Les Cites D'habitat Collectives - Strategies Et Actions Des Occupants Pour Ameliorer Leur Cadre de Vie

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Revue des Sciences Humaines – Université Mohamed Khider Biskra No :43

LES CITES D’HABITAT COLLECTIVES :


STRATEGIES ET ACTIONS DES OCCUPANTS POUR
AMELIORER LEUR CADRE DE VIE
SAIDANI Ammar
KALA Mehdi
NACEUR Farida
Université de Batna

Résumé: :
Ce papier tente de montrer comment
les propositions d'implication des
habitants à la gestion de leurs cités
s’inscrivent dans la vie quotidienne pour
faire face aux difficultés et malaises
vécus. Quelles actions et stratégies sont
construites par les occupants pour
maintenir ou améliorer leurs conditions
de vie ? Quelles sont les actions
collectives les plus perceptibles au
niveau des cités d’habitat collectives ?
Pour répondre à ces interrogations, on
tentera de détecter les actions
individuelles ou collectives les plus
perceptibles et l’on examinera leurs
formes, leurs portées et leur influence
sur la décision.
Le terrain d’étude portera
précisément sur les cités d’habitat
collectif à Batna, ce qui est susceptible
de mieux nous éclairer sur la
problématique complexe que soulève
l’espace d’habitat collectif dans une
ville algérienne en plein essor. L’analyse
est basée sur des observations puisées
dans le vécu quotidien et des entretiens
auprès des organismes étatiques chargés
de gestion, les professionnels, les
associations et les éventuels groupes de
résidents.
Mots clés : cités collectives,
initiatives, stratégies, actions collectives

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Revue des Sciences Humaines SAIDANI Ammar/ KALA Mehdi /NACEUR Farida

INTRODUCTION
L’habitat collectif en Algérie constitue une composante
imposante du paysage urbain. Ce fut d’abord à travers les « Z.H.U.N.
zones d’habitat urbaines nouvelles », au début des années 1980, que
les premiers programmes d’habitat collectif de grande envergure ont
été lancés partout dans les villes algériennes. Depuis l’an 2000,
l’habitat collectif connait un nouvel essor grâce à la relance
économique et la volonté politique de mettre fin à la crise de
logement. Ainsi, dans toutes les villes algériennes, de très vastes
programmes de logements collectifs voient de plus en plus le jour.
Cependant, ces larges programmes de construction des
logements collectifs n’ont jamais été accompagnés par une réflexion
sur un mode de gestion approprié. Le processus de « cession des biens
de l'état », engagé par l’état au début des années 1980, a fait que des
locataires soient passés au statut de copropriétaires, sans toutefois que
la question du financement de la gestion des parties communes ne soit
prise en charge. (safarzitoun, 2012)
Cette situation fut aggravée sous l'effet de l'accroissement
spectaculaire qu'a connu le parc national relevant de l'office de
promotion et de gestion immobilière (OPGI) depuis les années 80.
L'Algérie compte actuellement plus de 1 200 000 logements sociaux
dont la majeure partie s'est transformée d'une propriété exclusivement
étatique, l'OPGI, à une copropriété gérée par le décret 83/666. (Fares,
2008). Le résultat étant que la qualité des immeubles a commencé à se
détériorer et depuis, l'environnement ne cesse de se dégrader.
Ces conditions ont fait que la gestion du patrimoine immobilier
devienne très complexe. Les OPGI en tant que principaux et uniques
organismes de gestion immobilière se sont retrouvés devant des
difficultés quasi insurmontables de gestion des cités d’habitat
collectif. Leur intervention a été rendue légèrement impossible et
économiquement non rentable.
Ce n’est qu’au début des années 2000, que pour pallier à cette
défaillance, la solution du désengagement progressif de l’Etat quant à
la prise en charge des problèmes de la gestion des cités d’habitat
collectives en Algérie, fut préconisée. Une nouvelle organisation en
matière d'entretien du bien immobilier a été instaurée visant
l’implication, d’une manière efficace, des occupants de ces cités dans
le cadre de la loi sur la copropriété. Cette procédure a permis la mise
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Les cites d’habitat collectives … Revue des Sciences Humaines
en œuvre des comités d’immeubles et la désignation des
administrateurs. Or, sur le terrain cette fonction tarde à se mettre
effectivement en place en Algérie malgré la promulgation, en 1997,
d'un décret portant instauration de cette nouvelle activité. (R. N. APS
(2008).

1 : DES HABITANTS FACE AUX DIFFICULTES

Face à ces difficultés et livrés à eux-mêmes, les habitants ont


commencé à se sentir plus soucieux de la gestion de leur cadre de vie,
cela se manifeste de plus en plus à travers les initiatives prises par ces
derniers pour prendre en charge ce problème.
Il est plus courant de nos jours d’observer les habitants des
cités collectives s’organiser pour s’allouer les frais d’une femme de
ménage pour le nettoyage de la cage d’escaliers, ou s’associer
ensemble pour se partager les frais de minuterie ou du gardiennage.
D’autres se sont tournés vers les structures existantes: les
comités de quartier pour décrier leur cadre de vie lamentable et jouer
le rôle d’interface entre eux et les autorités locales. Certains ont même
pris des initiatives pour la création d’un comité de quartier.
Cela montre que dans de nombreuses villes algériennes,
contrairement aux décennies précédentes, pour faire face aux malaises
vécus, de nombreuses actions et stratégies sont construites par les
occupants pour maintenir ou améliorer leurs conditions de vie.
Néanmoins, de ces initiatives, il en résulte de nombreux conflits
d’usage qu’il convient d’énumérer afin d’élucider les problèmes
auxquels se confrontent les habitants pour la gestion de leurs lieux de
vie. Afin d’atteindre cet objectif, nous allons focaliser dans ce qui suit
sur le cas de la ville de Batna,
2 : L’HABITAT COLLECTIF A BATNA, POLITIQUES
PUBLIQUES DE GESTION

A l’instar des villes algériennes, Batna a connu deux grandes


opérations d’habitat de grande envergure, suite aux directives du PUD
1978 : La Z.H.U.N II, regroupant un total de 3416 logements
collectifs dont 3108 logements ont été réalisés. En plus de la cité 742
logements. La Z.H.U.N I, regroupant un total de 2366 logements
collectifs dont 2136 logements ont été réalisés,
Ces opérations ont engendré des cités d’habitat collectif de grandes
tailles, cités qui à peine achevées ont connu une dégradation accélérée.
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Le cas de la Z.H.U.N II est éloquent, elle regroupe les cités collectives
de plus grandes tailles : La Cité des 1200 logements et la cité 1272
logements connu sous le vocable cité SAE. Cette Z.H.U.N est connue
par son laisser aller,(Naceur,2003) ce sont en particulier les 4
immeubles de 09 étages placés au centre de la cité des 1200 logts qui
font l’objet de maintes critiques.(Naceur,1995, Zeghichi,2014) L’état
déprimant, les salissures semblent affecter négativement les occupants
au point où un jeune habitant de la cité 1272 logts appelé « cité
colonel Lotfi » suggère de changer son nom, car elle porte préjudice à
cette grande figure de notre guerre de libération.

En plus du problème induit par la taille gigantesque des cités, les deux
Z.H.U.N furent implantées sur des sites périphériques, les malaises de
leurs occupants ont, pendant de longues années, été alourdis par les
contraintes épuisantes de sous équipement et d’éloignement par
rapport au centre.

Fig.N°1. Situation des deux Z.H.U.N à Batna


Source PDAU 2008

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La gestion des cités d’habitat collectif « social » relevait
principalement des services étatiques et particulièrement « L’OPGI ».
Des dispositifs préparant le désengagement progressif de l’état et
favorisant la participation des habitants à la gestion de leurs cités ont
été mis en œuvre, des dispositifs parallèles ont été crées pour la prise
en charge directe des nouvelles cités d’habitat par les occupants dans
le cadre de la loi sur la copropriété.

Cependant, comme dans la plupart des villes Algériennes, la


fonction d’administrateur de bien fait encore défaut à Batna. Afin de
faciliter le désengagement progressif de l’OPGI chargé de la gestion
des cités collectives sociales, les organismes locaux étaient tenus de
sensibiliser les habitants autour de la loi sur la copropriété. Or, dans
les réunions, seuls était convoqués « des responsables » des cités,
souvent des présidents d’associations qui saisissaient ces occasions
pour faire entendre leurs réclamations et leurs revendications
concernant l’état de délabrement ou de dégradation de leurs cités.
Interrogés sur la question, les présidents des comités de quartier ont
évoqué les contraintes exigées pour la mise en place de «l’assemblée »
afin d’élire l’administrateur. D’une part, un nombre important
d’habitants devrait être présent lors de l’assemblée, d’autre part pour
assurer la légalité de la conduite de l’opération, le recours à un
huissier de justice est indispensable, alors que les comités souffrent
déjà de manque de financement pour leur fonctionnement.

3: ACTIONS ET STRATEGIES CONSTRUITES PAR LES OCCUPANTS


POUR LA GESTION DE LEUR CADRE DE VIE :

Comme dans la plupart des villes algériennes, à Batna,


souvent, les habitants des cités collectives s’organisent pour s’allouer
les frais d’une femme de ménage pour le nettoyage de la cage
d’escalier. Les conflits relatifs à ce genre d’usage relèvent de certains
habitants qui ne paient pas régulièrement leurs cotisations, ou du refus
catégorique de certains d’entre eux à payer les frais. Derrière ces
réticences, il y’a de nombreuses causes dont, entre autres, le revenu
bas des ménages. Cela pourrait expliquer l’absence de telle pratique
dans les cités d’habitats sociaux occupés par des catégories
défavorisées. Ce qui fait que cet usage ne soit pas généralisable au
niveau de l’ensemble des cités et parfois de la même cité, et qu’il reste
limité à certains blocs. Dans certaines cités, les femmes, elles mêmes,
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s’organisent pour se répartir cette tache ménagère entre elles à tour de
rôle une fois par semaine.
L’usage de la minuterie au niveau de la cage d’escalier et des
halls d’entrée n’est pas encore une pratique généralisable dans les
cités collectives à Batna, il se limite à certaines cités, et parfois aussi à
certains blocs au sein de la même cité. Dans le cas échéant, on observe
le recours des habitants à l’éclairage individuel en plaçant des lampes
actionnées de l’intérieur du logement au dessus des portes
Le problème de la fermeture des blocs, durant la nuit en
particulier, se pose avec acuité au niveau de plusieurs cités collectives.
Pour garantir la sécurité de leurs immeubles, souvent les habitants
s’organisent pour l’achat d’une vachette commune pour la fermeture
du bloc d’entrée. La clé du bloc n’est délivrée qu’aux occupants, cela
permet de limiter les intrusions aux blocs. Sur le plan opérationnel,
cette pratique se heurte souvent à des contraintes telles que le nombre
de personnes par famille qui doivent disposer d’une clé …. Problèmes
qui, au fil du temps, découragent les habitants et mènent à l’abandon
de cette pratique.
Dans certaines cités, on a noté même l’utilisation d’interphones. Cette
pratique reste restrictive en raison du cout élevé et des charges à
payer.
La fermeture de groupements de Blocs, à l’intérieur d’une même cité,
est un phénomène très perceptible au niveau des cités d’habitat social
participatif nouvellement crées à la nouvelle ville de Hamla. Cette
procédure est encouragée par deux facteurs importants : la
configuration spatiale des blocs, l’homogénéité ou le degré de
cohésion sociale du fait que souvent les promoteurs immobiliers
recourent à leur propre réseau de connaissance pour la vente des
logements sur plan. Cela fait que le réseau de connaissance, de
parenté… soit large au niveau de ces blocs. Les habitants interrogés
affirment que, poussés par les soucis de sécurité, ils ont optés pour ces
solutions. Néanmoins, derrière cette pratique, ce cache une tendance à
la territorialisation des cités résidentielles dont la plupart sont privées.
Cette territorialisation s’accompagne d’un besoin d’identification.
Cela s’affirme dont l’envie de se démarquer et de se distinguer à
travers une nomination du groupement : cité belle vue.

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Photo N°2. Groupement : Bellevue, (Pôle de Hamla)

Avec l’accroissement du parc automobile durant la dernière


décennie en Algérie, le besoin de « surveiller » son véhicule est
devenus pressent, cela a poussé de nombreux habitants à s’organiser
entre eux pour garantir la surveillance des parkings à ciel ouvert
durant la nuit en particulier et même durant les heures de journée.
Dans certains cas, il s’agit de parking commun à plusieurs cités. Le
gardiennage, dont les frais sont partagés par les habitants, est parfois
assuré par des jeunes de quartiers eux-mêmes.

Dans les cités, il y’a un recours au gardiennage pour assurer la


sécurité de l’ensemble collectif, il s’agit d’une personne engagée à
plein temps dont le salaire est versé mensuellement et l’installation
d’une loge pour lui servir d’abris.
Si les habitants des cités collectives arrivent à s’organiser pour
le nettoyage des espaces communautaire intérieurs, les espaces
extérieurs posent encore problème dans de nombreuses cités,
Exception faite aux rares cités où les habitants ont recours aux
services de gardiennage, dans ces cas, l’entretien des espaces
extérieurs fait partie intégrante des taches octroyées aux agents
chargés de gardiennage.

La ville de Batna a connu, dés le début des années 90, un essor


considérable des espaces verts urbain, cela s’est accompagné par un
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engouement de certains habitants de cités collectives pour les espaces
verts. Les retombées positives de ces actions sont très perceptibles au
niveau de certaines cités collectives dont le paysage s’est
complètement changé. C’est particulièrement dans les cités 500 logts
et 800 logts dans la Z.H.U.N I que les tentatives d’appropriation des
espaces adjacents aux blocs ont été le plus observées.
4 : COMITES DE QUARTIERS A BATNA:
Le nombre d’associations totales à Batna est de 3342
associations, dont entre autres, 564 comités de quartier, ce qui
représente 16,87% du total des associations agrées. Ce taux se situe au
dessous de la moyenne nationale (21,74%), il est relativement faible si
l’on considère l’importance de la wilaya au niveau national du point
de vue population, bien qu’elle soit classée 5ème du point de vue
population, elle occupe le 7ème rang du point de vue nombre de comité
de quartier par rapport aux autres wilayas d’Algérie. (Ministère de
l’intérieur ,2011)
Le nombre de comités de quartiers agrées au niveau de la ville
de Batna est estimé à 69 Comités en 2010. Ce nombre est relativement
faible comparé au vaste programme d’habitat collectif qu’à connu
Batna dernièrement. (Direction des affaires sociales, wilaya Batna,
2011) L’analyse des données récupérées, a montré que de nombreux
comités de quartier ne sont pas réellement présents sur terrain.
Ce qui est remarquable, c’est que parmi ces 69 comités, ceux
des cités collectives sont les plus représentatives avec 41 comités soit
59,42%. Cependant, comme dans la plupart des villes Algériennes,
malgré l’existence du cadre juridique adéquat permettant à ceux-ci de
jouer un rôle important dans la gestion urbaine et de participer aux
séances du conseil municipal afin d’informer ce dernier des actions
engagées dans les quartiers, la plupart des présidents de comité de
quartier rencontrés se plaignent d’être mis en marge de la gestion
locale des affaires publiques et affirment n’avoir pas eu la chance
d’être associés même dans les décisions touchant leur propre quartier.

5 : Champ d’action et influence sur la décision

Contrairement à nos prévisions, de nombreuses actions collectives ont


été engagées par les habitants des cités durant la dernière décennie.
Les actions collectives prennent parfois une allure plus vive, se
présentant sous formes de pressions engageant l’ensemble des

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habitants de la cité autour d’un problème aigu et les opposants aux
pouvoirs publics mêmes.
Afin de saisir le rôle effectif des comités de quartier dans les cités
collectives, nous allons nous intéresser aux deux associations les plus
actives : associations des 500 logts et celles des 800 logts à Batna

5.1 : ASSOCIATION DE LA CITE DES 500 LOGTS

Le quartier étudié, « cité des 500 Logts», se situe dans la


ZHUN 1, l’association concernée agit au sein du quartier depuis 1993
et s’est donnée pour objectif de :
« Faire participer les citoyens aux décisions qui entraînent une
modification de leur cadre de vie et de défendre la qualité de vie ».
Elle compte aujourd’hui, en plus des quinze membres de son bureau
constitutif, une centaine d’éléments actifs. Plus des deux tiers d’entre
eux sont adhérents. Cette association est, par ses thèmes et ses
répertoires d’action, ainsi que par sa population, tout à fait typique des
associations de quartier Algériennes contemporaines.

Un des actes, pour lequel est reconnu le rôle de cette


association, est l’aboutissement à l’annulation du projet de
densification qui devait se faire au détriment de l’espace vert de la
cité.
En effet, dans le cadre du « programme de souveraineté », visant à
octroyer un ratio de locaux commerciaux au profit des jeunes de
chaque commune, il a été décidé de designer un terrain « vide » au
sein de la cité des 500 logts pour l’implantation du dit projet. Cette
décision, prise sans aucune consultation avec les habitants, a engendré
leur insatisfaction. Ils se sont opposés violement à cette volonté des
décideurs locaux et se sont engagés dans une véritable « protestation»
qui a abouti à l’arrêt des travaux pourtant entamés.
Les causes inhérentes à cette insatisfaction furent non
seulement la dévastation d’un terrain supposé être un espace vert mais
cette implantation allait bloquer les seules issues possibles des
pompiers en cas d’urgence.
Organisées autour de leur comité de quartier, de nombreuses actions
ont été entreprises par les habitants : signature de pétitions adressées
aux autorités locales, recours aux medias, organisation d’un setting à
l’intérieur du périmètre de la cité et une opposition physique ferme
aux travaux de chantier engagés. Grâce à ces pressions, les habitants
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ont eu gain de cause, les autorités ont cédé, les travaux furent arrêtés
et le dit projet abandonné. Les habitants se sont engagés comme
interlocuteur auprès des autorités en suggérant le choix d’une autre
assiette plus propice à proximité de la cité. Cette action a renforcé
l’attachement des habitants à l’espace extérieur, ainsi, pour le protéger
contre une future « intrusion », ils ont décidé de « l’occuper » en le
clôturant et en le transformant en espace vert au profit des occupants.
Photo N°30 : Espace vert soumis au
contrôle des habitants cité 500 Logts

Ce qui est remarquable, c’est le fait que ces pressions ont


tendance à s’inscrire dans la durabilité, l’association des 500 logts
continue à œuvrer pour le profit des jeunes de la cité. Notant des
irrégularités et des retards dans la distribution des locaux
commerciaux voués aux jeunes sans emploi, le président de
l’association nous a confirmé que les habitants s’apprêtent à engager
des actions pour dénoncer ce type de pratique, ce combat pourrait
permettre à certains jeunes désœuvrés de la cité de bénéficier de ce
type de locaux.
5.1.1 : Dénoncer des problèmes environnementaux de santé
publique

Les habitants de la cité des 500 logts ont permis de dénoncer


un problème environnemental et de santé publique aigu et cela grâce à
leur découverte d’organes et de membres amputés
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« chirurgicalement » dans un point de collecte d’ordures au sein de
leur cité. En relatant cet événement, le président de l’association
rapporte : « j’étais dans le hammam, lorsque je fus appelé par les
habitants de la cité qui m’ont signalé la découverte de sachets
plastiques noirs « objets suspects », ils ont attendu mon arrivée pour
vérifier la contenance de ces objets». L’affaire a été très médiatisée, il
s’en est suivi la poursuite judiciaire de la clinique chirurgicale
responsable de ces rejets illégaux. Ces questions montrent que les
habitants deviennent soucieux de ce qui se passe au sein de leur cité et
se portent, ainsi, garants de sa sécurité.

En signalant les anomalies et autres entorses faites aux lois, les


associations, par ce genre d’actions, dépassent le cadre de gestion de
la cité collective pour s’occuper de « la gestion urbaine ».

5.2 : ASSOCIATION DE LA CITE DES 800 LOGTS)

Le quartier étudié, «cité des 800 Logts», se situe au sud de la


ZHUN1. L’association concernée agit au sein du quartier depuis le
début des années 1990, elle compte, aujourd’hui, en plus des quinze
membres de son bureau constitutif, une centaine d’éléments actifs.
Plus des deux tiers d’entre eux sont adhérents. Ses préoccupations
sont environnementales (préservation des espaces verts, propreté du
quartier, lutte conte les nuisances et pollution).
De façon plus générale, l’association se veut active par son action
militante, par exemple en faveur de la lutte contre « les irrégularités
urbaines» ou les nuisances environnementales.

5.2.1 : Lutter contre les « irrégularités urbaines »

L’association a permis de mettre en évidence des


« irrégularités urbaines » grâce à l’opposition des habitants de la cité
des 800 logts contre une opération qui avait pour objectif la réalisation
d’une série d’habitations individuelles par un promoteur privé sur les
terrains libres disponibles de la cité. L’opération s’inscrivait dans le
cadre de « densification urbaine ». Pour les habitants, il s’agissait
d’une dévastation illégale de l’espace vert qui leur était destiné. Dans
ce cas également, les actions volontaires engagées par les habitants
ont abouti à l’arrêt du chantier et l’abandon du dit projet. De même
que dans la cité des 500 logts, les habitants se sont transformés en
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« auto défenseurs » des espaces extérieurs en s’appropriant les terrains
vides , les transformant en espaces verts puis en les protégeant par la
mise en place de clôture , signalant la main mise des habitants sur
l’espace extérieur et interdisant de futures appropriations ou intrusions
irrégulières.
Ces actions ont été possibles car le cadre judiciaire le permettait,
l’octroi d’un terrain à un promoteur privé pour usage d’habitation
individuelle était un argument juridiquement défendable.
Photo N° 04/ vue sur l’espace vert « sous le
contrôle des habitants »

5.2.2 : Lutter contre les nuisances


L’environnement a été aussi la cause de mécontentement des
habitants de la cité des 800 logts. Ceux-ci se sont engagés dans une
lutte pour parvenir à la suppression d’une décharge en plein air au sein
de leur cité. Il s’agit d’un point de collecte d’ordures ménagères
ouvert implanté en plein centre de la cité qui constituait une source de
nuisance et de délabrement pour l’ensemble collectif. Les habitants se
sont organisés pour la suppression de ce système de collecte et son
remplacement par des conteneurs à ordures qui seraient à la charge
exclusive des habitants de chaque bloc. Ce mode d’organisation a
permis de mettre fin au problème épineux de collecte au sein des cités
collectives.

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Les cites d’habitat collectives … Revue des Sciences Humaines
L’espace extérieur, préalablement occupé par le point de collecte
et submergé par les immondices, a été approprié par les habitants qui
l’ont boisé et clôturé afin d’éviter sa transformation en support
d’immondices. Cette action s’est propagée au niveau de plusieurs
cités d’habitat collectives.
6 : CONCLUSION :

La mise en place des nouveaux dispositifs de gestion des cités


collectives pour permettre le désengagement des services étatiques et
la prise en charge des espaces habités par les occupants s’est heurtée à
des problèmes d’ordre pratique non pris en compte lors de leur
élaboration. L’Algérie a eu recours à des dispositifs réglementaires
importés de l’étranger, leur mise en application continue à se heurter à
un contexte difficile. Il serait plus judicieux d’encourager les
initiatives et solidarités informelles mises en place au lieu de les
encombrer avec les tracasseries administratives et judiciaires lourdes
que nécessiteraient des dispositifs tels que l’administrateur ou le
syndic. Il faudrait plus de temps à ces organisations, pourtant fondées
sur le réseau d’interconnaissance et de voisinage, pour s’enraciner
dans les cités, avant d’impulser des réformes administratives dans le
mode de gestion des cités.
L’analyse a montré qu’en face des malaises vécus, de
nombreuses actions et stratégies sont construites par les occupants
pour maintenir ou améliorer leurs conditions de vie. Ces initiatives
annoncent, dans leur ensemble, les prémices d’un esprit participatif
émergeant chez les occupants des cités collectives. De nombreuses
actions collectives sont perceptibles au niveau des cités d’habitat
collectives, leur forme, leur portée dévoilent les champs d’actions des
comités de quartier et leur influence sur la décision. Les actions
collectives prennent parfois une allure plus vive, se présentant sous
formes de pressions engageant l’ensemble des habitants de la cité
autour d’un problème aigu et les opposants aux pouvoirs publics
mêmes. En signalant les anomalies et autres entorses faites aux lois,
les comités de quartier, par ce genre d’actions, dépassent souvent le
cadre de gestion de la cité collective pour s’occuper de « la gestion
urbaine ». Cela montre à la fois la place et les compétences des acteurs
ordinaires en matière de négociation politique.

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Bibliographie :

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Fares. A: La copropriété et le financement, un vrai casse-tête, Liberté,
14,06, 2008,
Naceur.F, et all 2003: Les Zones d’Habitat urbain nouvelles en Algérie :
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Décembre 2003
Naceur Farida (1995) : La dégradation des espaces urbains Cas d’étude
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11 juin 2008 Alger In: Liberté, 12, 06, 2008
SafarZitoun Madani, « État Providence et politique du logement en
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ZeghichiHadjer(2014) : Bien être et santé dans le logement Collectif Cas
d’étude Batna, thèse de Magistère en architecture Université de Biskra

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