Thérapies Cognitives Et Émotions La Troisième Vague
Thérapies Cognitives Et Émotions La Troisième Vague
Thérapies Cognitives Et Émotions La Troisième Vague
émotions
La troisième vague
Chez le même éditeur
Manuel de psychiatrie, J.-D. Guelfi, F. Rouillon, 2e édition, 2012, 888 pages.
Cas cliniques en thérapies comportementales et cognitives, J. Palazzolo,
2e édition, collection Pratiques en psychothérapie. 2012, 280 pages.
Traitement du trouble de la personnalité borderline - Thérapie cognitive
émotionnelle, F. Mehran, 2e édition, collection Médecine et psychothérapie,
2011, 320 pages.
Les personnalités pathologiques, Q. Debray, 6e édition, collection Médecine
et psychothérapie. 2011, 240 pages.
Les psychothérapies comportementales et cognitives, J. Cottraux, collection
Médecine et psychothérapie. 2011, 384 pages.
Psychopathologie de l’adulte, Q. Debray, B. Granger, F. Azais, 4e édition,
collection Les âges de la vie. 2010, 488 pages.
TCC et neurosciences, J. Cottraux, collection Médecine et psychothérapie.
2009, 240 pages.
Psychothérapie cognitive de la dépression, I.M. Blackburn, J. Cottraux,
3e édition, collection Médecine et psychothérapie. 2008, 240 pages.
Psychothérapies cognitives des troubles de la personnalité, J. Cottraux,
I. M. Blackburn, 2e édition, collection Pratiques en psychothérapie. 2006,
320 pages.
Protocoles et échelles d’évaluation en psychiatrie et psychologie,
M. Bouvard, J. Cottraux, 5e édition, collection Pratiques en psychothérapie.
2010, 348 pages.
Thérapies cognitives
et émotions
La troisième vague
Coordonné par
Jean COTTRAUX
Avec
Franck Dattilio, Firouzeh Mehran, Dominique Page, Pierre Philippot, Charles Pull,
Marie-Claire Pull, Aziz Salamat, Richard Toth, Philippe Vuille
2e édition
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Figure 1.1
La carte de Tendre dans Clélie de Madeleine de Scudéry (1607-1701).
La vague comportementale
Une première vague est comportementale et se situe entre les années 1950
et 1980. Elle parlait peu d’émotion car elle se référait au modèle comporte-
mental radical de Skinner, qui repose essentiellement sur l’analyse expéri-
mentale du comportement par l’étude des contingences de renforcement.
Les motivations, les émotions et les réactions physiologiques aussi bien que
les cognitions ne sont que des effets des contingences de renforcement
qui les façonnent de l’extérieur. Un réarrangement judicieux du monde
extérieur devrait suffire à les changer de manière favorable en utilisant les
bons renforçateurs (Skinner, 1962 ; 1974a). Les limites de ce modèle sont
évidentes. Il est circulaire puisque les renforçateurs expliquent le renforce-
ment et vice-versa. Il est aussi métaphysique et réductionniste.
Dans un roman écrit par Skinner Walden Two (1962), il peut devenir uto-
piste. Il s’agit d’une utopie positive, où Skinner parodie un célèbre roman
américain du xixe siècle écrit par Thoreau : Walden. Il propose l’histoire
d’une communauté entièrement régie par les lois de l’apprentissage skin-
nerien et donc les « bonnes contingences de renforcement ». Skinner fut
attaqué par le sénateur Robert Kennedy, qui lui reprocha de soutenir un
modèle de contrôle social qui ressemblait fort au communisme. On peut
facilement objecter à Skinner : « Qui va contrôler ceux qui contrôlent les
autres pour leur propre bien ? ».
6 Thérapies cognitives et émotions
Sur un plan plus scientifique, Skinner fait constamment peu de cas des
contraintes génétiques sur l’apprentissage, explorées par les éthologistes. Il
accordait peu d’importance aux processus intermédiaires entre les stimuli et
les réponses, mis au jour par les thérapeutes cognitivistes et les neurosciences
cognitives. De même, les processus innés sous-jacents au langage furent
considérés avec peu d’intérêt (Skinner, 1957), ce qui entraînera une polé-
mique célèbre avec le linguiste Noam Chomsky (1970), partisan d’une gram-
maire générative et d’universaux du langage qui reposaient sur un système
inné d’acquisition du langage. Le plus surprenant, est le manque d’intérêt de
Skinner, pourtant poète à ses heures, pour les émotions : en témoigne le cha-
pitre de son livre About Behaviourism (1974a) qui traite des émotions et de la
motivation. Il reste aujourd’hui de l’approche skinnerienne, une méthode
pour analyser les comportements en fonction de leurs conséquences, de
manière fiable et objective et des procédures d’apprentissage programmé
dont les principes demeurent valables. Albert Bandura (1977) proposa un
modèle alternatif d’apprentissage social qui tenait compte de la personne,
de ses capacités d’autocontrôle et de structures cognitives qui représentaient
un progrès mais où l’émotion était peu prise en compte.
En fait, c’est en s’intéressant aux émotions que la thérapie comportemen-
tale a acquis véritablement un statut de psychothérapie, alors qu’avant on
parlait de « modification du comportement » pour rendre compte de la
démarche environnementaliste radicale de Skinner. Ce dernier était très cri-
tiqué dans les premiers cercles s’intéressant à la TCC en Angleterre, où l’on
considérait que le skinnerisme était l’expression de la volonté de puissance
des psychologues américains, éternels rivaux de la psychologie anglaise. À
cette époque, les recherches cliniques de Joseph Wolpe (1975) débutées dans
les années 1950, puis celles d’Isaac Marks (1987) entamées dans les années
1960, se fondaient sur le conditionnement classique pavlovien, qui explique
les réponses du système nerveux végétatif, et donc les émotions. Alors que
le conditionnement opérant skinnerien s’intéresse quasi exclusivement
aux réponses motrices et verbales. Hans Eysenck, qui dirigeait l’institut de
Psychiatrie de Londres, était un disciple de Pavlov et cherchait également
des processus qui pouvaient expliquer l’établissement de réponses émotion-
nelles et physiologiques inadaptées en une seule rencontre avec un stimulus
nuisible qu’il avait appelé le processus d’incubation (Eysenck, 1976). Ces
auteurs ont proposé un déconditionnement des réponses émotionnelles et
une approche pratique de la psychothérapie. Ce modèle qui repose sur
trois piliers : l’exposition aux situations évitées, l’habituation des réponses
émotionnelles et l’extinction des réponses comportementales d’évitement,
a connu un grand succès. Il proposait un paradigme simple qui permettait
d’ancrer la TCC dans la pratique quotidienne et dans les neurosciences.
Plusieurs méthodes d’exposition font appel explicitement à la confronta-
tion du sujet en imagination aux situations anxiogènes, afin de désincarcé-
rer les affects bloqués. Ainsi la thérapie implosive de Stampfl et Levis (1977)
et la thérapie du deuil de Ramsay (1977). Dans la méthode de Ramsay, il
s’agit d’un deuil guidé par le thérapeute qui aide le sujet à affronter ce qu’il
nie : la perte d’un être cher. Le deuil pathologique est conceptualisé comme
Les bases psychologiques et biologiques des émotions et les trois vagues... 7
x
informellement avec lui autour d’un verre de champagne, Skinner ne buvant
que des jus de fruits.
L’entretien fut intéressant d’autant que les divers participants, qui étaient avec
moi, n’y allèrent pas de main morte. Une demoiselle italienne eut sans doute
la palme de la séduction en demandant à Skinner ce qu’il avait fait des poèmes
qu’il avait écrits dans son jeune âge, et en lui demandant les tirés à part. B.F.
Skinner promit de les envoyer avec, semble-t-il, beaucoup de plaisir à rappeler
ainsi sa vocation littéraire initiale. Nous entrâmes plus dans le vif du sujet en
discutant avec lui de l’origine de ses travaux, et fort honnêtement, il rappela
le rôle de Kornovsky et de Thorndike dans le développement de ses théories.
Une psycholinguiste rappela ses conflits avec Chomsky, qu’il balaya d’un geste
de la main. Puis quelqu’un eut la malencontreuse idée de lui demander ce
qu’il pensait de la neurophysiologie, ce à quoi il répondit que cela ne servait
pas à grand-chose en psychologie et que depuis 1938 il estimait ne pas avoir à
changer de position à ce sujet. J’ai eu alors l’idée perverse de lui demander ce
qu’il pensait des cognitions et du mouvement cognitif. Ceci entraîna la même
réponse. À savoir, qu’il ne fallait pas attendre grand-chose du développement
de ce mouvement, en ce qui concerne la thérapie comportementale, l’analyse
expérimentale du comportement et la psychologie. Sur ce, Skinner se leva pour
continuer la discussion dans d’autres petits groupes. Certains mauvais esprits
dans le groupe, ont fait remarquer que « cognition » avait sans doute servi de
stimulus discriminatif pour son comportement moteur. D’autres suggérèrent
que nous avions façonné son comportement, pour qu’il réponde ce que nous
attendions. D’autres, enfin, soulignèrent que le cocktail avait lieu dans une
ancienne commanderie de templiers, ce qui ne prédisposait guère à une atti-
tude œcuménique pourtant entrevue au cours de la conférence…
La vague cognitive
La deuxième vague correspond à la révolution cognitive entre 1970 et 1990.
Elle a tout d’abord insisté sur la cognition consciente. La thérapie rationnelle
émotive d’Albert Ellis (1962), étudie les systèmes de croyances irrationnels
conscients ou préconscients du patient pour les modifier. Ellis aboutit à la
conclusion générale que le comportement « névrotique » est un comporte-
ment aberrant mis en actes par une personne intelligente. Cette aberrance
proviendrait de l’image grandiose que les sujets ont d’eux-mêmes. Le but
général de la thérapie est l’acceptation inconditionnelle de soi. Le sujet doit
ne plus porter des jugements sur son essence, par exemple : « Je suis un raté » ;
mais plutôt considérer avec relativisme les accidents de son existence, par
exemple : « J’ai échoué tel jour, tel examen ». Ellis a proposé une approche
pragmatique de restructuration cognitive qui a eu un certain succès dans des
travaux cliniques et de recherche. Ellis a proposé de traiter les distorsions cog-
nitives, par étapes, selon un système qu’il résume par les lettres A, B, C, D, E.
A. activation des croyances par un événement : tout d’abord sont isolées les
activités ou les situations qui activent les systèmes de croyance ;
Les bases psychologiques et biologiques des émotions et les trois vagues... 9
La vague émotionnelle
La troisième vague débute dans les années 1990. Elle correspond principa-
lement à la thérapie dialectique comportementale de Linehan (2000). On
y rattache aussi la thérapie de pleine conscience ou Mindfulness Training
(Zegal et coll., 2002). La thérapie des Schémas de Young, en fait également
partie ; elle accorde une grande place à la mise au jour des émotions et à la
modification des dérégulations émotionnelles dans la thérapie cognitive des
troubles de la personnalité (Young et coll. 2005 ; Giesen-Bloo et coll. 2006 ;
Mehran, 2006). Il faut y ajouter l’ACT (Acceptance and Commitment Therapy),
qui peut se traduire en français par : « Thérapie d’acceptation et d’engage-
ment ». Cette nouvelle forme de thérapie représente une synthèse entre
la thérapie comportementale, les thérapies humanistes et la thérapie cog-
nitive (Hayes et coll., 1999). Ces quatre courants seront détaillés dans les
chapitres suivants de cet ouvrage.
que le système musculaire. La voix peut aussi refléter les émotions ainsi que
les variations du rythme cardiaque, de la respiration, de la sudation qui
transparaît dans les variations de la conductance cutanée. Bien qu’elles
puissent être simulées, les réponses émotionnelles peuvent aussi être détec-
tées par de fins observateurs. Des enregistrements suivis d’études des fré-
quences vocales ont également été proposés.
Quoique très attaché à la conception darwinienne, Ekman ne nie pas pour
autant le rôle des influences sociales dans la modulation des émotions : il
présente son modèle de cinq émotions primaires comme des « programmes
ouverts ». Ce qui fait que certaines informations et certaines règles de la
culture sont plus facilement incorporées que d’autres. Il s’agit donc d’une
contrainte sur les apprentissages sociaux. Par exemple, il a montré que
des Japonais qui regardent un film émouvant, à l’inverse des Américains,
contrôlent davantage leurs émotions et les masquent par un sourire, sur-
tout en présence d’une figure d’autorité. Mais ils se laissent tout autant aller
à leurs émotions lorsque le contrôle social par des règles d’exhibition dis-
paraît. (Ekman, 1982 ; Ekman et Davidson, 1994 ; Ekman in Darwin, 1996)
Figure 1.2
Émotions et cognitions. Le modèle de Lazarus : l’évaluation cognitive.
14 Thérapies cognitives et émotions
Figure 1.3
Émotions et cognitions : le modèle de Zajonc.
instantanée, inévitable et irrévocable. Ils sont comparables au coup de
foudre amoureux. Ils correspondent souvent à la reconnaissance de quelque
chose de déjà connu et souvent oublié. Ainsi, l’émotion n’aurait pas besoin
d’étiquette cognitive consciente, car elle témoigne simplement d’un choix
inconscient qui persiste, quoi qu’il arrive, et quels que soient les arguments
qui en démontrent le caractère fallacieux.
Des travaux expérimentaux ont précisé le fonctionnement cérébral lors
du traitement inconscient des émotions. Une étude effectuée chez des sujets
normaux, mais qui variaient dans leurs scores à l’inventaire d’anxiété-
trait de Spielberger, a montré avec l’IRM fonctionnelle des différences de
localisation du traitement de l’information émotionnelle consciente et
inconsciente. Cette étude utilisait le masquage rétrograde : elle présentait
tantôt des visages apeurés, tantôt des visages apeurés suivis très rapidement
de visages neutres, ce qui ne permettait pas une reconnaissance consciente de
l’émotion montrée par le visage. Il est apparu que le traitement conscient
de l’émotion « peur » se déroulait dans l’amygdale dorsale et le traitement
inconscient dans la région inférieure et latérale de l’amygdale (Etkin
et coll., 2004). Le degré de réponse inconsciente était directement corrélé
avec le score d’anxiété-trait : ce dernier correspond à une modalité stable de
la personnalité du sujet.
Figure 1.4
Émotions et cognitions : le modèle de Damasio.
(D’après A. Damasio. Spinoza avait raison. Odile Jacob, 2003)
16 Thérapies cognitives et émotions
Figure 1.5
Voie courte et voie longue vers l’amygdale.
18 Thérapies cognitives et émotions
était représentée par des visages humains, flashés par des diapositives. Ces
visages avaient une expression neutre et dont la présentation était asso-
ciée ou non à une mauvaise odeur. Les résultats ont montré une activation
bilatérale de l’amygdale chez les phobiques sociaux vis-à-vis des visages,
que ces visages soient associés ou non à l’odeur. Chez les sujets normaux,
cette activation apparaissait seulement si leur présentation était associée à
l’odeur désagréable.
Ces travaux fondamentaux ont conduit à des travaux thérapeutiques cen-
trés sur la peur d’être dévisagé et jugé négativement par les autres, fréquente
chez les personnes souffrant d’anxiété sociale. Tillfors et coll. (2001) ont
mis au point une procédure d’activation émotionnelle par prise de parole
en public qui servait d’étalon destiné à la mesure des effets neurobiolo-
giques avant et après chacun des deux traitements. Il s’agissait donc d’une
« sonde » cognitive et émotionnelle soigneusement mise au point. Ce para-
digme d’activation émotionnelle a été utilisé par Furmark et coll. (2002),
qui ont effectué une étude avec la tomographie à émission de positons
(TEP), utilisant l’oxygène 15 comme marqueur. Dix-huit patients ont été
rentrés dans l’étude. Il s’agissait de patients présentant une phobie sociale
selon le DSM-IV, qui ont été randomisés en trois groupes : Citalopram, TCC
ou liste d’attente. Une tâche de prise de parole de deux minutes et demie,
devant un public silencieux de 6-8 personnes servait de test provocateur
d’anxiété, durant l’examen à la TEP. La comparaison de l’activité du citalo-
pram et de la TCC, après neuf semaines de traitement, dans les phobies
sociales a montré une diminution de l’activité du complexe amygdalien
chez les répondeurs dans les deux groupes. Il y avait aussi une diminution
dans des structures limbiques : l’hippocampe et le cortex périamygdalien,
rhinal et parahippocampal. Le degré de l’atténuation d’activité amygda-
lienne limbique était associé à l’amélioration clinique, à un an de suivi. En
somme, cette étude montre la diminution chez les répondeurs de l’activité
des régions dont l’activité sous-tend les réactions de défense et les émotions
qui les accompagnent.
12. les TCC ont pour but la modification des schémas par des méthodes
cognitives, comportementales, émotionnelles et interpersonnelles.
On voit donc à travers cette présentation la place centrale que joue l’émo-
tion aussi bien dans la théorie que la pratique des thérapies cognitives.
Figure 1.6
Micro-analyse de l’interaction psychothérapique.
Sur le plan clinique, on peut observer que l’empathie passe par le regard,
le comportement non verbal et la vue, tout autant que par le ton de voix
et le contenu des messages. Il ne faut pas que le contenu du message dis-
qualifie l’émotion exprimée, qui, elle, sera le plus rapidement perçue et
décodée. En outre, les émotions les plus élémentaires ne sont pas toujours
contrôlables, il existe des « fuites » non verbale qui révèlent les affects :
par exemple, une contraction des muscles de la mâchoire, une moue, et la
hauteur du ton de voix laissent transparaître la colère rentrée.
Il faut donc que le thérapeute soit capable de monitorer et de restructurer
ses cognitions et ses émotions en permanence. La figure 1.6 représente le
processus d’auto-observation.
Figure 1.7
Trois types de système de régulation des affects : le modèle de compassion selon Paul
Gilbert.
(D’après P. Gilbert, Compassion Focused Therapy Routledge, London, 2010)
Conclusion
Au fur et à mesure de l’évolution des TCC à travers les trois vagues, l’approche
des émotions s’est affinée et les besoins en formation et en supervision se sont
accrus, simplement parce que les thérapeutes avaient affaire à des patients
d’une plus grande complexité qui remettaient en cause une application trop
26 Thérapies cognitives et émotions
Figure 1.8
Face interne du cerveau : hémisphère droit.
Schéma a été reconstruit et commenté à partir de : R. Nieuwenhuys, J. Voogd et C. van Huijzen. The human
central nervous system. Heidelberg, Springer, 1981
NB : Je remercie le Pr Nicolas Kopp pour ses conseils précieux sur la localisation
anatomique exacte de l’amygdale qui fait partie avec le gyrus parahippocam-
pique et le gyrus cingulaire du cerveau « émotionnel », autrement appelé
grand lobe limbique (schéma publié In : Cottraux, Masson, 2004).
Les bases psychologiques et biologiques des émotions et les trois vagues... 27
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2 La théorie d’attachement
et les thérapies cognitives
intégratives des troubles
de la personnalité :
sécurité et émotions
F. Mehran
Les premiers auteurs qui ont proposé un rapprochement entre la théorie des
schémas de Beck et la théorie de l’attachement de John Bowlby sont deux
psychothérapeutes cognitivistes italiens Guidano et Liotti (1983). Du fait de
leur proximité conceptuelle, ces travaux ont été progressivement transposés en
termes de schémas cognitifs. Des travaux récents (Williams et Riskind, 2004) ont
montré que les perturbations anciennes de l’attachement étaient à relier aux
difficultés actuelles dans la relation amoureuse, étaient, également, en lien
avec des troubles anxieux et dépressifs, et s’exprimaient dans des mesures des
schémas cognitifs. La théorie de l’attachement a été intégrée dans la thérapie
des schémas de Jeffrey Young, qui est actuellement validée empiriquement
(Giesen-Bloo et coll., 2006). En pratique, ce modèle du développement affectif
aide le patient et le thérapeute à conceptualiser la genèse de ses perturbations
émotionnelles et à réparer les carences parentales précoces.
Figure maternelle
Par figure maternelle, on entend la personne vers qui le comportement
d’attachement de l’enfant se dirige. Souvent, cette personne représente la
sécurité pour le sujet.
Présence
Par présence, on entend : « possibilité d’accès facile ».
La théorie d’attachement et les thérapies cognitives intégratives des troubles... 33
Absence
Par absence, on entend : « inaccessibilité ».
Séparation et perte
Par séparation et perte, on entend : « l’inaccessibilité de la figure d’atta-
chement du sujet et cela, soit de manière temporaire (séparation), soit de
manière permanente (perte) ».
Disponible
Pour Bowlby, le mot « disponible » veut dire que la figure d’attachement est
à la fois accessible et prête à réagir positivement.
Comportement d’aggripement
Pris au sens propre ou figuré, il se présente à tout âge, c’est-à-dire à l’enfance,
à l’adolescence ainsi qu’à l’âge adulte. Nous employons souvent des adjec-
tifs plus péjoratifs pour le décrire comme « jaloux », « fusionnel », « sur-
dépendant », « avide » et « possessif ».
Attachement
Dans l’enfance, l’attachement peut être défini comme des comportements
qui visent « la recherche de sécurité et particulièrement vis-à-vis de la figure
maternelle », alors que l’attachement dans l’adolescence et la vie d’adulte
a été défini comme un lien avec une personne proche qui offre un engage-
ment affectueux au sujet. Cette autre personne peut être une figure paren-
tale, un partenaire intime ou même un ami proche (Lopez et Guer, 1993, In :
Mehran, 2006).
Bowlby (1978) ne considère pas le terme « angoisse de séparation »
adapté, il préfère « attachement anxieux » ou « attachement précaire ».
Dans les études récentes, les théoriciens cognitivistes proposent le terme
d’« attachement insécurisé », ce dernier a été adopté dans ce chapitre.
Style d’attachement
C’est un concept psychologique qui s’intéresse à la façon dont la personne
a été reliée à ses proches afin de développer et maintenir un sens de sécurité
personnelle.
34 Thérapies cognitives et émotions
• quand le message des parents à l’enfant est qu’il est incompétent, bon
à rien et indigne d’amour : l’enfant risque de développer un modèle de
soi « indigne d’amour », ainsi qu’un modèle des autres « non aimable »
(Bretherton, 1985, In : Cassidy et Shaver, 1999). Autour de 40 % des patients
hospitalisés (American Psychiatric Association, 1994) ont ressenti le sentiment
de dépersonnalisation.
Les expériences d’abus dans l’enfance et l’adolescence dans lesquelles, de
surcroît, la protection des donneurs de soin n’était pas présente peuvent, à
l’âge adulte, prédisposer les individus à des états dissociatifs.
Tableau 2.2
Les relations entre les dimensions d’attachement, les styles de personnalité
et les croyances assimilatives (schémas) qui les précèdent (inspiré de
Lyddon et Sherry, 2001 ; adaptation in Mehran, 2006)
Dimension
Style de personnalité Croyances assimilatives (schémas)
d’attachement
Préoccupé Dépendant « Je suis une personne faible et je ne peux
pas survivre sans les autres »
Obsessionnel-compulsif « Je dois toujours être prêt pour prouver
ma compétence »
Histrionique « J’ai besoin de l’attention des autres pour
me sentir important et utile »
Préoccupé Évitant « Même si les gens me rejettent, je veux
et craintif de quelqu’un qui m’aime »
Paranoïaque « Seul, je suis plus en sécurité parce que
les autres ne peuvent pas être crédibles »
Craintif et détaché Antisocial « J’ai besoin d’être dur et puissant, ainsi
je ne serai jamais mal »
Narcissique « Je suis spécial, unique et j’ai droit à des
considérations spéciales »
Détaché Schizotypique « Je suis un étrange oiseau »
Schizoïde « Le monde est différent, ne te donne donc
même pas la peine d’établir des relations »
Borderline « Si les choses ne vont pas dans mon sens,
Attachement
je ne peux pas les tolérer. Les autres sont
désorganisé
formidables ; non, ils ne le sont pas »
Zanarini et coll. (1989) ont trouvé que, dans l’enfance de 89 % des indi-
vidus souffrant du trouble de la personnalité anti-sociale, il existe des expé-
riences de longues séparations avec leurs donneurs de soins.
Le trouble de la personnalité anti-sociale est souvent associé à un rejet
parental, une discipline rude et un contrôle inadéquat.
Le rôle du thérapeute
• Le thérapeute fournit des conditions dans lesquelles le patient peut
réévaluer et restructurer ses modèles internes de lui-même et de ses figures
d’attachement, à la lumière d’une nouvelle prise de conscience acquise à
travers la relation thérapeutique.
• Le thérapeute assiste le patient dans son exploration et l’encourage à
reconsidérer la façon dont il s’engage dans des relations avec les figures
d’attachement significatives de sa vie où il crée des situations qui vont le
conduire à des résultats négatifs.
La théorie d’attachement et les thérapies cognitives intégratives des troubles... 45
Conclusion
La théorie d’attachement facilite la tâche des cliniciens en les aidant à
comprendre la valeur potentielle et fonctionnelle d’un nombre considérable
de symptômes et de problèmes associés aux vulnérabilités cognitives de
styles de personnalité.
La théorie d’attachement et les thérapies cognitives intégratives des troubles... 47
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3 L’intégration des rêves
dans la thérapie cognitive
émotionnelle
F. Mehran
Durant ces dix dernières années, nous avons été témoins de la naissance de
multiples approches en psychothérapie. Les deux mouvements de proliféra-
tion et d’intégration sont nés en même temps (Mehran, 2006). Prochaska et
Diclemente (1992) ont différencié éclectisme et intégration. D’après ces der-
niers, l’éclectisme produit des thérapies en forme de mosaïque qui combi-
nent divers éléments de différentes sources, alors que l’intégration essaie de
produire une nouvelle approche fondée sur le mélange de différentes idées.
La capacité à intégrer une approche thérapeutique particulière dans un style
unique et personnel dépend, en partie, de la maturité et de la compétence
du thérapeute.
Alford et Beck (1997) ont essayé, dans leur livre The Integrative Power
of Cognitive Therapy, de clarifier les procédures en thérapie cognitive qui
peuvent être considérées comme intégratives. La thérapie cognitive évolue
constamment et ne craint pas d’intégrer les techniques de diverses psycho-
thérapies.
Figure 3.1
Exemple de carnet d’autoenregistrement des rêves.
Exemple de cas
Le cas suivant est un exemple de l’usage des rêves en thérapie cognitive, travaillé
avec une patiente.
Présentation du cas
Iris est une patiente âgée de 50 ans, mère de trois enfants. Elle est toute petite,
intelligente et même si de temps en temps, elle pleure, elle est de nature très
gaie. Elle est assistante de direction dans une entreprise où son chef est fort
satisfait de la qualité de son travail.
Iris a eu une enfance très difficile avec un abandon du père et une mère absente
et autoritaire qui, avec beaucoup de peine, essayait de nourrir ses quatre enfants.
Iris était la dernière dans l’ordre de la fratrie.
N’ayant pas des moyens financiers suffisants, toute la famille vivait dans un très
petit appartement où il fallait chauffer l’eau dans une marmite pour se laver. Iris
n’avait que 5 ans quand, une fois, la marmite d’eau bouillante est tombée sur
elle et elle s’est brûlée au 3e degré.
D’après Iris, c’est à partir de cet incident qu’elle a développé un schéma de dan-
ger et vulnérabilité très handicapant. Parallèlement, elle souffrait d’une timidité
pathologique et se considérait, à tous les points de vue, moins bien que les autres.
Iris a souhaité suivre une thérapie comportementale et cognitive parce qu’elle
manquait profondément de confiance en elle et qu’elle avait développé une
agoraphobie avec des attaques de panique. Les attaques de panique se déclen-
chaient particulièrement dans des situations sociales comme les réunions de tra-
vail, les critiques et les commentaires de ses collègues et le regard réprobateur
réel ou imaginé des autres. Par ailleurs, Iris avait remarqué que, quand elle allait
à l’église, en regardant les statues, elle pouvait avoir des attaques de panique.
À travers son carnet d’autoenregistrement de ses pensées automatiques et diffé-
rentes autres techniques, nous avions déjà pris connaissance du fait qu’Iris avait
développé un schéma d’imperfection et un schéma de vulnérabilité et de danger.
Le contenu manifeste du rêve d’Iris
Voici le contenu manifeste du rêve d’Iris qu’elle a raconté en séance et que nous
avons décidé ensemble de classer dans l’agenda, parmi d’autres sujets.
Ce rêve sera présenté suivant les modèles de Freeman et Boyll (1992) et Freeman
et White (2004). x
64 Thérapies cognitives et émotions
x Date
Dimanche 4 septembre.
Rappel du rêve
Je suis à l’église. Je suis assise et, en haut de ma tête, il y a un socle et, dans les
niches, il y a des statues qui tournent et je ne sais pas sur qui elles finiront par
tomber ! Il y a, à côté de moi, ma collègue antipathique.
Émotions
Je suis crispée, nerveuse et j’ai peur. J’évalue ces émotions à 90 car elles sont
très fortes.
Pensées et associations
Iris : « J’ai peur des statues depuis toujours et chaque fois que j’en vois une, je
suis très anxieuse. Je pense que j’ai associé ma collègue que je n’aime pas et qui
m’angoisse face aux statues. »
La psy : « Croyez-vous que nous pouvons chercher ensemble d’autres associa-
tions pour ce rêve ? »
Iris : « Je vois juste que j’ai toujours peur des statues. »
La psy : « Cette collègue avec qui vous ne vous sentez pas à l’aise, pourriez-
vous, de façon affirmée, lui dire que vous alliez changer de place pour que les
statues ne tombent pas sur vous ? »
Iris : « Non, je suis passive, j’ai peur de déclencher des conflits, je n’ai pas le droit
de m’affirmer. »
La psy : « Est-ce que maintenant, vous pouvez imaginer des associations entre
les statues et votre collègue antipathique ? »
Iris : « Oui, j’ai peur des statues depuis toujours car j’ai l’impression qu’elles
me regardent en me jugeant et étant donné que cette collègue antipathique me
critique souvent, je l’ai associée aux statues. »
La psy : « Iris, ce rêve sort de votre propre imagination ; vous avez été le metteur
en scène, l’actrice et la productrice. La seule personne qui peut restructurer, reca-
drer et reproduire ce rêve, c’est uniquement vous. Pourriez-vous réfléchir à un
scénario différent et plus créatif que vous auriez pu réaliser dans votre rêve ? »
La restructuration adaptée du rêve
Iris essaye de changer le matériel du rêve de la manière suivante :
« Je peux regarder les statues et me dire qu’elles sont très hautes et qu’elles ne
pourront pas tomber sur moi, parce que si elles bougent, je le saurai et je me
protégerai en m’éloignant.
Je peux devenir plus active et plus affirmée et, au lieu d’être effrayée et angois-
sée, je peux prendre la collègue et la mettre également dans une niche. Ainsi,
elle ne sera plus effrayante et ne pourra pas m’atteindre. Je pourrai également
commencer à m’exprimer plus souvent et défendre mes droits, après tout j’ai les
mêmes droits que les autres. »
Réévaluation des émotions
« Avec ma meilleure compréhension des origines de mes peurs et de mes doutes,
je crois pouvoir baisser le degré de mes émotions de 90 à 40. »
L’intégration des rêves dans la thérapie cognitive émotionnelle 65
Conclusion
D’un point de vue développemental, le sommeil et l’expérience du rêve
sont très importants pour l’être humain car ce dernier dépense approxima-
tivement 1/12e de sa vie dans cet état d’existence (Doweiko, 2004, Rosner
et coll., 2004).
Utilisés de manière active ou plus simplement, pour collecter les infor-
mations, les rêves sont souvent les moyens les plus courts pour découvrir ce
que Beck (1971) appelle « les patterns cognitifs et irréalistes ».
Tout au long de ce chapitre, nous avons constaté que le processus du
rappel et la discussion prennent place pendant l’état d’éveil et les constel-
lations cognitives utilisées par le patient contiendraient les mêmes dis-
torsions que ce dernier utiliserait normalement pour interpréter la réalité
extérieure.
Les thérapeutes des deux tendances de thérapie, cognitive objectiviste
et cognitive constructiviste, considèrent l’usage des rêves comme un outil
thérapeutique très précieux et efficace. Ils sont également unanimes sur la
valeur thérapeutique de la restructuration des thèmes des rêves dans la vie
éveillée des patients.
Le travail de Beck sur les rêves a été très important, car les premières
formulations de la thérapie cognitive proviennent des études sur les rêves.
L’usage des rêves en thérapie cognitive permet aux patients de jouer un
rôle actif et créatif en explorant leurs rêves et en en comprenant le sens, et
de parvenir à certains insights.
Les recherches concernant l’interprétation des rêves, en général, et le
modèle de Hill, en particulier, sont actuellement à leurs débuts. Beck
(1971) est convaincu que le modèle cognitif des rêves offre une alter-
native au point de vue de Freud (1900), qui consiste à considérer les
rêves à la fois comme un moyen de la réalisation du désir et le gardien
du sommeil. Le thérapeute cognitiviste doit éviter le piège des symboles
universels de rêve. Après cette revue de l’usage des rêves et les méta-
phores des rêves, nous emprunterons notre conclusion à Frédéric Perls
(cité in Fagan et Shepherd, 1970) : « Freud appela le rêve la voie royale
vers l’inconscient, moi, je crois que le rêve est réellement la voie royale
vers l’intégration ».
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4 La thérapie basée
sur la pleine conscience :
mindfulness, cognition
et émotion
P. Philippot
ne pas nous laisser emporter par ces jugements, de ne pas les laisser gouver-
ner notre attention. Il s’agit de les observer comme des créations de notre
esprit, comme des données de notre expérience ici et maintenant. Pour
utiliser la métaphore d’un participant à un groupe de pleine conscience, il
s’agit d’apprendre à « débrayer » par rapport aux jugements de nos expé-
riences qui surviennent spontanément. En pleine conscience, nous allons
jusqu’à ne pas juger le jugement.
La définition à contrario de la pleine conscience est l’état de « pilote auto-
matique ». Nous avons tous fait l’expérience, alors que nous conduisions
sur un chemin familier, de nous retrouver à un endroit donné en constatant
que nous n’avons aucune conscience de ce qui s’est passé dans les dernières
minutes. Nous savons que nous avons dû emprunter tel chemin, mais
nous n’en gardons aucun souvenir conscient. Notre esprit était totalement
absorbé dans des pensées qui nous ont déconnectés de notre expérience
directe. Cet état de « pilote automatique » est exactement l’opposé de l’état
de pleine conscience.
En résumé, la pleine conscience est un état mental qui résulte du fait de
centrer notre attention, volontairement, sur notre expérience présente dans
ses aspects sensoriels et mentaux, cognitifs et émotionnels, sans poser de
jugement.
L’origine et le développement
de la pleine conscience en psychothérapie
Les origines historiques
La notion et la pratique de la pleine conscience ont été particulièrement
développées dans le bouddhisme dont elles constituent le cœur de la médi-
tation depuis deux millénaires et demi. Cependant, différents chercheurs et
cliniciens ont pensé que cette approche pouvait être utile aux occidentaux,
sans pour autant souscrire au contexte culturel et religieux d’origine de la
pleine conscience (Baer, 2003). Jon Kabat-Zinn (1985 ; 2000) a été le premier
à élaborer, dès la fin des années 1970, un programme structuré, visant le
développement de la pleine conscience, le Mindfulness-Based Stress R eduction
program (MBSR), programme de réduction du stress basé sur la pleine
conscience. Ce programme, développé dans un contexte médical, a servi
de base ou de référence au développement des programmes ultérieurs. Il sera
décrit en détail plus loin (voir page 74).
• la douleur chronique ;
• certains autres troubles psychosomatiques (par exemple psoriasis,
fybromyalgie). La pleine conscience a également été proposée à différentes
populations hospitalières, notamment des personnes souffrant de cancer.
Des essais cliniques ont aussi été menés dans l’insomnie et même dans les
problèmes de couple (Smith, 2004).
En ce qui concerne l’efficacité, en termes de réduction des symptômes
psychologiques centraux de ces troubles, la taille d’effet moyen est de .74,
ce qui marque une efficacité modérée à bonne. Baer (2003) conclut sa méta-
analyse en indiquant que les programmes MBSR et MBCT sont conformes
aux critères de « traitements probablement efficaces » selon les critères de
l’APA (1995). La difficulté principale à rencontrer le label « traitement bien
établi comme efficace » consiste en ce que ce label implique que le traite-
ment s’adresse à une population spécifique, ce qui n’est pas le cas de MBSR.
Actuellement, grâce à des réplications d’études d’efficacité dans des labo-
ratoires différents, le programme MBCT réunit les critères des traitements
bien établis comme efficaces.
Récemment, dans notre laboratoire, nous avons pu établir l’effet bénéfique
de la pratique de la pleine conscience dans le traitement de l’acouphène
chronique invalidant (Philippot et coll., 2006a). Des patients sévèrement
handicapés par un acouphène chronique ont d’abord bénéficié d’une séance
de psychoéducation. Ensuite, ils ont été répartis aléatoirement dans deux
groupes de traitement, l’un consistant en six séances d’apprentissage de la
relaxation de type Jacobson (une méthode déjà démontrée efficace dans la
gestion des acouphènes), l’autre en six séances du programme MBSR. Les
deux traitements ont montré une efficacité importante, mais semblable,
dans la réduction des émotions négatives, des ruminations et des handicaps
subjectifs suscités par l’acouphène. Le groupe de pleine conscience a pré-
senté une légère supériorité dans la réduction de l’irritabilité, un symptôme
majeur de cette affection. Cependant, au suivi de trois mois, les partici-
pants du groupe de pleine conscience ont montré une consolidation des
bénéfices du traitement, alors que les participants du groupe de relaxation
montraient une détérioration. Les bénéfices à moyen terme de la pleine
conscience semblent donc supérieurs.
Actuellement, des tentatives d’utilisation de l’apprentissage de la pleine
conscience sont faites dans bien des domaines, tant au niveau clinique,
qu’au niveau institutionnel (école, prison, gestion du stress au travail, etc.).
Nous ne disposons pas encore de données empiriques suffisamment solides
pour attester du bien-fondé de ces applications.
L’exposition
La pratique de la pleine conscience implique très certainement des proces-
sus d’exposition prolongée avec prévention de la réponse de fuite, évite-
ment, et de non-acceptation de l’expérience. Par exemple, dans le cas de
la douleur chronique, les patients sont invités à centrer leur attention sur
les sensations de douleur, à les observer, les décrire et les explorer, tout
en restant assis, sans bouger et sans essayer de supprimer les sensations.
De même, les patients anxieux ou déprimés sont invités à considérer de
la même manière leurs pensées anxiogènes ou dépressogènes. L’individu
est donc amené à se confronter avec la réalité nue de son expérience, sans
déni, sans évitement. Dans le cas de l’anxiété, les exercices peuvent parfois
s’apparenter à de l’exposition intéroceptive, une intervention reconnue
comme particulièrement efficace (Barlow et Craske, 2000).
L’acceptation
Nous avons souligné l’importance d’une attitude mentale d’acceptation
et d’ouverture à l’expérience, quelle qu’elle soit, pendant les exercices de
pleine conscience. Il s’agit en fait de promouvoir un processus d’accepta-
tion active (et non de résignation) de notre réalité, telle qu’elle est, afin
de pouvoir au mieux décider si une action doit être entreprise (et le cas
échéant, laquelle), ou s’il vaut mieux s’accommoder d’une situation sur
laquelle nous n’avons que modérément prise. Cette attitude correspond
tout à fait à celle promue tant par la thérapie par acceptation et engagement
que par la thérapie comportementale dialectique pour lesquelles un chan-
gement émotionnel profond n’est possible que quand l’individu a reconnu
et accepté l’émotion qui l’habite, avec ses implications en termes de buts et
de désirs, avoués ou non.
La gestion de soi
La pleine conscience implique l’observation de soi, principalement de ses
réactions émotionnelles automatiques. Cette observation entraîne une
meilleure connaissance de soi et des conséquences de ses modes de réac-
tions spontanés. Ceci permet d’imaginer des alternatives et d’accroître la
palette des modes de réactions possibles. L’observation de soi permet éga-
lement de détecter plus rapidement les signes avant-coureurs d’une fragili-
sation de son état psychologique et d’y réagir de manière préventive avant
que la situation ne se dégrade trop.
La relaxation
Le but explicite des exercices de pleine conscience n’est pas de se relaxer, ni
de générer un état particulier, si ce n’est d’être pleinement conscient de son
expérience présente, quelle qu’elle soit. Cependant, les exercices de pleine
conscience peuvent engendrer un état de relaxation, surtout quand ils sont
pratiqués régulièrement depuis un certain temps. Cet effet secondaire et
non recherché entraîne évidemment les bénéfices liés à la relaxation.
Conclusion
Les interventions basées sur la pleine conscience s’inscrivent dans la troi-
sième vague qui anime actuellement le mouvement des thérapies compor-
tementales et cognitives au sens large. Elles sont centrées sur la prise de
conscience de l’expérience directe, ici et maintenant. À ce titre, elles impli-
quent une exposition forte aux émotions et un changement de perspective
cognitive : considérer ses pensées comme la création de son mental plu-
tôt que comme des faits avérés. Elles invitent aussi à apprendre à tolérer
l’inconfort des émotions négatives plutôt que de chercher à le fuir à tout
prix. Elles connaissent actuellement un succès certain dans les pays anglo-
saxons et tout laisse présager un développement imminent dans les pays
francophones. Nous espérons y contribuer par ce chapitre.
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5 La thérapie d’acceptation
et d’engagement :
émotion, contexte
et action
P. Vuille
L’évitement d’expériences
Les processus fondant le langage et la cognition humaine sont le résultat
d’un processus de sélection des caractéristiques propres à favoriser la sur-
vie. Ils sont donc axés sur la reconnaissance et l’élimination des dangers.
Une fois qu’un événement privé est évalué comme « mauvais » ou « dan-
gereux », il va tout naturellement devenir la cible des processus verbaux
qui ont été tant de fois renforcés par les succès, qu’ils nous assurent dans la
La thérapie d’acceptation et d’engagement : émotion, contexte et action 89
x À ce point, il est temps de rendre le patient attentif au fait qu’il existe peut-
être une autre position. L’échiquier ne subit pratiquement pas d’usure ni de
fatigue du fait de la partie qui s’y joue, il ne souhaite la victoire d’aucune des
deux équipes et il est en contact avec l’intégralité des pièces. Nous aimerions
donner au patient les moyens d’occuper cette place-là, d’avoir avec les pensées,
les images et les sensations physiques qui l’habitent, le type de relation illustré
par notre métaphore. Être au niveau de l’échiquier n’est pas facile et on ne
peut jamais y rester longtemps. Notre mouvement naturel est de retrousser nos
manches pour retourner dans le jeu, de reprendre nos efforts de manipulation
des pièces en vue de leur donner une configuration qui nous convienne. Dans
bien des situations, cela ne pose aucun problème et c’est même souhaitable
(c’est par exemple très utile pour la résolution des problèmes de réalité, ces
problèmes « extérieurs à notre peau » qui forment l’essentiel de ceux que nous
devons résoudre dans notre vie quotidienne et notre activité professionnelle).
Nous ne risquons pas de désapprendre le mouvement si bien rodé de retour
dans le terrain ou de ne plus en trouver le chemin. Mais nous pouvons apprendre
à nous mettre au niveau de l’échiquier, au moins pour un moment, et nous pou-
vons apprendre aussi à reconnaître progressivement les situations et particulière-
ment les pensées qui nous ramènent à la position de lutte au milieu des pièces.
Nous invitons le patient à garder cette image avec lui et la suite du dialogue
thérapeutique permet d’y revenir. Il n’est pas rare que le patient émette bientôt
un commentaire montrant que son intelligence travaille à récupérer l’image que
nous lui avons proposée. Être au niveau de l’échiquier, c’est bien, voilà la solu-
tion de mes problèmes, être au milieu des pièces, c’est faux. Dans cette occasion
comme dans d’autres, nous pourrons lui poser la question à brûle-pourpoint :
« Et cette pensée que vous venez d’avoir, c’est une pièce blanche ou noire sur
votre jeu d’échecs ? ».
qui les avait amenés à consulter. Après la fin de la formation, les patients
des thérapeutes formés en ACT étaient significativement plus nombreux
que ceux des thérapeutes du groupe témoin à avoir terminé leur traitement
en 5 mois, à décrire une amélioration de leur niveau d’adaptation et à être
d’accord avec leur thérapeute quant à la poursuite ou non de la prise en
charge.
Les résultats des études disponibles à ce jour sont prometteurs même si le
nombre de participants a souvent été relativement restreint en comparai-
son avec des études portant sur des approches thérapeutiques bien établies
disposant de moyens plus importants. Les résultats des études corrélation-
nelles visant à identifier l’activité des différentes composantes du processus
thérapeutique et ceux des études d’efficacité clinique sont dans l’ensemble
favorables mais de nombreuses questions n’ont pas encore été examinées.
Les résultats dont nous disposons suggèrent que l’ACT agit par le biais de
processus différents de ceux médiatisant l’action des traitements dispen-
sés dans les groupes témoins, y compris la TCC. Le nombre d’études bien
contrôlées est encore insuffisant pour qu’on puisse affirmer que l’ACT est
d’une manière générale plus efficace que d’autres traitements pour les pro-
blèmes qui ont été examinés mais les données recueillies jusqu’à présent
sont prometteuses.
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La thérapie d’acceptation et d’engagement : émotion, contexte et action 97
L’évaluation psychiatrique
Le recrutement des patients se fait par le biais de la consultation de psychia-
trie. Ainsi, tous les patients qui nous sont adressés ont été vus par un psy-
chiatre qui a posé un diagnostic psychiatrique. Dans le cadre du groupe dont
nous parlons, il s’agit d’un diagnostic de trouble panique avec ou sans agora-
phobie ce qui correspond à un code F41.0 de la Classification internationale
des maladies (CIM-10) (Organisation mondiale de la Santé, 1993, 1994).
La thérapie de groupe et gestion des émotions 101
L’évaluation psychométrique
Le testing psychologique comprend des tests de personnalité (MMPI, 16PF,
Neo-PI-R, IPDE) et des tests spécifiques (PDSS, Questionnaire des peurs) (in
Bouvard et Cottraux, 2005).
L’entretien préliminaire
Il s’agit d’un entretien préliminaire semi-structuré avec une anamnèse
générale ainsi qu’une anamnèse du trouble spécifique.
Le premier entretien ou les premiers entretiens individuels que nous
aurons avec le patient nous permettront de compléter le diagnostic psy-
chiatrique par une analyse holistique et une analyse fonctionnelle, ceci
dans le but de connaître à la fois le patient et sa symptomatologie. Cette
démarche nous aidera aussi à nous rendre compte des problèmes qui
pourront être abordés au cours de la thérapie de groupe et de ceux dont
nous saurons qu’ils existent mais qu’ils sortent de ce cadre. Une thérapie
de groupe peut être une première étape dans un projet thérapeutique plus
long. Il faut en faire part au patient. Pour faire cela, j’aime avoir recours à la
métaphore de la laine.
Savez-vous tricoter ? Connaissez-vous quelqu’un qui sait tricoter ? Savez-
vous ce qui se passe quand un tricot est terminé ? Il reste un bout de fil
plus ou moins long ! Imaginez que tout au long de sa vie, S. range ses fils
dans un grand sac. Au bout des années s’accumulent des fils de laine, de
coton, de soie, des fils de couleurs, de longueurs, d’épaisseur, de consis-
tances différentes. Si nous lui demandons de nous sortir un fil rouge que se
passe-t-il ? Eh bien tous les autres fils entremêlés y restent accrochés. Dans
un premier temps il s’agit de démêler les fils, de faire des pelotes et de voir
avec laquelle ou lesquelles elle va travailler dans un deuxième temps. Va-t-
elle faire un jacquard avec tous les fils mélangés ? C’est un travail difficile,
lent, où il ne faut pas se tromper, pour lequel il faut être drôlement doué.
Et quel travail s’il faut tout défaire ! Donc autant commencer, peut être, par
une seule couleur. Si les explications et le point (de tricot) choisis sont sim-
ples et clairs, le modèle a toutes les chances de réussir et de l’entraîner vers
des travaux de plus en plus complexes.
Cette métaphore illustre bien ce qui se passe quand nous rencontrons un
patient pour un premier entretien. Chaque nouvelle histoire de vie nous
met face à un nouveau défi. Une histoire où se mélangent événements de
vie, problèmes, troubles, ressources, comportements, cognitions, émotions,
une histoire qui s’est construite à partir de la génétique, de la biologie, de
l’éducation à l’école, à la maison, de modèles, de la religion, de la culture,
d’expériences personnelles. Ce sont les émotions qui rajoutent la couleur, les
nuances au récit du vécu. Selon la personnalité, le schéma de fonctionne-
ment, l’âge, le problème, l’urgence, nous pouvons passer des tons effacés et
camaïeux aux tons vifs et phosphorescents pour le récit de faits comparables.
La taille du groupe est un facteur important, de même que le nombre
de thérapeutes qui encadrent le groupe. Six patients nous semblent un
102 Thérapies cognitives et émotions
score nous permet aussi de voir s’il y a eu des éléments négatifs importants
entre les séances, avant même de faire le tour de table et de choisir ainsi le
moment d’intervention du patient. En premier, si nous voulons lui accorder
plus de temps, en dernier si nous ne voulons pas que son récit déstabilise
les autres. La cotation hebdomadaire de ces deux échelles permet également
au patient d’apprendre à bien distinguer entre deux états émotionnels diffi-
ciles mais différents, l’anxiété et la dépression.
Le travail en séance
Les explications théoriques sur la thérapie
cognitivocomportementale et la gestion des émotions
Afin de mettre les patients à l’aise et d’enlever le plus possible le stress d’une
première séance de groupe, la partie active du (des) thérapeute(s) est plus
grande que dans les séances à suivre. À chaque fois que le sujet le permet,
des métaphores sont utilisées pour mettre le patient naturellement en état
de détente et d’écoute et de faciliter ainsi l’apprentissage.
Comme il est important que les patients comprennent la démarche
de la thérapie qu’ils vont suivre, une brève explication est donnée
sur différentes formes de psychothérapie (psychanalyse, thérapie sys-
témique) et sur la spécificité de la thérapie cognitivocomportementale.
Il faut particulièrement insister sur le fait qu’elle est centrée sur « ici et
maintenant », sur un objectif, et sur l’aspect de thérapie brève pour une
symptomatologie précise. Comme les entretiens préliminaires nous ont
permis de faire une analyse fonctionnelle, nous connaissons l’histoire du
patient, l’historique du trouble, peut être l’origine, peut être les facteurs
de maintien.
À l’aide du schéma des trois cercles (émotion, cognition, comportement),
nous visualisons ensuite ce que les patients vivent au quotidien dans leur
non-gestion de l’anxiété :
Petit exercice
Sur une carte chaque patient note trois renseignements relatifs à ses attaques de
panique (par exemple, où, quand, depuis quand, fréquence, durée, intensité, etc.).
Demander à un volontaire de partager avec le groupe ce qu’il a écrit, les autres
suivront. Souligner les points communs et les différences. Un premier échange
spontané se mettra automatiquement en route, les patients se retrouvent sur un
terrain commun et connu.
1. inspirer par le nez ou par la bouche (en état d’anxiété aiguë la respiration se
fait souvent automatiquement par la bouche, ce qui conduit à l’hyperventilation) ;
2. ronronner ;
3. fermer la bouche ;
4. inspirer par le nez ;
5. continuer à partir de 2.
La thérapie de groupe et gestion des émotions 107
Chaque personne peut le faire selon son rythme. Si nous leur demandons
ensuite de compter combien de ronronnements ils font en 1 minute, la
plupart des participants, à leur grand étonnement, se situent entre trois et
cinq respirations. Si nous ne pouvions voir qu’une seule fois un patient
ou un groupe de patients, ce serait cet exercice-là que nous lui (leur) mon-
trerions. Pratiqué régulièrement, il facilite la gestion des émotions violentes
dont l’anxiété aiguë. En parlant d’exercice nous parlons d’apprentissage et
de répétition. Nous recommandons aux patients de faire leur travail à domi-
cile par rapport au ronronnement comme suit :
• de le pratiquer trois fois par jour (inspirer, ronronner ; inspirer, ronronner ;
inspirer, ronronner) à des moments fixes, matin, midi, soir (avant de se lever,
après s’être lavé les dents, par exemple). Plus ils le pratiquent consciemment
dans un premier temps, plus il va devenir automatique dans un second temps ;
• de le faire la première semaine avec le bruit du ronronnement quand ils
sont seuls. Plus nous impliquons nos sens dans un nouvel apprentissage,
mieux il se fixera dans notre cerveau. L’ouïe et le toucher sont impliqués par
le ronronnement et les vibrations qu’il déclenche ;
• d’utiliser les deux premiers soirs une bougie, de l’approcher le plus près
possible des lèvres sans se brûler, de faire vibrer dans un premier temps la
flamme en ronronnant, puis de réduire le souffle. Nous en faisons la démons-
tration lors de la séance et chaque participant le fait une fois. La vision est
impliquée et le ronronnement dure en général encore plus longtemps, telle-
ment la personne est concentrée sur la flamme et la gestion de l’expiration.
Il est recommandé aux patients de le faire quand ils sont seuls afin de ne pas
donner à leur entourage l’impression d’avoir atterri dans l’ésotérisme !
• de l’introduire de plus en plus dans leur vie de tous les jours (tout de
suite en sortant de la séance de thérapie en attendant devant le feu rouge,
en faisant la queue au supermarché, en prenant l’ascenseur, en épluchant
les pommes de terre, etc.).
Comme l’expérience montre que les adultes ne sont souvent pas plus discipli-
nés que les enfants pour faire leurs devoirs à domicile, nous leur remettons une
fiche DIN-A 4 avec la liste de tous les exercices de respiration et de relaxation
avec une case pour chaque jour de la semaine. Nous leur demandons de cocher
à chaque fois qu’ils font l’un ou l’autre exercice. Tous les exercices appris seront
à continuer tout au long de la thérapie et au-delà. Toutes les semaines, la couleur
de cotation change, ce qui nous permet de voir si le patient applique et conti-
nue d’appliquer ce qui lui a été appris. Sans application pas de changement.
NB : Au lieu d’appliquer l’expiration par la bouche, l’expiration par le nez
peut être pratiquée bouche fermée en produisant le son OM.
• Nom, date
• Est-ce que les explications étaient claires ?
• Est-ce que les exercices étaient difficiles ?
• Est-ce que vous avez appris quelque chose de nouveau ?
• Est-ce que c’était difficile pour vous de participer au groupe ?
• Est-ce que la participation à cette séance a eu une influence sur votre
anxiété ? Oui/non ; si oui : je suis moins anxieux, je suis plus anxieux ;
• Est-ce que la participation à cette séance a eu une influence sur votre état
dépressif ? Oui/non ; si oui : je suis moins déprimé/je suis plus déprimé ;
• Remarques personnelles.
Le travail en séance
• Contrôle des fiches hebdomadaires sur les AP et sur les exercices
respiration/relaxation.
• Revue du travail à domicile et des difficultés éventuelles. L’excuse « je
n’avais pas le temps » qui peut être utilisée lors des premières séances est
mise en doute. Comme il faut respirer de toute façon autant apprendre à
respirer correctement.
• Tour de table sur les événements principaux de la semaine passée par
rapport aux AP. Les patients comprennent vite ce qui est important et est
intéressant pour le groupe.
Suite des exercices de respiration
La combinaison de la technique vagale, qui sollicite le réflexe barosinusien
de Valsalva avec la régulation respiratoire, est démontrée en vue de donner
au patient un moyen rapide de ralentir l’accélération cardiaque et respira-
toire :
1. inspirer ;
2. bloquer la respiration en gonflant le ventre ;
3. compter lentement jusqu’à 6 ;
4. expirer.
Nous recommandons aussi aux patients de pratiquer les exercices de res-
piration abdominale dans des positions différentes. En étant allongé et
en mettant une boîte de mouchoirs cubique sur leur ventre et d’observer
simplement qu’elle monte avec l’inspiration et descend avec l’expiration.
Puis d’essayer (sans la boîte !) sur le côté, d’abord l’un, puis l’autre. Ensuite
de faire l’exercice debout ou assis. Bien qu’il soit rare que la méthode du
ronronnement ne convienne pas il nous semble utile de proposer diffé-
rentes méthodes. Comme on observe des variations de tension chez certains
patients au cours des AP, nous démontrons un exercice de contraction des
muscles, qui leur apporte un moyen supplémentaire de gestion des symp-
tômes et leur permet de jongler avec des changements de tension imprévus
ou rapides et le sentiment de faiblesse physique. Cet exercice s’inspire de la
relaxation classique type Jacobson (in Cungi, 2006) avec tension et relâche-
ment des différents groupes musculaires (mains, avant-bras, bras, épaules,
nuque, front, cuir chevelu, yeux, mâchoire, langue, poitrine, ventre, haut du
dos, bas du dos, fesses, cuisses, mollets, pieds et orteils).
Quelques explications théoriques sur :
• le conditionnement à l’aide de l’histoire du chien de Pavlov, comparai-
son avec l’installation et la généralisation des AP ;
• le déclenchement des AP par des stimuli de plus en plus petits de
n’importe lequel de leurs cinq sens ;
• l’apprentissage d’un nouveau programme de fonctionnement face à
l’anxiété qui sera plus efficace que l’ancien (celui des AP), s’il est bien installé,
et comparaison avec différentes versions du même programme ordinateur ;
• le fonctionnement du système neurovégétatif ;
110 Thérapies cognitives et émotions
l’aider dans de tels moments. Il est important de lui faire comprendre qu’il
s’agit là de processus cognitifs automatiques comme réciter l’alphabet, les
tables de multiplication, les verbes réguliers ou irréguliers, chanter, prier,
écrire ce qu’il se passe au moment même (par exemple : Il est 10 h, je suis
dans le train, j’ai peur, mon anxiété est à 9/10, il est 10 h 01, mon anxiété
est à, etc.), trouver des prénoms pour les différentes lettres de l’alphabet,
arrivé à z recommencer et mettre des prénoms de fille là où il y avait des
prénoms de garçon. Symbole : abc, 1 x 1, Anne, Bertha, Caroline, etc.
6. Quand nous sommes anxieux, quand nous sommes déprimés, quand
nous avons mal, nous vivons une distorsion du temps. Si nous nous don-
nons un coup de marteau sur le pouce, nous pensons que cela dure une
éternité alors qu’il s’agit de fractions de secondes. Chaque AP a une durée.
Elle est délimitée dans le temps par un début et une fin. La personne est
présente quand l’AP commence (par exemple : en entrant dans le magasin,
à 10 h…) et sait par le passé que toutes ses AP se sont terminées. (par exem-
ple : à la sortie du magasin, en étant de retour chez elle, etc.). Ne pas rester
coincé par la pensée dans la situation anxiogène, mais être capable d’ima-
giner un après attaque de panique peut aider. Retrouver la notion pratique
de durée (par exemple : 3 minutes correspondent à telle ou telle chanson de
mon CD ; 2 minutes correspondent à une bonne demi-douzaine de ronron-
nements) peut apporter un réel soulagement. Symbole : alpha, omega.
L’évaluation de la séance
Le travail en séance
Contrôle des fiches hebdomadaires sur les AP et sur les exercices respiration/
relaxation. Les patients se rendent compte que ceux qui font les exercices
avancent plus rapidement.
Revue du travail à domicile et des difficultés éventuelles. Précision de
l’objectif personnel à atteindre avant la fin du groupe et mise en place de la
hiérarchie d’exposition.
qui est un idiot. Les patients savent en général très bien de quel côté ils se
situent. Beaucoup de ces patients sont dans la logique que le bien provient
des étoiles, ne dépend pas d’eux, alors que le mal vient d’eux-mêmes, ils en
portent la responsabilité et la culpabilité. Autant les patients peuvent rester
bloqués pour leur propre problème autant ils voient les solutions pour leurs
compagnons de thérapie. C’est au thérapeute de gérer leurs interventions
afin qu’elles restent constructives.
Tour de table sur les événements principaux de la semaine passée par
rapport aux AP.
En général nous observons progressivement de moins en moins d’anticipa-
tion d’attaques de panique sans raison. L’anxiété par rapport aux expositions
peut rester importante mais il y a de moins en moins d’évitement. Sur le
plan clinique, on observe un changement positif chez la plupart de patients.
Suite des exercices de respiration
Comme la respiration consciente peut être ressentie négativement par les
patients, il importe de leur enseigner des comportements respiratoires diffé-
rents allant du plus stricte comme celui de la « paille », au plus libre comme
celui de la « main ».
Respirer à l’aide d’une paille
Nous recommandons trois étapes :
• inspirer par le nez ou par la bouche, expirer par la paille ;
• inspirer par le nez ou par la bouche, expirer par la paille, inspirer par la
paille ;
• inspirer par le nez ou par la bouche, expirer et inspirer par la paille en se
bouchant le nez.
Respirer dans la main
Mettre la main sur le bas-ventre. Sentir la main et le ventre. Imaginer tout
simplement inspirer dans la main. Mettre la main juste au-dessus du nom-
bril, inspirer dans la main. Mettre la main sur le plexus solaire et imaginer
inspirer dans la main. Mettre la main sur le sternum et imaginer inspirer
dans la main.
Exercices de « relaxation qui permet de garder le contrôle »
Premier exercice : la relaxation 5, 4, 3, 2, 1
Il est bien connu que les exercices de relaxation type Schultz (in Cungi, 2006)
ou Jacobson peuvent provoquer des attaques de panique chez des patients
qui restent aux aguets et qui n’ont plus réussi à se détendre depuis long-
temps. C’est pour cette raison que nous préférons leur enseigner un exer-
cice d’autohypnose qui avec son côté mindfulness, pleine conscience, s’est
avéré des plus utiles au cours des années (Doutrelugne, Cottencin, 2005). Il
remonterait droit à Milton Erickson. Dans un premier temps, nous le pré-
sentons donc comme un exercice de relaxation qui permet de garder le
contrôle. Le mot « autohypnose » sera seulement dit à la fin de l’exercice. En
séance de groupe, nous pouvons démontrer l’exercice en passant la parole
d’un patient à l’autre ou en le faisant complètement avec le même patient.
114 Thérapies cognitives et émotions
À la fin de l’exercice, nous apprenons aux patients qu’il s’agit en fait d’un
exercice d’autohypnose. Le but est de leur permettre de réapprendre des
transes positives. C’est une capacité qu’ils avaient quand ils étaient enfant
mais qui s’est perdue en grande partie depuis. Ainsi, l’après-midi, vers
15 h, quand l’instituteur leur expliquait les mathématiques ou la géogra-
phie, ils étaient physiquement présents, mais avec leurs pensées ils étaient
ailleurs, dans la cour de récréation, en train de savourer le goûter qui les
attendait, etc. Peu à peu, ces transes positives ont fait place aux transes
négatives pour lesquelles ils sont devenus de grands spécialistes. Les per-
ceptions erronées de la réalité, le côté virtuel de leurs appréhensions, les
psychodrames mentaux auxquels ils se livrent quotidiennement ne sont
autres que des transes négatives. La réinstallation d’états de détente leur
permet de retrouver un état de bien-être sans devoir aller se tester pour voir
si tout va vraiment bien, si leur cœur ne bat quand même pas un peu trop
vite et risque ainsi de les replonger rapidement dans un état émotionnel qui
risque d’échapper à leur contrôle.
L’évaluation de la séance
Le travail en séance
Contrôle des fiches hebdomadaires sur les AP et sur les exercices respiration/
relaxation.
Revue du travail à domicile et de difficultés rencontrées lors de la réalisa-
tion des différentes étapes d’exposition. Relever les appréciations négatives
ou dévalorisantes des patients par rapport à leurs progrès :
• Ginette : « Je suis allée au supermarché mais il n’y avait pas grand
monde » (alors qu’elle est seulement à l’étape 5 et non pas à l’étape 10).
• Paul (qui n’avait plus pris l’autoroute depuis 3 ans) : « J’ai pris l’autoroute
mais je l’ai quittée à la 3e sortie. ».
Tour de table : par le biais de ce que les uns et les autres exposent, une
prise de conscience des comportements et des cognitions automatiques
s’installe, d’abord pour ceux des autres puis pour les leurs. Nous en profi-
tons pour décrire les principaux stades par lesquels ils passent au cours des
séances de thérapie.
Les stades du changement
À l’arrivée, ils ont des comportements inadéquats dont ils n’ont pas néces-
sairement conscience (inconsciemment faux, IF).
Après la première séance, ces comportements, tout en restant inadéquats,
seront conscients (consciemment faux, CF). Un changement cognitif est en
train de se mettre en place. Sur le plan émotionnel il n’y a pas encore de
changement positif.
Ce changement cognitif permettra d’amener un changement sur le
plan comportemental, par exemple un comportement respiratoire adapté
(consciemment juste, CJ). Et, si la logique des trois cercles est correcte, le
changement émotionnel positif va suivre et le cercle vicieux va se trans-
former en cercle salutaire.
Peu à peu les comportements adaptés répétés se feront automatiquement
(inconsciemment juste, IJ).
Afin que les patients ne se découragent pas, il est important de leur faire
remarquer qu’il y a un progrès dès le deuxième stade, même si sur le plan
émotionnel il n’y a pas encore de changement.
Reprise détaillée du scénario de l’attaque de panique avec ses différentes
étapes et les cinq points d’intervention possibles ou des mesures comporte-
mentales et/ou cognitives pourront être appliquées afin d’éviter l’escalade
finale vers la panique :
1. déclencheur ;
2. pensée automatique ;
3. émotion, sensations physiques qui peuvent se suivre dans n’importe
quel ordre ;
4. la fixation sur les sensations ;
5. l’intensification des sensations ; l’interprétation catastrophique de ces
sensations et l’aboutissement à la panique.
118 Thérapies cognitives et émotions
L’évaluation de la séance
L’évaluation de la séance
positive des autres est beaucoup mieux perçue que la leur et que cela les
encourage à tenir bon.
Travail, pendant toute la séance, sur les distorsions cognitives et la
restructuration cognitive. Et, pour terminer un exercice de détente avec
une métaphore à « confusionner ». Le travail cognitif peut être difficile à
comprendre pour certains, donc de nombreux exemples pratiques seront
à l’ordre du jour. La séance commence par la visite du psychiatre qui parlera
des médicaments qui influencent, calment, changent, stabilisent les émo-
tions (30 minutes).
Le travail en séance
Contrôle des fiches hebdomadaires sur les AP et sur les exercices respiration/
relaxation. Il est important de profiter à chaque séance de ce moment pour
rappeler aux patients l’importance de ces exercices, de les motiver, de les
aider à trouver une possibilité de les faire.
La vérification du travail à domicile a son importance. S’il n’est pas vérifié
régulièrement, il finira par ne plus être fait, et cela bien que nous travaillons
avec des adultes. Ne pas le vérifier à une séance et le revérifier à la séance
d’après, permet aussi de les responsabiliser et de montrer la différence par
rapport à l’enfant qui fera le plus souvent le devoir s’il sait qu’il est contrôlé
pour ne pas être puni ou parce qu’il le faut, alors que l’adulte en aurait compris
l’utilité. Le thérapeute doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour aider
le patient à changer. Le thérapeute, tout comme le patient, doit rester motivé !
Tour de table sur les événements principaux de la semaine par rapport
aux attaques de panique mais aussi par rapport à d’autres événements.
Mettre en évidence les facteurs qui peuvent influencer la survenue ou la
maîtrise des états anxieux. Parler des facteurs facilitants.
La restructuration cognitive
La restructuration cognitive à l’aide des sept colonnes :
1. situation ;
2. humeur/émotion ;
3. pensée automatique ;
4. arguments en faveur de la pensée automatique ;
La thérapie de groupe et gestion des émotions 125
Après sa mort, un homme laissa à ses trois fils 19 chameaux et il leur demanda
de les partager de la façon suivante : l’aîné aura la moitié, le second un quart
et le plus jeune un cinquième du troupeau. Ils sont en train de réfléchir, de se
disputer et d’aiguiser le couteau quand un sage passe avec son chameau. Il
s’arrête, met sa bête avec le reste du troupeau et demande ce qui se passe. Les
trois frères lui racontent leur situation qui semble sans issue. Le vieux sage réflé-
chit un instant en regardant les bêtes devant lui. Il en prend la moitié et donne
dix au premier né, au second il en remet cinq, le quart, et au troisième quatre,
le cinquième. Il récupère ensuite son propre chameau et il se remet en route.
L’évaluation de la séance
Le travail en séance
Contrôle des fiches hebdomadaires sur les AP et sur les exercices respiration/
relaxation.
Revue du travail à domicile, des difficultés éventuelles et des erreurs de
logique par rapport aux sept colonnes. Cet apport nous donnera de nom-
breux exemples personnels pour alimenter la présentation sur la personna-
lité et le schéma de fonctionnement des patients, schéma qui a préparé un
bon terrain pour l’installation des attaques de panique.
Tour de table sur les événements de la semaine, la progression sur le
plan pratique, l’influence sur d’autres domaines de la vie de famille ou
de la vie professionnelle. La plupart des patients deviennent bien plus
affirmés au cours de la thérapie et apprennent ainsi à se protéger avant
même que le sujet ne soit abordé dans cette 7e séance. Il est important de
rajouter, ultérieurement à cette séance, à quel point la stabilisation émo-
tionnelle d’un patient peut devenir déstabilisante pour l’un ou l’autre
membre de sa famille. Ainsi un mari, qui en raison de l’anxiété de son
épouse, était toujours informé de ses moindres activités, se trouve sou-
dain confronté à une situation nouvelle qui échappe à son contrôle avec
une femme qui gère ses attaques de panique, et commence à se déplacer
comme elle veut.
La thérapie de groupe et gestion des émotions 127
avec leurs émotions mais surtout dans le cadre des problèmes anxieux. La
première est la recherche du perfectionnisme. Vouloir bien faire n’est pas
un mal en soi s’il n’y a pas que deux mesures : 0 % et 100 %. Où sont passés
les 99 + 1% ? Le problème est que les personnes qui sont dans cette dichoto-
mie se donnent rarement du crédit pour ce qu’elles ont fait. Elles ne voient
que ce qui n’a pas été fait. Ce qui a pour conséquence que le compteur est
remis tous les matins à zéro. C’est non gratifiant et fatiguant. Sisyphe au
xxie siècle. Les mythes se répètent.
Une deuxième caractéristique est le besoin de contrôle. Il s’agit moins du
contrôle des autres que de celui des événements de vie. Comme Epictète le
disait déjà, il y a deux sortes d’événements : ceux sur lesquels nous avons
une influence et ceux sur lesquels nous n’avons pas d’influence. Il rajoutait
que c’est une grâce de connaître la différence. Bien souvent nos patients
n’ont pas cette grâce. Un troisième point est l’importance du regard des
autres. À la fois dans le sens où c’est important de bien faire mais aussi
dans le sens où il faut satisfaire tout le monde. Il va de soi que les personnes
qui ont l’un ou l’autre, mais le plus souvent les trois caractéristiques réu-
nies, ont un lourd programme journalier. Ce qui génère évidemment du
stress. Le stress en lui-même peut être un problème, mais c’est surtout le fait
d’ignorer les signes physiques et psychiques qu’il crée qui sera à l’origine
de problèmes physiques et/ou psychiques importants : infarctus, burn-out,
troubles anxieux, troubles dépressifs, troubles psychosomatiques pour n’en
citer que les plus importants.
Un système d’autoprotection : les limites
La plupart des patients, et pas seulement dans les groupes attaques de
panique, se reconnaissent bien dans cette description. Ils comprennent
qu’ils ont appris à gérer les attaques de panique mais qu’il y a tout un travail
de longue durée à faire pour ne pas en générer des nouvelles tout au long de
leur vie, sur le même plan et sur d’autres plans. Dans l’avant-dernière séance,
nous arrivons aux limites, aux limites personnelles. Un peu comparable aux
limites que l’on introduit dans l’éducation des enfants. Pouvez-vous ima-
giner une autoroute sans signalisation ? Ce serait extrêmement dangereux
de ne pas savoir où s’arrête le macadam et où commence le ravin, de ne pas
savoir où on peut doubler, quelle est la vitesse recommandée, et… où sont
installés les radars. Voilà tout un programme d’installation à faire, au moins
d’être téléguidé. Ce dernier point pourrait faire sourire si ce n’était pas bien
souvent le cas. Que de patients perturbés dans leurs émotions sont manipu-
lés comme des marionnettes dont les fils sont activés par des proches, par
des membres de la famille ou de la famille d’origine, même longtemps après
la disparition de celle-ci.
Au début de la thérapie, nous avions parlé des projets à court terme, à
moyen terme et à long terme. Le travail sur les limites, voilà un objectif
à long terme. Apprendre à les connaître, à les respecter, les montrer aux
autres, les faire respecter. Un programme en quatre étapes. Comme nous
reverrons les patients quatre fois après la fin de la thérapie de groupe,
nous pouvons continuer à les accompagner dans leur changement en les
La thérapie de groupe et gestion des émotions 129
L’imagerie et la métaphore
La séance commence par un exercice de pleine conscience. Puis nous
demandons au patient d’imaginer qu’avec chaque respiration il descend
plus profondément dans la détente, comme s’il descendait un escalier de dix
marches et avec chaque marche la détente deviendrait encore plus agréable.
La première marche, la deuxième… la dixième marche. Cet escalier le mène
à une plage. L’une de ces plages au sable fin. Ce sable fin qui passe douce-
ment à travers les doigts, chaud, fin, soyeux. Et puis il y a cet endroit non
loin de la mer où il ferait bon s’arrêter, s’asseoir, s’allonger. Comme il serait
agréable de sentir où est posée la tête, les épaules, le dos, la taille, les fesses,
les jambes, les talons. Les bras sont allongés le long du corps, les doigts
s’enfoncent dans le sable, et plus ils creusent plus la consistance du sable
change. Il devient plus humide, plus compact, plus frais. « Une douce brise,
ni trop chaude, ni trop fraîche passe sur votre corps et l’enveloppe comme
une couverture. Vous entendez le bruit des petites vagues qui viennent se
casser sur la plage. Vous aimeriez mettre les pieds dans l’eau fraîche mais
vous sentez cette paresse agréable qui vous empêche de bouger. Mais la
fraîcheur de l’eau serait si agréable. Vous arrivez à vous lever doucement,
dans le sable vous voyez la marque que votre corps y a laissée. C’est votre
place, votre endroit, mentalement vous pourrez y retourner à chaque fois
que vous le souhaiterez, il suffira de visualiser cette marque dans le sable qui
garde l’empreinte de votre corps, de votre tête, de votre dos, de vos jambes,
de vos talons. Quelques pas et vous avez les pieds dans l’eau. Vous imaginez
130 Thérapies cognitives et émotions
L’évaluation de la séance
L’évaluation de la séance
• évaluation de la thérapie de groupe : les patients reçoivent un ques-
tionnaire à remplir chez eux et à nous renvoyer par la Poste ;
• fixation du rendez-vous pour les tests spécifiques qui sont refaits après
la 8e séance.
de groupe pour apprendre à gérer d’autres émotions, leur faut-il une théra-
pie individuelle, sont-ils bien comme ils sont ? Une réponse à considérer
individuellement selon les besoins, les capacités et les possibilités du patient.
Nous remercions les patients de nous avoir accordé leur confiance pour ce
travail sur leurs émotions et avec leurs émotions.
Conclusion
Parfois, quand nous demandons à nos patients ce qu’ils attendent de la
thérapie de groupe, ils nous répondent qu’ils voudraient « redevenir
comme avant ». Et c’est justement ce qu’il ne faut pas, puisque c’était leur
ancienne façon d’être, de ressentir, de penser, de se comporter qui a permis
au trouble émotionnel de s’installer. Au cours de la thérapie, de nombreux
patients se rendent compte qu’ils peuvent changer, évoluer dans leur déve-
loppement personnel, devenir de plus en plus la personne qu’ils voudraient
être. Avec eux, nous avons découvert toute la dimension de la signification
du signe chinois pour le mot « crise ». Ce signe se compose en effet de deux
signes différents, l’un voulant dire « danger », l’autre « chance ». Avant la
thérapie, ils étaient en crise, voire en danger. L’apprentissage de la gestion
de leurs émotions leur a donné la chance de reprendre leur vie en main.
Tout comme nous avons commencé ce chapitre par une métaphore,
nous nous proposons de le terminer par ce même moyen thérapeutique
qui intervient à la fois sur le plan des émotions et des cognitions. Au début
de la thérapie de groupe, pour une meilleure gestion des émotions, nous
nous trouvions en face d’une multitude d’émotions entremêlées, nouées.
Après un certain temps, il devient en général évident, que chaque patient
met toute son artillerie émotionnelle de défense et d’attaque au service de
deux émotions contradictoires comme l’anxiété et le courage, l’amour et la
haine, le doute et la confiance, pour n’en citer que quelques-unes. Différents
auteurs ont illustré cela par cette ancienne fable de deux animaux puissants,
tantôt des loups, tantôt des ours ou des dragons… se combattant au fond du
cœur, de l’âme ou du cerveau humain. Leur bataille est intense et acharnée.
Et lequel va gagner ? Tout simplement celui qui sera le mieux nourri.
L’art de la gestion des émotions en groupe, ou de groupe, ne consisterait-
il pas à trouver l’aliment de choix qui permettra à la bonne émotion de
survivre ?
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7 La thérapie familiale
émotionnelle :
une approche centrée
sur le schéma
F. Dattilio, F. Mehran
Plus tard, Beck s’est inspiré des travaux d’autres théoriciens de la psycho-
logie cognitive pour améliorer le concept du schéma. Parmi ces théoriciens
nous pouvons citer Piaget à qui nous devons le terme de « schème » ou
« schéma » qu’il a utilisé comme la structure de base du développement
cognitif.
Le modèle de George Kelly (1955) « la psychologie des construits per-
sonnels » ou « le constructivisme » qui étudie les voies idiosyncrasiques de
construction et d’interprétation du monde, dans le contexte du change-
ment comportemental (Mehran, 2003), a également inspiré le modèle de
Beck. Une autre influence est celle de la théorie d’attachement de Bowlby
(1969).
D’après Beck et Emery (1985), les schémas, structures de base de l’orga-
nisation cognitive, contribuent à nommer, classifier, interpréter, évaluer et
donner une signification aux objet et événements (Beck et Emery, 1985).
Les schémas sont des éléments centraux de la pensée et de la perception.
Ils ont une influence intégrante sur l’émotion et le comportement. À vrai
dire, les schémas sont utilisés comme modèles pour les expériences de vie
de l’individu et sa façon de traiter l’information.
Tout en étant cohérente et compatible avec les théories systématiques,
l’approche cognitivocomportementale est basée sur l’hypothèse suivante :
les membres d’une famille s’influencent simultanément les uns les autres et
sont influencés par les pensées, les émotions et les comportements des uns
et des autres (Dattilio, 2001 ; Leslie, 1988).
Chaque membre de la famille observe, à la fois ses propres cognitions,
comportements et émotions par rapport à l’interaction familiale et les
indices concernant la réponse des autres membres de la famille. Ainsi,
l’ensemble de ces perceptions conduit à la formation des postulats à propos
des dynamiques familiales, qui seront ainsi développés dans des « schémas »
ou « structures cognitives » relativement stables. Ces cognitions, émotions
et comportements peuvent induire des réponses chez les autres membres de
la famille. Cette inter-action provient de ces schémas les plus stables utiles
à la fondation du fonctionnement familial (Dattilio, Epstein et Baucom,
1998).
Quand ce cercle implique un contenu négatif qui affecte les réponses cog-
nitives, émotionnelles et comportementales, la volatilité des dynamiques
familiales a tendance à escalader et rendre les membres de la famille vulné-
rables à une spirale négative du conflit. Malheureusement, il existe très peu
de recherches empiriques pour soutenir cette théorie d’escalade. Bien que
dans la littérature le travail de Patterson et ses associés (Patterson, 1985 ;
Patterson et Forgath, 1998 ; Patterson et Hops, 1972) soit centré sur les études
empiriques des patterns négatifs dans l’interaction familiale, ces études se
concentrent seulement sur les interactions comportementales, avec très peu
ou pas d’attention sur les processus cognitifs.
Par ailleurs, Dattilio (2004) décrit les raisons potentielles qui ont contri-
bué à ce faible nombre de recherches empiriques conduites avec la famille.
Une des raisons est que les dynamiques d’un couple sont tellement proches
La thérapie familiale émotionnelle : une approche centrée sur le schéma 141
Les attentes
Si les attributions sont importantes, les prédictions que les membres de la
famille font à propos des uns et des autres concernant les futurs comporte-
ments le sont également. Ces prédictions sont connues comme des attentes
et sont généralement basées sur les schémas individuels des membres à pro-
pos des relations familiales. Les attentes peuvent avoir un profond effet sur
la disposition émotionnelle et comportementale de l’individu et des autres
membres de la famille.
Les schémas forment des attentes, et les attentes conduisent les membres
de la famille à se comporter de façon à créer des prophéties épanouissantes
La thérapie familiale émotionnelle : une approche centrée sur le schéma 145
Les postulats
Les postulats sont des schémas spécifiques que chaque membre de la famille
construit à propos des caractéristiques des autres membres de la famille et
de la relation familiale. Ces croyances de base sont utilisées pour faire des
attributions sur les causes des comportements spécifiques des autres.
Ainsi, la croyance de base que chaque membre développe à propos des
autres et la relation peuvent influencer les comportements ou les événements
particuliers qui sont expérimentés (Baucom et Epstein, 1990 ; Baucom,
Epstein, Sayers et Sher, 1989).
Les standards
Les standards sont des schémas particuliers qui impliquent les croyances de
l’individu à propos des caractéristiques que les individus « doivent » avoir
dans leur relation.
Les membres de la famille utilisent des standards comme modèles pour
évaluer si chaque comportement de l’autre et si le rôle joué par ce dernier
sont appropriés ou acceptables.
Schwebel et Fine (1992) ont décrit les standards de leur travail sur « la consti-
tution familiale ». Une série élaborée de règles et de standards qui gouvernent
la vie familiale. La majorité de ces règles sont basées sur les schémas parentaux
individuels ou communs qui constituent « la vie familiale salubre ».
Les standards impliqués dans une « constitution familiale » contiennent :
• des standards pour relation-interpersonnelle parmi les membres de la
famille ;
• des standards pour le partage du travail ;
• des standards pour traiter les conflits ;
• des standards pour les limites et l’intimité ;
• des standards pour les individus en dehors de l’unité familiale (Schwebel
et Fine, 1992).
Le cas de la mère qui a peur de la faiblesse peut être utilisé comme exemple.
• Étape 1 : découvrir et identifier les schémas familiaux et souligner les
domaines de conflit et dysfonctionnement qui sont soumis par ces schémas.
Les schémas peuvent être mis à jour par le biais des pensées automatiques
et l’usage des techniques comme « la flèche descendante » (Dattilio, 1998 ;
Dattilio et Padesky, 1990).
• Étape 2 : retracer l’origine des schémas familiaux et la façon dont ils
ont été développés pour devenir un mécanisme enraciné dans le processus
familial. Cela peut être réalisé par la recherche dans le passé des parents et
leurs schémas individuels.
• Étape 3 : faire prendre conscience du besoin de changement ; indiquer
comment la restructuration d’un schéma peut faciliter un fonctionnement
plus adapté et plus harmonieux dans l’interaction familiale. À ce niveau, il
est essentiel de faire prendre conscience à la famille que la modification des
schémas peut diminuer la tension et baisser le niveau de conflits dans la
famille.
• Étape 4 : obtenir ou susciter la reconnaissance par rapport à un
besoin pour modifier les schémas dysfonctionnels existants. Encourager
la coopération de la famille pour les membres de la famille qui ont des
objectifs différents et incompatibles pour le traitement, trouver un terrain
commun.
• Étape 5 : évaluer le niveau de compétence de la famille pour réali-
ser les changements et planifier des stratégies pour les faciliter. Parfois les
degrés d’habilité sont limités. Par exemple, si une famille fonctionne sur
un niveau intellectuel faible, ses compétences peuvent être moins sophis-
tiquées, l’intervention nécessite des techniques plus concrètes et le proces-
sus peut être programmé de façon plus lente.
• Étape 6 : mettre en œuvre des changements. Les fonctions du théra-
peute familial sont comme des instruments qui servent à faciliter le chan-
gement, à encourager les membres de la famille et à considérer les versions
modifiées de leurs croyances de base.
• Ceci est réalisé à travers l’usage des expériences collaboratrices, la réso-
lution de problèmes qui ont pour objectif de modifier les croyances et de
peser les effets de ces modifications par rapport aux croyances existantes
dans l’interaction familiale. La clé du changement dans le processus est
d’identifier comment les membres de la famille se comporteraient différem-
ment vis-à-vis des uns et des autres, s’ils avaient à vivre selon leurs schémas
modifiés.
• Étape 7 : mettre en place de nouveaux comportements. Cela implique
d’essayer les changements et vivre la crise. L’usage des exercices familiaux
et l’assignation des tâches sont impératifs dans la mise en place du change-
ment permanent (Dattilio, 2002).
• Par exemple, on peut suggérer à chaque membre de la famille de sélec-
tionner un comportement alternatif cohérent avec le schéma modifié, le
mettre en place, et enregistrer l’impact perçu par les membres de la famille.
La thérapie familiale émotionnelle : une approche centrée sur le schéma 147
Conclusion
Le thérapeute qui travaille avec les schémas familiaux a besoin de plus de
courage et d’effort, parce qu’il a affaire à plusieurs séries de schémas indi-
viduels et souvent très ancrés et rigides. Les familles sont en général peu
disposées à accepter les changements, particulièrement quand ces derniers
menacent de perturber l’homéostasie générale.
Il a été suggéré aux thérapeutes de travailler d’abord sur les perceptions
sélectives, les attributions et les attentes avant d’attaquer la modification
des schémas.
La thérapie familiale d’orientation cognitivocomportementale concerne
des processus circulaires qui impliquent des facteurs cognitifs, comporte-
mentaux et affectifs aussi bien que l’influence des théories contextuelles
plus larges comme dans le cas de l’environnement interpersonnel et phy-
sique (Dattilio et Epstein, 2003, p. 169).
Par conséquent, le terrain pour une fertilisation plus riche est large, sur-
tout depuis que les thérapies comportementales et cognitives ont intégré
des concepts et des méthodes de tant d’autres approches (Dattilio, 1998c).
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8 La thérapie
comportementale
dialectique : l’émotion
en mouvement
D. Page, A. Salamat, R. Toth
Marsha Linehan dans les années 1990 a proposé une théorie et un modèle
pratique d’intervention chez les patients borderline en intégrant les théories
comportementales concernant les compétences et les habiletés sociales, les
théories cognitives, certains aspects de la psychanalyse, et aussi des idées philo-
sophiques venant du marxisme et du bouddhisme Zen. Le cocktail s’est révélé
efficace car l’approche qu’elle propose est actuellement reconnue dans plus de
dix études contrôlées. Au centre de la pratique de la thérapie comportementale
dialectique est la gestion des émotions négatives et la synthèse entre l’esprit
rationnel et l’esprit émotionnel pour atteindre l’esprit sage. Cette métaphore
bouddhiste doit guider les thérapeutes dans leur compréhension des patients,
mais aussi dans la gestion de leurs propres mouvements émotionnels au cours
de thérapies souvent éprouvantes.
Figure 8.1
Conception bio-psycho-sociale du TPEL.
C’est ainsi que la personne TPEL apprend à faire usage de tout un ensem-
ble de comportements problématiques, tels que les menaces de suicide, les
tentatives de suicide, les automutilations, ou les conduites impulsives. Uti-
lisés comme moyens de réguler l’intensité des affects, ils sont renforcés par
l’attention que leur porte l’environnement.
En résumé, la TCD considère que le TPEL se construit à partir d’une
vulnérabilité émotionnelle, résultante de la transaction entre le dysfonc-
tionnement du système de régulation des émotions de l’individu et le dys-
fonctionnement du système environnemental.
Cette conception biosociale du TPEL apporte un éclairage supplémentaire
aux descriptions cliniques que proposent le DSM-IV TR (APA, 2003) ou la
CIM-10 (OMS, 1993). Dans ces deux manuels diagnostiques, le TPEL est
caractérisé par une instabilité et une dysrégulation cognitives, émotion-
nelles et comportementales (Figure 8.1) :
• l’instabilité et la dysrégulation cognitives se caractérisent par la capacité
réduite d’anticiper les conséquences ; la personne TPEL évalue mal la portée
à moyen et long terme de ses actes et privilégie les conséquences positives à
court terme. Elle est également en difficulté par rapport à son image, craint
continuellement d’être abandonnée, et tend à percevoir autrui soit de
manière idéalisée, soit de manière dévalorisante. Le DSM-IV TR (APA, 2003)
mentionne aussi la présence d’états dissociatifs et d’idéations persécutoires
dans les contextes de stress intense auxquels la personne TPEL peut être
amenée à se confronter ;
La thérapie comportementale dialectique : l’émotion en mouvement 155
L’alliance thérapeutique
L’attachement du patient envers le thérapeute est tout aussi important que
l’attachement du thérapeute envers le patient. Le premier est visé dès les
premières étapes de la prise en charge : les expériences cognitives, affectives
et comportementales du patient sont validées, les comportements inter-
férant avec la thérapie sont travaillés, et les contrats de travail clarifiés. Le
second est potentialisé par l’accent mis continuellement sur la diminution
des comportements suicidaires et parasuicidaires, des comportements inter-
férant avec la thérapie, et par la procédure de supervision.
Ces compétences sont d’autant plus fondamentales que le thérapeute
et le processus thérapeutique produisent des expériences émotionnelles
La thérapie comportementale dialectique : l’émotion en mouvement 159
La position dialectique
La dialectique est une position philosophique qui consiste à considérer que
tout est en changement perpétuel : des contradictions entre les pôles oppo-
sés (thèse et antithèse) naît une tension créatrice, conduisant à la synthèse.
Cette synthèse est elle-même à l’origine de nouvelles thèses et antithèses.
Appliquer ce principe dialectique dans le contexte thérapeutique, c’est utili-
ser des stratégies spécifiques qui ciblent la relation thérapeute-patient.
Dès lors, le thérapeute a pour objectif d’équilibrer les stratégies de trai-
tement, alternant entre l’acceptation et le changement, entre protéger le
patient et le conduire à se protéger, entre ne pas lâcher prise tout en se
montrant flexible. De même, il cherche à moduler la pensée et les comporte-
ments de manière dialectique, intégrant les points de vue opposés, synthéti-
sant les extrémités du continuum. Sa mission est de se tenir simultanément
des deux côtés de chaque pôle, en ayant l’intime conviction que ni lui ni
le patient ne détient la vérité et la certitude que l’issue de cette tension
consiste à découvrir ce qui a été omis dans le raisonnement, dans la percep-
tion de l’environnement et la manière de gérer ce dernier.
160 Thérapies cognitives et émotions
La validation
L’intervention du thérapeute exige la recherche permanente d’un équilibre
entre la validation de ce que vit le patient à un moment donné et les tech-
niques de résolution de problèmes qui le conduiront à modifier ses compor-
tements. La validation et la résolution de problèmes sont des stratégies
centrales de la prise en charge TCD. Face à quelqu’un qui souffre inten-
sément et dont on ne peut modifier l’environnement en vue de diminuer
la souffrance, le thérapeute risque de vouloir concentrer toute son énergie
pour conduire le patient à changer son comportement (attitude prônée
dans le contexte de la résolution de problèmes). Or, une des étapes fonda-
mentales de tout changement est l’acceptation radicale et inconditionnelle
des choses telles qu’elles sont sur le moment : c’est la validation.
Valider, c’est mettre en évidence la partie adéquate et compréhensible de
la réponse en la recontextualisant dans l’ici et maintenant. Le thérapeute
qui veut valider doit observer de manière active ce que le patient est en train
de vivre ; il doit ensuite être en mesure de reformuler ce qu’il a observé en
se positionnant de manière non jugeante. Finalement, le thérapeute valide
le comportement ainsi observé et reformulé de manière non jugeante en
mettant en évidence la part de sagesse et d’adaptabilité présente dans le
comportement par rapport au contexte dans lequel il survient.
Quatre niveaux de validation sont à la disposition du thérapeute pour
exprimer l’acceptation de la réalité telle qu’elle est sur le moment :
• la validation émotionnelle consiste à offrir au patient des opportunités
de vivre en séance ses émotions quelles qu’elles soient. Elle permet égale-
ment au thérapeute d’enseigner l’observation et l’étiquetage des émotions
y compris en verbalisant, d’une manière non jugeante, les émotions qu’il a
162 Thérapies cognitives et émotions
L’équipe de supervision
Diminuer la fréquence et l’intensité des comportements interférant avec
la thérapie, qu’ils soient émis par le patient ou par le thérapeute, permet
de créer les contingences indispensables à la poursuite du processus théra-
peutique. L’objectif est de prévenir l’usure du thérapeute plutôt que de la
traiter. Pour que le processus thérapeutique puisse avoir lieu et se poursuive,
la motivation du patient et du thérapeute de mener à bien cette démarche
est essentielle ; or, la motivation est le résultat des renforcements que les
deux protagonistes de la relation reçoivent.
L’équipe de supervision est là pour pallier le manque de renforce-
ments positifs que le thérapeute reçoit du patient, pour contrebalancer
les renforcements aversifs qui surviennent dans le contexte thérapeutique,
pour permettre au thérapeute de continuer de renforcer positivement et
massivement chaque progrès du patient et pour apprendre progressivement
La thérapie comportementale dialectique : l’émotion en mouvement 165
vie de tous les jours : on se centre sur les compétences susceptibles, une
fois exercées et maîtrisées, de remplacer adéquatement les comportements
problèmes ciblés :
• le module de prise de conscience totale a pour objectif d’enseigner au
patient à observer – c’est-à-dire expérimenter ce qu’il est en train de vivre
sans l’influencer, décrire – en d’autres termes donner un nom ou étiqueter
ce qu’il observe et participer à ce qu’il est en train de vivre sur le moment,
de manière non jugeante, en se concentrant sur une seule chose à la fois et
en se montrant efficace dans cette tâche. (Le lecteur intéressé par ces straté-
gies de prise de conscience totale, appelées également mindfulness trouvera
des compléments d’informations utiles dans les chapitres 3 et 8 du présent
ouvrage) ;
• le module de régulation émotionnelle vise l’apprentissage de compé-
tences susceptibles de diminuer l’intensité et la labilité émotionnelle. La
personne apprend à repérer ses émotions, à les nommer, à les analyser – en
d’autres termes à être en mesure de comprendre en quoi elles sont en lien
avec les événements internes ou externes qui surviennent et à construire
des émotions positives – par exemple en développant des activités spéci-
fiques susceptibles de favoriser la maîtrise ou le sentiment de bien-être ;
• le module de tolérance à la détresse se centre sur les moyens à dispo-
sition de la personne pour supporter une souffrance de manière efficace
et donc sans se faire de mal. Il s’agit d’apprendre également à accepter la
situation telle qu’elle est à un moment donné et à accepter ses compétences
et incompétences à gérer cette situation. Différents outils sont enseignés
dans le contexte de ce module pour permettre à la personne d’apprendre
comment améliorer le moment présent, de quelle manière distraire les
émotions douloureuses pendant un certain laps de temps, ou dans quelle
mesure apaiser les émotions douloureuses via les cinq sens ;
• le module d’efficacité interpersonnelle vise l’apprentissage des compé-
tences nécessaires à l’établissement et au maintien de relations harmo-
nieuses et positives, tout en gardant et améliorant le respect de soi. Pour
une bonne part, ce module enseigne les compétences classiques de l’affir-
mation de soi, en se centrant toutefois sur deux territoires d’interactions
plus problématiques pour les personnes TPEL : la formulation de demandes
et celle de refus.
Entre chaque séance de groupe, le patient doit réaliser des tâches à domi-
cile qu’il répertorie sur une fiche d’auto-observation. Quotidiennement et
en fonction des compétences apprises dans les différents modules, il est
invité à inscrire les compétences utilisées et à évaluer leur efficacité en fonc-
tion des émotions rencontrées.
La séance de groupe se subdivise en cinq temps spécifiques : au début,
chaque participant est accueilli personnellement et le temps nécessaire à
la construction d’un climat de travail chaleureux et collaboratif est pris. La
première partie de la séance est consacrée à la revue des tâches à domicile,
en se centrant sur l’application des compétences et leur utilité selon les
émotions vécues ; dans le cas de figure où un patient n’a pas complété
168 Thérapies cognitives et émotions
ses fiches ou ne les a pas prises avec lui, cet oubli est travaillé comme un
comportement interférant avec la thérapie de sorte à permettre progres-
sivement au patient de prendre conscience de l’importance des tâches à
domicile et de le conduire à les réaliser.
Vient ensuite la pause durant laquelle les thérapeutes restent à disposi-
tion pour aider tout patient en difficultés. S’ensuit la seconde et dernière
partie de la séance, consacrée à l’enseignement des nouvelles compétences
selon des modalités générales décrites dans le Manuel d’entraînement aux
compétences psychosociales (Linehan, 2000).
Le temps consacré à la conclusion du groupe est plus conséquent que
dans d’autres types de prise en charge, puisqu’il doit permettre à des
patients particulièrement réactifs de pouvoir quitter le groupe dans un état
émotionnel acceptable ; les personnes TEPL ont souvent besoin de plus de
temps que d’autres pour s’ouvrir et pour se refermer sur le plan émotionnel.
cette catégorie que sont classés les groupes de soutien, les autres prises en
charge thérapeutiques (par exemple, thérapie de couple ou de famille), ou
les consultations en orientation scolaire et professionnelle. On y classe égale-
ment les traitements psychopharmacologiques et les hospitalisations.
Le protocole de médication proposé par la TCD consiste à séparer la
pharmacothérapie de la psychothérapie de sorte à éviter que la prescription
médicamenteuse ne devienne un enjeu thérapeutique. En séparant psycho-
thérapie et pharmacothérapie, il est également possible pour le thérapeute
de respecter scrupuleusement sa mission TCD, à savoir enseigner au patient
comment devenir un consommateur compétent et responsable et comment
interagir efficacement avec le personnel médical. Cette attitude spécifique
de la TCD est développée dans le contexte de la consultation du patient
versus de l’environnement développée précédemment. Dès lors, tout abus
ou mauvais usage de la médication prescrite pourra être travaillé par le thé-
rapeute TCD soit comme un comportement suicidaire ou parasuicidaire,
soit comme un comportement interférant avec la thérapie.
Quant aux hospitalisations, elles ne sont pas privilégiées : le dicton « Il
faut battre le fer pendant qu’il est chaud » est un leitmotiv de la TCD. Si
l’hospitalisation est toutefois souhaitable – par exemple : si le patient vit
une phase psychotique, si le risque de suicide est plus élevé que celui de
procéder à une hospitalisation iatrogène, si des tensions sérieuses détério-
rent la relation entre le thérapeute et le patient, s’il s’agit de permettre la
gestion de la médication –,le thérapeute utilise les stratégies d’intervention
environnementale et défend dès lors les besoins et droits du patient.
Lors d’une hospitalisation, l’objectif du thérapeute est d’aider le patient
à interagir efficacement avec l’équipe hospitalière et il applique systémati-
quement les stratégies de consultation du patient, le supervisant dans ses
interactions avec les équipes de soins.
La supervision du thérapeute
Comme mentionné précédemment, la supervision du thérapeute fait partie
intégrante du traitement TCD. Elle ne constitue pas un extrafacultatif mais
une démarche obligatoire et incontournable durant laquelle le thérapeute
se verra appliquer les stratégies TCD qu’il applique également aux patients
de sa cohorte.
L’ensemble des thérapeutes se réunit à raison d’une fois par semaine
durant deux heures. Leur mission est de s’aider mutuellement à maintenir
une relation thérapeutique avec le patient, à équilibrer les interactions et à
fournir le contexte de traitement propre à la TCD
Durant ces réunions de supervision, le thérapeute est invité à utiliser
une perspective dialectique pour interagir avec ses collègues, recherchant
en permanence la synthèse entre les pôles opposés. Il reçoit également les
encouragements dont il a besoin pour faire face aux difficultés de la prise en
charge, lui permettre de se sentir sûr de ses compétences de thérapeute tout
en reconnaissant et acceptant qu’il est faillible.
174 Thérapies cognitives et émotions
Figure 8.2
L’efficacité optimale de la prise en charge thérapeutique.
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9 L’illusion de présence
et les émotions :
traitement des troubles
anxieux par exposition
en réalité virtuelle
C. Pull
L’idée de recourir à l’immersion dans la réalité virtuelle est apparue dans les
milieux des TCC américains au début des années 1990. Le principe de cette
technique est d’exposer l’individu à un environnement virtuel par l’intermé-
diaire d’un casque qui suit les mouvements de sa tête pour créer l’illusion de
présence d’un monde reconstruit par un logiciel. L’objectif est qu’il ressente
l’illusion d’être en présence de la situation qui provoque l’émotion anxieuse.
C’est donc une forme d’exposition qui a le mérite de pouvoir être standardisée
et répétée autant de fois que nécessaire avant d’aborder les situations réelles
qui terrifient le patient. La réalité virtuelle utilise essentiellement des informa-
tions visuelles et sonores, et donc beaucoup moins de stimuli sensoriels que le
monde réel. Pourtant elle réussit à créer l’illusion de présence du fait que l’être
humain ne peut traiter simultanément qu’un nombre limité d’informations et
qu’il peut remplir par l’interprétation les blancs de la perception. Cela suppose
aussi que l’individu soit capable d’inhiber sa propre présence dans le monde
réel pour plonger dans le virtuel. Quelques patients peuvent s’y montrer
résistants. Cependant les traitements par la réalité virtuelle ont montré leur
efficacité dans la répétition des réponses émotionnelles et le retraitement des
informations. Leur efficacité est en général égale à celle des TCC classiques
des troubles anxieux. Comme toute psychothérapie, il est nécessaire qu’une
bonne relation se noue entre thérapeute et patient. Ce chapitre montre que
cet instrument de recherche peut devenir un instrument puissant de traite-
ment dans ses bonnes indications, et dans des mains expertes.
L’état de stress aigu est caractérisé par des symptômes similaires à ceux de
l’état de stress post-traumatique mais survenant immédiatement dans les
suites d’un événement extrêmement traumatique.
Dans l’anxiété généralisée, le sujet est constamment anxieux et présente
des soucis persistants et excessifs. L’anxiété, les soucis ou les symptômes
physiques entraînent une souffrance cliniquement significative ou une alté-
ration du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines
importants.
La pharmacothérapie
La pharmacothérapie des troubles anxieux comprend essentiellement
diverses benzodiazépines et antidépresseurs. L’efficacité de ces molécules a
été démontrée dans de nombreux essais contrôlés et randomisés, du moins
à court terme et tant qu’elles sont prises par le patient. Elles comportent
toutefois souvent des effets secondaires non négligeables (par exemple une
prise de poids ou des troubles sexuels pour ce qui est des antidépresseurs, et
des troubles cognitifs et le développement d’une dépendance physique
et psychique pour ce qui est des benzodiazépines. Par ailleurs, les rechutes
sont fréquentes à l’arrêt des traitements médicamenteux.
L’exposition en imagination
L’exposition en imagination consiste à demander au patient de visualiser
les objets ou les situations qui lui font peur. Le patient est invité à fermer les
yeux et à « imaginer » l’objet, la personne ou la situation dont il a peur.
L’exposition in vivo
L’exposition in vivo consiste à confronter l’objet ou la situation réelle. À
titre d’exemple, le patient est invité à regarder, voire à toucher, une arai-
gnée (dans le cas d’une phobie animale), à faire un discours devant une
audience (dans le cas d’une phobie de parler en public), à prendre le métro,
un bus, ou un train (dans le cas d’une phobie des transports en commun).
La réalité virtuelle
La réalité virtuelle est connue du grand public à travers les jeux d’ordina-
teur, les parcs d’attraction et certains films comme The lawnmower man,
Disclosure ou Minority report. Plus récemment, elle a été introduite dans
divers domaines de la médecine, et plus particulièrement en psychiatrie et
en psychologie, comme une technique complémentaire de traitement des
troubles anxieux par exposition progressive aux stimuli anxiogènes.
Définition
La réalité virtuelle se définit comme étant « l’application qui permet à un
utilisateur de naviguer et d’interagir en temps réel avec un environnement
en trois dimensions généré par un ordinateur ». Il s’agit d’une application
qui crée l’illusion d’être dans un monde en trois dimensions. L’utilisateur
se sent « immergé » dans un environnement virtuel, il peut le visiter et s’y
déplacer. L’environnement change en fonction de ses déplacements.
L’équipement technique
Il existe plusieurs types d’appareillage, de complexité croissante, permet-
tant une application de la réalité virtuelle dans le domaine de la clinique :
L’illusion de présence et les émotions... 185
Définitions
Les trois concepts sont définis de façon légèrement différente selon les
auteurs. Il existe toutefois un accord substantiel sur les points suivants :
• l’immersion (même terme en anglais) concerne le degré avec lequel les
sens sont engagés dans l’environnement virtuel. L’immersion se traduit par
la perception subjective d’être « enveloppé par », « inclus dans » ou « en
interaction avec » cet environnement ;
186 Thérapies cognitives et émotions
Le rôle du thérapeute
La présence du thérapeute est indispensable pendant les séances de réalité
virtuelle. Le rôle du thérapeute est de faciliter l’interaction avec la réalité vir-
tuelle et d’aider l’utilisateur (en l’occurrence le patient) à y naviguer (en
l’occurrence à s’y exposer). Par ailleurs, le thérapeute peut renforcer le pou-
voir d’évocation des environnements virtuels, en intervenant verbalement
et en orientant les effets de l’exposition in virtuo dans le sens voulu. Il peut
ainsi pallier les insuffisances de la représentation graphique, par exemple
en soulignant le rôle de certains éléments constitutifs. Enfin, le thérapeute
peut intervenir directement sur certains éléments d’un environnement, en
renforçant des stimuli ou en en rajoutant des stimuli supplémentaires au
cours des expositions.
Du fait que le thérapeute guide les expositions in virtuo, il n’est en géné-
ral pas nécessaire que les environnements virtuels soient très sophistiqués
pour produire les effets désirés. L’usage d’environnements soigneusement
choisis et habilement mis en scène par le thérapeute permet une immersion
suffisante pour déclencher des réactions se rapprochant des comportements
qu’auraient les patients dans la situation réelle correspondante, même
quand les environnements virtuels sont assez loin de la réalité. Les envi-
ronnements virtuels n’ont pas besoin d’une représentation graphique très
élaborée pour susciter des émotions (anxiété ou angoisse) chez le patient.
En s’appuyant sur l’aptitude naturelle de l’homme à projeter ses croyances
et son image de soi sur ce qui l’entoure, on peut parvenir à immerger le
patient en le conduisant à compléter lui-même ce qui fait défaut dans les
environnements virtuels.
La sécurité du patient
L’exposition en réalité virtuelle reste possible même dans des situations où
l’exposition in vivo est difficile, dangereuse, ou peu pratique à réaliser. Ainsi,
les programmes de réalité virtuelle permettent d’exposer les patients sans
L’illusion de présence et les émotions... 189
La discrétion
Dans les expositions classiques, le thérapeute accompagne son patient à
l’extérieur pour lui permettre de s’habituer aux situations qu’il redoute.
Confronter ses peurs dans des lieux publics (par exemple dans un grand
magasin) peut être gênant pour le patient qui risque d’y rencontrer des
connaissances. Un tel risque n’existe pas avec la thérapie virtuelle laquelle
se fait dans un bureau.
Le contexte rassurant
La TERV se fait dans un bureau, en présence d’un thérapeute et avec son
aide. Le patient peut de ce fait s’exposer aux objets, aux personnes ou aux
situations qui lui font peur dans un contexte rassurant.
Les cybermalaises
Sous l’appellation de « cybermalaises » on regroupe un ensemble de mani-
festations désagréables survenant pendant ou/et après les expositions en
réalité virtuelle. Il s’agit avant tout de sensations de vertige, de nausées, de
vomissements, de céphalées, de douleurs oculaires, de difficultés d’accom-
modation, de sensations de désorientation, d’ataxie, d’oppression gastrique
et de « tête vide ». Ces sensations sont le plus souvent peu marquées, mais
elles peuvent être assez importantes chez certains sujets pour entraîner une
interruption des expositions. La sévérité des cybermalaises peut être évaluée
à l’aide de questionnaires appropriés.
La relation thérapeutique
En TCC, la relation entre thérapeute et patient est habituellement une rela-
tion face-à-face. En TERV, le patient ne voit pas son thérapeute p
endant les
L’illusion de présence et les émotions... 191
Le coût
La technologie impliquée dans la réalité virtuelle est encore assez onéreuse
sur le plan financier. Ceci est vrai autant pour ce qui est du hardware que
des programmes informatiques utilisés pour créer les environnements vir-
tuels. Le prix des appareils est toutefois en train de diminuer rapidement, et
certains environnements peuvent d’ores et déjà être chargés gratuitement
à partir d’Internet. Au coût de la technologie il faut rajouter celui des thé-
rapeutes qui doivent suivre une formation approfondie pour apprendre à
l’utiliser au mieux.
que les confrontations au cours des séances avaient conduit à une diminu-
tion significative de l’anxiété. Les essais plus récents utilisent de nouveaux
environnements et intègrent la TERV à des approches thérapeutiques plus
classiques. Les résultats montrent une diminution significative de l’anxiété
et des évitements non seulement au cours des séances, mais également in
vivo, et certains patients ont pu reprendre la conduite après une douzaine
de séances intégrant TERV, thérapie cognitivocomportementale classique
et bio-feedback.
La claustrophobie
Les personnes souffrant de claustrophobie (peur des endroits clos) réagis-
sent par une anxiété pouvant prendre la forme d’une attaque de panique
quand ils se trouvent dans un endroit clos, en particulier une pièce étroite,
ou un endroit d’où il peut être difficile, gênant, voire dont il est impos-
sible de s’échapper. L’exemple typique d’un tel endroit est un ascenseur. La
claustrophobie est une phobie spécifique qui réagit bien à un traitement
cognitivocomportemental classique basé sur une exposition progressive,
soutenue, prolongée au stimulus phobogène.
Au cours des dernières années, plusieurs environnements virtuels ont
été développés pour la TERV de la claustrophobie. Les ascenseurs virtuels
permettent aux utilisateurs d’entrer dans un ascenseur et de monter un
nombre variable d’étages. Les pièces virtuelles permettent aux personnes
d’entrer dans une pièce et d’y rester alors que les portes sont fermées. Dans
certains environnements virtuels, le thérapeute peut progressivement
réduire la taille de la pièce, en rapprochant les murs les uns des autres.
196 Thérapies cognitives et émotions
Les premiers essais de TERV pour la peur de parler en public ont été réali-
sés il y a une dizaine d’années. Il s’agissait d’études de cas, suivies d’études
contrôlées et randomisées. Ces études ont montré qu’il était possible de
créer des environnements virtuels permettant aux patients de s’immerger
dans une situation où ils devaient parler devant une audience virtuelle,
composée soit de personnages réels reproduits sur des photos ou dans des
vidéos, soit de personnages créés par ordinateur (avatars). Le fait de parler
devant un auditoire virtuel provoque des états émotionnels identiques à
ceux déclenchés par un auditoire fictif, avec présence d’une anxiété antici-
patoire, survenue d’une angoisse croissante en intensité, envie d’éviter cet
auditoire ou de partir, puis habituation progressive à la situation, avec dimi-
nution puis extinction de l’anxiété provoquée par l’observation attentive
d’autrui. Après quelques séances de TERV, les sujets éprouvent significative-
ment moins d’angoisse à parler devant un auditoire virtuel et osent par la
suite s’exposer en situation réelle, devant un auditoire réel.
La présence d’un thérapeute expérimenté est indispensable. Le thérapeute
encourage le patient à s’adresser à son auditoire, il l’invite à regarder les per-
sonnes en face, et à parler à haute voix. Il lui demande de préciser, à intervalles
réguliers, quel est le degré d’anxiété, d’inconfort ou de détresse éprouvé lors
de cette exposition. Certains environnements virtuels permettent actuelle-
ment au thérapeute de moduler l’intensité des stimuli anxiogènes, en inter-
venant directement sur l’environnement virtuel. Ainsi, le thérapeute pourra
augmenter ou diminuer le nombre des membres de l’auditoire, ou leur faire
prendre différentes expressions et attitudes, bienveillantes, neutres ou hos-
tiles. Il peut ainsi exercer une influence considérable sur le degré de présence
avec lequel le patient vit les stimuli auxquels il est exposé.
La méthodologie
Les deux traitements actifs, thérapie cognitivocomportementale classique
et thérapie centrée sur l’exposition en réalité virtuelle, ont été réalisés par
les mêmes thérapeutes, tous expérimentés en TCC. La thérapie cogniti-
vocomportementale comprenait l’apprentissage du contrôle respiratoire,
la restructuration cognitive, l’exposition en imagination à des stimuli
anxiogènes, l’exposition intéroceptive à des sensations physiques liées
à l’anxiété, et des devoirs à domicile avec notamment des expositions à
des situations anxiogènes réelles. Le traitement par exposition en réalité
virtuelle comprenait également un apprentissage du contrôle respiratoire,
L’illusion de présence et les émotions... 201
• une voiture dans un tunnel : il s’agit d’un espace clos et mobile. Le sujet
est dans une voiture qui suit d’abord un trajet prédéfini dans un environne-
ment urbain, aborde ensuite un tunnel dans lequel le sujet sera bloqué, puis
avance de façon sporadique. Le sujet peut être assis côté passager ou être au
volant et conduire en mode actif ;
• un bus : il s’agit d’un espace clos et mobile. Le sujet se trouve dans
un bus qui circule dans un environnement de type urbain selon une
trajectoire prédéfinie. L’environnement comprend l’intérieur du bus, des
personnages représentant les passagers, et des immeubles situés des deux
côtés de la rue ;
• un ascenseur : il s’agit d’un espace fermé. Le sujet se déplace dans un
couloir, jusqu’à la porte de l’ascenseur, pousse sur le bouton d’appel, entre
dans l’ascenseur, sélectionne l’étage, monte. Le thérapeute peut provoquer
« une panne ».
• un métro : il s’agit d’un espace clos et mobile. Le sujet observe puis
marche vers le quai, monte dans le wagon puis parcourt une, deux, ou trois
stations de métro. L’environnement comprend le quai du métro, l’intérieur
du métro avec des personnages représentant des passagers, des tunnels qui
défilent et des arrêts de métro avec des personnages et des publicités. Le
départ de chaque station est précédé du signal sonore caractéristique du
métro parisien ;
• un supermarché : il s’agit d’un espace clos dans lequel le sujet se déplace
librement. Il pousse un chariot et passe par plusieurs rayons, se met dans
une file d’attente et passe à la caisse où la caissière le regarde ;
• un grand espace : il s’agit d’un espace ouvert et mobile. Le sujet est assis
dans une voiture et roule sur une route de campagne. Il traverse des champs
et des forêts, et roule par moments le long d’un précipice. Il est seul, il n’y a
pas de personnages humains.
• un avion : il s’agit d’un espace fermé. Le sujet passe par le sas, rejoint sa
place, s’assoit. Il peut regarder autour de lui, à travers les hublots, observer
d’autres personnages ;
• un hall : il s’agit d’un espace fermé. Le sujet se trouve dans le hall d’un
immeuble qui comporte des colonnes, un sol avec des carrelages et un
plafond élevé. Le thérapeute peut déformer les colonnes et le carrelage et
engendrer un sentiment de déréalisation ;
• un cinéma : il s’agit d’un espace fermé. Le sujet entre dans une salle
de cinéma, trouve un siège, s’assoit. Sur l’écran il peut regarder un film.
Il peut également regarder ce qu’il se passe à sa gauche, à sa droite et
derrière lui ;
• une foule : il s’agit d’un espace ouvert. Le sujet se déplace dans une rue
où il y a beaucoup de monde. L’environnement est constitué d’un film
vidéo, comportant des personnages et des immeubles réels.
Les résultats
Les données de l’étude PHRV font actuellement l’objet d’analyses appro-
fondies. Quatre-vingt-dix sujets présentant un trouble panique avec agora-
phobie ont été inclus dans l’étude. Les premiers résultats n’ont pas montré
de différence significative entre la TERV et la TCC classique.
La réalité augmentée
Dans les systèmes de réalité augmentée, des éléments virtuels sont super-
posés à des environnements du monde réel. Pour cela, on utilise des vitres
transparentes sur lesquelles un ordinateur projette des données virtuelles.
Le sujet peut ainsi voir des éléments virtuels superposés à un environne-
ment réel qui lui est familier. À titre d’exemple, il est possible avec l’aide
de la réalité augmentée d’introduire des souris virtuelles dans la pièce où se
déroulent les expositions.
Les douleurs
La douleur est une sensation désagréable. Elle peut être précédée, associée
ou suivie de réactions émotionnelles diverses : anxiété, tristesse, colère.
Toute action sur la douleur aura de ce fait également un effet sur les
émotions. L’une des approches utilisées pour réduire les sensations dou-
loureuses concerne les techniques de distraction. C’est à ce niveau que la
réalité virtuelle peut être utile. Le fait que a réalité virtuelle suscite chez de
nombreuses personnes une illusion de présence très forte est utilisée pour
détourner leur attention dans des situations qui s’accompagnent de fortes
douleurs, par exemple lors du changement de pansement chez les grands
brûlés. Snow World (un monde de neige) est un environnement virtuel créé
pour les grands brûlés. Cet environnement permet au sujet de s’immerger,
de s’impliquer et de se sentir « présent » dans des activités qui se dérou-
lent dans un paysage de neige. Plusieurs études ont montré que ce type
de traitement réduisait significativement le degré de douleur ressentie par
les patients. Ceci est en rapport probablement à la fois avec la distraction
provoquée par l’illusion de participer à des activités intéressantes et avec
l’illusion de se trouver dans un environnement froid.
Discussion et conclusion
Le traitement des troubles anxieux a connu de grands progrès au cours des
dernières vingt années. Les approches les plus efficaces sont la TCC ainsi
que certains médicaments, notamment des médicaments antidépresseurs.
Les traitements classiques, bien qu’efficaces, sont toutefois loins d’être
efficaces dans tous les cas. Par ailleurs, la combinaison de la TCC et de la
pharmacothérapie a conduit à des résultats plutôt décevants. D’où l’intérêt
des approches nouvelles, avec, en premier lieu, la TERV.
La réalité virtuelle consiste essentiellement en des images capables
d’engendrer des réactions émotionnelles au même titre que la réalité. Dans
le traitement des troubles anxieux, l’émotion engendrée (et recherchée),
c’est l’anxiété. Les expositions en réalité virtuelle permettent au patient de
confronter progressivement les objets, les personnes ou les situations qu’il
redoute, de faire face à son anxiété dans un environnement virtuel que le
thérapeute sait contrôler à tout moment, et de gérer ses réactions anxieuses
dans un environnement réel ne présentant aucun danger.
La TERV constitue ainsi un ajout très intéressant et très prometteur à la
thérapie cognitivocomportementale par exposition aux troubles anxieux.
On peut la concevoir comme une étape intermédiaire très utile entre les
expositions en imagination et les expositions en réalité.
La TERV permet notamment de renforcer la TCC classique et de la
compléter dans des situations où les techniques classiques sont peu pra-
tiques, difficiles voire impossibles à mettre en place. On peut espérer égale-
ment qu’elle pourra contribuer à réduire le temps nécessaire pour traiter les
troubles anxieux.
L’illusion de présence et les émotions... 207
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208 Thérapies cognitives et émotions
Conclusion
Une revue méta-analytique de Lars Göran Öst (2008) concluait que les
thérapies de troisième vague étaient, quoique prometteuses, moins bien
validées que les thérapies comportementales dites de première vague, ou
cognitives dites de seconde vague. Ces cinq dernières années ont amené
des progrès qui permettent un jugement plus favorable qui attribuerait à
ces thérapies au minimum une présomption d’efficacité dans les rechutes
dépressives, l’anxiété et les addictions et une efficacité démontrée dans les
troubles de la personnalité.
Il faut aussi considérer que la troisième vague de la thérapie est plus une
évolution de la seconde vague dite cognitive, qu’une réelle rupture épis-
témologique. De plus, elle a promu des méthodes thérapeutiques nouvelles
qui ont fait avancer la recherche fondamentale en psychothérapie en lien
avec les neurosciences cognitives (Cottraux, 2011). Mais, avant tout, elle
a permis une compréhension plus large du vécu des patients et de leurs
difficultés à changer.
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