L'épistémologie de Hegel
L'épistémologie de Hegel
L'épistémologie de Hegel
MASTER APGT
FILIERE : EPISTEMOLOGIE DES SCIENCES SOCIALES
ANNEE 2022/2023
PLAN
INTRODUCTION
I-LA DOUBLE STATEGIE EPISTEMOLOGIQUE KANTIENNE ET LA
TRANSFORMATION POST-KANTIENNE DU CONSTRUTIVISME
A- La double stratégie épistémologique kantienne
B- La transformation post-kantienne du constructivisme
II- LE CONSTRUTIVISME HEGELIEN
A- Le constructivisme épistémologique de Hegel
B- Constructivisme et idéalisme chez Hegel
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
De cela il découle trois points. Tout d’abord, le thème principal de la philosophie consiste
à penser l’identité de la pensée et de l’être. Dans les « Leçons sur l’histoire de la philosophie
», Hegel affirme clairement que le thème idéaliste, tel qu’il est repris par Kant, correspond à
l’idée que lui se fait ensuite de la tradition philosophique. Comme ce thème idéaliste
remonte au moins jusqu’à Parménide, l’idéalisme constitue le fil conducteur de toute la
philosophie. Autrement dit, la tâche philosophique consiste à penser avec la nécessité
conceptuelle l’identité de la pensée et de l’être. Ensuite, bien que Hegel critique Fichte, ce
dernier se trouve dans le bon chemin. Finalement, comme Fichte est kantien, il s’ensuit que
l’héritage réel de la philosophie critique se trouve dans l’affirmation idéaliste de l’identité du
sujet et de l’objet. Il y a donc tout lieu de croire que Hegel pense qu’en améliorant la
stratégie constructiviste, il soit possible de résoudre le problème philosophique central.
Hegel approfondit encore la stratégie constructiviste dans la Phénoménologie de l’Esprit.
Ce traité, qui expose les différents niveaux de connaissance à partir du connaître général
(das Erkennen) jusqu’au connaître absolu (das absolutes Wissen), terme qui désigne la
philosophie, décrit le chemin de la connaissance en tant que processus historique. Comme il
ne possède ni hypothèses, ni point de départ privilégié, il n’y a aucun point d’Archimède
dans un processus, qui peut donc commencer n’importe où. Dans son introduction, Hegel
décrit la façon dont l’identité du sujet et l’objet se construisent. La connaissance se
transforme en vérité au point ultime où sujet et objet, celui qui connaît et ce que l’on
connaît, liberté et nécessité se recouvrent.
Nous n’évaluons pas nos affirmations cognitives ni absolument, ni abstraitement ni
théoriquement, ni même encore sur le plan a priori, mais uniquement sur le plan a
posteriori. La conscience possède son propre critère cognitif, critère qui s’appuie sur une
comparaison entre ce qu’on attend théoriquement et ce qu’on constate, entre théorie et
pratique qui se trouvent tous deux à l’intérieur de la conscience. Il ne s’agit pas de comparer
une entité mentale à un objet extérieur et indépendant puisque la théorie de cet objet tout
comme l’objet lui-même se trouvent dans la conscience.
On reproche souvent à Hegel d’ignorer l’expérience. Selon G. E. Moore, l’idéalisme va
tout simplement à l’encontre du sens commun en niant l’existence du monde extérieur.
Moore, qui continue d’influer le débat plus d’un siècle plus tard, ne cite aucun nom, ce qui
n’étonne nullement. Car il n’y a aucun penseur qui se considère ou qu’on pense être
idéaliste qui nie l’existence du monde extérieur. Hegel ne se détourne pas de l’expérience.
Bien au contraire, il la prend tellement au sérieux qu’il en fait le critère même de la
connaissance. Il comprend le processus de connaissance comme émergeant des expériences
successives dont le but consiste à formuler et à mettre à l’épreuve des théories successives.
Cette stratégie se laisse comparer favorablement aux contributions récentes au débat
épistémologique apportées par Popper, Kuhn, et Quine qui examinent tous le rapport entre
théorie et expérience.
Le critère idéaliste de la connaissance est l’identité, qui se constate eu égard à la
correspondance. D’après Hegel, lorsqu’on soumet une théorie à l’épreuve de l’expérience, il
n’y a que deux possibilités : soit la théorie correspond à l’expérience faite, et donc le
processus cognitif s’arrête car on a atteint la vérité ; soit comme elle ne correspond pas, il y a
une différence entre ce qu’on attend et ce que l’on trouve, et le processus se prolonge. Dans
ce deuxième cas de figure, il faut repenser la théorie ou bien formuler une autre théorie afin
de rendre compte de ce que l’on a trouvé.
Bien qu’il soit exprimé de façon complexe, l’aperçu hégélien est en fait très simple. Selon
Hegel, les connaissances émergent d’un processus consistant à formuler une hypothèse ou
une théorie, à soumettre celle-ci à l’épreuve de l’expérience, à la reformuler si besoin est en
la remplaçant par une autre. Une série d’expériences engendre ainsi une série de théories
successives sur le chemin de la connaissance dont le terminus ad quem est la vérité.
Hegel se distingue des autres penseurs qui prennent l’expérience au sérieux dans sa façon
de comprendre le rapport théorie/objet. Pour lui, une théorie n’est autre qu’un cadre
conceptuel en dedans duquel l’objet cognitif correspond ou non aux attentes. Hegel ne
s’occupe absolument pas du rapport qu’il peut y avoir entre théorie et monde ; cependant il
pense qu’en altérant la théorie, on altère aussi son objet. Autrement dit, comme l’objet
cognitif phénoménal est « indexé » pour ainsi dire sur l’hypothèse avec laquelle on le
confronte, il ne saurait pas être question de connaître un objet indépendant de quelque
façon que ce soit. Hegel refuse donc implicitement l’approche bien connue selon
Laquelle le monde est fixe et seules nos théories le concernant changent. Il refuse par
avance le choix théorique d’un Putnam, qui pense que différentes théories se réfèrent à un
monde invariable, une approche qui implique soit le représentationaliste, soit le réalisme
direct.
Hegel, tout comme Kant de temps en temps, ou Fichte, se défait complètement de la stratégie
représentationaliste standard de la connaissance. Selon Hegel, on ne peut « crédiblement »
prétendre connaître un objet indépendant. Nous savons que suite à l’épreuve de l’expérience, il y a
de bonnes raisons d’opter pour une théorie au lieu d’une autre. L’objet cognitif, qui dépend de la
théorie proposée, et qui change lorsque celle-ci change, est littéralement « construit » par nous.
Il en découle deux points. D’une part, nous ne pouvons « crédiblement » prétendre connaître ce qui
est indépendant de nous. D’autre part, nous ne connaissons au contraire que ce qui dépend de notre
cadre conceptuel.
En repensant le constructivisme, Hegel réhabilite la raison en lui ôtant les limites qui lui ont été fixées
par Kant. Ce dernier s’appuyait sur l’entendement comme source privilégiée de la connaissance. Bien
que Hegel soit souvent mal compris sur ce point, la raison hégélienne redevient une source cognitive.
Selon Hegel, la raison sait au moins abstraitement qu’elle est toute la réalité. Cette certitude découle
de la thèse idéaliste de l’identité de pensée et être qui se trouve au cœur de l’idéalisme. Hegel relie
constructivisme et idéalisme en affirmant clairement que la thèse que la raison est toute la réalité est
le concept même, le sens profond, de l’idéalisme
B-Constructivisme et idéalisme chez Hegel
BIBLIOGRAPHIE
HEGEL, Grundlinien der Philosophie des Rechts, in Hegel-Werke VII, § 67, pp. 144-
145.
HEGEL, Enzyklopädie der philosophischen Wissenschaften, Hegel-Werke VIII, § 65,
pp. 155-156.
HEGEL, Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie, in Hegel-Werke, édité par
Eva Moldenhauer and Karl Markus Michel, Frankfurt a. M.: Suhrkamp, 1971, XX, p.
314.
Ernst CASSIRER, Philosophie der symbolischen Formen, Berlin : B. Cassirer, 1923-1929,
3 vols.