriez toujours faire que ce
que vous voulez ?
Annette : (elle rit) Voulez-vous dire que je suis une sale gamine ?
Thérapeute : Non, je n’ai pas dit que vous étiez une sale gamine ; je dit qu’il y a une partie de vous qui a été gâtée par…
Annette : (elle interrompt) Oh, oui, je suis un peu gâtée, je pense.
Thérapeute : Je ne dis que cette partie est la seule chez vous : nous parlerons plus tard des autres parties. Mais c’est une partie de
vous.
Annette : Oui, je suis d’accord, c’est bien ça.
Le thérapeute dénomme « Annette la Dure » comme un mode et il la différencie du mode central. C’est
l’Enfant Vulnérable – celui qui est « nerveux » – qui est le noyau. Annette la Dure est une « action » ou un
« mécanisme pour paraître forte vis-à-vis des autres. »
L’idée que l’Enfant Vulnérable est le mode central de la personnalité est une affirmation théorique liée à
notre modèle conceptuel. Nous ne l’imposons pas comme vérité universelle.
Annette la Dure s’est constituée dans l’enfance d’Annette, au contact de sa mère faible et fragile, et de
son père coléreux et peut-être dangereux. Annette est devenue le protectrice de sa mère. Ce mode est
devenu un moyen pour se détacher de la vulnérabilité de ses émotions, pour lui permettre d’être forte
pour sa mère. Annette ne partage avec personne sa vulnérabilité émotionnelle – elle tient les autres à
distance.
4.3. Étape 3 : Établir la relation entre les modes et les problèmes actuels
Il est important de montrer aux patients comment leurs modes sont reliés aux problèmes de leur vie
actuelle. Cela donne aux patients les principes de base du traitement et les aide à se motiver au
changement.
Si un patient demande, par exemple, à être traité pour l’excès de boisson, le thérapeute peut relier ce
problème au Protecteur Détaché. Le thérapeute dit que la boisson est la seule façon pour le patient
d’éviter l’émotion liée à l’abandon, à la maltraitance ou au manque affectif qu’il a connus lorsqu’il était
enfant. Il boit pour éviter ses émotions négatives et pour embrayer le mode du Protecteur Détaché. Si le
thérapeute et le patient parviennent à travailler avec les modes de l’Enfant Vulnérable ou de l’Enfant
Coléreux, alors le patient apprendra à s’adapter à ses émotions et à combler ses besoins affectifs. Il lui
sera alors moins nécessaire de boire pour éviter ses émotions, et son comportement de buveur excessif,
qui était commandé par un schéma, s’amoindrira. (Le thérapeute pourra associer l’intervention d’une
association d’anciens buveurs, car beaucoup de composants de l’alcoolisme ne sont pas dictés par un
schéma et doivent être traités de façon indépendante).
Annette fait la relation entre Annette Gâtée et ses difficultés à se tenir à un emploi ; le thérapeute saisit
l’occasion pour relier ce mode à ses problèmes professionnels actuels.
Annette : Vous savez, je n’ai aucune patience. Je n’aime pas faire ce dont je n’ai pas envie.
Thérapeute : Hmm-hmm.
Annette : Comme au travail, et tout ça. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’assomme.
Thérapeute : Donc, si vous avez quelque chose à faire qui vous ennuie, par exemple, et qui ne vous intéresse pas, vous avez de la
peine à vous y mettre ?
Annette : Oui.
Thérapeute : Et qu’est-ce que vous vous dites, pour que l’émotion monte ?
Annette : Je dois me dire : « Il faut que je sorte d’ici, il faut que je parte. »
Le thérapeute aide la patiente à explorer le mode dans la relation avec ses problèmes professionnels. Il met au point un dialogue entre
Annette (qui tient le rôle d’Annette Gâtée) et lui-même (tenant le rôle de l’Adulte Sain).
Thérapeute : Bien, je vais essayer de jouer le « côté sain ». Je veux que vous fassiez de votre mieux pour être le côté qui a tous les
droits et je veux entendre ce qu’il dirait vraiment. D’accord ? Je vais commencer par être le chef qui vous dicte votre travail. Je veux
que vous me disiez ce que vous pensez à l’intérieur de vous-même lorsque je vous dis tout ça, ok ?
Annette : D’accord.
Thérapeute (en tant que chef). « Bon, Annette, vous savez que vous devez finir tout ça. Ça fait partie de votre travail. On vous paie un
peu à ne rien faire, ici. »
(en tant que thérapeute) : Alors, que se passe-t-il maintenant dans votre esprit ? Je veux que vous pensiez tout haut. Je veux entendre
tout ce que vous vous dites.
Annette : Eh bien je me dis quelque chose comme : « Pourquoi faut-il toujours que je travaille ? Qu’est-ce que ça peut m’ennuyer. »
Thérapeute : Bien, maintenant, je vais faire, en quelque sorte, la voix « saine », je vais dire : « Écoute, c’est comme ça que le monde
tourne ; c’est la règle : si tu veux quelque chose, il faut que tu donnes autre chose. Ça s’appelle la réciprocité. Si tu veux que les gens te
donnent quelque chose, il te faut leur donner quelque chose en retour. Pourquoi voudrais-tu te procurer des vêtements, de la nourriture,
un bel appartement, sans rien donner au monde à la place ? C’est tout à fait normal de devoir travailler, pour apporter sa part de
contribution. » Essayez de défendre, du mieux que vous pouvez, l’idée contraire.
Annette : Je ne comprends pas. J’ai envie de dire : « Pourquoi, pourquoi faut-il qu’il en soit ainsi ? Pourquoi dois-je faire tout ça ? Je
peux aussi bien obtenir ce que je veux par mes parents. »
Thérapeute : Oui, peut-être, mais tes parents ne vivront pas toujours. Tu as très peur que ta mère ne meure. Tu as bien dit ça ?
Annette : Oui, probablement.
Le dialogue précédent aide Annette à faire l’expérience de son mode Annette Gâtée. Ensuite, le thérapeute résume le conflit entre le
mode Annette Gâtée et l’Adulte Sain :
Thérapeute : Donc, il y a un réel combat, dans la mesure où une partie de vous-même croit très fortement que vous devriez passer
votre temps à vous amuser et à faire ce que vous voulez.
Annette : C’est bien pourquoi je m’ennuie autant, ces temps-ci.
Thérapeute : À cause de quoi ?
Annette (en boudant) : J’en ai marre de tout ça. Il faut que j’aille au travail, j’ai tellement, tellement, de travail en retard. Mais je suis là, et
je déteste ça.
Thérapeute : À vous entendre, on dirait bien qu’on vous a imposé de venir ici.
Annette (elle rit).
Thérapeute : On dirait que quelqu’un vous a, en quelque sorte, poussée, forcée.
Annette : Je me demande qui ça peut bien être (elle rit et jette un coup d’œil à Rachel).
Thérapeute : C’est Rachel ?
Annette : Elle m’y a poussé.
Thérapeute : D’accord. Est-ce que ce serait pour lui faire plaisir, ou bien est-ce parce que c’est une bonne chose pour vous et que c’est
pour cette raison que vous le faites ?
Annette : En fait, je ne sais pas exactement, mais je suis dépressive. Il faut que ça change ; je veux vraiment être différente. Parce que
si je reste comme ça, je vais continuer à être malheureuse.
Thérapeute : Donc, en vous, la partie saine sait qu’en continuant comme vous faisiez, vous iriez de moins en moins bien et vous seriez
malheureuse. Mais la partie gâtée, celle qui s’arroge des droits, pense qu’il ne faut pas faire comme ça : c’est une perte de temps et
vous devriez vous amuser avec tous vos amis.
Annette : Exact.
Thérapeute : Et ces deux côtés sont en conflit. En vous, ces deux côtés se combattent.
Annette : En permanence.
Thérapeute : En permanence. Et jusqu’à présent, qui gagne la plupart du temps ?
Annette : En ce moment, je me contrôle. Je vais au travail et ne sors pas m’amuser. Je ne veux pas dire que je ne m’amuse pas, mais
je ne sors avec personne. En fait, c’est ce côté qui gagne en ce moment, mais ça ne m’excite pas tant que ça…
Le dialogue permet au patient d’accéder aux pensées et aux émotions aussi bien du mode Annette
Gâtée qu’à celles du mode Adulte Sain lorsqu’il provoque Annette Gâtée.
La patiente exprime des sentiments d’imperfection activés par la situation thérapeutique. Dans sa
famille, elle est « la malade ». Personne n’a besoin de thérapie. Le thérapeute s’allie à l’Enfant Vulnérable
contre la famille et lui offre son soutien.
Thérapeute : Oui, d’accord, examinons l’idée selon laquelle tout va bien pour eux. Vous avez dit que votre mère se fait manipuler en
permanence par les autres. Votre père est inaffectif, inhibé, il critique tout le monde. Ils se battent tout le temps. Ça n’est quand même
pas merveilleux.
Annette : Exact, mais ça ne les rend pas dépressifs, alors que moi…
Thérapeute : Bien sûr, parce qu’ils passent leur temps à soulager leur colère ; ils n’ont fait que remplacer un ensemble de symptômes
par un autre.
Annette (en colère contre elle-même) : Ils acceptent les choses telles qu’elles sont, et moi non. C’est ça la différence.
Thérapeute (après une pause) : Ce que je pense de votre enfance est faux alors ?
Annette : Vous en pensez quoi ?
Thérapeute : Ce que je pense est faux ?
Annette : Avec mes parents, on ne parlait jamais de nos sentiments… J’ai dit à Rachel que je ne me souvenais pas que ma mère m’ait
jamais serrée dans ses bras. Jamais je ne vais tout contre eux, jamais, ça me paraîtrait même bizarre.
Mais maintenant je vois les choses différemment. Ma mère était encore une enfant lorsqu’elle s’est mariée et qu’elle a eu des
enfants. Comment un enfant pourrait-il s’occuper d’un autre enfant ?
Annette est partagée entre la reconnaissance du désert affectif qu’était son enfance et la protection de
sa mère. : elle passe de l’Enfant Vulnérable, sensible à ses besoins, au Protecteur Détaché, qui dénie le
bien fondé de ses besoins.
Thérapeute : Bien. Voilà le problème. Il n’y avait personne pour s’occuper de vous. Mais, s’il n’y avait personne pour s’occuper de vous,
était-ce votre faute, ou bien…
Annette (elle interrompt) : Non, ce n’était pas de ma faute.
Thérapeute : Vous êtes donc la victime de parents qui étaient incapables de veiller de façon adaptée à vos besoins affectifs. Vous avez
grandi sans affection, sans empathie, sans personne pour vous écouter et vous comprendre. Vous avez donc grandi toute seule, dans
votre chambre. C’est une chose vraiment très, très difficile, car les besoins les plus fondamentaux des enfants, à part la nourriture et les
vêtements, sont l’attention, la prise en charge affective et l’amour. Si bien que vos besoins affectifs les plus primordiaux n’ont jamais été
comblés lorsque vous étiez enfant. Il n’est donc pas étonnant que vous soyez si malheureuse, au fond de vous-même. Et il n’est pas
étonnant non plus qu’il vous soit difficile d’aller vers les autres.
Que pensez-vous de mes explications, est-ce qu’elles correspondent à quelque chose pour vous ?
Annette : Oh ! Oui, bien sûr.
Dans le travail sur les modes, une fois qu’on a pu franchir les modes de stratégies dysfonctionnelles
(ici, le mode Protecteur Détaché : Annette la Dure), une bonne partie du travail est faite, car on va
pouvoir accéder à l’Enfant Vulnérable, pour ensuite le re-materner. Comme l’Enfant Vulnérable contient
les schémas les plus centraux, l’essentiel de la guérison des schémas est lié au travail avec ce mode. Le
thérapeute s’emploie à démontrer au patient les avantages qu’il y a à se débarrasser (ou à les modifier)
des modes qui gênent l’accès à l’Enfant Vulnérable.
L’imagerie s’avère souvent le moyen le plus efficace dont dispose le thérapeute pour établir la
communication avec l’Enfant Vulnérable. Le thérapeute demande au patient de créer une image de
l’Enfant Vulné-rable ; il entre ensuite dans l’image en tant qu’Adulte Sain et il parle à l’Enfant Vulnérable.
Le thérapeute aide le patient, par le mode Enfant Vulnérable, à exprimer ses besoins insatisfaits et il
essaie, par le « re-parentage partiel », de pallier à ces manques – dans les domaines de la sécurité, de
l’éducation attentive, de l’autonomie, de l’expression de soi et des limites. (Nous utilisons cet exercice de
façon très courante, même en dehors du travail sur les modes.)
Le thérapeute demande à Annette de former une image de la Petite Annette, l’Enfant Vulnérable, mais
Annette refuse. Le thérapeute l’aide à identifier les causes de cette résistance : ce sont Annette Gâtée et
Annette la Dure qui refusent. Annette Gâtée ne veut pas travailler sur quelque chose qui lui déplait ;
Annette la Dure pense que c’est une faiblesse de se montrer vulnérable et elle bloque les émotions
douloureuses pour protéger la Petite Annette. Le thérapeute se sert du travail de mode pour forcer ces
deux modes inadaptés et parvenir à l’Enfant Vulnérable.
Thérapeute : Que diriez-vous d’essayer un exercice d’imagerie pour parvenir à votre côté enfant ?
Annette : Je ne peux pas.
Thérapeute : Seriez-vous d’accord pour essayer ?
Annette : Je ne sais pas. Rachel et moi essayons tout le temps et ça ne marche pas.
Thérapeute : Même si ça ne marche pas, cet exercice pourrait être utile pour m’aider à en comprendre la raison ; de la sorte, je pourrais
éventuellement vous proposer des solutions afin que, la fois suivante, cet exercice puisse marcher.
Il suffit pour l’instant que nous parvenions à comprendre ce qui crée cette résistance. Nous ne chercherons pas nécessairement
à la vaincre aujourd’hui. Si je pouvais tout simplement comprendre ce qui vous empêche de faire cet exercice d’imagerie, ça nous
aiderait beaucoup. Voulez-vous m’aider à explorer pourquoi il vous est si difficile de faire ce travail d’imagerie ?
Annette : Je pense que oui.
Thérapeute : Bien ; que ressentez-vous en ce moment ?
Annette : Tout simplement, je n’ai pas envie.
Thérapeute : Faites la partie de vous qui ne veut pas le faire : je veux l’entendre.
Annette : Je ne sais pas ; je ne veux pas, c’est tout. Je n’aime pas faire les choses que je n’ai pas envie de faire.
C’est ici Annette Gâtée qui résiste au travail d’imagerie, parce qu’elle ne veut pas faire ce qu’elle n’aime pas faire. Le thérapeute entame
un dialogue avec Annette Gâtée, en la confrontant empathiquement.
Thérapeute : Bon. Je vais jouer le rôle de l’Adulte Sain : « Je sais que c’est difficile pour vous, mais ce n’est qu’en essayant de faire ce
qui est difficile que vous parviendrez à ce qui est important : vous n’y arriverez pas autrement. » Jouez le rôle opposé, je veux entendre
la réponse.
Annette : Je n’aime pas faire des choses difficiles. C’est trop dur.
Thérapeute : Est-ce que vous voudriez tout de même essayer ?
Annette : Je pense que oui.
Thérapeute : Bien ! Faisons un essai de 5 minutes, et si vraiment vous détestez ça…
Annette (elle interrompt, d’une voix dure et rebelle) : Si je déteste ça, je vous le dirai, n’ayez crainte ! Alors, on fait quoi ?
Thérapeute : Gardez simplement les yeux fermés durant 5 minutes et, si vous détestez ça, vous pouvez les ouvrir et cesser l’exercice.
Annette (dans un demi-sourire) : Je ne peux pas rester encore 5 minutes assise, encore moins fermer les yeux durant 5 minutes.
Thérapeute : Je pense que si vous dites ça, c’est pour résister : vous êtes bien déjà restée assise 35 minutes aujourd’hui, donc vous
pouvez sûrement rester 5 minutes de plus si vous le voulez.
Annette : Mais je ne veux pas.
Thérapeute : Oui, c’est bien ce que je pense. Et, pour moi, la raison de ce refus, c’est que vous ne voulez pas descendre dans cette
partie de vous qui souffre, qui est déprimée et qui est seule. Vous ne voulez pas regarder de ce côté-là.
Annette : Oui, parce qu’il est mauvais.
Lorsqu’elle refuse l’imagerie, Annette passe du côté qui s’arroge des droits au côté dur – refusant de reconnaître son Enfant
Vulnérable, qu’elle considère comme une mauvaise partie d’elle-même. Ce sentiment que l’Enfant Vulnérable est mauvais
provient de son schéma d’Imperfection. Néanmoins, le thérapeute insiste. Dans le passage suivant, le Protecteur Détaché
s’avère être l’obstacle responsable des principales difficultés d’accès à l’Enfant Vulnérable. Il ne veut pas paraître faible aux yeux
des autres, parce qu’ils pourraient le blesser.
Thérapeute : Mauvais, c’est à dire ?
Annette : Je ne sais pas, un truc mauvais. Je me sens déjà suffisamment mal : pourquoi essayer de me souvenir de tout ça ?
Thérapeute : Parce que la seule façon pour vous d’aller mieux est de parvenir à connaître ces sentiments-là pour les guérir. Mon idée
est qu’Annette la Dure ne veut pas laisser quiconque approcher la Petite Annette, ni même l’aimer. C’est ça son rôle.
Annette (elle soupire profondément).
Thérapeute : Elle tient tout le monde à l’écart. Si bien que la Petite Annette est toujours seule, perdue, sans personne qui s’occupe d’elle.
Tant que je n’aurai pas aidé Annette la Dure à réduire sa résistance, la Petite Annette ne pourra pas obtenir des autres l’amour dont elle
a besoin. Elle va continuer à se sentir seule. La seule façon de l’aider est de convaincre Annette la Dure de se retirer pour nous
permettre de trouver la Petite Annette et lui donner ce qu’il lui faut. Mais Annette la Dure ne veut pas voir la Petite Annette.
Donc, je voudrais que vous lâchiez suffisamment Annette la Dure pour pouvoir faire l’exercice. Et je pense que si Annette la Dure
ne veut pas faire l’exercice, c’est parce qu’elle ne veut pas que je voie la Petite Annette.
Annette : Et si la Petite Annette n’existait pas ?
Thérapeute : Alors vous ne seriez pas dépressive et vous seriez comme le reste de votre famille. Tout irait bien. Nous savons que la
Petite Annette doit exister, sinon vous ne seriez pas dépressive et vous ne vous sentiriez pas seule. Vous ne feriez pas une thérapie. La
Petite Annette, c’est la partie de vous qui est triste. Annette la Dure n’est pas triste, Annette Gâtée non plus. Donc, la seule partie qui
puisse être triste, c’est la Petite Annette.
Annette (elle soupire profondément).
Thérapeute : Mais vous ne voulez pas la regarder, même si c’est elle qui supporte toute la souffrance. Elle porte à elle seule toute la
souffrance que vous ressentez.
Annette : Ce n’est pas que je refuse de la regarder : en fait, je ne la connais pas, je ne sais pas où elle se trouve.
Thérapeute : En résistant contre le travail d’imagerie, vous résistez à la regarder. Et moi, je vous dis : traitez-la moins durement ; voyons
à quoi elle ressemble. Ne la combattez-pas avec tant de force. Si vous cherchez à voir de quoi elle a l’air, il ne se produira rien de si
terrible. Si vous la regardez, et essayez de comprendre ses sentiments, je pense que ce ne sera pas aussi mauvais que vous le dites.
Nous pourrions essayer ?
Annette : Oui, je pense.
Une fois que le thérapeute a pu franchir Annette la Dure dans l’image, le mode qui fait surface est –
comme d’habitude – l’Enfant Vulnérable. Maintenant, le thérapeute peut travailler sur les schémas
centraux que représente la Petite Annette : ses sentiments, ses souvenirs, ses besoins et ses croyances
sous-jacents. Ce qui apparaît alors, c’est la peur de la colère de son père, et le désir de protéger sa
mère. Il n’y a personne de fort pour protéger Annette : son père est dangereux et sa mère est faible. Les
schémas centraux sont : Méfiance/Abus, Abnégation et Manque Affectif.
4.6. Étape 6 : Mener des dialogues entre les modes, le thérapeute tenant le rôle de
l’Adulte Sain
Une fois que l’Enfant Vulnérable et l’Adulte Sain sont établis sous la forme de personnages dans l’image,
le thérapeute introduit les autres modes du patient dans l’imagerie et il met en place des dialogues. Il
aide les modes à communiquer et négocier entre eux. L’Adulte Sain peut, par exemple, dialoguer avec le
Parent Punitif, ou bien l’enfant Vulnérable peut parler avec le Protecteur Détaché. Le thérapeute tient le
rôle de l’Adulte Sain (ou du Parent Sain) chaque fois que les patients sont incapables de le tenir eux-
mêmes.
L’Adulte Sain a plusieurs fonctions dans les dialogues entre les modes :
Tout ceci peut se faire en imagerie, ou bien à la façon de la Gestalt-thérapie, en changeant de chaises.
Le thérapeute assigne alors un mode à chaque chaise et il demande au patient de changer de chaise
lorsqu’il change de mode. Là encore, le thérapeute joue le rôle de l’Adulte Sain lorsque le patient en est
incapable. (Habituellement, le thérapeute jour le rôle de l’Adulte Sain durant plusieurs mois, avant que le
patient ne soit capable de tenir ce rôle.)
Dans le passage suivant, le thérapeute aide la patiente à mener un dialogue entre l’Adulte Sain et
l’Enfant Vulnérable. Au début du passage, la patiente est toujours la petite fille, dans sa chambre avec sa
mère. Le thérapeute demande à Annette de faire entrer Rachel dans l’image, pour parler à l’Enfant
Vulnérable, plutôt que lui-même, parce que Rachel a une relation plus forte avec Annette depuis ses
nombreux mois de thérapie. Le thérapeute joue le rôle de Rachel, même si Annette n’est pas à l’aise
pour montrer sa fragilité.
Thérapeute : Pouvez-vous faire entrer Rachel dans l’image, maintenant ?
Annette : Comment ?
Thérapeute : Collez-la simplement au milieu de l’image, avec vous.
Annette : L’image où je suis petite ?
Thérapeute : Oui, et faites sortir toute autre personne. Faites sortir Annette la Dure, faite sortir votre mère : il n’y a maintenant plus que la
Petite Annette et Rachel. Pouvez-vous voir ça ?
Annette : Oui.
Thérapeute : Pouvez-vous dire à Rachel ce que vous venez de dire à votre mère ?
Annette (intransigeante) : Non !
Thérapeute : Pourquoi ?
Annette : Je ne sais pas, je ne peux pas, c’est tout.
Thérapeute : Que pensez-vous ? Qu’elle va vous juger ? Qu’elle va avoir une mauvaise impression de vous si vous lui dites ?
Annette : Je ne sais pas. Elle va me trouver bizarre. Je ne sais pas, je ne sais pas ce qu’elle va penser.
La patiente ne parvient pas à s’imaginer aussi fragile en présence de Rachel. Comme elle est bloquée,
le thérapeute lui vient en aide. Il montre de l’empathie pour les sentiments de l’Enfant Vulnérable en
fournissant des mots à Rachel.
Thérapeute : Laissez-moi faire entrer Rachel et parler pour elle, d’accord ?
Annette : D’accord.
Thérapeute (dans le rôle de Rachel) : « Annette, il est compréhensible que vous soyez effrayée en ce moment : vos parents se
disputent, et avec le caractère de votre père,… vous avez le droit que quelqu’un de fort soit là pour vous aider et s’occuper de vous,
quelqu’un qui vous comprenne, vous écoute, vous serre dans ses bras. Vous avez le droit à tout ça, dès maintenant, et je veux vous
dire que moi, dans la mesure de mes possibilités de thérapeute, je veux le faire pour vous ; car je pense que vous n’avez jamais eu
quelqu’un qui le fasse jusqu’à présent. » Que ressent la petite Annette lorsque je lui dit ça ?
Annette : Je ne sais pas, elle est mal à l’aise.
Thérapeute : Que ressent-elle ? Pouvez-vous verbaliser ce qu’elle ressent ?
Annette : Elle se demande seulement ce qu’elle a fait pour mériter tout ce cinéma.
Le thérapeute explique les droits de l’Enfant Vulnérable, mais Annette n’est pas d’accord.
Thérapeute : Bien, je vais être Rachel, maintenant : « Parce que vous êtes une bonne fille. Vous faites tellement d’efforts pour aider tout
le monde. Vous êtes une fille qu’on a envie d’aimer. Vous êtes une fille gentille qui fait tout ce qu’elle peut pour aider sa famille et protéger
sa mère. Vous méritez qu’on s’occupe de vous et qu’on vous traite avec gentillesse, vous méritez de l’affection. Tous les enfants le
méritent, et vous tout particulièrement, car vous êtes une bonne fille. »
Annette : Je ne suis peut-être pas si bonne que ça ; je suis peut-être mauvaise.
Thérapeute (dans le rôle de Rachel) : « Si vous étiez si mauvaise, vous n’essayeriez pas tant de protéger votre mère. Si vous étiez
égoïste, vous ne penseriez qu’à vous-même. Vous vous contenteriez de vous procurer ce dont vous avez besoin. Mais ce n’est pas ce
qu’il se produit : en fait, vous vous sacrifiez pour elle, pour sa sécurité. C’est le comportement d’un enfant très, très sensible et
attentionné. Donc, je ne pense pas du tout que vous soyez un mauvais enfant. vous avez peut-être un aspect enfant gâté lorsque vous
voulez des choses matérielles, des choses que l’on peut acheter ; mais lorsqu’il s’agit du domaine affectif, vous n’êtes pas égoïste du
tout. En fait, vous vous sacrifiez beaucoup ; sur le plan affectif, on vous a trompée : on ne vous a pas donné tout ce que vous méritiez.
Vous n’avez pas reçu grand-chose sur le plan affectif. » Comment vous sentez-vous maintenant ?
Annette : Je me sens troublée ; je ne comprends rien.
Thérapeute : Mon explication vous semble-t-elle correcte ?
Annette : Non.
Le thérapeute fait intervenir la partie d’Annette qui rejette son explication.
Thérapeute : Soyez la partie de vous qui ne me croit pas. Est-ce votre mère qui ne me croit pas ? Ou bien est-ce Annette la Dure qui ne
me croit pas ?
Annette : C’est Annette, Annette la Dure.
Thérapeute : Bien. Soyez Annette la Dure qui ne croit pas à mes explications.
Annette (en tant qu’Annette la Dure) : « Je ne vois pas l’intérêt de tout ça : affection, sentiments ; je ne vois pas à quoi ça sert d’en parler.
Pourquoi serait-ce nécessaire ? »
Le thérapeute joue les rôles qu’Annette a de la difficulté à tenir : la Petite Annette et l’Adulte Sain.
Thérapeute : Je vais faire la Petite Annette, puis l’Adulte Sain.
(en tant que Petite Annette) : « Écoute, je suis un petit enfant, et puis j’ai peur. Tu es une adulte, et tous les enfants ont besoin d’être
embrassés, enlacés, écoutés et respectés. Ce sont les besoins fondamentaux de tout enfant. »
(en tant qu’Adulte Sain) : « On est tous nés comme ça ; si tu penses que tu ne mérites pas d’affection, c’est parce que tu n’en as jamais
reçu. Mais nous en avons tous besoin. Et tu es devenue dure parce que tu n’as trouvé aucun moyen d’en obtenir. Alors tu t’es dit : ‘Je
pourrais aussi bien m’endurcir et prétendre que je n’en ai pas besoin.’ Mais en réalité, tu sais bien que tu as besoin d’affection, autant
que moi. Simplement, tu as peur de l’admettre, parce que tu penses qu’il n’existe aucun moyen pour toi de jamais en obtenir. »
Annette (en tant qu’Annette la Dure) : « C’est un défaut. »
Thérapeute : Qu’est-ce qui est un défaut ?
Annette (en tant qu’Annette la Dure) : « Eh bien, d’avoir autant de besoins ».
Thérapeute : Non, cela fait partie de la nature humaine. Chacun est fait comme ça. Avez-vous déjà vu un petit enfant qui ne veuille
aucune aide, ou qui n’ait pas besoin d’être pris en charge ? Est-ce que vous voulez dire que tout enfant qui demande de l’aide a un
défaut ? Est-ce que tout enfant est déficient s’il veut qu’on s’occupe de lui ?
Annette : Non, bien sûr, non.
Dans la partie suivante, le thérapeute demande à Annette de se mettre en colère contre sa mère dans
l’image. Ceci dans le but d’aider Annette à combattre son schéma de Manque Affectif en affirmant ses
droits face à sa mère. La mère se comporte d’une façon très frustrante sur le plan affectif : elle ne
protège pas Annette et elle ne lui donne pas l’attention et l’affection dont elle a besoin.
Thérapeute : Pouvez-vous maintenant être la Petite Annette, et dire à votre mère de quoi vous avez vous-même besoin ? Dites-le à
voix haute.
Annette : Ce que veut la Petite Annette ?
Thérapeute : Oui. « J’ai besoin… »
Annette : Je ne sais pas. je crois que j’ai besoin d’un câlin. J’ai tellement peur.
Thérapeute : Que ressentez-vous en disant ça ?
Annette : Ça me rend anxieuse.
Thérapeute : Comment réagit-elle quand vous lui dites que vous avez besoin d’un câlin ?
Annette : Je dois le dire ?
Thérapeute : Oui, soyez votre mère, maintenant.
Annette (elle parle avec mépris) : Elle ne dirait probablement rien. Je pense qu’elle se contenterait de me regarder.
Thérapeute : Dites-moi ce qui lui passe par la tête quand elle vous regarde ainsi.
Annette : Elle penserait : « Pourquoi veut-elle un câlin ? C’est moi qui supporte tous les problèmes. Pourquoi a-t-elle besoin d’un câlin ?
Dans l’image, la mère dénie les besoins d’Annette et se concentre plutôt sur les siens, qui lui paraissent plus importants. Le thérapeute
remarque que la mère répond de façon égoïste.
Thérapeute : Êtes-vous en colère, lorsque votre mère vous dit ça ?
Annette (d’un air agréable et acquiescent) : Oui.
Thérapeute : Soyez la petite Annette qui se met en colère contre sa mère qui lui a dit ça. (Longue pause). Vous pouvez commencer par
« je n’ai que cinq ans ».
Annette (elle rit) : Hm, voyons « Je n’ai que cinq ans. J’ai besoin de quelqu’un qui s’occupe de moi. » (Longue pause).
Thérapeute : Dites-lui de quoi vous avez besoin. Voulez-vous des câlins ?
Annette : Oui, j’ai besoin de câlins. J’ai besoin de quelqu’un qui me dise comment il se sent avec moi.
Thérapeute : Avez-vous besoin d’éloges ?
Annette : Nan, je crois pas.
Thérapeute : Quelqu’un qui soit suffisamment fort, pour que vous n’ayez plus peur ?
Annette : Elle veut seulement quelqu’un qui lui dise qu’elle compte, qu’elle a de l’importance.
Le thérapeute aide Annette à verbaliser ses besoins d’enfant auprès de sa mère. On a appris à
Annette qu’elle ne devait avoir besoin de rien et ne rien réclamer. Il fallait qu’elle soit dure. Qu’elle
protège les autres. Qu’elle ne demande ni aide ni amour à personne. Il n’est donc pas étonnant que,
devenue adulte, elle ne s’adresse pas aux autres avec l’attente d’aide ou de réconfort.
4.7. Étape 7 : Aider le patient à généraliser le travail sur les modes aux situations
de la vie de tous les jours
L’étape finale consiste à aider les patients à généraliser ce travail dans leur vie courante. Que se passe-
t-il lorsque le patient embraye le Protecteur Détaché ou le Parent Punitif ou encore l’Enfant Coléreux ? Le
patient parvient-il à rester centré sur le mode Adulte Sain ?
Le thérapeute utilise la révélation de soi sur son enfance personnelle pour aider Annette à accepter
son côté vulnérable et être davantage volontaire pour l’exprimer. Annette explique que son Enfant
Vulnérable a trop de besoins.
Thérapeute : Pensez-vous que le petit enfant qui est en vous soit si différent de celui qui est en moi, ou de celui qui est en Rachel ?
Annette : Peut-être. Peut-être que vous avez reçu de l’affection, et que c’est ça qui fait la différence.
Thérapeute : Je n’ai pas eu beaucoup d’affection non plus, lorsque j’étais enfant. C’est pourquoi je sais combien il est important d’en
recevoir. Je sais ce que c’est de ne pas recevoir d’affection.
Annette (elle parle de façon accusatrice) : Vous dites ça pour que je vous raconte.
Thérapeute : Vous ne me croyez pas. Si je dis tout ça, ce n’est pas pour vous manipuler, croyez-moi. Je vous dis la vérité. Je n’ai pas
eu d’affection, moi non plus, et je ressens vraiment ce que c’est quand on n’en reçoit pas. Et je vous dis que tout le monde en a besoin.
J’ai grandi avec l’idée que je n’en avais pas besoin. Que tout ce que je devais faire, c’était bien travailler à l’école, être bon avec les
autres, être bien élevé, tout faire de mon mieux : c’est tout ce dont j’avais besoin pour être heureux.
Annette raconta plus tard à son thérapeute que, pour elle, c’était là le moment le plus important de la
séance. La révélation de soi du thérapeute a représenté une forme de re-parentage très puissante.
Le thérapeute aide Annette à généraliser le travail de modes à sa vie en dehors des séances. Quelles
sont les conséquences de ce qu’elle a appris ? Ils discutent ensemble de ses relations amoureuses.
Pourquoi lui est-il si difficile d’établir des relations avec les hommes ? Elle n’a jamais pu accepter de
l’amour. Comme toutes les personnes qui ont un côté détaché très fort, elle est attirée par les hommes
qui donnent peu d’affection. Pour Annette, un des buts de la thérapie consiste à rechercher des hommes
qui soient affectivement généreux, pour rester avec eux de façon stable.
Thérapeute : Donc, si quelqu’un vous embrasse, vous vous sentez embarrassée. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il vous faut
complètement surmonter ce sentiment.
Annette : Comment faire ?
Thérapeute : En laissant faire quelqu’un sans vous écarter et en vous disant : « Je ne me sens pas très à l’aise, mais c’est ce qu’il me
faut. C’est comme ça que c’est bien. »
Annette : Même si ça vous fait drôle ?
Thérapeute : Ça vous fera drôle la première fois, parce que vous n’aurez jamais connu ça avant. En tout cas, pas autant que vous vous
souveniez.
Annette : Je fais des cauchemars où des gens m’embrassent.
Thérapeute : Ça ne m’étonne pas. Et moi je vous dis que si vous dépassez ça, si vous laissez quelqu’un vous embrasser sans résister,
et si vous vous dites : « C’est quelque chose de nouveau pour moi, mais j’en ai besoin. Si je peux rester comme ça longtemps, je vais
m’y habituer, et ça ira mieux. Si je laisse l’affection m’envahir, alors je me sentirai mieux. » Alors, vous lutterez contre cette partie de
vous qui est gênée d’être embrassée.
Finalement, le but pour Annette est de reconnaître ses besoins affectifs non comblés et de demander
à ses proches de les satisfaire. Elle pourra ainsi entrer en relation avec les autres de façon très intime et
très agréable.
Le thérapeute termine l’entretien en résumant les implications de ce travail sur les modes dans le cadre
de ses buts thérapeutiques.
Thérapeute : Il faut que vous reconnaissiez la Petite Annette et que vous admettiez le bien-fondé de ses besoins affectifs : ils ne sont
pas mauvais, ils sont bons et normaux. Et il faut que vous l’aidiez à les satisfaire, sans affirmer qu’elle n’a besoin de rien. Car si vous
persistez à prétendre qu’elle n’a aucun besoin, vous continuerez à être déprimée et à vous sentir seule et isolée.
Cela veut dire qu’il vous faut tolérer des sentiments qui vous gênent, comme quand vous faites des exercices d’imagerie. Car si
vous ne tolérez pas la gêne provoquée par l’intimité des autres, vous ne dépasserez pas ce stade. Cette gêne est en effet une
étape, un cap à passer, et vous la surmonterez. Finalement, vous vous sentirez à l’aise quand quelqu’un vous prendra dans ses
bras, vous touchera et vous écoutera.
Le but d’Annette est de former des relations intimes avec des gens importants pour elle, qui seront
capables de satisfaire ses besoins affectifs et à qui elle le permettra. En termes de modes, il faut qu’elle
construise un mode Adulte Sain qui puisse écouter et guider, soutenir et protéger la Petite Annette ; qui
puisse mettre des limites à Annette Gâtée et apprendre à contourner Annette la Dure de façon durable.
RÉSUMÉ
Un mode est un ensemble de schémas ou d’opérations de schémas – adaptés ou dysfonctionnels – qui sont actifs à un moment donné
chez un individu. Nous avons développé le concept de mode pour traiter des patients particulièrement sévères, tels que ceux porteurs
des troubles de personnalité borderline et narcissique. Au début, le travail sur les modes était destiné à traiter ce type de patients, mais
actuellement nous l’utilisons également chez de nombreux patients ayant un fonctionnement supérieur. Le travail de modes est devenu
une partie intégrante de la schéma-thérapie.
Dans notre pratique, plus le fonctionnement du patient est élevé, plus nous insistons sur les schémas ; et plus le trouble du patient est
important, plus nous aurons tendance à privilégier les modes. Pour les patients à fonctionnement psychique intermédiaire, nous
associons les deux approches.
Le thérapeute peut passer de l’approche des schémas à celle des modes lorsque la thérapie paraît bloquée et que l’évitement ou la
compensation du patient ne peut être vaincu. On peut aussi utiliser l’approche des modes quand le patient est autopunitif ou autocritique
de façon rigide, ou bien qu’il présente un conflit interne qui semble insoluble : par exemple, si deux parties de l’individu sont bloquées en
opposition dans une décision de vie importante. Enfin, nous insistons sur le travail sur les modes avec les patients ayant des
fluctuations émotionnelles fréquentes, tels les borderlines.
Nous avons identifié quatre types principaux de modes : les modes de l’Enfant, les modes des Styles d’Adaptation Dysfonctionnels, les
modes du Parent Dysfonctionnel et le mode de l’Adulte Sain. Chaque type de mode est associé à certains schémas dysfonctionnels
(sauf l’Adulte Sain et l’Enfant Heureux), ou incarne certains styles d’adaptation.
Les modes de l’Enfant sont l’Enfant Vulnérable, l’Enfant Coléreux, l’Enfant Impulsif/Indiscipliné et l’Enfant Heureux. Nous pensons que
ces modes d’Enfant sont innés. Nous avons identifié trois grands types de modes de Styles d’Adaptation Dysfonctionnels : le Soumis
Obéissant, le Protecteur Détaché et le Compensateur. Ils correspondent respectivement aux processus adaptatifs de la soumission, de
l’évitement et de la compensation. Nous avons identifié deux types principaux de Parent Dysfonctionnel : le Parent Punitif et le Parent
Exigeant. Le mode de l’Adulte Sain est la partie de la personnalité qui tient le rôle « exécutif » par rapport aux autres modes. Le but
suprême du travail sur les modes est de construire l’Adulte Sain du patient afin qu’il travaille de façon plus efficace avec les autres
modes. Comme tout bon parent, le mode Adulte Sain exerce les trois fonctions suivantes : (1) éduquer, soutenir et protéger l’Enfant
Vulnérable ; (2) fixer des limites à l’Enfant Coléreux et à l’Enfant Impulsif/Indiscipliné, selon les principes de réciprocité et d’auto-
discipline ; (3) combattre ou modérer les modes des Styles d’Adaptation Dysfonctionnels et du Parent Dysfonctionnel. Au cours du
traitement, les patients internalisent le comportement du thérapeute comme étant un partie de leur Adulte Sain. Au début, le thérapeute
tient le rôle de l’Adulte Sain lorsque le patient est incapable de le faire. Progressivement, le patient prendra en charge le rôle de l’Adulte
Sain.
Nous avons développé sept étapes dans le travail sur les modes de schémas : (1) identifier et nommer les modes du patient ;
(2) explorer leur origine infantile (et, éventuellement, leur valeur adaptative ancienne) ; (3) établir la relation entre les modes inadaptés et
les problèmes actuels ; (4) démontrer les avantages à modifier ou à se débarrasser d’un mode qui gêne l’accès à un autre mode ;
(5) accéder à l’Enfant Vulnérable au travers de l’imagerie ; (6) mener des dialogues entre les modes ; (7) aider le patient à généraliser le
travail sur les modes aux situations de la vie en dehors des séances.
Dans le chapitre suivant, nous appliquerons le travail sur les modes au diagnostic et au traitement du trouble de personnalité borderline.
CHAPITRE 9
Thérapie des schémas
pour le trouble
de personnalité borderline
1. Conceptualisation des schémas du trouble de personnalité borderline
Les Schémas Précoces Inadaptés sont les souvenirs, les émotions, les sensations corporelles et les
cognitions associés aux aspects négatifs des expériences infantiles du sujet ; ils s’organisent en
scénarios de vie qui se répètent tout au long de l’existence. Aussi bien pour les patients présentant des
troubles du caractère que pour des patients moins sévères, les thèmes centraux en sont les mêmes :
l’Abandon, l’Abus, le Manque Affectif, l’Imperfection et l’Assujettissement. Pour les patients caractériels, il
peut y avoir davantage de schémas en cause et les schémas peuvent être plus sévères, mais ils ne sont
pas différents. Ce n’est pas la présence de certains schémas qui distingue les patients à troubles du
caractère des autres, moins sévères, mais plutôt les styles d’adaptation extrêmes qu’ils emploient pour
s’adapter à ces schémas et les modes qui se cristallisent à partir de ces styles d’adaptation.
Comme déjà signalé, le concept de modes est né de notre expérience clinique des patients porteurs du
trouble de personnalité borderline. Lorsque nous avons tenté d’appliquer, chez ces patients, le modèle
des schémas, nous avons rencontré de façon régulière deux problèmes. Tout d’abord, les borderlines
présentent à peu près l’ensemble des 18 schémas (particulièrement Abandon, Méfiance/Abus, Manque
Affectif, Imperfection, Autocontrôle Insuffisant, Assujettissement et Punition). Devant tant de schémas,
notre approche initiale des schémas s’est avérée trop lourde à manier. Nous avions besoin, pour
l’analyse, d’une unité plus facile à manipuler. D’autre part, en travaillant avec les borderlines, nous avons
été étonnés (comme la plupart des cliniciens) par la tendance de ces patients à embrayer rapidement
d’un état affectif intense vers un autre. À un moment donné, ces patients sont en colère, l’instant d’après
ils sont terrifiés, puis fragiles, puis impulsifs – au point que l’on a parfois l’impression d’avoir affaire à des
personnes différentes. Les schémas, qui sont essentiellement des traits, n’expliquent pas ce passage
rapide d’un état à un autre. Nous avons développé le concept de modes pour représenter les états
affectifs très changeants des patients borderlines.
Les patients borderlines passent continuellement d’un mode à un autre, en réponse aux événements de
la vie. Les patients à fonctionnement supérieur ont habituellement des modes moins nombreux et moins
extrêmes, ils passent des périodes de temps plus longues dans chacun d’eux, alors que les borderlines
ont un nombre de modes plus grand, leurs modes sont plus extrêmes et ils peuvent changer de mode
d’un instant à l’autre. De plus, lorsqu’un borderline embraye un mode, tous les autres modes semblent
disparaître. À la différence des patients à fonctionnement supérieur, qui peuvent faire l’expérience de
deux modes (parfois plus) simultanément, si bien qu’un mode peut modérer l’intensité de l’autre, les
patients borderlines qui sont dans un mode semblent en pratique n’avoir aucun accès aux autres modes.
Les modes sont presque complètement dissociés.
1. L’Enfant Abandonné
2. L’Enfant Coléreux et Impulsif
3. Le Parent Punitif
4. Le Protecteur Détaché
5. L’Adulte Sain
Après un bref résumé qui donnera un aperçu général de ces modes, nous décrirons chacun de façon
plus détaillée.
Le mode de l’Enfant Abandonné est l’enfant interne qui souffre. C’est la partie du patient qui ressent la
douleur et la peur associées à la plupart des schémas, notamment l’Abandon, l’Abus, le Manque Affectif,
l’Imperfection et l’Assujettissement.
Le mode de l’Enfant Coléreux et Impulsif prédomine lorsque le patient est en colère ou se comporte
de façon impulsive parce que ses besoins affectifs fondamentaux ne sont pas comblés. Les schémas
activés peuvent être les mêmes que ceux du mode de l’Enfant Abandonné, mais l’émotion vécue est alors
la colère.
Le mode du Parent Punitif est l’internalisation de la voix du parent qui critique et punit le patient.
Lorsque ce mode est activé, le patient devient un persécuteur cruel, habituellement envers lui-même.
Dans le mode du Protecteur Détaché, le patient se coupe de toutes ses émotions, il s’isole des autres
et il fonctionne d’une façon quasi robotisée.
Le mode de l’Adulte Sain est extrêmement fragile et sous-développé chez les patients borderlines,
particulièrement au début du traitement. C’est, en quelque sorte, le problème essentiel : les borderlines
n’ont pas de mode parental suffisamment apaisant pour les calmer et pour leur donner de l’attention.
C’est ce qui contribue de façon significative à leur incapacité à tolérer les séparations.
Le thérapeute incarne le modèle de l’Adulte Sain pour le patient jusqu’à ce que celui-ci soit capable
d’internaliser sous la forme de son propre Adulte Sain les attitudes, les émotions, les réactions et les
comportements du thérapeute. Le but principal du traitement est de construire le mode Adulte Sain du
patient ; ce mode sera capable d’éduquer attentivement et de protéger l’Enfant Abandonné ; d’apprendre
à l’Enfant Coléreux et Impulsif des méthodes appropriées pour exprimer sa colère et obtenir la
satisfaction de ses besoins ; de vaincre et repousser le Parent Punitif ; et, progressivement, de
remplacer le Protecteur Détaché.
Ce qui permet le plus facilement de reconnaître un mode, c’est son style émotionnel. Chaque mode
possède son propre affect. Le mode de l’Enfant Abandonné se présente avec l’affect d’un enfant perdu :
il est triste, effrayé, fragile et sans défense. Le mode de l’Enfant Coléreux et Impulsif a un affect d’enfant
furieux qui ne se contrôle pas : il crie, il est agressif envers les gens qui sont chargés de veiller sur lui s’ils
le frustrent dans ses besoins infantiles de base, ou bien il agit de façon impulsive dans le but de satisfaire
ces besoins. Le mode du Parent Punitif a un ton dur, critique, qui ne pardonne pas. Le mode du
Protecteur Détaché un affect plat, sans émotion, mécanique. Enfin le mode de l’Adulte Sain a l’affect d’un
parent fort et aimant. Le thérapeute parvient habituellement à différencier les modes en écoutant le ton
de la voix du patient et en observant sa manière de parler. Le schéma-thérapeute cherche à identifier à
tout moment le mode du patient et à répondre de façon adaptée, grâce aux stratégies spécifiquement
prévues pour travailler avec chaque mode.
Nous allons maintenant décrire chacun des modes dans le détail : la fonction du mode, ces signes et
symptômes, et les grandes stratégies dont dispose le thérapeute pour aider les patients porteurs d’un
trouble de la personnalité borderline lorsqu’il sont dans le mode en question.
Facteurs biologiques
Dans notre expérience, la majorité des patients porteurs d’un trouble de personnalité borderline ont un
tempérament émotionnel intense et labile. Cette hypothèse de tempérament peut représenter une
prédisposition biologique pour développer ce trouble.
Les trois-quarts des patients diagnostiqués borderlines sont des femmes (Gunderson, Zanarini et
Kisiel, 1991). Il est possible que ce résultat soit en partie le fait d’une différence de tempéraments : les
femmes ont peut-être plus volontiers que les hommes des tempéraments intenses et labiles. Cette
différence en fonction du sexe peut également être due à des facteurs environnementaux. L’abus sexuel,
une caractéristique fréquente des histoires infantiles des patients borderlines (Herman, Perry et Van de
Kolk, 1989), est plus fréquent chez les filles. Les filles sont plus souvent assujetties et on leur demande
plus volontiers de contrôler leur colère. Il est possible également que les hommes borderlines
représentent un groupe sous-diagnostiqué. Chez les hommes, ce trouble se manifeste différemment. Les
hommes ont davantage tendance à avoir des tempéraments agressifs, à être dominateurs plutôt
qu’obéissants et sont plutôt violents contre les autres que contre eux-mêmes. Ils sont probablement plus
susceptibles d’être rangés dans les catégories diagnostiques des troubles de personnalité antisociale et
narcissique (Gabbard, 1994), même si les modes et les schémas sous-jacents sont similaires.
Facteurs environnementaux
Nous avons identifié dans l’environnement familial quatre facteurs qui interagissent avec la prédisposition
biologique pour conduire au développement d’un trouble de personnalité borderline.
T ABLEAU 9.1
Critères diagnostiques DSM-IV pour le trouble de la personnalité borderline et modes de schémas
correspondants
Critères diagnostiques du DSM-IV Modes de schémas correspondants
1. Efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou Mode de l’Enfant Abandonné.
imaginés.
2. Mode de relations interpersonnelles instables et intenses Tous les modes. (C’est l’oscillation rapide d’un mode à un autre qui crée
caractérisées par l’alternance entre des positions l’instabilité et l’intensité. L’Enfant Abandonné idéalise les gens qui
extrêmes d’idéalisation excessive et de s’occupent de lui et l’Enfant Coléreux les dévalorisent et leur fait des
dévalorisation. reproches.)
3. Perturbation de l’identité : instabilité marquée et a. Mode du Protecteur Détaché. (Parce que ces patients doivent plaire aux
persistante de l’image ou de la notion de soi. autres et n’ont pas le droit d’être eux-mêmes, ils sont incapables de
développer une identité sûre.)
b. Passage constant d’un mode non intégré à un autre, chacun possédant sa
propre vision de soi, ce qui conduit également à une image de soi instable.
4. Impulsivité (p. ex. dépenses, sexualité, toxicomanie a. Mode de l’Enfant Coléreux et Impulsif (pour exprimer de la colère ou obtenir la
conduite automobile dangereuse, crises de satisfaction des besoins).
boulimie). b. Mode du Protecteur Détaché (pour se calmer soi-même ou rompre
l’insensibilité).
6. Instabilité affective due à une réactivité marquée de a. Tempérament biologique supposé intense et labile.
l’humeur (p. ex. dysphorie épisodique intense, b. Oscillation rapide entre les modes, chacun ayant son affect propre.
irritabilité ou anxiété).
7. Sentiments chroniques de vide. Mode du Protecteur Détaché. (La séparation des émotions et l’éloignement
des autres conduit aux sentiments de vide.)
9. Survenue transitoire dans de situations de stress d’une Chacun des quatre modes (lorsque l’affect devient insupportable ou
idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs bouleversant).
sévères.
Exemple de cas
PROBLÈME ACTUEL
Kate est une borderline de 27 ans. Le passage suivant est tiré d’un entretien avec le docteur Young ; la patiente vient de commencer une
thérapie avec un autre schéma-thérapeute.
C’est à 17 ans que Kate a vu son premier thérapeute. Ce passage illustre l’imprécision de son problème actuel à cet instant.
Thérapeute : Qu’est-ce qui vous a amenée à consulter pour votre première thérapie ?
Kate : C’était il y a dix ans. J’étais très malheureuse. J’étais déprimée, j’avais l’esprit troublé, j’étais en colère, j’avais beaucoup de
difficulté à fonctionner : comme le matin, parler aux gens, même marcher dans la rue. J’étais vraiment bouleversée, en colère et triste.
Thérapeute : S’est-il produit quelque chose qui a activé cette réaction ?
Kate : Non, seulement une accumulation de problèmes.
Thérapeute : Vous rappelez-vous quels problèmes se sont accumulés ?
Kate : Des problèmes à la maison. Des problèmes avec moi-même et mon identité. Je ne me sentais bien nulle part. Je n’avais que des
sentiments négatifs.
Thérapeute : Mais il ne s’est rien passé, par exemple un décès ou quelqu’un qui vous aurait quittée ?
Kate : Non.
Cette notion d’une identité dispersée, dont parle Kate, est liée au mode Protecteur Détaché : les borderlines, lorsqu’ils se trouvent dans
le mode Protecteur Détaché, ont une idée confuse de ce qu’ils sont. Ils ne savent pas ce qu’ils ressentent. Ils sont presque
complètement préoccupés par l’obéissance aux autres et par l’évitement de l’abandon ou de la punition, et ils bloquent leurs propres
désirs et leurs propres émotions. Comme ils ne suivent pas leurs tendances naturelles, ils ne parviennent pas à développer une identité
distincte par eux-mêmes. Ils ressentent à la place une sensation de vide, d’ennui ; ils sont agités, leur esprit est brouillé ou confus.
Kate a fait l’expérience, de façon caractéristique, d’une batterie de troubles de l’Axe I, notamment la dépression, la boulimie et l’usage de
drogues.
Thérapeute : Quels sont vos autres symptômes ?
Kate : Je me sens sans valeur, je n’ai pas vraiment l’impression d’être une personne à part entière, si jamais je sais ce que cela veut
dire. Tout ce que je sais, c’est que je ne me trouve pas égale aux autres, lorsque je les regarde.
Thérapeute : Est-ce qu’il vous arrive de vous punir vous-même, d’une façon ou d’une autre ?
Kate : Oui, ça m’est arrivé.
Thérapeute : Que faisiez-vous pour ça ?
Kate : Souvent, je me suis coupée. J’ai été boulimique pendant près de neuf ans. Ce genre de comportements autodestructeurs.
Thérapeute : Et maintenant, êtes-vous tentée de recommencer ?
Kate : Oui.
Thérapeute : Vous continuez à avoir ce genre de comportements ?
Kate : Pas depuis un moment. Souvent, je me mets à boire, mais depuis plusieurs mois, je n’ai pas consommé de drogues.
HISTOIRE INFANTILE
Lorsqu’on regarde l’histoire de Kate, on s’aperçoit que son enfance a été marquée par les quatre facteurs environnementaux
prédisposants que nous avons cités plus tôt : son environnement familial manquait de sécurité et d’affection, il était dur et punitif, et on
assujettissait ses sentiments.
Le passage suivant, qui fait suite au précédent, illustre l’enfance frustrante de Kate. Kate n’avait personne pour s’occuper d’elle avec
attention, pour empathiser avec elle, pour la protéger ou pour la guider.
Thérapeute : Avez-vous une idée de l’origine de ces sentiments d’être sans valeur, de ne pas être bonne ?
Kate : Je les ai toujours eus ; dans ma famille, je n’ai jamais eu le sentiment d’être quelqu’un d’important, quelqu’un qui comptait,
quelqu’un de significatif.
Thérapeute : Comment vous montrait-on que vous n’aviez pas d’importance, que vous ne comptiez pas ?
Kate : Tout simplement, on ne m’écoutait pas, on ne me reconnaissait pas. Je pouvais faire ce que je voulais, quand je voulais.
Thérapeute : Donc vous aviez la liberté totale.
Kate : Exactement.
Thérapeute : Mais personne ne prêtait attention à vous.
Kate. Exactement.
Thérapeute : On vous ignorait.
Kate : Exactement.
Thérapeute : Personne ne s’intéressait suffisamment à vous pour...
Kate (elle termine la phrase)... Pour me parler, pour me discipliner ou me proposer une orientation, quelque chose comme ça.
Dans l’enfance de Kate, l’environnement ne présentait aucune sécurité. Son frère aîné, qui avait un déficit de l’attention avec
hyperactivité, abusait souvent d’elle physiquement et sexuellement. Aucun de ses parents ne la protégeait : ils ne lui accordaient aucune
affection et ils la réprimandaient pour le mauvais comportement de son frère.
Kate : Mon frère était hyperactif. Je pense que mes parents passaient beaucoup de temps à le surveiller et qu’ils le craignaient. Il ne
prenait aucun traitement, si bien qu’il échappait au contrôle.
Thérapeute : Il était l’objet de l’attention de tous parce qu’il était malade ?
Kate : Oui.
Thérapeute : Et donc vous n’aviez plus droit à rien ?
Kate : C’est à peu près ça. Je crois que mon père était dans son monde à lui. Il n’était pas très souvent la maison. Il était très dépressif.
Il était constamment comme ça : je pense que tout ça c’était trop pour lui.
Thérapeute : Donc, votre père était surtout dans son monde à lui ?
Kate : Oui, en permanence.
Thérapeute : Donc vous passiez votre temps toute seule ?
Kate : Oui.
L’environnement familial de Kate était également fait de punition et de rejet. Sa mère était particulièrement critique envers elle et
intolérante vis-à-vis de ses émotions.
Thérapeute : Et votre mère ?
Kate : Ça n’allait pas entre nous. J’étais très malheureuse, et ça la gênait beaucoup ; il y avait beaucoup de tension entre nous. Elle ne
pouvait pas comprendre pourquoi je n’étais pas gaie et insouciante, comme elle l’aurait souhaité. Elle s’imaginait qu’il y avait chez moi
quelque chose qui n’allait pas, elle ne savait pas comment faire avec moi, et elle ne m’aimait pas beaucoup.
Thérapeute : Est-ce qu’elle vous critiquait, vous rejetait ?
Kate : Oui, elle était toujours très critique, particulièrement quand je suis devenue grande. On était tout le temps en train de se disputer.
Elle me disait qu’elle ne m’aimait pas, que j’étais vraiment désespérante, qu’elle ne supportait pas de me voir aussi lamentable. (Elle
pleure).
Thérapeute : Que ressentiez-vous lorsqu’elle vous parlait de cette façon ?
Kate : Eh bien, j’y croyais, parce que c’était vrai.
Thérapeute : Sur quoi basait-elle son jugement ? Quel était, à votre avis, la critique principale qu’elle pouvait vous faire ?
Kate : J’étais malheureuse, cela lui était désagréable et je lui empoisonnais l’existence.
Thérapeute : Et vous pensiez qu’elle avait raison ?
Kate : Oui.
Dans son enfance, l’environnement de Kate était assujettissant : elle vivait de graves expériences de négligence et d’abus, mais elle
n’avait pas le droit d’être triste ou de se mettre en colère pour ce qui lui arrivait. Ses manifestations émotionnelles rendaient ses parents
furieux et déclenchaient chez son frère l’envie d’abuser d’elle.
Pour tenter de réprimer ses émotions, Kate bascule dans le mode Parent Punitif chaque fois qu’elle se met en colère avec les autres.
Thérapeute : Le côté coléreux, c’est-à-dire la partie de vous qui ressent qu’elle était maltraitée, que personne n’était là pour elle, est-ce
que vous le ressentez ?
Kate : Oui, je ressens ça, mais je pense que je l’ai bien mérité, que les gens ont le droit de me traiter de cette façon. Et alors je me mets
en colère pour avoir pensé ainsi, mais... (Pause).
Thérapeute : Se pourrait-il à ce moment-là que vous deveniez le parent punitif, qui puni le petit enfant pour sa colère ? Est-ce que cela
ressemble à ce que vous faites ? Comme si vous vous disiez : « tu es vilaine, qui es-tu pour penser que tu puisses avoir des droits
quelconques ? »
Kate : Oui. C’est ce qui m’empêche de me défendre et de m’occuper de moi : je pense que je n’en ai pas le droit. Et je pense que
personne n’a le droit de chercher à s’occuper de moi, car je ne le mérite pas.
1. Le thérapeute crée un lien avec le patient, il contourne le Protecteur Détaché et devient une
base éducative stable et attentionnée. Le thérapeute doit commencer par créer un attachement
affectif sécurisant avec le patient. Le thérapeute commence par re-materner l’Enfant Abandonné
du patient, en le prenant en charge sur le plan émotionnel et en lui apportant de la sécurité
(Winnicott, 1965). Le thérapeute commence par interroger le patient sur ses problèmes actuels
et ses sentiments. Dans la mesure du possible, le thérapeute incitera le patient à rester dans le
mode de l’Enfant Abandonné. La raison en est que cette situation va aider le thérapeute à
développer des sentiments de sympathie et de chaleur à l’égard du patient et à former un lien
avec lui. Plus tard, lorsque les autres modes commenceront à faire surface, et que le patient se
montrera coléreux ou punitif, le thérapeute pourra avoir l’attention et la patience nécessaires
pour les supporter. Lorsque le patient reste dans le mode de l’Enfant Abandonné, cela lui
permet également de se lier au thérapeute. Ce lien empêchera le patient de quitter la thérapie
de façon prématurée et il donnera au thérapeute une puissance qui lui permettra de confronter
les autres modes, plus problématiques, du patient.
Pour se lier avec l’Enfant Abandonné, le thérapeute doit tout d’abord contourner le
Protecteur Détaché. Ce processus peut s’avérer difficile car, habituellement, le Protecteur
Détaché ne fait confiance à personne. Dans une étude thérapeutique pilote menée aux
Pays-Bas, on a comparé la thérapie des schémas à la thérapie psychanalytique chez les
borderlines ; nous avons pu observer que la plupart des schéma-thérapeutes ont consacré
la première année des traitements à surmonter le mode du Protecteur Détaché, de façon à
pouvoir re-materner l’Enfant Abandonné.
2. Au cours des séances, le thérapeute incite à l’expression des besoins et des émotions. Pour
les patients borderlines, un comportement thérapeutique réflexe et silencieux n’est généralement
pas adapté. Ces patients interprètent généralement le silence comme un manque d’attention ou
un refus d’aide. Pour l’alliance thérapeutique, la participation active du thérapeute rend
davantage de services. Le thérapeute pose des questions ouvertes qui incitent les patients à
exprimer leurs besoins et leurs émotions. Le thérapeute peut dire par exemple : « Que pensez-
vous d’autre sur la question ? » ; « Que ressentez-vous, lorsque vous parlez de ça ? » ;
« Lorsque cela s’est produit, qu’aviez-vous envie de faire ? » ; « Qu’aviez-vous envie de dire ? »
En permanence, le thérapeute assure le patient de sa compréhension et de son approbation.
Lorsque le patient commence à se lier avec le thérapeute, celui-ci fait des efforts particuliers
pour l’inciter à exprimer sa colère. Il fait très attention de ne pas critiquer le patient qui exprime
sa colère (dans des limites raisonnables). Le but du thérapeute est de créer un environnement
qui soit un antidote partiel à celui que le patient a connu lorsqu’il était enfant – un environnement
qui soit sécurisant, attentionné, éducateur, protecteur, qui pardonne et qui incite à l’expression
de soi.
Comme Kate dans l’entretien précédent, le patient a spontanément tendance à retenir ses
besoins et ses sentiments, et à penser que le thérapeute veut simplement de lui qu’il soit
« gentil » et poli. Mais cela ne correspond pas à ce que veut le thérapeute. Le thérapeute
veut que le patient soit lui-même, qu’il dise ce qu’il ressent et qu’il exprime ses besoins – et
le thérapeute essaie de convaincre le patient de ces intentions-là. Le patient n’a
probablement jamais reçu ce genre de message de la part d’un parent. De cette façon, le
schéma-thérapeute essaie de casser le cercle vicieux de l’assujettissement et du
détachement dans lequel le patient se trouve pris.
Lorsque le thérapeute incite le patient à exprimer ses émotions et ses besoins, c’est
généralement le mode Enfant Abandonné qui va les manifester. Il est stabilisant pour le
patient de le maintenir dans le mode Enfant Abandonné et de l’aider à grandir. Le patient
oscillera moins souvent d’un mode à un autre, et les modes deviendront moins extrêmes. Si
le patient est capable d’exprimer ses émotions et ses besoins dans le mode Enfant
Abandonné, alors il n’aura pas besoin de basculer dans le mode Enfant Coléreux et Impulsif
pour les exprimer. Il n’aura pas besoin non plus d’embrayer le mode Protecteur Détaché
pour se séparer de ses émotions. Et il ne sera pas tenté de passer dans le mode Parent
Punitif car, en montrant au patient qu’il l’accepte, le thérapeute remplace le Parent Punitif
par un personnage parental qui autorise l’expression de soi. Le thérapeute incite donc le
patient à exprimer ses besoins et ses émotions, il le re-materne, et les modes
dysfonctionnels du patient vont progressivement s’amenuiser.
3. Le thérapeute apprend au patient des techniques adaptatives pour gérer son humeur et
pour apaiser la détresse liée à l’abandon. Dès que possible, le thérapeute enseigne au patient
des techniques d’adaptation pour contenir et moduler l’émotion. Plus les symptômes du patient
sont sévères (c’est particulièrement le cas avec les comportements suicidaires et
parasuicidaires), plus le thérapeute devra introduire ces techniques précocement. Un certain
nombre des habiletés proposées par Linehan (1993) dans sa thérapie comportementale et
dialectique – telles que la technique de pleine conscience (« mindfulness ») et la tolérance à la
détresse – peuvent s’avérer utile pour réduire les comportements destructifs.
Nous nous sommes cependant aperçus que la majorité des patients borderlines ne peuvent
pas accepter et tirer bénéfice des techniques cognitivo-comportementales avant d’avoir
pleinement confiance en le thérapeute et en la stabilité du lien de re-parentage. Si le
thérapeute introduit ces techniques trop tôt, elles risquent de ne pas être efficaces. Au
début du traitement, le patient s’intéresse surtout à son lien avec le thérapeute – il cherche
à être sûr que ce lien est toujours présent – et son attention n’est pas suffisamment
disponible pour se concentrer sur la plupart des techniques cognitives et
comportementales. Bien que certains borderlines soient capables d’utiliser ces techniques
tôt dans la thérapie, la plupart vont les rejeter en les trouvant froides ou mécaniques.
Lorsque le thérapeute propose ces techniques, ces patients se sentent affectivement
abandonnés et parfois il leur arrive de dire : « Vous ne vous intéressez pas vraiment à moi.
Je ne suis pas une personne qui vous intéresse réellement. » Lorsque les patients sont
réellement parvenus à avoir confiance en la sécurité et la stabilité de la relation
thérapeutique, ils deviennent davantage capables de s’allier avec le thérapeute pour
parvenir au but thérapeutique.
Si l’on introduit trop tôt les techniques cognitives, il existe un autre danger : le patient risque
d’utiliser ces techniques pour renforcer le mode Protecteur Détaché. De nombreuses
techniques cognitives peuvent devenir de bonne stratégie pour se détacher de l’émotion. En
enseignant ces techniques au patient, le thérapeute risque de donner davantage de prise
au mode Protecteur Détaché. Comme le but suprême de la thérapie est de favoriser
l’apparition de tous les modes durant les séances pour les traiter, si le thérapeute enseigne
au patient des techniques qui répriment les autres modes – l’Enfant Abandonné, l’Enfant
Coléreux et Impulsif et le Parent Punitif – tout le travail va alors s’écrouler.
Lorsque nous décidons que le patient peut gérer les techniques cognitives, nous
commençons habituellement par des techniques destinées à améliorer l’autocontrôle de
l’humeur et l’autoapaisement. On utilise alors l’imagerie d’un endroit sûr, l’autohypnose, la
relaxation, l’enregistrement des pensées automatiques, les fiches mémo-flash, les objets de
transition – selon ce qui paraît plus adapté pour le patient. Le thérapeute donne aussi au
patient une information sur les schémas et commence à provoquer les schémas du patient
en utilisant les techniques cognitives du chapitre 3. Le patient lit Je réinvente ma vie (Young
et Klosko, 1993) dans le cadre du processus d’information. Au travers de ces techniques
d’adaptation, le thérapeute cherche à réduire les réactions excessives générées par des
schémas et à construire l’estime de soi du patient.
4. Le thérapeute et le patient négocient des limites en matière de disponibilité du thérapeute,
en fonction de la sévérité des symptômes et des droits personnels du thérapeute. Dès le début
du traitement, il est important de fixer des limites. Les limites constituent un élément majeur et
indispensable à la sécurité. Le thérapeute doit faire ce qui est nécessaire pour assurer la
sécurité du patient ainsi que celle de ses proches. Une fois la sécurité établie, les limites seront
déterminées selon un équilibre entre les besoins du patient et les droits personnels du
thérapeute. Le principe de base est que le thérapeute ne doit rien accepter qu’il puisse regretter
plus tard.
Si le patient veut, par exemple, laisser chaque soir un message sur le répondeur
téléphonique et que le thérapeute estime que cela ne le conduira pas par la suite à s’en
irriter, alors, il pourra lui en donner l’autorisation. Mais si le thérapeute estime que, pour
finir, ces messages quotidiens vont lui causer un ressentiment envers le patient, alors il doit
refuser. Comme les causes de ressentiment sont personnelles, les limites seront
spécifiques et elles pourront différer d’un thérapeute à un autre.
5. Le thérapeute gère les crises et fixe des limites aux comportements autodestructeurs. Les
crises mettent généralement en jeu des comportements autodestructeurs tels que le suicide,
l’automutilation et l’abus de drogues. Le thérapeute re-materne, informe, fixe des limites et
propose des moyens adjuvants. Il aide également le patient à mettre en œuvre les méthodes de
régulation émotionnelle dont on a déjà parlé, lorsqu’une crise se prépare.
Le thérapeute est la ressource principale pour le borderline en crise. La plupart des crises
se produisent lorsque le patient se sent dénué de valeur, mauvais, mal aimé, maltraité ou
abandonné. La capacité du thérapeute à reconnaître ces sentiments pour y répondre de
façon compatissante est ce qui rend le patient capable de résoudre la crise. Finalement, ce
qui stoppe le processus autodestructeur, c’est la conviction du patient que le thérapeute est
authentiquement attentionné auprès de lui et qu’il le respecte, à la différence du Parent
Punitif. Tant que l’attention authentique du thérapeute ne sera pas très nette dans l’esprit du
patient, il continuera ses comportements auto destructeurs lors des événements stressants
de sa vie.
Le thérapeute proposera des moyens sociaux adjuvants pour aider le patient à se gérer :
des numéros de lignes téléphoniques d’écoute pour suicidaires, des groupes de victimes
d’inceste, par exemple.
6. Le thérapeute commence le travail émotionnel en s’intéressant à l’enfance du patient.
Lorsque la thérapie progresse et que le patient se stabilise, le thérapeute commence un travail
d’imagerie basé sur les aspects non traumatiques des expériences infantiles précoces du
patient. (Plus tard, il se concentrera sur les souvenirs traumatiques.) Les méthodes
émotionnelles principales sont l’imagerie et les dialogues. Le thérapeute apprend au patient à
créer des images de chacun de ses modes, à les nommer et à conduire des dialogues. Chaque
mode devient un personnage dans l’imagerie du patient, et ce personnage parle à voix haute à
un autre personnage. Le thérapeute représente le modèle de l’Adulte Sain et il aide ainsi les
autres modes à exprimer de façon efficace leurs besoins et leurs émotions et à négocier entre
eux.
Deuxième étape : la modification des modes de schémas
Le thérapeute façonne le mode Adulte Sain grâce au re-parentage du patient. L’Adulte Sain agit pour
apaiser et protéger l’Enfant Abandonné, pour fixer des limites à l’Enfant Coléreux, pour remplacer le
Protecteur Détaché et pour éliminer le Parent Punitif. Progressivement, le patient internalise ce mode
Adulte Sain. C’est la base de la schéma-thérapie. Dans l’étude pilote que nous avons citée plus haut,
après l’étape du lien, les schéma-thérapeutes accordent une grande partie de la deuxième année du
traitement à combattre le mode Parent Punitif, qui résiste au changement. Une fois que le Parent Punitif a
été suffisamment affaibli, alors le changement fait de rapides progrès.
Ces formulaires de diagnostic ont déjà été examinés de façon détaillée dans le chapitre 2.
S’il est extrêmement utile de faire remplir ces formulaires, la priorité du thérapeute est néanmoins
d’établir une relation de re-parentage. Si le patient borderline rechigne à remplir ces formulaires, le
thérapeute n’insistera pas ; si le patient est très fragile, nous suggérons que le thérapeute renonce à
faire remplir tous ces formulaires. Compléter ces formulaires peut être extrêmement pénible pour
beaucoup de ces patients, car ils activent des souvenirs et des émotions douloureux. D’autres patients
borderlines vont trouver ces questionnaires trop mécaniques. Plusieurs d’entre eux ne les rempliront que
plus tard, spontanément, lorsqu’ils deviendront capables de gérer leurs émotions et leurs modes.
De tous ces formulaires, celui qui est nous paraît le plus régulièrement utile avec les borderlines est
l’inventaire des attitudes parentales de Young. Dans ce questionnaire, le patient évalue son père et sa
mère sur un certain nombre de dimensions. Le patient remplit le questionnaire sous la forme d’une tâche
assignée et le ramène à la séance suivante. Le thérapeute utilise ce questionnaire comme point de
départ pour une discussion sur les origines infantiles des schémas et des modes. Le thérapeute ne fait
pas une cotation, mais il souligne les items qui ont été cotés au plus haut et il demande au patient de lui
en parler. La discussion de ces items permet au patient de commencer à explorer son enfance et de
comprendre les origines de ses problèmes. Elle aide aussi le patient à voir ses parents de façon plus
objective et réaliste.
Le questionnaire des schémas de Young est surtout utile à titre diagnostique. Comme beaucoup de
borderlines présentent la plupart des schémas et que remplir ce questionnaire est pour eux une tâche
pénible, nous ne l’utilisons que lorsque le diagnostic de trouble de personnalités borderline n’est pas clair.
Si le diagnostic est clair, le questionnaire n’apporte pas d’informations supplémentaires.
Le thérapeute discute des formulaires avec le patient d’une manière très personnelle. La façon dont le
thérapeute présente les formulaires détermine pour une bonne part la façon d’y répondre du patient. Si le
thérapeute les présente d’une façon mécanique, il est très vraisemblable que le patient ne les acceptera
pas. Si le thérapeute utilise ces formulaires comme un moyen de se lier affectivement au patient, il est
alors plus probable que celui-ci acceptera de les remplir.
Il faut noter qu’en pratique nous parlons d’un mode comme s’il s’agissait d’une personne. Cette façon
de faire joue un rôle thérapeutique réel, car elle aide les patients à prendre de la distance vis-à-vis de
chaque mode pour l’observer. Cependant, sur le plan conceptuel, nous ne considérons pas chaque mode
comme une personnalité séparée.
Remarquez la facilité avec laquelle Kate établit une relation avec chacun des quatre modes.
Cependant, certains patients borderlines rejettent l’idée des modes. Lorsque cela se produit, le
thérapeute n’insiste pas. Le thérapeute utilise alors d’autre dénomination telle que « votre côté
mauvais », « votre côté en colère », « votre côté autocritique » et « votre côté insensible ». Il est
important que le thérapeute donne un nom aux différentes parties de la personnalité, d’une manière ou
d’une autre, sans que ce nom corresponde forcément à nos appellations conceptuelles.
Le thérapeute demande au patient de lire les chapitres de Je réinvente ma vie qui sont liés à ses
modes. Bien que le livre ne fasse pas directement état des modes, il décrit l’expérience des schémas –
les sentiments de maltraitance, d’abandon, de manque affectif, d’assujettissement – et les trois styles
d’adaptation : la soumission, l’évitement et la compensation. Le thérapeute demande au patient de lire les
chapitres qui le concernent. Il est important que le thérapeute prescrive la lecture d’un chapitre donné à
un moment donné, car les borderlines, lorsqu’ils lisent Je réinvente ma vie, ont tendance à se voir partout
et à être complètement dépassés.
Nous répétons que l’approche générale du thérapeute, dans le cadre du traitement, est de pister les
modes du patient à chaque instant, afin d’utiliser les stratégies adaptées pour chacun d’eux. Le
thérapeute se comporte comme le bon parent. Le but étant de construire le mode Adulte Sain du patient,
façonné sur le modèle du thérapeute ; ce mode sera capable d’être attentif à l’Enfant Abandonné, de
tranquilliser et de remplacer le Protecteur Détaché, de bannir et renvoyer le Parent Punitif, et
d’apprendre à l’Enfant Coléreux des méthodes adaptées pour exprimer ses émotions et ses besoins.
a) La relation thérapeutique
La relation thérapeutique est au centre du traitement du mode Enfant Abandonné. Grâce au re-parentage
partiel, le thérapeute cherche à apporter un antidote partiel à l’enfance néfaste du patient. Le thérapeute
travaille à créer un environnement de prise en charge (Winnicott, 1965) dans lequel le patient pourra se
développer en partant de l’état de jeune enfant pour parvenir à l’état d’adulte sain. Le thérapeute devient
une base stable à partir de laquelle le patient construira progressivement une notion de son identité et de
l’acceptation de soi. En insistant sur le côté enfant abandonné du patient, le thérapeute essaie de le
guider vers le mode Enfant Abandonné et de l’y maintenir, puis de l’aider à grandir comme un parent le
ferait pour son enfant.
Le thérapeute re-materne le patient dans les limites autorisées de la relation thérapeutique. C’est ce
que nous appelons le re-parentage partiel. Le danger existe que le thérapeute aille trop loin et fusionne
avec le patient ou se comporte avec lui comme un vrai parent. Le thérapeute doit rester dans les limites
de la relation thérapeutique. Le thérapeute, par exemple, ne rencontrera pas les patients en dehors du
cabinet, ne se servira pas du patient comme confident ou comme d’une personne qui serait chargée de
veiller sur lui, il ne touchera pas le patient, il n’entretiendra pas une dépendance excessive. Cependant,
en matière de re-parentage, nous allons plus loin que ne le font les thérapeutes dans beaucoup d’autres
méthodes thérapeutiques.
Tout en tenant compte de ces limites, le thérapeute essaie de combler les besoins infantiles insatisfaits
du patient en matière de sécurité, d’attention, d’autonomie, d’expression de soi et de limites. Le
thérapeute dira au patient : « Je suis là pour vous », « Je me soucie de vous », « Je ne vous abandonne
pas », « Je ne veux ni vous maltraiter ni vous exploiter », « Je ne vous rejetterai pas. » Tous ces
messages donnent au thérapeute le rôle d’une base stable et attentionnée.
Pour construire la confiance du patient, le thérapeute n’hésite pas à lui exprimer son admiration.
Lorsque les patients sont dans le mode Enfant Abandonné, le thérapeute cherche à lui exprimer des
éloges aussi directs et sincères que possible. Les patients borderlines ne reconnaissent habituellement
pas leur propre valeur. Ils ont besoin que le thérapeute leur exprime leurs qualités – qu’ils sont généreux,
par exemple, aimants, intelligents, sensibles, créatifs, empathiques, passionnés ou loyaux. Si le
thérapeute attend que le patient soit capable d’identifier lui-même ses propres qualités, cela ne se
produira probablement jamais. Lorsque le thérapeute exprime au patient tout ce qu’il admire en lui, le
patient a toujours tendance à renier ses qualités. Le patient passe de l’Enfant Abandonné au Parent
Punitif, et le Parent Punitif dénie la louange. Cependant, même si le Parent Punitif dénie la louange,
l’Enfant Abandonné l’entend quand même. Des mois plus tard, il est possible que le patient rapporte les
propos du thérapeute, même si, sur le moment, il ne les a pas pris en compte.
En utilisant la réciprocité et la révélation de soi, le thérapeute se sert de la relation thérapeutique pour
montrer au patient comment l’on respecte les droits des autres, comment on exprime ses émotions de
façon adaptée, comment on peut donner et recevoir de l’affection, affirmer ses besoins et être
authentique. Il est important pour les thérapeutes de partager ses réactions personnelles avec les
patients. Cela ne signifie pas que le thérapeute doive partager des détails intimes de sa vie personnelle.
Toute révélation de soi est utile – mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit très intime. Il peut s’agir d’une
interaction avec un étranger dans la rue, ou d’une expérience avec un vendeur dans un magasin. Les
thérapeutes reconnaissent qu’ils ont, comme les patients, un côté vulnérable. Par là-même, ils montrent
comment on peut accepter d’être vulnérable, accepter ses sentiments et les partager avec un autre être
humain.
b) Le travail émotionnel
Grâce à l’imagerie, le thérapeute aide l’Enfant Abandonné, par son attention, son empathie et sa
protection. Progressivement, le patient va internaliser les comportements du thérapeute dans son propre
mode Adulte Sain, qui remplacera par la suite le thérapeute dans l’imagerie.
Dans l’imagerie, le thérapeute aide le patient à travailler sur des événements bouleversants de son
enfance. Le thérapeute entre dans les images et il re-materne l’enfant. Plus tard dans la thérapie, lorsque
le lien thérapeutique sera sécurisé et que le patient sera suffisamment fort pour ne pas décompenser, le
thérapeute guidera le patient dans des images traumatiques de maltraitance ou de négligence. Le
thérapeute fera tout ce qu’un bon parent aurait fait : il retirera l’enfant de cette situation, il confrontera le
responsable, il s’interposera entre lui et l’enfant, ou il transmettra à l’enfant la puissance nécessaire pour
prendre en main la situation. Progressivement, le patient prendra le rôle de l’Adulte Sain, il entrera dans
l’image en tant qu’adulte, et il re-maternera l’enfant.
Le travail émotionnel peut également aider le patient à gérer des situations bouleversantes de sa vie
actuelle. Le patient peut travailler son appréhension d’une situation donnée : il ferme les yeux et il crée
une image de la situation ou bien il joue cette situation en jeux de rôles avec le thérapeute. Parfois, le
patient joue le rôle du mode qui s’est activé pendant que le thérapeute joue l’Adulte Sain. Dans d’autres
situations, le patient exprime tour à tour les sentiments et les désirs conflictuels qu’il ressent dans chaque
mode ; puis, grâce à des dialogues entre les modes, il négocie une réponse saine à la situation.
c) Le travail cognitif
Le thérapeute informe le patient sur les besoins humains normaux. Il commence par enseigner aux
patients les besoins de l’enfant en matière de développement. Beaucoup de patients borderlines n’ont
aucune notion de ce que sont ces besoins, parce que leurs parents leur ont appris que des besoins,
même normaux, étaient « mauvais ». Ces patients ignorent qu’il est normal pour les enfants d’avoir
besoin de sécurité, d’amour, d’autonomie, de félicitations et d’acceptation. Les premiers chapitres de Je
réinvente ma vie sont utiles à cette étape du traitement car ils confirment les besoins normaux des
enfants.
Les techniques cognitives peuvent aider les patients borderlines à se sentir liés avec le thérapeute
dans des situations pénibles. Un patient borderline souffrant d’attaques de panique, par exemple,
expliquait à son thérapeute que la lecture des fiches mémo-flash dans les situations phobogènes lui était
utile parce que ces fiches lui permettait de se sentir en relation avec le thérapeute. Pour personnaliser
les choses, il est même possible que le patient parle au thérapeute dans la situation pénible, soit
mentalement, soit par écrit.
d) Le travail comportemental
Le thérapeute aide le patient à pratiquer les techniques d’affirmation de soi. Le patient met en pratique
ces techniques à la fois au cours des séances, dans l’imagerie ou dans les exercices de jeux de rôles, et
entre les séances, en tant que tâches assignées. Le but est que le patient apprenne à gérer les affects
d’une façon efficace et qu’il développe des relations intimes avec des personnes appropriées, avec
lesquelles il sera capable de se révéler vulnérable sans bouleverser l’autre.
Nous parlerons des habiletés cognitives et comportementales destinées aux patients borderlines dans
les paragraphes consacrés à l’Enfant en Colère et l’Enfant Abandonné.
a) La relation thérapeutique
Le thérapeute tranquillise le Protecteur Détaché : il peut laisser en toute sécurité l’Enfant Vulnérable
auprès du thérapeute. Le thérapeute protège le patient de façon suivie, si bien que le Protecteur Détaché
n’a pas à s’en occuper. Il y a plusieurs façons de faire. Le thérapeute aide le patient à contenir ses
émotions bouleversantes en l’apaisant, si bien que, pour le Protecteur Détaché, il est possible de laisser
le patient faire l’expérience de ses sentiments en toute sécurité. Le thérapeute autorise le patient à lui
exprimer tous ses sentiments (dans le cadre des limites appropriées), y compris les émotions de colère,
sans jamais le punir. Si nécessaire, le thérapeute augmente la fréquence des contacts avec le patient de
façon à ce que le patient se sente l’objet d’attention. En re-maternant le patient, le thérapeute s’assure
que le patient se sent en sécurité.
Le thérapeute demande à la patiente de faire venir une image du Protecteur Détaché et il commence
un dialogue avec ce mode. Le Protecteur Détaché devient un personnage de l’image. En menant ce
dialogue, le but du thérapeute est de convaincre le Protecteur Détaché de se mettre sur la touche pour
permettre au thérapeute d’interagir avec l’Enfant Vulnérable et avec les autres modes d’enfant. Le
thérapeute approche le Protecteur Détaché avec une attitude de confrontation empathique.
Thérapeute : Voulez-vous parler au côté détaché de vous-même, pour lui dire que vous avez besoin qu’il vous autorise à regarder
certaines de ces choses ?
Kate : C’est difficile. C’est vraiment difficile. Ça me fait mal. Et plus j’essaie d’y penser, plus j’oublie ; plus j’essaie de me concentrer, plus
ça m’est impossible.
Thérapeute. Vous voyez, c’est toujours la bataille entre eux, le côté petit enfant et le côté détaché. Pouvez-vous créer une image de la
partie de vous qui a peur de laisser faire ça ? Pouvez-vous créer une image de vous en train de dire : « Kate, ne fais pas ça. »
Kate : Oui.
Thérapeute : Pouvez-vous lui parler et lui demander : « Pourquoi ne veux-tu pas me laisser regarder ces choses ? Pourquoi
m’embrouilles-tu de la sorte ? » Et que répond-elle ?
Kate : Je pense qu’elle essaie de s’occuper d’elle.
Thérapeute : Laissez-moi lui parler. « Kate, que craignez-vous qu’il se produise si vous laisser sortir ces émotions et si vous vous
souvenez de ces choses ? »
Kate : Eh bien, je vais être tellement en colère et tellement déchaînée que je ne saurais pas quoi faire.
Thérapeute : Avez-vous peur que vous émotions échappent à votre contrôle, que votre colère blesse quelqu’un ?
Kate : Oui.
Thérapeute : Est-ce que ce serait trop effrayant pour vous de créer une image de Kate en colère, pour voir à quoi elle ressemble ?
À ce moment, Kate et le thérapeute sont enfin capables de passer au travers du Protecteur Détaché
pour accéder à l’enfant coléreux qui, au-delà, s’est déjà activé.
c) Le travail émotionnel
Une fois que le thérapeute a contourné le Protecteur Détaché, le travail d’imagerie peut commencer. À
partir de ce moment du traitement, le thérapeute utilise habituellement le travail d’imagerie pour
contourner le Protecteur Détaché. Nous estimons que la meilleure stratégie pour débarrasser un patient
borderline de son mode Protecteur Détaché est le travail d’imagerie, particulièrement le travail d’imagerie
mettant en jeu les modes. Lorsque nous demandons aux borderlines de fermer les yeux et d’imaginer leur
enfant vulnérable, ils peuvent souvent accéder de façon immédiate aux sentiments qui sont sous-jacents
au masque affectif vide.
Nous décrirons le travail d’imagerie de façon plus détaillée lorsque nous abordons le traitement des
autres modes.
d) Le travail cognitif
Il est très utile d’expliquer le mode Protecteur Détaché au patient. Le thérapeute met en évidence les
avantages des expériences affectives et de la relation aux autres. Vivre selon le mode du Protecteur
Détaché, c’est vivre comme quelqu’un qui est mort sur le plan affectif. Une satisfaction affective réelle
n’est possible que pour ceux qui acceptent de ressentir et de demander.
Par-delà le travail éducatif, il y a quelque chose de paradoxal à faire un travail cognitif avec le
Protecteur Détaché. En insistant sur le rationnel et l’objectif, la démarche du travail cognitif a tendance à
renforcer ce mode. Pour cette raison, nous ne recommandons pas d’insister sur le travail cognitif avec le
Protecteur Détaché (autrement que dans le travail d’information). Une fois que le patient a reconnu sur le
plan intellectuel qu’il existe des avantages importants à remplacer le Protecteur Détaché par de
meilleures formes d’adaptation, le thérapeute passe alors au travail émotionnel.
e) Le travail biologique
Si le patient est bouleversé par des émotions intenses chaque fois qu’il se déconnecte du mode
Protecteur Détaché, le thérapeute peut alors envisager d’utiliser un médicament. Les psychotropes
peuvent aider le patient à mieux tolérer la déconnexion du mode Protecteur Détaché pour embrayer
d’autres modes. Les stabilisateurs de l’humeur ou les antidépresseurs peuvent permettre au patient de
contenir ses émotions et lui éviter de se trouver bouleversé. Comme nous l’avons déjà signalé, c’est
uniquement lorsque le patient se trouve dans un des autres modes qu’un progrès thérapeutique réel peut
se produire. Si le patient ne peut pas se maintenir dans les autres modes en thérapie, et qu’il reste figé
dans le mode du Protecteur Détaché, alors il ne lui sera guère possible de progresser.
f) Le travail comportemental
La prise de distance vis-à-vis des autres est un aspect important de ce mode. Le Protecteur Détaché est
très réticent à s’ouvrir affectivement aux autres. Au cours du travail comportemental, le patient essaie de
s’ouvrir – progressivement et par étapes – malgré cette résistance. Le patient met en pratique la
déconnexion du Protecteur Détaché et l’embrayage de l’Enfant Vulnérable et de l’Adulte Sain avec des
personnages proches qui seront appropriés.
Le patient peut pratiquer l’imagerie ou le jeu de rôle avec le thérapeute en séance et ensuite accomplir
des tâches assignées. Une patiente pourra, par exemple, avoir pour but thérapeutique de partager
davantage ses sentiments sur un sujet donné avec une de ses amies proches. En jeu de rôle avec le
thérapeute, elle s’entraînera à exprimer ses sentiments, puis elle passera dans la réalité avec cette amie,
sous la forme de tâche assignée, la semaine suivante.
De plus, le patient peut adhérer à un groupe d’entraide (Alcooliques anonymes, etc.) Il pourra
s’entraîner à se déconnecter du mode Protecteur Détaché et à embrayer les modes Enfant Vulnérable et
Adulte Sain dans le cadre d’un groupe de soutien.
Il est important pour le thérapeute qu’il persiste à confronter le mode Protecteur Détaché. Nous avons
présenté dans le chapitre 8 la transcription d’une séance menée par le docteur Young qui explicite ce
processus dans le détail.
a) La relation thérapeutique
En incarnant un modèle à l’opposé de la sévérité – c’est-à-dire une attitude qui accepte et pardonne – le
thérapeute apporte la preuve que le Parent Punitif est dans l’erreur. Au lieu de critiquer et de réprimander
le patient, le thérapeute le reconnaît lorsqu’il exprime des sentiments authentiques et des besoins
normaux et il lui pardonne s’il fait quelque chose de « faux ». Le patient est une bonne personne qui a le
droit de faire des erreurs.
En transformant en mode la partie autopunitive du patient, le thérapeute aide le patient à démolir le
processus d’identification et d’internalisation qui a créé ce mode au cours de la petite enfance. La partie
auto-punitive devient égo-dystonique et externe. Le thérapeute devient alors l’allié du patient pour
combattre le Parent Punitif.
En s’associant au patient dans le combat contre le Parent Punitif, le thérapeute fait de la confrontation
empathique. Il empathise avec la difficulté que rencontre le patient, tout en poussant ce dernier à
combattre la voix punitive. En se concentrant sur l’empathie, le thérapeute évitera de s’identifier par
inadvertance avec le Parent Punitif, et de devenir dur ou critique.
b) Le travail émotionnel
Le thérapeute aide le patient à combattre le Parent Punitif grâce à l’imagerie. Il commence par aider le
patient à identifier quel est le parent (ou toute autre personne importante) que ce mode représente. À
partir de là, le thérapeute changera la dénomination du mode, en lui attribuant un nom spécifique (par
exemple, « votre père punitif »). Ce mode représente parfois les deux parents, mais il est le plus souvent
la voix internalisée d’un seul parent. En nommant le mode de cette façon, le patient parvient à
externaliser la voix du parent punitif : il s’agit de la voix du parent, et non de la sienne propre. Le patient
devient alors davantage capable de se distancier par rapport à la voix punitive du mode et il va pouvoir se
battre contre lui.
Voici un exemple, tiré de l’entretien du docteur Young avec Kate. Dans ce passage, Kate passe de
l’Enfant Coléreux au mode Parent Punitif : le Parent Punitif essaie de punir l’Enfant Coléreux pour son
accès de colère. Kate identifier le Parent Punitif comme étant son père.
Thérapeute : Maintenant, je voudrais que vous essayiez d’être Kate en colère. Répondez à votre père, dites-lui : « Mon frère est l’objet
de toutes vos attentions : j’en ai assez. Moi aussi je mérite de l’attention. »
Kate (à son père dans l’image) : J’en ai assez qu’il s’en prenne à moi, qu’il me frappe, et que tu me cries après.
Thérapeute (il dirige Kate) : « Ce n’est pas juste ».
Kate (elle répète) : Ce n’est pas juste.
Thérapeute (continuant à diriger Kate) : « C’est pour ça que je mets tout en l’air dans ma chambre. Je suis tellement en colère quand tu
fais comme ça. »
Kate : Je veux que vous mouriez tous.
Thérapeute : D’accord, c’est bien d’avoir dit ça, Kate. Maintenant est-ce que vous vous sentez mal à l’aise avec vous-même, après
avoir parlé de la sorte, ou est-ce que ça vous fait du bien ?
Kate : Non. (Elle pleure.) C’est faux.
Thérapeute : Pouvez-vous être la partie de vous-même qui ressent actuellement que c’est faux ? Est-ce que c’est votre père qui vous
dit ça maintenant ?
Kate (elle approuve en hochant la tête).
Thérapeute : Pouvez-vous être votre père, maintenant, qui vous dit que c’est faux ?
Kate (dans le rôle du père) : « Tu as tort de penser et de ressentir des choses pareilles, et de te mettre en colère, de vouloir que je
meure, de vouloir que nous mourions tous. Nous nous occupons de toi, tout de même. »
L’espace d’un instant, Kate a perdu le lien entre l’imagerie et la réalité : l’imagerie a pris pour elle
l’aspect d’un flash-back. L’affirmation selon laquelle, après le départ du thérapeute, elle va se faire battre
par son frère mélange le présent et le passé. Elle a embrayé le mode de l’Enfant Abandonné. Le
thérapeute agit pour la protéger et il lui rappelle que, dans l’image, elle est seule.
Thérapeute : Mais il n’est pas présent actuellement dans votre vie, n’est-ce pas ?
Kate (elle hoche la tête pour dire oui).
Thérapeute : Non, c’est seulement dans l’image actuelle que vous voyez ça ? Est-ce que c’est ce qu’il se produit dans l’image ? Vous
ressentez qu’il va vous battre parce que vous avez dit ça ?
Kate (elle hoche la tête pour dire oui) : Parce que je me suis défendue.
Thérapeute : Maintenant, dans l’image, pourriez-vous imaginer que vous vous donnez une espèce de cloison ou quelque chose comme
ça, pour vous protéger de lui ? Que pourriez-vous utiliser pour vous protéger de lui ?
Ce passage montre bien la rapidité avec laquelle les patients borderlines oscillent entre les modes.
Kate passe de l’Enfant Coléreux au Parent Punitif (pour punir l’Enfant Coléreux) puis à l’Enfant
Abandonné (qui a peur que son frère ne se venge de sa colère). Pour les borderlines, ce type
d’oscillations rapides entre les modes ne se produit pas seulement au cours de l’imagerie. Cela
correspond au comportement habituel de ces patients dans leur vie : ils oscillent aussi rapidement entre
les modes.
Le passage précédent illustre la stratégie qui permet d’attribuer la voix punitive à un personnage
parental dans l’image. Chaque fois que le patient embraye le mode du Parent Punitif, le thérapeute
identifie le mode au parent qui l’a façonné. Le thérapeute dit : « Soyez votre père en train de vous dire
ça. » Ce n’est plus la voix du patient, cela devient la voix du parent. Maintenant, le thérapeute peut
s’associer au patient pour combattre le parent.
Comme dans le passage précédent, la plupart des patients borderlines ont besoin que le thérapeute
pénètre dans l’image pour combattre le Parent Punitif. Dans les débuts du traitement, la plupart des
patients sont trop intimidés et ont trop peur du Parent Punitif pour se battre contre lui dans l’imagerie.
Plus tard, lorsque les patients auront internalisé la voix du thérapeute et développé un mode d’Adulte Sain
suffisamment fort, ils seront capables de combattre par eux-mêmes le Parent Punitif. Au début du
traitement, le patient est surtout un observateur de la bataille entre le Parent Punitif et le thérapeute. Le
thérapeute utilise tous les moyens nécessaires pour gagner cette bataille, sans bouleverser le patient.
Encore une fois, le but est d’éliminer aussi complètement que possible le Parent Punitif, et non pas de
l’intégrer aux autres modes.
Le thérapeute ne dirige pas de dialogues d’imagerie dans lesquels les patients se verraient eux-mêmes
sous une forme punitive ; c’est toujours un de leurs parents qui prend cette forme. S’ils prenaient eux-
mêmes la forme punitive plutôt que le parent, le thérapeute, s’attaquant à la voix punitive, semblerait
s’attaquer au patient, et celui-ci ne parviendrait pas à distinguer les attaques destinées au parent et
celles destinées au patient. L’identification parentale de la voix punitive résout le problème : elle permet
de combattre le Parent Punitif sans s’attaquer au patient. Une fois qu’on a donné à cette voix le nom d’un
parent, il n’y a plus d’ambiguïté : il s’agit désormais d’un débat entre le thérapeute et le parent. Dans ce
débat, le thérapeute verbalise les sentiments de l’Enfant Coléreux. Le thérapeute exprime les sentiments
profonds du patient, que celui-ci a toujours été incapable d’exprimer à cause de la tyrannie du parent
punitif.
Le thérapeute indique les limites à poser au Parent Punitif, plutôt que de proposer une solution
défensive. Le patient apprend à se battre contre le Parent Punitif, et non pas à se défendre contre lui. Le
patient n’a pas à se défendre pour démontrer ses droits et sa valeur. Le patient dira au Parent Punitif :
« Je ne te laisserai plus me parler de cette façon. » Et il apprendra à envisager une conduite à tenir
lorsque le Parent Punitif viole ses limites.
Le thérapeute peut utiliser d’autres méthodes émotionnelles. Il peut par exemple utiliser la méthode à
deux chaises de la Gestalt-thérapie. Le thérapeute demande patient de mener des dialogues entre
l’Adulte Sain et le Parent Punitif, en changeant de chaise lorsqu’il change de mode. Le thérapeute dirige
l’entretien, mais il ne prend pas le rôle d’un mode. Ceci permet de localiser le conflit à l’endroit approprié
chez le patient, et non pas entre le thérapeute et le patient. De plus, les patients peuvent écrire des
lettres aux gens qui ont été punitifs envers eux dans le passé, en y précisant leurs sentiments et y
affirmant leurs besoins. Ces lettres serviront de tâches à domicile ; elles seront lues au thérapeute à la
séance suivante.
c) Le travail cognitif
Le thérapeute explique au patient les besoins et les sentiments humains normaux, en montrant que ce ne
sont pas de « mauvaises » choses. À cause de leur manque affectif et de leur assujettissement, la
plupart des patients borderlines pensent qu’ils ont tort d’exprimer leurs besoins et leurs sentiments, et
qu’ils méritent d’être punis lorsqu’ils le font. Le thérapeute enseigne également au patient que la punition
n’est pas une stratégie efficace pour s’améliorer. Le thérapeute ne considère pas que l’idée de la punition
représente une valeur. Lorsque les patients font des erreurs dans leur vie, il leur apprend à remplacer
l’autopunition par une réponse plus constructive telle que le pardon, la compréhension. Le but pour les
patients est de reconnaître honnêtement leurs erreurs, d’avoir un remords approprié, de chercher à
réparer auprès de ceux qui ont pu être affectés négativement, d’envisager des comportements plus
efficaces pour le futur et, ce qui est le plus important, de se pardonner à eux-mêmes. De cette façon, les
patients accepteront la responsabilité de leurs erreurs sans chercher à se punir.
Le thérapeute travaille pour que le patient ré-attribue la condamnation parentale aux propres
problèmes du parent lui-même. Voici un exemple, tiré de l’entretien entre le docteur Young et Kate. Kate
décrit combien sa mère lui reprochait d’être malheureuse et de lui gâcher l’existence.
Thérapeute : Est-ce que vous pensez encore que votre mère avait raison ?
Kate : Oui. Mais finalement, si je me comportais de cette façon, la raison ne venait peut-être pas de moi. Je commence à le réaliser
maintenant ; ce sentiment a été long à venir. Peut-être bien que ce n’était pas moi, la cause.
Thérapeute : Mais jusqu’à tout récemment, vous ressentiez toujours que si votre famille vous traitait de la sorte, c’était parce qu’il y avait
un problème chez vous. Vous avez cru de façon absolue à ce qu’ils disaient.
Kate : Et je le crois encore.
Thérapeute : Mais vous essayez de plus y croire.
Kate : Oui.
Thérapeute : Mais c’est un combat !
Kate : Oui.
Il faut parfois un an ou davantage pour vaincre le Parent Punitif, comme Kate essaie de le faire, et il
s’agit d’une étape cruciale dans le traitement des borderlines. Il faut que le thérapeute convainque les
patients que leurs parents les ont maltraités non pas parce qu’ils étaient de mauvais enfants, mais parce
que leurs parents avaient des problèmes personnels ou parce que le système familial était
dysfonctionnel. Les borderlines ne parviendront pas à surmonter leurs sentiments de dévalorisation tant
qu’ils n’auront pas fait cette ré-attribution. Ils étaient de bons enfants qui ne méritaient pas ce mauvais
traitement ; en fait, aucun enfant ne mérite le mauvais traitement qu’il a vécu.
Le thérapeute et le patient vont chercher à comprendre pourquoi le parent maltraitait le patient. Peut-
être le parent maltraitait-il tous les enfants (auquel cas le parent a un problème psychologique) ; ou bien
le parent était jaloux du patient (dans ce cas, le parent a une mauvaise estime de soi et se sent menacé
par le patient) ; ou bien le parent n’était pas capable de comprendre le patient (dans ce cas, le patient
est différent du parent, mais il n’est pas « mauvais »). Une fois que les patients ont compris les raisons
parentales du mauvais traitement, ils sont plus à même de briser le lien émotionnel existant entre le
traitement parental et leur estime de soi. Ils apprennent que, même si leur parent les maltraitait, ils
étaient dignes d’amour et de respect.
Le patient qui se bat pour faire cette ré-attribution se trouve face à un dilemme. En réprimandant le
parent, en se mettant en colère contre lui, le patient risque de perdre le parent, soit sur le plan
psychologique, soit en réalité. Ce dilemme illustre une fois de plus l’importance de la relation de re-
parentage. Comme le thérapeute devient le substitut parental partiel, le patient n’est plus aussi
dépendant du parent réel et il accepte plus volontiers de réprimander ce parent et de se mettre en colère
contre lui. En devenant une base stable et attentive, le thérapeute donne au patient la stabilité qui lui
permettra de lâcher un parent dysfonctionnel ou bien de lui faire face.
En général, il est préférable que les borderlines n’habitent pas avec leur famille d’origine, ou qu’ils
n’aient pas de contacts fréquents avec elle, particulièrement au début du traitement. La famille est très
susceptible de poursuivre le renforcement des modes et des schémas que le thérapeute s’acharne à
combattre et à surmonter. Si le patient habite avec sa famille d’origine et que la famille continue à le
traiter d’une façon dangereuse, le thérapeute s’emploiera en priorité à aider le patient à déménager.
L’autre façon de combattre le Parent Punitif consiste, pour le thérapeute, à définir les aspects positifs
du patient. Le thérapeute et le patient en tiennent une liste qui sera régulièrement révisée. Sous forme de
tâche assignée, les patients rassemblent des informations sur leurs aspects positifs (en interrogeant par
exemple leurs amis proches) et ils font des expériences pour contrer leurs aspects négatifs (en
partageant authentiquement, par exemple, leurs besoins ou leurs sentiments avec des proches qui ont
été sélectionnés et en observant ce qui se produit). Le thérapeute et le patient pourront résumer ce
travail sur des fiches mémo-flash.
Le travail cognitif est répétitif. Les patients ont besoin qu’on leur répète inlassablement les arguments
contre le Parent Punitif. Ce mode s’est développé sur une longue période de temps, grâce à des
répétitions innombrables. Chaque fois que le patient combat le mode du parent punitif par l’amour de lui-
même, il affaiblit un peu plus ce mode. C’est la répétition qui finira par user la résistance du parent punitif.
Enfin, il est important que le thérapeute et le patient puissent reconnaître les qualités du parent.
Souvent, il est tout de même arrivé que le parent donne au patient un peu d’amour ou de reconnaissance,
toutes choses que le patient tient pour très précieuses, du fait de leur rareté. Cependant, le thérapeute
rappellera que tous les côtés positifs du parent ne justifient ni n’excusent en aucun cas son comportement
néfaste.
d) Le travail comportemental
Les patients borderlines s’attendent à ce que les autres les traitent de la même façon que leurs parents
les ont traités. (Ceci fait partie du schéma de Punition.) Leur hypothèse implicite est que tout individu est,
ou deviendra, le parent punitif. Le thérapeute propose des expériences pour tester cette hypothèse. Le
but est de démontrer au patient qu’en exprimant ses besoins et ses émotions de façon adaptée, il ne
sera pas amené à être rejeté par des gens sains, et que ces mêmes gens ne vont pas le rejeter. On
pourra, par exemple assigner à un patient la tâche de demander à son partenaire, ou à un ami intime, de
l’écouter lorsqu’il se trouvera angoissé par son travail. Le thérapeute et le patient étudieront l’interaction
en jeu de rôle jusqu’à ce que le patient se sente suffisamment à l’aise pour mettre la tâche en application.
S’il s’avère que le patient et son thérapeute ont choisi avec sagesse la personne désignée pour recevoir
la confidence, il faudra récompenser le patient pour ces efforts par un renforcement positif.
a) La relation thérapeutique
Quelle est la stratégie du thérapeute lorsque le patient borderline embraye le mode Enfant Coléreux et
se met en colère contre le thérapeute ? La colère vis-à-vis du thérapeute est fréquente avec ces patients
et, pour beaucoup de thérapeutes, elle représente un aspect très frustrant du traitement. Le thérapeute
ressent souvent de la fatigue, en cherchant à combler les besoins du patient. Si bien que, lorsque celui-ci
se tourne vers le thérapeute pour lui dire : « vous ne vous occupez pas de moi, je vous déteste », le
thérapeute ressent une colère bien naturelle et il n’apprécie pas ! Les borderlines sont parfois abuseurs,
manipulateurs, et il arrive qu’ils forcent le thérapeute à leur donner ce qu’ils demandent. Ils adoptent des
comportements qui mettent le thérapeute en colère, si bien que celui-ci est tenté de se venger. Les
patients n’agissent pas ainsi par envie de blesser, mais par désespoir. Lorsque les thérapeutes
ressentent de la colère avec les borderlines, leur première priorité est de s’occuper de leurs propres
schémas. Quels sont les schémas qui s’activent chez moi à la suite du comportement du patient ?
Comment puis-je répondre tout en maintenant une position thérapeutique vis-à-vis du patient ? Nous
parlerons du problème des schémas du thérapeute plus loin.
L’étape suivante consiste à fixer des limites si la colère du patient devient dangereuse. Les borderlines
franchissent parfois la limite séparant la colère simple, qui est saine, d’un comportement qui maltraite le
thérapeute ; par exemple en insultant le thérapeute, en faisant contre lui des attaques personnelles, en lui
crachant dessus, en criant fort, en essayant de le dominer physiquement ou en le menaçant.
Le thérapeute ne doit tolérer aucun de ces comportements et répondre par des affirmations telles
que : « Non, je ne peux pas vous laisser faire ça ; vous devez cesser de me crier après. Vous avez le
doit d’être en colère, mais nous n’avez pas le droit de me hurler dessus. » Si le patient ne cesse pas son
comportement abusif, le thérapeute impose alors une conséquence : « Je voudrais que vous alliez en
salle d’attente quelques minutes pour vous calmer. Lorsque vous serez calme, vous pourrez revenir et
continuer à me parler de cette colère, mais sans me crier après. » Le thérapeute transmet au patient
deux messages : tout d’abord, il veut entendre la colère du patient ; ensuite, celui-ci doit exprimer cette
colère dans des limites correctes. Nous parlerons de la fixation des limites plus loin dans ce chapitre.
Mais la plupart des borderlines ne se comportent pas de façon abusive, même si leur colère peut être
très intense. Lorsque le patient est dans le mode Enfant Coléreux et qu’il ne se comporte pas de façon
abusive, le thérapeute répond en suivant les quatre étapes suivantes : (1) faire exprimer la colère ;
(2) empathiser ; (3) tester la réalité ; (4) entraîner.
b) Le travail émotionnel
Dans le travail émotionnel, le patient se décharge complètement de sa colère sur les personnages
proches de son enfance, son adolescence ou sa vie adulte, qui l’ont maltraité. Le thérapeute l’incite à
passer sa colère de la manière qui lui convient, et même en s’imaginant attaquer les personnes qui l’ont
blessé. (On fera une exception avec le patient connu pour avoir été violent : les thérapeutes ne devront
pas inciter les patients dont l’histoire fait état de comportements violents à s’imaginer des idées de
violence.)
La plupart des borderlines n’ont pas d’antécédent de comportement violent ; ils ont pour la plupart été
des victimes. Plutôt que de blesser les autres, ce sont eux qui ont été blessés. S’imaginer se battre
contre les gens qui les ont agressés dans leur enfance leur permet d’exprimer leur colère dans l’imagerie.
En agissant ainsi, ils acquièrent un sentiment de puissance qui remplace celui d’impuissance. Assouvir la
colère leur permet aussi de se débarrasser d’un sentiment qui n’a plus son rôle et de reconsidérer la
situation actuelle. Les patients peuvent faire des jeux de rôle avec le thérapeute, au cours desquels ils
assouvissent leur colère, ils peuvent aussi écrire des lettres à l’intention des gens qui leur ont fait du mal
(il est habituel de ne pas les expédier). Ils peuvent aussi utiliser des moyens physiques pour assouvir leur
colère dans le travail émotionnel, comme frapper dans un oreiller.
Les patients s’entraînent à exprimer leur colère au cours de leur vie actuelle. Ils utilisent l’imagerie ou le
jeu de rôle avec le thérapeute pour mettre au point des méthodes constructives qui leur permettront
d’avoir un comportement adapté dans les situations problématiques. Dans le travail de modes, ils mènent
des dialogues entre l’Enfant Coléreux, l’Adulte Sain et les autres modes pour trouver des compromis.
Dans le cadre du compromis, le patient est autorisé à exprimer sa colère et à affirmer ses besoins, à la
condition de le faire de façon adaptée. Une patiente, par exemple, ne pourra pas crier après son petit
ami, mais elle pourra lui dire tranquillement la cause de son tracas.
c) Le travail cognitif
Comme nous l’avons souligné, une partie importante du traitement des borderlines consiste à leur
apprendre ce que sont les émotions humaines normales. Il est particulièrement important de leur
apprendre la signification de la colère. Les borderlines ont tendance à penser que toute colère est
« mauvaise ». Le thérapeute leur apprend qu’il n’en est rien : il est normal et sain de ressentir de la
colère et de l’exprimer de façon adaptée. Leur colère n’est pas mauvaise en elle-même, mais c’est la
façon dont ils l’expriment qui est problématique. Il faut donc qu’ils apprennent à exprimer leur colère d’une
façon plus constructive et efficace. Plutôt que d’osciller entre passivité et agressivité, il leur faut trouver
un moyen terme en utilisant les habilités d’affirmation de soi.
Le thérapeute enseigne aux patients des techniques pour tester la réalité, de façon à ce qu’ils puissent
reformuler des attentes plus réalistes envers les autres. Les patients parviennent à réaliser qu’ils pensent
en « noir ou blanc » et ils cessent de réagir de façon excessive et impulsive aux affronts émotionnels.
Lorsqu’ils se sentent en colère, ils prennent quelques minutes pour lire la fiche de schéma avant de
répondre par un comportement. Plutôt que de se laisser aller à leur impulsion ou de se mettre en retrait,
ils réfléchissent à la façon dont ils vont pouvoir exprimer leur colère.
Prenons l’exemple de Dominique, une patiente qui faisait très fréquemment appeler (par messagerie
téléphonique) son petit ami, Alan, et qui se mettait en furie lorsqu’il ne la rappelait pas immédiatement.
Avec l’aide du thérapeute, elle a composé la fiche mémo-flash suivante :
En ce moment, je suis en colère parce que je viens de faire appeler Alan et qu’il ne m’a pas encore rappelée. Je suis bouleversée parce
que j’ai besoin de lui et qu’il n’est pas là pour moi. Quand il me fait ça, j’ai tendance à penser qu’il ne s’intéresse pas du tout à moi. J’ai
peur qu’il ne me quitte. J’ai envie de continuer à le rappeler sans arrêt jusqu’à ce qu’il me réponde. J’ai envie de l’engueuler.
Mais je sais que c’est mon schéma d’Abandon qui s’est activé. C’est mon schéma d’Abandon qui me fait croire qu’Allan va me quitter.
Or, l’évidence va contre ce schéma : j’ai déjà pensé très souvent, par le passé, qu’Allan allait me quitter et j’ai toujours eu tort. Plutôt que
de le rappeler incessamment, je vais lui donner le bénéfice du doute et admettre qu’il a eu une excellente raison pour me pas me
rappeler, et qu’il va le faire dès qu’il en aura la possibilité. Lorsqu’il parviendra à me joindre, je lui répondrai d’un ton calme et affectueux.
Il peut être utile de demander au patient de trouver des explications alternatives au comportement des
autres. La patiente ci-dessus pourra, par exemple, établir une liste des explications au non-rappel de son
ami : « il est pris par son travail », « il se trouve actuellement dans une situation qui ne lui laisse pas
suffisamment d’intimité pour me rappeler » et « il attend le bon moment pour me rappeler ».
d) Le travail comportemental
Le patient s’entraîne à la gestion des émotions et à l’affirmation de soi, à la fois en séance par l’imagerie
et le jeu de rôles, et à domicile par les tâches assignées.
Nous verrons ces techniques, ainsi que d’autres, dans le paragraphe « Comment aider l’Enfant
Abandonné et l’Enfant Coléreux à s’adapter ».
En plus de la fiche de schéma écrite, le thérapeute peut aussi en dicter le texte sur une bande
magnétique que le patient écoutera à la maison. Il est important pour le patient d’entendre la voix de son
thérapeute. Mais il est également important que le patient dispose d’un support écrit, plus facile à avoir
sous la main à tout instant. Ainsi, les patients ont sur eux leurs fiches de schémas, et ils les sortent pour
les lire lorsqu’ils en ont besoin. De nombreux patients nous disent que, ayant ces fiches sur eux, ils ont le
sentiment qu’ils ont avec eux un morceau de leur thérapeute.
Le Journal de Schémas. Le Journal de Schémas (voir exemple figure 3.2) est une technique plus
approfondie car, à la différence des fiches mémo-flash, elle nécessite que les patients créent leurs
propres réponses d’adaptation lorsqu’ils ressentent une forte émotion. Lorsqu’un patient ressent une forte
émotion, et qu’il ne sait pas comment la prendre en charge, il utilise le Journal de Schémas. D’une
certaine manière, ce Journal correspond à la méthode d’enregistrement des pensées automatiques de la
thérapie cognitive classique (Young et al., 2001, p. 279). Lorsque le patient rédige son Journal, cela
l’aide à réfléchir à un problème situationnel et à envisager une réponse saine. Ce Journal sert de support
au mode Adulte Sain. Lorsque la thérapie est bien avancée que le patient accepte volontiers de se servir
du Journal de Schémas.
Idées directrices
Pour fixer les limites, le thérapeute suit les idées directrices suivantes.
1. Les limites sont basées sur la sécurité du patient et les droits personnels du thérapeute.
Pour décider des limites, il faut que le thérapeute se pose les deux questions suivantes : « Le
patient sera-t-il en sécurité ? » et « Cette décision risque-t-elle de m’irriter par la suite ? » (Le
thérapeute se préoccupe également de la sécurité des autres, bien que ce problème soit mineur
avec les borderlines.)
La sécurité du patient doit être considérée en premier. Le thérapeute doit tout mettre en
œuvre pour que le patient soit en sécurité, avant de chercher à savoir si son confort
personnel de thérapeute est respecté. Si le patient est en danger (et que le thérapeute a
essayé toutes les autres stratégies), il doit fixer des limites qui assureront sa sécurité. Si le
patient appelle en plein milieu de la nuit, ou durant les congés du thérapeute, celui-ci doit
prendre les mesures nécessaires pour le protéger (par exemple, appeler les secours, et
rester au téléphone jusqu’à leur arrivée).
Mais, si le patient est en sécurité, et qu’il demande au thérapeute quelque chose que celui-
ci sera amené à regretter plus tard, le thérapeute ne doit pas accepter. Il exprimera son
refus d’une manière personnalisée, comme nous l’expliquerons plus loin.
2. Le thérapeute ne doit jamais se lancer dans quelque chose qu’il ne pourra pas continuer à
faire sauf s’il exprime clairement que c’est pour une durée déterminée. Il ne faut pas qu’il
accepte, par exemple, au cours des 3 premières semaines du traitement, de recevoir et lire
chaque jour de longs e-mails du patient, puis qu’il annonce brusquement que l’envoi ces e-mails
est contraire à ses règles de thérapeute et doivent cesser.
Mais, si le patient traverse une crise, le thérapeute peut décider de faire le point avec lui
chaque jour jusqu’à la fin de la crise, en expliquant que cette mesure est transitoire et
qu’elle cessera au bout d’une période qu’il précise. Il pourra, par exemple, lui dire : « La
semaine prochaine, je souhaite que vous m’appeliez chaque soir, de façon à faire le point
avec vous durant quelques minutes, et ce tant que cette crise ne sera pas terminée. »
Il est important que le thérapeute anticipe le temps pour déterminer les limites et que, par
la suite, il se tienne à son engagement. Il est préférable que chaque thérapeute ait en tête
des limites prédéfinies, plutôt qu’il ne les établisse sur-le-champ, dans le feu de l’action.
3. Le thérapeute fixe les limites d’une façon personnalisée. Plutôt que de donner aux limites
des explications impersonnelles (par exemple, « dans notre centre, il est de règle d’interdire le
comportement suicidaire »), le thérapeute donne des indications personnelles (par exemple,
« pour ma tranquillité d’esprit, j’ai besoin de savoir que vous êtes en sécurité »). Le thérapeute
utilise la révélation de ses intentions et de ses sentiments aussi souvent que possible et il évite
de paraître rigide ou punitif. Plus le thérapeute donnera aux limites des raisons personnelles,
plus les patients les accepteront et essaieront de s’y conformer. Cette ligne de conduite est en
harmonie avec notre position générale en matière de re-parentage partiel.
4. Pour introduire une règle, le thérapeute attend que le patient l’ait violée. Sauf pour les
patients institutionnalisés ou à fonctionnement particulièrement faible, le thérapeute n’énumère
pas les limites de façon anticipée. De même, sauf dans des cas inhabituels, il n’établit pas de
contrat explicite. Les listes ou les contrats ont une signification trop rigide dans le contexte du
re-parentage partiel. Le thérapeute attendra plutôt que le patient franchisse pour la première
fois une limite pour faire une déclaration à ce sujet et expliquer cette limite ; ce n’est qu’à la
seconde violation de la même limite qu’il décidera d’y adjoindre une conséquence. Nous
expliquerons plus loin ce processus.
Le thérapeute explique les principes qui imposent la limite et il insiste sur la difficulté que le
patient peut rencontrer à respecter cette limite.. Il fera de la révélation de soi pour montrer
l’importance de la limite, en partageant ses sentiments en matière de frustration. Le
thérapeute cherche à comprendre la cause de la violation de la limite et les modes de
schémas qui en sont responsables.
5. Le thérapeute impose des conséquences naturelles aux violations de limites. Toutes les fois
que cela est possible, le thérapeute fixe des conséquences aux violations des limites ; ces
conséquences découleront de façon naturelle du comportement du patient. Si le patient a, par
exemple, appelé le thérapeute au téléphone plus souvent que convenu, alors le thérapeute fixera
une période de temps durant laquelle le patient n’aura plus l’autorisation de le faire. Si le patient
exprime sa colère de façon inappropriée (s’il crie après le thérapeute, par exemple) et qu’il
refuse de se calmer, alors le thérapeute sortira de son bureau durant un intervalle de temps
donné, ou bien il retirera ce même temps de la durée de la séance suivante. Si le patient
persiste dans un mode de vie autodestructeur (en abusant de drogues, par exemple), le
thérapeute insistera pour qu’il prenne des mesures destinées à assurer sa sécurité.
Le simple fait de savoir que le thérapeute est excédé, a un effet préventif puissant pour le patient. Si le
thérapeute se contente de dire : « ce que vous faites m’ennuie beaucoup » ou « ce que vous faites me
met en colère », ce sera le plus souvent suffisant. Lorsque cela ne sera pas le cas, le thérapeute
imaginera d’autres répercussions. Si par exemple une patiente harcèle le thérapeute au téléphone pour
lui parler de ses intentions suicidaires, le thérapeute répondra : « si vous continuez à m’appeler aussi
souvent, il faudra que nous décidions ensemble d’une conduite à tenir en cas d’idées suicidaires, comme
par exemple de vous rendre dans un service d’urgences. »
Parce que nous traitons des borderlines, nous avons tendance à renforcer plus strictement les limites
au fur et à mesure que la thérapie progresse. Nous sommes moins stricts au début de la thérapie, avant
que le patient n’ait pu construire un attachement solide avec le thérapeute. En général, plus l’attachement
avec le thérapeute est fort, plus la motivation du patient à adhérer aux limites que le thérapeute a
établies sera grande.
La deuxième fois que le patient franchira la limite, le thérapeute exprimera fermement sa
désapprobation, il mettra en application la conséquence promise, et il expliquera ce qu’il se produirait si
la limite devait être franchie une nouvelle fois. Cette nouvelle conséquence devra à être plus importante
que celle ayant suivi la première violation de limite. Si cette violation de limite est grave, il peut s’avérer
nécessaire de monter rapidement dans la hiérarchie des conséquences. Le thérapeute doit faire tout ce
qui est nécessaire pour la sécurité du patient, sans hésiter à l’hospitaliser si besoin. Lorsque la sécurité
est assurée, le thérapeute continue à explorer les causes de la violation de limite en termes de schémas
et de modes.
La troisième fois que la limite est franchie, le thérapeute fixe une conséquence beaucoup plus sérieuse
en cas de quatrième violation, telle que l’arrêt de la thérapie pour une période de temps déterminée ou
bien le transfert temporaire vers un autre thérapeute. Si la limite est franchie pour la quatrième fois, le
thérapeute menacera d’un arrêt permanent de la thérapie au cas où la limite serait franchie une
cinquième fois, avec transfert définitif vers un autre thérapeute.
Dans la mesure du possible, le thérapeute fixera cette limite personnellement, au cours de la séance
suivante, plutôt que par téléphone.
Le thérapeute impose une conséquence naturelle lorsque le patient viole les limites. Le thérapeute le
fait par l’intermédiaire de la confrontation pratique. Considérons, par exemple, le scénario suivant : une
patiente borderline appelle son thérapeute par le ‘pager’ 8 trois fois par semaine pour des situations qui
ne sont pas urgentes (par exemple, son petit ami est en retard à un rendez-vous). Or le thérapeute lui a
demandé de ne l’appeler qu’en cas d’urgence. Avant de fixer une conséquence, le thérapeute empathise
avec les sentiments que la patiente a pu avoir au cours de la semaine et qui l’ont forcée à l’appeler. Il lui
dit : « Vous m’avez beaucoup appelé au cours de la semaine dernière ; je sais que, en quelque sorte,
vous étiez en crise, et qu’il vous est arrivé des choses bouleversantes. »
Ensuite, le thérapeute explique de façon personnelle pourquoi il n’est pas d’accord avec le
comportement de la patiente :
« Même si je tiens à m’occuper de vous, il m’a été très pénible, au cours de la semaine dernière, d’être aussi souvent appelé. Votre
comportement m’a beaucoup gêné et je ne veux pas avoir ce sentiment avec vous. Si vous continuez à m’appeler trop souvent, je vais
cesser de répondre à vos appels, et il nous faudra convenir d’un autre moyen pour gérer les urgences : vous devrez par exemple vous
rendre dans un service d’urgence. Je ne veux pas que cela se produise. Je veux être là pour vous en cas d’urgence. Pouvez-vous
comprendre ce que je ressens ? »
Les borderlines sont souvent empathiques et comprennent le point de vue du thérapeute lorsqu’il est
présenté d’une manière personnelle. Le thérapeute aide le patient à trouver une solution pour le
comportement problématique : « Pourriez-vous trouver d’autres solutions pour vous aider lorsque vous
êtes en crise ; vous pourriez par exemple laisser un message sur mon répondeur ou appeler un service
d’écoute des urgences ? »
Après avoir fixé la limite et proposé un mode d’affirmation de soi approprié, le thérapeute invite le
patient à une réflexion sur la nature de sa colère. Il l’aide à comprendre son scénario – à savoir que la
colère qu’il ne parvient pas à exprimer s’intensifie jusqu’à ce qu’il embraye le mode Enfant Coléreux – il
l’aide aussi à surmonter son scénario en corrigeant, par l’affirmation de soi, les causes de cette
contrariété avant qu’elles ne parviennent à faire monter la colère.
« Nous n’avons, en cet instant présent, que très peu de possibilités, car vous avez un risque
suicidaire élevé. Il faut soit que vous alliez à l’hôpital, soit que nous trouvions quelqu’un qui
puisse rester près de vous, un ami ou un membre de la famille qui veillera sur vous et vous
tiendra compagnie jusqu’à la fin de la crise. Y a-t-il quelqu’un qui puisse temporairement venir
chez vous, ou chez qui vous puissiez vous rendre ? Si vous ne voulez pas aller à l’hôpital, il faut
que vous m’autorisiez à parler à quelqu’un de proche, car je ne me sens pas tranquille de vous
laisser seul(e) jusqu’à notre prochain contact, je pense que vous pourriez vous faire du mal. »
(Note : ce n’est qu’en dernier ressort qu’il faut faire appel à la famille d’origine, dans le cas où elle est
largement responsable des schémas du patient.)
Présentation du principe
Comme les souvenirs d’abus peuvent provoquer des émotions douloureuses, il est important d’expliquer
aux patients de façon convaincante la nécessité de les revivre. Sans une explication satisfaisante, il peut
être plus traumatisant que curatif de revivre l’abus en imagerie. Cela peut être beaucoup plus blessant
que bénéfique pour le sujet.
Le thérapeute présente les principes sous la forme d’une « mise à l’épreuve empathique de la réalité ».
Le thérapeute empathise avec la douleur du patient lors du souvenir traumatique, il exprime qu’il
comprend son souhait de vouloir éviter la confrontation, mais il insiste pour confronter la réalité de la
situation. Plus le patient évite de confronter le souvenir d’abus, plus l’abus va dominer la vie du patient ;
alors que plus le patient acceptera de s’occuper de cet abus, moins ce trauma aura de pouvoir sur sa
vie. Tant que le patient continuera à dissocier les souvenirs, ces souvenirs continueront à bouleverser sa
vie, sous la forme de symptômes et de comportements autodestructeurs ; alors que si le patient parvient
à se rappeler et à intégrer ses souvenirs, il pourra finalement se libérer de ses symptômes.
Le thérapeute explique l’intérêt qu’il y a à revivre l’abus. Le patient commencera par revivre les
souvenirs et les émotions du trauma, sans les bloquer. Puis le thérapeute l’aidera à se battre contre son
abuseur. Ceci aidera le patient à acquérir de la puissance pour le futur, à la fois contre son abuseur et
aussi contre ceux qui pourraient abuser de lui. Cela affaiblira également la mainmise du trauma sur sa vie
et donnera un nouveau sens à son existence. Si le patient parvient à créer quelque chose de bon à partir
de cet abus, il pourra alors sentir sa victoire sur lui.
Le thérapeute tranquillise le patient par sa présence stable durant l’imagerie. Il lui dit : « Je serai là
avec vous. Je vais vous aider à supporter les sentiments douloureux. » Le but est de parvenir à un point
auquel les souvenirs d’abus n’auront plus d’effet négatif sur le patient.
Pour le thérapeute, l’étape finale consiste à encourager progressivement l’indépendance du patient vis-
à-vis de la thérapie en espaçant doucement les séances. Comme nous l’avons déjà signalé, dans la
plupart des cas, les borderlines traités avec succès ne cessent jamais complètement la thérapie. Même
si de longues périodes de temps s’écoulent entre les contacts, la plupart de ces patients rappellent leur
thérapeute. Ils considèrent leur thérapeute comme un parent de substitution et ils continuent à maintenir
le contact.
Dans notre expérience, les patients présentant un trouble de la personnalité borderline ou narcissique 9
sont parmi les plus difficiles à traiter. Ces deux groupes de patients posent aux thérapeutes des
dilemmes opposés : les borderlines ont trop de besoins et sont hypersensibles, alors que les
narcissiques sont souvent non vulnérables ou pas assez sensibles. Ces deux groupes sont ambivalents
vis-à-vis du processus thérapeutique. Comme pour les borderlines, notre approche des narcissiques
utilise le travail des modes. C’est principalement pour traiter ces deux types de patients que nous avons
développé le concept de modes. L’approche des modes nous permet de bâtir une alliance thérapeutique
avec les parties du patient qui s’efforcent de guérir, tout en combattant parallèlement les parties
inadaptées – celles qui vont dans le sens de l’isolement, de l’autodestruction et de la nuisance aux autres.
1. Les modes de schémas chez le narcissique
Nous avons pu observer trois modes principaux caractéristiques du trouble de la personnalité
narcissique (en plus du mode Adulte Sain, que le thérapeute cherche à développer) :
1. L’Enfant Esseulé
2. L’Auto-Magnificateur
3. L’Auto-Tranquilliseur Détaché
Les patients porteurs d’un trouble de la personnalité narcissique n’ont pas tous ces trois modes, et
certains d’entre eux en ont d’autres. Mais ces trois modes sont de loin les plus fréquents. Nous allons les
présenter et les relier aux schémas et aux styles d’adaptation que nous considérons comme spécifiques
du narcissisme.
Dans notre expérience, ces patients sont souvent incapables de donner et de recevoir authentiquement
de l’amour (à l’exception occasionnelle de leurs propres enfants). Les schémas centraux du narcissisme
sont le Manque Affectif et l’Imperfection, qui font partie du mode Enfant Esseulé. Le schéma de Droits
Personnels Exagérés est une compensation des deux autres schémas et il fait partie du mode Auto-
Magnificateur. Comme beaucoup de narcissiques sont incapables de faire l’expérience d’un amour
authentique, ils sont susceptibles de maintenir leurs schémas de Manque Affectif et d’Imperfection tout
au long de leur vie. Au travers de leur comportement, ils sont certains de demeurer incapables d’aimer ou
d’être aimés – à moins qu’ils ne s’engagent dans une thérapie, ou une autre relation, qui les guérira.
L’Enfant Esseulé a presque toujours un schéma de Manque Affectif et un style adaptatif de
compensation. Pour compenser ce schéma, les patients en viennent à s’arroger des droits spéciaux. Ils
demandent beaucoup et donnent peu aux gens qui leur sont proches. Comme ils s’attendent à ce qu’on
les frustre, ils se comportent d’une façon exigeante pour s’assurer que leurs besoins seront bien
satisfaits. C’est leur schéma de Manque Affectif qui les conduit à considérer avec exagération qu’ils sont
négligés et incompris.
Le schéma d’Imperfection est habituellement présent dans le narcissisme. La plupart des patients
narcissiques se sentent imparfaits, défectueux. C’est la raison pour laquelle ils ne laissent pas les autres
devenir trop intimes. Les narcissiques sont ambivalents dans le domaine de l’intimité : d’une part ils la
recherchent et d’autre part, lorsqu’ils commencent à en bénéficier, ils se sentent mal à l’aise et se
tiennent à distance. (On peut considérer qu’il s’agit d’une tension entre leurs schémas de Manque Affectif
et d’Imperfection ; le sentiment de manque affectif les motive à rechercher la proximité des autres et le
sentiment d’imperfection les incite à repousser les autres.) Ils croient que la révélation d’un de leurs
défauts serait une humiliation et les conduirait finalement à être rejetés. Lorsqu’ils échouent publiquement
dans l’atteinte de normes élevées, ils sombrent de la grandeur dans l’infériorité et ils ressentent de la
honte. De tels échecs produisent souvent des symptômes de l’axe I tels qu’un état dépressif, un trouble
anxieux ou un trouble psychosomatique. De plus, les échecs les précipitent dans de nouveaux efforts de
compensation.
Dans notre pratique actuelle, nous affinons souvent la dénomination des modes pour mieux
correspondre à chaque patient. Nous appellerons, par exemple, l’Enfant Esseulé : l’« Enfant Rejeté »,
l’« Enfant Ignoré », l’« Enfant Inadéquat » ; l’Auto-Agrandisseur pourra s’appeler le « Compétiteur » ou le
« Critique » ; l’Auto-Tranquilliseur Détaché sera le « Spéculateur » ou l’« Accro de l’Excitation ». Nous
utilisons les noms qui représentent le mieux le mode chez un patient donné.
Méfiance/Abus
Isolement Social
Échec
Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants
Assujettissement
Recherche d’Approbation et de Reconnaissance
Idéaux Exigeants/Critique Excessive
Punition
Comme ils se servent de la compensation et de l’évitement comme styles adaptatifs, les narcissiques
ne sont la plupart du temps pas conscients de leur schémas.
Agressivité et Animosité
Dominance et Excès d’Affirmation de Soi
Recherche de Reconnaissance et de Statut
Manipulation et Exploitation
Ces styles d’adaptation représentent des extrêmes. Il est important de se souvenir que le narcissisme
peut se présenter sous diverses formes. Les patients ne présentent pas tous des styles d’adaptation
aussi extrêmes. Il existe un « spectre du narcissisme » qui va d’une forme relativement bénigne à la
forme la plus maligne. À une extrémité, les patients sont sociopathes ; à l’autre, ils sont absorbés par
leurs préoccupations personnelles, mais restent capables d’empathie et de chaleur avec certaines
personnes (voir la discussion de Kernberg [1984] sur le « narcissisme malin »). En thérapie, on trouve
des patients de l’ensemble du spectre. Nous considérons que, chez chacun d’entre eux, il existe en
profondeur un Enfant Esseulé.
Lorsque les patients narcissiques utilisent le style adaptatif Agressivité et Animosité, ils passent leur
colère sur ceux qui ne satisfont pas leurs besoins personnels ou bien lorsque l’on provoque une de leurs
compensations. Ces patients croient en la maxime « La meilleure défense, c’est une bonne attaque. »
Lorsqu’ils se sentent menacés, ils attaquent. Poussé à l’extrême, ce style adaptatif se manifeste par de
la violence envers les autres. La fonction de ce style adaptatif est de forcer les autres à remplir les
besoins affectifs du patient (contrant ainsi le sentiment de manque affectif sous-jacent) ou de préserver
un masque de supériorité (contrant ainsi le sentiment d’imperfection).
Le deuxième style adaptatif, Dominance et Excès d’Affirmation de Soi, représente la tendance à
intimider les autres dans le but de maintenir le contrôle sur la situation. Les patients qui se servent de ce
style d’adaptation sont capables de se comporter comme des tyrans. Ils essaient souvent de dépasser
les autres physiquement ou psychologiquement afin de les intimider. Ils cherchent à être le « numéro
un » – ceci dans le but d’obtenir la satisfaction de leurs besoins affectifs ou d’établir leur supériorité. Ils
agissent ainsi chaque fois qu’un de leurs schémas profonds (Manque Affectif ou Imperfection) se trouve
activé.
Recherche de Statut et de Reconnaissance correspond au désir très fort d’obtenir l’admiration des
autres, c’est un élément dominant chez la plupart des patients narcissiques. Ces patients attachent une
importance exagérée aux signes extérieurs de succès : le statut social, la réussite à un haut niveau,
l’apparence physique et la richesse. Ceci dans le but de s’adapter à leurs sentiments d’imperfection
sous-jacents. Comme ils se sentent « les derniers des derniers », ils s’affirment comme « les meilleurs ».
Dans le mode Auto-Magnificateur, les patients narcissiques sont envieux des succès des autres, y
compris de leurs proches – et ils cherchent fréquemment à diminuer ou détruire les réussites des autres.
Manipulation et Exploitation correspond à la tendance à utiliser les autres pour sa propre satisfaction.
À l’extrême, les patients qui adoptent ce style adaptatif n’ont aucune règle. Ils sont prêts à tout pour
obtenir ce qu’ils veulent, quoi qu’il en coûte aux autres. Ils ont très peu d’empathie et considèrent les
autres comme des objets à utiliser pour leur satisfaction personnelle plutôt que des individus ayant leurs
propres droits. Cette impression de droits personnels spéciaux leur sert à compenser leur sentiment de
manque affectif. (En fait, plusieurs schémas sont des compensations narcissiques : Droits Personnels
Exagérés, Idéaux Exigeants, Recherche de Statut et de Reconnaissance.)
Certains patients sont des « narcissiques secrets. » Ils ont les trois modes décrits ci-dessus, mais le
mode Auto-Magnificateur n’existe qu’en fantasme et pas dans la réalité. Rien dans leur apparence ne
montre aux autres qu’ils se voient eux-mêmes comme étant spéciaux ou qu’ils fantasment sur une autre
vie. Pour les autres, ces narcissiques secrets apparaissent comme des personnes sans prétention, voire
agréables. Cependant, dans leurs fantasmes, ils sont supérieurs à la plupart des gens. Ces patients ont
des structures de personnalité très similaires aux narcissiques plus caractérisés, mais ils ne montrent pas
leur mode Auto-Magnificateur à leur entourage.
1. Le sujet a un sens grandiose de sa propre importance (p. ex., surestime ses réalisations et
ses capacités, s’attend à être reconnu comme supérieur sans avoir accompli quelque chose en
rapport),
2. est absorbé par des fantaisies de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté ou
d’amour idéal,
3. pense être « spécial » et unique et ne pouvoir être admis ou compris que par des institutions
ou des gens spéciaux et de haut niveau,
4. a un besoin excessif d’être admiré,
5. pense que tout lui est dû : s’attend sans raison à bénéficier d’un traitement particulièrement
favorable et à ce que ses désirs soient automatiquement satisfaits,
6. exploite l’autre dans les relations interpersonnelles : utilise autrui pour parvenir à ses propres
fins,
7. manque d’empathie : n’est pas disposé à reconnaître ou à partager les sentiments et les
besoins d’autrui,
8. envie souvent les autres, et croit que les autres l’envient,
9. fait preuve d’attitudes et de comportements arrogants et hautains.
Nous avons un regard critique sur ces critères du DSM-IV parce qu’ils ne s’intéressent qu’au
comportement extérieur, compensateur, des patients et qu’ils négligent les autres modes, que nous
considérons comme centraux chez ces patients. De plus, en se polarisant uniquement sur le mode Auto-
Magnificateur, le DSM-IV conduit de nombreux cliniciens à une vision négative des patients narcissiques,
au lieu de favoriser l’empathie et l’intérêt pour le haut niveau de souffrance que connaissent la plupart de
ces individus. Enfin, nous considérons que les critères diagnostiques du patient narcissique – comme
ceux de nombreux autres troubles de l’axe II – ne mènent pas à une orientation thérapeutique effective.
Ces critères ne décrivent que les styles d’adaptation du patient et ne guident pas le thérapeute pour la
compréhension des thèmes ou schémas sous-jacents correspondants ; or nous sommes convaincus que
ce sont ces thèmes et schémas qui doivent changer pour que les patients « axe II » parviennent à une
amélioration durable.
3. Le trouble de la personnalité narcissique opposé au simple schéma de Droits
Personnels Exagérés
Il est important de distinguer le trouble de personnalité narcissique, que nous décrivons, du simple
schéma Droits Personnels Exagérés – c’est à dire des cas où le sujet a un schéma de Droits Personnels
Exagérés dans sa forme pure, sans les schémas sous-jacents d’Imperfection et de Manque Affectif.
Le schéma Droits Personnels Exagérés peut se développer de deux manières différentes. Dans sa
forme pure, l’enfant est tout simplement gâté. Les parents fixent trop peu de limites et n’exigent pas de
l’enfant qu’il respecte les sentiments et les droits des autres. L’enfant ne parvient pas à apprendre le
principe de réciprocité dans les relations. Cependant, l’enfant n’est ni rejeté, ni frustré affectivement, si
bien que le schéma de Droits Personnels Élevés n’est pas compensatoire.
Dans d’autres cas, le schéma Droits Personnels Exagérés se développe par compensation de
sentiments de manque affectif et d’imperfection. À la différence de l’enfant gâté qui ne présente qu’un
schéma Droits Personnels Exagérés pur, ce sont des patients fragiles. Leur sentiment de grandeur est
fragile parce qu’ils savent, au fond d’eux-mêmes, ce que c’est que d’être ignorés et dévalorisés. Ils
courent constamment le risque que leur compensation s’effondre, les laissant vulnérables et exposés.
Comme les patients gâtés, les narcissiques fragiles se comportent de façon exigeante et de manière
supérieure. Cependant, les patients ayant un schéma de Droits Personnels Exagérés pur n’ont pas de
mode Enfant Esseulé central. Au fond d’eux-mêmes, ils ne sont pas des enfants tristes, égarés,
vulnérables et imparfaits. Au plus profond de l’enfant gâté pur se trouve un enfant impulsif et indiscipliné.
Bien que les narcissiques gâtés et fragiles puissent apparaître semblables extérieurement, leurs mondes
internes sont très différents.
En fait, les narcissiques que nous traitons présentent une combinaison des aspects gâté et fragile de
la grandeur. Leur sentiment de grandeur est en partie appris et en partie compensatoire – d’une part ils
ont été gâtés et traités avec trop de permissivité lorsqu’ils étaient enfants, d’autre part leur grandeur est
une façon de suppléer aux sentiments sous-jacents d’imperfection et de manque affectif. C’est pourquoi,
la plupart des patients ont besoin d’une association de fixation de limites et de travail de modes. Mais la
plupart des patients qui demandent une thérapie ont une composante fragile marquée ; ils en sont arrivés
à une thérapie parce que leurs compensations ont échoué et qu’ils se sont mis en dépression. Ces
patients nécessitent que l’essentiel du traitement se concentre sur le travail de modes. La fixation des
limites est une partie du traitement, mais pas l’essentiel.
Lorsque les spécialistes des narcissiques écrivent sur ce sujet, ils traitent surtout des patients fragiles,
compensateurs, plutôt que de ceux qui ont un schéma de Droits Personnels Exagérés pur. Ce chapitre
est consacré au traitement des patients fragiles. On peut sans aucun problème effectuer le travail de
modes que nous décrivons ici avec des patients à schéma Droits Personnels Exagérés pur, car il n’y a
aucun mode inadapté sous-jacent à atteindre. Il n’y a qu’un schéma Droits Personnels Exagérés, et le
rôle du thérapeute consiste à apprendre au patient la réciprocité et les limites adaptées. (Ceci peut être
fait avec une forme plus simple du travail de modes : la conduite de dialogues entre l’Enfant Gâté et
l’Adulte Sain.)
4. Les origines infantiles du narcissisme
Nous avons trouvé quatre facteurs caractéristiques fréquents dans l’environnement infantile des patients
narcissiques :
1. La solitude et l’isolement
2. L’insuffisance des limites
3. Des antécédents d’utilisation ou de manipulation
4. Une approbation conditionnelle
5.4. L’envie
Les narcissiques sont souvent envieux des autres, lorsqu’ils les perçoivent comme étant dans une
position supérieure : lorsque quelqu’un obtient de l’approbation, ces patients estiment qu’on leur a pris
quelque chose. Ils ne se sentent pas l’objet de suffisamment d’attention, d’écoute affective, ou
d’admiration. Si quelqu’un d’autre en reçoit, ils estiment que leur part personnelle s’en trouvera réduite. Ils
embrayent alors l’Enfant Esseulé et se sentent trahis, mal aimés, frustrés et envieux. Il vont soit se
déprimer, soit probablement chercher à compenser et faire quelque chose pour restaurer leur position en
tant que centre de l’attention. Ils embrayent alors le mode Auto-Magnificateur.
Tels sont certains des sentiments typiques des thérapeutes qui travaillent avec des narcissiques. Mais
ces thérapeutes ne doivent pas faire l’erreur de chercher à entrer en compétition avec le patient ou à
l’impressionner. De tels comportements ne font que renforcer le narcissisme du patient et l’incitent à
dévaloriser le thérapeute.
Après la rencontre avec Leah, le docteur Young entame sa consultation avec Carl. Dans le passage
suivant, Carl explique au docteur Young les raisons de cette thérapie. Il rencontre de sérieux problèmes à
la fois dans sa vie professionnelle et dans son mariage.
Carl : J’ai 37 ans, je suis marié, j’ai deux enfants. J’ai grandi à Los Angeles et je suis actuellement entre deux emplois.
Dr Young : Avez-vous l’intention d’entreprendre un nouveau travail, ou bien profitez-vous de cette absence d’emploi ?
Carl : Je profite du moment, et je vais peut-être commencer un nouveau travail. C’est mon problème actuel, de savoir ce que je vais
faire.
Dr Young : D’accord. Comment s’appelle votre femme ?
Carl : Danielle. Nous sommes mariés depuis 9 ans.
Dr Young : Pouvez-vous me dire quels sont vos buts dans cette thérapie ? En ce moment, quelle est la raison de votre traitement, à
votre avis ?
Carl : En gros, je n’ai aucune maîtrise sur mes impulsions. Sur le plan pratique, je suis capable de rester toute une nuit debout et de
dormir la journée, bien que je sache que ce n’est pas une bonne chose pour moi, que ça interfère beaucoup avec ma vie. Et jusqu’alors,
j’ai été incapable d’un quelconque progrès pour changer ça.
Dr Young : Y a-t-il d’autres buts que vous voudriez atteindre grâce à la thérapie, à part le fait de maîtriser le contrôle de vos impulsions ?
Carl : Ça, c’est un but tangible. Je reconnais aussi le besoin de continuer à travailler pour découvrir comment être quelqu’un et comment
mieux me comporter avec les gens.
Dr Young : Et vous pensez que c’est quelque chose de difficile pour vous ? De quelle façon vous est-il difficile de mieux vous comporter
avec les gens ?
Carl : Eh bien, je me considère comme un peu différent, pas ordinaire, ou – quelqu’un m’a qualifié d’indépendant ; je ne sais pas si le
terme convient. Vous pouvez dire indépendant, ou mal élevé, ou bien penser que je suis une sorte d’intellectuel égocentrique et mal
adapté. (Il rit).
Dr Young : Quand vous pensez que vous êtes différent, voulez-vous dire différent et meilleur, ou bien différent et moins bon, ou bien
différent et comparable à d’autres personnes ?
Carl : Eh bien, différent et différent. Mais aussi différent et meilleur. Mais dans certains cas, différent et moins bon.
Dr Young : Vous avez aussi signalé sur un des questionnaires une « paralysie de la volonté. » Est-ce aussi un problème, et qu’est-ce
que cela veut dire pour vous ?
Carl : Eh bien, ça voulait dire qu’à cette époque j’étais incapable de sortir tant soit peu de ma routine quotidienne, de donner un coup de
fil pour obtenir un rendez-vous avec un psychothérapeute. J’ai décidé il y a environ 2 ans que j’avais vraiment besoin d’aide, et je n’ai
téléphoné que 6 mois plus tard.
Dr Young : Toujours à cause de cette paralysie.
Carl : Oui.
Dr Young : Avez-vous actuellement une idée de la cause de cette paralysie ? De quoi s’agissait-il ?
Carl : Eh bien, je ne suis pas très sûr. Je pense que c’était une espèce de frousse, une sorte de dépression.
Il faut noter que le ton de voix de Carl et sa façon de parler au thérapeute sont arrogants. Il parle
comme si le Dr Young et lui étaient sur un pied d’égalité, et non pas comme un patient venu demander de
l’aide. Il est détaché dans ses manières, et sa description des problèmes est quelque peu
automagnifiante. Un ton et des manières arrogants sont souvent le premier indice d’un patient
narcissique.
Carl décrit plusieurs raisons à sa demande de traitement. La première est le manque de contrôle de
ses impulsions : il s’agit d’un schéma de Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants, qui fait partie du
mode Auto-Magnificateur. Il est incapable de mettre des limites à son comportement. La seconde raison
est des difficultés relationnelles avec les autres : il s’agit d’un problème habituel chez les narcissiques –
Carl est au moins conscient de cette difficulté, à la différence de nombreux autres patients. La troisième
raison est cette « paralysie de la volonté » – la dépression qu’il ressent lorsqu’il n’est pas suffisamment
stimulé ou approuvé. Notez que Carl ne comprend pas ce symptôme, bien qu’il soit conscient de sa
dépression. Plus tard, le Dr Young essaiera de relier cette dépression à son mode Enfant Esseulé.
Dans le passage suivant, Carl explique les raisons pour lesquelles il lui est difficile de savoir se comporter
avec les autres. Il commence par expliquer pourquoi il pense que les gens pourraient le trouver ennuyeux.
Le passage montre qu’il est capable d’une certaine introspection sur son comportement.
Dr Young : Pourquoi pensez-vous que les gens vous trouvent ennuyeux ?
Carl : Eh bien, s’il faut que je devine, je dirais que je suis quelqu’un qui commence chacune de ses phrases par le mot « je » (Il rit).
Dr Young : Donc, vous êtes ennuyeux parce que vous ne vous intéressez qu’à vous-même, C’est bien ce que vous voulez dire ?
Carl : Oui. C’est ce que je pense.
Dr Young : Et savez-vous pourquoi vous ne vous intéressez qu’à vous-même ? Pourquoi pensez-vous que vous êtes autant concentré
sur vous-même dans une conversation ?
Carl : Oh, vous voulez que je vous parle de ma mère ? (Rire sarcastique).
Dr Young (il rit aussi) : Non, je ne voyais pas aussi loin ! Qu’y a-t-il au fond de vous-même qui vous impose de vous centrer sur vous,
en particulier maintenant que vous paraissez avoir conscience de ce qui agace les gens ?
Carl : En fait, c’est le problème, je n’en suis pas vraiment conscient. Dans une rencontre, je n’ai pas la parfaite conscience à laquelle on
pourrait théoriquement s’attendre. C’est très dur pour moi. Et ce n’est pas seulement de l’égocentrisme, c’est aussi une sorte de timidité
ou de peur.
Carl a la capacité de reconnaître qu’il est trop égocentrique dans les situations sociales, mais
seulement lorsqu’il est dans le mode où il se trouve au moment de l’entretien. Il s’agit d’un mode détaché.
Le but de l’entretien est de le faire sortir de ce mode détaché. Lorsque Carl se trouve dans des
situations sociales, son mode Auto-Magnificateur est dominant et il perd la conscience de son
égocentrisme.
Carl a conscience de la timidité sous-jacente à son mode Auto-Magnificateur, ce qui un signe de bon
pronostic. Cependant, il semble blasé par son égocentrisme – il semble ne pas en être troublé. Ceci est
typique des narcissiques. Même lorsqu’ils font preuve d’introspection sur leur comportement
égocentrique, ils ne paraissent pas particulièrement perturbés par celui-ci. Avec leur belle indifférence, ils
ne sont pas bouleversés en découvrant qu’ils se coupent des autres ou qu’ils sont injustes.
Dans le passage suivant, Carl décrit ses sentiments envers sa femme. Il fait apparaître la dévaluation
du partenaire que nous avons décrite plus haut.
Dr Young : Et avec votre femme ? Comment vous sentez-vous avec elle ? Dans ce que vous avez écrit ici (il montre les
questionnaires), il y a votre souhait d’avoir « davantage d’échanges avec votre femme ».
Carl : Oui.
Dr Young : Donc, il doit y avoir des sentiments négatifs dans cette relation, de la déception…
Carl : Elle est mieux, maintenant ; nous allons un peu mieux. J’ai plus ou moins évolué, depuis.
Dr Young : Quelle était la déception avec elle ? De quelle manière était-elle décevante ?
Carl : Eh bien, ce qui était décevant, c’était son niveau d’honnêteté, sa façon de faire confiance, sa conscience de soi et ses capacités
intellectuelles.
Comme on peut le déduire de la manière désagréable avec laquelle il critique sa femme, le narcissisme
de Carl n’est pas encore guéri.
Dans le passage suivant, Carl décrit l’égocentrisme de son épouse. On voit que, bien qu’il la dénigre, il
conserve une vue introspective des limites réalistes de celle-ci.
Dr Young : Comment traitez-vous Danielle ?
Carl : Par le passé, il m’est arrivé d’être très froid, très distant. Parfois, elle ne le remarque même pas. À sa façon à elle, elle est plus
égocentrique que moi. Elle est obsédée par ses problèmes au point qu’elle empêcherait le monde de tourner, et si j’ai du mal à gérer
mes émotions, je peux dire qu’elle a plus de mal à gérer les siennes.
Dr Young : Qu’est-ce qui vous a attiré chez elle, au départ ?
Carl : Au début, j’ai surtout vu son esprit de famille, car je crois que nous avons beaucoup de choses en commun en matière de
dysfonctionnement.
Comme souvent chez les narcissiques, Carl a choisi de se marier avec une femme qui a renforcé le
sentiment de manque affectif de son enfance.
8. Traitement du narcissisme
1. Aider l’Enfant Esseulé à se sentir compris, pris en charge, de façon à empathiser et être
attentionné avec les autres.
2. Confronter l’Auto-Magnificateur pour que le patient se débarrasse de son besoin excessif
d’approbation et qu’il traite les autres sur la base de la réciprocité, lorsque l’Enfant Esseulé
parvient à gérer l’amour authentique.
3. Aider l’Auto-Tranquilliseur Détaché à se débarrasser de ses comportements inadaptés
d’addictions et d’évitement, pour les remplacer par l’amour authentique, l’expression de soi et le
vécu des affects.
Le thérapeute aide le patient à établir des relations intimes authentiques, tout d’abord avec le
thérapeute, puis avec des proches. Lorsque l’Enfant Esseulé devient davantage capable d’amour et
d’empathie, le patient n’a plus besoin de remplacer l’amour par l’approbation et l’insensibilité et n’a plus
besoin de se comporter de façon dégradante et égocentrique avec les autres. Les modes Auto-
Tranquilliseur Détaché et Auto-Magnificateur vont tous les deux s’affaiblir et progressivement disparaître.
Le thérapeute s’attache donc essentiellement à traiter les relations intimes du patient, à la fois dans la
relation thérapeutique et dans les relations avec les personnes proches. Comme dans notre traitement
pour les borderlines, la stratégie principale est le travail de modes.
Voici les éléments du traitement, dans l’ordre adopté pour les présenter au patient.
1. « Je sais que vous n’avez pas l’intention de me blesser, mais lorsque vous me parlez de cette
façon, je ressens que vous essayez de me faire du mal. »
2. « Quand vous me parlez sur ce ton, je me sens distant de vous, même si je sais que vous
êtes en proie à une forte émotion et que vous avez besoin que je sois là pour vous. »
3. « Lorsque vous me parlez d’une manière si méprisante, j’ai envie de m’écarter de vous, il
m’est alors plus difficile de vous donner ce dont vous avez besoin. »
4. « Même si au fond de vous-même vous voulez être proche des gens, lorsque vous leur parlez
de cette façon, ils n’ont pas envie d’être proches de vous. »
Le thérapeute insiste sur le comportement dévalorisant du patient, il lui montre qu’il comprend pourquoi
il se comporte de cette manière, tout en lui faisant comprendre les conséquences négatives de ce
comportement dans ses relations – avec le thérapeute et avec les autres personnes dans sa vie.
Dans le passage suivant, le docteur Young commence à confronter, chez Carl, les modes Auto-
Magnificateur et Auto-Tranquilliseur Détaché. Dans le cadre de la discussion avec Carl à propos de sa
femme, Danielle, le Dr Young lui montre qu’il se comporte avec lui-même d’une façon dévalorisante.
Dr Young : Comment Danielle était-elle à cette époque ? Etait-elle belle ? Représentait-elle votre idéal ?
Carl : Elle était belle. Mais, n’oubliez pas que j’étais saoûl, j’étais assis, elle aussi (il rit). Je dis toujours que je ne serais jamais tombé
amoureux de quelqu’un aussi vite si je n’avais pas été saoûl et si nous n’avions pas été assis. Elle avait un corps parfait, une couleur de
cheveux parfaite.
Dr Young : Donc, elle répondait à tous ces critères objectifs.
Carl (ennuyé) : Il n’y a pas de critères objectifs. Ce sont des critères qu’on ressent, en quelque sorte indicibles, sans savoir d’où ils
viennent.
Dr Young : Mais elle paraissait correspondre à toutes ces choses auxquelles inconsciemment vous vous sentez lié…
Carl (il interrompt) : Bon, elle correspondait suffisamment. Et elle s’intéressait à moi, et j’étais prêt. Je veux dire, c’est tout un ensemble
de facteurs.
Dr Young (après une pause) : Ce qu’il apparaît lorsque nous parlons, Carl, c’est que lorsque je dis quelque chose qui contient une faible
partie d’inexactitude, je veux dire par là quelque chose où il ne manque qu’un dixième pour obtenir ce que vous ressentez, vous vous
emportez immédiatement et vous attaquez comme si nous nous disputions. Vous voyez ce que je veux dire ? Plutôt que de me dire :
« Oui, vous avez raison, c’est ça, mais pas tout à fait, » vous dites « ce n’est pas ça du tout. »
Carl (ennuyé) : Je ne trouve pas qu’il ne manque qu’un dixième. Je ne dirais pas un dixième, mais plutôt cinq dixièmes. Ça me paraît
différent. Je suis très difficile, n’est-ce pas ?
Le thérapeute confronte doucement Carl, qui répond d’une manière provocatrice. Le thérapeute
continue à parler de façon empathique, tandis que Carl persiste à dévaloriser les observations du
thérapeute. Néanmoins, cela ne décourage pas le thérapeute, qui insiste à confronter Carl, sans devenir
agressif ni punitif envers lui. Le thérapeute met régulièrement en exergue les conséquences du
comportement de Carl dans ses relations avec le thérapeute et avec les autres. Pour chaque incident
survenant en séance, le thérapeute prend du recul, il observe calmement le patient, exprime de
l’empathie et donne un retour objectif et éducatif.
Dr Young : Lorsque vous agissez ainsi, que vous faites toutes ces corrections, quel effet cela a-t-il sur la personne avec qui vous
parlez ?
Carl : Je ne sais pas (Il rit doucement).
Dr Young : À votre avis ? Vous avez dit que vous étiez une personne sensible…
Carl (il interrompt) : Je suis sensible de façon normale à la manière de réagir des gens. Là, ça a l’air de vous gêner. On dirait que ça
vous contrarie, ce genre de correction.
Dr Young : Eh bien, je pense que n’importe qui serait contrarié, s’il était corrigé chaque fois qu’il dit quelque chose. Je suis psychologue
et je comprends qu’avec le type de problèmes que vous avez, il est très important d’être perfectionniste et d’avoir le sens de la
précision ; je suis capable de me dire : « De son point de vue, c’est un problème crucial et important que de bien préciser les choses. »
Carl (il interrompt) : Ça ne me paraît crucial ou important que dans la conversation.
Dr Young : Oui, mais je me dis que, si vous faites la même chose avec quelqu’un qui n’est pas psychologue et qui ne cherche pas à
comprendre votre point de vue, cette personne va le vivre, à mon avis, comme une sorte de critique, et penser que ce qu’elle a dit n’était
pas assez intelligent, que cela ne répondait pas à vos attentes dans la conversation.
Carl : Ou bien comme un complément non indispensable à un sujet qui n’a besoin d’aucune suite.
Dr Young : oui, mais ce n’est pas tellement ça qui m’intéresse ; je suis plutôt concerné par ce qui blesse au niveau affectif.
Carl essaie de détourner la conversation de l’idée qu’il pourrait blesser les autres. Il essaie de
maintenir la discussion sur un plan intellectuel et de qualifier son comportement comme peu important.
Mais le thérapeute ne le laisse pas s’écarter ainsi. Il continue, calmement mais fermement, à réaffirmer
que le comportement de Carl est blessant pour les autres. Dans le passage suivant, Carl commence à
faire preuve d’une certaine introspection sur son comportement.
Carl : Donc, ce que vous me faites remarquer, et je trouve que c’est intéressant, c’est que j’ai tendance à contextualiser toutes les
interactions sous la forme d’un jeu intellectuel – on pourrait dire comme ça.
Dr Young : Et cela a pour effet de supprimer les émotions. Quelles que soient les émotions que j’ai avec vous, ou que vous pourriez
avoir avec moi, elles se perdent dans le verbiage. C’est comme la lecture d’un livre où les mots auraient tellement d’importance qu’il n’y
aurait pas assez d’émotions.
Carl : C’est peut-être mon mode de vie. C’est peut-être bien mon mode de vie, de me couper des émotions.
Carl reconnaît la véracité des propos du thérapeute – il intellectualise et il critique pour éviter les
émotions – ce qui est un signe de progrès de sa part. Cependant, il recommence bientôt à vouloir dérider
le thérapeute. Le Dr Young fait venir la thérapeute actuelle de Carl, Leah.
Dr Young : Leah a signalé cette « danse de la domination », qui est un de vos thèmes.
Carl (avec un rire moqueur) : Je me demande si ce n’est pas vous qui avez trouvé ça ! Je ne sais pas si c’est un de mes thèmes, c’est
une phrase facile à retenir.
Dr Young : Si, c’est elle qui l’a indiqué, mais je pense que cela peut s’appliquer au contexte actuel. On pourrait dire que, dans les
conversations intellectuelles, deux personnes entrent en compétition sur un plan intellectuel pour voir laquelle des deux sera la plus
intelligente, ou la plus précise.
Carl (provocateur) : Oui, oui. Et, si vous remarquez bien, il faut être deux pour danser le tango.
Dr Young (incrédule) : Et vous pensez que ça me fait rire ?
Ce type de joute fait partie du traitement des narcissiques. Le patient continue à débattre
contradictoirement avec le thérapeute ou à le dévaloriser et le thérapeute persiste à répondre en mettant
en évidence les effets de ce comportement, à la fois sur le thérapeute et sur les personnes proches du
patient.
Au fur et à mesure que l’entretien se poursuit, Carl reconnaît progressivement la véracité des propos
du thérapeute. Même s’il y a une partie de lui qui continue à se battre avec le thérapeute – le mode Auto-
Magnificateur ne veut pas se sentir diminuer et refuse d’abandonner la partie – sa partie saine devient de
plus en plus réceptive au thérapeute et de plus en plus consciente de son comportement. Le but du
traitement, c’est d’aider Carl à construire ce mode Adulte Sain.
8.5. Le thérapeute exprime ses droits avec tact chaque fois que le patient les viole
Le thérapeute s’affirme de façon appropriée chaque fois que le patient se comporte d’une manière
dévalorisante. Il fixe des limites au patient de la même façon qu’un parent le fait pour un enfant. Tout
comme un bon parent ne permet pas, dans la maison, un comportement qu’il n’autoriserait pas à
l’extérieur – tel que brutaliser, ou parler d’une manière dévalorisante – le thérapeute n’autorise pas le
patient à agir envers lui d’une façon qui serait inacceptable avec les gens en dehors de la thérapie. Le
thérapeute fixe des limites lorsque le patient se comporte mal.
Voici quelques lignes directrices que les thérapeutes peuvent suivre pour fixer des limites avec les
narcissiques.
1. Les thérapeutes empathisent avec le point de vue narcissique et confrontent avec tact le
comportement de droits personnels exagérés. Le thérapeute empathise avec les raisons jugées
valables qui font que le patient narcissique se comporte de façon égoïste, tout en lui faisant
savoir que ce comportement affecte les autres. Le thérapeute doit établir un juste équilibre
entre empathie et confrontation.
Si le thérapeute n’exprime pas suffisamment d’empathie, le patient se sentira incompris et
dénigré, il n’écoutera plus ce que dira le thérapeute. Si le thérapeute n’est pas assez
confrontatif, le patient estimera que le thérapeute justifie son comportement de droits
personnels exagérés.
2. Lorsque les patients les dévalorisent, les thérapeutes ne doivent ni se défendre ni attaquer.
Le thérapeute ne doit pas se perdre dans le contenu de l’attaque du patient. Il lui faut prendre
du recul par rapport à ce contenu, ne pas le considérer comme s’adressant à lui-même, et se
concentrer plutôt sur les aspects interpersonnels de la discussion. Le thérapeute qui discute du
contenu des propos du patient fait généralement une erreur. Dès que le thérapeute devient
défensif ou contre-attaque, il joue le jeu du patient et c’est le patient qui contrôle la séance. Il
doit, à la place, se concentrer sur le déroulement de ce qui se passe – à savoir que le patient le
dévalorise pour éviter ses propres émotions – et continuer à le confronter empathiquement sur
les conséquences de son comportement.
3. Les thérapeutes affirment leurs droits sans sévérité. Lorsque les patients violent les droits du
thérapeute, celui-ci, toujours par la confrontation empathique, met la violation en évidence. Il dit :
« Je sais que vous n’avez probablement pas l’intention de me blesser, et qu’au fond de vous-
même vous vous sentez incompris, mais je ne suis pas à l’aise lorsque vous me parlez de cette
façon. »
4. Les thérapeutes n’acceptent pas d’être forcés par les patients à faire des choses qu’ils n’ont
pas envie de faire. Ils fixent plutôt des limites nettes basées sur ce avec quoi ils se sentent à
l’aise, ou ce qui leur semble juste, sans tenir compte de la pression du patient. Ils ne doivent,
par exemple, pas autoriser les patients à demander régulièrement des changements dans les
rendez-vous, à abuser du temps de séance, ils ne doivent pas analyser les partenaires ou les
rivaux potentiels (ce qui aiderait le patient à manipuler ces personnes ou à se mettre dans une
position dominante, dans un rapport de force), ni sortir des limites de la relation thérapeutique.
De plus, les thérapeutes ne cherchent pas à brutaliser leurs patients en retour.
5. Les thérapeutes font valoir que la relation thérapeutique est basée sur la notion de
réciprocité, et non sur un principe de maître et esclave. Lorsque le patient traite le thérapeute
avec un comportement de droits personnels exagérés, le thérapeute le met en évidence. Il lui
dit : « Je sais qu’en ce moment, vous avez peur, et que vous avez besoin que je vous aide, mais
je sens que vous me traitez comme un serviteur, et cela a tendance à m’éloigner de vous », ou
bien « Vous me traitez d’une manière irrespectueuse, et cela fait qu’il m’est difficile d’être ici
pour vous, de la façon dont je voudrais, bien que je sache qu’au fond de vous vous souffrez. »
Le patient répond souvent : « Mais je vous paie. » Le thérapeute peut répondre : « Vous
payez le temps que je passe avec vous, mais pas pour avoir le droit de me traiter de façon
irrespectueuse. » Le thérapeute fait savoir que la seule modalité relationnelle acceptable
dans la relation est l’égalité. Le fait que le patient paie le thérapeute ne lui donne pas le
droit de maltraiter celui-ci, ni de l’obliger à satisfaire toutes ses exigences.
6. Les thérapeutes cherchent les arguments en faveur d’une fragilité sous-jacente et ils les
mettent systématiquement en évidence. Le thérapeute recherche l’Enfant Esseulé chez le
patient et il attire l’attention de celui-ci sur ce mode chaque fois qu’il émerge. Les signes en
sont : l’expression de l’anxiété, de la tristesse ou de la honte ; la reconnaissance de sa
faiblesse, ainsi que de ses besoins insatisfaits. Le thérapeute encourage le patient à demeurer
dans le mode Enfant Esseulé autant que possible et il re-materne le patient.
7. Les thérapeutes prennent du recul par rapport aux incidents spécifiques et demandent aux
patients d’explorer les motivations qui se cachent derrière les déclarations de droits
personnels exagérés, de magnification de soi, de dévalorisation ou d’évitement. Les
thérapeutes ne se laissent pas piéger par le contenu des discussions : ils s’intéressent à la
façon dont le patient se comporte et aux effets de ce comportement sur les autres. Le
thérapeute réalise que le patient se sent fragile au fond de lui. Lorsque les patients se
comportent d’une façon dégradante, ils essaient bien souvent de faire ressentir au thérapeute
ce qu’ils ont eux-mêmes ressenti venant de lui : le contenu de leur propos révèle davantage la
façon dont ces patients se sentent rabaissés, que les défauts qu’ils auraient pu percevoir chez
lui.
Pour éviter de paraître accusateur, le thérapeute pose des questions. Il dit : « Pourquoi
faites-vous cela, en ce moment ? Pourquoi vous comportez-vous de façon si
condescendante ? Pourquoi me repoussez-vous ? Pourquoi ne voulez-vous pas parler de
ça ? Pourquoi êtes-vous en colère contre moi ? »
Les narcissiques sont souvent très brillants, ils sont capables de circonvenir le thérapeute
et de l’emporter dans les désaccords. Mais, même s’ils gagnent la partie, ils ont néanmoins
tort s’ils traitent le thérapeute d’une manière dévalorisante ou désagréable. S’ils n’ont pas
tort pour ce qui est du fond de la discussion, ils ont tout de même tort quant à la forme. En
prenant du recul par rapport aux incidents de discussion, le thérapeute peut éviter de
nombreux désaccords.
8. Les thérapeutes cherchent les thèmes narcissiques habituels et les signalent au patient.
Exemples de thèmes narcissiques habituels : (a) la condescendance, l’art de surpasser les
autres, le comportement de compétition ; (b) les commentaires destinés à juger, critiquer,
évaluer, que ce soit de façon positive ou négative ; (c) les propos qui démontrent une recherche
de statut ou qui reflètent l’importance accordée à l’apparence extérieure ou à la performance
plutôt qu’aux qualités internes telles que l’amour et l’accomplissement personnel.
Encore une fois, pour soutenir le patient au lieu de le critiquer, le thérapeute peut mettre
ces thèmes en exergue sous la forme de questions. Il dit : « Pourquoi éprouvez-vous le
besoin de vous comporter de façon condescendante, en ce moment ? » ou bien « Pourquoi
me repoussez-vous ? » ou encore « Pourquoi pensez-vous qu’il est si important de me
parler de vos réussites ? »
9. Les thérapeutes mettent une étiquette sur les propos qui semblent représenter les modes
Auto-Magnificateur et Auto-Tranquilliseur Détaché. Ceci aide les patients à reconnaître les
modes dans lesquels ils se trouvent. Lorsqu’ils sont dans le mode Auto-Magnificateur ou dans le
mode Auto-Tranquilliseur Détaché, le thérapeute porte leur attention sur ce mode et il les aide à
reconnaître l’expérience émotionnelle qu’ils vivent de ce mode.
Carl est en mode Auto-Magnificateur, il dévalorise subtilement le thérapeute, tout en étant inconscient
de son mode Enfant Esseulé – la partie centrale de son être qui se sent fragile, effrayée, inadaptée et
perdue. Le thérapeute renforce le sentiment de vulnérabilité du patient, en mettant en évidence les
modes Auto-Magnificateur et Auto-Tranquilliseur Détaché.
Dans le passage suivant, le Dr Young explore la relation de Carl avec Leah, sa thérapeute, pour voir si
Carl peut reconnaître des sentiments de vulnérabilité ou de lien affectif avec elle. Là encore, Carl exprime
la même difficulté à reconnaître sa fragilité.
Dr Young : Comment vous sentez-vous dans une séance avec Leah, par rapport à une situation comme maintenant ? Que ressentez-
vous sur le plan émotionnel lorsque vous êtes en séance avec elle ? Est-ce que c’est la même chose qu’ici ou bien est-ce différent ?
Carl : Eh bien, je pense que j’essaie d’appliquer ici tout ce que j’ai appris au cours des séances avec Leah.
Dr Young : Non, je veux dire, lorsque vous êtes en séance avec Leah, quelles sont vos émotions ? Quelles sont les émotions qui
s’activent lorsque vous êtes en séance avec Leah ?
Carl : J’essaie d’avoir un air détaché et d’être pleinement conscient de mes émotions lorsqu’elles apparaissent.
Dr Young : Mais il y a l’idée de ne pas se perdre dans les émotions, de se faire prendre par elles ?
Carl : Pas nécessairement. Parfois je ressens l’envie d’être pris dans mes émotions, de les découvrir, de les ressentir.
Dr Young : Mais alors pourquoi vouloir conserver un air détaché ?
Carl : Non, je crois que l’air détaché est simplement mon état naturel. C’est l’état naturel de Carl.
Dr Young : Détaché.
Carl : Oui.
Dr Young : Alors, nous nous retrouvons face à l’autre explication : celle qui fait que vous vous détachez dans le but d’éviter certains
affects, certaines émotions, que vous ne voulez pas vivre.
Carl : Vous me demandez maintenant pourquoi j’ai appris à être détaché. Je ne me suis pas mis à être détaché à l’âge de 37 ans.
Dr Young : Quand pensez-vous que vos avez débuté votre côté détaché ?
Carl : Peut-être à l’âge de 4 ans, ou plus tôt ; de toute façon lorsque j’étais un jeune garçon, sans aucun doute.
Carl reconnaît qu’il est détaché, que le détachement est sa façon normale d’être, et qu’il a commencé
très tôt dans sa vie. Maintenant, le thérapeute dispose d’un accès vers le mode Enfant Esseulé. Il peut
explorer ce qui se trouve sous ce détachement, et qui a conduit au développement de ce mode.
Le Dr Young appelle la partie détachée de Carl : « Carl Détaché ». En réalité, ce mode est un mélange
des modes Auto-Magnificateur et Auto-Tranquilliseur Détaché.
8.8. Le thérapeute explore les origines infantiles des modes grâce à l’imagerie
Une fois que le patient a conscience de ses modes, le thérapeute passe à l’exploration des modes au
cours de l’enfance, en étudiant particulièrement le mode Enfant Esseulé. Nous nous sommes aperçus que
la meilleure façon pour cela était l’utilisation de l’imagerie. Il faut presque toujours surmonter au préalable
l’opposition du patient à la pratique de l’imagerie.
Dans le passage suivant, le thérapeute explore l’origine du mode détaché de Carl. Le thérapeute
demande à Carl de faire un exercice d’imagerie, mais Carl exprime tout d’abord de nombreuses réserves
sur ce procédé et il résiste au travail d’imagerie.
Dr Young : Accepteriez-vous de faire un exercice d’imagerie pour voir ce que vous étiez avant ça ? Pourrais-je vous demander de
fermer les yeux et de vous imaginer à l’âge de 3 ans, avant votre période détachée ? Je voudrais ressentir votre côté émotionnel à cette
époque, avant votre détachement. Seriez-vous d’accord pour essayer, et me dire ce que vous voyez ?
Carl : On pourrait essayer, mais je ne vous donne pas trop d’espoir, à l’âge de trois ans… (il rit)
Dr Young : Eh bien, essayez d’être le plus jeune possible dans votre image.
Carl : Vous savez, retourner en arrière, ça me paraît comme s’il y avait un puits, que les intempéries et la saleté auraient comblé avec le
temps, et dont vous voudriez atteindre le fond : vous ne voyez rien, il faut commencer par creuser pour ôter toute cette saleté
auparavant : voilà à quoi ça me fait penser.
Dr Young : Je vois ce que vous voulez dire. Il paraît difficile d’obtenir cette image. Essayez quand même. (Pause.) Fermez les yeux et
créez une image du Petit Carl, enfant, et dites moi ce que vous voyez. Essayez de garder les yeux fermés jusqu’à ce que nous ayons
terminé l’exercice. Pensez bien à voir des images. Ne les analysez pas, ne les commentez pas, dites-moi simplement ce que vous
voyez, comme s’il s’agissait d’un film qui se déroule dans votre tête.
Carl : En principe, je ne vois pas d’images.
Dr Young : Donc, gardez toujours les yeux fermés, si vous essayez de voir Carl enfant, vous ne voyez vraiment rien ?
Carl : Exact. Je ne vois pas d’image, pas d’image interprétable.
Dr Young : Que voyez-vous réellement lorsque vous cherchez à revenir à cette époque ?
Carl : Bon, je vais essayer d’obtenir une sorte d’impression.
Dr Young : Oui, ce serait bien.
Carl : Je vais essayer d’en tirer ce que je pourrai. Mais ce ne sera pas sous la forme d’une image que je verrais réellement.
Dr Young : Bon, plus cela en sera proche, mieux ce sera.
Carl continue à résister, mais il est au moins d’accord pour démarrer. Comme il a dit qu’il lui était
difficile de trouver une image de lui-même enfant, le thérapeute lui propose de créer une image de sa
mère lorsqu’il était petit. (Proposer au patient une tâche beaucoup plus facile est une stratégie destinée à
contrer la résistance du patient à faire de l’imagerie.)
Dr Young : Et si vous créiez une image de votre mère lorsque vous étiez petit, pour commencer ? Serait-ce plus facile ?
Carl : Oui.
Dr Young : Que ressentez-vous lorsque vous regardez l’expression de son visage dans l’image ? Avez-vous une réaction ? Que
ressentez-vous ?
Carl : Eh bien, je me sens très triste, parce que j’aime beaucoup ma mère, très profondément, et que je veux être avec elle pour l’aimer.
Dr Young : Et elle ne facilite pas les choses ?
Carl (longue pause) : Non.
Dr Young : Pouvez-vous me dire comment elle est avec vous, comment elle se comporte ?
Carl : Je ne vois pas une image réelle, mais on dirait de la pierre, elle ne bouge pas.
Dr Young : Pouvez-vous lui dire maintenant, dans l’image, comme si vous étiez cet enfant, même si à l’époque vous ne pouviez rien lui
dire, pouvez-vous lui dire ce dont vous aviez besoin de sa part ? Dites-le-lui à haute voix, pour que je puisse l’entendre.
Carl (en tant qu’enfant) : « Maman, ce que je veux c’est que tu me prennes dans tes bras, que tu m’aimes, que tu fasses attention à
moi, et que tu sois toujours avec moi. Et que tu ne me laisses jamais partir. »
Dr Young : Est-ce qu’il lui est facile de vous toucher, ou bien a-t-elle de la difficulté à montrer son affection ?
Carl : C’est de la pierre. Elle est en pierre, dans l’image.
Dr Young : Oui, et cependant, quand vous la regardez, pouvez-vous imaginer ses pensées ? Pouvez-vous entrer dans son esprit ?
Carl (longue pause) : Je pense qu’elle est très triste.
Dr Young : Et que pense-t-elle de vous, quand vous lui dites : « Je veux être avec toi, je veux te tenir, je veux que tu m’aimes. »
Carl : Je pense que seule une partie d’elle peut l’entendre. Je pense qu’elle est très préoccupée par sa tristesse.
Dr Young : D’accord. Elle est très absorbée par son état d’humeur.
Carl : Oui.
Dr Young : Maintenant, faites-la répondre à ce que vous lui avez dit.
Carl : Elle n’a pas vraiment envie de me parler. Je pense qu’elle est en colère car je fais intrusion auprès d’elle.
Dr Young : Que ressentez-vous lorsqu’elle est en colère contre vous ?
Carl : Je me sens épouvantable.
C’est la première fois que nous parvenons à l’Enfant Esseulé, dans l’imagerie. Le patient décrit une
mère faite de pierre, incapable de donner son affection ; lui, c’est un enfant, qui veut son amour, et qui
n’a aucun moyen de l’obtenir.
Le thérapeute a constamment cherché à se diriger sur cet instant, à essayer de faire reconnaître à
Carl son mode Enfant Esseulé et lui en faire faire l’expérience. Il a finit par contourner les modes Auto-
Magnificateur et Auto-Tranquilliseur Détaché, avec lesquels il n’est possible d’établir qu’un lien très
superficiel. Le thérapeute peut maintenant former un lien avec l’Enfant Esseulé. Il peut re-materner
l’Enfant Esseulé et commencer le processus de guérison du schéma.
Carl indique qu’il a un schéma de Manque Affectif, mais pas de schéma d’Imperfection. Il se sent seul,
mais sans se percevoir comme une personne déficiente.
Le thérapeute informe le patient de ses schémas. Le Dr Young présente les modes à Carl, en se
servant des propres modes de Carl pour l’explication.
Dr Young : Quand j’examine vos problèmes, il semble qu’il y ait deux modes de schémas. Le premier, c’est l’Enfant Esseulé, vulnérable,
le Carl de 3 ans avec sa mère, qui se sent triste et seul, parce que personne ne lui donne l’amour dont il a besoin. Le second, c’est,
dans votre cas, un mode qui associe les droits personnels exagérés et le détachement. Cet autre mode sert à cacher, à compenser et
à éviter ce mode de petit enfant plus vulnérable dont vous ne voulez pas faire l’expérience.
Carl : Carl Détaché n’a pas envie d’intimité, absolument pas.
Le Dr Young continue à explorer les autres schémas de Carl. En se servant des questionnaires que
celui-ci a remplis, il cherche à déterminer si Carl a un schéma sous-jacent de Méfiance/Abus. Il demande
à Carl s’il considère que les autres cherchent à le maltraiter.
Dr Young : Dans le Carl Détaché, d’après ce que vous avez dit sur les questionnaires, je pense que les autres sont vus comme
malveillants. Les autres ne sont pas seulement des gens qui ne vont pas vous donner de l’amour, mais aussi des personnes qui
cherchent à vous exposer au danger, à vous battre, à prendre le dessus sur vous.
Carl : Je pense que Carl Détaché est une compensation qui permet de vivre et qu’il s’investit dans la compétitivité.
Dr Young : Cela lui donne une valeur et une raison d’être ?
Carl : Oui.
Dr Young : La valeur, c’est la compétitivité.
Carl : Oui. Et je pense que la compétitivité existe dans de nombreux domaines, et pas seulement sur les terrains de sport, où elle est
évidente ; le Carl Détaché se met aussi en compétition dans l’interaction entre deux individus, comme vous avez pu en être le témoin.
Et ceci même avec un étranger.
Dr Young : Et ceci, par goût du jeu, ou bien parce qu’il considère vraiment que les autres, au fond d’eux-mêmes, vont essayer de l’avoir
avant qu’il n’ait pu les avoir ?
Carl (il parle de façon assurée) : Non. Il ne considère pas que les autres cherchent à l’avoir.
Dr Young : Il n’y a pas de méfiance vis-à-vis des autres ?
Carl : Pas du tout.
Carl répond qu’il ne considère pas les autres comme étant susceptibles de mal le traiter. Sa motivation dans ce jeu de la compétitivité,
c’est, en fait, la satisfaction de gagner. Le schéma principal de Carl est Manque Affectif, et non pas Méfiance/Abus. Il joue à ce jeu pour
combler le vide de son manque affectif, plutôt que pour se protéger de la cruauté ou de l’humiliation.
Dr Young : Ce jeu, c’est donc pour donner un but aux choses.
Carl : Il donne un sens à la vie.
Dr Young : Dans la mesure où il n’y a pas de lien relationnel adapté.
Le thérapeute aide Carl à atteindre une compréhension intellectuelle minutieuse de ses modes et des
schémas sous-jacents.
Pour se protéger de la tristesse liée à sa mère, Carl s’est lui aussi changé en pierre.
Le thérapeute continue à aider Carl à se relier émotionnellement au Carl Détaché. Notez que le Carl
Détaché cherche, au début, à prendre de la distance en critiquant la question du thérapeute. Il fait de
l’évitement de schéma, ce qui est sa fonction primordiale. Lorsque le Dr Young questionne le Carl
Détaché sur ses sentiments, celui-ci s’irrite.
Dr Young : Puis-je parler au Carl Détaché, une seconde ?
Carl : Oui.
Dr Young : Donc, vous êtes en train de lire une bande dessinée, de jouer aux échecs, de regarder la télé. Que ressentez-vous ?
Carl (Pause.)
Dr Young : Est-ce que ces activités vous font plaisir ?
Carl (il parle d’un ton ennuyé) : Je trouve votre question un peu idiote.
Dr Young : Bon. Et si vous m’en proposiez une meilleure ? Reformulez-la d’une manière plus raisonnable, qui corresponde mieux à la
situation.
Carl : C’est juste des trucs que j’aime faire. Pourquoi ne pourrais-je pas aimer ça ?
Dr Young : Ah, on dirait que, pour le Carl Détaché, il y a un peu de critique dans l’air ?
Carl (il paraît ennuyé) : Oh, simplement il ne comprend pas. Il ne comprend pas ce que vous voulez dire.
Dr Young : Mais j’ai l’impression qu’il y a un peu de colère dans le ton de sa voix – ce qui veut dire qu’il ressent aussi quelque chose…
Carl (il interrompt) : Voulez-vous dire que vous demandez au Carl Détaché d’avoir des sentiments ?
Dr Young : Je lui demande s’il se pourrait qu’il ait un sentiment de colère, et non plus de tristesse.
Carl (il interrompt) : Je pense qu’il est en colère parce que vous lui demandez de se concentrer sur lui-même.
Dr Young : Oui, c’est ce que je veux dire. Donc, il est en colère.
Carl : Oui, il est colère si vous voulez qu’il regarde ou qu’il pense à ce qu’il est en train de faire.
Dr Young : Oui, exactement. Et, en tant que Carl Détaché, que ressentez-vous vis-à-vis des gens en général ? Quelle est votre relation
à eux, vos croyances à leur sujet ?
Carl : Heu. (Pause.) Oh, en fait, je ne les aime pas beaucoup.
Dr Young : Pourquoi ?
Carl (longue pause) : Je ne sais pas pourquoi.
Dr Young : Sont-ils stupides, sont-ils égoïstes ?
Carl : Eh bien, certains sont stupides, mais d’autres non. Ils ne sont pas aussi intelligents que moi, bien sûr.
Dr Young : Vous vous sentez bien, en étant plus intelligent que les autres ?
Cal (d’une voix énergique) : Oh, oui.
Dr Young : Et en ce moment, pourquoi cela vous semble-t-il bien ?
Carl : Il faut que je sois le meilleur. Il faut que je sois le gagnant.
Dr Young : Et pourquoi est-ce important pour vous d’être le gagnant ?
Carl (d’une voix coléreuse) : Vous me faites mettre en colère.
Dr Young : Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous êtes en colère contre moi ?
Carl : Vous me posez toutes ces questions.
Dr Young : Et vous ne voulez pas penser à ces choses.
Carl : Non.
Le thérapeute aide Carl à atteindre un niveau plus profond dans la compréhension du Carl Détaché. Le
Carl Détaché n’aime pas beaucoup les autres, il n’aime pas devoir penser à ses problèmes, il n’aime pas
penser à la raison des choses qu’il fait, et il faut qu’il soit le Numéro Un. Le thérapeute l’aide à
comprendre ce que le Carl Détaché ressent et comment il opère – une étape importante pour
comprendre comment le Carl Détaché affecte sa vie de façon négative, depuis très longtemps.
Il faut noter que Carl décrit à la fois la fonction évitante et la fonction compensatrice du Carl Détaché.
Comme nous l’avons dit, le Carl Détaché est, à la fois Auto-Magnificateur et Auto-Tranquilliseur Détaché.
Il évite ses propres émotions négatives, et il se sent supérieur aux autres.
Il est intéressant de constater qu’une fois le Carl Détaché identifié par le thérapeute, qui en fait un
personnage dans l’imagerie, l’attitude de Carl envers le thérapeute change. Il sort de ses modes Auto-
Magnificateur et Auto-Tranquilliseur Détaché. Il ne s’engage que de façon transitoire dans la « danse de
la domination » avec le thérapeute. Ce n’est que sans enthousiasme qu’il entre en compétition avec lui et
le repousse. Le Carl détaché, qui dispose maintenant d’une voix en tant que mode, n’a plus besoin de
démontrer sa supériorité envers le thérapeute, et il n’a plus besoin de prendre autant de distance vis-à-
vis de celui-ci.
Le Carl Détaché est bien plus fort que le Petit Carl. Le thérapeute s’est allié au Petit Carl, pour niveler
la différence des forces. Il fournit des munitions à l’Enfant Esseulé pour combattre le Carl Détaché. Ceci
dans le but d’un combat loyal, sans risque pour le Petit Carl de recevoir une raclée.
Lorsque le Petit Carl est ainsi renforcé, il continue à négocier avec le Carl Détaché. Carl joue les deux
côtés, le thérapeute intervenant en tant que guide.
Carl (en tant que Carl Détaché, parlant au Petit Carl) : « Oui, oui, d’accord, tu as raison. La famille, c’est important, Danielle, c’est
important. Mais faut-il pour autant que je laisse tout tomber ? Il faut que je laisse tout tomber ? Est-ce que je ne peux pas garder quelque
chose ? »
Dr Young : C’est bien. Donnez un exemple au Petit Carl, quelque chose que vous voudriez conserver. Négociez.
Carl (en tant que Carl Détaché) : « Est-ce que je peux garder mes biscuits, mon chocolat et ma pizza ? Je pourrai jouer aux échecs sur
l’ordinateur toute la nuit ? »
Dr Young : Et si on disait plutôt deux heures ?
Carl : Ce n’est pas assez !
Dr Young : Essayez encore de négocier un peu. Ne soyez pas si dur avec lui.
Carl : Je dois négocier avec le Petit Carl ?
Dr Young : Oui.
Carl (en tant que Carl Détaché) : « Bon, on va s’occuper de la famille, mais voilà ce que je veux. » (D’une voix coléreuse.) « Laisse-moi
seul, et je m’occuperai de la famille. »
Dr Young : Et que répond le Petit Carl ?
Carl (en tant que Petit Carl, qui parle d’une voix très triste) : « Vraiment, tu vas t’occuper de la famille ? Je te laisserai seul si tu
t’occupes de la famille, si tu t’occupes de toi. C’est bon comme ça ? »
Notez qu’à ce moment, le Petit Carl est un mélange des modes Enfant Esseulé et Adulte Sain. Le Petit
Carl a pris le rôle du thérapeute et fait de la confrontation empathique. Il confronte le Carl Détaché avec
les problèmes actuels : c’est à la fois le Petit Carl et Danielle qui se sentent délaissés et négligés.
Une fois que le patient autorise l’Enfant Esseulé à émerger et à se mettre en relation avec les autres,
les autres modes se mettent à régresser. Leur fonction de protecteurs de l’Enfant Vulnérable devient
progressivement obsolète. Bien sûr, ces modes referont surface de temps à autre, mais plus l’Enfant
Esseulé émerge et se connecte aux autres, moins les autres modes ressentiront la nécessité
d’apparaître.
Pour aider les patients à généraliser les changements thérapeutiques dans leurs relations externes, il
est souvent utile de faire intervenir une thérapie de couple, surtout à cette étape du traitement. De plus,
les tâches assignées de la thérapie cognitivo-comportementale classique aide les patients à travailler
leurs relations avec les membres de la famille, les partenaires et amis.
En travaillant avec les patients, le thérapeute établit des fiches mémo-flash que les patients utilisent
pour rester conscients des conséquences négatives de leur narcissisme et des conséquences positives
de la pratique de la gentillesse et de l’amour dans leurs relations externes. Le thérapeute aide les
patients à établir et à mettre en pratique des expériences comportementales, en étudiant les
conséquences du comportement de grandeur en opposition à celui d’amour, dans leurs relations intimes.
Il reconnaît, pour le renforcer, le comportement aimant du patient, qui a choisi l’amour authentique plutôt
que des satisfactions narcissiques temporaires.
La technique de la « flèche descendante » (Burns, 1980) est utile pour aider les patients à identifier les
pensées sous-jacentes qui motivent leur recherche incessante de satisfactions narcissiques. Le
thérapeute pose des questions du style « Que se passerait-il si… » Par exemple : « Que se passerait-il
si vous n’étiez pas parfaitement beau, brillant, riche, célèbre, si vous n’aviez pas de succès, ou si vous ne
disposiez pas d’un statut élevé ? Quelle signification cela aurait-il pour vous ? Que pourrait-il se passer ?
Comment imaginez-vous le devenir de votre vie, dans de telles condi-tions ? » Le travail avec de telles
questions conditionnelles constitue un autre moyen d’accéder à l’Enfant Esseulé. Lorsqu’ils contemplent
l’image de ce que serait leur vie sans satisfaction narcissique, les patients se rendent souvent dans la
partie d’eux-mêmes qui est mal aimée : l’endroit où se trouvent leurs schémas de Manque Affectif et
d’Imperfection.
Entre les séances, les patients lisent leurs fiches de schémas pour se souvenir de ce qu’ils ont appris
lors du travail cognitif. Ces fiches leur indiquent des comportements sains qui guérissent, au lieu de
maintenir, leurs schémas de Manque Affectif et d’Imperfection.
Le thérapeute associe le travail cognitif aux tâches assignées comportementales. Il demande, par
exemple, aux patients de passer du temps seuls pour leurs tâches à domicile, sans chercher à se
stimuler ni à s’apaiser, pour parvenir à connaître et à comprendre leur Enfant Esseulé. Les patients
écrivent, ou enregistrent sur bande magnétique, leurs pensées automatiques et leurs émotions, et ils les
apportent à la séance suivante. Ils en discutent avec le thérapeute, qui en profite pour re-materner le
patient.
Les patients apprennent à remplacer leurs comportements autodestructeurs impulsifs et compulsifs par
de la proximité émotionnelle et de l’authenticité. Dans les situations sociales, ils font des expériences au
cours desquelles ils apprennent à résister à leur mode Auto-Magnificateur. Ils adoptent, l’espace d’une
soirée, un rôle d’observateur, se concentrant sur l’écoute des autres, en évitant de faire des remarques
destinées à provoquer l’admiration.
Enfin, et c’est peut-être ce qui est le plus important, les narcissiques travaillent pour développer leurs
relations intimes. Ils font des expériences, dans le cadre des tâches assignées, où ils doivent être
attentionnés envers les autres et pratiquer l’empathie. Ils réduisent le temps passé à impressionner les
autres et ils augmentent celui qu’ils consacrent à améliorer la qualité affective de leurs relations intimes.
Ils laissent l’Enfant Esseulé sortir, lors des rencontres intimes appropriées, afin que ses besoins affectifs
de base soient comblés. Ils observent ce qu’il se produit lorsqu’ils remplacent des comportements
d’addiction et d’autoapaisement par de l’amour et de l’intimité.
9. Obtacles fréquents lors du traitement du narcissisme
Au cours du traitement des narcissiques, on rencontre plusieurs obstacles, que l’on parvient
habituellement à surmonter. Il peut parfois arriver que nos efforts s’avèrent vains. Ces patients sont plus
susceptibles que d’autres d’interrompre leur thérapie, notamment au cours des premières séances. Ils
peuvent cesser le traitement pour plusieurs raisons.
Le mode Auto-Magnificateur du patient peut avoir du mal à saisir le but de la thérapie – à établir une
relation fondée sur le soucis d’être attentionné, plutôt que sur la grandeur – particulièrement si le patient
n’a jamais vécu l’expérience d’une réelle écoute attentive. L’Auto-Magnificateur peut ne pas supporter que
le thérapeute frustre le patient dans ses besoins narcissiques de paraître grandiose et spécial, et il
n’existe rien que le thérapeute puisse faire pour maintenir le patient en traitement, à part satisfaire ses
besoins narcissiques, ce qui serait nuisible aussi bien au thérapeute qu’au patient.
Certains patients peuvent quitter le traitement pour éviter de vivre la souffrance de l’Enfant Esseulé.
Sans le vouloir, ils ne parviennent pas à se laisser aller à être suffisamment vulnérables pour faire
confiance au thérapeute et s’y attacher. S’ils ont débuté la thérapie au cours d’une crise, le risque est
grand qu’ils ne cessent leur traitement, une fois la crise résolue.
Il peut arriver que l’Auto-Magnificateur rejette le thérapeute parce qu’il ne le juge pas assez bien,
d’une manière ou d’une autre – pas assez riche, pas assez intelligent, pas assez bien éduqué, sans
succès suffisant, pas assez célèbre, et ainsi de suite. De plus, cela peut se produire plus tard au cours
du traitement : après avoir tout d’abord idéalisé le thérapeute, le patient se met plus tard à le dévaloriser.
De quels moyens le thérapeute dispose-t-il pour maintenir le patient en thérapie ? Qu’a-t-il à sa
disposition, et que le patient voudrait ? Comme nous l’avons signalé, le premier moyen est représenté
par les conséquences négatives du narcissisme du patient. Le thérapeute rappelle constamment aux
patients que, tant qu’ils n’auront pas changé, ils continueront à payer le prix de leur narcissisme dans
leurs relations professionnelles ou sentimentales. Le second moyen est la relation thérapeutique. Si le
thérapeute parvient à maintenir le patient dans le mode Enfant Esseulé et qu’il le re-materne, alors
l’attachement du patient au thérapeute pourra devenir une raison pour rester en thérapie.
RÉSUMÉ
Avec les patients narcissiques, nous utilisons une approche basée sur les modes. Nous avons rencontré chez eux trois modes
caractéristiques principaux (en plus du mode Adulte Sain) : l’Enfant Esseulé ; l’Auto-Magnificateur et l’Auto-Tranquilliseur Détaché. Les
schémas centraux sont le Manque Affectif et l’Imperfection, qui font partie de l’Enfant Esseulé. Le schéma de Droits Personnels
Exagérés est une compensation des deux autres schémas et il appartient à l’Auto-Magnificateur.
Les narcissiques sont habituellement dans le mode Auto-Magnificateur lorsqu’ils sont en présence d’autres personnes ; le mode Auto-
Tranquilliseur Détaché est celui qu’ils utilisent lorsqu’ils sont seuls. L’Auto-Tranquilliseur Détaché peut prendre plusieurs aspects, qui
représentent tous des mécanismes d’évitement de schémas. Certains d’entre eux pratiquent des activités diverses qui les
autostimulent, leur apportant distraction et excitation. D’autres patients ont des activités compulsives solitaires qui sont plus
autoapaisantes qu’autostimulantes. Ces activités compulsives détournent leur attention de la souffrance liée aux schémas de Manque
Affectif et d’Imperfection.
Nous avons trouvé quatre facteurs caractéristiques de l’environnement infantile des patients narcissiques : (1) la solitude et l’isolement ;
(2) le manque de limites ; (3) des antécédents d’utilisation et de manipulation ; et (4) l’approbation conditionnelle.
Dans les relations intimes, les narcissiques présentent des comportements caractéristiques. Ils sont généralement incapables
d’absorber l’affection qu’on leur dispense et ils considèrent les relations comme des moyens pour obtenir de l’approbation ou de la
reconnaissance. Ils manquent d’empathie, particulièrement avec les gens qui leurs sont les plus proches. Ils sont souvent envieux des
autres lorsqu’ils les sentent meilleurs d’une manière ou d’une autre. Au début d’une relation, ils idéalisent leurs objets d’amour ; par la
suite, le temps passant, ils dévalorisent progressivement leurs partenaires. Enfin, les patients présentent un scénario de grandeur dans
leurs relations intimes.
Pour évaluer le narcissisme, le thérapeute peut tenir compte de plusieurs choses : (1) le comportement du patient en séance ; (2) la
nature des problèmes actuels du patient et de ses antécédents ; (3) les réponses du patient aux exercices d’imagerie et aux questions
portant sur l’enfance (y compris dans le Questionnaire des Attitudes Parentales de Young) ; et enfin (4) le Questionnaire des Schémas
de Young.
Notre façon de traiter les narcissiques se concentre sur le re-parentage de l’Enfant Esseulé et la conduite de dialogues entre les modes.
Le thérapeute aide le patient à se forger un mode Adulte Sain, construit sur le modèle du thérapeute, qui soit capable de re-materner
l’Enfant Esseulé et de modérer les modes Auto-Magnificateur et Auto-Tranquilliseur Détaché. Le thérapeute se sert des plaintes
actuelles comme moyen d’action et il commence le re-parentage partiel de l’Enfant Esseulé. En traitant les narcissiques, il est important
que les thérapeutes confrontent avec tact le style dévalorisant ou provocateur du patient et qu’ils affirment leurs droits chaque fois que le
patient les viole. Sans chercher à être parfaits, les thérapeutes reconnaissent leur vulnérabilité.
Le thérapeute introduit la notion de mode Enfant Esseulé et il aide le patient à reconnaître les modes Auto-Magnificateur et Auto-
Tranquilliseur Détaché. Il explore les origines infantiles de ces modes au travers de l’imagerie. (Habituellement, il est tout d’abord
confronté à une résistance considérable de la part du patient, et il lui faut la surmonter.) Le thérapeute guide le patient dans le travail des
modes. Le mode Adulte Sain mène des négociations entre les modes, dans le but de : (1) aider l’Enfant Esseulé à se sentir écouté, pris
en attention, compris, et à éprouver de l’empathie et de l’écoute attentive envers les autres ; (2) confronter l’Auto-Magnificateur pour que
le patient se débarrasse de son besoin excessif d’approbation et qu’il traite les autres sur les bases du respect et de la réciprocité,
lorsque l’Enfant Esseulé devient capable de recevoir un amour authentique ; et (3) il aide l’Auto-Tranquilliseur Détaché à abandonner ses
comportements inadaptés d’addictions et d’évitements, pour les remplacer par l’expression de soi, le vécu de ses émotions et de
l’amour authentique.
La partie finale du traitement consiste à aider le patient à généraliser les changements, à partir de la relation thérapeutique et des
exercices d’imagerie en séance, aux relations avec des proches en dehors de la thérapie. Le thérapeute aide le patient à choisir des
proches qui soient capables d’une écoute attentionnée mutuelle et à se lier affectivement à ceux-ci. Il encourage le patient à faire sortir
l’Enfant Esseulé du plus profond de lui-même, au cours de ces relations, et à le maintenir accessible aux autres, pour qu’il puisse
donner et recevoir de l’amour.
Annexe
Questionnaire
des schémas de Young
Questionnaires des Schémas de Young
Sont actuellement disponibles les versions suivantes du Questionnaire des Schémas de Young :
Instructions
Vous allez trouver ci-dessous des affirmations qui pourraient être utilisées par une personne pour se
décrire elle-même. Nous vous prions de lire chaque affirmation et de décider à quel point elle donne une
bonne description de vous-même. Lorsque vous hésitez, basez votre réponse sur ce que vous ressentez
émotionnellement, et non pas sur ce que vous pensez rationnellement être vrai pour vous.
Si vous le désirez, corrigez et réécrivez l’affirmation de telle sorte qu’elle vous corresponde encore
mieux. Choisissez ensuite entre 1 et 6 le chiffre le plus élevé qui correspond à une bonne description de
vous-même (y compris vos corrections), et écrivez ce chiffre dans l’espace libre avant chaque
affirmation.
Échelle :
1. Cela ne m’a jamais correspondu tout au long de ma vie.
2. Cela a été vrai pour une période de ma vie, mais non pas la plupart du temps.
3. Cela me concerne en ce moment même, mais généralement cela ne m’a pas concerné durant ma vie.
4. Assez vrai pour moi durant la majeure partie de ma vie.
5. Tout à fait vrai pour moi la majeure partie de ma vie.
6. Me décrit parfaitement tout au long de ma vie.
1. Les autres n’ont pas satisfait mes besoins émotionnels.
2. Je n’ai reçu ni amour, ni attention.
3. La plupart du temps, je n’ai eu personne dont je dépende pour donner des conseils et un soutien
émotionnel.
4. La plupart du temps, je n’ai eu personne pour m’éduquer et avec qui je puisse partager une relation
ou pour se soucier profondément de tout ce qui m’arrive.
5. Pour la plus grande part de ma vie, je n’ai eu personne qui voulait être près de moi et passer
beaucoup de temps avec moi.
6. En général, les autres n’ont pas été présents pour me donner de la chaleur, du soutien et de
l’affection.
7. Pour la plus grande part de ma vie, je n’ai jamais eu le sentiment que je représentais quelqu’un
d’important pour quelqu’un d’autre.
8. En grande partie, je n’ai eu personne qui m’écoute réellement, me comprenne et soit en accord avec
mes vrais besoins et mes vrais sentiments.
9. J’ai eu rarement une personne forte pour me donner des avis valables ou pour m’indiquer le chemin à
suivre quand je n’étais par sûr(e) de ce qu’il fallait faire.
ed
10. Je suis préoccupé(e) par le fait que les gens que j’aime vont mourir bientôt même s’il y a peu de
raisons médicales pour valider ma préoccupation.
11. Je suis souvent en train de m’accrocher aux autres dont je suis proche car j’ai peur qu’ils ne me
quittent.
12. Je crains que les gens dont je me sens proche ne me quittent ou ne m’abandonnent.
13. J’ai le sentiment de manquer d’une base stable qui me soutienne émotionnellement.
14. Je n’ai pas le sentiment que les relations importantes dureront ; je m’attends à ce qu’elles finissent.
15. Je me sens en dépendance des partenaires qui ne peuvent être là pour moi d’une façon constante.
16. Je finirai seul(e).
17. Quand je sens que quelqu’un à qui je tiens s’éloigne de moi, je deviens désespéré(e).
18. Parfois, je suis si préoccupé(e) que les autres ne me quittent que je les rejette.
19. Je deviens bouleversé(e) quand quelqu’un me laisse seul(e) même pour une courte période.
20. Je ne peux compter sur la présence régulière de ceux qui me soutiennent.
21. Je ne peux me permettre d’être vraiment proche des autres car je ne peux être sûr(e) qu’ils seront
toujours là.
22. Il me semble que les personnes importantes dans ma vie sont toujours en train de venir et de
repartir.
23. Je m’inquiète beaucoup que les personnes que j’aime ne trouvent quelqu’un d’autre qu’ils préfèrent
et qu’ils m’abandonnent.
24. Les gens qui sont proches de moi sont toujours tout à fait imprévisibles ; un moment ils sont
disponibles et gentil(le)s puis ils sont en colère, bouleversés, préoccupés par eux-mêmes,
agressif(ve)s...
25. J’ai tellement besoin des autres que je m’inquiète de les perdre.
26. Je me sens tellement sans défense si je n’ai personne pour me protéger que je crains beaucoup de
perdre mes relations
27. Je ne peux être moi-même ou exprimer ce que je sens véritablement ou les autres me quitteront.
ab
28. J’ai l’impression que les autres abusent de moi.
29. Je me sens souvent dans la nécessité de me protéger vis-à-vis des autres.
30. Je sens que je ne peux pas baisser ma garde devant les autres sinon ils vont faire exprès de me
blesser.
31. Si une personne agit de façon aimable à mon égard, je considère qu’elle cherche à obtenir quelque
chose.
32. Être trahi(e) par quelqu’un est uniquement une question de temps.
33. La plupart des gens pensent uniquement à eux.
34. J’ai la plus grande difficulté à faire confiance aux autres.
35. Je trouve tout à fait suspectes les motivations des autres.
36. Les autres sont rarement honnêtes, ils ne sont pas en général ce qu’ils paraissent.
37. Habituellement, je cherche les motivations lointaines des autres.
38. Si je pense que quelqu’un cherche à me blesser, je cherche à le blesser en premier.
39. Les autres habituellement doivent faire leurs preuves avec moi avant que je leur accorde ma
confiance.
40. Je teste les autres pour voir s’ils me disent la vérité ou sont bien attentionnés.
41. Je suis d’accord avec la croyance : « contrôle ou sois contrôlé(e) ».
42. Je me mets en colère quand je pense aux façons dont j’ai été maltraité(e) par les autres tout au long
de ma vie.
43. Tout au long de ma vie, mes proches ont abusé de moi et m’ont utilisé pour leurs propres desseins.
44. J’ai été physiquement, émotionnellement ou sexuellement abusé(e)par des personnes importantes
dans ma vie.
ma
45. Je ne suis pas adapté(e).
46. Je suis fondamentalement différent(e) des autres.
47. Je suis à part ; je suis un(e) solitaire.
48. Je me sens éloigné(e) des autres.
49. Je me sens isolé(e) et seul(e).
50. Je me sens toujours à l’extérieur des groupes.
51. Personne ne me comprend vraiment.
52. Ma famille était toujours différente des familles aux alentours.
53. Je me sens souvent étranger(e).
54. Si je disparaissais demain, personne ne le remarquerait.
si
55. Aucun homme ou femme que je désire ne pourrait m’aimer une fois qu’il(elle) aurait vu mes
déficiences.
56. Aucune personne que je désire ne pourrait rester proche de moi si elle connaissait ce que je suis
réellement.
57. Je suis fondamentalement marqué(e) par un défaut et déficient(e).
58. Même si je me donne le plus grand mal, je sens qu’il ne me sera pas possible d’avoir le respect d’un
homme ou d’une femme importante et de sentir que je suis valable.
59. Je ne mérite pas l’amour, l’attention et le respect des autres.
60. Je sens que je suis quelqu’un que l’on ne peut pas aimer.
61. Je suis trop fondamentalement inacceptable pour me révéler aux autres.
62. Si les autres trouvaient mes déficiences fondamentales, je ne pourrais les rencontrer.
63. Lorsque les gens m’apprécient, je pense que je les trompe.
64. Souvent, je me sens attiré(e) par les gens qui sont vraiment critiques ou me rejettent.
65. J’ai des secrets intérieurs que je ne veux pas que mes proches connaissent.
66. C’est ma faute si mes parents n’ont pu m’aimer suffisamment.
67. Je ne laisse pas les gens connaître ce que je suis réellement.
68. Une de mes plus grandes peurs est que mes déficiences deviennent publiques.
69. Je ne puis comprendre comment qui que ce soit pourrait m’aimer.
ds
70. Je ne suis pas attirant(e) sexuellement.
71. Je suis trop gros(se).
72. Je suis laid(e).
73. Je ne peux soutenir une conversation convenable.
74. Je suis banal(e) et ennuyeux(se) dans des situations sociales.
75. Les gens que j’estime ne voudraient pas s’associer avec moi à cause de mon statut social (revenu,
niveau d’études, carrière...)
76. Je ne sais jamais que dire en société.
77. Les autres ne veulent pas m’accepter dans leur groupe.
78. Je m’observe vraiment beaucoup quand je suis en société.
Su
79. Presque rien de ce que je fais au travail (ou à l’école) ne vaut autant que ce que les autres font.
80. Je suis incompétent(e) quand il s’agit de réussir.
81. La plupart des gens sont plus capables que moi en ce qui concerne le travail et la réussite.
82. Je suis un raté.
83. Je n’ai pas autant de talent que les autres au travail.
84. Je ne suis pas aussi intelligent(e) que la plupart des gens quand il s’agit du travail (ou de l’école).
85. Je suis humilié(e) par mes fautes ou mes manques dans le monde du travail.
86. Je me sens souvent embarrassé(e) vis-à-vis des autres car je ne les vaux pas en termes de
réalisations.
87. Je compare souvent mes réalisations avec les autres et je trouve qu’ils ont beaucoup plus de
réussite.
fa
88. Je ne me sens pas capable de me débrouiller par moi-même dans la vie de tous les jours.
89. J’ai besoin des autres pour m’aider à m’en sortir.
90. Je n’ai pas le sentiment que je puisse bien m’adapter par moi-même.
91. Je crois que les autres peuvent prendre soin de moi mieux que je ne le peux moi-même.
92. J’ai des difficultés à prendre en charge de nouvelles tâches en dehors du travail à moins que
quelqu’un ne me guide.
93. Je me considère comme une personne dépendante en ce qui concerne le fonctionnement
quotidien.
94. Je gâche tout ce que j’entreprends même à l’extérieur du travail (ou à l’école).
95. Je suis stupide dans la plupart des domaines de la vie.
96. Si je fais confiance à mon propre jugement dans les situations quotidiennes, je prendrai la
mauvaise décision.
97. Je manque de bon sens.
98. On ne peut se fier à mon jugement dans les situations quotidiennes.
99. Je n’ai pas confiance dans ma capacité de résoudre les problèmes qui se posent tous les jours.
100. Je pense que j’ai besoin de quelqu’un sur qui je puisse compter pour me donner des conseils en ce
qui concerne les problèmes pratiques.
101. Je me sens plus un(e) enfant qu’un(e) adulte quand il s’agit de prendre en main les responsabilités
quotidiennes.
102. Je trouve que les responsabilités quotidiennes sont accablantes.
di
103. Il ne me semble pas possible d’échapper au sentiment que quelque chose de mauvais va bientôt
se passer.
104. J’ai le sentiment qu’un désastre naturel, criminel, financier ou médical pourrait frapper à tout
moment.
105. Je me soucie de devenir un(e) sans domicile fixe ou un(e) mendiant(e).
106. J’ai peur d’être attaqué(e).
107. Je sens que je dois être tout à fait prudent(e) en ce qui concerne l’argent ou autrement je finirai
avec rien.
108. Je prends de grandes précautions pour éviter de tomber malade ou d’être blessé(e).
109. Je me soucie de perdre tout mon argent et de déchoir.
110. Je me soucie de développer une maladie sérieuse même si rien de sérieux n’a été diagnostiqué
par un médecin.
111. Je suis quelqu’un de peureux.
112. Je me soucie beaucoup de ce qui va mal dans le monde : le crime, la pollution, etc.
113. J’ai souvent le sentiment que je pourrais devenir fou(folle).
114. J’ai souvent le sentiment que je suis sur le point d’avoir une attaque d’anxiété.
115. Je me soucie souvent que je pourrais avoir une attaque cardiaque,même s’il y a peu de raisons
médicales de s’en soucier.
116. Je pense que le monde est un endroit dangereux.
vh
117. Je n’ai pas été capable de me séparer de mes parents comme les autres personnes de mon âge
ont l’air de le faire.
118. Mes parents et moi avons tendance à être surimpliqués dans les vies et les problèmes des uns et
autres.
119. Il est vraiment difficile pour mes parents et moi de garder secrets des détails intimes sans se
sentir trahis ou coupables.
120. Mes parents et moi devons nous parler presque tous les jours ou autrement l’un de nous se sent
coupable, blessé(e), désappointé(e), ou seul(e)...
121. Je sens souvent que je n’ai pas une identité séparée de mes parents ou de mon partenaire.
122. J’ai souvent l’impression que mes parents vivent à travers moi – je n’ai pas une vie qui me soit
propre.
123. Il est vraiment difficile de maintenir une distance vis-à-vis des gens dont je suis intime ; j’ai des
difficultés à maintenir un sens séparé de moi-même, quel qu’il soit.
124. Je suis si impliqué(e) avec mon partenaire ou mes parents que je ne sais pas vraiment qui je suis
et ce que je veux.
125. J’ai des difficultés à distinguer mon point de vue ou mon opinion de celle de mes parents ou de
mon partenaire.
126. Je sens souvent que je n’ai pas d’intimité quand il s’agit de mes parents ou de mon partenaire.
127. Je sens que mes parents sont ou seraient véritablement blessés si je vivais seul(e) loin d’eux.
em
128. Je laisse les autres faire ce qu’ils veulent car j’ai peur des conséquences.
129. Je pense que si je fais ce que je veux, je suis seulement en train de créer des problèmes.
130. Je sens que je n’ai pas d’autre choix que de me soumettre aux souhaits des autres, ou autrement
ils exerceront des représailles ou me rejetteront d’une façon ou d’une autre.
131. Dans les relations, je laisse l’autre avoir la haute main sur moi.
132. Je laisse toujours les autres faire les choix pour moi, ainsi je ne sais pas vraiment ce que je veux
pour moi-même.
133. Je sens que les décisions majeures de ma vie n’étaient pas vraiment les miennes.
134. Je me soucie beaucoup de plaire aux autres pour qu’ils ne me rejettent pas.
135. J’ai beaucoup de difficultés à exiger que mes droits soient respectés et que mes sentiments soient
pris en compte.
136. Je réponds aux autres d’une manière faible plutôt que de montrer ma colère.
137. Je laisse beaucoup plus traîner les choses en longueur que la plupart des gens pour éviter les
confrontations.
sb
138. Je fais passer les besoins des autres avant les miens ou autrement je me sens coupable.
139. Je me sens coupable de laisser tomber les autres ou de les désappointer.
140. Je donne plus aux autres que je ne reçois en retour.
141. Je suis celui ou celle qui habituellement fini, par prendre soin des gens dont je suis proche.
142. Il n’y a presque rien que je pourrais refuser si j’aimais quelqu’un.
143. Je suis quelqu’un de bon car je pense aux autres plus qu’à moi-même.
144. Au travail, je suis habituellement celui ou celle qui est volontaire pour faire des tâches en plus ou
des heures supplémentaires.
145. Peu importe à quel point je suis occupé(e), je trouverai toujours du temps pour les autres.
146. Je peux m’en sortir avec vraiment peu car mes besoins sont minimes.
147. Je suis heureux(se) seulement quand ceux qui sont autour de moi le sont.
148. Je suis si occupé(e) à faire des choses pour les gens dont je me soucie que j’ai peu de temps pour
moi-même.
149. J’ai toujours été celui ou celle qui écoute les problèmes des autres.
150. Je me sens plus à l’aise en donnant un présent qu’en en recevant un.
151. On me voit comme quelqu’un qui en fait trop pour les autres mais pas assez pour moi-même.
152. Peu importe combien je donne, ce n’est jamais assez.
153. Si je fais ce que je veux, je me sens vraiment mal à l’aise.
154. Il m’est vraiment difficile de demander aux autres de se soucier de mes besoins.
ss
155. Je me soucie de perdre le contrôle de mes actions.
156. Je me soucie de ce que je pourrais faire du mal à quelqu’un physiquement ou émotionnellement si
je perdais tout contrôle sur ma colère.
157. Je sens que je dois contrôler mes émotions et mes impulsions ou quelque chose de mauvais risque
de m’arriver.
158. Beaucoup de colère et de ressentiment monte à l’intérieur de moi sans que je ne l’exprime.
159. Je suis trop préoccupé(e) de moi-même pour montrer les sentiments positifs (affection) aux autres
ou pour montrer que je m’en préoccupe.
160. Je trouve embarrassant de montrer mes sentiments aux autres.
161. Il me semble difficile d’être chaud et spontané.
162. Je me contrôle tant que les autres pensent que je suis sans émotion.
163. Les gens me considèrent comme trop contrôlé(e) émotionnellement.
ei
164. Je dois être le(a) meilleur(e) dans tout ce que je fais, je ne peux accepter d’être le(a) second(e).
165. Je m’efforce de maintenir presque toutes choses en ordre parfait.
166. Je dois apparaître sous mon meilleur jour la plupart du temps.
167. J’essaie de faire de mon mieux ; il ne suffit pas d’être assez bien.
168. J’ai tant de choses à réaliser qu’il ne me reste presque pas de temps pour véritablement me
relaxer.
169. Presque rien de ce que je fais n’est assez bon, je pourrais toujours faire mieux.
170. Je dois faire face à toutes mes responsabilités.
171. Je sens qu’il y a une pression constante pour que je réussisse et termine les choses.
172. Mes relations souffrent de ce que je m’impose trop de choses.
173. Ma santé souffre car je me mets moi-même sous une pression si importante pour bien faire.
174. Souvent, je sacrifie le plaisir et le bonheur pour atteindre mes idéaux.
175. Quand je fais une erreur, je mérite une forte critique.
176. Je ne peux me dégager facilement ou faire des excuses pour mes erreurs.
177. Je suis une personne tout à fait compétitive.
178. J’attache beaucoup de prix à l’argent et au statut social.
179. Je dois toujours être le numéro un en ce qui concerne mes activités.
us
180. J’ai beaucoup de difficultés à accepter qu’on me réponde non quand je veux quelque chose des
autres.
181. Je deviens souvent coléreux et irritable quand je ne peux pas avoir ce que je veux.
182. Je suis quelqu’un de particulier et je ne devrais pas accepter beaucoup des restrictions auxquelles
les autres doivent se soumettre.
183. Je déteste être limité(e) ou empêché(e) de faire ce que je veux.
184. J’ai le sentiment que je n’ai pas à suivre les règles et les conventions comme les autres.
185. Je ressens que ce que j’ai à offrir est de plus grande valeur que les contributions des autres.
186. Habituellement, je fais passer mes besoins avant ceux des autres.
187. Souvent, je trouve que je suis si impliqué(e) dans mes propres priorités que je n’ai pas le temps à
donner pour les autres et ma famille.
188. Souvent les gens me disent que je contrôle trop la façon dont les choses sont faites.
189. Je deviens vraiment irrité(e) contre les gens qui ne font pas ce que je leur demande.
190. Je ne peux tolérer que les autres me disent ce que je dois faire.
et
191. J’ai de grandes difficultés à m’arrêter de boire, de fumer, de trop manger et à arrêter d’autres
comportements problèmes.
192. Il ne me semble pas possible de me discipliner pour terminer des tâches de routine ou
ennuyeuses.
193. Souvent, je me permets de me laisser aller à des impulsions ou à exprimer des émotions qui me
créent des difficultés ou blessent les autres.
194. Si je ne peux atteindre un but, je deviens aisément frustré(e) et abandonne.
195. J’ai un moment tout à fait difficile quand je sacrifie une gratification immédiate pour mener à bien un
but à long terme.
196. Il m’arrive souvent, une fois que j’ai commencé à me sentir en colère, de ne vraiment pas pouvoir
me contrôler.
197. J’ai tendance à en faire trop, même si je sais que les choses sont mauvaises pour moi.
198. Je suis très facilement ennuyé(e).
199. Quand les tâches deviennent difficiles, habituellement, je ne peux persévérer et les terminer.
200. Je ne peux me concentrer sur quelque chose pendant trop longtemps.
201. Je ne peux me forcer à faire les choses qui ne me plaisent pas, même quand je sais que c’est pour
mon propre bien.
202. Je perds mon calme à la plus petite offense.
203. Il m’est arrivé(e) rarement d’être capable à me tenir à mes résolutions.
204. Je ne peux presque jamais me retenir de montrer aux gens mes véritables sentiments, même si
cela doit me coûter beaucoup.
205. Souvent, je fais des choses impulsivement que je regrette plus tard.
is
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Zajonc, R.B. (1984). On the primacy of affect. American Psychologist, 39, 117-123.
Index
A
Abandon/Instabilité (schéma d’) ; voir aussi domaine de séparation et rejet ; schémas inconditionnels
associé à d’autres schémas 1
description 1, 2, 3- 4
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5- 6, 7, 8
re-parentage partiel 1, 2
réponses d’adaptation 1, 2, 3
Abnégation (schéma d’) ; voir aussi schémas conditionnels, domaine d’orientation vers les autres
chez le thérapeute 1, 2, 3, 4
comparé au schéma de Recherche d’Approbation et de Reconnaissance 1
comportement en séance 1
description 1, 2, 3
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8- 9, 10, 11, 12
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1, 2
réponses d’adaptation 1
Adaptation (réponse d’)
description 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
exemples 1
modes et 1, 2, 3, 4
modification comportementale 1
Adaptation (styles d’)
avantages et inconvénients 1, 2, 3, 4, 5, 6
chez le thérapeute 1- 2
comparés aux réponses d’adaptation 1, 2, 3, 4
description 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19
diagnostic axe II 1, 2, 3, 4
identification 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
imagerie 1- 2
information des patients 1, 2
modèle cognitif 1, 2
modification comportementale 1, 2, 3, 4, 5, 6
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4, 5
Trouble de personnalité narcissique 1, 2, 3
Adulte Sain (mode de l’) ; voir aussi Modes du Trouble de personnalité
borderline 1- 2
description 1, 2, 3, 4, 5
imagerie 1- 2, 3, 4, 5
re-parentage partiel 1- 2
travail en imagerie sur les souvenirs traumatiques 1- 2
Affectifs (besoins) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Amygdalien (système) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Assujettissement (schéma d’) ; voir aussi schémas conditionnels ; domaine d’orientation vers les autres
chez le thérapeute 1, 2, 3
comparé à d’autres schémas 1, 2, 3, 4
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9- 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17
exemple de journal de schémas 1, 2
modèles comportementaux 1
Attachement (théorie de l’) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Auto-Magnificateur (mode de l’) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Auto-observation 1, 2
Auto-Tranquilliseur Détaché (mode de l’) 1, 2
B
Biologie des schémas (modèle) 1, 2
Borderline (Trouble de personnalité)
conceptualisation en termes de schémas 1
diagnostic 1
exemple de cas 1
fixer les limites 1
intimité 1, 2
mode Parent Punitif 1
modes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9- 10, 11, 12- 13, 14- 15
origines 1
re-parentage partiel 1
schéma de Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants 1
schéma de Punition 1, 2, 3, 4
schémas du thérapeute et 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
souvenirs traumatiques 1- 2
suicidalité 1, 2, 3, 4, 5, 6
traitement 1- 2
C
Chaise vide (technique de la) 1, 2- 3
Voir aussi dialogues
Changement (phase de) ; voir aussi modification comportementale ; méthodes cognitives ; méthodes émotionnelles
description 1
exemple de cas 1- 2
méthodes émotionnelles 1- 2
relation thérapeutique 1, 2
re-parentage partiel 1, 2
traitement 1, 2
Cognitive et comportementale (thérapie)
conditions 1, 2, 3, 4, 5
interférence avec les schémas 1, 2, 3
modification comportementale 1- 2
Trouble de personnalité borderline 1
Cognitives (distorsions) 1
Cognitives (méthodes) ; voir aussi phase de changement
arguments en faveur d’un schéma 1
but 1
description 1, 2, 3, 4, 5
dialogues entre les schémas 1, 2
fiches « mémo-flash » 1, 2
journal de schémas 1, 2
styles d’adaptation 1, 2
style thérapeutique 1
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4, 5- 6
Trouble de personnalité narcissique 1, 2
validité des schémas 1, 2
Cognitive (thérapie) 1, 2, 3, 4, 5, 6
Cognitivo-analytique (thérapie) 1, 2, 3, 4, 5, 6
Colère 1- 2, 3, 4
Voir aussi mode Enfant Coléreux
Compensateur (mode du) 1, 2, 3
Voir aussi modes des styles d’adaptation dysfonctionnels ; modes
Compensation ; voir aussi styles d’adaptation
changements de vie importants 1, 2, 3, 4
chez le thérapeute 1, 2, 3, 4
description 1, 2, 3
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
imagerie 1, 2
modification comportementale 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Questionnaire des Attitudes de Compensation de Young 1, 2
travail sur les modes 1
Trouble de personnalité narcissique 1, 2
Comportementale (modification) 1
changements majeurs 1
comportements cibles 1
description 1, 2, 3
établir des priorités 1
exemple de cas 1
fiches « mémo-flash » 1
motivation 1
quand débuter 1
répétition pour l’entraînement 1, 2
styles d’adaptation 1, 2, 3
surmonter les blocages 1, 2
taches assignées 1, 2
Voir aussi phase de changement
Comportementales (techniques)
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4
Trouble de personnalité narcissique 1
Conceptualisation du cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Conditionnels (schémas) 1, 2, 3, 4
Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants (schéma de) ; voir aussi domaine de manque de limites, schémas inconditionnels
associé à d’autres schémas 1
description 1, 2
exemple de cas 1, 2, 3
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
D
Définition d’un schéma 1, 2, 3, 4, 5
Dépendance/Incompétence (schéma de) ; voir aussi domaine de manque d’autonomie et de performance ; schémas inconditionnels
associé à d’autres schémas 1, 2, 3
chez le thérapeute 1, 2
description 1, 2- 3
exemple de cas 1, 2
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1, 2, 3
réponses d’adaptation 1
Développement de la thérapie de schémas 1, 2, 3, 4
Diagnostic et d’information (phase de) ; voir aussi diagnostic
buts 1
conceptualisation du cas 1, 2, 3, 4, 5, 6
description 1, 2, 3, 4, 5
diagnostic par l’imagerie 1, 2, 3, 4, 5, 6
étapes 1
évaluation initiale 1, 2
exemple de cas 1
information des patients 1, 2, 3, 4
inventaire historique 1, 2
inventaires 1, 2
rapport 1, 2, 3, 4, 5
relation thérapeutique 1, 2
re-parentage 1
schémas et styles d’adaptation du thérapeute 1
tempérament émotionnel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Diagnostic ; voir aussi phase de diagnostic et d’information
imagerie 1, 2, 3, 4, 5, 6
méthodes émotionnelles 1
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4
Trouble de personnalité narcissique 1, 2, 3
Dialogues
description 1, 2
en imagerie 1, 2, 3
exemple de cas 1
mode du Protecteur Détaché 1, 2
modification comportementale 1, 2, 3
travail sur les modes 1, 2
Trouble de personnalité borderline 1
Trouble de personnalité narcissique 1
Dissociés (états) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Domaines de schémas
description 1, 2
domaine de manque d’autonomie et de performance 1
domaine de manque de limites 1, 2
domaine de séparation et rejet 1
domaine de survigilance et inhibition 1
domaine d’orientation vers les autres 1
Droits Personnels Exagérés/Grandeur (schéma de) ; voir aussi domaine de manque de limites ; schémas inconditionnels
comparé au schéma d’Abnégation 1
comparé au schéma de Recherche d’Approbation et de Reconnaissance 1
comportement en séance 1
description 1, 2- 3, 4, 5, 6, 7, 8
exemple de cas 1
les schémas du thérapeute et le 1
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
Trouble de personnalité narcissique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
E
Échec (schéma d’) ; voir aussi domaine de manque d’autonomie et de performance ; schémas inconditionnels
chez le thérapeute 1, 2
description 1, 2- 3
exemple de cas 1, 2, 3
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1, 2
réponses d’adaptation 1
Émotionnelles (méthodes) ; voir aussi phase de changement ; schémas individuels
buts des 1
description 1, 2, 3, 4, 5
évitement 1, 2
imagerie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
lettres aux parents 1, 2
re-parentage partiel 1, 2, 3
souvenirs traumatiques 1
thérapie cognitive 1
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Émotion (thérapie centrée sur l’) 1, 2, 3
Empathique (confrontation) ; voir aussi relation thérapeutique
à la phase de changement 1, 2
description 1, 2, 3
exemple de cas 1, 2
Trouble de personnalité narcissique 1
Enfant (modes de l’) 1, 2, 3, 4, 5
Voir aussi modes
Enfant Abandonné (mode de l’) ; voir aussi mode de l’Enfant Vulnérable
description 1, 2
re-parentage partiel 1, 2
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Enfant Colèreux (mode de l’) ; voir aussi colère ; Modes de l’Enfant ; modes
description 1, 2, 3, 4
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Enfant Esseulé (mode de l’) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Voir aussi modes
Enfant Heureux (mode de l’) 1, 2, 3
Voir aussi modes de l’Enfant
Enfant Impulsif/Indiscipliné (mode de l’) 1
Voir aussi modes de l’Enfant
Enfant Vulnérable (mode de l’) ; voir aussi modes de l’Enfant ; modes
description 1, 2, 3, 4, 5
imagerie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Trouble de personnalité borderline 1
Envie 1, 2, 3
Environnement 1
Voir aussi expériences infantiles
Évitement ; voir aussi modification comportementale
changements majeurs 1, 2, 3
chez le thérapeute 1, 2, 3
description 1, 2, 3
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
imagerie 1, 2, 3, 4, 5, 6
méthodes émotionnelles, questionnaire d’évitement de Young-Rygh 1, 2, 3
style d’adaptation 1, 2, 3, 4, 5
surmonter 1, 2, 3, 4
travail sur les modes 1
Troubles du caractère 1
F
Fiches « mémo-flash »
modification comportementale 1, 2
rédaction 1, 2
Trouble de personnalité borderline 1, 2
Fixer des limites 1, 2, 3, 4
Fragile (schéma de Droits personnels Exagérés) 1
Voir aussi Trouble de personnalité narcissique
Fusionnement/Personnalité Atrophiée (schéma de) ; voir aussi domaine de manque d’autonomie et de performance ; schémas
inconditionnels
description 1, 2
exemple de cas 1
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
G
Groupe (thérapie de) 1
Guérison des schémas 1, 2, 3, 4
H
Historique de vie 1, 2
Voir aussi questionnaires
Historique du concept de schéma 1, 2, 3, 4
I
Idéaux Exigeants/Critique Excessive (schéma d’) 1
associé à d’autres schémas 1, 2
chez le thérapeute 1, 2
comparé à d’autres schémas 1
comportement en séance 1
description 1, 2, 3
exemple de cas 1, 2, 3, 4
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
Voir aussi schémas conditionnnels, domaine de survigilance et d’inhibition
Identification des schémas 1
Imagerie (diagnostic par l’) ; voir aussi diagnostic
description 1, 2, 3, 4, 5, 6
évitement 1, 2
exemple de cas 1, 2, 3
relation thérapeutique 1, 2, 3
Imagerie ; voir aussi schémas individuels
à partir de l’enfance 1, 2
conceptualisation en termes de schémas 1
diagnostic 1
dialogues 1, 2, 3
événements activateurs 1
évitement 1, 2, 3, 4
exemple de cas 1
modification comportementale 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
présentation 1
relier le passé au présent 1
re-parentage 1
souvenirs traumatiques 1, 2, 3, 4, 5
travail sur les modes 1
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Trouble de personnalité narcissique 1, 2, 3, 4
Imperfection/Honte (schéma d’) ; voir aussi domaine de séparation et rejet ; schémas inconditionnels
associé à d’autres schémas 1, 2, 3, 4, 5
chez le thérapeute 1, 2, 3
description 1
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
exemple de dialogue 1
exemple de lettres aux parents 1
exemple de mise à l’épreuve de la réalité 1
imagerie 1, 2, 3
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1, 2, 3, 4
réponses d’adaptation 1
Trouble de personnalité narcissique 1
Inconditionnels (schémas) 1, 2, 3
Infantiles (expériences) 1, 2, 3, 4, 5
Internalisation 1
Intimité 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Voir aussi relation
Inventaire des Attitudes de Compensation de Young 1, 2, 3, 4
Voir aussi questionnaires
Inventaire des Attitudes Parentales de Young 1, 2, 3, 4, 5, 6
Voir aussi questionnaires
Inventaire historique 1, 2, 3
Inventaires des Attitudes d’Évitement de Young et Rygh 1, 2, 3, 4
Voir aussi questionnaires
Isolement Social (schéma d’) ; voir aussi domaine de séparation et de rejet ; schémas inconditionnels
chez le thérapeute 1
description 1, 2
exemple de cas 1
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
J
Journal de schémas 1, 2, 3
L
Lettres aux parents 1, 2, 3, 4
Limites (fixer les) 1, 2, 3, 4
M
Maintien des schémas 1, 2, 3, 4
Manque Affectif (schéma de) ; voir aussi domaine de séparation et rejet, tempérament, schémas inconditionnels
associé à d’autres schémas 1, 2, 3
caractéristiques 1
description 1, 2, 3
diagnostic cognitif 1
dialogues en imagerie 1
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
Trouble de personnalité narcissique 1, 2, 3
Manque d’Autonomie et de Performance (domaine de) ; voir aussi domaines, schémas
description 1
schéma d’Échec 1, 2
schéma de Dépendance/Incompétence 1
schéma de Fusionnement/Personnalité Atrophiée 1
schéma de Peur du Danger ou de la Maladie 1
Manque de Limites (domaine de) ; voir aussi domaines, schémas
description 1, 2, 3
schéma de Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants 1
schéma de Droits Personnels Exagérés/Grandeur 1
thérapie cognitive et comportementale 1
Trouble de personnalité borderline 1, 2
Médicaments 1, 2, 3, 4, 5, 6
Méditation de pleine conscience (mindfulness) 1, 2, 3
Méfiance/Abus (schéma de) ; voir aussi domaine de séparation et rejet ; schémas inconditionnels
caractéristiques 1
description 1, 2
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
exemple de dialogue 1, 2
exemple d’imagerie 1, 2, 3
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1, 2, 3
réponses d’adaptation 1
Modèles de travail internes 1
Modes (travail sur les)
avantages à modifier un mode 1
description 1
dialogue 1
étapes 1
exemple de cas 1
explorer les origines des 1
généralisation à partir des séances 1
identification 1
imagerie 1
quand l’utiliser 1
relier le présent au passé 1
Modes ; voir aussi modes individuels
description 1, 2, 3
le DSM-IV et les modes 1, 2
mode de l’Adulte Sain 1, 2, 3, 4
modèle cognitif 1, 2
modes de l’Enfant 1, 2, 3
modes des styles d’adaptation dysfonctionnels 1, 2, 3
modes du Parent Dysfonctionnel 1
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3
Trouble de personnalité narcissique 1
N
Narcissique (Trouble de personnalité)
chez le thérapeute 1
comparé au schéma de Droits Personnels Exagérés 1, 2
diagnostic 1
diagnostic DSM-IV 1, 2
exemple de cas 1, 2, 3, 4, 5
modes et 1, 2
obstacles au traitement 1, 2
origines 1
relations et 1, 2
schéma de Droits Personnels Exagérés/Grandeur 1, 2
traitement 1, 2, 3
Négativité/Pessimisme (schéma de) ; voir aussi domaine de Survigilance et Inhibition ; schémas inconditionnels
description 1, 2
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
O
Obsessionnel-Compulsif (Trouble de personnalité) 1, 2
Orientation vers les autres (domaine d’) ; voir aussi domaines, schémas
description 1
schéma d’Abnégation 1, 2
schéma d’Assujettissement 1
schéma de Recherche d’Approbation et de Reconnaissance 1, 2, 3, 4, 5
Origine des schémas 1
P
Parent Dysfonctionnel (modes du) 1, 2, 3, 4, 5
chez le thérapeute 1, 2, 3
dialogues en imagerie 1, 2, 3
travail d’imagerie pour le reparentage 1
Voir aussi modes
Parent Exigeant (mode du) 1, 2, 3, 4, 5
Voir aussi modes
Parent Punitif (mode du) ; voir aussi modes du Trouble de personnalité
borderline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
description 1, 2, 3, 4
exemple de cas 1
Patient (déterminer si la thérapie de schémas convient bien au) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Personne (thérapie de schémas de) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Peur du Danger ou de la Maladie (schéma de) ; voir aussi domaine de manque d’autonomie et de performance ; schémas
inconditionnels
description 1, 2
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
Préverbaux (schémas) 1
Protecteur Détaché (mode du) ; voir aussi modes de styles adaptatifs dysfonctionnels ; modes
description 1, 2, 3
dialogue avec 1, 2
surmonter l’évitement 1
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Psychodynamique (approche) 1, 2, 3, 4
Punition (schéma de) ; voir aussi domaine de survigilance et d’inhibition ; schémas inconditionnels
description 1, 2, 3, 4, 5
exemple de cas 1, 2, 3
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
Q
Questionnaire des Schémas de Young 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Voir aussi questionnaires
Questionnaires 1, 2
Voir aussi diagnostic
R
Recherche d’Approbation et de Reconnaissance (schéma) ; voir aussi schémas conditionnels
associé à d’autres schémas 1
description 1, 2, 3, 4, 5, 6
domaine d’orientation vers les autres modèles comportementaux 1
réponses d’adaptation 1
Relations ; voir aussi relation thérapeutique
« chimie des schémas » 1
domaine de séparation et rejet 1
patients présentant des troubles du caractère 1, 2, 3, 4
relation thérapeutique 1, 2, 3
Trouble de personnalité narcissique 1, 2, 3, 4
Relation thérapeutique ; voir aussi schémas individuels
conceptualisation du cas 1, 2, 3
confrontation empathique 1, 2, 3, 4
description 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
diagnostic 1
diagnostic d’imagerie 1, 2, 3
information du patient 1, 2
les schémas et styles d’adaptation du thérapeute 1
modèle cognitif 1, 2
modèle psychodynamique 1
modification comportementale 1, 2
phase de changement 1, 2
rapport collaboratif 1, 2, 3, 4, 5
re-parentage partiel 1
souvenirs traumatiques 1, 2
théorie de l’attachement 1
thérapie centrée sur l’émotion 1
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
re-parentage 1, 2, 3, 4
Voir aussi re-parentage partiel
re-parentage partiel ; voir aussi schémas individuels ; re-parentage ; relation thérapeutique
description 1, 2, 3, 4
détermination des besoins 1
imagerie 1, 2
phase de changement 1, 2
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3, 4
Révélation de soi 1, 2, 3, 4
S
Séparation et rejet (domaine de) 1
description 1
re-parentage partiel 1
schéma d’Abandon/Instabilité 1
schéma de Manque Affectif 1, 2
schéma de Méfiance/Abus 1
schéma d’Imperfection/Honte 1
schéma d’Isolement Social 1
thérapie cognitive et comportementale 1
Voir aussi domaines, schémas
Sévérité des schémas 1
Somatiques (symptômes) 1, 2, 3
Souffrance (exprimer) 1
Soumis Obéissant (mode du) 1, 2, 3, 4, 5
Voir aussi modes de styles d’adaptation dysfonctionnels ; modes
Soumission 1
chez le thérapeute 1
description 1
exemple de cas 1
exemples de réponses 1
modification comportementale 1, 2, 3
Voir aussi styles d’adaptation
Souvenirs 1, 2, 3, 4, 5, 6
Styles d’Adaptation Dysfonctionnels (modes des) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Voir aussi modes
Suicidalité 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Surcontrôle Émotionnel (schéma de) ; voir aussi schémas conditionnels ; domaine de survigilance et inhibition
chez le thérapeute 1, 2
description 1, 2, 3, 4
exemple de cas 1, 2
modèles comportementaux 1
re-parentage partiel 1
réponses d’adaptation 1
Survigilance et Inhibition (domaine de) ; voir aussi domaines, schémas
description 1, 2
les schémas de ce domaine 1, 2, 3, 4, 5
T
Tempérament
diagnostic 1, 2, 3, 4
émotionnel 1, 2, 3, 4
expériences infantiles précoces 1
réponses d’adaptation 1
rôle 1
Thérapeutique (style) 1
Traitement 1, 2, 3, 4, 5
Voir aussi Trouble de personnalité borderline, schémas individuels
Traumatismes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Trouble de personnalité borderline 1, 2, 3
description 1, 2, 3
V
Validité du schéma 1, 2
Vulnérabilité, modelée par le thérapeute 1
Les auteurs
Jeffrey E. Young, PhD, travaille au Département de psychiatrie de l’Université de Columbia (USA). Il est
également fondateur et directeur des Centres de thérapie cognitive de New York et du Connecticut, ainsi
que de l’Institut de schéma-thérapie. Le Dr Young est l’auteur de nombreuses publications internationales
de thérapie cognitive depuis 20 ans. Il a formé des milliers de professionnels de santé mentale et il est
particulièrement renommé pour ses capacités pédagogiques.
Il est le créateur de la thérapie des schémas (ou schéma-thérapie), approche intégrative des troubles
chroniques et des patients difficiles à traiter, et il a publié deux livres importants — Cognitive Therapy for
Personality Disorders : A Schema-Focused Approach, écrit pour les professionnels de santé mentale, et
un livre traduit en français, Je réinvente ma vie (avec Janet S. Klosko), destiné au grand public. Il a été
consultant dans plusieurs études subventionnées par le gouvernement américain, telle la Collaborative
Study of Depression du National Institute of mental health. Le Dr Young fait également partie du comité
de rédaction des périodiques suivants : Cognitive Therapy and Research et Cognitive and Behavioral
Practice.
Janet S. Klosko, PhD, est co-directeur du Centre de thérapie cognitive de Long Island, New York, et
psychologue à l’Institut de schéma-thérapie de Manhattan ainsi qu’au Centre de santé féminine de
Woodstock, à New York. Elle est diplômée en psychologie clinique de la State University of New York
(SUNY) à Albany, et a enseigné à la Brown University Medical School. À la SUNY, elle a travaillé avec
David H. Barlow, dans le domaine des troubles anxieux. Le Dr Klosko a obtenu deux distinctions : la
Albany Award for Excellence in Research et une Dissertation Award de l’American Psychological
Association. Elle est co-auteur (avec William Sanderson) de Cognitive-Behavioral Treatment of
Depression, et (avec Jeffrey E. Young) de Je ré-invente ma vie.
Marjorie E. Weishaar, PhD, est professeur de psychiatrie à la Brown University Medical School, où elle
enseigne la thérapie cognitive ; elle y a reçu deux distinctions pour son enseignement. Elle est diplômée
de l’Université de Pennsylvanie. Elle a été formée à la thérapie cognitive par Aaron T. Beck, et à la
schéma-thérapie par Jeffrey E. Young. Elle est l’auteur de Aaron T. Beck, un livre sur la thérapie
cognitive et son fondateur. Elle est également l’auteur de nombreux articles et chapitres de livres de
thérapie cognitive, notamment dans le domaine du risque suicidaire. Actuellement, elle exerce à titre privé
à Providence, Rhode Island.
2e édition 2017
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atteinte à ses droits de propriétéintellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
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Table of Contents
Page de titre
Sommaire
Préface de l’édition américaine
Préface
1. Une brève histoire des schémas cognitifs
1.1. Schéma et structure du système nerveux
1.2. Schéma et système personnel de croyances
2. La thérapie cognitive
3. Schémas cognitifs et neurosciences cognitives
4. La thérapie des schémas précoces inadaptés
Avant-propos du traducteur
Chapitre 1 - Modèle théorique de la thérapie des schémas
1. De la thérapie cognitive à la thérapie des schémas
2. Développement de la thérapie des schémas
3. Les Schémas Précoces Inadaptés
3.1. Histoire du concept de schéma
3.2. Définition du Schéma selon Young
3.3. Caractéristiques des Schémas Précoces Inadaptés
3.4. Origines des Schémas
3.5. Les domaines de Schémas et les Schémas Précoces inadaptés
3.6. Schémas conditionnels et inconditionnels
3.7. Interférence des Schémas avec la thérapie cognitivo-comportementale
classique
3.8. Arguments empiriques en faveur des Schémas Précoces Inadaptés
3.9. Biologie des Schémas Précoces Inadaptés
3.10. Opérations sur les schémas
4. Les styles d’adaptation dysfonctionnels (ou stratégies dysfonctionnelles)
4.1. Les trois styles d’adaptation dysfonctionnels
4.2. La soumission au schéma
4.3. L’évitement du schéma
4.4. La compensation du schéma
4.5. Les réponses d’adaptation
4.6. Schémas, réponses d’adaptation et troubles de l’Axe II
5. Les modes de schémas
5.1. Les modes de schémas dysfonctionnels en tant qu’états dissociés
5.2. Développement du concept de mode
5.3. Les modes en tant qu’états dissociés
5.4. Les 10 modes de Schémas
6. Diagnostic et changement des schémas
6.1. Phase de diagnostic des schémas et d’information du patient
6.2. Phase de changement
7. Comparaison de la thérapie des schémas aux autres modèles
7.1. Le modèle reformulé de Beck
7.2. L’approche psychodynamique
7.3. La théorie de l’attachement de Bowlby
7.4. La thérapie cognitivo-analytique de Ryle
7.5. La thérapie des schémas de personne de Horowitz
7.6. La thérapie centrée sur l’émotion
Chapitre 2 - Diagnostic des schémas et information du patient
1. Conceptualisation du cas centrée sur les schémas
2. Le processus de diagnostic et d’information dans le détail
2.1. Évaluation initiale
2.2. Historique ciblé
2.3. Les inventaires des schémas
2.4. Déclencher les schémas par l’imagerie et comprendre leur origine dans
l’enfance ou l’adolescence
2.5. Surmonter l’évitement de schéma
2.6. Étude de la relation thérapeutique
2.7. Établir le tempérament émotionnel
2.8. Autres méthodes
2.9. Information du patient
2.10. Formulation complète du cas selon la schéma-thérapie
Chapitre 3 - Méthodes cognitives
1. Aperçu général des techniques cognitives
2. Style thérapeutique
3. Techniques cognitives
3.1. Tester la validité des schémas
3.2. Reconsidérer les arguments en faveur du schéma
3.3. Évaluer les avantages et les inconvénients des réponses d’adaptation du
patient
3.4. Mener des dialogues entre le « côté du schéma » et le « côté sain »
3.5. Les fiches « mémo-flash »
3.6. Journal de Schémas
Chapitre 4 - Méthodes émotionnelles
1. Imagerie et dialogues durant la phase diagnostique
1.1. Présentation du travail d’imagerie aux patients
1.2. Imagerie tirée de l’enfance
1.3. Imagerie reliant le passé au présent
1.4. Conceptualiser l’imagerie en termes de schémas
1.5. Imagerie de personnages proches du patient dans son enfance
1.6. Sommaire de l’imagerie à but diagnostic
2. Techniques émotionnelles pour la phase de changement
2.1. Principe
2.2. Dialogues en imagerie
2.3. Travail d’imagerie pour le re-parentage
2.4. Les souvenirs traumatiques
2.5. Lettres aux parents
2.6. Imagerie pour la modification comportementale
3. Surmonter les obstacles dans le travail émotionnel : l’évitement de schémas
3.1. Expliquer le principe au patient
3.2. Attendre la permission
3.3. Imagerie de relaxation avec force émotionnelle progressivement
croissante
3.4. Médicaments
3.5. L’expression corporelle
3.6. Dialogue avec le Protecteur Détaché
Chapitre 5 - La modification comportementale
1. Les styles d’adaptation
1.1. Styles d’adaptation spécifiquement liés à un schéma
2. Quand débuter la modification comportementale
3. Définir pour cibles des comportements spécifiques
3.1. Affiner la conceptualisation du cas
3.2. Description détaillée des comportements problématiques
3.3. Imagerie des événements activateurs
3.4. La relation thérapeutique
3.5. Relation avec les proches
3.6. Inventaires des schémas
4. Établir une priorité dans les comportements à changer
4.1. Changer des comportements plutôt que faire changer la vie
4.2. Commencer par le comportement le plus problématique
5. Motiver pour le changement comportemental
5.1. Relier le comportement ciblé à ses origines infantiles
5.2. Lister les avantages et inconvénients à conserver le comportement ciblé
6. Faire une fiche
7. Répéter le comportement sain en imagination et en jeux de rôle
8. Se mettre d’accord sur une tâche à domicile
9. Revoir la tâche en séance
10. Exemple d’un cas de modification comportementale
11. Surmonter les obstacles au changement comportemental
11.1. Compréhension du blocage
11.2. Imagerie
11.3. Dialogues entre le blocage et le côté sain
11.4. Fiches « mémo-flash »
11.5. Ré-assignation de la tâche
11.6. Renforçateurs
12. Comment faire des changements majeurs
Chapitre 6 - La relation thérapeutique
1. La relation thérapeutique à la phase de diagnostic
1.1. Le thérapeute établit le rapport collaboratif
1.2. Le thérapeute conceptualise le cas
1.3. Le thérapeute détermine les besoins de re-parentage du patient
1.4. Les qualités du schéma-thérapeute idéal
1.5. Les schémas et les styles d’adaptation du thérapeute
1.6. Exemples dans lesquels les schémas du thérapeute ont un impact négatif
sur la relation thérapeutique
1.7. Le rôle de la relation thérapeutique dans l’information du patient
2. La relation thérapeutique à la phase de changement
2.1. La confrontation empathique (ou mise à l’épreuve empathique de la
réalité)
2.2. Le re-parentage partiel à la phase de changement
Chapitre 7 - Plans détaillés de traitement des schémas
1. Domaine de séparation et rejet
1.1. Abandon/Instabilité
1.2. Méfiance/Abus
1.3. Manque Affectif
1.4. Imperfection/Honte
1.5. Isolement Social
2. Domaine de manque d’autonomie et de performance
2.1. Dépendance/Incompétence
2.2. Peur du Danger ou de la Maladie
2.3. Fusionnement/Personnalité Atrophiée
2.4. Échec
3. Domaine de manque de limites
3.1. Droits Personnels Exagérés/Grandeur
3.2. Contrôle de Soi/Autodiscipline Insuffisants
4. Domaine d’orientation vers les autres
4.1. Assujettissement
4.2. Abnégation
4.3. Recherche d’Approbation et de Reconnaissance
5. Domaine de sur-vigilance et d’inhibition
5.1. Négativité/Pessimisme
5.2. Surcontrôle Émotionnel
5.3. Idéaux Exigeants/Critique Excessive
5.4. Punition
Chapitre 8 - Le travail sur les modes de schémas
1. Quand utiliser l’approche des modes ?
2. Les modes de schémas habituels
2.1. Les modes de l’Enfant
2.2. Les modes des Styles d’Adaptation Dysfonctionnels
2.3. Les modes du Parent Dysfonctionnel
2.4. Le mode de l’Adulte Sain
3. Les sept étapes du travail sur les modes
4. Exemple de cas : Annette
4.1. Étape 1 : Identifier et nommer les modes du patient
4.2. Étape 2 : Explorer les origines et la valeur adaptative des modes
4.3. Étape 3 : Établir la relation entre les modes et les problèmes actuels
4.4. Étape 4 : Démontrer l’avantage qu’il y a à modifier ou à se débarrasser
d’un mode
4.5. Étape 5 : Accéder à l’Enfant Vulnérable grâce à l’imagerie
4.6. Étape 6 : Mener des dialogues entre les modes, le thérapeute tenant le
rôle de l’Adulte Sain
4.7. Étape 7 : Aider le patient à généraliser le travail sur les modes aux
situations de la vie de tous les jours
Chapitre 9 - Thérapie des schémas pour le trouble de personnalité borderline
1. Conceptualisation des schémas du trouble de personnalité borderline
1.1. Les modes de schémas chez le patient borderline
1.2. Origines hypothétiques du trouble de personnalité borderline
1.3. Les critères diagnostiques du DSM-IV pour le trouble de personnalité
borderline et les modes de schémas
2. Traitement des patients borderlines
2.1. Philosophie du traitement
2.2. Objectifs généraux du traitement : les modes
2.3. Aperçu général du traitement
2.4. Description détaillée du traitement
2.5. Aider l’Enfant Coléreux et l’Enfant Abandonné à s’adapter
2.6. Fixer les limites
2.7. Prise en charge des crises suicidaires
2.8. Travailler sur les souvenirs infantiles traumatiques d’abus ou d’abandon
2.9. Favoriser l’intimité et l’individuation
2.10. Les pièges du thérapeute
3. Conclusion
Chapitre 10 - Thérapie des schémas du trouble de la personnalité narcissique
1. Les modes de schémas chez le narcissique
1.1. Autres schémas
1.2. Le mode Enfant Esseulé
1.3. Le mode Auto-Magnificateur
1.4. Le mode Auto-Tranquilliseur Détaché
2. Critères DSM-IV du trouble de la personnalité narcissique
3. Le trouble de la personnalité narcissique opposé au simple schéma de Droits Personnels
Exagérés
4. Les origines infantiles du narcissisme
4.1. La solitude et l’isolement
4.2. L’insuffisance des limites
4.3. Les antécédents d’utilisation ou de manipulation
4.4. L’approbation conditionnelle
4.5. Antécédents infantiles typiques chez ces patients
5. Le narcissique et les relations intimes
5.1. Les narcissiques sont incapables d’absorber l’amour qu’ils reçoivent
5.2. Les relations en tant que sources d’approbation et de reconnaissance
5.3. L’empathie limitée
5.4. L’envie
5.5. Idéalisation et dévalorisation des objets d’amour
5.6. Les Droits Personnels Exagérés dans les relations
5.7. L’Auto-Tranquilliseur Détaché en l’absence de validation externe
6. Diagnostic du narcissisme
6.1. Observation du comportement du patient au cours des séances
6.2. Nature des problèmes actuels et antécédents du patient
6.3. Description de l’enfance et réponse aux exercices d’imagerie
6.4. Le Questionnaire des Schémas de Young et autres mesures
7. Exemple de cas
7.1. Problème et état clinique actuels
8. Traitement du narcissisme
8.1. But principal du traitement
8.2. Le thérapeute utilise les plaintes du patient comme moyen d’action
8.3. Le thérapeute se lie à l’Enfant Esseulé
8.4. Le thérapeute confronte avec tact le style condescendant ou provocateur
du patient
8.5. Le thérapeute exprime ses droits avec tact chaque fois que le patient les
viole
8.6. Le thérapeute montre qu’il peut être vulnérable
8.7. Le thérapeute introduit le concept du mode Enfant Esseulé
8.8. Le thérapeute explore les origines infantiles des modes grâce à
l’imagerie
8.9. Le thérapeute travaille avec le patient sur les modes
8.10. Le thérapeute explore les fonctions adaptatives des modes de Styles
Adaptatifs Dysfonctionnels
8.11. Le thérapeute apprend aux modes à négocier au travers des dialogues
de schémas
8.12. Le thérapeute relie l’Enfant Esseulé et les relations proches actuelles
8.13. Le thérapeute aide le patient à généraliser les changements dans la
thérapie à la vie en dehors de la thérapie
8.14. Le thérapeute introduit des stratégies cognitives et comportementales
9. Obtacles fréquents lors du traitement du narcissisme
Annexe - Questionnaire des schémas de Young
Bibliographie
Index
Les auteurs
Notes
Page de copyright
Résumé