La Naissance Du Panafricanisme Les Racines Caraibes Americaines
La Naissance Du Panafricanisme Les Racines Caraibes Americaines
La Naissance Du Panafricanisme Les Racines Caraibes Americaines
LARA
LA NAISSANCE
DU PANAFRICANISME
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Ecoutons la Mer
Femmes et hommes du Voyage négrier
Ecoutons la Mer
et la chanson des oubliés...
... Il vous suffit de tendre l’oreille
A l’autre bord du rivage...
A Kindak
14 Voir à ce sujet Oruno D. Lara, Du l’Oubli à l’Histoire. Espace et identité caraïbes. Editions
Maisonneuve et Larose, Paris. 1998.
Prélude et fugue
19 H.R. Lynch, Edward Wilmot Blyden, 1832-1912, Pan-Negro Patriot, Londres, Oxford University
Press, 1967.
20 V.Y. Mudimbe, The Invention of Africa, Bloomington. Indiana University Press, 1988.
-2-
SUPPRESSION DE LA TRAITE NEGRIERE :
LA CROISADE DES BRITANNIQUES
La dépendance cubaine
Les planteurs de Cuba faisaient pression sur le gouvernement espagnol et
l’administration coloniale de l’île pour assurer l’importation des Africains
en nombre croissant. L’occupation de l’Espagne par les troupes françaises
ne sonna pas pour ces planteurs le temps de la révolution et de la sécession,
comme dans les autres possessions territoriales. Ils organisèrent avec la
complicité des négociants étrangers une Traite négrière cubaine et
dépendirent encore davantage du commerce international. Ils constituèrent
plusieurs compagnies de commerce. En 1819, La Havane comptait vingt-
deux grandes comerciantes pratiquant la Traite négrière. Ces sociétés
associées à des négociants étrangers, avaient fait venir à La Havane 95 817
Africains entre 1816 et 1820, sans compter les captifs débarqués par
l’interlope dans les autres ports de la grande île. Entre 1821 et 1829, 68 733
esclaves entrèrent à Cuba66. Aux Caraïbes, un réseau de Traite négrière se
développait, associant Cuba à Puerto Rico, aux Etats-Unis et au Brésil.
Le traité hispano-britannique du 23 septembre 1817 mettant fin à la
Traite négrière, avait été précédé par l’achat et le paiement — avec
l’indemnité reçue des Anglais — de cinq frégates et trois vaisseaux de ligne
construits par les Russes. Ce traité qui prétendait abolir la Traite négrière
dans les possessions espagnoles le 30 mai 1820, resta sans effet67. L’article
3 créait des commissions mixtes à La Havane et à Freetown (Sierra Leone).
Les Anglais voulurent en 1827 établir une base navale pour leurs croisières
à l’île de Fernando Po qui occupait une position géostratégique dans la baie
du Bénin. Il fut même question de transférer les commissions mixtes de
Freetown à Fernando Po, mais le projet n’aboutit pas68.
Les planteurs cubains, après l’arrêt des importations d’Africains à partir
du 30 mai 1820, se crurent les victimes d’une machination anglo-
portugaise. Ils se plaignirent aux autorités espagnoles de Madrid et
insistèrent pour être traités comme les Brésiliens. Ils demandèrent en
octobre 1818 au gouvernement espagnol de plaider leur cause devant les
Britanniques. Ils prônaient l’association de Cuba à des territoires africains
comme Fernando Po et Annobon, pour autoriser les transferts négriers,
comme le Brésil. Ce pays, en effet, avait réussi à faire croire que la
déportation transocéanique effectuée par les négriers correspondait à un
déplacement d’individus à l’intérieur des colonies portugaises.
La marine espagnole, qui devait opérer avec la Royal Navy, ne captura
que deux navires négriers entre 1820 et 1842, dont un négrier portugais ne
relevant pas de la cour de La Havane Dans la Mer des Caraïbes, la croisière
anglaise (British West Indian Squadron) se montra peu encline à poursuivre
les négriers espagnols de 1818 à 1821. Il y eut onze vaisseaux espagnols
négriers saisis et condamnés au Sierra Leone69, alors que dans le même
temps, un seul négrier espagnol était pris près de Cuba. Pourquoi cette
tiédeur de la marine anglaise aux Caraïbes alors que les corsaires
colombiens n’avaient aucune difficulté à s’emparer des négriers ralliant
Cuba ?
En Haïti, Christophe, Pétion et Jean-Pierre Boyer prirent des mesures
énergiques pour enrayer le trafic négrier. Le 2 février 1811, le brigantin
espagnol Santa Ana (Capitaine José Maria Peoly) qui appareillait des côtes
d’Afrique vers Cuba avec un chargement de captifs, fut saisi par un navire
de guerre haïtien. Conduit et condamné à Gonaïves, les autorités haïtiennes
libérèrent les 205 captifs africains et rendirent le navire dans un port
cubain70.
Les négriers de la région orientale de Cuba attaquaient les navires
marchands et effectuaient des raids de représailles sur les côtes haïtiennes.
Ils capturaient des hommes, des femmes et des enfants pour les vendre
comme esclaves. Ainsi, en 1812, une balandre (sloop) espagnole se saisit de
la goélette de pêche haïtienne la Poule d’Or. Son patron, Azor Michel, et
deux enfants furent vendus comme esclaves à Trinidad71. En décembre
1819, la corvette de guerre haïtienne le Wilberforce se saisit du brigantin
négrier espagnol Yuyu ou Dos unidos, port d’attache Cadix, et le conduisit à
Port-au-Prince où furent libérés les centaines de captifs destinés à
l’esclavage à Cuba. Le 26 mars et le 4 septembre 1820, les autorités
espagnoles de Madrid et de La Havane réclamèrent au Président Boyer la
restitution des captifs libérés. Le Président Boyer leur répondit le 24 janvier
1821 sur un ton de conciliation, mais refusa de livrer les Africains72.
Les Britanniques, mécontents du traité de 1817 qui n’arrêtait pas la Traite
négrière des Espagnols, les incitèrent à signer le traité du 28 juin 1835. Ce
texte déclarait la Traite négrière espagnole “totalement et finalement abolie
dans toutes les parties du monde”. Or, les planteurs cubains, après
l’abolition de l’esclavage dans les colonies anglaises en 1833, avaient
considérablement investi dans le trafic négrier. Après la promulgation du
nouveau traité à Cuba en mars 183673, beaucoup d’expéditions négrières se
firent sous couvert d’autres pavillons.
En mer des Caraïbes : forbans dans les entrelacs des Iles du Nord
L’analyse des rapports associant course et Traite négrière m’avait incité
naguère —en rédigeant mon ouvrage Caraïbes en construction : Espace,
Colonisation, Résistance — à m’interroger sur la position équivoque des
Etats-Unis et de certaines puissances neutres79.
Sur la trame de réseaux brésiliens et cubains qui se nouent dans le sillage
des négriers, comment ne pas saisir l’occasion au tournant des années 1818-
1822 de surprendre corsaires, flibustiers et pirates en mer des Caraïbes ?
Avec l’apogée de la marine à voile vers 1815 — bientôt l’arrivée des
clippers et des quatre ou cinq mâts — et le développement de la machine à
vapeur qui passe de la théorie à l’expérimentation pratique, s’amorce le
déclin de la course. Les Etats modernes, policés, centralisés, se montrent
soucieux de contrôler tous les instruments de leur politique étrangère,
particulièrement ceux qui peuvent provoquer la guerre. La disparition de la
course, quoique programmée, est pourtant retardée par l’apparition de
nouveaux foyers d’insurrection qui s’allument dans les possessions
espagnoles et portugaises d’Amérique. Entre 1815-1830, la mer des
Caraïbes fourmille de corsaires qui, pendant toute cette période
“révolutionnaire", répandent les idées de liberté et d’indépendance, tout en
pillant, en dépouillant, en vendant des cargaisons de nègres ou en libérant
certains lots de captifs débarqués en Haïti.
Les guerres de course aux Caraïbes échappent souvent aux règles
édictées en Europe. Comment distinguer comme autrefois et ailleurs,
course, flibuste et piraterie, corsaire et hors-la-loi, forban, pirate et
flibustier ? Pour les Espagnols et Portugais qui combattent les Insurgents,
corsaires ou révolutionnaires apparaissent comme des pirates, des brigands.
Alors que pour les patriotes républicains qui suivent Bolivar et Artigas, ces
pirates sont des corsaires, voire de glorieux combattants obéissant à des
États disposant de législation les autorisant à délivrer des “lettres de
marque”.
La circulation des bateaux négriers dans la Méditerranée des Caraïbes
entre l’Afrique et les colonies européennes des Amériques a toujours attiré
la convoitise des corsaires et pirates de toutes les nationalités. Pendant la
période révolutionnaire des guerres de l’indépendance, l’émergence du
Mexique, du Venezuela, de la Colombie et de l’Argentine s’accompagne du
développement de la course : les nouveaux Etats, quoique dotés parfois
d’un embryon de marine, ne peuvent pas écarter l’éventualité de faire appel
aux capitaux, aux personnels, aux bateaux et aux armements nord-
américains. Derrière ces entreprises privées, patriotiques, se profilent les
orientations politiques des Etats-Unis, leur ambition annexionniste, leur
convoitise territoriale et leur activité économique.
Dans l’Etat fédéral, la population en majorité prend fait et cause pour les
Insurgents. Le rétablissement de la paix en 1814 a provoqué une crise dans
la marine des Etats-Unis : les bâtiments restaient au mouillage, ces rapides
“Baltimore clippers” par exemple, gréés en brick ou en goélette ; les
marins, les armateurs et les marchands disposant de capitaux inemployés
s’engagèrent dans la course sous couvert des Insurgents espagnols.
Un groupe de commerçants et d’armateurs de Baltimore se constitua aux
Etats-Unis sous le nom de “American Concern” une véritable entreprise de
course80. On comptait parmi les membres les plus influents : le négociant
Joseph Karrick, le célèbre “commodore” Thomas Taylor81, l’ancien shériff
Matthew Murray, le “collector” des douanes James McCulloh, le juge
Theodorick Bland et son gendre, le maître de poste John Stuart Skinner,
considéré par Quincy Adams comme “ruffian, patriot and philanthropist...
the originator and cause of all the Baltimore piracies which have injured
and still deshonor the nation”82.
Le célèbre flibustier Jean Lafitte (1780-1825) dirigeait un nid de pirates
et de contrebandiers dans la baie de Barataria, à l’ouest de l’embouchure du
Mississippi83. Un autre aventurier, Gregor Mac Gregor avait été pourvu
d’une commission qui lui conférait le grade de major général et le titre de
“commandant en chef de toutes les forces tant navales que militaires
destinées à réaliser l’indépendance des Florides. dûment autorisées par les
autorités constituées des Républiques de Mexico, Buenos Aires, Nouvelle
Grenade et Venezuela”84. Cet aventurier avait pris possession, en juillet
1817 de l’île Amélia, sur la côte orientale de la Floride à la frontière de la
Géorgie. Curieusement, le 22 décembre 1817, l’île Amélia, possession
espagnole, était occupée par des forces régulières des Etats-Unis, “ayant
obtenu, sans effusion de sang, la capitulation de Aury et de ses hommes”85.
Pendant les années 1815-1825, les Caraïbes deviennent le théâtre
privilégié de la “course indépendante”, mettant en piste les corsaires
insurgés qui luttent pour l’indépendance de leur pays. Ces aventuriers
attaquent les navires négriers portugais et espagnols qui vont au Brésil ou à
Cuba et Puerto Rico. Ils doivent veiller à se méfier des croiseurs de la Royal
Navy qui patrouillent autour de leurs stations navales de Guyane, de
Jamaïque (Kingston) et de Trinidad. Les bâtiments capturés étaient, au
début, amenés à San Juan Griego, dans l’île Margarita, près de la côte du
Venezuela, alors au pouvoir de Bolivar, ou à Galveston (Texas), sous la
protection des amiraux Jean Aury et Luis Brion.
Les aventuriers flibustiers sont obligés de fuir la zone méridionale et de
chercher refuge au nord. C’est ainsi qu’on les aperçoit courant sus à
l’ennemi et accompagnant leurs prises dans les îles du nord : Bahamas,
Saint-Martin ou Saint-Eustache, Saba, les Iles Vierges danoises (Saint-
Thomas, Saint-Jean. Sainte-Croix) et Saint-Barthélémy, colonie suédoise.
Si, comme on l’a vu précédemment, la Hollande se montre sur mer une
partenaire fidèle de la Grande-Bretagne, ce n’est pas le cas des deux
puissances neutres : Danemark et Suède.
Les gouvernements insurgés de Cartagena, du “Congrès de Mexico” et
surtout de Buenos Aires délivrent des lettres de marque à des aventuriers
nord-américains qui donnaient la chasse aux navires espagnols. Ils amènent
leurs prises dans les ports des Etats-Unis où elles sont vendues.
Le Portugal bénéficie de la présence à Washington de 1816 à 1820 d’un
observateur privilégié, particulièrement bien informé : l’Abbé José Correia
da Serra (1750-1823), ambassadeur du Royaume-Uni de Portugal et Brésil.
Cet érudit, célèbre naturaliste, fondateur de l’Académie des Sciences de
Lisbonne, brillant causeur, a l’oreille des Présidents Thomas Jefferson,
James Madison, James Monroe, et John Quincy Adams, alors Secrétaire
d’Etat. Il a rassemblé une riche information sur les aventuriers nord-
américains qui s’en prenaient aux navires portugais. Il a en effet constitué
un dossier très documenté qui lui permit de formuler des accusations
fondées et d’être parfois entendu des autorités fédérales. C’est lui qui révèle
à Charles Bagot, en janvier 1819, une liste de noms de vingt huit corsaires
pirates des Etats-Unis, armés et équipés dans les ports suivants : douze
armés à Baltimore, six à la Nouvelle-Orléans, cinq à New York, deux à
Philadelphie et à Charleston, un à Barataria. Charles Bagot, le représentant
de la Grande-Bretagne à Washington transmet cette liste le 4 janvier 1819 à
Lord Robert Stewart, Vicomte Castlereagh, Secrétaire d’Etat aux Foreign
Affairs de 1812 à 182286.
Les corsaires nord-américains pillent également des bâtiments nord-
américains comme la Vestal et l‘Asia, capturés aux Bermudes et au Cap-
Vert en 181987. Hyde de Neuville, le représentant de la France, sur
instruction du Marquis Dessolles, le nouveau ministre des Affaires
Etrangères, se plaint des déprédations causées par les pirates armés “aux
Etats-Unis et particulièrement dans le port de Baltimore et naviguant sous
pavillon sud-américain”88.
Anglais et Français eux aussi, ont donc à se plaindre des corsaires. Ces
deux puissances associées à l’Autriche, à la Prusse et à la Russie protestent
contre la “piraterie organisée” au Congrès d’Aix-la-Chapelle en novembre
1818 en s’en prenant spécialement à Artigas le caudillo de la “Banda
oriental” qui délivrait des lettres de marque en tant que “Commandant en
chef des armées et Amiral de la Marine de la République Orientale”.
Les Etats-Unis, par la voix du Secrétaire d’Etat John Quincy Adams font
savoir le 29 mars 1819 que “le gouvernement des Etats-Unis éprouvait pour
les pirates de Baltimore autant de répugnance que les puissances
européennes elles-mêmes” et le Président Monroe lui ordonna d’écrire à
Elias Glenn, le Procureur (“Attorney”) du Maryland. Or Monroe et Adams
connaissent bien ce fonctionnaire, incompétent, mou, négligent, inefficace,
dont le fils passait pour avoir des liens d’amitié avec le milieu de la course.
En outre, l’administration fédérale refuse d’assimiler les corsaires d’Artigas
à des pirates comme le lui suggère le représentant du Portugal à
Washington89.
Les corsaires se heurtent à la difficulté de maquiller la provenance des
marchandises tirées des cargaisons, déclarées de bonnes prises, lorsqu’elles
sont ensuite débarquées dans certains ports des Etats-Unis. Aussi les
corsaires préférent-ils conduire leurs prises et leurs butins dans les Iles du
Nord.
La course aux Caraïbes répond à des nécessités économiques : assurer
l’approvisionnement des colonies en denrées de première nécessité. Les
corsaires établissent leur croisière sur les routes et les atterrissages les plus
fréquentés par les navires marchands et par les navires négriers.
L’activité des corsaires indépendants complique la tâche de la Grande-
Bretagne si déterminée à combattre la traite négrière. L’accroissement de
ses forces navales suscite un effort important des autres puissances pour le
contrôle et la police des mers. La navigation à vapeur donne un avantage
accru aux pays qui ont la possibilité de poursuivre des négriers “interlope"
et “pirates”. Toutefois, en 1856, les Etats-Unis, le Mexique et l’Espagne
refusent encore de signer la Déclaration de Paris qu’adoptent la plupart des
puissances européennes qui renoncent solennellement à la course.
Tandis que les Insurgents recourent à la course, l’Espagne se replie sur
Cuba et sur Puerto Rico où jusqu’en 1898, elle maintiendra une station
navale à La Havane. Après la fin de la trève de 1821, la recrudescence de la
piraterie — pratiquée souvent par les corsaires espagnols sur les côtes
cubaines — et le désordre règnent en mer des Caraïbes où corsaires et
pirates essaiment les côtes de Haïti et de Saint-Domingue, s’établissent aux
Bahamas et vont se réfugier dans les petites îles du nord : Saint-Martin,
Saint-Barthélémy, Saint-Eustache et les Iles Vierges danoises (Saint-Jean,
Saint-Thomas, Sainte-Croix), loin des navires anglais qui croisent plus au
sud.
Par le “traité transcontinental” de février 1819, l’Espagne cède aux Etats-
Unis les deux Florides et les immenses territoires du Missouri ainsi que ses
droits sur l’Oregon, contestés par l’Angleterre. Le gouvernement espagnol
en avril 1820, fait pression pour obtenir du gouvernement fédéral la
cessation de toute aide aux Insurgents pour prix de la ratification de
l’accord par le roi d’Espagne90.
Aux Nord-Caraïbes, bénéficiant de la complaisance, voire de la
complicité des administrateurs danois et suédois, les corsaires inondent les
îles de produits saisis sur les navires luso-brésiliens : nègres, sucres, rhum,
café, vins, épices, cotons, cuirs brésiliens ou objets manufacturés d’origine
portugaise vendus publiquement sans autre forme de procès avant d’être
réembarqués en toute innocence sur des navires nord-américains à
destination des Etats-Unis (News from St. Banholomews, 12 juillet 181891.
Le traité conclu entre l’Etat fédéral et la Suède en 1816 prévoyait que les
navires nord-américains seraient autorisés à trafiquer entre Saint-
Barthélemy et certains ports des Etats-Unis.
Les forbans se précipitent à cette époque autour de la petite île de Saint-
Barthélémy et surtout de ses dépendances la Fourchue ou Cinq-Iles—en
anglais Five Peaks Islands, en suédois Fem öarne— et Tintamarre (Flat
Island).
Le Gouverneur suédois de l’île Saint-Barthélémy Johan Samuel
Rosensvärd (1816-1818) meurt subitement, de manière accidentelle en
décembre 1818 et Johan Norderling (1818-1826) le remplace92.
Pendant la guerre de l’indépendance des Etats-Unis, des vaisseaux
négriers avec leur chargement, des corsaires et pirates avec leurs butins
venaient déjà se réfugier dans la baie de l’île Fourchue ou à Saint-Thomas.
Les administrateurs suédois et danois plaident leur impuissance à combattre
le commerce interlope. Des essaims de corsaires et de pirates accourent aux
époques révolutionnaires pour pratiquer la contrebande des nègres, des
armes, de la poudre et des marchandises échangées contre des pièces d’or.
Rosensvärd et Norderling ont été soupçonnés de les laisser faire en se
faisant payer. Les corsaires des républiques caraïbes et sud-américaines,
porteurs de "lettres de marque" distribuent doublons et piastres à Saint-
Barthélémy et à Saint-Thomas. Ils disposent là, entre Saint-Martin et les
Iles Vierges d’excellents mouillages où ils transbordent leurs prises sur des
barques qui les répartissent dans les îles voisines. Les marchandises
circulent librement dans les colonies de la Suède et du Danemark avec
l’accord tacite des gouverneurs. Et, en outre, les pirates ont la possibilité de
compléter leurs équipages et leurs armements93.
Un gros vaisseau négrier de Nantes arrive le 4 octobre 1820 suivi de son
“conducteur”, un corsaire, à la Fourchue. Une partie du chargement de
nègres est vendue, le reste part pour Saint-Thomas. Le gouverneur
Norderling paraît satisfait de constater peu après “que le commerce allait
bon train : les magasins et les boutiques qui étaient fermés depuis
longtemps ouvraient de nouveau, bien achalandés, et les piastres et les
doublons roulaient, même dans les estaminets. On payait ses dettes, les
droits de douane rapportaient jusqu’à trois milles piastres par mois...”94.
Les autorités suédoises de l’île Saint-Barthélémy signalent les
interventions des navires anglais, français et nord-américains dans la baie
de la Fourchue. Leurs “cutting out operations” suscitent des protestations
diplomatiques des Suédois. C’est ainsi que nous apprenons qu’une escadre
française commandée par l’Amiral Duperré s’empare en juin 1820 d’un
“croiseur venezuelien" et de sa prise, un vaisseau de commerce. Quelques
mois plus tard, en octobre, un vaisseau de guerre anglais — capitaine
Willoughby — saisit un “corsaire rebelle” dans la rade de la Fourchue.
Plusieurs autres captures s’opèrent dans les eaux territoriales suédoises.
Mais en 1821 l’affaire se révèle plus grave : des pirates s’emparent d’un
brick négrier arborant pavillon des Etats-Unis. Ils le conduisent devant la
Fourchue et débarquent le chargement de trois cent quatre vingt nègres
captifs pour les vendre pour la somme totale de 30.000 dollars US. Le brick
saisi devenu un bâtiment pirate le Jupiter est pris par les Suédois le 24
septembre 1821. Norderling — et son gendre Haasum —, accusé d’être lié
à ces pirates, malgré ses dénégations, s’empresse de vendre le navire au
profit de l’administration coloniale suédoise. Deux marchands d’esclaves
Bigwood et Debouille, originaires des Etats-Unis, très connus des pirates,
semblent avoir été les informateurs de l’administration fédérale dans cette
affaire. Les Suédois resteront sourds aux protestations nord-américaines.
Ces vexations expliquent peut-être la décision prise par le Consul des
Etats-Unis à Saint-Barthélémy, Robert Monroe Harrison, d’écrire —sous le
nom de Théodore Gusfeldt— à Correia da Serra, à Washington, le 21 juin
puis le 26 et le 2 juillet 1822 pour lui révéler certaines opérations illicites
des gouverneurs. Le Consul Harrison avait auparavant représenté les Etats-
Unis à Saint-Thomas avant de servir à Saint-Barthélémy depuis trois ans.
L’administration fédérale se plaignait depuis quelques années de la
destruction de ces bâtiments comme le Général Armstrong, un navire
corsaire attaqué et coulé par un croiseur anglais le 26 septembre 1814
devant le port de Fayal (Brésil). On apprend ainsi que Robert M. Goodwin,
un des armateurs du corsaire qui s’empara du brick luso-brésilien Sao João
Protector le 12 mars 1817 non loin de Santa Marta et amené à Saint-Barts a
remis 25.000 dollars au gouverneur Rosensvärd. Quand à Norderling
“l’archipirate”, il empoche une autre fois la coquette somme de 80.000
dollars.
L’ambassadeur Correia da Serra juge nécessaire en novembre 1818
d’accréditer William Cock, un résident des Etats-Unis en qualité d’agent
permanent du Consulat général de Portugal aux Etats-Unis auprès de
Rosensvärd et auprès de Bentson, le gouverneur de l’île danoise de Saint-
Thomas. Par ailleurs il recommande plusieurs fois mais sans succès, l’envoi
de navires de la marine royale de son pays, en mer des Indes Occidentales,
pour nettoyer les nids de pirates qui se multiplient et gênent la navigation
des bâtiments négriers luso-brésiliens. Il préconise l’envoi de quelques
frégates pour "surveiller les mouvements des pirates, les contraindre à
respecter le pavillon de S.M. et châtier les insolents”95.
Norderling se montrant aussi lié aux forbans que son prédécesseur
William Cock, juge préférable de renoncer à sa fonction plutôt que de
perdre la vie. Les corsaires indépendants étendent leur rayon d’action aux
îles Saint-Martin, Saint-Eustache et même en Guadeloupe.
Un nouvel agent itinérant, Richard Alsop est accrédité en juin 1819
auprès des gouverneurs anglais, français, hollandais, suédois et danois
jusqu’en février 1820. Il remet alors un important et volumineux rapport à
l’ambassade de Washington, dans lequel il constate : “les horreurs
commises contre le commerce portugais par des corsaires notoirement
connus dans les Indes Occidentales”96.
Une contrebande des captifs africains est pratiquée entre le Cap-Vert ou
le Golfe du Bénin et La Havane, par des navires nord-américains rebaptisés
et naviguant sous pavillon portugais. L’administration fédérale ordonne à la
frégate Cyane en février 1820 d’escorter l’Elisabeth qui transporte une
centaine de nègres libres envoyés par l’American Colonization Society pour
s’établir dans l’île de Sherbro en Sierra Leone. La Cyane est chargée
également de débarquer dans cet établissement tous les captifs trouvés à
bord des navires négriers saisis en route. La frégate revient à New York
avec quatre prises.
Il est curieux de noter que Woodbridge Odlin considéré comme un
négrier notoire de la “confrérie des trafiquants d’esclaves” obtient le poste
de consul des Etats-Unis à Bahia en 1820, alors que Henry Hill, spéculateur
connu —et Consul des USA depuis 1808 à Bahia— est transféré à Rio de
Janeiro le 18 juillet 1820. L’administration Monroe prend des mesures, le
15 mai 1820, en votant deux lois contre les corsaires et les pirates qui
écument la mer des Caraïbes. Dans le message du Président Monroe au
Congrès le 7 décembre 1819, il mentionne l’arraisonnement des navires
négriers US par des navires de guerre des Etats-Unis. L’administration
Monroe autorise les croiseurs à s’emparer des navires négriers
manifestement nord-américains, quoique battant pavillon étranger, et de
débarquer leur cargaison de captifs en Afrique.
Ces mesures n’empêchent pas les forbans de poursuivre leurs activités
parfois en toute impunité. Ainsi, le brick Enterprise peut compléter son
armement à Norfolk et, quittant ce port sous le nom de Wilson, devient le
Bolivar—capitaine Almeida—, battant pavillon colombien pour capturer un
navire espagnol se rendant de Puerto Rico à Baltimore97.
Correia da Serra soumet le 16 juillet 1820 à Quincy Adams une
"première liste de dix-neuf navires portugais capturés par des pirates
américains, et dont la valeur totale s’élevait à 492.980.000 reis ou 616.158
dollars”. Il fournit en outre aux autorités fédérales une liste d’officiers de
marine des Etats-Unis, dans une note du 26 août 1820 qui auraient croisé
plusieurs mois et capturé plusieurs bateaux luso-brésiliens98.
L’ambassadeur portugais se plaint surtout des "duas ridiculas colonias sueca
e dinamarque- za... continuao a dar entrada franca e venda libre e aberta
para todas as suas ladroeiras”99.
Les réclamations de l’ambassadeur Correia da Serra et de son successeur
Solano Constancio (à partir de février 1822) concernent des “mauvais
citoyens des Etats-Unis... (qui) se permettent d’attaquer notre commerce
sous des pavillons qui, n’appartenant à aucune nation connue, ne pouvaient
qu’être regardés comme les signalements d’une piraterie la plus
insoutenable”100. Selon le Consul R.M. Harrison101, le Gouverneur
Norderling a accumulé une fortune s’élevant à 180.000 dollars US. De la
poudre et des munitions de guerre appartenant au gouvernement suédois
auraient été vendus aux pirates avec l’accord du ministre de la guerre.
Un certain Charles James Fitzmorris, corsaire anglais, rédige "sous
serment" une relation des pirateries dont Saint-Barts est le centre, à
l’intention de R.M. Harrison le 22 mai 1822. Ce dernier la transmet en
décembre 1822 à Joaquim Barroso Pereira, le Consul général du Portugal à
New York.
Finalement, découragé, ayant perdu toutes ses illusions, Correia da Serra
s’embarque le 10 novembre 1820 sur un paquebot anglais Albion à
destination de l’Angleterre. Ayant reçu des menaces de forbans des
Caraïbes, il préféré voyager en se plaçant sous la protection des
Britanniques. Il arrive à liverpool le 5 décembre et repart de Falmouth en
juillet 1821 sur le paquebot Duke of Malborougb qui l’amène à Lisbonne le
6 août. Après son départ, les corsaires indépendants restent maîtres de la
navigation dans les Caraïbes du nord jusqu’à l’essoufflement du processus
révolutionnaire dans les années 1825-1830.
117 Staudenraus, The African Colonization Movement, New York, Columbia University Press, 1961,
pp, 18-19.
118 “Who have learned tire arts of life and are softened by the power of true religion.., The wild and
wanderind people who now roam over that great section of the globe”, dans Isaac V. Brown,
Memoirs of the Rev. Robert Finley...., New York, 1819.
119 George M. Frederickson, The Black Image in the White Mind. The Debate’on Afro-American
Character and Destiny, 1817-1914, New York, Harper Torchbooks, 1971, p.7.
120 “A useless and pernicious, if not dangerous portion of its population" dans Manuscript Record
of the Meeting, Library of Congress, cité dans Henry Noble Sherwood, “The Formation of A.C.S.",
Journal of Negro Histoty, II. juillet 1917, pp, 209-228.
121 Article II de la Constitution de l’A.C.S. dans A. Alexander, A Histoty of Colonization on the
Western Coast of Africa, Philadelphie, 1849, p. 89.
122 Cf. Staudenraus, op. cit., p.29.
123 Cf. Oruno D. Lara, Caraïbes en construction..., op.cit., et “Luttes et résistances", in Diogène,
Unesco, n° spécial "Routes et traces de l’esclavage”, 1998.
124 Recorder de Boston du 18 février 1817.
125 Résolution de la réunion des Noirs Libres à Bethel Church, Philadelphie, janvier 1817, dans
William Lloyd Garrison, Thoughts on African Colonization, chapitre "Sentiments of the people of
Color ", New York : Arno Press & the New York Times, 1968.
126 Ibid.
127 J. Forten à P.Cuffe le 25 janvier 1817, dans Journal of Negro Histoty. VIII, avril 1923, article
"Paul Cuffe” de H.N. Sherwood.
128 Appel lancé “to the Humane and Benevolent Inhabitants of the City and County of Philadelphia”
le 10 août 1817, dans W.L. Garrison, Thoughts on Colonization, chap. "Sentiments of the People of
Color", pp. 10-11.
129 Pour la situation du Sierra Leone, voir au M.A.E., C.C.P. Sierra Leone, vol. 1 4, A.D.P. Afrique
carton 5, C.P.C. Afrique Occidentale, cartons 18 et 65 ; voir aussi au C. A.O.M., S.G. Afrique IV,
colonies anglaises, dossiers 19, 53 55, Afrique VI, Angleterre, dossiers 12, 21, 30, 38, 52 ; et aussi
Sierra Leone F.O. 315.
130 Rapport du Comité du Parlement du 11 février 1817 en réponse à la Pétition de l’American
Colonization Society, dans Alexander Archibald, A History of Colonization on the Western Coast of
Africa, p. 96-97.
131 Spring, Memoirs of Mills, cité par A. Alexander, op. cit„ p. 101.
132 Ibid., pp. 106-107.
133 Spring, Memoirs of Mills, pp. 218-222 ; Address of the Board of Managers of the American
Colonization Society, to the Auxiliary Societies and the People of the United States, Washington,
1820, p. 4.
134 Memoirs of John Quincy Adams, comprising portions of his diary from 1795 to 1848, édité par
Charles F. Adams, Philadelphie, 1875, IV, pp.292-293.
135 Journal of the Board of Managers, le 16 octobre 1820 ; A.C.S. Papers ; Ashmun, Memoirs of
Bacon, pp. 244, 249, 263, 278.
136 Cf. Richard West, A History of Sierra Leone and Liberia, Back to Africa, 1970. p. 113.
137 A. Archibald, op. cit., pp. 172-173.
138 Benjamin Brawly, A Social History of the American Negro, Londres, Collier Mac Millan, 1921,
p. 179.
139 Pour de tels cas. voir au M.A.E., M.D Libéria, cartons 26, 27 et A.D.P. Afrique, carton 1.
140 Cf. Henry Garnet, Walker’s Appeal, with a brief Sketch of his life, New York 1848.
141 Genius of Universal Emancipation, 19 février et 5 mars 1830.
142 Samuel J. May, Memoir of S.J. May, Ed. J.J. Mumford, Boston.
143 Liberator. 23 avril 1831
144 William Lloyd Garrison, Thoughts on African Colonization ; or an Impartial Exhibition of the
Doctrines, Principles and Purposes of the American Colonization Society . Together with the
Resolutions, Addresses and Remonstrances of the Free People of Color, New York, Arno Press and
the New York Times, 1968. p. 13
145 W.L. Garrison, op. cit.. p.8.
146 W.L. Garrison, op. cit., p. 27, p. 34.
147 Early Lee Fox, The American Colonization Society, 1817-1840, Baltimore, The John Hopkins
Press, 1919, p. 140.
148 Lydia Maria Child à Mme Ellis Gray Loring, 15 août 1835 in Letters of Lydia Maria Child,
Boston, Houghton, Mifflin, 1863 ; Edward Beecher, Narrative of the Riots at Alton, 1838 ; Liberator,
24 novembre 1837.
149 Après la mort de Buchanan en septembre 1841, un commerçant de Monrovia, émigré de
Virginie, lui succéda comme gouverneur. Il devint le premier président de la République en 1848.
150 A propos des débuts du Libéria, voir Liberia F.O. 47, 458, 459 et 820 ; Huberich. Political and
Legislative History of Liberia, New York, 1947, I, pp. 737 820 ; II, 851-1014 ; John H R Latrobe,
Maryland in Liberia, Baltimore, 1885, pp 75-84 ; J.H. Mower, “The Republic of Liberia", Journal of
Negro History, XXXII, juillet 1947 ; Thomas Hodgkins à McLain, Londres, 16, 29 septembre et 3
octobre 1845 ; Elliot Cresson au Board of Managers, Londres, 19 juillet, 18 août 1841 in A.C.S.
Papers.
151 A.C.S. Thirty-First Annual Report, p. 10
152 A. C. S. Thirty-Ninth Annual Report, appendix, p, 26 ; Fortieth Annual Report, pp.4, 44-47 ;
Forty-Fourth Annual Report, pp. 23-24.
153 Liberia Bulletin n°1, novembre 1892, pp. 1-6 ; n°14, février 1899, pp-15-16 ; et n°16, février
1900, pp.27-31.
-4-
NATIONALISMES
Emigration et nationalisme
Au milieu du XIXe siècle, dans la décennie 1850-1860, un groupe
d’activistes nègres se constitua aux Etats-Unis. Ils stigmatisèrent l’activité
des Noirs et des Blancs qui se mirent au service des propriétaires
d’esclaves, et formulèrent des revendications politiques et sociales. Voulant
se soustraire à l’arbitraire du pouvoir blanc, ils élaborèrent des plans qui les
conduisirent à envisager de vivre hors des frontières de l’Etat Fédéral. Ces
activistes cherchèrent une région à l’étranger où ils pourraient établir une
Black Nation où ils disposeraient d’un gouvernement, des possibilités de
prouver au monde leur capacité de vivre, de créer, de s’organiser et de
contribuer à la civilisation humaine. Ils se montraient partisans d’une
émigration dirigée par eux, de projets concernant des Nègres coordonnés
par eux-mêmes et non sous la tutelle des Blancs154.
Un tel comportement des Nègres a été parfois étiqueté de Negro
Nationalism dans l’historiographie des Etats-Unis. Pourquoi voir un
nationalisme noir dans cette tentative d’échapper au contrôle des Blancs en
se réfugiant à l’étranger ? Dans une perspective historique il faut distinguer
Negro Nationalism. Black Nationalism et African Nationalism. Le Negro
Nationalism a été associé au XIXe siècle aussi bien au mouvement
d’émigration contrôlé par les Nègres, qu’à la riposte des Nègres libres aux
différentes formes de déportation envisagées en pratique par les dominants
blancs. Le Black Nationalism s’applique au projet de “rédemption
universelle” de l’ensemble du Monde Noir. Le problème de l’identité nègre
était alors un problème central dans le Black Nationalism. Le concept
d‘African Nationalism a commencé à circuler au début du xxe siècle, à
partir de la création de l’African National Congress en Afrique du Sud, en
1912. C’est un concept spécifiquement africain.
Des projets furent conçus pour se rendre au Canada ou aux Caraïbes
(West Indies, Mexique, Caraïbes continentales), et même en Afrique. Sur
une population noire de 3 638.808 personnes (15,7 % de la population
totale), il y avait 434.495 libres, ou 11,9 % en 1850. Beaucoup de ces
projets, au milieu du siècle, s’intéressèrent à Haïti. En août 1854, des
délégués de onze Etats se rencontrèrent à Cleveland à la National
Emigration Convention of the Colored People. La plupart des représentants
venaient de l’Ohio et de Pennsylvanie. Ils plaidèrent pour l’établissement
d’une colonie de Noirs à l’étranger qui échapperait à l’oppression raciale.
C’est à cette convention que se distingua le pasteur James Theodore Holly
(1829-1911). Il prit la tête d’un groupe de personnes désirant se rendre en
Haïti. Né à Washington de parents libres, il fréquenta l’école de New York
et travailla comme cordonnier en Nouvelle-Angleterre. Il devint “editor”
associé de la Voice of the Fugitive publié à Windsor, au Canada de 1851 à
1853. Principal d’une école privée de Buffalo (N.Y.) en 1854, il publia un
ouvrage qui traitait de l’histoire de Haïti : A Vindication of the Capacty of
the Negro for Selfgovernment and Civilized Progress, as demonstrated by
Historical Events of the Haytian Revolution ; and the Subsequent Acts of
that People Since Their National Independance155.
Il avait été ordonné diacre de l’Eglise épiscopale en 1855. Cette même
année, Holly visita Haïti pour se rendre compte lui-même des possibilités
d’émigrer offertes aux Noirs des Etats-Unis. Il entreprit de négocier avec le
gouvernement haïtien pour parvenir à une réglementation du mouvement
d’émigration. Le gouvernement envoya en 1858 une invitation aux Noirs
nord-américains pour qu’ils émigrent. Cet encouragement officiel suscita
beaucoup d’espoirs dans la communauté noire. Pourtant, en mai 1859,
James Redpath, journaliste, abolitionniste, chef du Bureau Haïtien
d’Emigration, lança un avertissement. Il n’y aurait pas d’émigration jusqu’à
ce que le Président Fabre Geffrard (1859-1867), qui venait de succéder à
l’empereur Faustin Ier (Soulouque) ait précisé sa politique. Redpath se rendit
trois fois en Haïti en 1859-1860156. Le nouveau gouvernement accorda des
garanties aux émigrants en octobre 1860. Il leur promit la liberté de culte,
des concessions de terres, des privilèges politiques et le libre passage vers
l’ile s’ils le désiraient. Dans la préface de l’ouvrage de Redpath, Guide to
Hayti, le Président Geffrard s’adressait aux émigrants éventuels : “Ecoutez-
moi vous tous, Nègres et Mulâtres qui souffrez du préjudice de caste, dans
le vaste continent de l’Amérique. La République vous appelle... L’œuvre de
régénération qu’elle entreprend intéresse tous les gens de couleur et leurs
descendants... Haïti sera un démenti formel, le plus éloquent et le plus
péremptoire, contre ces détracteurs de notre race qui contestent notre désir
et notre habileté à atteindre un haut degré de civilisation”157.
Beaucoup de notables haïtiens partageaient ces idées. Ainsi, J.H. Fresnel,
médecin et homme politique réfugié en Guadeloupe en 1858, se montra
partisan d’une immigration étrangère qui exclurait les Africains. Il craignait
que les élites de Haïti et de République Dominicaine ne soient “absorbées
par les masses incultes, féroces et sauvages qui forment la majorité des
deux populations"158. Il ne voulait pas d’émigrants africains qui ne
contribueraient pas à la régénération d’Haïti et qui porteraient avec eux
disaient-ils : “les vices, la paresse, l’oisiveté, l’ignorance, le fétichisme, les
superstitions et les pratiques barbares des populations sauvages de
l’Afrique”159. Fresnel préconisait de favoriser l’immigration des Nègres des
Etats-Unis qui avaient déjà été dans le passé un grand apport pour Haïti :
“Les hommes des races jaune et noire de l’Amérique septentrionale qui sont
restés à Haïti ont beaucoup contribué au perfectionnement et à l’extension
de l’industrie. Commerçants, cultivateurs, ouvriers, ils ont tous été actifs,
laborieux, intelligents”160.
Frederick Douglass s’était toujours montré un adversaire acharné de
l’émigration. Editeur d’un journal qui parut sous des titres variés de 1847 à
1863, il avait pris la tête d’une croisade contre le départ de certains de ses
frères Noirs. Il mobilisa autour de lui plusieurs de ses partisans qui
partageaient ses idées. L’élection présidentielle de 1860 et les positions
adoptées par Lincoln provoquèrent son amertume et un revirement
inexpliqué. Son journal, le Douglass’Monthly, fit paraître en 1861 des pages
entières d’annonces, de réclames s’adressant aux émigrants éventuels. Ces
pages avaient été directement payées par le gouvernement haïtien161. Il
décida lui-même de se rendre en Haïti en avril 1861, invité officiellement
par les autorités, pour évaluer les possibilités d’établir des Noirs dans ce
pays. Son départ fut annulé après la déclaration de la Guerre de Sécession.
Ce pas en arrière de Frederick Douglass contribua à accroître le nombre
des activistes. Le gouvernement haïtien ayant donné son accord pour
favoriser le courant migratoire, les préparatifs de départ se pressèrent.
Redpath sélectionna un certain nombre d’agents recruteurs qui couvrirent le
pays : Holly, un des premiers sélectionnés, partit comme conférencier en
Pennsylvanie et New Jersey ; John Brown, Jr., fils du John Brown de
Harpers’ Ferry, se rendit au Canada ; J.Dennis Harris à son retour des
Caraïbes, fut envoyé dans l’Ohio. En outre, plusieurs agents recruteurs
s’établirent à New York et à Washington et il y eut un agent correspondant
pour les Etats du littoral atlantique. Ainsi se trouva quadrillée par ce réseau
d’agents recruteurs la portion d’Amérique du nord où les tensions raciales
poussaient à l’émigration.
Des réunions d’information se tinrent à Kalamazoo dans le Michigan et à
Baltimore dans le Maryland. Plusieurs amis de Douglass s’engagèrent
comme conférenciers à travers la Nouvelle Angleterre, et les provinces
maritimes du Canada. Ce fut le cas de William J. Watkins, un de ses
proches, qui s’était longtemps opposé à Holly et aux autres adeptes de
l’émigration. Citons également dans ce même cas William Wells Brown et
le Révérend J.B. Smith qui modifièrent complètement leur comportement
pour se joindre au groupe de personnes cherchant à persuader les Nègres
qu’Haïti devait être leur pays d’accueil. Smith avait été un ancien partisan
de l’African Civilization Society. C’est lui qui fut chargé, en juillet 1861, de
couvrir le nord de la Nouvelle Angleterre. Dans cette région où il y avait
peu de tensions raciales, les volontaires à l’émigration étaient en très petit
nombre. En revanche, il y eut plus d’appels dans les régions des Etats-Unis
voisines des Etats esclavagistes et au Canada, entre Toronto et Détroit où
s’installaient la plupart des établissements de Nègres. A New York, chaque
semaine se réunissait au 127 Suffolk Street la société Haitian Agricultural
Emigration Association162.
Des informations et des rapports optimistes ne cessèrent d’arriver en
1861. J.W. Williams fit savoir, de l’Ohio, qu’un groupe était sur le point de
partir à la fin de l’année. E. P. Walker suggéra que l’on fît appel pour le
voyage vers Haïti à des navires anglais pour écarter les dangers que
faisaient alors courir les corsaires battant pavillon de la Confédération.
Harris qui avait été reçu à Cleveland, avec chaleur en novembre 1860,
envoyait lui aussi des messages d’enthousiasme. Les rapports les plus
favorables arrivèrent de J.B. Smith, alors en Pennsylvanie, en juillet 1861.
Il évoquait la réception cordiale qui lui avait été faite à Lewistown,
Pittsburgh et York. Il avait rencontré à Lewistown toute une compagnie
entraînée aux manœuvres militaires qui voulait se rendre en Haïti pour
participer à la défense du pays menacé par des projets espagnols
d’invasion163.
En Californie, où vivait une population noire de 5 000 personnes environ,
l’idée d’une Nation Nègre centrée sur Haïti fit fortune. Une enquête de
Thomas Taylor de San Francisco entreprise en juin 1861, signalait le désir
d’émigrer de beaucoup de personnes. Redpath en conséquence,
recommanda au gouvernement haïtien l’envoi de Holly pour y ouvrir une
agence. Deux mois plus tard le Dr W.H.C. Stephenson écrivit de
Sacramento, corroborant le rapport de Taylor, pressant les autorités
haïtiennes de mettre des navires de transport à la disposition de ceux qui
voulaient partir. En novembre de la même année, Stephenson réclama
encore l’ouverture d’une agence et insista sur l’hésitation des gens de
Marysville, Sacramento, Ploverville et autres lieux à se joindre aux partants
vers Haïti164.
Au cours des six premiers mois de l’année 1861, sept convois
d’émigrants partirent des Etats-Unis. Plusieurs “colonies" s’établirent en
Haïti, portant des noms de villes des Etats-Unis : Rochester, New Haven...
Holly lui-même quitta Philadelphie avec un groupe de 2 000 personnes et
choisit de vivre définitivement en Haïti. Il organisa dans ce pays l’Eglise
Anglicane et devint le premier évêque de l’Eglise Orthodoxe Apostolique
Haïtienne. Il avait rédigé en 1859 un article sur le christianisme en Haïti
dans la revue Anglo-African Magazine165.
En avril 1861 débuta la Guerre de Sécession et en mai, les Espagnols
envahirent Haïti. Au début, la guerre n’arrêta pas le mouvement
d’émigration. Redpath se contenta de le suspendre pendant deux mois. Un
rapport de John W. Stokes de Toronto fit savoir que l’attaque espagnole
stimulait plutôt les partants éventuels. Il affirmait la volonté des Nègres
nord-américains (Etats-Unis et Canada) de se rendre en Haïti pour la
défendre contre ses ennemis. Ils pensaient qu’aux côtés d’Haïti, délivrée
d’une telle menace, viendraient s’ajouter un groupe des territoires
débarrassés de l’esclavage, Puerto Rico et Cuba. L’Espagne avait tout à
perdre dans cette aventure166.
Après des débuts prometteurs, le mouvement migratoire plafonna en
1862. Des rapports alarmistes en provenance de l’île laissaient entendre que
les émigrants n’étaient pas satisfaits de leurs conditions de vie. Haïti n’était
pas la terre promise qu’ils s’attendaient à trouver. Le pays n’avait pas
besoin de coiffeurs, de femmes seules, de vieilles personnes, de
“revendeurs”. Seules les familles connaissant le travail des champs et
habituées à l’existence des fermiers pouvaient vivre correctement. Par
ailleurs, le gouvernement haïtien se montra incapable de tenir ses
promesses167.
La maladie et la mort s’ajoutèrent à la détresse et à la misère des
nouveaux arrivants. John W. Stokes qui espérait partir en tournée pour les
aider, mourut en janvier 1862. Quelques mois plus tard il y eut tant de décès
à Saint-Marc qu’une enquête officielle fut ouverte. Cette mortalité élevée
fut attribuée aux mauvaises conditions d’hygiène, à des excès alimentaires
et de boissons alcoolisées, à une épidémie de petite vérole introduite par
certains émigrants. Les résultats de l’enquête découragèrent ceux qui
envisageaient d’émigrer sans chercher à préciser les raisons de cet échec168.
Combien de personnes émigrèrent-elles en Haïti ? Combien rentrèrent ?
Combien restèrent ? Nul ne le sait. Un rapport de décembre 1861 indiquait
la présence de 2 000 immigrants anglophones établis dans un rayon de dix
miles autour de Saint-Marc169 Ce nombre englobait aussi bien les
ressortissants des Etats-Unis et du Canada que ceux des colonies anglaises
des Caraïbes. Une autre estimation, en juillet 1862, parlait de 1 200 à 1 400
“Afro-Américains” vivant à Saint-Marc et dans le voisinage. John W.
Cromwell, étroitement associé à ce courant migratoire, affirma plus tard en
1914, que sur un ensemble de 2 000 émigrants, un tiers resta dans l’île170.
L’échec de l’émigration vers Haïti découle de plusieurs facteurs : l’espoir
d’une victoire de l’Union, les autres projets d’émigration et les critiques de
groupements opposés. D’après Benjamin P. Hunt, l’émigration échoua car
elle n’était pas organisée et qu’elle n’avait pas de capitaux en Haïti. Sans
ces deux conditions les pauvres et les ignorants, arrivés dans un nouveau
pays, ne pouvaient pas être capables d’y travailler avec succès171. A la fin
de l’année 1862, l’Eglise Zion de New York accueillit quelques-uns des
émigrants de retour. Ils organisèrent à cette époque une Anti-Emigration
League pour secourir ceux qui revenaient et conseiller aux autres de rester
aux Etats-Unis172. J. Dennis Harris qui servit également d’agent recruteur
pour le mouvement séparatiste noir, publia en 1858 un ouvrage intitulé A
Summer on the Borders of the Caribbean Sea. Ce sont des lettres qu’il
écrivit au cours d’un voyage aux Caraïbes et qui furent imprimées dans le
magazine The Weekly Anglo-African de New York. Il visita successivement
la République Dominicaine. Haïti, les îles Turks et Caicos, le Honduras
Britannique. Harris, dans ses lettres, résume des conversations, des récits,
des réflexions qui survinrent au cours de la traversée. Il expose quelques-
unes de ses impressions comme par exemple la supériorité des black Yankee
sur les indigènes, son amour du paysage insulaire, sa vision rapide des
routes, de l’agriculture, de l’industrie, son bref coup d’œil découvrant la
beauté des jeunes filles comme la Señora Pastorisa qui lui apparaît “la plus
belle femme du monde”173. Il évoque la personnalité de William Whipper,
un commerçant noir de Philadelphie, qui finança le voyage d’un steamer au
Canada pour venir en aide aux émigrants. Harris salue l’activité de William
Walker, un flibustier nord-américain qui se fit plus tard arrêter et fusiller au
Nicaragua. Il évoque aussi Hinton Rowan Helper, sudiste exilé qui bien
qu’opposé à l’esclavage, voudrait renvoyer tous les Noirs “back to Africa".
Il parle d’un certain Corwin qui “peut remercier le Ciel de n’avoir pas été
encore arrêté comme esclave fugitif’174. Le récit d’Harris s’étend
brièvement sur l’histoire d’Haïti de la période révolutionnaire jusqu’à
l’arrivée du Président Geffrard.
“Africa for the African race, and black men to rule them”
M. R. Delany
154 Cf. Howard H. Bell, “The Negro Emigration Movement, 1849-1854. A Phase of Negro
Nationalism", Phylon, XX, été 1959, pp- 132-142 et id., “American Negro Interest in Africa, 1858-
1861", Journal of Social Science Teachers, VI, nov. 1960, pp-11-18.
155 New Haven, publié pour l’Afro-American Printing Co. par William H. Stanley en 1857.
156 James Redpath. A Guide to Hayti, Boston, Thayer et Elridge, 1860 et Douglass’Monthly, mai
1859, p-78.
157 James Redpath, op.cit., p.5
158 J.H. Fresnel, "Du protectorat et de l’immigration en Haiti ", Manuscrit aux Archives des
Affaires Etrangères, Mémoires et Documents Haïti 2/452.
159 Ibid. 2/462.
160 Ibid. 2/463.
161 Howard H. Bell, “A Survey of the Negro Convention Movement, 1830-1861”, thèse de Doctorat
non publiée, du Département d’Histoire de Northwestern University, pp. 217-222.
162 H.H. Bell, op. cit.. p.250 et The Pine and Palm. 8 juin 1861 et 21 septembre 1861 ; Cleveland
Morning Leader, 22 novembre 1860.
163 The Pine and Palm, 3 août 1861.
164 Proceedings of the First State Convention of the Colored Citizens of the State of California,
Held at Sacramento November 20th, 21st. and 22nd, in the Colored Methodist Church, Sacramento,
Democratic State Journal. 1855 ; The Pine and Palm, 8 juin 1861, 17 août et 16 novembre 1861.
165 Cleveland Morning Leader, 24 juin 1861 ; The Pine and Palm. 25 mai 1861 : The British and
Foreign Anti-Slavery Reporter. 1er juillet 1861 ; Cleveland Morning Leader, 24 juillet 1861 ; The Pine
and Palm. 20 juillet 1861.
166 The Pine and Palm, 1er mai 1862.
167 Id., 29 mai 1862.
168 Id., 28 décembre 1861 et 3 juillet 1862.
169 John W. Cromwell, The Negro in American History :, Men and Women Eminent in the Evolution
of the American of the African Descent, Washington. The American Negro Academy, p.44.
170 Collection Benjamin P. Hunt, Boston Public Library.
171 The Liberator, 12 juin 1863.
172 J. Dennis Harris, A Summer on the Borders of the Caribbean Sea, New York, A.B. Burdick,
1860, p.41.
173 Ibid., p.136.
174 Ibid., p.35.
175 Voir sur cette question : B. Etemad, “L’ampleur de la traite négrière (VIIe- XIXe siècles) : un état
de la question”, in Bulletin du Département d’histoire économique, Université de Genève, n°20,
1989-1990, pp.43-46.
176 L’historien Marc Ferro, dans son analyse des manuels d’histoire traitant de la question, observe
qu’à partir du moment où le sujet touche au monde de l’Islam, "la main de l’historien (africain) se
met à trembler”, in Comment on enseigne l’histoire aux enfants, Paris, 1981, p.41.
177 Dahomey and its Neighbours, 1708-1818, Cambridge University Press, 1967, p.141.
178 F. Munro, Africa and the International Economy, Dent, Londres, 1976, p.47.
179 Un récit de son voyage se retrouve dans le roman qu’il publia plus tard, en 1859, Blake : or the
Huts of America. Il raconte l’histoire d’un Noir qui se rend de Natchez à New Orleans, au Texas et en
Arkansas, pour tenter d’organiser un soulèvement général des esclaves.
180 A la Convention des Colored People de novembre 1848 à Cleveland (Ohio), F. Douglass
engageait les Noirs des Etats-Unis à rester sur place et à lutter pour l’abolition de l’esclavage avec
tous les moyens qui étaient à leur disposition, au lieu d’accepter de quitter le pays,
181 Il fallut attendre la Guerre de Sécession pour voir une édition révisée du Clotel aux Etats-Unis,
alors que The Garies and their Friends attendit 1969 pour paraître dans ce pays.
182 Voir chapitre 5.
183 Traité signé le 27 décembre 1851, passé entre les chefs et Balaguns d’Abeokuta : Okukenu,
Alake, Somoye, Ibashorum, Sokenu, Ogubonna et Atambala, et Martin R. Delany et Robert
Campbell.
184 Douglass’ Monthly, janvier 1859-août 1862.
185 Voir chapitre 7.
-5-
EMANCIPADOS CUBAINS ET BRESILIENS EN LIBERTÉ
Les Précurseurs
Les captifs déportés sur les vaisseaux négriers au Brésil n’ont pas été les
seuls Africains à traverser l’Océan Atlantique. Certes les archives ont
conservé peu de traces des autres passagers, matelots, espions, gardiens,
convoyeurs qui s’embarquèrent également pour un voyage aller et retour
sur des navires négriers. Les Hollandais plaçaient sur les bâtiments “des
Africains parlant plusieurs langues pour surveiller les captifs et découvrir
les tentatives de révolte”215. Les sources ne signalent guère, non plus, les
noms et le nombre des précurseurs, ces nègres esclaves au Brésil qui
réussirent à s’évader avant les années 1830-1835 et à atteindre l’Afrique.
Combien d’entre eux partirent, combien en revinrent, vieux, pour mourir au
Brésil, comme João de Oliveira en 1770. Cet ancien esclave affranchi avait
réussi à retourner sur la Côte de Mina où il avait passé trente-sept ans à
faire la traite. Il retournait à Bahia à l’âge de 70 ans.
Nous avons en revanche quelques informations plus détaillées, dans les
archives, sur plusieurs voyages d’ambassadeurs envoyés par des rois
africains en Europe et au Brésil. Ainsi, au XVIIe siècle, le roi d’Ardras
chargea son ambassadeur, Dom Matheo Lopez, un Africain, de se rendre en
1670 à la cour de Louis XIV et de lui faire ‘‘offre de la part de son Maistre
de toutes ses terres, ports, et généralement tout ce qui dépendait de lui”. Le
roi africain voulait accroître ses liens commerciaux avec la France. Au
XVIIIe siècle, les rois du Dahomey, d’Ardras (Porto-Novo) et d’Onim
(Lagos) envoyèrent des ambassades à Lisbonne et à Bahia entre 1750 et
1811. Tegbessou, roi du Dahomey, dépêcha trois messagers à Bahia auprès
du nouveau vice-roi du Brésil, Luiz Peregrino de Carvalho Meneses do
Ataide, comte de Atouguia. L’ambassadeur africain, Churuma Nadir,
accompagné de deux “Alcatys” (Grijocome Santolo et Nenin Radix
Grytonxom) et d’“un interprète de sa nation” arrivèrent à Bahia le 29
septembre 1750. Ils étaient accompagnés de “quantité de domestiques et de
quatre jeunes filles de dix ans, nues...216. Ils furent reçus le 22 octobre par le
vice-roi et remirent une lettre et les quatre petites filles. Ils s’en retournèrent
à Mina le 12 avril 1751 sur un navire transportant 8 101 rouleaux de tabac.
Le bâtiment, le Bom Jesus d’Alem, Nossa Senbora da Esperança (Capitaine
Mathias Barboza), revint le 27 juin 1752 avec 834 captifs217.
Des Africains libres se rendirent au Brésil pour leurs affaires
commerciales ou pour chercher à se former. Plusieurs fils de rois africains
furent envoyés à Bahia pour recevoir une éducation. Guinguin, roi de
Badagris, avait été livré par ses sujets en 1781 avec vingt captifs sur un
navire portugais pour être éduqué au Brésil. Est-ce lui ou l’un de ses enfants
qui revient en 1787 et “demande le secours des rois d’Ardre et d’Onim pour
monter sur le trône de ses ancêtres” ?218. Le roi de Lagos, Kosoko, envoya
trois enfants esclaves, Simplicio, Lourenço et Camilio, pour recevoir une
éducation à Bahia. Ils revinrent en août 1850 et devinrent ses employés219.
Toutes ces missions africaines à l’étranger n’avaient qu’un seul objectif :
renforcer, élargir les liens commerciaux voulus par les rois avec les
puissances européennes. Or, à la base de ces rapports commerciaux, il y
avait la Traite négrière, la déportation d’hommes, de femmes et d’enfants de
manière ininterrompue du XVIe au XIXe siècle.
Agonglo, roi du Dahomey, fit partir d’Abomé le 20 mars 1795 deux
ambassadeurs et un interprète, Luiz Caetano. Ils arrivèrent à Bahia le 26
mai. Le gouverneur de Bahia, Fernando João de Portugal, les embarqua sur
la corvette Nossa Senhora da Gloria e Santa Anna, en direction du
Portugal. Après leur réception à la cour de Lisbonne, ils revinrent le 31
décembre 1796 à Bahia. Ils proposaient aux autorités portugaises un traité
de commerce assurant au port d’Ajuda (Ouidah) l’exclusivité de la
fourniture des captifs, prisonniers de guerre des Aboméens (Mahi et Nago)
contre du tabac et la cachaça (rhum).
Un des ambassadeurs mourut à Lisbonne après avoir été baptisé, le 1er
février. Adanzozan, roi du Dahomey, envoya deux ambassadeurs et un
interprète brésilien, Innocencio Marques de Santa Anna, à Bahia. Ils
arrivèrent le 20 février 1805 avec une lettre écrite le 20 novembre 1804 par
Adandozan au Prince D. João du Portugal, futur João VI. Ils repartirent de
Bahia pour Ajuda le 14 octobre. L’interprète Innocencio Marques reçut une
commission de capitaine de milice de Bahia et devint un conseiller influent
des gouverneurs de Bahia. Il fut également un capitaine qui se livrait à la
Traite négrière. Les croiseurs britanniques s’emparèrent le 7 mai 1815
d’une chaloupe, Conceicão Santa Anna et le 10 juin 1816 du Scipião
Africano commandé par Innocencio. Il possédait un cotre, le Juliano, qui
fut capturé le 31 octobre 1821 et le brick Santa Anna Flor d’Africa qu’il
commandait lui-même. Un autre de ses bâtiments portait le nom de Flor
d’America.
Le gouverneur de Bahia, le Comte da Ponte (João Melo e Torres
Salolanha da Gama) recevait le 11 octobre 1807 les émissaires du prince
d’Onim, Ajan, arrivés le 1er octobre sur le brigantin Thalia. L’ambassadeur
africain et son secrétaire voulaient se rendre à Lisbonne pour remettre au roi
une lettre en main propre. L’émigration précipitée de la cour portugaise au
Brésil le 27 novembre arrêta les négociations. Le roi d’Ardras (Porto-Novo)
envoya une ambassade le 7 septembre 1810 au prince régent à Rio de
Janeiro. Les messagers arrivés en décembre 1810 restèrent à Bahia et
discutèrent avec le gouverneur qui rendait compte à la cour de Rio de
Janeiro. Le prince régent écrivit une lettre au roi d’Ardras le 6 février 1811
pour consolider les négociations d’un accord commercial. Le 30 janvier
1811 arrivèrent également à Bahia quatre ambassadeurs du roi de Dahomey
voulant rencontrer le prince régent. Ils firent présent d’une jeune fille au
gouverneur de Bahia, Marcos de Norohna, Comte dos Arcos. Ces deux
ambassades ne retournèrent en Afrique qu’en 1812.
Un personnage se faisant passer pour “ambassadeur du roi d’Onim”, le
Colonel Manoel Alvarez Lima, aurait voyagé vers Bahia en 1827 puis en
Afrique en septembre 1829 et en janvier 1830. Il aurait été présent à Bahia
en 1823, au moment de l’indépendance. En 1833, un autre personnage,
mystérieux, aurait été connu à Bahia comme étant l’ambassadeur du roi du
Dahomey220.
Répression et déportations
Le mouvement de retour en Afrique des “Brésiliens” commença vers
1830-1835 sous la pression des insurrections d’esclaves. Le traité
d’abolition anglo-brésilien qui entra en vigueur en mars 1830 prohibait
l’importation des captifs africains et la loi brésilienne de novembre 1831 les
déclarait libres. Les diplomates anglais au Brésil ne cessèrent d’intervenir
auprès des autorités brésiliennes pour leur demander de libérer les
Africanos livres. Il y avait deux catégories de ces Africains : ceux qui
avaient été saisis, libérés par les autorités brésiliennes et, en attendant leur
retour, travaillaient comme apprentis pour des personnes privées ; ceux qui
arrivaient à Rio de Janeiro sur des navires négriers capturés, libérés par des
commissions mixtes. Ils demeuraient sous la protection du gouvernement
brésilien. On les employait à des travaux publics ou comme domestiques et
travailleurs libres. Au vrai, la majorité de ces Africanos livres se
retrouvaient utilisés comme esclaves.
A Bahia, l’insurrection des Malès en janvier 1835 souligna la force de la
résistance des Nègres esclaves et des émancipés, en majorité d’origine
Haoussa, Tapa, Nago, Mina, Gege. Parmi les insurgés on comptait 160
esclaves et 126 “Africains émancipés”. Quel a été le rôle des esclaves de
certains maîtres anglais ? La crainte suscitée par ce soulèvement poussa les
autorités brésiliennes à prendre des mesures. Parmi les sentences, notons les
condamnations suivantes : le Nègre émancipé Mina, Paulo Rates, 1 000
coups de fouet, Luiz, Nago, 500 coups de fouet, Francisco, Nago, 500
coups de fouet, Pacifico Licutan, 1 000 coups de fouet, Jozé Congo, 600
coups de fouet. Lino, 800 coups, Salmo, 600 coups, Agustinho, 800 coups
de fouet. La peine du fouet était infligée à raison de 50 coups par jour.
Narciso, esclave Nago, pris les armes à la main, mourut le 27 mai 1836
après avoir reçu 1 200 coups de fouet. L’enquête entreprise par Manuel
Querino aboutit à mettre en évidence l’activité de 1 500 révoltés parmi
lesquels “on ne trouve pas un seul représentant de la secte mahométane. De
cet exposé, il ressort de toute évidence qu’absolument aucun Malè n’a pris
part à la révolte de 1835”221. Il y eut 364 inculpés parmi lesquels 18 furent
condamnés à mort, un fut condamné à vingt ans de travaux forcés, 3 à
douze ans de travaux forcés, 9 à huit ans, 4 à deux ans de prison, 13 aux
galères à perpétuité et 2 à quinze ans de galères. On prononça en outre
quatre condamnations au bannissement. Quatre inculpés moururent en
prison, deux s’échappèrent, neuf furent remis à la disposition de la police et
des peines de fouet furent prononcées : deux à 1 200 coups, trois à 1 000
coups, deux à 800 coups, une à 700 coups, trois à 600 coups, cinq à 500
coups, trois à 300 coups, une à 250 coups, deux à 150 coups, une à 50
coups. Soit un total de 13 500 coups de fouet infligés à vingt-cinq Nègres
considérés comme les meneurs du soulèvement.
Manuel Querino, qui connut un grand nombre de ces Malès de Bahia,
imputait aux Anglais la préparation et la coordination de la révolte. Les
Britanniques auraient fourni aux insurgés des armes, “coutelas, épées,
piques et pistolets”. Pour Querino, les Anglais ont été les instigateurs de
cette “guerre”. Il ajoute : “On constate qu’à l’époque, le gouvernement
recueillit des preuves matérielles du crime, mais prudemment, les laissa de
côté pour éviter un conflit avec une nation puissante. On ne peut douter
qu’il y ait un but politique dans ces insurrections car les révoltés ne
commettaient pas de vols, et ne tuaient pas secrètement leurs maîtres”.
Des mesures d’expulsion furent prises contre les suspects sans formalités
de preuves légales de culpabilité222. Les autorités de Bahia demandèrent au
gouvernement de Rio de Janeiro le 11 mai 1835 d’établir une colonie “en
n’importe quel port de la côte d’Afrique où il soit possible de rapatrier tout
Africain qui se libère, ou même l’Africain libéré qui menacerait notre
sécurité”. Elles réclamaient également “une convention avec le
gouvernement de l’Etat oriental de l’Uruguay et des Provinces du Rio de la
Plata, par laquelle serait absolument interdite l’importation d’Africains dans
ces régions à titre de colons". Cette demande visait à “priver les
contrebandiers d’esclaves de leur unique motif pour traverser l’Océan
Austral avec des navires chargés d’Africains...”223.
On distinguait les captifs Nègres émancipés, appelés “Africains libres”
des “Nègres créoles libres” nés au Brésil de parents esclaves.
Ce plan d’établissement colonial — les autorités brésiliennes pensèrent
d’abord le fonder en Angola — ne plaisait pas aux Britanniques224 qui
avaient d’autres visées concernant les personnes libérées. Pourtant, le
gouvernement brésilien ne faisait que suivre leur exemple : les Anglais
n’avaient-ils pas ouvert le territoire du Sierra Leone aux Nègres
indésirables de la Jamaïque, les fameux cimarrons...
Le gouvernement de Bahia, taraudé par la peur de nouvelles
insurrections, prit la décision en mars 1835 de “bannir tout Africain libre
suspect, et en conséquence, 150 de ces Africains ont été envoyés à la côte
d’Afrique. (...) Entre 300 et 400 personnes ont été incarcérées et 148
embarquées le 12 novembre 1835 à bord de la goëlette brésilienne de 120
tonneaux Maria Damiana. D’autres ont quitté le pays le 15 novembre 1835
sur la goëlette brésilienne Annibal e Oriente"225. Le président de la
Province de Bahia, Francisco de Souza Martins, déclarait : “Le résultat
immédiat de cette mesure a été le départ volontaire de beaucoup d’autres
Africains. Davantage encore se préparent à quitter notre territoire. Ainsi,
plus de 700 passeports ont été délivrés à des Africains qui se retiraient dans
leur propre pays”226.
La répression cruelle qui s’abattit sur les Nègres émancipés, la violence
accrue, les condamnations injustes, les déportations ordonnées les incitèrent
à fuir le Brésil. Ils s’embarquèrent sur des navires brésiliens, portugais,
sardes ou anglais quittant Bahia pour les côtes africaines. Parmi ces
“personnes libres” pressées de partir, Antonio da Costa et João Monteiro
prirent l’initiative de louer aux Anglais une goëlette, le Nimrod, pour les
transporter avec 160 autres libres et leurs familles. Malgré l’hostilité des
commerçants anglais, qui voyaient échapper un recrutement possible de
travailleurs sous contrat pour les West Indies, le Nimrod appareilla le 25
janvier 1836. Il débarqua ses passagers à Elmina, Winnebah et Agoué en
avril. Des prisonniers suite à des mesures de bannissement, vinrent grossir
le flot des partants pour Lagos (Nigeria).
Dans ses discours, Calmon du Pim e Almeida, député de Bahia et ancien
ministre des Affaires Etrangères, se montrait partisan de la “réexportation
des Nègres” en 1836227. Il signalait que les Africains libérés et expulsés de
Bahia avaient reçu d’un chef de Haute-Guinée une terre où ils avaient
“construit un petit village” avec l’aide d’émigrants maçons et charpentiers.
Un Testament révélateur
Des réseaux commerciaux se sont constitués, liant le Brésil, Cuba et
l’Afrique. Les marchands de Bahia ou de Rio de Janeiro ont des associés et
font des affaires avec La Havane, Ouidah et Lagos. Des capitaines
brésiliens, souvent des Nègres pardos, engagés dans le trafic négrier, firent
la navette entre le Brésil, les Caraïbes et l’Afrique. C’est le cas de Andre
Pinto da Silveira239, de Francisco Felix de Souza240, de Caetano Alberto da
França et de Manoel Joaquim d’Almeida (1791-1854). Ce dernier
commandait le navire brésilien Minerva chargé de tabac, de aguadente (eau
de vie) et de marchandises, équipé pour la traite à Molembo via les îles de
São Tomé et Principe, pour 575 captifs. Un croiseur anglais le captura le 30
janvier 1824 au large de Lagos, ainsi que le cotre Crioula commandé par
Andre Pinto da Silveira241. Manoel d’Almeida, originaire de Pernambouc,
se déplaçait souvent entre Bahia et Lagos où il possédait une factorerie.
L’Africain Joaquim d’Almeida, du village de Hoko, en pays Mahi,
séjourna à Bahia comme domestique au service de Manoel Joaquim
d’Almeida. Libéré par son maître, il s’engagea lui aussi de 1835 à 1845
dans le trafic négrier et rédigea un curieux testament, le 17 décembre 1844
avant son départ pour Agoué, à la frontière actuelle du Dahomey et du
Togo. Ce document nous livre des informations sur les dessous du trafic
négrier et à ce titre, il mérite d’être cité :
“Joaquim de Almeida, testateur
Manoel Joaquim de Almeida, exécuteur testamentaire
Au nom de Dieu, Amen,
Moi Joaquim de Almeida, né à la Côte d’Afrique, libéré, et me trouvant
présentement en cette ville, dans l’état de célibataire, et étant sur le point de
partir pour la Côte d’Afrique, n’ayant point l’assurance de rester en vie au
cours de ce voyage, je décide de faire mon testament, ultime et dernière
volonté, vu que j’ai toute ma raison et mon bon sens.
(...) Je déclare que les biens que je possède sont les suivants : la somme
de 4 721 850 reis, montant de l’intérêt d’un huitième de la cargaison de la
polaca sarde, Joanito, dont le capitaine est Nicolo Besso, et caissier en cette
ville le Sr. Joaquim Alves da Cruz Rios, lequel vaisseau est parti pour la
Côte d’Afrique en octobre de l’année courante (1844) aux soins de Querino
Antonio.
Je déclare que je possède de plus la valeur de 36 esclaves à La Havane
dans les mains de Sr. José Masorra, sur lesquels j’ai donné l’ordre de
remettre le montant (de la valeur) de 26 esclaves au Sr. Joaquim Alves da
Cruz Rios en cette ville, comme j’ai également donné l’ordre de remettre le
montant (de la valeur) de 10 esclaves au Sr. Manoel Joaquim de Almeida en
cette ville, le susdit premier exécuteur testamentaire.
Je déclare que je possède en plus à Pernambouc dans les mains du Sr.
Manoel Joaquim Ramos e Silva la valeur de 20 esclaves. J’ai donné l’ordre
d’en remettre le montant au Sr. Joaquim Alves da Cruz Rios en cette ville.
Je déclare posséder en mon pouvoir 9 esclaves : 4 femmes et 5 hommes
qui sont les suivants : Marcellino de nation gégé, João de nation nago,
Felipe de nation nago, David de nation nago, Feliciano de nation nago,
Felismina de nation mina, Maria de nation gégé, Jesuina de nation nago,
Benedictina de nation nago.
Je déclare que je dois à la Sra. Thomazia de Souza, Africaine libérée, de
nation gégé vivant actuellement à la Côte d’Afrique, la somme de quatre
contos de reis, que ladite Sra. Thomazia m’a prêté sans exiger de moi aucun
document, pour cela mon exécuteur testamentaire devra payer tout de suite
à ladite Sra Thomazia de Souza Paraiso cette dette.
Je déclare que je dois également au Sr. Joaquim Alves da Cruz Rios la
somme de six cents mil reis, je dois également à mes filleuls Manoel et
Justina, tous deux enfants de mon compère Benedito Ferez Galliza, Africain
libéré de nation gégé et de Henriqueta Joaquina de Bomfin également
Africaine libérée de nation auça (Haoussa). Je dois également à la Sra.
Maria Francisco Roiz Seixas cent mil reis ; je dois de plus au Sr. Francisco
da Costa Franco cent mil reis, somme que mon exécuteur testamentaire
paiera tout de suite.
Je déclare que mon exécuteur testamentaire libérera tout de suite aux
dépens de mes biens la négresse africaine Roza de nation nago, esclave du
Sr. Rapozo Ferreira et lui paiera après sa libération deux cent mil reis en
allègement de ma conscience pour les bons services qu’elle m’a rendus ;
dans le cas où elle aurait changé de maison en cette ville ou hors d’elle,
l’exécuteur testamentaire fera toute diligence, pour la libérer aux dépens de
mes biens, et dans le cas où elle serait libérée avant mon décès, mon
exécuteur testamentaire lui paiera aux dépens de mes biens la valeur de sa
libération, indépendamment des deux cents mil reis que ci-dessus je lui fais
payer. De même, mon exécuteur testamentaire libérera tout de suite aux
dépens de mes biens mon esclave Felismina de nation mina, de la même
façon il libérera mon autre esclave Benedita de nation nago ; ces deux
esclaves jouiront de leur liberté pour les bons services qu’ils m’ont rendus.
Je déclare de plus que mon exécuteur testamentaire donnera aux dépens
de mes biens, à la petite créole mineure Benedita, fille de la négresse gégé
Francisca et élevée par le Sr. Francisco Simoens, la somme de six cents mil
reis pour sa liberté, et au cas où elle serait libérée avant mon décès, elle
recevra cette somme de six cents mil reis quand elle aura atteint sa majorité,
et cette quantité sera remise dans un dépôt public ; ainsi également à mon
filleul Félix, petit créole mineur, fils de ma commère Alexandrinha,
également créole, la somme de cinquante mil reis, quand il aura atteint un
âge suffisant pour la recevoir.
(...) Je déclare de plus que je possède un quart de la cargaison du brick
goélette sarde qui est à présent dans la ville et prêt à partir pour la Côte
d’Afrique, dans lequel je pars en qualité de caissier pour faire la négociation
en Afrique de toute la cargaison ; le Sr. Joaquim Alves da Cruz Rios étant
caissier en cette ville ; j’emporte aussi dans le même vaisseau, investi en
diverses marchandises et sans participation de personne, pour mon compte
risque la valeur de sept contos de reis.
Une fois réalisés les paiements et autres dispositions : premièrement, mon
exécuteur testamentaire laissera comme héritier des deux parties de mes
biens en premier lieu le mineur Soteiro, fils de mon esclave Felismina de
nation mina, que je fais libérer ; le mineur est déjà libre depuis son
baptême, et je nomme comme son tuteur en premier lieu mon premier
exécuteur testamentaire, en deuxième lieu mon deuxième exécuteur
testamentaire et en troisième lieu mon troisième exécuteur testamentaire.
Et en deuxième lieu de mon héritier mineur j’institue la Sra Thomazia de
Souza Paraiso déjà mentionnée, et j’institue comme héritier du tiers, en
premier lieu la mineure Benedita, fille de la négresse gégé Francisca et
élevée par le Sr. Francisco Simoens déjà nommé, et je nomme comme son
tuteur les mêmes que pour mon premier héritier des deux parts de mes
biens, vu que je n’ai ni descendants ni ascendants qui de droit puissent
hériter des deux parts de mes biens, et en deuxième lieu de mon tiers,
j’institue le Sr. Manoel Joaquim de Almeida.
Et de cette façon j’ai terminé mon testament que je désire être
entièrement exécuté. Je demande aux Justices de Sa Majesté Impériale, etc.,
qu’elles daignent faire ainsi exécuter et conserver tout ce qui s’y trouve,
pour être ma dernière et ultime volonté testamentaire.
J’ai demandé au Sr. Guilhermo Martins do Nascimento qu’il l’écrive pour
moi, et après l’avoir lu, et le trouvant conforme en tout à ce que j’ai dicté, je
l’ai signé avec la signature que j’utilise.
186 Fernando Ortiz, Glosario de Afronegrismos, La Havane, 1991, “Oh, mio Yemaya”, pp.73-81 :
J.L. Franco. La Diaspora africana en el Nuevo Mundo. La Havane, 1975, pp.157-181, 217-229.
187 A.H.N., Ultramar, leg. 4666.
188 Ibidem.
189 La Havane, 1899, 2e éd., 260 p.
190 Journal L’essor économique universel, Anvers.
191 Abdias do Nascimento, Combaie ao racismo, 4 vol., Brasilia, Camera dos deputados, 1983-
1984 ; id., Jornada Negro-libertaria, Rio de Janeiro, IPEAFRO, 1984 ; id. Afrodiaspora, in Revista
do mundo negro, 5 numéros, trimestriel, Rio de Janeiro, 1983-1985 ; Elisa Larkin Nascimento, Pan-
Africanismo na America do Sul, Rio de Janeiro, co-éd. avec les Ed. Vozes, 1981 ; ici., Dois Negros
Libertarios, 1985.
192 Projet de loi n°1.661 de 1983.
193 Mameluco : issu d’une mère aborigène et d’un père blanc ; mestiço : produit d’un noir et d’un
blanc ; caboclo : terme désignant soit une personne de parents blancs et aborigène, soit un indigène
domestiqué, soit toute personne non blanche de basse condition.
194 Clarendon Press, Oxford, 1963, pp.86-130.
195 Ibidem.
196 Voir également Oruno D. Lara, Caraïbes en construction..., op.cit.
197 C.R. Boxer, op.cit., p.120.
198 Nina Rodrigues, Os Africanos no Brasil, 2e éd., Rio de Janeiro, 1933.
199 Roger Bastide, Le candomblé de Bahia (Rite Nago), Mouton, 1958, p.8.
200 Ibidem.
201 Gilberto Freyre, Casa Grande e Senzala, Rio de Janeiro, 1933 ; Id., Maîtres et esclaves, préface
de Lucien Febvre, Gallimard, La Croix du Sud, 1952.
202 Maîtres et esclaves, p.61.
203 Id., p.70.
204 Ibid. ; voir aussi pp. 239 et 432, n.101.
205 Id., p.440.
206 Id., p.462.
207 Ibidem.
208 Rio de Janeiro, 1938. 351 p.
209 Voir Estudos Afro-brasileiros. Rio de Janeiro, 1935.
210 Problèmes d’Amérique Latine, La Documentation Française, n°32, janv.-mars 1999, article
‘Brésil : les découvertes du quilombo. La construction hétérogène d’une question nationale”.
211 Cf. Abdias do Nascimento et Elisa Larkin Nascimento. Africans in Brazil. A Pan-African
Perspective, 1992, pp. 110-111.
212 Id., pp. 146-147.
213 Je dois cette information sur le Gabon à mon ami le Doyen Pierre Louis Agondjo-Okawe ; voir
aussi de Joseph Ambouroue-Avaro, Un peuple gabonais. A l’aube de la colonisation. Le Bas-Ogowe
au XIXe siècle, 1981.
214 Alfred Métraux, Pierre Verger, Correspondance, Ed. J.M. Place, p.261.
215 Cf. Oruno D. Lara, "Résistances et luttes", in Diogène, 179. Gallimard, Unesco, 1997, p.176.
216 Relation de l’Ambassade que le puissant Roi de d’Angomé Kiay Chiri Broncom, Seigneur des
vastes terres de l’intérieur de Guinée, a envoyée à... Comte de Atonguia... et vice-roi de l’Etat du
Brésil... écrite par J.FM., Lisbonne, 1751, 9 p.
217 Arquivo Publico de Bahia, A.P.B., 50, 53, 55.
218 C.A.O.M., 66/26.
219 P.R.O., F.O. 84/1031, B. Campbell, Consul britannique, 10 août 1857.
220 Pierre Verger, Flux et reflux, p.277.
221 M. Querino, Costumes africano no Brasil, Rio de Janeiro, 1938, p.109.
222 P.R.O., F.O. 13/141, Lyon et Perkinson à Palmerston, Bahia, janvier 1836.
223 P.R.O., F.O. 84/175.
224 P.R.O., F.O. 84/204.
225 P.R.O., F.O. 84/198, extraits d’un discours du Président de la Province de Bahia.
226 Ibidem.
227 P.R.O., F.O. 84/199.
228 P.R.O., F.O. 84/179.
229 P.R.O., F.O. 84/285.
230 P.R.O., F.O. 84/286.
231 P.R.O., F.O. 84/350.
232 PR O., F.O. 84/365.
233 P.R.O., F.O. 84/315, et voir C. Lloyd, The Navy and the Slave Trade, Londres, 1949.
234 Select Committee on Forts of West Africa, SCWCA, 1842.
235 SCWCA, 1842.
236 Communication du Foreign Office au Colonial Office du 26 août 1841, P.R.O., F.O. 84/307.
237 “Lord Russell est prié de faire savoir à Lord Palmerston si les nègres libres (s’il y en a qui vont
de Sierra Leone aux West Indies), s’engagent à travailler pendant un temps déterminé pour quelque
maître déterminé, ou s’ils vont, comme les émigrants de ce pays (Angleterre) au Canada ou aux
Etats-Unis pour trouver l’emploi qu’ils peuvent communication du Foreign Office au Colonial
Office, 26 août 1841, P.R.O., F.O. 84/101.
238 Ibidem.
239 P.R.O.. F.O. 84/157. 505.
240 Nous le retrouverons plus loin.
241 P.R.O.. F.O. 84/40.
242 Hansard, Parliamentary Debates, 3rd Series, LIX, 1170, 19 mars 1850.
243 Macedo à Paulino, 8 octobre 1852, Reservado, Arquivo Historico do Itamarati, A.H.I.. 217/317,
Rio de Janeiro.
244 Christie, op.cit., pp.XXXIV-XXXV.
245 Christie, op.cit., pp. XLV-XLVI et 51-66.
246 John Duncan, Travels in Western Africa (1845-1846), Londres, 1847, 2 vol., t.II, p.175.
247 Parliamentary Papers. Reports of the House of Commons Select Committee on the Suppression
of the Slave Trade. 1842.
248 P.R.O., F.O. 84/920.
249 P.R.O., F.O. 84/950.
250 Lettre de William Mc Coskry à B. Campbell. 17 mars 1856, P.R.O., F.O. 2/17.
251 Rapport de B. Campbell au Foreign Office, P.R.O., F.O. 84/1031.
252 Nigerian National Archives, Ibadan, C.S.O. 8/1 - 1, pp.123 et 327.
253 P.R.O., F.O.84/1061.
254 P.R.O., F.O. 84/343.
255 P.R.O.. F.O. 84/95.
256 P.R.O., F.O. 84/66, 79, 90.
257 P.R.O., F.O. 84/212, 231.
258 P.R.O., F.O. 84/101, 102.
259 P.R.O., F.O. 84/502.
260 N. Rodrigues, op.cit., p.169.
261 Id., pp.169, 171 et 173 ; G. Freyre, Sobrados e Mucanobos, São Paulo, 1936.
262 G. Freyre, op.cit., p.527.
263 Id., p.386.
264 Correa da Silva, Uma Viagem ao estabelecimento portugues de S. Joao B. de Ajuda na Costa da
Mina an 1865, Lisbonne, 1866, p.74.
265 Alfred Métraux, Itinéraires I, Payot, 1978, p.410.
266 Dunam, op.cit., t.I, pp.137 et 185.
267 Richard R. Burton, A Mission to Gelele, King of Dabome, Londres, 1864. Voir aussi : F.E.
Forbes, Dahomey and the Dabomans, Londres, 1851, vol.II, pp.60, 109, 112, 113, 118, 158, 179, et
P.R.O., FO. 84/816.
268 Lieutenant de vaisseau Gellé, Archives du Dahomey. Porto Novo. Série D/1-1.
269 Archives du Fort portugais de Ouidah.
270 N.N.A., C.S.O. 8/51, p.469.
271 M.J. Bane, Catholic Pioneers in West Africa, Londres, 1956, p.148.
272 “Candomblé : 1/ lieu oil se célèbrent les fêtes religieuses africaines ; 2/ ensemble des
cérémonies religieuses africaines ; 3/ dans le Sud du Brésil, toute danse ou fête des Nègres", Roger
Bastide, Le Candomblé de Bahia (Rites Nagos), Mouton et Cie, 1958, p.249.
273 "Xangô : 1/ nom du dieu de l’orage ; 2/ terme employé pour désigner les Candomblés de
Pernambouc et d’Alagoas", R. Bastide, op.cit., p.253.
274 R. Bastide, Les religions africaines au Brésil, P.U.F., 1960, p.215.
-6-
LES CERTITUDES DU RACISME PSEUDO-
SCIENTIFIQUE
Anthropologie ou racisme
Les sociologues ont proposé une périodisation précise pour le racisme dit
“scientifique”. Le racisme serait apparu à une époque relativement récente.
Avant le XIXe siècle, “les rapports entre les hommes étaient entachés, bien
sûr, par toutes sortes d’inégalités... et nul ne voudrait prétendre que les
différentes races n’y étaient pour rien... Toutefois, ce n’est vraiment qu’au
XIXe siècle et pendant ce siècle-ci que les phénomènes racistes,
expressément dits, se sont manifestés et multipliés”275.
Cependant, de nombreux exemples d’attitudes racistes apparaissent à la
lecture de plusieurs penseurs du XVIIIe siècle comme David Hume, Jean-
Jacques Rousseau et surtout Voltaire276. L’étude des naturalistes du XVIIIe
siècle, de Linné à De Pauw en passant par Buffon, suggère que c’est alors
que s’établit une hiérarchisation des espèces, y compris des “races”
humaines. Une analyse des “Lumières” laisse apparaître que l’origine des
théories racistes contemporaines se trouverait être un phénomène du XVIIIe
siècle, et non du XIXe. Une comparaison du vocabulaire décrivant les
“Nègres”, ne trouve aucune différence statistique valable entre les textes du
dernier quart du XVIIIe siècle, et ceux de la première moitié du XIXe277.
Quand le changement s’opère-t-il au XVIIIe siècle ? L’historien
étatsunien William B. Cohen considère la Déclaration royale de 1738
comme la première loi raciale française278. Elle restreignait les conditions
de séjour des esclaves (fixées par l’édit de 1716 qui modifiait les
dispositions du Code Noir), en exigeant que chaque permis porte le nom
d’un maître-artisan et en limitant la durée du séjour autorisé279.
L’administrateur Pierre-Victor Malouet, ordonnateur à Cayenne, puis
intendant de la Marine à Toulon, préfet, évoque la question fondamentale
des mariages mixtes :
“Car sans doute on ne nous fera pas désirer l’incorporation et le mélange
des races ? Mais l’esclavage est nécessaire pour le prévenir : c’est à
l’ignominie attachée à l’alliance d’un Esclave Noir, que la Nation doit sa
filiation propre. Si ce préjugé est détruit, si l’homme Noir est parmi nous
assimilé aux Blancs, il est plus que probable que nous verrons
incessamment des Mulâtres nobles, Financiers, Négociants, dont les
richesses procureraient bientôt des épouses et des mères à tous les Ordres
de l’Etat. C’est ainsi que les individus, les familles, les Nations s’altèrent,
se dégradent et se dissolvent"280.
A la même époque, un autre planteur explique dans un traité de droit que
l’esclavage transforme le Noir, suivant l’occasion, en “un instrument
insensible ou une bête de charge agissante”. Et il ajoute : “Excepté qu’il ne
sait ni mugir ni hennir et qu’à sa mort on ne tire parti ni de sa chair ni de sa
peau, il n’y a plus aucune sorte de différence entre lui et un bœuf, ou un
cheval”281. Un certain Rousselot de Surgy affirmait en 1765 que “les Noirs
forment une race de créatures par laquelle la nature semble s’élever de
l’orang-outan, au pongo et enfin à l’homme”282.
Pendant la Révolution, les planteurs participèrent activement aux débats
de l’Assemblée nationale en s’opposant à l’abolition de l’esclavage. Citons
deux opinions révélatrices de cet état d’esprit. Le vicomte de Mirabeau, le
frère cadet du “Tribun du peuple”, très lié au groupe des planteurs, résume
clairement leur position. La ‘“race supérieure’ des Blancs ne peut travailler
aux Antilles dit-il, à cause du climat ; les travaux agricoles reviennent donc
nécessairement aux Nègres, cette ‘espèce dégradée’ dont l’intelligence... est
infiniment bornée. L’insouciance, la paresse et l’aversion au travail sont
naturels aux habitants de l’Afrique, leur émancipation deviendrait donc un
présent fatal”. Et de conclure : “Si l’humanité m’ordonne d’améliorer le
sort des nègres, la raison me commande de conformer leur esclavage”283.
Encore plus suprenant l’adresse à l’Assemblée de Joseph Michel Pellerin,
avocat et député de Nantes, cherchant à la convaincre des effets néfastes de
l’émancipation :
“Les Nègres devenus libres, ne travailleront plus, parce que des Nègres
libres ne travaillent point. Les Caraïbes (Karibs), qui possèdent la meilleure
terre de l’Ile Saint-Vincent, n’y cultivent que quelques maïs ; la chasse et la
pêche sont leurs occupations ; encore ne chassent-ils et ne pêchent-ils que
lorsque la faim les presse ; le reste du temps, ils dorment. Voilà la vie de ces
Nègres à la liberté indolente...”284.
Il aurait fallu situer l’exemple français dans un contexte plus large,
englobant le Portugal et l’Espagne, l’Angleterre où, dès 1647, John Hare,
un avocat de la cause parlementaire contre le roi Charles Ier, se félicite des
origines germaniques de la nation anglaise285. “Le XVIIIe siècle serait
simplement l’époque à laquelle un racisme déjà bien établi rejoint
l’expérience coloniale et le “scientifisme” de l’âge des Lumières pour
prendre un caractère qui nous est plus familier ? “se demande l’historien
Pierre Boulle dans une enquête portant sur le racisme et la traite nègrière
nantaise286.
On pourrait d’ailleurs remonter encore plus haut dans le temps, aux XVIe
et XVIIe siècles, voire au XVe siècle, avant les débuts de l’aventure
coloniale européenne. Une analyse approfondie des rapports opposant les
Européens aux Arabo-Musulmans et aux Juifs, mettrait en lumière des
éléments probants d’un racisme caractéristique.
Le racisme scientifique
Naturalistes et théoriciens de l’anthropologie physique
Abbé Grégoire,
Des peines infamantes à infliger aux négriers, Paris, 1822.
L’environnement familial
Edward Wilmot Blyden naquit le 3 août 1832 aux Caraïbes, à Saint-
Thomas, une des Iles Vierges danoises. Ses parents, Romeo, tailleur et
Judith Anna, couturière, deux Nègres libres, étaient originaires de Saint-
Eustache. Ils éduquèrent leurs sept enfants dans un milieu culturel
anglophone. D’après un recensement réalisé le 3 octobre 1846 par le
gouvernement danois sur les Nègres libres de Charlotte Amélie (Saint-
Thomas), la famille Blyden résidant au n°2 de l’Ananas Street (dans une
maison appartenant à une certaine Rosa Mathias), se composait de :
Deux employeurs
L’œuvre de Blyden impressionne par la quantité d’écrits et par leur style
élaboré. Alors à l’apogée de sa carrière, il publia en 1887 un ouvrage
capital, Christianity, Islam and the Negro Race296. Ce livre rassemble
quinze de ses conférences les plus marquantes. Cet homme joua un rôle
particulier dans l’histoire des émigrants américains (au sens large) en
Afrique. Nommé commissaire du gouvernement du Libéria pour les Etats-
Unis, il servit également d’agent auprès de l’American Colonization
Society. Ses fonctions lui permirent de se rendre à maintes reprises aux
Amériques (Caraïbes, Etats-Unis, Canada) et en Europe.
Le propagandiste
Les Nègres libres : un danger à écarter
Aux Amériques, et aux Etats-Unis en particulier, la présence de Nègres
libres sur le territoire effrayait la population blanche dominante au XIXE
siècle. A l’époque où subsistait l’esclavage, ces hommes libres constituaient
un dangereux modèle pour les esclaves. Les puissances esclavagistes
recherchèrent rapidement le moyen de “liquider", de se débarrasser de ces
“indésirables”311. Le “cimarronage” et les rébellions de Nègres au cours du
Système esclavagiste furent constamment réprimés. La Fugitive Slave Law
de 1850 appartient à cet ensemble de mesures visant à “contenir” la
population noire des Etats-Unis.
Le salut en Afrique
Revalorisation du Nègre
L’attraction de l’Islam
Blyden admirait le prosélytisme des musulmans en Afrique. Il appréciait
énormément leur approche des indigènes qu’il qualifia d’“absorbing
influence”. Elle pénétrait en douceur, en harmonie avec les populations
locales, au lieu d’exiger d’eux une soumission. Blyden connaissait
d’ailleurs parfaitement les origines communes des peuples africain et arabe.
Il se fonda sur Hérodote à ce propos :
“Ce n’est pas simplement la religion des Arabes, mais la race des Arabes
qui leur a donné une telle influence sur les penchants des grandes tribus. Ils
appartiennent à une race proche. Avant l’époque de Mohammed, les Noirs
partageaient les connaissances et la politique d’Arabie. Hérodote, dans ces
temps anciens, avait découvert les rapports étroits entre ces deux peuples. Il
les présente comme appartenant à une même grande race”393.
Blyden eut de l’Islam l’image d’une société égalitaire, démocratique. Il
fut séduit par la force unificatrice que cette religion reflétait. L’interdiction
de la représentation humaine de Muhammad et de ses compagnons le
conquit. Nul ne pouvait imposer un prophète blanc... Toutefois, aveuglé par
le contraste avec les méthodes chrétiennes, Blyden en oublia la traite et
l’esclavage musulmans pratiqués en Afrique.
Conscient de l’influence musulmane en Afrique, et convaincu de la
richesse de la littérature arabe, il enseigna cette langue au Liberia College
dès 1868. L’usage de l’arabe lui parut indispensable pour tous ceux qui
souhaitaient travailler en Afrique. Ceci le rapprocha quelque peu de
certaines populations africaines. Dès son retour du Proche-Orient à
l’automne 1866, il prit contact avec les populations musulmanes de
l’intérieur du pays. En 1868, il célébra le peuple Futah, musulman,
appartenant selon lui à une “race supérieure”394.
Blyden insista auprès des gouverneurs successifs de Sierra Leone, pour
doter la colonie d’un enseignement coranique, respectant la composition de
la population locale. Il fut entendu par le gouverneur Matthew Nathan, et
assista le gouvernement britannique dès 1899 pour établir des écoles
anglaises et arabes auprès des musulmans. De 1901 à 1906, il fut chargé par
le gouverneur de Sierra Leone, Charles Anthony King-Harman, de diriger
l’enseignement musulman de cette colonie. Il organisa plusieurs écoles pour
les enfants, dont deux à Fourah Bay. En mars 1901, Blyden avait abandonné
définitivement son poste de professeur au Liberia College.
Les “amis” de Blyden, les responsables de l’A.C.S., lui reprochèrent son
goût un peu trop prononcé pour l’Islam. Blyden était à cette époque, occupé
à la rédaction d’une Histoire du Libéria. L’A.C.S., qui publiait tous ses
discours, l’empêcha de publier cet ouvrage auquel il s’appliquait tant. De
plus, une rumeur fut lancée sur son compte, on l’accusa de polygamie.
En s’intéressant d’un peu trop près aux méthodes peu reluisantes du
christianisme et à l’Islam, Blyden risquait de détruire l’argument
fondamental de l’A.C.S., depuis sa fondation : la christianisation et la
civilisation de l’Afrique par les Noirs d’Amérique... Rassurant ses amis,
Blyden affirma en 1876 que la religion du prophète n’était en réalité qu’une
“étape” entre le “barbarisme” et le christianisme. Elle devait préparer à la
compréhension des Evangiles :
“L’Islam en Afrique sera une étape précieuse entre le barbarisme et le
Christianisme... La diffusion générale de la langue arabe dans ce pays à
travers l’influence musulmane, peut être considérée comme une préparation
capitale à l’initiation aux Evangiles”395.
Quelques années plus tard, en 1888 et 1891, il confirma la “supériorité”
du Christianisme sur les autres religions :
“Je pense que le Chrétien est le meilleur du genre humain... Je crois que
le Christianisme est l’ultime religion de l’humanité. Il fut toujours, et le sera
encore, le système qui élève l’âme au plus haut niveau”396.
291 In Rigsarkivet, Copenhague, 4 septembre 1848, cité dans E. Holden, Blyden of Liberia, An
Account of the Life and Labors of Edward Wilmot Blyden, LL.-.D., As Recorded in Letters and in
Print, New York : Vantage Press, 1966, p. 924, d’après Holden, Romeo et Judith Anna seraient nés à
Saint-Eustache vers 1794 et 1795 respectivement. ce qui contredit les âges indiqués dans le
recensement de 1846, in Holden, p. 19 ; le nom de Blyden serait une forme anglicisée du hollandais
Blieden, in Holden, p. 923.
292 Voir Holden, op.cit., p. 23
293 "Report of the Alexander High School for the first term, ending June 12, 1852", ‘The Nos,
designating the grade, denote respectively : 5 perfection ; 4 excellence ; 3 respectability ; 2 that the
scholar is merely passable ; 1 general deficiency".
Edward Blyden :
Scripture : 5
Latin : 43/4
Greek : 4
Arithmetic : 4
orthog. : -
Behavr. : 5
Industry : 5
Absence : 0
in Presbyterian Board Library, cité dans Holden, pp. 36-37.
294 New York Colonization Journal, août 1858.
295 Id., mars 1859 et mars 1860.
296 E.W. Blyden, Christianity, Islam and the Negro Race. Londres, W.B. Whittingham, 1887,
réédité en 1967 aux Presses de l’Université d’Edimburgh, introduction de Christopher Fyfe.
297 African Repository and Colonization Journal, XXXVI, janvier 1861.
298 “Gentlemen : In the name and behalf of the republic of Liberia, on the west coast of Africa, we
have the honor to address ourselves to you, and cordially invite you to a home in that small but rising
community... signed Alexander Crummell, Edward W. Blyden. J.D. Johnson, New York City, June,
20th, 1862”, in African Repository. XXXIX, 1863.
299 Pour la politique du Libéria, voir au M.A.E., M.D. Libéria, dos. 60 et 121 ; C.C.P. Monrovia,
sans n° ; A.D.P. Afrique, c. 6 ; C.P.C. Libéria, c. 1-2, 7-8, 30 ; voir aussi au C.A.O.M., S.G. Afrique
IV. Libéria, c. 7-8, 39, Afrique VI c. 8, 57, 87, 95, 103, 112, 121, 130, Consulats dos. 194.
300 Lettre de Blyden à Gladstone le 23 mars 1861.
301 “The duties to be performed on behalf of his race were too pressing to permit him to take off for
further full-time study".
302 Liberia Bulletin, n°l, novembre 1892.
303 Voir H.R. Lynch, Edward Wilmot Blyden 1832-1912 and Pan-Negro Nationalism. thèse
dactylographiée, Université de Londres, juin 1964, p. 227.
304 The A.C.S. 40th Annual Report, Washington, 1866, pp. 7-8.
305 Idem.
306 Blyden à Lowrie, 7 février 1880.
307 Voir Oruno D. Lara, article “Aire des Caraïbes”, in Encyclopaedia Universalis, 1985.
308 “I have been informed that my visit to the West Indies was like a publication of a new Evangel -
the advent of a second Moses", Blyden cité dans Holden, p. 936.
309 New York Colonization Journal, octobre 1862.
310 Blyden à Pinney, 26 novembre 1850.
311 O.D. Lara, “Les Caraïbes comme refuge dans les projets de déportation élaborés par les
planteurs nord-américains”, conférence à l’Institut d’Histoire des Pays d’Outre-Mer, Université de
Provence, “D.E.A. - Journée Iles”, avril 1993.
312 O.D. Lara, Caraïbes en construction..., op.cit.
313 Blyden, “Echoes from Africa", in Christianity, Islam and the Negro Race, Londres, W.B.
Whittingham, 1887, pp. 146-147.
314 Id., ‘The African Problem", in Selected Published Writings..., pp. 317-321.
315 Blyden, "African Colonization", in Christianity..., op.cit, pp. 350-351.
316 Blyden à Coppinger le 22 juin 1886.
317 Blyden à Coppinger le 3 décembre 1888.
318 Blyden à Coppinger, le 29 août 1887.
319 Blyden, “African Colonization”, Christianity..., op.cit, p. 365.
320 Blyden, “Christianity and the Negro Race", Christianity..., op.cit, p. 38.
321 Voir le chapitre précédent, "Les certitudes du racisme pseudo-scientifique".
322 Blyden, "Islam and Race Distinctions", Christianity..., op.cit, p. 247.
323 Blyden, “Echoes from Africa”, Christianity..., op.cit, p. 138.
324 Blyden, “African Colonization", Christianity..., op.cit, p. 352.
325 Blyden, “Ethiopia stretching out her hands unto God" (Africa’s Service to the World),
Christianity.... op.cit, p. 120.
326 Ibid., pp. 116-117.
327 Ibid., p. 126.
328 H. Aptheker, David Walker’s Appeal to the Colored Citizens of the World, 1829-1830 : its
Settling and its Meaning, New York, 1965, p. 70.
329 F. Douglass, The Claim of the Negro Ethnologically Considered : an Address, Rochester, New
York, 1854, pp. 17, 25.
330 C.-F. Volney, Les Ruines, ou Méditations sur les Révolutions des Empires, Paris, 1794.
331 African Repository, vol. 1, n°1, mars 1825.
332 Blyden, “Philip and the Eunuch”, Christianity..., op.cit, p. 154.
333 In Selected Published Writings, pp. 145-157
334 Blyden, “Ethiopia stretching...", Christianity..., op.cit, pp. 126-127.
335 Blyden, “Africa and the Africans", Christianity..., op.cit, p. 278.
336 Ibidem.
337 O.D. Lara, Caraïbes en construction vol. 2, pp. 1020-1021.
338 Id, p. 1022.
339 Id., p. 1021.
340 Blyden, "The Negro in the United states", A.M.F.. Church Review, janvier 1900, pp. 308-351.
341 Blyden à Coppinger, le 19 novembre 1887.
342 Lynch, thèse, pp. 144-145.
343 Blyden. "The West African University", in Selected Published Writings, pp-223-229.
344 C.O. 267/324, n°978 : Negro, vol. 11, N°1, 16 avril 1873
345 Hannibal Price, De la Rehabilitation de la Race Noire par la République d’Haïti, Port-au-
Prince, 1900, XVIII-736 p.
346 Cf. Mudimbe (V.Y.), The Invention of Africa : Gnosis, Philosophy, and the Order of Knowledge,
Indiana University Press, 1988, chap. IV.
347 Blyden à Lowrie, 20 septembre 1875.
348 C. Hodge, Essays and Reviews, cité dans lettre de Blyden, op. cit.
349 Blyden à Coppinger, 19 octobre 1874 ; Blyden à Wilson, 31 mai 1897.
350 Sierra Leone Weekly News, 10 février 1912.
351 Pinney à Tracy, 19 juin 1871.
352 Blyden à Lowrie, 6 janvier 1877.
353 Blyden à J.C. Braman, 27 mars 1884.
354 Blyden à Lowrie.
355 Blyden à Coppinger, 2 février 1879.
356 "Some philanthropists in America cannot understand that ‘café au lait’ is not coffee any longer,
nor is it milk, and that you can taste neither the one nor the other by mixture..." in Blyden à
Coppinger, 20 août 1887.
357 “Liberia is sure to prosper and very soon, if you exercise some discrimination in the sort of men
you send us, men who love Africa, and care more for the race than for clans and cliques” in Blyden à
Coppinger, 21 octobre 1875.
358 Tracy à Mc Lain, le trésorier de l’A.C.S., le 10 juin 1871 ; Kennedy Kimberley, 6 mai 1871 in
C.O. 267/311.
359 Blyden, in Christianity..., op.cit, pp. 108-109.
360 Blyden, “Facts Concerning Liberia’’ in The foreign Missionary and Presbyterian Church, juillet
1880, pp. 53-54.
361 Blyden à Coppinger, 10 juin 1880.
362 Blyden à Wilson, 1er juin 1900.
363 Blyden à Coppinger, 2 décembre 1887.
364 Charleston News and Courier, Ier décembre 1889 ; Charleston World. 2 et 3 décembre 1889.
365 Blyden à Wilson. Ier juin 1900.
366 Blyden, 24 mai 1884, cité dans Holden, op. cit.. p. 911.
367 Blyden à Coppinger, 20 septembre 1878.
368 In Lynch, Selected published writings..., pp. 187-189.
369 Blyden à Coppinger, 20 septembre 1878.
370 Blyden à Wilson, Ier juin 1900.
371 Blyden, in Christianity..., op.cit, p. 121.
372 “I believe in a future Negro empire in Africa”.
373 Blyden, "Study and Race”, in Selected Published Writings..., pp. 201-203.
374 O.D. Lara, Caraïbes en construction..., p. 670 et id., Marcus Garvey, le Lion des Caraïbes,
Paris, CERCAM, 1992.
375 Cf. comptes rendus de Blyden dans le Liberia Herald, 16 mars et 6 avril 1853. in Holden, op.
cit, notes 25-26-27-28, p. 927.
376 Blyden au Rév. J. P. Knox, février 1852, in Hoiden, op.cit., pp. 33-34.
377 C.O. 267/316 : rapport de l’expédition de Falaba ; C.O. 267/320 : rapport de l’expédition de
Timbo.
378 Cf. l’article “News from Africa" dans The Presbyterian, Philadelphie, Pennsylvanie, du 29
janvier 1887, p. 8, signé S.S. Servier, in Holden op. cit., pp. 574-575.
379 Lettre de Blyden du 22 octobre 1887, in Holden, op.cit., n. 16 p.926.
380 Blyden, “Christian missions in West Africa", Christianity..., op.cit, p. 60 ; “Ethiopia
stretching...”, Christianity..., op.cit, p. 129.
381 Christianity..., op.cit, p. 335.
382 Id„ pp. 335-336.
383 Cf. O.D. Lara, Caraïbes en construction...
384 Pinney à Tracy le 19 juin 1871, in Holden pp. 176-176.
385 Blyden à Coppinger le 9 juin 1876, in Holden, op. cit., pp. 340-343.
386 Christianity..., op.cit, p. 102 et Lynch, thèse, op. cit., p. 207.
387 Blyden, Liberia’s Offering, New York, 1862.
388 “Growing out of the general misunderstanding of the people, the first and constant effort of the
missionaries is to Europeanize them, without reference to their race peculiarities or the climatic
conditions of the country ", Blyden, “Christian Missions in West Africa", in Christianity..., op.cit,
p.63.
389 “The ‘thin varnish of European civilisation’, which the natives thus receives, is mistaken for a
genuine mental metamorphosis, when as a rule, owing to the imprudent hurry by which the convert’s
reformation has been brought about, his Christianity, instead of being pure is superstitions, instead of
being genuine is only nominal, instead of being deep is utterly superficiel, and, not having fairly
taken root, it cannot flourish and become reproductive". Ibid., p. 64.
390 Blyden à Schieffelin, 28 avril 1888.
391 Blyden. "Christianity and the Negro Race”, Christianity..., op.cit, p. 30.
392 “I love the Christianity of the Christ - but I have no respect for its secular representatives from
Europe to this country... my mind is the anomalous condition of loving the system of Christianity but
hating the methods has nowhere given the Negro any power and is not likely to give", Blyden à
Coppinger, 12 juillet 1887.
393 “It is not simply the religion of the Arabs, but the race of the Arabs which has given them such
influence over the tendencies of the great tribes. They belong to a cognate race. Before the days of
Mohammed, Negroes shared in the learning and politics of Arabia. Herodotus, in those early days,
discovered the relationship of the two peoples. He represents them as belonging the same great race”.
Blyden, "Sierra Leone and Liberia”, Christianity.... op.cit, p.230 ; et Blyden à Mary Kingsley. 7 mai
1900.
394 Blyden. “Sierra Leone and Liberia”, in Christianity.... op.cit, pp. 189-240.
395 “Mohammedanism in .Africa will be a helping step between barbarism and Christianity... The
general diffusion of the Arabic language in this country, through Mohammedan influence, must be
regarded as a preparatory circumstance of vast importance for the introduction of the Gospel”,
Blyden à Lowrie. 9 mai 1876.
396 “I believe that the Christian is the highest type of man... I believe Christianity to be the ultimate
and final religion of humanity. Indeed, I believe it has always been and always will be the system
which raises mankind to the highest level”, Blyden à Schieffelin, 28 avril 1888 ; Blyden à Wilkinson,
17 novembre 1891.
397 "From the lessons he every day receives, the Negro unconsciously imbibes the conviction that to
be a great man he must be like the white man... To be himself... is to be nothing... To be as like the
white man as possible... This is his aspiration. The only virtues which under such circumstances he
develops are, of course, the parasitical ones...’’, Blyden, ‘ The African Problem and the Methods of
its Solution”, in Selected Published Writings, pp. 45-52 ; et “The Origin and Purpose of African
Colonization", pp. 109-110.
398 Blyden, "Study and Race”, 1893. in Selected Published Writings, p. 203
399 Blyden, “Africa and the Africans’’, Christianity..., op.cit, p. 266.
400 "The precise problem of the education of the African is to develop his powers as an African...
The method which has been generally’ pursued... has teen absurd... because it has been carried on
without the study of the man and his intellectuel possibilities... producing, as a rule, only caricatures
of alien manners, who copy the most obvious peculiarities of their teachers, whith all their drawbacks
and defect.”, in Blyden, “The Aims and Methods of a Liberal Education for Africans”, Christianity...,
op.cit. pp. 82-92
401 Blyden, “Study and race", op. cit.
402 Lynch, thèse, op. cit., p 133.
403 Blyden, "West Africa Before Europe”, Selected Published Writings, p. 323.
404 The Sussex Daily News, 1er septembre 1877.
405 West Africa, 14 septembre 1901.
406 Sierra Leone Weekly News, Ier mars 1902.
407 Id., 27 septembre 1902.
408 Le 17 mai 1905, in Holden, op. cit.. pp. 809-810.
409 Voir M.A.E., M.D., Afrique, 128 131 : A.D.P., Afrique, carton 6 ; C.P.C., Liberia, 9, 18 ;
C.A.O.M.. S.G., Afrique IV, Liberia, dossiers 14, 57, 64, 71 et 78 ; et aussi : F.O. 403, 363,
Confidential 8690, Mémo du Dr. Blyden sur la situation du Libéria.
410 Blyden à Wilson. 10 janvier 1906.
411 Blyden, le 10 février 1874.
412 Blyden à Wilson, 1er novembre 1899 et 10 janvier 1906.
413 Expression de Benito Sylvain.
-8-
LA CROISADE POLITIQUE D’ANTENOR FIRMIN
"I would not give the enjoyment I have bad since I have been in Africa
for all I have seen in America. I have set out all kinds of fruit trees that
are in Africa. We have preaching every Sunday, and prayer meeting even
night through the week... My son. George Washington, is spelling in three
syllabes, and reading in the new American spelling-book, words of one
syllabe. I think Monrovia will become a fine good place, in course of a
few years. The people are building every day. We have had war, since we
have been here, with the natives. The first day we started, we went to St
Paul’s ; the next day, we marched to King Brumley’s town and took it. We
only lost one man
“Etre Nègre, c’est bien moins une race qu’une véritable maladie "
L’homme politique
Evoquons brièvement la personnalité d’Anténor Firmin avant
d’approfondir sa fameuse réplique aux théories racistes de Gobineau.
Joseph Anténor Firmin était un homme de la province Nord d’Haïti. Il
naquit en effet au Cap Haïtien en octobre 1850 et fut successivement et
parallèlement professeur, avocat, et journaliste. Il créa un journal, Le
Messager du Nord en 1878. Il commença sa carrière diplomatique en 1884
sous la présidence de Sylvain Salnave (1867-1869), comme commissaire de
Haïti aux Fêtes de Caracas. Il séjourna à Paris jusqu’en 1888 et se fit de
solides amitiés en France.
La chute du Général Lysius Félicité Salomon, le 10 août 1888 fut suivie
d’une guerre civile. Firmin devint Ministre — Conseiller des Relations
Extérieures du gouvernement séparatiste du Nord. L’assassinat du Général
Side Télémaque — le successeur présumé de Salomon — fut suivi du
départ en exil de François D. Legitime (1888-1889) quelques mois
seulement après son élection à la présidence qui avait été précédée par
l’arraisonnement du navire Haytian Republic, battant pavillon des Etats-
Unis, le 16 décembre 1888.
Le Général Florvil Hyppolite, surnommé Mabial (le Terrible), chef des
Provinces Protestataires (Nord, Nord-Ouest et Artibonite) prit le pouvoir en
décembre 1889 et le conserva jusqu’à sa mort le 24 mars 1896. Il chargea
Anténor Firmin de s’occuper de la diplomatie et des finances. La dette
intérieure du pays s’élevait à cette époque à 20 000 000 de dollars-or, “une
somme fabuleuse”. Il entreprit de combattre la fraude, l’absence de
statistiques économiques et commerciales.
Il se préoccupa, sur le plan international de réglementer le problème des
frontières avec la République Dominicaine. La Convention de Thomazeau
fut signée le 5 février 1890 avec la République voisine pour arbitrer les
litiges frontaliers. Firmin envoya un représentant haïtien, Hannibal Price,
sièger à la réunion de Washington où fut signé le traité d’arbitrage le 28
avril 1890. L’article Ier stipulait que les nations suivantes, Haïti, Bolivie,
Equateur, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Salvador, Etats-Unis, Brésil,
“assemblées dans cette Convention adoptent, par ces présentes, l’arbitrage
comme principe de droit international américain, pour le règlement des
difficultés, disputes et controverses qui peuvent s’élever entre deux ou
plusieurs d’entre elles”434.
Le redressement de la situation financière en 1890 suscita une forte
animosité de certains politiques partisans du désordre favorisant leur
enrichissement. Jean Price-Mars, plus tard, rendra un fervent hommage au
travail accompli par Anténor Firmin quand il était Ministre des Finances. Il
a résumé les réformes effectuées par le grand homme d’Etat en ces termes :
“Le premier objectif qu’il s’assigna dans cette tâche fut de remettre de
l’ordre dans cette branche de l’administration, de réorganiser les Services
de perceptions fiscales et des dépenses de l’Etat. Il réforma le personnel des
Douanes de la République en y faisant entrer des agents irréprochables au
triple point de vue de la compétence, de la probité et de l’honnêteté à tous
les échelons de la hiérarchie. A la Banque Nationale d’Haïti, trésorière de
l’Etat, il demanda et obtint une modification du pourcentage prélevé dans le
service d’encaissement et de paiement pour compte de l’administration. Ce
mouvement de réforme produisit promptement ses effets. Les recettes
devinrent chaque mois plus abondantes et leurs affectations adéquates plus
rationnelles.
Il en découla une reprise des affaires, une nouvelle impulsion au
commerce. L’ordre et la régularité ayant été rétablis dans le fonctionnement
des services administratifs, Firmin pouvait aisément satisfaire aux
obligations de l’Etat. Il reprit le service de paiement normal des coupons de
la dette extérieure de l’Etat en retard, celui des Bons de Trésor arriérés. Il
régularisa le paiement mensuel des employés de l’Administration sans
recourir à des emprunts onéreux à court terme. Tant de réajustements
financiers et économiques furent réalisés en un si bref intervalle que le
crédit de l’Etat s’en trouva rehaussé. La conséquence s’en fit ressentir par la
hausse graduelle de la cote des obligations de la dette Extérieure à la Bourse
de Paris”435.
Un historien haïtien donna lui aussi son opinion sur le passage de Firmin
au ministère des Finances : “Ce qui semble justifier jusqu’à un certain point
la confiance du Secrétaire d’Etat des Finances et Relations Extérieures et de
plusieurs de ses collègues, c’est la situation particulièrement satisfaisante
des finances de l’Etat.
Grâce aux sages économies réalisées par M. Firmin, grâce à l’esprit
d’ordre et aux principes d’honnêteté qu’il s’est efforcé d’apporter dans les
diverses branches de son administration financière, grâce à la régularité
avec laquelle s’effectuent les recettes du Trésor qui augmentent sans cesse,
le Gouvernement haïtien se trouve, en ce moment, à la tête d’une réserve
pécuniaire de 600.000 piastres (soit 3 millions de francs), comme jamais
aucun des gouvernements précédents n’en avait en sa possession.
Il faut rendre, en effet, cette justice à M. Firmin, et ses ennemis les plus
acharnés ne sauraient eux-mêmes le lui refuser, que, depuis qu’il est à la
tête du Ministère, jamais les finances de l’Etat n’ont été plus prospères et le
crédit du pays plus solidement assurés”436.
“Benjamin Harrison
Président des Etats-Unis d’Amérique
A tous ceux à qui ces présentes parviendront, salut ! J’investis par ces
présentes, Frederick Douglass, Ministre Résident et Consul Général des
Etats-Unis d’Amérique en Haïti, et Bancroft Gherardi, Contre-amiral dans
la Marine des Etats-Unis, du plein pouvoir de conférer avec de telles
personnes qui peuvent être autorisées de la part d’Haïti, et de conclure, sauf
l’avis et la sanction du Sénat des Etats-Unis l’usage du Môle Saint-Nicolas
comme station navale.
En foi de quoi j’ai ordonné que le sceau des Etats-Unis y soit apposé.
Donné sous notre seing et notre sceau dans la ville de Washington le neuf
mars de l’année mil huit cent quatre-vingt-onze et le cent quinzième de
l’Indépendance des Etats-Unis.
(signé) : Benj. Harrison.
Par le Président :
James G. Blaine,
Secrétaire d’Etat.
Certifié le document ci-dessus comme une copie sincère de l’original.
(signé) : F. Douglass,
Bancroft Gherardi”437.
Il est curieux de noter la responsabilité à cet effet d’un de ces
plénipotentiaires nord-américains, le Nègre Frederick Douglass, bien connu
par ailleurs pour ses positions abolitionnistes. C’est avec stupéfaction qu’on
le retrouve ici, servant d’instrument docile à la politique des canonnières !
Dans sa réponse du 22 avril, Anténor Firmin fit observer aux deux
plénipotentiaires que "le gouvernement d’Haïti n’afferme aucun port ou
autre portion de son territoire, ni n’en dispose autrement, n’y accordant
aucun privilège spécial ou droit d’usage à aucun pouvoir, Etat ou
gouvernement”438. Son refus de céder le Môle Saint-Nicolas comme station
navale des Etats-Unis se fondait sur l’article Premier de la Constitution de
la République d’Haïti. L’arrivée d’une deuxième escadre de “puissants
vaisseaux” de guerre de la marine des Etats-Unis ne fléchit pas la
détermination de Firmin. Frederick Douglass et Gherardi prirent acte de ce
refus par leur dépêche du 24 avril. Cette victoire diplomatique fut saluée par
toute la population. Anténor Firmin dut pourtant démissionner le 3 mai
1891, sous la pression du Président Hyppolite et “pour répondre aux
contingences du milieu et apaiser les lamentis de quelques pontifes du
cabinet”439.
Candidat à la présidence
Firmin se rendit en France au mois d’octobre 1891. Il prononça plusieurs
conférences, évoquant l’histoire d’Haïti, la colonisation, la guerre de
l’Indépendance, l’économie, les relations internationales. A son retour il se
retira au Cap Haitien pour exercer sa profession d’avocat. Après la mort du
Général Hyppolite en 1896, le Président Tyrsias Simon Sam, élu le 1er avril
1896, fit appel à lui de décembre 1896 à juillet 1897, Grand échiquier et
ministre des Relations Extérieures. Firmin, surnommé l’Incorruptible,
enraya la banqueroute qui menaçait. Il favorisa la nomination du Général
François Manigat comme Envoyé Extraordinaire et ministre
plénipotentiaire à Paris. Il présenta ses lettres de créances à l’Elysée au
Président Félix Faure le 31 décembre 1896. Firmin participa à la signature
du Traité de Saint-Domingue le 3 juillet 1893 à la Convention postale (15
juin 1897).
Le Président Sam l’envoya comme ministre plénipotentiaire à Paris pour
y négocier des accords qui aboutirent le 31 juillet 1900 à la Convention
commerciale avec la France440. Le gouvernement français promut le
Président Sam au grade de Grand’Croix de l’Etoile Noire du Bénin. Au
cours d’une conférence prononcée au cercle de l’Union latino-américaine, il
développa l’idée que l’indépendance d’Haïti était à sauvegarder : “La
République d’Haïti prospère et encouragée dans son développement
national, est une affaire de haute prévoyance pour la politique coloniale de
la France. Si Haïti perd pied, la Guadeloupe, la Martinique, Cuba, Puerto
Rico seraient des colonies américaines’’441. Les préoccupations politiques
de Firmin concernant les colonies françaises et espagnoles des Caraïbes ne
se dissocient pas ici de l’intérêt que leur portait un révolutionnaire
puertoricain, Betances. Le Dr. Ramon Emeterio Betances (1827-1898), né à
Puerto Rico, a étudié en France et a passé son diplôme de médecin à Paris
en 1856. Partisan de l’indépendance de son pays, il voyage aux Caraïbes de
1867 à 1875 : Santo Domingo, Curaçao, Haïti, Saint-Thomas, Venezuela,
avant de se fixer en France. De 1875 à 1898. il élabore un projet de
‘confédération antillienne” qui reçoit l’appui d’Anténor Firmin et des
Guadeloupéens H.-Adolphe Lara et son frère Oruno Lara. L’idée de
confédération est abandonnée avec la mainmise des Etats-Unis sur Cuba
après la guerre hispano-nord américaine de 1898 et les directives de
l’amendement Platt en 1901.
Firmin candidat à la présidence en 1902 se heurta aux manœuvres du
Général Nord Alexis qui chercha à l’arrêter. Protégé par l’amiral Killick,
Firmin trouva refuge en juin 1902 sur le navire de gliene haïtien l’aviso La
Crête à Pierrot442. Ce bâtiment arraisonna le 3 septembre le navire
marchand allemand Markomannia, transportant une cargaison d’armes pour
le Général Nord Alexis. La rébellion de 1902 se termina mal pour Firmin, il
dut s’exiler à Saint-Thomas avec plusieurs de ses compagnons.
C’est au cours de cette retraite, aux Iles Vierges, que Firmin conçut et
développa le projet d’une confédération caraïbe. Son idée se fondait sur
l’histoire, commune à ces territoires insulaires, ainsi que sur leur identité,
leur économie, et leurs intérêts propres. Il pensait qu’un ensemble de
territoires comprenant Cuba, Haïti, la République Dominicaine, Jamaïque et
Puerto Rico, assureraient mieux leur indépendance en face des puissances
européennes. Ce plan de confédération avait été lancé, dès 1885, par des
personnalités de la région comme de Dr. Betances et Torres Caicedo. La
Conférence de Washington en 1907 avait organisé une Union Centre-
Américaine réunissant les six pays : Guatemala, Costa Rica, San Salvador,
Honduras, Nicaragua, Panama. Dans ses Lettres de Saint-Thomas, Anténor
Firmin défendit le projet d’une Confédération antilléenne auprès de
plusieurs hommes politiques de la région. Il reçut l’accord et l’appui des
Guadeloupéens H.-Adolphe Lara, directeur du journal Le Nouvelliste, et de
son frère Oruno Lara, journaliste et historien.
Firmin donna le signal de l’insurrection de janvier 1908 qui chercha à
abattre le Président Nord Alexis. Il débarqua à l’Aire Rouge pour participer
aux luttes. Après le décès du Général Jean-Jumeau, son chef d’Etat-Major,
Firmin reprit la route de l’exil. La destitution de Nord Alexis et l’élection
du Président Antoine Simon, un de ses amis, lui permirent de revenir en
Haïti. Il partit pour La Havane comme ministre plénipotentiaire le 7 juin
1910. A Cuba, il se lia d’amitié avec José Marti et fit connaître son idée de
confédération caraïbe. Il participa à la création d’un Comité central des
Sociétés de couleur avec des personnalités comme Juan Gualberto Gomez
— rentré d’exil en 1895 — le Dr. Pedro Betancourt, Emilio Dominguez,
José Maria Aguire et Antonio Maceo.
Firmin fut envoyé à Londres en 1910 comme Envoyé Extraordinaire. Il
présenta ses lettres de créances au roi George V le 14 octobre. Il se retira à
Puerto Rico en janvier 1911, puis à Saint-Thomas après l’insurrection
d’août 1911 et l’élection à la présidence du Général Cincinuatus Lecomte,
chef d’un Comité Révolutionnaire installé aux Gonaïves. Anténor Firmin,
épuisé, mourut peu de temps après, la même année 1911.
En exil, à Saint-Thomas, Anténor Firmin rédigea en 1905 un ouvrage
intitulé Roosevelt et Haïti...443. Il évoquait en conclusion ce qu’il appelait
“notre responsabilité nationale”. Il se présentait alors comme un fédérateur
des courants démocratiques et définissait de manière explicite sa conception
de la démocratie :
“Le pays baisse et déchoit, glissant dans une ornière qui conduit à
l’anéantissement final. Pour en sortir, il importe que ceux qui défendent le
drapeau des libertés politiques ne croient pas que leur intérêt soit de
refouler en bas la majorité de leurs concitoyens, pas plus sous le rapport
social que sous le rapport politique ; il importe que ceux qui aspirent à
l’égalité réelle et non mythique et artificielle, ne cherchent pas dans la
suffocation des libertés publiques, le moyen empirique et odieux d’abaisser
toutes les têtes au même niveau. Une démocratie sans liberté est tout aussi
absurde qu’une démocratie sans égalité... A la liberté, l’égalité, qu’on allie
sincèrement la fraternité, en écartant les suggestions malsaines de toutes les
haines comme de tous les préjugés, et Haïti marchera. Il en est plus que
temps”.
Firmin prêchait la réconciliation, l’union des éléments démocratiques,
s’identifiant aux formations libérale et nationale des années 1870-1880. La
première proclamait le “pouvoir aux plus capables”, la seconde, “le pouvoir
au plus grand nombre”. Firmin, après Louis Joseph Janvier444 soulignait
l’importance de la concertation pour la constitution d’une avant-garde, la
complémentarité du libéralisme et du nationalisme. Haïti se portait mal, à
preuve la sarabande des chefs d’Etat : six, entre août 1911 et juillet 1915,
dont quatre en deux ans, et des équipes gouvernementales qui se
succédaient au Palais National. Emporté dans la tourmente, le Président
Vilbrun Guillaume Sam, un tyran était renversé en juillet 1915. La foule
l’écharpe, le tenant pour responsable du massacre de centaines de
prisonniers politiques. La voie était ainsi ouverte aux Etats-Unis qui
entendaient placer la République sous son contrôle financier. Les fusilliers
marins débarquèrent et les Etats-Unis occupèrent militairement le pays
pendant vingt ans.
L’affirmation de légalité
La publication de la deuxième édition de l’ouvrage de Gobineau (De
l’Inégalité des Races Humaines) suscita de nombreux commentaires en
Haïti. Séjournant à Paris comme diplomate, Firmin, après lecture, pensa
d’abord intervenir à la Société d’Anthropologie, dont il était devenu
membre titulaire le 17 juillet 1884, présenté par Mortillet et Janvier — ce
dernier d’origine haïtienne. Il confia ses réflexions :
“J’aurais pu, dès la fin de l’année dernière, à la reprise de nos travaux,
provoquer au sein de la Société une discussion de nature à faire la lumière
sur la question, à méditer au moins sur les raisons scientifiques qui
autorisent la plupart de mes savants collègues à diviser l’espèce humaine en
races supérieures et inférieures ; mais ne serais-je pas considéré comme un
intru ? Une prévention malheureuse ne ferait-elle pas tomber ma demande,
préalablement à tout examen ? Le simple bon sens m’indiquait là-dessus un
doute légitime”445.
Après avoir tergiversé de la sorte, il préféra entreprendre la rédaction
d’un livre, qui parut à Paris, en mai 1885.
Partisan de "l’unité de l’espèce humaine”, il hésite à choisir entre
monogénisme et polygénisme. La question pour lui. n’est pas de se
déterminer entre ces deux thèses, mais d’évaluer la notion de “race" dont il
juge la “terminologie imparfaite”. Il insiste sur la “confusion des idées” qui
sévit alors :
“Si l’idée de l’espèce en apparence si rigoureuse en zoologie, a pu être
contestée, presque ébranlée par la doctrine du transformisme, l’idée de race,
déjà moins claire, moins précise quand il s’agit des animaux, devient
obscure, vague, trompeuse, parfois même fantaisiste, quand elle est
appliquée à l’homme”446.
Comment se fonde la classification des “races humaines” ? Firmin aborde
ces critiques en se plaçant sous l’autorité d’Alexander Von Humbolt :
“Que l’on suive la classification de mon maître Blumenbach en cinq
races (Caucasique, Mongolique, Américaine, Ethiopique et Malaise) ou
bien qu’avec Prichard, on reconnaisse sept races (Iranienne, Touranienne,
Américaine, des Hottentots et Boschimans, des Nègres, des Papous et des
Alfourous), il n’en est pas moins vrai qu’aucune différence radicale et
typique, aucun principe de division naturelle et rigoureuse ne régit de tels
groupes”447.
Firmin prévoit une critique scientifique du XXe siècle, “où Noirs et
Blancs, faunes et Bruns sauront également tailler leur plume”448. Cela lui
permet d’enquêter sur les comparaisons “craniologiques” tirées des calculs
de Broca et de Toppinard, l’angle facial de Camper, la division
dichotomique de Retzius, l’indice nasal, l’angle parital de Quatrefages.
Il dénonce les “dénominations arbitraires : race aryenne, race indo-
européenne, caucasique. Il n’existe pas de peau rouge” affirme-t-il449.
Comment expliquer la “hiérarchisation factice des races humaines” ? Selon
lui :
“La doctrine anti-philosophique et pseudo-scientifique de l’inégalité des
races ne repose que sur l’idée de l’exploitation de l’homme par l’homme.
L’école américaine a été seule conséquente avec elle-même, en soutenant
cette doctrine ; car ses adeptes ne cachaient pas l’intérêt capital qu’il avait à
la préconiser”450.
Après avoir analysé les facteurs linguistiques et physiques (taille,
longévité, beauté esthétique), le métissage, le darwinisme, Firmin observe
que “les savants se moquent de ceux qui attendent d’eux la vérité”451. Il
ajoute : “la conclusion des anthropologistes est donc aussi fausse que celle
des philosophes ou des érudits qui ont adopté et soutenu la doctrine de
l’inégalité des races”.
Il termine son enquête anthropologique en balayant toutes les thèses
racistes : “Après avoir passé en revue tous les arguments que l’on pourrait
mettre en avant pour soutenir la doctrine de l’inégalité des races humaines,
il semble qu’aucun ne résiste au plus simple examen"452. Pour lui, aucun
doute ne subsiste : "il est permis d’affirmer que l’égalité naturelle existe
entre toutes les races”453. C’est dans l’évolution sociale, qu’il faut chercher,
déclare-t-il, la cause des différences de “complexion morale et intellectuelle
qui existent entre les diverses portions de l’humanité”. Firmin prévoit une
époque dans le futur où il ne sera plus question de “races”, car, "Ce dernier
mot implique une certaine fatalité biologique et naturelle, qui n’a aucune
analogie, aucune corrélation avec le degré d’aptitude que nous offrent les
différentes agglomérations humaines répandues sur la surface du globe”454.
Les critiques de Firmin marquent une étape déterminante dans le
développement d’une pensée négro-caraïbe. Il opère une rupture avec la
domination idéologique de l’Europe colonialiste. C’est un coup sévère porté
aux thèses racistes qui s’épanouissent aux Etats-Unis dans la seconde
moitié du XIXe siècle. Firmin est le premier Nègre à s’affranchir totalement
de la doctrine anthropologique, à rejeter les conclusions de la soi-disant
science européenne, et à prôner une démarche autonome et souveraine des
Noirs, aussi bien des Caribans que des Africains :
“Si la science, devant laquelle je suis habitué à m’incliner, me dévoile
enfin le mot cabalistique ou le fil caché qu’il faut avoir pour forcer la nature
à parler... j’écouterai déconcerté, mais résigné. Mais, si malgré la meilleure
volonté, il est impossible de pénétrer ces arcanes de l’anthropologie : si telle
qu’une courtisane capricieuse, elle a caché toutes ses faveurs, pour en faire
comme une auréole autour du front illuminé des Morton, des Renan, des
Broca, des Carus, des de Quatrefages, des Büchner, des de Gobineau, toute
la phalange fière et orgueilleuse qui proclame que l’homme noir est destiné
à servir de marchepied à la puissance de l’homme blanc, j ‘aurai droit de lui
dire, à cette anthropologie mensongère : ‘Non, tu n’es pas une
science !’”455.
Sous son impulsion, le mouvement panafricain va chercher à sortir
définitivement des contradictions nord-américaines. Anténor Firmin
apparaît comme un penseur original, enracinant sa pensée et son action dans
le substrat historique d’un pays, Haïti, indépendant depuis 1804, qui avait
dû longuement combattre pour survivre.
La vision d’Anténor Firmin s’apparente à une sorte de messianisme, un
“négrisme”, selon l’historien haïtien Benoît Joachin. Dans son maître-
ouvrage de 1885, il proposait un ambitieux plan qui dépassait de beaucoup
l’édification d’une nation moderne :
“C’est notre gloire et, en même temps notre martyre, que l’on n’établira
jamais un jugement favorable ou défavorable sur les aptitudes du Noir à se
gouverner ou à s’élever dans les hautes sphères de la civilisation que
suivant l’évolution satisfaisante de la nation haïtienne ou son arrêt de
développement, qui serait en fait, une régression, dans le concert des
peuples qui montent, montent sans cesse, changeant le mal en bien et le
bien en mieux, emportés par le char fulgurant du progrès, garant irrécusable
de leur perfectibilité indéfinie. Telle est notre responsabilité nationale”456.
- Vous a-t-on déjà dit, Sire, que sous l’inspiration d’une Agence
d’informations italienne, la Presse européenne annonce périodiquement la
mort de Votre Majesté, qui, je le constate avec plaisir, ne s’en porte pas plus
mal ? Cette fausse nouvelle intermittente, étant donné l’âge du prince
héritier, entretient un sentiment d’incertitude et de précarité qui plane sur
toutes les affaires de l’Empire. Les journaux italiens insinuent en outre, que
l’esclavage subsiste encore en Abyssinie, toléré, sinon encouragé par Votre
Majesté, ce qui vous met en fâcheuse posture morale devant l’opinion
publique en Europe...
- Mais vous savez bien ce qu’il en est, vous ? interrompit l’Empereur.
- Oui, Sire, je sais que vous avez renouvelé deux fois l’édit de prohibition
de l’esclavage, promulgué dès votre avènement au trône. Mais il n’en existe
pas moins ici. paraît-il, des malheureux, capturés dans des razzias et forcés
de peiner sans salaire chez des chefs et des sous-chefs qui s’arrogent le droit
de disposer de leur liberté et de leur vie. Cette domesticité spéciale
constitue, ni plus ni moins, un système d’esclavage ; et les publicistes
italiens, qui ont des accès d’humanitarisme aigu quand il s’agit de
l’Abyssinie, ne se font pas faute d’en tirer argument contre Votre Majesté.
- Je n’y puis rien, malheureusement. J’ai prohibé toute espèce de razzia
dans l’étendue de mon Empire. Mais l’Abyssinie est vaste, et ses frontières
confinent au Soudan, où l’esclavage sévit encore, par le fait des
Musulmans. Les traitants qui traversent le pays avec leur marchandise
vivante, voyagent le plus souvent la nuit ; il est donc très difficile de
réprimer leurs brigandages. Quant à l’esclavage domestique, n’étant plus
alimenté comme par le passé, il s’éteindra de lui-même au bout d’un certain
temps.
- J’enregistre avec joie cette affirmation émanant de Votre Majesté ; elle
comblera aussi de satisfaction, j’en suis sûr, tous les Noirs civilisés
d’Amérique, qui, s’ils ne sont pas encore en mesure de coopérer
efficacement au relèvement social de leurs congénères d’Afrique, n’en
souffrent pas moins de leur état de misère et de dégradation.
- Les Noirs d’Amérique s’intéressent donc à ce point à l’Afrique, reprit
l’Empereur.
- Le mouvement n’est pas encore général, mais il s’étend de plus en plus.
Je revendique, d’ailleurs, l’honneur d’y avoir beaucoup contribué par le
journal La Fraternité, que j’ai fondé à Paris dans ce but et où j’ai porté mes
compatriotes à regarder en face la question de la Régénération Africaine,
telle qu’elle doit être envisagée par nous.
- Et aucun groupe de ces Noirs d’Amérique n’a songé, jusqu’ici, à venir
visiter la terre de leurs ancêtres.
- Beaucoup y songent, au contraire, Sire ; mais ils sont encore influencés
par le jugement défavorable que portent contre les indigènes d’Afrique les
Européens intéressés... à les représenter comme des battes réfractaires à
toute tentative de civilisation.
- Est-ce possible ?
- C’est la pure vérité, Sire. Et quand, au cours des siècles, il surgit des
peuples africains qui, comme les Egyptiens et les Ethiopiens, prouvent
péremptoirement leurs aptitudes civilisatrices, les Européens s’empressent
de les englober dans leur propre race et de les opposer à la masse des noirs
moins avancés. Mais Votre Majesté peut s’en rapporter à moi pour clamer
partout la vérité sur ce point et fortifier ainsi le sentiment de solidarité qui
doit unir les Noirs de l’Amérique à ceux de l’Afrique... Mais j’abuse de vos
précieux instants, Sire ; je sais que vous avez encore des visiteurs à recevoir
après moi...
- C’est vrai, je dois accorder audience à la Mission Bonvalot (Il s’agissait
d’une mission auxiliaire, destinée à prêter main forte à la célèbre expédition
“Congo-Nil” dirigée par le Commandant Marchand). Mais vous ne partirez
toujours pas avant d’avoir bu un bérillé de tedj (hydromel).
Je m’inclinai. Le Ghérazmath fit un signe imperceptible : l’agaffari de
service m’apporta un carafon plein de la délicieuse boisson nationale, tandis
qu’un page me présentait un verre sur un plateau d’argent et que le groupe
des autres dignitaires restés à l’écart revenait auprès de Sa Majesté...
- Quand comptez-vous partir ? me demanda l’Empereur en me serrant la
main.
- Après demain, Sire, et si Votre Majesté le permet, je viendrai dans la
matinée lui présenter une dernière fois mes hommages.
- Bien volontiers. J’ai écrit hier à Makonnen, au sujet de votre affaire ; il
peut conclure définitivement. Si d’ici après-demain, il vous vient autre
chose à l’esprit, causez-en au Ghérazmath Négoussié”475.
La trame internationale
L’Afrique en 1900
Pendant trois décennies, de 1880 à 1910, le continent africain a subi de
profondes et durables transformations. Après les agressions et les guerres
suscitées par des siècles de traite négrière et de système esclavagiste, a
succédé une période de changements rapides marqués par la conquête,
l’occupation et la mise en place d’un système colonial. La période se divise
en deux phases : phase de conquête : 1880-1900, phase d’occupation 1900-
1919. Vers 1880, environ 80% du territoire continental appartiennent encore
aux Africains : les étrangers dominent les zones côtières et insulaires de la
Sénégambie, le Sierra Leone, la Gold Coast (Ghana actuel), le littoral
d’Abidjan et de Porto Novo (Dahomey), l’île de Lagos, des bandes côtières
de l’Angola et du Mozambique. En Afrique du Nord, les Français occupent
l’Algérie. Les Européens sont solidement implantés en Afrique du Sud où a
commencé en 1899 la guerre Anglo-Boer (1899-1902).
En 1910, dix ans après la Conférence de Londres, les jeux sont faits.
Rois, reines, chefs de clans et de lignage, princes et princesses africains ont
perdu leurs empires, leurs royaumes, leurs communautés, leurs possessions.
A l’exception de l’Ethiopie et du Libéria, toute l’Afrique “est soumise à la
domination des puissances européennes et divisée en colonies de
dimensions variables”484.
Au cours de la période 1880-1910, les relations entre Européens et
Africains changent brutalement : une importante mutation s’opère. Les
Africains qui depuis le XVe siècle dominent sur le continent, alors que les
Européens dominent sur mer doivent se résigner à se défendre, à résister ou
à être balayés par les conquérants. Dans un premier temps, dirigeants et
responsables africains récusent tout changement et voudraient poursuivre
leurs rapports commerciaux, maintenir leur souveraineté et leur
indépendance.
Les dirigeants africains ignorent alors que les Européens ont décidé de les
éliminer. En ne leur fournissant pas d’armes modernes et en entreprenant
des campagnes de guerres qui doivent aboutir à la conquête de tous les
territoires africains.
En septembre 1900 à Paris, le Congrès International Socialiste aborde la
colonisation en ces termes : “le développement du capitalisme et du
machinisme amène à l’expansion coloniale : on a besoin de marchés
nouveaux, pour l’évolution du capitalisme et du commerce : cela est
inévitable et fatal, car sans cela le monde serait acculé à une révolution
prochaine”485.
Une opposition anticolonialiste émerge au Congrès d’Amsterdam en
1904 (IIe Internationale) et au Congrès de Stuttgart en 1907. La question
coloniale divise alors les socialistes des pays d’Europe engagés dans les
conquêtes : E. David se montre en Allemagne favorable à l’idée
colonisatrice “élément intégral du but universel des civilisations poursuivi
par le mouvement socialiste” tandis que Bedel — et plus tard Jaurès en
France — accepte la colonisation, un mal inévitable, impossible à écarter
dont il faut dénoncer la barbarie des méthodes et favoriser une évolution
rapide vers l’indépendance. En revanche Lénine et Kautsky condamnent
sans appel la colonisation.
Les socialistes apparaissent divisés dans les parlements et dans les
congrès nationaux : les socialistes italiens par exemple approuvent la guerre
de Lybie, les socialistes allemands s’engagent dans une politique coloniale.
La section coloniale du ministère des Affaires étrangères a été créée à
Berlin le 1er avril 1890. Un ministère des colonies486, apparaît en France en
1894, en Italie en 1902, en Allemagne en 1907.
Le Portugal, craignant d’être évincé d’Afrique, propose la convocation
d’une conférence internationale afin de débrouiller les litiges territoriaux
des territoires du Centre africain. L’idée est reprise par Bismark. La
conférence se tient à Berlin du 15 novembre 1894 au 26 novembre 1885. En
vertu de l’article 34 de l’Acte de Berlin, document signé par les participants
à la Conférence, toute nation européenne qui, dorénavant, prendrait
possession d’un territoire sur les côtes africaines ou y assumerait un
“protectorat” devrait en informer les membres signataires de l’Acte de
Berlin pour que ses prétentions fussent ratifiées. C’est ce qu’on a appelé la
doctrine des “sphères d’influence”487.
Après la conférence, les traités devinrent les instruments essentiels du
partage de l’Afrique : traités conclus entre Africains et Européens, traités
bilatéraux conclus entre Européens.
Français et Anglais s’engagèrent dans des campagnes de conquêtes
militaires de 1885 à 1902. Les Français progressèrent du Haut-Niger vers le
Bas-Niger, battirent le damel du Kajoor, Latjor tué en 1886, vainquirent
Mamadou Lamine en 1887 (bataille de Touba-Kouta) et mirent fin à
l’empire soninké. Ils brisèrent la résistance acharnée de Samori Touré, fait
prisonnier en 1898 et exilé au Gabon (1900).
Le Commandant Louis Archinard, après des victoires (Koudran, 1889.
Segou, 1890 et Youri, 1891), détruisit l’empire Tukubor de Segou. Son chef
Ahmadu résista jusqu’à sa mort, à Sokoto en 1898.
Les Français occupèrent et s’établirent en Côte d’ivoire, en Guinée —
colonies en 1893 — au Dahomey en 1894, au Gabon et à Madagascar en
1900. Ils exilèrent la reine Ranavalona III en 1897 à Alger.
Les Anglais lancèrent des expéditions militaires à partir de la Gold Coast
et du Nigéria. Ils occupèrent le nord du pays Ashanti de 1896 à 1898,
l’annexèrent en 1901 et exilèrent Nara Prempeh aux Seychelles. Ils
établirent leur domination sur le Nigéria en combinant la force et la ruse.
Johnston, le consul britannique préféra affronter le roi Jaja d’Opobo en
dehors du champ de bataille. Il l’invita à le rencontrer à bord d’un navire de
guerre de la Royal Navy. Fait prisonnier, le roi fut expédié aux Caraïbes en
1887. Ils occupèrent Bram, le Bénin et le Nigéria méridional en 1900. Ils
s’établirent en Egypte et au Soudan en 1898, à Zanzibar, en Ouganda
(1894) — Les rois Kabarega et Mwanga capturés, furent expédiés aux
Seychelles en 1899. En Afrique centrale, Cécil Rhodes et le British South
Africa Company (BSAC) occupèrent le Mashonaland et contraignirent en
1893 le roi Lobengula à fuir sa capitale.
La conquête de la Zambie s’achève en 1901. Les Allemands s’établirent
au Togo par des alliances appropriées, se débarrassèrent de la résistance des
Konkomba en 1897-1898 et des Kabre en 1890. Au Cameroun, ils
soumirent les principautés peul et entreprirent de briser les résistances en
Afrique orientale en 1888-1907 : contre Abushiri l’indomptable (1888-
1889), les Wahehe (1889-1890) et les chefs de la révolte Maji maji (1905-
1907).
Les Portugais entreprirent de consolider leur domination en Angola, au
Mozambique, en Guinée-Bissau. L’occupation militaire du Congo fut
conduite par Léopold II en 1892-1895, mais la conquête de Katanga
commencée en 1891 dura jusqu’au début du XXe siècle. L’Italie occupa une
partie de l’Erythrée en 1883 et la partie orientale de la Somalie en 1886.
Elle subit en 1896 la défaite d’Adowa. Le Maroc ayant perdu son
indépendance en 1912 — au profit de la France et de l’Espagne — en 1914
seuls le Libéria et l’Ethiopie pouvaient revendiquer une indépendance, tout
au moins nominalement. Aux termes de l’Accord de 1890. les puissances
s’étaient engagées à ne pas vendre d’armes aux Africains. Face aux
guerriers africains utilisant des fusils à pierre ou des mousquets anciens, des
haches et des couteaux de jet, les armées étrangères disposaient des armes
modernes : fusils, mitrailleurs Gatling et Maxim, artillerie lourde, forces
navales (canonnières, croiseurs) et plus tard des véhicules motorisés et
avions.
La conquête de l’Afrique en 1902 apparaît presque terminée. Walter
Rodney insiste particulièrement sur quelques aspects dramatiques du
colonialisme dans son ouvrage How Europe underdeveloped Africa488. Il
souligne ainsi la perte du pouvoir : “Le caractère déterminant de la brève
période coloniale (...) résulte principalement de ce que l’Afrique fut
dépossédée de son pouvoir (...) Pendant les siècles qui précédèrent cette
période, l’Afrique conserva encore dans ses échanges commerciaux une
certaine maîtrise de la vie économique, politique et sociale, bien que ce
commerce avec les Européens se fit à son détriment. Pendant la période
coloniale, même ce peu de maîtrise des affaires intérieures fut perdu (...) Le
pouvoir d’agir en toute indépendance est la garantie d’une participation
active et consciente à l’histoire. Etre colonisé c’est être exclu de l’histoire
(...) Du jour au lendemain, les Etats politiques africains ont perdu leur
pouvoir, leur indépendance, et tout leur sens”489490.
Dans les capitales européennes, les salons de 1900 accueillent les
voyageurs-explorateurs, les militaires, les journalistes qui reviennent
d’Afrique. Ils racontent leurs aventures coloniales chez les anthropophages,
leurs campagnes de guerre, leurs missions, leurs hauts faits d’armes. Plus ils
déclinent leur bravoure, leur stratégie militaire, leur civilisation et moins les
Africains qu’ils décrivent apparaissent comme des hommes. Les tartarins
français en particulier, racistes jusqu’à la moëlle, nous laissent entrevoir les
faces cachées du processus de conquête et de “pacification”.
C’est ainsi que le journaliste Charles Castellani — correspondant spécial
du journal l’Illustration en 1896-98 — raconte son voyage en Afrique aux
côtés du célèbre capitaine Marchand. Il évoque les cannibales qu’il
rencontre et les “principaux chefs coupables... de résister aux conquêtes
françaises. Mabala, dans la région de Macabandilou, Massitou et Mayoké
dans la région de M’Bamou”.
Castellani raconte la mort “du célèbre Mabala ou Macabandilou", chef
redouté et respecté, grand féticheur, exerçant une influence considérable.
Recherché par les Français comme “bandit de grand chemin”, il fut trahi par
une femme.
Le Lieutenant Mangin se chargea de poursuivre les deux autres chefs et
de les châtier. Enfermé dans une cage, Missitou fut fusillé "en présence
d’une centaine de porteurs loangos, de la plupart des chefs Bacongos et
d’un grand nombre d’indigènes, la garnison du poste (de Mbamou), en
armes, formant la haie”491.
Moyoké, pris quelques jours plus tard fut également passé par les armes.
L’Adjudant de Prat lui reprocha ses méfaits, il lui répondit : “A quoi sert ce
que tu me dis là, puisque tu vas me tuer ? Je n’ai pas à te répondre.”
Deux ans auparavant au cours d’une entrevue, Moyoké avait saisi
l’adjudant par la barbe en lui faisant, sur la gorge, avec la lame d’un
couteau, un geste significatif. Prat n’a pas dû être fâché d’avoir enfin “une
si belle revanche”492.
Castellani évoque également les sacrifices humains : le nombre des
captifs sacrifiés à la mort d’un chef serait de trois à trente dans la région
qu’il visite, selon l’importance et la richesse du défunt. A Liranga,
Monounabéka, du village de Bongha, ayant brutalisé et tué le chef A.
Louettière d’un coup de sagaie, est exécuté après un jugement sommaire.
Une expédition dirigée par les Lieutenants Woelffel de l’infanterie de
Marine et Mangin à la tête d’une troupe de cent tirailleurs emmenant cent
cinquante porteurs quittait Beyla le 18 mars 1900 et se dirigeait vers N’zo
dans le bassin du Cavally. Mangin se heurta aux Marions anthropophages.
La mission traversa le pays Blolo où “les populations excessivement
sauvages de cette contrée n’avait pas encore vu d’Européens : poussées par
leurs instincts pillards et par l’espoir d’un gain facile, elles reçurent fort
bien le lieutenant, dès les premiers jours. Leur but caché était de lui tendre,
à Dainné même, une embuscade. Leur plan fut heureusement déjoué, car
s’il eût réussi, nous y aurions perdu la moitié de notre monde. Installé au
sommet de la colline où le village est construit, il fallut subir, pendant deux
jours, les assauts de 6.000 à 7.000 indigènes, tous armés de fusils à pierre,
puis exécuter, durant cinq jours, de nombreuses reconnaissances offensives
pour éloigner les anthropophages qui, épuisés par leurs attaques répétées, se
contentaient d’investir la position dans l’espoir de prendre les défenseurs
par la famine. Le huitième jour, une attaque générale ayant fait subir à
l’ennemi de nombreuses pertes, il se décidait à abandonner la partie. Dans
un des premiers engagements le Lieutenant Mangin avait été blessé de deux
balles à la jambe : les autres pertes furent de deux tirailleurs tués, cinq
blessés et de trois porteurs tués, trois blessés. Quelques jours après, les
Blolos vinrent faire leur soumission ainsi que les autres tribus
environnantes, le Yaro, le llyié, le Gouanné.
Le Lieutenant Mangin rapidement remis de ses blessures, avait demandé
à continuer et, sur la foi en la parole du Yaro, marcha au sud vers le village
de Logoualé pour déterminer la direction de la rivière Zo et se rendre
compte d’une route commerciale aboutissant à ce village. Il n’avait pas
compté avec la fausseté des populations ; celles-ci l’attaquèrent
brusquement au village de Sireuplé. Parti avec 50 hommes et le sergent Van
Cassel, il fut assailli non loin de ce village et ne put gagner Logoualé, à 17
kilomètres de là, que par un combat continuel. Il éprouva des pertes
considérables : 5 tirailleurs tués, 3 blessés et 5 porteurs blessés. Resté
pendant quatre jours pour châtier les rebelles, il rentra sans être inquiété à
Guékangoui. Les blessés furent évacués sur Touba”493.
La mission du capitaine Lenfant, du Niger au Tchad par voie fluviale en
1904 est un triomphe. La Sorbonne le reçoit sous l’égide de la Société de
Géographie. Ces militaires, se présentent en effet comme des explorateurs
et des géographes qui se placent sous les auspices de l’Université.
Plusieurs de ces militaires ganaches ont pu ainsi proliférer en Afrique
dans les champs clos des conquêtes coloniales : Louis Faidherbe (1828-
1889), Joseph Galliéni (1849-1916), Joseph Joffre (1852-1931), Louis
Lyautey (1854-1934), Charles Mangin (1866-1925), auteur du livre La
Force Noire, Henri Gouraud (1867-1946).
Dans sa préface au livre de Paul Vigné d’Octon, La Gloire du Sabre494, le
journaliste Urbain Gohier, auteur de l’ouvrage L’Armée contre la Nation,
stigmatise “la conquête et son cortège de souffrances” : “Voyez ces officiers
qui portent notre uniforme et qui tiennent notre drapeau : fous d’alcool, de
vanité, de cupidité, traitant nos concitoyens civils en ennemis, couverts de
sang et de boue, promenant le massacre, l’incendie, le viol et le pillage sur
un vaste continent, liés tous ensemble par une effrayante complicité, faisant
des régions les plus riantes un désert sans nom, faisant des peuplades les
plus douces un tas d’ossements carbonisés. Les vautours les suivent à la
trace. Ils fusillent leurs propres colonels, plutôt que d’abandonner une part
de leur proie. Ils persécutent et suppriment comme des traîtres ceux d’entre
eux qu’arrête le dégoût. Sur les ruines fumantes, sur les corps mutilés des
créatures inoffensives qu’ils ont égorgées de sang-froid, ils rédigent des
rapports menteurs, ils envoient à la France le récit de victoires imaginaires,
ils volent des grades, ils volent des croix d’honneur, ils volent la gloire,
comme ils ont volé tout à l’heure le pauvre trésor du roitelet nègre. Ils sont
les plus détestables brigands que la terre ait portés depuis les conquistadores
du Mexique et du Pérou. Ils déshonorent la France et le drapeau français. Et
la presse jaune leur fabrique une renommée ; et la foule impudente leur
décerne le triomphe.
Derrière eux, voyez encore ces soldats, tirailleurs, auxiliaires, hier
misérables esclaves, aujourd’hui bourreaux de leurs frères. Ils trahissent
leur race ; ils se font les chiens de chasse du conquérant pour obtenir
quelques os à la curée. A l’ombre des trois couleurs, ils brûlent, ils tuent, ils
torturent, ils assouvissent leurs passions de cannibales, ils se vautrent dans
le sang, ils inventent des supplices pour les blessés, ils déchirent toutes
vivantes les femmes et les petites filles avant de les souiller. Ils vendent,
achètent et revendent des créatures humaines, les captifs que leur
distribuent des officiers français.”
Dans la conquête et l’occupation de l’Afrique, les militaires européens
combattent avec des tirailleurs indigènes. Une complicité difficile à saisir, à
étudier, comme au temps de la traite négrière. L’historien ne juge pas, il
essaie de comprendre et d’expliquer. Le reste est affaire de littérature, de
contes pour enfants et de vents qui soufflent, d’oubli aussi, en fin de
compte. Pour tout effacer de honte, de lâcheté, de haine et de massacres.
Quant au livre de Paul Vigné d’Octon, La Gloire du Sabre, publié en
1900, il faut le lire et le relire. Paul Vigné d’Octon (1859-1943), admis au
concours d’entrée de l’Ecole de médecine navale de Toulon en avril 1880,
débute sa carrière en Guadeloupe le 16 novembre 1881 comme ‘‘aide
médecin titulaire”. Il séjourne pendant deux ans dans l’île, jusqu’en 1883 et
soutient sa thèse de Doctorat le 24 novembre 1883 à la Faculté de médecine
de Montpellier. Il travaille au Sénégal, à l’hôpital maritime de Saint-Louis.
Il participe à l’opération punitive du Rio Nuñez en Guinée. Il entre comme
médecin au service de la Compagnie du chemin de fer Dakar-Saint-Louis. Il
quitte l’Afrique le 7 février 1889. Il démissionne pour se marier à Octon le
24 octobre 1888 et réside à Château d’Octon en 1890, puis à Paris. Il se
lance dans la littérature, écrit des romans et des nouvelles entre 1889 et
1914. Elu député, il siège jusqu’en 1906, proche des socialistes.
Vigné publie en 1900 La gloire du sabre, formule des accusations
précises sur les crimes de la colonne Voulet-Chanoine partie du Soudan en
1899. Chanoine est le fils du Général Chanoine, ministre de la Guerre en
exercice. La “mission”, faute de crédits, doit “vivre sur le pays” : pillant,
massacrant, imposant son contrôle à la population qu’elle rançonne. Le
butin, captifs et bétail, alourdit la colonne en marche qui n’obéit plus à
Paris. L’affaire se termine tragiquement par le drame de Dankari (14 juillet
1899). Après la mort de Chanoine, tué le 16 juillet, et de Voulet le 17, la
mission est reprise en main en janvier 1900. L’administration coloniale jeta
un voile de plomb sur l’affaire et imposa une consigne de silence.
Vigné dénonce aussi l’hypocrisie de l’abolition de l’esclavage en 1848.
Au Sénégal après l’indemnisation des propriétaires d’esclaves, la loi fut
jetée aux oubliettes. Faidherbe, le gouverneur “républicain” du Sénégal, fit
préciser expressément par le Conseil d’administration de la colonne que la
loi ne serait pas appliquée.
La traite négrière à l’intérieur de l’Afrique occidentale française (A.O.F.)
ne fut interdite expressément qu’en 1905, ce qui n’empêcha pas l’institution
de subsister “partout jusqu’à la fin de l’ère coloniale, parfois au-delà : en
Guinée, l’esclavage se maintint au Fouta-Djalon jusqu’en 1957”, en
Mauritanie, l’abolition de l’esclavage demeure une décision bien
théorique...
Dans la troisième partie de son livre, “Crime et folie”, Vigné d’Octon
évoque plusieurs exemples de sadisme dont se rendent coupables les
colonisateurs qui font régner la terreur, tuent, massacrent. en toute impunité,
à l’ombre de l’administration coloniale.
Il stigmatise le comportement et l’activité de Gallieni, le conquérant et le
pacificateur de Madagascar qui a maintenu l’esclavage dans la grande île. Il
dénonce la guerre coloniale qui fait tant de victimes et les agissements des
militaires dans l’affaire d’Ambike et la conquête du Menabé. La conquête
coloniale de Madagascar s’effectue en deux temps : une force
expéditionnaire française sous le commandement du Général Duchesne en
1894-1895 occupe Tananarive le 30 septembre 1895. Galliéni qui débarque
en 1896 termine l’occupation, abolit la monarchie le 28 février 1897 et se
débarrasse de la Reine Ranavalona III.
Paul Vigné d’Octon vitupère contre les massacres perpétrés par des
troupes françaises à Madagascar, au Tonkin et en Nouvelle Calédonie.
Parmi les colonisés massacreurs qui servent les conquérants avec une
fidélité canine, assoiffés de gloire et de médailles, un Guadeloupéen se
distingue à Madagascar et en Indochine — à Saigon et à Haïphong — :
Mortenol495.
La Conférence Panafricaine de 1900
Le journal New York Age évoquait très souvent l’activité des églises
noires, des mouvements politiques et de la campagne de l’évêque Henry Mc
Neal Turner (A.M.E.) pour l’émigration des Noirs vers l’Afrique. Plusieurs
articles étaient consacrés aux mouvements du Rév. Dr Alexander Walters,
pasteur de la Mother Zion A.M.E. Church, très populaire comme prêcheur
dans la communauté noire. On ne sait pas quand Williams et lui se
rencontrèrent, mais ils collaborèrent plus tard très étroitement dans la Pan-
African Association (Association Panafricaine). A cette époque, dans le
Sud, se faisait sentir dans les communautés noires une “fièvre africaine”517.
Un puissant désir d’émigrer au Libéria se manifestait, comme en
témoignent le grand nombre de Noirs qui demandaient à l’A.C.S. de les
inscrire pour se rendre en Afrique. Malheureusement, beaucoup de
personnes volontaires pour émigrer, furent trompées par des promoteurs
sans scrupule.
C’est à New York sans doute, que Williams entendit parler du plan de
“Retour en Afrique” (“Back to Africa”) de l’évêque Turner. Le journal New
York Age attaqua ce plan, tout en admettant que c’était une idée
intéressante. Turner se faisait alors l’avocat d’un courant d’émigration de
“100 000 à 150 000 gens de couleur”518. Il présenta son plan au cours d’une
réunion à la Bridge Street Church à Brooklin avant son départ en Afrique en
octobre 1891519. A la tribune se trouvait Thomas Mc Gants Stewart, un
avocat noir, démocrate et membre de l’administration de la Brooklin School.
Stewart avait travaillé au Libéria et il s’associa plus tard avec Williams au
cours de son séjour dans ce pays520. Malgré ses critiques du plan de Turner,
Fortune publia le point de vue de Stewart qui lui était plus favorable. Il
suggérait que tous les participants, avant d’entreprendre leur voyage vers
l’Afrique, devaient séjourner au Kansas, en Californie, ou dans un autre
Etat de l’ouest pour acquérir la formation nécessaire et s’acclimater521.
Williams passa deux ans aux Etats-Unis. A cause des barrières raciales et
des difficultés pour trouver un emploi décent, il se rendit au Canada et
s’inscrivit à l’université de Dalhousie, à Halifax en Nova Scotia522. cette
université fondée en 1821 avait été réorganisée en 1864 et agrandie par
l’adjonction d’une faculté de médecine et d’une faculté de droit. Williams
fut inscrit comme étudiant en droit pendant la session universitaire de 1893-
1894523. Mais il n’est pas possible de savoir quelles furent les études
suivies, ni combien de temps il passa à Dalhousie. Dans la province
canadienne de Nova Scotia se trouvait un grand nombre de Noirs, dont les
ancêtres avaient été soit des Loyal Blacks, des esclaves ayant fui les Etats-
Unis et des nègres cimarrons capturés pendant la Deuxième Guerre des
“Maroons" de Jamaïque à la fin du XVIIIe siècle524.
Organisateurs et participants
De nombreux délégués des Caraïbes, des Etats-Unis, d’Afrique et
d’Europe participèrent à la conférence. En voici une liste non exhaustive,
tirée de l’examen du Rapport officiel, de celui de Benito Sylvain, ainsi que
du compte rendu de Walters.
- Caraïbes :
- Williams, Henry Sylvester, Esq., avocat, Londres ;
- French, C.W., Esq. St. Kitts, British West Indies ;
- Pierre, Alexander Pulcherie, Esq., fondateur de la Trinidad Literary
Association, Trinidad ;
- Quinlan, John Ephraim, Esq., surveillant de district, Sainte-Lucie ;
- Phipps, Richard Emanuel, Esq., avocat. Trinidad ;
- Christian, George James, Esq., Dominique ;
- Alcindor, Dr. John, médecin originaire de Trinidad, Cuba ;
- Hamilton, A.R., Esq., Jamaïque ;
- Joseph, H. Mason, M.A., Antigua ;
- Holly, Rev. Bishop J.F,, Haiti ;
- Worrell, J.W.D., Barbade ;
- Etats-Unis :
- Walters, Rev. Alexander, Zion Church, New Jersey, président de la Pan-
African Association ;
- Du Bois, William Edward Burghardt, Professeur, Georgia ;
- Arnett, Chaplain Benjamin W., Illinois ;
- Love, John L., professeur au Colored High School, Washington, D C. ;
- Downing, Hon. Henry Francis, ex-consul des Etats-Unis à Loanda,
Afrique de l’Ouest ;
- Calloway, Thomas J., professeur au Hampton Institute (Virginie),
Washington, D.C. ;
- Lee, Charles P., procureur à Rochester, New York ;
- Jones, Miss Anna H., M.A., professeur au Kansas City High School,
Kansas City, Missouri ;
- Barrier, Miss, Washington, D.C. ;
- Cooper, Miss Anna Julia, professeur de latin, Washington. D.C. ;
- Harris, Miss Ada, Indiana ;
- Straeker, David Augustus, ancien juge, Michigan ;
- Turner, Bishop H.M., Etats-Unis ;
- Agbebi, Rev. M., Etats-Unis ;
- Washington, Booker T, professeur ;
- Williams, Fannie Barrier, journaliste à Chicago, Illinois ;
- Canada :
- Brown, Rev. Henry B., Canada ;
- Afrique :
- Sylvain, Benito, aide-de-camp de l’Empereur Menelik d’Abyssinie ;
-Johnson, P.S.R., ex-Procureur général, Liberia ;
- Dove, G.W., Esq., conseiller judiciaire, Freetown, Sierra Leone ;
- Ribeiro, Miguel Francisco, Esq. avocat. Gold Coast ;
- Kinloch, Mme A.V., Afrique du Sud ;
- Johnson, Rev. Bishop James, Lagos ;
- Solomon, Rev. S.R.B., Gold Coast ;
- Royaume-Uni :
- Savage, Dr. R.A.K., délégué de l’Afro-West Indian Literary Society
(Ecosse), Université d’Edimbourg ;
- Taylor, Samuel Coleridge, musicien, A.R.C.M., Londres ;
- Meyer, William Henry (Trinidad), délégué de l’Afro-West Indian
Literary Society d’Edimbourg ;
- Smith, Rev. Henry, Londres ;
- Buckle J., Esq., F.R.G.S., F.C.I.E., Londres ;
- Loudin, J.P., Directeur des Fisk Jubilee Singers, Londres ;
- Loudin, Mrs. J.F., Londres ;
- Creighton, Dr., Lord Bishop, Londres ;
- Ware, Francis, Esq. ;
- Cobden-Unwin, Mme Jane, Angleterre ;
- Colenso, Dr. R.J., Angleterre ;
- Clarke, Dr., Angleterre ;
- Fox Bourne, secrétaire général de la Société anglaise de protection des
indigènes, Londres ;
- Buxton, Sir Fowel, président de la Société antiesclavagiste de Londres ;
- Battersby, Hayford, membre du Comité contre l’alcoolisation des
indigènes ;
- Farquhar, Rev. C.W. ;
- Scarborough, Professeur ;
- Cargill, H.R. ;
- Jebavu, Tengu, Esq. ;
- Payne, J. Otonba, Esq. ;
- Cole, Mme M.T. ;
- Holm, N.W. ;
- Schomerus, Dr. ;
- Tobias, D.E. ;
Comité exécutif :
- Taylor, S. Coleridge ;
- Archer, John R. ;
- Loudin, J.F. ;
- Downing, Henry F. ;
- Cobden-Unwin, Mrs. Jane ;
- Cooper, Miss Anna J..
Le déroulement de la conférence
Un document exceptionnel, très peu connu, fut rédigé par l’Haïtien
Benito Sylvain et publié dans son ouvrage paru en 1901, Du Sort des
Indigènes dans les Colonies d’Exploitation596. Il s’agit du rapport de la
Conférence de 1900.
La première Conférence Panafricaine fut fixée aux 23, 24 et 25 juillet
1900 et se tint au Westminster Hall de Londres. Williams en fut nommé
secrétaire général. L’évêque Alexander Walters, dirigeant de l‘African
Methodist Episcopal Zion Church aux Etats-Unis, et président du National
Afro-American Council, fut élu président. Le professeur John Love de
Washington, obtint le poste de secrétaire de la Conférence. Deux
commissions furent créées. L’une devait veiller à la formation d’une
association panafricaine permanente, et rendre compte de ses activités.
L’autre, présidée par W.E.B. Du Bois, était chargée de rédiger un appel aux
nations du monde597.
En l’absence de l’évêque de Londres, Mandell Creighton, chargé de
souhaiter la bienvenue aux participants, Walters inaugura la conférence le
23 juillet. Pour la première fois dit-il, les Noirs du monde entier purent se
réunir pour améliorer leur condition, revendiquer leurs droits, et pour se
faire une place parmi les autres nations. Il poursuivit en soulignant l’erreur
des Noirs de vouloir vivre aux Etats-Unis parmi des gens dont les lois, les
traditions et les préjugés étaient dirigés contre eux. Il avait fallu attendre
deux cents ans pour que les Noirs puissent obtenir l’émancipation, et ils
attendaient toujours leurs droits politiques et sociaux. Walters souligna tout
de même la diminution de 45 % de l’analphabétisme des Noirs des Etats-
Unis, et la somme de 735 millions de dollars à leur actif.
La première intervention, intitulée “Conditions Favoring a High Standard
of African Humanity", fut prononcée par C.W. French, de Saint-Christophe.
Il dénonça le mauvais traitement injuste des Noirs sous domination
britannique, et réclama l’égalité des droits. Anna H. Jones, du Kansas, dans
“The Preservation of Race Individuality” plaida pour préserver “l’identité
de la race noire” et le développement de ses talents artistiques598.
A la tombée de la nuit, l’évêque de Londres, le Dr. Mandell Creighton,
arriva au Westminster Hall. L’évêque Walters et lui, venaient de participer à
l’International Christian Endeavor Convention, où Creighton était l’un des
principaux invités. Lors de la Conférence Panafricaine, il appela ses
compatriotes britanniques à rendre leur autonomie aux peuples colonisés
aussi rapidement que possible. Dans son discours empreint de paternalisme,
il rappela la “lourde responsabilité du peuple britannique dans la protection
et le bien-être des ‘autres races”‘. L’heure de la fraternité universelle était
arrivée...
Puis, Benito Sylvain prononça son discours, intitulé “The Necessary
Concord to be Established between Native Races and European Colonists”,
lors de la session du 23 juillet au soir. Il fustigea les attaques contre les
anticolonialistes. Il représentait Haïti, son pays d’origine qui conquit son
indépendance nationale dès 1804 en se débarrassant de la domination
coloniale française, après une guerre qui avait duré de 1791 à 1803. Il était
également, pour cette Conférence, le délégué de Ménélik, l’empereur
d’Abyssinie (d’Ethiopie), symbole de la résistance à l’impérialisme
européen, après l’écrasante victoire de la bataille d’Adowa en 1896 contre
les Italiens. Le choix de Londres, capitale de l’empire britannique, lui
paraissait idéal pour le siège de la Conférence. En effet, il considérait les
Britanniques comme “responsables de la réaction anti-libérale caractérisant
la politique coloniale de ces quinze dernières années. Le Gouvernement
britannique a toléré les actes les plus odieux de la part de compagnies de
colonisation. Il y a déjà longtemps que tous les pouvoirs coloniaux auraient
dû reconnaître les droits des indigènes. On ne doit plus les considérer
comme des serfs, imposables et travaillant à la merci de leur maître, mais
comme un élément indispensable à la prospérité des colonies. Par
conséquent, ils doivent bénéficier équitablement des profits, autant
matériels que moraux, de la colonisation. Personne ne peut empêcher le
développement social et politique des indigènes africains. A présent, la
question est de savoir si cette évolution sera dans l’intérêt ou non de
l’Europe. L’Association Panafricaine, qui doit être l’issue de la Conférence,
assistera par tous les moyens, à la réalisation d’une entente tant
espérée”599.600 Anna J. Cooper, de Washington D.C., lui succéda. Elle attira
l’attention de l’auditoire sur un sujet douloureux : “The Negro Problem in
America”.
La seconde journée, le 24 juillet, fut consacrée à une discussion générale,
tournant autour de plusieurs thèmes. Le premier fut proposé par Frederick
Johnson, du Libéria, avec “The Progress of Our People in the Light of
Current History". Il prôna le courage, le sérieux et la capacité des Noirs à
gérer leur autonomie.
John E. Quilan, de Sainte-Lucie, dénonça la mauvaise répartition entre
Blancs et Noirs, de l’argent anglais destiné aux réparations dues au cyclone
de 1898 aux Caraïbes. De plus, il accusa les capitalistes britanniques de
vouloir rétablir l’esclavage en Afrique du Sud, et appela le peuple anglais à
poursuivre sa grande œuvre de justice amorcée avec l’abolition de
l’esclavage.
William Meyer, originaire de Trinidad et étudiant en médecine à
l’université d’Edimburgh, fut l’orateur suivant. Il représentait avec R.A.K.
Savage, l’Afro-West Indian Literary Society. Il fustigea la “race de
philosophes” européens qui prétendent que le Noir n’était pas un homme,
mais un être juste au-dessus du singe, dépravé et d’aucune valeur.
Richard Phipps, un de ses compatriotes, affirma que la pire humiliation
pour les non Blancs de son pays, était d’être écartés des responsabilités. On
ne faisait appel à eux que pour mieux contrôler leurs agissements.
Le second débat de la journée portant sur “Africa, the Sphinx of History
in the Light of Unsolved Problems”, fut engagé par D.E. Tobias. Il prédit à
l’auditoire, qu’à la fin de la Guerre des Boers, les principes odieux qui la
provoquèrent disparaîtraient.
Du Bois, l’intervenant suivant, revint sur cette “affaire ignoble” —
comme la qualifiait le journal le Leader — de la Guerre des Boers. Non
seulement elle représentait une injustice envers les Noirs, mais en plus, elle
entravait l’évolution de l’humanité.
Le Rév. Henry Smith présenta ensuite la théorie selon laquelle Adam
aurait été Noir, et les Africains, après le déluge, auraient engendré la
civilisation. Il cita plusieurs auteurs anciens, Homère, Hérodote, Pline... :
l’Ethiopie ancienne engendra la civilisation égyptienne, inspirant “elle-
même largement les Grecs”. Il prédit à l’Afrique un avenir glorieux, grâce à
l’union de tous les Noirs. Tous devaient œuvrer ensemble, des couleurs de
peau les plus claires au plus foncées.
Après les discours de Chaplain B W. Arnett et du Professeur T.J.
Calloway, les invités furent conviés par Creighton à prendre le thé au
Fulham Palace, la résidence officielle des évêques de Londres depuis le
XVe siècle. Lors de cette soirée furent abordés les différents thèmes de la
journée. Quelques intermèdes musicaux permirent aux participants
d’interrompre les débats pendant quelques instants. Plusieurs d’entre eux
révélèrent des talents artistiques cachés, comme Samuel Coleridge Taylor,
le pianiste et compositeur anglais noir, auteur de “Hiawatha”. Sa femme
interprèta “Oh, me hoe de c’n”601. J.F. Loudin, le directeur des Fisk Jubilee
Singers fut également remarqué. Quant à Benito Sylvain, il surprit toute
l’assemblée en montrant des dons véritables de musicien.
L’évêque Walters inaugura la troisième journée de la Conférence, le 25
juillet, en évoquant et en remerciant brièvement les services rendus par les
Blancs de Grande-Bretagne et des Etats-Unis au peuple noir.
Puis, George Christian, de la Dominique, présenta une communication
intitulée "Organized Plunder and Human Progress Have Made of Our Race
Their Battlefield”. Les Africains, disait-il, venaient à peine d’être kidnappés
de leur pays d’origine qu’on les maltraitait à présent à nouveau sur leur
propre terre. En Afrique du Sud, où les fermiers boers les considéraient
comme du bétail, ils ne pouvaient se déplacer sans laissez-passer, quels que
soient leurs biens, leur personnalité ou leur intelligence. Pour les Boers, le
droit de vote était hors de question. En Rhodésie, on les forçait à travailler
pour des salaires de misère, et les chefs politiques étaient obligés de fournir
régulièrement des équipes de mineurs noirs, travaillant gratuitement
pendant un mois au service d’employeurs blancs. Il dénonça ce phénomène
en le qualifiant de renaissance de l’esclavage, dégradant le peuple noir.
Christian voyait d’un mauvais œil les futures colonies anglaises et
afrikaners en Afrique du Sud, connaissant le peu de considération des
Blancs envers les Africains. Pour éviter cela, il invoqua une “garantie pour
(leur) protection par des lois qu’aucune législation coloniale ne pourrait
enfreindre, ni corrompre un juge” (“guaranteed protection by laws which no
colonial legislature could alter and no prejudiced judge pervert"). Il plaida
aussi pour la création de réserves pour Africains, avec leurs règles internes,
dirigées par les chefs traditionnels.
Henry F. Downing, originaire des Etats-Unis, affirma que les Noirs
n’avaient pas l’intention de céder à ceux qui voulaient les maintenir en
esclavage. Charles P. Lee, des Etats-Unis également, pensait que la solution
du problème noir était la propriété et une solide compétence pour pouvoir
concurrencer les Blancs dans tous les domaines.
Felix Moschelles, de la Colonie du Cap, s’exprima après lui. Enfin,
Williams convainquit ses amis de protester contre les mauvais traitements
infligés aux Noirs d’Afrique du Sud. A la séance de clôture, l’évêque
Walters rappela les objectifs de la Conférence qui consistaient à préserver
les droits civiques et politiques des Noirs. La conférence n’était que la
première étape d’un travail de longue haleine. Les Noirs du monde entier
devaient se doter d’une organisation sans faille pour parvenir à une réelle
amélioration de leur condition.
Puis les participants élirent les responsables de la prochaine assemblée,
fixée deux ans plus tard :
- Président : Rév. Alexander Walters
- Vice-Président : Rév. Henry B. Brown
- Trésorier Général : Dr. R.J. Colenso
- Délégué Général pour l’Afrique : Benito Sylvain
- Secrétaire Général : Henry Sylvester Williams
Comité exécutif : Henry F. Downing, S. Coleridge Taylor, J.F. Loudin,
J.R. Archer, Mme Jane Cobden Unwin, Mme Anna J. Cooper602.
Sylvain souligna l’importance d’une coopération étroite entre les trois
pays noirs indépendants et souverains, pour combattre les politiques
d’extermination européennes vis-à-vis des Noirs603. Aucune mention de
cette proposition ne figure dans le rapport de la Conférence.
Malheureusement, ce projet de collaboration entre Haïti, l’Ethiopie et le
Libéria n’aboutit pas.
Travaux et messages
L’Adresse aux Nations
Soucis financiers
Financièrement, la Conférence Panafricaine de 1900 ne fut pas un succès.
Cependant, Williams sollicita et obtint la contribution de personnes
susceptibles d’approuver son action. Parmi elles figuraient plusieurs
Anglais de différents horizons, outre les participants à la Conférence, et les
membres de l’Association Africaine. Certains de ces sympathisants ont pu
être identifiés : le Rév. F.B. Meyer, dirigeant du National Free Church
Council, Frederick Courtenay Selous, grand amateur de chasse, ancien
officier de la Buluwayo Field Force, et auteur de plusieurs ouvrages sur le
sud de l’Afrique dont Sunshine and Storm in Rhodesia, un récit de la guerre
du Matabele, Arthur E. Pease, parlementaire libéral qui rencontra
l’empereur Ménélik en 1901, comme il le raconte dans son livre Travel and
Sport in Africa (1902), Sir George Williams, fondateur de la Young Men’s
Christian Association, et bailleur de l’Exeter Hall, Catherine Impey, éditeur
de Anti-Caste, correspondante de John E. Bruce ; Mle Adams d’Irlande,
selon Sylvain et Mle Balgarnie, qui participa à l’assemblée annuelle de
1897 de la Liberation Society.
Les membres de l’Association ayant contribué financièrement et d’une
façon importante à la Conférence furent A.R. Hamilton de Jamaïque,
J.W.D. Worrell de Barbade, le Dr. R.A.K. Savage, de l’Afro-West Indian
Literary Society à Edimburgh ; le Rév. Thos L. Johnson, d’Afrique et Henry
F. Downing. S. Coleridge Taylor, de l’Association of the Royal College of
Music, fut remercié tout particulièrement.
Il faut noter aussi la participation de Travers Buxton, secrétaire de l’Anti-
Slavery Society, et de H.R. Fox-Bourne, secrétaire de l’Aborigines
Protection Society. Plusieurs prêtres et autres personnes figurèrent
également parmi les mécènes, à travers les apports religieux. Dadabhai
Naoroji fut un donateur (10 shilings) intéressant et significatif. Etonnant
dans le travail de reconstruction nationale de l’Inde, ce Parsi fut décrit dans
New Age du 29 avril 1897, comme “non seulement le premier grand homme
d’Etat indien, mais aussi, le premier économiste indien à poser les bases
d’une école de pensée économique indienne” (“not only India’s first great
statesman but also as the first Indian economist to lay the foundation of an
Indian school of economic thought”)619. Il vécut et travailla en Angleterre
de nombreuses années et devint le premier Indien élu au Parlement
britannique620. Naoroji, alors président de la London Indian Society, avait
dirigé le Congrès National Indien de Lahore en 1893, et allait présider celui
de Calcutta en 1906. Naoroji observa des ressemblances entre son travail
pour le peuple indien, et celui de Williams pour les Africains et leurs
descendants hors d’Afrique. Son oeuvre au Parlement et ailleurs, poussa
Williams à agir de même et à rechercher une action semblable pour son
propre peuple, ses “compatriotes” des Caraïbes et d’Afrique621.
Les comptes de la Conférence, achevés le 31 août, révélèrent un déficit
d’environ 22 livres Sterling et des dépenses totalisant plus de cent livres.
L’imprimerie, un journaliste particulier, l’affranchissement des lettres de
1898 à 1900, et diverses fournitures représentaient les principaux frais. On
ne sait pas qui régla le déficit, ni même s’il fut comblé, mais le manque de
fonds allait amorcer la désintégration de l’Association Panafricaine.
Williams se présenta aux examens du barreau du 16 au 18 octobre. Il les
réussit et son nom apparut sur la liste des reçus le 2 novembre. Il avait
manqué deux trimestres en raison de ses nombreuses absences de Londres.
Il ne fut pas appelé au barreau le 19 novembre comme les autres lauréats. Il
demanda aux maîtres du banc une dispense. Mais ceux-ci refusèrent,
sachant probablement qu’il partageait son temps entre son combat pour les
Noirs et ses études622. Williams ne put exercer pendant une longue période.
Le Rapport de la Conférence
Le rapport de la conférence, rédigé par Williams et ses amis, alors qu’il
terminait ses études, comprenait le Mémoire à la Reine Victoria, l’Adresse
aux Nations, les statuts de l’Association Panafricaine et les résolutions de
la Conférence. Certaines rendaient hommage à l’Anti-Slavery Society pour
son “noble et grand travail... en faveur de l’abolition de l’esclavage aux
Caraïbes, en Afrique, aux Etats-Unis et au Brésil”. D’autres remerciaient le
Native Races and Liquor Traffic United Committee pour ses “grands
efforts” pour l’amélioration des conditions des indigènes et la suppression
du trafic inique de liqueur chez eux, l’Aborigines Protection Society, pour la
protection accordée aux indigènes de l’empire britannique et des autres
pays, et la Society of Friends de leur travail constant pour l’émancipation
aux Caraïbes, au Brésil, aux Etats-Unis et ailleurs. Le rapport soulignait la
conscience des membres de l’Association de la douleur de ces hommes
encore “esclaves sous le drapeau britannique”. Le rapport exprimait aussi sa
gratitude aux "nombreux amis et sociétés” qui encouragèrent Williams, en
tant que secrétaire honoraire de l’Association Africaine, à consigner sur le
papier cet événement historique. Williams fut chargé de peaufiner le
Mémoire à la Reine Victoria et de diffuser l‘Adresse aux Nations. On le pria
également de faire parvenir ce mémoire à l’Empereur Ménélik et aux
présidents d’Haïti et du Libéria. La rédaction des lettres de remerciements
pour le soutien accordé à la conférence lui incombait également. Williams
expédia à la British and Foreign Anti-Slavery Society une copie de la
résolution exprimant la reconnaissance des participants à la conférence, le
30 août623.
Le Rapport de la Conférence de 1900 ne fut jamais publié624. Il se
trouvait dans les Du Bois Papers à Accra (Ghana) avant d’être transféré à
l’Université d’Amherst, Massachusetts. Pourquoi W.E.B. Du Bois ne
mentionna-t-il pas Williams et la Conférence de Londres dans ses écrits
autobiographiques ? Du Bois évoque son voyage à Paris et sa visite à
l’Exposition Universelle dans son livre Dusk of Dawn (1940). Dans
l’ouvrage Autobiography of W.E.B. Du Bois (1968), il apparaît comme
ayant été "Secretary, First Pan-African Conference in England”625. Or,
selon l’évêque Walters, c’est John L. Love qui aurait été élu secrétaire de la
Conférence626.
Cependant Du Bois affirme dans ses ouvrages qu’il aurait été l’initiateur
du mouvement panafricain. Il aurait, dit-il, ouvert la voie, à Paris en 1919,
au “development of the idea back of the Pan-African Congress”627. Mieux,
selon son autobiographie, il aurait “émergé” avec un programme de
panafricanisme qui apparaît comme une “protection organisée du Monde
Nègre dirigée par les Nègres américains” (“organized protection of the
Negro world led by American Negroes")628.
Alors pourquoi ce silence ?
Du Bois aurait oublié “complètement Williams", pense David Levering
Lewis, auteur d’un ouvrage intitulé W.E.B. Du Bois. Biography of a Race
(Prix Pulitzer 1994)629. Voire...
Cependant des recherches plus approfondies ont montré que Du Bois a
cité une seule fois H.S. Williams dans un journal, le Chicago Defender du
22 septembre 1945. Dans l’article intitulé “Revival of Pan-Africanism”
publié sous la rubrique "Winds of Change”, Du Bois mentionne deux fois
Williams en ne le nommant pas explicitement mais en se contentant de le
qualifier de “West Indian barrister" (“un avocat des Indes occidentales”).
La Conférence de Londres organisée principalement par des Caribans
aidés par des Africains, ne correspondait pas aux aspirations de Du Bois qui
aurait préféré occuper une place plus importante dans l’organisation de
l’association. Cette direction lui reviendra à partir de 1919 (Premier
Congrès Panafricain à Paris) et il préfèrera passer sous silence sa modeste
contribution à la Conférence de 1900.
Le Rapport se présente sous la forme de dix-huit feuillets
dactylographiés. Les personnalités du Bureau de la Conférence autour de H.
Sylvester Williams, le secrétaire général, et les membres du Comité
exécutif, ne comptaient pas Du Bois parmi eux. Du Bois apparaît comme
“Chairman Committee on Address”, c’est-à-dire président d’une
commission chargée de l’Appel qui se trouve dans le Rapport et comme
vice-président de la branche panafricaine des U.S.A., bureau élu à la
Conférence avec pour secrétaire Thomas J. Calloway. Ce dernier, ami de
Du Bois, originaire de Washington, était employé au War Department.
Présent à l’Exposition Universelle de Paris, il traversa la Manche avec son
ami pour se rendre à Londres.
Il est tout de même extrêmement curieux de penser que ce document
exceptionnel soit demeuré si longtemps ignoré du public. Rédigé en 1900,
je le publie tel quel, en anglais, de crainte de le déformer en le traduisant.
Ce Rapport de la Conférence confirme l’importance prise dans le
mouvement panafricain à sa naissance, par les organisateurs caribans :
Trinidadiens, Jamaïcains et surtout Haïtiens (Anténor Firmin, Benito
Sylvain, délégué général pour l’Afrique et Holly). Il montre aussi la place
accordée aux délégués africains et des Etats-Unis : Alexander Walters,
nommé président de la Conférence, Du Bois, responsable d’une
commission chargée de la mise au point de l’Appel définitif.
Voici donc ce texte du Rapport qui paraît, imprimé, pour la première fois,
un siècle après sa rédaction en juillet 1900 à Londres :
“REPORT
OF
THE PAN-AFRICAN CONFERENCE
Held on the
23rd, 24th and 25th July, 1900.
At WESTMINSTER TOWN HALL.
WESTMINSTER, S.W.
Head Quarters :
61 and 62, Chancery Lane, W.C.
London, England
The following are the Officers and Executive Committee elected to serve
the PAN-AFRICAN ASSOCIATION, with Head-Quarters in London :
Officers :
The Right Rev. Bishop Alexander Walters, M.A., D.D., President.
Rev. Henry B. Brown, Vice-President.
Dr. R.J. Colenso, M.A., General Treasurer.
M. Benito Sylvain, General Delegate for Africa.
H. Sylvester Williams, Esq., General Secretary.
Executive Committee :
Hon. Henry F. Downing.
S. Coleridge Taylor, Esq., A.R.C.M.
F.J. Loudin, Esq.
J.R. Archer, Esq.
Mrs. Jane Cobden-Unwin.
Mrs. Anna J. Cooper, M.A.
*
REPORT
of
THE PAN-AFRICAN CONFERENCE.
In reply, his lordship heartily thanked the gentlemen for their kindness
and good wishes, and especially hoped that God’s blessing would rest upon
the forthcoming Pan-African Conference, to be held on Monday, Tuesday,
and Wednesday of the next week at the Westminster Town Hall. He deeply
regretted his inability to stay and attend the first and unique gathering of his
kinsmen in London from all parts of the globe. “The occasion was
significant. Ethiopia was awakening. Too much cannot be said for the seal
and energy of Mr. Williams, to whom the possibility of the conference is
due. His labours have been hard and trying, and its success must redound
creditably to his organising capacity. The fact, that nearly all concerned in
this wonderful movement are young men, is encouraging. As a race we, my
dear friends, are judged in the light of a foreign civilisation ; more often
than not the judges have been inequitable, they have rushed to conclusions
which are baseless from the evidence, but such structures are the
consequences of a dire transition the African race is passing through.
Coming events cast their shadows before. And I am proud to think —
having made a survey around my own country, and realising a kind of
apathy in my people, the result of an inefficient educational system, there
are to be found young men of the race, from the West Indies, United States
of America, Liberia, and Abyssinia, determined to press the cause of the
race to a successful issue. It is well. Let me say this : Have confidence and
faith in one another. The Pan-African Conference is the beginning of a
union I long hoped for, and would to God it could be universal. As a people,
recollect this : we are destined, despite the fallacies of many, to be
recognised. Already we have morality, religion, and perseverence on our
balance sheet — government will come as we labour towards that end.
Temper your deliberations with truth, and God will do the rest. There are
good friends in England yet, and though we wade through the mire of the
evil curses of civilisation in the Colonies, their voices will blend with ours,
that righteousness and justice be the ruling words of British civilisation.”
The conference opened most auspiciously. All the delegates and members
were prompt in attendance. Bishop Alexander Walters, M.A., D.D., of New
Jersey, presided, and inaugurated the proceedings with prayer. Upon the
platform, supporting the Chairman, were the Honourable F E. R. Johnson,
ex-Attorney General (of Liberia), on the right ; M. Benito Sylvain, A.D.C.
to the Emperor Menelik, on the left.
The Right Hon. and Right Rev. the Lord Bishop of London welcomed the
delegates and members in a most happy and practical speech, which was
replied to by the Hon. F. E. R. Johnson.
Apart from desiring to respond to the many requests which have reached
the Executive to publish the proceedings of the conference, it is the
intention of the Executive to do so in commemoration of the occasion. As
the leading papers both of London and the provinces have stated the
significance of such a conference at this time cannot but assure the British
public that the darker races are awakening to their interest.
WORK.
The conference merged the old association into the Pan-African, which
has been effectively organised, with constitution, laws and bye-laws, also
have established permanent headquarters in London at room 416, 61 and
62, Chancery Lane with a Bureau from which it hopes to disseminate facts
and statistics relating to the circumstances and conditions of members of the
African race wherever found.
It also decided to hold similar conferences every two years, the next to
meet in the United States in 1902, and subsequently in Hayti, in 1904, other
places to be decided in future.
Branch associations to be instituted and encouraged throughout Africa,
the United States and the West Indies, and where there already exists
kindred associations, to have them affiliated with Headquarters. Conference
was particularly desirous that the Pan-African Association should be
independent and unhampered in any particular : the members of the race for
whom the association exists should support it by their means and influence.
In this report the Executive Committee respectfully calls the attention of all
our people to the existence of this Association and the Bureau, which if
supported effectively cannot but meet a long-felt necessity, and be a
mouthpiece for the many ills from which the race suffers.
In view of stalwart battles fought for the emancipation of our people in
the British Colonies and America, Conference could not disband without
some reference to past and present work and also to that which the present
generation will be called upon to do in the future ; therefore the following
resolutions were submitted and rassed on behalf and for the respective
societies.
RESOLUTIONS
Resolved — “That this Pan-African Conference, the first of its kind ever
assembled in London, representing the African and his descendants from
every part of the world, express sincerest gratitude for the noble efforts put
forth from time to time by the Native Races and Liquor Traffic United
Committee for the amelioration or the condition of native races, and the
suppression of the iniquitous traffic in liquor amongst them. We apprehend
this traffic to be a deterrent to the vital principles underlying British
civilisation at home and, greater still, abroad. Therefore the conference
further rejoice at the success the Committee has already achieved in the
face of grave difficulties, and pray that greater blessings will yet crown its
philanthropic labours for Christ and humanity".
“That the practical methode adopted by the society to educate freed and
escaped slaves, e.g., “Banani Mission,” must not only benefit these, but is,
in the opinion of the Conference, the great mentor for diffusing a true sense
of civilisation calculated to bring them to Christ, and to teach them the
principles of independence. Therefore, in view of the past and present
history of Friends, both in Great Britain and the United States, this
Conference, the first of its kind ever assembled in London, unanimously
hope that in the acute period of transition the race is experiencing from
prejudice, greed and self, the society will not relinquish its influential aid to
us in efforts put forth to assert our manhood and become loyal and true
citizens of the various countries represented, but will continue to extend
that encouragement which has characterised the very life of the society,
from the early founders to the present.”
Conference deemed it imperative in view of the acute ill-treatment of the
natives in South Africa, to memorialise the Government on the matter, but
on application to His Lordship the Marquis of Salisbury, he granted the
permission to transmit the document directly to Her Majesty Queen
Victoria, which has been done, signed by the officers and members of the
Executive :
“MEMORIAL OF THE PAN-AFRICAN CONFERENCE, assembled in
Westminster Town Hall, on the 23rd. 24th and 25th July, in the year of our
Lord One Thousand nine hundred.
“To Her Most Gracious Majesty, Queen of Great Britain and Ireland,
Empress of India, Defender of the Faith.
“May it please your Most Gracious Majesty.
“We, the undersigned, representing the Pan-African Conference, lately
assembled in your Majesty’s City of London, comprising men and women
of African blood and descent, being delegates to this conference from
various of your Majesty’s West and South African Colonies, the West
Indies, and other countries, viz., the United States, Liberia, &c., respectfully
invite your august and Sympathetic attention to the fact that the situation of
the native races in South Africa is causing us and our friends alarm. The
causes are described as follows :
“1. The degrading and illegal compound system of native labour in vogue in
Kimberley and Rhodesia,
2. The socalled indenture, i.e., legalised bondage of native men and women
and children to white colonists.
3. The system of compulsory labour on public works.
4. The ‘pass’ or docket system used for people of colour.
5. Local bye-laws tending to segregate and degrade the natives — such as
the curfew ; the denial to the natives of the use of the footpaths ; and the use
of separate public conveyances.
8. Difficulties in acquiring real property.
7. Difficulties in obtaining the franchise.
“Wherefore your Majesty’s humble Memorialists pray your influence be
used in order that these evils, to which we have respectfully called your
attention, be remedied, and thus foster the purpose of a true civilisation
amongst your Majesty’s native subjects.
“And your Memorialists shall in duty bound, ever pray."
A general appeal to the nations of the World was considered requisite in
consequence of the unenviable position of our people everywhere to day,
and the following was duly proposed and unanimously sanctioned by the
conference :
“In the metropolis of the modern world, in this the closing year of the
nineteenth century, there has been assembled a congress of men and women
of African blood, to deliberate solemnly upon the present situation and
outlook of the darker races of mankind. The problem of the twentieth
century is the problem of the colour line, the question as to how far
differences of race, which show themselves chiefly in the colour of the skin
and the texture of the hair, are going to be made, hereafter, the basis of
denying to over half the world the right of sharing to their utmost ability the
opportunities and privileges of modern civilisation.
“To be sure, the darker races are today the least advanced in culture
according to European standards. This has not, however, always been the
case in the past, and certainly the world’s history, both ancient and modern,
has given many instances of no despicable ability and capacity among the
blackest races of men.
“In any case, the modern world must needs remember that in this age,
when the ends of the world are being brought so near together, the millions
of black men in Africa, America, and the Islands of the Sea, not to speak of
the brown and yellow myriads elsewhere, are bound to have great influence
upon the world in the future, by reason of sheer numbers and physical
contact. If now the world of culture bends itself towards giving negroes and
other dark men the largest and broadest opportunity for education and self-
development, then this contact and influence is bound to have a beneficial
effect upon the world and hasten human progress. But if, by reason of
carelessness, prejudice, greed and injustice, the black world is to be
exploited and lavished and degraded, the results must be deplorable, if not
fatal, not simply to them, but to the high ideals of justice, freedom, and
culture which a thousand years of Christian civilisation have held before
Europe.
“And now, therefore, to these ideals of civilisation, to the broader
humanity of the followers of the Prince of Peace, we, the men and women
of Africa in world congress assembled, do now solemnly appeal :
‘“Let the world take no backward step in that slow but sure progress
which has successively refused to let the spirit of class, of caste, of
privilege, or of birth, debar from like liberty and the pursuit of happiness a
striving human soul.
‘“Let not mere colour or race be a feature of distinction drawn between
white and black men, regardless of worth or ability.
‘“Let not the natives of Africa be sacrificed to the greed of gold, their
liberties taken away, their family life debauched, their just aspirations
repressed, and avenues of advancement and culture taken from them.
‘“Let not the cloak of Christian missionary enterprise be allowed in the
future, as so often in the past, to hide the ruthless economic exploitation and
political downfall of less developed nations, whose chief fault has been
reliance on the plighted faith of the Christian church.
‘“Let the British nation, the first modern champion of negro freedom,
hasten to crown the work of Wilberforce, and Clarkson, and Buxton, and
Sharpe, Bishop Colenso, and Livingstone, and give, as soon as practicable,
the rights of responsible government to the black colonies of Africa and the
West Indies.
“‘Let not the spirit of Garrison, Phillips, and Douglas wholly die out in
America ; may the conscience of a great nation rise and rebuke all
dishonesty and unrighteous oppression toward the American Negro, and
grant to him the right of franchise, security of person and property, and
generous recognition of the great work he has accomplished in a generation
toward raising nine millions of human beings from slavery to manhood.
“‘Let the German Empire, and the French Republic, true to their great
past, remember that the true worth of colonies lies in their prosperity and
progress, and that justice, impartial alike to black and white, is the first
element of prosperity.
“‘Let the Congo Free State become a great central Negro State of the
world, and let its prosperity be counted not simply in cash and commerce,
but in the happiness and true advancement of its black people.
“‘Let the nations of the World respect the integrity and independence of
the free Negro States of Abyssinia, Liberia, Hayti, etc., and let the
inhabitants of these States, the independent tribes of Africa, the Negroes of
the West Indies and America, and the black subjects or all nations take
courage, strive ceaselessly, and fight bravely, that they may prove to the
world their incontestible right to be counted among the great brotherhood of
mankind.
“Thus we appeal with boldness and confidence to the Great Powers of the
civilised world, trusting in the wide spirit of humanity, and the deep sense
of justice of our age, for a generous recognition of the righteousness of our
cause.
H. Sylvester WILLIAMS.
General Secretary
W. E. Burghardt DU BOIS,
Chairman Committee on Address.
N. B. : Where names are left out. the General Secretary will be glad to
know of persons who are willing to fill the positions.
Statement of Receipts and Payments for the Conference to the 31st August,
1900.
I have examined the above accounts with the books and vouchers, and
certify the same to be correct.
James Martin, Accountant.
113, Euston Road, 2nd October, 1900.”
476 J.A. Hobson, Imperialism, Londres, 1902 et Rudolf Hilferding, Das Finanzkapital, Vienne,
1910.
477 Lénine, L’impérialisme stade suprême du capitalisme. Editions de Pékin. 1970, pp.89-90.
478 1906, p.254, L’extension territoriale des colonies européennes.
479 New York, 1900.
480 J.-E. Drault, op.cit., Paris. 1907, p.209.
481 Paul Bohannan, L’Afrique et les Africains. Editions Nouveaux Horizons, 1975, p.407.
482 The New Cambridge Modem History. XII, The Shifting Balance of World tories, 1898-1945. p.
375.
483 Leslie Manigat, Evolution et Révolutions, Editions Richelieu, 1973, p.121.
484 Histoire générale de l’Afrique, tome VII, L’Afrique sous domination coloniale, p.23.
485 Jean-Louis Miège, Expansion européenne et décolonisation de 1870 à nos jours, Paris, P.U.F.,
1973, p.195.
486 Le Colonial Office, en Grande-Bretagne, date de 1854. Chamberlain devient ministre des
Colonies en 1894.
487 Tome VII, p.51
488 How Europe underdeveloped Africa. Dar-es-Salaam. Tanzanie. Publishing House, 1972.
489 Walter Rodney, op.cit. édition Howard University Press, Washington, D.C., 1974. pp.224-225.
490 "The decisiveness of the short period of colonialism... springs mainly from the fact that Africa
lost power... During the centuries of pre-colonial trade some control over social, political and
economic life was retained in Africa, in spite of the disadvantageous commerce with Europeans. That
little control over internal matters disappeared under colonialism... The power to act independently is
the guarantee to participate actively and consciously in history. To be colonised is to be removed
from history... Overnight, African political states lost their power, independence and meaning”.
491 Les grands dossiers de L’Illustration : “Les expéditions africaines ; histoire d’un siècle, 1843-
1944", Le Livre de Paris, 1987, p.133.
492 Ibidem, p.133.
493 Ibidem.
494 Page 38.
495 Cf., au sujet de la carrière de Mortenol : Oruno D. Lara, Le Commandant Mortenol, un officier
guadeloupéen dans la "Royale’’, Editions du Cercam. Centre de Recherches Caraïbes-Amériques,
1985, 285 p.
496 Paris, L. Boyer, 529 p.
497 New York, Fleming H. Revel Cy.
498 Document reproduit en annexe.
499 Voir sa lettre du 3 janvier 1895.
500 Bruce Hamilton, Barbados and the Confederation Question, 1877-1885. Londres, Crown
Agents, 1956, pp. 4-7.
501 Sarah E. Morton, John Morton of Trinidad : Journals, Letters and Papers, Toronto, Westminster
Co., 1916, p. 245. Voir également : Donald Wood, Trinidad and Transition. The Years after Slavery,
Londres, 1968.
502 San Fernando Gazette du 16 juin 1888, reprenant la Grenada Chronicle du 9 juin 1888 ; voir
aussi le New Era du 6 juillet 1888 citant le St. Vincent Sentinel du 15 juin 1888.
503 San Fernando Gazette du 6 août 1888.
504 C’est de lui que Williams aurait appris sa “passion for temperance” (“son amour de la
modération") et son “feeling for empire” (“attirance envers l’empire”), d’après Owen Charles
Mathurin, Henry Sylvester Williams and the Origins of Pan-African Movement, 1869-1911, Londres,
Greenwood Press, 1976, p. 20.
505 Londres, Murray, 1921, p. 143.
506 Lennis Inniss, Trinidad and Trinidadians. Port-of-Spain, Mirror Printing Works. 1910, p. 98.
507 Trinidad Royal Gazette du 28 novembre 1888.
508 Port-of-Spain Gazette du 19 décembre 1909.
509 Trinidad Royal Gazette du 28 novembre 1888
510 Public Opinion du 21 juin 1889.
511 Le Rév. Dr. W.B. Derrick pensait que Fortune avait “découvert et popularisé le terme”, cf. New
York Age du 23 octobre 1891 et le New Age de Londres du 3 février 1898.
512 Voir Emm Lou Thornbrugh, Timothy Thomas Fortune : Militant Journalist, Chicago, University
of Chicago Press, 1972.
513 New York Age, 1891, les trois journaux étaient offerts en souscription à un prix spécial.
514 Ibid., le 22 mars 1906.
515 Edwin S. Redkey, Black Exodus, New Haven. Yale University Press, 1969 et H.R. Lynch, op.
cit., chap. 6.
516 G. Forbes et M. Trotter publièrent The Guardian en 1901. où il développèrent leurs thèses
égalitaires et s’opposèrent à celles de Booker T. Washington.
517 New York Age du 3 octobre 1891.
518 Ibid.10 octobre 1891.
519 Ibid., 3 octobre 1891.
520 Ibid.
521 Registre de l’université de Dalhousie, 20 février 1968.
522 Registre de l’université de Dalhousie.
523 Robin W. Winks, The Blacks in Canada : A History. New Haven. Yale University Press, 1971,
chap. 1.
524 Marylebone Mercury, 17 novembre 1906 ; West London Gazette du 17 novembre 1906.
525 James R. Hooker, Henry Sylvester Williams. Imperial Pan-Africanist, Londres, Rex Collings.
1975. pp. 18-19.
526 Ibid., pp. 19-20
527 E.S. Redkey, Black Exodus, Yale, 1969, p. 182
528 Port-of-Spain Gazette du 25 juin 1897.
529 Le bibliothécaire du Gray’s Inn à Mathurin, le 5 décembre 1966.
530 The Times, 30 avril 1898.
531 Ibid., 8 juin 1898.
532 Port-of-Spain Gazette, 2 juin 1901.
533 Rochester, Chatam and Gillingham Journal. 25 avril 1904.
534 Lettre de Williams à "Miss Powell” du 20 décembre 1897, Williams Papers, Barataria, Trinidad.
535 Rochester, Chatam and Gillingham Journal. 15 avril 1904.
536 Deux lettres adressées à des revues ont survécu de cette période. La première, parue dans un
magazine non identifié, était libellée de la sorte : “Could Livingstone but see today the sad and
appealling state things have assumed in that land, and amongst the people for whom he lived and for
whom he spent his last drop of lifels oil, what would he say ? This, me thinks, would be his
ejaculation, ‘Can Christ be here ? ‘ His surprises would be great, for the idol of greed has taken the
place of right and justice in the minds of those to whom the natives have looked for light, and now
they have ceased to confide in the ‘so-called civilised ‘colonists. Moffat would weep to know that the
trust-worthiness of the English has lost its magnetism. The African Association appeals to the nation
— which, after all, is the parent and controller of colonial proceedings — to call upon her
representatives to revert to the old and beaten track, and to preserve intact her treasured traditions.
The Association gladly welcomes the agencies of a high civilisation, e.g. ‘industrial schools, and a
true teaching of Christ and his crucified’, amongst the natives, being assured that they are always
prepared to accept what is good. Yours truly, H.S. Williams". Lettre envoyée au Leader vers le mois
d’août 1898 : ‘ Dear Editor, — I belong to the African race, and I want to appeal to the thousands of
my white brothers and sisters who read the Leader on behalf of my ill-treated fellow countrymen.
The grievances of the Britisher are easily redressed ; not so those of the native races. The nominally
British subjects are not allowed their full rights. This is manifestly unfair. If their customs, practises
(sic) and rights are different from those of the civilised race which has subjected them, it is only fair
that these should be considered when dealing with them. I take it that Christianity should show the
teaching of Christ, ‘Do unto others as you would that they should do unto you’. To my mind the
methods often adopted under the pretext of civilising are more than questionable. An adultered
Christianity is given to them, and the profession of the civilisers, that his (sic) motives are the highest
and the purest, is open to much suspicion. I am afraid, Sir, that even the national conscience blushes
at the iniquities which arc perpetrated under the Union Jack. It is scarcely possible to conceive that
the present Imperial Government condemns the reinstatement of slavery in South Africa under the
leadership of Cecil Rhodes, that women slavery — concubinage of the meanest character — is
allowed to exist in Zanzibar and Pemba (our protectorates in East Africa) without a single protest on
the part of the British authority there ! Must the illicit traffic in strong drink by European traders
continue to ravage all that is great and noble amongst the simple and ignorant natives, thus ruining
body and soul, as King Khama of Bechanaland put it ? Shall quiet, law-abiding and progressive
people be goaded into revolt, carnage and devastation through the enactment of questionable
ordinances in Siera (sic) Leone and Montserrat, without a protest from the Christian people of this
great nation, who have always been the defenders of the weak ? I must confess my fears. This policy
is leaving upon the broad escutcheon of the nation’s standard a blot too indelible to be easily erased.
But it must be erased, and public opinion is the only agent equal to the task", lettres citées dans
Hooker, op. cit., pp. 25-27.
537 New Age, 20 janvier 1898.
538 Conversations de O.C. Mathurin avec M. H.F. Sylvester Williams à Trinidad, en novembre
1968, in Mathurin, op. cit., p. 40.
539 Préface des British Empire Series par William Sheowring, secrétaire honoraire de l’Institute
Committee ; la lecture de la conférence de Williams, “Trinidad, B.W.I." permet de comprendre
qu’elle fut prononcée après le “Diamond Jubilee" de 1897.
540 Williams, “Trinidad, B.W.I.”, p. 474.
541 Le pamphlet a été publié dans le Mirror du 6 avril 1899.
542 Mirror, 8 juillet 1901.
543 Le nombre de ces parlementaires présents pour écouter et interroger Williams en 1899 était-il de
150, selon un rapport de Williams, ou de 32 selon le Daily News ? Cf. aussi la Port-of--Spain Gazette
du 6 avril 1899.
544 Mirror, Ier juin 1901.
545 Kathleen Fitzpatrick, Lady Henry Somerset, Boston, Little, Brown, 1923, p.120 ; Mirror, Ier juin
1901.
546 Mirror, Ier juin 1901.
547 Ibid.
548 Lagos Standard, 27 juillet 1898 ;, Gold Coast Chronicle, 12 août 1898.
549 New Age, 27 mai 1897.
550 Id., 2 septembre 1897.
551 Lagos Standard, 27 juillet 1898.
552 Report of the Pan-African Conference, Londres, The Pan-African Association, 1900, pp.3-4.
Toutes les références qui suivent concernent le Rapport du 18 juillet 1900, dactylographié, conservé
dans les Du Bois Papers. Du Bois Library, Amherst University, Massachusetts, Etats-Unis.
553 " To encourage a feeling of unity and to facilitate friendly intercourse among Africans in
general ; to promote and protect the interests of all subjects claiming African descent wholly or in
part, in British colonies and other places, especially in Africa, by circulating accurate information on
all subjects of the British Empire, by direct appeals to the Imperial and local Governments ".
554 M.K. Gandhi, Autobiography : Story of my Experiments with Truth, Washington, Public Affairs
Press, 1954, p.313.
555 W.E.B. Du Bois, Dusk of Dawn, New York, Schocken Books, 1968, p.41 (1e édition : 1940).
556 Mirror, Ier juin 1901
557 Ibid.
558 Ibid., 17 mai 1901.
559 Ibid., Ier juin 1901.
560 New Age, 20 janvier 1898.
561 Creole Bitters, mai 1901
562 A.H. Barrow, Fifty Years in Western Africa, Londres. SPCK, 1900, pp.131, 135.
563 Anti-Slavery Reporter, mars-mai 1899, p. 112.
564 Ibid., juillet-août 1898, p.182.
565 Mirror, 1er juin 1901.
566 Immanuel Geiss, Panafrikanismus, Frankfort-sur-le-Main, Europaische Verlagsanstalt, 1965,
p.382, citant le Lagos Standard du 4 janvier 1899.
567 Lettre non datée, reprise dans le Leader, avec pour titre : "An African’s Appeal", Williams
papers, Barataria, Trinidad.
568 J.A. Hobson, Psychology of Jingoism, Londres, J. Richards, 1901, pp.136-137.
569 Report of the Pan-African Conference, Londres, 1900. p.3.
570 Ibid, p.2 ; Anti-Slavery Reporter, mars-mai 1899, p.112.
571 Anti-Slavery Reporter, mars-mai 1899 : 112
572 Report of the Pan-African Conference. Londres, 1900, p.4.
573 Benito Sylvain, Du Sort des Indigènes dans les Colonies d’exploitation, Paris, Boyer, 1901,
p.508.
574 Ibid.
575 Ibid.
576 Times, 4 juillet 1899.
577 E.A. Ayandele, Holy Johnson : Pioneer of African Nationalism, New York, Humanities Press,
1970.
578 Cf. Hollis R. Lynch, E.W. Blyden : Pan-Negro Patriot, 1832-1912, New York, Oxford
University Press, 1967, pp.238-240.
579 Jamaica Who’s Who, Kingston, Stephen A. Hill, 1916.
580 Williams l’écrivait sans tiret.
581 Lettre de Williams à Bourne du 11 novembre 1899. Anti-Slavery Papers, Rhodes House Library,
Oxford.
582 Times, 6 octobre 1898.
583 Lettre de Williams à Buxton. 2 avril 1900, Anti-Slavery Papers. Oxford.
584 Liverpool, D. Marples, 1905.
585 Liverpool, D. Marples, 1911 ; pour plus de détails sur ce personnage, voir Robert July, The
Origins of Modern African Thought, New York, Frederick Praeger, 1968, pp.341-344.
586 Report of West India Royal Commission, Londres, 1897, 3, 74.
587 Williams à Buxton, le 31 mai 1900, Anti-Slavery Papos.
588 W.E.B. Du Bois, Autobiography of W.E.B. Du Bois, New York, International Publishers, 1968,
p.221.
589 Le Mirror du Ier juin 1901.
590 Times, 7 juillet 1907
591 Ibid.
592 E.A. Ayandele, op. cit.
593 Report of the Pan-African Conference, op. cit.., p.3
594 Ibid., p.4 ; voir aussi la liste des participants à la Conférence.
595 Report of the Pan-African Conference, op. cit ., pp.4-5.
596 Paris, Boyer, 529 p.
597 Report of the Pan-African Conference, Londres, 1900, pp.12-15.
598 Colored American, 11 août 1900.
599 The Times, 24 juillet 1900.
600 "Responsable for the anti-liberal reaction which had characterized the colonial policy for the last
fifteen years. The British Government had tolerated the most frightful deeds of colonizing
companies. Before very many years had passed away the rights of the natives must be recognized by
every colonial Power. Natives must be no more considered like serfs, taxable and workable at their
masters discretion, but as an indispensable element for the prosperity of the colonies, and,
consequently must have an quitable participation in the profits, both material and mental, of
colonizing. No power could stop the African natives in their social and political development. The
question now was whether Europe would have the improvement for or against her interest. The Pan-
African Association, which must be the issue of the conference. would assist for all means a
realization of such a desirable understanding"
601 Mirror, Ier juin 1901.
602 Report of the Pan-African Conference, 1900, p. 6.
603 B. Sylvain, Du Sort des Indigènes..., p. 511.
604 Traduction de B. Sylvain dans op. cit., qui traduit, par ailleurs, “Address to the Nations of the
World" par “Adresse aux Nations de l’Univers".
605 Report of the Pan-African Conference, 1900, p. 12. Du Bois, Ames noires. Présence Africaine,
Paris, 1959, trad. française, pp.27-28.
606 Paris, L. Boyer, pp. 50-55.
607 Chamberlain à Dilke, 16 avril 1896, cité dans H.A. Will, Constitutional Change in the British
West Indies, Oxford. Clarendon Press, 1970, p. 232.
608 Elliot M. Rudwick, W.E.B. Du Bois, A Study in Minority Race Leadership, Philadelphie,
University of Pennsylvania Press, 1960, pp. 208-209.
609 R.W. Logan, "The Historical Aspects of Pan-Africanism, 1900-1945” dans AMSAC, Pan-
Africanism Reconsidered, Berkeley. University of California Press, 1962, p. 38.
610 A.B. Keith, Responsible Government in the Dominions, Oxford, Clarendon Press, 1910, I,96.
611 Report of the Pan-African Conference, 1900, p. 14.
612 Id., p.11.
613 Gazette, Port-of-Spain, 2 juin 1901, cité dans Alexander Walters, Story of My Life, New York,
1917, p. 256.
614 Times, 18 janvier 1901.
615 “Sin I am directed by Mr Secretary Chamberlain to state that he has received the Queen’s
commands to inform you that the Memorial of the Pan-African Conference respecting the situation of
the native races in South Africa has been laid before Her Majesty, and that she was graciously
pleased to command him to return an answer to it on behalf of her Government. Mr Chamberlain
accordingly desires to assure the members of the Pan-African Conference that, in settling the lines on
which the administration of the conquered territories is to be conducted, Her Majesty’s Government
will not overlook the interests and welfare of the native races. A copy of the Memorial has been
communicated to the High Commissioner for South Africa. I am, sir, your obedient servant, H.
Bertram Cox”, cité dans Walters, Story of My Life, p. 257.
616 Mirror, Ier juin 1901.
617 Review of Reviews, août 1900, pp. 131-137.
618 Sylvain, Du Sort des Indigènes, p. 504.
619 New Age, 29 avril 1897. Il s’agit de Thomas Clarkson.
620 C.F. Andrews et Girija Mukerji, Rise and Growth of the Congress in India, Londres. Allen and
Unwin, 1938, p. 159.
621 Ibid., p. 60
622 Mirror, Ier juin 1901 ; A.P. Thornton, The Imperial Idea and Its Enemies, New York, St. Martin’s
Press, 1959, p. 125.
623 Williams à Buxton, le 30 août 1900, Anti-Slavery Papers. Rhodes House Library, Oxford.
624 Herbert Aptheker a publié un extrait du Rapport, l’appel "To the Nations of the World", in
Writings in Non-Periodical Literature. Millwood, N.Y., Kraus-Thomson, 1982, pp.11-12.
625 International Publishers, 1968, 3e éd., p.438.
626 Walters, My Life and Work, p.255.
627 Dusk of Dawn, p.43.
628 The Autobiography, op.cit., p.289.
629 Page 250.
- 11 -
LE PROJET PANAFRICAIN :
SUITES ET PROLONGEMENTS
L’Association Panafricaine
Le Rapport de la Conférence de 1900 proposait la création d’une
Association Panafricaine ayant son siège à Londres et des filiales dans le
monde entier. Il avait été prévu de réunir les membres de l’Association tous
les deux ans dans une grande ville d’Europe, des Etats-Unis, ou dans l’un
des pays indépendants. Ainsi, le prochain rassemblement devait avoir lieu
en 1902 aux Etats-Unis, et deux ans plus tard, en 1904, en Haïti pour y
célébrer le centenaire de son indépendance630.
L’Association Africaine devait fusionner avec la nouvelle Association
Panafricaine. Toute organisation déjà existante, s’étant fixé les mêmes buts
que l’Association Panafricaine, serait affiliée à cette dernière. Williams
demeura secrétaire général. Walters devint président, Anténor Firmin fut
nommé responsable de l’Association en Haïti, et Du Bois, pour les Etats-
Unis.
Les objectifs suivants de l’Association Panafricaine furent repris dans le
journal Colored American du 1er février 1901631 :
“1. Protéger les droits civiques et politiques des Africains à travers le
monde ;
2. Améliorer la condition de “nos frères” du continent africain, des Etats-
Unis et des autres parties du monde ;
3. Encourager les efforts destinés à garder une législation efficace et
encourager notre peuple dans l’enseignement, l’industrie et le commerce ;
4. Développer la production des écrits et des statistiques concernant notre
peuple, dans le monde entier ;
5. Rassembler des fonds pour concrétiser ces propositions”.
Les responsables des filiales de l’Association en dehors du Royaume-Uni
furent désignés :
Etats-Unis : Vice-président : Dr. W.E.B. Du Bois ; Secrétaire : T.J.
Calloway ;
Haïti : Vice-président : A. Firmin ; Secrétaire : Dr. Holly ;
Abyssinie : Vice-président : Bénito Sylvain ; Secrétaire : R.A.K. Savage ;
Libéria : Vice-président : F.E.R. Johnson ; Secrétaire : S.F. Dennis ;
Afrique du Sud - Natal : Vice-président : Edwin Kinloch ;
Afrique de l’Ouest
- Sierra Leone : Vice-président : J.A. Williams ; Secrétaire : Lewis
- Lagos : Vice-président : J. Otonba Payne ; Secrétaire : N.W. Holm
Caraïbes anglaises
- Jamaïque : Vice-président : H.R. Cargill632.
- Trinidad : le vice-président et le secrétaire n’étaient pas encore nommés.
La création de filiales de l’Association Panafricaine fut prévue également
à Cape Town, en Rhodésie, en Gold Coast, au Canada, dans la colonie de la
Rivière Orange, au Transvaal. Les seules filiales qui furent fondées,
semblent avoir été celles de Jamaïque et de Trinidad.
Lors de la Conférence de 1900, il fut décidé d’accorder aux trois chefs
d’Etat, l’Empereur d’Abyssinie, Ménélik, Simon Sam d’Haïti et Joseph
Coleman du Libéria, le titre de membre honoraire de l’Association. Dans
son compte rendu633, Sylvain, le délégué d’Haïti et de l’Ethiopie à la
Conférence, rehaussa le titre en les désignant “Grands Protecteurs” de
l’Association.
Aux Etats-Unis, où se renforçait le racisme, le 17 août 1901, le journal
Colored American reconnut la nécessité de créer une filiale de l’Association
Panafricaine. Cependant, le journal prévenait les Noirs de ne pas oublier
leurs propres problèmes, et de s’en occuper eux-mêmes. Les lynchages se
multiplièrent : plus d’une centaine par année entre 1900 et 1928. En outre,
le Congrès n’admit aucun représentant de la Communauté noire.
Cependant, Walters pensait sincèrement que l’Association Panafricaine
et le National Afro-American Council, dirigés efficacement et avec sagesse,
pouvaient améliorer la condition des Noirs du monde entier634. Williams
partageait ce même point de vue. En évoquant les Noirs, il utilisait toujours
les termes de “our people”, “our brothers”, ou ceux de “oppressed brethren
in Africa". Pour reprendre les propos de Frederick Douglass, Williams ne
voyait pas de limite géographique, ni nationale pour les Noirs (“no
geographical lines... no national limitation")635.
Tout en terminant ses études de droit pour devenir avocat, Williams
préparait le rapport de la Conférence636. Selon ce rapport, l’Association
Panafricaine avait déjà établi ses sièges permanents, avec “un bureau d’où
on pourra diffuser les faits et les statistiques ayant trait aux conditions des
membres de la race africaine partout dans le monde” (“a Bureau from
which it hopes to disseminate facts and statistics relating to the
circumstances and conditions of members of the African race wherever
found”)637. Le rapport insiste sur la volonté des membres de l’Association,
d’avoir une indépendance financière vis-à-vis des Blancs. Ils la souhaitaient
“indépendante et libre” dans tous ses choix, et ils appelaient les "membres
de la race" (“members of the race") à la soutenir avec leurs moyens et leur
influence638.
Selon Sylvain, l’aide de l’Association Panafricaine fut sollicitée en 1901
par des Congolais, désirant se rendre dans leur pays, après trente ans
d’esclavage à Cuba. Un certain Père Emmanuel avait contacté
l’Association. Cet ecclésiastique d’origine caraïbe était parti de Cuba pour
la Belgique en mars 1901, afin de négocier avec le roi Léopold le
“rapatriement” de ces 1.000 à 1.500 Congolais-Cubains. En 1897, quatre
d’entre eux avaient visité le Congo en compagnie du Père Emmanuel. Ils
furent tellement émerveillés qu’ils décidèrent d’y retourner avec leurs
femmes et leurs enfants. Mais la mission du Père Emmanuel à Bruxelles
échoua. Vraisemblablement après une discussion avec Sylvain, il décida
d’attendre la deuxième Conférence panafricaine, qui devait se tenir aux
Etats-Unis, en août ou septembre 1902. En évoquant cette affaire dans son
ouvrage Du Sort des Indigènes...639. Sylvain saisit l’occasion pour remettre
en question les droits plus que contestables de Léopold II sur le Congo.
Quand la Conférence s’acheva, la direction de la nouvelle Association
revint principalement aux membres du comité exécutif résidants à Londres.
Les amis de Williams se montrèrent prêts à l’aider afin de mettre au point
une administration centrale, permettant de s’adresser à l’opinion publique et
de proposer aux autorités des représentants de qualité, luttant pour le bien-
être des Noirs du monde entier640.
Après la Conférence, les membres du comité exécutif de l’Association
décidèrent de marquer le commencement d’un nouveau siècle en lançant
une New Century Letter. Dans ce magazine, il mirent en valeur les projets et
les objectifs de l’Association, et les efforts fructueux de l’Europe et des
Etats-Unis qui “nous ont placés sur la voie de la liberté”. Le comité incitait
ses membres à reconnaître cette évolution, et à " occuper... les places de
réels acteurs et créateurs du progrès de la civilisation ". Ils saluaient avec
joie les aspirations et les réalisations des Noirs dans les colonies
britanniques, aux Etats-Unis, en Haïti, au Libéria, au Brésil, en Abyssinie, à
Cuba, et aux Philippines. Ils étaient "confiants dans l’avenir".
Parallèlement, le comité rappelait plusieurs exemples de ‘‘régression’’ sur le
territoire britannique, aux Etats-Unis, dans l’Etat libre du Congo, dans les
territoires allemands d’Afrique, au Pemba, au Zanzibar, et dans les
territoires portugais. Il appelait à sélectionner des projets, et à les organiser,
pour rétablir la situation par des moyens légaux. La New Century Letter
continuait en évoquant l’aube du XXe siècle, un siècle où chacun devait être
vigilant. Chaque Noir compétent était invité à s’associer et à créer de
nouvelles filiales dans sa ville ou dans son village. Des rapports
“authentiques et de bonne foi”, sur le bien-être de “notre peuple” sous les
divers gouvernements, devaient être rédigés et diffusés pour informer
l’opinion publique.
Quelques mois plus tard, Williams affirma que la lettre fut expédiée “à
notre peuple”, partout où s’était établie une branche de la Pan-African
Association. Cependant, il faut minimiser quelque peu l’enthousiasme de
Williams lorsqu’il affirme : “Nous possédions des filiales dans toutes les
régions de l’empire britannique"641.
"Nothing is more certainly written in the book of fate, than that these
people are to be free ; nor is it less certain that the two races, equally
free, cannot live in the same government. Nature, habit, opinion have
drawn indelible lines of distinction between them. It is still in our power
to direct the process of emancipation and deportation, peaceably, and in
slow degree ; as that the evil will wear off insensibly".
Requête
Benito Sylvain décida d’intervenir en 1902 dans les démêlés
révolutionnaires d’Haïti, au nom de la Société Panafricaine dont il était le
délégué général.
Le comité de l’Association Panafricaine siégeant à New York, décida
d’envoyer son Délégué Général, le Lieutenant de Vaisseau Benito Sylvain,
pour offrir ses bons offices au Gouvernement Provisoire présidé par le
Général Boisrond Canal et au Comité Exécutif des Départements de
l’Artibonite et du Nord-Ouest, présidé par Anténor Firmin.
Alexander Walters,
Evêque de l’Eglise Africaine d’Amérique, Président de l’Association Pan-
Africaine
H. Sylvester Williams,
Secrétaire Général de l’Association Pan-Africaine.
Donné à New-York, le 26 Septembre 1902”.
Excellence,
Messieurs les Conseillers,
Il y fut décidé :
Benito Sylvain
Officier de la Marine Haïtienne,
Stagiaire de la Marine Française,
Aide-de-Camp de S. M. l’Empereur d’Ethiopie,
Docteur en Droit de la Faculté de Paris,
Délégué Général de l’Association Pan-Africaine”647.
“MENELIK II
Elu du Seigneur, Roi des Rois d’Ethiopie
Nous avons reçu, avec le plus grand plaisir, en janvier de l’An de grâce
1904, Votre estimable lettre, en date du 16 avril 1903, que Nous a remise le
Commandant Benito Sylvain.
Extrêmement touché des généreuses pensées qu’Elle a bienveillamment
exprimées à l’égard de Notre Gouvernement et du peuple Ethiopien, Nous
félicitons Votre Excellence de son élection à la présidence de la République
d’Haïti, dont l’Indépendance Nous est chère, depuis que Nous en
connaissons l’histoire.
Votre Excellence désire que la liberté des peuples africains soit
sauvegardée et que, sous la protection de Notre Empire, ces peuples
puissent progresser, tant au point de vue du bien-être matériel qu’au point
de vue intellectuel et moral. C’est également Notre vœu le plus ardent, et
Nous ferons tout ce qui sera en Notre pouvoir pour contribuer, dans Notre
sphère, à la grande œuvre que la République d’Haïti poursuit en vue du
relèvement de la Race africaine.
Aussi pensons-Nous, comme Votre Excellence, qu’il est naturel et
désirable que de bons rapports s’établissent et se développent entre Nos
deux Pays. Si les hommes sont séparés par de grandes distances maritimes
et terrestres, de communes aspirations vers le Bien peuvent et doivent les
rapprocher.
En témoignage de Notre amitié, Nous Vous envoyons, par l’entremise du
Commandant Benito SYLVAIN, que Nous avons aussi décoré, la
grand’croix de l’Ordre national de l’Empire Ethiopien. Nous espérons que
Votre Excellence la recevra avec honneur et considération.
Que le Tout-puissant continue à protéger Votre noble existence et
maintienne la paix et la prospérité dans la République d’Haïti !
Benito Sylvain sollicita une audience du Pape Pie X qui le reçut en juin
1905. Le Souverain pontife manifesta un vif intérêt pour les propositions du
Délégué général de l’Association Panafricaine en faveur des Noirs du
monde et lui demanda de lui soumettre ses thèses dans un Mémoire.
Quelques jours plus tard, le 15 juin 1905. le Mémoire de Sylvain était
présenté en italien.
Nous transcrivons cette pièce dans son intégralité, suivie de la réponse
faite au nom du Saint-Père par le Cardinal Merry Del Val, Secrétaire d’Etat
du Vatican, portant la date du 28 juin 1905.
Bienheureux Père,
Tout en remerciant du fond du cœur Votre Sainteté pour la paternelle
bienveillance qu’Elle a daigné me témoigner dès la première audience, j’ai
l’honneur de soumettre humblement à Votre bienveillante considération le
présent mémoire sur l’Œuvre de Relèvement Social des Noirs, qu’on vient
de fonder à Rome sous les auspices et le patronage direct du Vicaire de
Jésus-Christ.
*
“Monsieur le Commandant Benito SYLVAIN
Fondateur de l’Œuvre du Relèvement Social des Noirs.
Rome
Comité d’Honneur
- Le Cardinal Merry Del Val
- les Cardinaux Rampolla, Gotti, Macchi. Segna, Vivès y Tuto ;
- Général Coste, Président du Consistoire central de l’Eglise réformée ;
- Baron A. de Rothschild, Président du Consistoire central du Culte
israélite ;
- Marcellin Berthelot, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences en
France ;
- Ras Makonnen, Gouverneur du Harrar (Ethiopie) ;
- Abbas Himly, Khédive d’Egypte ;
- Mgr Kyrillos Macaire, Patriarche catholique d’Alexandrie et de la
Prédication de Saint-Marc ;
- Frédéric Passy, membre de l’Institut, Président d’honneur de la Société
pour l’arbitrage entre les nations ;
- Tolstoï, Promoteur de la Rénovation sociale en Russie ;
- Mme la Comtesse d’Eu, Présidente d’honneur du Comité des Dames
Patronnesses de la Société antiesclavagiste de France ;
- Gabrielle Fontan, née Toussaint-Louverture, Institutrice à Auch ;
- Baronne de Suttner, Présidente de la Société autrichienne des Amis de la
Paix ;
- Mme Matza, née Alexandre Dumas ;
- Mme Jeannine d’Hauterive, née Alexandre Dumas ;
- Georges Picot, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences morales,
Président de la Société antiesclavagiste de France ;
- Mme Isabelle Bogelot, Directrice de l’Œuvre des libérées de Saint-Lazare,
Présidente d’honneur du Conseil national des Femmes françaises.
- Général Pouchkine-Moussa, ancien Gouverneur d’Odessa ;
- Général Dodds, Inspecteur général de l’Infanterie de marine dans l’armée
française ;
- Général Légitime, ancien Président de la République d’Haïti ;
- Docteur Edward Wilmot Blyden, ancien Président de la République de
Libéria. Ministre plénipotentiaire en France ;
- Booker T. Washington, Fondateur et Directeur de l’Institut normal de
Tuskegee ;
- Mme Booker Washington ;
- Powell, Ministre Plénipotentiaire de la République des Etats-Unis à Port-
au-Prince ;
- Léon de Rosny, Président de l’Alliance scientifique universelle ;
- Michel Sylvain, Agriculteur et industriel en Haïti ;
- G. Gerville-Réache, Vice-Président de la Chambre des Députés en
France ;
- Mgr Alexandre Le Roy, Supérieur général de la Congrégation des Pères
du Saint-Esprit ;
- Mgr Jarosseau, Chef de la Mission apostolique des Pays Gallas ;
- Mgr Spolverini, Sous-Dataire du Saint-Siège ;
- Mme la Comtesse Ledochowska, Fondatrice de l’Œuvre de Saint-Pierre
Claver ;
- Chevalier E. Descamps-David, Professeur de Droit à l’Université de
Louvain, Secrétaire général de l’Institut de Droit international ;
- A. Firmin, ancien Ministre Plénipotentiaire d’Haïti à Paris ;
- Dr. Louis-Joseph Janvier, Lauréat de la Faculté de Médecine de Paris,
ancien Ministre d’Haïti à Londres ;
- Dr. Léon Audain, ancien Interne, Lauréat des Hôpitaux de Paris, Directeur
de l’Ecole de médecine de Port-au-Prince ;
- Lord Cromer. Représentant du Gouvernement Britannique en Egypte ;
- Charles Séguy-Villevaleix, ancien Ministre d’Haïti à Londres ;
- Dalbémar Jean-Joseph, Ministre Plénipotentiaire d’Haïti à Washington ;
- Dr. Sénèque Viard, Ministre d’Haïti à Londres ;
- Jacques-Nicolas Léger, Ministre Plénipotentiaire d’Haïti à Washington ;
- Louis Borno, Ministre Plénipotentiaire d’Haïti à Santo Domingo ;
- Alphonse Cicéron, Représentant de la Guadeloupe au Sénat de la
République Française ;
- Général Brenor Prophète, ancien Ministre de la Guerre et de la Marine en
Haïti ;
- Murville-Férère, Ministre des Relations Extérieures d’Haïti ;
- Solon Ménos, ancien Ministre des Relations Extérieures d’Haïti. Président
de la Société de Législation de Port-au-Prince ;
- Edmond Lespinasse, ancien Ministre de la Justice, avocat de la Légation
de France à Port-au-Prince ;
- Pierre Foncin, Inspecteur général de l’Instruction Publique. Fondateur de
l’Alliance Française ;
- Henri Dunant, Fondateur de l’Œuvre de la Croix-Rouge ;
- Maximilien Liontel, Procureur général près la Cour d’Appel de Cayenne ;
- Stephen Liégeard, Président de la Société d’Encouragement au Bien ;
- Louis Renault, Membre de L’Institut, Professeur de Droit international à la
Faculté de Paris ;
- Raoul Jay, Professeur de Science et Législation industrielles à la Faculté
de Droit de Paris ;
- Ernest Lavisse, Directeur de l’Ecole Normale supérieure de Paris :
- Thomas Fortune, Directeur du New York Age, Ex-délégué du
Gouvernement des Etats-Unis aux îles Philippines :
- Alfred Ilg. Conseiller d’Etat de l’Empire d’Ethiopie ;
- Léon Chefneux, Président du Conseil d’administration de la Compagnie
Impériale des Chemins de fer franco-éthiopiens ;
- Lagarde. Ministre Plénipotentiaire de France à Addis-Abeba ;
- Colonel Harrington, Ministre Plénipotentiaire d’Angleterre à Addis-
Abeba ;
- E. Lischine, Ministre Plénipotentiaire de Russie à Addis-Abeba ;
- Colonel Ciccodicola, Ministre Plénipotentiaire d’Italie à Addis-Abeba ;
- D. Jean-Louis, Président du Comité permanent du Sénat de la République
d’Haïti ;
- Boutros Ghali Pacha, Ministre des Affaires Etrangères d’Egypte ;
- Hugon Lechaud, ancien Ministre de la Justice, Président du Tribunal de
Cassation en Haïti ;
- Jérémie, ancien Ministre des Relations Extérieures d’Haïti ;
- Général Turenne Jean-Gilles, ancien Ministre de la guerre, Délégué
extraordinaire du Gouvernement haïtien ;
- Général Cyriaque Célestin, Ministre de la Guerre et de la Marine en Haïti ;
- Mgr Beauger, Curé de Sainte-Anne à Port-au-Prince ;
- Camille Bruno, Président de la Commission d’Enquête financière à Port-
au-Prince :
- Dr. Enriquez y Carvajal, ancien Ministre des Affaires Etrangères de la
République Dominicaine ;
- Le Ministre de France à Port-au-Prince ;
- Mgr Legros, Directeur de la Société antiesclavagiste de France ;
- Ferdinand Brunetiere, de l’Académie française, Directeur de la Revue des
Deux Mondes ;
- Drs Matza et Chompret ;
- Glasson, Membre de l’Institut, Doyen de la Faculté de Droit de Paris ;
- Camille Pelletan, Ancien Ministre de la Marine ;
- Jules Guesde, Chef du Parti Socialiste en France ;
- Mgr Holly. Evêque baptiste de Port-au-Prince ;
- Sénèque Pierre, Sénateur de la République d’Haïti ;
- Mme le Dr. Magnus, de la Faculté de Paris ;
- Michel Oreste, Sénateur de la République d’Haïti ;
- Stephen Archer, Président de la Chambre des Députés, en Haïti ;
- Général Septimus Marius, ancien Ministre de la Guerre ;
- Oswald Durand, homme de lettres haïtien :
- Maximilien Laforest, notaire à Port-au-Prince ;
- Anatole France, de l’Académie française ;
- Sénateur Bérenger, Président de la Ligue contre la Traite des Blanches ;
- Jules Claretie, de l’Académie française ;
- Sir Fowell Buxton. Président de la British and Foreign anti-slavery
Society ;
- Mme la Marquise Vitelleschi, Présidente du Comité des Dames
Patronnesses de la Société antiesclavagiste d’Italie ;
- Luis Sorela, Explorateur, Président de la Société antiesclavagiste
d’Espagne ;
- Hippolyte Laroche, ancien Gouverneur de Madagascar ;
- Général Génie, Président du Cercle Militaire à Paris :
- Vice-Amiral Lebon, Commandant en chef de la Flottille haïtienne ;
- Julien Dusseck, membre de la Chambre des Comptes de la République
d’Haïti ;
- Timoclès Lafontant, Commissaire du Gouvernement près la Banque
Nationale d’Haïti ;
- Général Darius Hyppolite, Chef de la Garde du Palais national de Port-au-
Prince ;
- Sénateur Renaud Hyppolite, ancien Ministre de l’Intérieur en Haïti ;
- Comte Pierre de Laguibourgère, ancien Capitaine de l’armée française,
Commandant en chef des troupes éthiopiennes instruites à l’européenne ;
- Capitaine Joubert, ancien zouave pontifical, Chef du groupe principal des
“Villages de liberté” en Afrique ;
- M. Le Commandeur Filippo Tolli, Président de la Société anti-esclavagiste
d’Italie ;
- Mgr Huylen, Evêque de Namur ;
- Mme la Marquise de Lacaze ;
- Mme Jan Germain, femme de lettres ;
- Brunet, Représentant de la Réunion au Sénat de la République française ;
- Le Député Francis de Pressensé, Président de la Ligue française des Droits
de l’Homme ;
- Gabriel Monod, Directeur de la Revue Historique ;
- Albert Hans, Consul du Paraguay à Paris ;
- R.P. le Floch, Supérieur du Séminaire français à Rome ;
- P. Roserot, Procureur des Pères du Saint-Esprit à Rome ;
- P. Burtin, Procureur des Pères Blancs à Rome ;
- Dr. Abate Pacha, Président de la Société Khédiviale de Géographie ;
- Paul Lochard, Directeur du Journal officiel de la République d’Haïti ;
- Ewald, Administrateur délégué de la Banque Nationale d’Haïti ;
- Tertullien Guilbaud, Fondateur de l’Ecole de Droit du Cap-Haïtien ;
- Me Alfred Henriquez, avocat ;
- Le Député Denys Cochin ;
- Baronne Denys Cochin, Présidente du Comité des Dames Patronnesses de
la Société antiesclavagiste de France ;
- Paul Viollet, Président du Comité de Défense et de Protection des
Indigènes africains ;
- Mme Vve Gardès, née Vattier de Bourville ;
- Gabriel Lhuerre, ancien Gouverneur par intérim de la Martinique ;
- Dr. Jean Hess, Explorateur, auteur de l’Ame nègre ;
- Stéphen Pichon, ancien Ministre à Port-au-Prince, Résident de France à
Tunis ;
- Germain Lefèvre Pontalis, membre de la Société antiesclavagiste de
France ;
- Mme Séverine, Publiciste ;
- Max Nordau, auteur des Mensonges conventionnels de la civilisation ;
- Jean Finot, Directeur de la Revue, auteur du Préjugé des Races ;
- W.T. Stead, Directeur de la Review of Reviews ;
- Justin Dévot, Professeur à l’Ecole nationale de Droit de Port-au-Prince ;
- Ducasse Pierre-Louis, Député de Port-au-Prince ;
- Eugène Simoneau, Secrétaire général de Préfecture en France ;
- Baron Joseph Du Teil, Secrétaire général de la Société antiesclavagiste de
France ;
- Comte Stadnicki, Chargé d’Affaires d’Autriche-Hongrie au Caire ;
- Le Juge Magnaud, Président du Tribunal de Château-Thierry ;
- Eugène Bonhoure, Gouverneur de la Martinique ;
- Mme la Comtesse de Brazza ;
- Mme Jane Cobden-Unwin, membre du New Reform Club de Londres ;
- Commandant Mortenol, Capitaine de frégate de la Marine française ;
- Dr. Lebedinski, Directeur de l’hôpital Risse d’Addis-Abeba ;
- Georges Sylvain, Juge au Tribunal de cassation de Port-au-Prince ;
- H. Légitimas, ancien Député de la Guadeloupe ;
- Le Député Henri Ursleur, représentant de la Guyane à Chambre française ;
- Comte de Montalbo, Conseiller de la Légation de la République
Dominicaine à Rome ;
- Gabriel Guigniony, Agent Consulaire de France au Harrar ;
- Charles Servel, Consul général d’Haïti à Marseille ;
- Mme Sarah Monod, Présidente du Conseil national des Femmes
françaises ;
- Mme Avril de Sainte-Croix, Secrétaire général du Conseil national des
Femmes françaises ;
- Sudre Dartiguenave, ancien Président de la Chambre des Députés ;
- Abbé Fonsagrives, Président du Cercle catholique du Luxembourg ;
- Charles Le Masle, Comptable à la Caisse hypothécaire d’Egypte ;
- Mme Féresse-Deraisme ;
- Jeanne Chauvin, Docteur en Droit de la Faculté de Paris ;
- Général Justin Carrié, Commandant de l’Arrondissement de Port-au-
Prince ;
- Général Charles Régnier, Commandant de la Place de Port-au-Prince ;
- Général Marc Derenoncourt, Chef des Mouvements du Port, à Port-au-
Prince ;
- Général Georges Brice, Commandant de l’Arrondissement de Jérémie ;
- Jacques Durocher, ancien élève de l’Ecole Centrale de Paris, Ingénieur du
Gouvernement haïtien ;
- Frédéric Doret, ancien élève de l’Ecole des Mines de Paris, Ingénieur du
Gouvernement haïtien ;
- Louis Roy, ancien élève de l’Ecole des Mines de Paris, Ingénieur du
Gouvernement haïtien ;
- Thomas Price, ancien élève de l’Institut Pratt de New York, Ingénieur du
gouvernement haïtien :
- Malherbe Carré, ancien négociant :
- S. Laraque, Agriculteur et Industriel en France ;
- Mme Edouard Cros :
- Arnould Rogier, Instituteur à Paris ;
- Professeur William Léon ;
- Dr. Vitalien. Directeur de l’hôpital du Harrar ;
- Sénateur Georges Clémenceau, Directeur du Journal L’Aurore ;
- Lamartine Malebranche, Sénateur de la République d’Haïti ;
- Auguste Dorchain, Homme de lettres à Paris :
- Corneille Theunissen, Sculpteur,
- O. Pommayrac, Hommes de lettres en Haïti ;
- Duois Viard, ancien chef de Division au ministère de l’Instruction
Publique en Haïti ;
- Edmond Roumain. Pharmacien-chimiste à Port-au-Prince ;
- Etienne Mathon, ancien Magistrat communal de Port-au-Prince ;
- Massillon Coicou, ancien Secrétaire de la Légation d’Haïti à Paris :
- Périclès Tessier, Directeur du Lycée national à Port-au-Prince ;
- Charles Sambour, Administrateur principal des Finances de Port-au-
Prince ;
- Mme Lagojanis, Négociant importateur à Port-au-Prince ;
- Mme Vve Boutin, Négociant importateur à Port-au-Prince ;
- Charles Guiteau, Directeur de la Maison Centrale d’Haïti ;
- Mlle Rochefort, Institutrice à Paris ;
- Démosthènes Sylvain. Négociant à Port-de-Paix (Haïti) ;
- Cicéron Saint-Aude,
- Emmanuel Henriquez, Pharmacien à Jacmel ;
- Dr. M. Tucker, médecin médaillé du Dispensaire Rousselet ;
- Dr. Edgar Bérillon, Président de la Société d’Hypnologie de Paris ;
- E. Nicolle. Président de la Société de Géographie de Lille ;
- Adolphe Brisson, Directeur des Annales Politiques et Littéraires ;
- Louis Colin, Vétérinaire major à Bourges ;
- Dr. Boricaud, ancien Interne des Hôpitaux de Paris, Conseiller général à la
Guadeloupe ;
- Mme Vve Lamothe. Directrice de l’Ecole secondaire des demoiselles à
Port-de-Paix ;
- Marc Legrand. Directeur fondateur de la Revue du Bien dans la vie et
dans l’art ;
- Angèle Kopp, Directrice de la Maison maternelle de Belleville (Paris) ;
- Urbain Gohier, Publiciste ;
- Marc Sangnier, Directeur du Sillon ;
- Dr. Brassard, Directeur de l’Hôpital français du Caire ;
- Athanasios Survis, Secrétaire particulier de l’Empereur Ménélik :
- Mme Pégard, Chevalier de la Légion d’honneur ;
- Abbé Louis Sauvanaud ;
- Capitaine Gaston Moch. membre du Comité de Défense et de Protection
des Indigènes ;
- Dr. Alexandre Riboul, Directeur de la Maternité de Port-au-Prince ;
- Drs. Félix Armand et Wesner Ménos, Professeurs à l’Ecole de Médecine
de Port-au-Prince,
- Député Jean Jaurès, Directeur du Journal L’Humanité ;
- Léon Chomé, Directeur de la Belgique militaire ;
- Député Gérault-Richard, Directeur de La Petite République ;
- Henri Turot, Conseiller municipal de Paris, Rédacteur à La Petite
République ;
- Gaston Calmette, Directeur du Figaro ;
- Mme Virginie Sampeur, Directrice du Pensionnat National de Demoiselles
à Port-au-Prince ;
- Mme Frédéric Woolley ;
- Ellen Robinson, de Liverpool ;
- J. Nicolas, ancien Consul général d’Haïti à New York ;
- Dr. Alonzo Holly, ancien Consul d’Haïti à Inague ;
- Joseph Justin, Directeur de l’Ecole nationale de Droit à Port-au-Prince ;
- Georges Bottin, Président de la Société de Géographie de Douai ;
- Député Gustave Rouanet, Rédacteur au journal L’Humanité ;
- Gaston Méry, Conseiller municipal de Paris, rédacteur à la Libre Parole ;
- Maurice Leudet, Rédacteur au Figaro ;
- Me Henri Lamba, Professeur à l’Ecole Khédiviale de Droit ;
- Jacques Godenne, Directeur du Journal de Namur :
- Auguste Lesouef, membre de la Société d’Ethnographie de Paris ;
- Prince Wanilo Behanzin, Lauréat du Lycée de la Martinique ;
- Député Vigné d’Octon ;
- Léon Mirman, Directeur de l’Hygiène Publique à Paris ;
- Mme Hamel, née Gahéry, institutrice ;
- Mlle Escudé, Diplômée de la Maternité de Paris ;
- Robecchi Bricchetti. Explorateur, à Milan ;
- Jules Coutand, Président de la Société protectrice des animaux ;
- Mme Elise Collard et Mme Vve Roblin ;
- Henri Rochefort, Directeur du journal L’Intransigeant ;
- Henry Maret, Rédacteur en chef du Journal Le Radical ;
- Henry Avenel, Directeur de l’Annuaire de la Presse ;
- Mlle Renée Brégyl, Femme de Lettres ;
- Mlles Lacascade ;
- Dathan de Saint-Cyr, Paul Vibert, Publicistes ;
- Maurice Rousseaux. Ingénieur industriel à Bordeaux ;
- Georges Deherne, Promoteur des Universités populaires en France ;
- Noguères, Président de l’Association générale des Etudiants à Paris ;
- Adolphe Fontaine-Besson. Industriel à Paris :
- Mme Louis Hartmann ;
- Raoul Canivet. Fondateur de l’Université populaire d’Alexandrie ;
- Fernand Braun, Directeur de l’Egypte moderne ;
- Camille Gabriel, Secrétaire particulier du Président d’Haïti ;
- Montreuil Guillaume, Payeur aux Départements de la Guerre et de la
Marine en Haïti ;
- Chervin Poux, Raoul Léon ;
- Saint-Maixent et Cuvier Rouzier ;
- Fernand Hibbert et Charles Dubé, ancien Député ;
- Joseph Geffrard, Concessionnaire de l’Eclairage électrique de Port-au-
Prince ;
- Athanase Laforest ;
- Lucien Descaves, membre de l’Académie de Goncourt ;
- Maurice Ladmiral, Conseiller général de la Guadeloupe ;
- Emmanuel Lacourné, Président de la Cour d’Appel à Fort-de-France ;
- Maxime Colletas, Ingénieur, Directeur de la Solidarité coloniale ;
- Le Camus, Chef de bataillon d’infanterie coloniale ;
- Didier, Chef d’escadron d’Artillerie coloniale ;
- Baudin, Chef d’escadron d’Artillerie coloniale ;
- Dr. Bonola-Bey, Secrétaire général de la Société Khédiviale de
Géographie ;
- Ernest Angevin, ancien Instituteur à Paris ;
- Justin Lhérisson, Professeur d’Histoire au Lycée de Port-au-Prince ;
- Gaston Lévy, Docteur en Droit ;
- Constantin Vieux, Agent financier ;
- Eugène Saint-Macary, Négociant à Port-au-Prince ;
- M. de Decken, Consul général d’Haïti pour la Belgique et les Pays-Bas ;
- Georges Berr, de la Comédie Française, Professeur au Conservatoire ;
- Jouannel, Mécanicien principal dans la Marine française ;
- Mathieu, Chef d’escadron d’Artillerie coloniale ;
- Bouchaut, Inspecteur des Colonies ;
- Victor Basquel, Juge à la Martinique ;
- Justin et Guillaume Devès, à Saint-Louis (Sénégal) ;
- Dr. Charles Carpot, médecin à Saint-Louis ;
- Député François Carpot, Représentant du Sénégal à la Chambre française ;
- Adolphe Crespin, Chef de Bureau des Secrétariats généraux à Saint-
Louis ;
- H. Maran, Chef de Bureau des Secrétariats généraux à Cayenne.
Dernières étapes
Benito Sylvain effectua un quatrième et dernier voyage en Abyssinie en
1906. Il donna une nouvelle série de conférences à Paris sur l’Ethiopie et
sur l’“Entente des Noirs et des Blancs”. Il prononça un discours le 21 mars
1907 au Palais National à Port-au-Prince. Il remit la réponse de l’Empereur
Ménélik au Président d’Haïti Nord Alexis en lui transmettant la décoration
qui l’accompagnait :
“Président,
Au prix de souffrances physiques et morales dont nul ici ne soupçonne
l’étendue, j’ai aujourd’hui la patriotique satisfaction de remettre entre vos
mains la réponse de S. M. l’Empereur Ménélik II à la lettre que Votre
Excellence voulut bien lui adresser par mon intermédiaire, à l’occasion du
Centenaire de l’Indépendance Nationale d’Haïti.
Si naturel qu’il soit, ce fait dépasse pourtant le cadre et la portée ordinaire
des actes internationaux de nos Gouvernements. C’est la première fois, en
effet, que la République d’Haïti, porte-drapeau de la Race noire en
Amérique, entre directement en relations avec un Empire africain capable
de la seconder, dans l’accomplissement de ses destinées historiques.
Aussi bien, il était temps que le pays de Toussaint-Louverture et de
Dessalines revendiquât officiellement, à la face de l’univers civilisé, le rôle
qui lui incombe dans l’évolution générale de nos malheureux congénères
d’Afrique et qui constitue sa principale raison d’être internationale. Ce sera,
un jour, une grande gloire pour Votre Excellence d’avoir posé le premier
jalon dans cette voie et d’associer, à cette fin, son nom vénéré à celui de
l’illustre Souverain d’Ethiopie.
Franchissant plus tard un autre stade dont les événements eux—mêmes
fixeront l’échéance, la République d’Haïti saura donner opportunément une
consécration logique à ces relations nouvelles inspirées par un sentiment
aussi élevé. La grand’croix de l’Ordre national de l’Empire Ethiopien, que
j’ai l’honneur de transmettre à Votre Excellence, est, aux yeux de S.M.
l’Empereur Ménélik, le gage significatif de cet espoir, d’avance agréé par
tous les vrais patriotes haïtiens.
Je suis particulièrement heureux, après m’être acquitté intégralement de
ma double mission, de vous renouveler, Président, avec mes félicitations et
mes souhaits les plus sincères, l’hommage très respectueux de mon
inaltérable dévouement”654.
L’année suivante, le Commandant Sylvain se rendit au Canada. Il gagna
Ottawa, la capitale fédérale, vers la fin de septembre 1907. Il fut reçu par
Wilfrid Laurier, le Premier ministre canadien et par le Gouverneur général
Lord Grey. Il rencontra à Québec le Lieutenant-Gouverneur Jette et donna
une conférence dans cette ville. A Montréal où il arriva le 7 octobre, il dut
attendre un mois avant de prononcer sa première conférence le 7 novembre
sur l’Accord nécessaire des Blancs et des Noirs, qui eut lieu au Monument
National, sous la présidence de Mgr Bruchesi, l’archevêque de Montréal.
Au Canada, Benito Sylvain fonda L’Etoile Africaine, pour combattre le
préjugé de couleur qui sévissait dans tous les lieux publics du territoire
nord-américain.
Le Président Antoine Simon éleva Benito Sylvain au grade de Colonel en
1909 et plus tard, le 5 février 1910 à celui d’Adjudant-Général. Elu député
au Corps législatif en 1912, Benito Sylvain fut désigné pour devenir le
président du Comité de l’Armée. En 1914, le Général Oreste Zamor qui
avait renversé le Président Michel Oreste le nomma le 14 novembre “chef
de division au Département de l’agriculture”, Cependant, malgré cette
distinction, brisé, “cassé au dedans”, Benito Sylvain se retira à Bizoton, une
banlieue de Port-au-Prince pour vivre replié sur lui-même. Il se heurtait aux
intrigues, à la jalousie des courtisans, à la dégradation économique,
politique et sociale de Haïti. Finalement il mourut jeune, à 47 ans, le 3
janvier 1915, six mois avant le débarquement des troupes arrivées des
Etats-Unis pour occuper Haïti.
646 Combite : “Groupe de paysans travaillant en commun au son de la musique”, A. Métraux, dans
Le vaudou haïtien, indique que “ce mot vient de l’espagnol convite (invitation)”, p.48, n.2.
647 A. Bervin, Benito Sylvain..., op.cit., pp.86-90.
648 Idem, pp. 144-145.
649 Traduit en français par Ato Haylé-Mariam, interprète principal de S A. le Ras Makonnen.
650 Idem, pp.97-100.
651 Idem, pp. 101-102.
652 Traduit de l’italien grâce à l’obligeance de M. Charles Sinai.
653 Idem, pp. 105-111.
654 Idem, pp. 145-146.
655 Idem, p.149, n.1.
CONCLUSION :
1900-2000, L’HISTOIRE, UN ECLAIRAGE LUMINEUX DU
PRESENT.
“Yambambo, yambambé !
Mamatomba,
serembe cuseremba !
Canto Negro"
Contrepoint :
Le centième anniversaire de la Conférence de Londres (1900-2000) nous
offre l’occasion de réfléchir sur la signification du panafricanisme, au seuil
du troisième millénaire. Pour les Caribans et leurs frères Noirs des
Amériques, la création du mouvement panafricain a été, au XXe siècle, une
phase de prise de conscience des problèmes et des difficultés dûs à
l’existence de la Traite négrière, du Système esclavagiste, de la colonisation
en cours et du racisme des Blancs (Européens et nord-américains). Les
leaders caribans et américains (Etats-Unis, Brésil) ont cherché des solutions
pour protéger leurs communautés. Ils ont élaboré des projets de départ, ils
ont imaginé des plans de survie, de refuge, d’émigration vers des pays, aux
Caraïbes ou en Afrique, où ils n’auraient plus à souffrir de leurs
tortionnaires et du lynchage. Cette première phase se termine en 1900. Elle
sera suivie des autres phases liées aux conquêtes coloniales puis aux
conséquences des deux guerres mondiales.
Un siècle après la conférence de Londres, les rêves se sont évaporés, le
monde s’est transformé. Comment voyons-nous le panafricanisme ?
Des universitaires africains fervents lecteurs des ouvrages de C.A. Diop
ont créé le concept d’afrocentrisme. Une terminologie accompagne cette
notion : diaspora africaine, Africain-Américain, Africain-Brésilien voire
Africain des Caraïbes. Les thèses afrocentristes plaident l’importance et la
place centrale de l’Afrique dans toutes les questions noires. Afrocentrisme
et panafricanisme se complètent et dialoguent. Mais qu’en est-il dans
l’histoire ? J’ai eu plusieurs fois à dire et à démontrer que les Caribans et
leurs frères des Amériques n’appartiennent pas à la diaspora africaine658.
Ces deux termes changent un impérialisme culturel et politique que nous
refusons de cautionner. Dans ce sens, panafricanisme et afro-centrisme
apparaissent inacceptables. Comment imaginer par exemple que nous
puissions demander aux nombreux marabouts africains qui vivent en
Guadeloupe, en Guyane et en Martinique de participer à notre
développement, de collaborer à la résistance anticolonialiste menée contre
les gouvernements français successifs pour nous libérer de la tutelle de la
France coloniale ? Comment ne pas leur rappeler les services rendus à
l’Afrique par des hommes comme les Guadeloupéens Henri Jean-Louis
Baghio’o et Rémy Nainsouta, Jules et Sylvère Alcandre, les Guyanais
Vincent Ganty et Félix Eboué, les Martiniquais Aimé Césaire et Frantz
Fanon659 ? Comment les sensibiliser à nos problèmes d’identité et de
constructions politiques ? Et enfin, comment les déterminer à ne pas abuser
de la crédulité de nos populations traumatisées, pressurées par des siècles
de colonisation, d’esclavage et de traite négrière... Comment empêcher ces
commensaux de profiter du système colonial pour s’établir et exploiter une
situation si catastrophique ! Ces questions, nous les posons à l’Afrique et
aux Africains.
Tous les problèmes des Caribans convergent vers la construction des
Caraïbes en liaison avec les communautés noires du Brésil, des
U.S.A./Canada. Nous nous sentons indissociables de nos frères africains et
asiatiques qui ont participé, eux aussi, à l’émergence de notre monde
caraïbe.
Nous cherchons à édifier notre univers qui a commencé à exister en juin
1994 avec la naissance de l’A.E.C. (Association des Etats Caraïbes). Nous
ne constituons pas une périphérie de l’Afrique ni une diaspora, comme
semblent le suggérer avec candeur des "Africains-Américains”660. Les
Caribans sont les héritiers d’un patrimoine historique qui combine
l’Amérique des indigènes, l’Afrique, l’Asie, l’Europe et le Pacifique.
656 Ce que Frantz Fanon évoquera plus tard dans un article célèbre, "Antillais et Africains", publié
par le journal algérien Et Mudjahid, repris dans Pour la Révolution Africaine (écrits politiques),
Paris, Maspéro, 1964.
657 Port-au-Prince, 1900.
658 Cf. Caraïbes en construction : espace, colonisation, résistance, op.cit., Ed. du Cercam, 1992.
659 Cf. id., De l’Oubli à l’Histoire. Espace et identité caraïbes, Editions Maisonneuve et Larose,
1998.
660 Mes frères Noirs des Etats-Unis ont intérêt à lire attentivement les études de mon collègue
Orlando Patterson, professeur à Harvard University, notamment The Ordeal of Integration et Rituals
of Blood.
Coda
661 “Dans les métropoles du monde moderne, en cette dernière année du dix-neuvième siècle, s’est
réuni un congrès d’hommes et de femmes de sang africain, pour délibérer solennellement sur la
situation actuelle et l’avenir des races les plus fondées de l’humanité. Le problème du vingtième
siècle est le problème de la couleur, la question est de savoir jusqu’à quel point les différences de
race - qui apparaissent d’elles-mêmes essentiellement dans la couleur de la peau et la texture des
cheveux - vont tenir lieu de fondement pour dénier à plus de la moitié du monde le droit de prendre
part dans toute leur capacité aux opportunités et aux privilèges de la civilisation moderne”.
662 Publication de l’U.P.C., 2e édition, 1979.
663 Voir particulièrement les pp.459-553.
664 Idem, p.418.
665 Idem, pp.386-414.
666 Idem, p.386.
667 Woungly Massaga, Sur quelques problèmes de l’heure, lettre aux militants du Parti et aux
patriotes kamerunais, in bulletin Résistance, n° spécial, octobre 1971, p.15.
668 Idem, p. 515.
669 Idem, p.541.
670 Idem, p.533.
671 Huit conférences panaméricaines eurent lieu entre 1889 et 1938.
672 Imanuel Geiss, The Pan-African Movement, 1974, pp.430-431.
673 Cf. Oruno D. Lara. De l’Oubli à l’Histoire, op.cit.
674 In What the Twilight Says, Essays, Faber and Faber, 1998, p.8.
675 Id., “The Muse of History", ibidem, p.56.
CHRONOLOGIE
Annexe 1
“Ordinance of the King of Denmark relative to the Slave Trade Palace of
Christiansborg, march 16, 1792.
(Ordonnance du roi du Danemark relative à la Traite Négrière Château de
Christiansborg, 16 mars 1792).
We, Christian the VIIth, by the Grace of God King of Denmark and
Norway, etc., make known by these Presents, that, considering the
Circumstances which occur in the Slave-Trade, on the Coast of Guinea, and
in the Transportation of the Negroes from thence to our West-India Islands,
and impressed with the Idea that it would, in every Respect, be beneficial
and profitable, if the Importation of new Negroes, from the Coast of
Guinea, could be avoided, and our West-India Islands, in Process of Time,
cultivated by Negroes, born and bred in the Islands, accustomed, from their
Youth, to the Manner of Labour, the Climate, and the Disposition of their
Masters : We, in Consequence, have made serious Enquiries how far and
when it might be possible to accomplish the Abolition of the said Trade :
From the Result of these Enquiries, we are convinced that it is possible, and
will be advantageous to our West-India Islands, to desist from the farther
Purchase of new Negroes, when once the Plantations are stocked with a
sufficient Number for Propagation, and the Cultivation of the Lands ; when
pecuniary Assistance can be given to those who want to purchase Negroes
for their Estates, and if proper Encouragement were to be given to Marriage
amongst the Negroes, and due Attention paid to their Instruction and
Morals.
In order, therefore, to withdraw our West-India Possessions from the
State of Dependence, under which they have hitherto been and now are,
with Respect to the Importation of Negroes, and to make the Importation of
Negroes unnecessary in future, we declare our most gracious Will on this
Subject and order as follows :
1. From the Commencement of the Year 1803, we forbid any of our
Subjects to carry on the Slave-Trade, from the Coast of Africa or any other
Place, except in our West-India Islands ; so that, after that Period, no Negro
Men or Women, either from that Coast or other foreign Places, will be
allowed to be purchased by or for our Subjects, or to be transported in our
Subjects Ships ; neither must they be brought to our West-India Islands for
Sale ; and every Transaction, contrary to this Prohibition, shall, after that
Period, be deemed unlawful.
II. In the mean Time, from the present until the End of the Year 1802, it is
permitted to all foreign Nations, without Exception and under all Flags, to
import Negro Men and Women from the Coast to our West-India Islands.
III. For every healthy and stout Negro Man or Woman, which during that
Period, is thus imported to our West India Islands, we permit the following
Quantities of raw Sugar to be exported from our islands to foreign Places,
either in our own or foreign Ships, within a Year after the Importation of
such Negroes ; viz. for every full-grown Negro Man or Woman, 2 000 Ib.
Weight may be exported, and for every half-grown Negro, the half of that
Quantity, or 1 000 Ib. Weight, without any Difference with regard to Sex ;
but Nothing is allowed for the Importation of Children.
IV. The Duty which is fixed by the Ordinances of the 9th of April, 1764,
and 12th of May, 1777 (which Ordinances in every other Respect, that
regards the Slave-trade, are hereby repealed) on the Importation of Slaves,
we mort graciously take off, with regard to the negro-Women which may be
hereafter imported ; but, on the other Hand, we impose a Duty of 1/2 per
Cent more than what is already stipulated on the Sugars, which shall be
exported to foreign Places, for the Purchase of such Negro Men or Women
as are imported.
V. It is moreover our Will, in order to establish an exact Proportion
among the different Sexes, that, from the beginning of 1795 and after, the
negro Women and Girls, who work in the Field and are not House-Negro,
shall pay no Poll-Tax ; but, on the contrary, from the above-mentioned
Period, a double Poll-Tax shall be exacted for every Negro-Man.
VI. From the present period, we forbid, in the strongest Manner, all
Exportation of negro Men or Women from our West-India Islands, they
alone being excepted from this Prohibition, who are expelled by Law ; or,
such as our Governor-General and Council in the West Indies may upon
very extraordinary Occasions think proper, according to Circumstances, to
permit to depart.
Wherefore this our Royal Will being made known, we order all and every
one to conform to it.
Given at our Palace of Christiansborg, in our Royal Place of Residence,
Copenhagen, the 16th of March. 1792".
*
- “An Act for the Abolition of the Slave Trade
Parlement britannique. 25 mars 1807.
Annexe 2
Rapport de Benito Sylvain sur la Conférence Panafricaine de 1900. Extrait
de Benito Sylvain, Du sort des indigènes dans les colonies d’exploitation.
Paris, L. Boyer, 1901, pp.504-520.
L’auteur de l‘Egalité des races humaines nous répondit par cette missive :
Signé : A. FIRMIN.’
Directeur d’un journal (La Fraternité) que nous avions fondé, à la fin de
l’année 1890, pour défendre en Europe les intérêts de la race noire,
président du Comité oriental et africain de la Société d’ethnographie de
Paris ; récemment chargé d’une délégation spéciale aux Antilles par le
Comité directeur de l’Alliance française, après avoir représenté la
République d’Haïti aux premiers congrès antiesclavagistes qui eurent lieu à
Paris et à Bruxelles, nous pensions être dûment qualifié pour mener à bien
le projet que nous venons d’exposer. Mais, par suite de circonstances très
fâcheuses dont la responsabilité pèse sur nos propres compatriotes, et qui,
pendant quatre ans (de 1896 à 1900) enrayèrent l’initiative de toutes nos
entreprises, il nous fut impossible de consacrer à la préparation de ce grand
Congrès ethnologique le temps et les ressources nécessaires (1).
Au mois de décembre 1897, revenant d’Haïti après notre premier voyage
en Abyssinie, nous fûmes mis en rapport avec le professeur Booker T.
Washington, le célèbre instituteur noir des Etats-Unis, et nous décidâmes de
nous unir à une Association africaine qui venait d’être constituée à Londres
par les soins zèlés d’un pasteur, le Révérend Joseph Mason, et d’un jeune
étudiant. Henry Sylvester Williams, originaire de la Trinidad. Deux mois
plus tard (février 1898), à la suite d’un banquet d’honneur offert à
l’explorateur Jean Hess, en hommage à la publication de son émouvant
ouvrage sur l’Ame nègre, nous fondions l’Association de la Jeunesse Noire
de Paris. L’idée du congrès fut reprise, mais sur le plan primitif dut en être
modifiée : au lieu d’une réunion de savants de race caucasique, parmi
lesquels auraient siègé quelques-uns des membres les plus éminents de la
race nigritique, nous allions avoir un meeting formé de savants, de
philanthropes et d’hommes politiques européens.
Ce meeting eut donc lieu à Londres, du 23 au 26 juillet 1900. Il est de
notre devoir de donner la plus large publicité possible aux actes de
décisions adoptés au cours de ce triduum.
1. Le journal La Fraternité (le premier qui ait été dirigé par un noir à
Paris) s’honorait de la collaboration de Jules Simon, de Léon de Rosny, de
Mme Adam et de Séverine (autorisation de reproduire leurs articles),
d’Anténor Firmin, du sénateur Isaac, du député Gerville-Réache, de Jean
Hess, Edmond Thiaudière, Léon Audain, Wesner Menos, Emmanuel des
Essarts, Derville Charles-Pierre, Marc Legrand et Paul Vibert. Il dut cesser
sa publication en 1897, victime d’une coalition de politiciens et d’étudiants
haïtiens, qu’offusquaient notre indépendance de langage, nos fêtes de
charité auxquelles les plus grands artistes de Paris prêtaient leur concours
gracieux, et surtout les distinctions dont nous étions l’objet dans le monde
littéraire et scientifique de France. Le gouvernement haïtien donna raison à
nos envieux, en supprimant, en 1895, l’allocation qui avait été votée au
journal par le Parlement, à titre de “récompense nationale”, allocation qui
était d’ailleurs, payée fort irrégulièrement, selon les caprices du ministre
des finances... La production de ce livre sera notre meilleure justification.
2. Madame Cobden-Unwin fit admettre gratuitement tous les
congressistes comme membres du New Keform Club de Londres ; le
Docteur Clarke et M. Fox Bourne leur offrirent un lunch d’honneur, le
premier au buffet de la Chambre des Communes, le second, au Liberal
Club, et le Lord Evêque, dans le parc de sa magnifique résidence située aux
environs de Londres.
3. Un vaste terrain, s’étendant tout autour de l’endroit où se trouve
inhumé le cœur de Livingstone (près du lac Nyassa), a été offert, en 1899,
par la British South Africa Company au “Comité du souvenir de
Livingstone” (Livingstone Memorial Company). Le comité a décidé de faire
ériger sur l’emplacement concédé une colonne en granit, de 40 pieds de
haut, afin de perpétuer dans le Sud africain la mémoire de l’illustre
explorateur négrophile.
Le cardinal Lavigerie a un double monument : l’un à Tunis et l’autre à
Bayonne. Faisant honneur à son titre, notre journal La Fraternité, “organe
des intérêts d’Haïti et de la race noire”, y souscrivit pour 500 francs.
Victor Schoelcher a aussi sa statue, à la Guadeloupe, en attendant qu’il en
ait une en France.
Nos congénères des colonies anglaises devraient bien prendre l’initiative
d’une souscription ayant pour but de glorifier par le marbre ou le bronze la
mémoire de Wilberforce, de Clarkson et de Buxton, afin que se justifie
partout le mot de Michelet : “La reconnaissance est une vertu noire.”
Annexe 3
“The Pan-African Conference ”
Extrait de Alexander WALTERS, My Life and Work, New York, Fleming H.
Revell Company, 1917.
“It was the fertile brain of Mr. H. Sylvester Williams, a young barrister of
London, England, that conceived the idea of a convocation of Negro
representatives from all parts of the world. He presented his plan by letter to
a number of distinguished Negroes in different countries, and after a
favorable reply from them, he issued the call in the early part of last year
(1900) for the Pan-African Conference, which was held in London, July 23-
25.
The objects of the meeting were : First, to bring into closer touch with
each other the peoples of African descent throughout the world ; second, to
inaugurate plans to bring about a more friendly relation between the
Caucasian and African races ; third, to start a movement looking forward to
the securing to all African races living in civilized countries their full rights
and to promote their business interests.
The meetings were held in Westminster Town Hall, which is near the
House of Parliament. There were present the following representatives : Rt.
Rev. A. Walters, D.D., New Jersey ; M. Benito Sylvain, Aide-de-Camp to
Emperor Menelik, Abyssinia ; Hon. F. S. R. Johnson, ex-Attorney-General,
Republic of Liberia ; C. W. French, Esq., St. Kitts, B. W. I. ; Prof. W. E. B.
Du Bois, Georgia ; G. W. Dove, Esq., Councillor, Freetown, Sierra Leone,
W. A. ; A. F. Ribero, Esq., Barrister-at-Law, Gold Coast, W. A. ; Dr. R. A.
K. Savage, M.B., Ch.B., Delegate from Afro-West Indian Literary Society,
Edinburgh, Scotland ; Mr. S. Coleridge Taylor, A.R.C.M., London, Eng. ;
A. Pulcherie Pierre, Esq., Trinidad. B. W. I. ; H. Sylvester Williams, Esq.,
Barrister-at-Law, London, Eng. ; Chaplain B. W. Arnett, Illinois ; John E.
Quinlan, Esq., Land Surveyor, St. Lucia, B. W. I. ; R. E. Phipps, Esq.,
Barrister-at-Law, Trinidad, B. W. I. ; Mr. Meyer, Delegate Afro-West Indian
Literary Society, Edinburgh, Scotland ; Rev. Henry Smith, London, Eng. ;
Prof. J. L. Love, Washington, D. C. ; G. L. Christian, Esq., Dominica, B. W.
I. ; J. Buckle, Esq., F.R.G.S,, F.C.I.E., London, Eng. ; Hon. Henry F.
Downing, U. S. A., ex-Consul, Loando, W. A. ; T. J. Calloway, Washington,
D. C. ; Rev. Henry B. Brown, Lower Canada ; Dr. John Alcindor, M.B.,
L.R.C.P. ; Counsellor Chas. P. Lee, New York ; Mr. J. P. Loudin, Director
Fisk Jubilee Singers, London, Eng. ; A. R. Hamilton, Esq., Jamaica,
B.W.I. ; Rev. H. Mason Joseph, M.A., Antigua, B.W. I. ; Miss Anna H.
Jones, M.A., Missouri ; Miss Barrier, Washington, D. C. ; Mrs. J. F. Loudin,
London, Eng. ; Mrs. Annie J. Cooper, Washington, D. C. ; Miss Ada Harris,
Indiana.
The writer was chosen to preside at the meetings ; Prof. J. L. Love, of
Washington, D. C., was elected secretary, and Prof. W. E. B. Du Bois, of
Georgia, was made chairman of the committee on address to the nations of
the world.
The address of welcome was delivered by the late Dr. Creighton, who
was Lord Bishop of London at that time. He said he was glad to meet the
delegates and to welcome them to the City of London. He assured them that
they had the sympathy of the fair-minded throughout the realm. He
expressed a hope that the conference would be a precursor of many similar
ones. Continuing, he said he was quite confident the great problems with
which they were concerned would not be settled in a hurry, but still the
movement to be inaugurated that day for the first time in the history of the
world, no matter in however humble a way, was sure to go on growing until
it brought a mass of public opinion to bear upon the questions raised. These
would be of the most vital description, dealing with the future of the world,
of which he was not then inclined to speak. For the first time in human
experience the entire world had been really discovered, and a sense of
human brotherhood had become a very real thing, and, magnificent as were
the ideals it created, practical difficulties had to be dealt with. The
conference would materially assist towards the accomplishment of this
object if the delegates would place on record their experience of the views
and aims of the colonial races. England generally recognized the weighty
responsibilities Providence had placed upon her, and her statesmen were
constantly considering how to most adequately discharge them, and any
help that conference could give them would be most gladly welcomed.
Responses to the most cordial and eloquent address of the Bishop were
made by Hon. P. S. R. Johnson, of Liberia, and the presiding officer. During
the session excellent papers were read by M. Benito Sylvain, C. W. French,
Miss Anna Jones, Mrs. Annie J. Cooper, Rev. H. Mason Joseph, Francis
Ware, Esq. ; Rev. Henry Smith and others. The papers and addresses
elicited great praise from the London daily press.
A Memorial, setting forth the following acts of injustice directed against
Her Majesty’s subjects in South Africa and other parts of her dominions,
was prepared and sent to Queen Victoria :
The following is the reply received from Her Majesty by our secretary,
Mr. H. Sylvester Williams :
H. S. Williams, Esq.
In the metropolis of the modern world, in this the closing year of the
Nineteenth Century, there bas been assembled a Congress of men and
women of African blood, to deliberate solemnly upon the present situation
and outlook of the darker races of mankind. The problem of the Twentieth
Century is the problem of the color line, the question as to how far
differences of race, which show themselves chiefly in the color of the skin
and the texture of the hair, are going to be made, hereafter, the basis of
denying to over half the world the right of sharing to their utmost ability the
opportunities and privileges of modern civilisation.
To be sure, the darker races are today the least advanced in culture
according to European standards. This has not, however, always been the
case in the past, and certainly the world’s history, both ancient and modern,
has given many instances of no despicable ability and capacity among the
blackest races of men.
In any case the modern world must needs remember that in this age,
when the ends of the world are being brought so near together, the millions
of black men in Africa, America and the islands of the sea, not to speak of
the brown and yellow myriads elsewhere, are bound to have great influence
upon the world in the future, by reason of sheer numbers and physical
contact. If now the world of culture bends itself upwards giving Negroes
and other dark men the largest and broadest opportunity for education and
self-development, then this contact and influence is bound to have a
beneficial effect upon the world and hasten human progress. But if. by
reason of carelessness, prejudice, greed and injustice. the black world is to
be exploited and ravished and degraded, the results must be deplorable, if
not fatal, not simply to them but to the high ideals of justice, freedom, and
culture which a thousand years of Christian civilisation have held before
Europe.
And now, therefore, to these ideals of civilisation, to the broader
humanity of the followers of the Prince of Peace, we, the men and women
of Africa in World Congress assembled, do now solemnly appeal :
Let the world take no backward step in that slow but sure progress which
has successively refused to let the spirit of class, of caste, of privilege, or of
birth, debar from life, liberty, and the pursuit of happiness a striving human
soul.
Let not mere color or race be a feature of distinction drawn between
white and black men, regardless of worth or ability.
Let not the natives of Africa be sacrificed to the greed of gold, their
liberties taken away, their family life debauched, their just aspirations
repressed, and avenues of advancement and culture taken from them.
Let not the cloak of Christian Missionary enterprise be allowed in the
future, as so often in the past, to hide the ruthless economic exploitation and
political downfall of less developed nations, whose chief fault has been
reliance on the plighted faith of the Christian Church.
Let the British Nation, the first modern champion of Negro freedom,
hasten to crown the work of Wilberforce, and Clarkson, and Buxton, and
Sharpe (sic), Bishop Colenso, and Livingstone, and give, as soon as
practicable, the rights of responsable government to the Black Colonies of
Africa and the West Indies.
Let not the spirit of Garrison, Phillips, and Douglas (sic) wholly die out
in America ; may the conscience of a great Nation rise and rebuke all
dishonesty and unrighteous oppression toward the American Negro, and
grant to him the right of franchise, security of person and property, and
generous recognition of the great work he bas accomplished in a generation
toward raising nine millions of human beings from slavery to manhood.
Let the German Empire and the French Republic, true to their great past,
remember that the true worth of Colonies lies in their prosperity and
progress and that justice, impartial alike to black and white, is the first
element of prosperity.
Let the Congo Free State become a great central Negro State of the
world, and let its prosperity be counted not simply in cash and commerce,
but in the happiness and true advancement of its black people.
Let the Nations of the World respect the integrity and independence of
the free Negro States of Abyssinia, Liberia, Hayti, etc., and let the
inhabitants of these States, the independent tribes of Africa, the Negroes of
the West Indies and America, and the black subjects of all Nations take
courage, strive ceaselessly, and fight bravely, that they may prove to the
World their incontestable right to be counted among the great brotherhood
of mankind.
Thus we appeal with boldness and confidence to the Great Powers of the
civilized world, trusting in the wide spirit of humanity, and the deep sense
of justice of our age, for a generous recognition of the righteousness of our
cause.
*
SOURCES
FRANCE :
Afrique :
- 128 à 131 : Négociations franco-anglaises relatives aux délimitations de
l’Afrique occidentale.
Libéria :
- 60 et 121
Abyssinie :
- 62, 105 et 138 : relations, traités avec les puissances européennes.
Questions générales :
- Conférence antiesclavagiste de Bruxelles, 1889-1891.
Port-au-Prince :
vol. 11 : 1878-1890, 12 : 1890-97, 13 : 1898-1901
Saint-Domingue :
vol. 3 : 1878-1892, 4 : 1892-99, 5 : 189971901
Addis-Abeba :
1 volume sans numéro, 1898-1901
Monrovia :
- 1 volume sans numéro, 1855-1901
Sierra Leone :
- vol. 1 : 1848-66, 2 : 1867-77, 3 : 1881-86, 4 : 1887-1901.
Amérique Centrale :
carton n°3 : Union Centre-Amérique, projets du Président Barrios 1885.
Haïti :
carton 7 : 1888-89, 8 : 1890-92, 9 : 1893-95.
Afrique :
carton 1 : rapatriement à la côte d’Afrique d’anciens esclaves,
carton 2 : préparatifs et compte-rendus de la Conférence antiesclavagiste de
Bruxelles, 1888-1892.
carton 5 : Sierra Leone.
carton 6 : Libéria, 1850-92 ; 1892 : Blyden, envoyé de la République du
Libéria à Londres.
carton 22, 23. 24 : Abyssinie, Ménélik, le ras Makonnen, le port d’Assab,
1856-1895
cartons 26, 27 : capture de navires de traite négrière par les Britanniques,
1818-1820.
- Séries Géographiques :
- Afrique IV
GRANDE-BRETAGNE
Colonial Office :
- Sierra Leone ;
- C.O. 267 : “Original Correspondance”, 1880-1914 (avec Fernando Po
avant 1828 et après 1842).
- C.O. 271 : “Government Gazettes”, 1817-1913.
- Emigration ;
- C.O. 386 : Correspondance, 1833-1894.
Foreign Office :
- Haiti :
- F.O. 35 : Correspondance générale, 1825-1905.
-Liberia :
- F.O. 47 : Correspondance générale, 1848-1905.
- Afrique :
- F.O. 403 : Papiers Confidentiels (problèmes frontaliers avec le Libéria,
1861-1871).
- Traités :
- F.O. 93/53/1-15 : Libéria, 1848-1908.
- Traite Négrière :
- F.O.- 84 : 1816-1892.
- F.O. 315 . en Sierra Leone, 1818-1868.
- Sierra Leone :
- F.O. 315 : Correspondance 1819-1868.
Autres Fonds :
- Anti-Slavery Papers, Rhodes House Library, Bodleian Library, Oxford.
- Aborigines Protection Society Papers, Rhodes House Library, ibidem,
Oxford.
- Gladstone Papers, British Museum Add. Mss., Londres.
- ETATS-UNIS :
- American Colonization Society Papers, Library of Congress, Washington,
D.C.-
- Papers of the Presbyterian Board of Foreign Missions, 375 Riverside
Drive. New York City.
- Edith Holden, The Story of Blyden, 1940, Schomburg Collection, Harlem
Branch of the New York Public Library.
Papers of the Trustees of Donations for Education in Liberia,
Massachusetts Historical Society, Boston.
Sources imprimées :
- Blyden, E.W., Christianity, Islam and the Negro Race, intr.de Samuel
Lewis, Londres, W.B. Whittingham, 1887, VII-423 p.
- Blyden of Liberia, An Account of the Life and Labors of EDWARD
WILMOT BLYDEN, LL.D., As Recorded in Letters and in Print, Edith
Holden, New York, Vantage Press, 1966, 1.040 p.
- Black Spokesman : Selected Published Writings of Edward W. Blyden, éd.
H.R. Lynch, New York, Humanities Press, 1970, XXXIII-354 p.
- Firmin Anténor, De l’égalité des Races Humaines (Anthropologie
positive), Paris, Cotillon, 1885, XIX-667 p.
- Id., Monsieur Roosevelt, Président des Etats-Unis et la République
d’Haïti, Paris, F. Pichon et Durand Auzias, 1905, X-501p.
- Id., Lettres de Saint-Thomas, Etudes sociologiques, historiques et
littéraires, Paris, V. Giard et E. Brière, 1910, X-429 p.
- Report of the Pan-African Conference at Westminster Town Hall, 1900,
Londres, The Pan-African Association, 1900.
- Sylvain Benito, Etude sur le Traitement des Indigènes dans les Colonies
d’exploitation, Thèse pour le Doctorat, Faculté de Droit de l’université de
Paris, Paris, V. Giard et E. Brière, 1899, 348p
- Id., Du Sort des Indigènes dans les Colonies d’exploitation, Paris, L.
Boyer, 1901, 529 p.
- Williams H.S., “Trinidad, B.W.I.", dans British America, British Empire
Series, vol. 3, Londres, Kegan Paul, Trench, Trübner & Co. Ltd., 1900.
- Id., The British Negro : A Factor in the Empire, Londres, 1902.
- Id., “The Object of a Bar Association", dans Second Annual Meeting of the
Liberian National Bar Association in the Executive Mansion, Monrovia,
February 5, 1908, Monrovia, College of West Africa Press, 1908.
*
BIBLIOGRAPHIE
*
Périodiques consultés, période 1850-1914 :
*
Périodiques contemporains :
Couverture
4e de couverture
Titre
Copyright
Citation
Dédicace
Préface à la réédition 2015
Blue Note
Prélude et fugue
- I - EXPOSITION DU THEME
- 2 - SUPPRESSION DE LA TRAITE NEGRIERE : LA CROISADE
DES BRITANNIQUES
- 3 - A L’ORIGINE DU MOUVEMENT “BACK TO AFRICA” :
“COLONISATION" OU DEPORTATION
- 4 - NATIONALISMES
- 5 - EMANCIPADOS CUBAINS ET BRESILIENS EN LIBERTÉ
- 6 - LES CERTITUDES DU RACISME PSEUDO-SCIENTIFIQUE
- 7 - BLYDEN ENTRE LES CARAÏBES ET L’AFRIQUE
- 8 - LA CROISADE POLITIQUE D’ANTENOR FIRMIN
- 9 - UN OFFICIER DE MARINE HAÏTIEN À LA COUR DU
NEGUS
- 10 - LA CONFERENCE DE LONDRES DE 1900 : EMERGENCE
ET RESONANCE DU PANAFRICANISME
- 11 - LE PROJET PANAFRICAIN : SUITES ET
PROLONGEMENTS
- 12 - COMBITE : LE “RELEVEMENT SOCIAL DES NOIRS”
CONCLUSION : 1900-2000, L’HISTOIRE, UN ECLAIRAGE
LUMINEUX DU PRESENT.
Coda
CHRONOLOGIE
DOCUMENTS ANNEXES
SOURCES
BIBLIOGRAPHIE
Table des matières
L’HISTOIRE AUX ÉDITIONS L’HARMATTAN
Adresse
L’HISTOIRE
AUX ÉDITIONS L’HARMATTAN
Dernières parutions
MÉTAMORPHOSES RURALES
Philippe Schar : itinéraire géographique de 1984 à 2010
Sous la direction de Dominique Soulancé et Frédéric Bourdier
Philippe Schar était convaincu que la géographie ne saurait exister sans la
dimension du temps et la profondeur de l’histoire, seules capables de mettre
pleinement en lumière le présent et de le restituer dans toutes ses
dimensions. On retrouve en filigrane dans ses recherches concises et
pointues la volonté de replacer les opérations de développement à
l’interface des logiques promues par les décideurs d’un côté et par les
populations de l’autre. Cet ouvrage présente une sélection de ses écrits.
(33.00 euros, 320p.)
ISBN : 978-2-296-99748-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51501-7
POUVOIR DU MAL
Les méchants dans l’histoire
Tulard Jean
L’Histoire n’est pas une magnifique suite d’actions héroïques et de gestes
admirables. Sans le Mal pas d’Histoire. Et il faut l’avouer, les méchants
sont les personnages les plus fascinants de la saga des peuples. En voici
treize, présentés à travers des dramatiques interprétées jadis sur les ondes.
Treize portraits où l’on retrouve méchants célèbres comme Néron ou Beria
et héros insolites comme Olivier Le Daim ou le prince de Palagonia. Ils
illustrent le pouvoir du Mal.
(Coédition SPM, 25.00 euros, 270p.)
ISBN : 978-2-917232-01-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51010-4
L’HARMATTAN HONGRIE
Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16
1053 Budapest
L’HARMATTAN CAMEROUN
BP 11486
Face à la SNI, immeuble Don Bosco
Yaoundé
(00237) 99 76 61 66
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L’HARMATTAN BURKINA
Penou Achille Some
Ouagadougou
(+226) 70 26 88 27
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10 VDN en face Mermoz, après le pont de Fann
BP 45034 Dakar Fann
33 825 93 58 / 33 860 9858
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L’HARMATTAN BENIN
ISOR-BENIN
01 BP 359 COTONOU-RP
Quartier Gbèdjromèdé,
Rue Agbélenco, Lot 1247 I
Tél : 00 229 21 32 53 79
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