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    SdT110 - Dieu Ou Mammon (Incomplet)

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    sur 3

    Dieu ou Mammon ?

    Les principes chrétiens de l’économie


    d’après Pie XII

    par Vincent Lhermite

    Le député catholique Émile Keller dénonçait en 1881 la sépara-


    tion de l’Église et de l’économie 1. Que dirait-il aujourd’hui ? Alors
    que l’économie et la finance dominent de plus en plus notre société,
    personne ne semble plus se soucier du magistère de l’Église en la ma-
    tière. Les directives données par Pie XII restent pourtant d’une ac-
    tualité brûlante.
    Le Sel de la terre.

    Introduction

    C’
    EST DU HAUT de la chaire de saint Pierre que Pie XII s’intéresse
    à l’économie et indique la direction à suivre. Il n’est pas le pre-
    mier pape à aborder le sujet, loin s’en faut 2, mais son enseigne-
    ment mérite notre attention à cause de son abondance, de la di-
    versité des thèmes abordés et de la relative proximité dans le temps.
    La matière ne se trouve pas, de manière générale, dans des documents
    dont le nom est sur toutes les lèvres. Toutefois, l’enseignement de Pie XII
    jouit d’une grande autorité du fait de la qualité des connaissances person-
    nelles du pape, de sa hauteur de vue et des conseillers qu’il consulte. De

    1 — Voir Le Sel de la terre 80, p. 163-171.


    2 — Mentionnons en particulier les encycliques Rerum novarum de Léon XIII publiée le
    15 mai 1891 et Quadragesimo anno de Pie XI publiée le 15 mai 1931.
    LES PRINCIPES CHRÉTIENS DE L’ÉCONOMIE D’APRÈS PIE XII 35

    plus, Pie XII s’appuie sur l’enseignement de ses prédécesseurs, qu’il con-
    firme et développe pour tenir compte des nouvelles circonstances. Enfin,
    en tant que vicaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il peut compter sur une
    assistance spéciale du Saint-Esprit.
    La démarche du Pasteur angélique ne consiste pas à donner
    des conseils d’ordre purement technique […] mais plutôt quelques considéra-
    tions sur l’aspect moral des problèmes. [Il constate un] contraste entre le dé-
    sordre qui, depuis longtemps et en de nombreux pays, règne dans le domaine
    des échanges économiques et la loi d’ordre et d’harmonie que Dieu a imprimée
    au sein de la création tout entière 1.
    Ce désordre dont parle le pape a été introduit dans le monde par le pé-
    ché originel. Saint Paul explique que, par suite de ce péché, l’homme ne
    fait pas le bien qu’il veut et fait le mal qu’il ne veut pas (voir Rm 7, 19).
    Saint Jean le décrit comme formé de trois concupiscences : « la concupis-
    cence de la chair, la concupiscence des yeux et l’orgueil de la vie » (1 Jn 2,
    16).
    Dans une allocution aux employés de la Banque de Naples, Pie XII
    évoque la concupiscence des yeux en rappelant l’opposition entre Dieu et
    Mammon (Lc 16, 13), ainsi que ces propos de Notre-Seigneur Jésus-Christ :
    « Là où est votre trésor, là aussi est votre cœur » (Mt 6, 21) et ceux de saint
    Paul : « Ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation et dans
    beaucoup de convoitises inutiles qui plongent les hommes dans la ruine »
    (1 Tm 6, 9) 2.
    Ce désordre qui « règne dans le domaine des échanges économiques »
    a, nous dit Pie XII, « des racines et des causes 3 », et cela à un double ni-
    veau :
    Ces causes sont, d’une part, un manque déplorable de réflexion, qui porte à
    se contenter d’un empirisme facile et superficiel ; d’autre part, une véritable et
    intrinsèque divergence d’idées sur la question de savoir ce qu’est et doit être
    l’économie sociale, et comment l’homme doit la considérer et la traiter 4.
    Pour surmonter ce désordre, une seule solution : « une politique sociale
    conforme à la doctrine de l’Église 5 ». Car :

    1 — PIE XII, « Discours aux membres du Congrès des échanges internationaux », 7 mars
    1948, Documents pontificaux de S. S. Pie XII, éditions Labergerie-éditions Warny, 21 tomes,
    tome X (1948), 1950, p. 103. Sauf indication contraire, toutes les citations de Pie XII que nous
    reproduisons sont extraites de cette série de documents pontificaux.
    2 — Allocution aux employés de la Banque de Naples, 20 juin 1948, tome X, p. 232-233.
    3 — Discours du 7 mars 1948, tome X, p. 106.
    4 — Ibid.
    5 — Discours au Congrès International des Études Sociales, 3 juin 1950, tome XII (1950),
    1952, p. 203.

    LE SEL DE LA TERRE Nº 110, AUTOMNE 2019


    36 É T U D E S

    ici, précisément, les principes chrétiens de la vie sociale doivent dire leur mot, et
    un mot définitif, si les hommes veulent vraiment être chrétiens et se montrer tels
    dans toute leur activité 1.
    Cette conception est magnifiquement synthétisée dans le radiomessage
    au monde prononcé à l’occasion du cinquième anniversaire du début de la
    seconde guerre mondiale, le 1er septembre 1944. Le pape y précise que
    cette doctrine a un rôle apostolique :
    Engagée dans la mêlée, la doctrine sociale chrétienne y a la rude mais noble
    mission de mettre en évidence, de montrer théoriquement et pratiquement aux
    tenants des autres doctrines comment, en ce domaine si important pour le déve-
    loppement pacifique de la communauté humaine, les postulats de la véritable
    équité et les principes chrétiens peuvent s’allier en un étroit mariage, générateur
    de salut et de bien pour tous ceux qui savent imposer silence à leurs préjugés et
    à leurs passions et prêter l’oreille aux enseignements de la vérité 2.
    Pour rappeler ces principes au monde, Pie XII va distiller son ensei-
    gnement en de multiples discours et allocutions abordant cette matière
    non seulement dans le cadre général de l’économie chrétienne (I) mais
    encore de manière spéciale pour différentes professions. Nous considére-
    rons ici le cas de la banque (II).

    I. Le cadre général de l’économie chrétienne


    Pour pouvoir indiquer les solutions aux maux dont souffrent les na-
    tions dans le domaine de l’économie, Pie XII commence par en donner la
    conception juste.

    § 1 Définition de l’économie chrétienne


    Dans son discours du 7 mars 1948, il déclare :
    Qui dit vie économique, dit vie sociale. Le but auquel elle tend par sa nature
    même et que les individus doivent également poursuivre dans les diverses
    formes de leur activité, c’est de mettre d’une façon stable, à la portée de tous les
    membres de la société, les conditions matérielles requises pour le développe-
    ment de leur vie culturelle et spirituelle 3.
    Pie XII insiste sur la fin. Il écrit à M. Charles Flory :

    1 — Discours du 7 mars 1948, tome X, p. 106.


    2 — Radiomessage au monde entier, 1er septembre 1944, tome VI (1944), 1963, p. 159.
    3 — Discours du 7 mars 1948, tome X, p. 107.

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