Pgformationentrep Article Sahut Arlotto Teulon 15 Fev 2012
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Frederic Teulon
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All content following this page was uploaded by Jean-Michel Sahut on 30 April 2015.
Jacques Arlotto
Audencia Nantes - École de Management
Philippe Jourdan
IUT Evry
Jean-Michel Sahut
HEG Genève, HES-SO et CEREGE EA 1722 - Université de Poitiers
Frédéric Teulon
IPAG LAB Paris
Résumé :
Les concours pédagogiques de création d’entreprises sont devenus un axe important dans
l’enseignement universitaire de l’entrepreneuriat. Si la littérature en entrepreneuriat continue à
souligner l’importance d’un enseignement structuré en création d’entreprises, la portée réelle
des concours pédagogiques, tel que le «Challenge Projets d’Entreprendre» organisé depuis
2000 à Télécom Management SudParis continue à susciter des interrogations.
En nous basant sur le modèle de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1980) enrichi par
Ajzen (1991), et les résultats de différents travaux de recherche qui analysent l’intérêt des
formations à l’entrepreneuriat (Carrier, 2009), nous nous interrogeons sur l’impact de ce
concours sur l’intention entrepreneuriale des étudiants, mais également sur sa véritable
contribution à la création d’entreprises innovantes comme facteur de motivation et de
stimulation. Les différentes enquêtes menées à l’issu de ce concours confirment son rôle
« d’éveil » auprès des étudiants, mais elles ne permettent pas de conclure que ce type de
formation influence de manière prépondérante le passage à l’acte de création, même pour les
lauréats du concours. Il s’agit d’un facteur secondaire qui doit s’inscrire dans des dispositifs
pédagogiques en entrepreneuriat plus larges afin de favoriser le passage à l’acte de création.
1
Introduction :
Les étudiants français lancent encore trop peu de projets de création d’entreprise tant au cours
de leurs études qu’à la fin de celles-ci. Si de nos jours, la plupart des écoles et des universités
dispensent au sein des enseignements en gestion des cours d’entrepreneuriat, il existe encore
peu de formules pédagogiques originales mises en pratique qui permettent aux étudiants de
voir tout l’intérêt que peut revêtir la participation au lancement d’une jeune entreprise. Des
chercheurs, notamment, Saporta et Verstraete (1999), Bayad et al. (2002), Boissin et al.
(2008) ainsi que Carrier (2009), ont pourtant montré à plusieurs reprises la pertinence de cette
démarche.
En nous basant sur le modèle de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1980) enrichi par
Ajzen (1991), et les résultats de différents travaux de recherche qui analysent l’intérêt des
formations à l’entrepreneuriat (Carrier, 2009), nous nous interrogeons sur l’impact du
concours «Challenge Projets d’Entreprendre», organisé depuis 2000 à Télécom Management
SudParis, sur l’intention entrepreneuriale des étudiants qui y ont participé, mais sur sa
véritable contribution à la création d’entreprises innovantes comme facteur de motivation et
de stimulation.
Dans la première partie de cet article, nous intéressons à l’influence des formations à
l’entrepreneuriat sur l’intention entrepreneuriale des étudiants puis nous décrirons les
principales modalités du Challenge Projets d'Entreprendre. Ces modalités peuvent constituer
un guide méthodologique pour aider de futurs organisateurs de concours de ce type. La
deuxième partie expose la méthodologie de l’enquête, et analysent les résultats afin d’évaluer
les réels impacts de ce type de concours sur l’intention entrepreneuriale et le passage à l’acte
de création.
Pour de nombreux auteurs dont Krueger et Carsrud (1993), ou encore Kolvereid (1996),
l’analyse du passage à l’acte d’entreprendre est indissociable du comportement des individus
et donc de leurs intentions en la matière qui seraient un préalable indispensable. En
s’appuyant sur le modèle de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1980), Ajzen (1991) place
l’intention au centre du processus entrepreneurial des individus, et serait ainsi le meilleur
indicateur de ce passage à l’acte. Les modèles explicatifs fondés sur l’intention (Krueger et al.
2000) montrent qu’il est possible de la favoriser en agissant sur les perceptions de désirabilité
(attrait de la création) et de faisabilité (capacité à créer). Ces deux facteurs initialement mis en
évidence par Shapero et Sokol (1982), sont repris par Ajzen (1991) dans une conception
similaire.
La désirabilité désigne les facteurs sociaux et culturels qui influencent le système de valeurs
de l’individu. En particulier, la pression sociale, c’est-à-dire les souhaits de la famille et des
amis sur le devenir entrepreneurial de l’individu, joue un rôle significatif et explique en partie
pourquoi les jeunes diplômés sont peu enclins à créer une entreprise à la fin de leurs études
(Boissin et al., 2009).
La faisabilité perçue fait référence au degré avec lequel un étudiant pense pouvoir mener à
bien son projet de création. Plus précisément, elle résulte de son degré de connaissance des
ses compétence mais également de sa capacité perçue à mobiliser les ressources nécessaires
pour élaborer son projet. Elle repose donc sur les perceptions des facteurs de soutien à la
création. Ainsi, tous les moyens permettant d’accroître ce degré de connaissance et de
2
contrôle vont renforcer les perceptions de faisabilité et influencer positivement l’intention de
l’individu. Les formations à l’entrepreneuriat font partie de cette catégorie. Elles peuvent agir
sur la perception de faisabilité de l’individu, et par ricochet sur son intention et son passage à
l’acte d’entreprendre. Elles se sont fortement développées ces dernières années dans les
établissements d’enseignement, en particulier dans le supérieur. Face à cette montée en
puissance, certains auteurs ont essayé d’établir des typologies et/ou d’évaluer leur intérêt.
Fayolle et Verzat (2009) se sont focalisés sur l’analyse des méthodes actives et ont ainsi
démontré leur pertinence dans l’enseignement supérieur. Ils identifient trois types de
méthodes actives : la méthode des cas, l’apprentissage par problème, et la pédagogie par
projet. D’après l’OPPE1, la pédagogie par projet est celle qui est la plus pratiquée en
entrepreneuriat. Les enseignements en entrepreneuriat dans le supérieur donnent de plus en
plus d’importance aux cours ou aux projets basés sur la préparation d’un plan d’affaires, ou
un business plan. Cette croissance s’explique, dans les écoles de commerce et d’ingénieurs,
par le fait qu’on les associe à des formules de concours et de compétition entre les équipes.
Ces méthodes reposent sur le principe de « Learning by Doing »2 qui est très souvent
plébiscité par les enseignants du domaine. Cependant elles peuvent convenir à certains
objectifs pédagogiques mais sont inadaptées pour d’autres.
D’autres auteurs comme Béchard et Grégoire (2009) se sont plutôt intéressés à l’ensemble des
innovations pédagogiques en matière d’entrepreneuriat. Ils élaborent ainsi un cadre d’analyse
pour évaluer ces innovations pédagogiques. Ces auteurs exposent quatre archétypes
d’innovations pédagogiques développées dans quatre institutions d’enseignement supérieur de
quatre pays différents : le programme d’entrepreneuriat Austin de l’Université d’Etat de
l’Oregon (USA) ; le parcours entrepreneuriat du master en management de l’université Paris-
dauphine (France), l’initiative High-TEPP des universités de Bamberg, d’Inéa et de
Regensbourg (Allemagne), et le programme d’entrepreneuriat de l’université de Victoria
(Canada). Ils mettent ainsi en évidence le « degré nécessaire de cohérence entre d’une part les
pré requis entre de l’enseignement et de l’apprentissage qui sous-tendent l’innovation, et
d’autre part, ses ancrages contextuels de nature organisationnel et institutionnelle ».
Finalement, c’est cette cohérence qui détermine le succès de la mise en place de ces
innovations pédagogiques.
L’approche de Carrier (2009) est différente dans le sens qu’elle cherche à identifier quelles
sont les pédagogies les plus adéquates pour développer chez les apprenants les attitudes et
capacités entrepreneuriales. Pour Carrier, la qualité d’une approche pédagogique se trouve
dans sa capacité à faciliter ce type d’apprentissage. Ceci peut être réalisé, dans un contexte
universitaire, en améliorant les méthodes traditionnelles, comme les conférences, les cours
magistraux, les études de cas et l’enseignement du plan d’affaire, mais également en y
associant des approches plus originales, comme les simulations, les jeux et une utilisation
efficace d’entrepreneurs en exercice lors d’activités pédagogiques3. De la même manière, des
techniques et procédures de créativité peuvent être utilisées pour conduire les étudiants à
penser autrement, à élaborer des idées et enfin à créer des opportunités de création de produit
ou de service.
Afin d’évaluer l’intérêt réel de ces formations, certains auteurs ont essayé de mesurer leur
impact sur l’intention d’entreprendre des étudiants. Boissin et al. (2008) ont montré
globalement sur un échantillon de 809 étudiants de quatre établissements supérieurs
1
http://www.apce.com/pid12689/journees-2011.html?espace=5
2
Une méthode pédagogique qui est utilisée notamment pour éclairer les degrés d’autonomie dans les apprentissages.
3
Carrier (2007) montre l’intérêt de faire intervenir des personnes extérieures à l’établissement, notamment à propos de la
mise en place d’un apprentissage coopératif, mais il faut veiller à informer ces intervenants de manière à ce qu’ils constituent
une ressource réactive, dans le processus mis en place par l’enseignant.
3
grenoblois que les formations de sensibilisation à l'entrepreneuriat modifient leurs intentions
au travers de la désirabilité (attirance pour la création d’entreprise) et la faisabilité (car leur
confiance en leur capacité à mener à bien un processus de création s’accroît). Mais, ils
observent également des différences fortes entre les hommes et les femmes ainsi qu’entre les
étudiants possédant des parents et des proches créateurs d’entreprise et les autres. En fait, la
désirabilité dépend de nombreux facteurs dont ils difficile de mesurer l’effet isolément.
Globalement, l’effet le plus marquant de ces programmes de sensibilisation porte sur la
faisabilité. Cela corrobore le travail d’Ehrlich et al. (2000) mettant en évidence un effet des
programmes de formation en entrepreneuriat sur le sentiment d’efficacité personnelle.
Dans le même esprit, Tounès (2006) préconise que l’intention entrepreneuriale est une phase
majeure du processus de création d’entreprise subdivisée en quatre stades : la propension,
l’intention, la décision et l’acte. Cet auteur tente d’expliquer l’intention entrepreneuriale des
étudiants de troisième cycle de gestion en fonction des formations réalisées dans cette finalité.
Cet auteur constate un impact positif des formations en entrepreneuriat sur l’intention
d’entreprendre, ce qui conforte les investissements pédagogiques, matériels et humains
engagés par l’Etat, et les établissements de formation.
4
http://www.it-sudparis.eu/p_fr_incubateur_challenge_8250.html
5
Les 8 premières éditions ont vu notamment la participation de l’ESSEC, l’Ecole Centrale de Paris, l’ESC Troyes, l’IHEC
Carthage, l’Université de Paris Dauphine, Télécom Lille 1, l’ENSIEE, l’Université de Poitiers, et l’Ecole Polytechnique.
4
(programmation, réseaux, conception de sites web etc.). Les élèves se trouvent ainsi
dans une situation de coopération entre corps de métiers différents, telle qu'ils seront
amenés à la rencontrer au cours de leur vie professionnelle future.
• Placer les élèves en situation d'apprentissage par l'action des concepts et méthodes de
management et de technologie enseignés pour une meilleure intégration des
connaissances. Bayad et al. (2002, p. 36) soulignent que "le projet se différencie en effet
des autres pédagogies dans la mesure où ces dernières sont ancrées historiquement
dans un paradigme de séparation entre conception et réalisation. La démocratisation
du projet et de l'entrepreneuriat a permis de développer des pédagogies originales,
voire innovantes" qui se traduisent par l'intégration de ces deux dimensions.
Cette pédagogie transversale vise à dépasser l’approche traditionnelle de type
transmission – réception d’informations. Ainsi, comme le soulignent Saporta et
Verstraete (1999, p. 321), « l’idée n’est pas de condamner la pédagogie des concepts
(…) ils sont indispensables quel que soit l’objet auquel on veut former l’étudiant, mais
il convient, dans l’enseignement, de provoquer des situations au sein desquelles
l’étudiant va pouvoir les mobiliser ». La pédagogie par projet permet ainsi des
approches graduelles de la réalité tout en cristallisant les connaissances dans l'action
collective.
• Sensibiliser à l'esprit d'entreprendre6 avec les technologies de liInformation et de la
communication (TIC). La fin de la "Nouvelle Economie" ne signifie pas pour autant la
disparition des opportunités d'affaires dans ces activités. Si le modèle des start-up
"dotcom", fondé sur le seul contenu informationnel a majoritairement échoué, les
activités associant information et apports technologiques continuent de se développer.
Elles nécessitent pour cela la mobilisation de compétences technologiques et
managériales. La conduite d'un projet entrepreneurial associant les élèves des deux
écoles joue en ce sens une véritable fonction "d'incubateur d'idées et de projets" et
s'intègre dans le processus de soutien de TMSP à la création d'entreprise dans les TIC.
Cet objectif est d’autant plus important qu’il implique les élèves ingénieurs de Télécom
SudParis. Or, la création d'entreprise par un ingénieur diplômé reste un phénomène
limité en France, touchant 5 à 7 % du total des ingénieurs (Deschamps, 1999). La
sensibilisation de cette population d’élèves à l’entrepreneuriat revêt donc un intérêt
certain, car « les ingénieurs entrepreneurs apparaissent comme porteurs d’innovations,
générateurs de richesse et semblent contribuer fortement à régénérer le tissu social et
industriel » (Fayolle, et Verzat 2009).
Le projet, orienté sur l'entrepreneuriat et la création d'activités avec les TIC, permet ainsi de
développer une pédagogie originale et de donner une nouvelle dimension à l'enseignement,
comme les objectifs pédagogiques définis ci-dessus le montrent.
A ce jour, ce sont environ 3800 étudiants élèves managers et élèves ingénieurs qui ont été
sensibilisés à l’entrepreneuriat par le jeu de la pédagogie action du Challenge Projets
d’Entreprendre. En amenant les élèves à réaliser dans leur cursus un projet de création
d'activités dans des conditions proches de la réalité, le Challenge permet de révéler ou
6
La sensibilisation à l'entrepreneuriat renvoie à la notion extensive d'esprit d'entreprendre définie par Albert et al. (1998)
et qui vise " - dans les affaires comme dans toutes les activités humaines - à identifier des opportunités, à réunir des
ressources de différentes natures, pour créer des richesses qui rencontrent une demande solvable".
5
d'affirmer des vocations d'entrepreneurs ou, à l'inverse, de confirmer l'absence d'intérêt pour
la création d'entreprise innovante.
Les résultats des enquêtes menées depuis la troisième édition du Challenge (2002) démontrent
le rôle joué par cette manifestation comme sensibilisateur à l’entrepreneuriat et comme
incubateur d'idées et de projets de création d'entreprise ; plusieurs étudiants souhaitant créer
leur projet au cours ou à la fin de leur scolarité, voire dans les années qui suivent leur
formation. Ces enquêtes nous ont permis de confirmer nos hypothèses relatives à l’importance
de la pédagogie « concours » pour la sensibilisation à l’entrepreneuriat, de qualifier
typologiquement différentes populations d’étudiants, d’améliorer le processus pédagogique et
d’ouvrir de nouveaux axes de recherche appliquée relatifs à la pédagogie concours.
Les différentes enquêtes menées depuis 2002 auprès des étudiants et les avis et suggestions
émanant d'enseignants et de partenaires, nous ont amené à reformater régulièrement le
Challenge Projets d'Entreprendre, chaque enquête faisant l’objet d’une analyse poussée afin
de faire du Challenge l’outil pédagogique le plus efficient possible au service de la mise en
valeur de l’entrepreneuriat. Schématiquement, l’organisation du Challenge est la suivante. Les
équipes disposent d'une semaine de travail complète: l’équipe d’organisation assure une
permanence y compris le samedi et dimanche, offrant ainsi aux équipes qui le souhaitent le
bénéfice de conseils et d’informations. Le collège d'experts enseignants-chercheurs est
renforcé par des experts en création d'entreprise et en accompagnement tout au long de la
semaine (directeur de pépinière ou d’incubateur d'entreprises, expert-comptable, avocat,
banquier, conseils, entrepreneur...). Les équipes participent à des ateliers d’information
interactifs autour de six points fondamentaux dans l’élaboration d’un plan d’affaires : atelier
commercial, atelier logiciel d’aide à la décision, atelier financement, atelier juridique, atelier
présentation à un investisseur et atelier ressources humaines. Depuis l’édition 2007, le tutorat
individualisé des premières éditions est remplacé par des expertises collectives assurées par
des binômes de professeurs (un spécialiste en sciences de gestion et un spécialiste en sciences
techniques) afin que le projet ne découle pas de professeurs « trop entreprenants » mais bien
du travail des étudiants. Pour élaborer leur service ou produit, les élèves sont organisés en
mode de gestion de projet. L'organisation du Challenge définit des objectifs et oriente les
équipes dans la conduite d'actions méthodiques pour aboutir à l'élaboration de leur service ou
7
Plusieurs grandes entreprises et des PME apportent leur appui financier chaque année ainsi que des institutions publiques.
6
produit proposé. L’ensemble des outils est mis en ligne sur la plateforme « Moodle » depuis
l’édition 2007 et est regroupé dans un document d’ensemble appelé « cahier des charges du
Challenge Projets d’Entreprendre à l’intention des étudiants et des tuteurs pédagogiques ».
Suivant la démarche du management par projet, les équipes disposent de ressources qu'elles
vont devoir gérer de manière optimale au cours de la semaine du Challenge. Quatre ressources
clés sont ainsi identifiées : les compétences des élèves, le temps, les moyens disponibles de
l’école, et l’accès à des experts externes.
Les compétences propres des élèves composant l'équipe constituent la première ressource. Le
Challenge met ainsi en valeur les connaissances acquises et permet de les mettre en œuvre
dans un processus complexe. Le temps est également une ressource clé du Challenge. Les
équipes disposent de six jours pour construire un plan d’affaires autour de leur idée. Face au
volume et à la diversité des tâches à accomplir, elles doivent procéder à une allocation
rationnelle du temps disponible. Les moyens matériels de TMSP sont mis à la disposition des
participants : salles de réunion, médiathèque, moyens informatiques (salles PC, plates-formes
de recherche et d'expérimentation, etc.). Les élèves peuvent enfin faire appel à des expertises
extérieures. Chaque équipe est ainsi conseillée par des enseignants-chercheurs de TMSP. Les
équipes disposent également d'un crédit temps auprès d'un "pôle conseil" en création
d'entreprise formé par des professionnels de la création d’entreprise et de l’accompagnement.
Outre ces ressources formalisées, les équipes peuvent également recourir aux conseils des
entreprises partenaires du Challenge et à l'expertise tant technologique que managériale de
l’ensemble des enseignants-chercheurs de TMSP.
8
Chaque dossier est noté par deux enseignants en gestion et par deux enseignants d’une discipline technologique.
9
Chaque équipe lauréate de sa poule est récompensée par un Prix de 1500 Euros.
7
2. Etude empirique
Cette étude vise à évaluer les réels impacts de ce type de concours sur l’intention
entrepreneuriale et le passage à l’acte de création. Nous nous intéresserons tout
particulièrement aux éventuelles relations entre l’envie d’entreprendre des étudaints, leur
satisfaction, leur performance pendant le concours et la poursuite envisagée des projets.
8
entrepreneuriale : le développement d’une idée, la découverte du plan d’affaires, le
lien entre les différentes matières enseignées,
[3]- Les critères qui relèvent d’une nouvelle forme d’enseignement axée autour du
travail en équipe, de l’accompagnement par des tuteurs, de l’apprentissage non
magistral,
[4]- Le fait de gagner un prix en numéraire dont on peut supposer qu’il constitue une
motivation également partagée quelle que soit l’implication du répondant dans un
projet de création d’entreprise.
Pour tester l’hypothèse selon laquelle les étudiants-entrepreneurs et les autres étudiants
n’expriment pas les mêmes attentes, nous avons mené une analyse discriminante en opposant
ces deux groupes. Les variables indépendantes (explicatives) retenues sont les critères
d’importance mesurés sur une échelle à 4 modalités allant de « pas du tout important » à « très
important ». Les réponses de type « ne s’applique pas » ont été écartées lors du traitement.
Nous avons montré que les deux populations ciblées par la manifestation – étudiants en quête
de connaissances et étudiants impliqués dans une démarche d’entrepreneurs – étaient
différentes. Il convient maintenant de s’intéresser aux critères explicatifs de la satisfaction
globale. Tout d’abord, nous pouvons noter que la satisfaction globale vis-à-vis de la
manifestation est élevée sur la période 2002-2008 : suivant les années plus des deux tiers et
jusqu’à 82% en 2007 des répondants s’estiment « très satisfaits » ou « plutôt satisfaits »,
contre 66% en 2008.
Quoique élevée, la satisfaction n’est toutefois pas homogène auprès de l’ensemble des
étudiants. A nouveau, le critère qui oppose les entrepreneurs d’un côté aux étudiants plus
« classiques » de l’autre s’imposent comme une variable discriminante : ainsi 48% des
9
étudiants qui estiment que le Challenge a développé en eux l’envie de créer leur entreprise ou
leur activité se déclarent globalement « très satisfaits » de la manifestation alors qu’ils ne sont
que 6% de ceux qui déclarent que le Challenge n’a pas suscité en eux d’envie particulière
d’entreprendre à émettre le même jugement.
On peut donc logiquement penser que les critères explicatifs de la satisfaction globale ne sont
pas les mêmes auprès des deux sous-population identifiées. Pour le démontrer, nous
procédons à trois régressions linéaires successives. La 1ère est menée sur l’échantillon total
tandis que les deux suivantes portent sur les deux sous-populations, étudiants-entrepreneurs et
étudiants « classiques ». La variable dépendante (expliquée) est la satisfaction globale (Satis)
tandis que les variables explicatives sont l’ensemble des items de satisfaction mesurés sur une
échelle de Likert en 5 points (pas du tout satisfait ; plutôt pas satisfait ; ni oui, ni non ; plutôt
satisfait ; très satisfait). Le tableau 2 donne les résultats des 3 régressions menées.
Pour restreindre le nombre de variables prises en compte et en particulier éliminer celles qui
présentent de trop fortes corrélations entre elles, nous avons opté pour la méthode de
régression pas à pas ascendante. Rappelons que dans cette méthode séquentielle, une première
variable est sélectionnée sur la base de sa plus forte corrélation simple avec la variable
dépendante (Satis). La deuxième variable introduite est celle qui a la plus forte corrélation
partielle et ainsi de suite. A chaque pas, le coefficient de régression de la nouvelle variable
entrée est testé sur sa signification statistique : l'inclusion de nouvelles variables s'arrête
lorsqu'un critère, habituellement une valeur de F(t²) est atteinte (Pupion, 2010).
Quelle que soit la sous-population analysée, les trois régressions linéaires sont statistiquement
significatives. Les valeurs de R2 ajustées sont correctes et proches de 50% : la régression sur
les variables de satisfaction par item explique la moitié de la variance de la satisfaction
globale (Satis). La valeur du F de Fisher est statistiquement significative pour les trois
régressions (p < 0,000). Il existe donc sur chacune des populations ou sous-populations
identifiées au moins une variable de satisfaction « explicative » de la satisfaction globale.
10
2.3.1. Variables explicatives pour les étudiants classiques
Sur cette sous-population – répondants ayant déclaré que le Challenge ne leur avait pas donné
envie d’entreprendre ou de créer une entreprise – la régression est significative sur un nombre
très restreint de critères. Seules deux variables sont retenues par la régression pas à pas
ascendante (cf. tableau 3) : [1]- l’organisation générale et [2]- la thématique parrain, critères
généraux qui dénotent davantage une appréciation globale sur le déroulement de la
manifestation et son orientation thématique qu’une réelle appréciation sur des critères plus
impliquants en rapport avec l’évaluation des projets et le déroulement des actions de terrain.
Nous avons montré qu’une manifestation autour telle que le Challenge de TMSP peut
rassembler deux publics distincts dont les attentes sont bien spécifiques : les étudaints-
entrepreneurs et les étudiants classiques. Les étudiants-entrepreneurs semblent très tôt intégrer
une démarche professionnelle mettant l’accent sur la qualité de leurs interlocuteurs et des
moyens mis à leur disposition lors des phases exigeantes de la conduite de projet ou des
actions de terrain.
On peut donc se demander si ces étudiants obtiennent une performance supérieure à celle des
étudiants « classiques » lors de la compétition pour l’attribution des prix aux meilleurs projets.
Il nous reste également à vérifier qu’ils ne limitent pas leur action aux seuls travaux qui leur
sont demandés à l’occasion du Challenge mais qu’ils intègrent une démarche
d’approfondissement et de suivi plus élaboré (et durable) que les étudiants « classiques ».
11
2.4.1. Envie d’entreprendre et performance lors du Challenge
Il nous a semblé intéressant de chercher à savoir si l’étudiant-entrepreneur a développé, dans
le cadre de la compétition organisée pour récompenser les meilleurs projets, une performance
supérieure à celle affichée par l’étudiant « classique ».
Pour cela, nous avons croisé les réponses à la variable « Entrep » avec le parcours du
répondant, de simple participant à finaliste ou lauréat (cf. tableau 5). Le résultat est sans
appel : 100% des lauréats se recrutent parmi les étudiants qui déclarent que la manifestation
leur a donné envie d’entreprendre (les étudiants « classiques » ne fournissant aucun lauréat).
Ces lauréats comptent pour 28% des étudiants-entrepreneurs.
Il est toutefois difficile d’établir le sens de la causalité : le résultat du classement et la
désignation des lauréats ont-ils éveillé ou développé l’envie d’entreprendre auprès des jeunes
étudiants récompensés ou bien les étudiants qui affichent les meilleures dispositions
entrepreneuriales réalisent-ils au final un meilleur parcours ? D’autres recherches ultérieures
nécessitent d’être menées pour définitivement répondre à cette question.
12
étudiants ont, il est vrai et indépendamment de leurs motivations, pris au moins un
contact avec un des conseillers, enseignants, professionnels ou bien encore étudiants.
De plus, certains projets ont ensuite été développés au sein de l’incubateur de TMSP et ont
conduit à des créations d’entreprises. Afin d’évaluer l’impact de ce concours sur le passage à
l’acte de création, nous avons menés des entretiens semi directifs avec les fondateurs de trois
entreprises suite à leur participation au Challenge. Leur firme est hébergée dans l’incubateur
de TMSP. Ces résultats sont exploratoires car on évalue le passage à l’acte immédiat, c’est-à-
dire à l’issu de la manifestation car on n’a pas de données sur le passage à l’acte en dehors de
ce cadre. Or des étudiants peuvent décider de créer une entreprise après leur sortie de l’école.
On ne peut pas alors déterminer si ce concours a eu une influence dans leur décision par
manque de suivi de ces cas.
Pour les fondateurs des trois entreprises, ils avaient participé au Challenge avec un projet dont
le « concept » est différent de celui qu’ils ont ensuite élaboré, même si pour deux entreprises,
au moins un fondateur avait gagné un prix lors du Challenge.
Les entretiens ont montré que le Challenge a permis d’avoir une première approche de la
création et de « donner envie de créer ». En ce qui concerne la phase d’étude, ce résultat
contredit l’hypothèse d’une influence directe du Challenge dans la définition du projet (qui a
changé lors de la création effective), dans son organisation (une partie de l’équipe uniquement
s’est associée lors de la création) et dans la détermination des dimensions technologiques et
commerciales (réorientées depuis le renouvellement de la définition du projet). L’enquête a
ainsi montré que cette phase constitue « un premier terrain d’application » des connaissance
théoriques acquises en finance, stratégie et en entrepreneuriat, mais le Challenge a été moins
décisif en terme d’apprentissage qu’en terme de motivation à créer une entreprise.
L’étude a également montré que l’essentiel des compétences à acquérir sont concentrées dans
l’étape de création dans la quelle les étudiants-créateurs se voient obligés de faire un
«apprentissage sur le tas» car, leur formation académique se révèle insuffisante pour
l’affronter. Le Challenge est un « point de passage » vite oublié à partir de là. Cependant, les
fondateurs soulignent l’importance de l’incubation qui a eu un effet accélérateur sur
l’avancement de leur projet. Ce constat renforce l’hypothèse selon laquelle le processus
d’incubation est déterminant dans le succès futur d’une jeune entreprise innovante.
Au final, le Challenge apparaît comme un facteur déclenchant secondaire car les facilités (prix
monétaire qu’ils peuvent consacrer au démarrage de leur projet, contacts générés durant la
manifestation avec les professionnels et les enseignants-chercheurs, accès à l’incubateur de
TMSP, et adaptation de leur cursus d’études au sein de TMSP pour poursuivre leurs études et
développer en parallèle leur projet) dont bénéficient tous les participants à ce concours (sauf
pour le prix monétaire réservé aux lauréats) semblent prépondérantes, en particulier la
structure d’incubation interne à TMSP.
Conclusion
Au travers de cette expérience, nous avons montré que les concours de projets de création
d’entreprise constituent un excellent moyen de confronter des élèves de grandes écoles à
l’intérêt et aux difficultés de la création d'entreprise. Si la majorité d'entre eux se destinent à
des carrières d'encadrement dans de grandes entreprises industrielles et de services, quelques
diplômés optent en effet chaque année pour le développement de leur propre activité. Au
13
niveau pratique, nous avons d’ailleurs déjà transféré avec succès ce concours en Tunisie (au
sein d’IHEC Carthage) et en région Nord Pas de Calais (Télécom Lille I).
Concernant les méthodes de travail, les élèves ayant répondu au questionnaire insistent sur
l’apprentissage des méthodes de management de projet. Cette dimension concerne en premier
lieu la gestion du travail en équipe et des conflits dans un contexte pluridisciplinaire; la
répartition des tâches au sein du groupe ou encore l’apprentissage de l’autonomie. En second
lieu, le Challenge place les élèves en situation de gestion du stress et favorise les
apprentissages de la réactivité et de la prise de décision.
En amenant les élèves à réaliser dans leur cursus un projet de création d'activités dans des
conditions proches de la réalité, le Challenge permet de révéler ou d'affirmer des vocations
d'entrepreneurs ou, à l'inverse, de confirmer l'absence d'intérêt pour la création d'entreprise.
Pour les aspirants entrepreneurs, cette manifestation est une occasion unique pour formaliser
leurs idées de création, en s'appuyant sur une démarche structurée de conduite de projet, et de
les confronter aux critiques constructives de professionnels de l’innovation et de la création
d'entreprise.
Les résultats des différentes enquêtes menées à l’issu du Challenge Projets d’Entreprendre, et
en particulier celle de 2008, démontrent le rôle joué par cette manifestation comme
sensibilisateur à l’entrepreneuriat et comme incubateur d'idées ainsi que de projets de création
d'entreprise. L’impact est plus fort pour la population des étudiants-entrepreneurs. Ils ont dans
l’ensemble réalisé plus d’actions (ou envisagent plus souvent de le faire dans un avenir
proche) que les étudiants « classiques », et l’investissement sur leur projet dépasse le simple
cadre de la manifestation. On remarque également que 100% des lauréats se recrutent parmi
les étudiants qui déclarent que la manifestation leur a donné envie d’entreprendre. De plus,
certains projets ont été ensuite continués au sein de l’incubateur de TMSP.
Mais, notre analyse ne permettent pas déterminer si le résultat du classement et la désignation
des lauréats ont éveillé ou développé l’envie d’entreprendre auprès des jeunes étudiants
récompensés ou bien si les étudiants qui affichent les meilleures dispositions entrepreneuriales
réalisent-ils au final un meilleur parcours.
D’autre part, ce type concours ne semble pas influencer de manière importante le passage à
l’acte de création car même pour les lauréats du concours, il apparaît comme un facteur
secondaire. Finalement, ce type de concours remplit déjà un objectif important en éveillant les
étudiants à la création d’entreprise. Il doit cependant s’inscrire dans des dispositifs
pédagogiques en entrepreneuriat plus larges afin de favoriser le passage à l’acte de création
des étudiants.
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Annexes
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