Victime-Agresseur Tome 4
Victime-Agresseur Tome 4
Victime-Agresseur Tome 4
Philippe Bessoles
& Louis Crocq
sous la dir.
Victime-Agresseur. Tome 4
Récidive, réitération, répétition
Lien d'emprise et loi des séries
et de la verrerie
CHAMP SOCIAL
É D I T I O N S
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Victime-Agresseur
Tome 4
Récidive, réitération, répétition
Lien d’emprise et loi des séries
sous la direction
de Louis Crocq et de Philippe Bessoles
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ACTES DU COLLOQUE
DE VICTIMOLOGIE ET PSYCHO-CRIMINOLOGIE CLINIQUE
et varia
Grenoble, mai 2003
Les auteurs de l’ouvrage renoncent à leurs droits d’auteur au profit de l’Institut méditerra-
néen de victimologie clinique, association de recherche scientifique en sciences criminelles
cliniques, fondé en 1999 par Éric Baccino et Philippe Bessoles.
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SOMMAIRE
AUTEURS
PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE
INTRODUCTION
QUALIFICATION POURCENTAGE
Viol 8%
Inceste 3.7 %
Attentat à la pudeur 20.4 %
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
20 –
. Ceux qui fournissent une évaluation de la personnalité du délin-
quant comme le MMPI (Minnesta multiphasic personnality inven-
tory).
. Ceux dont l’investigation de personnalité se limite à des champs
psychopathologiques réduits comme le MCMI (Multi clinical mul-
tiaxial inventory).
. Ceux qui mesurent des traits ou des attitudes associés à la délin-
quance sexuelle comme le STEP (Sex offender treatment evaluation
project).
Les études sur la délinquance sexuelle menées avec le MMPI sont
(H. Van Giseghem, 1996) souvent contradictoires. Avec beaucoup de
prudence, les chercheurs dégagent certaines tendances comme des élé-
vations significatives à l’échelle 4 (Pd) Psychopathie et à l’échelle 8 (Sc)
Schizophrénie. Ces mêmes chercheurs insistent pour souligner que le
MMPI ne permet pas de discriminer de façon significative les « typolo-
gies » et qu’à l’heure actuelle il est impossible d’établir une relation
quelconque entre un profil psychopathologique et un scénario criminel.
La revue bibliographique des travaux sur la criminalité sexuelle utili-
sant le MCMI (R. G. Craig, 1999, R. A. Knight et D. D. Cerce, 1999)
dégage une personnalité dépendante, une faible estime de soi, une
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BIBLIOGRAPHIE PRINCIPALE
Le syndrome de répétition
Formes cliniques et signification
Louis CROCQ
ne me fait pas tellement mal… et je suis comme indifférent, je compte les coups : un,
deux, trois, quatre, cinq, six, sept… »)
tice. Et ce vécu peut être caractérisé par trois aspects, qui sont la détresse
psychique, l’orage neurovégétatif, et le raidissement du corps. Le
patient croit être à nouveau au cœur de l’événement, et il le vit dans les
trois registres de son être : le registre psychique (détresse ou angoisse
intense dans un contexte de sentiment d’absence de secours), le registre
neurobiologique (avec toutes les manifestations neurovégétatives du
stress ou de l’angoisse, à savoir sensation de gorge serrée, de thorax
comprimé, pâleur, sueur, tachycardie, spasmes viscéraux, hérissement,
tremblement, et même impression d’être sur le point de s’évanouir), et
le registre psycho-moteur, où le corps n’est pas détendu mais au
contraire raidi, comme prêt à la réaction motrice, telle que fuite,
défense ou immobilité pétrifiée.
Et toutes peuvent survenir soit spontanément (selon une dynamique
inconsciente propre à chaque sujet), soit en réponse à un stimulus qui
rappelle le trauma (le son d’une sirène d’ambulance, la vue d’un repor-
tage télévisé sur un accident, et le simple fait d’avoir à s’occuper ce
jour-là de son dossier d’indemnisation peut être la source de cauche-
mars la nuit suivante), soit enfin à la faveur d’un abaissement du niveau
de conscience (il est bien connu que les reviviscences hallucinatoires
visuelles surviennent plus facilement au moment de l’endormissement,
32 – lorsque la conscience vigile commence à fléchir).
Il y a des patients qui présentent toutes ces manifestations de revivis-
cence, et d’autres qui sont « fidèles » à certaines seulement. Ils peuvent les
présenter chaque jour, ou plusieurs fois par jour, ou une ou deux fois par
semaine, ou plus rarement. Dans certains cas, le syndrome de répétition
s’estompe progressivement avec le temps ; au fil des années, les répétitions
se font plus espacées, et moins éprouvantes, moins anxiogènes. Ou
encore, les reviviscences ne surviennent plus spontanément, mais seule-
ment en réponse à un stimulus déclenchant (bruit soudain, reportage
télévisé sur un événement similaire, rencontre d’une co-victime, etc.).
Mais on doit être prudent avant d’affirmer un tel constat, car beaucoup
de patients sont toujours sujets à leurs reviviscences, mais ils s’y habituent
et n’en parlent pas. En outre, les cérémonies anniversaires du cinquan-
tième anniversaire du débarquement de Normandie, et de l’armistice du
8 mai 1945 (cérémonies de juin 1994 et mai 1995) ont été l’occasion de
relance des reviviscences endormies chez bon nombre d’anciens combat-
tants. Par ailleurs, la mise à la retraite, privant le sujet des dérivatifs que lui
assuraient ses activités professionnelles, le laisse seul face à ses souvenirs
bruts et on voit alors les reviviscences que l’on croyait disparues revenir en
masse : cauchemars, visions hallucinatoires, ruminations mentales, etc.
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ou même revivre, ce qui lui a été désagréable. Or, il l’avait constatée non
seulement chez le soldat traumatisé, mais aussi chez le petit enfant
(avant deux ans) qui s’habitue à supporter l’absence de sa mère en
improvisant un jeu qui fait tour à tour disparaître puis réapparaître
l’objet aimé. En l’occurrence, il s’agissait du jeu du for-da, pratiqué par
son petit fils : l’enfant jouait avec une bobine en bois, attachée par une
ficelle à son berceau. Il s’amusait à projeter la bobine hors de son ber-
ceau, la faisant ainsi disparaître, en poussant un cri d’effroi ou de déses-
poir (for, loin), puis il la faisait revenir en halant la ficelle, s’esclaffant de
joie en la voyant réapparaître (da, la revoilà), et il répétait ce jeu inlassa-
blement. Il s’agit aux yeux de Freud d’un archaïque système de défense,
datant d’avant l’instauration du principe du plaisir, lui-même étant
antérieur au principe de réalité. Le principe de plaisir vise la satisfaction
directe, sans détour, des pulsions ; le principe de réalité cherche à
atteindre cette satisfaction au prix de détours nécessaires pour contour-
ner les obstacles qui s’opposent à cette satisfaction immédiate. Et donc,
avant le principe de réalité, avant même le principe de plaisir (et l’ex-
pression « en-deçà » serait plus pertinente que celle d’« au-delà »), notre
psychisme disposerait de défenses archaïques permettant de fantasmer
cette satisfaction. En outre, la multiplication des répétitions permet de
fractionner la tension, dont on ne pourrait venir à bout si on l’affrontait – 35
entière. Par référence à l’enfant et son jeu du for-da, chez le soldat trau-
matisé, la répétition (par le rêve ou tout autre procédé) serait la vaine
réitération d’un effort pour expulser hors du psychisme le souvenir brut
(ou réminiscence) de la scène traumatisante qui s’y comporte en para-
site. Un procédé plus efficace consisterait à faire réapparaître cette scène
en la liant avec les significations et les symboles, ce qui permettrait de
l’assimiler. L’assimilation différée, par reviviscence assortie d’associa-
tion, est une répétition réussie, qui procure la catharsis, ou soulagement
éclairé. À noter que Freud avait préconisé la méthode cathartique : non
seulement faire revivre sous hypnose ou tout autre procédé la scène
traumatique assortie de toute sa charge d’affect, mais faire associer à son
sujet, l’inscrire dans le grand complexe des associations propre à chaque
patient.
Développant la notion de compulsion de répétition jusqu’à ses
ultimes présupposés, Freud a ensuite avancé l’hypothèse d’une « pulsion
de mort » ou detrudo, tendance profonde à l’immobilisme et à l’auto-
destruction, attrait fascinant pour la mort et le néant (« la finalité
ultime vers laquelle tendrait toute vie est la mort »), volet symétrique en
quelque sorte de la pulsion de vie ou libido, qui est principe d’amour, de
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CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE
REVUE DE LA QUESTION
2) Le courant « socio-politique »
Le référentiel est celui des systèmes politiques dictatoriaux et totali-
taires. La répression sous toutes ces formes utilise toutes les techniques
de torture. La bibliographie est, dans ce cadre précis, abondante. Elle
est souvent relayée par des organisations internationales ou des ONG
(organisations non gouvernementales). Par exemple, la commission
médicale d’Amnesty International publie régulièrement ses travaux sur
la torture à travers le monde.
S’il existe des publications concernant les approches cognitivo-com-
portementales de la torture (J.-P. Desportes, 1974, E. Staub, 1976, B.
A. Van der Kohl et coll., 1991), les approches psycho-dynamiques
butent toujours sur la causalité psychique du traumatisme et le statut
du fantasme. Comme le souligne F. Sironi (1999, p. 225), il semblerait
impossible de penser une relation directe entre une pathologie trauma-
tique et sa cause objective. En 1982, F. Allodi et G. Cowgill ont argu-
menté un « syndrome de torture » spécifique qui ne se réfère pas aux
catégorisations du DSM (version III en 1982). Dans une étude récente
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(E. Baccino, P. Bessoles, 2001), nous avons montré – même s’il s’agit
d’une étude préliminaire – des corrélations significatives entre la nature
du traumatisme (notamment les contraintes d’humiliation et de viols
répétés) sur la gravité psychopathologique du tableau clinique.
HYPOTHÈSE CLINIQUE
ARGUMENTS
CONCLUSION
réel sont fusionnés comme dans une adhésivité délirante de type hallu-
cinatoire. Le modèle qui peut nous servir est sûrement celui de la satis-
faction hallucinatoire dans lequel le tortionnaire exerce sa toute puis-
sance y compris avec le corps de l’autre qu’il « cannibalise ». À ce
moment-là, il s’agit de s’extraire de la pulsion d’emprise du tortion-
naire, de créer un espace intermédiaire (au sens winnicottien de l’espace
transitionnel) avec les scènes de torture et de se dégager de l’ensemble
des traces (pictogrammes de rejet, P. Aulagnier, 1985) impossible à scé-
nariser. C’est ce que disent d’ailleurs les victimes dans leur émoi ou rap-
tus parfois violent comme « cette horreur me colle à la peau », « je n’en
finirai jamais », « j’ai peur de le voir au coin de la rue… il m’empêche
toujours de vivre ».
L’enjeu thérapeutique consiste d’abord à séparer les espaces aggluti-
nés entre victime et tortionnaire. Le thérapeute doit s’engager dans une
« bienveillante attention » (P. Bessoles, 2003) qui promeut les expres-
sions tonico-émotionnelles et la reconstitution des enveloppements
psychiques primaires. Si l’objectif demeure l’obtention du statut d’ex-
tra-territoralité de l’horreur pour pouvoir être pensée, la séparation des
espaces victime/tortionnaire est un préalable pour que, autant pour
l’un que pour l’autre, un lieu psychique puisse accueillir les pensées. Le
thérapeute tient lieu, dans un premier temps « d’appareil à penser les – 53
pensées » (W. R. Bion, 1962) au sein duquel pourront s’exprimer, sans
crainte de représailles, les figures de l’horreur et la violence qu’elle
engendre. La reconstitution des enveloppements psychiques primaires
(signifiant formel, D.Anzieu 1987 ; signifiant de démarcation,
G.Rosolato 1985) permet cette attribution première de ce qui appar-
tient à l’un et à l’autre. Elle ouvre des espaces psychiques privés.
« Privatiser » la pensée renoue enfin avec une temporalité propre, c’est-
à-dire à soi et non assujettie au bon vouloir du tortionnaire. Elle augure
alors du temps d’avant la torture au travers de la reconstruction anam-
nestique et ouvre ainsi des projections temporelles non pathogènes de
sens et de sensibilité.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
le père connaît ses droits. Il sait que le juge ne peut lui refuser de voir ses enfants. Il
obtient donc un droit de visite, dans un lieu protégé. Là, il ne tarde pas à déjouer la
surveillance des professionnels du lieu en question et s’isole avec ses enfants. Juste
avant le droit de visite suivant Sergio fugue du foyer où il réside avec sa mère pour
échapper à la rencontre programmée. Il est finalement retrouvé et amené auprès de
son père. Celui-ci refuse alors de se plier aux demandes des professionnels et s’isole à
nouveau dans une pièce avec ses enfants. Sergio expliquera ensuite que son père le sus-
pendait par les oreilles pour le punir. Quand il part du lieu, il ne dit rien aux
accueillants en présence de son père, mais arrivé au foyer il entre dans une grande
colère, hurlant et détruisant les objets autour de lui. La mère appelle le lieu chargé de
la surveillance du droit de visite et fait entendre les cris de l’enfant. Les professionnels
comprennent alors que Sergio est tellement terrorisé qu’il ne peut rien dire dans un
lieu où la présence de son père est encore palpable. Il ne se libère qu’à l’arrivée dans le
foyer de sa mère. Le juge alerté suspend le droit de visite le temps d’une enquête
sociale. L’enquêtrice, sans doute terrorisée elle aussi par le père, délivre un rapport ras-
surant qui conduit le juge à ordonner la reprise des visites en lieu protégé pour deux
fois puis, si le lieu ne rapporte aucun incident majeur, à un droit de visite sans contrôle
pour le père, à condition que l’échange des enfants se fasse par l’intermédiaire du lieu
habituel. Pendant ces deux premiers droits de visites il ne se passe rien et le père ne
s’oppose plus du tout à la surveillance des professionnels. Sergio confie à un
accueillant qu’il est très angoissé à l’idée d’aller chez son père pour le prochain droit de
visite, même s’il doit passer par le lieu protégé. Arrive donc le jour où Sergio doit par-
tir chez son père. Cette fois il refuse de quitter le lieu. Le père entre alors dans une vio-
56 – lente colère, tente de frapper l’enfant, le menace et menace les professionnels qui ten-
tent de s’interposer. La police est appelée pour mettre fin à cette algarade. Quelque
temps plus tard Sergio sera interné pendant deux mois en psychiatrie pour une grave
dépression.
Quels troubles présentait-il à son entrée à l’hôpital ?
– absence de sommeil quasi totale : Sergio est en permanence sur ses
gardes, il ne peut pas s’endormir et est proche de l’épuisement ;
– surveillance incessante de sa mère qu’il soupçonne de persécution à
son encontre ;
– attitude très ambiguë vis-à-vis de cette mère, laissant sous entendre
le souhait d’avoir des relations sexuelles avec elle.
On constate qu’il n’y a pas « un » événement, mais plusieurs événe-
ments successifs. Sergio subit à mon avis plusieurs traumatismes. Il per-
çoit tout d’abord la détresse maternelle qui est pour lui quelque chose
de très déstabilisant. Il devient ensuite lui-même une victime du père et
n’a donc plus aucun répit : sa mère lui semble désarmée, incapable de le
protéger, et son père le terrorise. Il n’a plus aucune confiance dans
l’adulte comme le montre sa réaction vis-à-vis des accueillants du lieu
protégé. C’est un état d’impuissance et de détresse absolue qui annihile
toute velléité de résistance de sa part. Du côté des réactions post trau-
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n’a rien à voir avec celle des deux enfants précédents et ses séquelles psy-
chiques post traumatiques sont sans commune mesure avec ce que nous
avons observé chez Sergio par exemple. Pourtant nous retrouvons chez
lui la même tendance à des manifestations antisociales, à la différence
près qu’il n’existe pas de déviance sexuelle qui les accompagne. John dis-
pose d’un interlocuteur extérieur à la famille pendant le temps où se
déroulent les événements qui seront à l’origine du traumatisme, ce qui
n’était pas le cas des deux autres sujets présentés. Il va très progressive-
ment s’approcher du problème central, ce qui lui permettra de l’aborder
en ayant dépassé toutes les craintes qui s’attachent à cette révélation.
Contrairement aux autres, le traumatisme est en cours d’élaboration
avant même qu’il ne soit révélé. Les symptômes sont davantage des
symptômes d’alerte que des symptômes post traumatiques, sauf après le
procès où nous avons même une clinique de la répétition traumatique
beaucoup plus proche de ce que l’on rencontre habituellement dans ce
genre de situation. Mais là encore ces troubles sont légers et John est
davantage préoccupé par des problématiques de l’adolescence (le rap-
port avec les filles, la consommation du tabac, etc.). Tout au long des
entretiens que j’ai eu avec lui il n’a cessé de travailler sur la place de la
fonction paternelle. Sans doute vous doutez-vous que John a également
60 – un père ! Ce dernier ne s’est guère occupé de lui et a fuit son rôle pater-
nel sous divers prétextes. John s’est longuement interrogé sur l’opportu-
nité de faire tout de même appel à ce père dans les difficultés avec son
beau-père, et il a finalement décidé d’y renoncer, considérant qu’il
n’avait rien à en attendre. C’est en fait l’absence d’un représentant de la
fonction paternelle qui a été au cœur du travail d’élaboration dans
lequel je l’ai accompagné, et c’est ce travail qui lui a permis de faire face
au traumatisme qu’il a subi. Au moment où cette absence a pu être pen-
sée par John il a trouvé la force de révéler le traumatisme et de faire face
à toute la procédure qui se profilait et dont la perspective ne manquait
pas de l’angoisser. Je pense que c’est dans l’élaboration de cette absence
que réside la différence entre John et les deux autres garçons.
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Emprise et répétition
Liliane DALIGAND
LA PUISSANCE DU FANTASME
Prise dans cette exclusion, pour pouvoir continuer à vivre, il lui faut
cependant recourir à une source d’identification lui servant de repère
d’existence. Cette source à défaut d’être le langage et la référence au – 63
nom qui la désigne, est réduite à une production d’images. La per-
sonne se retrouve dans des mises en scène dont elle est le centre, l’acteur
principal. Elle vit de ses fantasmes. Elle est constamment sous perfusion
fantasmatique dans un perpétuel processus de spécularisation, de regard
sur soi.
Puisque ça ne parle pas en elle, ça pense, ça imagine, ça regarde
l’autre comme le reflet d’un miroir souvent cruel à leur quête :
« Personne ne m’aime. » C’est une position de désamour amer avec les
plaisirs et les déplaisirs de ces pincements de cœur.
LA PULSION D’EMPRISE
LA VICTIME DE CHOIX
L’emprise n’est possible que si l’enfant ainsi envahi a déjà une insuf-
fisance langagière qui ne lui permet guère d’entrer dans une relation de
parole avec l’autre. Elle n’est possible que parce que la victime (répéti-
tive) est depuis ses commencements hors représentation des signifiants
de son être : là où elle est, là où elle existe, là où elle se livre non à un
autre mais à la parole qui la fonde. Elle est hors emprise des signifiants
sur les signifiés qualifiant les images car « la signifiance en général
déloge tout l’ordre humain des besoins vers le désir et jusqu’au désir de
64 – l’Autre ». (Encyclopedia Universalis, Henri Van Lier.)
L’emprise se fait là où ça pense et non là où ça parle. Celui qui
s’identifie à ses images, à ses pensées, à ses représentations fantasma-
tiques est la victime de choix. L’emprise, c’est une substitution d’images
ou mieux une contamination métonymique par les images instillées.
C’est l’introduction à une pathologie narcissique.
Cette identification dont les images viennent en partie d’un autre a
des bénéfices secondaires comme dans toute expression pathologique.
Elle permet une d’identification d’autant plus forte qu’elle s’appuie
comme toute identification imaginaire sur des images qui venues de
l’extérieur, assurerait, pense-t-on, d’une certaine réalité.
LA RÉPÉTITION IDENTIFICATOIRE
LA JOUISSANCE
Si l’emprise n’est pas totale, n’a pas éliminé le corps au seul bénéfice
de la tête, la victime garde une chair réduite aux seules sensations injec-
tées par l’agresseur. Celles-ci constituent un corps étranger fiché dans la
chair dont la victime ne peut se défaire, mais surtout une source qui
impose des sensations exaspérées et des émotions irrépressibles.
Dans ces conditions d’aliénation sensorielle, la victime cherche à
réactiver ses sensations sourdement présentes. Mais pour cette réactiva-
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tion elle a besoin d’un scénario sinon identique à celui qui lui a fiché ces
sensations dans la chair, du moins de scènes qui sollicitent l’intérêt de
l’autre au double plan : d’appétence suscitée par une telle présentation
charnelle et d’incitation à des actes reproducteurs de sensations.
Elle dit assez bien s’entendre avec sa tante mais « quand je suis dans la maison je suis
agressive car il y a eu ce problème en août ».
Son enfance
Elle a été scolarisée en maternelle dans le midi alors qu’elle était en famille d’accueil
mais a souffert car les autres lui disaient « toi tu n’as pas de maman… ». Elle a redou-
blé le CM1. Elle a fait la 6e et la 5e dans une autre ville, et a été orientée en 4e techno.
Elle a fait la 3e et est maintenant en seconde. Elle fait une seconde pro SVA (service et
vente en animalerie) car « j’adore les animaux ».
Elle dit avoir toujours aimé beaucoup l’école, même maintenant, mais avoir toujours
eu de mauvais résultats à part l’année dernière. Dans les matières scolaires elle dit
qu’elle préfère le dessin.
Plus tard elle aurait voulu être assistante vétérinaire mais n’a pas d’assez bonnes notes.
Elle a pensé à être gendarme mais sa tante lui a dit qu’elle n’y arriverait pas.
Elle ne sait pas si plus tard elle voudra un mari et des enfants. Pour le moment elle n’y
pense pas. Elle a pourtant un copain qu’elle a connu en début de l’année scolaire. Il
s’agit de Kévin, 16 ans, qui est dans sa classe. Elle aime en lui, dit-elle, « son respect ».
Elle donne un exemple de ce respect : « Encore à midi il a vu quelqu’un jeter une
canette. Il est allé la ramasser. » Elle aime également « qu’il ne soit pas trop câlin, trop
tendre, sinon je me sens mal ».
voulu lui rendre l’argent, il le posait sur la table. En somme, conclut-elle, « c’était mon
argent de poche ».
Elle dit : « Entre temps, j’y repensais souvent et je me réveillais souvent. » Elle avait
rarement des cauchemars mais était agressive avec tout le monde et surtout avec son
cousin qui a le même âge qu’elle. Finalement elle en a parlé à une autre copine Lucie
qui en a parlé à la surveillante du lycée le 22/4, puis à la CPE qui a appelé son éduca-
trice. Car depuis l’histoire avec son beau-père, elle a une éducatrice qu’elle voit régu-
lièrement. En outre elle est suivie en psychothérapie en CMP depuis novembre mais
n’a jamais parlé de ces agressions sexuelles à sa thérapeute, lui ayant seulement fait part
de sa peur de cet homme.
Lorsque son éducatrice est venue, elle l’a ramenée chez son oncle et sa tante qui, à l’an-
nonce des faits, ont été choqués, disant qu’ils ne comprenaient pas pourquoi elle
n’avait pas parlé avant.
Actuellement elle se dit un peu soulagée d’avoir parlé. Elle souhaite « que ça s’arrête,
qu’il soit puni ». Elle affirme éprouver de la haine pour cet homme.
L’examen
Le contact est extrêmement facile avec cette adolescente de 17 ans et demi, de l, 65 m
pour 65 kg, en bon état général, vêtue de jean, T-shirt, veste et basket, qui porte des
lunettes correctrices pour hypermétropie. Elle se trouve laide, aussi bien au niveau du
visage que du corps.
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Elle dit aimer manger, n’est pas difficile, mais n’aime pas ce « qui pique » c’est-à-dire
ce qui est épicé.
Elle aime peu dormir et pense que 5 heures par nuit lui suffisent, mais quand on lui
demande à quelle heure elle se couche, c’est parfois vers minuit, et à quelle heure elle
se lève c’est plutôt vers 8-9 heures. Il semble qu’elle dorme beaucoup plus longtemps
qu’elle ne l’imagine. Elle se dit plutôt matinale.
Elle fume depuis deux ans, jusqu’à un paquet par jour « quand je suis stressée, sinon
deux à trois cigarettes par jour. » Elle boit, mais uniquement dans les fêtes, du cham-
pagne et rarement un whisky-coca. Elle peut boire également du vin à table quand
c’est un repas de fête.
Dans ses loisirs elle adore, dit-elle, l’équitation. Elle en a fait quand elle était petite et
la dernière fois c’était sur un poney. Elle affirme adorer lire des poèmes et aussi des his-
toires vraies. À la télévision elle regarde Loft Story car « quand je vois les chamailles ça
me fait rire. » Elle aime également les feuilletons, 30 millions d’amis, L’étalon noir,
L’instit, Carnet d’ado, Joséphine ange gardien.
Elle aime la musique, pas trop le rap, mais aime toutes les autres et en particulier le
classique et comme instrument de musique le piano. Elle dit savoir un peu jouer de la
flûte à bec. Elle aime surtout chanter. Elle ne fait du sport qu’au lycée.
Parlant de son caractère, elle ne peut que citer ce qui lui est renvoyé au lycée, à savoir
« on me dit que je suis très gentille, même trop gentille, j’ai du cœur, que je suis
sérieuse ».
Tout au long de l’entretien elle apparaît plutôt calme, posée, présente, coopérante,
parfois souriante.
Elle accepte aussi volontiers les tests graphiques qu’elle a accepté l’entretien. La repro- – 69
duction de la figure complexe de Rey avec le modèle est remarquablement exécutée,
avec analyse de la structuration interne et sans omettre aucun détail. La reproduction
de mémoire montre qu’elle a en effet bien saisi la structuration interne et assez bien
repéré l’ensemble de la figure et la plupart des détails. On peut affirmer qu’elle a de
bonnes capacités d’analyse et de synthèse.
Le dessin de la maison est très élaboré, en perspective, avec une cheminée qui fume et
une double rangée de fenêtres, avec en arrière un portail de garage. Cette maison est
dans un environnement clos avec une petite barrière de bois et une boîte aux lettres à
l’entrée, sur un poteau. Elle dit qu’il s’agit d’une maison « dans la campagne, perdue ».
L’ensemble est très coloré, très vivant et témoigne de ses bonnes capacités intellec-
tuelles et d’une bonne élaboration de sa personne.
Il en est de même de l’arbre qui tient tout l’espace de la feuille, avec un évasement par
le bas et un tapis de feuilles d’automne qui jonchent le sol et les racines. Elle dit à ce
propos que sa saison préférée est le printemps.
Le dessin du bonhomme est une fille en longue robe, de dos, aux longs cheveux, qui
porte un chapeau très élégant de même couleur que la robe. Elle marche sur du gazon.
Joséphine confirme qu’il s’agit bien d’elle vue de dos.
Le dessin de la famille comprend d’abord le couple parental, Gérard (son beau-père)
avec un visage à la bouche très fermée. Il tient par le cou « maman » qui a de longs
cheveux noirs, et qui n’a une bouche guère plus souriante que celle de Gérard. Du
côté de Gérard, on trouve Laurent et de l’autre côté de la mère, un groupe assez serré
composé de Sophie, sa grande sœur qui porte dans ses bras Lily, puis un autre person-
nage, un peu plus petit que Sophie, qui a les cheveux mi-longs et des lunettes, c’est
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Joséphine elle-même qui porte dans ses bras un bébé. Entre Sophie et Joséphine, un
petit garçon en pantalon.
Elle a donc dessiné ses trois demi-frères et sœurs nés du couple de sa mère et de
Gérard, dont elle dit s’être beaucoup occupée quand ils étaient petits et qu’elle était
encore à la maison, et qu’elle dit « adorer » mais qu’elle ne voit plus depuis qu’elle est
chez sa tante.
Comme on peut le constater c’est bien sa famille recomposée actuelle qu’elle a dessi-
née, où elle a toujours sa place, même si elle en est séparée géographiquement. Elle a
représenté un couple parental dans la plus grande des proximités, ce qui semble bien
être la réalité puisque sa mère est toujours avec Gérard. Florent est du côté de ce
couple parental puisqu’il vit toujours avec sa mère. Joséphine a représenté ses demi-
frères et sœurs qui semblent beaucoup lui manquer car elle leur était très attachée. Ces
personnages ont un corps complet et un visage complet. Ils sont tous différenciés par
la taille, la chevelure et les vêtements. On peut affirmer qu’elle est bien inscrite dans la
différenciation générationnelle et dans le tissu de la parenté.
Dans un dessin libre elle dessine une tête de cheval très esthétique car elle semble en
avoir une grande habitude.
Joséphine dira en fin d’entretien que c’est elle qui a demandé à aller en foyer. Elle l’au-
rait déjà demandé en octobre mais la juge des enfants le lui avait refusé. Elle l’a rede-
mandé le 2/4 « parce que je ne peux plus voir la maison, je ne m’y trouve pas bien ».
À la lecture de son PV d’audition du 23/4/2002, il lui est posé une question sur la
culotte qu’elle a gardée et qu’elle a donnée aux gendarmes puisqu’il y aurait du sperme
de Manuel. Elle dit qu’en effet, « j’y ai pensé car un gendarme pour mon beau-père
70 – me l’avait demandé. Je l’avais mise de côté pour le jour où je parlerai ».
tement sa tante.
Le pire est le lien qui est fait de l’usage de sa chair avec l’argent reçu et qui lui offre des
ressources sans avoir besoin de véritablement l’acquérir. Ceci risque de peser lourd
dans ses attitudes ultérieures et l’entraîner à une utilisation commerciale de son corps.
Sortir de la répétition
La sortie de la répétition est difficile car le symptôme principal, la peur, surgissant
paradoxalement plus des risques de prises de paroles que des actions agressives, contre-
carre les demandes de travail psychothérapique.
Seule l’identification symbolique, c’est-à-dire la soumission à la nomination, ouvre le
langage à la parole. Elle porte l’être à nouer sa parole à la parole d’un autre pour l’ac-
cession à une vérité tierce vitale qui délivre de la toute puissance fantasmatique. Elle
relativise ainsi le savoir, la connaissance au profit d’une naissance renouvelée dans
l’entre-deux intersubjectif.
L’être dès lors se place dans la solitude, étymologiquement « sur le seuil » pour
accueillir l’autre et non dans l’isolement, entouré de marionnettes malfaisantes.
L’imaginaire n’en est pas pour autant réduit à rien : il entre dans un rapport au réel
médiatisé par le symbolique. Si la répétition est toujours signe d’aliénation, la liberté
ainsi retrouvée dilue progressivement les processus répétitifs, même s’ils restent inscrits
dans l’histoire personnelle du sujet.
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dans les cas graves s’inscrire dans une véritable perspective de réinser-
tion sociale pour éviter une certaine forme de marginalisation dans
laquelle s’enferment de nombreuses victimes.
Le processus de réparation des conséquences d’un acte délinquant
pour une victime est complexe. Il doit associer non seulement des
aspects juridiques (procès des auteurs, indemnisation des conséquences)
mais aussi des aspects sociaux (maintien ou reconstruction des liens de
la victime avec son entourage familial et social) et des aspects médico-
psychologiques.
Cette réparation associe ainsi responsabilité de l’État et solidarité de
la société dans le cadre d’une obligation relevant d’un véritable contrat
social qui devrait se former entre les citoyens, les élus et les représen-
tants de l’État.
Pour comprendre la nature et les nécessités de l’aide aux victimes,
il faut distinguer deux ordres de faits capables de produire des effets
néfastes après un événement critique traumatisant (agression ou acci-
dent).
La victime ressent d’abord les conséquences immédiates, matérielles,
physiques et psychologiques de l’événement traumatisant, consé-
quences décrites sous le terme de victimisation primaire.
La victime est susceptible de ressentir ensuite, dans un processus de – 75
victimisation secondaire, les effets des réponses des différentes institu-
tions auxquelles, elle a été confrontée du fait de la survenue de ces évé-
nements. Réponses qu’elle peut juger inappropriées à la nature de ses
attentes, lui faisant douter ainsi de leur capacité à prendre en compte
l’exacte mesure de son trouble.
Différents facteurs peuvent ainsi être identifiés tels que par exemple,
la mauvaise qualité de l’accueil lors du dépôt de plainte ou le doute sur
son utilité exprimée parfois même par des fonctionnaires de Police ou
de Gendarmerie, les difficultés à comprendre le fonctionnement du
système judiciaire et à faire valoir ses droits dans certains cas ou encore
le fait que la victime n’ait pas été tenue au courant de l’évolution de
l’enquête judiciaire.
Certains systèmes de défense peuvent également participer à ces
effets en jetant le doute sur les motivations, l’honorabilité de la victime
ou en présentant systématiquement l’auteur des faits, comme la seule
véritable victime.
Dans le domaine de la santé, la non-prise en compte dans la
conduite des soins ou dans l’indemnisation des préjudices de la dimen-
sion psychologique des conséquences d’un événement traumatique
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tion déjà faite en 1982 dans le rapport Milliez mais jamais suivie d’effet,
et d’autre part par la constitution de structures de gestion du risque
sanitaire.
Concernant le premier point, il faut d’abord constater que l’accueil
des victimes à l’hôpital est généralement limité à la phase de soins assu-
rée dans les services d’urgences ou en cas d’incidence médico-légale à
une consultation dans une unité de médecine légale lorsque l’hôpital en
est pourvu.
Or ce point de contact avec la structure hospitalière est un moment
important dans le parcours d’une victime.
C’est pourquoi diverses initiatives souvent individuelles ont fait
émerger progressivement l’idée que ce contact devait permettre l’initia-
tion d’une prise en charge globale des conséquences d’une agression,
d’un dommage ou d’un conflit intra-familial. La philosophie d’inter-
vention voulue pour les centres de références pour l’accueil des vic-
times d’agression sexuelle s’inscrit dans cette perspective mais au béné-
fice d’une population victime très limitée.
À cet égard, la création d’unités d’accueil et d’aide aux victimes
pourrait se faire à l’image des unités de soins palliatifs dont l’action
s’exerce au profit de l’ensemble de l’hôpital sous forme d’un soutien
technique. Son implantation devrait se faire de façon préférentielle au – 79
niveau d’une Unité hospitalière de médecine légale compte-tenu, de
l’intrication fréquente avec une démarche menée parallèlement sur le
plan juridique et de la nature des interventions où à défaut au niveau du
département des Urgences.
Sa mission serait :
– d’organiser l’accueil et une écoute attentive des victimes car la res-
tauration de leur personnalité, avec toute l’importance de la parole, est
le premier objectif. Toute victime se sent d’abord atteinte dans sa per-
sonne ;
– d’assurer la réalisation des certificats médicaux sur réquisition des
autorités judiciaires ou sur demande des victimes, en rappellant l’im-
portance de ces pièces tant au stade du dépôt de plainte que de la pro-
cédure d’indemnisation ;
– de permettre la mise en place de procédures d’aides qui devraient
concerner bien entendu d’abord le domaine médico-psychologique,
mais aussi les aspects juridiques et sociaux par l’organisation d’un suivi
intra-muros puis externe au moyen de la constitution d’un réseau d’in-
tervenants volontaires et qualifiés.
Dans les hôpitaux universitaires, ces unités serviraient, de plus, de
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La récidive
Aspects juridiques
Xavier PIN
Vers 1880, la récidive n’ayant pas été enrayée par la répression, son
développement provoque « une sorte de panique amplifiée par la presse
et les partis politiques12 ». On adopte alors, selon le mot de Charles
Lucas (1878), la Politique du débarras. Le législateur se prononce pour
une élimination massive et définitive des délinquants d’habitude du
territoire. La loi du 17 mai 1885 donne une solution de défense sociale,
en instituant pour les récidivistes présumés incorrigibles, la relégation, en
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AVANT CONDAMNATION
APRÈS CONDAMNATION
tème est d’une grande complexité, ce qui est source de censure par la Cour
de cassation.
Le risque qui pèse sur le juge qui aurait relevé l’état de récidive est
celui d’une censure par la Cour de cassation, qui en l’occurrence est
plus libérale que le législateur. La Haute juridiction contrôle les élé-
ments constitutifs de la récidive (1), ainsi que les conditions de la réci-
dive relevée d’office (2).
LE CONTRÔLE DU CONTRADICTOIRE
NOTES
26. Cass. crim., 21 nov. 2000 : Bull. crim. n° 47 ; Rev. sc. crim. 2001, p. 409, obs. D.
Commaret. Selon la Cour : « Tout prévenu a droit d’être informé d’une manière
détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l’objet et qu’il doit, par
suite, être mis en mesure de se défendre, tant sur les divers chefs d’infraction qui lui
sont imputés que sur chacune des circonstances aggravantes susceptibles d’être rete-
nues à sa charge. » En l’espèce, la Haute juridiction censure en ajoutant « qu’il n’im-
porte que la cour d’appel ait prononcé une peine inférieure à celle prévue par l’article
311-6 du Code pénal, dès lors que la constatation de la récidive non soumise au débat
contradictoire, a exercé son influence sur l’application de la peine et ainsi préjudicié
au prévenu ».
27. Cass. crim., 20 mars 1996, préc.
28. M.-H. RENAUT, art. préc., p. 334 : l’auteur relate ainsi les audiences « calva ».
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RÉITÉRANT OU RÉCIDIVISTE ?
moins une dizaine d’infractions chaque année, les délits sont de nature
différente (Eliott et al., 1989). Au moins l’un d’entre eux est un délit
contre les personnes. La gravité des infractions augmente au fur et à
mesure, passant des vols, aux vols avec effraction, puis aux vols de véhi-
cule à moteur et aux agressions. La motivation est le plus souvent à la
fois utilitaire et hédoniste.
Cette dimension de persistance augmente la probabilité de la diver-
sité des actes mais aussi d’actes plus graves. Parmi les adolescents, cer-
tains poursuivent ainsi leur délinquance à l’âge adulte. Plus la délin-
quance débute tôt dans l’enfance, plus l’engagement dans les conduites
délinquantes est durable et plus il s’accompagne de violence. Les études
rétrospectives montrent que ces délinquants persistants ont commis des
actes délictueux dès l’enfance ou bien ils ont été repérés comme hyper-
actifs, en échec scolaire, ou ne pouvant contrôler leur comportement.
Beaucoup ont connu des difficultés d’attachement parental, qui les ont
conduits dans des familles d’accueil ou des institutions socio-éduca-
tives. C’est peut-être en partie pour ces raisons qu’une des caractéris-
tiques des délinquants persistants, dont la proportion dans la popula-
tion masculine globale est évaluée à 5 %, est qu’ils commettent leurs
infractions avec des pairs délinquants. Les pairs jouent un rôle impor-
100 – tant pour eux, mais paradoxalement moins que pour les délinquants
transitoires, dans leurs débuts délinquants.
À l’origine de la délinquance persistante, il existe donc une associa-
tion de facteurs personnels et environnementaux. Dans certains cas, on
a pu mettre en évidence des troubles neurobiologiques et la possibilité
d’une transmission génétique des risques est toujours à l’examen.
La délinquance n’est pas homogène : certains délinquants s’inscri-
vent dans la récidive, d’autres s’en tiennent à un acte isolé dont la vio-
lence peut malgré tout être très grande. Parmi les délinquants persis-
tants, on peut également repérer deux catégories, en fonction du
moment d’apparition de la délinquance, de son importance en quan-
tité, gravité et durée. Certains ont commencé tôt leurs infractions, ils
ont poursuivi à l’âge adulte en commettant des actes de gravité
moyenne, qui n’ont pas évolué vers des actes graves intégrant la violence
ou le meurtre. Il s’agit d’une forme de délinquance persistante dite
moyenne (Fréchette et LeBlanc, 1987). D’autres répètent depuis des
années des actes de délinquance grave, souvent criminels, associés à de
la violence. Il est alors question d’une délinquance persistante grave.
On pourrait se demander si le fait de commettre des actes délin-
quants de façon persistante et dans la catégorie de gravité moyenne
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L’organisation de la personnalité
Plus la délinquance est persistante, plus les éléments de personnalité
jouent un rôle important. Dans le cas de la délinquance persistante
grave, la personnalité intervient de façon majeure, puis vient la situa-
tion immédiate et en dernier lieu le milieu de vie.
Ce n’est pas le cas de la délinquance transitoire ou persistante de gra- – 101
vité moyenne. Dans ce cas, les situations qui ont présidé aux passages à
l’acte ont bien plus d’importance que le milieu de vie ou la personna-
lité. Les circonstances, l’immédiateté des situations, interviennent de
façon considérable dans les passages à l’acte. Ce point renforce l’idée
selon laquelle, pour la délinquance de gravité moyenne, la récidive tient
moins à la personnalité qu’à des facteurs contextuels, tandis que pour la
délinquance grave, la personnalité est de la plus haute importance.
La notion de personnalité criminelle (liée à des actes de criminalité
ou de délinquance) décrite par Pinatel serait susceptible d’expliquer ces
passages à l’acte. Il s’agit plutôt d’un noyau central de la personnalité
criminelle composé de plusieurs traits identifiables. Selon Pinatel, plus
que l’identification de ces traits, c’est la façon dont ils s’organisent qui
est intéressante. Depuis la formulation de cette théorie, de nombreux
travaux ont porté sur cette notion. La délinquance persistante grave,
examinée au regard du noyau central de la personnalité du délinquant
(Favard, 1991), regroupe l’ensemble des traits suivants : agressivité,
indifférence affective, labilité et égocentrisme. Ce modèle reste valide si
l’on considère soit l’agressivité, l’indifférence affective et la labilité, soit
l’agressivité, la labilité et l’égocentrisme. Toutefois, l’indifférence affec-
tive et l’agressivité se révèlent être les prédicteurs les plus forts pour le
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ne peut être qu’exagérée, et l’attitude des témoins est partiale. Des thé-
rapies s’attachent alors à modifier ces pensées dans un ensemble visant
une restructuration cognitive associée un développement des aptitudes
psychosociales.
Le fait de considérer que les délinquants persistants présentent une
personnalité et des processus sociocognitifs particuliers conduit à renforcer
l’importance des facteurs personnels et à minimiser les facteurs sociaux
dans l’analyse des facteurs de persistance. Or, on ne peut faire fi des condi-
tions de vie des délinquants qui récidivent. La plupart d’entre eux ne sont
pas parvenus à retrouver une situation sociale et affective satisfaisante.
Dans tous les cas les facteurs personnels et sociaux s’intriquent ainsi
dans la persistance de la délinquance. L’attitude des délinquants persis-
tants rend également compte de l’engagement dans la délinquance per-
sistante. L’ensemble pose la question du traitement de ce comporte-
ment délinquant.
mettre des actes de délinquance grave avant l’âge de 15 ans. Ces actes
apparaissent dans un certain prolongement. En s’attachant aux faits et
en les remettant rétrospectivement en lien pour mieux comprendre
comment cette délinquance s’est développée, on s’aperçoit que le com-
portement délinquant est un comportement évolutif. Selon nous, la
mise en évidence d’indicateurs de risque de délinquance grave est pos-
sible mais ceux-ci ne doivent pas être utilisés comme facteurs permet-
tant d’envisager un lien systématique de cause à effet.
Les indicateurs de risque les plus importants sont la forme de super-
vision parentale (faible, irrégulière, ou abusive) et comment sont gérées
les contraintes vis-à-vis de l’enfant (Leblanc), la présence de problèmes
de comportements et d’agressivité repérés dans l’enfance, ainsi que les
difficultés scolaires. Les difficultés avec les parents sont fondamentales
et constituent une des cibles principales des méthodes de traitement
préventif. On repère dès l’adolescence des délinquants, dont le compor-
tement se caractérise par des actes graves commencés de façon précoce
et s’engageant dans la persistance. Les pratiques éducatives parentales
des délinquants persistants sont fortement déficientes : les parents s’in-
forment peu des activités de leur enfant, ce qui empêche toute discus-
sion sur le sujet. La mère, qui est souvent la plus impliquée dans l’édu-
106 – cation, a recours à des interventions punitives (verbales ou physiques)
inadéquates. Ces délinquants communiquent peu avec leurs parents et
se sentent souvent rejetés par leur père. Ils sont moins concernés par les
contraintes que les parents peuvent leur imposer et sont moins attachés
aux valeurs sociales.
Bien évidemment, une délinquance ou une criminalité des parents
augmente le risque de délinquance (Loeber et Dishion, 1983, méta-
analyse de 29 études). Fondamentalement, plus que la présence de l’un
ou l’autre de ces facteurs, c’est leur combinaison qui est signifiante pour
la délinquance persistante.
Il reste encore beaucoup à faire pour comprendre la façon dont s’or-
donnent ces différents facteurs pour constituer, peu à peu, une délin-
quance persistante. La prévention primaire vise, à partir de l’étude des
combinaisons entre ces facteurs, à éviter tout comportement délinquant
ou à limiter l’apparition de comportements délinquants graves. Par
conséquent, cela n’a pas de sens d’isoler, même dans le discours, un seul
facteur de délinquance, en disant par exemple que les difficultés sco-
laires conduisent à la délinquance. Il faut préférer le repérage de plu-
sieurs facteurs de risque. Identifier ces facteurs et leur possible combi-
naison permettra de porter attention aux familles et aux enfants qui en
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CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Le recours à l’acte :
un processus archaïque
Patrick Ange RAOULT
LA VIOLENCE EN ACTE
ANÉANTISSEMENT
CAUCHEMARS
C’est de manière similaire que l’on peut saisir les cauchemars fré-
quents, répétitifs, proches du mode de fonctionnement des états trau-
matiques qui le perturbent. Deux cauchemars reviennent répétitive-
ment pour Paul : dans l’un il s’écrasait, à la suite d’une chute, sur du
béton, dans l’autre une tête de mort (menaçante) fonçait sur lui. Proche
de ce thème un autre cauchemar consistait en une tête qui venait le – 117
« bouffer », qui essayait de rentrer dans sa tête. Rêves traumatiques plus
que cauchemars comme l’avance C. Balier. Il rappelle que la peur de la
passivation resurgit sous forme de monstre dans un cauchemar proche
de l’hallucination. Pour en maîtriser la terreur, Paul a, au cours de son
adolescence, fait tatouer cette tête de mort sur la poitrine. Dans ce
même mouvement, il s’est fait tatouer sur le bras une veuve noire, sym-
bolisant la « mort froide », ainsi qu‘un dragon, symbolisant puissance et
volonté. Quelque temps plus tard, il s’est fait trois coupures sur le bras
pour tuer la mort froide, laissant le dragon avoir le dessus. C’est une
forme singulière d’externalisation de l’imago dangereux qui vient se
figurer sur la limite du corps qu’il constitue par la même occasion.
L’autre est cette figure terrifiante qui les poursuit au travers de leurs cau-
chemars : monstre surgi d’une nuit sans fond dans laquelle règnent la
terreur et l’effroi. L’autre n’a pas de visage, une face béante ou est un
visage aux orbites vides. Ils n’ont pas trouvé de visage familier auquel
s’attacher (Spitz). Ils n’ont pu exister dans le regard de l’autre comme le
souligne Winnicott, qui fait de ce moment un précurseur de la consti-
tution de son image narcissique. L’absence ou la défaillance des étayages
affectifs précoces n’a pas permis de se constituer un espace corporel dif-
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L’EMPRISE
À une période Paul errait toute la nuit dans l’espoir qu’à son retour
quelqu’un qui l’aimait soit là, il n’y avait jamais personne ! Il a souvent
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PHOBIES
LE RECOURS À L’ACTE
NOTES
1. S. FREUD, « Formulations sur les deux principes du cours des événements psy-
chiques » (1911), in Résultats, idées, problèmes I, Paris, PUF, 1984.
2. S. FREUD, Cinq Psychanalyse (1905), Paris, PUF ; « Remémoration, répétition et
élaboration » (1914), in La technique psychanalytique, Paris, PUF, 1975.
3. J. BERGERET, « Actes de violence : réflexion générale », in Le passage à l’acte. Aspects
cliniques et psychodynamiques, F. Millaud. Paris, éd. Masson, 1998.
4. C. BALIER, Psychanalyse des comportements violents, Paris, PUF, 1988.
5. C. BALIER, « Préface », in Psychopathologie des agresseurs sexuels, A. Ciavaldini, Paris,
éd. Masson, 1999.
6. Op. cit., Psychanalyse des comportements violents, p. 163.
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Portant sur la question des récidives, les chiffres doivent être utilisés
130 – avec beaucoup de précautions. En effet, on se heurte à une multitude
de biais. Biais qui se trouvent augmentés dès que l’on choisit de compa-
rer les chiffres entre eux. Je citerai les plus évidents de ces biais : la diffé-
rence des définitions de l’acte délictueux (CIM 10, DSM 4,...), la diffé-
rence de la nature de l’acte (judiciarisé ou pas), le manque de définition
des cohortes (descriptif qualitatif de la population choisie, à « haut
risque » ou pas, programme de soin ou pas,...), l’hétérogénéité des bases
de colligeage des données (casier judiciaire, cohorte de soin hospita-
lière,...), la dissemblance des méthodes de collecte (actuariels, recueils
sur dossier, questionnaire auprès du sujet,...), l’écart des empans tem-
porel de recueil (plus augmente la durée de l’observation, plus le taux de
récidive a des probabilités d’augmenter), la diversité des espaces géogra-
phiques de collecte (la criminalité n’est pas également répartie sur un
territoire) enfin les différences de référentiel culturel (Montandon,
19794 ; Darve-Bornoz, 19965 ; Ciavaldini, 1999 ; Mezzo, Gravier,
20016 ; Tournier, 2002).
Tenant compte de cette mise en garde, les études sur la récidive
montrent que les taux sont variables en fonction précisément de ces
biais.
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Les sources officielles sont constituées par les recueils actuariels des
divers ministères concernés (Justice, services de police et de gendarme-
rie) ou par les centres de recherches qui y sont rattachés. Cependant,
même avec des documents officiels, les taux varieront selon la source
qui sera utilisée et la durée de recul considérée.
Il est important de préciser que le taux des récidives de l’infraction
sexuelle s’inscrit dans le cadre général des récidives et que sa lecture n’a
de valeur que par rapport à celles-ci. Le taux général des récidives
constitue un repère de type culturel permettant de relativiser l’impact,
souvent fort, du taux des récidives sexuelles.
Sur la base de l’étude du casier judiciaire national (informatisé
depuis 1984), si l’on considère les condamnations inscrites au casier
judiciaire dans un délai de cinq ans après la levée d’écrou et qui consti-
tue le taux de nouvelles affaires qui peut être considéré comme le taux
général de récidive de la population carcérale, celui-ci est de 59 % des
libérés (Tournier, Mary-Portas, 2002).
Pour les infractions sexuelles, la direction centrale de la police judi-
ciaire (DCPJ) fait état, toutes infractions sexuelles confondues, d’un
taux moyen de récidives de 15 %, avec des variations selon la qualité de – 131
l’infraction.
INFRACTION TAUX EN %
Viol 8%
« Inceste » 3.7 %
Attentat à la pudeur 20.4 %
Répartition des taux de récidive par classe d’infraction jugée, sur une
cohorte exhaustive des délinquants sexuels étudiée entre 1984 et 1995
(d’après Burricand C., 1997)8
Répartition des taux de récidive par classe d’infraction, sur une cohorte
exhaustive des délinquants sexuels étudiée entre 1984 et 2000
(Source : ministère de la Justice)
INFRACTION INITIALE JUGÉE NBRE D’AFFAIRES NBRE DE CAS JUGÉS POUR TAUX DE
JUGÉES EN 2000 LA MÊME AFFAIRE EN 1984 RÉCIDIVE EN %
– L’âge du sujet
Plus le sujet est jeune à l’infraction initiale, plus le risque augmente.
(Hanson et Thomton, 1999).
– La co-habitation
Le fait que le sujet partage sa vie affective avec un autre (quel qu’en
soit le sexe) diminue la récidive augmente. (Hanson et Thomton, 1999)
– L’histoire criminogène antérieure
Plus il y a de délits sexuels antérieurs, plus il y a de comportements
violents et d’incarcérations antérieures, plus la probabilité d’une réci-
dive croit. (Quinsey et al., 1990)11
– La psychopathie
Plus le score est élevé au PCL-R12, plus le risque est élevé13. (Barbaree
134 – et al., 1994)
– La qualité de la victime
Lorsque la victime est non-connue ou est masculine, le risque de
récidive est plus grand (Hanson et Thomton, 1999)
– La participation à un traitement
Sujets traités ou pas : taux identiques de récidives, environ 15 %.
(Hanson, 1989)14
Sujets traités en cycle complet de programme cognitivo-comporte-
mental (éducation sexuelle, habiletés sociales, modification des préfé-
rences sexuelles) : 11 %. (Proulx, 1993)
Sujets traités en cycle partiel, environ de 20 à 24 %. (Proulx, 1993)
– Une préférence sexuelle déviante
– Une problématique alcoolique antérieure
La récidive d’agressions sur enfant (42 %, Hanson et al., 1993)15
variera selon :
– La qualité de l’agresseur : membre de la famille ou tiers externe.
(Proulx, 1993)16
Agressions sexuelles extra-familiales : < 40 %.
Agressions sexuelles intra-familiales : <10 %.
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Facteurs stables :
Problèmes sur le plan de l’intimité : plus l’individu présente de diffi-
cultés à développer des relations interpersonnelles, plus le risque de
récidive augmente (facteur d’isolement social).
Influences sociales : l’appartenance à un réseau de socialisation crimi-
nogène qui viendra valider les choix délinquants.
Schèmes de pensées : le développement de critères de jugement et
d’action désadaptés mais liés et cautionnant le choix délinquant.
Autorégulation sexuelle : mauvaise perception de la sexualité, de ses
besoins sexuels et peu de possibilités de négociation de ceux-ci, la sexua-
lité sert de régulation des tensions générales.
Autorégulation générale : la gestion des conflits se fait sur un mode
majoritairement imppulsif, les modèles identificatoires sont criminogènes.
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Facteurs aigus :
Toxicomanie
Humeur négative, colère et hostilité
Accès aux victimes
Ces facteurs ne sont aucunement la cause directe de la délinquance
sexuelle, en revanche leur présence augmente de manière significative
les risques de délinquance.
laquelle il ne se sait même pas habité et que nous ne percevons que par
la fureur répétitive de ses actes.
NOTES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
MEZZO B. ; GRAVIER B. (2001) : « La récidive des délinquants sexuels : une réalité dif-
ficile à cerner », Médecine et Hygiène, 2339.
MONTANDON, C. (1079,) : « La dangerosité, revue de la littérature anglo-saxonne »,
Déviance et société, 3 (1) p. 89-104.
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PROULX, J. (1993) : La récidive, in AUBUT, j. : Les agresseurs sexuels, Montréal, éd. La
Chenelière, p. 260-266.
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lence, 8, p. 512-523.
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the Regional Treatment Centre Sex Offender Treatment Program », Journal of inter-
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1.
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TOURNIER, P. V., MARY-PORTAS, F.-L. (2002) : « Statistiques pénales (infractions,
mesures et sanctions) », in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Paris, éd.
Dalloz, 31 p.
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L’emprise du rite
Bernard GUITER
Fantasme infantile
(Freud, 1905)
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« Ici, note Freud, s’offre l’unique possibilité de voir un souvenir produire un effet bien
plus considérable que l’événement lui-même ! C’est en raison de l’afflux d’excitation
endogène déclenché par le souvenir que celui-ci est refoulé5. »
Ainsi le refoulement proprement dit est toujours un refoulement
après coup :
« Le second stade du refoulement, le refoulement proprement dit, concerne les reje-
tons psychiques du représentant refoulé ou bien des chaînes d’idées qui venant
d’ailleurs se sont associées avec le dit représentant. Non seulement ces représentations
connaissent le même destin que le refoulé originaire mais le refoulement proprement
dit est un refoulement après coup6. »
Freud abandonne tôt la théorie de la séduction, « Freud, pendant de
longues années, laissa tomber ce que pourtant la clinique de Charcot lui
avait enseigné : des violences sexuelles graves parfois mortelles survien-
nent aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant7 » et cette période avait
été précédée par une période pan-traumatique (inclusion dans le psy-
chisme d’un corps étranger externe qui rentre en force comme un pro-
jectile et joue le rôle d’un abcès de fixation : le trauma), elle sera suivie
par l’étude des névroses de transfert et la construction métapsycholo-
gique. Mais la notion d’après-coup est transposable dans le domaine du
traumatisme non sexuel, à savoir le risque de mort et le deuxième
conflit mondial va amener Freud à retourner aux sources à propos des – 143
névroses de guerre.
D’autre part, un conflit éclate entre Freud et son disciple Otto
Rosenfeld. Ce dernier publie en 1924 Le traumatisme de la naissance où
il accorde une priorité à l’angoisse de la naissance par rapport à celle
inhérente au Kern Komplex d’Œdipe. Le Hongrois Sandor Ferenczi
publie la même année Thalassa : psychanalyse des origines de la vie
sexuelle où, s’inspirant de l’évolutionnisme ambiant (Lamarck, Haechel)
il postule que la vie intra-utérine récapitule les formes antérieures de la
vie dont l’origine est marine et de surcroît que tous les êtres vivants
aspirent à retourner à cet état originaire intra-utérin. Il n’en faut pas
plus à Freud pour bondir au secours de son édifice et comme souvent il
ne sera jamais aussi performant que dans l’épreuve de disputatio. Si
Freud suit Ferenczi sur la récapitulation de la phylogenèse par l’ontoge-
nèse, s’il collabore à son ouvrage, il ne peut souffrir la technique qu’éla-
bore son élève, jeu de questions et de réponses nommé Technique active
qui récuse les principes de la talking-cure. La rupture définitive se fera
en 1933, année où meurt Sandor Ferenczi, vaincu par « les démons
cachés contre lesquels (il) s’était pendant des années battu avec une
grande angoisse et beaucoup de succès8 ». Freud, par contre, va vive-
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ment critiquer Rank : « On peut lui faire deux sortes de reproches : pre-
mièrement de fonder son analyse sur le postulat que l’enfant lors de la
naissance a reçu des impressions sensorielles déterminantes […] qui
renouvelées pourrait provoquer le traumatisme de la naissance et du
même coup, la réaction d’angoisse. Or, cette hypothèse n’est absolu-
ment pas prouvée et elle est très invraisemblable. […] Deuxièmement
Rank, lorsqu’il étudie les situations d’angoisse ultérieures, attribue l’ef-
ficacité, selon les besoins de la cause, soit au souvenir du bonheur de
l’existence intra-utérine, soit à sa perturbation par le traumatisme. Ce
qui est ouvrir toutes grandes les portes aux interprétations arbitraires9 ».
Et là, Freud va renouer avec la théorie traumatique sauf que le trauma ori-
ginaire est inhérent à « l’état de détresse psychique du nourrisson corréla-
tive, cela va de soi, de son état de détresse originaire10 » et qu’il est l’ab-
sence de la mère, « L’objet maternel psychique remplace pour l’enfant la
situation fœtale biologique11 ». Le traumatisme est généré par la « sépara-
tion de la mère, séparation d’un point de vue uniquement biologique
puis au sens d’une perte directe de l’objet et plus tard au sens d’une perte
de l’objet produite par des moyens indirects12 ». Dans cette nouvelle pers-
pective et en ce qui concerne les névroses, c’est la castration qui constitue
le traumatisme secondaire en tant qu’elle est séparation d’un organe qui
144 – de surcroît « garantit la possibilité d’une nouvelle union avec la mère13 ».
Dans les névroses traumatiques, c’est l’angoisse de mort qui officie
comme traumatisme secondaire mais Freud fait un pont avec les névroses
de transfert « c’est pourquoi je m’en tiens fermement à l’idée que l’an-
goisse de mort doit être conçue comme un analogon de l’angoisse de cas-
tration14 ». Mais c’est l’angoisse qui va nous permettre d’établir un écart
entre les deux entités. « L’angoisse est apparue à l’origine comme un signal
de danger, elle est maintenant régulièrement reproduite lorsqu’un tel état
se représente15 ». L’angoisse est la réaction au danger mais elle se reproduit
dès qu’un tel état se représente. En conséquence, ce qui dans un premier
temps est considéré comme réaction pénible, devient une protection effi-
cace pour esquiver le danger. « L’on ne saurait trouver d’autre fonction à
l’angoisse que celle de signal incitant à éviter la situation de danger16 ».
Une réaction pathologique est devenue une défense biologique, le Moi en
tant que lien passif est devenu producteur actif. Mais Freud rajoute :
« Il faut considérer d’autre part que lors des expériences conduisant à la névrose trau-
matique, le pare-excitation externe est rompu et que des quantités d’excitation trop
grandes accèdent à l’appareil psychique en sorte qu’ici nous nous trouvons devant la
seconde possibilité, à savoir que l’angoisse ne soit pas seulement un affect qui signale
le danger mais soit aussi produite, à titre de manifestation nouvelle, à partir des condi-
tions économiques de la situation17. »
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Représentation
Pan-traumatique hyperintense Reminiscence
(corps étranger)
Événement
Hystérotraumatique Séduction réelle
de la vie sexuelle Refoulement
LE RITE ET LA RÉPÉTITION
J’ai souligné le discrédit qui pèse sur le rite de par son caractère répé-
titif et qui l’oppose à un mythe qui lui ne cesse de se régénérer. J’ai pris
le parti de considérer le rite comme le cœur du mythe autour duquel la
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152 – NOTES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Fuyant Sodome, Lot se retrouva exilé avec ses filles, réfugié, reclus,
dans des grottes, coupé du monde. L’ainée des soeurs annonça à la
cadette ceci : « Notre père est vieux et il n’y a pas d’homme dans le pays
pour venir vers nous, selon l’usage de la terre. Viens, faisons boire du
vin à notre père et couchons avec lui ; ainsi par notre père, nous donne-
rons vie à une descendance. » (Ancien testament, Génèse 19, La Bible)
De la parole à l’acte, « cette nuit-là, l’aînée vint coucher avec son père
sans qu’il ne s’aperçût ni du coucher de sa (fille) ni de son lever. » La
nuit suivante le même cérémonial se répéta avec la cadette.
Cet épisode de la genèse nous présente une répétition ; répétition
d’un même scénario pensé, élaboré et mis en acte. Si de l’extérieur la – 155
répétition renvoie à une mêmeté dans la mise en acte, la scène incons-
ciente elle se présente dans une complexité des liens et enjeux, signifiant
que certes quelque chose se répète d’une génération à l’autre ou se
repère entre les générations, mais certainement pas dans un identique.
Ainsi, lorsque l’on se réfère au passage à l’acte incestueux, on peut parler
de répétition lorsqu’un père abuse par exemple de sa fille, puis des
enfants de sa fille. Cependant un abuseur qui fut abusé, ne répète pas la
même chose, les rôles ne sont plus les mêmes, puisqu’il passe de la vic-
time pris dans la passivité du lien d’emprise à l’agresseur qui par identi-
fication à ce qu’il a vécu dans cette perversion du lien, va faire vivre à
l’autre son impuissance primaire. Ce qui se répète, renferme ce qui fut
traumatisant et resté sans parole, c’est-à-dire sans mise en sens. Au delà,
se rejoue ce qui reste du côté de l’acte, d’un collage où l’échange, où la
différentiation où l’autre n’a pas pu émerger suffisamment ou pleine-
ment. En d’autres termes encore, là où le sujet n’est pas ou pas suffi-
samment en place, la répétition se présente comme symptôme ou
encore comme une tentative de sortir du lien d’enfermement.
Ce que j’aimerai mettre en avant au fil de cet article, c’est ce qui se
joue dans la singularité de l’histoire des pères et des filles mais égale-
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Ce n’est pas uniquement dans les liens intra-familiaux que l’on peut
saisir les enjeux d’un passage à l’acte incestueux mais également dans
une approche transgénérationnelle, c’est-à-dire en explorant ce qui fit
défaut ou défaillance dans les transmissions parentales d’une génération
à l’autre. C’est par là que nous pouvons attraper au mieux la question
de la répétition.
Ce que je voudrai développer, c’est que les chemins menant à l’inceste
s’originent dans l’enfance des abuseurs autour de deux axes principaux :
l’un du côté maternel : défaillance de la fonction de séparation mère-
enfant, l’autre du côté paternel : défaillance de la fonction paternelle ou
de la transmission ou encore de l’appropriation de cette fonction.
L’articulation de ces deux axes peut contribuer à l’orientation patho-
logique vers l’inceste à la génération suivante, mais cela ne constitue
156 – nullement un lien de cause à effet : ces défaillances ne mènent pas
toutes à des faits incestueux. À l’inverse j’ai repéré à travers mes
recherches que cette constante s’inscrit chez les pères incestueux.
– 157
L’impossible père
Comme Pierre Legendre le dit fort justement :
« Il n’y a pas de question du père, il y a la question du père et du fils1. »
Si aucun abuseur incestueux n’endosse une fonction de père symbo-
lique, c’est qu’à l’origine il n’y a pas eu de réelle possibilité d’inscription
filiale ou qu’il y a eu défaut de père dans sa fonction de tiers.
Sur les bases de nos investigations, nous pouvons constater que durant
l’enfance les futurs abuseurs n’ont jamais bénéficié pleinement de leur sta-
tut d’enfant. Dans leur discours, le point d’encrage renvoie à celui d’en-
fant-capital tel que nous le considérions autrefois. Ainsi, « compte tenu
du niveau socioculturel de la fratrie et des difficultés matérielles rencon-
trées, les parents ont assez peu de temps à consacrer à leurs enfants et ils
ont eu une tendance à leur faire quitter rapidement l’école pour les mettre
au travail afin d’apporter le plus tôt possible leur contribution aux frais du
foyer2 ». Souvent précocement inséré dans le monde du travail, trop rapi-
dement enfermé dans un rôle financier, à l’instar de leur père « qui rame-
nait la paye c’est tout ». L’abuseur incestueux réitérera cette position réfé-
rente et significative pour lui, tel un repère identificatoire central de sa
place à occuper : « Je suis le seul à travailler pour nourrir toute la famille. »
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LIEN PÈRE-FILLE
tale non dépassée. Le rapport à l’autre se régit dans une dualité où l’un
des deux éléments est forcément de trop et doit mourir.
Toute expression de désir ou de parole donc de sujet lui fait violence
car le confronte à la différenciation. Ainsi, comme pour Œdipe, l’une
des deux générations se retrouve vouée, dès l’origine, à être effacée afin
que l’autre survive : « Un des deux termes doit disparaître5 ».
La pulsion de mort transparaît donc ici principalement par le biais
de la relation d’emprise où « l’enfant est aliénée dans le désir de l’autre,
le mettant en position d’objet absolu6 », et de non-vie.
LIENS MÈRE-FILLE
NOTES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
162 –
peut affecter différents aspects d’un récit : elle touche à l’ordre du récit
quand elle en rythme la progression ; à sa durée si elle correspond à une
pause, un sommaire, une ellipse, une amplification ; à son mode
d’énonciation, si elle est prise en charge par le conteur qui en usera pour
sa valeur expressive. Enfin, le phénomène de reprise entre en résonance
avec la notion de fréquence : le conteur peut nommer une fois ce qui
s’est répété plusieurs fois dans l’histoire, répéter autant de fois qu’il y a
d’occurrences de l’action, ou encore ressasser en plusieurs points du
récit un événement n’étant survenu qu’une seule fois. En somme, nous
pouvons soutenir que la répétition conditionne en surface et en profon-
deur le système de signification d’un récit.
L’APPRENTISSAGE DE LA MÉTAMORPHOSE
NOTES
1. M.LEIRIS, Fourbis (2e tome de La Règle du jeu), éd. Gallimard, 1955, p. 181.
2. M. AQUIEN ET G. MOLINIÉ, « Répétition », in Dictionnaire de rhétorique et de poé-
tique, La Pochothèque, éd. Le Livre de Poche, 1996, p. 339.
3. Procédure narrative dont rend assez bien compte l’analogie picturale avec les
tableaux de Quentin Metsys ou de Memling, qui présentent un petit miroir convexe
reflétant la scène peinte en miniature. Dans un récit, la mise en abyme se produit lors-
qu’un élément partiel (une scène, un dialogue, un chapitre) peut condenser à lui seul
l’histoire que raconte l’ensemble du récit. La mise en abyme suppose la répétition (elle
multiplie ce qu’elle imite), la condensation (elle met en jeu des éléments plus brefs) et
l’anticipation (bien souvent, les micro-événements qu’elle recèle précèdent les macro-
événements correspondants).
4. Schahriar, fou de douleur lorsqu’il apprend la trahison de son épouse bien-aimée, la
fait mettre à mort et, persuadé qu’aucune femme n’est sage, il décide de prévenir les
infidélités de celles qu’il épousera par la suite en les faisant mourir le lendemain de
leur mariage. En quelque sorte Schéhérazade est celle qui mettra un terme à l’extermi-
nation du sexe féminin.
5. B. BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fées, éd. Robert Laffont, Pluriel, 1976,
p. 269.
6. Voir ibid., p. 70.
7. Sur les origines sacrées des contes provenant de rites initiatiques tombés en désué-
170 –
tude, voir V. PROPP, Les Racines historiques du conte merveilleux (1946), éd. Gallimard,
1983 (épuisé).
8. op. cit., p. 165.
9. GRIMM, Contes, Folio, 1976, p. 12-13.
10. Freud distingue les fantasmes inconscients qui affleurent à la « façade » du rêve
lorsqu’ils ont pu se plier à la censure et à la condensation, de ceux qui n’accèdent pas
au contenu lors de l’élaboration secondaire du rêve. (L’interprétation des rêves, PUF,
1967, p. 420.)
11. Op. cit., p. 407.
12. Voir P. RICŒUR, Temps et récit, éd. Seuil, 1983, p. 144.
13. S. FREUD, Le Malaise dans la culture, Quadrige, PUF, 1995, p. 65.
14. Il produit des pièces d’or.
15. G. CALAME-GRIAULE, La Parole du monde, éd. Le Petit Mercure, 2002, p. 37.
16. S. FREUD, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, éd. Folio, 1988, p. 236.
17. Le Petit Chaperon rouge.
18. La Gardeuse d’oies.
19. Le Conte du genevrier, des frères Grimm.
20. Freud, « Le motif du choix des coffrets », in L’inquiétante étrangeté et autres essais,
Folio Essais, 1985, p. 78.
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Viol et métamorphoses
Le passage de la reviviscence à la remémoration
Véronique CORMON
DE LA REVIVISCENCE…
passé », c’est « vivre de nouveau » cette mort. Les victimes disent très
clairement :
« Je ne veux pas en parler, je ne veux pas revivre ce qui s’est passé, je veux oublier. »
La permanence de cette reviviscence laisse les victimes errantes dans
un monde qui n’a plus de sens, ni direction, ni perception.
« On m’a volé mon identité, je ne suis qu’une image de ce que les autres espèrent de
moi. »
Et tout d’abord au sens fort et premier du terme et de la naissance
même : La victime d’un viol ne peut plus s’appuyer sur ses perceptions
pour « être au monde ». Elle ne reconnaît plus ce qu’elle voit, ce qu’elle
touche, ce qu’elle entend, ce qu’elle sent, ce qu’elle goûte. C’est l’er-
rance qui saisit les victimes au cours des mois, des années qui suivent.
En effet, si le nouveau-né dispose d’une mère « suffisamment bonne »
pour transformer des sensations « brutes » en perceptions claires par
rapport à ses sensations, ce n’est pas le cas de la victime de viol qui ne
sait plus comment « vivre ». Tout a volé en éclats brutalement, son
monde interne n’offre plus de sécurité, ses perceptions ne sont plus
fiables.
« Et la haine de soi, de son propre corps ? Une fois violée, on ne se supporte plus, on
ne s’aime plus. On a du mal à continuer à vivre. On ne supporte plus d’être touchée. Il
172 –
m’a fallu des années avant qu’un homme ne me fasse l’amour. Des années durant les-
quelles je n’ai rien dit. À personne. »
Ainsi, la reviviscence précipite les victimes dans un monde qui n’a
plus d’orientation, plus de sens, plus d’objectif à atteindre, plus d’avenir
puisque plus de passé. D’où l’extrême vigilance et le qui-vive perma-
nent qui saisit les victimes nuit et jour.
Pour sortir de la reviviscence qui ne fait qu’attiser la violence reçue,
et accéder à un travail de remémoration, les victimes décrivent la néces-
sité d’accepter de « se souvenir ». Dans le chaos émotionnel et perceptif,
elles ne peuvent que revivre le traumatisme. Grâce au langage qui est le
témoin de relations humaines, les victimes retissent un lien entre l’avant
et l’après, tout en faisant le deuil d’un retour en arrière impossible.
… À LA REMÉMORATION…
« J’en ai parlé et j’ai senti que les personnes ne savent pas quoi dire, ne savent pas com-
ment aider la victime car elles ne savent pas ce qu’est un acte sexuel forcé. »
De plus, l’absence de coups, voire d’arme, rencontre une incompré-
hension chez l’interlocuteur qui pense tout bas qu’on peut toujours se
défendre. La sidération, processus de défense qui saisit fréquemment les
victimes lors du traumatisme, échappe à l’entendement de tous, y com-
pris des victimes elles-mêmes.
« Depuis que j’ai lu votre article, je me pose des questions sur ce que je ressens et
pourquoi. »
Peu à peu, les victimes sentent qu’elles ne peuvent pas échapper à ce
vécu qui les mine de l’intérieur. La possibilité de voir un spécialiste se
profile. On se rend compte alors que la peur de consulter est associée à
la terreur de la reviviscence de « ces mauvais souvenirs ». Aller parler à
quelqu’un du viol est une manière de dire qu’il a bien eu lieu ; c’est
reconnaître la blessure très profonde provoquée par le viol ; c’est enfin
accepter que rien ne sera jamais plus comme « avant ».
En fait, la remémoration ne fait pas revivre la scène, elle la met en mots,
elle lui fait accéder au statut de souvenir. Les victimes sont prises dans les
sensations brutes de la reviviscence et ne peuvent imaginer en sortir. C’est
un autre, des autres – professionnels mais aussi l’entourage amical, social
174 –
ou familial –, qui vont, par leur humanité, aider les victimes à reconstruire
des relations fondées sur l’écoute, le respect et l’amour de la personne.
Catharsis ou mimesis ?
Violences télévisuelles et mise en scène délinquante
Laurent BÈGUE
teur, croyons-nous vraiment que l’image violente puisse, sans que nous
y consentions, avoir raison de nos dispositions pacifiques et de nos
mœurs civilisées ? Si l’on insiste, dans une asymétrie de jugement bien
connue, nous sommes éventuellement prêts à concéder que l’influence
s’exerce sur les autres, mais pas sur nous-mêmes ! Peut-être même nour-
rissons-nous une conception quasi-bénéfique de la violence filmique :
après tout, le spectacle de la violence ne serait-il pas un bon moyen de
nous purger de nos propres tendances agressives, et ne revêtirait-il pas, à
l’instar du théâtre chez Aristote, et dans une perspective cathartique à la
Freud et Breuer, cette fonction de purge bénéfique ? Par ailleurs, imagi-
ner que les images poussent au crime, n’est-ce pas accorder trop d’im-
portance au pouvoir d’influence des écrans et pas assez à la réflexion du
spectateur ? Il semble évident par ailleurs que l’agressivité humaine n’a
pas besoin d’un téléviseur pour trouver son inspiration. Prenons sim-
plement l’Histoire de la violence d’un Jean-Claude Chesnais (1981)
pour nous convaincre que les scènes d’hémoglobine n’ont pas attendu
les écrans plasma. D’aucuns stigmatisent quant à eux l’hypocrisie d’un
tel questionnement, arguant non sans raison que la télévision, s’il n’est
pas sûr qu’elle rende violent, répercute sans aucun doute la violence du
monde environnant, et en divertit peut-être. Enfin, il se trouvera même
178 – tel criminologue pour conférer à la télévision quelque vertu protec-
trice : jusqu’à preuve du contraire, l’individu qui consacre du temps à la
télévision ne peut s’employer au même moment à faire de mauvais
coups. C’est la conclusion récemment formulée par un criminologue
canadien reconnu, Marc Ouimet : en fait, écrit-il, si les jeunes regar-
daient plus souvent la télévision, leur taux de violence diminuerait.
Les arguments de ceux qui nourrissent des doutes quant aux effets
réels de la télévision sur les comportements violents (mais aussi de ceux
qui en font la cause de tous nos maux) peuvent être utilement mis à
l’épreuve par le biais de quatre méthodes distinctes1. En général, les
chercheurs définissent les comportements violents comme des conduites
orientées vers le but de faire du mal ou de blesser un être vivant désirant
éviter ce traitement (ce qui contraste un peu avec l’élégante mais trop
inclusive définition donnée par Blandine Kriegel dans son rapport sur
la violence à la télévision : « force déréglée qui porte atteinte à l’intégrité
physique ou psychique pour mettre en cause dans un but de domina-
tion ou de destruction l’humanité d’un individu », 2002, p. 3). Une
première méthode consiste à demander à des sujets de remplir un ques-
tionnaire afin d’identifier les émissions qu’ils suivent (celle-ci étant
ensuite cotées en fonction de la fréquence ou de l’intensité des actes vio-
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tefois pas été observé après l’arrivée de la télévision dans les pays euro-
péens. Par ailleurs, on a beaucoup de mal à invoquer un effet quel-
conque de la télévision dans les tendances récentes de la baisse de la cri-
minalité au Canada et aux États-Unis …
Aucune des méthodes présentées ne permet isolément de proposer de
conclusion générale. Certaines recherches se basent sur un dispositif
méthodologique discutable, tandis qu’un certain nombre de travaux
importants apportent des résultats éventuellement contradictoires.
Néanmoins, il faut souligner que les résultats obtenus au moyen de
quatre méthodes différentes convergent, suggérant que les émissions
violentes sont impliquées de manière causale dans la violence. Lorsque
l’on cherche à analyser les effets cumulés des dizaines d’études (impli-
quant parfois des dizaines de milliers de participants) consacrés aux
effets de la violence médiatisée sur les conduites d’agression, ces effets
sont confirmés. Bien que leur taille varie selon les méthodologies
employées, ils sont en général d’amplitude modeste. En réalité, d’après
les effets observés dans divers travaux, entre 5 et 10 % des violences
commises ont pour cause la télévision. Il n’est donc pas justifié d’invo-
quer la télévision comme un facteur principal de la violence et de son
évolution. Elle est très loin d’être à la première place, ce qui peut évi-
demment être décevant si l’on cherche des explications permettant – 181
d’envisager de faire diminuer la violence sociale d’un coup de baguette
magique. Il serait néanmoins tout aussi erroné de croire que la télévi-
sion soit d’une innocuité totale.
Montrer que les scènes violentes ont un effet sur les comportements
ne suffit pas. Encore faut-il préciser les mécanismes qui sous-tendent ce
lien de causalité, première étape pour envisager d’en contrer certains si
cela est possible. Sept mécanismes différents sont à mentionner.
Éveil physiologique
Lorsqu’une personne est exposée à la violence télévisuelle, les effets
physiologiques immédiats sont de même nature que si cette personne
était exposée à une situation de violence réelle, à savoir une augmenta-
tion du rythme cardiaque et de la pression sanguine. Cette simple acti-
vation suffit à déclencher de la violence pour peu que des indices situa-
tionnels (présence d’une arme, effet d’une provocation) lui confèrent
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veulent dire oui quand elles disent non » était très prégnante dans le dis-
cours des auteurs d’agressions sexuelles.
Divers travaux réalisés dans le sillage de la théorie de l’apprentissage
social suggèrent que la probabilité de reproduction comportementale
d’une scène de violence est d’autant plus élevée que le protagoniste
agressif est dépeint de manière attractive, qu’il ressemble au spectateur,
qu’il tire une récompense de son acte et non une punition, que l’acte
combine violence verbale et physique, que la scène est présentée de
manière réaliste, que ses conséquences (notamment la souffrance de la
victime) ne sont pas montrées ou sont minimisées (par exemple par
l’humour), et que le comportement violent est présenté comme justifié
ou ayant un sens moral (par exemple une vengeance).
Désinhibition
Le spectacle répété de la violence contribue à une désinhibition à
l’égard des comportements violents. Dans la mesure où bon nombre
d’actes violents sont présentés comme des solutions efficaces à la résolu-
tion des conflits, ou encore que la souffrance des victimes est rarement
soulignée, les actes violents peuvent se présenter comme des options
acceptables. En 1998, une étude réalisée au Royaume-Uni indiquait – 183
que dans les fictions, plus de la moitié des épisodes agressifs ne mon-
traient pas les conséquences pour la victime. Dans une recherche clas-
sique qui illustre bien l’idée de désinhibition, on a présenté à des
enfants de 5-6 ans et de 8-9 ans des extraits d’émissions d’une durée de
3 minutes environ présentant soit un programme violent (un extrait de
feuilleton populaire à l’époque comprenant entre autres, deux bagarres,
un coup de couteau et deux coups de feu), soit un programme sportif
excitant (athlétisme). Après avoir vu les films, les enfants étaient
conduits dans une autre pièce et placés devant un tableau de bord com-
prenant deux boutons, l’un étiqueté « blesser » et l’autre « aider », ainsi
qu’un signal lumineux étiqueté « prêt ». On leur disait alors que dans
une autre pièce se trouvait un autre enfant, en train de tenter de jouer à
un jeu afin de gagner un prix, et que chaque fois que le signal « prêt »
serait allumé, ils pourraient, en appuyant sur le bouton de leur choix,
soit apporter de l’aide à l’enfant dans sa tâche soit le blesser. On les
informait en effet que s’ils pressaient le bouton « blesser », cela avait
pour conséquence de rendre brûlante une poignée manipulée par l’en-
fant dans son jeu et donc de lui faire mal. Les sujets étaient ensuite lais-
sés seuls dans la pièce, et le voyant « prêt » s’allumait ensuite à vingt
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reprises. Les résultats ont montré que les sujets qui avaient vu le film
violent, garçons ou filles et quel que soit leur âge, administraient signi-
ficativement plus de brûlures à la victime.
REMARQUES CONCLUSIVES
NOTE
1. Nous reprenons ici certains éléments présentés plus systématiquement dans un cha-
pitre que nous avons écrit pour l’ouvrage de Sébastian ROCHÉ (2003), Sécurité et
délinquances, éd. Armand Colin. Certaines sections dues notre chapitre ont par
ailleurs été reprises telles quelles dans le rapport de Blandine KRIEGEL (2003), La vio-
lence à la télévision. Rapport de la mission d’évaluation, d’analyse et de propositions rela-
tives aux représentations violentes à la télévision, Paris, PUF.
BIBLIOGRAPHIE
EXTRAIT DU CATALOGUE