DOSSIER 3-Combat-Esclavage-Discriminations Raciales-Racisme
DOSSIER 3-Combat-Esclavage-Discriminations Raciales-Racisme
DOSSIER 3-Combat-Esclavage-Discriminations Raciales-Racisme
Article 2 - Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion
catholique, apostolique et romaine. […]
Article 3 - Interdisons tout exercice public d'autre religion que la religion catholique, apostolique et
romaine. Voulons que les contrevenants soient punis comme rebelles et désobéissants à nos
commandements.
Article 12 - Les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront
aux maîtres des femmes esclaves et non à ceux de leurs maris, si le mari et la femme ont des maîtres
différents.
Article 16 - Défendons (…) aux esclaves appartenant à différents maîtres de s'attrouper le jour ou la
nuit sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l'un de leurs maîtres ou ailleurs, et encore moins
dans les grands chemins ou lieux écartés, à peine de punition corporelle qui ne pourra être moindre
que du fouet et de la fleur de lys ; et, en cas de fréquentes récidives et autres circonstances
aggravantes, pourront être punis de mort, ce que nous laissons à l'arbitrage des juges. (…)
Article 25 - Seront tenus les maîtres de fournir à chaque esclave, par chacun an, deux habits de toile
ou quatre aunes de toile, au gré des maîtres.
Article 33 - L'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs
enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort.
Article 35 - Les vols qualifiés, même ceux de chevaux, cavales, mulets, bœufs ou vaches, qui auront
été faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis de peines afflictives, même de mort, si le
cas le requiert.
Article 38 - L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître
l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lis une épaule; s'il
récidive un autre mois pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué
d'une fleur de lys sur l'autre épaule; et, la troisième fois, il sera puni de mort.
Article 42 - Pourront seulement les maîtres, lorsqu'ils croiront que leurs esclaves l'auront mérité, les
faire enchaîner et les faire battre de verges ou cordes.
Article 44 - Déclarons les esclaves être meubles […].
NOTES : 1) Nègres : le terme n’a rien de péjoratif à l’époque. 2. Eunuque : homme châtré qui gardait les
femmes dans les harems orientaux. - 3) Conséquence : importance. Le roux est la couleur du Mal dans
l’Égypte antique. - 4) Policées : civilisées. - 5) Conventions : traités internationaux. 6) Miséricorde : valeur
chrétienne, sensibilité au malheur d’autrui.
NOTES : 1. nègre : pour rappel, le terme n’a pas de sens péjoratif à l’époque. 2. sujet dramatique : pièce
de théâtre.
CORPUS 2 : LUTTER CONTRE LE RACISME ET LES
DISCRIMINATIONS RACIALES AUX XXE ET XXIE S.
TEXTE 1 – Léopold Senghor, « Á mon frère blanc » (1935)
[Léopold Sédar Senghor est un homme d'État, poète, écrivain sénégalais. Il est ministre en
France avant l'indépendance du Sénégal et devient premier président de la République du Sénégal en
1960. Il est aussi le premier africain à siéger à l'Académie française.]
Cher frère blanc,
Quand je suis né, j’étais noir,
Quand j’ai grandi, j’étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux,
Qui est l’homme de couleur ?
NOTES : 1. Boys : nom donné aux domestiques noirs au service des colons blancs. - 2. Morgue :
mépris, arrogance. - 3. Muflerie : grossièreté, brutalité. - 4. Garde-chiourme : surveillant. - 5. Chicote :
donneur de coups de fouet. - 6. Congo-Océan : ligne de chemin de fer construite pendant la colonisation
TEXTE 3 –Martin LUTHER KING, « I have a dream », discours à Washington (1963)
Martin Luther King et le mouvement des droits civiques aux USA
Les Afro-Américains ont défendu leurs droits et leur intégration dans la société américaine.
1955 – Une femme Noire, Rosa Parks, refuse de céder
sa place à un Blanc dans un bus. Le pasteur et militant
Martin Luther King (activiste au sein de la National
Association for the Advancement of Colored People =
association pour le progrès des gens de couleurs) lance
alors une campagne de protestation et de boycott
contre la compagnie de bus qui durera 381 jours.
1956 - 27 étudiants noirs de Little Rock
(Arkansas) sont refusés lorsqu'ils tentent de
s'inscrire dans des écoles blanches. À l'été 1957,
neuf étudiants sont choisis pour former la première
cohorte d'intégration des Noirs au Central High School de Little Rock.
28 août 1963 : discours de Martin Luther King
(« I have a dream ») prononcé devant le Lincoln
Memorial, à Washington, devant plus de 250 000
manifestants participant à la grande Marche organisée
pour la défense de l’emploi et de la liberté. Le Pasteur
appelle avec solennité à la fin du racisme aux USA et il
revendique l’égalité des droits civiques et économiques
entre les Blancs et les Afro-américains.
▶ VOIR la vidéo du discours « I have a dream »
(sous-titré en français)
https://www.youtube.com/watch?v=8ryy7eP0kks
1964 - Sous la présidence de John Fitzgerald Kennedy, un nouveau Civil Right Act est voté par
le Congrès, et cette fois, soutenu par la Cour suprême. Cet acte, avec le Voting Rights Act (loi sur le
droit de vote) de 1965, met effectivement fin à la ségrégation.
4 avril 1968 : assassinat de Martin Luther King
L’heure est venue d’émerger de la vallée obscure de la ségrégation pour avancer vers la
lumière de la justice raciale. L’heure est venue de sortir des sables mouvants de l’injustice
raciale pour prendre pied sur le roc solide de la fraternité. L’heure est venue de faire de la justice
une réalité.
Il n’y aura ni repos ni tranquillité en Amérique tant que le Noir n’aura pas obtenu ses
droits civiques. Nous devons toujours combattre sur le terrain de la dignité et de la discipline. Nous
ne devons pas laisser notre combat créatif dégénérer1 en violence physique. Encore et toujours, il faut
nous élever vers les sommets et répondre à la force physique par la force de nos âmes. La magnifique
ardeur militante qui s’est emparée de la communauté noire ne doit pas nous conduire à nous méfier
de tous les Blancs, car nombre de nos frères blancs témoignent ici par leur présence qu’ils ont compris
que leur destinée et la nôtre sont liées.
Même si nous traversons des moments difficiles, aujourd’hui et demain, je fais pourtant un
rêve. C’est un rêve profondément ancré dans le rêve américain.
Je rêve qu’un jour cette nation se lèvera et fera honneur à la vraie signification de son credo :
« Nous tenons ces vérités pour évidentes que tous les hommes naissent égaux. » Je rêve qu’un jour,
sur les collines rouges de Géorgie, les fils des esclaves et les fils des esclavagistes pourront
s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve qu’un jour même l’État du Mississippi, qui
se consume dans les feux de l’injustice, qui brûle du feu de l’oppression, se transformera en une oasis
de liberté et de justice. Je rêve que mes quatre enfants vivront un jour dans un pays où on ne les
jugera pas à la couleur de leur peau mais à l’aune de leur caractère. Je rêve qu’un jour, même
en Alabama, avec ses racistes malfaisants, son gouverneur qui n’emploie que des mots comme
«nullification» et « interposition », qu’un jour, en Alabama, des garçons et des filles noirs pourront
saisir fraternellement la main des enfants blancs.
Je rêve, aujourd’hui. Je rêve qu’un jour tous les vallons seront relevés, toutes les collines
seront aplanies, tous les rochers seront arasés2, tous les défauts seront corrigés, et que la gloire du
Seigneur sera révélée à tous les hommes.
Voilà notre espérance, voilà la foi que je remporterai dans le Sud. Avec cette foi, nous
arracherons à la montagne du désespoir le joyau de l’espérance. Avec cette foi, nous saurons
transformer la cacophonie3 de la discorde4 en une splendide symphonie5 de fraternité. Avec cette foi,
nous saurons travailler et prier ensemble, nous battre ensemble et aller en prison ensemble, nous
dresser ensemble pour la liberté, sachant que nous serons libres, un jour.
[…] Faites sonner la cloche de la liberté ! Et quand nous ferons sonner la liberté dans
chaque village et dans chaque hameau, dans chaque état et dans chaque ville, nous pourrons
hâter la venue du jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les
chrétiens, protestants et catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles de ce
vieux chant noir : « Libres enfin, libres enfin, merci Dieu-Tout-Puissant, nous sommes libres enfin».
Nous sommes ici aujourd’hui pour représenter les millions de personnes qui ont osé se
soulever contre un système social dont l’essence profonde était la guerre, la violence, le
racisme, l’oppression, la répression, et l’appauvrissement de tout un peuple. […] Ces
innombrables humains, à la fois à l’intérieur et en dehors de l’Afrique du Sud, ont eu la noblesse d’esprit
de s’opposer à la tyrannie et à l’injustice, sans chercher leur gain personnel. Ils ont compris qu’une
blessure faite à une personne est une blessure faite à l’humanité, et ont agi ensemble pour défendre
la justice et le sens commun de la décence humaine.
Notre récompense ne se mesurera que par la paix joyeuse qui triomphera un jour, car
l’humanité qui unit les blancs et les noirs en une seule et même race nous permettra de vivre
un jour tels des enfants du paradis. Ainsi vivrons-nous, car nous aurons créé une société qui
reconnaît que tous les hommes naissent égaux, et que tous ont le droit à la vie, à la liberté, à la
prospérité, aux droits humains et à une bonne gouvernance. Une telle société n’autorisera plus
jamais que certains soient faits prisonniers à cause de leurs idées. […] Qu’il ne soit jamais dit par les
générations futures que l’indifférence, le cynisme et l’égoïsme nous ont empêchés d’être à la hauteur
des idéaux humanistes. Que chacune de nos aspirations prouve que Martin Luther King 2 avait raison,
quand il disait que l’humanité ne peut plus être tragiquement liée à la nuit sans étoiles, du racisme et
de la guerre. Que les efforts de tous prouvent qu’il n’était pas un simple rêveur quand il parlait de la
beauté de la véritable fraternité et de la paix, plus précieuse que les diamants en argent ou en or.
Le livre de Kathryn Stockett a été adapté au cinéma par Tate Taylor en 2011.
Bande annonce du film The Help :
https://www.youtube.com/watch?v=ygvwBuY6dXw&ab_channel=WaltDisneyStudiosCanada
TEXTE 6 – Raoul PECK, « J’étouffe », article du 1er avril 2020
[Raoul Peck est un cinéaste haïtien (César du meilleur documentaire 2018 avec « I’m not your
negro »), ancien ministre de la culture, installé en France depuis de nombreuses années. En avril
2020, au lendemain des émeutes aux Etats-Unis suite au meurtre de Georges Floyd par un policier, il
s’exprime dans l’hebdomadaire « Le 1 » au sujet du racisme en France.]
La France est dans le déni. […]
Et le racisme dans tout cela ? J’y viens. Je veux simplement établir comment tout cela est lié.
Et qu’il ne s’agit pas juste d’une question de « détestation » de « l’autre ». Tout est connecté. Je ne
fais que raccorder les fils.
Car, comprenez-vous, le racisme brutal, laid, malveillant, n’arrive pas ainsi du vide. Il fait
partie d’une histoire bien orchestrée. Une histoire qui commence dès le XIe siècle, quand l’Europe
(catholique) part en croisade vers l’Est, pour exterminer les juifs et les musulmans (déjà !) ; puis vers
l’Ouest, pour décimer les Indiens d’Amérique ; puis vers le Sud, pour violemment amputer l’Afrique de
plus de 20 millions de ses habitants et fabriquer la plus vaste arnaque humaine qui soit et qu’on a
pudiquement appelée le « commerce triangulaire ». Un triangle de la mort qui va littéralement
construire Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Saint-Malo, Le Havre, et j’en passe. Cette phénoménale
accumulation de richesse lancera définitivement le système capitaliste moderne, tel qu’on le connaît
aujourd’hui.
Oui, tout est lié, voyez-vous. C’est bien la même histoire. Il n’y en a qu’une seule,
malheureusement contée par ceux qui en sont sortis riches. Plus rarement racontée du point de vue
de ceux qui en ont payé le prix. […]
Les policiers qui ont étouffé Adama Traoré ne savent pas vraiment d’où vient la France, mais ils
sentent diffusément, quelque part, au fond d’eux-mêmes, qu’ils font partie des « vainqueurs », alors ils
frappent […]
En allant plus loin et en essayant d’être un brin plus honnête, on voit bien que le racisme, ce
n’est pas vraiment qu’on déteste les Noirs, qu’on déteste les Arabes, qu’on n’aime pas les
Chinois, qu’on a peur des « racailles » de banlieue. Tout cela on le sait, bien sûr, et on le vit.
Mais on voit tout aussi bien que, pris un à un, ils sont bien comme vous, ces braves
beurs/blacks. Surtout lorsqu’ils gagnent des médailles bleu/blanc/rouge, nous font rire sur la scène,
à la télévision, au cinéma et pleurer quand il/elle chante « si bien » le spiritual, le blues, la soul, même
le rap. Tout ça, vous le savez. La question est maintenant de savoir ce que vous allez en faire.
Réfléchissez bien avant de répondre. Car ceux qui arrivent ne sont plus aussi patients. Ni aussi
pacifiques. […]
Oui, la France m’a beaucoup donné à titre individuel. Mais elle a tout repris à mon collectif.
Combien de fois, en France, n’ai-je pas eu à répondre à un journaliste ou à un spectateur bien- pensant
que mon film I Am Not Your Negro n’était pas un film sur les États-Unis. Je voyais bien comment
cela rassurait que cela se passe là-bas, très loin, chez les affreux Américains, résolument
d’épais racistes sans éducation et sans manières. Que ce genre d’abus puissent se passer en
France n’est pas imaginable. Je voyais bien dans leurs yeux qu’il fallait que je les rassure, qu’il
fallait que je confirme que ÇA, c’est l’Amérique, PAS la France. Parfois, par politesse ou par
fatigue, je me taisais. Je renonçais à expliquer, une énième fois, que c’était également la réalité
française, tous les jours, systématiquement. Aussi brutale. Aussi vulgaire.
Mais il ne s’agit pas de dosage ici. Le racisme « light » est aussi du racisme. Il fait tout aussi
mal. Surtout lorsqu’il perdure innocemment et s’accumule. Le raciste qui s’ignore remplit tout aussi
bien sa tâche. Même caché derrière un paternalisme de bon aloi, il reste tout aussi brutal et
efficace. J’aimerais toutefois préciser que quand je parle de racisme en France, je ne parle ni de M.
Zemmour, ni de M. Ménard, ni de Marine et consorts, faciles à identifier et qui sont là pour dire tout
haut ce que d’autres disent en privé et pour servir de défouloir sociétal. Ce serait trop facile. Ils servent
parfaitement bien à cacher la laideur envahissante et le silence de la majorité… […]
La démocratie, c’est la paix en Europe, mais la guerre ailleurs. Confortablement installés
dans un arrondissement sécurisé, nettoyé quotidiennement par des éboueurs « étrangers »,
alors que le reste du monde gémit. Ignorez-vous vraiment le prix de votre bien-être ? Ou faites-
vous semblant ?
Le racisme ? Juste une partie de la topographie. Car tout est connecté. La recherche de
superprofits qui écrase forcément un autre ailleurs, la destruction de la planète, l’exploitation
des plus faibles, la haine de l’autre, la consommation à outrance, quel qu’en soit le prix (encore
une fois payé par d’autres), tout cela, comme le miroir est brisé, rend négligent et indifférent.
« Jusqu’ici tout va bien », vous dites-vous, alors que le monde dévale étage après étage vers
le fond. La France, donc, est dans le déni. Et il est temps d’arrêter. Pas demain. Aujourd’hui. Que
chaque citoyen prenne sa part du fardeau et arrête d’observer à distance.