L'intention Entrepreneuriale Des Jeunes Diplomes
L'intention Entrepreneuriale Des Jeunes Diplomes
L'intention Entrepreneuriale Des Jeunes Diplomes
Sami BOUDABBOUS
Sami BOUDABBOUS1
Résumé
Cette recherche vise à étudier non seulement l’intention de créer une entreprise, mais aussi
les attitudes envers la création d’une entreprise et les perceptions des normes sociales et
leur impact sur la capacité à mener un processus entrepreneurial.
Pour ce faire, nous menons une étude sur 49 diplômés de l’École Supérieure de Commerce
de Sfax. Nos résultats révèlent l’importance des attitudes associées au comportement dans
l’intention entrepreneuriale. La culture entrepreneuriale joue un rôle très important. Que
peut-être alors l’impact des normes sociales sur l’intention entrepreneuriale ? Dans nos
résultats, nous avons trouvé que seule l’influence des intentions des condisciples est
significative. Les contraintes financières, les informations pouvant être transmises ainsi que
la formation en création d’entreprise, en d’autres termes tout ce qui se rapporte aux
perceptions du contrôle comportemental, ont un effet non significatif sur l’intention. Dans
ce sens pouvons-nous affirmer que la formation entrepreneuriale suivie par l’étudiant
pourrait s’ajouter à sa réalité sociale et, de fait, influer sur le choix de la profession future de
l’étudiant, tant que cette formation peut s’intégrer dans de nouveaux modèles, de nouvelles
attitudes qui sont de nature à modifier le comportement des individus ?
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This research aims to study not only intend to start a business, but also attitudes toward
starting a business and perceptions of social norms and their impact on the ability to lead an
entrepreneurial process. To do this, we conduct a survey of 49 graduates of the Ecole
Superieure de Commerce de Sfax. Our results show the importance of attitudes associated
with entrepreneurial behavior intention. Entrepreneurial culture plays a very important role.
May be then the impact of social norms on entrepreneurial intention?
In our results, we found that only the influence of the intentions of peers is significant.
Financial constraints, the information can be transmitted as well as training in
entrepreneurship, in other words everything that relates to perceptions of behavioral
control, have an insignificant effect on the intention.
In this sense, we can say that the entrepreneurial training followed by the student could be
added to the social reality and, in fact, influence the choice of future profession of the
student, as this training can be integrated in new models, new attitudes that are likely to
change people's behavior?
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1. Introduction
L’entrepreneuriat est un facteur névralgique dans la société, et bénéficie d’un intérêt tout
particulier de la part des économistes, des sociologues et des décideurs politiques. Cet intérêt est,
sans conteste, dû à la place de la création d’entreprises dans le développement économique et
social, l’augmentation de la production et du revenu, la résorption du chômage, la diversification de
l’industrie, la promotion de l’innovation, etc. (Schumpeter, 1935 ; OCDE, 1998 ; Reynolds et al.
1994, 2001 ; Rasmussen et Sorheim, 2006 ; Minniti et Lévesque, 2008). En conséquence de quoi,
étudier les intentions entrepreneuriales nous donne une idée des comportements aboutissant à la
création d’entreprise.
L'intention entrepreneuriale est le premier acte dans le processus entrepreneurial. Elle résume la
volonté d'une personne de créer sa propre entreprise, et peut être expliquée par des
caractéristiques individuelles de l’entrepreneur potentiel, par son milieu environnemental ainsi
que par ses spécificités culturelles.
Pour ce qui nous concerne, nous nous sommes focalisés sur l’intention entrepreneuriale dans la
population estudiantine que nous avons abordée d’une manière globale.
L’étudiant, avant de marquer son intention de créer une entreprise, est avant tout l’image d’une
réalité sociale, économique et politique ; la famille étant la première expérience sociale de
l’étudiant. Elle détermine ses comportements et lui transmet les valeurs qu’on voudrait qu’il
partage. L’entrepreneur est loin d’être quelqu’un qui avance seul et qui ne compte que sur ses
propres moyens pour mener son projet. Dans ce sens, Berglann et al. (2010), Krueger et Casrud
(1993) soutiennent que l’entourage du porteur de projet doit lui être favorable. Cet entourage doit
posséder les capacités ou ressources nécessaires pour l’aboutissement du projet. Selon Granovetter
(1995), le comportement humain ne peut être expliqué en faisant seulement référence aux motifs
individuels ; il est modelé et contraint par la structure des relations sociales dans lesquelles tout
acteur est inscrit. La focalisation sur un entrepreneur isolé conduit à négliger la réalité de création
d’entreprise qui correspond souvent à une démarche collective. Pour Dubini et Aldrich (1991), la
création d’une entreprise est une activité fondamentalement relationnelle. La famille apporte, en
plus de son soutien moral, le réconfort affectif, alors que les amis, ayant une expérience dans le 3
domaine, prodiguent des conseils, des encouragements et ravivent l’enthousiasme de
l’entrepreneur.
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Le réseau relationnel n’est qu’un aspect des facteurs pouvant stimuler l’intention entrepreneuriale
de l’individu. Un état d’esprit et une dynamique d’action de l’individu sont nécessaires pour aboutir
à la réalisation entrepreneuriale ; en conséquence, l’entrepreneuriat serait aussi une dynamique
d’action et un état d’esprit qu’on peut acquérir par la formation, la sensibilisation aux situations, les
mesures d’accompagnement, ou encore par des techniques et outils spécifiques (Von Graevenitza et
al., 2010) ; d’où l’importance du système éducatif qui a pour mission de sensibiliser, préparer et
former à l’entrepreneuriat. Pour Rasmussen et Sorheim (2006), l’enseignement de l’entrepreneuriat
dans les écoles et les universités peut modifier les attitudes, changer les comportements et les
croyances des jeunes étudiants quant à l’entrepreneuriat, et leur faciliter l’assimilation et
l’accessibilité au phénomène entrepreneurial. Saporta et Verstraete (2000) avancent
que l’enseignement à l’entrepreneuriat peut modeler la cognition de l’étudiant en favorisant la
combinaison de trois dimensions irréductibles et indissociables : réflexion, réflexivité et
apprentissage.
Il n’en demeure pas moins que l’acte entrepreneurial reste encore une démarche professionnelle
très marginale chez les étudiants. Toutefois, avec les programmes mis en œuvre, il est intéressant de
pencher son regard sur l’intention entrepreneuriale des bénéficiaires de cette formation, même si à
ce stade, elle reste une simple intention professionnelle. Ceci nous permettra de sortir aisément du
débat sur l’intention et les actes entrepreneuriaux. En effet, l’intention n’est pas toujours l’acte, et
elle n’est d’ailleurs pas un préalable à cette action. Comment alors définir le vocable « intention »
lorsqu’il s’agit de l’entrepreneuriat ? Quels sont les facteurs qui sont de nature à accentuer cette
intention ?
C’est autour de ces questions que s’articule notre problématique à laquelle nous avons voulu donner
une portée opérationnelle.
Nous avons cherché à circonscrire les problèmes de temporalité et de validité que pose l’étude de
l’intention entrepreneuriale, à partir d’une enquête réalisée au cours de l’année universitaire
2009/2010, sur un échantillon de jeunes diplômés issus de l’école supérieure de commerce de Sfax
en Tunisie. Le choix de l’institution universitaire n’est pas fortuit. Nous avons, délibérément, choisi
d’analyser le comportement des étudiants issus de cet établissement qui sont, de notre point de
vue, plus à même d’avoir l’intention de créer leurs propres entreprises et ayant poursuivi un cursus
universitaire idoine pour la création d’entreprise.
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Après une incursion dans le champ de l’entrepreneuriat qui propose un ancrage théorique à travers
l’examen d’écrits sur la culture et l’intention entrepreneuriales , nous tenterons de présenter le
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cadre méthodologique et notre modèle d’investigation pour ,enfin, présenter et discuter les
résultats auxquels nous avons abouti.
2. La culture entrepreneuriale
Tout individu appartient à une entité culturelle, avec qui il partage des normes et un système de
valeurs. La culture regrouperait alors l’ensemble des connaissances acquises dans le groupe ainsi
que les us et coutumes acquis pas l’expérience au sein du groupe (Léger-Jarniou, 2008). Selon le
Petit Larousse (1980), elle représente l’ensemble des structures sociales et des comportements
collectifs caractérisant une société, alors que pour Hofstede (1980), la culture est une
programmation mentale collective propre à un groupe d’individus. Léger-Jarniou (2008), quant à lui,
soutient que la notion de culture entrepreneuriale renvoie à celle plus large de culture et mobilise
l’entrepreneuriat comme processus de création de valeur et acte du développement de l’esprit
entrepreneurial, et ce, quelle que soit la situation. Ces auteurs soutiennent que la culture
entrepreneuriale ne peut être étudiée sans faire référence à la pédagogie qui permet de la
développer. Heinonen et Poikkijoki (2006) ont insisté sur la nécessité d’un nouveau modèle
d’éducation qui insiste sur l’expérimentation, l’action ou l’enseignement par la pratique comme une
pédagogie louable. Le développement des comportements et attitudes, qui sont le coeur de
l’entrepreneuriat, met en avant les processus d’apprentissage et, bien évidemment,
l’environnement de l’apprentissage qui doit les encourager à s’engager activement. Cela suppose un
enseignement orienté sur l’action, et encourageant l’apprentissage par l’expérimentation. Pour
Léger-Jarniou (2008), faire évoluer les attitudes et les comportements demande une pédagogie
particulière : la pédagogie classique permet d’apporter des connaissances, alors que la pratique, la
mise en situation et la confrontation à des problèmes apportent de l’expérience qui va, au fûr et à
mesure, modifier les aptitudes, les attitudes et la personnalité. Il soutient que l’évaluation est un
élément-clé du processus d’apprentissage. Celle-ci doit être, selon Hadji (1992), l’acte par lequel on
formule un jugement de valeur portant sur un objet déterminé par le moyen d’une confrontation
entre deux séries de données qui sont mises en rapport : des données qui sont de l’ordre du fait et
qui concernent l’objet réel à évaluer, et des données de l’ordre de l’idéal et qui concernent des
attentes, des intentions ou des projets s’appliquant au même objet. 5
En tout état de cause, on peut recenser dans la littérature (Léger-Jarniou, 2008 ; Arenius et Minniti,
2005) que la culture entrepreneuriale est liée à l’innovation, la créativité, l’attitude face à la prise de
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(Ajzen, 1991)
- Désirabilité
3- Besoin d’accomplissement.
4- Recherche d’autonomie (Shapero, Sokol, 1982)
5- Prise de risque.
6- Existence de modèles
d’entrepreneurs. - Les normes subjectives
7- Motivation à se conformer aux
attentes de la famille et des L’intention
proches.
(Ajzen, 1991)
entrepreneuriale
8- Influence des condisciples qui
souhaitent entreprendre et/ ou qui - Désirabilité
ont des idées, concepts ou projets
d’entreprendre.
(Shapero, Sokol, 1982)
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que l’attitude d’un étudiant envers la création d’une entreprise reposerait sur ses valeurs
professionnelles et sa vision de l'entrepreneuriat. Quant à la faisabilité, elle dépendrait de la
confiance de l’étudiant en sa capacité à mener à bien les tâches jugées critiques pour la réussite d'un
processus entrepreneurial.
En définitive, on peut noter que l’intention entrepreneuriale est déterminée par la désirabilité de cet
acte et par la capacité perçue, deux dimensions qui sont elles-mêmes le reflet des croyances des
étudiants. Faut-il alors, pour bien comprendre la structuration de l’état d’esprit des étudiants,
étudier de près ces croyances.
Cependant, force est de relever que, dans ce modèle, il y a une forte sous-évaluation de la place des
opportunités dans l’acte entrepreneurial qui, parfois, surpassent les intentions.
Rappelons que notre étude ne porte pas sur le processus de décision d’action entrepreneuriale, mais
sur les intentions de la population étudiante. Pour Tounès (2007), l’intention est le résultat d’un long
processus dicté par les actions et les motivations des étudiants, l’existence de modèles
d’entrepreneurs, les attentes de la famille ou de l’entourage immédiat, la culture entrepreneuriale
de l’établissement et les perceptions de faisabilité de l’acte d’entreprendre ; la formation
entrepreneuriale n’ayant pas d’effet très significatif sur l’évolution de l’intention entrepreneuriale
(Boissin et Emin, 2006).
Kolvereid (1996), étudiant un échantillon d’une centaine d’étudiants norvégiens en école de
commerce, montre que l’intention de créer son entreprise est significativement corrélée avec les
attitudes comportementales, les normes sociales et le contrôle comportemental perçu. Ces deux
derniers ont plus d’effet sur l’intention que les premières. Les variables sociodémographiques
individuelles n’ont pas d’impact significatif sur l’intention, bien qu’elles soient corrélées avec les
normes sociales et le contrôle perçu.
Krueger et al. (2000) ont appliqué le modèle d’Ajzen sur le choix de carrière d’une centaine d’anciens
élèves d’école de commerce aux Etats-Unis. Analysant la faisabilité perçue et les attitudes qui
déterminent significativement l’intention, ils ont abouti aux mêmes résultats que celui de Kolvereid,
à savoir que la faisabilité a plus d’effet sur l’intention que les attitudes comportementales. En
revanche, ils ont abouti au résultat que les normes sociales n’ont pas un impact significatif, à
l’inverse des résultats trouvés par Kolvereid (1996). Kennedy et al. (2003) montrent, à partir d’un
échantillon de mille étudiants australiens, que le modèle d’intention d’Ajzen s’applique bien avec un
8
effet de trois grands types de variables.
Emin (2003), sur une étude de sept cent quarante-quatre chercheurs publics travaillant dans la
région de Paris, a démontré que le modèle d’intention peut être utile pour prédire les intentions de
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créer une entreprise en milieu académique. Sur la même ligne d’idée, l’auteur argue que si le désir
de créer une entreprise et la faisabilité perçue contribuent significativement à la prédiction de
l’intention de créer une entreprise, l’influence de la norme sociale perçue n’est pas significative. Les
croyances de l’importance du rôle des professionnels n’ont pas non plus d’effet direct sur l’intention
de créer une entreprise. Cependant, la norme sociale et le rôle professionnel perçu ont un impact
indirect via leur influence sur le désir de créer. Son étude révèle un autre résultat intéressant :
l’existence d’un poids prépondérant du désir d’agir dans la prédiction de l’intention.
L’ensemble de ces résultats confirme l’intérêt du modèle du comportement planifié pour l’étude de
la création d’entreprise. Aussi, dans notre approche, avons-nous utilisé ces trois déterminants
principaux de l’intention que sont les attitudes comportementales, les normes sociales et le contrôle
perçu.
Nous avons comme objectif de vérifier les résultats obtenus à partir d’un échantillon de diplômés de
l’Ecole Supérieure de Commerce, au terme de l’année universitaire 2008/2009. Notre échantillon a
répondu à un questionnaire auto-administré, c'est-à-dire distribué lors de l’obtention de leurs
attestations de réussite par l’administration, et administré en langue française.
L’échantillon est constitué de 49 étudiants ayant obtenu leurs diplômes pour l’année 2008/2009,
dont 30.6% sont de sexe masculin.
Le traitement des données a été réalisé avec le logiciel d’analyse de données SPSS.
Se conformant aux travaux d’Ajzen et Fishbein (1980), l’intention a été mesurée en tenant compte
de l’alternative professionnelle : salariat / entrepreneuriat. Trois items ont été établis : (1) la
probabilité que vous créez votre entreprise est très forte, (2) la probabilité que vous poursuivez une
carrière de salarié est très forte et (3) si vous devez choisir entre créer votre entreprise et être
salarié, vous préféreriez, certainement, créer votre entreprise. En préambule du questionnaire, il
était précisé que l’étudiant devait prendre la « création d’entreprise » dans une acception large. 9
Les déclarations du niveau d’accord des jeunes diplômés ont été saisies avec les mesures suivantes:
de 1 «désaccord total » à 7 « accord total ».
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Pour maintenir la cohérence interne des items formant les composantes mises en évidence, nous
retenons, dans notre analyse, seulement, les items 1 et 3 (alpha de Cronbach > 0.5 = 0.813).
Une analyse en composantes principales a été effectuée pour factoriser ces deux items (signification
de Bartlet < 0.001). Nous avons obtenu un seul axe appelé « intention » dont la valeur propre est
supérieure à 1 ; il explique 84.5% de la variance totale initiale.
Les variables intervenant dans l’intention entrepreneuriale sont nombreuses, et nous en avons choisi
un certain nombre qui sont mieux à même de répondre à notre sujet de préoccupation. Ce choix
n’est certes pas objectif. Cependant, notre problématique nous conduit à retenir les hypothèses de
Tounès (2006) qui nous semblent les plus explicatives de l’intention entrepreneuriale d’une
population estudiantine évoluant dans un contexte précis, soit le suivi d’une formation en
entrepreneuriat.
12 items décrivent les diverses caractéristiques de l’intention entrepreneuriale. 2 items énoncent les
attitudes associées au comportement, 6 items mesurent les normes subjectives ou sociales et 4
items mesurent les perceptions du contrôle comportemental. L’étudiant devait répondre sur sa
perception de ces items tant pour la qualité de sa vie professionnelle future que pour la qualité de
vie issue de la carrière d’un entrepreneur.
La quasi-totalité des items a été saisie sur des échelles de Likert à 7 points.
Nous appliquons la méthode de l’analyse en composantes principales afin de réduire les items
utilisés pour chacun des 3 éléments. Le tableau ci-dessous dénote les résultats suivants :
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Dans les trois cas, l’analyse de fiabilité des items utilisés atteint un alpha de Cronbach > 0.5.
Nous supprimons les items dont la corrélation avec les axes est trop faible (<0.5).
Nous obtenons quatre facteurs explicatifs de l’intention entrepreneuriale. Le facteur 1 définit les
attitudes associées au comportement de l’étudiant, le facteur 2 et le facteur 3 décrivent les normes
subjectives ou sociales, et le facteur 4 décrit les perceptions du Contrôle comportemental.
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En réalisant une régression linéaire multiple, avec les quatre facteurs combinant la désirabilité et la
faisabilité, nous sommes arrivés à mieux expliquer l’intention entrepreneuriale des étudiants
consultés.
Les facteurs 1 et 3 sont les variables déterminantes de l’intention, leurs coefficients sont positifs et
significatifs. Le faible coefficient de détermination de l’intention entrepreneuriale, soit 22.9%, nous
laisse penser qu’il y a d’autres facteurs explicatifs de l’intention qui ne sont pas incorporés dans
notre démarche, à l’instar du sexe de l’interviewé ou la situation de l’emploi au moment de
l’enquête.
Il n’en demeure pas moins que l’impact du facteur 1 sur l’intention est positif et significatif. En effet,
l’intention entrepreneuriale s’accroît en améliorant les attitudes associées au comportement de
l’étudiant. Nous soutenons, en effet, que la pratique et la confrontation aux problèmes apportent
l’expérience nécessaire pour modifier les aptitudes de l’entrepreneur potentiel et réorienter ses
attitudes et sa personnalité. Ceci corrobore avec les conclusions de Léger-Jarniou (2008) pour qui la
pédagogie classique permet, certes, d’apporter des connaissances, mais pour faire évoluer les
attitudes et les comportements, il faut appliquer une pédagogie particulière.
L’impact non significatif du facteur 2 implique que les normes sociales ne sensibilisent pas
l’intention entrepreneuriale. Ce résultat mentionne que l’impact de la culture entrepreneuriale chez
les nouveaux diplômés de notre échantillon est faible ; la culture entrepreneuriale étant celle qui 12
met en valeur les caractéristiques de la personne qui stimule son désir d’entreprendre et qui
accentue son individualisme, sa marginalité et son besoin de se réaliser et de prendre des risques
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(Johannisson, 1984). Par ailleurs, ce résultat est en opposition avec plusieurs études (Van Auken et
al. 2006 ; Gasse et al. 2006 ; Shivani et al. 2006) qui montrent que les individus qui ont des parents,
chefs d’entreprises, ou qui exercent une activité de travailleur indépendant, seraient plus enclins à
créer des entreprises ou, du moins, à en présenter l’intention. Selon Mezhoudi (2001), la famille,
dans le contexte tunisien, joue deux rôles importants dans l’accomplissement de l’activité
entrepreneuriale chez le créateur : le premier est financier, et le second le réconfort. Elle intervient
pour minimiser le coût de création. En effet, les fournisseurs, ayant des liens de parenté avec le
créateur, peuvent lui accorder des facilités de paiement. Les prêts accordés par les parents forment
un bon réconfort au créateur. Ceci semble évident dans la mesure où la création d’entreprise est
une aventure que l’individu ne peut mener seul, bien qu’il soit l’acteur principal. Son réseau
relationnel est autant important que son effort personnel. Son réseau relationnel, qu’il soit constitué
de relations familiales, professionnelles ou sociales, lui permet d’obtenir les informations
nécessaires, éventuellement l’aide financière, administrative qu’il faut pour réaliser son projet dans
un temps opportun. Pour Aldrich et al. (1994), les relations interpersonnelles permettent à
l’entrepreneur de surmonter les difficultés de la création, d’étendre son champ d’action, de gagner
du temps et d’accéder à des ressources et opportunités autrement inaccessibles.
Le facteur 3 stimule positivement et significativement l’intention entrepreneuriale. Ce résultat
montre que les groupes d’influence de l’entourage privé du créateur correspondent
traditionnellement aux groupes d’amis et aux groupes ethniques qui, dans certains pays, sont
associés à l’activité entrepreneuriale (Shapero et Sokol ,1982). En effet, très souvent l’intention
d’entreprendre est suggérée par des amis qui sont prêts à s’associer pour créer leur propre emploi.
La non significativité du facteur 4 montre que les perceptions du contrôle comportemental n’ont pas
d’effet sur l’intention entrepreneuriale. Ce résultat soutient que le parcours éducatif, les expériences
entrepreneuriales (stages, petits boulots, vie associative, etc.) et l’accessibilité aux
ressources (financières, informations et conseils) ne stimulent pas l’intention des jeunes diplômés à
créer leurs propres entreprises. À se demander si l’enseignement et la formation peuvent avoir un
quelconque impact sur l’intention entrepreneuriale, les résultats auxquels nous sommes parvenus
révèlent que ce facteur enseignement ainsi que celui des moyens de financement ne sont pas de
nature à influencer l’intention d’entreprendre. Il y a lieu alors à se demander pourquoi engager, au
niveau des écoles et des universités, tant de moyens pour l’apprentissage de l’entrepreneuriat, alors
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que le résultat escompté ne va pas dans le sens de la stimulation, ni de l’intention entrepreneuriale,
ni de la création d’entreprise proprement dite.
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6. Conclusion
La création d’entreprise est un vecteur important pour la création d’emploi et de la richesse. Cette
création d’entreprise, elle-même, est précédée par l’intention de créer. Peut-on alors séparer
l’intention d’entreprendre de l’acte lui-même. Certes, toutes les intentions ne sont pas concrétisées,
cependant, elles représentent le meilleur prédicateur de l’acte d’entreprendre. Nous avons, dans
cette démarche, tenter d’expliquer l’intention d’entreprendre à travers différents facteurs,
essentiellement les facteurs liés aux attitudes associées au comportement, aux normes sociales et
aux perceptions du contrôle comportemental.
Nous avons cherché à apporter des éléments de réponse à la question de savoir comment ces
facteurs peuvent-il influencer l’intention de créer sa propre entreprise. Nous avons ciblé le milieu
estudiantin qui nous a semblé le milieu à même d’être sensibilisé sur la question, eu égard à la
formation et la compétence acquises qu’il a reçues.
Nos résultats dégagent, seulement, l’importance des attitudes comportementales dans l’intention
entrepreneuriale. Les normes sociales (majoritairement définies par le facteur 2) et les perceptions
comportementales restent non significatives. L’importance de l’impact du facteur 3 sur l’intention
révèle que l’intention accroît, significativement, avec l’influence par les condisciples qui souhaitent
entreprendre. En effet, ce résultat montre l’importance de la formation entrepreneuriale dans les
universités. Aujourd’hui, avec l’augmentation du chômage des diplômés, les institutions
universitaires sont interpellées de former et de sensibiliser des bacheliers, à travers différents
processus pédagogiques, à la création de leurs propres entreprises. L’enseignement de
l’entrepreneuriat constitue une pédagogie éducative qui est non seulement répandue dans les
écoles de management (elle se situe à des formations en sciences de gestion), mais de plus, la
majorité des écoles cherchent toutes à développer leur propre formation à l’entrepreneuriat
(Solomon et al. 2002 ; Katz, 2003). Ces enseignements transmettent des connaissances sur les
valeurs, les attitudes et les motivations des entrepreneurs et sur les raisons de l’action
d’entreprendre.
En effet, ils développent la culture entrepreneuriale d’une nation face à l’accroissement de la
complexité, au phénomène de globalisation et à la difficulté d’anticipation sur les marchés quels
qu’ils soient. L’éducation et la formation à l’entrepreneuriat répondent aux objectifs de réussite 14
pour nos économies aux niveaux économique, politique, social et technologique et incitent les
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