Cours Droit Fiscal International

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Cours Droit Fiscal International

Droit fiscal (Université Toulouse I Capitole)

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PLAN:
I – LES FONDEMENTS DU DROIT FISCAL INTERNATIONAL

Chapitre 1 : Les conventions fiscales internationales


Chapitre 2 : Le droit de l’Union européenne
II – LA FISCALITÉ INTERNATIONALE DES ENTREPRISES

Chapitre 1 : La TVA et les opérations internationales (non traitée)


Chapitre 2 : L’imposition des bénéfices des entreprises multinationales
III – LA FISCALITÉ INTERNATIONALE DES PERSONNES PHYSIQUES

Chapitre 1 : L’imposition des revenus


Chapitre 2 : L’imposition du capital (non traitée)

de Fontaine; 17/09/2021

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 2

DROIT FISCAL I N T E R N AT I O N A L

CASTAGNEDE Bernard, Précis de fiscalité internationale, Paris, PUF, 6° Ed. 2016.


GUTTMANN Daniel, Droit fiscal des affaires, Domat privé, 10 e édition 2019.
WALTER Roland, Fiches de droit fiscal international, Coll. Fiches Ellipses, 2016.
GOUTHIERE Bruno, Les impôts dans les affaires internationales, Ed. Francis Lefebvre, 13 e
édition, 2019.
Blog de Patrick MICHAUD, avocat barreau de Paris, Etudes fiscales internationales
DEROUIN Philipe et MARTIN Philippe, Droit communautaire et fiscalité, LITEC, 2 nde Edition
2008.
Daniel de Vries REILINGH, Manuel de droit fiscal international, Editions Weblaw, 2012
Eric Ginter et Bertrand Michaud, Droit Communautaire et impôts directs, 2011, coll.
Pratique d’experts, Revue fiduciaire, 2011.
MAITROT de la MOTTE Alexandre, droit fiscal de L’Union européenne, Bruylant, 2e édition,
2016.
P. MARCHESSOU, B. TRESCHER, Droit fiscal international et européen, Bruylant, 2018.
BERLIN Dominique, Politique fiscale, Commentaire J. Mégret, Editions de l’Université de
Bruxelles, 2012.
Revue européenne et internationale de droit fiscal, Bruylant.

INTRODUCTION
LES FONDEMENTS DU DROIT FISCAL INTERNATIONAL

Le droit fiscal international étudie l’ensemble de règles qui déterminent les


conditions d’imposition d’opérations internationales, c’est à dire d’opérations qui
comportent un élément d’extranéité. Il se distingue en cela d’un potentiel droit
international fiscal qui concernerait l’ensemble des règles non nationales
susceptibles avoir une incidence sur le traitement d’opérations internes et
internationales.

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Les « opérations internationales » sont des opérations réalisées par un


résident d’un État sur le territoire d’un autre État (détention d’une immeuble,
vente de participations) ou avec un résident d’un autre État (distributions de
bénéfices s’une filiale à une société mère située sur le territoire d’un autre État,
prestations de services). Les opérateurs concernés peuvent être soit des
particuliers, soit des entreprises, soit toute autres structures : association,
fondation, trusts…
S’agissant du traitement fiscal de telles opérations, et y compris lorsqu’elles
ont un caractère transfrontalier, chaque État conserve sa souveraineté. Il n’existe
pas encore d’autorité internationale susceptible de limiter leur pouvoir d’imposer.
À ce titre, et s’agissant de la France, l’article 34 de la constitution de 1958
prévoit que « la loi fixe les règles concernant : (…) l'assiette, le taux et les
modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime
d'émission de la monnaie. »
Au plan interne ces dispositions impliquent d’abord que les règles soient
véritablement fixées par le législateur avec une précision suffisante (CC n° 85-191
DC du 10 juillet 1985, JO 12 juillet 1985) sous peine d’incompétence négative.
Au plan international, les seules limites à ce pouvoir sont celles que les États
consentent volontairement à s’imposer par le biais de traités bilatéraux ou
multilatéraux, notamment des conventions fiscales, qui leur sont opposables en
application de l’article 55 de la constitution de 1958 qui prévoit que « les traités ou
accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l’autre partie ». L’influence de ces normes supranationales peut
donc en certains domaines restreindre le pouvoir du législateur (ex : en matière de
TVA, dans les domaines régis par des directives européennes).
En conséquence, il est aujourd’hui possible d’identifier trois sources distinctes
du droit fiscal international :
 Le droit interne des États en ce qu’il prévoit des règles spécifiques pour
l’imposition des opérations internationales.
 Les conventions fiscales internationales.

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 Les conventions qui n’ont pas obligatoirement un objet fiscal mais qui ont
des incidences fiscales importantes : ainsi s’agissant de la France, le droit
primaire de l’Union européenne mais également le droit dérivé ont une
influence grandissante sur les règles fiscales applicables aux opérations
transfrontières au sein de l’Union mais également avec les États tiers.

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Chapitre 1 : Présentation des conventions fiscales


internationales

Les opérations qui comportent un élément d’extranéité sont par nature


susceptibles d'être soumises à l'application des droits fiscaux internes d'au moins
deux États. Il peut en résulter, pour le contribuable, une double imposition. Afin de
combattre ce phénomène de double imposition internationale, les États concluent
depuis plus d’un siècle des accords par lesquels ils renoncent à appliquer les
dispositions de leur droit interne en y substituant les dispositions de l'accord
considéré.
La majorité de ces accords sont bilatéraux et sont communément appelés «
conventions fiscales bilatérales » ou « conventions fiscales internationales ». Ils
prévoient la répartition de l'assiette imposable entre les États signataires desdites
conventions, et/ou le cas échéant des mécanismes d’élimination des doubles
impositions. S’agissant de la France, au 1 er janvier 2010, elle était liée à 121 pays
par ce type de conventions fiscales et entretient un des réseaux conventionnels les
plus développés (voir pour la liste au 1 er mars 2018, BOI-ANNX-000306-20180307)
sur les 194 que compte le monde (192 membres de l’ONU).

SECTION 1 - HISTORIQUE DU MOUVEMENT CONVENTIONNEL

La 1ère convention fiscale était une convention franco-belge de 1843 dont l’objet
était très limité mais elle a marqué le début de la réflexion sur la nécessité de
limiter les doubles impositions.
Cette réflexion s’est ensuite développée qu’entre les deux guerres mondiales sous
l’égide de la SDN (Sociétés des Nations) au sein de laquelle a été créé un comité
fiscal chargé d’élaborer un modèle de convention pour fixer les règles d’imposition
des bénéfices des entreprises exerçant dans plusieurs pays. Ce projet a été établi
en 1935 puis révisé lors d’une conférence tenue à Mexico en 1943. Mais ce modèle
dit de Mexico faisait la part trop belle à l’État de la source des revenus (c’est-à-dire
celui dans lequel les revenus naissent et souvent des Etats en développement) : il

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a donc été amendé par une nouvelle conférence tenue à Londres en 1946. Le
modèle dit de Londres a cette fois été jugé trop favorable aux pays développés.
Au sortir de la guerre les travaux ont continué au sein d’une instance ne réunissant
que les pays développés, à savoir l’OECE (Organisation européenne de coopération
économique créée pour organiser la mise en place du plan Marschall) et devenue
en 1960, l’OCDE (organisation de coopération et le développement économiques.
Ces travaux ont abouti :
- 1963 : projet de convention de double imposition concernant le revenu et la
fortune (Comité fiscal de l’OECE) qui ne sera publié qu’en 1977.
- 1966 : projet de convention en matière d’impôts sur les successions et sur les
héritages.
- 1992 (le comité des affaires fiscales se réunit périodiquement) : nouveau modèle
de convention fiscale concernant le revenu et la fortune sous forme d’un classeur
permettant des mises à jour régulières et en particulier des commentaires qui
tiennent compte de l’évolution des problématiques fiscales internationales. Des
mises à jour ont été régulièrement publiées et intégrées dans le modèle dont la
dernière version date 21 novembre 2017 voir site 0CDE : https://read.oecd-
ilibrary.org/taxation/modele-de-convention-fiscale-concernant-le-revenu-et-la-
fortune-version-abregee-2017_mtc_cond-2017-fr#page1.
La réflexion de l’OCDE ne se résume pas à la simple mise à jour du modèle
conventionnel, mais de nombreuses études y sont également menées de manière
collective (y compris en associant des états non membres) sur la fraude fiscale, la
fiscalité environnementale, la question des prix de transfert, la fiscalité de
l’économie numérique et celle de la collaboration entre administrations fiscales.
Ces travaux font l’objet de publications disponibles sur le site de l’OCDE. L’OCDE
organise aussi des séminaires de formations.
Les derniers travaux d’envergures menés au sein de l’OCDE portent le nom de plan
BEPS (bénéfices érosion and profit shifting) en français Plan d’action concernant
l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfice. Initiés en 2013, sous la
direction d’un Français Pascal Saint Amans, il s’est agi de regrouper une centaine
de pays, membres et non membre de l’OCDE, pour réfléchir ensemble à une
réforme des règles de partage des bases imposables posées par les conventions

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fiscales internationales. Partant du constat que ces règles qui datent du XXe sont
devenues obsolètes et présentent des failles que les entreprises utilisent aux fins
de localiser leurs bénéfices dans les pays les moins disant fiscaux (phénomène de
planification fiscale dite agressive), les États se sont proposés, d’une part de les
réviser pour les adapter à l’évolution de l’économie internationale (par exemple, sa
digitalisation) et, d’autre part ce faisant, d’augmenter la prévisibilité et la sécurité
fiscale des opérateurs économiques internationaux de bonne foi dont l’activité est
actuellement compliquée par les réactions désordonnées des autorités étatiques
pour endiguer l’érosion de leurs bases.
Les documents, les rapports produits par les travaux du BEPS n’ont pas valeur
impérative pour les États participant à ces travaux et par conséquent, ils ne l’ont
pas non plus pour les opérateurs économiques.
Pour autant, certaines préconisations du BEPS ont été reprises dans la
« Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux
conventions fiscales pour prévenir le BEPS » (convention dénommée aussi
« Instrument multilatéral ») qui a été signée par 84 États. Cette convention est
entrée en vigueur au plan international le 1 er juillet 2018 après que 5 pays aient
déposé leur instrument de ratification auprès de l’OCDE (Autriche, l’Ile de MAN,
Jersey, Pologne et Slovénie).
La France l‘a signée le 7 juin 2017. Le 5 juillet 2018, la loi autorisant sa ratification
a été votée par le parlement français et les instruments de ratification ont été
déposés le 26 octobre 2019 pour une entrée en vigueur au 1 er jour du 4eme mois qui
suit le dépôt des instruments de ratification à savoir au 1er janvier 2019.
Les modèles conventionnels élaborés sous l’égide de l’OCDE ne se sont
historiquement pas montrés toujours très favorables aux pays en voie de
développement. L’État de la source y renonçait fréquemment à la taxation de
revenus réalisés sur son territoire, ou en limitait l’imposition à une faible retenue à
la source, alors même que les transferts de revenus sont généralement très
déséquilibrés au profit des États développés, pourvoyeur de capitaux.
C’est la raison pour laquelle, en 1967, le Conseil Économique et Social des Nations-
Unies a décidé d’encourager la conclusion de conventions fiscales bilatérales entre
pays développés et en voie de développement adapté aux déséquilibre

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économiques existant entre les deux signataires. Un modèle de convention dit


Modèle ONU a donc été élaboré en 1974 et publié en 1980 accompagné d’un
Manuel de négociation.
Le Conseil Économique et Social a également créé un groupe d’experts had hoc,
devenu comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale, qui se
réunit régulièrement. Ce comité a une mission relativement large : suivre et
adapter le modèle ONU de traité sur la double imposition et le manuel de
négociation des conventions fiscales ; fournir un espace de dialogue pour la
coopération internationale entre autorités fiscales nationales ; aborder les sujets
émergents et leurs implications fiscales et émettre des recommandations
concernant le renforcement de capacités et l’assistance technique aux
administrations fiscales en portant une attention particulière aux pays en
développement. Pour cause d’insuffisance de moyens, l’ampleur des résultats n’est
pas en corrélée aux attentes et la réforme du Comité régulièrement envisagée.
Les modèles OCDE et ONU sont la référence indispensable des négociateurs des
conventions fiscales. Les pays développés s’efforcent d’appliquer le modèle OCDE,
plus favorable à leurs intérêts, dans leurs rapports bilatéraux. Pour autant,
s’agissant de la France, la plupart des conventions fiscales ratifiées comportent des
dispositions dérogatoires au modèle OCDE et ce pour deux raisons :
 soit, sur sa demande, pour rendre le dispositif conventionnel compatible avec
son propre droit interne
 soit, sur la demande du contractant, pour favoriser l’État de la source
notamment lorsque l’État cosignataire présente avec la France un
déséquilibre économique important.
En tous les cas, les deux modèles, OCDE ou ONU, ne sont que facultatifs, les États
parties ayant toute latitude pour les adapter.

SECTION 2 – L’ÉLABORATION ET L’INTERPRÉTATION DES CONVENTIONS

FISCALES EN FRANCE

A - L’élaboration des conventions fiscales internationales


1 § - Les conventions bilatérales

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Le texte de la convention est négocié et élaborés par les experts fiscaux,


délégués par les deux pays concernés. En France la négociation de ce type
d’accord relève de la sous-direction E prospective et relations internationales de la
direction de la législation fiscale de la DGFiP. En pratique, ce sont les
administrations étatiques qui négocient les accords, les acteurs économiques,
notamment les entreprises, sont souvent consultées à ce stade pour notamment
faire part de leur retour d’expérience. Certaines structures se sont même
spécialisées dans ce type de lobbying: par exemple de l’Observatoire des
conventions fiscales internationales (OCFI) constitué du MEDEF et du comité
national des conseillers du commerce extérieur de la France.
Une fois que les administrations respectives sont parvenues à un accord
définitif sur le texte, la convention est paraphée par les deux délégations.
Il est ensuite de la compétence du ministre des affaires, chef de la diplomatie,
de signer la convention. Mais cette signature ne suffit pas, en tant que telle, à
conférer force obligatoire aux dispositions de la convention, elle doit ensuite être
ratifiée.
Les conventions fiscales ne peuvent être ratifiées qu'en vertu d'une loi : Const.
4 oct. 1958, art. 53 s’agissant d’un accord qui engage les finances de l’État. Après
avoir signé la convention, le ministre des affaires étrangères saisit donc le
Parlement afin que ce dernier adopte une loi autorisant la ratification. La
ratification autorisée par la loi est ensuite réalisée, par la signature du président de
la République, qui exprime ainsi le consentement de l’État à être lié par la
convention.
Lorsque la convention est ratifiée, les deux États échangent les notes
diplomatiques (instrument de ratification) constatant que toutes les conditions sont
remplies pour que la convention entre en vigueur. C'est à compter de cet échange,
ou dans un certain délai (entre un mois et trois mois en général) après cette
opération, que la convention entre en vigueur entre les deux États au plan
international.
Au plan interne, la convention ne pourra être invoquée par un contribuable
qu’à compter de son entrée en vigueur, laquelle ne pourra intervenir qu’après
publication de l’accord au Journal officiel (JO).

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Pour autant après cette publication, il convient de se référer au texte


conventionnel lui-même qui prévoit généralement des dates à partir desquelles ses
dispositions sont applicables qui varient en fonction de la nature des impôts
concernés (article 31 du modèle OCDE) :
 Pour les revenus imposés par voie de retenue dans l'État de la source, il est
fréquent que les dispositions conventionnelles s'appliquent pour la première
fois aux sommes mises en paiement à compter de la date d'entrée en
vigueur de la convention.
 Pour les autres revenus, en règle générale, les dispositions conventionnelles
s'appliquent pour la première fois aux revenus perçus pendant l'année civile
suivant celle au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur. Mais, il
arrive que la convention prévoit une entrée en vigueur rétroactive au début
de l’année.
Les conventions font évidemment l’objet de modifications fréquentes de
manières à les moderniser et les adapter aux enjeux actuels : par exemple, sous
l’impulsion de l’OCDE, une vague d’avenants a été conclue par la France pour
modifier les modalités d’échanges d’informations (par exemple avec l’Arabie
Saoudite un avenant un avenant a été publié le 8 février 2010), ou introduire des
dispositifs anti-abus dans plusieurs conventions.
Certaines conventions peuvent également être dénoncées lorsque l’un ou
l’autre des États considère que leurs dispositions ne sont pas équilibrées : par
exemple la convention conclue entre la France et Danemark a été dénoncée par
décret publié le 13 janvier 2009 (JO 15 janvier 2009), les deux États n’étant plus
d’accord sur le régime de taxation des pensions de retraite privée (en effet, les
danois retraités en France déduisaient les cotisations au Danemark pendant leur
période d’activité et ensuite percevaient la retraite correspondante en France,
laquelle disposait alors d’un pouvoir d’imposition exclusif) et des plus-values
immobilières des entreprises qui n’étaient imposables ni en France (pas
d’établissement stable) ni pas au Danemark (plus-values réservées à la France).
Cette convention n’a pour l’instant pas été renégociée et la situation des doubles
impositions est réglée par doctrine administrative. Il en est de même de la
convention franco-suisse relative aux droits de succession du 31 déc. 1953 qui a

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été dénoncée par la France à partir du 1 er janvier 2015 en raison de sous-


impositions induites par son application (voir sur la question : La dénonciation des
conventions fiscales : une tendance de fond ?, Franck Le Mentec, Dr. fisc. 26 juillet
2012, n°30635, c.38).

2 § Les effets de la ratification de la convention multilatérale pour la


mise en place du plan BEPS (Instrument multilatéral ou IM) sur les
conventions bilatérales
V. C. Silberztein, B. Granel, La convention multilatérale de l’OCDE : vous ne lirez
plus les conventions fiscales comme avant ! : Dr ; fisc. 39/2018, c. 475.)
Comme indiqué précédemment, entre février 2013 et octobre 2016, le Comité
des affaires fiscales de l’OCDE a mené, dans le cadre du plan BEPS, un travail de
réflexion global sur les actions à entreprendre au plan international pour lutter
contre les pratiques permettant aux entreprises de faire disparaître leurs bénéfices
imposables ou de les déplacer artificiellement vers des pays à faible fiscalité. Il
s’agit en fait de questions très pointues, que nous n’envisagerons que plus tard
dans le détail, qui concernent la notion d’établissement stable, la question des
dispositifs hybrides, de l’utilisation abusive des conventions fiscales mais aussi
celle de la résolution des différents liés aux doubles impositions internationales. Le
15 octobre 2015, le comité des affaires fiscales a adopté 15 rapports correspondant
à 15 problématiques différentes préconisant la modification de certaines des règles
du modèle OCDE tel qu’utilisé dans les négociations bilatérales. Une fois l’accord
des États ayant participé à la négociation sur l’intérêt de ces nouvelles règles
acquis, s’est posée la question de l’urgence à les intégrer dans les conventions
fiscales bilatérales en vigueur. Les conventions fiscales susceptibles d’être
modifiées étant approximativement de 1 100, la remise à niveau du réseau
conventionnel mondial aurait, dans le cadre de négociations bilatérales d’État à
État, nécessité au moins 10 ans, de sorte qu’au moment où les nouvelles
dispositions auraient été introduites dans les conventions, elles risquaient d’être
obsolètes. Le comité des affaires fiscales a donc préconisé la négociation d’une
convention multilatérale dont la ratification aurait pour effet de modifier en une
seule fois les conventions bilatérales en vigueur : il s’agit de l’Instrument

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multilatéral précité. L’IM a certes permis d’assurer une entrée en vigueur rapide
des préconisations adoptées dans le cadre du BEPS, mais elle induit des éléments
de complexité dans la lecture des conventions bilatérales puisque, non seulement
il n’est pas prévu de consolidation des quelques 121 conventions françaises
(certains éditeurs en proposent néanmoins comme Lefebvre et le BOFIP propose le
texte consolidé de certaines d’entre-elles : ex Convention franco-britannique du 19
juin 2008), mais en outre pour assurer l’adhésion la plus large des États ayant
participé aux travaux de l’OCDE, l’instrument multilatéral se présente comme une
convention « à la carte ». Lors de sa ratification, chacun des États parties a en effet
eu un certain nombre de choix.
Lors de l’application d’une convention fiscale bilatérale à laquelle la France est
partie, il convient désormais de vérifier :
1° que la France a ratifié l’IM (c’est le cas) et que l ‘autre État contractant l’a
lui-même ratifié : à défaut, la convention bilatérale n’a pas été modifiée par
l’Instrument multilatéral et doit être lue dans sa version d’origine.
2°que la convention à mettre en œuvre est « couverte » par l’IM : pour
qu’une convention puisse être modifiée par l’IM, il convient que les deux États la
considèrent comme couverte. Les États ont, lorsqu’ils ratifient l’IM, la possibilité de
choisir les conventions multilatérales qui seront visées, dans le jargon de l’OCDE
ont dit couvertes. L’IM ne couvre pas l’ensemble des conventions ratifiées par la
France, cette dernière ayant fait le choix de n’en viser que 91. Dans la pratique,
toutes ces conventions n’ont pas été modifiées car elles sont conclues avec des
États qui n’ont pas encore signé ou ratifié l’IM (Par ex. États-Unis). Par ailleurs, par
exemple, la Suisse a signé la convention mais n’a pas désigné la convention signée
avec la France comme étant couverte.
3° L’IM impose des normes minimales que tout État contractant doit intégrer
dans ses conventions (3 articles sur 39 : article 6 intégration d’un préambule
rappelant que l’un de but des conventions est aussi d’éviter l’utilisation abusive de
ces dernières (treaty shopping), art. 7 clause dite des objets principaux, art. 16 :
relatif à la procédure amiable).
Certaines mesures en revanche s’appliquent par défaut à moins que l’un des
États contractants ait émis des réserves pour l’exclure (par exemple l’article 12

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relatif à la définition de l’établissement stable et visant à éviter l’utilisation du


statut de commissionnaire). L’article 28 de la convention précise les dispositions à
propos desquelles des réserves sont possibles. Les réserves sont formulées dans
les instruments de ratification et relèvent en principe de l’exécutif. Les conventions
multilatérales des États qui ont formulées des réserves ne sont pas modifiées par
les dispositions visées par les réserves.
D ‘autres mesures enfin sont facultatives c’est à dire qu’elles ne s’appliquent
que si les États signataires ont expressément exprimé leur désir de les voir
s’appliquer (art. 18 : arbitrage) ou alternatives (plusieurs options peuvent sont
formulées, les États ont donc le choix de la clause qu’ils souhaitent intégrer dans
leurs conventions ex art. 5 sur les méthodes d’élimination de la double imposition).
Dans l’ensemble de ces cas, deux situations doivent être distinguées :
certaines options requièrent la symétrie pour être applicables, il faut que les deux
États les aient choisies (ex article 18 sur l’arbitrage). D’autres au contraire
souffrent l’asymétrie des choix, et chacun des États appliquera à ses résidents
l’option qu’il a choisie indépendamment du choix de l’autre (ex article 5 sur les
méthodes d’élimination de la double imposition).
En raison des choix et réserves des différentes parties à la convention que l’on
doit appliquer, il est donc possible que certaines dispositions de l’IM devront y être
intégrées, soient qu’elles viennent s’ajouter à la convention qui ne les prévoyait
pas, soient qu’elles viennent se substituer à certaines de ses dispositions, selon les
clauses de compatibilité choisie. Les choix formulés par chacun des États sont
accessibles sur le site de l’OCDE. L’’OCDE propose d’ailleurs un instrument
permettant l’appariement des divers choix formulés par les états
signataires consultable ici: http://www.oecd.org/fr/ctp/conventions/base-de-
donnees-pour-l-appariement-de-l-im.htm
B - L’interprétation des conventions fiscales internationales
Biblio : P. Martin, Les méthodes d’interprétation utilisées par le juge français :
L’interprétation des conventions fiscales internationales, Dr. fisc. 24/2013, act. 320
Une fois entrée en vigueur, les conventions fiscales internationales doivent
être appliquées par les contribuables, par les administrations fiscales nationales
concernées, et en cas de difficulté par les juges nationaux. Or les termes d’une

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convention peuvent parfois ne pas être clairs, ils peuvent aussi recevoir des
acceptions différentes dans le droit des États concernés. Afin de réduire au mieux
l’insécurité sécurité juridique qui pourrait résulter, pour les contribuables, de
l’interprétation des conventions fiscales internationales, il est intéressant de
connaître les méthodes préconisées par la jurisprudence nationale. Reste que ces
interprétations sont, à l’inverse de l’élaboration du texte conventionnel,
unilatérales de telle sorte qu’il n’est pas exclu qu’elles divergent entre autorités ou
juges nationaux et ce faisant paralysent l’application de dispositifs sur lesquels les
États se sont pourtant mis d’accord conventionnellement.
Pour ce qui concerne la France, les méthodes généralement retenues sont les
suivantes :
La France n’a pas ratifié la Convention de Vienne du 23 mai 1963 sur le droit des
Traités qui pose un certain nombre de règles générales d’interprétation des traités
dans ses article 31, 32 et 33, mais ne s’impose donc pas. Pour autant le juge de
l’impôt y fait largement référence lorsqu’il est amené à interpréter des
conventions, les principes fixés par la convention de Vienne, relevant des principes
du droit international coutumier. Par ailleurs, les conventions fiscales fixent
également, conformément à l’article 3-2 du modèle OCDE, une directive
d’interprétation selon laquelle « pour l’application de la Convention à un moment
donnée par un État contractant, tout terme ou expression qui n’y est pas défini a,
sauf si le contexte exige une interprétation différente ou que les autorités
compétentes conviennent d’un sens différent…, le sens que lui attribue, à ce
moment, le droit de cet État concernant les impôts auxquels s’applique la
Convention, le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet État
prévalant sur le sens que lui attribuent les autres branches du droit de cet État ».
La méthode la plus fréquemment retenue est la méthode littérale selon
laquelle le juge doit interpréter les dispositions conventionnelles « conformément
au sens ordinaire des mots à attribuer aux termes de la convention dans leur
contexte et à la lumière de son objet et de son but ».
La plupart du temps, le juge s’en tient à une lecture au pied de la lettre, une
lecture stricte de la convention. Ainsi par exemple, le Conseil d’État a cassé pour
erreur de droit une décision de la Cour d’appel de Nancy qui avait considéré qu’une

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société suisse dépourvue de la personnalité morale en droit Suisse pouvait


bénéficier de l’article 11-3° de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966
qui ouvrait le bénéfice de l’avoir fiscal français aux bénéficiaires de dividendes
versés par une société française alors même que cet article ne visait que les
bénéficiaires personnes physiques ou les sociétés définies comme des personnes
morales. La Cour administrative avait en effet considéré sans que cela ne soit
prévu par la convention que la société suisse en tant que groupement de
personnes physiques devait être assimilée à une personne physique (CE, 8e et 9e
ss. -sect., 6 mai 1996, rec. n° 154 217, « SA Quartz d’Alsace », Dr. fisc. 30/1996,
n°988).
Mais le Conseil d’État reconnait aussi que l’application littérale de la
convention peut être incertaine. Dans ce cas, il autorise l’interprète à rechercher le
sens des mots ambigus en faisant référence :
- au contexte dans lesquels ils sont employés, contexte recherché dans
l’articulation des diverses dispositions de la convention (CE, 3 avr. 2013, n°349742,
Sté Mercurio SPA, Dr. fisc. 46/2013, comm. 512) ou/et au regard de la version
étrangère de la convention, ou même au regard des commentaires officiels du
modèle OCDE. Pour autant, s’agissant de ces derniers, le juge reconnait leur
pertinence pour interpréter les dispositions obscures d’une convention, sans pour
autant leur reconnaître une valeur normative obligatoire. Par ailleurs, ils ne
peuvent servir à éclairer la lecture du juge que pour autant qu’ils soient antérieurs
à la convention qu’il convient d’appliquer (CE, 30 déc. 2003, n°233 894, Sect., SA
Andritz, RJF 3/04, n°238).
- ou à la lumière de leur objet et de leur but (art. 31 de la convention de
Vienne). Ainsi par exemple, dans une affaire dans laquelle la société Lufthansa
était assujettie en France à la taxe d’habitation en France pour des locaux situés à
Boulogne-Billancourt parce qu’elle était exonérée de taxe professionnelle en
France, la taxe d’habitation d’y substituait. Elle demandait à être déchargée de la
taxe d’habitation en application de l’article 6 de la convention Franco-allemande
qui ne prévoyait qu’une exonération des impôts directs sur les bénéfices. Le
Conseil d’État considère en effet que la portée de l’article 6 ne peut être appréciée
indépendamment de la nature des impôts et vise donc aussi la taxe d’habitation

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 16

lorsque celle-ci se substitue aux impositions sur les bénéfices (CE, plén. Fisc., 24
nov. 2014, n° 368935, min. c/ Sté Lufthansa ; Dr. fisc. 14/2015, comm. 245). Par
exemple encore, dans une décision Sté BNP Paris Bas (CE, 3e et 8e ss.-sect., 12 juin
2013, n°351702, Dr. fisc. 46/2013, comm. 511), le Conseil d’État, saisi d’une affaire
dans laquelle l’administration avait remis en cause la déduction d’une provision
pour dépréciation de titres étrangers détenues par une société française alors
même que la Convention était muette sur la question des pertes en capital, a jugé
que eu égard à l’objet des conventions fiscales internationales qui est répartir le
pouvoir d’imposition entre les États signataires, « une convention fiscale
internationale qui prive la France de son pouvoir d'imposer un gain susceptible
d'être réalisé lors de la cession de titres de participation dans une filiale fait
obstacle à ce qu'une moins-value relative à une telle cession soit prise en compte
pour déterminer le montant net des plus-values ou moins-values de même nature
entrant dans l'assiette de l'impôt en France ; qu'il en résulte qu'une provision
anticipant une telle moins-value ne peut être prise en compte pour la
détermination de l'assiette de l'impôt dû ». Enfin, à propos du terme « assujetti »,
qualité qui conditionne l’accès des contribuables aux dispositions conventionnelles
(cf, infra.), le Conseil d’État a considéré qu’eu égard à l’objet principal des
conventions fiscales, qui est d'éviter les doubles impositions, les personnes qui ne
sont pas soumises à l'impôt en cause par la loi de l'État concerné à raison de leur
statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties (CE, 9 e et
10e ss.-sect., 9 nov. 2015, n° 370054, min. c/Landesärtekammer Hessen
Versogungswerk, Dr. fisc. 28/2016, com. 421).
Enfin, lorsque les méthode ci-dessous paraissent inopérantes, l’article 3- 2° du
modèle OCDE prévoit à titre subsidiaire le renvoi en droit interne. Sur ce
fondement, le juge pourra se référer au sens qu’attribue aux termes à interpréter
le droit de cet État concernant les impôts auxquels s’applique la Convention. Ainsi
par exemple, quand la convention ne définit pas une catégorie de revenus, le juge
considère qu’il y a lieu de se référer à la définition nationale de la catégorie (CE, 22
mai 1992, SPA Raffaella, n° 63266, RJF 7/92, comm. 960). Cette référence au droit
interne, peut d’ailleurs poser un certain nombre de problèmes : chacun des États
concernés n’étant pas tenu par la position de l’autre État, on peut parfois constater

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des divergences de qualification qui paralysent les fonctions de répartition de la


convention laissant subsister des situations de doubles impositions ou de doubles
exonérations.

Exemple de la convention Franco-Luxembourgeoise du 1er avril 1958


L’article 3 de la convention franço-luxembourgeaoise du 1 er avril 1958 relatif aux
revenus immobiliers ne prévoyait pas que cette qualification concernait aussi les
revenus provenant de biens immobiliers d’une entreprise (conf article 6 modèle
OCDE). Le Conseil d’État avait considéré qu’en l’absence de cette mention, les
revenus immobiliers et plus-values de cession immobilière réalisés en France par
une entreprise luxembourgeoise devaient être qualifiés de revenus d’entreprise (par
référence au droit interne) de telle sorte qu’ils ne pouvaient être taxés en France en
l’absence d’établissement stable de cette entreprise sur le territoire français, la
détention d’un immeuble ne constituant pas à elle seule un établissement stable
(CE, 18 mars 1994., n°79991, SARL d’investissement agricole et forestier ; RJF 5/94
n°530). Du côté du Luxembourg, la Cour d’appel du Luxembourg avait considéré que
ces revenus constituaient des revenus immobiliers pour lesquels, le Luxembourg
avait renoncé à son pouvoir d’imposer en application de l’article 3 de la convention
lorsque le bien immobilier était situé sur le territoire français (CAA Luxembourg,
arrêt « La Costa SARL », 23 avril 2002). En conséquence, cette divergence
d’interprétation conduisait à une double exonération.
Un avenant fut négocié et signé le 24 novembre 2006 pour préciser la définition
des revenus immobiliers sur ce point et mettre fin à cette situation de double
exonération.

SECTION 3 : LE BUT ET L’OBJET DES CONVENTIONS FISCALES

Le but historiquement poursuivi par les conventions fiscales est l'élimination des
doubles impositions résultant de l'application souveraine par deux États de leur
droit d'imposer. À telle enseigne que la réflexion sur les instruments conventionnels

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en matière fiscale s’est surtout développée au cours de périodes, essentiellement


seconde moitié du XXe qui ont connu une forte extension du commerce
international dont le développement aurait inévitablement été freiné sans
l’existence de ces outils conventionnels.
Plus récemment, en résonance avec l’actualité internationale, c'est à dire part
la crise financière de 2008 qui a mis en péril les budgets publics et les affaires très
médiatisées de fraude organisées à grande échelle (affaire HSBC, listes des 3 000
août 2009, Luxleaks en 2014 et Panama-papers en 2016), ces accords ont
également pour but de favoriser la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Ce
nouvel objectif est aujourd’hui primordial et l’instrument multilatéral prévoit
d’ailleurs, au titre des mentions obligatoires auxquelles les états signataires ne
peuvent renoncer, l’introduction dans le préambule des conventions couvertes
d’une phrase indiquant qu’elles ont pour objet d’éliminer la double imposition à
l’égard des impôts visés sans créer de possibilités de non-imposition ou
d’imposition réduite via des pratiques d’évasion ou de fraude fiscale.

S’agissant de l’objectif d'élimination de la double imposition, qui sera examiné ici,


les conventions se proposent de l’atteindre en coordonnant l’exercice des
compétences fiscales des États signataires, et en répartissant entre eux la matière
imposable. Cette répartition constitue en réalité l’objet des conventions
internationales. Dans la pratique, les doubles impositions peuvent être de deux
types et les solutions apportées par les conventions sont variables.
A – Les doubles impositions internationales

Les doubles impositions internationales des revenus ou des biens trouvent leur
origine dans l’entière souveraineté fiscale des États qui ont chacun toute latitude
pour exercer leur pouvoir d’imposer. On distingue en réalité deux types de doubles
impositions :

1§ – Les doubles impositions juridiques

Le comité des affaires fiscales de l’OCDE définit, la double imposition juridique


comme celle qui résulte du fait, pour un même contribuable, d’être imposé au titre

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d’un même revenu ou d’un même bien par plus d’un État (commentaires OCDE, C
(23) n° 1). Une telle situation peut se présenter schématiquement dans les deux
hypothèses qui suivent :

1ère hypothèse : Une même personne est considérée par 2 États comme
résidente de chacun d’eux

En général, lorsqu’une personne est considérée comme résidente d’un État, ce


dernier se reconnaît le droit d’imposer l’ensemble de ses revenus ou de sa fortune,
que ceux-ci prennent ou non leur source dans cet État ou soient ou non
rattachables à son territoire.
Tel est le cas de la France pour les personnes physiques dont le domicile fiscal est
situé en France. Selon l’ article 4A du CGI, ces personnes sont passibles de l’impôt
sur leurs revenus de source française et mais aussi étrangère. Dans la mesure où
ce principe s’applique dans la plupart de pays développés, si 2 États considèrent
qu’un même contribuable est résident fiscalement sur leur territoire, il subira une
double imposition non seulement à raison des revenus qu’il tire de chacun de ces
États, mais également à raison de ceux qu’il tire d’États tiers.
Exemple :
Un salarié français quitte la France pour vivre quelques années en Allemagne et y
travailler comme salarié d’une entreprise allemande. Sa femme et ses enfants restent
en France. Ses revenus sont constitués par son salaire, des produits de placements
effectués en France et des revenus immobiliers provenant de la location d’un
immeuble qu’il possède en Espagne. Ce contribuable risque d’être imposé :
- En France, car il sera considéré comme un résident en France, sur ses revenus de
placement, son salaire et ses revenus fonciers
- En Allemagne, car il y vivra suffisamment longtemps pour y être résident (séjour
habituel), sur les mêmes revenus, y compris de source espagnole
- En Espagne, sur ses revenus fonciers de source espagnole uniquement

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Ces situations de double imposition ne peuvent être résolues que par le jeu des
conventions fiscales pour que soit déterminée une résidence unique et répartis
entre les États les droits d’imposer les différents revenus.

2e cas : une personne résidente d’un État perçoit des revenus provenant d’un
autre État (ou possède des biens situés dans un autre Etat)

Les États cherchent normalement à imposer les profits qui naissent sur leur
territoire même s’ils reviennent à des personnes qui sont fiscalement non-
résidentes. Il s’agit de en réalité de percevoir une contribution de ces non-résidents
pour les services offerts par la collectivité (utilisation d’infrastructures, de services
publics locaux). L’imposition des revenus perçus par des non –résidents par le pays
de la source est universellement répandue. En France par exemple, l’article 4A du
CGI dispose que les personnes qui n’ont pas en France leur domicile fiscal sont
assujetties à l’impôt sur leurs revenus de source française. En conséquence, si une
personne perçoit des revenus dans un État alors qu’elle est domiciliée (résidente)
dans un autre, elle risque de se trouver imposée :

- dans l’État de la source, parce que le revenu naît sur ce territoire


- dans l’État de la résidence parce que le bénéficiaire y est domicilié et qu’il doit
contribuer aux charges publiques en fonction de sa capacité contributive réelle,
c’est-à-dire de son revenu mondial

Exemple :
Un contribuable résident de France ou fiscalement domicilié en France (expressions ici
équivalentes) a acheté un appartement au Portugal pour le louer lors de la saison
d’été. Par ailleurs, il a investi une partie de son épargne en obligations britanniques.
Ce contribuable risque de se trouver en situation de double imposition juridique à
raison de ces revenus :
- qui seront tous considérés comme imposables en France puisqu’il y est
fiscalement domicilié (art. 4A du CGI)

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- ses revenus fonciers (location appartement) seront également imposables au


Portugal dès lors que la source des revenus est située au Portugal. Dans ce cas, la
source des revenus est considérée comme située dans l’État sur le territoire duquel les
revenus naissent, c’est-à-dire sur celui du lieu de situation de l’immeuble.
- ses revenus d’obligations (intérêts) seront, sauf exonération de droit interne,
imposables au RU car ils proviennent d’une source britannique.

2§ Les doubles impositions économiques

La double imposition économique est définie par le Comité des affaires fiscales de
l’OCDE comme la situation dans laquelle 2 personnes juridiquement distinctes mais
économiquement liées sont imposables au titre d’un même revenu ou d’une même
fortune (commentaire OCDE, C (23) n° 2).
C’est une situation plus délicate à appréhender que la précédente car elle met en
jeu 2 contribuables différents. Pour autant, elle n’est pas propre au droit fiscal
international et existe dans des situations purement internes notamment pour ce
qui concerne les revenus distribués par des sociétés. Des techniques différentes
permettent de contrecarrer les effets de cette double imposition : « demi-base »
lorsque le bénéficiaire est une personne physique, régime des sociétés mères-
filiales si le bénéficiaire est une société.

S’agissant de situations transfrontières, la double imposition économique


intervient dans 2 types de situations :
1. principalement celles dans lesquelles 2 sociétés d’États différents se versent
des dividendes (société mère et filiale) ou lorsqu’une société d’un État verse des
dividendes à une personne physique d’un autre État. Ces revenus sont imposés
dans les 2 États lorsque le pays de la société versante refuse la déduction des
dividendes payés, alors que le pays du bénéficiaire inclut ces revenus dans sa
base d’imposition.
2. elle peut également intervenir lorsque dans le cadre d’un contrôle un État remet
en cause les prix de transfert pratiqués par une entreprise résidente à l’égard
d’une entreprise non résidente au motif que ces prix ne correspondent pas à un

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prix dit de pleine concurrence et conduisent à diminuer artificiellement ses


bases d’impositions .

Exemple de double imposition économique en matière de prix de transfert


Une société française, filiale d’une société irlandaise, verse à cette dernière des
redevances pour l’utilisation d’un brevet. Les redevances sont calculées par
application d’un pourcentage de 5% du chiffre d’affaires réalisé par la société française
au titre de l’exploitation en France de ce brevet. A l’occasion d’un contrôle fiscal, un
vérificateur français estime que le taux des redevances est excessif et n’est pas fixé en
application du principe de pleine concurrence. Dans la mesure où cette situation
génère un transfert indirect de bénéfices de la France vers l’Irlande (d’autant plus
intéressant pour le groupe que l’IS irlandais est de 12,5% au lieu des 28 ou 31% en
France), il notifie des rectifications consistant à réintégrer dans les résultats imposables
de la société française, la part de la redevance jugée excessive.
En l'absence d'ajustement corrélatif en Irlande, le redressement en France
génère une double imposition économique dès lors la part jugée excessive des
redevances :
- est rejetée des charges déductibles en France et, comme tout revenu réputé
distribué, soumise à l’IS français au nom de la société française ;
- alors qu’elle a été déclarée par la société Irlandaise qui en a été bénéficiaire et
soumise à l’impôt en Irlande. En effet, pour cette société comme pour l’administration
irlandaise, ces sommes sont des produits d’exploitation à inclure dans les résultats
imposables.

Bien que l’impact des doubles impositions économiques, soit en pratique très
lourd, le modèle OCDE, ne propose pas de solution de suppression systématique de
ces doubles impositions économiques mais se concentre plus spécifiquement sur
les doubles impositions juridiques,
S’agissant de la double imposition induite par des rectifications relatives à des prix
de transfert, il prévoit néanmoins dans son article 9 qu’un ajustement corrélatif
doit être effectué par l’État de la société bénéficiaire des revenus. Il s’agit pour
l’État en question, ici l’Irlande, d’accepter les redressements effectués par

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l’Administration de la société distributrice et, en conséquence, de prononcer des


dégrèvements à hauteur des sommes réintégrées au résultat de la société
distributrice. Cet ajustement corrélatif peut être obtenu dans le cadre d’un accord
entre administrations fiscales, l’administration de la société bénéficiaire n’étant
pas tenue d’accepter le bien fondé des rectifications opérées par l’autre. La
procédure amiable de l'article 25 du modèle OCDE est le cadre classique de cette
négociation au cours de laquelle les administrations se consulteront pour
déterminer si les rectifications effectuées à l’égard de la société distributrice sont
fondés. Elle peut néanmoins se conclure par un désaccord laissant perdurer la
double imposition économique sauf si la convention prévoit l’intervention d'un
arbitre. L’article 17 de l’IM dispose que la possibilité d’obtenir un ajustement
corrélatif devra désormais être prévue dans toutes les conventions couvertes qui
n'en contiennent pas mais n'implique pas d'obligation de résultats. La France n’a
pas émis de réserve sur ce point.
Au niveau européen, des dispositifs particuliers assurent une suppression plus
efficace des doubles impositions économiques (cf, infra).

Remarque : dans ces deux hypothèses, on constate également une


potentielle double imposition juridique du bénéficiaire des revenus. Les
dividendes (hyp. 1) ou les revenus qui sont réputés lui avoir été distribués
(hyp. 2) sont soumis de son chef à une retenue à la source par l’État de la
société distributrice et à l’impôt par son État de résidence. La société
bénéficiaire est dont taxé deux fois par deux États différents sur les
bénéfices qui lui sont distribués.

B – Les méthodes conventionnelles de suppression (ou limitation) des doubles


impositions juridiques

Rappel : les situations de double imposition peuvent tout d’abord trouver une
solution dans le droit interne :

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- soit que certains états se reconnaissent une compétence fiscale


territorialement limitée qui limite les conflits de compétence : la France par
exemple ne taxe que les bénéfices des entreprises situées en France
(article 209 du CGI)
- soit que certains États reconnaissent unilatéralement un droit à la prise en
compte de l’impôt payé à l’étranger pour le calcul de l’impôt national : ainsi
par exemple, la législation américaine accorde un crédit d’impôt à ses
résidents égal à l’impôt payé à l’étranger. Le CGI français prévoit en
matière d’IFI que les impôts sur la fortune payés à raison de biens situés
hors de France sont imputables sur l’IFI dû en France (CGI art. 980 , mais à
hauteur simplement de l’impôt dû en France à raison de ces biens).

Ce n’est qu’à défaut de dispositions nationales opérantes qu’un contribuable


ayant supporté une d’une double imposition devra invoquer la convention
pertinente.

Lorsqu’une convention fiscale est applicable, sa mise en œuvre comporte 2


temps :
1 – la convention organise par des règles distributives qui fixent la répartition des
compétences fiscales des deux États concernés pour éviter au maximum la double
imposition : ex en matière de fiscalité d’entreprise
2 – parfois cependant, les deux États conservent le pouvoir d’imposer de telle
sorte que les chevauchements de compétence fiscale étatique demeurent. Dans
cette hypothèse, la convention organise des méthodes qui permettent d’éliminer
les effets de la double imposition résiduelle.

1 § Le partage conventionnel des compétences fiscales par catégorie de


revenus

Pour chaque type de revenu (la liste de ces revenus est fixée par la convention
elle-même), le modèle OCDE de convention concernant les revenus et l’impôt sur
la fortune organise une répartition du pouvoir d’imposer entre l’État de résidence
du contribuable et l’État de la source du revenu puis les deux États. Pour appliquer

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ces règles conventionnelles, il convient donc de déterminer la catégorie à laquelle


se rattache le revenu soumis à la double imposition.
Les conventions prévoient une quinzaine de catégories de revenus (variable selon
les conventions) : les revenus immobiliers, les bénéfices des entreprises, les
dividendes, les intérêts, les revenus d’emplois, les redevances, les pension,
revenus de la fonction publique, etc..
Bien évidemment, le rattachement d’un revenu à une catégorie conventionnelle
peut dans la pratique comporter des difficultés d’autant que si dans certains cas, la
convention donne une définition des revenus visés, dans d’autres elle est muette
ou se contente d’une énumération.

S’il est impossible de qualifier le revenu concerné au regard des catégories prévues
par la convention, l’article 21 du modèle prévoit une catégorie « balai » dite
autres revenus qui comprend tous les revenus qui ne sont pas traités sous
une dénomination précise dans la convention ( Voir pour ex : Dès lors que
d’une part la convention franco libanaise ne donnait pas de définition des
dividendes et que d’autre part, en droit français les distributions irrégulières ne
constituent pas des dividendes, les distributions irrégulières faites à une société
libanaise par une société française doivent être rattachées à la clause balai, de
sorte que la France ne pouvait les soumettre à la retenue à la source ( CE, 13 déc.
2002, req. n°224975, SARL Wedge Group-Europée, Dr. banc.et fin. 4/2003, c. 167).
Il en aurait été différemment si la définition conventionnelle des dividendes avait
fait référence, comme la plupart des conventions récentes, aux revenus soumis au
régime des distributions par la législation fiscale de l’État contractant dont la
société distributrice est un résident », comme cela est par exemple le cas de
l’article 11 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008) .
- il convient ensuite de déterminer l’État de résidence du contribuable
concerné qu’il s’agisse d’un personne physique ou d’une personne
morale : l’article 4 du modèle OCDE renvoie pour ce faire au droit interne pour
déterminer l’État de résidence puisqu’il prévoit que le terme résident désigne
« toute personne, qui en vertu de la législation applicable dans cet État, est
assujettie à l’impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de

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son siège de direction ou de tout autre critère analogue ». L’article prévoit ensuite
des critères conventionnels spécifiques de résidence lorsque la première
démarche conduit à considérer que le contribuable est résident des deux
États concernés (article 4 3°et 4°). Ces critères conventionnels varient suivant
qu’il s’agit d’une personne physique ou morale (conf. supra).
- il convient enfin pour chaque revenu de déterminer l’État de la source ou du
situ : les critères de source dépendent de la nature des revenus. S’agissant
des revenus immobiliers, l’État de la source est celui dans lequel est situé
l’immeuble, concernant les intérêts et redevances, l’État de la source sera celui
dans lequel est domicilié le débiteur des revenus (articles 10 et 11 du modèle
OCDE).

Une fois ces éléments déterminés, la convention sur le modèle OCDE plus ou
moins adapté organise des règles de répartition des compétences fiscales qui
varient suivant les revenus considérés :

Certains revenus font l’objet d’une compétence exclusive de l’un des États
contractants. L’article concerné précise dans ce cas que les revenus ne sont
imposables que « dans cet [autre] Etat » :

 au profit de l’État de résidence en principe : redevance, pensions


du secteur privé, sommes reçues par les étudiants pour financement de
leurs études, autres revenus… Dans ce cas, il n’y aura pas de double
imposition puisse qu’en application des règles conventionnelles, les
revenus en question ne seront taxés que dans l’état de résidence.
 au profit de l’État de source pour les rémunérations de fonctions
publiques et les pensions publiques (art. 19 de la Convention)
D’autres revenus font l’objet d’une compétence partagée entre l’État de
résidence et l’État de Source. Dans ce cas, l’article précise que les revenus « sont
imposables dans cet autre Etat ».
Deux situations sont alors possibles :

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 les deux États, de résidence et de sources, sont compétents pour taxer


sans limitation conventionnelle : c’est ainsi en principe la règle pour les
revenus immobiliers, les revenus des établissements stables des
entreprises, les revenus d’activités indépendantes,
 Les deux États conservent un pourvoir d’imposition, mais l’État de la
source consent de limiter l’impôt qu’il appliquera sur les revenus en
cause : en matière de dividendes, le modèle OCDE prévoit que ces
revenus peuvent être taxés par l’État de résidence du bénéficiaire mais
également par celui de source sous réserve que la retenue à la source
appliquée ne dépasse pas un certain pourcentage (5% ou 15%
selon les cas); les intérêts peuvent aussi faire l’objet d’une taxation par
le pays de la source mais en principe l’impôt correspondant ne peut
excéder 10 %.

Dans ces deux derniers cas, le modèle OCDE organise la manière dont l’État
de résidence doit supprimer la double imposition résiduelle.

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 29

2 § les méthodes conventionnelles d’élimination des doubles impositions


résiduelles

Les articles 23 A et 23 B du modèle OCDE retiennent deux méthodes


d’élimination de la double imposition : la méthode de l’exemption/exonération
et celle de l’imputation/crédit d’impôt. Les États décident quelle méthode ils vont
choisir, écrit dans la Convention.

a ) la méthode de l’exemption (article 23 A du modèle conventionnel et BOI-INT-


DG-20-20-100, 19 juin 2020 ; BOI-IR-LIQ-20-30)

La méthode de l'exemption est celle par laquelle l’État de résidence ou de


source va supprimer une double imposition qui résultera de la faculté
conventionnelle ouverte à l’État de source de taxer certains revenus. En fait, cette
exemption peut se faire selon des modalités pratiques différentes suivant le cas.
- Soit l’exemption est intégrale : l’Etat de résidence ou de source
n’imposera pas les revenus ou la fortune concernés et ne les prendra pas
en compte pour le calcul de l’impôt. Il n’en tiendra aucunement compte.
Cette méthode est rarement appliquée par l’État de résidence qui disposant
du pouvoir d’imposer la totalité de la fortune ou du revenu préfère souvent
tenir compte de ces revenus pour calculer le taux de l’impôt. En revanche,
cette technique s’applique aux dividendes versés entre sociétés mères et
filiales dans le cadre de l’Union européenne (V. supra).
- Soit l’exemption est dite au taux effectif (al 3) dans les cas où tout en
n’imposant pas les revenus ou la fortune concernés, l’État de résidence les
prend néanmoins en compte pour le calcul d’un impôt progressif sur le
revenu ou la fortune afin de maintenir les effets de la progressivité de
l’impôt national. Il s’agit, ce faisant, de ne pas désavantager les
contribuables dont les revenus ou la fortune sont exclusivement nationaux
pour lesquels le taux d’imposition marginal est calculé sur le revenu

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mondial. Il s’agit de la méthode retenue par les conventions fiscales


signées par la France pour éliminer la double imposition de revenus
étrangers taxés par l’État de source.

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Exemple d’application des mécanismes d’exemption


Énoncé.
Un contribuable X dispose d’un revenu global de 500 dont 300 proviennent de
l’État de sa résidence (R), et 200 d’un autre État (S).
L’État S applique une retenue à la source de 15% sur les revenus sortants.
Pour la taxation des revenus L’État R applique, le barème progressif suivant :

Tranches de revenus Taux imposition Impôt cumulé/tranche


De 0 à 100 10% 10
De 100 à 200 20% 20
De 200 à 300 30 % 30
Au -delà de 300 40%

1 – Exemption dans S
Impôt payé dans S = 0
Impôt payé dans R = 500 x barème = 140 €
2 – Exemption intégrale dans R
Impôt payé en S : 200 x 15% = 30 €
Impôt payé en R sur 300 = 60 €
Impôt total : 30 + 60 = 90 €:
3 – Exemption avec taux effectif dans R :
Dans cette hypothèse, l’impôt est calculé sur le montant total des revenus du
contribuable mais il n’est dû qu’en proportion de la part que représentent les revenus
effectivement imposables en France. Le calcul de l’impôt à payer en R va consister à
calculer l’impôt en R sur le revenu mondial du contribuable et à le multiplier par le
rapport existant entre les revenus imposables en R et le revenu mondial du
contribuable, soit 300/500
Impôt payé en S : 200 × 15% = 30 € ;
Impôt en R sur revenu mondial : 500 x barème = 140 €.

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Impôt à payer en R = 140 x 300/500 = 84 €


Impôt total : 30 + 84 = 114 €
NB : le total de l’impôt dû dans cette 2 nde hypothèse est plus élevé car le taux
moyen de l’impôt appliqué par R sur les 300 € de revenus taxables par R est plus
élevé puisqu’il tient compte du revenu mondial du contribuable. On remarquera
néanmoins que, si les résultats constatés à l’étranger s’étaient avérés déficitaires, la
méthode de l’exemption au taux effectif serait plus intéressante que l’exemption
intégrale puisque l’imputation du déficit sur le revenu global conduirait à diminuer le
taux effectif sur revenu nationaux.
Attention : certains État et notamment la France calculent le taux effectif sur la
base d’un revenu mondial apprécié sous déduction préalable de l’impôt payé en S. Ici
l’impôt du serait de 128 (montant de l’impôt par application du barème en vigueur en
R au revenu mondial du contribuable sous déduction de l’impôt payé en S) x 300/500,
soit 76,8 .
Par ailleurs, l’article 5 de l’IM prévoit des dispositifs qui permettent, lorsqu’ils seront
intégrés dans les conventions, à l’État de résidence de refuser d’appliquer les
mécanismes d’exemption lorsque le revenu considéré ne sera pas effectivement
soumis à l’impôt dans l’autre État ou lorsqu’il y sera soumis à un taux très faible. Ex :
A exempte les dividendes reçus de sociétés résidentes de B par ses propres résidents,
mais B admet que les dividendes soient déductibles de l’assiette imposable de ces
sociétés. Dans ce cas,, A pourrait refuser l’exemption. Pour éviter la double non
imposition.

b ) La méthode de l’imputation (art.23 B modèle conventionnel)

1 ) Le principe
Dans cette hypothèse, aucun des deux États ne renonce conventionnellement
à percevoir l’impôt mais l'élimination de la double imposition est assurée en
permettant au contribuable de de déduire de l’impôt payable dans l’État de sa
résidence l'impôt payé dans l'État de la source sous réserve que cet impôt
n’excède pas le montant que la Convention autorise ce dernier à percevoir. : il

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bénéficie alors d’un crédit d’impôt conventionnel. Les modalités de calcul de ce


crédit d’impôt imputable sur l’impôt dû dans l’État de résidence sont variables
selon les conventions :
- imputation intégrale : le crédit d’impôt reconnu dans l’État de résidence est
égal au montant ùde l’impôt payé dans l’État de source. Cette méthode
permet une suppression totale de la double imposition. En cas d’excédent
de l’impôt payé à l’étranger sur l’impôt payé dans l’État de résidence, il
doit y avoir restitution.
- imputation limitée (règle dit du butoir) paragraphe 1 de l’article 23 B) : le
crédit d’impôt reconnu en R du fait de l’impôt payé en S est limité à l’impôt
dû en R à raison des revenus ou de la fortune provenant de S. Cette
méthode permet à R de préserver ses recettes lorsque le taux de l’impôt
appliqué par S est élevé, Elle peut néanmoins dans certaines hypothèses
laisser subsister une double imposition résiduelle. Il s'agit de la méthode
traditionnellement retenue par la France pour les revenus qui font l'objet
d'une imposition à la source (dividendes, intérêts et redevances), ainsi que
pour les revenus des artistes et sportifs et les rémunérations des
administrateurs de sociétés. Certaines conventions admettent que le
surplus de l’impôt payé en S par rapport à l’impôt payé en R sur les
revenus issus de S puisse néanmoins être imputé sur décision de
l’administration de R (Convention France / Cameroun 21 octobre 1976, art
26 I b).

Exemple d’application des mécanismes d’imputation


Énoncé.
Un contribuable X dispose d’un revenu global de 500 dont 300 proviennent de
l’État de sa résidence (R), et 200 d’un autre État (S).
L’État S applique une retenue à la source de 40% sur les revenus sortants.
Pour la taxation des revenus l’État R applique le barème progressif suivant :

Tranches de revenus Taux imposition Impôt cumulé/tranche


De 0 à 100 10% 10

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De 100 à 200 20% 20


De 200 à 300 30 % 30
Au -delà de 300 40%

1 – Imputation intégrale :
Impôt payé en S : 80 (40% x 200)
Impôt payé en R : 140 (application du barème progressif sur un revenu de 500) – 80
= 60.
Impôt total = 60 + 80 = 140
S’agissant d’une méthode potentiellement dangereuse pour les finances de l’État
de résidence, le Conseil d’État considère qu’elle ne s’applique que si la convention
comprend une disposition expresse (CE, 19 mars 1980, RJF 5/1980, n°401, concl.
Fabre, convention Franco-allemande en matière de dividendes (art. 20, §2). Elle est
actuellement est très peu utilisée par la France, et s’agissant de la convention franco-
allemande, l’avenant du 22 janvier 2016 l’a remplacé par la méthode de l’imputation
limitée).
2 – Imputation limitée :
Le taux d’imposition moyen appliqué par R sur les revenus est égal 140/500 soit
28%, le crédit d’impôt imputable en R est donc limité à 200 x 0,28% = 56 €
Impôt payé en S : 80
Impôt payé en R : 140 – 56 = 84 €
Impôt total = 84 + 80 = 164 soit une double imposition pour 24.
NB :
- l’impôt payé en S n’est pas déductible de l’assiette de l’impôt payé en R, en tant
que moyen de paiement de l’impôt payé en R, le crédit conventionnel est ici considéré
par l’État de résidence comme un revenu imposable.

2) Problèmes relatifs à l'élimination de la double imposition via l’imputation


limitée
Calcul du crédit d'impôt maximal et règle dite du butoir
L’efficacité de la suppression de la double imposition par la méthode de
l’imputation limitée dépend du mode de calcul de l’impôt payé en France sur les

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 35

revenus de source étrangère ouvrant droit au crédit d’impôt. Plus cet impôt sera
faible plus le crédit d’impôt imputable est également faible. Or les modalités de
son calcul dépendent du droit interne des États et ne sont pas fixées par les
Convention. Les États auront tendance à imputer sur le revenu de source étrangère
le maximum de charges afin de diminuer l’impôt correspondant et les possibilités
d’imputation.

Exemple en matière d’IR : un contribuable perçoit 100 000 € de salaires nets et verse
une pension alimentaire de 10 000 €. Son revenu imposable s’élève alors à 90 000 €
(10% frais profs) et le taux de l’impôt en R est de 30%, : l’impôt en R est donc de
27 000 €. Mais ses revenus sont mixtes puisqu’il perçoit 60 000 € de revenus en R et
40 000 € de sources étrangères imposés en S au taux de 30% soit 12 000 €.
Deux solutions possibles pour calculer le plafonnement du crédit d’impôt imputable :
- soit on considère que les charges de famille pèsent sur tous les revenus et on
proratise la pension alimentaire, Le montant maximal du crédit d’impôt, c’est-à-dire le
montant de l’impôt dû en R sur ces revenus qui trouvent leur source en S, sera de
40 000 – (10 000 x 40 000/90 000) x 30% soit 10 800 €. Il ne pourra donc imputer au
titre du crédit d’impôt conventionnel que 10 800 € et non l’impôt réellement payé en
S.
- soit au contraire on considère que la prise en compte des charges de famille relève
de R, et qu’ainsi elle doit s’imputer en priorité sur revenus réalisés en R. Ces derniers
étant suffisant à compenser la totalité de la pension alimentaire, le montant maximal
du crédit d’impôt sera de 40 000 x 30% = 12 000 €. Dans cette hypothèse, le
contribuable pourra imputer totalement l’impôt payé en S sur l’impôt du en R, Retenue
par le Conseil d’État dans un Arrêt du 26 juillet 2011, n° 308679 et 308754, min. C/ de
Turckheim : Dr. fisc. 2011, n°41, comm. 558), la méthode de la proratisation a été
condamnée par la CAA de Paris dans un arrêt du 7 avril 2016, n°12PA04303, M. B :
Dr fisc. 20/2016, c. 20 au motif qu’elle aboutit à une imposition plus lourde de que
celle qu’aurait payé le contribuable s’il n’avait eu que des revenus de sources
françaises et qu’elle est de nature à dissuader les contribuables d’user de leurs
libertés de circulation.

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Ex en matière d’impôt sur les sociétés : le même débat a agité la doctrine s’agissant
des crédits d’impôt des entreprises : Le CE a en effet jugé que crédit d'impôt
imputable sur l'impôt sur les sociétés doit, en l'absence de toute stipulation contraire
dans la convention fiscale être déterminé en déduisant du montant brut des
dividendes l'ensemble des charges justifiées directement liées à l'acquisition, à la
conservation ou à la cession des titres ayant donné lieu à la perception des dividendes
ce qui a pour effet de diminuer le montant du crédit imputable (CE , plén. fisc., 7 déc.
2015, n° 357189, min. c/ SA Crédit Industriel et Commercial : Dr. fisc. 2015, n° 51-52,
act. 690). Le conseil d’État a refusé de transmettre la QPC relative à cette
jurisprudence pour atteinte à la liberté d'entreprendre (CE, 18 juillet 2018, n°444463,
Sté BNP ParisBas, Dr. fisc. 4/2019, comm. 127). Mais des questions se posent quant à
sa conformité au droit conventionnel et européen, et G. Blanluet, Plafonnement des
crédits d’impôts d’origine étrangère : la règle du butoir à l’épreuve du droit
conventionnel et du droit de l’union européenne, Dr. fisc. 6/2018, c. 166).

Crédit d'impôt et sociétés déficitaires


En matière d’impôt sur les sociétés, il résulte de l’article 220 du CGI que les
sociétés qui perçoivent des revenus de capitaux mobiliers que ce soit de l’étranger
ou de France ont droit à un crédit d’impôt. Il est également prévu que ce crédit
d’impôt n’est imputable que sur l’impôt dû au titre de l’exercice de perception des
revenus,
Le Conseil d’État a jugé que les crédits conventionnels n’étaient pas restituables :
CE, 10e et 9e ch. 27 juin 2016, SA FAUrecia ; Dr. fisc. 41/2016, n° 547).
Le Conseil d’État à également saisit le Conseil Constitutionnel au motif que le
caractère non reportable des crédits conventionnels serait contraire au principe
d’égalité devant les charges publiques. Le Conseil a considéré qu’il n’en était rien
(Cons. Const. 28 sept. 2017, n° 2017-654, QPC, Sté BPCE ; Dr. fisc. 40/2017, act.
536)
Ces crédits d’impôts non reportables sur l’IS du au titre des exercices suivant, ni
restituable par l’administration entraine une double imposition lorsque la société
bénéficiaire des revenus ouvrant droit au crédit d’impôt est déficitaire. En effet, si
la société bénéficiaire des revenus n’est pas taxée au titre de l’exercice de leur

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 37

perception, son déficit est diminué du montant des revenus étrangers qui sont
inclus dans son résultat. Cette inclusion induit une diminution du déficit reportable
et donc une imposition différée des revenus correspondant sur les exercices
suivant sans possibilité d’imputer un crédit d’impôt.
Une autre question qui est celle de l’ordre d’imputation des crédits conventionnels
par rapport réductions et crédit d’impôt de droit interne se pose également et n’est
actuellement pas clairement réglée. Si les crédits d’impôts conventionnels sont
imputés en dernier, et dans la mesure où ils ne sont pas reportables ou imputables
sur les revenus, l’élimination de la double imposition risque d’être partielle ( Voir
pour l’imputation prioritaire d’une réduction d’impôt pour investissement
reportable en application de l’article 197 du CGI, jugée entravante au regard du
droit de l’UE : CAA de Paris dans un arrêt du 7 avril 2016, n°12PA04303, M. B :
Dr fisc. 20/2026, c. 20. L’administration a fini par régler le problème par voie
d’instruction et considère que les crédits d’impôts conventionnels en matière
d’impôt sur le revenu sont imputés avant les réductions et les crédits d’impôt de
droit interne (BOI-IR-RICI, 29 juillet 2015, §35).
Pour éviter l'écueil du caractère non rapportable des crédits conventionnels,
certaines sociétés ont tenté de faire valoir qu’en l’absence de report du crédit
d’impôt ou de restitution, le montant de l’impôt payé à l’étranger devait être
considérée comme une charge déductible au sens de l’article 39 du CGI et devait
donc venir augmenter le déficit reportable.
Le Conseil d’État s’est d’abord prononcé sur cette question dans une décision (CE,
12 mars 2014, req. n° 362528, 9e et 10e s.-s., Sté Céline : RJF 6/2014, c. 601) sur
le fondement de la convention franco-italienne. Il a, à cette occasion, admis qu'il
« appartient néanmoins au juge, après avoir constaté que les impositions qu'une
entreprise a supportées dans un autre État du fait des opérations qu'elle y a
réalisées seraient normalement déductibles de son bénéfice imposable en France
en vertu la loi fiscale nationale, de faire application, pour la détermination de
l'assiette de l'impôt dû par cette entreprise, des stipulations claires d'une
convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre État
d'un bénéfice imposable en France ». Il conclut que la Cour d’appel n’a pas commis
d’erreur de droit en jugeant que la convention franco-italienne qui prévoyait un

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 38

crédit d’impôt sans réserver expressément le cas des sociétés déficitaires et leur
permettre la déduction, doit être interprétée comme excluant la possibilité de
déduire le crédit d’impôt conventionnel ». Le Conseil d’État a par la suite précisé sa
position puisqu’il juge désormais que cette interdiction ne peut résulter de la seule
mention conventionnelle du fait que les revenus sont imposables pour leur
montant brut en France (CE, 7, juil.2017, n° 386579, min. c/Sté LVMH Moët
Hennesy Louis Vuitton). Il faut donc que l’interdiction conventionnelle soit claire
du genre « n’est pas déductible pour le calcul du revenu imposable » comme dans
la Convention Franco-Italienne.
Le législateur est alors intervenu pour contrer cette jurisprudence et la loi de
finances rectificative pour 2017 a modifié l’article 39-1-4° du CGI (relatif à la
déduction des charges) pour prévoir que ne sont pas déductibles : les « impôts
prélevés par un État ou territoire conformément aux stipulations d’une convention
fiscale d’élimination des doubles impositions en matière d’impôt sur les revenus
conclue par cet État ou territoire avec la France », ce qui remet en cause cette
jurisprudence, sauf pour les impositions qui auraient été prélevées par l’État
étranger en violation des dispositions de la convention (CE, 9e et 10e ch. 12
octobre 2018, n°407903, Sté Smith International France ; Dr. fisc. 24/2019, comm.
297).
c – Autres variantes de la méthode d'imputation
- la méthode du crédit d’impôt fictif, est une méthode dans laquelle le crédit
d’impôt imputable en R ne dépend pas de l’impôt réellement payé par le
bénéficiaire en S et peut même être octroyé en l’absence d’imposition des revenus
en S. Dans ce cas, le crédit d'impôt imputable dans l’État de Résidence est égal à
l'impôt que le bénéficiaire aurait dû payer dans ledit pays si certaines dispositions
particulières prises par l’État de source pour encourager les investissements (loi
d’investissement visée par la convention) ne l’en avaient pas exonéré
partiellement ou totalement Par exemple, l’article 23 2 b de la convention conclue
entre la France et la Turquie du 18 févr. 1987 prévoit que lorsque les dividendes et
intérêts versés à un résidents français bénéficient d’une exonération ou d’une
réduction d’impôt en application de mesures particulières sur le développement
économique, le crédit d’impôt est égal à l’impôt qui aurait dû être payé en

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 39

l’absence de ces mesures particulières (dans la limite de 20 % du montant brut des


dividendes et 15 % du montant brut des intérêts). Cette technique s’analyse
historiquement comme une aide au développement, dans la mesure où en
l’absence de la mise en œuvre d’un tel dispositif toute réduction du taux de l’impôt
par l’État S sur les revenus qui y trouvent leur source serait compensée et
finalement neutralisée par la baisse du crédit d’impôt consenti par R, et rendrait
ainsi inefficace, les sollicitations fiscales de l’État source.
- la méthode du crédit d’impôt forfaitaire. Dans cas le montant du crédit d’impôt
imputable ne dépend ni de l’impôt qui aurait dû être payé en S, ni de celui qui est
calculé sur les revenus de sources étrangère en R, mais d’un taux prévu par la
convention. : voir sur ce point la convention fiscale franco – indonésienne qui
prévoit s’agissant des dividendes et intérêts payés à un résident de France par une
société indonésienne, ouvriront droit à un crédit d’impôt égal à 10% de leur
montant brut lorsque l’impôt n’est pas perçu en Indonésie ou lorsqu’il est perçu à
un taux inférieur à 10% (Conf aussi convention franco-chinoise du 30 Mai 1984 en
matière de dividendes CE, 25 fév. 2015, Sté Natixis, n°36680 Dr. fisc. 24/2015,
comm. 408). Le Conseil d’Etat a ici précisé que le calcul devait se faire en dehors,
c’est-à-dire sur le montant des dividendes perçus auquel doit être ajouté l’impôt
chinois réputé acquitté (CE, 9e et 10e ch. 20 nov. 2017, n° 396595, m/Sté Natixis :
Dr. fisc. 5/2019, comm. 137).
Si certaines hypothèses de crédits d’impôt fictifs ou forfaitaires demeurent
encore dans les conventions conclues par la France, elles ont tendance à se
raréfier. Les crédits d’impôt fictif ont en effet fait l’objet d’une critique en règle de
la part du comité fiscal de l’OCDE qui considère que non seulement ils sont
dangereux pour les finances des États qui les consentent mais qu’en outre, ils ne
sont pas efficaces en terme d’aide au développement dans la mesure où ils incitent
au rapatriement des bénéfices (dividendes par exemple). Ainsi par exemple, la
nouvelle convention franco -chinoise du 26 novembre 2013 ne prévoit plus ce type
de crédit d'impôt.
- Préférence désormais pour la méthode du « crédit d'impôt égal à l'impôt français
» : cette méthode consiste à réimposer en France le revenu étranger, en déduisant
de l'impôt sur le revenu ou l’IS français un crédit d'impôt forfaitaire, qui ne dépend

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 40

pas du taux d’imposition à l’étranger (il faut cependant qu’il y ait eu taxation),
mais qui est égal à l'impôt français dû à raison du dit revenu de source étrangère
(résultat équivalent à la méthode de l’exemption). Pour le calcul de ce crédit
d’impôt, on multiplie l’impôt sur le revenu par le rapport entre le revenu étranger
et le revenu net imposable. La convention fiscale conclue par la France avec les
Etats-Unis du 31 août 1994 applique cette méthode : elle attribue aux États-Unis le
droit de taxer certains salaires perçus par un résident français, et son article 24
prévoit que la France peut prendre en compte les revenus ainsi taxés aux États-
Unis pour calculer l’IR, mais qu’elle doit octroyer au contribuable concerné « un
crédit d’impôt égal à l’impôt français correspondant au revenus imposables aux
États-Unis » sans subordonner expressément le droit au crédit d’impôt à
l’imposition effective des revenus aux Etats-Unis. Le Conseil d’État a admis qu’en
l’absence de mention expresse, le crédit d’impôt pouvait être imputé en l’absence
de connaissance exacte de l’impôt payé à l’étranger, (CE, 29 juin 2011, min.c/M.
Chauvin, n°320263, RDF 39/2011, c.532). Pour autant attention certaines
conventions subordonnent son octroi à la condition que le contribuable résident
soit soumis à l’impôt dans l’État de la source des revenus, Le Conseil d’État a jugé
que cette rédaction n’imposait qu’il ait été effectivement imposé mais nécessitait
qu’ils aient été compris dans la base imposable du contribuable sans le résident de
France ait été exonéré à raisons de son statut ou de son activité (CE, avis, 9 e et 10e
ch, 12 fév. 935907 ; Dr. fisc. 30-35, 23 juil. 2020, comm. 329) .

Exemple d’application du crédit d’impôt égal à l’impôt français


Énoncé.
Un contribuable X dispose d’un revenu global de 500 dont 300 proviennent de
l’État de sa résidence (R) et 200 d’un autre État (S).
Taux de la retenue à la source applicable dans l'État S : 2 %.
L’État R applique pour la taxation des revenus le barème progressif suivant :
Tranches de revenus Taux imposition Impôt cumulé/tranche
De 0 à 100 10% 10
De 100 à 200 20% 20
De 200 à 300 30 % 30

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MASTER 1 DROIT FISCAL INTERNATIONAL 41

Au -delà de 300 40%

Impôt payé en S : 60 €;
Impôt payé en R avant crédit d’impôt : 140 (application du barème progressif sur
un revenu de 500)
Crédit d’impôt en R : 140 x 200/500 = 56
Impôt réellement payé en R : 140 - 56 = 84 €
La méthode est ici plus intéressante que la méthode d’imputation totale ou limitée :
l’État R renonce finalement à taxer les revenus de source étrangère alors même que la
taxation dans l’État de source est très inférieure au taux pratiqué par R.

SECTION 4 : L’ACCÈS AUX AVANTAGES CONVENTIONNELS

A- Les conditions d’application d’une convention

Tout opérateur qui prétend invoquer les dispositions d’une convention fiscale
doit, avant de consulter les dispositions catégorielles qui le concernent, s’assurer
qu’un certain nombre de conditions sont remplies, à défaut de quoi la convention
ne serait pas applicable et ses prétentions valablement écartées :
- l'impôt concerné est visé par la convention (1§) ;
- le contribuable concerné est considéré comme une « personne résidente »
d'un ou des deux États contractants (2 §) ;
- la résidence du contribuable est située dans le champ d'application territorial
de la convention (3§).

1§ L'impôt concerné doit être visé par la convention

Il convient, dans un premier temps, de se reporter au titre de la convention,


puis d'affiner l'analyse en consultant l'article qui dresse la liste des impôts visés
(article 2 du modèle). En général, la désignation des impôts concernés se fait en
deux temps :

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- la convention donne d’abord une définition des impôts concernés : impôt sur les
revenus (bénéfices des entreprises et revenu des particuliers) et sur la fortune en
général. Ce qui implique la plupart des conventions couvrent, du côté français,
l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune
à l’exception des cotisations sociales.
Des conventions spécifiques visent parfois les impôts sur les successions. De
rares conventions couvrent également les droits de donation et font référence,
selon les cas, aux « droits d'enregistrement » en général, aux « droits de mutation
à titre gratuit » ou, plus simplement, aux « droits sur les successions et sur les
donations ».
- la convention liste ensuite les impôts concernés pour chacune des parties à la
date de la ratification de la convention, puis prévoit qu’elle s'appliquera « aussi aux
impôts de nature identique ou analogue qui seraient établis après la date de
signature de la convention et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les
remplaceraient » (Conv. modèle OCDE, art. 2, § 4) Les conventions ratifiées par la
France en matière d’impôts sur le revenu et la fortune qui reprennent cette
formulation sont de nature à s’appliquer à la contribution additionnelle à l’IS et à la
contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ainsi qu’ à l’impôt sur la fortune
immobilière qui a remplacé en 2018, l’ISF.
S’agissant des contributions sociales perçues (CSG, CRDS) sur les revenus de
capitaux et d’activité, L’Administration fiscale considère que: « la CSG et la CRDS
sont des impôts sur le revenu [...] par conséquent, ces contributions sont couvertes
par les dispositions des conventions fiscales visant à éliminer la double imposition,
à moins que leur rédaction particulière ne les exclue ») (BOI-INT-DG-20-20-10,
3 juin 2016, § 110) . Pour autant, certains États peuvent ne pas avoir la même
interprétation, ainsi les États-Unis ont considéré que ces prélèvements ne sont pas
des impôts mais des cotisations sociales et ont longtemps refusé de les prendre en
compte pour le calcul du crédit d’impôt conventionnel consenti à leurs résidents
bénéficiaires de revenus français (RM Madame Corinne Narassiguin, n° 7429,
15/01/2013 ; l’International Revenue Service (IRS : administration fiscale
américaine) est revenu sur cette position dans un publication du 19 juillet 2019 cité

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au BOI-INT-CVB-USA-10). Il semble que ce soit le cas aussi pour les autorités


canadiennes (RM Y Chantrel, 23 juin 2016 ).
Certaines conventions peuvent ne pas contenir de dispositions générales et se
contenter de lister les impôts concernés.
Les taxes sur le chiffre d'affaires et les droits indirects ne sont pas visés par les
conventions fiscales.
Les impôts locaux sont exceptionnellement visés, de même que la taxe sur les
salaires.

2§ Le contribuable doit être considéré comme une « personne résidente »


au sens de la convention

a) Les personnes au sens conventionnel


Les conventions fiscales s'appliquent aux personnes physiques aux sociétés et
autres groupements de personnes (Modèle OCDE, article 3 §1, a)).
Le terme « société » désigne toute personne morale ou tout groupement de
personnes qui est considérée comme telle aux fins d'imposition par le droit interne
de l'État de situation (Conv. modèle OCDE, art. 3, § 1, a)) : il s’agira donc des
sociétés de capitaux, de personnes mais aussi des groupements sans personnalité
morale telle que les GIE ou sociétés de fait, des associations.
Une entité qui ne pourrait être considérée comme une personne ne pourra
pas, en revanche, invoquer une convention fiscale internationale.
Cette exigence a posé des problèmes s’agissant d’un établissement stable
implanté sur le territoire d’un État qui n’est pas celui duquel la société est
résidente. N’ayant pas la personnalité morale même s’il est considéré comme
ayant la personnalité fiscale au fin d’imposition dans son État d’implantation (cf
supra), l’établissement stable n’est pas considéré comme une personne au sens
conventionnel du terme et ne peut donc en principe se prévaloir de dispositions
conventionnelles.
Cette règle s’impose pour la convention qui lie l’État dans laquelle se situe
l’établissement stable et celui dont la société dont il émane est résidente, mais
cela ne pose guère de difficultés puisque cette dernière est habilité à le faire.

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Les difficultés surgissent plus sérieusement dans les situations triangulaires :


par exemple dans l’hypothèse où une société, qui a son siège dans un état A,
dispose d’une succursale, constitutive d’un établissement stable, dans État B qui
reçoit des dividendes d’une entreprise située dans un État C. La convention signée
entre B/C ne pourra être invoquée, la succursale dans État B ne pouvant être
qualifiée de personne résidente de l’Etat B. En effet, si la jurisprudence française
tend de plus en plus à reconnaître qu’un établissement stable peut être assimilé à
une personne pour l’établissement de l’impôt, en même temps, elle continue à lui
dénier le caractère de résident de son pays d’établissement. Ainsi par exemple,
dans une affaire dans laquelle une société dont le siège se situait aux États-Unis
mais disposait en Suisse d’un établissement stable, une succursale, par
l’intermédiaire de laquelle la société américaine exerçait une activité en France, le
Conseil d’État a refusé que la convention franco-suisse puisse être invoquée pour
contester l’impôt établi en France puisque l’établissement stable de la société dont
le siège se situait aux États-Unis ne pouvait être considéré comme résident en
Suisse, car il n’y était pas assujetti à l’impôt en raison de son siège comme l’exige
la définition conventionnelle des résidents (CE, 20 sept. 2017, n° 393231
Mécatronic ; RJF n°12/2017, c. 1231).
Cette règle peut néanmoins être contournée :
Dans le cadre européen , les libertés européennes imposent que les États
traitent de la même manière les sociétés résidentes et les établissements stables
de sociétés non résidentes. Sur le fondement des libertés de circulation (CJCE, aff
Saint-Gobain, 21 sept. 1999, Dr. fisc. 11/2000), la Cour de justice a ainsi jugé que
« s'agissant d'une convention de double imposition conclue entre un État membre
et un État tiers, le principe du traitement national impose à l'État membre partie à
la convention d'accorder aux établissements stables des sociétés non résidentes
les avantages prévus par la convention aux mêmes conditions que celles qui
s'appliquent aux sociétés résidentes ». En conséquence, la jurisprudence admet
que, dans la situation triangulaire décrite ci-dessus, que l’établissement stable
d’une société dont le siège est situé sur le territoire de l’UE qui perçoit des revenus
passifs puisse invoquer les dispositions de la convention conclue entre B et C.

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Pour les établissements de sociétés d’États non membres de l’UE et


sur le fondement d’une potentielle clause de non-discrimination (Modèle
OCDE, art. 24, §3), Cette clause, fréquemment reprise dans les conventions
bilatérales, prévoit que « l’imposition d’un établissement stable qu’une entreprise
d’un État contractant a dans l’autre État contractant n’est pas établie dans cet
autre État d’une façon moins favorable que l’imposition des entreprises de cet
autre État ». Or, le Conseil d’État admet que « l’existence éventuelle d’une
violation d’une clause de non-discrimination s’apprécie en prenant en compte non
seulement les dispositions fiscales de droit interne mais également les règles
fiscales qui pourraient découler d’autres conventions fiscales ». (CE, 9e et 10e ss-
sect, 1er juin 2003, Mr et Mme Biso, Dr. fisc. 12/2004, comm. 355). Il en résulte que
l’établissement stable situé dans un État B d’une société dont le siège se situe en A
doit pouvoir sur le fondement de la clause de discrimination contenue dans la
convention liant les États A et B demander à l’Etat B à bénéficier des dispositions
conventionnelles liant qui le lie à l’ État C d’où proviennent ses revenus passifs.
Sur le fondement de dispositions conventionnelles spécifiques : ainsi
par exemple, l’article 25, 2 b de la convention conclue entre la France et l’Italie du
5 octobre 1989 oblige l’Etat dans lequel se trouve un l’établissement stable qui
reçoit des dividendes, redevances ou intérêt de l’autre État à éliminer la double
imposition résultant de leur taxation dans l’Etat de source.

Il faut en outre que la personne soit considérée comme résidente de l’un ou


l’autre des États lié par la convention qu’il invoque.
b) Le critère de résidence dans les conventions fiscales bilatérales
Le contribuable qui invoque les dispositions d’une convention doit selon cette
convention être résident de l’un ou l’autre État ou les cas échéant des deux (art 1
modèle OCDE). À défaut d’être résident de l’un au moins des États, la convention
ne sera en principe pas applicable. En principe donc, il est nécessaire que le
contribuable ait un lien personnel suffisant avec l’un des États signataires pour
pouvoir invoquer une convention. Ce lien est un lien subjectif constitué par la
résidence.
1) Renvoi au droit interne

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L’article 4 du modèle conventionnel définit ce qu’il convient d’entendre par


résident : il prévoit qu’il s’agit de « toute personne qui, en vertu de la législation de
cet État, est assujetti à l’impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa
résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ».
Il ajoute, qu’en revanche, ne sont pas résident les personnes qui ne sont
assujetties à l’impôt dans cet État que pour des revenus de source situées dans cet
État.
Ne seront donc résidents d’un État que les contribuables, personnes physiques
ou morales, qui y sont assujettis à une obligation fiscale illimitée. Cette définition
permet de distinguer État de résidence et État de source pour l’application des
modalités de taxation des différents revenus. Le lien objectif qui pourrait résulter
du fait qu’un contribuable tire des revenus d’un État une partie de ses revenus ne
suffit pas pour pouvoir invoquer les conventions ratifiées par cet État.
Le critère de résidence est donc en principe le critère déterminé par référence au
droit national de chacun des États contractants :
- en France, le critère de résidence est à l’IR le domicile fiscal, et à l’IS celui du
siège social statutaire ou le siège réel, s’il est différent du siège statutaire, c’est à
dire ce que la jurisprudence appelle « le siège de direction effective ».
Certaines conventions ne font pas référence en droit interne et fixent des
critères conventionnels auxquels il semble qu’il faille se référer sans passage
préalable par le droit interne. Il s'agit des conventions conclues avec les États
suivants : Belgique (du 10 mars 1984, art. 1 er), Bénin, Burkina, Cameroun,
République centrafricaine, Côte-d'Ivoire, Mali, Maroc, Mauritanie, Mayotte, Niger,
Sénégal et Togo. Pour autant, le Conseil d’État a réaffirmé le caractère princeps du
renvoi au droit interne dans un arrêt Cheynel du 11 avril 2008, n° 285583 : à
propos d’un contribuable considéré comme domicilié en France par l’administration
en application de l’article 4A du CGI et qui se considérait comme résident belge au
sens de la convention Franco-Belge, le Conseil d’État a décidé, alors que la
convention ne faisait pas référence au droit interne, que les conventions fiscales ne
peuvent par elles-mêmes servir de fondement à une imposition et que le juge se
doit donc d’abord de s’assurer de la situation du contribuable au sens de la loi

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nationale puis ensuite d’office vérifier si la convention ne fait pas obstacle à


l’application de la loi fisc (principe de subsidiarité, conf. supra).
2) Le critère de l’assujettissement en droit français
Pour être résident, il faut par ailleurs que le contribuable soit « assujetti à
l’impôt » : ce qui, selon le juge français, implique que le contribuable non
seulement entre dans le champ d’application de l’impôt pour lequel il demande
l’application de la convention, mais également qu’il en soit en fait structurellement
redevable. En effet, le Conseil d’État a en 2015 apporté une importante précision
quant au critère d’assujettissement prévu à l’article 4 du modèle conventionnel qui
permet de fixer la résidence d’un contribuable dans l’un des États contractants ou
dans les deux. Alors que la jurisprudence traditionnelle considérait comme résident
d’un État, le contribuable qui entrait dans le champ d’application de l’impôt
national sans égard pour le fait qu’il en soit ou non exonéré, le CE admet
désormais que le fait de relever du champ d’application de l’impôt ne suffit pas et
exige que le « contribuable ne bénéficie pas dans l’État dans lequel il entre dans le
champ d’application de l’impôt d’un régime d’exonération à raison de son
activité ou de son statut » (CE, 9 novembre 2015, n°370054 et 37 11 32, min.
C/ Landesârztekammer Hessen Versorgungswerk, Dr. fisc. 47/2015, act. 664 ; Marc
Pelletier, « La notion de résident dans les conventions fiscales : le Conseil d’État à
contre sens » ; Dr. fisc. 12/ 2015, act 664 et CE, 9e et 10e ss-sect., 9 nov. 2015, n°
371132, Sté Santander Pensionnes SA EGFP ; Droit fiscal 2016, n° 28, comm. 421).
Un contribuable qui bénéficiait d’une telle exonération ne sera pas considéré
comme résident et ne pourra invoquer les dispositions conventionnelles : en
l’espèce, il s’agissait de fonds de pensions allemands et espagnol qui demandaient
à bénéficier de la limitation à 15% de la retenue à la source appliquée par la France
sur des dividendes reçus de sociétés françaises. Les deux organismes étaient
exonérés d’impôt en Allemagne et en Espagne. Le juge, selon une interprétation
téléologique ou finaliste du terme « assujetti » que lorsqu’il y a exonération par
l’État d’établissement du contribuable, la convention n’a point besoin de
s’appliquer puisque n’existe aucun risque de double imposition. En revanche,
l’analyse ne s’applique pas au contribuable qui tout en ne payant pas d’impôt dans

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l’État dont il revendique la résidence (déficit ou utilisation de crédit d’impôt par


exemple) ne sont pas exonérés.
La position nouvelle du Conseil d’État s’est précisée dans un arrêt dans lequel
il casse pour erreur de droit une décision de la CAA de Versailles dans laquelle
avaient été considérées comme résidentes du Liban des sociétés offshore
exonérées de l’impôt sur les sociétés de droit commun mais soumises à une
imposition spécifique forfaitaire non visée par la convention et d’un montant faible
(CE, 3e et 8e ss-sect., 20 mai 2016, n° 389994 , min. c/ Sté EasyVista ; Droit fiscal
n° 28, 14 Juillet 2016, comm. 422). Il convient donc pour être résidente d’un État
d’y payer un impôt, mais aussi d’y payer l’impôt de droit commun. En
revanche, le paiement de l’impôt de droit commun mais à un taux modéré par
l’application d’un régime de faveur ne ferait pas perdre la qualité d’assujetti et
donc de résident : CAA Paris, 7 nov. 2019, n°18PA02195, SARL Aptinéo, Dr. fisc.
47/2019, comm. 454 (en l’espèce, il s’agissait d’une société tunisienne qui payait
de l’IS en Tunisie mais bénéficiait d’un taux réduit en raison de l’application d’un
régime de faveur réservé en Tunisie aux sociétés totalement exportatrices).
Cette exigence nouvelle, que le CE justifie par l’objet des conventions (en fait le
but) à savoir la lutte contre la double imposition, a conduit nombre de
contribuables qui se croyaient résident d’un État dans lequel ils bénéficiaient d’un
régime particulier d’exonération à ne plus pouvoir revendiquer les tempéraments
prévus par la Convention liant leur état de résidence fiscale à la France. Ainsi par
exemple, l’Administration fiscale française considère que les nationaux français
retraités qui s’installent au Portugal, où ils sont totalement exonérés d'impôt sur
les pensions de retraites privées françaises pendant 10 ans en raison du statut dit
de « résident non habituel », ne peuvent être considérés comme étant assujettis à
l'impôt au Portugal. En conséquence, ils se voient régulièrement refuser le bénéfice
de la convention en application des jurisprudences précitées. La France prétend
ainsi retrouver le droit d’imposer les pensions de retraite de source française que la
convention franco-portugaise réserve au Portugal et l’expatriation en devient
fiscalement moins alléchante. Le Portugal vient dans le budget 2020 de réformer
ce régime d’exonération et d’instaurer un régime de taxation de 10% des pensions
de retraite. La position du Conseil d’Etat n’y est évidemment pas pour rien…

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Pour terminer, il convient de préciser que cette analyse n’est pas retenue par
l’ensemble de juges nationaux dans le monde, certains considérant en effet, que
l’objet des conventions n’est pas uniquement d’éviter les doubles impositions,
mais plus précisément de répartir les bases d’imposition entre États signataires
(juge finlandais, Suédois, indien).
3) Critère de résidence et société de personnes :
Des difficultés peuvent survenir lorsqu’il s’agit d’appliquer une convention
fiscale internationale à une société de personnes, la France ayant en cette matière
une analyse qui diffère de celle de ces homologues.
Pour la France, ces sociétés dites semi-transparentes sont des personnes au
sens conventionnel et ont une personnalité fiscale distincte de leurs membres,
elles sont donc considérées comme résidentes françaises lorsque leur siège est en
France quand bien même elles n’y payent pas directement l’impôt et n’y sont donc
pas véritablement assujetties aux sens conventionnel. En conséquence, les
associés de ce type de sociétés, seuls redevables de l’impôt sont taxables en
France au titre des résultats de la société quand bien même ils seraient non-
résidents (CE, 8e et 9e ss.-sect, 9 fév. 2000, req. n°178 389, Sté suisse Hubertus,
Dr ; fisc 15/2000, comm. 310 pour une société suisse détenant des parts dans une
SCI française). La France considère qu’ils ne peuvent invoquer la Convention la
liant avec leur État de résidence, notamment l’article relatif aux revenus innomés
pour s’opposer à leur imposition en France car pour cette dernière sont en cause
non pas leurs revenus, mais les revenus de la société résidente en France (CE, 11
juillet 2011 n°317024, Plén., Société Quality Invest : RJF 10/11 n°1063).
Pour la plupart des autres pays dans le monde, ce type de sociétés
(notamment les partnership anglosaxon) correspond à des structures totalement
transparentes qui ne sont pas des sujets fiscaux en tant que tels. Elles ne sont
donc pas considérées comme résidentes de l’État dans lequel elles ont leur siège.
Seuls les associés sont considérés comme résidents de l’État où ils sont établis
pour la quote-part des résultats qui leur revient. Cette divergence de vue pourrait
avoir des conséquences fâcheuses lorsque des dividendes sont distribués par une
société française à une société de personnes étrangère dont le siège se situe dans
un État reconnaissant la transparence fiscale de cette structure.

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- pour les associés résidents français de cette structure, la France


appliquerait une retenue à la source puisqu’elle considèrerait que la
distribution est faite non pas aux associés mais à la société. Pour le pays
dans lequel la société est établie, la société n’est pas destinataire des
dividendes, ce sont les associés résidents français, de sorte que la
convention les liant à la France est inopérante.
- pour les associés non-résidents de France, la même analyse peut être faite,
à ceci près que les associés qui ne sont résidents ni de France, ni de l’État
dans lequel est implanté la société ne pourraient invoquer la convention
liant la France à leur Etat de résidence pour demander application de la
limitation conventionnelle de la retenue à la source puisque la conception
française de la semi-transparence fiscale conduit à considérer qu’ils ne sont
pas les bénéficiaires de ces dividendes.
Pour éviter ces difficultés, l’administration française accepte néanmoins de
reconnaître la transparence fiscale de sociétés étrangères bénéficiaires de
dividendes de source française (BOI-INT-DG-20-20-20-10, 12/09/2012, §80
conformément à la jurisprudence du CE, 13 oct. 1999, n° 191 191, SA Diebold
Courtage, Dr. fisc. 1999, n° 52, comm. 948, concl. G. Bachelier, RJF 12 / 1999,
n° 1492). En conséquence, elle précise que les associés résidents français de
ce type de société ne supportent pas de retenue à la source sur les dividendes
d’origine française (puisque l’opération de distribution des dividendes est
considérée comme une opération interne bien qu’ils transitent via une société
de personnes étrangère) et les associés non-résidents « sont considérés
comme bénéficiaires de revenus de source française et à ce titre peuvent
invoquer la convention qui lie la France et leur État de résidence ».
Par ailleurs, pour éviter les frottements dus à la spécificité de la conception
française de la semi-transparence des sociétés de personnes un certain nombre de
conventions internationales régissent expressément le traitement qu’il convient de
leur réserver. Il n’en reste pas moins que sur cette difficile question, tous les
problèmes, de doubles impositions mais aussi de double non-impositions
potentielles, ne sont pas encore réglés.

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À l’issue de l’analyse de la situation du contribuable au regard du droit interne


des deux États concernés, trois situations peuvent se présenter ;
1 - le contribuable n’est résident d’aucun des 2 États : il ne peut donc pas invoquer
la convention qui les lie ;
2 - le contribuable est résident d’un seul Etat : il peut donc se prévaloir de la
Convention ;
3 - le contribuable est résident des deux États : la convention est applicable mais il
convient, avant d’appliquer les articles relatifs aux revenus en cause, de mettre en
œuvre les critères conventionnels permett antde déterminer une résidence unique.
Ces critères varient selon qu’il s’agit de personnes physiques (Modèle OCDE, art. 4
§ 2) ou d’une personne morale (Modèle OCDE, art 4 §3 : lieu du siège de direction
effective).

3 § La résidence du contribuable doit être située dans le champ


d'application territorial de la convention

Les conventions fiscales définissent leur champ d’application territorial et


celui-ci ne correspond pas toujours au territoire des États contractants au sens du
droit international public
Pour la France, en l’absence de précisions de la Convention, le territoire fiscal
couvert ne correspond pas au territoire politique. Il désigne la métropole, les iles du
littoral, et la Corse et les départements et régions d'outre-mer de la république
française (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte) sur le territoire
desquels s’applique le droit fiscal français, le CGI.
Les territoires d'outre-mer art. 76 et 77 de la Constitution (Nouvelle-
Calédonie, Terres australes et antarctiques françaises,) et les collectivités d’Outre-
Mer régie par l’article 74 de la constitution (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin,
Saint Barthélémy, Polynésie Française, Wallis-et-Futuna et futuna) sur le territoire
desquels le CGI ne s’applique pas sont donc exclus en droit conventionnel, du
territoire fiscal français (voir sur ce point, TH. Dubut, Le renforcement de la
compétence fiscale de Saint-Martin et Saint-Barthélémy ou la difficile
transposition des règles de fiscalité internationale en droit interne, Dr. fisc..
28/2010, p. 29).

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Certaines de ces collectivités sont dotées d’un pouvoir fiscal autonome et


sont donc au regard du droit fiscal français placées dans une situation
comparable à celle d’États étrangers. Elles sont ainsi habilitées à négocier avec
les États étrangers des conventions qui leur sont propres : ainsi par exemple, un
avenant à la convention conclue entre la France et le Canada procédant à
l’extension de son champ d’application géographie à la Nouvelle-Calédonie a été
signé le 2 février 2010 après négociation et ratification par la collectivité de
Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, la France a même conclu avec ces derniers des
conventions fiscales internationales (par ex : Nouvelle-Calédonie convention du
31 mars 1983 ;). A l’inverse lorsque de tels territoires deviennent des
départements français, les conventions qui les lient avec la France cessent d’être
applicables : tel est le cas par exemple pour Mayotte qui est devenu un
département d’OM le 31 mars 2011, la convention du 27 mars 1970 ayant cessé
de s’appliquer à compter du 1er janvier 2014.
Par ailleurs, le territoire fiscal français s'étend aux zones hors des eaux
territoriales sur lesquelles la France peut exercer les droits relatifs au lit de la mer
et au sous-sol marin.

SECTION 5 - LES MODALITÉS DE RÉSOLUTION DES DIFFICULTÉS

D’APPLICATION OU D’INTERPRÉTATION D’UNE CONVENTION

Les difficultés d’application ou d’interprétations des conventions fiscales


internationales sont fréquentes. Le contribuable en butte avec de telles difficultés
dispose de plusieurs options :

- Il peut engager des procédures juridictionnelles internes. Il est à noter que selon
une jurisprudence française désormais ancienne lorsque la difficulté résulte d’un
problème d’interprétation des dispositions conventionnelles, le juge saisi de la
question se considère comme habilité à procéder à cette interprétation sans avoir
à invoquer la théorie de l’acte clair et sans avoir non plus à se référer au ministre
des affaires étrangères : CE, GISTI, Ass, 29 juin 1990, n°78 519, RJF 8-9/1990, n°

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1096) et Cour de Cass, 19 décembre 1995 Banque africaine de développement


( Cass. 1ère , n° 93-20424, Bull. civ I, n°470).

- Il dispose par ailleurs de procédures conventionnelles. A l’origine, ces procédures


dites amiables (modèle conventionnel, art. 25) ouvraient un dialogue entre les
administrations fiscales concernées mais n’octroyaient au contribuable aucun droit
à la suppression de son éventuelle double imposition. Avec l’internationalisation
des échanges, les problèmes afférents aux doubles impositions transfrontières sont
de plus en plus nombreux et représentent un coût non négligeable pour les
entreprises. Les États ont donc consenti, concomitamment au durcissement de la
lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, à améliorer ces procédures afin
d’améliorer la sécurité juridique des contribuables internationaux. Des procédures
nouvelles devraient désormais leur assurer les moyens d’obtenir la suppression
des doubles impositions résultant de difficultés d’application ou d’interprétation
des conventions fiscales internationales. Elles résultent d’abord de l’amélioration
des procédures conventionnelles résultant de l’entré en vigueur de l’instrument
multilatéral et, dans le cadre territorial plus restreint de l’Union européenne,
ensuite de la directive UE 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 concernant les
mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne
applicable depuis le 1er juillet 2019. Cette directive a été transposée en droit
interne par la loi de finances pour 2019 aux articles L. 251 B à L. 251 KZ du LPF ;
FR 43/18, n°35.

Les progrès apportés passent par :


- l’amélioration de la procédure traditionnelle de la procédure amiable ;
- l’introduction à titre obligatoire, au moins dans le cadre européen et sous
condition d’échec de la procédure amiable, de procédures d’arbitrage.

A – La procédure amiable (article 25 du modèle OCDE et BOI-INT-DG-20-30-10, 1 er


janv. 2017 )

Indépendamment des procédures juridictionnelles des législations internes,


lorsque :

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- la convention n’est pas suffisamment claire et donne lieu à des interprétations


divergentes des deux administrations qui laissent subsister une double imposition
juridique ou une imposition non conforme à la convention (par exemple problème
d’appréciation de la résidence du contribuable, du fait qu’un prélèvement est
couvert ou non par la convention),
- soit que la situation du contribuable ne soit pas réglée de manière impérative par
la convention (ex : double imposition économique suite à rectification des prix de
transfert, demande d’ajustement corrélatif),
- soit qu’il existe une double imposition dont la suppression n’est pas prévue par la
convention,
le contribuable concerné peut demander l'ouverture d'une procédure dite amiable
entre les administrations, désignées sous le terme d’autorités compétentes, des
deux États concernés.
Cette procédure comprend en fait une ou deux phases successives : une phase
interne pendant laquelle le contribuable ne s’adresse qu’à l’administration de l’Etat
de sa résidence, une phase internationale ensuite de conciliation entre les deux
administrations.
L’Instrument multilatéral prévoit que les États signataires dont les conventions ne
comprennent pas de procédure amiable doivent en intégrer une et introduit
quelques améliorations des procédures amiables existantes (article 16 clause
obligatoire).

1 § La phase interne la procédure amiable


Cette phase est initiée à la demande du contribuable.
La demande doit être déposée dans les trois ans (délai indicatif donné par le
modèle OCDE, délai minimal qui peut être rallongé par les États) suivant la
première notification de l’imposition contestée. Le contribuable n’a pas à attendre,
bien au contraire, la mise en recouvrement : il peut formuler sa demande dès que
la notification d’une proposition de rectification (même acceptée), ou le paiement
d’une retenue à source. Certaines conventions prévoient des délais plus court (2
ans pour convention signée avec la Belgique) mais l’IM prévoit un délai minimal de

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3 ans, tout comme la directive européenne. La demande en toutes hypothèses ne


doit normalement pas concerner des impositions antérieures à plus de six ans.
La demande, qui doit être argumentée et accompagnée des pièces
justificatives de la double imposition et des arguments du contribuable. Elle doit
être transmise à l’administration compétente de l’Etat de résidence : en France, il
s’agit de la Mission d'expertise juridique et économique internationale (MEJEI) de la
Direction générale des finances publiques, le modèle de convention ne précisant
pas quelles sont les autorités compétentes. L’IM prévoit que la demande pourra
être faite auprès de l’un ou l’autre des États contractants et la directive qu’elle doit
être transmise aux 2 administrations (sauf pour les particuliers et les petites
entreprises).
Enfin, la demande peut être déposée même lorsque le contribuable a introduit
une réclamation contentieuse ; il est même conseillé d’engager les deux types de
recours la voie de la procédure amiable n’offrant aucune garantie quant à son
issue, par ailleurs seule la procédure contentieuse permet de suspendre le
paiement de l’impôt. Dans le cadre de l’union européenne, il convient néanmoins
de préciser que le dépôt d’une réclamation contentieuse sur le fondement de
l’article L. 190 du LPF suspendra le délai de 3 ans pour demander l’ouverture d’une
procédure amiable.
Le dépôt d’une demande d’ouverture d’une procédure amiable est un droit,
mais l’ouverture de la procédure n’en est pas un. Les textes réservent à
l’Administration le droit de ne pas donner suite à certaines demandes notamment
lorsque les délais ne sont pas respectés, lorsque des pénalités graves (abus de
droit, manœuvres frauduleuses) sont envisagées, ou lorsqu’il apparaît une volonté
manifeste d’abuser des avantages octroyés par la convention. Pour sécuriser la
position du demandeur, la directive 2017/1852 énumère strictement les moyens
qui pourront être invoqués par l’Administration pour rejeter la réclamation (délai 3
ans dépassé, absence de différent, réclamation incomplète) et prévoit qu’en
l’absence de réponse de l’Administration dans un délai de 6 mois, la demande
d’ouverture de la procédure amiable déposée par le contribuable est réputée
acceptée, Cette précision qui devrait inciter les États à répondre. Elle organise
aussi et, cela est très nouveau, des voies de contestation spécifiques au refus

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opposé par les autorités compétente d’ouvrir la procédure amiable soit devant le
juge de l'impôt compétent (art . L 251 F nouveau du LPF) (si les deux
administrations nationales ont refusé d’ouvrir la procédure, soit devant une
commission consultative (si seulement une des administrations a refusé d’ouvrir la
procédure).
Si la procédure amiable est ouverte, la demande du contribuable est
examinée.
- L’administration peut dans ce cadre, de son propre chef, mettre fin à la double
imposition si elle estime les arguments fondés. Mais elle peut aussi tout aussi bien
refuser de donner suite à la demande puisqu’elle simplement tenue de s’efforcer
d’apporter une solution satisfaisante à la demande. Un refus injustifié pourrait le
cas échéant ouvrir droit à indemnisation pour perte d’une chance.
- Si l’administration considère que la contestation est fondée mais qu’elle ne peut
unilatéralement mettre fin à la double imposition, il lui appartient alors d’initier la
phase internationale de la procédure amiable.
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2 § La phase internationale de la procédure amiable


Lorsque c’est l’administration française qui a été saisie de la demande
d’ouverture de la procédure, elle s’engage à saisir l’autorité de l’autre Etat dans le
délai le plus bref suivant la réception de la demande d’ouverture. Lorsque les
autorités françaises sont saisies par l’autorité d’un autre Etat, le délai que se sont
fixé les autorités françaises pour répondre est de 4 à 6 mois.
S’engage alors un dialogue entre autorités compétentes qui peut prendre la
forme d’un échange de lettres ou de rencontres dans le cadre de commissions
mixtes comprenant des représentants des deux autorités compétentes. Ce délai
est souvent long (trois ans en moyenne pour la France). L’administration précise
que la procédure amiable doit en général faire l’objet d’un règlement dans un délai

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ne dépassant pas 24 mois (délai de rigueur prévu par la directive mais qui peut
être prorogé d’une année).
À l’issue de ce dialogue deux situations peuvent se présenter :
- Soit les autorités compétentes sont arrivées à un accord qui sera notifié au
contribuable qui pourra soit l’accepter, soit le refuser. S’il l’accepte, l’accord
ne sera applicable que sous réserve de son désistement préalable de toutes
les procédures juridictionnelles en cours ;
- Soit les autorités compétentes n’arrivent pas à se mettre d’accord :
Dans cette dernière hypothèse, de deux choses l’une, soit il s’agit d’une
convention ancienne qui ne prévoit pas de convention d’arbitrage et l’élimination
de la double imposition n’est pas un droit de telle sorte que la situation du
contribuable restera en l’état. Soit la convention comprend une clause d’arbitrage,
soit le litige concerne l’application d’une convention liant deux États européen et
l’obligation de moyens pesant sur l’administration deviendra une obligation de
résultats.

B – L’intervention d’un arbitre

K. Jestin, Vers en renforcement de l’arbitrage comme mode de résolution des


conflits en droit fiscal, Jurisdoctoriat, n°2, 2009.
J. Monsénégo, L’expérience américaine en matière de clauses d’arbitrage
conventionnelles : un exemple pour la France, Dr. Fisc 6/2014, n°6, p.13.
G ; Pasquier : La directive du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de
règlement des différends fiscaux – un nouvel instrument à la disposition des
contribuables en vue de résoudre les doubles impositions au sein de l’UE : Dr. fisc.
18-19/2018, c. 266).

1 § Présentation historique de l’arbitrage matière fiscale

L’idée de mettre en place une procédure d’arbitrage, contraignante pour les


États, pour résoudre les difficultés d’application des conventions fiscales
internationales qui n’ont pas trouvé solution au terme de la procédure amiable
n’est pas nouvelle mais s’est très longtemps heurtée à la résistance de ces

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derniers, peu enclins à confier à des arbitres indépendants le soin de répartir leurs
bases d’imposition, question régalienne s’il en est.
Le premier texte contraignant instaurant une procédure d’arbitrale pour la
résolution de doubles impositions a été la convention européenne du 23 juillet
1990 n° 90/436/CEE relative à l’élimination des doubles impositions en cas
de correction des bénéfices des entreprises associées. Son apport est
indéniable, mais cette convention très spécialisée ne concernait que les doubles
impositions résultant de la rectification unilatérale de prix de transfert affectant
des sociétés européennes ou leurs établissements stables. Outre ce champ
d’application territorial et matériel très limité, cette convention ne permettait pas
de résoudre toutes les difficultés collatérales à la double imposition résultant des
rectifications de prix de transfert : intérêt de retard qui courent malgré la procédure
amiable en cours, absence d’intérêts moratoires au profit du contribuable, retenue
à la source sur les bénéfices considérés comme distribués... Par ailleurs, les États
européens avaient pu faire montre d’une certaine mauvaise volonté à l’appliquer,
ce qui avait conduit le Conseil de l’Union Européenne à adopter le 26 décembre
2004 un code de conduite pour la mise en œuvre effective de la convention
d’arbitrage, remis à jour depuis.
Certaines conventions bilatérales comprenaient aussi des clauses d’arbitrage :
ainsi par exemple la convention entre les États-Unis et l’Allemagne datée du 29
Août 1989. La convention du 31 août 1994 conclu entre la France et les États-Unis
comprenait également une clause arbitrale mais cette dernière était restée lettre
morte (FR 32/09, p.37). Finalement, jusque très récemment les rares procédures
arbitrales conventionnelles n’avaient pas été activées, les États faisant preuve
d’une réelle méfiance à leur égard, les considérant comme attentatoires à leur
souveraineté fiscale.
L’augmentation du nombre et de l’enjeux financier des conflits non réglés à
l’issue de la procédure amiable a poussé l’OCDE à intégrer à l’article 25 de la
version révisée en juillet 2008 du modèle de convention OCDE une procédure
d’arbitrage obligatoire. Dans la foulée, certaines conventions ont été révisées. Ainsi
par exemple, la convention du 31 août 1994 conclu entre la France et les États-Unis
a été modifiée par avenant du 13 janvier 2009 introduisant une nouvelle clause

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arbitrale (FR 32/09, p.37). Pour autant le succès de cette nouvelle clause a été
limitée et sur les quelques 3 000 conventions fiscales bilatérales, seule une petite
centaine contenaient une clause d’arbitrage.
Les travaux du BEPS ont poussé plus avant la promotion de ce mode de
résolution des différends fiscaux, et l’article 19 de l’IM qui en résulte prévoit la mise
en place d’un arbitrage obligatoire et contraignant, ce qui devrait normalement
faciliter la mise en place de procédures conventionnelles d’arbitrage, Pour autant
cette clause étant facultative, elle ne s’applique que si les deux États signataires
ont opté pour son introduction dans leurs conventions couvertes. Or, seuls une 20 e
d’États, dont la France, ayant opté pour la mise en place de cette procédure,
l’OCDE évalue le nombre de conventions amendées à, environ, 150 sur les 3 000 €
que compte le réseau conventionnel mondial.
L’Union Européenne, de son coté, a été beaucoup plus volontariste puisque la
Commission européenne a convaincu les États membres d’adopter la directive
2017/1852, directive arbitrage, entrée en vigueur dans l’Union européenne le 1 er
juillet 2019 pour les différents relatifs à des revenus ou des capitaux perçus au
cours d’un exercice fiscal ouvert à compter du 1 er janvier 2018. Cette directive
impose désormais au États membres que toute difficulté d’application d’une
convention fiscale liant deux États membres entraînant une double imposition
(quel que soit l’impôt concerné, qu’il s’agisse d’un contribuable personne physique
ou morale) soit réglée, sur demande du contribuable, par voie d’arbitrage
lorsqu’elle n’a pas trouvée solution par la voie amiable et ce nonobstant la
présence ou non d’une clause d’arbitrage dans la convention en cause.

2 § La procédure arbitrale

Quel qu’en soit le fondement textuel, le recours à un arbitre ne peut être


sollicité que dans l’hypothèse où une procédure amiable antérieure n’a pas permis
de trouver un accord assurant la suppression de la double imposition contestée au
terme d’un certain délai. Dans la plupart des conventions signées par la France, ce
délai était de trois ans, à compter de la saisine de l’autorité compétente. L’IM
prévoit lui un délai plus court de 2 ans mais les États ayant la possibilité de

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rallonger ce délai à trois, la France a, par une réserve en ce sens, maintenu sa


pratique conventionnelle antérieure. La directive arbitrage fixe quant à elle un
délai de 2 ans, mais offre aux autorités compétentes la possibilité de demander,
sur justification, une extension d’un an de ce délai.
La procédure se poursuit par la désignation d’un arbitre chargé de se
prononcer sur le différend, sa décision ayant vocation à s’imposer aux États
signataires de la convention qui en est la cause.

Pour les conventions qui ne se situent pas dans le champ d’application de la


directive arbitrage et ne sont pas couvertes par l’IM, l’article 25 du modèle OCDE
laisse aux Etats compétence aux États pour régler les modalités de nomination et
d’intervention de l’arbitre. L’OCDE propose tout de même en annexe du modèle de
convention un modèle d’accord amiable sur l’arbitrage qui ouvre la voie à deux
possibilités quant à la manière dont la décision arbitrale pourra être rendue :
- soit celle de l’opinion indépendante : l’arbitre forge sa propre décision au vu
des questions posées et des éléments disponibles. Elle s’impose aux États
contractants.
-soit celle de la dernière meilleure offre ou de l’offre finale : l’arbitre retient
comme décision celle qui lui semble préférable parmi des propositions de décisions
élaborées par les États.
Avant l’entrée en vigueur de l’IM, la France avait ainsi introduit ce type de clauses
dans certaines de ses conventions, (avec les États-Unis, le Canada, l’Allemagne, le
Québec (en effet, il s’agit de la seule convention fiscale signée par la France avec
un Etat fédéré pour les impôts qui relèvent de sa compétence !!), le Royaume–Unis,
la Suisse). La physionomie finale de la procédure dépendait donc de chaque
convention. À titre d’exemple, l’avenant du 13 janvier 2009 à la convention du 31
août 1994 conclu entre la France et les Etats-Unis (FR 32/09, p.37) a introduit, là
ou l’ancienne version de la convention prévoyait déjà une possibilité d’arbitrage
restée lettre morte, une nouvelle procédure d’arbitrage. Il est prévu que la
commission sera composée de trois membres : deux sont choisis par chacun des
États et le troisième, qui sera le président, ne peut être citoyen de l’un des deux
États. Les États transmettent à la commission arbitrale une proposition de décision

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dans les 60 jours qui suivent la nomination de son Président. La commission a alors
six mois à dater de la désignation de son président pour rendre sa décision qui ne
peut être que l’une des propositions faites par les deux États (dernière offre). La
décision est ensuite notifiée au contribuable qui dispose de 30 jours pour accepter
formellement la décision. S’il l’accepte, il doit alors se désister de tout recours
juridictionnel en cours. Sous réserve de cette acceptation, la décision lie donc les
États.

La clause d’arbitrage prévue à l’article 19 de l’instrument multilatéral,


adoptée par la France, comporte une clause d’arbitrage qui retient le mécanisme
de l’offre finale (choisie par la France), mais les États peuvent choisir le mécanisme
de l’opinion indépendante (et la France l’acceptera si c’est la solution choisie par
son partenaire). Par ailleurs, le dispositif prévoit la composition de la Commission
arbitrale (trois personnes physiques possédant expérience ou expertise en fiscalité
internationale désignées par les Parties). À défaut de désignation par les parties
dans les 60 jours de la demande d’arbitrage, les membres peuvent être désignés
par un membre de l’OCDE non national des États signataires. La décision de
l’arbitre s’impose aux États qui la matérialiseront par le biais d’un accord amiable.
Ils peuvent néanmoins décider que la décision arbitrale ne sera contraignante à
leur égard qu’à défaut de s’être mis d’accord dans les trois mois de la
communication de la décision de l’arbitre sur une solution supprimant la double
imposition (choix fait par la France). Les dispositions de l’IM en matière d’arbitrage
s’appliqueront aux conventions comportant déjà une clause d’arbitrage et couverte
(par exemple, la convention conclues par le Canada), elles seront en revanche
supplantées par les dispositions de la directive arbitrage pour les conventions
conclues avec des États européens. Au total, s’agissant de la France, 22
conventions devraient être concernées ce qui accélérera la mise en place de
l’arbitrage.
Au plan européen, la directive impose l’arbitrage en cas d’échec de la procédure
amiable, y compris s’il n’est pas prévu par la convention liant les deux États
concernés. Si la convention concernée comprend une clause d’arbitrage, la
procédure européenne prévaudra. L’arbitrage incombe ici en principe à une

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commission consultative dont la directive fixe la composition. Elle prévoit, pour


éviter les retards constatés en pratique dans la nomination des arbitres, un délai
de 120 jours à défaut de quoi, ses membres seront désignés par un organe ad-
hoc : en France le président du TGI de Paris, Les Êtas concernés peuvent également
choisir de constituer une commission de règlement alternatif des différents pour la
composition et le fonctionnement de laquelle ils disposent de plus de latitude. La
décision de l’arbitre doit être rendue dans un délai de 6 mois (+ 3 mois sur
demande de la commission arbitrale). Cette décision ouvre alors un délai de 6 mois
au cours duquel les États peuvent se mettre d’accord sur une solution alternative
du différend, s’ils le font cette décision prévaudra sur celle de l’arbitre. Les
décisions de la commission arbitrale font l’objet d’une publication, à minima sous
la forme d’un résumé.

SECTION 5 : LA PORTEE JURIDIQUE DES CONVENTIONS FISCALES

Les conventions fiscales sont des traités internationaux qui ont en principe la
primauté sur le droit interne (A). Pourtant, si leur application peut parfois conduire
à réduire les obligations fiscales instituées par le législateur français, elles ne
peuvent en principe intervenir qu’à titre subsidiaire (B).

A - La primauté des conventions fiscales internationales

1 § Le principe de primauté ou de supériorité des conventions fiscales


Les conventions fiscales internationales ne sont qu’une catégorie spécifique de
traités internationaux. Or, les traités ou accords internationaux régulièrement
ratifiés ou approuvés ont, en France, une autorité supérieure à celle des lois, sous
réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie (article
55 de la constitution du 4 octobre 1958). Un contribuable peut donc s’en prévaloir
pour échapper à une imposition prévue par le droit fiscal français dès la publication
de la convention fiscale. En cas de conflit entre la loi interne et les dispositions de
la convention, celles-ci doivent prévaloir. Cette supériorité est aujourd’hui
clairement admise, y compris au regard de dispositions légales postérieures, par le
juge de l’impôt tant en ce qui concerne le juge judiciaire (CC, 24 mai 1975, Société

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des cafés Jacques Vabre, D 1975, p. 497) que le juge administratif (CE, 20 octobre
1989 , Nicolo, n°108243, R.J.F. 11/89, n°1266).

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2 § Signification du principe de supériorité des conventions fiscales


internationales

a) La loi fiscale interne entretient avec les dispositions conventionnelles un


rapport de compatibilité et non de conformité : Conseil d’Etat a en effet jugé que
« si les dispositions d’une convention peuvent conduire à écarter l’application des
dispositions législatives fondant une imposition afin de prévenir une double
imposition, les dispositions nationales ne sauraient pour autant être regardées,
dans une telle hypothèse, comme non conformes à une règle de droit supérieure,
au sens de l’article L.190 du livre des procédures fiscales ». En conséquences, une
décision écartant des dispositions du CGI pour appliquer une convention fiscale ne
peut constituer un événement au sens de l’article R.196-1 du livre des procédures
fiscales rouvrant le délai de réclamation en matière fiscale: CE, n°314406, Société
JAS Hennessy et compagnie, 9 juillet 2010. En l’espèce, une société française
détenant des parts dans une filiale luxembourgeoise s’était vu notifier par
l’administration fiscale des rectifications, sur la base de l’article 209 B du CGI,
correspondant à la taxation d’une partie des bénéfices réalisés par sa filiale
luxembourgeoise. Pour déposer une réclamation contentieuse après expiration du
délai de reprise initiale comme l’y autorisait alors l’article L. 190 du LPF, elle
invoquait une décision du Conseil d’Etat par laquelle celui-ci avait déjà écarté
l’application de l’article 209 B du CGI au profit de la convention Luxembourgeoise,
cette décision ayant, selon elle, révélé la non-conformité générale et absolue du dit
article à la convention. Le conseil d’Etat refuse ici cette analyse. Autrement dit, une
norme fiscale interne écartée au profit d’une disposition conventionnelle au cours
d’une instance fiscale ne peut être considérée comme contraire à la convention,

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elle lui est simplement incompatible et cette incompatibilité est spécifique aux faits
de l’espèce tranchée par le procès au cours duquel elle a été écartée.
Il en résulte logiquement que les dispositions d’une Convention fiscale
internationale ne peuvent être invoquées qu’en plein contentieux lors d’un litige
fiscal individuel. Elles ne peuvent en revanche pas fonder un contentieux de la
légalité contre une disposition réglementaire au cours duquel le requérant ferait
valoir que cette disposition réglementaire doit être annulée au motif qu’elle a été
prise en application d’une loi non-conforme à une convention fiscale internationale.
Le juge considère en effet « qu’eu égard à l’objet d’une telle convention [fiscale],
un moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par des dispositions de
portée générale ne saurait être utilement invoqué à l’appui d’un recours pour
excès de pouvoir contre des dispositions réglementaires prises pour l’application
de telles dispositions » (CE, 8e et 9e ss.-Section, 12 juillet 2013, n°359994, M.
Aube-Martin, concl. Bohnert, Rev. Fisc. 2013, n°37, c. 417, cons. 14).
b) Par ailleurs, il convient de remarquer que l’incompatibilité n’est pas toujours
sanctionnée par la mise à l’écart de la loi nationale, Le pouvoir d’interprétation du
juge fiscal lui permet parfois de neutraliser de potentielles incompatibilités entre
dispositifs fiscaux nationaux et conventions fiscales. On rappelle que le juge de
l’impôt se considère compétent pour interpréter les dispositions conventionnelles,
et qu’il ne se considère pour se faire tenu ni par la position de son administration
nationale, ni par celle de l’autorité nationale de l’autre Etat contractant. Or, fort de
ce pouvoir d’interprétation, le juge s’écarte parfois de la directive d’interprétation
fixée à l’article 3 § 2 du modèle OCDE selon laquelle les dispositions
conventionnelles doivent être interprétées « selon le sens ordinaire des mots »
pour faire prévaloir des qualifications internes qui permettent d’éviter que les
dispositions nationales appliquées au contribuable requérant n’entrent en conflit
avec la convention applicable (voir par ex : CE, Aznavour, 28 mars 2008,
n°271 366, R.D.F.2008/17, p.31 et Julie Burguburu, « Mes concerts, mes impôts,
mes … ou quand l’article 155 A pousse sa chansonnette un peu plus loin », R.J.F.
5/08, p.447 ).

Ex : Charles Aznavour, artiste-chanteur résidant en Suisse, avait donné un concert à

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Paris le 18 avril 1989 en contrepartie duquel avait été versée la somme de 400 000
francs non pas à Charles Aznavour mais à une société établie en Grande–Bretagne.
L’Administration fiscale française a alors estimé que le chanteur devait payer des
impôts en France sur ladite somme sur le fondement de l’article 155 A du CGI. Ce
dispositif anti-abus (cf infra) permet à la France d’imposer les revenus versés au titre
de prestations de services – surtout artistiques et sportives - réalisées en France au
nom de la personne qui les a réalisées alors même que la rémunération
correspondante aurait été versée à un tiers et qu’il n’aurait été pas démontré que le
prestataire en aurait en réalité appréhendé tout ou partie. Monsieur Aznavour a fait
valoir, entre autres moyens, que la convention franco-britannique s’opposait à la
taxation en France des sommes perçues par la société britannique en rémunération
des prestations par lui exécutées en France, l’administration fiscale n’ayant pas
démontré l’existence d’un établissement stable de cette société en France. Pour le
débouter, le Conseil d’Etat, contrairement aux conclusions du commissaire du
gouvernement, n’a même pas examiné le moyen, mais fait remarquer que cette
convention ne pouvait être invoquée par Monsieur Aznavour, puisque les sommes
mises à sa charge en application de l’article 155 A ne venait pas taxer les revenus
de la société britannique mais les revenus de l’artiste lui-même. Pour ce faire, le
Conseil d’État a fait prévaloir la fiction juridique créée par l’article 155 A du CGI
(recours au droit droit national pour l’interprétation) qui tient le prestataire, ici M.
Aznavour, pour titulaire des revenus tirés de sa prestation sur la réalité. On peut
soutenir qu’ « une interprétation de bonne foi suivant le sens ordinaire des termes
du traité » ( directive d’interprétation de la Convention de Vienne) exigeait de
considérer que les revenus dont l’imposition était contestée étaient des revenus de
la société britannique et donc des bénéfices d’entreprise au sens cette convention.

B - Le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales ou de


priorité de la loi interne

Biblio : M. Sadowsky, Le principe de subsidiarité des conventions fiscales


internationales, : Dr. fisc. n° 45/2018, c. 436)

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Selon ce principe, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les


doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à
écarter, sur tel ou tel point la loi fiscale nationale pour éviter ou supprimer une
double imposition, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base
légale à une décision d’imposition.

Ce principe est consacré par une jurisprudence constante depuis l’arrêt


d’assemblée du CE du 28 juin 2002, n° 232 276, Schneider Electric (R.D.F.
n°36/2002, c.657). Il constitue une sorte de guide méthodologique à l’intention de
l’administration et/ou du juge confrontés à une double imposition potentielle. Un
raisonnement en deux étapes doit être suivi.
Il convient :
1° d’abord de se placer au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si
l'imposition contestée a été valablement établie. A défaut, l’imposition contestée
devra être abandonnée sur le fondement de la loi nationale, de telle sorte que le
texte conventionnel n’aura pas besoin d’être sollicité. Dans le cas contraire, la
seconde étape devra être mise en œuvre.
2° il conviendra alors de vérifier si la convention fiscale n’écarte pas la
compétence à la France pour taxer les revenus objets de la double imposition, si la
convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ».

Cette démarche doit être suivie au besoin d'office par le juge même si les parties
ne soulèvent pas de moyens tirés de la méconnaissance du droit interne, et fait du
recours aux conventions internationales un moyen subsidiaire d’élimination des
doubles impositions. .
La Cour de Cassation a refusé de rejoindre la position du Conseil d’Etat et de
consacrer le principe subsidiarité. Dans un arrêt de principe (Cass, ass. Plén., 2 oct.
2015, n° 14-14.256, DGFip c/Mme Eshagh : Dr. fisc. 46/2015, comm. 679) en
matière de droits de succession, elle a précisé « qu’en vertu de la hiérarchie des
normes, il convient de se référer, d’abord, aux conventions internationales ».
L’affaire concernait la succession d’un marocain fiscalement domicilié à Monaco et
qui détenait des parts de sociétés immobilières en France. La Cour considère qu’il

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convient de vérifier d’abord que la convention permet à la France de taxer les dits
biens, et en cas de réponse positive de se poser subsidiairement la question de
savoir si le droit interne permet une telle imposition. Or en l’espèce, l’article 6 de la
convention Franco-monégasque réservant à l’Etat du défunt le droit de taxer les
valeurs mobilières dont il est propriétaire au moment du décès, la France ne
pouvait taxer quand bien même l’article 750 ter prévoit que sont soumis aux droit
de mutation par décès les biens immeubles situées en France, biens immeubles
auxquels sont assimilés (2° al4) les titres de sociétés à prépondérance immobilière
c’est-à-dire celles donc l’actif est principalement constitué en France. Le
raisonnement inverse aurait conduit à la même conclusion en raison du principe de
supériorité, la convention qualifiant clairement les titres en question de biens
incorporels, mais la Cour confirme une interprétation divergente de celle du Conseil
d’Etat.

La portée exacte du principe de subsidiarité retenue par le seul juge


administratif, apparemment simple, appelle néanmoins quelques précisions. Ce
principe de subsidiarité aurait du selon certains s’accompagner d’un corolaire à
savoir le principe de non aggravation selon lequel une imposition non prévue par la
loi interne ne devrait pas pouvoir être réclamée sur le seul fondement d’une
convention fiscale internationale et l’application d’une convention fiscale
internationale ne devrait pas conduire à l’aggravation de la charge fiscale du
contribuable au regard du droit interne. Or, les jurisprudences récentes qui ont
précisé le principe de subsidiarité, laisse à penser que cette affirmation est
erronée.
- d’abord parce que dans un certain nombre de cas, la loi interne elle-même prévoit
que des dispositions conventionnelles pourront donner compétence à la France
pour imposer des bénéfices ou des revenus qui en application du code général seul
ne devraient pas être taxés. Il en est ainsi par exemple de l’article 209 -1 du CGI
qui prévoit que « les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont
déterminés … en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les
entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à
la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ». Il

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en est de même de l’article 165 bis du CGI qui dispose que « nonobstant toute
disposition contraire du présent code, sont passibles en France de l’impôt sur le
revenu tous les revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une
convention fiscale internationale ». Saisi d’une double imposition, le juge pourra
donc se dispenser de recourir au raisonnement binaire présenté précédemment et
procéder à un raisonnement raccourci consistant à vérifier en première intention
que la compétence de taxation est bien attribuée à la France par le texte
conventionnel. Dans l’affirmative, il pourra confirmer une imposition non prévue
par les dispositions du code général des impôts. Ce faisant, il ne portera pas
atteinte au principe de subsidiarité puisque c’est sur habilitation du droit français
que la compétence fiscale peut être attribuée à la France par la convention (CE,
Société Zimmer Limited », n°304715 et 308 525, 31 mars 2010, R.J.F. 6/2010, c.
568).
Pour autant, indéniablement l’application de la convention sera donc de nature à
augmenter la charge fiscale du contribuable par rapport à ce qu’elle aurait dû être
si seul le droit français avait été mobilisé.

- Par ailleurs, l’application, même à titre subsidiaire, d’une convention fiscale, peut
conduire à refuser à un contribuable la déduction d’une charge, d’un crédit
d’impôt, d’un avantage fiscal auquel il aurait pu avoir droit en application du droit
interne et donc par voie de conséquence à alourdir sa dette fiscale dès lors que la
France se voit conventionnellement privée de sa compétence d’imposition. On
peut citer l’exemple jurisprudentiel suivant : CE, 12 juin 2013, n° 351702, Sté BNP
Paribas, et concl. Emilie Bokdam-Tognetti, RJF 10/13, p. 787. La société requérante,
la Sté BNP Paris Bas, avait déduit de son bénéfice imposable des provisions pour
dépréciation de titres d’une de ses filiales canadiennes, déduction en principe
autorisée par le droit français (CGI, art. 39). Pour autant, l’administration avait
considéré qu’en application de la convention franco-canadienne cette déduction
devait être refusée, ce qu’a validé le Conseil d’Etat. Il a en effet constaté que, la
convention fiscale applicable réservant la compétence d’imposer les plus-values
sur titres au Canada, par un traitement symétrique des bénéfices et des pertes,
elle impose que les moins-values correspondantes ne puissent être déduites que

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dans ce seul Etat. Cette attribution des pertes à la seule compétence territoriale du
Canada interdisait que des provisions destinées à faire face à de telles pertes
puissent être déduites en France dès lors que le droit français subordonne la
déduction des provisions à la déductibilité des pertes anticipées. Un tel
raisonnement préserve le principe de subsidiarité, la convention venant s’opposer
à l’application de la loi nationale mais confirme incontestablement que subsidiarité
ne rime pas obligatoirement avec non aggravation. Il s’agit en fait d’éviter que des
conventions initialement destinées résoudre des cas de double imposition ne
puissent fonder des cas de double déduction ou de double non-imposition.
Pour autant attention, si la décision BNP Paris confirme que l’application des
règles conventionnelles de répartition du pouvoir d’imposer peut conduire à priver
un contribuable d’un avantage fiscal prévu par le droit français dès lors que celui-ci
ne relève pas conventionnellement de la compétence territoriale française, une
disposition conventionnelle ne peut en aucun cas priver le contribuable d’une
exonération fiscale prévue par la loi française si le pouvoir d’imposer est
conventionnellement confié à la France. Voir pour exemple, TA Montreuil 18
novembre 2011, n°1005653, 10e ch., Griveau, RJF 6/2012, n° 552) : Un résident
chinois avait cédé des titres d’une société française et, à cette occasion, réalisé
des plus-values. Tout en relevant du champ d’application de l’IR français, ces plus-
values étaient exonérées puisque les droits du cédant dans la société n’avaient
jamais dépassé 25% des bénéfices de la société. La convention prévoyant que ce
type de plus–values relevait de la compétence française sans faire référence à une
quelconque exonération, l’administration s’est cru fondée à s’en prévaloir pour
refuser l’exonération. Le Tribunal n’a pas validé l’analyse confirmant que si les
conventions fiscales peuvent contrarier le principe de territorialité retenu par le
législateur français pour tenir compte de l’arrangement entre deux Etats, elles ne
peuvent en aucun cas revenir sur des exonérations légales.

La position de la Cour de Cassation sur le principe de non aggravation n’est


pas connue à ce jour. Elle avant pourtant été saisie du moyen dans une affaire
dans laquelle des résidents de Monaco (nationaux français ayant transféré à
Monaco leur domicile) avaient été soumis en France à l’ISF, comme des résidents

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français, sur le fondement de dispositions de la convention franco-monégasque


alors même que les dispositions relatives au code général des impôts relatives à
l’ISF ne contiennent aucune disposition en ce sens. Si la Cour confirme l’imposition,
sa position sur le principe de non aggravation n’est pas très claire car elle ne se
prononce pas clairement sur le moyen mais le rejette pour cause de complexité sur
le fondement de l’article 978 du Code procédure pénale. (Cass. Com, 26 octobre
2010, n°09-15044, Mme Mettey, RDF 2011, n°3, comm.117.).

Chapitre 2 : Le droit de l’Union européenne et droit fiscal


international

Le droit fiscal international en tant que droit qui s’applique à des agents ou
des opérations qui mettent en cause au moins deux pays trouve aussi, et de plus
en plus, sa source dans le droit communautaire primaire mais aussi dérivé. En
effet, si au niveau européen, la politique fiscale de chacun des Etats membres
relève de sa souveraineté, leur appartenance à l’Union contraint de plus en plus
leurs choix fiscaux notamment lorsque sont en cause des situations transfrontières
intra-UE, mais aussi au-delà des opérations réalisées avec des pays tiers.
En réalité, les contraintes européennes qui pèsent sur les États membres lors
de l’élaboration des règles fiscales applicables aux opérations transfrontières, que
ces règles soient internes ou même conventionnelles, diffèrent dans leur source et
leur intensité selon les situations :
- soit les règles concernées relèvent d’un domaine qui a fait l’objet d’une
harmonisation au plan communautaire et dans ce cas la latitude laissée à l’échelon
national est réduite ;
- soit, en l’absence même de toute harmonisation, la législation fiscale
nationale ne doit pas constituer une entrave aux libertés communautaires et
notamment aux libertés de circulation. La Cour de justice le rappelle constamment,
si les États membres restent libres de définir leur politique fiscale notamment en
matière de fiscalité directe, ils ne peuvent le faire que dans le strict respect des
principes communautaires (CJCE, 14 février 1995, Schumacker, C-279/93, point 21,

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Rec., p.I-225). L’élimination des entraves fiscales pour toutes les formes d’activités
économiques transfrontalières étant un des objectifs régulièrement réaffirmé par la
Commission européenne, la mise en place de dispositifs fiscaux protectionnistes
devient donc plus en plus difficile.
- soit enfin, encouragée en cela par le « code de conduite dans le domaine de
la fiscalité des entreprises » du Conseil du 1er décembre 1997, la Commission s’est
saisie des articles 107 et 108 du TFUE relatif aux aides d’État pour contrer, sous
couvert de préservation de la concurrence, un certain nombre de dispositifs fiscaux
par lesquels les États cherchent à augmenter l’attractivité fiscale de leur territoire
et qu’elle analyse comme relevant d’une « concurrence fiscale dommageable ».

SECTION 1 - LES CONTRAINTES RÉSULTANT DE L’HARMONISATION FISCALE

EUROPÉENNE DANS LE TRAITEMENT FISCAL DES OPÉRATIONS

INTERNATIONALES

Le niveau d’harmonisation des normes fiscales au niveau européen diffère


selon les impôts concernés. L’harmonisation des impôts indirects frappant la
consommation a très tôt été considérée comme une condition indispensable de la
réalisation du marché unique et est donc à ce jour relativement poussée, malgré la
règle de l’unanimité, même si des réformes sont encore débattues notamment
pour adapter la législation européenne aux enjeux environnementaux et à lutte
contre la fraude (1§). En revanche, le domaine de la fiscalité directe est encore
relativement peu harmonisé, les États membres ayant clairement entendu
préserver leur souveraineté en ce domaine : après avoir consenti à la mise en
place d’une monnaie unique et à l’encadrement de leurs politiques budgétaires, les
impôts frappant les revenus et les bénéfices apparaissent comme le dernier levier
d’intervention économique dont ils disposent encore. Les 5 dernières années ont
néanmoins été marquées par une activité législative européenne intense. Si les
États membres n’ont pas encore réussit à se mettre d’accord sur la mise en place
d’un impôt commun, la « taxe GAFA » ayant pour l’instant été repoussée, ils ont
admis l’idée que les libertés européennes étaient en soit facilitatrices de la fraude

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et d’évasion fiscale au sein de l’UE et accepté de se doter de d’outils communs


pour la lutte contre de tels comportements (§2),

Biblio : Rapport d’information AN, n° 3193, X. PaluszKiewicz et F. Dumas, L’espace


fiscal européen, 9 juillet 2020.

A - L’harmonisation des impôts indirects

L’article 113 du traité sur le fonctionnement de l’UE) en matière de fiscalité


indirecte (TVA, droit d’accises) prévoit que le « Conseil des ministres de l’UE,
statuant à l’unanimité sur proposition de la commission et après consultation du
parlement européen, arrête les dispositions touchant à l’harmonisation des
législations des États membres relatives à la fiscalité indirecte dans la mesure où
cette harmonisation est nécessaire pour assurer l'établissement et le
fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence » :
l’harmonisation concerne en premier lieu la TVA, puis les droits d’accises et les
impôts sur les rassemblements de capitaux.

1 § L’harmonisation de la TVA
En matière de TVA, le principal acte législatif communautaire est la sixième
directive sur la TVA du 17 mai 1977 (Journal Officiel L 145 du 13 juin 1977)
refondue par la directive 200/112 du 28 novembre 2006 qui a établi une assiette
uniforme dans toute la Communauté européenne de l'époque. Cette directive a été
modifiée depuis et mise à jour à plusieurs reprises. Il n’est pas question ici de
présenter en détails le mécanisme de la TVA qui s’applique uniformément sur le
territoire de tous les États membres, mais simplement, s’agissant d’un cours de
fiscalité internationale, de rappeler que cette directive laisse peu de marge de
manœuvre aux États en ce qui concerne le traitement, en TVA, des opérations
transfrontières. S’agissant des échanges intra-européens (livraisons de biens entre
assujettis établis dans deux États membres différents ou acquisition par une
personne physique d’un bien dans un État membre autre que celui de sa résidence,
prestations de service transfrontières), la directive met en place, depuis le 1 er

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janvier 1993 et la suppression des frontières physiques en Europe, un régime


particulier dont l’objectif est d’assurer que la TVA collectée sur une opération
transfrontière le soit au taux de l’État de consommation du bien ou de la prestation
de service et à son profit. Pour ce faire, s’agissant des livraisons de biens entre
professionnels, elle prévoit que les biens sont expédiés en exonération de TVA,
l’acquéreur ayant l’obligation d’auto-liquider la TVA, c’est-à-dire de se substituer à
son propre vendeur pour calculer et reverser la TVA à l’Administration de l’État de
son établissement. Les transactions réalisées avec des opérateurs établis en
dehors de l’Union européenne, c’est-à-dire les exportations au sens européen du
terme, sont-elles exonérées de TVA de sorte que les biens d’origine communautaire
ne soient pas handicapés sur le marché mondial, alors qu’à l’inverse toute
importation de biens sur le territoire de l’Union donne en principe lieu à perception
de la TVA au moment du passage de la frontière.

Dans la pratique, ces mécanismes, particulièrement celui de l’auto-liquidation


sur les acquisitions intra-UE, se sont avérés particulièrement propices à la fraude,
notamment à la fraude dite « carrousel ». Cette fraude qui implique forcément 3
entreprises de différents États membres permet d’obtenir le remboursement, par
un État de l’Union, d’une taxe qui n’a jamais été acquittée en amont et induit non
seulement de lourdes pertes fiscales mais également d’importantes distorsions de
concurrence. La France a ainsi dans le cadre de ce type de fraude procédé au
remboursement indu de 1,6 milliards d’Euros de TVA en à peine huit mois entre
2008 et 2009 dans le cadre de transactions réalisées sur le marché des quotas-
carbone sans espoir de récupération des sommes ( affaire ayant donné lieu au film
intitulé CARBONE d’Olivier Marchal avec B. Magimel) .

Schéma simplifié de fraude carrousel


1ère étape : Une société « A » est créée en France par le fraudeur. Cette société,
dite taxi, va acquérir un conteneur de parfums de marque à l’entreprise « B »
basée en Roumanie pour 100 000 €. Son vendeur lui facture ces produits HT
puisqu’il s’agit d’une livraison intra-UE.

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2nde étape : La société « A » va revendre ce conteneur à une entreprise « C », elle


aussi basée en France pour le même prix. S’agissant d’une vente nationale elle se
fait pour 100 000 € TTC ( dont 16 667 € de Tva au taux de 20%). L’entreprise
« C », que l’on appelle le déducteur, pourra réclamer 16 667 € de TVA au Trésor.
De son côté, l’entreprise « A », qui a facturé 16 667 € de TVA à l’entreprise « C »,
ne versera jamais ce montant au Trésor, puisqu’elle va généralement disparaître
avant trois mois. En somme, l’entreprise « C » a bénéficié d’une marchandise
d’une valeur de 100 000 € au prix de 83 333 €, avec 20 % d’économie que
constitue le taux de TVA.
Il suffit, ensuite à l’entreprise de restituer les dits container à la société « A » en
franchise de TVA pour que l’opération puisse être reproduite., d’où le nom de
fraude carrousel par référence aux manèges de chevaux de bois.

À cette fragilité structurelle du régime intra-communautaire de TVA, s’ajoute


le développement de l’e-commerce qui permet à certains opérateurs (européens
ou non) de réaliser des ventes en ligne à destination de consommateurs européens
sans s’identifier à la TVA et déclarer la TVA. Or pour ces types de fraude, les
mécanismes d’échange d’informations via le réseau VIES et de coopération
administrative traditionnellement mis en place par le règlement n°904/2010 du
Conseil du 7 octobre 2010 ne suffisent plus. Compte tenu de la situation budgétaire
des États membres et de l’importance de la TVA dans leurs ressources, il doit
pourtant impérativement être mis un coup d’arrêt à la fraude la concernant. Ainsi
la Commission évalue l’écart de TVA en Europe à environ 150 milliards par an, dont
à peu près 50 imputables à la fraude transfrontière). Elle a donc le 7 avril 2016
adopté un plan d’action sur la TVA (COM (2016) 148 final.

Ce plan d’action a depuis été décliné en divers domaines concernant :


- d’une part le commerce digitalisé : en la matière, un certain nombre de
textes ont d’ores et déjà été adoptés et sont entrés en vigueur tant pour
lutter contre la fraude que pour faciliter le développement de ce type
d’activités : mise en place d’un guichet unique pour les entreprises qui

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vendent des biens en ligne, réforme du régime de vente à distance,


désignation des plateformes de vente à distance en tant que redevables de
la TVA par exemple;

- d’autre part, une importante proposition de directive [COM(2017) 569] vise


à réformer le régime intra-UE de TVA pour instaurer, enfin, un régime dit
définitif de TVA plus robuste à la fraude . En cours, de discussion, le texte
envisage que les livraisons transfrontières intra-UE soient réalisées TTC par
le vendeur mais au taux de l’État de destination du bien, à charge pour
l’État d’établissement du vendeur de s’assurer que la TVA ainsi collectée
soit ensuite reversée au Trésor public de l’État de l’acquéreur. Les
négociations semblent néanmoins butter à la réticence de certains États à
confier la collecte et le recouvrement d’une partie de leurs recettes fiscales
aux administrations de leurs homologues….

2 § l’harmonisation des droits d'accises


Les droits d’accises sont des taxes indirectes sur la consommation ou l'utilisation
de certains produits. Contrairement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ce sont
des taxes spécifiques, c'est-à-dire exprimées en montant monétaire par quantité
de produit. Les produits à accises sont les boissons alcoolisées, les tabacs
manufacturés, les produits énergétiques (les carburants et les combustibles, tels
que le pétrole et l'essence, l'électricité, le gaz naturel, la houille et le coke).
Tous les États membres de l'UE appliquent des droits d'accises à ces trois
catégories de produits. Les recettes tirées de ces droits reviennent entièrement aux
États membres. La législation communautaire concernant les droits d'accises a
principalement été adoptée dans le cadre de l'établissement du marché intérieur
au 1er janvier 1993, puisque ce dernier supposait la suppression des contrôles
fiscaux aux frontières intérieures entre les États membres. Cette législation, qui a
été développée depuis et est fixée actuellement par la directive 2008/118 du
Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise qui prévoit que la
taxation doit avoir lieu lors de la mise en consommation du produit donc dans le
pays de consommation. En attendant la mise à la consommation, la circulation des

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produits soumis à accises en suspension de droits s'effectue par le biais d'entrepôts


fiscaux interconnectés, ce qui permet d’expédier des produits d’un pays à un autre
sans que l’accise soit perçue à chaque stade. Ainsi de l'essence pourra être
expédiée par bateau d'une raffinerie de pétrole située dans un état membre de
l'Union européenne à destination d'un dépôt pétrolier situé dans un autre état
membre sans que l'accise ne soit perçue au départ ou à l'arrivée. Ce ne sera que
lorsque le distributeur va soustraire l'essence du dépôt pour la conduire vers les
stations que l'accise deviendra exigible puisqu'à ce moment, le produit est
soustrait du régime suspensif. Le coût des accises exigibles sera alors répercuté
par les distributeurs dans le prix facturé aux exploitants des pompes et sera en
définitive supporté par le consommateur. Un régime particulier est mis en place
pour les particuliers. Ils ont la possibilité d'acheter les produits de leur choix dans
d'autres États membres, accises comprises. Ils peuvent ensuite transporter le bien
soumis à accise dans un autre état membre sans supporter de nouveau les droits
d’accises mais sous la condition que ce soit pour leurs besoins propres
exclusivement et que le transport soit assuré par leurs soins (d’où par exemple, la
limitation du nombre de paquets de cigarettes qu’il est possible d’importer
d’Espagne !!!).

Pour chaque type de produits, des directives particulières fixent un minimum de


perception commun qui s’impose aux États membres. Mais ce ne sont que des
minima, ce qui explique les différences de prix constatés par exemple sur les
tabacs, les carburants et l’alcool au sein de l’Union européenne. La directive
2003/96/CE du 27 octobre 2003, par exemple, fixe le cadre européen de la taxation
des produits énergétiques. Elle fixe la structure de l’accise et définit des taux
minimaux d'imposition applicables au pétrole, au charbon, au gaz naturel et à
l'électricité, lorsque ces produits sont utilisés comme carburant ou combustible de
chauffage à l’exception des produits utilisés comme matière première. Pour ce faire
la directive définit les produits énergétiques visés, prévoit les cas dans lesquels les
États sont habilités à appliquer des taux différenciés (transports publics locaux,
forces armées.). Elle fixe aussi les exonérations qui peuvent être mises en place

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par les Êtas (navigation aérienne, biocarburant, énergie solaire…). Elle prévoit
ensuite des accises minimales selon le produit visé. La Commission européenne
avait présenté le 13 avril 2011 une proposition de révision de la directive sur la
taxation de l’énergie (DTE) intitulée vers une taxation plus intelligente de l’énergie
dans l’UE. La Commission espérait ainsi restructurer la taxation de l’énergie en UE
de manière à ce que cette taxation puisse d’une part servir les besoins budgétaires
des Etats, et d’autre part les engagements pris au niveau européen en matière de
réduction des émissions des gaz à effet de serre. Il s’agissait de scinder les droits
d’accise en deux taxes distinctes : une taxe minimale qui aurait frappé les
différents produits en fonction de leur impact CO2 (20 € par tonne de CO 2) de sorte
que l’accise minimale aurait été plus faible pour l’électricité solaire, éolienne que
pour l’énergie d’origine thermique, ce qui aurait permis de faire disparaître la
taxation par défaut actuellement pratiquée (l’énergie électrique est aujourd’hui
taxée uniformément, sauf décision d’exonération par l’État membre,
indépendamment de sa source). Une taxe supplémentaire était prévue dont le
montant aurait été fonction du contenu énergétique des produits afin par exemple
de ne plus privilégier, comme c’est le cas aujourd’hui, le charbon qui, a contenu
énergétique équivalent, est moins taxé que le pétrole, La proposition a été retirée
en 2015, mais le Conseil ECOFIN a, le 5 déc. 2019 donné son accord de principe
pour une réforme des principes de taxation de ces produits énergétiques pour
contribuer à la transition vers une UE neutre pour le climat….

B - Les retards de l’harmonisation en matière de fiscalité directe

Le TFUE ne vise pas expressément l’harmonisation des impôts directs au sein de


l’UE. Son ’article 115 qui prévoit que « le Conseil, statuant à l'unanimité
conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du
Parlement Européen du Comité économique et social, arrête des directives pour le
rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des
États membres qui ont une incidence directe sur l'établissement ou le
fonctionnement du marché commun », l’autorise néanmoins. En pratique, elle s’est

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avérée très difficile, l’unanimité requise étant souvent illusoire dans le cadre d’une
Europe à 28 (désormais à 27).
Il n’en reste pas moins que les États membres sont parvenus à un consensus
dans certains domaines où un certain nombre de directives ont adoptées : il s’est
d’abord agit, dans les années 90, d’instaurer des solutions aux impositions dont les
effets auraient été préjudiciable au développement du marché intérieur et depuis
quelques temps de faciliter la lutte contre la fraude et de l’évasion fiscale
internationale. La commission européenne a par ailleurs proposé que les modalités
de calcul de l’impôt sur les sociétés soient harmonisées au sein de l’Union, mais
l’ACCIS n’a pour l’instant pas été adopté.

1 § Les directives concernant les cas de doubles impositions


L’élimination des doubles impositions à l’intérieur de la Communauté européenne
constitue incontestablement un moyen vers l’établissement d’un marché intérieur.
Le principe figurait d’ailleurs de manière explicite à l’article 293 du traité CE. La
Cour avait cependant « n’ont pas pour effet de poser une règle juridique opérante
comme telle, mais se borne à tracer le cadre d’une négociation que les Etats
membres engageront entre eux en tant que de besoin », lui déniant ainsi tout effet
direct (CJCE 11 juillet 1985, aff. C-137/84, Mutsch). Il a finalement été supprimé
par le traité de Lisbonne et n’apparait plus dans le TFUE. La CJCE constatait aussi
qu’en l’absence de mesure d’harmonisation ou d’unification, les États membres
demeurent donc compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale,
les critères de répartition de leur pouvoir de taxation, en vue, notamment,
d’éliminer les doubles impositions. Que s’il leur appartient de prendre les mesures
nécessaires pour prévenir les situations de double imposition, en utilisant,
notamment, les critères suivis dans la pratique fiscale internationale, il n’existe pas
à leur charge une obligation inconditionnelle de prévenir les doubles impositions
(CJCE, 1ère ch., 16 juill. 2009, M. Damseaux c/ Belgique, aff. n° C-128/08, point 35
).

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Pour certaines doubles impositions, les États membres sont néanmoins arrivés
à un accord et des directives ont été adoptées : trois directives en matière de
fiscalité des entreprises et une pour la fiscalité des particuliers.

- La directive 2011/96/CE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime


fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents
qui interdit à l’État de la filiale d’appliquer les retenues à la source qui, selon les
principes fixés par l’OCDE, frappent les bénéfices distribués par une filiale à sa
société mère. Elle oblige par ailleurs l’État de résidence de la société mère à tenir
compte, par imputation ou exonération, de l’impôt payé par la filiale sur ces
bénéfices. Double imposition juridique et économique sont donc supprimées pour
faciliter la constitution de groupes de sociétés et la circulation des capitaux au
niveau européen. Cette directive a été révisée récemment pour en renforcer les
conditions de mise en œuvre afin qu’elle ne puisse fonder des doubles non
impositions (directive 2014/86/UE du 8 juillet 2014 et directive 2015/121 du 27
janvier 2015 qui introduit une clause anti-abus et prévoit que les États peuvent
refuser le bénéfice de la directive aux sociétés qui n’ont aucune réalité
économique).

- La directive 2003/49/CE du 3 juin 2003 concernant le régime fiscal commun


applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre les sociétés
associées d’États membres différents : ce texte supprime les retenues à la source
sur les intérêts et redevance payées entre sociétés liées à condition que l’une
détienne au moins 25% du capital de l’autre depuis deux ans de manière
ininterrompue. Il s’agit d’éviter les frais de trésorerie engendrés par le mécanisme
de l’imputation souvent retenu par les conventions internationales.

S’ajoute à ces deux directives, la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009,


concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports
d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents
qui vise à éliminer les obstacles fiscaux aux opérations de restructuration au sein
de l’UE. En effet, les opérations par lesquelles une société d’un État membre

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fusionne ou absorbe une société d’un autre État membre sont des opérations qui
engendrent potentiellement un coût fiscal important de nature à dissuader les
groupes transfrontaliers de procéder à ce type de réorganisation. Dès lors que ces
opérations entraîne la disparition de la société absorbée, elles génèrent au plan
fiscal des plus-values taxables, la perte de la possibilité de reporter les déficits, la
taxation des profits de liquidation distribués et pour les associés la taxation des
plus-values sur titres. Si l’État de résidence de la société absorbée peut
parfaitement assurer la neutralité fiscale de ce type d’opérations lorsqu’elle est
réalisée entre sociétés résidentes, il sera moins enclin à ce type de facilité fiscale
lorsque la société qui persistera après l’opération se trouvera sur le territoire d’un
autre État membre. La directive dont il est ici question organise la neutralité fiscale
de telles opérations et oblige à ce titre l’État de résidence de la société absorbée à
s’abstenir de taxer l’opération au moment où elle est effectuée

2§ Les directives visant à améliorer la lutte contre la fraude et


l’évasion fiscale

Les directives qui vise à améliorer les conditions de lutte contre la fraude et
l’évasion fiscale internationale au sein de l’UE, sont nombreuses. Ne seront citées
ici que les principales.
- La directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des
revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts mettait en place des
obligations d’échange automatiques d’informations entre administrations
nationales afin que les intérêts perçus par un particulier dans un État autre que
celui de sa résidence soient effectivement taxés dans ce dernier. Cette directive a
d’abord été modifiée en mars 2014 : il s’est alors agit d’améliorer les conditions de
transmission des informations relatives à ces intérêts à l’état de résidence du
bénéficiaire en tenant compte notamment de possibles interposition de personnes
(fiducie par exemple) et d’élargir la liste des revenus concernés par l’obligation
d’échange automatique d’informations aux dividendes et à d’autres type de
revenus du capital, ainsi qu’aux soldes annuels des comptes produisant ces
revenus que ces placements soient détenus par des particuliers ou des entreprises.

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Elle est entrée en vigueur en janvier 2016. Les établissements payeurs de tels
revenus doivent informer l’Administration de leur État d’établissement du nom,
adresse du bénéficiaire ainsi que des sommes versées. L’administration en assure
la transmission à celle de l’État de résidence du bénéficiaire. Finalement la
directive a été abrogée le 10 novembre 2014 et ses dispositions reprises dans le
texte de la directive qui suit.

- La directive/18/UE du 15 février 2011 relative à la coopération administrative


dans le domaine fiscal (sauf la TVA et les droits d’accises), directive dite DAC. Elle
organise les modalités d’échanges d’informations à la demande, spontanés ou
encore automatiques entre administrations fiscales et prévoit la possibilité de
procéder à des contrôles conjoints entre administration. Cette directive a été
modifiée 6 fois depuis 2011 pour étendre le champ d’application : extension de
l’échange automatique aux comptes financiers (directive DAC 2, 2014/107 du 9
décembre 2014 ), extension de l’échange automatique aux rescrits (directive
DAC 3 2015/2376 du Conseil du 8 décembre 2015), extension de l’échange
automatique aux déclarations par pays (directive DAC 4, 2016/881 du 25 mai
2016) et extension de l’échange automatique à certains montages déclarés par les
intermédiaires financiers (directive DAC 6, 2018/822 du 25 mai 2018), pour ne citer
que cela.

- Le 12 juillet 2016 a été adoptée par le Conseil de l’Europe une directive 2016/
1164 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasions fiscales qui
ont une incidence directe sur le marché intérieur dite ATAD qui met en place un
certain nombre de dispositifs pour lutte contre les pratiques de planification
agressives des grandes entreprises (par exemple obliger les États à intégrer dans
leur législation intérieure une clause anti-abus générale minimale, un dispositif
société étrangères contrôlées (cf. supra), des dispositifs anti-hybrides). Elle devra
être transposée avant le 31/12/2018.

3§ Le projet ACCIS

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Au-delà de ces acquis, en octobre 2001, dans une communication intitulée « vers
un marché intérieur sans entraves fiscales » la Commission avait présenté de
nouvelles initiatives pour l'avenir dans le domaine de la fiscalité des entreprises au
sein de l'Union européenne. La communication constatait que la coexistence de
multiples systèmes fiscaux formait entrave au développement des activités
transfrontalières des sociétés au sein de l’UE notamment en ce qu’elle les obligeait
à des frais de mise en conformité fiscale et excluait la compensation
transfrontalière des pertes. La Commission a ensuite émis l’idée qu’en l’absence
d’une harmonisation des taux, une harmonisation de l’assiette pourrait constituer
une avancée importante et notamment permettrait une concurrence loyale par les
taux. Cette harmonisation réduirait également les risques de transfert indirect de
bénéfices liés à la fixation des prix de transfert intragroupes. Le projet ACCIS,
(assiette commune consolidée à l’Impôt sur les sociétés) a donc fait l’objet d’une
première proposition de directive en 2011 de la commission (COM/2011/121). Selon
cette proposition, les groupes de sociétés réalisant des opérations transfrontalières
intra-UE aurait établir leurs bases d’imposition à l’impôt sur les sociétés dans
chacun des États dans lesquels ils interviennent en appliquant des règles
harmonisées. Il s’agirait :
- de dégager un résultat imposable unique au niveau du groupe. Ce résultat
correspondrait à la somme algébrique des résultats et déficits de chacune des
entités, de sorte que les pertes réalisées dans un État pourrait venir compenser les
profits réalisés dans un autre. Ce résultat devrait être déclaré auprès d’une seule
administration, celle de l’Etat dans lequel est établie la société mère ou son lieu de
direction effective, le groupe concerné n’ayant plus d’obligations déclaratives
auprès de chaque administration étatique ;
- puis d’attribuer à chacun des États dans lesquels une ou plusieurs entités
interviennent une quote-part de ce résultat déterminée en fonction de trois
facteurs : main-d’œuvre (nombre d’employés et masse salariale), immobilisations
corporelles et chiffre d’affaires afin que chacun puisse taxe la base qui lui revient à
son propre taux.
Alors qu’était envisagé la mise en place d’une coopération renforcée sur ce projet
entre au moins 9 États, le dossier s’est enlisé. Les négociations ont cependant été

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relancées en juin 2015. Pour essayer d’obtenir un consensus, la Commission


européenne a décidé de scinder le projet en deux étapes successives : d’abord,
l’application de règles harmonisées pour le calcul des assiettes nationales, puis
plus tard, la consolidation c’est-à-dire le calcul d’un résultat européen à répartir
entre États intéressés. Deux propositions de directives ont été présentées en ce
sens le 25 octobre 2016 (COM(2016) 683 final et 685 final).

SECTION 2 - LES CONTRAINTES RÉSULTANT DE L’OBLIGATION D’ASSURER

L’EFFECTIVITÉ DES QUATRE LIBERTÉS COMMUNAUTAIRES OU L’INTÉGRATION

NÉGATIVES

En 1957, le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne


(CEE) a marqué l’ouverture d’un processus d'intégration progressive des
économies européennes pour créer une Union économique et monétaire devenue
au 1er janvier 2013 un marché intérieur. Pour y parvenir, les pays européens ont dû
et doivent s’abstenir de mettre en place des barrières internes, des obstacles à la
libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes (les "quatre
libertés européennes") y compris celles qui consistent en des prélèvements de
nature fiscale.

Si les Traités successifs mentionnent expressément l’interdiction des entraves


fiscales à la libre circulation des marchandises (A), c’est à la Cour de justice qu’il
est revenu de s’assurer que les États membres n’utilisent pas l’outil fiscal,
notamment les impôts directs, pour restreindre la libre circulation des personnes
des services et des capitaux (B).

A - L’interdiction des entraves fiscales à la libre circulation des marchandises

Les articles 13 et 14 du traité de Rome prévoyaient que les droits de douane


et les restrictions quantitatives devaient être éliminés progressivement au cours de
la période de transition qui devait durer douze ans, soit jusqu'au 31 décembre

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1969 de manière à ce que la liberté de circulation des marchandises soit assurée


entre les États. La suppression des droits de douanes entre les six membres
fondateurs (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) a
finalement été plus rapide que prévu puisque l’Union douanière a été réalisée au
1er juillet 1968. Parallèlement, un tarif douanier commun a été établi à l'égard des
pays tiers. Le droit communautaire en matière de législation douanière a été
codifié dans le code des douanes communautaire qui est entré en vigueur en 1992.
Ce code des douanes a fait l’objet d’une modernisation par le règlement CE,
n°450/2008 du 23 avril 2008 adopté en codécison du parlement européen et du
Conseil.
Toutefois, tous les obstacles aux échanges n'avaient pas disparu notamment
les prélèvements qui bien que n’étant pas formellement des droits de douanes,
constituent des taxes d’effet équivalent à des droits de douane ou des impositions
intérieures discriminatoires ou protectrices. Expressément interdites par les
dispositions du traité, elles ont été (il en existait 500 en 1958) et sont encore
utilisées par les États pour protéger leur économie à l’égard des autres états
membres. Ces prélèvements peuvent être contestés par la Commission
européenne dans le cadre d’une recourt en manquement mais aussi par un
particulier ou une entreprise qui en aurait été redevable (les art. 28 et 30 du traité
CE ont en effet été reconnu comme ayant un effet direct : CJCE, 5 février 1963, Van
Gend en Loos, 26/62, GAJUE n°1).

1 § Les taxes d’effet équivalant à des droits de douane prohibées


par l’article 30 du TFUE

Étant donné l’absence de définition de ce concept dans les traités successifs,


la jurisprudence a dû en fournir une. La Cour de justice considère qu’il s’agit de
toute charge pécuniaire, fut-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que
soient son appellation et sa technique et frappant les marchandises nationales ou
étrangères à raison du fait qu’elles franchissent la frontière et ceci alors même
qu’elle ne serait pas perçue au profit de l’État, , qu’elle n’exercerait aucun effet
discriminatoire ou protecteur et que le produit imposé ne se trouverait pas en
concurrence avec une production nationale. Ainsi la Cour de justice, a sanctionné

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l’Italie pour avoir mis en place des « droits statistiques » qui frappaient les produits
tant à l’importation qu’à l’exportation. Bien que non discriminatoires, ces
constituent selon la Cour une entrave à la libre circulation des marchandises
(CJCE, 1er juillet 1969, Commission c/ Italie, aff. 24/68, Rec CJCE 1969, p. 193,
concl. K Roemer). Ces taxes d’effet équivalent ne peuvent, contrairement aux
restrictions quantitatives, bénéficier des justifications de l’article 36 du TFUE . Les
États ne peuvent donc arguer de la protection de l’environnement, ni même de
raisons sanitaires ou d’ordre public pour en justifier le maintien.
L’interdiction des restrictions à libre circulation des marchandises est telle que
constituent des taxes d’effet équivalent les prélèvements qui sont perçus non pas à
raison du franchissement d’une frontière nationale mais de celui d’une frontière
régionale intra-étatique : voir par ex, à propos de l’octroi de mer (ancienne
version : Voir, M.-J. Aglaé, Octroi de mer : un impôt en sursis ?; Dr. fisc, n°44/2016,
c. 564 ) perçu lors de l’introduction de marchandises sur le territoire des
départements d’outre-mer (C.J.C.E., 16 juillet 1992, Legros et a , c-163/90) quand
bien même l’octroi frapperait les marchandises importées de la France
métropolitaine et les produits étrangers. Voir également CJCE, 9 septembre 2004,
Carbonati Apuani, C-72/03, Rec. p. I-8027 : taxation des poudres de marbre
lorsqu’elles sortent du territoire de la commune de Carrare, y compris lorsqu’elles
ne sont pas destinées à l’exportation. Elle n’a donc pas à être discriminatoire pour
constituer une entrave à la liberté de circulation (C.J.C.E, 20 février 1979, aff. C-
120 /78, Rewe-Zentral AG c/Bundesmonopolverwaltung fûr Brannwein (Cassis de
Dijon), rec. CJCE, I, p.649, pt 14).

2 § Les impositions intérieures discriminatoires ou protectrices prohibées


par l’article 110 TFUE

En principe, les États membres demeurent libres de choisir leurs impositions


intérieures. Pour autant, elles peuvent être prohibées, lorsque bien que n’étant pas
prélevées à raison du franchissement d’une frontière, elles :
Al 1 : « pèsent directement ou indirectement plus lourdement sur des produits
des autres États membres que sur des produits nationaux similaires c'est-à-dire des
produits nationaux qui « présentent aux yeux du consommateur des propriétés

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analogues ou répondent aux mêmes besoins : taxes dites discriminatoires qui vicie
les rapports de concurrence entre produit importés et produits nationaux.
À ce titre par exemple, a été jugé prohibée une taxe introduite par la France
sous le nom de « droit de distillation » sur les seuls alcools de céréales, dans la
mesure où elle ne s’appliquait pas aux alcools de vin ou de fruits. La Cour a en
effet considéré que ces produits du fait de leurs caractéristiques entraient en
concurrence avec les produits dont la vente était taxée, de telle sorte que la taxe
avait en réalité pour effet de surtaxer des produits importés (Whisky, Vodka) au
profit des produits nationaux (Cognac, eaux de vie) : CJCE, 27 février 1980,
Commission contre France, aff. 168/78, Rec. CJCE p.347, concl. Reischl. Voir par
exemple aussi, la taxe sur la pollution instaurée par la Roumanie qui frappait les
véhicules lors de leur première immatriculation en Roumanie, dans la mesure où,
selon la Cour, elle décourageait la mise en circulation dans le dit État membre de
véhicules achetés dans d’autres États membres (CJUE, 8 avril 2011, aff. C-29/11 et
C-30/11 Sfichi) : cette taxe applicable aux premières immatriculation en Roumanie
ne s’appliquait pas lors de la ré-immatriculation en Roumanie de véhicules mis en
circulation en Roumanie avant l’entrée en vigueur de la taxe, de telle sorte qu’à
caractéristiques techniques égales un véhicule d’occasion importé en Roumanie
après l’instauration de la taxe et immatriculé supportait la taxe, alors qu’un
véhicule mis en circulation en Roumanie avant l’instauration de la taxe et ré-
immatriculé après n’en supportera pas. Voir également pour une taxe sur la
possession de véhicules de grosse cylindrée introduite par la Grèce au titre de
l’année 2013 et frappant les véhicules de moins de 10 ans, délai calculé à compter
de la date de leur première mise en circulation en Grèce (CJUE, 7 mars 2019, aff. C-
689/19, Elleniko Dimosio, Europe 5/2019, comm. 194).
Al 2 : frappent des produits des autres états membres qui ne sont pas en
concurrence directe avec une production nationale mais dont la taxation pourrait
indirectement favoriser d’autres productions nationales : taxes dites
protectionnistes. Par exemple, a été jugée protectionniste l’institution par la
Belgique d’un taux de TVA plus important sur les vins que sur la bière. Après avoir
admis qu’il ne s’agit pas de produits similaires, la cour a jugé que l’institution par la
Belgique d’une telle taxe avait une incidence sur les rapports de concurrence des

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produits considérés et était de nature à influer le marché en cause en diminuant la


consommation potentielle des produits importés au profit de produits nationaux.
(CJCE, 9 juillet 1987, commission contre Belgique, aff356/85 ; Rec . CJCE, p.3299).

NB : la liberté de circulation des marchandises est garantie non seulement aux


produits d’origine communautaire, mais également aux marchandises en
provenance d’États tiers, pour autant qu’elles soient mises en libre pratique, c’est-
à-dire que les formalités douanières les concernant aient été réalisées.

B - Fiscalité nationale et entraves aux autres libertés communautaires

Les libertés communautaires comprennent aussi les trois libertés


« traditionnelles » que sont la liberté d’établissement, la libre prestation de
services auxquelles est venue s’ajouter, à compter de 1990, la liberté de
circulation des capitaux. Ces libertés justifient, selon A. Maitrôt de la Motte, une
« intégration négative » des législations fiscales nationales qui résulte de la
prohibition et de la sanction des entraves fiscales. Si la fiscalité directe échappe
très largement à l’harmonisation et donc à l’obligation d’appliquer des règles
fiscales communes, il est en effet indéniable que les interdictions qui découlent de
la jurisprudence de la Cour en matière de libertés européennes réduisent très
largement la latitude des législateurs fiscaux et conduisent imperceptiblement au
rapprochement des législations en la matière.

La construction jurisprudentielle dont il va être donné description trouve son acte


fondateur dans l’arrêt du 14 janvier 1994, Finanzamt Kölh-Alstadt/Roland
Schumacker, (RDF 1995, n°20, com. 1089). Les faits étaient les suivants : M.
Schumacker, salarié d’un cabinet de kinésithérapie en Allemagne, de nationalité
belge et résidant avec sa femme en Belgique, s’était vu refuser par l’administration
fiscale allemande le bénéfice du « splitting tarif », mécanisme d’imposition
applicable uniquement aux couples mariés résidant en Allemagne. Il subissait donc

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une imposition plus lourde que ses collègues résidents allemands ayant une
rémunération et une situation familiale identique. La Cour a ici initié sa
jurisprudence selon laquelle si «la fiscalité directe relève de la compétence des
États membres, il n’en reste pas moins que ces derniers doivent l’exercer dans le
respect du droit communautaire » et admis que les libertés de européennes
s’imposent aussi aux politiques fiscales des États membres, notamment en matière
de fiscalité directe.

Depuis, la mise en cause de la législation nationale peut survenir soit à l’occasion


d’un recours en manquement initié par la commission spontanément ou sur plainte
d’un État membre, soit plus fréquemment, dans le cadre d’un contentieux fiscal au
cours duquel un contribuable soulève la incompatibilité des dispositions fiscales qui
lui sont appliquées à l’un des principes européens pour obtenir la décharge ou la
réduction d’une imposition. Mais de manière moins visible mais tout aussi
importante, cette jurisprudence impose aux législateurs nationaux d’intégrer les
interdits communautaires dès la conception de la règle fiscale, notamment
lorsqu’elle concerne des situations transfrontières.

De manière générale, lorsque la Cour est appelée à se prononcer sur le caractère


entravant d’une disposition fiscale nationale, elle procède en trois étapes
successives. Elle recherche, si :
1° la législation en cause institue une discrimination selon la nationalité qui ne
peut être justifiée par aucune différence objective entre contribuables ;
2° si la discrimination peut être justifiée par l’État qui en est à l’origine par « une
raison impérieuse d’intérêt général » telle que la lutte contre la fraude fiscale
3° si, enfin, l’entrave est proportionnée aux objectifs visés par la législation
litigieuse. Pour ce faire, dans la plupart des hypothèses, la Cour de Justice vérifie si
l’État n’aurait pas pu atteindre le même objectif en instaurant un régime moins
contraignant pour les opérateurs.

Les deux libertés européennes les plus communément utilisées par les requérants
pour contester des dispositions fiscales nationales sont la liberté d’établissement
et, de plus en plus fréquemment, la libre circulation des capitaux. Si le

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raisonnement qui peut conduire la Cour à les juger entravantes ne dépend pas de
la liberté invoquée par le requérant, le fondement choisi pour la contestation n’est
pas équivalent.

1§ Caractérisation d’une entrave prohibée

a) Existence d’une discrimination


La cour de justice a eu maintes fois à juger de la compatibilité de normes fiscales
nationales aux libertés européennes de circulation. Elle considère que les États ne
peuvent adopter, malgré leur souveraineté fiscale, des entraves fiscales, et qu’une
telle entrave est constituée lorsque la mesure fiscale en cause a pour effet
d’interdire, de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice de la liberté
considérée. Elle sanctionne à ce titre les discriminations constitutives soit d’une
entrave à l’entrée, soit d’une entrave à la sortie.

Constituent ainsi des entraves à l’entrée, les dispositions fiscales discriminatoires


restreignant l’établissement de contribuables non-résidents sur le territoire d’un
État ou l’entrée de capitaux étrangers sur ce même territoire. Leur interdiction
implique qu’un État ne peut donc, en principe, créer des règles fiscales différentes
pour les entreprises résidentes et non résidentes de nature à « rendre moins
attrayant l’exercice de la liberté d’établissement par des sociétés établies dans
d’autres États membre, lesquelles pourraient en conséquence renoncer à
l’acquisition, à la création ou au maintien d’une filiale sur son territoire, à moins
qu’il n’existe entre les entreprises résidentes et non résidentes une différence
objective justifiant une telle différence de traitement . Ainsi, pour ne prendre qu’un
cas relativement simple, la CJCE a jugé que la disposition fiscale finlandaise qui
exonérait les dividendes versés par des sociétés finlandaises à des sociétés mères
résidentes de cet État, mais appliquait une retenue à la source aux dividendes
versés par une filiale finlandaise à une SICAV Luxembourgeoise contrevenait à la
liberté d’établissement (C.J.CE., 18 juin 2009, aff. C-303/07, Anderdeen Property
Fininvest Alpha Oy, R.D.F. 36/2009, c.445.). Le dispositif a été jugé entravant car
discriminatoire, les dividendes sortant au profit de SICAV luxembourgeoises étant

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plus lourdement taxés que ceux bénéficiant à des sociétés nationales. Pour éviter
cette conclusion, le gouvernement finlandais, faisait valoir que la différence de
traitement des dividendes n’était pas fondée sur la nationalité (résidence-non
résidence) des sociétés bénéficiaires, mais sur une différence objective de
situations entre les SICAV luxembourgeoises et les société locales, la forme
juridique SICAV étant inconnue du droit finlandais. Mais dès lors que « le caractère
comparable d'une situation transfrontalière avec une situation interne doit être
examiné en tenant compte de l'objectif poursuivi par les dispositions nationales en
cause ainsi que de l'objet et du contenu de ces dernières », la Cour qui a considéré
que la disposition était discriminatoire, les différences existant entre une SICAV de
droit luxembourgeois et une société anonyme de droit finlandais, n’étant pas
suffisantes pour créer une distinction objective au regard de l’exonération de la
retenue à la source sur les dividendes perçus. Le contrôle de comparabilité des
situations internes et transnationales, étape fondamentale de l’identification d’une
entrave, laisse au juge une grande latitude, et est parfois difficile à appréhender. …

Sont également interdites les entraves à la sortie, Ici encore, il s’agit de


discriminations fiscales qui ne peuvent être justifiées par une différences objective
de situation, mais qui conduisent la législation de l’État membre qui en est à
l’origine à gêner ou interdire l’établissement ou l’investissement de ses propres
résidents dans un autre État membre. En matière de fiscalité des entreprises, sont
constamment jugées constitutives d’entraves à la sortie, les législations dites
sociétés étrangères contrôlées (SEC) qui permettent aux États de réintégrer dans
les bénéfices d’une entreprise résidente, les bénéfices réalisés par des sociétés
qu’ils contrôlent ou des succursales qui sont établies sur le territoire d’État dans
lesquels elles bénéficient d’un traitement fiscal privilégié (Cadbury Schweppes et
Cadbury Schweppes Overseas du 12 septembre 2006, affaire C-196/04 ; cf infra
article 209 du CGI). Dans une affaire récente,intéressant la France, a été considéré
comme constitutif d’une entrave, le dispositif français dit du précompte mobilier
(supprimé en 2005) dans la mesure où ce dispositif ne permettait pas aux sociétés
françaises bénéficiant de dividendes distribués par une filiale non résidente
d’imputer l’impôt payé par ces filiales sur les bénéfices distribués sur le précompte

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calculé en France alors que cela était possible pour des dividendes distribués par
des filiales françaises. L’entrave n’est pas ici constituée par le fait que les
dividendes entrants subissent une double imposition mais par le fait que
l’’élimination de la double imposition économique est assurée de manière
discriminatoire selon l’origine des dividendes perçus (CJUE, 4 octobre 2018, affaire
C-416/17, affaire commission contre France recours en manquement de la
commission). En revanche, dans un autre affaire très récente, la Cour de justice a
refusé de considérer que constituait une entrave à liberté d’établissement la
législation tchèque refusant à une société dans le siège statutaire se situait aux
Pays bas, la déduction des pertes réalisées dans cet État avant que son siège réel,
et donc sa résidence, ne soit transférée en république Tchèque. La cour considère
en effet que cette société ne se trouve pas dans une situation comparable à celle
d’une société dont la résidence aurait préalablement été fixée en République
Tchèque : en effet, du point de vue de la finalité de la règle contestée, à savoir
préserver la répartition du pouvoir d’imposer entre les États membres, la société
ayant modifié son siège réel pourrait être tentée d’imputer les dites pertes dans
deux États différents, ce que ne pourrait pas faire une société dont le siège aurait
constamment été situé en République Tchèque (CJUE, 4e ch., 27 févr. 2020, C-
405/18, Aures Holdings ; Dr. fisc. 10/2020, act. 80).

b) Raisons impérieuses d’intérêt général


La seule constatation d’une discrimination et donc d’une entrave ne suffit pas à
condamner la législation en cause : l’État dont elle émane peut en effet invoquer
pour la justifier ce que la Cour appelle « des raisons impérieuses d’intérêt
général ». Ces raisons sont en nombre limité, la Cour admettant celles qui
résultent :
- de la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et le recouvrement
de l’impôt : ainsi, par exemple, la législation qui s’oppose à ce que des intérêts
versés par une société résidente à une société non résidente soient déduits du
bénéfice imposable en tant que charges, alors que la déductibilité est admise dans
un cadre domestique (dispositif dit anti-sous capitalisation) pourra éventuellement
être justifiée par la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale (CJCE, 4e ch, 3 oct.

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2013, aff. C-282/12, Itelcar, Dr. fisc 2013, n°41, act. 539) à condition bien entendu
que la justification passe le cap du test de proportionnalité). Les dispositifs SEC
précités peuvent être justifiés par ce motif. Il s’agit d’ailleurs de la justification la
plus communément invoquée par les États.
- de la nécessité pour les États de garantir la cohérence du système fiscal et la
répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre États membres : voir pour
exemple, CJCE, 28 janvier 1992, aff. 240/90 Bachman, R.J.F. 11/92, c.1589 dans
laquelle la Cour a jugé que la législation belge qui, en matière d’impôt sur le
revenu, subordonnait la déductibilité de cotisations d’assurance maladie et
invalidité à la condition que ces cotisations aient été versées dans cet État membre
constituait une restriction à la libre circulation. Elle a en effet considéré que cette
règle était susceptible de s’exercer au détriment de travailleurs qui, ayant exercé
une activité dans un premier État membre, viennent ensuite travailler en Belgique
et conservent les contrats d’assurance souscrits auprès d’assureurs du premier
État, de telle sorte que cette législation belge risquait de jouer en particulier contre
des ressortissants d’autres Etats que la Belgique (discrimination indirecte à la
nationalité). Mais la Cour a considéré que cette restriction pouvait être justifiée par
la nécessité de garantir la cohérence du système belge dans la mesure où la
législation belge ménage un lien entre la déductibilité des cotisations et
l’imposition des prestations maladie, invalidité lorsqu’elles sont versées par
l’assureur. Or lorsque ces prestations sont versées par un assureur étrangers, leur
taxation est difficile.

Toute autre justification est refusée : celle notamment tirée de la nécessité de


préserver les recettes fiscales.

c) Test de proportionnalité
Il ne suffit pas pour les États de pouvoir se prévaloir d’une raison impérieuse
d’intérêt général, il faut encore que la gêne qui est occasionnée par la norme
contestée à l’exercice de la liberté concernée soit en rapport et proportionnée à
l’objectif poursuivi. Pour vérifier que cette condition est remplie, la Cour soumet
l’entrave à un test dit de proportionnalité et pour ce faire vérifie souvent que

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l’objectif invoqué n’aurait pu être atteint par des moyens plus adaptés et plus
respectueux de la liberté de circulation mise en cause.

Ainsi, lorsque il est argué de la nécessité de préserver l’efficacité des contrôles


fiscaux, les dispositifs qui posent une présomption irréfragable de fraude sont
prohibés : la Cour considère en effet que les discriminations justifiées par la lutte
contre la fraude ou l’évasion fiscale ne peuvent viser que des montages purement
artificiels dépourvus de réalité économique dont le but exclusif est d’éluder l’impôt
normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le
territoire national » et ne doivent en aucun cas concerner des hypothèses dans
lesquelles la liberté est légitimement exercée. En conséquence, tous les dispositifs
qui instaure des présomptions irréfragables de fraude notamment de transfert de
bénéfices vers des pays à fiscalité privilégiée ont été progressivement
condamnées, l’usage d’une liberté communautaire n’étant pas en soit abusive. La
question se pose de manière récurrente à propos des dispositifs relatifs aux
sociétés étrangères contrôlées (SEC). Ainsi par exemple, dans un arrêt du 12
septembre 2006 Aff. 196/04, Cadburry Schweppes plc, la CJCE a considéré que le
mécanisme de la législation britannique qui prévoyait que les bénéfices réalisés
par des filiales (détenues à plus de 50%) des sociétés résidentes au RU (filiales
dites sociétés étrangères contrôlées SEC) sont intégrés dans le bénéfice taxable de
la société mère lorsque la SEC est établie dans un État dans lequel elle supporte
sur ses bénéfices un impôt inférieur à 75% de ce qu’elle aurait dû payer si elle
avait été taxable au RU pourrait ne pas être conforme à la liberté d’établissement.
Le législateur britannique visait évidemment à lutter contre la fraude consistant
pour une société à transférer artificiellement ses bénéfices dans un autre État
membre où est pratiqué un taux d’imposition réduit. Pour autant, la Cour a jugé
que le dispositif devait, pour ne pas être disproportionné, permettre à la SEC de
démontrer que son implantation dans un tel État ne consistait pas en un abus de
liberté d’établissement mais « en une implantation réelle porteuse d’activité
commerciale effective ». Le dispositif doit donc se limiter aux cas qui seraient
constitutifs d’un abus de droit et d’un abus de liberté communautaire. Cette
décision a conduit la France à réformer son article 209 B du CGI puisque

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l’administration doit désormais lorsque la filiale se situe dans un autre État


membre établir qu’il y a un montage purement artificiel destiné à éluder une partie
de l’impôt français (voir pour une condamnation de l’article 209 B dans sa version
antérieure par le Conseil d’État, CE, plén. Fisc. 4 juillet, Bolloré SA, Dr. Fisc.
38/2014, c. 536 dès lors que cette disposition pourrait « avoir pour effet d’inclure
dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés les résultats de sociétés bénéficiaires,
alors qu’elles exercent une activité réelle et effective à l’étranger).

2§ Liberté d’établissement versus libre circulation des capitaux

Les dispositifs fiscaux nationaux peuvent porter atteinte tout aussi bien à la liberté
d’établissement des opérateurs, qu’à la libre prestation de service ou à la libre
circulation des capitaux, et parfois même porter atteinte à plusieurs d’entre elles
simultanément. Quand une entrave est constatée la sanction est la même quelle
que soit la liberté invoquée, mais le champ d’application de ces libertés n’est pas
exactement le même et la rigueur de la Cour peut varier.

a) Des définitions différentes

L’article 49 du traité instituant l’Union européenne (Traité de Lisbonne entré en


vigueur au 1er décembre 2009) interdit les restrictions à la liberté d’établissement
des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre. Cette
liberté vise l’accès aux activités non salariées et à leur exercice, ainsi que la
constitution et la gestion d’entreprises notamment de sociétés dans les conditions
définies par la législation du pays d’établissement. Elle comprend aussi la
possibilité de créer des agences, de succursales ou de filiales, par des opérateurs
établis sur le territoire d'un autre État membre.

Le principe de libre circulation des capitaux n’était au départ qu’un objectif à


atteindre : les États membres se devaient de « supprimer progressivement entre
eux (…) les restrictions aux mouvements de capitaux » (article 67 du Traité de
Rome), les États membres ayant craint qu’une libéralisation trop rapide de la
circulation des capitaux ne déstabilise le marché européen. Elle n’est devenue une

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liberté qu’avec la Directive 88/361/CEE du 24 juin 1988, puis le Traité de Maastricht


de février 1992 a intégré ce principe dans l’article 73 B, devenu article 63 TFUE.
Sont ainsi prohibées, « les mesures nationales qui sont de nature à dissuader les
non résidents à faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les
résidents du dit État membre d’en faire dans d’autres Etats » (C.J.C.E., 23 février
2006, Héritiers van Hilten-van der Heidjen, point 44, C-513/03, R.J.F. 06/07, c.646).

L’interdiction des restrictions à la liberté de circulation des capitaux vise aussi


bien les investissements réalisés par des entreprises que par des particuliers :

- s’agissant des particuliers : dans un arrêt en date du 6 juin 2000 (affaire C-35/98
Staatssecretaris Van Vinancien et BGM Verkooigen), la Cour a eu par exemple à
condamner une disposition d’une loi néerlandaise qui subordonnait l’octroi d’une
exonération de l’impôt sur le revenu auquel sont soumis les dividendes versés à
des personnes physiques actionnaires à la condition que lesdits dividendes soient
versés par des sociétés ayant leur siège au Pays-Bas. Plus précisément, il s’agissait
d’un contribuable néerlandais qui souhaitait bénéficier de l’exonération des
dividendes d’une société belge dans le cadre d’un plan d’épargne d’entreprise
ouvert aux travailleurs du groupe Petrofina. S’agissant de la France, la disposition
qui interdisait aux ex résidents français cédant leur ex résidence principale située
en France après avoir transféré leur résidence dans un État européen de bénéficier
de l’exonération prévue par l’article à l’article 150 U II 2° du CGI pour ce type de
cessions a été jugé non conforme à la liberté de circulation des capitaux ( TA
versailles, 26 juin 2018, n° 1503365 ; Dr. fisc. 7/2019, comm. 157). La loi de
finances pour 2019 a tiré les conséquences de cette condamnation, et l’article 244
bis A, I, 1 du CGI étend désormais l’exonération résidence principale aux non-
résidents européens si la cession porte sur l’ex-résidence principale, si elle
intervient au plus tard au 31/12 de l’année qui suit le transfert de domicile hors de
France et si l’immeuble n’a en aucune manière été mis à disposition d’un tiers
entre ce transfert et la cession.
S'agissant des entreprises : La Cour de justice a par exemple jugé que la retenue
à la source prélevée par la France sur les dividendes versés à une société
étrangère déficitaire constituait une entrave dès lors qu'elle conduit à une

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discrimination entre sociétés bénéficiaires résidentes et non résidentes. Les


premières ne sont pas taxées sur les dividendes perçus si au terme de l'exercice de
perception lorsqu'elles sont déficitaires et risquent de ne pas l'être si elles cessent
leur activité avant d'être revenue à une situation bénéficiaire, les secondes le sont
sans pouvoir demander la restitution de la retenue à la source payée (CJUE, 22
novembre 2018, C- 575/17, Sofina SA ea contre Ministre de l'action et des comptes
publics ; Dr. fisc. 26/2019, comm. 311).

Comme le démontrent les exemples précédents, certaines dispositions fiscales,


notamment celles qui concernent le traitement fiscal de dividendes peuvent en
pratique relever des deux libertés : les participations d’une société ou d’une
personnes physique dans une entreprise peuvent en effet constituer de simples
investissements financiers ou au contraire être un moyen de participer aux
décisions de l’entreprise. Ainsi pour la Cour, relève du champ d'application de
l'article 49 TFUE la législation nationale qui a vocation à s'appliquer aux seules
participations permettant d'exercer une influence certaine sur les décisions d'une
société et de déterminer les activités de celle-ci ; relève au contraire du champ
d'application de l'article 63 TFUE une législation nationale qui a vocation à
s'appliquer à des participations effectuées dans la seule intention de réaliser un
placement financier sans intention d'influer sur la gestion et le contrôle de

l'entreprise (CJUE, 1ère ch, 11 sept 2014, aff. C-47/12, Kronos international Inc,
points 29 et suivants). En pratique, il conviendra donc, pour identifier la liberté
applicable, de déterminer si le dispositif contesté à vocation à s’appliquer aux
seules participations qui permettent d’exercer une influence certaine sur les
activités d’une société ou uniquement à celles réalisées dans la seule intention de
réaliser un placement financier (par exemple parce que la législation ne vise que
les participations de moins de 10%). Si tel est le cas, il conviendra de n’appliquer
que la liberté d’établissement ou la libre circulation des capitaux. En présence
d’une législation dont l’objet ne permet pas de déterminer si celle-ci relève de
manière prépondérante de l’article 49 TFUE ou de l’article 63 TFUE, la Cour
distingue deux hypothèses :

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- soit la législation nationale se rapporte à des dividendes qui trouvent leur


origine dans un État membre, il convient alors de tenir compte des
éléments factuels du cas d’espèce, à savoir du taux de participation
notamment de la personne bénéficiaire dans la société distributrice, afin de
déterminer si la situation visée par le litige relève de l’article 49 TFUE ou de
l’article 63 TFUE ;
- soit la législation concerne le traitement fiscal des dividendes originaires
d’un État tiers, et la Cour considère qu’elle doit être examinée au regard de
la libre circulation des capitaux, indépendant de l’importance de la
participation de la société bénéficiaire dans la société distributrice.

La question est d’importance, car d’une part, les deux libertés n’ont pas le même
champ d’application territorial et d’autre part, la liberté de circulation des capitaux
admet certaines entraves prohibées quand est en cause la liberté d’établissement.

b) Des spécificités d’application

À la différence de la liberté d’établissement qui ne protège que les résidents des


États membres, le principe de libre circulation des capitaux est un principe
susceptible de s’appliquer dans les relations des États membres avec les pays tiers
(art 56 §1). Il interdit donc aux États d’instaurer des entraves aux mouvements de
capitaux états membres, mais également entre Etats membres et États tiers. Tous
doivent bénéficier du même régime fiscal, sous réserve bien entendu d’être placé
dans une situation comparable au regard de l’objet de la disposition en cause. Elle
est donc potentiellement plus protectrice. Par ailleurs, la Cour de justice précise
que les sociétés qui, bien qu’ayant leur siège statutaire ou leur principal
établissement sur le territoire d’un État européen, sont constituées en conformité
avec la législation d’un État tiers ne peuvent bénéficier de la liberté
d’établissement. Ces sociétés peuvent néanmoins bénéficier de la liberté de
circulation des capitaux en ce qui concerne leurs investissements, si cette liberté
est applicable ( CJUE, 1ère ch, 11 sept 2014, aff. C-47/12, Kronos international Inc,
points 46 et s.) .

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Par ex a été reconnu comme non conforme au principe de libre circulation des
capitaux la disposition de l’article 164 C du CGI qui permettait, en France, de taxer
à l’IR les non-résidents non nationaux (en l’espèce une allemande résidente de
Monaco) à raison de la détention d’un immeuble en France (CE, plén. fisc., 11 avr.
2014, n° 332885, min. c/ Mme Lappe, concl. É. Crépey, Dr. fisc. n°25/2014, c. 392.).

La protection des résidents de pays tiers vis-à-vis des entraves à la circulation des
capitaux doit cependant être nuancée pour plusieurs raisons :

- D’abord, parce que l’article 64 TFUE (clause de gel ou de standstill) prévoit que
les États membres restent libres de maintenir dans leur législation des restrictions
existant avant le 31 décembre 1993 en ce qui concerne les capitaux en
provenance ou à destination de pays tiers. Il s’agit en fait de permettre aux États
de maintenir des protections contre les prises de contrôle de leurs entreprises par
des capitaux en provenance d’États tiers. Ainsi par exemple, la Cour a jugé que
l’Autriche pouvait maintenir une législation, existant au 31 décembre 1993, qui
soumet les dividendes distribués aux personnes physiques par des sociétés
résidentes à un taux d’imposition qui est égal à la moitié du taux moyen, tout en
prévoyant une imposition au taux plein pour les dividendes venant de pays tiers
(en l’espèce la Suisse) (CJUE, 24 mai 2007, C-157/05, Holbock) .

- Ensuite, parce que le test de proportionnalité est appliqué avec plus de souplesse
quand sont en cause des opérations réalisées avec des pays tiers, qu’avec des
Etats membres. Ainsi, après avoir jugé que la taxe de 3% sur les immeubles de
sociétés (taxe égale à 3% de la valeur vénale des immeubles détenus en France
destinée à éviter l’évasion en matière d’ISF . Cette taxe ne touchait que les seules
sociétés étrangères sauf si elles fournissaient l’identité de leurs associés et s’il
existait une convention d’assistance administrative entre le pays du siège de la
société et la France) constituait une restriction à la liberté de circulation des
capitaux justifiée par des objectifs de lutte contre la fraude pour ce qui concerne
une société établie au Luxembourg et propriétaire d’un immeuble en France (CJUE,
28 octobre 2010, Etablissements Rimbaud SA, RJF 1/2011, c.128 ), la CJUE a

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considéré que ce même dispositif n’était pas disproportionné aux exigences de la


lutte contre la fraude fiscale dans un litige concernant une société établie au
Lichtenstein (CJUE, Elisa, 11 octobre 2007, aff. 451/05, R.J.F 1/08, n97) notamment
parce que dans le cadre de l’Union, les États sont liés par des engagements
d’assistance administrative alors que ces textes n’engagent pas le Lichtenstein.
(CJUE, 5 mai 2011, Prunus SARL et Polonium SA, note A. Maîtrot de la Motte, RDF
24/2011, c. 393 : les exceptions à la liberté européenne de circulation des
capitaux : réflexions sur le champ d’application de l’article 64 TFUE).

SECTION 2 BIS - ARTICULATION DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE ET

DES AUTRES SOURCES DU DROIT FISCAL

A - Articulation conventions fiscales internationale et droit de l’union

Le droit conventionnel et le droit communautaire sont du fait de différences


d’objectifs et de logique qui les sous-tends susceptibles d’entrer en conflit
notamment en matière de fiscalité directe alors qu’ils s’appliquent à aux même
fait. En effet, alors que les conventions fiscales visent à régler les rapports
interétatiques et à prévoir une répartition du pouvoir d’imposer les situations
transfrontières satisfaisante pour les contractants, le droit de l’UE poursuit lui la
création d’un marché intérieur sans entraves fiscales.

Or pour la CJ de l’Union européenne, le droit communautaire est supérieur aux


conventions fiscales internationales dans la mesure où « les droits qu’il octroie [aux
ressortissants des États membres] sont inconditionnels et un État membre ne
saura faire dépendre leur respect du contenu d’une convention conclue avec un
autre État membre » (CJCE, 28 janvier 1986, aff 270/83, commission contre France,
point 26).

Trois enseignements semblent devoir être dégagées de la jurisprudence


communautaire sur ces rapports :

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- si les États demeurent libres, et sont même encouragés à le faire, de consentir


par la voie de conventions des aménagements de leur pouvoir d’imposer, ils
doivent le faire dans le respect du droit communautaire c’est dire principalement
du principe de non-discrimination et les quatre libertés. Voir par exemple, CJCE, 21
septembre 1999, aff 307/99, Cie de Saint Gobain, point 57 : la compagnie Saint
Gobain, société française, avait en Allemagne une succursale, Saint Gobain ZN,
constitutive d’un établissement stable en Allemagne. Cette succursale allemande
qui avait bénéficié de la distribution de dividendes en provenance de filiales
établies aux Etats-Unis et en Suisse, s’était vu refusé l’exonération des dividendes
au motif que les conventions liant l’Allemagne et ces pays réservaient cette
exonération aux sociétés allemandes ou aux filiales allemandes de sociétés
étrangères. Saisie, la Cour a d’une part considéré que les dispositions
conventionnelles en cause limitaient le choix de la forme juridique appropriée pour
exercer des activités dans un autre État membre, ce qui est contraire au principe
de la liberté d’établissement de l’article 52 TCE, et conclu ensuite que « s'agissant
d'une convention de double imposition conclue entre un État membre et un pays
tiers, le principe du traitement national impose à l'État membre partie à ladite
convention d'accorder aux établissements stables de sociétés communautaires
établis sur son territoire les avantages prévus par la convention aux mêmes
conditions que celles qui s'appliquent aux sociétés résidentes » (Voir aussi, CJCE,
19 janvier 2006, Bouanich, C-265/04, Rec. p. I-923, point 49). Il convient d’ailleurs
de remarquer que le contrôle de conformité des conventions bilatérales au droit de
l’Union est opéré par le juge fiscal, juge de droit commun du droit de l’Union (CE,
30 mars 2005, n°230053, min. C/ Vilatte, RJF 7/05, n° 751, concl. M.H. Mitjavile,
BDCF 7/05 ; ,n°96 confirmé par CE 27 juillet 2012, n° 337656, min. C/ Regazzacci,
RJF 11/12, n° 1012 nonobstant que le fait qu’en principe le juge administratif ne se
reconnait pas compétent pour apprécier la conformité d’un accord au regard
d’autres engagements internationaux auxquels la France est partie (CE, 23
décembre 2011, Kandyne de Brito Paiva, n° 303678, RJF 3/12, n° 288).
- en revanche, a CJCE a refusé de considérer que le principe communautaire de
non-discrimination emporte reconnaissance dans chaque convention fiscale ratifiée
par un État membre d’une « la clause de la nation la plus favorisée » implicite qui

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permettrait à un résident d’un Etat membre A lié par une convention fiscale à un
état membre B de demander à bénéficier des avantages fiscaux consentis par une
convention bilatérale conclue par l’Etat B au profit des résidents d’un autre état
membre C lorsque ces avantages sont plus favorables. Ainsi, la CJCE a, dans un
arrêt « D » du 5 juillet 2005, affaire C 376/03, Dr. fisc. 2005, n° 29, act. 161 refusé
qu’un résident allemand, imposable sur la fortune aux Pays-Bas pour les biens
immobiliers qu'il y possédait puisse bénéficier de l'avantage fiscal accordé aux
résidents belges propriétaires de biens immobiliers aux Pays-Bas par la convention
bilatérale conclue entre les Pays-Bas et la Belgique. A l’appui de cette position, la
Cour souligne que le fait « que ces droits et obligations réciproques ne s’appliquent
qu’à des personnes résidentes de l’un des deux États membres contractants est
une conséquence inhérente aux conventions bilatérales préventives de la double
imposition ». Les États européens n’ont donc pas à étendre automatiquement à
tous les résidents des autres états membres la même garantie contre les doubles
impositions que celle qu’ils octroient, par voie conventionnelle, aux résident de l’un
d’entre d’eux. La différence de traitement qui en résulte pour ces non-résidents
n’est pas systématiquement discriminatoire dans la mesure où les avantages
consentis par voie conventionnelle sont relatifs, ils participent de l’équilibre
général d’une convention fiscale lequel est déterminé en fonction non seulement
de la spécificité des régimes fiscaux nationaux concernés, mais également de
l’époque à laquelle les CDI ont été négociées et de l’étendue des questions sur
lesquelles les États membres concernés sont parvenus à un accord et ne peuvent
donc être étendus aux résidents d’autre États membres (CJCE, ACT Group
Litigation, 12 décembre 2006, Aff C-374/04, Dr. fisc. 2006, n°52, act. 265).
Cependant, une évolution avait été envisagée dans un sens plus favorable à
l’achèvement du marché intérieur à propos d’une disposition conventionnelle qui
pourrait être analysée « comme un avantage détachable du reste de la
convention » dont l’équilibre de la convention ne dépend pas (CE, 3e et 8e ss.-
sect., 12 mai 2015, n° 366398, Sté Gist Brocades International BV, note Maîtrot de
la Motte, Dr. fisc. 2015, n° 30, comm 499). La Cour a récemment confirmé son refus
de consacrer un tel principe (CJUE, 6e ch., 30 juin 2016, aff. C-176/15, Guy Riskin et
Geneviève Timmermans, Dr. fisc. 27/2016, act. 431).

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- enfin, en présence d’une disposition fiscale d’un État membre entravant une
liberté de circulation prévue par le traité, une convention bilatérale peut être prise
en compte lorsqu’elle neutralise cette entrave. La Cour examine si l’application
combinée de la législation en cause et de la convention bilatérale laisse ou non
subsister la restriction à la liberté de circulation applicable et ce n’est que si la
réponse est positive que la législation interne sera condamnée. Voir pour un
exemple CJCE, 14 décembre 2006, aff. C 170/05, Denkavit internationaal BV et
Denkavit France SARL, point 46 : les sociétés requérantes faisaient valoir que la
législation française qui prévoyait une retenue à la source pour les dividendes
versés par une filiale résidente à une société mère non résidente alors qu’une telle
retenue n’était pas applicable aux dividendes versés à une société mère résidente
était contraire au principe de la liberté d’établissement prévu à l’article 43 TCE. Le
gouvernement Français faisait valoir que si la législation nationale met en place
une entrave à la liberté d’établissement, le jeu de la convention franco-
néerlandaise qui prévoyait l’imputation de la retenue à la source sur l’impôt payé
aux Pays – Bas par la société mère permettait de gommer l’entrave. Saisie d’une
question préjudicielle par le Conseil d’État, et après avoir reconnu que la législation
nationale constituait une entrave injustifiée, la CJCE admet que le moyen tiré de la
convention franco-néerlandaise doive être examiné mais conclut à la contrariété
du dispositif français avec la liberté d’établissement dans la mesure où
l’imputation conventionnelle ne peut se faire qu’à hauteur de l’impôt dû par la
société mère. Or la société requérante étant exonérée d’IS aux pays Bas, la
retenue à la source appliquée par la France restait à la charge définitive.
.
Malgré l’intervention de la CJCE, il demeure que nombre de conventions
bilatérales conclues avec des États tiers à l’UE font apparaître des discriminations
à l’encontre des entreprises des autres États membres, ou d’États tiers, en
violation du droit de l’Union (Work shop, 9 juin 2005, TAXUD E1 /fr doc(05) 2306).
La commission européenne a donc souligné l’importance d’une coordination
européenne des politiques conventionnelles des différents États et confié à un
groupe d’experts la mission de réfléchir aux modalités de cette coordination.

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Plusieurs pistes ont été proposées : établissement d’une convention multilatérale


au plan communautaire, création d’un modèle européen de convention facultatif
inspiré du modèle ONU mais communautarisé pour neutraliser les éventuelles
incompatibilités. Pour l’instant aucune de ces pistes n’a abouti.

B – Articulation droit de l’Union droit interne

Le droit l’Union européenne n’ayant normalement pas d’influence sur le


traitement fiscal des opérations strictement domestiques, la Cour de justice s’étant
toujours déclarée incompétente pour sanctionner des discriminations dites « à
rebours », c’est à dire les situations dans lesquelles la loi prévoit pour les résidents,
les biens situés sur le territoire national un régime moins favorable que celui
applicable aux résidents ou biens relevant d’un État étranger. Ces situations sont
considérées comme des situations purement interne ne relevant pas du droit de
l’UE. C’est donc sur le terrain du principe constitutionnel d’égalité, que de telles
discriminations ont été contestées. Le Conseil constitutionnel a donc, pour la
première fois, dans une décision Métro-Holding (Cons. const. 3 févr. 2016, QPC, Sté
Metro Holding SA venant aux droits de la société CRFP Cash, cons. 6, Dr. fisc. 2016,
no 12, comm. 241) accepté de sanctionner une discrimination fiscale « par
ricoche »t, résultant du fait qu’un régime fiscal applicable au situations
transfrontière intra-UE imposé par le droit de l’Union ne s’appliquait pas aux
situations domestiques et conduisait à ce que les contribuables nationaux soient
moins bien traités que les contribuables qui exercent leur liberté de circulation
européenne. Il a considéré que si la situation des contribuables européens et celle
de ceux qui opèrent uniquement au plan national sont comparables, il y a violation
du principe de l’égalité devant l’impôt. Cette position impose donc au législateur
fiscal français dès lors qu’il ne peut s’affranchir des règles fiscales européennes
(primauté du droit de l’Union) d’étendre les prescriptions européennes aux
situations internes qui en principe n’en relèvent pas.
Ex : Décision QPC sur taxe 3% additionnelle à l’IS, n° 2017-660 QPC du 6 octobre
2017. L’article 235 ter ZCA du CGI prévoyait que les entreprises passibles de l’IS
qui re-distribuent des dividendes qui leur ont été distribués par l’une de leurs

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filiales sont passibles d’une contribution de 3% sur l’ensemble des sommes


distribuées. Cette contribution a été jugée incompatible avec la directive mère fille
par un arrêt de la CJUE du 17 mai 2017.dans la mesure où la contribution
s’appliquait aux dividendes distribués par une société française et qui eux-mêmes
provenaient de filiales européennes. Cette décision entrainait donc un traitement
différencié des dividendes selon qu’ils provenaient ou non de dividendes venant de
sociétés filiales européennes, ou au contraire de filiales française ou non
européennes qui pouvaient continuer à supporter la contribution de 3%. Le Conseil
Constitutionnel a jugé que dès lors « ces sociétés se trouvent dans la même
situation au regard de l'objet de la contribution, qui consiste à imposer tous les
montants distribués, indépendamment de leur localisation d'origine et y compris
ceux relevant du régime mère-fille issu du droit de l'Union européenne », la
différence de traitement selon que les dividendes redistribués proviennent ou non
de filiales établies dans un État membre de l’Union constitue une discrimination qui
ne peut être justifiée par l’objectif de la loi qui est en l’espèce un objectif de
rendement.
La question s’est ensuite posée de savoir si le même raisonnement pourrait
invoqué pour contester la différence entre le traitement fiscal réservé à des non-
résidents d’État tiers par rapport à celui qui s’impose du fait des contraintes
communautaires à des résidents Européen. La réponse du Conseil a été sur ce
point beaucoup plus timide, puisqu’il considère que le législateur national n’est
obligé d’étendre la solution européenne qu’au cas où résidents européens et
résidents d’État tiers sont placés du point de vue de la disposition en cause dans
une situation comparable, ce qui n’est que rarement admis.
Ex : Le 25 février 2015 (aff. C-623/13, ministre de l’économie et de finances
contre G. de Ruyter) , la Cour de justice juge que la France ne peut appliquer les
contributions sociales sur les revenus de biens immobiliers perçus en France par
des non-résidents européens en raison du fait que ces prélèvements sont des
cotisations sociales et que le règlement européen n°1408/71 réserve la perception
de ses prélèvements à l’État dans lequel le bénéficiaire est affilié à un régime de
sécurité sociale, en principe celui dans lequel il exerce son activité… ces
prélèvements ne peuvent donc plus être appliqués à des personnes résidentes ou

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non résidentes européennes qui sont affiliés dans un autre État de l’UE. Le Conseil
constitutionnel a été saisi de la question de savoir si ces prélèvements sociaux
pouvaient continuer d’être appliqués aux revenus immobiliers perçus par des
résidents ou des non-résidents affiliés dans un État tiers, sur le fondement d’une
discrimination à rebours. Le Conseil a jugé (décision Epoux V, QPC n° 2016-615
QPC du 9 mars 2017) que les contributions en question « ont pour objet d'assurer
le financement de la protection sociale dans le respect du droit de l'Union
européenne qui exclut leur application aux personnes relevant d'un régime de
sécurité sociale d'un autre État membre de l'Union. Au regard de cet objet, il existe
une différence de situation, qui découle notamment du lieu d'exercice de leur
activité professionnelle, entre ces personnes et celles qui sont affiliées à un régime
de sécurité sociale d'un État tiers. La différence de traitement établie par les
dispositions contestées est ainsi en rapport direct avec l'objet de la loi ». Il en
conclut à l’absence de discrimination à rebours et implicitement admis que les
discriminations résiduelles (entre contribuables affiliés en France et affiliés dans un
État tiers) et nouvelles (entre affiliés dans un État membre et dans un État tiers)
résultant de la prise en compte du droit de l’Union puissent être considérées
comme rationnelles au regard de l’objet originel de la loi, à savoir ici remplir les
caisses de la sécurité sociale. L’objet de la loi ayant en quelque sorte été amendé
pour tenir compte de l’obligation dans laquelle se trouve la France de respecter le
droit de l’Union.
Finalement, soucieux de préserver la souveraineté fiscale de la France, le
Conseil Constitutionnel est venu dans ses décision récentes doucher les espoirs de
ceux qui avaient espérer voir dans la sanction des discriminations à rebours un
moyen de contraindre le législateur national à étendre systématiquement les
avantages résultant du droit de l’union à l’ensemble des contribuables. Dans la
continuité du raisonnement déployé dans la décision époux V précitée, il a en effet
clairement explicité que les différences de traitement fiscal résultant des effets
d’une décision du juge européen n’entrainent pas de rupture caractérisée d’égalité
lorsqu’il ne résulte pas « des exigences découlant du droit de l’Union européenne
une dénaturation de l’objet initial de la loi » (au regard duquel doivent être
appréciées les discriminations) et que la différence instaurée initialement est en

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rapport direct avec l’objet de la loi (C. Const., n° 2019-813 QPC, 15 nov. 2019,
Calogéro).

Sans que le fondement ne soit le même, la CJUE,( décision, Jahin, 18 janvier 2018,
aff. C- 645-17) est d’ailleurs sur la même longueur d’ondes et juge que la
différence de traitement instaurée par la France entre les personnes affiliées à un
régime de sécurité sociale dans un pays européen, sur les revenus du patrimoine
desquels ne sont plus applicables les prélèvements sociaux, et les contribuables
affiliés dans un État tiers ne constitue par une entrave à la liberté de circulation
des capitaux. Elle constate en effet que l’imposition appliquée à des contribuables
affiliés dans un État tiers est certes plus lourde que ce que la France est en droit
d’exiger de contribuable affiliés dans un autre État membre, mais considère que
ces deux types de contribuables se trouvent dans une situation objectivement
différente dans la mesure où les premiers « réside (ent) dans un Etat tiers […] et y
est (sont) affilié (s) à un régime de sécurité sociale » (en l’espèce la Chine) et les
seconds, sont seuls « susceptibles de bénéficier du principe d’unicité de la
législation en matière de sécurité sociale, prévu à l’article 11 du règlement
n°883/2004, en raison de son déplacement à l’intérieur de l’Union ».

SECTION 3 - LES CONTRAINTES RESULTANT DE LA REGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE DES


AIDES D’ETAT.

Les aides qui sont accordées à telle ou telle entreprise ou à tel ou tel secteur par
les États sont en principe interdites par les dispositions de l’article 107 du TFU. Ce
dernier prévoit que « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles
avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre
États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État
sous quelques formes que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la
concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » .
Or il n’est pas rare que les États membres octroient ce type d’aides à leurs
entreprises pour les inciter à développer leur activité à l’international, ou à des
entreprises non résidentes afin de les attirer sur leur territoire. Il arrive même
parfois que ces aides prennent la forme d’incitations fiscales. Encouragée par le

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« code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises » du 1er


décembre 1997 par lequel les États se sont engagés à supprimer et ne pas
réintroduire de dispositions fiscales susceptibles d’être considérées comme
relevant d’une « concurrence fiscale déloyale entre États » qui reconnaissait que
certains des dispositifs visés par ces engagements constituaient aussi
potentiellement des aides d’État, la Commission européenne s’est depuis un 20 aine
d’années saisie de la réglementation des aides des États pour « traquer » les
dispositions nationales qui ne lui semblent pas relever d’une saine concurrence.
Techniquement, cette « chasse » aux aides d’État sous la forme fiscale fiscales a
été rendue possible par la rédaction de l’article 107 du TFUE qui présume
« incompatibles avec le marché intérieur, les aides accordées … sous « quelque
forme que ce soit ». Cette formulation inclut donc non seulement les aides qui
prennent la forme de subventions, de crédits non remboursables, de garanties
offertes gratuitement par l’État à une entreprise, mais aussi une forme fiscale. Le
Tribunal vient d’ailleurs de rappeler que « si la fiscalité directe relève de la
compétence des États membres, les États doivent exercer cette compétence dans
le respect du droit de l'Union et que la Commission est compétente pour veiller au
respect de l'article 107 du TFUE » (Trib. UE, 14 févr. 2019, aff. T-131/16 et T-263/16,
Belgique et Magnetrol International c/ Comm, point 67).

A – Critères d’identification d’une aide d’État sous la forme fiscale

Il résulte de la jurisprudence de la Cour que les aides fiscales peuvent prendre


une forme fiscale et qu’il existe deux formes possibles d’aides d’Etat sous la forme
fiscale : il peut d’abord s’agir d’avantage fiscal sélectif, mais également d’un
prélèvement fiscal affecté au financement d’une aide.

1§ Les avantages fiscaux constitutifs d’une aide d’Etat :

Tout dispositif fiscal qui « allège les charges normales qui pèsent sur les
entreprises » peut potentiellement constituer une aide fiscale : réduction d’un taux,
exonération ou abattement, mécanisme de provisions et même, mise en place d’un

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régime forfaitaire d’imposition. Sont aussi concernées les mesures mettant en


cause le recouvrement de l’impôt : réduction ou crédit d’impôt, voir même un
rééchelonnement de la dette fiscale.
Pour autant toute mesure d’allègement fiscal ne tombe sous le coup de la
prohibition de l’article 107 et du contrôle de la Commission organisé à l’article 108
du TFUE. Il est nécessaire qu’elle remplisse un certain nombre de critères pour être
qualifiée d’aide d’État. Ces critères sont au nombre de quatre et sont cumulatifs. Ils
ont été déclinés par la jurisprudence CJCE, 24 juill. 2003, Aff. C-280/00, Altmark
Trans GmbH : Rec. CJCE 2003, I, p. 7747, points 74 et 75. : « Premièrement, il doit
s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État.
Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges
entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son
bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la
concurrence ". (Voir sur la notion, La communication de la Commission relative à la
notion d‘aide d’État visée à l’article 107 du TFUE, (2016/C 262/01).
 Il faut que l’avantage soit octroyé par l’État ou au moyen des ressources de
l’État, soit directement ou indirectement par l’État : sont concernés les
renonciations à percevoir un impôt que celui-ci soit un impôt d’État ou un impôt
affecté à une de ses composantes notamment les collectivités locales ou les
établissements publics.
 La mesure doit affecter les échanges entre États membres : cette condition est
remplie dès lors que l’entreprise qui bénéficie de l’avantage développe une
activité économique sur le marché européen de telle sorte que celui-ci est de
nature à renforcer sa position par rapport à d’autres entreprises concurrentes
dans les échanges intracommunautaires. Sont indifférents le montant de l’aide,
la modestie de la taille de l’entreprise ou le fait qu’elle n’a qu’une part réduite
sur le marché européen. La Cour considère même qu’une aide octroyée à une
entreprise qui déploie son activité sur le seul territoire national pourrait affecter
les échanges entre États membres dès lors qu’en renforçant la position de cette
entreprise sur le territoire national elle rend la pénétration d’entreprises
étrangères plus difficile alors qu’elles auraient pu être intéressées (CJCE, 13 juill.
1988, Aff. 102/87, France c/ Commission : Rec. CJCE 1988, p. 4067).

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 La mesure doit par ailleurs fausser ou menacer de fausser la concurrence entre


les entreprises : ce critère est peu discriminant en matière fiscale, Les aides
fiscales diminuant les charges de l’entreprise remplissent quasiment
systématiquement cette condition et ce d’autant que la rédaction de l’article
107 du TFUE autorise à considérer comme aide d’État des avantages fiscaux qui
n’ont pas de répercutions réelles sur la concurrence mais qui sont seulement
susceptibles d’en avoir. Il en serait autrement si l’avantage consenti met à la
charge de son bénéficiaire une contrepartie. Dans ce cas, l’avantage ne saurait
octroyer un avantage concurrentiel à l’entreprise qui en est bénéficiaire et
relever du régime des aides d’État. À ce titre, les contraintes liées à la
réalisation de missions de service public qui pourraient être imposées à
l’entreprise bénéficiaire de l’avantage fiscal pourraient constituer une
compensation privant l’avantage fiscal octroyé du caractère d’aide prohibée, à
condition cependant qu’il n’y ait pas de surcompensation ; ainsi la Commission
a jugé que le dispositif qui instaurait un abattement de 85% des bases
d’imposition de la fiscalité locale applicable à la Poste ne constituait pas une
aide d’État dans la mesure où il s’agissait de compenser les répercussions
financières des contraintes de desserte imposées à celle-ci et de participation à
la mission d’aménagement du territoire (JOCE C 262 du 7 octobre 1995, p. 11).
 L’avantage doit sélectif c'est-à-dire « favoriser certaines entreprises ou
certaines productions » : Pour identifier un avantage fiscal, la Commission se
réfère au régime fiscal normal « dit de référence » appliqué par l’État concerné.
Les dispositions fiscales dérogatoires à ce système « dit de référence » sont
susceptibles de constituer des avantages. Mais attention, tout dispositif
dérogatoire au régime fiscal de référence ne peut être considéré comme une
aide d’État, Une mesure ouverte à toutes les entreprises serait non sélective et
ne pourrait donc être qualifiée « d’avantage ». Il faut en outre qu’il soit sélectif,
c’est-à-dire ne concerner que certains secteurs géographiques ou certains
secteurs de production, certaines entreprises. Ainsi une exonération qui
concernerait tous les opérateurs économiques sur le territoire national ne serait
pas une aide d’État puisqu’elle n’induirait aucune distorsion de concurrence
mais une simple mesure générale : par exemple un amortissement accéléré de

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matériels respectueux de l’environnement ouvert à toutes les entreprises ne


serait pas une aide d’État, même si certaines entreprises du fait de leur
investissement en bénéficieront plus que d’autres, car dans ce cas l’exemption
se justifie « par la nature ou l’économie même du système ». Il en est de même
de la mise en place de seuils régime simplifiés d’imposition en dessous d’une
certain seuil de recettes ou de CA; les entreprises qui sont en dessous et en
dessus sont traités différemment mais il s’agit d’une mesure générale et non
d’une mesure sélective susceptible de constituer une aide d’État (micro-
entreprises). Ces mesures qui sont de fait sélectives sont justifiées par « la
nature ou l’économie du système fiscal. » et constituent des aménagements de
la politique fiscale générale et non des aides d’État. La Cour de justice impose
pour qu’il y ait aide d’État que l’avantage soit réservé à certaines entreprises
qui de ce fait sont placées dans une situation plus favorable que d’autres
d’entreprises pourtant placées dans une situation juridique ou factuelle
comparable à celles qui en bénéficient. Il y a dont sélectivité lorsqu’il y a
discrimination.
Constituent ainsi des aides d’État, les avantages fiscaux qui sont réservés :
 à certains secteurs, on parle alors de sélectivité matérielle : au secteur
bancaire, textile, aux PME, à l’ensemble des entreprises soumises à la
concurrence internationale. Ainsi par exemple s’agissant de la France : la
Commission a ouvert une procédure d’infraction en juillet 2016 contre la France
pour l’exonération d’IS dont bénéficiaient la plupart des ports, notamment les
11 « grands ports maritimes » (les ports de Bordeaux, Dunkerque, La Rochelle,
Le Havre, Marseille, Nantes - Saint-Nazaire et Rouen, ainsi que la Guadeloupe, la
Guyane, la Martinique et La Réunion), le «port autonome de Paris» et les ports
exploités par des chambres de commerce et d’industrie. Ce régime se traduisait
évidemment par un niveau d'imposition globalement inférieur pour les activités
commerciales des ports français par rapport à celui des autres entreprises qui
exercent leurs activités en France. Elle a considéré que ces exonérations ne
poursuivaient aucun objectif d’intérêt public et mis la France en demeure de
supprimer cette exonération avant fin 2017.

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 à certains territoires, on parle alors de sélectivité régionale (régime


d’exonération temporaire de taxe foncière ou de CET par les collectivités
locales). Pour autant tous les avantages fiscaux qui ne s’appliquent que sur une
partie du territoire national ne sont pourtant pas considérés comme étant
sélectifs, cela dépend du territoire de référence : en principe, il s’agit du
territoire de l’État membre, de telle sorte que tous les aménagements fiscaux
qui ne s’appliquent que sur certaines zones, ou sur le territoire de certaines
collectivités sont territorialement sélectifs et constituent des aides d’État. Mais
la CJUE a accepté que dans certains cas, la référence soit le territoire d’une
collectivité locale, de telle sorte qu’un avantage fiscal qui s’appliquerait à toutes
les entreprises qui s’y situent ne serait pas sélectif et ne pourrait donc
constituer une aide d’État au sens de l’article 107 du TFUE. Pour que ce
référentiel local soit adopté, il faut que la collectivité à l’origine de la mesure
soit institutionnellement, procédurale ment, économiquement et financièrement
autonome. Les deux premiers critères tiennent compte du statut constitutionnel
de la collectivité et de la possibilité du pouvoir étatique d’intervenir dans la
décision de mettre en œuvre la mesure fiscale contestée, alors que le troisième
critère est rempli dès lors que l’avantage octroyé au plan local n’est pas
compensé par une aide ou une subvention du pouvoir central (Arrêt du 6
septembre 2006, Portugal/Commission, C-88/03, Rec. p. I-7115, ci-après l’«arrêt
Açores» et exemple ci-après de Gibraltar).
On assiste, sur la base de critères précités, à une conception de plus en plus large
de notion d’aide fiscale par la Commission et la Cour, ce qui élargit le champ
d’application du contrôle des législations fiscales nationales :
En principe, il n’y avantage que lorsque la mesure contestée est dérogatoire, pour
autant la Cour admet que la dérogation peut n’être que de fait et ne pas résulter
de la mise en place d’une dérogation légale : tel était le cas notamment dans
l’affaire Gibraltar. Il s’agit d’un territoire britannique d’Outre-mer cédé par
l’Espagne à la Couronne britannique par le Traite d’Utrecht du 13 juillet 1713. Ce
territoire jouît d’une autonomie politique et financière, son parlement peut fixer le
régime fiscal applicable sur son territoire, sans compensation financière de l’État
Britannique.

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Ce territoire a subi par deux fois, les critiques de la Commission pour avoir introduit
un régime de taxation des entreprises constitutif d’un régime d’aide d’Etat :
- Initialement la législation locale prévoyait un régime particulier pour les sociétés
off-shore n’ayant aucune activité sur le territoire, dit régime des « exempts
compagnies » qui étaient exonérées d’impôt, alors que les autres sociétés
résidentes supportaient un impôt de 22%. Ce régime avait été identifié comme
relevant de la concurrence fiscale dommageable entre État et devait être supprimé
en application du code de conduite du 1er janvier 1999. Ce régime a finalement
été supprimé le 1er janvier 2011 après que le régime ait été condamné par la
commission européenne au titre des aides d’État par deux communiqués du 21
janvier et 18 février 2005.
- En 2002, le Royaume-Uni a notifié à la Commission une réforme que le
gouvernement de Gibraltar projetait de mettre en œuvre concernant l’impôt sur les
sociétés pour replacer le régime précité. Il s’agissait de remplacer l’impôt sur les
sociétés existant par un impôt sur les salaires et par une taxe sur l'occupation de
locaux professionnels, tous deux plafonnés à 15 % des bénéfices. Les sociétés
immatriculées à Gibraltar bénéficieraient ainsi d'un taux d'imposition nettement
inférieur à celui de l'impôt sur les sociétés applicables au Royaume-Uni, ce qui leur
conférerait un avantage déloyal. En outre, la taxe étant fondée sur les salaires et
l'occupation de locaux professionnels, les sociétés offshore qui ne sont pas
physiquement présentes à Gibraltar n’auraient de fait été soumises à aucune taxe.
La Commission européenne en 2003 a décidé que le projet de réforme du système
fiscal des entreprises à Gibraltar constituait un régime d’aides d’État incompatible
avec le marché intérieur et qu'il ne pouvait être mis à exécution. Il s’agissait selon
elle d’un régime fiscal « intrinsèquement discriminatoire », alors même qu’il
n’existait pas de dérogation légale au profit des sociétés off-shore. La Commission
et l’Espagne ont alors introduit un pourvoi auprès de la Cour de justice de l'Union
européenne qui a été tranché par la Cour de justice : elle a considéré que le
système fiscal mis en place constituait bien une aide d’État en lui-même (Arrêt de
la Cour (grande chambre) du 15 novembre 2011. Commission européenne (C-
106/09 P) et Royaume d'Espagne (C-107/09 P) contre Government of Gibraltar et
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (affaires jointes) : pt. 101 :

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« Au regard des caractéristiques de ce régime, rappelées au point précédent, il


apparaît que le régime litigieux, en combinant ces bases, même si celles-ci
reposent sur des critères, en eux-mêmes, de nature générale, opère, en fait, une
discrimination entre des sociétés se trouvant dans une situation comparable au
regard de l’objectif poursuivi par le projet de réforme fiscale, à savoir celui
d’introduire un système général d’imposition pour toutes les sociétés établies à
Gibraltar. »

Par ailleurs, la sélectivité est reconnue dans des situations où le nombre de


bénéficiaires du régime est important et où ils ne sont même pas identifiables.
Ainsi, la Cour admet la sélectivité de mesures qui peuvent potentiellement profiter
à toutes les entreprises pour peu qu’elles remplissent les conditions légales pour
en bénéficier. Ainsi l’affaire du ggodwill espagnol : la législation espagnole
permettait aux entreprises acquérant plus de 5% dans une société étrangère
d’amortir ce que l’on appelle le goodwill. Le dispositif était donc susceptible de
profiter à l’ensemble des entreprises investissant à l’étranger quelle que soit leur
taille, leur secteur d’activité… et sans qu’il soit possible d’identifier à priori un
groupe d’entreprises susceptibles d’en bénéficier. La Cour a considéré que ce
dispositif était sélectif, puisqu’il n’était pas ouvert aux entreprises investissant en
Espagne, ce qui implique de considérer que les entreprises investissant à
l’international sont dans une situation analogue à celles opérant sur le territoire
national ce qui est loin d’être évident ? (CJUE, gde ch., 21 déc. 2016, aff. C-20/15,
World Duty Free Group SA, anciennement Autogrill España SA, aff. C-21/15, Banco
Santander SA et aff. C-21/15, Santusa Holding SL, : Dr. fisc. 2017, n° 5-6, étude
148, n° 27 et s).

Enfin, la Commission semble faire peser sur les rulins et et autres rescrits une
présomption de sélectivité. Ces rulings constituent des décisions individuelles, par
lesquelles une administration fiscale nationale s’engage, en général sur demande
d’une entreprise, sur le régime fiscal qui lui est applicable. Les entreprises
recherchent pas ce moyen à sécuriser leur situation en anticipant leurs charges
fiscales et en se mettant à l’abri de potentielles rectifications. N’étant pas publiées,

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ces décisions individuelles sont suspectées de permettre aux Administration


d’octroyer aux entreprises qui en bénéficient des avantages fiscaux destinés à les
attirer sur leur territoire, par construction sélectifs puisque la décision de rescrit est
individuelle. La Commission européenne s’est lancée ses dernières années dans
une analyse de ce type de décisions sur le fondement de la réglementations des
aides d’État, avec plus ou moins de succès d’ailleurs.
Ainsi par exemple, la Commission européenne a considéré que :
- Décision du 30 Août 2016 : l’Irlande avait par voie de rescrit consenti à Apple un
taux d’imposition très faible (0, 005%) sur les bénéfices réalisée par la société en
Europe et attribués à deux sociétés Irlandaises du Groupe. Elle a en effet considéré
que par deux rulings, l’Administration irlandaise avait avalisé’ l’affectation du
bénéfice de ses deux sociétés à leurs sièges, non taxables en Irlande et dépourvus
de personnels, et non à leurs établissements stables irlandais. La commission a
considéré que cette décision ne respectait pas les règles internationales de partage
de bénéfices entre entreprise liées, c’est à dire les règles relatives à la fixation des
prix de transfert qui auraient dû prévaloir pour répartir le bénéfice entre les
établissements stables des deux sociétés et leurs sièges. Elle a considéré que la
propriété intellectuelle des licences du groupe, et les bénéfices correspondant,
aurait dû être attribuée aux établissements Irlandais de ces sociétés et non à leur
siège. Ce faisant, selon la Commission, l’Irlande aurait consenti à Apple une
dérogation au régime normal de répartition des bénéfices, un avantage sélectif en
outre puisqu’il n’est consenti qu’à Appel. L’Irlande a été condamnée à récupérer 13
milliards d’Euros auprès d’Appel. Cette décision vient néanmoins d’être invalidée
par le tribunal qui a considéré que la Commission n’avait pas apporté la preuve
que, eu égard au fonctionnement des dites sociétés, le principe de pleine
concurrence n’avait pas été respecté et de ce fait n’avait pas démontré l’octroi
d’un avantage (Tbnal, 15 juillet 2020, aff. T-778/16 et T-892/1). La décision est
susceptible d’un recours devant la CJUE.
- Décision du 3 décembre 2015 : la Commission a ouvert une enquête sur un
ruling décerné par le Luxembourg à Mac Donald et en application duquel, Mac-
Donald ne payait aucun impôt, ni Luxembourg, ni aux Etats-Unis sur les revenus de
redevances perçues des restaurants franchisés européens. Néanmoins, le 19

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septembre 2018, la Commissaire à la concurrence a du abandonner les poursuites


en expliquant que le ruling en question n’octroie à la société aucune dérogation à
la loi fiscale Luxembourgeoise et à la convention conclues entre les Etats Unis et le
Luxembourg dans la mesure où la double non-imposition résulte dans ce cas d’une
incompatibilité des législations fiscales luxembourgeoises et américaines : la
société résidente luxembourgeoise qui perçoit ces redevances a affecté les droits
de Franchise à une succursale américaine. Or, selon la convention applicable, la
succursale n’est pas en droit américain un établissement stable donc elle n’est pas
taxable, ni en droit luxembourgeois.

On le voit, dans sa « croisade » contre la concurrence fiscale dommageable, la


commission européenne rencontre de sérieux écueils, pour autant son action place
l’activité fiscale des États sous haute surveillance….

2 § Les prélèvements fiscaux affectés constitutifs d’aides d’État


Les aides d’État sous la forme fiscale ne sont pas toujours des renoncements à
prélever l’impôt mais peuvent prendre la forme de prélèvements affectés. Les
impôts peuvent être en effet qualifiés d’aides d’État dans la mesure où ils sont
utilisés soit pour octroyer des aides financières à certaines entreprises, soit pour
mettre gratuitement un service public à leur disposition. Dans de telles
hypothèses, la taxe affectée entre dans le champ du contrôle des aides d'État
parce qu'elle est connectée à une aide dont elle assure le financement. Pour
autant, la Cour de justice a précisé que le contrôle communautaire au regard de
l’article 107 du TFUE n’a lieu d’être "que s'il existe un lien d'affectation
contraignant entre le produit de [la]taxe et la mesure d'aide en question" (V. CJCE,
13 janv. 2005 aff. 175/02, Pape : RJF avr. 2005, n° 416). Tel était le cas de la taxe à
l’équarrissage qui était due avant 2000 sur toutes les ventes au détail de viande
ou de produits carnés (notamment la grande distribution). Cette taxe était
directement affectée au financement du service public d’équarrissage qui assurait
gratuitement le service de collecte et d’élimination des cadavres d’animaux au
profit des abattoirs ou des agriculteurs. La CJCE a considéré qu’il y avait là une aide
d’État au profit des producteurs puisque le financement du service d’équarrissage

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par le biais de la taxe procurait un avantage à ces entreprises (et non aux services
d’équarrissage qui bénéficiaient certes d’un avantage financier mais en
contrepartie d’une mission de service public ne pouvant donner lieu à
rémunération directe par les bénéficiaires) (CJCE, 20 nov. 2003, Aff. C-126/01 : Dr.
fisc. 2004, comm. 440, note B. Boutemy et E. Meier). L’État a été condamné à
rembourser les sommes versées au titre de la taxe entre 1997 et 2000 (CE, 15 juill.
2004, n° 264494 : RJF oct. 2004, n° 1061, concl. G. Goulard, p. 726 à 72). En
réaction, les ressources procurées par la taxe ont été dès le 1 er janvier 2001
versées au budget de l’État lequel versait des subventions aux organismes publics
chargés de l’équarrissage. Le Conseil d’État a considéré qu’à défaut d’affectation
contraignant (plus de lien entre montant du financement octroyé et montant de la
taxe) la taxe était devenue une recette du budget de l’État qui n ‘entre plus dans le
champ d’application contrôle de la Commission au titre des aides d’Etat (CE, 27
juillet 2009, n°312 098).
La taxe a finalement été supprimée en 2003 et remplacée par une « taxe
d’abattage » prélevée sur les abattoirs qui assure que le service public est financé
par ceux qui en bénéficient. Selon le Conseil d'État, cette nouvelle taxe ne
constitue pas une aide d'État (V. CE, 23 mars 2005, n° 269059 et 269060, Sté Doux
et Sté Doux frais : RJF juill. 2005, n° 799 ; concl. Vallée : BDCF 7/2005 n° 95).

B- Le contrôle des aides d’Etat

Les aides d’État qu’elles soient fiscales ou non font l’objet d’un contrôle qui peut,
selon l’article 108 du TFUE s’opérer sous deux modalités distinctes : un contrôle à
priori et un contrôle à postériori.
1§ Le contrôle a priori des aides d’État
Les mesures susceptibles de constituer des aides d’État ne peuvent pas être mises
en application par les États membres sans autorisation préalable de la Commission
européenne conformément à l’article 108 al 3 du traité TFUE. Ils doivent en
principe les notifier à la Commission préalablement à leur introduction dans le droit
français ;

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Si à l’issue de l’examen, la Commission :


- juge que la disposition ne constitue pas un dispositif constitutif d’une aide
d’État ou si comportant une aide d’État elle est jugée compatible parce que, par
exemple, elle est destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un
État membre par exemple (article 107, 3, b ; crise du COVID par exemple : voir sur
ce point la communication de la commission sur l’encadrement temporaire des
mesures d’aide d’État visant soutenir l’économie dans le contexte actuel de la
flambée de COVID-19 (2020/C 91 I/01)), elle pourra être introduite dans le régime
fiscal national.
- à l’inverse, elle juge que le dispositif constitue une aide incompatible, la
disposition pourra pas en principe être mise en application :
NB : Certaines aides sont présumées compatibles avec la concurrence et sont
dispensées de notification préalable. L’’article 109 du TFUE prévoit en effet que
certaines aides, dont la liste doit être fixée par le Conseil, peuvent être présumées
compatibles avec le marché intérieur et à ce titre être dispensées de notification
préalable à Commission. Le règlement habilite la commission à définir les
conditions de cette comptabilité (règlement (CE) n°994/98 du Conseil du 7 mai
1998 sur l’application des articles 92 et 93 du traité instituant la communauté
européenne).
Conformément à cette habilitation, la commission a donc pris plusieurs
règlements qui viennent préciser les conditions dans lesquelles certaines aides, y
compris fiscales peuvent être dispensées de notification préalable :
- un règlement général d’exemption par catégories du 27 juin 2014 (Comm. UE,
règl. (UE), n°651/2014, 17 juin 2014, applicable à la période courant du 1er juillet
2014 au 31 décembre 2020 qui vise un certain nombre d’aides qui en
considération de leur objet doivent être considérées comme compatibles : en
faveur des petites et moyennes entreprises, les aides à finalité régionale, en faveur
de la formation, de la protection de l’environnement.
- un règlement relatif aux aides de minimis (Comm. UE, règl. (UE) n° 1407/2013,
18 décembre 2013, relatifs aux aides de minimis qui prévoit que certaines aides du
fait de leur faible montant sont présumées ne pas remplir les conditions fixées à
l’article 107 -1 du TFUE, notamment n’avoir aucun impact sur la concurrence, pour

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être des aides d’État prohibées. À ce titre, les États membres peuvent octroyer des
aides dites de minimis pour un montant qui ne doit pas dépasser 200 000 € pour
leur montant cumulé sur une période glissante de trois exercices fiscaux et
100 000 € pour les entreprises intervenant dans le secteur routier. En matière
fiscale, le plafond “de minimis” correspond à un avantage brut en impôt (impôt sur
le revenu, impôt sur les sociétés, impôts locaux, ...) dont bénéficie l’entreprise
grâce à la mesure d’aide et non à une base d’impôt. Le montant d’une aide fiscale
résulte d’une comparaison entre le montant d’impôt dû par l’entreprise après prise
en compte de la mesure d’aide et celui dont elle aurait été redevable si elle n’avait
pas bénéficié de cette mesure. Avant de pouvoir bénéficier du dispositif fiscal,
l’entreprise devra déposer une déclaration attestant des aides perçues au cours
des exercices fiscaux de référence.

2§ Le contrôle a posteriori des aides d’État


La commission exerce un contrôle a posteriori sur les aides dites illégales, c'est-à-
dire celles qui ont été mises en œuvre sans notification préalable, ou celles qui
ayant été notifiées ont vu leur conditions d’application modifiées. Elle peut
également s’assurer au cours de ce contrôle que les règles du règlement général
d’exemption ou de minimis ont bien été respectées.

Ce contrôle intervient lorsque la Commission détient des informations qui laissent


penser qu’un État met en œuvre une disposition qui a le caractère d’une aide
(plainte d’un concurrent par exemple, recensement par les services de la
Commission). Elle va alors demander à l’État concerné de procéder à la
notification, puis la procédure reprend comme pour le contrôle d’aides notifiées. Si
au terme de l’examen de l’aide, la commission considère que l’aide n’est
compatible avec le marché intérieur, elle notifie à l’État une injonction aux fins de
récupération de cette dernière auprès de ses bénéficiaires. La récupération doit
concerner le montant de l’aide incompatible assortie d’intérêts de retard courant
sur la période allant de la date à laquelle l’aide a été mise à disposition du
bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération. Il s’agit de faire en sorte que
l’entreprise bénéficiaire soit placée, du point de vue de la concurrence avec les

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autres entreprises, dans la situation dans laquelle elle aurait dû être si elle n’avait
pas bénéficié de l’aide.
Le délai de prescription en matière d’aides illégales jugées incompatibles est de
10 ans. Les mesures de récupération doivent en principe être exécutées dans les
quatre mois qui suivent la décision de la Commission ordonnant la récupération de
l’aide. Si l’État intéressé n’exécute pas la décision l’enjoignant de récupérer l’aide,
la Commission ouvre une procédure d’infraction contre l’État et pourra le cas
échéant saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours
en manquement sans mise en demeure préalable (article 108 et 258 du TFUE),
Cette dernière pourra condamner l’État à des astreintes et même à des amendes.

3§ Exemple d’aides d’État sanctionnées intéressant le droit fiscal international


Exemple 1 : Provisions fiscales pour implantation à l'étranger - dispositif
permettant les provisions pour implantation à l'étranger qui a été regardé par la
Commission européenne comme constituant une aide d'État, avant d'être
supprimé par l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 2003 (L. fin. rect.
2003, n° 2003-1312, 30 déc. 2003, art. 31 : Dr. fisc. 2004, comm. 127).
Exemple 2 : Quartiers généraux d'entreprises et centres de logistique – Les
grandes entreprises qui exercent une activité internationale créent des centres de
décisions régionaux qui coordonnent les activités du groupe dans la région du
monde et exercent à l’intention exclusive des membres du groupe un certain
nombre d’activités administratives et de gestion (définition de la stratégie, gestion
des ressources humaine, recherche, communication). Les États ont eu tendance à
mettre en place des régimes fiscaux favorables à ces quartiers généraux pour les
attirer sur leurs territoires. La France avait ainsi mis en place en 1997 (V. Instr. 13-
G-97, 21 janv. 1997 : Dr. fisc. 1997, n° 7, instr. 11712) par la voie d’une instruction
un régime fiscal privilégié à leur intention : il s’agissait en fait d’autoriser ce type
d’établissements à déterminer forfaitairement l’assiette imposable en France. La
Commission européenne, a considéré que le régime applicable aux quartiers
généraux était une "aide d'État" incompatible avec le Marché commun. Aussi
l'instruction du 21 janvier 1997 a-t-elle été rapportée sur les points litigieux (V.
Instr. 4 C-6-03, 14 août 2003 : Dr. fisc. 2003, n° 36, instr. 13051).

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