Séance 11 Lecture Cursive

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Naima Sahraoui 1ère.G1.

Séance 12 : Lecture cursive


Wajdi Mouawad, Incendies.

Quelques remarques en préambule

1-Incendies, définitions

• Le premier sens du mot est le plus courant : « embrasement » ; le mot déigne un grand feu qui se
propage.

◦ Cette définition peut évidemment s'appliquer au sens propre à l'incendie du bus dont le récit est
amorcé par le notaire et accompli par Nawal. Scène 19.

◦ Il peut également de façon métaphorique désigner le feu de la guerre , l'usage des armes.

• Le deuxième sens est : bouleversement important qui affecte l'ordre établi. Ce sens est sans doute
celui qu'il convient de prêter au titre des deux dernières sections de la pièce :

Incendies de Janaane et Incendies de Sarwane. En ce cas le terme « incendies » renvoie aux deux
révélations concernant les jumeaux et leurs origines.

• Le dernier sens est un sens vieilli puisqu'il correspond à une définition du mot au XIXème siècle :
sentiment violent. En ce sens on peut envisager l'amour inaugural de Nawal et Wahab comme un «
incendie » mais aussi les sentiments violents qui animent les personnages : désir de vengeance chez
Sawda, colère explosive de Simon à l'ouverture du testament, par exemple. Il est important de noter
que le dramaturge choisit d'employer le terme au pluriel : cela correspond à la fois à la structure du
texte divisé en plusieurs incendies et aussi à la polysémie du mot « incendies »

2-Incendies , quelques éléments pour comprendre la genèse...

• La pièce est en partie née des expériences de l'auteur : comme souvent chez Mouawad, l'oeuvre
entretient un lien étroit avec l'autobiographie :

◦ une enfance au Liban dans une famille chrétienne, et une émigration forcée vers la France puis le
Canada pour fuir un pays en pleine guerre civile qui sert de résonance au conflit israélo-palestinien.
Mouawad, dans le Poisson-soi par exemple évoque les occupations « familières » de l'enfant qu'il est,
déjà familier du maniement des armes et qui aurait pu lui aussi basculer dans l'horreur. Le
dramaturge est possiblement hanté par cette possibilité à laquelle il a échappé grâce à l'exil de ses
parents

◦ Au cours de son enfance, il est le témoin de deux événements traumatisants qui nourrissent sans
doute son œuvre et participent des éléments qui sont à la source d'Incendies.

▪ La chute d'une bombe dans le jardin de la maison de montagne de la famille. C'est un jardin qu'il
cultive avec son père et lors de cet épisode, l'enfant veut se ruer dans le jardin pour sauver ses
aubergines et ses plantations. Son père le sauve des flammes..

A la suite de cet événement, sa mère est atteinte de surdité.

▪ Une autre scène marquante : dans la banlieue de Beyrouth où vit la famille : une milice chrétienne
commet un attentat contre un autobus de civils palestiniens. Wajdi Mouawad a 7 ans et il assiste à la
scène depuis le haut de son immeuble. Cette scène correspond à l'attentat de 1975 qui marque le
début de la guerre civile au Liban. Cet événement le lie donc à cette guerre qui va déchirer le pays
entre les Israéliens qui occupent une partie du Liban, des réfugiés palestiniens dont certains luttent
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pour leur pays, des Chrétiens dont des phalangistes que les Israéliens vont utiliser, des Syriens qui
cherchent à exercer leur influence sur le pays.

• Autre élément fondateur mais beaucoup plus tardif : la rencontre avec une photographe qui a
rencontré des personnes qui avaient été détenues au Liban sud, après leur libération. Elle découvre
ainsi une prison clandestine où ont été perpétrés viols, tortures...

La photographe a en particulier rencontré une femme dont la fille a été internée là-bas. Elle est
invitée à mettre en scène la vie de cette jeune femme : dans le spectacle, une réplique crée une
résonance forte chez Mouawad : le moment où un des personnages déclare au bourreau :

« Comment peux-tu faire cela ? Je pourrais être ta mère ? » On voit comment Incendies reprend
cette question au pied de la lettre pour en faire le moteur d'une intrigue qui puise aussi ses sources
dans la question de l'inceste largement inspiré d'Oedipe.

3-Incendies, une tragédie singulière.

• Le terme tragédie est revendiqué par le dramaturge lui-même qui affirme devoir passer du drame à
la tragédie.

• Les liens avec la tragédie antique sont lisibles :

◦ l'inceste présent dans Oedipe

◦ les enfants qu'on est chargé d'éliminer mais qui survivent finalement

◦ mais aussi la question de la quête des origines et la révélation : mais à la diffrence d'Oedipe, Jeanne
et Simon ne se crèveront pas les yeux

• Enfin, certains éléments renvoient ostensiblement à l'écriture de la tragédie :

◦ La présence récurrente de la violence et du meurtre et de la mort

▪ à noter que la plupart du temps la mort n'est pas représentée directement : Mouawad passe par le
récit ( sauf la mort du photographe)

◦ La thématique de l'amour impossible entre Nawall et Wahab qui appartiennet sans doute à des
communautés différentes : chrétiennes pour nawall ? Réfugiés palestiniens pour Wahab. Cela fait
évidemment songer à Roméo et Juliet.

◦ La présence du dilemme : il apparaît clairement dans la scène 25 dans le récit de Sawda.

◦ Idée de la fatalité et de la mécanique tragique

• Toutefois, la tragédie est marquée par des éléments qui la rattachent à une forme contemporaine
de tragédie :

◦ au contraire d'une tragédie qui se termine par la mort, l'auteur fait de la mort le point de départ.

◦ Le dénouement n'est pas malheureux : au contraire le dévoilement de la vérité, la succession des


lettres suggèrent une rupture de la mécanique tragique et un apaisement possible dès lors que le
secret est brisé.

◦ La tragédie mêle des registres et des tonalités différentes :

▪ cf le niveau de langue familier dans la colère explosive de Simon


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▪ cf. le lyrisme des lettres de Nawal qui sont rédigées sous la forme de poèmes en prose.

▪ Cf le notaire qui introduit des notations comiques par son utilisation du langage par exemple.

◦ La tragédie ne s'impose pas les règles de la tragédie classique :

▪ pas d'unité de lieu ni de temps ( en particulier par le télescopage temporel)

▪ l'unité d'action semble éclatée en apparence mais il y a bien un jeu de miroir entre le parcours de la
mère et celui des enfants : le travail de Jeanne et Simon consistant finalement à repartir sur les traces
de leur mère.

4-La construction de l'oeuvre.

• La pièce est le deuxième volet d'une tétralogie mais l'idée de cette tétralogie ne vient à Mouawad
qu'après l'écriture d'Incendies ◦ une tétralogie baptisée « Le Sang des promesses » : Littoral,
Incendies, Forêts, Ciels qui font référence aux 4 éléments. Littoral par exemple, s'ouvre avec la mort
du père cette fois. Les œuvres sont réunies par la thématique de la famille, de la quête des origines
rendue possible par un retour dans le passé. Ciels est abordé comme un « contrepoint »

• Mouawad parle aussi d'un « quatuor », ce qui met en jeu la musicalité des œuvres

◦ Dans Incendies : 4 musiciens : 4 personnages principaux.

◦ Le style lyrisme de certains passages : les recommandations de la grand-mère, les lettres de Nawall.
• La construction en divers « Incendies »

◦ La répartition en 4 Incendies assortie de titres fait songer à une organisation en chapitres.


Mouawad signale pour lui ce que la narration a d'essentiel

◦ on notera également que les révélations se font à la faveur de récits celui de Chamseddine et celui
d'Abdessamad.

◦ Lien du théâtre de Mouawad avec l'épopée : on parle parfois à son propos de théâtre épique ( dans
un sens assez différent sans doute du théâtre épique de Brecht qui suppose une distance alors que le
propos de Mouawad est de nous plonger dans l'émotion)

◦ Le titre des « chapitres » (cf. Roberto Zucco avec des titres de tableaux mais c'est beaucoup plus
évasif peut-être) permettent de dégarger des thématiques essentielles :

▪ la mise en valeur de personnages qui servent de révélateurs et ponctuent la marche vers la vérité :
• le notaire comme lien entre le présent et le passé

• Chamseddine qui éclaire Simon et Adessamad , Jeanne : il est révélateur que les deux
appartiennent à des « camps » différents.

▪ L'importance des liens familiaux : comme dans Oedipe la question des liens familiaux est au cœur
de la tragédie.

▪ Les lieux qui orientent vers un double espace : « les pelouses de banlieue » dans le présent et des
noms liés au Moyen-Orient.

▪ La présence de la mort

▪ L'importance accordée à l'écrit, aux mots qui sauvent finalement les personnages mais mise en
question par Sawda dans la scène 25.
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5-Une œuvre qui entre en résonance avec l'Histoire

• cf. document tableau comparatif : les éléments de la pièce et l'Histoire du Liban. Ce tableau
montre que la pièce constitue un écho des événements qui se sont produits au Liban dans les années
70 mais...

• Mouawad ne donne aucune indication précise : le Liban n'est pas nommé. La consonance des lieux,
le « désert » nous oriente vers un pays du Moyen-Orient en guerre mais il y a une volonté
d'universalisation.

• De même, l'auteur nous égare dans la temporalité : si Nawal a une quarantaine d'année au
moment de l'attentat du bus par exemple, les débuts des problèmes alors qu'elle est jeune fille sont
à rapporter une vingtaine d'années en arrière soit dans l'immédiate après-guerre…Donc à une
période où il n'y a pas encore de guerre civile. 6-Une œuvre qui représente un défi pour le metteur
en scène.

• Le principal défi repose sur la représentation du temps :

• Le personnage de Nawal apparaît à plusieurs époques de sa vie : comment faire comprendre au


spectateur qu'il a affaire à la même personne ?

• La pièce autorise la coexistence entre le passé et le présent : par exemple, Nawall parle
directement à ses enfants , d'abord à Jeanne, puis à Simon pour les engager dans la quête de leurs
origines.

• La pièce fait ressurgir le passé qui semble appelé par le présent : ex scène 19, le bruit des
marteaux-piqueurs puis l'évocation de l'incendie de l'autobus conduit à un surgissement de Nawal
faisant ce même récit.

• Ce faisant, la pièce représente aussi un défi sur le traitement de l'espace :

◦ comment donner à voir le Québec et le Moyen-Orient ?

◦ Multiplication des déplacements des personnages

◦ des scènes qui se déroulent en parallèle : jeanne et les mathématiques/ Simon à l'entraînement de
boxe ?

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