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University of Namur

RESEARCH OUTPUTS / RÉSULTATS DE RECHERCHE

Le formalisme contractuel à l'heure du commerce électronique


Demoulin, Marie; Montero, Etienne

Published in:
La théorie générale des obligations, suite

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Publication date:
2002

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Citation for pulished version (HARVARD):
Demoulin, M & Montero, E 2002, Le formalisme contractuel à l'heure du commerce électronique. Dans La
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théorie générale : suite. Formation Permanente CUP, Numéro 57, Formation Permanente CUP,
des obligations,
Liège, p. 99-181.

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Bibliothèque Universitaire
Download date: 01. avr.. 2023 Moretus Plantin
Le formalisme contractuel à l’heure du commerce électronique

Marie Demoulin
Assistante aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix et
chercheuse au Centre de Recherches Informatique et Droit (CRID) à Namur

ET

Étienne Montero
Professeur aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur

(étude publiée dans La théorie générale des obligations, suite, Liège, Formation permanente –
CUP, octobre 2002, vol. 57, pp. 99-181).

“Formalisme ne signifie pas forme compliquée,


mais forme impérative, c’est-à-dire imposée,
sans équivalent possible (…)”
J. FLOUR ∗

INTRODUCTION GÉNÉRALE

L’activité législative de ces dernières années révèle, à n’en point douter, un véritable
phénomène de résurgence du formalisme1. Aujourd’hui, la solennité n’est plus l’apanage de
quelques contrats du Code civil ; les exceptions au principe du consensualisme tendent à se
multiplier dans les contrats les plus courants.

La majorité des formalités entourant ces contrats ont été façonnées par référence au
traditionnel support papier, utilisé de longue date pour cristalliser les conventions. Entre-
temps, la prodigieuse évolution technologique qui caractérise notre époque est venue
bouleverser les habitudes contractuelles. Il est désormais possible de contracter sur les réseaux
numériques, sans papier ni stylo, par quelques simples clics de souris. Cette
“dématérialisation” des contrats a immédiatement soulevé la question de leur valeur, sur le


J. FLOUR, “Quelques remarques sur l’évolution du formalisme”, in Le droit privé français au milieu du XXe
siècle. Etudes offertes à Georges Ripert, Paris, L.G.D.J., 1950, t. I, p. 101, n° 9.
1
Voy., notamment, M. FONTAINE, “La protection de la partie faible dans les rapports contractuels – Rapport de
synthèse”, in La protection de la partie faible dans les rapports contractuels – comparaisons franco-belges,
Paris, L.G.D.J., 1996, p. 627, n° 19 ; J.-M. TRIGAUX, « L’incidence de plusieurs législations récentes sur le droit
commun des obligations en matière de formation des contrats », Ann. Dr., 1997, pp. 189-238 ; J.-L. FAGNART,
“La formation et l’exécution des contrats”, in E. BALATE et J. STUYCK (éds), Pratiques du commerce et
information et protection du consommateur/Handelspraktijken en voorlichting en bescherming van de
consument, Coll. Droit et Consommation, XVIII, Bruxelles, E. Story-scientia, 1988, pp. 120 et s. ; T.
BOURGOIGNIE, Eléments pour une théorie du droit de la consommation, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1988, spéc.
pp. 211 et s., n° 96 et les réf. ; H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, t. II, premier
volume : Obligations. Théorie générale, 9e éd. par F. CHABAS, Paris, Montchrestien, 1998, p. 72, n° 85.

1
plan juridique, au regard d’une législation totalement inadaptée à de telles nouveautés. Sous
peine de freiner le développement du commerce électronique, il convenait de mettre fin à
cette insécurité juridique en procédant à un ajustement de notre droit des contrats.

Un premier pas a été franchi avec la reconnaissance juridique de la signature électronique2.


Bien que capitale, cette adaptation du droit ne suffit cependant pas à lever tous les obstacles
juridiques à la conclusion de contrats par voie électronique. Aussi, le législateur européen a-t-
il entendu compléter la réforme, par l’adoption de la directive sur le commerce électronique3,
dont l’article 9, § 1er, impose aux Etats membres de veiller “à ce que leur système juridique
rende possible la conclusion de contrats par voie électronique” et “notamment à ce que le
régime juridique applicable au processus contractuel ne fasse obstacle à l’utilisation des
contrats électroniques ni ne conduise à priver d’effet et de validité juridiques de tels contrats
pour le motif qu’ils sont passés par voie électronique”.

A cette fin, les Etats membres doivent procéder à une adaptation de leur législation contenant
des exigences, notamment de forme, susceptibles d’entraver directement ou indirectement la
conclusion de contrats par voie électronique. Le considérant n° 34 de la directive précise que
cet ajustement doit être opéré par un examen systématique de la législation relative à
l’ensemble du processus contractuel. Les travaux préparatoires de la directive sont très clairs à
cet égard : les Etats membres doivent faire cet examen de manière qualitative, ce qui veut dire
qu’ils ne peuvent se contenter de modifier dans la réglementation des mots-clés (par exemple
‘papier’), mais doivent identifier tout ce qui, en pratique, peut empêcher l’utilisation
‘effective’ des “contrats électroniques”4. Ainsi, les Etats membres doivent, notamment,
supprimer les dispositions qui interdisent ou limitent manifestement l’utilisation de la voie
électronique pour contracter et adapter les exigences de forme qui ne peuvent être remplies
par voie électronique ou qui créent une insécurité juridique dans la mesure où il n’est pas
certain qu’elles puissent être appliquées au “contrat électronique”5.

Il convient de noter que “la directive sur le commerce électronique n’oblige pas
nécessairement à supprimer les exigences de forme, mais de faire en sorte que celles-ci – qui
poursuivent divers objectifs – puissent également être satisfaites par voie électronique”6. En
effet, selon le considérant n° 35, “la présente directive n’affecte pas la possibilité pour les
États membres de maintenir ou d’établir pour les contrats des exigences juridiques générales
ou spécifiques qui peuvent être satisfaites par des moyens électroniques (…)”.

2
Directive européenne 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 sur un cadre
communautaire pour les signatures électroniques, J.O.C.E., 19 janvier 2000, n° L 13, p. 12, transposée en droit
belge par la loi du 20 octobre 2000 introduisant l'utilisation de moyens de télécommunication et de la signature
électronique dans la procédure judiciaire et extrajudiciaire, M.B., 22 décembre 2000, pp. 42698 à 42699 ; et la loi
du 9 juillet 2001 fixant certaines règles relatives au cadre juridique pour les signatures électroniques et les
services de certification, M.B., 29 septembre 2001, pp. 33070-33078.
3
Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques
des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur
(“Directive sur le commerce électronique”), J.O.C.E., 17 juillet 2000, n° L 178, p. 1.
4
Voy. le commentaire article par article de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du
18 novembre 1998 relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur,
COM (1998) 586 final, p. 26.
5
Voy. les exemples énumérés dans le commentaire article par article de la proposition de directive, op. cit., pp.
26-27.
6
Voy. D. GOBERT et E. MONTERO, “Le traitement des obstacles formels aux contrats en ligne”, in Le commerce
électronique sur les rails ? Analyse et propositions de mise en œuvre de la directive sur le commerce
électronique, sous la direction de E. MONTERO, Cahiers du C.R.I.D., n° 19, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 199.

2
La directive sur le commerce électronique est actuellement en cours de transposition, avec le
projet de loi sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information (ci-
après “le projet de loi”)7. Afin de rencontrer les exigences de l’article 9 de la directive,
l’article 17 du projet de loi dispose que :

“§ 1er. Toute exigence légale ou réglementaire de forme relative au processus


contractuel est réputée satisfaite à l’égard d’un contrat par voie électronique
lorsque les qualités fonctionnelles de cette exigence sont préservées.

§ 2. Pour l’application du § 1er, il y a lieu de considérer :

– que l’exigence d’un écrit est satisfaite par une suite de signes intelligibles et
accessibles pour être consultés ultérieurement, quels que soient leur support et leurs
modalités de transmission ;

– que l’exigence, expresse ou tacite, d’une signature est satisfaite dans les
conditions prévues soit à l’article 1322, alinéa 2, du Code civil, soit à l’article 4, §
4, de la loi du 9 juillet 2001 fixant certaines règles relatives au cadre juridique pour
les signatures électroniques et les services de certification ;

– que l’exigence d’une mention écrite de la main de celui qui s’oblige peut être
satisfaite par tout procédé garantissant que la mention émane de ce dernier.

§ 3. En outre, le Roi peut, dans les 18 mois de l’entrée en vigueur de la présente loi,
adapter toute disposition législative ou réglementaire qui constituerait un obstacle à
la conclusion de contrats par voie électronique et qui ne serait pas couverte par les
§§ 1er et 2.

Les modifications prises par arrêté royal en vertu de l’alinéa 1er sont abrogées
lorsqu’elles n’ont pas été confirmées par la loi dans les quinze mois qui suivent la
publication au Moniteur belge de l’arrêté royal.”

L’approche suivie consiste, comme l’on voit, à combiner l’adoption de plusieurs clauses
transversales8, concernant les formalités les plus classiques (§§ 1er et 2), et une délégation au
Roi pour adapter, au cas par cas, les dispositions où subsisterait un obstacle non visé par l’une
des clauses transversales (§ 3). “De la sorte, le projet permet d’aboutir à une solution adéquate
et équilibrée, tenant compte, d’une part, des impératifs de sécurité juridique et de faisabilité
du système adopté, d’autre part, de la difficulté de la tâche en raison notamment du court délai
de transposition de la directive”9.

Notre propos est de commenter l’article 17 du projet de loi relatif à certains aspects juridiques
des services de la société de l’information. L’étude s’articule en quatre sections. Tout d’abord,
7
Projet de loi sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information, Doc. parl., Ch. repr.,
sess. ord. 2002-2003, n° 2100/1, disponible en ligne à l’adresse http://www.lachambre.be/documents/2100/1.pdf.
La présente étude s’inscrit dans le cadre d’une recherche réalisée pour le compte du Ministère des Affaires
économiques.
8
Cette approche n’apparaît pas évidente comme en témoignent les réflexions de certains auteurs. Voy., par
exemple, P. CATALA, “Le formalisme et les nouvelles technologies”, Rép. Defrénois, 2000, pp. 897-910, spéc.
pp. 904-905, n° 13.
9
Voy. le commentaire de l’article 17 du projet de loi sur certains aspects juridiques des services de la société de
l’information, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2002-2003, n° 2100/1, p. 40.

3
il n’est pas inutile de présenter à grands traits l’évolution du formalisme contractuel afin de
mieux cerner la nature et les caractéristiques des règles de forme modernes (section 1).
Ensuite, l’on tâchera de dégager la philosophie générale de l’article 17 à travers le prisme de
la clause transversale générale (art. 17, § 1er) (section 2), puis d’analyser, tour à tour, chacune
des clauses transversales particulières (art. 17, § 2) (section 3). Enfin, un bref développement
sera consacré à examiner la portée de la délégation au Roi (art. 17, § 3) (section 4).

SECTION 1. VUE GÉNÉRALE DU FORMALISME CONTRACTUEL

A. Brève digression historique à propos du formalisme

1. Le formalisme des législations primitives

Dans les législations primitives, les volontés individuelles sont généralement impuissantes par
elles-mêmes à produire des effets juridiques10. Dans l’ancien droit romain, le mode normal
pour s’obliger était la stipulation, qui repose sur un échange de demandes et réponses
exprimées dans des formes solennelles (cf. l’emploi du verbe sacramentel spondere)11. Que
l’on songe aussi à la mancipatio, à l’in iure cessio, au nexum ou encore à l’expensilatio.

En dépit de l’assouplissement de ce formalisme primitif, par la reconnaissance des contrats


réels, de plusieurs contrats consensuels (la vente, le louage, la société et le mandat) et, plus
tard, des simples pactes (sanctionnés) et des contrats innomés, la règle Ex nudo pacto actio
non nascitur demeura toujours en vigueur. L’invasion barbare marqua un retour au
formalisme le plus archaïque, notamment celui de la fides facta : la volonté s’y exprime sous
forme de promesse unilatérale accompagnée de gestes, de paroles solennelles ou de garanties
matérielles.

Avec le temps, ces rites tendront à devenir symboliques, puis à s’analyser en de simples
moyens de preuve, mais ils ne disparaîtront pas tous entièrement. Qu’il suffise de se souvenir
des diverses traditions feintes du droit médiéval, qui attestent la difficulté à concevoir qu’une
opération intellectuelle puisse être efficace si elle n’est matérialisée dans quelque geste, rite
ou parole solennelle.

2. Le déclin progressif du formalisme

Le formalisme primitif s’explique non seulement par le besoin du rite et du symbolisme qui
lui est consubstantiel, mais aussi par la nécessité de conserver une preuve des actes juridiques.
A une époque où l’écriture demeure confinée dans des cercles très étroits, la publicité
inhérente aux rites et gestes solennels (présence de témoins, d’une balance d’airain… dans la
mancipatio, p. ex.) contribue à jouer un tel rôle probatoire.

10
Pour rédiger ce bref historique du formalisme, nous avons consulté, outre les études citées dans la suite de
cette contribution, les ouvrages et articles suivants : X. LAGARDE, “Observations critiques sur la renaissance du
formalisme”, J.C.P., G, 1999, doctr. I 170, pp. 1767-1775 ; B. NUYTTEN et L. LESAGE, “Regards sur les notions
de consensualisme et de formalisme”, Rép. Defrénois, 1998, pp. 497-509 ; R. ROBAYE, Le droit romain, t. 1 et 2,
Bruxelles/Louvain-la Neuve, Academia-Bruylant, 1997 ; H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t.
I, 3e éd., Bruxelles, Bruylant, 1962, spéc. pp. 40 et s., n° 27 et s. ; G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité de droit
civil, t. III, Paris, L.G.D.J., 1957, spéc. pp. 16 et s., n° 33 et s. ; M. PLANIOL, G. RIPERT et P. ESMEIN, Traité
pratique de droit civil français, t. VI, Obligations, 2e éd., Paris, L.G.D.J., 1952, spéc. pp. 100 et s., n° 96 et s.
11
Cf. R. ROBAYE, op. cit., t. 2, pp. 52 et s.

4
Divers facteurs vont contribuer au déclin progressif du formalisme, dans l’ancien droit, à
partir du XIIIe siècle : l’influence du droit canonique (qui contribue à inculquer la
prééminence de l’esprit sur la lettre et le respect dû à la parole donnée), le développement
considérable des échanges commerciaux au Moyen Age (le besoin de rapidité dans la
conclusion des affaires conduira, bien plus tard, à émanciper la preuve commerciale des
rigueurs de l’article 1341 du Code civil) et la généralisation de l’écriture (plus efficace que
l’acte rituel du point de vue de la conservation de la preuve),

3. Le non-formalisme de principe du Code civil

Dès le début du XVIe siècle, des praticiens sont acquis au principe du consensualisme, et au
XVIIe siècle, des auteurs tels que Loysel12 et Domat y adhèrent largement, ainsi que Pothier à
la veille du Code civil13.

Le Code civil de 1804 est résolument consensualiste : il refuse de soumettre, par principe, la
force obligatoire du contrat à la nécessité pour les parties de couler leur volonté dans des
formes préétablies14. Toutefois, il n’est pas pour autant anti-formaliste, en ce sens qu’il
continue de soumettre certains contrats nommés au respect de solennités. Ainsi en est-il, en
particulier, de la donation, du contrat de mariage ou de la constitution d’hypothèque.

Comme l’expose X. Lagarde15, sur le plan technique, les formes du Code civil se caractérisent
par leur simplicité (obligation de s’adresser à un notaire ou de rédiger un écrit) et leur
globalité (un même instrumentum répercute d’ordinaire l’acte dans tous ses aspects :
protection du consentement, preuve, publicité…). Il s’agit essentiellement d’un formalisme
“instituant”, qui se situe à la frontière entre le droit des biens et le droit des personnes :
réservé aux actes graves – qui engagent la personne autant que son patrimoine –, il s’explique
plus précisément en raison de l’altération du statut personnel que ceux-ci supposent (le
mariage implique une modification de l’état des personnes et leur impose un nouveau statut ;
un certain effet d’affiliation s’attache aux donations ; quant à l’hypothèque, elle revient
précisément à hypothéquer le statut social du propriétaire immobilier). Etant donné
l’importance de ces différents actes juridiques, l’on conçoit sans peine qu’ils fassent l’objet
d’exigences formelles.

4. La résurgence actuelle du formalisme

Comme l’ont relevé maints auteurs, l’on assiste de nos jours à une incontestable renaissance
du formalisme. Cependant, il s’agit d’un formalisme d’un genre nouveau.

Omniprésentes dans nombre de lois particulières récentes – en particulier celles d’inspiration


consumériste et celles adoptées en droit du travail –, les formes modernes sont surtout

12
“On lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles et autant vaut une simple promesse ou
convenance que les stipulations du droit romain”, note Loysel de manière très significative dans ses Institutes
coutumières, 1607, liv. III, I, 2.
13
Voy. M. PLANIOL, G. RIPERT et P. ESMEIN, op. cit., p. 102, et les réf.
14
Assez curieusement, le Code civil n’exprime pas directement le principe consensualiste, mais celui-ci se
déduit a contrario de l’absence de référence à la forme dans la définition du contrat (art. 1101 C. civ.), de
l’énumération des éléments constitutifs de la convention (art. 1107) et, plus directement, de l’effet suffisant et
immédiat du seul consentement des parties contractantes pour la formation des contrats en général (art. 1138) et
de la vente en particulier (art. 1583). Sur ce point, voy. B. NUYTTEN et L. LESAGE, op. cit., p. 502, n° 17.
15
X. LAGARDE, op. cit., spéc. pp. 1770 à 1773.

5
conçues dans une optique de protection de la partie dite “faible”, que l’on entend garder du
risque de s’engager à la légère.

A cet égard, les “formalités” d’aujourd’hui se distinguent nettement des formes du Code
civil : elles sont parcellaires (bien souvent, elles visent seulement certains aspects de l’acte
envisagé), finalisées (loin d’instituer les parties en un nouveau statut, elles poursuivent une
diversité d’objectifs particuliers) et de nature formulaire (en certains cas, le législateur
n’hésite pas à déterminer la forme que doivent revêtir certaines mentions obligatoires, non
sans imposer parfois des formules très précises)16.

5. La restitution des formes modernes dans un environnement « dématérialisé »

Il se trouve que nombre de formalités sont associées à l’utilisation du papier comme support
des actes juridiques (mentions manuscrites, signatures manuscrites, etc.). Or, avec l’essor des
réseaux numériques et du commerce électronique, l’on assiste aujourd’hui à une prolifération
des contrats conclus sans papier par voie électronique.

Pareils contrats sont dits “dématérialisés” (moyennant une imprécision légère, mais commode
et, au demeurant, éloquente) au sens où l’accord des volontés ne se matérialise pas sous la
forme d’un écrit (papier) signé (manuscritement), ni par l’expédition ou la réception d’une
correspondance, mais résulte d’un échange de flux évanescents de données transmises par
ondes électro-magnétiques, fibres optiques ou diffusion hertzienne.

Divers risques découlent de l’usage des réseaux comme canal pour communiquer et lier les
volontés sur le plan juridique : la substitution de l’auteur d’un message, l’altération d’un
message au cours de sa transmission, la répudiation du message par l’émetteur ou le
destinataire, la prise de connaissance par un tiers non autorisé, etc. Ces difficultés – qui
ressortissent globalement au problème de la sécurité des opérations réalisées dans un
environnement électronique –, ont d’ores et déjà trouvé une parade apparemment fiable, qui a
pour nom : cryptographie, et plus précisément, dans les systèmes ouverts, cryptographie
asymétrique ou à clé publique, utilisée à des fins de signature (numérique) et de chiffrement
(en vue d’assurer la confidentialité des communications).

Il n’en demeure pas moins que les données échangées aboutissent, en bout de course, dans
une mémoire d’ordinateur ; il s’en suit que le support sur lequel se cristallise in fine l’accord
des volontés n’est plus le papier, apprécié de longue date pour ses multiples qualités, mais des
imprévisibles et volatiles (?) octets, nettement plus sujets à incidents, altérations ou fraudes.

Il n’est pas besoin d’en dire davantage pour mesurer l’ampleur du défi auquel le juriste est
confronté : il y a lieu aujourd’hui de repenser le formalisme, en identifiant les voies et moyens
de restituer dans l’environnement numérique l’ensemble des garanties issues des règles de
forme essentiellement façonnées dans une culture du papier.

La tâche apparaît d’autant plus épineuse que les formes modernes sont multiples et
diversifiées quant à leur objet et leurs finalités (infra, point B). A l’évidence, elles constituent
de réels obstacles à la conclusion de très nombreux contrats par voie électronique. Du moins
créent-elle une insécurité juridique pour les parties dès lors qu’elles ont en principe vocation à

16
Cf. Ibidem, p. 1773.

6
être interprétée de manière formaliste. La directive sur le commerce électronique enjoint de
lever ces obstacles, moyennant les adaptations nécessaires de notre système juridique.

B. Typologie des exigences de forme

Les formalités entourant la vie du contrat se présentent sous des dehors très diversifiés. Afin
d’y voir plus clair, il n’est pas inutile de chercher à les ranger suivant une double
classification : l’une en fonction de l’objet des formalités prescrites, l’autre en fonction de
leurs finalités.

1. Classification des formalités en fonction de leur objet

En matière contractuelle, on peut distinguer, du point de vue de leur objet, quatre types de
formalités17 : les exigences relatives au support, celles relatives à la localisation et à la
présence des parties, celles requérant l’implication de tiers et, enfin, celles impliquant la
remise de la chose qui fait l’objet du contrat.

a) Exigences relatives à l’écrit et à son support

Une des formes les plus fréquemment exigées est la rédaction d’un écrit, sous seing privé ou
authentique, rédigé parfois de manière manuscrite. Notons que l’exigence d’un écrit peut
également être implicite. C’est le cas, notamment, lorsque la loi requiert une signature ou
l’insertion dans le contrat de mentions particulières à titre d’information.

Il arrive que la loi précise sur quel support l’écrit doit se matérialiser : dans une lettre, au recto
de la première page, sur un support durable, sur un support matériel. Par ailleurs, l’emploi
d’un certain type de document peut parfois être requis : un bon de commande, une brochure,
un formulaire, un prospectus, un avenant, une lettre recommandée à la poste, etc. Dans
certaines hypothèses, le document doit être réalisé en plusieurs exemplaires, et la production
d’une copie, le cas échéant certifiée conforme, est exigée.

b) Exigences relatives à la localisation et à la présence des parties

La loi exige parfois que certains contrats soient conclus dans des lieux précis : locaux
exclusivement destinés à cet usage, points de vente, établissements, salles de vente, locaux où
des produits identiques étaient habituellement mis en vente, etc.

Par ailleurs, certaines notifications doivent être faites à des lieux déterminés : à la dernière
adresse connue, à la résidence principale, au siège d’exploitation… Inversement, il est parfois
interdit de faire parvenir une offre au consommateur à son domicile, à sa résidence ou sur son
lieu de travail.

La réglementation des prix stipule que le prix doit être indiqué sur le produit, sur son
emballage ou à proximité immédiate de celui-ci, ce qui constitue une exigence relative à la
forme que doit revêtir l’offre. De même, la réglementation de l’étiquetage des produits stipule
que les mentions faisant l’objet de l’étiquetage, les modes d’emploi et les bulletins de garantie

17
D. GOBERT et E. MONTERO, “Le traitement des obstacles formels aux contrats en ligne”, op. cit., pp. 205-211.
Cette classification s’inspire en partie des travaux préparatoires de la directive sur le commerce électronique
(voy. le commentaire de l’article 9 de la directive, op. cit., p. 27).

7
sont au moins libellés dans la langue ou les langues de la région linguistique où les produits
ou les services sont mis sur le marché.

Enfin, la loi peut également exiger la présence des parties. C’est le cas, par exemple, pour la
rédaction des actes notariés, pour l’inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à
l’usufruit, pour la modification des conventions matrimoniales... On note également que, pour
la vente de produits en vrac, la loi sur les pratiques du commerce exige que ceux-ci soient
pesés en présence du consommateur ou par celui-ci.

c) Exigences relatives à l’implication de tiers

La loi requiert souvent l’implication de tiers pour des actes “graves” : mariage, adoption,
vente immobilière, règlement collectif de dettes, etc. De manière générale, l’implication de
tiers est exigée dès qu’il y a rédaction d’un acte authentique.

Ces tiers peuvent être de simples témoins, mais également le juge, le notaire, l’huissier de
justice, le greffier, l’officier d’état civil, le receveur de l’enregistrement, le conservateur des
hypothèques ou d’autres autorités publiques. Le tiers est ainsi appelé à conseiller les parties, à
vérifier la légalité de l’acte, à éviter des contestations ultérieures, à permettre la publicité de
l’acte ou la perception de taxes prévues pour certains actes.

d) Exigences relatives à la remise de la chose qui fait l’objet de contrat

La remise de la chose (res) qui fait l’objet du contrat est une condition de validité des contrats
dits réels, tels que le gage, le prêt à usage (ou commodat), le prêt de consommation et le
dépôt, auxquels il faut ajouter le don manuel.

En effet, “l’obligation (…) de conserver et restituer la chose ne peut prendre naissance, et par
conséquent le contrat ne peut être formé, tant que la chose n’a pas été livrée”18. Certes, la
promesse de faire un prêt, de constituer un gage ou de recevoir un objet en dépôt sont “des
contrats consensuels valables qui obligent le promettant à exécuter sa promesse et seront
convertis, au moment de l’exécution, en un contrat de prêt, de gage ou de dépôt. Cependant,
d’après la doctrine classique, ces contrats préliminaires ne doivent pas être confondus avec les
contrats définitifs re qui leur succèdent lors de la remise de l’objet”19.

Remarquons que cette analyse fait aujourd’hui l’objet de critiques de la part de nombreux
auteurs, qui s’interrogent sur l’intérêt de maintenir cette catégorie de contrats ; en substance,
ils considèrent que, dans la réalité des choses, le contrat s’est formé dès la rencontre des
volontés, la remise de la chose n’en marquant pas la naissance, mais le premier acte
d’exécution20.

18
M. PLANIOL, G. RIPERT et P. EISMEIN, Traité pratique de droit civil français, t. VI, Obligations, 2e éd., Paris,
L.G.D.J., 1952, p. 131, n° 119.
19
Ibidem.
20
Notre propos n’est pas ici d’examiner en détail la controverse. Pour un aperçu du débat, voy. outre M.
DEMOULIN et E. MONTERO, “La conclusion des contrats par voie électronique”, in M. FONTAINE (sous la
direction de), Le processus de formation du contrat. Contributions comparatives et interdisciplinaires à
l’harmonisation du droit européen, Bruxelles, Bruylant et Paris, L.G.D.J., 2002, pp. 727-729, nos 46-47, H. DE
PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. II, 3e éd., 1964, p. 424, n° 455 ; M. PLANIOL, G. RIPERT et P.
EISMEIN, op. cit., pp. 132-135, nos 120-121 ; H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil –
Obligations, t. II, 9e éd., Paris, Montchrestien, 1998, p. 71 et s., nos 82-84.

8
2. Classification en fonction des finalités

Traditionnellement les auteurs distinguent plusieurs types de formalisme en fonction de la


diversité des finalités qui lui sont assignées21 : le formalisme requis pour la validité des actes,
le formalisme requis pour la préconstitution de la preuve, le formalisme requis pour la
publicité des actes, le formalisme requis pour des raisons fiscales et le formalisme requis à des
fins d’information.

Ces divers objectifs peuvent être atteints par les différentes exigences de forme distinguées
plus haut. Inversement, il n’est pas rare qu’une même exigence de forme cumule divers
objectifs.

a) Le formalisme de validité

Il arrive que la loi entoure la conclusion-même du contrat de certaines formalités, à défaut


desquelles celui-ci est frappé de nullité. De tels contrats sont alors qualifiés de solennels, par
opposition aux contrats consensuels. En effet, le formalisme de validité constitue une
véritable exception au principe du consensualisme, dans la mesure où la seule volonté des
parties ne suffit pas à conclure le contrat. L’objectif d’un tel formalisme est généralement de
protéger le consentement des parties, en attirant leur attention sur la nature et l’étendue de leur
engagement.

Dans le Code civil, ces exigences d’ordre formel consistent notamment en l’intervention d’un
officier public, la rédaction d’un écrit, authentique ou sous seing privé, la signature, la
datation, les mentions obligatoires ou encore l’exigence d’une écriture manuscrite. Comme on
l’a vu, ces formalités sont généralement réservées aux “actes graves”22.

Mais à la faveur de la renaissance actuelle du formalisme, l’on observe une nette tendance à la
multiplication des formalités liées à la conclusion du contrat : exigence d’un écrit (signé),
mais également obligation de faire figurer certaines mentions dans le contrat, sous une forme
précise ou à certains endroits. Dès lors, des auteurs considèrent désormais comme solennels le
contrat de crédit à la consommation, le contrat de crédit hypothécaire, le contrat conclu en
dehors de l’entreprise du vendeur, le contrat de courtage matrimonial, le contrat de time-
sharing ou encore les contrats d’intermédiaire et d’organisation de voyages23.

21
Notre propos se veut ici très général. Pour un examen complet et critique des différents types de formalisme,
nous invitons le lecteur à consulter : ASSOCIATION HENRI CAPITANT, “Journée Jacques Flour sur le formalisme”,
Rép. Defrénois, 2000, pp. 865-943 ; P. BRASSEUR, “Le formalisme dans la formation des contrats. Approches de
droit comparé”, in Le processus de formation du contrat. Contributions comparatives et interdisciplinaires à
l’harmonisation du droit européen, Bruxelles, Bruylant et Paris, L.G.D.J., 2002, pp. 605-691 ; J. FLOUR,
“Quelques remarques sur l’évolution du formalisme”, in Le droit privé français au milieu du XXe siècle. Etudes
offertes à Georges Ripert, Paris, L.G.D.J., 1950, t. I, pp. 93-114 ; F. GENY, Science et technique en droit privé
positif, t. III, Paris, Sirey, 1921, pp. 94-122 ; M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, Paris, L.G.D.J.,
1975 ; X. LAGARDE, “Observations critiques sur la renaissance du formalisme”, J.C.P., G., I 170, pp. 1767-
1775 ; B. NUYTEN et L. LESAGE, “Formation des contrats : regards sur les notions de consensualisme et de
formalisme”, Rép. Defrénois, 1998, pp. 497-509 ; M. PLANIOL, G. RIPERT et P. EISMEIN, Traité pratique de droit
civil français, t. VI, Obligations, op. cit., pp. 125-135.
22
Pour une analyse nuancée de cette affirmation, voy. X. LAGARDE, “Observations critiques sur la renaissance
du formalisme”, op. cit., pp. 1170-1173, nos 8-14.
23
Voy. J.-M. TRIGAUX, “L’incidence de plusieurs législations récentes sur le droit commun des obligations en
matière de formation des contrats”, Ann. dr., 1997, pp. 204-213 ; P. VAN OMMESLAGHE, “Le consumérisme et le
droit des obligations conventionnelles : révolution, évolution ou statu quo ?”, in Hommage à J. Heenen,
Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 534-535.

9
b) Le formalisme probatoire

Il est à noter que la plupart des formalités prescrites ad validitatem servent également de
preuve préconstituée. Mais il est aussi des hypothèses où des formalités sont exigées par le
législateur à des fins exclusivement probatoires. Ce formalisme probatoire se distingue du
formalisme de validité, d’un point de vue théorique, en ce qu’il ne conditionne nullement
l’existence ou la validité de l’acte juridique24. En cas de non respect des formalités requises
ad probationem, l’acte est valable, mais ne peut être prouvé s’il est contesté.

Parmi les formalités requises à titre de préconstitution de la preuve, l’exemple le plus typique
est celui de l’article 1341 du Code civil. On pense également à l’article 10, § 1er, de la loi sur
le contrat d’assurance terrestre, qui précise que le contrat d’assurance ainsi que ses
modifications se prouvent par écrit, quelle que soit la valeur des engagements25. Notons que
parfois le législateur ne précise pas s’il exige un écrit ad probationem ou ad validitatem. C’est
notamment le cas de l’article 2044 du Code civil, qui exige que la transaction soit rédigée par
écrit26.

Mais il est d’autres formalités requises ad probationem que l’écrit signé. Ainsi, le législateur
exige parfois, à des fins probatoires, certaines mentions manuscrites27, ou encore la datation
du contrat28. Un autre exemple est fourni par l’article 10, § 3, de la loi sur le contrat
d’assurance terrestre qui impose à l’assureur de délivrer au preneur d’assurance, au plus tard
au moment de la conclusion du contrat d’assurance terrestre, une copie certifiée conforme des
renseignements que ce dernier a communiqués par écrit au sujet du risque à couvrir. Cette
formalité a pour but de permettre au preneur d’assurance de conserver une trace de ce qu’il a
déclaré, au cas où l’assureur invoquerait l’une ou l’autre omission ou inexactitude dans la
déclaration initiale29.

c) Le formalisme de publicité

Le législateur impose parfois une mesure de publicité afin de permettre aux tiers intéressés
d’avoir connaissance de l’existence de certains actes. L’omission de la forme prescrite
n’affecte pas, en principe, la validité de l’acte ; elle le rend seulement inopposable aux tiers.

Ainsi, on sait que les privilèges30 et hypothèques31 doivent être inscrits au registre de la
conservation des hypothèques pour être opposables aux tiers, et que tous les autres actes entre
vifs, à titre gratuit ou onéreux, translatifs ou déclaratifs de droits réels immobiliers, doivent y

24
Se fondant sur l’adage idem esse non esse aut non probari, maints auteurs soulignent toutefois que la
distinction entre formes solennelles et formes probatoires est en grande partie artificielle, En effet, l’acte qui ne
peut être prouvé est pratiquement dépourvu d’efficacité, dans la mesure où son exécution risque de se trouver
paralysée. A ce sujet, voy. J. FLOUR, “Quelques remarques sur l’évolution du formalisme”, op. cit., pp. 98-99, n°
6 ; F. GENY, Science et technique en droit privé positif, t. III, op. cit., p. 109, n° 205, b ; ainsi que les nuances
apportées à cette analyse par M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, op. cit., pp. 163-202.
25
M. FONTAINE, Droit des assurances, Bruxelles, Larcier, 2e éd., 1996, p. 207, n° 383.
26
La jurisprudence considère cependant que cette disposition est requise ad probationem (voy. infra, les réf.
citées note 115).
27
Voy., p. ex., les art. 970 (testament olographe) et 1326 (formalité du “bon pour”) C. civ. (infra).
28
Voy., p. ex., l’art. 10, § 2, AT (cf. liste des abréviations à la fin de la présente étude).
29
Voy. les art. 5 à 7 AT. A ce sujet, M. FONTAINE, Droit des assurances, op. cit., p. 211, n° 392.
30
Art. 29 et s. de la loi hypothécaire.
31
Art. 81 de la loi hypothécaire.

10
être transcrits32. Mais il est d’autres mesures que la transcription et l’inscription : la
notification d’une cession de créance au débiteur cédé et au créancier du cédant33, la
notification d’une cession de fonds de commerce à l’administration fiscale34, la notification
d’une cession de brevet à l’Office de la propriété industrielle35, etc.

d) Le formalisme fiscal

De nombreux contrats sont par ailleurs soumis à un formalisme fiscal, tel que l’enregistrement
ou le timbre. L’objectif est d’assurer la perception des impôts établis à l’occasion de certains
actes. En cas d’inobservation de ces formalités, la validité de l’acte n’est généralement pas
remise en question, mais l’auteur de l’acte est passible de sanctions fiscales, notamment
d’amendes. Notons que les formalités fiscales peuvent également avoir des implications
civiles. Ainsi, l’enregistrement permet à un acte d’acquérir date certaine36. Le dépôt et
l’enregistrement d’un contrat de cession d’un droit exclusif à un dessin ou modèle auprès du
Bureau Benelux des dessins ou modèles37 ou d’un contrat de cession d’un droit exclusif à la
marque auprès du Bureau Benelux des marques38, ainsi que le paiement des taxes prévues
pour ces formalités, ont pour effet de rendre l’acte de cession opposable aux tiers.

La formalité de l’enregistrement est exigée notamment pour les actes authentiques, mais
également pour les actes sous seing privé relatifs à la location ou à la sous-location d’un
immeuble, ou encore ceux contenant l’apport de biens meubles ou immeubles à des sociétés
belges possédant la personnalité juridique39.

La certification conforme de copie de documents par l’administration communale, via le


timbre fiscal ou le papier timbré, peut également être requise, à l’occasion de certains
contrats, comme le contrat d’assurance terrestre40 ; de même, la notification d’une cession de
brevet à l’Office national de la propriété industrielle doit être accompagnée d’une copie ou
d’un extrait certifiés conformes de l’acte de cession41.

Parmi les formalités fiscales relatives aux contrats, il convient également de relever
l’obligation d’établir une facture42, comportant certaines mentions43. Cette formalité poursuit
des objectifs fiscaux : contrôle par l’administration fiscale, justification du droit à déduction…
Mais elle peut également remplir une fonction probatoire : preuve des engagements du
fournisseur, de l’existence du contrat, d’une éventuelle quittance, du contenu des conditions
générales…44

32
Art. 1er de la loi hypothécaire. Pour de plus amples développements sur ces formalités et les actes qui y sont
soumis, voy. J. HANSENNE, Les biens, Liège, Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1996, t. II,
pp. 491-557.
33
Art. 1690 C. civ.
34
Art. 442bis Code des Impôts sur le Revenu.
35
Art. 44 BI.
36
Art. 1328 C. civ.
37
Art. 13 BDM (cf. liste des abréviations à la fin de la présente étude).
38
Art. 11 BM.
39
Art. 29 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe.
40
Art. 10, § 3, AT.
41
Art. 44, § 3, BI.
42
Art. 53, 2°, Code TVA.
43
Art. 5 de l’arrêté royal n° 1 du 29 décembre 1992 relatif aux mesures tendant à assurer le paiement de la taxe
sur la valeur ajoutée, M.B., 31 décembre 1992.
44
A ce sujet, voy. D. GOBERT, “Vers une discrimination de traitement entre la facture papier et la facture
électronique ?”, Cah. Jur., 2001, pp. 45-54, spéc. pp. 49 et s.

11
e) Le formalisme administratif

On note également la multiplication des formalités d’ordre administratif sur le terrain de la


formation des contrats. L’objectif de ce formalisme est principalement de permettre à
l’administration d’exercer un contrôle sur la conclusion de certains contrats, en raison de
préoccupations d’intérêt public.

Ainsi, le législateur exige parfois une notification à l’administration préalablement à la


conclusion du contrat45, une demande d’autorisation46 ou de dérogation47, l’immatriculation48,
l’inscription49, l’agrément50 ou l’enregistrement du professionnel auprès de l’autorité
compétente51, etc.

Les conséquences du non respect de ces formalités sont très variables52. Dans certains cas, la
loi autorise le juge à prononcer la nullité des contrats conclus par des professionnels non
“agréés” (au sens large)53. Toutefois, on note que les effets de la nullité peuvent être fortement
atténués, notamment si l’autre partie a contracté de bonne foi. Par exemple, en droit des
assurances, l’assureur non habilité à exercer une activité d’assurance est tenu de remplir ses
obligations envers le preneur qui a souscrit de bonne foi54. A cet égard, un auteur souligne que
“le régime de contrôle ne se situe pas au niveau des relations contractuelles entre assureur et
assuré ; quand la loi prescrit la nullité des contrats conclus avec un assureur non agréé, cette
nullité peut se comprendre comme la sanction pour illicéité de la violation d’une disposition
d’ordre public, et non comme la conséquence du défaut d’un élément essentiel du contrat”55.
Par ailleurs, étant donné que le formalisme administratif poursuit avant tout un objectif
d’information de l’administration, “si le vendeur néglige d’obtenir les autorisations requises,
on conçoit difficilement, à défaut de dispositions légales expresses, qu’une partie puisse s’en
prévaloir pour obtenir l’annulation du contrat”56. Il est à noter que la sanction du non respect
du formalisme administratif est souvent d’ordre pénal57.

45
C’est le cas, notamment, pour les ventes en liquidation (art. 48, § 1er, LPC) ou les concentrations d’entreprises
(art. 7 CE).
46
Pour transférer d’un établissement à un autre des produits destinés à une vente en liquidation : art. 48, § 3,
LPC.
47
Art. 72, al. 1er, LPC (autorisation de procéder à une vente publique dans des locaux qui ne sont pas
exclusivement destinés à cet usage) et art. 76, al. 3, LPC (dérogation à l’interdiction des achats forcés pour les
œuvres philanthropiques).
48
Pour le vendeur qui émet des titres visés à l’article 53, 1 à 3 : art. 59 LPC.
49
Pour les vendeurs d’un droit d’utilisation d’immeuble à temps partagé : art. 12 TS ; pour les intermédiaires de
crédit : art. 77 CC.
50
Pour les prêteurs : art. 74 CC ; pour les entreprises d’assurance : art. 3, § 1er, CA.
51
Pour les entreprises de courtage matrimonial : art. 2 CM.
52
Pour de plus amples développements sur les interventions de l’administration et leur effet sur la formation des
contrats, voy. P. DURAND, “Le rôle des agents de l’autorité publique dans la formation du contrat”, Rev. trim. dr.
civ., 1948, pp. 155-182 ; G. FARJAT, L’ordre public économique, Paris, L.G.D.J., 1963, pp. 209 et s. ; pp. 309 et
s.
53
Art. 15, 3°, TS ; art. 3, § 3, CA.
54
M. FONTAINE, Droit des assurances, op. cit., n° 55, pp. 35-36
55
Ibidem, n° 137, p. 193 et les réf. citées.
56
J.-L. FAGNART, “La formation et l’exécution des contrats”, in Pratiques du commerce et information et
protection du consommateur – Handelspraktijken en voorlichting en bescherming van de consument, Bruxelles,
Story-Scientia, 1988, p. 126 .
57
Art. 101, § 1er, CC, art. 17, § 1er, TS ; art. 10 CM ; art. 102 LPC ; art. 83 CA.

12
f) Le formalisme informatif

Dans le cadre du mouvement actuel de résurgence du formalisme, les auteurs ont souligné le
recours de plus en plus fréquent du législateur au formalisme dit “informatif”58. C’est
principalement en droit de la consommation et en droit du travail que ce nouveau formalisme
est le plus significatif, afin de protéger la partie faible du contrat (le consommateur, le preneur
d’assurance, l’emprunteur, le travailleur…). L’objectif est d’attirer l’attention sur
l’importance ou sur certains aspects du contrat, voire de déterminer le contenu du contrat lui-
même59.

Dans certains cas, le formalisme informatif entoure la conclusion du contrat d’un certain
nombre d’informations, dont l’acceptation est rendue certaine par l’intégration de mentions
obligatoires dans le contrat lui-même. Dès lors, l’exigence de mentions vise implicitement
celle d’un écrit signé60. On peut parfois assimiler ce formalisme informatif à un formalisme de
validité, dans la mesure où le non respect de ces exigences est sanctionné par la nullité,
relative ou absolue de l’acte, ce qui n’est pas toujours le cas. Ces mentions obligatoires
peuvent concerner les éléments essentiels du contrat, mais aussi les protections légales dont
bénéficie la partie faible61.

Dans d’autres cas, le formalisme d’information est dissocié du contrat lui-même.


L’information exigée par la loi peut alors être pré-, para- ou post-contractuelle62. Ainsi, en
matière de contrats à distance, la loi oblige le fournisseur à communiquer au consommateur
un certain nombre d’informations préalablement à la conclusion du contrat63, mais également
de lui confirmer ces informations postérieurement à celle-ci64. De même, le projet de loi
impose au prestataire d’un service de la société de l’information de fournir certaines
informations dès le stade de la publicité65, avant la passation de la commande66, et d’envoyer
un accusé de réception de la commande67. L’organisateur ou l’intermédiaire de voyages est
tenu de délivrer au voyageur un bon de commande68. La loi précise les informations à fournir
dans les brochures de voyages qui seraient mises à la disposition du voyageur69 et avant la
conclusion du contrat70, celles devant figurer dans le bon de commande71. La publicité

58
Voy. L. AYNES, “Formalisme et prévention”, in Le droit du crédit au consommateur, Paris, Litec, 1982, pp.
63-92 ; G. COUTURIER, “Les finalités et les sanctions du formalisme”, Rép. Defrénois, 2000, pp. 885-888 ; J.-L.
FAGNART, “La formation et l’exécution des contrats”, op. cit., p. 125 ; B. NUYTEN et L. LESAGE, “Formation des
contrats : regards sur les notions de consensualisme et de formalisme”, op. cit., p. 506, n° 25 ; P. VAN
OMMESLAGHE, “Le consumérisme et le droit des obligations conventionnelles : révolution, évolution ou statu
quo ?”, op. cit., n° 17, pp. 536-537.
59
L. AYNES, op. cit., pp. 74 et s.
60
G. COUTURIER, op. cit., p. 506 ; B. NUYTEN et L. LESAGE, op. cit., p. 886.
61
Dans ce dernier cas, la clause qui doit figurer dans le contrat n’est pas créatrice de droit à l’égard de la partie
faible. Ce droit existe déjà dans la loi, et la clause qui le reproduit a pour seul objectif de porter ce droit à la
connaissance de la partie concernée. Voy. J.-L. FAGNART, op. cit., p. 125.
62
G. COUTURIER, op. cit., p. 887.
63
Art. 78 LPC (cf. liste des abréviations à la fin de la présente étude).
64
Art. 79 LPC.
65
Art. 14 et 15 du projet de loi.
66
Art. 10 du projet de loi.
67
Art. 11 du projet de loi.
68
Art. 9 VO.
69
Art. 5 VO.
70
Art. 7 VO.
71
Art. 10 VO.

13
concernant l’octroi d’un crédit à la consommation72, ainsi que l’offre d’un tel crédit doivent
contenir certaines informations73, etc.

Par ailleurs, le formalisme informatif peut parfois atteindre un degré de sophistication


remarquable, allant jusqu’à imposer pour ces mentions un style (clair, compréhensible, non
équivoque…)74, un libellé à reproduire à la lettre75, voire une forme déterminée (“en
caractères gras”, “en caractères d’un type différent”, “dans un cadre distinct du reste du
texte”, “sous forme d’alinéas séparés”)76.

SECTION 2. LA PHILOSOPHIE DE L’ARTICLE 17 À TRAVERS LE PRISME DE LA CLAUSE


TRANSVERSALE GÉNÉRALE

L’article 17 du projet de loi s’ouvre sur une clause transversale générale, libellée comme suit :
“§ 1er. Toute exigence légale ou réglementaire de forme relative au processus contractuel est
réputée satisfaite à l’égard d’un contrat par voie électronique lorsque les qualités
fonctionnelles de cette exigence sont préservées”.

Cette clause constitue véritablement la clef de voûte de l’article 17, sur laquelle reposent les
trois clauses transversales particulières (art. 17, § 2), et la délégation au Roi (art. 17, § 3). En
effet, les clauses transversales consacrées aux formalités de l’écrit, de la signature et des
mentions manuscrites ne sont rien d’autre que des applications de la clause transversale
générale. L’application de cette dernière conditionne également les pouvoirs du Roi, dans la
mesure où seules les dispositions contenant des obstacles non couverts par les clauses
transversales pourront être adaptées par arrêté royal.

Dès lors, l’analyse du champ d’application de cette clause (A) et de la théorie des équivalents
fonctionnels qui la sous-tend (B) s’avère déterminante pour saisir la portée l’article 17 dans
son intégralité.

A. La mesure du défi

La notion d’exigence de forme envisagée par la clause transversale générale est susceptible de
s’étendre, de manière extrêmement large, à une grand diversité de formalités entourant la vie
du contrat.

Toutefois, parmi les nombreuses exigences de forme observées, toutes ne sont pas soumises à
l’article 17. En effet, par application de l’article 18 du projet de loi, il convient d’exclure les
formalités relatives à certaines catégories de contrats (1). Par ailleurs, l’article 17 vise
uniquement les formalités relatives au “processus contractuel” (2). Enfin – cela va de soi –,
cette disposition ne s’applique que dans la mesure où une formalité est constitutive d’un
obstacle juridique potentiel à l’utilisation de la voie électronique pour contracter (3).

72
Art. 5 CC.
73
Art. 14 CC.
74
Voy., p. ex., l’art. 10 du projet de loi, art. 78 LPC.
75
Voy., p. ex., l’art. 79 LPC, art. 14, § 4, CC, art. 3, 13°, ARVAN
76
Voy., p. ex., art. 79, § 1er, LPC, art. 14, § 4, CC, art. 7, § 1er, in fine, TS, art. 3, 11° et 13°, ARVAN.

14
1. Exclusion de certains contrats

De prime abord, il convient d’écarter du champ d’application de l’article 17 certaines


catégories de contrats, énumérées à l’article 18 du projet de loi77 :

1° les contrats qui créent ou transfèrent des droits sur des biens immobiliers, à
l’exception des droits de location ;
2° les contrats pour lesquels la loi requiert l’intervention des tribunaux, des autorités
publiques ou de professions exerçant une autorité publique ;
3° les contrats de sûretés et garanties fournis par des personnes agissant à des fins qui
n’entrent pas dans le cadre de leur activité professionnelle ou commerciale ;
4° les contrats relevant du droit de la famille ou du droit des successions.

Concrètement, un certain nombre de contrats sont ainsi exclus, certains pouvant correspondre
à plusieurs catégories : vente d’immeuble, hypothèque, privilège sur immeuble, constitution
d’un usufruit ou d’un droit d’habitation sur un immeuble, contrat de crédit hypothécaire, vente
d’habitations à construire ou en voie de construction, vente de gré à gré de biens immeubles
saisis, règlement collectif de dettes, contrat de gage ou de caution personnelle, contrat de
mariage, adoption, convention préalable au divorce par consentement mutuel, etc. De manière
générale, sont exclus tous les actes authentiques.

Ainsi, on constate que les formalités relatives à l’implication de tiers tombent sous le coup
des exceptions prévues à l’article 18 du projet de loi : intervention d’un juge, d’un notaire,
d’un huissier de justice, du receveur de l’enregistrement, du conservateur des hypothèques, ou
d’autres agents de l’Etat. L’exigence de la présence de témoins n’est pas à écarter en tant que
telle, mais dans la mesure où elle est souvent combinée avec l’exigence d’un acte authentique,
ou le fait que le contrat relève du droit de la famille.

En outre, de nombreuses formalités fiscales gravitant autour du contrat semblent exclues du


champ d’application de l’article 17. En effet, l’enregistrement et la certification conforme de
copie nécessitent “l’intervention d’autorités publiques”. Pour la même raison, bien des
formalités administratives sont à écarter, a fortiori lorsqu’elles interviennent bien avant le
commencement du processus contractuel (infra).

Quant aux formalités de publicité, la plupart d’entre elles (i.e. l’inscription et la transcription)
concernent des actes relatifs à des “contrats qui créent ou transfèrent des droits sur des biens
immobiliers”, ou “pour lesquels la loi requiert l’intervention des tribunaux, des autorités
publiques ou de professions exerçant une autorité publique”. Il est toutefois quelques mesures
de publicité, telle la notification, qui pourraient être soumises à l’application de l’article 17.

Les formalités relatives aux catégories de contrats susmentionnées ne peuvent donc être
interprétées à la lumière des clauses transversales. Les raisons qui ont motivé l’adoption de
ces exceptions résident sans aucun doute dans le caractère “grave” de la plupart de ces
contrats, qui modifient l’état ou le patrimoine des parties. Il convient en effet de prendre le
temps d’examiner minutieusement les garanties qui entourent ces contrats afin de voir si elles
peuvent être rencontrées par voie électronique et, le cas échéant, de mettre en place
l’infrastructure nécessaire78.

77
L’article 18 du projet de loi transpose fidèlement l’article 9, § 2, de la directive sur le commerce électronique.
78
D. GOBERT et E. MONTERO, “Le traitement des obstacles formels aux contrats en ligne”, op. cit., pp. 203-204,
n° 383.

15
Notons que si les actes authentiques échappent à l’application de l’article 17, cela ne signifie
pas pour autant qu’ils sont à l’abri d’une adaptation aux nouvelles technologies. En effet,
l’article 30 du projet de loi complète l’article 1317 du Code civil d’un second alinéa, qui
stipule : “[L’acte authentique] peut être dressé sur tout support s’il est établi et conservé
dans des conditions fixées par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres”. Ainsi, “le
projet pose d’ores et déjà le principe que l’acte authentique peut être dématérialisé et que la
signature de l’officier public peut emprunter la forme électronique. Toutefois, étant donné
l’importance de pareil acte et la volonté de veiller à ce que sa dématérialisation ne remette pas
en cause les garanties de l’authenticité, il convient d’approfondir la question, tant sur le plan
juridique que technique, en vue de vérifier que les exigences de l’authenticité peuvent être
préservées dans un environnement dématérialisé. C’est pourquoi le texte renvoie la question
de sa mise en œuvre pratique à l’adoption d’un arrêté royal délibéré en Conseil des
ministres”79.

2. La notion de « processus contractuel »

Hormis les exceptions prévues à l’article 18 du projet de loi, la clause transversale générale
s’applique à toute exigence de forme relative au “processus contractuel”. Cela signifie que
cette disposition, d’une part, s’étend au-delà des seules exigences relatives à la conclusion
proprement dite du contrat, d’autre part, se limite exclusivement au formalisme contractuel.

a) Conception large de la notion de processus contractuel

La clause transversale générale ne se limite pas aux formalités exigées lors de la conclusion
du contrat, mais s’étend à toutes les exigences de forme inhérentes au “processus contractuel”,
conformément à la volonté du législateur européen80. En effet, il se peut qu’une formalité,
qu’elle soit requise en amont ou en aval de la conclusion du contrat, entrave indirectement la
conclusion celui-ci par voie électronique.

Le commentaire de l’article 17 donne une large acception de la notion de processus


contractuel : “la notion de « processus contractuel », et par voie de conséquence l’exigence
consacrée à l’article 17, § 1er, ne se limite pas à l’étape de la conclusion du contrat, mais
comprend toutes les étapes allant de la période précontractuelle (prospectus publicitaires,
offre par écrit, autres documents de la période précontractuelle, etc.), à sa modification, à son
enregistrement, à son dépôt éventuel, etc.” 81. Il nous semble que cette énumération ne doit
pas être considérée comme exhaustive. La notion de processus contractuel peut encore viser
bien d’autres phases importantes de la vie du contrat, et notamment son exécution
(facturation, paiement, livraison), son archivage ou sa fin (terme, résiliation).

Pour en revenir aux classifications théoriques, on constate que la notion d’exigence relative au
processus contractuel peut embrasser à la fois : le formalisme informatif (pré-, para- ou post-
contractuel) ; le formalisme de validité, entourant la conclusion même du contrat ; le
formalisme probatoire, postérieur à la conclusion du contrat ; et, dans une certaine mesure, les

79
Voy. le commentaire de l’article 30 du projet de loi, Exposé des motifs, op. cit., p. 58.
80
Voy. le considérant n° 34 de la directive sur le commerce électronique, qui précise : “Il convient que l’examen
des législations nécessitant cet ajustement (…) porte sur l’ensemble des étapes et des actes nécessaires au
processus contractuel, y compris l’archivage du contrat”. Cette précision se retrouve également dans le
commentaire article par article de la directive sur le commerce électronique, op. cit., p. 26.
81
Voy. le commentaire de l’article 17, § 1er, du projet de loi, Exposé des motifs, op. cit., pp. 41-42.

16
formalismes publicitaire, administratif et fiscal, qui interviennent à différents stades du
contrat.

Par ailleurs, on relève que c’est précisément dans le domaine du formalisme probatoire que le
législateur belge, sous l’impulsion du législateur européen, a levé les premiers obstacles à la
conclusion de contrats par voie électronique, avec la reconnaissance en droit belge de la
signature électronique82. En vertu du postulat de rationalité du législateur, une telle
reconnaissance emporte également l’admission de l’écrit électronique au titre de preuve
littérale, puisqu’une signature électronique ne peut être liée qu’à un écrit… électronique83.
Toutefois, cette réforme se limite, dans une large mesure, au droit de la preuve. Et si de
nombreuses formalités exigées ad probationem consistent en l’exigence d’un écrit signé,
certains auteurs soulignent que l’adaptation du droit de la preuve aux nouvelles technologies
n’est pas pour autant achevée84 et qu’il y subsiste des exigences, autres que la signature, qui
empêchent de recourir à des modes de preuves électroniques.

L’article 17 viendra donc compléter l’adaptation du droit de la preuve aux nouvelles


technologies. En réalité, la clause transversale générale s’appliquera à bien peu de formalités
probatoires, étant donné que les exigences d’un écrit, d’une signature et de mentions
manuscrites font l’objet des trois clauses transversales spécifiques de l’article 17, § 2. Il en
subsiste néanmoins une, et non des moindres, susceptible de tomber dans le champ
d’application de la clause transversale générale : la règle des originaux multiples posée par
l’article 1325 du Code civil (infra).

Quant aux formalités administratives, fiscales ou publicitaires, nous avons vu que nombre
d’entre elles sont déjà écartées par l’application de l’article 18 (supra). Toutefois, il subsistera
çà et là de telles formalités, non exclues par l’article 18, qui s’imposent au cours du processus
contractuel, étant donné l’acception extrêmement large de cette notion : notification du contrat
à l’administration à des fins purement informatives, obligation de garder une trace du contrat
dans les livres comptables, obligation d’établir une facture, etc. Ces formalités pourraient
donc tomber dans le champ d’application de l’article 17, pour autant qu’elles constituent un
obstacle à la conclusion du contrat par voie électronique.

En ce qui concerne l’établissement d’une facture, notons que cette formalité a déjà fait l’objet
d’une simplification, d’une harmonisation et d’une modernisation au niveau européen, avec la
directive du 20 décembre 2001 modifiant la directive 77/388/CEE85. Quant aux mesures de
publicité consistant en une simple notification, le nouvel article 2281 du Code civil permet

82
Voy. la modification apportée à l’article 1322 du Code civil par la loi du 20 octobre 2000 introduisant
l’utilisation de moyens de télécommunication et de la signature électronique dans la procédure judiciaire et
extrajudiciaire, M.B., 22 déc. 2000, ainsi que la loi du 9 juillet 2001 fixant certaines règles relatives au cadre
juridique pour les signatures électroniques et les services de certification, M.B., 29 juillet 2001. A ce sujet, voy.
notamment E. MONTERO, “Définition des effets juridiques de la signature électronique en droit belge :
appréciation critique”, in La preuve, Liège, Formation Permanente CUP, vol. 54, mars 2002, pp. 39-82, et les réf.
citées.
83
P. LECOCQ et B. VANBRABANT, “La preuve du contrat conclu par voie électronique”, in Le commerce
électronique : un nouveau mode de contracter ? Liège, Ed. du Jeune Barreau de Liège, 2001, n° 120, p. 131.
84
Ibidem, nos 116-118, pp. 127-129 ; E. MONTERO, “Définition des effets juridiques de la signature électronique
en droit belge : appréciation critique”, op. cit., nos 14-16, pp. 52-55.
85
Directive du 20 décembre 2001 modifiant la directive 77/388/CEE en vue de simplifier, moderniser et
harmoniser les conditions imposées à la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée, J.O.C.E. du 17
janvier 2002, n° L 15, p. 24. A ce sujet, voy. D. GOBERT, “Vers une discrimination de traitement entre la facture
papier et la facture électronique ?”, Cah. Jur., 2001, pp. 45-54.

17
désormais qu’elle s’effectue par courrier électronique, télécopie, télex ou télégramme86. Il
semblerait donc que, dans l’ensemble, le formalisme de publicité et le formalisme fiscal ne
soient guère affectés par l’article 17 du projet de loi.

Enfin, la notion de processus contractuel se veut générale et ne distingue pas les différentes
branches du droit. Dès lors, à l’instar des autres dispositions du projet de loi, la clause
transversale générale s’applique indifféremment en matière civile ou commerciale, aux
concentrations d’entreprises, aux marchés publics, au contrat de travail, aux conventions
collectives, etc.

b) Limitation aux exigences de forme relatives au processus contractuel

Etant limitée au processus contractuel, la clause transversale générale ne s’applique qu’aux


formalités relatives aux contrats. De manière générale, cette limitation concerne toutes les
dispositions de l’article 17 du projet de loi. En effet, l’article 9 de la directive sur le commerce
électronique n’impose pas aux Etats membres de procéder à une adaptation de leur législation
en dehors du domaine contractuel.

Cela signifie, en premier lieu, qu’il faut exclure les actes juridiques unilatéraux. Ainsi, les
formalités exigées pour les testaments (p. ex. l’art. 970 C. civ.) ne devraient pas être adaptées
en vue de la transposition de l’article 9 de la directive87. Par contre, l’article 1326 du Code
civil et la formalité du “bon pour”, étant susceptible de s’appliquer tant aux actes juridiques
unilatéraux qu’aux contrats unilatéraux (tels le cautionnement ou le prêt)88, tombe sous le
champ d’application de la clause transversale générale, et, partant, des clauses transversales
particulières, notamment celle relative aux mentions manuscrites (infra).

Il convient également d’écarter tout formalisme étranger au processus contractuel. Par


exemple, les formalités administratives de l’agréation, l’immatriculation, l’inscription ou
l’enregistrement du professionnel auprès d’une autorité n’interviennent pas au cours du
processus contractuel, mais en aval de celui-ci, comme condition d’accès à une activité
contractuelle. Par ailleurs, il nous semble que l’article 17 ne s’applique pas davantage au
formalisme judiciaire, et ce, en toute hypothèse. En effet, s’il est relatif à un contrat, il est
exclu par l’article 18 puisqu’il nécessite l’intervention des tribunaux, des autorités publiques
ou de professions exerçant une autorité publique (greffiers, huissiers…) ; si, à l’inverse, il
n’est pas relatif au processus contractuel, il sort du champ d’application de l’article 17.
Notons à ce sujet qu’une réflexion est actuellement menée en vue d’adapter la procédure
judiciaire aux nouvelles technologies, dans le cadre du projet e-justice89, sous l’égide du
Ministre de la Justice.

3. La levée des obstacles juridiques à la conclusion de contrats par voie électronique

Parmi toutes les exigences de forme retenues, la clause transversale générale n’intéresse, de
manière globale, que celles susceptibles de constituer un obstacle à la conclusion de contrats
par voie électronique. Ainsi que le précise le commentaire de l’article 17, “est visée toute

86
Pour un commentaire, D. MOUGENOT et L. GUINOTTE, “La loi du 20 octobre 2000 introduisant l’utilisation de
moyens de télécommunication dans la procédure judiciaire et extrajudiciaire”, http://www.droit-technologie.org.
87
En ce sens, D. GOBERT et E. MONTERO, “Le traitement des obstacles formels aux contrats en ligne”, op. cit., p.
217, n° 403.
88
R. MOUGENOT, La preuve, tiré à part du “Répertoire Notarial”, Bruxelles, Larcier, 2e éd., 1997, p. 159, n° 142.
89
Pour davantage d’informations quant au projet e-justice, consultez le site www.e-justice.be.

18
exigence de forme qui aurait pour effet de rendre juridiquement impossible la conclusion d’un
contrat par des moyens de communication électronique, ou simplement de limiter les effets
juridiques reconnus au contrat ainsi conclu en lui donnant par exemple un effet juridique
inférieur, ce qui reviendrait à favoriser en pratique l’utilisation des contrats sur support
papier”90.

Certaines formalités peuvent aisément être accomplies par voie électronique et ne posent dès
lors guère problème. C’est le cas, par exemple, de l’obligation de fournir certaines
informations ou d’indiquer dans le contrat certaines mentions. En l’absence d’exigences
particulières, la fourniture d’information peut se faire par n’importe quel moyen, notamment à
distance et par voie électronique. En outre, certaines exigences relatives à la forme de la
mention (caractères gras, cadre distinct, etc.) peuvent aisément être rencontrées par
l’utilisation de logiciels de traitement de texte ou moyennant une certaine configuration.

Par contre, d’autres exigences de forme sont susceptibles de constituer un obstacle à


l’utilisation de la voie électronique au cours du processus contractuel. Ainsi, on se trouve face
à un obstacle manifeste lorsque le législateur recourt à une terminologie marquée par
l’environnement papier, telle l’obligation de faire figurer une information “au recto de la
première page”91, au “verso du bon de commande”92, ou “à la hauteur de l’endroit où le
consommateur appose sa signature”93. De plus, certaines formalités nécessitent des
démarches impossibles à réaliser par voie électronique, comme le “dépôt à la poste d’une
lettre recommandée”94, la mesure des marchandises vendues en vrac “en présence du
consommateur”95 ou la réalisation de la vente dans des locaux ou établissements
spécifiques96.

Toutefois, on relève que, dans certaines hypothèses, l’inadéquation de la loi avec les
nouvelles technologies s’explique par la simple raison que le législateur n’entend viser que
certaines situations spécifiques, étrangères au commerce électronique. Il en va ainsi, par
exemple, des ventes au consommateur conclues en dehors de l’entreprise du vendeur (art. 86 à
92 LPC). A cet égard l’article 87, d, LPC stipule expressément que ces dispositions ne
s’appliquent pas à la vente à distance. Malheureusement, le législateur n’a pas toujours songé
à prévoir pareille dérogation. Ainsi, certaines dispositions de l’ARPBC, apparemment de
portée générale, ne visent manifestement que l’affichage des prix dans le traditionnel
“magasin” (voy., p. ex., l’art. 14 ARPBC), sans dérogation pour les ventes à distance. Dans ce
cas, il ne s’agit pas de lever un obstacle à l’utilisation des nouvelles technologies, en
appliquant la clause transversale générale, mais de constater que semblable disposition ne
s’applique pas au commerce électronique (infra).

Par ailleurs, certaines formalités peuvent également constituer un obstacle dans la mesure où
subsistent des incertitudes quant à l’interprétation qui pourrait en être donnée. On pense ainsi
à l’exigence d’un écrit ou à la référence à certains documents, papier à l’origine, mais qui
peuvent aujourd’hui revêtir la forme électronique. Une certaine insécurité juridique règne
autour de ces notions, dès lors qu’il n’est pas certain qu’aux yeux du juge, elles puissent
90
Commentaire de l’article 17, § 1er, du projet de loi, Exposé des motifs, op. cit., p. 42.
91
Voy., p. ex., art. 79, § 1er, al. 1er, 2° et 3°, LPC, art. 6, § 1er, 6°, CM, art. 3 et 5 ARVAN.
92
Art. 4 ARVAN.
93
Art. 14, § 4, 2°, CC.
94
Voy., p. ex., art. 24, al. 3, 1°, art. 29, 1°, et art. 58, § 3, CC ; art. 15, al. 2, et art. 29, § 2, AT.
95
Art. 7, 1, et art. 10 LPC.
96
Voy., p. ex., art. 48, § 2, LPC, art. 51, § 1er, LPC, art. 55, 2, a, LPC, art. 57, 3, b, LPC, art. 69, § 1er, 3, LPC,
art. 72, al. 1er, LPC.

19
s’appliquer à des documents dématérialisés97. Il pourrait être soutenu, par exemple, qu’un
“bon de commande”98, un “prospectus”99, la demande ou la proposition d’assurance via un
“formulaire”100, ou la modification du contrat par un “avenant”101 doivent revêtir la forme
papier.

Notons encore que la directive sur le commerce électronique précise, en son considérant n°
37, que “l’obligation faite aux Etats membres d’éliminer les obstacles à l’utilisation des
contrats électroniques ne concerne que les obstacles résultant d’exigences juridiques et non
pas les obstacles d’ordre pratique résultant d’une impossibilité d’utiliser les moyens
électroniques dans certains cas”. Il semblerait que ce considérant ait été rajouté à la directive
afin de préciser que les Etats membres ne sont évidemment pas tenus d’équiper tous leurs
citoyens d’un ordinateur. Cette précision nous semble non seulement superflue, mais
également dangereuse, étant donné que d’aucuns pourraient en tirer argument pour soutenir
que certaines obligations juridiques constituent en réalité des obstacles pratiques, c’est-à-dire
des formalités pratiquement impossibles à réaliser par voie électronique. Seraient alors
considérés comme des obstacles pratiques, ne devant pas être supprimés par les Etats
membres, l’impossibilité d’écrire à la main sur un document électronique ou au verso de
celui-ci, l’impossibilité de déposer à la poste une lettre recommandée électronique,
l’impossibilité pour les parties d’être en présence l’une de l’autre, etc. On aperçoit d’emblée
le caractère excessif de pareil raisonnement, qui pourrait conduire à priver d’objet l’obligation
de supprimer les obstacles à la conclusion de contrats par voie électronique.

Pour illustrer la notion d’obstacle d’ordre pratique, on peut songer aux formalités relatives à
l’usufruit102. Selon l’article 600 du Code civil, l’usufruitier ne peut entrer en jouissance
qu’après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, ou lui dûment appelé, un inventaire
des meubles et un état des immeubles sujets à l’usufruit. En pratique, il paraît difficile que cet
inventaire puisse se faire par voie électronique dans la mesure où il nécessite que les parties
concernées se rendent physiquement dans le lieu afin de constater visuellement l’état des
biens meubles et immeubles faisant l’objet de l’usufruit et de répertorier ceux-ci.

Le commentaire de l’article 17 évoque le cas des contrats réels, qui se forment par la remise
de la chose qui fait l’objet du contrat103. Or, il est évident que la tradition ne peut s’opérer par
voie électronique. Il s’agit à cet égard d’un obstacle pratique. Mais on pourrait répliquer que
c’est la loi qui exige la tradition comme condition de formation du contrat et que, partant, on
se trouve en présence d’un obstacle juridique. On voit que la frontière entre les deux types
d’obstacles n’est pas nette. Cela étant, en ce qui concerne les contrats réels, il nous semble
que l’obstacle peut aisément être contourné en pratique. Rien n’empêche, en effet, de conclure
par voie électronique des conventions consensuelles ayant pour objet un prêt, une mise en
gage ou un dépôt, et de faire livrer la chose par la suite, sans que les parties aient besoin d’être
en présence l’une de l’autre104.

97
Voy. le commentaire de l’article 17, § 1er, du projet de loi, Exposé des motifs, op. cit., p. 42.
98
Art. 10, § 1er, VO, art. 1, 3 et 4 ARVAN.
99
Art. 5 TS, art. 47, § 2, CH, art. 1, al. 2, ARSFH.
100
Art. 1, points K et L, AT.
101
Art. 118, 120 et 123 AT.
102
Cf. D. GOBERT et E. MONTERO, “Le traitement des obstacles formels aux contrats en ligne”, op. cit., p. 207,
n° 389.
103
Voy. le commentaire de l’article 17, § 1er, du projet de loi, Exposé des motifs, op. cit., p. 42.
104
Par contre, le don manuel ne peut évidemment se former que par la remise de la chose (pour rappel, la
donation est un contrat solennel, dont la validité est subordonnée au respect des formes prescrites à peine de

20
Enfin, il convient de souligner que la clause transversale ne s’applique qu’aux exigences de
forme constitutives d’un obstacle à l’utilisation de la voie électronique. Ainsi, certaines
dispositions relatives au processus contractuel sont libellées en des termes inadaptés à
l’environnement numérique, mais n’imposent aucune formalité. Elles visent le plus souvent à
interdire certains comportements aux parties ou à poser une sanction en cas de violation d’une
obligation légale, mais il n’est pas ici question de formalisme. Ainsi, l’interdiction “de faire
parvenir au domicile ou à la résidence du consommateur, ou sur son lieu de travail, un moyen
de crédit ou une offre de contracter”105, d’indiquer “des prix différents pour des produits
identiques offerts en vente dans un même établissement, faute de quoi le prix à payer par le
consommateur est le prix le plus bas”106, ou la sanction pénale prévue pour ceux qui
“suppriment, dissimulent ou lacèrent totalement ou partiellement les affiches apposées” pour
la publication d’un jugement107. Ces dispositions ne pourront dès lors être interprétées à la
lumière de la clause transversale. On examinera plus loin si une adaptation par le Roi est
envisageable (infra).

B. Question de méthode : la théorie des équivalents fonctionnels

Les étapes qui précèdent nous ont fourni les éléments nécessaires à la détermination du champ
d’application de la clause transversale générale : cette disposition vise les exigences formelles,
concernant des catégories de contrats non exclues par l’article 18, relatives au processus
contractuel, et susceptibles de constituer un obstacle juridique à la conclusion d’un contrat
par voie électronique.

En présence d’un tel obstacle, l’article 17, § 1er, nous invite à adopter une approche dite
“fonctionnelle”. Il s’agit de rechercher quelles sont les “qualités fonctionnelles” de la
formalité considérée, puis de vérifier si le procédé utilisé pour conclure le contrat par voie
électronique permet de préserver ces qualités. Dans l’affirmative, l’exigence de forme est
réputée rencontrée par le procédé en question et le contrat conclu par voie électronique ne
peut être remis en cause à cet égard.

1. Une conception iconoclaste du formalisme

La clause générale vise à donner une conception ouverte de la notion de formalité, affranchie
du traditionnel environnement papier. On y reconnaît la désormais célèbre théorie des
équivalents fonctionnels, qui consiste à “se départir d’une lecture formaliste des concepts pour
s’attacher plutôt aux fonctions qui leur sont assignées”108.

nullité ; l’institution du don manuel – contrat réel – a été imaginée pour échapper à ce formalisme). En l’état
actuel de notre droit, on ne voit pas comment un don manuel pourrait être réalisé par voie électronique.
Cependant, cette impossibilité peut être justifiée au titre de l’article 9, § 2, de la directive sur le commerce
électronique. Sur tout ceci, D. GOBERT et E. MONTERO, “Le traitement des obstacles formels aux contrats en
ligne”, op. cit., p. 211, n° 393.
105
Art. 9, al. 1er, CC.
106
Art. 3, al. 1er, ARPBC.
107
Art. 104, 3, LPC.
108
M. DEMOULIN et E. MONTERO, “La conclusion des contrats par voie électronique”, op. cit., p. 716, n° 32.
Pour plus de développements sur la théorie des équivalents fonctionnels, voy. D. GOBERT et E. MONTERO, “La
signature dans les contrats et les paiements électroniques : l’approche fonctionnelle”, DA/OR, 2000, n° 53,
pp. 17-39 ; E. CAPRIOLI et R. SORIEUL, “Le commerce international électronique : vers l’émergence de règles
juridiques transnationales”, J.D.I., 1997/2, pp. 323-393, spéc. p. 380-382.

21
L’approche fondée sur l’équivalent fonctionnel a été consacrée par la CNUDCI à l’occasion
de l’adoption de la loi-type sur le commerce électronique. Ainsi, le Guide pour l’incorporation
en droit interne de la loi-type explique que cette approche repose sur une analyse des objectifs
et des fonctions de l’exigence de forme, et vise à déterminer comment ceux-ci peuvent être
assurés par des moyens électroniques109. Il s’agit donc d’accepter des équivalents
électroniques aux formalités traditionnelles, à condition qu’ils remplissent les mêmes
fonctions que ces dernières.

Il convient de souligner qu’une telle théorie constitue une véritable révolution eu égard à la
conception traditionnelle du formalisme. En effet, jusqu’ici, on considérait qu’il n’existait pas
d’équipollent à une forme solennelle110. “La règle de forme, par définition, exclut le recours à
des procédés équipollents : on ne peut échapper à son application en prétendant que le résultat
attendu de la règle a été atteint par un autre moyen que la formalité prescrite”111. Ainsi, la
jurisprudence considérait, de manière très stricte, que l’exigence d’une mention écrite de la
main du signataire ne pouvait être satisfaite par des procédés de dactylographie, que la
signification par exploit d’huissier ne peut être remplacée par une lettre missive, qu’on ne
saurait se passer de mentions obligatoires en prouvant que la partie protégée était pleinement
informée, etc.

En 1950, J. Flour soulignait que la jurisprudence française se montrait plus conciliante


lorsqu’il s’agissait d’apprécier la sanction applicable quand la forme requise faisait défaut. En
particulier, si la loi ne précisait pas que la formalité était requise à peine de nullité, la
jurisprudence avait tendance à considérer le texte équivoque comme une formalité ad
probationem, afin d’éviter la nullité de l’acte irrégulier112. Il s’ensuivait une opposition
manifeste entre, d’une part, un législateur formaliste, soucieux de protéger les parties contre
l’insécurité juridique, la captation, la fraude, l’irréflexion…, d’autre part, un juge plutôt
libéral, soucieux de lutter contre la mauvaise foi d’une partie qui entendrait se dégager de ses
engagements à la faveur d’une simple irrégularité matérielle. Il semblerait qu’aujourd’hui la
situation soit différente, et les auteurs français observent désormais “l’imperméabilité de la
jurisprudence au discours libéral classique et son adhésion presque totale à la doctrine
formaliste du législateur”113 ou, à tout le moins, un comportement plus nuancé face au
formalisme, entre souplesse et rigueur114. En droit belge, c’est cette dernière attitude qui
semble de mise, et l’on peut relever certaines similitudes avec la jurisprudence française115.

109
Guide pour l’incorporation en droit interne de la loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique (1996),
n° 16.
110
A ce sujet, voy. G. COUTURIER, “Les finalités et les sanctions du formalisme”, op. cit., p. 880 ; J. FLOUR,
“Quelques remarques sur l’évolution du formalisme”, op. cit., n° 9, p. 101 ; M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique
solennel, op. cit., pp. 103 et s ;
111
G. COUTURIER, “Les finalités et les sanctions du formalisme”, op. cit., p. 886.
112
J. FLOUR, “Quelques remarques sur l’évolution du formalisme”, op. cit., nos 12 et s., pp. 104 et s.
113
X. LAGARDE, “Observations critiques sur la renaissance du formalisme”, op. cit., n° 3, p. 1768, suivi par G.
COUTURIER, “Les finalités et les sanctions du formalisme”, op. cit., pp. 895-896.
114
F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, Paris, Dalloz, 1996, 6e éd., pp. 117-120, n°
138.
115
J.P. Renaix, 26 sept. 2000, D.C.C.R., 2001, p. 283, D.A./O.R., 2001, p. 179 ; Ann. jur. créd., 2000, p. 101 ;
J.J.P., 2002, liv. 1-2, p. 126 ; Gand, 7 avril 1998, A.J.T., 1998-99, p. 724 ; Liège, 25 nov. 1997, R.G.D.C., 1999,
p. 150 ; J.P. Saint Nicolas, 3 janv. 1996, R.W., 1996-97, 406 ; J.P. Namur, 22 oct. 1996, J.J.P., 1997, p. 401 ;
Anvers, 7 fév. 1995, A.J.T., 1995-96, p. 325 ; R.W., 1997-98, 643 ; J.P. Mol, 13 décembre 1994, Turnh. Rechtsl.,
1995-96, p. 16 ; Prés. Comm. Bruxelles, 21 déc. 1992, Ann. Prat. Comm., 1992, p. 29 ; R.D.C., 1993, p. 675 ;
Bruxelles, 15 déc. 1992, Pas., 1992, II, p. 134 ; Liège, 6 mars 1990, J.T., 1990, p. 443. Comp. avec F. TERRÉ, P.
SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, op. cit., pp. 117-120, n° 138 et les réf. citées.

22
Toutefois, les auteurs s’accordent à dire qu’il n’est guère aisé d’apporter la preuve
systématique et statistique de l’une ou l’autre tendance.

Dans un tel contexte, on mesure aisément la profonde mutation apportée au formalisme par la
consécration de la théorie des équivalents fonctionnels en droit belge. Mais cette mutation
semblait inévitable, dans la mesure où la prodigieuse évolution technologique de ces dernières
années a modifié les mœurs contractuelles dans la société : désormais, le papier n’est plus le
seul (ni le meilleur) moyen de cristalliser l’accord des volontés. Les progrès technologiques
ont en effet permis de développer autour du document électronique une série de procédés
additionnels, permettant aujourd’hui d’atteindre un niveau de sécurité équivalent et, à certains
égards, supérieurs à celle offerte par le document papier. Dès lors, on ne pouvait plus
longtemps faire l’économie d’une adaptation du formalisme classique, trop marqué de
l’empreinte du papier.

2. Les frontières de l’approche fonctionnelle

Néanmoins, il ne faudrait pas conférer à cette nouvelle conception une portée exagérée : d’une
part, l’approche fonctionnelle ne constitue pas un retour au consensualisme par l’octroi d’une
liberté totale aux parties, d’autre part, l’accueil de cette théorie est strictement limité au
domaine des contrats conclus par voie électronique.

En premier lieu, la clause transversale générale ne vise pas à instaurer un régime


consensualiste dans l’environnement électronique, par opposition à un régime formaliste dans
le monde “réel”. Il ne s’agit pas de donner une totale liberté aux parties qui contractent sur les
réseaux. Certes, les parties disposent d’une relative latitude dans le choix des procédés
électroniques, mais ce choix est limité par la condition fixée par la clause transversale
générale. En effet, les parties ne pourront recourir valablement à la voie électronique qu’à
condition de choisir des procédés qui préservent les qualités fonctionnelles de la formalité
exigée. Dans ce cas, le contrat n’est pas consensuel, puisque les parties ne sont pas totalement
libres de choisir le mode d’extériorisation du consentement116. Il reviendra au juge, en cas de
contestation, d’apprécier si cette condition est remplie. Toute la difficulté consiste dès lors à
dégager ces qualités fonctionnelles de manière claire et sûre. On peut craindre, à cet égard,
que le jurisprudence mette un certain temps à s’affirmer en la matière, ce qui pourrait être
source d’une certaine insécurité juridique.

En outre, l’approche fonctionnelle privilégiée par la clause transversale générale ne vise que
les contrats conclus par voie électronique, afin de permettre le recours aux nouvelles
technologies pour contracter et, partant, de favoriser le développement du commerce
électronique. En dehors de cette hypothèse, aucun équivalent fonctionnel à la formalité exigée
ne pourra être admis.

Notons que les termes “par voie électronique” doivent être compris de la même manière que
dans la définition de la notion de “service de la société de l’information”. Le commentaire de
cette dernière117 renvoie à la directive “sur les services”118. Sur cette base, on peut dire qu’un

116
Rappr. M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, op. cit., pp. 104-105.
117
Voy. le commentaire de l’article 2, 1°, du projet de loi, Exposé des motifs, op. cit., p. 13 et s..
118
Directive 98/34/CE du 22 juin 1998 du Parlement européen et du Conseil prévoyant une procédure
d’information dans le domaine des normes réglementaires techniques, J.O.C.E., n° L 204 du 21 juillet 1998,
p. 37 ; modifiée par la directive 98/48/CE du 20 juillet 1998 du Parlement européen et du Conseil, J.O.C.E., n° L
217 du 5 août 1998, p. 18 (ci-après : “directive sur les services”).

23
contrat conclu par voie électronique est un contrat “envoyé à l’origine et reçu à destination au
moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de
stockage de données, et qui est entièrement retransmis, acheminé et reçu par fils, par radio,
par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques”119.

Ainsi, sont considérés comme des contrats conclus par voie électronique et, partant,
bénéficient de l’approche fonctionnelle : les contrats conclus par échange de courriers
électroniques, mais aussi par chat, téléphonie vocale sur internet, vidéo-conférence, voire par
échange de SMS120, les contrats conclus sur un site web, ou encore les contrats conclus par
l’intervention d’agents électroniques121. Toutefois, il va de soi qu’un contrat conclu par de tels
procédés ne sera admis par le juge que s’il préserve les qualités fonctionnelles des formalités
requises par le législateur. Par contre, aucun équivalent fonctionnel ne pourra être admis pour
les contrats conclus par téléphone ou sur papier (entre parties présentes ou à distance, par fax,
télécopie ou correspondance).

On pourrait craindre que cette limitation conduise à des situations discriminatoires. Ainsi, en
application de l’approche fonctionnelle, le juge devra accepter que l’exigence d’une mention
manuscrite soit rencontrée par tout procédé électronique permettant de garantir que la mention
a bien été apposée par celui qui s’engage (infra). Par contre, il pourra toujours rejeter les
mentions dactylographiées sur papier, même accompagnées d’une signature manuscrite. Il
nous semble toutefois que pareille différence de traitement pourrait se justifier in casu par le
fait que, sur les réseaux, il est matériellement impossible de recourir à la mention manuscrite,
étant donné l’absence de support papier. Tandis que les parties qui dactylographient une
mention au lieu de l’écrire à la main ne se trouvent pas dans cette impossibilité : elles
disposent d’un support papier, sur lequel elles choisissent délibérément de recourir à un autre
mode d’écriture que manuscrite, ce que le législateur ne tolère pas, car il s’agirait là d’une
forme de retour au consensualisme.

3. L’identification des qualités fonctionnelles des formalités

Selon nous, les qualités fonctionnelles d’une exigence de forme sont ses propriétés, vertus ou
attributs particuliers qui la rendent apte à remplir les fonctions que le législateur lui a
assignées. En effet, si ce dernier a porté son choix sur telle formalité à l’exclusion de toute
autre, c’est qu’elle présente à ses yeux toutes les qualités nécessaires à rencontrer les objectifs
qu’il poursuit. Il convient donc d’identifier ces objectifs ou fonctions afin de déterminer si le
procédé utilisé pour contracter par voie électronique permet de les préserver.

Signalons d’emblée que le législateur poursuit rarement un objectif unique. En outre, on


distinguera les objectifs généraux et les objectifs particuliers. Par objectifs généraux, on
entend, par exemple, la protection du consentement d’une partie faible, des intérêts des tiers

119
Voy. la définition de la notion de “service presté par voie électronique”, art. 1er, § 2, 2e tiret, de la directive
sur les services.
120
La notion de courrier électronique est largement définie par l’article 2, 2°, du projet de loi, comme “tout
message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau public de communications qui
peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le
récupère”. Comme le souligne l’exposé des motifs (pp. 16-17), cette définition est issue de l’art. 2, h, de la
directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des
données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques
(directive vie privée et communications électroniques), J.O.C.E., n° L 201, du 31 juillet 2002, p. 37.
121
Pour davantage de détails sur les modalités de conclusion des contrats par voie électronique, voy. M.
DEMOULIN et E. MONTERO, “La conclusion des contrats par voie électronique”, op. cit., pp. 695-697, nos 6 à 9.

24
ou des intérêts publics, la fourniture d’un moyen de preuve, l’exercice d’un contrôle sur le
contrat conclu, etc. Rappelons que ces objectifs ne sont pas exclusifs les uns des autres
(supra). En outre, chacun peut être subdivisé en divers objectifs particuliers. Dès lors, une
même formalité peut poursuivre divers objectifs, généraux et particuliers, et remplir ainsi
plusieurs fonctions.

Ainsi, l’exigence d’un acte sous seing privé à peine de nullité peut notamment avoir pour
fonction de protéger le consentement des parties (objectif général A), en attirant leur attention
sur l’acte qu’elles s’apprêtent à conclure, en les obligeant à déterminer précisément les droits
et obligations de chacun et en leur permettant de s’en informer avant de signer (objectifs
particuliers A), mais également de leur fournir un moyen de preuve de l’existence et du
contenu du contrat (objectif général B), en permettant d’identifier les auteurs de l’acte, de
garantir leur adhésion à ce dernier ou encore de préserver son intégrité (objectifs particuliers
B)122.

Notons que l’identification de ces fonctions ne devrait pas être faite in abstracto, mais eu
égard au contexte spécifique dans lequel l’exigence de forme est posée. On s’attachera
notamment au contrat concerné, aux parties impliquées, aux dangers éventuels qui les
menacent, etc. Il est vrai qu’on peut dégager des constantes parmi les fonctions de certaines
formalités, comme l’attestent les clauses transversales particulières relatives à l’écrit, à la
signature et aux mentions manuscrites (infra). Toutefois, il est essentiel de replacer toute
formalité dans son contexte, afin de s’assurer qu’aucune fonction additionnelle ne lui est
assignée par le législateur. Par ailleurs, il convient de s’en tenir aux fonctions strictement
indispensables à l’exigence considérée123. Une fois ces fonctions dégagées, il convient de
s’assurer qu’elles peuvent également être remplies sous forme électronique.

Un premier exemple nous vient de l’exigence de mentions dans le contrat. Ainsi, lorsque le
législateur exige la mention d’une clause de renonciation, libellée en des termes qu’il impose,
et rédigée “en caractères gras dans un cadre distinct du texte au recto de la première
page”124, l’objectif est de protéger le consommateur, en s’assurant que l’information en
question n’échappera pas à son attention.

Nous avons vu que l’exigence relative à la mise en page et à la taille de caractères peut être
remplie par voie électronique sans grande difficulté, moyennant le logiciel approprié. Par
ailleurs, peu importe que la notion de “recto” du document n’existe pas dans l’environnement
dématérialisé. En effet, un document électronique n’ayant qu’une seule face – celle qui
apparaît à l’écran –, on peut considérer qu’il n’a jamais de verso. Dès lors, tout ce qui figure
sur le contrat est, en quelque sorte, toujours écrit au “recto” du document électronique.

Quant à la notion de première page, elle ne semble guère problématique au regard de certains
documents électroniques. En effet, les logiciels de traitement de texte permettent d’organiser
un texte en pages et de numéroter celles-ci125. Ainsi, lorsque la loi exige qu’une information
figure en première page d’un document (par exemple d’un contrat), il n’y a aucune difficulté à

122
Au sujet des fonctions de la signature, voy. D. GOBERT et E. MONTERO, “La signature dans les contrats et les
paiements électroniques : l’approche fonctionnelle”, D.A./O.R., n° 53, 2000, nos 17 et s. A propos des fonctions
de l’écrit, le Guide pour l’incorporation en droit interne de la loi-type sur le commerce électronique en énonce
onze, sans prétendre à l’exhaustivité (voy. n° 48).
123
Voy. le commentaire de l’article 17 du projet de loi, Exposé des motifs, op. cit., p. 43.
124
Art. 6, § 1er, 6°, CM ; art. 7, § 1er, al. 3, TS.
125
Techniquement, cette opération est qualifiée de pagination ou paging.

25
rencontrer cette exigence lorsque le document prend la forme d’un document Word ou PDF,
qu’il soit attaché à un courrier électronique ou à télécharger d’un site web. Par contre, si l’on
parle couramment de “page” web sur les réseaux, la présentation de cette dernière diffère de
celle d’un document papier ou d’un document électronique issu d’un traitement de texte. En
effet, quelle que soit la longueur du texte qu’elle contient, une “page” web (c’est-à-dire un
document HTML) n’est pas elle-même divisée en pages. La même observation vaut pour les
courriers électroniques.

En tant que telle, la notion de “première page” ne se retrouve donc pas systématiquement dans
l’environnement électronique. Il nous semble que l’objectif du législateur, dans cette
hypothèse, est d’assurer que l’information en question n’échappe en aucun cas à l’attention du
consommateur. Dès lors, tout moyen électronique permettant d’attirer, au premier coup d’œil,
l’attention du consommateur sur la mention requise devrait être admis comme équivalent à
l’exigence d’une mention figurant en première page.

A cette fin, différents moyens pourraient être mis en œuvre par les professionnels. Toutefois,
aucun ne peut être recommandé avec certitude in abstracto et leur adéquation avec les
exigences du législateur devra être appréciée au cas par cas.

En premier lieu, on pourrait considérer que l’équivalent de la première page, dans un


document web ou un e-mail, serait la première “page écran”, c’est-à-dire ce qui s’affiche
d’emblée à l’écran lorsque la page web ou l’e-mail apparaît et qui peut être lu sans faire
défiler le texte126. On pourrait également envisager l’utilisation d’un message pop-up, c’est-à-
dire d’une fenêtre indépendante apparaissant automatiquement en même temps que la page
web. Ainsi, la mention requise sautera littéralement aux yeux du consommateur127. Une autre
possibilité, plus sujette à caution, pourrait consister à placer ostensiblement, au début du
document, un hyperlien sous forme d’un texte (en gras, clignotant…) du genre “Vous (ne)
disposez (pas) d’un droit de renonciation”. En cliquant sur l’hyperlien, le consommateur serait
automatiquement renvoyé au texte complet de la clause de (non) renonciation. Toutefois, il
s’agit là d’un procédé indirect d’information, dépendant de l’action du consommateur, et il se
pourrait qu’un juge considère cette méthode comme insuffisante au regard de l’objectif
poursuivi par la formalité de la “première page”.

Une autre difficulté peut surgir lorsque la loi exige qu’une information apparaisse au verso
d’un document. Ainsi, l’article 4 ARVAN stipule que “le verso [du bon de commande]
mentionne les conditions générales de vente dans un caractère clairement lisible”. En

126
En effet, il semblerait que les internautes sont rares à lire l’intégralité des informations contenues dans un e-
mail ou une page web et se contentent généralement d’un rapide coup d’œil sur la première “page écran”. Dès
lors, si l’on veut s’assurer qu’ils lisent effectivement l’information exigée par la loi, mieux vaut faire figurer
celle-ci dans la partie supérieure du document. Toutefois, ici encore, la notion de “page écran” est fluctuante, en
fonction de la taille de l’écran de l’utilisateur, de la taille d’affichage des caractères, de la configuration du
navigateur ou du logiciel de courrier électronique, etc. On note toutefois que ces variables échappent au contrôle
du professionnel. Il semblerait dès lors excessif de lui reprocher que la mention exigée en première page
n’apparaît pas d’emblée sur un écran anormalement petit et/ou lorsque la taille de caractère choisie par
l’utilisateur est excessivement grande. Le professionnel pourra tout au plus prendre des mesures raisonnables
pour qu’un consommateur normalement équipé (résolution d’écran standard, taille moyenne des caractères, etc.)
puisse lire du premier coup d’œil la mention exigée.
127
Il est à noter que cette technique est couramment employée à des fins publicitaires. Au point qu’elle apparaît
parfois incommodante pour l’internaute, qui voit surgir de toutes parts des messages publicitaires qu’il n’a pas
sollicités. C’est pourquoi des logiciels anti-pop-up ont été mis sur le marché afin d’empêcher ces fenêtres
parasites de s’ouvrir. Cela peut poser problème dans la mesure où la technique du pop-up serait utilisée à des fins
d’information légale.

26
l’espèce, cette disposition tient compte de l’habitude en matière commerciale qui consiste à
faire figurer les conditions générales au verso du bon de commande, du bon de livraison, de la
facture ou du contrat. La fonction de cette formalité est simplement de permettre au
consommateur de prendre facilement et directement connaissance des conditions générales et
de joindre celles-ci aux autres éléments du contrat. Notons qu’il convient ici de faire en outre
application de l’article 9, § 2, du projet de loi, qui précise que “les clauses contractuelles et
les conditions générales communiquées au destinataire doivent l’être d’une manière qui lui
permette de les conserver et de les reproduire”. Une solution acceptable aux yeux de la
clause transversale générale serait dès lors de les faire figurer tout simplement à la suite du
bon de commande, sur le même document électronique, voire de recourir à un hyperlien,
placé en évidence sur le bon de commande à côté des autres éléments contractuels, qui
renverrait à une page web contenant les conditions générales, tout en encourageant le
consommateur à les imprimer. Encore faudrait-il, pour que le procédé soit admissible, que le
prestataire configure ladite page de telle manière que l’on puisse effectivement l’imprimer ou
l’enregistrer.

4. La distinction de la fin et des moyens

Les cas examinés ci-dessus sont relativement simples dans la mesure où le procédé
électronique permettant de remplir les fonctions attendues est très semblable à la formalité
requise par le législateur. Mais il ne faudrait s’y tromper. La clause transversale générale ne
met pas l’accent sur les méthodes employées, mais sur les fonctions que les formes prescrites
sont appelées à remplir. A notre sens, il convient de se détacher des moyens particuliers,
choisis par le législateur, pour se concentrer sur les finalités fondamentales que ces moyens
poursuivent. La clause transversale générale permettrait ainsi d’accueillir les contrats conclus
par voie électronique au moyen de procédés complètement différents de ceux envisagés par le
législateur, pourvu qu’ils permettent de remplir les fonctions assignées à la formalité
envisagée.

5. Applications

a) La prévention du blanc seing

L’exemple de l’article 14, § 4, 2°, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la


consommation permet d’illustrer notre propos. Cette disposition précise en effet que l’offre de
crédit doit contenir, “à la hauteur de l’endroit où le consommateur appose sa signature, la
mention : ‘Ne signez jamais un contrat non rempli.’”

Cette formalité n’envisage que le cas où l’on appose une signature (manuscrite) sur le papier.
Si l’on utilise une signature numérique pour conclure le contrat par voie électronique, il n’y a
pas, sur l’offre numérisée, d’endroit où le consommateur appose sa signature. Il convient dès
lors de s’interroger sur la (ou les) fonction(s) de cette exigence afin de voir de quelle manière
elle pourrait être satisfaite par voie électronique. D’une manière générale, nous y voyons un
objectif de protection du consommateur par la mise en œuvre d’un dispositif d’information
préalable à la conclusion du contrat. Plus précisément, la fonction particulière de cette
exigence est, à l’évidence, d’éviter un blanc seing du consommateur.

Afin de remplir cette fonction, la loi recourt au formalisme de la mention (moyen). Pour être
efficace, cette mention doit être portée à la connaissance du consommateur avant qu’il signe.
C’est pourquoi le législateur exige que cette mention apparaisse à l’endroit le plus visible au

27
consommateur au moment où il va apposer sa signature. Dans l’environnement papier
traditionnel, c’est en étant placée à la hauteur de l’endroit où le consommateur signe que la
mention a le plus de chance d’être lue par lui128. Dans l’environnement numérique, la mention
pourra être portée efficacement à la connaissance du consommateur par un message
suffisamment visible. Celui-ci pourrait apparaître, le cas échéant, à l’endroit où le
consommateur est invité à valider le contrat sur le web, ou au moment où il s’apprête à activer
son logiciel de signature électronique. Il appartient aux prestataires, secondé de techniciens,
d’imaginer et de mettre en œuvre des procédés adéquats.

Ainsi, en application de la clause transversale générale, si le prêteur veille à mettre en place


un système de protection au cours du processus de conclusion du contrat de crédit par voie
électronique, ce contrat aura la même valeur juridique qu’un contrat de crédit conclu sur
papier.

Toutefois, lorsque le signataire utilise une signature électronique, les risques liés au blanc
seing sont inexistants, étant donné qu’il est impossible à l’autre partie de modifier le contenu
du document électronique ainsi signé. Dès lors, le problème du blanc seing électronique ne se
pose pas en termes de risque de fraude. Tout au plus, certains éléments du contrat ont pu ne
pas être déterminés, ni acceptés par le signataire. C’est alors en vue de résoudre cet
inconvénient majeur que la formalité imposée par le législateur intervient.

On relève que, dans l’environnement numérique, il existe d’autres moyens, bien plus efficaces
que l’affichage d’une mention “Ne signez jamais un contrat non rempli”, pour éviter que
certains éléments du contrat demeurent indéfinis. Par exemple, si l’offre de crédit se présente
comme un formulaire électronique à compléter, il est techniquement possible d’empêcher que
le contrat soit signé tant que tous les champs n’ont pas été remplis. Avant de signer
numériquement, le consommateur pourrait être invité à valider le contrat en cliquant sur une
icône spécifique. Si le contrat était incomplet, un message d’erreur apparaîtrait à l’écran,
informant le consommateur du champ qui est resté vacant et de l’obligation de le compléter
pour pouvoir conclure le contrat. Un dispositif logiciel garantirait que le processus ne peut
aboutir à la conclusion du contrat par voie électronique tant que le consommateur n’a pas
entièrement rempli le contrat.

C’est face à ces méthodes originales et spécifiques aux contrats conclus par voie électronique
que la clause transversale générale prend toute son importance.

De prime abord, on semble bien loin de la formalité requise par l’article 14, § 4, CC, et le juge
pourrait être tenté d’annuler129 le contrat conclu par voie électronique, au seul motif que la
mention requise n’apparaît pas aux yeux du consommateur.

128
On relève que la jurisprudence semble être particulièrement attentive à la visibilité de cette mention. Ainsi, il
a été jugé qu’une mention reproduite dans le même type de caractère que le reste du texte, ou figurant dans le
corps même du texte, ne ressort pas suffisamment et, partant, ne satisfait pas à l’exigence de l’article 14, § 4, 2°,
CC (Civ. Gand, 21 janvier 2000, J.J.P., 2002, liv. 1-2, p. 93 ; Civ. Gand, 2 mars 2001, J.J.P., 2002, liv. 1-2, p.
99). Est également jugée insuffisante la mention reproduite dans la marge, à l’extrême gauche au bas du
formulaire d’offre de crédit, dans un cadre étroit bleu – alors que le reste du texte est imprimé dans le même bleu
– et disposée dans une position verticale. L’on ne peut pas exiger d’un consommateur normalement attentif qu’il
fasse tourner le document dans toutes les directions pour prendre connaissance des avertissements prescrits par la
loi qui ont pour but d’attirer son attention sur des éléments particulièrement essentiels et de le protéger (J.P.
Landen, 28 juin 2000, Ann. jur. du crédit, 2000, p. 44).
129
Sanction prévue à l’article 86 CC.

28
Mais la clause transversale générale nous invite à nous détacher d’un formalisme obtus, pour
adopter une conception ouverte des exigences de forme, afin d’admettre juridiquement les
contrats conclus par voie électronique lorsque tous les objectifs visés par la formalité sont
atteints. Dans le cas d’espèce, la fonction de l’exigence formelle est, on l’a dit, d’empêcher
qu’un contrat non rempli puisse être signé par le consommateur. Dans cette optique, tout
procédé permettant d’atteindre efficacement cet objectif devrait être considéré comme
valable. Ainsi, il serait excessif qu’un juge annule le contrat conclu par voie électronique sous
prétexte que la mention requise par l’article 14 n’apparaît pas à l’écran, alors qu’il n’est pas
douteux qu’un dispositif de sécurité tel que décrit ci-dessus empêche – bien plus efficacement
qu’une simple mention – un blanc seing.

La clause transversale générale s’avère donc un outil précieux pour reconnaître pleine et
entière valeur juridique à des contrats conclus par voie électronique selon des procédés a
priori éloignés de la formalité requise, mais revêtant les mêmes qualités fonctionnelles.

b) La formalité des originaux multiples

L’article 1325 du Code civil prévoit que “Les actes sous seing privé qui contiennent des
conventions synallagmatiques, ne sont valables qu’autant qu’ils ont été faits en autant
d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct (…) Chaque original doit contenir la
mention du nombre des originaux qui en ont été faits”.

On sait que la notion d’original désigne en réalité l’acte signé. La distinction entre la copie et
l’original réside en effet dans la signature, la première n’étant qu’une transcription non signée
du second130. C’est donc sur la base de ce seul critère qu’il convient d’attribuer à un écrit la
qualité d’original ou de copie.

“L’unicité d’un écrit n’est pas le critère de son originalité, comme l’atteste la formalité des
originaux multiples prescrite par l’article 1325 du Code civil. Dans le même ordre d’idées,
l’originalité, en droit de la preuve, ne se confond pas avec l’écriture sur le support originel (ou
originaire). Un écrit ne perd pas automatiquement sa qualité d’original dès l’instant où il ne se
trouve plus sur son premier support. La notion n’est pas non plus liée à la nature d’un support
en particulier (papier et, en tout cas, matériel ou tangible). Enfin, contrairement à ce qui est
aussi parfois affirmé, l’existence d’une garantie relative à l’intégrité d’une écriture n’est pas
davantage une condition suffisante de la forme originale de celle-ci. Un acte ne peut être tenu
pour original par le seul fait que son intégrité est préservée”131.

Dans l’environnement numérique, on peut considérer qu’un document a valeur d’original dès
qu’il est signé électroniquement. “Dès l’instant où la signature de l’émetteur demeure liée à
l’acte (écrit numérique) – non plus physiquement, mais logiquement! – nonobstant la
transmission, et que son authenticité peut être vérifiée, le nouveau document a valeur
d’original, à l’instar de l’acte originaire”132.

Notons qu’en ce qui concerne les contrats conclus par échange de courriers électroniques, on
peut considérer que l’article 1325 ne s’applique pas, en vertu de l’exception

130
H. DE PAGE, Traité, t. III, 3e éd., n° 832 ; R. MOUGENOT, op. cit., p. 185, n° 187 ; N. VERHEYDEN-JEANMART,
Droit de la preuve, Bruxelles, Larcier, 1991, p. 201, n° 417.
131
D. GOBERT et E. MONTERO, “L’ouverture de la preuve littérale aux écrits sous forme électronique”, J.T.,
2000, pp. 127-128.
132
Ibidem, p. 127.

29
traditionnellement admise pour les lettre missives133. D’autres exceptions pourraient jouer en
matière de contrats conclus par voie électronique, du moins dans certains hypothèses :
l’article 1325 du Code civil ne trouve pas à s’appliquer dans tous les domaines où la preuve
est libre (notamment les contrats commerciaux), ni lorsque le contrat est déposé entre les
mains d’un tiers, ni lorsqu’une des parties a intégralement exécuté ses obligations au moment
de la rédaction de l’écrit. Ajoutons encore que l’article 1325 n’est pas d’ordre public et que
les parties peuvent donc y déroger134.

Quoi qu’il en soit, en présence d’un contrat conclu par voie électronique ne pouvant
bénéficier de ces exceptions, le respect de la formalité des originaux multiples doit être
apprécié par le juge à la lumière de la clause transversale générale. L’on songe notamment
aux contrats conclus directement sur le web. Il s’agit alors de vérifier si, in casu, la technique
employée pour contracter permet de préserver les qualités fonctionnelles de la formalité.

L’objectif de la formalité des originaux multiples est de permettre à chacune des parties ayant
un intérêt distinct de conserver une preuve du contrat et de son contenu, prévenant ainsi les
risques de modification, voire de destruction, de l’acte135.

Si le contrat est signé numériquement par les deux parties, il est impossible à l’une d’entre
elles de procéder unilatéralement à une modification de l’acte signé. Le recours à la signature
électronique permet ainsi de rencontrer l’une des fonctions de la formalité des originaux
multiples, à savoir la prévention des fraudes.

Il convient également de vérifier si chaque partie a la possibilité de conserver une preuve de la


convention. Lorsqu’un contrat est conclu sur un site web, le prestataire du service peut
toujours conserver l’original. L’article 1325 ne sera respecté que si le destinataire du service
dispose lui aussi d’un exemplaire signé du contrat. Ce sera le cas, par exemple, s’il peut
enregistrer sur son disque dur le contrat signé électroniquement. Selon nous, la simple
possibilité d’imprimer le contrat ne suffit pas, étant donné que le document imprimé perd le
bénéfice de la signature électronique et devrait donc être considéré comme une simple copie.
On pourrait aussi admettre que l’article 1325 est respecté si le prestataire, suite à la conclusion
du contrat sur son site, envoie par courrier électronique au destinataire un exemplaire signé du
contrat. Cette pratique est à rapprocher de l’obligation pour le prestataire d’envoyer au
destinataire un accusé de réception de la commande, contenant un récapitulatif du contrat, en
vertu de l’article 11 du projet de loi136.

Quant à la mention du nombre d’exemplaires sur chaque original, elle a pour fonction d’éviter
qu’une des parties conteste avoir reçu son exemplaire, en cas de litige, afin de faire perdre
toute force probante à l’exemplaire de son adversaire. Cette mention permet également de
prouver que la règle des originaux multiples a été respectée137.

Dans le cas des contrats conclus par voie électronique, il n’est guère difficile d’inclure dans le
contrat la mention du nombre d’exemplaires avant de le signer. Toutefois, étant donné qu’il
133
D. GOBERT et E. MONTERO, “La signature dans les contrats et les paiements électroniques : l’approche
fonctionnelle”, D.A./O.R., 2000, p. 53, n° 26, et les réf. citées.
134
R. MOUGENOT, op. cit., pp. 153 et s., nos 129-133 ; N. VERHEYDEN-JEANMART, op. cit., pp. 248-251, nos 523-
527.
135
R. MOUGENOT, op. cit., p. 151, n° 126.
136
Notons toutefois que cette disposition est supplétive pour les contrats conclus entre professionnels, en vertu
de l’article 12, al. 1er, du projet de loi.
137
R. MOUGENOT, op. cit., pp. 155 et s., n° 136 ; N. VERHEYDEN-JEANMART, op. cit., p. 253, nos 534-535.

30
s’agit de contrats conclus à distance, rien n’empêcherait une partie de prétendre n’avoir
jamais reçu son exemplaire, prétextant une défaillance technique. Le meilleur moyen d’éviter
toute contestation quant à la réception du contrat serait de recourir au recommandé
électronique, confié aux soins d’un tiers de confiance attestant que le contrat est bien parvenu
à destination. Il nous semble que, dans ce cas, le défaut de mention du nombre d’exemplaires
sur l’original ne pourrait être invoqué, étant donné que le recours à la technique du
recommandé électronique permet de préserver la qualité fonctionnelle de la deuxième
formalité prévue à l’article 1325, al. 3.

c) L’exigence de datation

Parmi les exigences formelles relatives au processus contractuel, on retrouve fréquemment


celle de la mention de la date. Certes, pour les actes sous seing privé, les auteurs s’accordent à
considérer que, normalement, la date n’en constitue pas l’un des éléments essentiels138.
Toutefois, dans certaines hypothèses, le législateur exige la mention de la date dans un acte
sous seing privé, en particulier dans les rapports de consommation. C’est le cas, notamment,
du contrat de crédit à la consommation139, du contrat de voyage et d’intermédiaire de
voyage140, du contrat d’assurance terrestre141, etc. Ainsi, l’article 4, § 3, AT, prévoit que “dès
leur réception, l’assureur procédera au datage systématique des propositions d’assurance,
des polices présignées et des demandes d’assurance.”

Les fonctions de ces exigences légales de datation sont multiples et souvent liées à la
particularité de l’acte à dater142. Il peut s’agir, entre autres, de permettre de vérifier la capacité
des parties, de fixer un délai, de prévenir les fraudes, de déterminer, en cas de pluralité d’actes
inconciliables, lequel révoque les autres et doit par conséquent être exécuté, de faire connaître
la législation applicable à la forme et au contenu de l’acte au moment où il a été passé, ou
encore de fournir aux parties un moyen de preuve en cas de contestation. En l’espèce,
l’objectif de cette règle est d’accroître la sécurité juridique dans le cadre de processus où la
chronologie est importante : la date de prise d’effet des garanties dans la police présignée et
dans la demande d’assurance est, en effet, le lendemain de la date de réception de ces
documents par l’assureur.

Dans l’univers “papier”, la mention de la date signifiait, par la force des choses, une
inscription (manuscrite, dactylographiée, imprimée, réalisée à l’aide d’un cachet…), apposée
directement sur l’acte à dater, c’est-à-dire sur le papier.

Dans l’environnement numérique, il est possible de dater un document en inscrivant


simplement la date dans le contenu de l’acte électronique lui-même et de garantir son intégrité
en utilisant, par exemple, une signature électronique. En application de la clause transversale
générale, on peut accueillir favorablement un tel procédé, qui permet de garantir les fonctions
traditionnellement dévolues à la date. Toutefois, dans le cas de l’article 4, § 3, AT, le procédé

138
G. BAUDRY-LACANTINERIE, Traité théorique et pratique de droit civil – Des obligations, t. IV, n° 2267, pp.
632-633 ; H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. III, 3e éd., n° 744, p. 690 ; F. LAURENT,
Principes de droit civil, t. XIX, n° 205, p. 218 ; M. PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, t. II, n° 64 ; J.
MAZEAUD, “L’acte non daté : étude sur la charge de la preuve de la date entre les parties”, note sous Cass. fr.,
J.C.P., 1965, II, 14101 ; N. VERHEYDEN-JEANMART, op. cit., n° 294, p. 142.
139
Art. 17 CC.
140
Art. 10, § 1er, et 23, § 2, VO.
141
Art. 4, § 3, et art. 10, § 2, AT.
142
Pour quelques illustrations, voy. M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, op. cit., pp. 329-333 ;
Pandectes belges, t. 28, v° Date, 16, n° 4.

31
ne semble guère pratique, étant donné qu’il nécessite la modification, au cas par cas, du
contenu de documents signés électroniquement par le preneur d’assurance.

Ainsi est-on amené à se pencher sur d’autres techniques de datation, plus adéquates. En effet,
il existe un mode de datation spécifique aux documents électroniques, appelé horodatage
électronique. L’horodatage électronique (ou horodatation ou time stamping) est un procédé
attribuant avec certitude une marque de temps précise (date et heure) à un document
électronique, grâce à l’intervention d’un tiers de confiance appelé tiers horodateur (en anglais,
Time Stamping Authority – TSA)143.

Techniquement, le système procède de la même manière que la signature numérique fondée


sur la cryptographie asymétrique144. Le tiers horodateur applique au document électronique un
algorithme de hachage, c’est-à-dire une fonction de compression irréversible permettant de
calculer le condensé du document. Ce condensé se voit ensuite attribuer une marque de
temps145, avant d’être signé par le tiers horodateur au moyen d’une clé générée exclusivement
à cet effet. On qualifie parfois cette opération de “signature de date”146. Au terme de ce
processus, le document électronique est ainsi doté d’un certificat d’un type particulier,
contenant le condensé horodaté et signé. Par la suite, sur la base de ce certificat, il sera
possible de s’assurer que le document a bel et bien été horodaté au moment indiqué, en
vérifiant la signature du tiers horodateur. De surcroît, le certificat permet de garantir que le
document n’a subi aucune modification entre-temps. A cet effet, il suffira de lui appliquer la
fonction de hachage afin d’obtenir un nouveau condensé, et de comparer ce dernier à celui qui
figure dans le certificat, pour contrôler leur parfaite similitude.

L’horodatage électronique pourrait se révéler particulièrement pratique pour l’assureur, qui


serait ainsi en mesure de dater de manière fiable et automatique, dès sa réception, tout type de
document. Reste à évaluer si le procédé est recevable d’un point de vue juridique.

Si l’on s’en tient à une interprétation stricte, on pourrait voir dans le formalisme de datation
l’exigence d’une mention inscrite dans le contenu du document lui-même, et donc couchée
directement sur son support. Selon une telle approche, il faudrait écarter l’horodatage
électronique comme un procédé non valable de datation, au motif qu’il associe logiquement
(et non physiquement) une marque de temps au document.

143
Concernant les aspects techniques de l’horodatage, voy. T. LIEUTENANT et S. MARIN, “Archivage et
horodatage de documents électroniques”, étude réalisée dans le cadre du projet e-Justice, 14 mai 2001,
http://www.droit.fundp.ac.be/e-justice/documents.htm, pp. 15 à 18 ; T. PIETTE-COUDOL, Echanges
électroniques, certification et sécurité, Paris, Litec, 2000, nos 259 à 262, pp. 145 à 147. Voy. également le
protocole d’horodatage (Time Stamping Protocol) établi par l’I.E.T.F (Internet Engineering Task Force) dans le
RFC n° 3161 (Request for Comments), finalisé en août 2001 et disponible sur le site de l’I.E.T.F (www.ietf.org).
Ce protocole étend le célèbre protocole Internet X.509 qui définit les normes internationales pour les
infrastructures à clé publique (Public Key Infrastructure).
144
Pour plus de détails sur les aspects techniques de la signature digitale fondée sur la cryptographie
asymétrique, voy. les références citées à la note 160.
145
Pour horodater un document, le tiers horodateur se réfère au Temps Universel Coordonné (UTC), afin
d’éviter toute confusion entre les différents fuseaux horaires. L’UTC est une échelle de temps fondée sur la
seconde et destinée à être utilisée dans le monde entier. L’UTC est calculé par le Bureau International des Poids
et Mesures (www.bipm.org), sur la base du temps atomique international, à partir des données de plus de 200
horloges atomiques réparties dans une cinquantaine de laboratoires nationaux.
146
Voy. les explications fournies par deux prestataires de services d’horodatage en Allemagne et en France :
www.authentidate.de et www.anteriority.com.

32
Cependant, l’approche fonctionnelle, privilégiée par la clause transversale, invite à se
détacher du support pour s’orienter vers les fonctions de l’exigence de date. Ainsi, peut-on
estimer que, s’il est question de datation d’un document, il s’agit avant tout de localisation
d’un acte ou d’un fait juridique dans le temps147, quelle que soit la méthode employée à cet
effet. “C’est pourquoi tout procédé propre à localiser l’acte dans le temps constitue une date
valable. (…) La date peut être énoncée d’une manière quelconque, pourvu qu’elle ne suscite
aucune hésitation”148. Ainsi, à défaut d’autres précisions dans la loi, et du moment qu’elle
permet de situer l’acte dans le temps, une date peut s’exprimer en chiffres, en lettres, à travers
une expression explicite149, par référence à un événement précis, etc. De même, à travers les
âges, on a admis la datation par des modes aussi divers que le papier timbré, le cachet (de la
poste), la machine à pointer, l’horodateur, etc.

L’application de la clause transversale générale nous porte donc à conclure que l’horodatage
électronique peut être accueilli favorablement, pour autant que le procédé garantisse à
suffisance la fiabilité de la date attribuée. Or, telle que nous l’avons décrite ci-dessus, la
technique d’horodatage, confiée aux soins d’un tiers de confiance, remplit largement ces
conditions, puisqu’elle assure, outre l’exactitude de la date, son intégrité ainsi que celle du
document daté.

SECTION 3. LES CLAUSES TRANSVERSALES PARTICULIÈRES

Un rapide tour d’horizon a tôt fait de démontrer que certaines formalités sont exigées de
manière récurrente par le législateur. Il s’agit de l’exigence d’un écrit (A), d’une signature (B)
et de mentions manuscrites (C). Ces formalités classiques font l’objet de l’article 17, § 2, du
projet de loi, qui énonce trois clauses transversales particulières.

L’article 17, § 2, se présente ainsi comme une application de la clause transversale générale,
en dégageant les qualités fonctionnelles de ces trois formalités. Dès lors, ce qui a été dit
précédemment à propos de la clause transversale générale est d’application pour les clauses
transversales particulières. Ainsi, ces clauses appliquent la théorie des équivalents
fonctionnels à toute exigence d’un écrit, d’une signature ou d’une mention manuscrite,
relative au processus contractuel et limitée à celui-ci, dans des hypothèses non exclues par
l’article 18.

A. La clause relative à l’écrit

A l’occasion de l’adaptation du droit de la preuve aux technologies nouvelles par la loi du 20


octobre 2000, le législateur belge n’avait pas jugé utile de définir le concept d’écrit. L’exposé
des motifs de cette loi précisait en effet : “Afin d’éviter de devoir introduire dans le Code civil
un concept totalement nouveau tel que celui de document ou d’information, ce qui mettrait en
péril la cohérence du Code, le projet ne touche pas au concept d’écrit”. Ce même exposé
ajoute que “Cette notion n’a nulle part été définie expressément dans le Code civil, mais la
jurisprudence et la doctrine s’accordent de plus en plus pour considérer qu’il convient de

147
En ce sens, M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, op. cit., p. 329 ; B. SOUSI-ROUBI, “Variations sur la
date”, Rev. trim. dr. civ., 1991, pp. 69 à 108, spéc. p. 77.
148
M.-A. GUERRIERO, op. cit., p. 329.
149
Jour de Noël 1872, premier de l’An 2002, jour de mon 50e anniversaire, etc.

33
l’interpréter de façon large et qu’il ne faut pas considérer comme écrit le seul texte manuscrit
ou imprimé sur un support papier”150.

Si la plupart des auteurs s’accordent effectivement à dissocier l’écrit de tout support151, les
opinions divergent quant à ses fonctions. Une partie de la doctrine attribue à l’écrit les
qualités de lisibilité, de stabilité et d’inaltérabilité, tandis que d’autres estiment que certaines
de ces qualités ne sont pas de l’essence de l’écrit, mais des caractéristiques de son support
traditionnel, à savoir le papier152.

Face aux controverses relatives à la notion d’écrit, on ne pouvait se passer plus longtemps
d’une définition légale de l’écrit. C’est ainsi que l’article 17, § 2, 1er tiret, du projet de loi
dispose que “l’exigence d’un écrit est satisfaite par une suite de signes intelligibles et
accessibles pour être consultés ultérieurement, quels que soient leur support et leurs
modalités de transmission”.

1. Distinction entre l’écrit et son support

Dans la lignée de la clause transversale générale, cette clause transversale particulière adopte
une approche fonctionnelle de l’écrit, qui se trouve ainsi dégagé de tout support ou mode de
transmission, et en particulier du papier, son support traditionnel.

Dès lors, un écrit peut être fixé ou transmis sur tout support, matériel ou immatériel : papier,
CD-ROM, disquette, disque dur, fibre optique… Il est intéressant de noter que cette
conception ouverte de la notion d’écrit se retrouve dans une disposition antérieure au projet de
loi, l’article 4, § 1er, et 5, § 1er, VAT, qui précise que “Les établissements mettent à la
disposition de leurs clients effectifs et potentiels des informations écrites y compris, le cas
échéant, par voie électronique (…)”. Cette formulation nous semble de la même veine que la
clause transversale examinée ici, puisqu’elle sous-entend que l’écrit peut revêtir la forme
électronique, étant indépendant de tout support ou mode de transmission particulier.

Par contre, on relève, dans d’autres législations soucieuses de permettre le recours aux
nouvelles technologies, des formulations qui trahissent une conception de l’écrit tributaire du
support papier. En effet, au lieu d’exiger un écrit, en laissant les parties libres de choisir un
support, certaines dispositions donnent le choix entre l’écrit ou un autre support. Une telle
formulation nous semble erronée à double titre. D’une part, elle sous-entend, à tort, que l’écrit
est un support parmi d’autres. A l’évidence, l’écrit est ici confondu avec l’écrit sur papier.
D’autre part, elle nous paraît maladroite, étant donné qu’elle semble laisser le choix entre un
écrit ou un support. Or, en tout état de cause, quel que soit le support, on n’échappe pas à
l’écriture.

150
Proposition de loi introduisant de nouveaux moyens de télécommunication dans la procédure judiciaire et
extrajudiciaire, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1999-2000, n° 38/6, p. 11.
151
Voy. M. FONTAINE, “La preuve des actes juridiques et les techniques nouvelles”, in La Preuve, colloque
U.C.L., 1987, p. 18 ; M. ANTOINE et D. GOBERT, “Pistes de réflexion pour une législation relative à la signature
digitale et au régime des autorités de certification”, R.G.D.C., 1998, n° 4/5, p. 291 ; A. PRÜM, “L’acte sous seing
privé électronique : réflexions sur une démarche de reconnaissance”, in Mélanges Michel Cabrillac, Paris, Litec,
1999, p. 267. Pour une étude approfondie du concept d’écrit au regard des nouvelles technologies, voy. D.
GOBERT et E. MONTERO, “L’ouverture de la preuve littérale aux écrits sous forme électronique”, J.T., 2001,
spéc. pp. 117 à 119 ; D. MOUGENOT, “Faut-il insérer une définition de l’écrit dans le Code civil ?”, in Revue
Ubiquité, 2000/7, pp. 121-128.
152
A ce sujet, outre les références citées à la note précédente, voy. D. GOBERT et E. MONTERO, “Le traitement
des obstacles formels aux contrats en ligne”, op. cit., p. 207.

34
A titre d’exemple, épinglons des expressions telles que “par écrit ou au moyen de tout autre
support”153, “par écrit ou sur un autre support durable”154, sans omettre l’énumération d’une
liste de supports et de moyens de transmission auxquels est mêlé l’écrit : “au moyen d'une
technique de téléprocessing, sur support magnétique, par écrit ou par tout moyen permettant
de garantir le respect des principes contenus à l'article 69, § 4 et § 6, de la loi”155. Ces
dispositions ne constituent certes pas un obstacle à la conclusion de contrats par voie
électronique, mais bien une incohérence flagrante par rapport à la conception ouverte que veut
imposer la clause transversale relative à l’écrit.

2. L’écrit comme exigence minimale

Il convient également de distinguer l’écrit d’autres notions, telles que l’acte sous seing privé,
l’acte authentique, l’original, la copie, etc. Comme le souligne le Guide pour l’incorporation
en droit interne de la loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique : “lorsqu’on
adopte une approche fonctionnelle, il faut garder à l’esprit que l’exigence d’un écrit doit être
considérée comme la strate inférieure de la hiérarchie des conditions de forme, qui prévoit des
niveaux distincts de fiabilité, de matérialité et d’inaltérabilité des documents écrits”156.
L’exigence d’un écrit doit donc être considérée comme une exigence minimale, à laquelle on
peut ajouter celle d’une signature, de l’intervention d’un notaire, etc.

Certes, l’exigence d’une signature est parfois implicitement liée à celle d’un écrit. Ainsi,
lorsque l’article 10, § 1er, AT dispose que le contrat d’assurance se prouve par écrit, il n’est
pas besoin de lire qu’il faut une signature pour comprendre que le législateur exige ici un acte
sous seing privé. Mais il est des cas où le législateur prend la peine de préciser explicitement
que l’écrit exigé doit en outre être signé, ce qui signifie qu’à ses yeux, le concept d’écrit
n’implique pas nécessairement une signature. C’est le cas, par exemple, de l’article 19, al. 3,
CC, qui stipule que la notification au prêteur de la livraison du bien ou de la prestation du
service financé est constituée obligatoirement “par un écrit, notamment un document de
livraison, daté et signé par le consommateur”.

Toutefois, une telle association entre l’écrit et la signature n’est pas systématique. Ainsi,
l’écrit qui est exigé à l’article 79, § 1er, al. 1er, de la LPC pour la confirmation d’informations
au consommateur dans le cadre de la conclusion d’un contrat à distance ne doit à l’évidence
pas être signé.

3. Les qualités fonctionnelles minimales de l’écrit : lisibilité et stabilité

L’écrit est appelé à remplir bien des fonctions au cours du processus contractuel, selon qu’il
est envisagé comme une exigence ad validitatem ou ad probationem, à des fins fiscales, de
publicité ou d’information, ou encore au cours d’une démarche administrative concernant le
contrat157.

153
Art. 3 ARIFV.
154
Art. 79, § 1er, al. 1er, LPC ; art. 4, § 1er, al. 2, TEF, art. 5, § 1er, TEF
155
Art. 6 ARDPC.
156
Guide pour l’incorporation en droit interne de la loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique (1996),
n° 49.
157
A titre d’exemple, le guide pour l’incorporation en droit interne de la loi-type de la CNUDCI sur le commerce
électronique énumère, de manière non exhaustive, onze fonctions différentes traditionnellement assurées par
l’écrit sur papier : “1) veiller à ce qu’il y ait des preuves tangibles de l’existence et de la nature de l’intention
manifestée par les parties de se lier entre elles ; 2) aider les parties à prendre conscience des conséquences de la

35
Mais on a vu que la clause transversale particulière saisit l’écrit dans sa conception minimale.
Dans cette optique, les qualités fonctionnelles qu’elle énonce constituent le dénominateur
commun de toutes les formalités relatives à l’écrit.

Ainsi, l’écrit est considéré comme une suite de signes intelligibles et accessibles pour être
consultés ultérieurement. Il se compose donc d’un ensemble de lettres ou de chiffres (tel le
langage binaire) doté de sens et lisible, soit directement, soit par le biais d’un dispositif
quelconque (ordinateur, logiciel ad hoc et éventuellement logiciel de décryptage). L’écrit doit
en outre être suffisamment stable, puisqu’il doit pouvoir être consulté ultérieurement.

Dans certains cas, l’écrit exigé ne doit pas présenter d’autres qualités aux yeux du législateur.
C’est le cas, notamment, lorsque des mentions informatives sont exigées préalablement à la
conclusion du contrat, sans que ces informations soient intégrées au contenu obligationnel. Il
s’agit là d’une exigence, implicite, d’un écrit stable et lisible. On songe, par exemple, aux
informations devant être fournies avant la passation d’une commande sur un site web158.

4. Les qualités supplémentaires de l’écrit

Lorsque l’écrit doit présenter des garanties additionnelles (inaltérabilité, signature, mentions
manuscrites, emploi de certains caractères, support durable…), le respect de ces exigences
supplémentaires sera apprécié souverainement par le juge, à la lumière des clauses
transversales générale ou particulières.

Ainsi, il ressort des articles 14 et 17 CC que le contrat de crédit à la consommation doit être
un écrit, remis en deux exemplaires, contenant des mentions obligatoires, dont certaines à
présenter sous une forme spécifique (sous forme d’alinéas séparés et en caractères gras d’un
type différent), à un endroit précis (à la hauteur de l’endroit où le consommateur appose sa
signature), et sous un libellé imposé. Cet écrit doit en outre être signé, et la signature du
consommateur doit être précédée de certaines mentions manuscrites, le cas échéant en toutes
lettres. Ainsi, pour ce seul contrat, toutes les clauses transversales de l’article 17 devront être
mises en œuvre. En application de la clause transversale générale, on peut ajouter
l’inaltérabilité comme qualité fonctionnelle supplémentaire à cet écrit, étant donné que ces
formalités sont requises non seulement ad validitatem, mais également à des fins probatoires.

5. L’écrit et les documents du processus contractuel

L’exigence d’un écrit peut se rencontrer non seulement lorsqu’il s’agit de rédiger le contrat,
mais aussi à tout moment du processus contractuel et pour tout type de document. Par ailleurs,
l’exigence d’un écrit (signé ou non) peut être implicite, en particulier lorsque la loi requiert
des mentions, le cas échéant manuscrites, ou l’emploi de certains documents. A titre de
curiosité, on mentionnera l’article 23, § 1er, VO qui, pour exiger la rédaction d’un écrit,

conclusion du contrat ; 3) fournir un document lisible par tous ; 4) fournir un document inaltérable et conserver
en permanence la trace de l’opération ; 5) permettre la reproduction d’un document de manière que chaque partie
ait un exemplaire du même texte ; 6) permettre l’authentification des données au moyen d’une signature ; 7)
assurer que le document se présente sous une forme acceptable par les autorités publiques et les tribunaux ; 8)
consigner l’intention de l’auteur de l’écrit et conserver la trace de cette intention ; 9) permettre un archivage aisé
des données sous une forme tangible ; 10) faciliter le contrôle et les vérifications ultérieures à des fins
comptables, fiscales ou réglementaires ; 11) établir l’existence de droits et obligations juridiques dans tous les
cas où un écrit était requis aux fins de validité” (n° 48).
158
Art. 9, § 1er, du projet de loi.

36
dispose que “toute vente par un intermédiaire de voyages d’une prestation de voyage ou de
séjour ou d’une autre prestation doit faire l’objet d’un contrat” (sic).

Ainsi, la notion d’écrit est sous-jacente aux termes brochure, prospectus, bon de commande,
avenant, lettre, formulaire, etc.

Il convient dès lors d’appréhender ces documents selon l’approche fonctionnelle suggérée par
la clause transversale particulière relative à l’écrit. D’abord, ces documents doivent être
distingués de leur support, et en particulier du papier. Ils peuvent donc revêtir la forme
électronique. Ensuite, les qualités fonctionnelles minimales de ces documents doivent être,
comme pour l’écrit, la lisibilité et la stabilité.

Toutefois, si le choix du législateur s’est porté sur un certain type de document au lieu
d’exiger un simple écrit, c’est que ce document revêt à ses yeux des qualités additionnelles
qui lui sont propres. Ainsi, un avenant doit être signé, un formulaire ou un bon de commande
sont des écrits organisés d’une certaine façon, selon un contenu et une forme parfois définis
par la loi, etc.

A nouveau, la détermination et la préservation de ces qualités additionnelles se fera à la


lumière de la clause transversale générale et, le cas échéant, des autres clauses transversales
particulières.

A titre d’exemple, l’article 5 VO énonce les mentions que doit contenir toute brochure mise à
la disposition du consommateur. A la lecture de cette disposition prise isolément, on pourrait
croire que les fonctions minimales de l’écrit sont suffisantes pour que les qualités
fonctionnelles de la brochure soient préservées. Toutefois, l’article 6 de la loi précise que les
informations contenues dans la brochure de voyages engagent l’organisateur ou
l’intermédiaire de voyages. Par ailleurs, l’article 10, § 3, permet de remplacer les mentions
obligatoires du contrat de voyage par de simples références à la page de la brochure de
voyage contenant ces informations. Dès lors, la brochure de voyage fait bel et bien partie du
contenu obligationnel du contrat et pourra, le cas échéant, être produite pour faire la preuve
des engagements du professionnel. A ce titre, l’article 9, § 2, du projet de loi, nous semble
d’application : “les clauses contractuelles et les conditions générales communiquées au
destinataire doivent l’être d’une manière qui lui permette de les conserver et de les
reproduire”. Par contre, la signature des parties n’est pas requise.

Il conviendra de tenir compte de ces qualités et fonctions additionnelles en présence d’une


brochure sous forme électronique. Ainsi, une brochure sous forme de CD-ROM remis au
consommateur, un fichier téléchargé sur un site ou attaché à un courrier électronique,
présentent en principe toutes les qualités requises. Il peut en aller de même d’un site web, à
condition que le consommateur soit vivement encouragé par le prestataire à imprimer les
pages concernées, par exemple au moyen de messages apparents et non équivoques, et que le
site soit configuré de telle manière que ses pages puissent être correctement et entièrement
imprimées.

De la même manière, lorsque le législateur exige que le bon de commande ou le contrat de


voyage mentionne au moins les conditions d’assurance “ou l’indication de la page de la
brochure où figurent ces informations”159, cette exigence de forme pourra être satisfaite sur

159
Art. 10, § 1er, 14°, VO et art. 23, § 2, 14°, VO.

37
un site web si, à défaut de reprendre in extenso dans le contrat les conditions d’assurance, le
professionnel y fait figurer un hyperlien renvoyant à la page de son site contenant ces
informations, avec une invitation expresse à imprimer ces informations, en soulignant leur
importance pour l’exécution du contrat.

Ces exemples montrent que l’approche fonctionnelle de l’exigence d’un écrit peut être
également appliquée aux nombreuse dispositions préconisant l’emploi de certains documents,
afin de permettre le recours à la voie électronique. Toutefois, il ne faudrait pas s’en tenir aux
fonctions minimales attribuées par cette clause à l’écrit. Il convient également de vérifier, à la
lumière de la clause transversale générale, si des qualités additionnelles ne sont pas attendues
du document en question.

B. La clause relative à la signature

L’article 17, § 2, deuxième tiret, du projet de loi est libellé comme suit :

“Pour l’application du § 1er, il y a lieu de considérer que l’exigence, expresse ou tacite, d’une
signature est satisfaite dans les conditions prévues soit à l’article 1322, alinéa 2, du Code
civil, soit à l’article 4, § 4, de la loi du 9 juillet 2001 fixant certaines règles relatives au cadre
juridique pour les signatures électroniques et les services de certification”.

Un commentaire circonstancié de cette disposition exigerait des développements importants


sur les aspects techniques de la signature électronique et sur les modalités de son introduction
dans notre droit. La place nous fait ici défaut pour de tels développements160. Le sujet a déjà
fait couler beaucoup d’encre, dont la nôtre161, et nous renvoyons donc le lecteur à cette
abondante littérature162.

160
Sur les aspects techniques des signatures électroniques, voy., parmi d’autres, A. JAMAR, “La sécurité des
transactions – Introduction technique”, in Le commerce électronique : un nouveau mode de contracter ?, Liège,
Editions du Jeune Barreau, 2001, pp. 21 et s. ; P. TRUDEL et alii, Droit du cyberespace, Québec, Thémis, 2000,
chap. 19 ; J. DUMORTIER et P. VAN EECKE, “De nieuwe wetgeving over digitale en elektronische handtekening”,
in Recente ontwikkelingen in informatica- en telecommunicatierecht, Die Keure, 1999, pp. 1 et s. ; J. HUBIN, La
sécurité informatique, entre technique et droit, Cahiers du CRID, n° 14, E. Story-Scientia, 1998, spéc. pp. 68-
112 ; S. PARISIEN et P. TRUDEL, L’identification et la certification dans le commerce électronique, Québec, Ed.
Yvon Blais Inc., 1996 ; D. SYX, “Vers de nouvelles formes de signature ? Le problème de la signature dans les
rapports juridiques”, Dr. Inform., 1986/3, pp. 133-147.
161
E. MONTERO, “Définition et effets juridiques de la signature électronique en droit belge : appréciation
critique”, La preuve, Formation permanente CUP, 2002, vol. 54, pp. 41-82 ; D. GOBERT et E. MONTERO,
“L’ouverture de la preuve littérale aux écrits sous forme électronique”, J.T., 2001, pp. 114-128 ; Idem, “La
signature dans les contrats et les paiements électroniques : l’approche fonctionnelle”, D.A./O.R., 2000/53, pp. 17-
39.
162
En doctrine belge, parmi les études les plus récentes, outre celles citées à la note précédente, voy. B. DE
GROOTE, “Het bewijs in de elektronische handel – Enkele bedenkingen”, A.J.T., 2001, pp. 881-901 ; J.
DUMORTIER et S. VAN DEN EYNDE, “De juridische erkenning van de elektronische handtekening”, Computerr.,
2001, pp. 185 et s. ; M.E. STORME, “De invoering van de elektronische handtekening in ons bewijsrecht – Een
inkadering van en commentaar bij de nieuwe wetsbepalingen”, R.W., 2000-2001, pp. 1505-1525 ; P. LECOCQ et
B. VANBRABANT, “La preuve du contrat conclu par voie électronique”, in Le commerce électronique : un
nouveau mode de contracter ?, Liège, Editions du Jeune Barreau, 2001, pp. 51-137 ; D. MOUGENOT, “Droit de la
preuve et technologies nouvelles : synthèse et perspectives”, Droit de la preuve, CUP, vol. XIX, octobre 1997,
pp. 45-105 ; E. DAVIO, “Certification, signature et cryptographie”, in E. MONTERO (éd.), Internet face au droit,
Cahiers du CRID, n° 12, E. Story-Scientia, 1997, pp. 65-86.

38
Dans le cadre de cette étude, qu’il nous soit permis de nous en tenir à l’essentiel, à savoir
justifier la nécessité de cette clause transversale relative à la signature et expliquer brièvement
les choix qui ont présidé à sa rédaction.

Comme l’on sait, pour adapter notre droit de la preuve aux nouvelles technologies, le
législateur belge a pris le parti d’adopter deux textes distincts163 : un texte général visant à
introduire, dans le Code civil, une définition fonctionnelle de la signature électronique, et un
texte plus technique, sous la forme d’une loi particulière, visant à désigner un mécanisme de
signature électronique présumé apte à réaliser les fonctions attendues.

Tout d’abord, un nouvel alinéa a été ajouté à l’article 1322 du Code civil par la loi du 20
octobre 2000 “introduisant l’utilisation de moyens de télécommunication et de la signature
électronique dans la procédure judiciaire et extrajudiciaire”164. Cette disposition donne une
définition fonctionnelle de la signature électronique, consacre sa recevabilité de principe
comme preuve en justice et fixe les conditions de son assimilation à la signature manuscrite
du point de vue de sa force probante.

Il faut mentionner ensuite la loi du 9 juillet 2001 “fixant certaines règles relatives au cadre
juridique pour les signatures électroniques et les services de certification”165. Cette loi accorde
un régime de faveur à la “signature électronique avancée réalisée sur la base d’un certificat
qualifié et conçue au moyen d’un dispositif sécurisé de création de signature électronique”.
Sans préjudice d’une éventuelle procédure en vérification d’écritures, pareille signature166 est
assimilée de plein droit à une signature manuscrite, qu’elle soit réalisée par une personne
physique ou morale (art. 4, § 4 de la loi). Pour le reste, comme l’indique son intitulé, la loi
définit le régime juridique applicable aux activités des prestataires de service de certification,
ainsi que les règles à respecter par ces derniers et par les titulaires de certificats167.

Venons-en à la justification de la clause transversale qui retient notre attention (1) et à


l’analyse de celle-ci (2).

1. Pourquoi cette clause transversale ?

Il est à remarquer que la modification du Code civil, opérée par l’ajout d’un nouvel alinéa à
l’article 1322, se situe dans la seule orbite du droit de la preuve. Cela se déduit notamment de
sa localisation dans le Code civil. Dès lors, cette réforme n’affecte pas, en principe, les
situations où une signature manuscrite est requise pour la validité d’un acte juridique ou son
opposabilité aux tiers.

A titre d’exemple de signature requise ad validitatem, on peut songer à l’article 17 de la loi du


12 juin 1991 sur le crédit à la consommation, dont il résulte que “le contrat est conclu par la

163
Sur les raisons de ce choix, voy. E. MONTERO, “Définition et effets juridiques de la signature électronique en
droit belge : appréciation critique”, op. cit., pp. 45-47, nos 5 et 6.
164
M. B., 22 décembre 2000, p. 42698.
165
M.B., 29 juillet 2001, p. 33070.
166
Pour faire bref, certains auteurs désignent ce type de signature électronique à l’aide de divers raccourcis :
“signature électronique parfaite” (P. LECOCQ et B. VANBRABANT) ou “signature électronique sécurisée” (E.
DAVIO) ou encore “signature électronique qualifiée” (Ph. DEGAVRE). Guidé par un même souci de commodité,
dans la suite de l’exposé, nous adopterons, pour notre part, cette dernière dénomination.
167
Pour un commentaire de cette loi, voy. D. GOBERT, “Cadre juridique pour les signatures électroniques et les
services de certification : analyse de la loi du 9 juillet 2001”, La preuve, Formation permanente CUP, vol. 54,
2002, pp. 83-172.

39
signature du document contenant l’offre visée à l’article 14”, signature qui doit être précédée
de diverses mentions manuscrites. Pareille exigence ressortit bien au formalisme de validité
dès lors que les sanctions prévues en cas de non respect (cf. art. 86 et 92, CC) – affectent le
negotium.

Certes, on pourrait être tenté d’estimer que l’équivalence désormais reconnue, sur le terrain de
la preuve, entre l’écrit pourvu d’une signature électronique et l’écrit assorti d’une signature
manuscrite vaut également sur le terrain du formalisme de la validité ou de l’opposabilité.
Cependant, rien n’est moins sûr. Le doute subsiste car ces dernières manifestations du
formalisme obéissent à des préoccupations différentes (la protection du contractant ou des
tiers) que le formalisme probatoire. La prudence commande de circonscrire l’effet de la loi
dans les limites de son domaine propre, celui du droit de la preuve168.

La clause transversale commentée ici permet d’obvier à cette lacune, en consacrant le principe
suivant lequel toute exigence de signature prescrite à quelque étape que ce soit du processus
contractuel et à toutes fins généralement quelconques peut être satisfaite par le recours à une
signature électronique aux conditions fixées par le texte.

Cette interprétation résulte d’une lecture combinée de la clause particulière et de la clause


générale. En effet, la clause générale pose le principe de l’admissibilité des équivalents
électroniques à toute exigence de forme, et détermine le domaine (à savoir, le processus
contractuel) et la condition d’application dudit principe (à savoir, la préservation des qualités
fonctionnelles de la forme concernée).

L’intérêt de la clause transversale particulière qui nous occupe est de préciser, pour le cas de
la signature, dans quelles circonstances cette condition est remplie. A cet effet, il est
nécessaire et suffisant que le mécanisme de signature utilisé satisfasse aux “conditions
prévues soit à l’article 1322, alinéa 2, du Code civil, soit à l’article 4, § 4, de la loi du 9
juillet 2001 fixant certaines règles relatives au cadre juridique pour les signatures
électroniques et les services de certification”.

Un élémentaire souci de cohésion imposait que l’on ne retienne pas deux notions différentes
de la signature – comme de l’écrit – selon qu’elle est exigée ad probationem ou à d’autres fins
(ad validitatem, en particulier). Pour dissiper tout doute à cet égard, encore convenait-il
d’inscrire dans un texte cette conception unitaire de la notion.

2. Analyse de la clause transversale

Pour le cas où une signature est exigée à des fins autres que probatoires, la clause suggère de
faire le lien soit avec l’article 1322, alinéa 2, du Code civil, soit avec l’article 4, § 4, de la loi
du 9 juillet 2001.

La référence au principe d’assimilation à la signature manuscrite consacré par l’article 4, § 4,


de la loi précitée va pratiquement de soi, pour au moins trois motifs :

– tout d’abord, lorsqu’une signature électronique “qualifiée” est présentée au juge, ce


dernier ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation quant au fait de savoir si les
fonctions de la signature sont remplies ; il doit se borner à constater que les exigences
168
Pour une semblable analyse en droit français, voy. P. CATALA, “Le formalisme et les nouvelles technologies”,
op. cit., p. 905, nos 13 et 14.

40
énoncées à l’articles 4, § 4, sont rencontrées169, auquel cas la signature en question est
assimilée de plein droit à une signature manuscrite.

– ensuite, contrairement au cas de l’article 1322, alinéa 2, du Code civil, aucun élément
ne permet de considérer que la loi du 9 juillet 2001 s’inscrit dans le seul champ du
droit de la preuve.

– enfin, sur le plan psycho-sociologique, nous sommes portés à croire que la lourdeur
des opérations nécessaires à l’obtention et à l’utilisation d’une signature électronique
qualifiée suppose une détermination de nature à attirer l’attention du signataire et à lui
faire prendre conscience des conséquences juridiques de son geste.

Pour les raisons inverses, la référence à l’article 1322, alinéa 2, est moins évidente. Des
mécanismes de signature ordinaires – aisés à mettre en œuvre – peuvent en principe satisfaire
aux conditions d’imputabilité et d’intégrité170. En outre, en cas de contestation, le juge jouit
d’un pouvoir d’appréciation non négligeable pour décider si oui ou non telle signature
électronique satisfait aux conditions énoncées au texte. Il s’en suit que le recours à une
signature électronique non qualifiée expose les parties contractantes à la nullité du negotium
(ou aux autres sanctions prévues en l’absence de signature) si l’une d’elles en venait à
contester sa signature et si le juge devait conclure à l’inaptitude du procédé à assurer les
fonctions d’imputabilité et d’intégrité.

Cela étant, une relation de confiance suffisante peut exister entre les parties en manière telle
qu’aucune d’elles ne redoute la mauvaise foi de l’autre. Par ailleurs, la validité de l’acte
juridique ne saurait être discutée dès l’instant où le juge a estimé que les conditions exigées
par l’article 1322, alinéa 2, sont satisfaites. Aussi, le projet n’a-t-il pas voulu soustraire, par
principe, au bénéfice de la clause transversale sous examen, les signatures électroniques
visées à cet article. A tout prendre, dans la logique de l’herméneutique fonctionnaliste des
formes, prônée par le projet de loi, les juges pourraient être enclins à faire preuve de souplesse
dans l’appréciation des conditions fixées par l’article 1322, alinéa 2, du moins dans le cas où
ils soupçonneraient la mauvaise foi d’une partie (qui, en désavouant sa signature, chercherait
uniquement à se dégager des liens contractuels) et voudraient y faire échec.

C. La clause relative aux mentions manuscrites

Une troisième formalité classiquement exigée par le législateur est celle relative à
d’éventuelles mentions manuscrites.

L’exigence d’une mention manuscrite a pour objectif de protéger celui qui s’engage, en
s’assurant qu’il a pleinement conscience de l’engagement qu’il prend, en favorisant la

169
A cet égard, les vérifications auxquelles le juge doit procéder seront généralement aisées et rapides. Ainsi, en
particulier, si la signature électronique est basée sur un certificat qualifié délivré par un prestataire accrédité, le
juge pourra se contenter de vérifier la réalité de cette accréditation – qui, pour rappel, n’est nullement
obligatoire, la seule obligation liée à l’émission de certificats qualifiés consistant à faire une déclaration auprès
de l’Administration ! (art. 4, § 2, de la loi). Pour de plus d’explications à ce sujet, voy. P. LECOCQ et B.
VANBRABANT, op. cit., pp. 119 à 121, nos 105 à 107.
170
Pour une analyse plus nuancée, voy. E. MONTERO, « Définition et effets juridiques… », op. cit., pp. 62-65, nos
25 à 29 et pp. 70-73, nos 37 à 40.

41
réflexion et en diminuant les risques de faux grâce à l’apposition d’une marque personnelle et
difficilement imitable171.

1. L’exigence de mentions manuscrites face à l’évolution des techniques d’écriture

Longtemps, l’exigence de mentions manuscrites a résisté à l’évolution des techniques


d’écriture. Avec l’apparition de la dactylographie, les auteurs se sont demandé si un texte tapé
à la machine à écrire pouvait être considéré comme “écrit de la main” de celui qui s’oblige.
Le débat s’est en particulier concentré autour du testament olographe, notamment en France.
Ainsi, certains auteurs ont fait observer que “si l’article 970 du Code civil exige une écriture
de la main du testateur, on n’écrit jamais directement avec la main. Il y a toujours un
intermédiaire qui sert de prolongement à la main (stylo, crayon). Or, qu’est la machine à
écrire sinon un instrument plus perfectionné que la plume ? L’article 970 du Code civil en
disant « de la main du testateur » a voulu que le testament soit l’œuvre personnelle du
testateur, mais n’a pas imposé véritablement de procédé particulier d’écriture. Par conséquent,
le testament dactylographié serait valable dès lors qu’il ne serait pas mis en doute qu’il est
l’œuvre du testateur”172. Toutefois, cette interprétation a été formellement rejetée par la Cour
de cassation française, qui a affirmé, à plusieurs reprises, que seule l’écriture manuscrite était
admise pour le testament olographe, au motif qu’elle, et elle seule, permet d’attester que le
testament est bien l’œuvre du testateur173.

Face à la multiplication des exigences de mentions manuscrites dans les contrats de


consommation et l’utilisation des nouvelles technologies pour contracter, nous avons
souligné, pour notre part, la nécessité d’une intervention législative en la matière. Pour
appuyer la démarche législative proposée, nous avons développé une analyse proche de celle
avancée ci-avant : “après tout”, avons-nous écrit, “n’est-on pas en droit d’assimiler à une
mention « manuscrite » le texte (« lu et approuvé pour … francs à crédit », par exemple) que
l’internaute introduit (avant de signer), par clavier interposé, dans le champ ad hoc du
formulaire électronique ? La seule différence nous paraît être que la main tiendrait désormais
la souris, en lieu et place de la plume. Mais, en toute hypothèse, c’est par le truchement d’un
objet manipulé à l’aide de la main, que l’intéressé est invité à apposer la mention dite
manuscrite. (…) On ne doute pas que, le temps passant et le commerce électronique entrant
dans les mœurs, le mouvement de la souris puisse remplacer, avec un effet analogue, le
mouvement de la plume”174.

Dans la ligne de l’analyse suggérée, l’article 17, § 2, 3e tiret, du projet de loi détermine les
qualités fonctionnelles de cette formalité : “l’exigence d’une mention écrite de la main de
celui qui s’oblige peut être satisfaite par tout procédé garantissant que la mention émane de
ce dernier”. Ainsi, cette formalité peut désormais être accomplie par voie électronique, du
moment qu’il n’existe aucun doute quant à l’auteur de la mention.

171
Voy. N. DUTOUR et F. VIGNAL, “La mention manuscrite et l’acte authentique”, Rep. Defrénois, 1998, p. 218,
n° 1 ; M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, op. cit., p. 333.
172
M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, op. cit., p. 107 et les réf. citées.
173
Ibidem, p. 108 (et les réf. citées) et p. 334.
174
M. DEMOULIN et E. MONTERO, “La conclusion des contrats par voie électronique”, in Le processus de
formation du contrat, op. cit., pp. 724-725, n° 73.

42
2. Les mentions manuscrites et la signature

La clause transversale se veut neutre quant au procédé permettant de garantir que la mention
émane bien de celui qui s’oblige. On songe immédiatement au recours à la signature
électronique, mais celle-ci n’est pas indispensable pour établir quel est l’auteur de la mention
requise. Dès lors, on pourrait éventuellement envisager de recourir à un système de mot de
passe personnel, encodé par le client au début du processus contractuel.

Toutefois, on constate que l’exigence de mentions manuscrites dans la loi accompagne


toujours celle d’une signature. Par exemple, “Le consommateur doit faire précéder sa
signature de la mention manuscrite en toutes lettres : ‘lu et approuvé pour … euros à crédit.’
Il doit y apporter également la mention manuscrite de la date et de l’adresse précise de
signature du contrat”175 ou encore “Le recto du bon de commande mentionne (…) la
signature du vendeur et la signature de l’acheteur, précédée par la mention manuscrite et en
toutes lettres : “lu et approuvé”, ainsi que la date de signature”176, sans oublier la formalité
du “bon pour” prévue à l’article 1326 du Code civil.

En effet, par l’apposition sur le papier d’une écriture qui est propre à l’auteur et difficilement
falsifiable, les mentions manuscrites attirent l’attention sur l’importance de l’acte, mais
renforcent également la fonction d’identification de la signature177. Elles ne la remplacent
toutefois pas, puisque la signature a en outre pour fonction de manifester l’adhésion de
l’auteur au contenu de l’acte.

Dans l’environnement numérique, comme sur le papier, les mentions manuscrites seront
toujours suivies d’une signature. La seule différence réside dans le fait que la fonction
d’identification de celui qui s’oblige sera intégralement remplie par la signature électronique,
tandis que l’écriture des mentions requises, grâce au clavier ou à la souris de l’ordinateur, aura
pour seule fonction d’attirer davantage l’attention.

3. Application : la formalité du “bon pour”

Ainsi que nous l’avons observé, l’article 17 du projet de loi couvre bel et bien l’article 1326
du Code civil, qui dispose que “Le billet ou la promesse sous seing privé par lequel une seule
partie s’engage envers l’autre à lui payer une somme d’argent ou une chose appréciable, doit
être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit; ou du moins il faut qu’outre sa
signature, il ait écrit de sa main un ‘bon’ ou un ‘approuvé’, portant en toutes lettres la somme
ou la quantité de la chose”.

A vrai dire, cette disposition rassemble à elle seule les exigences d’un écrit, d’une signature et
de mentions manuscrites, posées ad probationem. Depuis la reconnaissance en droit belge de
la signature électronique, les deux premières formalités pouvaient être rencontrées par voie
électronique, mais restait l’obstacle des mentions manuscrites. Ce dernier est désormais levé
par la troisième clause transversale particulière énoncée à l’article 17, § 2. Ainsi, les mentions
manuscrites pourront valablement prendre la forme électronique, pourvu que le procédé
utilisé garantisse que la mention émane bien de celui qui s’oblige.

175
Art. 17 CC.
176
Art. 3, 14°, ARVAN.
177
M.-A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, op. cit., pp. 338-339.

43
Cependant, cette clause transversale particulière ne joue que pour aider le juge à déterminer si
les qualités fonctionnelles de la mention manuscrite sont bel et bien remplies. Elle ne suffit
pas, à elle seule, à garantir que toutes les qualités fonctionnelles de la formalité du “bon
pour” sont pleinement rencontrées. Il convient à cet égard de cumuler l’application des
clauses transversales particulières avec la clause transversale générale, afin de dégager les
qualités fonctionnelles additionnelles et de vérifier si le procédé utilisé permet de les
préserver.

Ainsi, les autres fonctions de la formalité du “bon pour” sont d’éviter un blanc seing, de
déjouer les manœuvres frauduleuses visant à obtenir une signature par surprise, et de rendre
difficile toute falsification de la somme en jeu178.

Nous avons déjà observé que l’on peut empêcher un blanc seing par le recours à un logiciel
empêchant la validation du contrat si le champ réservé à la mention obligatoire (“bon pour la
somme de…” ou “approuvé pour la somme de…”) n’a pas été dûment rempli. En outre, la
signature pourra difficilement être obtenue par surprise, dans la mesure où, les parties n’étant
pas en présence l’une de l’autre, celui qui s’engage peut prendre le temps d’inscrire lui-même
et de lire les mentions du billet. Enfin, toute modification de la somme en jeu est rendue en
principe impossible par le recours à la signature électronique.

SECTION 4. LA DÉLÉGATION AU ROI

Les clauses transversales générale et particulières visent à englober un maximum de


formalités susceptibles de constituer un obstacle à l’utilisation de procédés électroniques pour
contracter. Elles n’ont toutefois pas la prétention d’être exhaustives. C’est pourquoi l’article
17, § 3, du projet de loi donne délégation au Roi pour “adapter toute disposition législative
ou réglementaire qui constituerait un obstacle à la conclusion de contrats par voie
électronique et qui ne serait pas couverte par les §§ 1er et 2”.

A. Portée de la délégation

La délégation est ainsi faite au Roi dans certaines limites, au-delà desquelles il ne peut
intervenir.

En premier lieu, cette intervention du Roi ne se justifie que dans la mesure où les clauses
transversales des §§ 1er et 2 ne permettent pas de lever tous les obstacles formels à la
conclusion de contrats par voie électronique. En effet, face à une formalité susceptible de
constituer un tel obstacle, il convient d’abord de se demander si l’application des clauses
transversales ne suffit pas à permettre le recours à la voie électronique pour contracter. Dans
la négative, une adaptation des textes s’avère alors nécessaire.

Par ailleurs, la totalité de l’article 17 étant exclue par l’article 18 du projet de loi pour
certaines catégories de contrats, le Roi ne dispose pas du pouvoir d’adapter les dispositions
relatives à ces contrats si elles constituent un obstacle à l’utilisation des nouvelles
technologies pour contracter.

178
R. MOUGENOT, La preuve, op. cit., p. 158, n° 141 ; N. VERHEYDEN-JEANMART, op. cit., p. 257, n° 543. Voy.
aussi Cass., 13 mai 1996, R.G. C.94.0210.F (inédit).

44
Dans les limites que nous venons de préciser, le Roi est donc habilité à adapter les
dispositions constitutives d’un obstacle à la conclusion de contrats par voie électronique. Il ne
fait aucun doute que c’est à nouveau tout le processus contractuel qui est visé, conformément
à la volonté du législateur européen. A contrario, l’intervention du Roi ne pourra dépasser le
périmètre du processus contractuel. Il n’est donc pas question de procéder, dans le cadre de
l’article 17, § 3, à une adaptation des procédures administratives d’agrément,
d’enregistrement ou d’inscription auprès d’une autorité de contrôle, de la procédure de
transaction en cas d’infraction, de la procédure fiscale, de la procédure judiciaire, etc.

Enfin, il convient de noter qu’à la différence des clauses transversales, la délégation au Roi ne
se limite pas aux exigences de forme, mais s’étend à toute disposition législative ou
réglementaire constitutive d’un obstacle à l’utilisation de la voie électronique. Or, nous avons
observé certaines dispositions relatives au processus contractuel sont libellées en des termes
inadaptés à l’environnement numérique, tout en n’imposant aucune formalité. C’est le cas
notamment lorsqu’il s’agit d’interdire certains comportements aux parties ou de poser une
sanction en cas de violation d’une obligation légale (supra).

Toutefois, soulignons encore que certaines de ces dispositions protectrices ne se justifient pas
dans le commerce électronique. Par exemple, l’interdiction d’apposer une “mention sur une
enveloppe dont il ressort que la correspondance concerne la récupération d’une créance”179,
n’envisage que la correspondance postale, et non le courrier électronique. En effet, l’objectif
est de préserver la vie privée du consommateur-débiteur, pour ne pas que les personnes
manipulant l’enveloppe (personnel des postes, proches du débiteur…) puissent savoir qu’il
s’agit d’une lettre concernant la récupération d’une créance. Or, avec le courrier électronique,
ce problème ne se pose pas, dans la mesure où, en principe, seul le destinataire du courrier
électronique peut accéder à sa boîte aux lettres électronique, par un mot de passe personnel.

On se demande en outre si ces dispositions constituent bien un obstacle juridique, direct ou


indirect, à la conclusion de contrats par voie électronique. En effet, on pourrait défendre l’idée
que ces comportements, interdits dans le monde “réel”, sont permis dans l’environnement
numérique, puisqu’ils ne sont pas envisagés par la loi. Un tel laxisme pourrait éventuellement
être constitutif d’un obstacle psychologique à la conclusion de contrats sur les réseaux, dans la
mesure où les consommateurs seraient pour le moins réticents à conclure un contrat dans des
circonstances où ils sont moins bien protégés par la loi. Certes, une telle situation devrait
préoccuper le législateur, soucieux de rassurer le consommateur et de stimuler le
développement du commerce électronique. Toutefois, il nous semble que la directive sur le
commerce électronique impose avant tout aux Etats membres de supprimer les obstacles
juridiques à la conclusion de contrats par voie électronique.

B. Pouvoirs du Roi

En présence d’un obstacle à la conclusion de contrats par voie électronique, le Roi a la


possibilité d’adapter la disposition concernée en vue de permettre le recours aux nouvelles
technologies (1). On se demande toutefois si, dans certains cas, il ne pourrait également
établir un régime spécifique ou dérogatoire pour les contrats conclus par voie électronique (2).

179
Art. 39, § 2, 3°, CC.

45
1. Adaptation des dispositions aux contrats conclus par voie électronique

L’adaptation opérée par le Roi peut être ponctuelle, c’est-à-dire réalisée au cas par cas, à
mesure que serait relevé un obstacle à la conclusion de contrats par voie électronique.

Mais il nous semble que rien n’empêche le Roi d’agir, lui aussi, par le biais d’une clause
transversale particulière, afin de couvrir d’autres exigences de forme usuelles.

On songe, par exemple, à l’envoi ou au dépôt d’une lettre recommandée à la poste. Afin de
permettre le recours à des systèmes de recommandé électronique, le Roi pourrait
éventuellement adopter une clause transversale prévoyant que lorsqu’une lettre recommandée
à La Poste est requise, cette exigence est satisfaite par le recours à un service de recommandé
électronique, quel qu’en soit le prestataire180.

2. Etablissement de régimes dérogatoires pour les contrats conclus par voie électronique

Dans certains cas, une adaptation de la disposition en cause ne sera peut-être pas la solution la
plus adéquate. Certaines dispositions se révèlent inadaptées aux contrats conclus par voie
électronique pour la simple raison que le législateur n’entend pas viser ce type de contrats,
mais exclusivement les relations “traditionnelles” entre un vendeur et un consommateur dans
un magasin. Dès lors, une adaptation se révélera bien difficile, étant donné la spécificité de
ces dispositions et leur inadéquation totale avec tout autre type de relation contractuelle.

On se demande toutefois si la délégation au Roi prévue par l’article 17, § 3, lui permet de
déroger aux textes législatifs et réglementaires en ce qui concerne les contrats conclus par
voie électronique, étant donné qu’il n’est question que d’adaptation des textes.

Par bonheur, dans certains cas, la loi contenant des dispositions problématiques permet déjà
au Roi de prévoir des exceptions ou des régimes particuliers pour certaines catégories de
contrats, de produits ou de services.

Ainsi, l’article 72, al. 1er, LPC prévoit que “les ventes publiques au sens de l'article 69 ne
peuvent avoir lieu que dans des locaux exclusivement destinés à cet usage, sauf dérogation
accordée en cas de nécessité par le Ministre ou le fonctionnaire désigné par lui à cet effet”.
Sont soumises aux dispositions de la section relative aux ventes publiques, “les offres en
vente et ventes publiques, soit aux enchères, soit au rabais ainsi que l'exposition, en vue de
telles ventes, de produits manufacturés”181.

Selon cette disposition, les ventes aux enchères sur internet seraient en principe soumises à
cette législation. Or, l’exigence que les ventes publiques aient lieu dans des “locaux
exclusivement destinés à cet usage, sauf dérogation” constitue d’évidence un obstacle de
taille à la conclusion de ce type de vente par voie électronique, auquel la clause transversale
générale ne peut remédier. En outre, une simple adaptation de la disposition semble
difficilement envisageable.

180
En ce sens, M. DEMOULIN et E. MONTERO, “La conclusion des contrats par voie électronique”, op. cit., p.
726, n° 44. Pour une étude plus complète sur le sujet, voy. E . MONTERO, « Du recommandé traditionnel au
recommandé électronique : vers une sécurité et une force probante renforcées » (à paraître).
181
Art. 69, § 1er, LPC.

46
Heureusement, en vertu de l’article 83, § 1er, 6°, LPC, “le Roi peut prescrire des dispositions
particulières pour les ventes publiques organisées au moyen d’une technique de
communication à distance”. Dès lors, le Roi pourrait prévoir que l’article 72, alinéa 1er, n’est
pas applicable aux ventes publiques conclues par voie électronique.

On s’avise que, dans cet exemple, la dérogation prévue par le Roi s’inscrirait davantage dans
le cadre des délégations spécifiques que la LPC donne au Roi pour prévoir des mesures
particulières, que dans celui de la délégation prévue par l’article 17, § 3, du projet de loi.

CONCLUSION

La reconnaissance en droit belge de la théorie des équivalents fonctionnels constitue sans


l’ombre d’un doute une étape décisive dans l’évolution du formalisme contractuel. Avec
l’adoption de l’article 17 du projet de loi sur certains aspects juridiques des services de la
société de l’information, le législateur ouvrira largement la porte à la conclusion de contrats
par voie électronique.

Il reste cependant bien du chemin à parcourir pour apprécier l’impact de cette approche
audacieuse et rencontrer les interrogations et difficultés qu’elle suscite. Au Roi, puis aux
juges, épaulés par la doctrine, revient à présent la tâche délicate de définir de nouveaux
repères spatio-temporels dans un monde virtuel où tout se passe comme si l’espace et le temps
étaient abolis, et ce, afin de préserver les garanties du formalisme et d’assurer au maximum la
sécurité juridique.

47
TABLE DES MATIÈRES

Introduction générale............................................................................................................... 1

Section 1. Vue générale du formalisme contractuel .............................................................. 4


A. BRÈVE DIGRESSION HISTORIQUE À PROPOS DU FORMALISME............................................. 4
1. Le formalisme des législations primitives..................................................................... 4
2. Le déclin progressif du formalisme .............................................................................. 4
3. Le non-formalisme de principe du Code civil .............................................................. 5
4. La résurgence actuelle du formalisme ......................................................................... 5
5. La restitution des formes modernes dans un environnement « dématérialisé »......... 6
B. TYPOLOGIE DES EXIGENCES DE FORME ............................................................................... 7
1. Classification des formalités en fonction de leur objet ................................................ 7
a) Exigences relatives à l’écrit et à son support ............................................................. 7
b) Exigences relatives à la localisation et à la présence des parties ............................... 7
c) Exigences relatives à l’implication de tiers................................................................ 8
d) Exigences relatives à la remise de la chose qui fait l’objet de contrat....................... 8
2. Classification en fonction des finalités........................................................................ 9
a) Le formalisme de validité........................................................................................... 9
b) Le formalisme probatoire......................................................................................... 10
c) Le formalisme de publicité....................................................................................... 10
d) Le formalisme fiscal ................................................................................................ 11
e) Le formalisme administratif..................................................................................... 12
f) Le formalisme informatif.......................................................................................... 13
Section 2. La philosophie de l’article 17 à travers le prisme de la clause transversale
générale ................................................................................................................................... 14
A. LA MESURE DU DÉFI ............................................................................................................ 14
1. Exclusion de certains contrats .................................................................................... 15
2. La notion de « processus contractuel » ...................................................................... 16
a) Conception large de la notion de processus contractuel .......................................... 16
b) Limitation aux exigences de forme relatives au processus contractuel ................... 18
3. La levée des obstacles juridiques à la conclusion de contrats par voie électronique 18
B. QUESTION DE MÉTHODE : LA THÉORIE DES ÉQUIVALENTS FONCTIONNELS ..................... 21
1. Une conception iconoclaste du formalisme................................................................ 21
2. Les frontières de l’approche fonctionnelle................................................................. 23
3. L’identification des qualités fonctionnelles des formalités........................................ 24
4. La distinction de la fin et des moyens......................................................................... 27
5. Applications ................................................................................................................. 27
a) La prévention du blanc seing ................................................................................... 27
b) La formalité des originaux multiples ....................................................................... 29
c) L’exigence de datation ............................................................................................. 31
Section 3. Les clauses transversales particulières ............................................................... 33
A. LA CLAUSE RELATIVE À L’ÉCRIT ........................................................................................ 33
1. Distinction entre l’écrit et son support ....................................................................... 34
2. L’écrit comme exigence minimale .............................................................................. 35
3. Les qualités fonctionnelles minimales de l’écrit : lisibilité et stabilité ...................... 35
4. Les qualités supplémentaires de l’écrit....................................................................... 36

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5. L’écrit et les documents du processus contractuel..................................................... 36
B. LA CLAUSE RELATIVE À LA SIGNATURE ............................................................................. 38
1. Pourquoi cette clause transversale ? .......................................................................... 39
2. Analyse de la clause transversale ............................................................................... 40
C. LA CLAUSE RELATIVE AUX MENTIONS MANUSCRITES ....................................................... 41
1. L’exigence de mentions manuscrites face à l’évolution des techniques d’écriture.. 42
2. Les mentions manuscrites et la signature .................................................................. 43
3. Application : la formalité du “bon pour” ................................................................... 43
Section 4. La délégation au Roi ............................................................................................. 44
A. PORTÉE DE LA DÉLÉGATION ............................................................................................... 44
B. POUVOIRS DU ROI ............................................................................................................... 45
1. Adaptation des dispositions aux contrats conclus par voie électronique .................. 46
2. Etablissement de régimes dérogatoires pour les contrats conclus par voie
électronique ..................................................................................................................... 46
Conclusion............................................................................................................................... 47

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

Lois

AT = loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, M.B., 20 août 1992.
BI = loi du 28 mars 1984 sur les brevets d’invention, M.B., 9 mars 1985.
BDM = loi uniforme Benelux du 25 octobre 1966 en matière de dessins ou modèles,
approuvée par la loi du 1er décembre 1970, M.B., 29 déc. 1973.
BM = loi uniforme Benelux du 19 mars 1962 sur les marques, approuvée par la loi du 30 juin
1969, M.B., 14 oct. 1969.
CA = loi du 9 juillet 1975 sur le contrôle des entreprises d’assurance, M.B., 29 juil. 1975.
CC = loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, M.B., 9 juil. 1991.
CE = loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique, M.B., 11 oct. 1991.
CH = loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire, M.B., 19 août 1992.
CM = loi du 9 mars 1993 tendant à réglementer et à contrôler les activités des entreprises de
courtage matrimonial, M.B., 24 avril 1993.
LPC = loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la
protection du consommateur, M.B., 29 août 1991.
TEF = loi du 17 juillet 2002 relative aux opérations effectuées au moyen d’instruments de
transfert électronique de fonds, M.B., 17 août 2002.
TS = loi du 11 avril 1999 relative aux contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation
d’immeubles à temps partagé (“timesharing”), M.B., 30 avril 1999.
VAT = loi du 9 janvier 2000 relative aux virements d’argent transfrontaliers, M.B., 9 fév.
2000.
VO = loi du 16 février 1994 régissant le contrat d’organisation de voyages et le contrat
d’intermédiaire de voyages, M.B., 1er avril 1994.

Arrêtés royaux

ARDPC = AR du 20 novembre 1992 relatif au traitement des données à caractère personnel


en matière de crédit à la consommation, M.B., 11 déc. 1992.
ARIFV = AR du 5 décembre 2000 rendant applicables aux instruments financiers et aux titres
et valeurs certaines dispositions de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du
commerce et sur l’information et la protection du consommateur, M.B., 3 janv. 2001.
ARPBC = AR du 30 juin 1996 relatif à l’indication du prix des produits et des services et au
bon de commande, modifié par l’AR du 7 février 2000, M.B., 30 juil. 1996.
ARSFH = AR du 23 mars 1995 relatif à l’indication des tarifs des services financiers
homogènes, tel que modifié par l’AR du 1er mars 1998 et par l’AR du 10 octobre
2000, M.B., 26 avril 1995.
ARVAN = AR du 9 juillet 2000 relatif aux informations essentielles et aux conditions
générales de vente devant figurer sur le bon de commande des véhicules automobiles
neufs, M.B., 9 août 2000.

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