Les Fausses Confidences de Marivaux Texte 3
Les Fausses Confidences de Marivaux Texte 3
Les Fausses Confidences de Marivaux Texte 3
Introduction
Dans les pièces de Marivaux, l'intrigue est presque toujours identique : il s'agit de scruter la naissance
et le cheminement du sentiment amoureux jusqu'à ce que les personnages principaux en
prennent eux-mêmes conscience et l'assument.
La passion de Dorante est affirmée depuis le début. Celle d'Araminte, le spectateur l'a deviné mais
elle n'a pas été avouée car elle ne l'admettait pas encore elle-même.
Ce dialogue qui est une confrontation entre les deux amoureux est le moment clé d'un double aveu
inéluctable.
1 Araminte rompt brutalement avec sa condition de Maitresse et avec les codes imposés par la
hiérarchie sociale.
2 Amarinte avoue ses sentiments et Dorante doit faire une autre confidence, difficile car elle met en
péril les valeurs de la loyauté et de la confiance : avouer le rusé stratagème qui a été le sien depuis le
début ...
3 un dénouement ambigu
2 un double aveu
L’aveu d'amour d'Araminte à Dorante est annoncé par les répliques qui le précèdent :
Araminte, malgré la contenance qu’elle parvient assez bien à conserver, prête l’oreille à
Dorante, qui amène de plus en plus la conversation sur le terrain des émotions en réclamant
le portrait : « bien cher » / « vengée » / « douleur »
Exclamation d'Araminte : « Vous donner mon portrait !», ainsi que la construction de la
phrase, réduite à son minimum, révèlent son trouble.
Dans un éclair de lucidité, et par le biais d’une question rhétorique : « songez-vous que ce
serait avouer que je vous aime ?» = elle établit cette équivalence : rendre le portrait vaudrait
aveu de sa part. Une fois de plus, l’accessoire sert de support à une confidence amoureuse.
Les mots « avouer que je vous aime » signalent que le doute n’est plus permis.
Double aveu : L’interrogation porte en effet sur le fait d’avouer et pas sur le fait d’aimer,
posé comme un postulat : c’est donc déjà un aveu en soi.
Les 2 procédés stylistiques employés par Marivaux pour cette confidence amoureuse :
L’aveu d’Araminte n’est ni frontal ni explicite. Peinant encore à formuler ce qu’elle éprouve, elle
passe par des détours langagiers :
Litote : « Et voilà pourtant ce qui m’arrive » avec un paradoxe : « pourtant »
C’est la didascalie « d’un ton vif et naïf » qui permet de saisir son état d’esprit = Araminte
comprend ses sentiments au moment même où elle prononce la réplique. Elle est surprise de
constater que c’est bien d’amour qu’il s’agit, et cet aveu s’adresse autant à Dorante qu’à elle-
même.
Ces deux procédés traduisent la prise de conscience vive mais encore timide d’Araminte.
Le contraste qu’ils créent avec les excès lyriques de Dorante montre à nouveau la capacité de
Marivaux à analyser et à exprimer les événements psychologiques dans toute leur vérité.
Litote : Figure de rhétorique qui consiste à atténuer l'expression de sa pensée (ex. ce n'est pas
mauvais pour c'est très bon).
Paradoxe : Cette figure de style repose sur le rapprochement de mots opposés (antithèse) au sein d'une
expression dépourvue de sens logique… Du moins en apparence !
Procédés rhétoriques utilisés dans la réplique où il avoue à Araminte le stratagème de Dubois.
Dorante multiplie hyperboles, exclamations et gestes spectaculaires : «se jetant à ses genoux » mais il
se reprends aussitôt après l’aveu d’amour d’Araminte :
Son attitude se fait beaucoup plus retenue et son discours devient soudain très construit et
maîtrisé.
Ses phrases sont longues
Des figures de style recherchées comme le zeugme qui par la coordination d’éléments
différents, créé un effet de surprise : « Dans tout ce qui s’est passé chez vous, il n’y a rien de
vrai que ma passion, qui est infinie, et que le portrait que j’ai fait »
Le rythme ternaire : « un domestique, qui savait mon amour, qui m’en plaint, qui […]
consentir »
L’allitération (en [v] : «il voulait me faire valoir auprès de vous » / ou en [m]: «Madame, ce
que mon respect, mon amour, et mon caractère ne me permettent pas de vous cacher»
Anaphore et les parallélismes : "J’aime encore mieux… » / « J’aime mieux… »
De manière très habile, Dorante n’est sujet d’aucun verbe dans cette longue réplique, sauf
du verbe « aimer » : il plaide pour lui-même dans ce qui est supposé être un discours
d’autoaccusation = une habileté oratoire nouvelle pour le personnage, et qui peut jeter
le doute sur sa probité…
Zeugme : quand les mots sont incompatibles. Car s'il est possible que 2 verbes, par exemple, aient le
même complément, il faut que ceux-ci se construisent de la même façon ou soient introduits par la même
préposition, par exemple
Anaphore : Répétition d'un mot en tête de plusieurs membres de phrase, pour obtenir un effet de
renforcement ou de symétrie.
3 un dénouement ambigu
L’incohérence entre l'état émotionnel des personnages et leurs attitudes : Dans cet extrait, les
personnages extériorisent enfin leurs secrets et leurs vrais sentiments. On pourrait imaginer qu’ils
approchent d’une sorte de « fusion idéale » de leurs cœurs amoureux, désormais débarrassés de tout
mensonge, dans une montée en puissance de leurs émotions. Il n’est en rien.
Les didascalies montrent au contraire que leurs émois vont redescendant :
De la frénésie dans la gestuelle (« d’un ton vif », «se jetant à ses genoux »)
À la contenance («se lève, et tendrement », « étonnée »),
Et enfin à une attitude presque froide (« le regardant quelque temps sans parler »).
La raison et l’analyse reprennent donc vite l’ascendant sur l’enthousiasme de la déclaration
d’amour.
Le double syllogisme sur lequel Araminte s'appuie pour pardonner à Dorante
Syllogisme : raisonnement qui a la forme d'une implication dont l'antécédent est la conjonction de deux
propositions appelées prémisses. : Si tout B est A et si tout C est B, alors tout C est A. 2. Raisonnement
très rigoureux.
Les raisonnements d’Araminte, s’ils ont l’apparence du syllogisme, n’en ont pas la rigueur.
Raisonnement 1 :
— Prémisse n° 1 : Si elle avait appris la ruse de la bouche d’un autre, elle aurait éprouvé de la colère ;
— Prémisse n° 2 : mais elle l’apprend de Dorante ;
— Donc : Dorante est « le plus honnête homme du monde ».
La logique de ce raisonnement n’est pas fiable : les sentiments d’Araminte pour Dorante, exprimés à
travers cette hyperbole pour le moins paradoxale, l’emportent ici.
Raisonnement 2 :
— Prémisse n° 1 : Tous les moyens sont bons pour séduire quand on aime « puisque vous m’aimez
véritablement, ce que vous avez fait pour gagner mon cœur n’est point blâmable »
— Prémisse n° 2 : tous les moyens sont bons pour séduire quand on aime « il est permis à un amant
de chercher les moyens de plaire »
— Donc : il faut pardonner à l’amant qui est parvenu à ses fins.
Dans ce second syllogisme, le problème ne vient pas de la déduction, qui est logiquement exacte,
mais bien des prémisses, qui d’une part sont identiques, et d’autre part reposent sur un
raisonnement machiavélique très subjectif qui n’a rien à voir avec une vérité incontestable, même
si Araminte le présente sous la forme d’une maxime (= dicton)
Le doute sur la véritable motivation de Dorante pour conquérir Araminte (argent ou amour)
Dans cet extrait, les personnages extériorisent enfin leurs secrets et leurs vrais sentiments. On
pourrait imaginer qu’ils approchent d’une sorte de « fusion idéale » de leurs cœurs amoureux,
désormais débarrassés de tout mensonge, dans une montée en puissance de leurs émotions. Il n’est
en rien.
Les didascalies montrent au contraire que leurs émois vont redescendant, de la frénésie dans
la gestuelle (« d’un ton vif », «se jetant à ses genoux ») à la contenance («se lève, et
tendrement », « étonnée »), et enfin à une attitude presque froide (« le regardant quelque
temps sans parler »). La raison et l’analyse reprennent donc vite l’ascendant sur
l’enthousiasme de la déclaration d’amour.
La réplique avec la phrase exclamative de Dorante : " quoi ! La charmante Araminte daigne
me justifier !" montre combien Dorante est étonné qu'Araminte pardonne et accepte sans
d'autres explications. L’exclamation montre sa surprise !
Cependant, Le ton et le vocabulaire utilisé pour cette réplique de Dorante est surprenante et
interroge :
o Le verbe "daigne" n'est plus du registre amoureux et il a une connotation péjorative.
o Dorante utilise la 3e personne du singulier pour s'adresser à Araminte : "la charmante ", ce
qui la met à distance et la rend impersonnelle.
o Enfin Dorante associe le verbe daigner à "me justifier" ce qui remet un lien hiérarchique
entre les deux personnages
Enfin, La dernière réplique de Araminte montre l'autorité qu'elle a encore sur Dorante, puisqu'elle
utilise deux impératifs "ne dites mot, et laissez-moi parler", et sa détermination à affronter le Comte
et sa mère.
Le lexique de l’argent qu’il emploie pour parler du portrait qu’il a peint et ne veut pas
perdre : « dédommager », « cher ». Même si ce n’était sans doute pas là l’intention de
Marivaux, un metteur en scène pourrait, en respectant scrupuleusement le texte, faire de
Dorante un coureur de dot vil, cupide et hypocrite.
Conclusion
Tout le talent de Marivaux est de décrire avec une grande finesse psychologique, les aléas et les
petits arrangements du sentiment amoureux.
Ici tout est bien qui finit bien, beaucoup d'ambiguïté persistent dans ce dénouement. Le caractère
dérangeant de la pièce réside dans le personnage de Dorante et dans l'incertitude quant à ses
intentions réelles, pures ou intéressées