Recommandations Françaises Pour La Prise en Charge de Pemphigus Jelti2019
Recommandations Françaises Pour La Prise en Charge de Pemphigus Jelti2019
Recommandations Françaises Pour La Prise en Charge de Pemphigus Jelti2019
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OPINION D’EXPERT
a
Service de dermatologie, Inserm U1234, université de Normandie, CHU de Rouen, 1 rue de
Germont, 76000 Rouen, France
b
Service de dermatologie, université Paris 13, hôpital Avicenne, AP—HP, 93000 Bobigny,
France
c
Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, AP—HP, 94000 Créteil, France
d
Service de dermatologie, hôpital Robert-Debré, CHU de Reims, 51092 Reims, France
e
Service de dermatologie, hôpital Dupuytren, 87042 Limoges, France
f
Service de dermatologie, Inserm U1058, université de Montpellier, hôpital St-Eloi, 34295
Montpellier, France
g
Service de dermatologie, CHU Hôtel-Dieu, 44093 Nantes, France
h
Service de dermatologie, hôpital Trousseau, CHRU de Tours, 37044 Tours, France
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (L. Jelti).
https://doi.org/10.1016/j.annder.2019.01.018
0151-9638/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
280 L. Jelti et al.
i
Service de dermatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP—HP, 75018 Paris, France
j
Service de dermatologie, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille, 59037 Lille, France
k
EA3279 : CEReSS—centre d’étude et de recherche sur les services de santé et la qualité de
vie, service de dermatologie, université Aix-Marseille, hôpital de La Timone, Assistance
publique—Hôpitaux de Marseille, 13385 Marseille, France
l
Service de dermatologie, université Aix-Marseille, hôpital Nord, Assistance
publique—Hôpitaux de Marseille, 13385 Marseille, France
m
Service de dermatologie, hôpital Edouard-Herriot, hospices civils de Lyon, 69437 Lyon,
France
n
Service de dermatologie, CHU Estaing, 63000 Clermont-Ferrand, France
o
Service de dermatologie, hôpital Larrey, CHU de Toulouse, 31059 Toulouse, France
p
Service de dermatologie, hôpital Saint-Louis, AP—HP, 75010 Paris, France
q
Service de dermatologie, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux, 33000 Bordeaux, France
r
Service de dermatologie, hôpital Ambroise-Paré, AP—HP, 92100 Boulogne-Billancourt, France
s
Unité de dermatologie-immunologie clinique, CHU de Guadeloupe, 97159 Pointe-à-Pitre
cedex, Guadeloupe
t
Service de médecine interne et pneumologie, hôpital de la Cavale-Blanche, CHRU de Brest,
29609 Brest, France
u
Inserm U1234, laboratoire d’immunologie, université de Normandie, CHU de Rouen, 76000
Rouen, France
Reçu le 23 octobre 2018 ; accepté le 23 janvier 2019
Disponible sur Internet le 29 mars 2019
Au vu des premières publications rapportant l’intérêt du rituximab pour prévenir la survenue de rechutes ultérieures
rituximab (anticorps monoclonal dirigé contre la molécule [9,11].
CD20 des lymphocytes B) chez les patients atteints de L’utilisation du rituximab, progrès thérapeutique consi-
pemphigus corticodépendant ou corticorésistant [1,2], le dérable dans le traitement du pemphigus, a justifié
premier Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) l’actualisation des recommandations de traitement, ayant
du pemphigus publié en 2011 a proposé son utilisation en cas abouti à l’élaboration d’un nouveau PNDS publié en mai
de non-contrôle de la maladie sous corticothérapie géné- 2018 sur le site de la Haute Autorité de santé (HAS) [13].
rale forte [3]. Depuis cette date, de nombreux articles sont Nous le détaillons ici en fonction du type clinique de pem-
venus étayer l’intérêt du rituximab, non seulement dans le phigus, pemphigus superficiel (PS) ou pemphigus vulgaire
traitement des formes sévères corticodépendantes ou corti- (PV), et de sa sévérité, que nous qualifions maintenant
corésistantes [4—9], mais aussi plus récemment en première de « peu sévère », « modérée » ou « sévère » à partir
intention pour utiliser une dose initiale moindre et surtout de scores de sévérité internationaux récemment publiés,
raccourcir la durée de la corticothérapie générale [10,11]. l’ABSIS (Autoimmune Bullous Skin disorder Intensity Score,
Le « groupe Bulles » de la Société française de dermatolo- évaluant le pourcentage de surface atteinte) et le PDAI
gie a en effet publié une étude randomisée réalisée chez (Pemphigus Disease Area Index, évaluant le nombre et la
90 patients, montrant l’intérêt du rituximab en traitement taille des lésions) (Tableau 1) [14]. La surveillance du taux
de première intention du pemphigus par rapport à une corti- des auto-anticorps (Ac) anti-desmogléines (Dsg) 1 et 3 par
cothérapie générale standard [11]. Cette étude montre que des tests Elisa [15] a une place importante, en association
l’utilisation du rituximab permet d’obtenir un taux de rémis- aux données cliniques, pour la décision thérapeutique.
sion complète sevrée de corticothérapie générale proche de
90 % à 2 ans et d’arrêter la corticothérapie après seulement
6 mois de traitement chez un grand nombre de malades Traitement d’attaque des pemphigus peu
[12]. Grâce à cette étude, le rituximab a obtenu par la FDA sévères
(Agence américaine des produits alimentaires et médica-
menteux) en juin 2018 puis par l’EMA (Agence européenne Il s’agit soit d’un PS peu étendu (lésions cutanées inférieures
des médicaments) en mars 2019 une autorisation de mise à 5 % de la surface corporelle) soit d’un PV avec atteinte
sur le marché dans le traitement des pemphigus modérés à buccale peu étendue et lésions cutanées modérées (infé-
sévères. De plus, cette étude et d’autres dans la littérature rieures à 5 % de la surface corporelle) ; le score PDAI doit
soulignent l’intérêt de réaliser des perfusions d’entretien de être inférieur à 15.
Actualisation des recommandations françaises de traitement du pemphigus 281
Cuir chevelu
Cuir chevelu Érosions/bulles ou érythème récent Nombre de Pigmentation post-inflammatoire ou
(actif) lésions si ≤ 3 érythème résiduel post-inflammatoire
0 aucun 0 absent
1 un quadrant 1 présent
2 deux quadrants
3 trois quadrants
4 atteinte de l’ensemble du crâne
10 au moins une lésion > 6 cm
Total cuir chevelu (0—10) /10 /1
Muqueuses
Localisation anatomique Érosions/bulles
0 aucun Nombre de
1 1 lésion lésions si ≤ 3
2 2—3 lésions
5 > 3 lésions ou 2 lésions > 2 cm
10 aire entière
Yeux
Nez
Face interne des joues
Palais dur
Palais mou
Gencive supérieure
Gencive inférieure
Langue
Plancher buccal
Lèvres
Pharynx postérieur
Ano-génitales
Total muqueuses /120
282 L. Jelti et al.
Figure 1. Propositions thérapeutiques en cas de pemphigus peu sévère (PRE : prednisone ; RTX : rituximab).
la négativation de ces Ac après les perfusions initiales de ◦ associer un immunosuppresseur conventionnel (voir
rituximab. plus haut).
La Fig. 3 résume les propositions thérapeutiques en
entretien.
Mode de décroissance de la
corticothérapie après obtention du
Conduite à tenir en l’absence de contrôle contrôle initial
de la maladie à 3 semaines du début du
traitement En cas de corticothérapie générale associée au
rituximab
Le contrôle clinique est défini par l’absence de survenue de
nouvelles lésions et le début de cicatrisation des anciennes Pour les patients ayant un pemphigus initialement peu
lésions. Il est recommandé de demander un avis spécialisé sévère : proposer une diminution de la prednisone pour une
d’un centre de compétence ou d’un centre de référence. durée totale de corticothérapie de 3 à 4 mois (Tableau 2).
L’attitude habituelle dans ces centres est la suivante : Pour les patients ayant un pemphigus modéré à sévère :
• pour les patients traités initialement par rituximab et proposer une diminution de la prednisone pour une durée
prednisone : totale de corticothérapie de 6 mois (Tableau 2).
◦ si la dose initiale de prednisone était de 0,5 mg/kg/j, Au-delà du dernier mois de corticothérapie à la dose de
augmenter à 0,75 ou 1 mg/kg/j, 0,1 mg/kg/j de prednisone, l’attitude n’est pas clairement
◦ si la dose initiale de prednisone était de 1 mg/kg/j, définie. Trois possibilités peuvent être considérées :
augmenter à 1,5 mg/kg/j : • arrêt de la corticothérapie ;
• pour les patients ayant une contre-indication au rituximab • diminution de la prednisone par paliers de 1 mg jusqu’au
et traités initialement par 1 mg/kg/j de prednisone : sevrage ;
◦ augmenter la prednisone à 1,5 mg/kg/j en y associant • maintien d’une dose minimale de prednisone (en pratique
éventuellement un immunosuppresseur conventionnel, généralement entre 3 et 6 mg/j), en particulier chez les
mycophénolate mofétil (1,5 à 3 g/j) ou azathioprine patients présentant de façon persistante un taux signifi-
(1 à 3 mg/kg/j) ; la posologie est à adapter en fonction catif d’Ac circulants.
du poids et de la réponse thérapeutique. Un dosage
de l’AUC du médicament (Area Under Curve = aire En cas de corticothérapie générale seule
sous la courbe) est utile pour adapter la posologie.
L’adjonction d’immunoglobulines intraveineuses (IgIV) On recommande une diminution de la corticothérapie de
peut également être discutée chez ces patients ; 10 % toutes les 3 semaines jusqu’à 15 mg/j de prednisone ;
• pour les patients ayant une contre-indication au rituximab en dessous de 15 mg/j, diminuer de 1 mg toutes les 3 à
et traités initialement par 1,5 mg/kg/j de prednisone : 4 semaines ; la décroissance sera d’autant plus lente qu’il
Actualisation des recommandations françaises de traitement du pemphigus 285
persiste un taux résiduel d’Ac anti-substance intercellulaire contre-indication, et/ou ré-augmenter la corticothérapie, si
en immunofluorescence indirecte ou un taux d’Ac anti- possible de façon modérée, jusqu’à l’obtention du contrôle
Dsg1 supérieur à 50 UA/mL (situation où le risque de rechute clinique puis reprendre la décroissance progressive.
cutanée est augmenté). La persistance de taux élevés d’Ac En cas de contre-indication au rituximab, considérer
anti-Dsg1 en Elisa a une valeur prédictive positive de rechute l’ajout d’un immunosuppresseur conventionnel, surtout s’il
cutanée plus élevée que celle de la persistance d’Ac anti- s’agit d’une rechute précoce survenant malgré une dose
Dsg3 pour la rechute muqueuse [18,19]. La valeur prédictive de corticoïdes encore relativement élevée. On peut utili-
positive de rechute en cas de persistance d’Ac anti-Dsg3 en ser le mycophénolate mofétil (1,5 à 3 g/j) ou l’azathioprine
Elisa est élevée pour des taux supérieurs à 120 UA/mL [20]. (1 à 3 mg/kg/j) ; la posologie est à adapter en fonction du
poids et de la réponse thérapeutique. Un dosage de l’AUC
du médicament est utile pour adapter la posologie.
Conduite à tenir en cas de rechute Une première rechute non sévère survenant en fin de
traitement à une dose faible à très faible de prednisone
La rechute est définie par l’apparition d’au moins trois nou- n’implique pas nécessairement le recours à un immunosup-
velles lésions en un mois, ne guérissant pas spontanément presseur.
en une semaine. Si la rechute survient alors que la corticothéra-
pie était déjà associée à un immunosuppresseur, il
Prise en charge d’une première rechute chez convient d’interrompre l’immunosuppresseur et de consi-
des patients initialement traités par rituximab dérer l’administration de rituximab (1 g à j0 et j14) en
l’absence de contre-indication, plutôt que de changer
Si la rechute survient pendant la phase de décroissance de d’immunosuppresseur conventionnel.
la corticothérapie générale (donc entre M0 et M6), il est La Fig. 4 résume les propositions de traitement en cas de
proposé d’augmenter la posologie de prednisone (selon la rechute.
sévérité de la rechute) et, à partir de M4, de réaliser une
nouvelle cure de 2 g de rituximab (1 g à j0 et j14). Dans ce cas
de figure, il ne sera pas effectué de perfusion à M6. Le trai-
tement d’entretien au décours de la rechute se fera selon Arrêt du traitement
les modalités décrites plus haut. Le maintien d’une faible
dose de corticothérapie générale peut être nécessaire, en La durée du traitement par corticoïdes est en moyenne de
particulier chez les patients gardant des taux élevés d’Ac 3 à 7 mois chez les malades traités par rituximab en pre-
anti-Dsg. mière intention, et de 2 à 3 ans chez les malades traités
Si la rechute survient après le sevrage de la corticothé- sans rituximab, par corticothérapie seule ou associée à un
rapie générale (donc a priori après M6), un avis spécialisé immunosuppresseur conventionnel. La durée de ce traite-
en centre expert ou une réunion de concertation pluridisci- ment peut être plus longue en cas de corticorésistance ou
plinaire sont souhaitables. de corticodépendance. L’arrêt du traitement peut être pro-
posé chez un patient en rémission clinique sous faibles doses
Prise en charge d’une première rechute chez de corticoïdes per os (prednisone 5 mg/j ou équivalent) ou
des patients n’ayant pas reçu initialement du faibles doses d’immunosuppresseurs.
rituximab Il convient de vérifier l’absence d’Ac circulants en immu-
nofluorescence indirecte et en Elisa avant d’arrêter le
Si la rechute survient pendant la décroissance de la traitement.
corticothérapie chez un patient initialement traité par Erreurs à éviter :
corticothérapie seule, considérer la possibilité d’un trai- • exiger un contrôle et une cicatrisation des lésions trop
tement par rituximab (1 g à j0 et j14) en l’absence de rapides (risque d’escalade thérapeutique indue) ;
Figure 4. Propositions thérapeutiques en cas de rechute du pemphigus (PRE : prednisone ; RTX : rituximab).
286 L. Jelti et al.
• exiger une cicatrisation complète des lésions (notamment severe pemphigus: prophylactic treatment with rituximab does
buccales) avant de débuter la décroissance de la cortico- not appear to be beneficial. Dermatology 2014;228: 158—65.
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