Vertot Histoire de L'ordre Vol I

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HISTOIRE
DES

CHEVALIERS HOSPITALIERS
D E

s. JEAN DE JERUSALEM,
APPELLEZ • DEPUIS
LES CHEVALIERS DE RHODES.
ET AUJOURD’HUI

LES CHEVALIERS DEMALTE-


M. IMS DE VERTOT.A t Academie
des Belles Lettres.
TOME PREMIER.

A PARIS, '
J* ROLLIN, à la defçente du PontS. Michel, Quai des Auguflins,
au Lion d’Or.
Chez «/ Q U I L L A U Pere & Fils, lmp. Jur. Lib. de TUniverfité , rue
‘ Galande , à l’Annonciation.
DESAINT ,rue S. Jean de Beauvais, vis-à-vis le College.

M. D C C. XXVI.
AVEC APPRÔBATION ET PRIVILEGE DV ROT.
A SON ALTESSE EMINENTISSIME

DOM ANTOINE MANOEL


DE V1LHENA,
GRAND MAITRE DE L’ORDRE
de Saint Jean de Jerufàlem.

ONSEIGNEUR,

J’ai l'honneur d'offrir à Votre Alteffe Eminen-


tifjîme, un Ouvrage qui lui appartient ; puifquil
contient l’Hifioire de votre Ordre. On y trouve,
MONSEIGNEUR, tout ce que vos Erédé-
cejfeurs ont fait en âijfe'rens fiecles pour la defenfe
des Jutels, & des Etats du Chriftianifine. Ces
grands hommes ont rempli l'Vnivers de la réputa¬
tion de leurs armes , & de l'éclat de leur valeur:
& ils ne Je Jont pas moins difiinguez par leur atta¬
chement à l'obfirvation de la difcipline religieufi.

Elevé à la 'même dignitévous mettez, toute


votre gloire, MONSEIGNEUR,^ imiter leurs
vertus. Comme eux vous a (Jurez aux Chrétiens
la liberté de la navigation, en même tems que
vous travaillez à faire feurir de plus en plus
dans votre Ordre , la juftice9 l'union , la paix,
& la pieté. Ceft ce qui vous mérite aujourd'hui
les vœux unanimes de tous vos Freres pour la
duree d'un fi Jdge Gouvernement• Agréez ceux
que je fais en particulier pour votre confirvation 9
& le profond rejpeét avec lequel je fuis 9

MONSEIGNEUR,

De Votre Altesse Eminentis sime;

Le très-humble & très.obéiflant ferviceur,


l'Abbé de Vertot.
P R E F A C E-
J E* ne fçai fi ce dernier Ouvrage que je mets
au jour, fera bien reçu du Public 5 & quoi¬
que pour m'encourager dans une fi longue car¬
rière , on m'ait quelquefois flatté dun heu¬
reux fuccès, je connois trop bien ma propre
foibleffe, & les difficultez d'une pareille entre-
prife, pour ne me pas défier de ces préjugez
trop favorables. Car outre qu’il a fallu remon¬
ter plus de fix cens ans dans les fiécles palfez,
j'ai été encore obligé de chercher dans une
antiquité fi reculée des cornmencemens qui ne
fe montrent guères , &C par conféquent peu
capables defatisfaire la curiofité des Lecteurs.
Quelque peine que j'aye prife, &c quoique
j’aye employé plufieurs années à la compofi-
tion de cette Hiftoire, j'avoue que ce n’a été
qu'après l’avoir finie, que je me fuis apperçû
combien j'étois éloigné de la perfection que
demande un pareil Ouvrage.
Il eft vrai que fi fans fe rebuter de ces com-
mencemens ou obfcurs,ou peu intéreflans, on
pafle à des fiécles voifins de ces premiers tems,
on fe trouvera dédommagé par de grands
exemples de pieté, joints à des aétions qui
PREFACE.
partoient de la plus rare valeur 5 Sc que la
fingularité de la matière pourra fuppléer à ce
qui manque de ma part à la forme que j*y
devois donner. Il s’agit dans cette Hiftoire
d’un Corps célébré de Religieux, renfermez
d’abord dans un Hôpital, 6e qui malgré les
foins pénibles 6e hunjilians des pauvres 6e
des malades, fe trouvant encore allez de zele
6e de forces pour prendre les armes contre
des Infidèles, ennemis déclarez du nom Chré¬
tien, fçurent allier les vertus differentes de
deux profeifions fi oppofées.
L’habillement de ces Religieux militaires
étoit (impie & modefte : ils réfer voient la ma¬
gnificence pour l'ornement des Autels : les
pèlerins Sc les pauvres profîcoient de la fru¬
galité de leur table. Ils ne fortoient d’auprès
des malades que pour vaquer à la priere, ou
pour marcher contre les ennemis delà Croix:
cette Croix étoit tout enfemble leur habit 6£
leur étendart. Nulle ambition dans un Corps
guerrier, où l’on ne parvenoit aux dignitez,
que parle chemin de la vertu: la charité, la
première de leurs obligations, 6C des vertus du
Chriftianifme, ne les abandonnoit pas même
contre les Infidèles: quelque avantage qu’ils
remportaient dans les combats , contens de
defarmer ces Barbares, ils 11e cherchoient dans
le fein même de la victoire, qu’à les convertir.
P R E F A G E.
ou du moins à les mettre hors d état de nuire
aux Chrétiens.
Tel a été l’âge d’or de l’Ordre de S. Jean de
Jerufalem. Je ne prétens pas que dans la fuite
des tems fes Chevaliers ne fe foient point
relâchez quelquefois delà pratique aufterede
tant de vertus (I differentes : on nefçaitque
trop que l’homme de guerre a fouvent fait
difparoître le Religieux. Ce changement dans
les mœurs forme de tems en tems dans ma
narration des nuances qui n’échaperont pas à
la pénétration du Leéteur. Mais malgré cet
effet de la foibleffe humaine, fî l’amour de
mon Ouvrage 11e me fcduit point, je ne crois
pas que de tous les Ordres militaires, répan¬
dus en differentes contrées de la Chrétienté,
il s’en trouve aucun où le défintereffement,
la pureté des mœurs, 6c l’intrépidité dans les
plus grands périls, où, dis-je,ces vertusayent
été fi long-tems en honneur 3 6c où le luxe 6c
l’amour des richeffes 6c des plaifîrs, fe foient
introduits plus tard.
Je ne rapporte point dans cette Hiftoire
certains faits merveilleux qu’on trouve dans
les Annales de l’Ordre, tel que la converfion
d’une Princeffe Sarra(îneappelléelfmenie,d’une
rare beauté, comme toutes les Héroïnes des
anciennes Chroniques, & que l’Auteur trans¬
porte en une nuit de l’Egypte en Picardie,
X • 1

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P R E F ACE,
avec trois Chevaliers tous trois freres, qui
avoient eu beaucoup de part à fa conversion :
pieufe fable qu’il faut renvoyer avec tant
d’autres qu’on trouve dans les anciens Légen¬
daires, mais dont les circonftances font plus
propres à réjouir des libertins, qu’à édifier
les gens de bien.
Cette Hiftoire contient treize Livres d e
narration, dont le dernier finit à la mort du
Grand Maître Jean de la Vallette, arrivée en
i j68. Le quatorzième eft par forme d’Annales,
ÔC renferme fommairement ce qui s’eft palfé
de plus conflderable depuis ij68 jufqu’aujour-
d’hui. Le quinziéme Livre eft un Traité du
Gouvernement de l’Ordre : & cet Ouvrage
finit par un Catalogue des Chevaliers des
trois Langues
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de France.
(
L’on avoit eu delfein de donner une lifte
générale de tous les Chevaliers, dont les noms
le trouvent dans les Regiftres de Malte : mais
les difïïcultez qui fe font rencontrées dans
l’exécution de ce Projeta ont engagé les Li¬
braires à fe borner aux François , & à quel¬
ques Etrangers, qui leur ont envoyé des mé¬
moires.
Les Liftes inférées dans cette Hiftoire ont
coûté beaucoup de peines &de recherches 5
& on doit cette juftice à quelques Comman¬
deurs zélés pour la gloire de leur Ordre, &
PREFACE,
à plufieurs habiles Généalogiftcs, qu'ils n ont
refufé ni leurs foins, ni leurs mémoires pour
la perfeébion de cette partie de l’Hiftoire de
Malte.
C’eft à M. le Marquis d’Aubayc , que le
Public eft redevable de la Langue
ce de Proven¬
ce prefque entière. Celles d’Auvergne ôc de
France ont été prifes fur les Regiftres de
Malte, mais avec differens vuides que M. le
Bailli de Mefmes a fait remplir fur les Ar¬
chives des Grands-Prieurez. Dans ces Archi¬
ves on ne trouve point les Armes des Che¬
valiers ; elles manquent même dans les pre¬
mières années des Regiftres de Malte, aufli
bien que la datte des réceptions. L*es noms
propres, fur-tout les noms de Terre ont
été très-fouvent défigurés par les Copiftes.
Toutes confiderations, qui ont obligé à dif¬
ferens examens, néceffaires pour l'exaétitude
de l'Ouvrage 5 mais qui ont empêché les Li¬
braires de ïatisfaire à l’engagement pris avec
le Public pour le tems de la publication.
Malgré tous ces foins, on n’ofe fe flatter
d'une entière réuflite : on ne doute pas même
qu'il n'y ait des omiflions, &C des erreurs con-
fiderables qui pourront intéreffer plufieurs
Familles. On les prie d’en faire une exaéte
perquifition, de tenir leurs mémoires tout
prêts: on pourra dans la fuite donner un fup-
PREFACE. ;
plément compofé fur ces mémoires, en pre¬
nant néanmoins toutes les mefures qui feront
jugées néceffaires pour n'en point admettre
de faux.
L’on a tout lieu de croire que les Curieux
feront contens des Portraits inferez dans les
quatre Volumes de cette Hiftoire. Ils ont été
faits par d’habiles Graveurs, &C dont le travail
a été fournis àlarévifion de M. de Boullongne
premier Peintre du Roy, 6C Directeur de
fon Academie de Peinture. Les Tableaux fur
lefquels on a travaillé ont été fournis par
M. fAmbaffadeur de Malte, & par quelques
particuliers , chez qui il s’eft trouvé des
originaux. On fera fans doute furpris que
Ton ait pû avoir les Portraits des premiers
Grands-* Maîtres : mais on verra en lifant
Tome 3.
t. I*J. • cette Hiftoire, comment parles foins & la li¬
béralité du bâtard de Bourbon Grand Prieur
de France, ils ont paffé jufqu’à nous.
Les Cartes Géographiques dreffées pour
l’intelligence de cette Hiftoire, font l’ouvrage
de feu M. Delifle, dont le nom feul fait l’éloge.
Les Plans de l’Ifle, & des Fortifications de
Malte font de M. le Chevalier Tigné, Ingé¬
nieur du Roi, qui les leva lui-même à Malte,
où il fut appellé dans un tems où elle écoic
menacée de fiege.
<&J P PRO'ZJT ION.
J ’Ay lû par ordre de M. le Garde des Sceaux, l’Hifloire des Chevaliers
de L’Ordre de S. Jean de Jerufalem : d>C j’ay crû que cet Ouvrage étOIt
digne du fujet de de l’Auteur. Fait à Paris ce 21 Septembre 1723.

FONTENELLE..

PRIVILEGE GENERAL.
L OUIS PAR LA GRACE DE DlEU Roi DE FRANCE ET
de Navarre ; A nos amez de féaux Confcillers les Gens tenans
nos Cours de Parlemens , Maîtres des Requêtes ordinaires de notre
Hôtel, Grand Confeil, Prévôt de Paris , Baillifs, Sénéchaux , leurs Lieu-
tenans Civils, de autres nos Julticiers qu’il appartiendra : Salut.
Notre bien amé J A C QJJ E S QjJ I L L a U , Imprimeur & Libraire Juré
de L‘Vniverfité de Paris, Nous ayant fait remontrer qu’il lui auroit été
mis entre les mains un Manufcrit qui a pour titre , l’Hifloire de L'Ordre
Hofpitalitr & Militaire des Chevaliers de S. Jean de Jerufalem , connus depuis
fous le nom des Chevaliers de Rhodes, & à prefent appeliez. Chevaliers de Malte,
far Mr l’Abbé de Vertot; Mais craignant que quelques Imprimeurs
ou Libraires ne s’avifaifent de contrefaire ledit Ouvrage, ce qui lui feroit
un tort confîdérable, attendu qu’il ne le peut faire fans s’engager à de
très grands frais; il nous auroit en conféquence très-humblement fait
fupplier de vouloir bien, pour l’en dédommager, lui accorder nos Lettres
de Privilège fur ce néceiîaires :A ces causes, voulant traiter fa¬
vorablement ledit Quillau, reconnoître fon zele, de en même tems ex¬
citer par fon exemple les autres Imprimeurs de Libraires à entrepren¬
dre des Editions de Livres auffi utiles au Public ; Nous lui avons permis
de permettons par ces Prefentes d’imprimer ou faire imprimer ledit Ou¬
vrage ci-deflus expliqué en tels volumes, forme, marge, caraélere, con¬
jointement ou féparement, Sr autant de fois que bon lui femblera, de
de le vendre, faire vendre &: débiter par tout notre Royaume pendant
le tems de quinze années confécutives, à compter du jour de la date
defdites Prefentes : Faifons défenfes à toutes fortes de perfonnes de quel¬
que qualité de condition qu’elles foient d’en introduire d’impreffioii
étrangère dans aucun lieu de notre obéidance , comme aufïi à tous Im¬
primeurs, Libraires, de autres, d’imprimer, faire imprimer, vendre ,
faire vendre, débiter, ni contrefaire ledit Ouvrage ci-delfus fpecifié) en
tout ni en partie, ni d’en faire aucuns extraits fous quelque prétexte que
ce foit d’augmentation, correétion, changement de titre, ou autrement,
fans la permiffion exprelfe & par écrit dudit Expofant, ou de ceux qui
auront droit de lui, à peine de conffcation des exemplaires contrefaits,
de trois mille livres d’amende contre chacun des contrevenans, dont
un tiers à Nous, un riersà l’Hôtel-Dieu de Paris, l’autre tiers audit Ex¬
pofant , de de tous dépens, dommages de intérêts ; à la charge que ces
Prefentes feront enregiltrées tout au long fur le Regillre de la Commu¬
nauté des Imprimeurs de Libraires de Paris, de ce dans trois mois de la date
d’icelles ; que l’impreiîïon de cet Ouvrage fera faite dans notre Royaume,
j3c non ailleurs , en bon papier de en beaux caraéleres, conformément
aux Reglemens de la Librairie 3 de qu’avant que de l’expofer en vente ,
Ic Manuferit ou Imprimé qui aura fervi de copie à l’imprelfion dudit
Ouvrage fera remis dans le même état où l’approbation y aura été don¬
née, ès mains de Notre très-cher & féal Chevalier Garde des Sceaux de
France le Sieur Fleuriau d’A rmïnonviiu; 5c qu’il en
feraenfuite remis deux exemplaires dans Notre Biblioteque publique,
un dans celle de Notre Château du Louvre, 5c un dans celle de Notre-
dit très-cher ôc féal Chevalier Garde des Sceaux de France le Sieur
F l e u r i a u d’A rmenonville*, le tout à peine de nullité des
Prefentes, du contenu defquelles Vous mandons 5c enjoignons de faire-
jouir l’Expofant ou fes ayans caufe pleinement 5c pailiblement, fans
fouffrir qu’il leur foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons
que la copie defdites Prefentes qui fera imprimée tout au long au com¬
mencement ou à la fin dudit Ouvrage, foit tenue pour duement ligni¬
fiée , 5c qu’aux copies collationnées par l’un de nos amez 5c féaux
Confeillers 5c Secrétaires foi foit ajouté comme à l’Original. Com¬
mando n s au premier notre Huiiîier ou Sergent de faire pour l’exe¬
cution d’icelles tous aétes requis 5c néceiîaires, fans demander autre
permiiïion , 5c nonobllant clameur de Haro, Charte Normande, 5c
Lettres à ce contraires ; Car tel eft notre plailir. Donne’ à Paris le
feptiéme jour du mois d’Oétobre, l’an de grâce mil fept cens vingt-
trois , 5c de notre Régné , le neuvième. 'Par. le Roi en ton
Confeil. Et plus tas, ligné CaRPOT, avec paraphe.

Regifiré fur le Regiflre V. de la Communauté des Libraires & Imprimeurs


de Paris, page 378 • 670 y conformément aux Reglemens, notamment
a l'Arrêt du Confeil du 15 Août 1703. A Paris le vingt-fix Oftobre mil fept
cens vingt, trois. BallàRD, Syndic.

J’Ai alïocié dans le préfent Privilège Mrs Rollin Pere, Qiiillau fils,
5 Defaint, Libraires à Pans , pour chacun un quart, fuivant l’accord
c
fait entre nous. A Paris ce Z3 Juillet 1716. Qv illau.

Regijlré fur le Regiflre V 1, de la Communauté des Libraires &> Imprimeurs


de Paris, page 401, conformément aux Reglemens, & notamment a l'Arrêt
du Confeil du 15 Août 1703. A Paris le onze Oftobre mil fept cens vingt-fix*
D. Mariette, Syndic.
CARTE UES PA\ S ou les Chevaliers de S-Jean de Jérusalem ont porteTours armes .Dressée pour l'Intelligence dePHistoire de Malte Par GUILLAUME DELISLE .Premier Géoeraphe du BjOY. del Academie Royale des Sciences 1726.
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:
DES

CHEVALIERS HOSPITALIERS
DE

SAINT JEAN DE JERUSALEM»


jiPP ELLEZ DEPUIS

LES CHEVALIERS DE RHODES,


ET AVfOVRE’HVI

LES CHEVALIERS DE MALTE

LIVRE PREMIER.

’Entreprens d’écrire l’Hiftoire


d’un Ordre Hofpitalier y devenu Mi¬
litaire , ôc depuis Souverain y que la
charité fit naître y que le zele de dé-
fendre les Lieux faints arma enfuite
contre les Infidèles > ôc qui dans le tumulte des
Tome L A
% Histoire de l'Ordre
armes* & au milieu dune guerre continuelle, fçeut
allier les vertus paifibles de là Religion avec la
plus haute valeur dans les combats.
Cette union jufqu’alors inconnue de deux pro-
fefiions fi oppofées, la pieté ôc le courage de ces
Religieux militaires, leur zele pour la défenfe des
Chrétiens, tant de combats ôc de batailles, où ils fe
font trouvez depuis près de fept cens ans, ôc les
differens fuccès de ces guerres, tout cela m'a paru
un objet digne de l’attention des hommes, & peut-
être que le Public ne verra pas fans admiration
l’Hiftoire de ces Soldats de J e s u s-C h r i s t, qui,
comme d’autres Machabées, ont toujours oppofé
aux armes des Infidelles une foi confiante ôc un
courage invincible.
Mais avant que d’entrer dans l’inftitution de cet
Ordre, j'ai cru que je ne pouvois me difpenfer de
reprefenter au commencement de cet Ouvrage,
1 état où fe trouvoit alors l’Afie * de quelle contrée
fortoient les premiers Infidelles que les Chevaliers
de Saint Jean entreprirent de combattre ; la Reli¬
gion , la puiflance ôc les forces de ces Barbares, ôc
lur-tout leur haine déclarée contre les Chrétiens :
toutes circonftances qui, quoiqu’elles précèdent
l’origine de cet Ordre, m’ont paru liées en quelque
maniéré avec fon Hiftoire, en faire une partie pré¬
liminaire , ôc dont la connoiflance fervira d’éclair-
ciffement pour les évenemens, que l’on rapportera
dans la fuite.
Cette partie de l’Afie, qui s’étend depuis le Pont
Euxin, ou la Mer Noire, jufqua l’Eufrate, au com¬
mencement du feptiéme fiecle étoit encore foumife
d e Malte* Lrv. I* ' $
aux Romains, dont le vafte Empire avoit englouti
les plus puiffans Etats de notre Continent. Mais
après la mort du grand Theodofe, cet Empire fi re^
doutable commença à déchoir de fa puifTance ,
foit par les incurfions des Barbares , foit peut-être
auffi par le partage 6c le démembrement, qu’en fi¬
rent les Empereurs Arcadius 6c Honorius fes en-
fans , Princes foibles , de peu d’efprit, qui ne fai-
foient que prêter leurs noms aux affaires de leur
régné, 6c l’un & l'autre gouvernez par des Miniftres
impérieux, qui s’étoient rendus les tyrans de leurs
Maîtres.
La plupart des Empereurs d’Orient fucceffeurs
d*Arcadius, ou dans la crainte d’être détrônez par
desufurpateurs, ou ufurpateurs eux-mêmes, cher-
çhoient moins la gloire que donnent les armes, Sc
à réprimer les courfes des Barbares, qu’à fe main¬
tenir feulement fur le Trône. Toujours en garde
contre leurs propres fujets, ils n’ofoient fortir de
la Capitale de l’Empire, & du fond de leur Palais,
de peur que quelque rebelle ne s’en emparât j 6c ils
bornoient toute leur félicité à jouir dans une oifi-
veté fuperbe des charmes de la fouveraine Puiffan-
ce. Il ne falloit plus chercher fous la pourpre ces
fameux Cefars, les maîtres du monde ; ces derniers
n en avoient que le nom, 6c k majefté de fEmpire
ne paroiffoit plus que dans de vains ornemens, dont
ils couvroient leur foibleffe & leur lâcheté.
La Religion navoit pas moins fouffert que
l’Etat, d’un fi mauvais gouvernement. L’Orient
étoit alors infeâé de differentes herefies, que Tef-
prit vif & trop fubtîl des Grecs avoit fait naître.
Ai)
4 Histoire de l’Ordre
Des Evêques ôc des Moines , pour avoir voulu
expliquer d’une maniéré trop humaine les differens
my itérés de l’Incarnation, s’étoient égarez-, &pour
comble de malheur, ils avoient fçû engager dans
leur parti plufieurs Empereurs, qui au lieu de s’op-
pofer aux incurlîons des Barbares, Éc croyoient
point avoir d’autres ennemis, que ceux qui l’étoient
de leurs erreurs.
Cependant au milieu de tant de defordres, l’Em¬
pire fe foutenoit encore par le poids de fa propre
grandeur, ôc au commencement du feptiéme fiecle
l’Empereur Heraclius avoit remporté quelques
avantages furies Scites, ôc fur les Perfes. Mais pen¬
dant que ce'Prince étoit aux mains avec ces Bar¬
bares, & qu’il vangeoit l’Empire de leurs ravages,
l’Arabie vit iortir de fes deferts un de ces hommes
remuans ôc ambitieux,qui ne femblent nez que poiir
changer la face de l’Univers, ôc dont les Sedlateurs,
apres avoir enlevé aux Grecs les plus belles Pro¬
vinces de l’Orient , portèrent enfin les derniers
coups à cet Empire, ôc l’enfevelirent fous fes pro¬
pres ruines. v
On voit affez que je veux parler de Mahomet,
le plus habileJôc le plus dangereux impofteur qui
eût encore paru dans l’Afie. Il étoit né vers la fin
j<>8. ou 571. du fixiéme fiecle à la Mecque , ville de l’Arabie
Petrée, de parens idolâtres de la Tribu des Coras-
hittes ou Corifiens, la plus noble de cette Nation,
ôc qui fe vantoit, comme la plupart des Arabes,
d’être ifitie d’Abraham par Cedar, fils d’Ifmaël. Le
Abdollah. pere de Mahomet par fa mort l’avoit laiifé de bon¬
ne heure orphelin ôc même fans bien. Un de fes
de Malte. Liv. I. y
oncles fe chargea de Ton éducation, & pendant plu- Abu-takb.
fîeurs années lemploya dans le commerce. Il pafla
enfuite au fervice d une riche veuve appellée Ca-
digha , qui le prit d abord pour Ton faéteur, & de¬
puis pour fon mari. Un mariage fi avantageux, &:
où il n’eût ofé porter fes efperances; les grands
biens de fa femme, & qu’il augmenta encore par fon
habileté, lui firent naître des penfées de grandeur
ôc d’indépendance.' Son ambition crût avec fa for¬
tune, & a peine forti dune condition fervile, des
richeffes fans domination ne furent plus capables
de remplir fes defirs , ôc il ofa afpirer à la louve-
raineté de fon pays.
Parmi les differens moyens qui fe prefenterent
à fon efprit, aucun ne lui parut plus convenable
que letabliflèment dune nouvelle Religion , ma¬
chine dont bien des impofteurs avant lui s’étoient
déjà fervis. Il y avoit dans l’Arabie des Idolâtres,
des Juifs, ôc des Chrétiens, Catholiques, ôc Schifi*
matiques. Les habitans de la Mecque étoient tous
Idolâtres, Ôc fi ignorans, qu a l’exception d’un feul, Waraxa^
qui avoit voyagé, il n’y en avoit aucun, qui fçût
lire ni écrire. Cette ignorance ôc cette diverfité
de culte parurent favorables à Mahomet -, ôc quoi¬
qu’il ne fût pas plus fçavant que fes concitoyens-,
qu’il ne fçût ni lire ni écrire, ôc même qu’il pafiat
pour un homme peu réglé dans fes moeurs, il ne
laiifa pas de former le hardi deflein de s’ériger en
Prophète dans fon propre pays, & à la vûe des té¬
moins de fon incontinence.
Mais comme ce pacage d’une vie voluptueufe
à une communication fi intime avec le Ciel, n’eût
»
A iij
6 Histoire de l’Ordre
pas été crû facilement, fous prétexte d’un change¬
ment entier dans fes mœurs , il rompit avec les
compagnons & les miniftresde fes plaifirs^ &pour
fe donner un plus grand air de réforme, l’hypocrite
pendant deux ans entiers fe retiroit fouvent dans
une grotte du mont Hira, fitué à une lieue de la
Mecque, où il nç s’occupoit que de l’execution de
fon projet. Au bout de ce terme, & fous prétexte de
fe débaraffer des prenantes inltances ,que fa femme
lui faifoit pour4e retirer d’un genre de vie fi trille ,
il lui fit une faulfe confidence de prétendues révéla¬
tions,qu’il difoit avoir reçues du Ciel par le miniftere
d’un de ces Efprits du premier ordre, qu’il appelloit
l’Ange Gabriel. L’adroit impofteur tourna même
des accès d’épilepfie,aufquels il devint fujet, en des
extafes qui lui étoient caufées, difoit-il, par l’appari¬
tion de ce Miniftre celelle, dont il nepouvoit fou- '
tenir la prefence ; & pour répandre inlenfiblement
dans le Public le bruit de ces révélations , il en
confia fous un grand fecret le myftere à la femme»
La qualité de femme de Prophète flatoit trop fa
vanité, pour la tenir cachée. Cadigha courut en
faire part à fes meilleures amies ^ ce ne fut plus bien¬
tôt un fecret *, Mahomet l’avoit bien prévu. U s’en
ouvrit depuis à quelques citoyens de la Mecque,
qu’il crut aulïi ailez à perluader , & qu’il féduifit par
fon adrefle & Ion habileté.
Si nous en croyons Elmacin hiftorien Arabe ,
Mahomet avoit l’air noble, le regard doux & mo-
delle, l’efprit fouple ôc adroit, l’abord civil & caret
fant, ôc la converfation infinuante» D’ailleurs il ne
lui manquoit aucune des qualitez necefla^res dans
de Malte. Liv. I. 7
un chef de parti: liberal jufqua la profufion, vif
pour connoître les hommes, jufte pour les mettre
en ufage félon leurs talens, toute la délicateffe pour
agir fans fe laiffer jamais appercevoir; 8c il fit pa-
roître depuis dans la conduite de fes deffeins une
fermeté 8c un courage fuperieur aux plus grands
périls. Bien-tôt foutenu par quelques difciples, il ne
fît plus myflere de fa dodtrine, 8c prenant de lui-
même fa million, il s’érigea en Prédicateur j quoi¬
que fans aucun fond de (cience, il fe faifoit écou¬
ter par la pureté de fon langage, 8c la nobleffe 8c
le tour de les expreffions. Il excelloit fiir-tout dans
une certaine éloquence orientale, qui confiftoit
dans des paraboles 8c des allégories, dont il enve-
loppoit fes difcours.
Mais comme iln*ignoroitpas, qu'enmatière de
Religion, tout ce qui paroît nouveau eft toujours
fùfped:, il publia qu’il prétendoit moins en fonder
une nouvelle, que de faire revivre les anciennes
loix, que Dieu avoit données aux hommes, épurer
ces Loix divines des fables 8c des fuperftitions qu’ils
y avoient mêlées depuis. Il ajoûtoit que Moïfe, 8c
Jefus fils de Marie, leur avoient à la vérité annon¬
cé fucceflivement une fainte doéhine, 8c que ces
deux grands Prophètes, difoit-il, avoient autorifée
par des miracles éclatans-, mais que les Juifs 8c
les Chrétiens l’avoient également altérée 8c cor¬
rompue par des traditions humaines : qu’enfîn.
Dieu l’avoit envoyé comfne fon dernier Prophè¬
te , 8c plus grand que Moyfe 8c Jefus, pour purifier
la Religion des fables, que les hommes, fous le nom
de Myfteres ,y avoient introduites, 8c pour réduire.
I

8 Histoire de l’Ordre
s’il pouvoic, tout le genre humain dans lunite de
creance &c dans la profelfion de la même foi. L’ha¬
bile impofteur, après avoir préparé les efprits par de
pareils difcours, bâtit fon fyftcme de differentes piè¬
ces, qu’il prit delà religion des Juifs &de celle des
Chrétiens j &pour y réuffir, il s’étoit fait aider fecre-
*AbdiasBcn- tement dans fa retraite par un * Juif Perlan, ôc par
Salon.
* * Sergius, un ** Moine Neftorien, tous deux, apoftats, très I ça-
autrement vans dans leur Religion, & qui lui avoient lu l’un ôc
Bah ira.
(A) Voyez l’autre plufieurs fois l’ancien ôc le nouveau Telia-
le Difcours
fur l’Auteur ment. * Il en ajulla enfuite les differens paffages à Ion
deJ’Alcoran, nouyeauplanj ôc à mefure que par lelecotirs de ces
qui elt à la
fin de ce pre¬ deux Renégats il avoit misau net quelque article, il
mier Volu¬
me , & à la le revêtoit d’un Hile pompeux Ôc figuré, où il ta-
tête des
Preuves. choit d’imiter tantôt le fublime du commencement
de la Genefe, ôc tantôt le pathétique des vrais Pro¬
phètes. Il publioit enfuite qu’il venoit de recevoir du
Ciel cet article ; ôc lous prétexte qu’il n’étoit que le
dépofitaire &leherault de cette doctrine celelle, il
renvoyoit ceux qui lui faifoient des objeélions à
l’Auteur prétendu de ce s révélations, ôc il faifoit
valoir fon ignorance même pour preuve du peu de
part qu’il avoit dans cette nouvelle Religion.
. Il emprunta des Juifs le principe de I’exiftence
ôc de l’unité d’un feul Dieu, mais fans multiplica¬
tion de Perfonnes divines : il enfeignoit en même
temps la creance de la Réiurreélion, du Jugement
univerfel, des récompenfes Ôc des peines de l’autre
vie. Les Chrétiens lui fournirent l’exemple d’un
Carême qu’il prelcrivit, i’ulage fréquent de la Priè¬
re, qu’il fixa à cinq fois par jour, la charité envers
les pauvres, ôc le pardon des ennemis. Et en faveur
de Malte. Liv. I 9
des Payens, il admit certaine efpece de prédeftina-
tion mal entendue, que les anciens Idolâtres appel¬
aient communément le Deftin-, decret éternel quils
croyoient fuperieur, même à la volonté de leurs
Dieux.
Ce mélange de differentes Religions, où chacun
croyoit trouver des traces de fon ancienne créance,
féduifit plufieurs citoyens de la Mecque 3 8c l’adroit
impolteur pour établir fes erreurs, Içut mettre en
oeuvre de grandes veritez, 8c même l’apparence de
grandes vertus. Le Magiilrat de la Mecque allarmé
du progrès que faifoit cette Seéte, en profcrivit
l’Auteur & fes Partilans -, le faux Prophète prit la
fuite, 8c fe retira dans une autre Ville de l’Arabie-
Petrée, appellée Yainb, & qu’il nomma depuis A/e-
dina - al - nabi, Ville du Prophète. Cette fuite fi célé¬
bré parmi les Mahometans, 8c qu’ils appellent dans
leur langue l’Hegire, a fourni depuis à leurs Hi-
ftoriens l’époque de leur Chronologie ; 8c la pre¬
mière année de cette époque Mufulmane, tombe,
* An de
lelon la plus commune opinion, dans la 11 année* Jefus-Chrift
6 il.
du feptiéme fiécle. De l’Hégire
Le péril que Mahomet avoit couru à la Mecque,
lui ayant fait connoître que par la voie feule de la Nota que
perfuafion, il ne viendroit pas à bout de fes deffeins l’année
Mufulmâns
des

ambitieux , il réfolut d’avoir recours aux armes. n’eit que de


12 mois lu¬
L’impofteur ne manqua pas d’appeller le ciel à fon naires , qui
font feule¬
fecours ; 8c bien-tôt il publia que l’Ange Gabriel lui ment 3^4
avoit apporté de la part de Dieu une épée, avec or¬ jours : ainfi
33 de nos an¬
dre de l’employer pour foumettre ceux qui refufe- nées font à
peu près 34
roient d’embraffer fa nouvelle Religion. des leurs.
Il ne faut point chercher ailleurs la caufe des pro-
Tomc /. B
10 Histoire de l’Ordre
grès ètonnans que cette Se&e impie fît en fi peu de
tems dans l’Arabie, & enfuite dans la plus grande
partie de l’Afie Mineure 3 & aparemment que fi
Mahomet l’eût pû prévoir, il Te feroit épargné la
peine de forger tant de révélations, & de rajufter
enfemble tant de pièces détachées des autres Reli¬
gions. Cet Apôtre armé, commença ce nouveau gen¬
re de million par faire des courfes fur fes voifins.
L’appas du butin,qui a tant de charmes pour les Ara¬
bes, en attira un grand nombre fous fes enfeignes:
aucune Caravanne n’ofoit plus paffer proche des en¬
droits où il fe trouvoit, fans s’expofer à être pillée ;
ôc en faifant le métier de voleur, il apprit infenfi-
blement celui de conquérant. De fes foldats , &
même des ennemis vaincus , il en faifoit de nou¬
veaux difciples : il les nomma Mufulmans, c’eft-à-
dire fïdeles, ou gens qui font entrés dans la voie du
falut. Bien-tôt, aulli grand capitaine qu’éloquent
prédicateur, il s’empara de la Mecque 3 & la plu r
part des places fortes, & des châteaux de l’Arabie
tombèrent fous l’effort de fes armes. Il étoit fécondé
dans ces guerres par AbubeKre fon beaupere , par
Aie. c. 4. Aly fon coufin & fon gendre, & par Omar & Ot-
Cantacuz.e-
ni Orat. /.
man, tous quatre fes Apôtres & fes principaux Ca¬
Setl. 12. pitaines , tous fanatiques de bonne foi, ôc qui fe fi¬
rent volontiers les fujets d’un impofteur, dont ils
n’avoient été d’abord que les difciples. Mahomet par
fa valeur & par fon habileté fçut réunir en fa per-
fonne le Sacerdoce avec l’Empire -, ôc en 2.3 ans de fon
633 ou 631. prétendu apoftolat , d’autres difent feulement la
dixiéme année, prefque toute l’Arabie fe trouvafou-
mife à fa domination, & embraffa en même tems fa
nouvelle doétrine.
de Malte. Liv. I. n
Le faux Prophète en mourant , avoit defigné pour
fon fuccefTeur Aly qui avoit époufé fa fille,appellée
Fatime j mais le gendre du Prophète éprouva que
les dernieres volontez des Princes les plus abfolus,
font ordinairement enfevelies dans leur tombeau.
AbubeKre, comme beaucoup plus âgé qu’Aly, lui
fut préféré par le crédit d’Omar Ôc d’Otman,quipar
le choix dun vieillard , souvrirent un chemin pour
parvenir à leur tour à la même dignité. Et l’éleâion
d’Abubeicrefit naître depuis les fchifmes ôc les guer¬
res civiles, qui s’élevèrent entre les Mahometans.
Les fucceffeurs de Mahomet prirent le titre de Cali¬
fes ^c’eft-à-dire Vicaires du Prophète, ou dAxMOu-
menins, Princes ou Commandeurs des Croyans.
Ces premiers fucceffeurspleins de ce feu &: de ce
zélé qu’infpire toujours une nouvelle Religion ,
étendirent en differentes contrées la do&rine de
leur Maître, ôc leur propre domination : l’une ne
marchoit point fans l’autre. Ils achevèrent d’abord
la conquête de l’Arabie, dont ils chalferent les Per-
fes ôc les Grecs. Ils enlevèrent enfuite à ces derniers,
Damas , Antioche ôc toute la Sirie , pénétrèrent
dans laPaleftine, emportèrent Jerufalempafferent
en Egypte, qu’ils fournirent à leur Empire, détrui-
firent entièrement la Monarchie des Perfes, s’em¬
parèrent de la Medie , du Koraflan ou Baétriane,
du DiarbeicK, ou de la Mefopotamie. Ils entrèrent
enfuite dans l’Afrique, où ils ne firent pas des pro¬
grès moins furprenans , Ôc dont ils fubjuguerent
toute la côte occidentale à l’égard de l’Egypte.
Je ne parle point des Ifles de Chypre, de Rhodes,
de Candie, de Sicile, de Malte , & du Goze, qu’ils
B ij
ri Histoire de l’Ordre
ravagèrent , ou dont ils fe rendirent maîtres J
non plus que des Efpagnes, où les Arabes, dès le
commencement du huitième fiécle, fur les ruines
de la Monarchie des Gots, fondèrent un nouvel
Empire. De grandes Provinces de la France fituées
au de-là de la Loire, furent expofées à la fureur de
leurs armes -y ôc fans la valeur incomparable de Char¬
les Martel, ce Royaume n’auroit pas eu un fort plus
favorable que l’Efpagne. Enfin ils menaçoient le
monde entier de leurs fers j & les malheureux reftes
de l’Empire Grec, dès ce tems-là, n’auroient pas pu
tenir contre une Puiffance fi redoutable, s’il ne fe
fût élevé des guerres civiles entre les Chefs de cette
Nation. Mais les Gouverneurs de Provinces , trop
puiffans pour des particuliers, s’en firent les Sou¬
verains. On vit en differentes contrées de l’Afie ôc
de l’Afrique, ôc en differents tems jufqu’à cinq Ca¬
lifes , qui tous fe prétendoient ifliis de Mahomet,
ôc les véritables interprètes de fa Loi. La plupart
même de ce s Califes enfevelis depuis dans le luxe
ôc la moleffe, remirent le gouvernement civil ôc
militaire de leurs Etats à des Emirs ou des Soudans,
efpece de Maires du Palais, qui ne furent pas long-
tems fans s’en rendre les maîtres abfolus, ôc dont
la plûpart ne laifTerent aux Califes que lmfpeéHon
fur les affaires de la Religion, le droit d’être nom¬
mez les premiers dans les prières publiques, Ôc d’au¬
tres honneurs de pure ceremonie, fans puiffance ôc
làns domination.
De toutes les conquêtes que ces Infidèles avoient
faites , il n’y en eut point de plus fenfible pour
les Chrétiens, que celle de la Terre Sainte, ôc de la
de Malte. Liv. ï. r*
ville de Jerufalem. Depuis que la Religion Chré¬
tienne , fous l’Empire du Grand Conftantin, étoit
devenue la Religion dominante, c’étoit le pèleri¬
nage le plus célébré de toute la Chrétienté. Les
Chrétiens Grecs ôc Latins, dans la pieufe confiance
de trouver aux pieds du tombeau de Jefus-Chrift la
rémiffion des plus grands pechez, accouroient tou¬
jours à Jerufalem avec le même empreflement, Ôc
dautant plus , que Tacces en avoit été jufques alors
fur ôc facile par les terres de l’Empire. La révolu¬
tion qui venoit d’arriver, changea cette difpofition ;
ôc ce s Infidèles , quoiqu’ils révéraffent Jefus-Chrift
comme un grand Prophète, pour grofflr leurs re¬
venus, impoferent une efpece de tribut fur tous les
Pèlerins étrangers , que la dévotion conduifoit au
Saint Sépulchre. Mais cette avanie ne fut pas ca¬
pable de refroidir la dévotion des Chrétiens de ce
tems-là : pendant prés de trois cens ans, ce fut tou¬
jours la même affluence des Nations Chrétiennes y
& même des peuples de l’Occident les plus éloignez.
Vers le milieu d.e l’onzième fiéçle, les Califes ou
les Soudans d’Egypte, alors maîtres delaPaleftine,
fouffrirent que les Chrétiens Grecs qui étoient leurs
fujets, puffent s’établir dans Jerufalem. Et afin qu’ils
ne fuffent pas confondus avec les Mufulmans, le
Gouverneur de cette Capitale de la Judée leur avoit
affigné pour demeure le quartier le plus voifin du
Saint Sépulchre.
L’éclat des conquêtes &c de la puifïance de l’Em¬
pereur Charlemagne, ayant paffé de l’Europe dans
l’Afîe, le Calife Aaron Rafched, un des plus puif.
fans Princes de l’Orient, permit depuis aux Fran-
14 Histoire de l'Ordre
çois, à fa confideration, d’avoir dans la Sainte Cité
une maifon particulière pour y recevoir les Pèlerins
de cette Nation. Eginard rapporte que le Patriar¬
che de Jerufalem envoya à ce grand Prince, de la
part du Calife , les clefs du Saint Sépulchre > & de
ÎEglife du Calvaire avec un étendart , que le célé¬
bré Abbé Fleuri , moderne Hiftorien de l’Eglife y
croit avoir été le figue de la puiflance & de l’auto¬
rité qu’Aaron avoit remife au Prince Chrétien. Un
•DomMa-
billon. autre* Ecrivain moderne, fi fçavant dans nosanti-
quitez, dans le Livre 37 des Annales de fon Ordre,
nous parle d’un certain Moine François,appellé Ber¬
nard, qui vivoit en 870, qui dans fa Relation d’un
voyage fait à la Sainte Cité, rapporte qu’il y avoit
trouvé un Hôpital pour les Latins, & que dans la mê¬
me maifon on conlervoit une Bibliothèque, re¬
cueillie par les foins ôc la libéralité de l’Empereur
Charlemagne.
Mais depuis la mort du Calife Aaron, & de (es
premiers fucceffeurs, comme ceux de Charlemagne
n’égalerent ni fa puiffance, ni fa haute réputation^les
François perdirent la confideration qu’on avoit pour
eux dans la Paleftine. On ne fouffrit plus qu’ils euf-
fent d’Hofpice dans Jerufalem -, & quand ils avoient,
comme les autres peuples de l’Europe, à prix d’ar¬
gent , l’entrée dans la Sainte Cité, & que pendant le
jour ils avoient fait leurs Stations dans tous les en¬
droits anciennement honorez parla préfence & les
myfteres de notre divin Sauveur, ce n’étoit pas fans
beaucoup de peine 6c même de péril, que le foir ôc
pendant la nuit, ils pouvoient trouver quelque re¬
traite dans la ville. Les Mufulmans avoient naturel-
' DE MàITE. LlV. I. IJ
lement trop d’averfion des Chrétiens,pour les rece¬
voir dans leurs maifons : 8c des difputes furvenues *
au fujet de quelques Dogmes mal entendus, & de
differents points de difcipline, ayant laiffé peu du-
nion entre l’Eglilè Grecque 8c l’Eglife Latine ; nos
Chrétiens de l’Europe n’étoient gueres moins odieux
aux Grecs qu’aux Arabes &aux Sarrafins de l’Orient.
Au milieu de l’onzième fiécle , des Mar- i. preuve
chands Italiens, qui avoient éprouvé la dureté des
uns 8c des autres, entreprirent de procurer aux Pè¬
lerins de l’Europe, dans la Ville même de Jerufalem,
un azile où ils n’euffent rien à craindre, ni du faux
zélé des Mahometans, ni de l’éloignement 8c de
l’averfion des Grecs Schifmatiques. Ces pieux né-
gocians étoient d’Amalphy, ville dans le Royaume
de Naples,mais qui reconnoiffoient encore la domi¬
nation des Empereurs Grecs de Conftantinople. Les
affaires qui côncernoient le négoce de ces Mar¬
chands , les conduifoient prefque tous les ans en
Egypte ^ & à la faveur des riches marchandées, 8c
même des ouvrages curieux qu’ils y portoient de
l’Europe , ils s’introduifirent à la Cour du Calife
Monftafer-Billah : &; en répandant dans fa Cour
8c parmi fes Minières des préfens confiderables,
ils en obtinrent pour les Chrétiens Latins la per-
miflion d’établir un Hofpice dans Jerufalem, 8c pro¬
che le Saint Sépulchre.
Le Gouverneur par ordre de ce Prince, leur af
fignaune portion de terrain. On y bâtit auffi-tôt fous _
le titre de la Sainte Vierge, une Chapelle qu’on ap-
pella Sainte Avarie de la Latine, pour la diftinguer des
Eglifes où l’on faifoit l’Office divin félon le Rit des
i6 His’roitfE de lOrduë
Grecs : des Religieux de l’Ordre de S. Benoift y ce-
lebroient l’Office. On conftruifit proche de leur Cou*
vent deux Hofpices pour recevoir les Pèlerins de
l’un ôc de l’autre fexe, fains & malades : ce qui étoit le
principal objet de cet établiffement , ôc chaque Hofi
pice eut dans la fuite fa Chapelle, l’une corifacrée
fous l’invocation de Saint Jean l’Aumônier, ôc l’au¬
tre dédiée en l’honneur de Sainte Magdelaine.
Desperfonnesféculieres venues de l'Europe,&rem¬
plies de zélé ôc de charité,renoncerent au retour dans
leur Patrie, ôc fe dévouèrent dans cette fainte Mai-
fon au fervice des Pauvres ôc des Pèlerins. Les Re¬
ligieux dont nous venons de parler, faiioient fub-
fifter ces adminiftrateurs ; ôc les Marchands d’A-
malphy,des aumônes qu’ils recueilloient en Italie,
ôc qu’ils apportoient, ou qu’ils envoyoient tous les
ans à la Terre Sainte, fourmffoient aux befoins des-
pèlerins ôc des malades. On remettoitcefacré dépôt
de la charité des Fideles entre les mains de perion-
nes, qui s’étoient confacrées, comme nous le ve¬
nons de dire, au fervice des Chétiens d’Occident.
Cette fainte Maifon gouvernée par des Religieux de
S. Benoît, & qu’on doit regarder comme le berceau
de l’Ordre de S. Jean, fervit depuis d’azyle ôc de re¬
traite aux Pèlerins. Le Chrétien Latin y étoit reçu ôc
nourri fans diftinélion de nation ou de condition. On
y revêtoit ceux qui avoient été dépouillez par les bri¬
gands -, les malades y étoient traitez avec foin, ôc cha¬
que efpece de mifere trouvoit dans la charité de ces
J~Iofpitaliers,unenouvelleefpece de mifericorde.
Cependant un établiffement fi pieux ôc fi utile,
penfaêtre ruiné de's les premiers tems de Ion origine,
ôc
de Malte. Liv. I. 17
& il y avoit à peine dix-fept ans qu’il fubfiftoit, mit. Tjn
lorfque des Turcomans conquirent la Paleftine , hifi. L. /.
furprirent la Ville de Jerufalem , & taillèrent en 106- ç.

pièces la Garnifon du Calife d’Egypte.


Ces barbares fortoient du fond de la Tartarie.
On prétend qu’ils étoient originaires de cette par¬
tie de la Sarmatie Afiatique , qui eft entre le mont
Caucafe , le fleuve Tanaïs, les Palus Méotides 8c
la mer Cafpienne. Ils p afferent depuis le Wolga,
parcoururent toute la côte Septentrionale de la mer
Cafpienne , 8c s’établirent dans cette partie de
la Tartarie, qui eft entre différentes branches du
mont Imaüs 8c le long du fleuve Jaxartes , pays
qu’on appelle encore aujourd’hui de leur nom le
Turqueflan. Les Hiftoriens ne conviennent pas fi ce
furent les Empereurs Grecs , ou les Rois de Perfe ,
qui les introduifirent les premiers dans cette par¬
tie de l’Afie , 8c qui les appelèrent à leur fecours.
Ce qui paroît de plus certain, c’eft que des CapL
raines de cette nation fe mirent depuis à la folde
ffes Arabes ou des Sarazins, qui pour les retenir à
leur fervice, 8c apres s’être rendus maîtres de la
Perfe, leur aflignerent des terres dans ces grandes
Provinces , où ils s’établirent depuis avec leurs fa¬
milles. Il paroît qu’ils n’avoient gueres pour toute
religion, qu’une idée confufe d’un premier être,
Créateur du Ciel 8c de la Terre , auteur, difoient-
ils, de la vie 8c de la mort, 8c qui envoyoit aux
hommes félon fon bon plaifir la famé ou la ma¬
ladie. On ne leur connoiffoit aucun culte, fi ce
n’eft que dans leurs maladies , ils avoient recours a
des enchanteurs, efpece de prêtres, qui par des pre-
Tome /. C
\t Histoire de l'Ordre
ftiges greffiers , & après en avoir exigé des préfens,
leur faifoient croire qu’ils appaifoient en leur fa¬
veur la divinité irritée. Cette colonie, par com-
plailance pour fes nouveaux maîtres , embrafïà
depuis le Mahometifme , Sc par la fuite des tems,
s’étant extrêmement multipliée , elle s’affranchit de
la domination des Arabes , mais fans en quitter la
religion, dans laquelle la plupart avoient été élevés.
D’autres tribus &c d'autres peuples de la même na¬
tion , après avoir paffé le Jaxartes &: traverfé le
Mauralnahar, fe joignirent à ces premiers, arrivè¬
rent fur les bords de l’Oxus , Sc pénétrèrent jufqueç
dans le Corofan.
IOJO.
Tous cesTurcomans s’étant réiinis mirent fur
pied de grands corps d’armées , &c choifirent pour
les commander trois chefs qu’ils prirent tous trois
dans la même famille , ifïus d’un certain Salguez,
dont la mémoire étoit parmi eux en finguliere vé¬
nération. Le premier de ces generaux s’appelloit
Togrulbeg. Quoiqu’il fût forti du milieu d’une na¬
tion feroce , il n’avoit rien de barbare que l’auda¬
ce Sc l’ignorance, ou le mépris des périls. Il étoit
prodigue dans les récompenfès à l’égard de fes fol-
dats, cruel dans fes châtimens pour ceux qui avoient
manqué de courage , Sc par là révéré d’une nation
chez qui l’art de fe faire craindre tenoit lieu de
toutes les verrus. Ce fut ce prince qui fous le titre
de Chef des Emirs ou de Soudan, fe rendit maître
en 1055 de Bagdat Sc du grand Empire des Califes
Arabes. Jafer-beï ou Jafer-begfon coufin, chef de
la fécondé branche, s’étoit emparé de fon côté du
Quirman, Sc de ces vafles contrées qui font vers
de Malte. Liv> t
la mer de Perfe, &: les Indes. Cultumife autre cou-
fin de TogruEbeg, & de Jafer, les avoit précédez ;
ôc dés l’an mil cinquante , il setoit fait recon^
noître pour fouverain de la plus grande partie de
l’Afie Mineure, ou de l'Anatolie , & il avoit éta¬
bli le fiege de fa domination à Iconium. Togrul-
beg étant mort fans enfans vers l'an 1065, Alubarfi
lan fon neveu & Ton fuccefléur, ne foutint pas avec
moins de valeur que fon oncle la dignité de SuE
tan. Ce prince après avoir remporté une viétoire
fignalée fur les Grecs,fit prisonnier dans cette oc-
cafion l’Empereur Diogenes. On prétend que le
fils d’Àlubarîlan, appellé Gelaleddin fut le plus puif
faut de ces princes Selgeucides , ôc que Ion Empire
s’étendoit depuis les provinces les plus éloignées
du Turqueftan, jufqua Jeruialem , & même juf-
qu’aux confins de l’Arabie Heureufe : nouvelle ré¬
volution dans l’Afie^ôc qui ne fut pas moins rapide,
ni moins fin-prenante que celle que les Arabes ,
quatre cens ans auparavant, y avoient caufée. Ce
furent les lieutenans de Gelaleddin furnommé
Adalefcha , qui, après avoir conquis la Sirie^chaffe-
rent les Sarazins de la Paleftine , ôc qui en l’an
1065 , s’emparèrent de la ville de Jerufalem.
On ne peut exprimer toutes les cruautez qu’ils
y commirent r la garnifbn du Calife d’Egypte fut
taillée en pièces comme nous le venons de dire.
Les habitans ôc les Chrétiens n’eurent gueres un
meilleur fort : plufieurs furent égorgez 5 on pilla
l’HoIpice de faint Jean , ôc ces barbares naturel¬
lement feroces ôc cruels auroieht détruit le faint
Sepulchre, fi l’avarice n’eût retenu leur impiété.
C ij
20 Histoire de l’Ordre
La crainte de perdre les revenus qu’on levoit fur
les pèlerins d’occident i conferva le tombeau du
Sauveur.* * Mais ces Infidèles, pour fatisfaire en mê¬
me tems leur avidité & leur haine contre tout
ce qui portoit le nom de chrétien, augmentèrent
ces tributs, en forte que les pèlerins, après avoir
conformité tout leur argent dans le cours d’un fi
long voyage , ou dépouillez par les voleurs , ac¬
cablez de faim & de toutes fortes de miferes, fau¬
te de pouvoir fatisfaire à des tributs excelfifs ,
périiïbient aux portes de la fainte Cité , & fans
pouvoir obtenir de ces barbares la confolation de
voir au moins , avant que d’expirer, le faint Sé-
pulchre , l’unique objet de leurs voeux de d’un fi
long pèlerinage.
Ceux qui échapoient à ces cruelles avanies, ne
manquoient pas à leur retour en Europe d’en faire
de trilles peintures. Ils reprefentoient avec les cou¬
leurs les plus touchantes l’indignité de fouffrir les
Lieux Saints ious la domination des Infidèles. Mais
la puifiance de ces Barbares étoit fi redoutable,
l’Empire grec fi affoibli, ôc d’ailleurs les Princes de
l’Europe fi éloignez, & même fi peu unis entr’eux,
qu’on regardoit comme impofiible l’entreprife d’af¬
franchir Jerufalem de la tyrannie de ces Barbares.
10 5>3* Cependant un homme feul, appellé Pierre l’Her-
mite, du diocefe d’Amiens , après avoir éprouvé
lui-même une partie des avanies dont nous venons

* Soli etiam dominici Sepulchri templo , ejufque cultoribus chri-


ftianis parcebant propcer tributa quæ ex oblatione fidelium afliduc
eis fideliterque foivebantur , unà cum ecclefia fandtae Mariae ad Lati-
nos quæ etiam tributaria, erat. <u4lb. Aquevf.l. 6.p. 2.Su
de Malte. Liv. I. zi
de parler , forma le hardi deflein de remettre la
Terre Sainte entre les mains des Princes Chrétiens.
Il s’adrefla d’abord au Patriarche Grec, appelle Si¬
meon , Prélat d’une grande pieté. Et comme cet
Hermite fondoit une partie de fes vues fur les Chré¬
tiens de l’Orient , ôc fur la puiifance de l’Empire
Grec, le Patriarche lui répondit qu’il s’appercevoit
bien qu’il parloit des forces de l’Empire en étran¬
ger, ôc fans les connoître. Il ajouta qu’il ne reftoit
plus de ce grand titre qu’un vain nom , Ôc une
dignité fans puiffance *, que les Turcomans profi¬
tant de la foibleffe des Empereurs , des divifions
ôc des guerres civiles , qui s elevoient à tous mo-
mens dans l’Empire, venoient de s’emparer de la
plupart des provinces fituées fur la côte du Pont
Euxin , ôc auxquelles , pour monument de leurs
vi&oires , ils avoient donné le nom de Turcoma-
nie ; cjue les autres provinces de l’Empire étoient
ravagées tour-à-tour, tantôt par les courfes des
barbares , ôc fouvent même faute de paye, par
les troupes chrétiennes , quoique prépofées pour
leur défenfe j que les Grands, dans l’efperance de
parvenir à l’Empire , ne fongeoient la plupart
qu’à exciter des féditions dans la ville impériale ,
ou à débaucher, ôc à faire foulever les armées >
que des Impératrices, quin’avoientjamais compté
la chafteté au nombre des vertus , avoient fait
fouvent de cette fouveraine dignité la récompen-
fe de leurs adultérés 5 que même des eunuques du
palais, ces monftres ni hommes ni femmes, par
leur crédit ôc par leurs intrigues, avoient eu beau¬
coup de part dans ces révolutions, ôc que depuis
Ciij
xl Histoire de l’Ordre
trente ans, on avoit vu fucceflivement fur le Trô-
ne du grand Confiant in jufqu’à dix Empereurs r,
dont la plupart n’en étoient fortis que par une;
mort tragique , ou du moins par la perte des yeux
ôc que fi on avoit laifiè à quelques-uns la vie, oui
fufage de la vue , c’eft qu’ils etoient fî méprifez ,
qu après les avoir releguez dans un iponaftere, on*
ne les comptoir plus au nombre des vivans ^ que
l'Empereur Michel Ducas , furnommé Paraf inace y
avoit été détrôné par Nicephore Botoniate ; de
que l’ufurpateur, pour s’affurer de la Couronne y
avoit rendu eunuque le prince Conftantin Ducasy
fils aîné' de Michel , de mari d’Helene fille du
Normand Guifcard -y que l’Empereur Alexis Corn-
nène , qui regnoit alors y n’ étoit parvenu à cette
grande place , que par de pareilles perfidies , de
en fe révoltant contre Botoniate , qu’il avoir dé¬
trôné à fon tour ^ que ce nouveau Souverain n’é-
toit pas à la vérité fans habileté, mais qu’iï étoic
plus craint de fes fujets que de fes voifins j & après
tout , que bien loin qu’on fe pût flatter que ce
prince fût affez puiftant pour rétablir les Chrétiens
dans Jtrufalem ,, il avoit affez de peine à arrêter
le progrès des armes des Tureomans , qui ve-
noient de s’emparer de Nicée , de dont les Selgeu-
cides de la troifïéme dynaftie , avoient fait la ca¬
pitale de cette monarchie particulière ; que d’un
autre côté Alexis avoit en tête Robert Guifcard
comte ou duc de la Calabre de Boëmond fon
fils. Princes Normands, ennemis irréconciliables
des Grecs ; qu’ils avoient pris les armes , de rava-
geoient les terres de l’Empire pour fevanger d’A*
de Malte. Liv. 1.
lexis, qui retenoit dans une dure prifon la prin-
ceffe Helene, fille de Guifcard, tte, femme de Con-
ftantin Ducas j que ces deux Princes Normands
irritez de cette perfidie , 8c pour délivrer la Prin-
ceffie , avoient porté leurs armes dans la Thrace ,
taillé en pièces les armées d’Alexis, & qui l’au-
roient à îon tour détrôné , fi d’autres interefts ,
auxquels ils avoient été obligez de ceder , ne les
avoient rappeliez pour un tems en Italie j mais
que l’Empereur craignoit toujours que le coup de
foudre, qui pouvoir le renverfer du Trône , ne
partît de cette Maifon.
Le Patriarche, conclut de ce difcours que pour
délivrer la Terre Sainte de la domination des Infi¬
dèles , il ne falloit rien attendre des Grecs , <3c
qu’il riy avoir qu’une ligue des Princes Latins , qui
pût venir à bout d’une fi difficile entreprife. Cet¬
te propofition étonna l Hermite j mais fans ralen¬
tir fon zele , 8c quoiqu’il en prévît toutes les dif¬
ficultés 5 il fe flatta qu’avec le fecours 8c la prote-
étion du Pape, on les pourroit furmonter. Par fon
confefl, le Patriarche en écrivit au chef de l’Eglife
dans les termes les plus touchans, L’Hermite fe
xhargea de fes lettres, s’embarqua au port de Joppé
ou de Jafa, arriva en Italie , prélenta au fouverain
Pontife les lettres du Patriarche , 8c lui expofa
les larmes aux yeux le malheureux état ou les Chré¬
tiens de Jerufalem étoient réduits. Il ajouta que les
Arabes ou Sarazins avoient bâti une Mofquée
fur les ruines anciennes du fameux temple de Sa¬
lomon ; que l’Eglife fi refpeélablc du fiiint Sépul-
chre , fous la domination des Turcomans étoit à
i4 Histoire de l* Or due
la veille d’une pareille profanation} que les fem¬
mes & les vierges chrétiennes étoient fouvent ex-
pofé es à la brutalité de ces barbares, & que fi de
jeunes garçons tomboient en leur pouvoir y ils
avoient à craindre des infamies plus infuportables
que la mort même • enfin que la Terre fainte , ar~
rofée du précieux fang du Sauveur des hommes ,
étoit entièrement réduite fous leur tyrannie. Ce¬
pendant qu’il n’étoit pas impollible de l’affranchir
de cette honteufe fervitude, s’il daignoit engager
dans une entreprife fi digne de fon zele, & de fa
pieté la plupart des Princes de l’Europe.
Le Pape auquel l’Hermite s’adreffa, étoit Urbain
11. François de naiffance , &c né à Châtillon-fur-
Marne. Quoique l’air & l’habit d’un fimple Hermite
ne prévinffent pas en fa faveur , fa Sainteté ne
laifïa pas de lecouter avec bonté •. & elle fut d’au¬
tant moins furprife de la grandeur de fon projet,
que le Pape Grégoire VIL ce Pontife qui fe croyoit
le Souverain des Rois, & dont les vaftes deffeins'n’a-
voient point de bornes, avoir aufïi formé celui d’o¬
bliger par fon autorité ,. tous les. Princes Chrétiens
à prendre les armes contre lesMahometans. Urbain,
qui, apres la mort de Viélor III. venoit de lui fuc-
ceder, n’avoit pas moins de zélé : mais plus con¬
certé dans fes vues, il ne jugea pas à propos de le
déclarer, avant que d’avoir reconnu la drlpofition,
•& les forces des Princes de l’Europe. Une conduite
auffi prudente étoit fondée fur le mécontentement
que les Empereurs, & la plupart des Monarques de
la Chrétienté , avoient fait paroître des préten¬
tions odieufes de Grégoire, qui fous prétexte d’une
autorité
de Malte. Livre I. 15
autorité fpirituelle, quon ne lui pouvoir difputer,
avoir renté de rendre tous les Souverains Tes Tribu¬
taires & fes Vaffaux. Apparemment qu Urbain com¬
prit bien que dans une fi fàcheufe difpofîtion,oùtout
ce qui venoit de la Cour de Rome, pouvoit être fuf-
peêf d’une ambition fecrette,ilne devoit employer
ouvertement fon nom & fon autorité pour faire pren¬
dre les armes aux Princes Chrétiens, fans en faire
échouer le deffein. Ainfi il prit d’abord le parti d’en
faire feulement recommander la nécdïité ôc le mé¬
rite par des Prédicateurs. Dans cette vue, ayant fait
appeller l’Hermite, après avoir donné de grandes
louanges à fon zélé, il l’exhorta de parcourir la plu¬
part des Provinces de la Chrétienté, d’exhorter
les Souverains & leurs fujets à s’armer pour délivrer
la Terre Sainte de la domination des Infidèles ; &
le Souverain Pontife, en le congédiant, lui fît en¬
tendre que fi fa Million avoit un heureux fuccès ,
on pourroit compter fur les tréfors fpirituels de l’E-
glife, & même quede puifïans fecours de troupes &
d argent ne manqueroient pas à ceux qui s’enga-
geroient dans une fi fainte entreprife.
L’Hermite, après avoir reçu la benediéHon du
fouverain Pontife , parcourut en moins d’un an
prefque toute l’Europe. Dans les lieux où il palfa,
il mettoit tout en mouvement : les peintures tou¬
chantes qu’il faifoit de la profanation des Lieux
Saints -, fes exhortations vives & pathétiques ; une
longue barbe & négligée • des pieds nus, une vie
auftere , une abftinence extrême , l’argent même
qu’il ne recevoit que pour le répandre fur le champ
dans le fein dès pauvres} tout cela le faifoit re-
Tome /. D
26 Histoire de l'Ordre
garder comme un faine &: comme un prophète *
& les grands comme le peuple brûloient d’impa¬
tience de pafler à la Terre Sainte , pour venger
Jesus-Christ des outrages des Infidèles.
Le Pape averti d’un fuccès fi furprenant, réfo-
lut de fe déclarer ; il convoqua dans la même an¬
105>f. née deux Conciles > l’un à Plaifance en Italie ,
l’autre à Clermont en Auvergne. Il fe trouva au
Concile de Plaifance jufques à quatre mille Eccle-
fiaftiques, & plus de trente mille féculiers de dif¬
ferentes conditions ; mais ce qui parut de plus
extraordinaire, fut d’y voir (depuis le fchifme ) des
Ambafladeurs Grecs. L’Empereur Alexis Com-
nene les y avoit envoyez pour implorer le fecours
des Latins contre les Turcomans , qui après s’ê¬
tre emparez de la ville de Nicée , menaçoient
Calcédoine, & même Conftantinople d’un fiege*
Le Pape prit occafion de cette ambafïàde pour dé¬
plorer les malheurs de l’Orient, & lurtout de la
Paleftine , qui étoit tombée fous la domination,
de ces barbares. Au récit que firent ces Ambaf-
fadeurs de leurs cruautez , toute l’AfFemblee fre-
miifoit d’indignation ôc de colere : il s’éleva mille
voix confufes , qui crioient qu’il fallolt aller dé¬
fendre leurs freres en Jefus - Chriflr. Le Pape les;
exhorta de fe fouvenir d’une fi genereufe réfolu-
tion , quand le tems feroit venu de la pouvoir
executer.
Le même zele éclata dans le Concile de Cler^
10 9S-
4 Novemb . mont : il s’y trouva un grand nombre de Prélats x
de Princes , de Seigneurs , la plupart François ,
©u vaffaux de la* Couronne de France. Après un1

O
Dl Malte. Livre I. 17
<îifcours infiniment touchant, que fit le Pape pour
porter les Chrétiens à aller délivrer la Terre Sain¬
te de la domination des Mahometans , toute
l’Aflèmblée s écria comme de concert : Dieu lé
veut. Dieu le véut; & ces trois mots fer-
virent depuis dans l’armée de devile ôc de cri de
S uerre ; & pour diftinguer ceux qui s engageoient
ans cette fàinte entreprife , il Fut ordonné qu’ils
porteraient une Croix rouge fur l’épaule droite.
Le Concile ne fut pas plutôt terminé, que les
Evêques qui y avoient affilié, apïès être retour¬
nez dans leurs diocefes , commencèrent à y prê¬
cher la Croifade , Sc ils le firent avec un fi grand
fuccês , que tout le monde vouloir prendre le
chemin de l’Afie. Il fcmbloit qu’il n’y eût plus
d’autre route pour aller au Ciel : c’étoit à qui parti¬
rait le premier : Princes , Seigneurs , Gentilshom-
rqes, Bourgeois & Payfans, chacun quittoit avec joie
ce qu’il avoir de plus cher, femme , enfans, pere
& mere : tant il ell vrai que les hommes ne lem-
blent faits que pour s’imiter les uns les autres.
A la vérité tous ce s Croifez n’étoient pas animez
par le même motif : plufieurs ne paflbient en
Orient que par des vues d’intérêt, ôc dans l’efpe-
rance de s’y établir. Il y en avoit qui ne s’enro-
loient dans cette fainte milice , que pour ne pas
être foubçonnez de lâcheté -, d’autres s’y enga*
geoient par legereté , par compagnie , & pour ne
pas quitter leurs parens & leurs amis. Des fem¬
mes même, pour n’être pas féparées de leurs
amans} enfin le Moine & le réélus ennuyés de
leurs cellules , le payfant las du travail , tous
18 Histoire de l’Ordre
éblouis par la foible lueur dun faux zele , aban-
donnoient leur état 8c leur première vocation. Tout
cela à la vérité formoit un nombre prodigieux de
Croifez • mais parmi cette foule de perfonnes de dif¬
ferentes conditions, il y avoit beaucoup d’hom¬
mes 8c peu de foldats : 8c une pareille entreprife
auroit échoué dés fon commencement y 8c avant
que les Croifés fulfent fortis de l’Europe s’ils
n’avoient été foutenus par de grande corps de
troupes réglées, 8c commandées par des Princes
8c des Seigneurs pleins de valeur 8c d’experience,
8c animez par un pur zele de délivrer la Terre
Sainte de la domination des Infidèles.
Baldric. On comptoit parmi ce s Seigneurs , Raimond de
faint Gilles , Comte de Toulouze , le premier qui
prit la Croix , 8c qui s’étoit déjà fignalé en Elpa-
gne, 8c à la tête des armées d’Alphonfe fixiéme
contre les Arabes 8c les Sarazins d’Afrique ^ Hu¬
I
gues furnommé le grand , frere de Philippe*!.
Roi de France, 8c Comte de Vermandois du chef
de fa femme ; Robert , Duc de Normandie ,
frere de Guillaume le Roux Roi d’Angleterre ;
Robert, Comte de Flandres ; Etienne , Comte de
v

Chartres 8c de Blois ; Godefroi de Bologne, Duc


de la baffe Lorraine ou du Brabant ,, avec fes
freres Euftache 8c Baudouin ; Baudouin du Bourg ,
leur coufin 8c fils du Comte de Rétel 8c un
grand nombre d’autres Seigneurs 8c Gentilshom¬
mes , la plupart fujets ou vaffaux de la Couron¬
ne de France , 8c qui vendirent dans cette occa-
fion leurs châteaux 8c leurs terres pour fournir
aux frais de cet armement*
de Malte. Livre I, 29
On ne vit point dans cette première expédi¬
tion aucun des Rois de l’Europe. Henri IV. pe¬
ut fils de Conrard II. dit le Saligne , étoit alors
Empereur d’Allemagne. Soit qu’on confiderefa di¬
gnité , foit qu’on fafle attention à fa rare va¬
leur , à fa grande expérience dans le comman¬
dement des armées, ‘ & à fes forces , il n’y avoit
point dans toute la Chrétienté de Prince plus di¬
gne d’être mis à la tête de la Croifade. Mais apa-
remment qu’il fut retenu dans fes Etats par des dif¬
férends qui avoient éclaté entre les Papes ôc les
Empereurs , ôc qui pendant plus de cinquante
ans déchirèrent l’Eglife ôc l’Empire. La forme de
donner l’inveftiture des grandes dignités eccle-
fiaftiques en étoit le prétexte, & la louveraineté
de Rome ôc de l’Italie le véritable fujet. Les Pa¬
pes dans ce haut degré de puilfance temporelle,
où la libéralité des Rois de France les avoit éle¬
vez , ne pouvoient plus entendre parler des
droits que les Rois des Romains & les Empe¬
reurs d’Occident avoient auparavant exercés dans
Rome , & fur le relie de l’Italie. De là naqui¬
rent des fchifmes , des guerres ôc des révoltes y
qui ne permirent pas à l’Empereur de quitter
l’Allemagne ôc le centre de fes Etats. La mo-
lelfe, Ôc un attachement criminel que Philippe I.
Roi de France avoit pour Bertrade femme de
Foulques le Rechin , Comte d’Anjou , le retint
dans fon Royaume. Je ne parle point de Guil¬
laume le Roux , Roi d’Angleterre , fils de Guil- -
laume le Batard , Duc de Normandie , qui avoir
fubjugué les Anglois y nation fîere y inquiette ,
. ' D iij
30 Histoire de i’Ordre
jaloufe de Ül liberté, impatiente de toute domi¬
nation , furtout de l'étrangère , & dont il n’eut
pas été prudent au commencement dun nou¬
veau régné de s’éloigner. Quant aux Rois de
Caftille , d’Arragon & de Navarre, ils étoient
allez occupez à défendre leurs Etats contre les
Arabes & les Sarazins d’Efpagne, pour ne pas fon-
ger à d’autres entreprifes.
Les Efpagnes même , depuis l’invafion des
Sarazins , étoient devenues comme le theatre
d’une Croifade perpétuelle : & ce qu’il y avoit
de plus braves Seigneurs dans les differentes con¬
trées de l’Europe s’y rendoient ordinairement
pour faire leurs premières armes contre ces Infi¬
dèles. Ainfi dans cet armement pour la Terre
Sainte , on ne vit gueres que des Princes parti¬
culiers , &: des Seigneurs François , dont les pe-
res Ôc tout au plus les ayeuls profitant de la dé¬
cadence de la Maifon de Charlemagne , & à la
faveur des inféodations , de Gouverneurs parti¬
culiers de Villes ou de Provinces , s’étoient in-
fenfiblement érigez en Souverains de leurs gou-
vernemens : origine de tant de Principautez, qui
à la fin de la fécondé Race , & au commence¬
ment de la troifiéme avoient démembré cette
puiflante Monarchie.
x0 Cependant les Princes croifez commençoient
à marcher de toutes parts. Les Vénitiens , les
Génois , & les Pifans, Républiques puiflantcs (ur
mer, en tranfporterent une partie dans la Grece.
Le rendez - vous général étoit dans les plaines
voifines de Conftantinople. Le fameux Boemond
de Malte. Livré I. p
gui avoit déjà fait la guerre avec de fi glorieux
fuccês contre les Sarazins , 3c même contre l’Em¬
pereur Alexis , étoit alors au fiege d’un châ¬
teau en Campanie avec le Comte Roger fon on¬
cle. Il n’eut pas plutôt apris les premières nou¬
velles de la Croilade , le nombre 3c la qualité
des principaux Seigneurs croifez , qu’emporté par
fen zele , 3c comme fàifi d’une pieufe fureur, il
met en pièces fa cotte d’armes, 3c des morceaux
il en fit des Croix dont il prit la première , 3c
diftribua les autres à fes principaux capitaines.
On comptoit parmi ces Seigneurs le brave Tan-
crede fon neveu, les Comtes Ranulphe 3c Ri¬
chard fes coufins , Hermand de Cani , Onfroy
fils de Raoul ^ Robert de Sourdeval, 3c un grand
nombre d’autres Gentilshommes, tous Normans
de naifTance ou d’origine , 3c dont les peres , ou
eux - mêmes aux dépens des Sarazins 3c des Grecs
s’étoient fait des établifTemens confiderables dans
la Pouille , la Calabre 3c la Sicile; Comme ces
illuftres avanturiers ou leurs defeendans auront
beaucoup de part dans la fuite de cette Hiftoire,
nous ne pouvons nous difpenfer de rapporter en
peu de mots à quelle occafion , du fond de la
Normandie ils s’etoient tranfportez &: établis dans
la baffe Italie.
De's l’an mille, ou mille trois, quarante Gen¬ JOO

tilshommes Normans, tous guerriers, 3c qui s’é-


toient fignalés dans les armées dés. Ducs de Nor¬
mandie , revenant du pèlerinage de la Terre Sain¬
te , abordèrent en Italie fans armes , 3c avec le
Bourdon 3c l’Aumôniere , équipage ordinaire des
31 Histoire de l’Ordre
Pèlerins, ôc que nos Rois mêmes dans les Croifa-
des fuivantes alloient prendre à S. Denis. Les Pè¬
lerins Normans dont nous parlons ayant apris que
la ville de Salerne êtoit afiiegée par les Sarazins,
un zele de religion les fît jetter dans cette Place.
Guimard en êtoit Prince , &: s’y êtoit enfermé : il
leur donna des armes & des chevaux. Ces étran¬
gers firent plusieurs forties fur les Infidèles , la
plûpart imprévûes , & fi vigoureufes qu’ils les
forcèrent à lever le fiege. Le Prince de Salerne
admirant le courage de ces Normans , ôc leur
capacité dans l’art de la guerre , pour les rete¬
nir à fon fervice , leur offrit de riches préfens ,
ôc leur propofa des établiffemens confiderables.
Mais ces Gentilshommes, que l’amour fi naturel
pour la patrie rappelloit chez eux , refuferent
tout ce qu’on leur offrit , ôc ils.lui répondirent
que dans cette prife d’armes , ils n’avoient eu
pour objet que la gloire de Dieu, Ôc la défenfe
de la Religion. Ils partirent, Ôc on prétend que
Guimard les fit fuivre par des députez , qui pour
exciter le zele Ôc le courage de la Nobleffe de
Normandie , ôc pour l’engager à venir s’établir
en Italie , portèrent dans cette Province des éto-
fes prétieufes , des harnois magnifiques pour les
chevaux, ôc jufques à des Grenades , des Oran¬
ges , des Citrons , ôc des Amandes , qu’ils pré-
lenjterent à plufieurs Gentilshommes , comme
ChiII. Ge- une preuve de la douceur de leur climat, ôc de
. .
mct 4 7
la bonté du terroir, où on leur offroit des terres
ôc des châteaux.
Un grand nombre de Normans attirez par
les
de Malte. Livre!. 33
les promefTes de ce s envoyez , fortirent de teur
pays avec leurs femmes & leurs enfans , & pen¬
dant tout ce fiecle 3 il enpaffoit continuellement de
cette Nation en Italie. Les plus confiderables
furent les enfirns de Tancrede de Hauteville ,
Gentilhomme des environs de Coutance en Baffe
Normandie. Il avoit douze garçons , tous por¬
tant les armes. L’aîné, & qui fut comme le chef
de ces avanturiers , s’appelloit Guillaume y fur-
nommé Bras de fer 3 à caufe de fa force & de fa
valeur : Drogon ou Dreux étoit le fécond y
Humfroy le troifiéme} Herman y Robert & Ro¬
ger , les trois derniers. L’hiftoire ne nous a point
confervé le nom des fix autres fils de Tancrede y
ôc on ne fçait pas même s’ils pafferent en Italie.
Il y avoit dans cette contrée trois fortes de
dominations, celle de quelques Princes particu¬
liers , anciens reftes des Lombards, & indépendans
les uns des autres : un autre canton obéiffoit aux
Empereurs Grecs, mais dont les Sarazins avoient
ufurpé la meilleure partie. Les fils de Hauteville for¬
mèrent bientôt une troifiéme puifTance, & qui ab-
forba toutes les autres : c’étoient les Italiens & les
Grecs , comme nous le venons de dire, qui les
avoient appeliez à leur fecours contre les Sarazins.
Les Normands d’Italie réunis fous les enfei-
gnes des fils de Hauteville pafferent à la folde
des Grecs 5 prirent des villes, gagnèrent des ba¬
tailles , Ôc par des adfions héroïques vinrent à
bout de chaffer ce s Infidèles de la plupart des
Places qu’ils occupoient. Ils en furent mal ré-
compenfez : les Grecs qui les avoient appeliez à
Tome L E
34 Histoire de l’Ordre
leur fecours, inquiets , & jaloux de la puifïance
quils acquer oient infenfiblement dans le pays, mi-
■rent en ufage les dernieres perfidies pour faire
périr les chefs de cette nation. Les fils de Hau-
teville fe trouvèrent dans la neceflite de fe dé¬
fendre contre de fi lâches ennemis : ils le firent
avec leur valeur ordinaire , & avec tant de bon¬
heur qu’aprês beaucoup de travaux , de dangers
ôc de combats y ils enlevèrent aux Grecs la Cala¬
bre , la Pouille ôc la Sicile : ôc peut-être qu’ils ne
furent pas fâchés qu’on leur eût fourni le pré¬
texte d’une vengeance utile , & l’occafion de
s’emparer de ces riches contrées. Ils partagèrent
Preuve II. depuis entre -eux ces grandes Provinces. Robert
Guifcard eut le Comté de Calabre 5 ôc devint de¬
puis le plus puiffant de tous fes freres : on lui
avoit donné le nom de Guifcard 3 à caufe de fon
adreffe ôc des rufes qu’il pratiquoit à la guerre ,
ôc nous allons voir le Prince Boëmond fon fils
aîné 5 déjà fi redoutable aux Grecs par fa valeur,
ne fe dillinguer pas moins contre les Infidèles
par Ion adreffe Ôc fon habileté, Ôc fe couvrir en
Orient d’une nouvelle gloire.
Ce Prince avant que de partir y &: dans la
vue de fe faire un puiffant établiffement dans
l’Afie, céda fes droits d’aîneffe à fon cadet appel-
lé Roger , du nom de leur oncle j ôc pour toute
reffource y il ne fe réferva que la ville de Ta-
rente , Ôc l’efperance de faire de nouvelles con¬
quêtes dans l’Orient. Il paffa enfuite la mer à la
tête de dix mille hommes de cavallene , &: d’un
grand corps d’infanterie, ôc apre's être débarqué ,
de Malte. Livre I. jy
il prit le chemin de Conftantinople pour y join¬
dre les Croifez. Le Pape écrivit en même tems
à l’Empereur de Conftantinople , que plus de
trois cens mille hommes marchoient à fon fe-
cours , &; pour délivrer les Lieux Saints de la do¬
mination des Infidèles. Il lui nommoit les principaux
Chefs des Croifés , Ôc il l’exhortoit à donner prom¬
ptement les ordres néceflaires pour la fubfiftan-
ce de ces troupes. Elles arrivoient à la file ôc
fucceflivement de differents endroits ; & dans
une revûe qui sen fit dans les plaines de Con¬
ftantinople , il s’y trouva cent mille hommes de
cavallerie , & jufqu’à fix cens mille hommes de
gens de pied , parmi lefquels on comptoit des
Prêtres, des Moines & un nombre infini de fem¬
mes habillées en hommes , & dont la plupart ,
à la honte du Chriftianifine , fe proftituoient aux
foldats.
L’Empereur Grec , au lieu d’un fecours mé¬
diocre qu’il avoit demandé , fut bien furpris de
voir fes Etats inondez de ces troupes innombra¬
bles , & en état de lui donner la loi dans la Ca¬
pitale même de fon propre Empire. Alexis crai-
Î ^noit fur tout Boëmond , dont il avoit éprouvé
a valeur ôc la conduite , pour fe débarraffer de
ces alliez , plus redoutables que des ennemis dé¬
clarez , il réiolut de gagner les Chefs à force
de careffes & de préfens, & de n’oublier rien en
même tems pour couper les vivres à leurs fol¬
dats , & pour faire périr ceux qui fe débande-
roient pour en recouvrer. Par une conduite auffi
artifîcieufe , & fans fe déclarer ouvertement , il
Eli
Histoire de l’Ordre
fît plus de mal aux Latins, qu’ils n’en efluyerent
de toutes les forces des Turcomans réunies en-v
fémble.
Par fon ordre on portoit tous les jours des
préfens & des rafraichiffemens aux Princes Croi-
fez. Pour éloigner même toute forte de foup-
çons il voulut s’engager dans la Croifade : il en
prit folemnellement la marque, & par un traité
avec les Princes de l’Europe, il s’obligea de join¬
dre fa flotte à celle des Latins , de leur fournir
des vivres jufqu’à Jerufalem , Ôc il devoit fe ren¬
dre lui - même dans la grande armée , à la tête
de fes troupes pour agir de concert contre les
Infidèles , foit Turcomans , foit Arabes ou Sara-
zins.
Les Croifez de leur côté éblouis par de fi ma*
gnifiques promeffes confentirent à lui remettre
Nicée , dont les Turcomans venoient de s’em¬
parer , ôc les autres Places de l’Empire , dont ils
chafferoient les Barbares : ou du moins , fi les
Latins les vouloient retenir , on convint qu’ils lui
en feroient hommage. En exécution de ce trai¬
té, il y eut plufieurs Seigneurs d’Occident, qui dans
l’efperance de s’emparer de quelques Principau-
tez dans l’Orient, lui firent d’avance le ferment
de fidelité.
L’Empereur , malgré ce s précautions, toujours
inquiet de voir une armée formidable aux por¬
tes de fa Capitale , ôc en état de lui donner la
loi jufques dans fon Palais, prefToit les Chefs de
palier promptement en Bithinie fous prétexte de
furprendre ôc de prévenir les Infidèles : il leur
de Malte. Livre I. 37
fournit même un grand nombre de vaiffieaux de
tranfport. Les Princes féduits par cette apparen¬
ce de zele pour la caufe commune pafferent le
Bofphore , ôc apres quelques jours de marche
1097.
formèrent le fiege de Nicée. Soliman Turco- 14 Mai.

man , Selgeucide , parent de Togrul-bec> ôc Sul¬


tan d’Iconie, avoit jette dans Nicée une puiffimte Bibl. Orient*
garnilon. L’attaque fut vive ôc la défenfe três- p. 822.
opiniâtre j les Turcomans difputerent le terrain
pied à pied, Ôc ils ne cédèrent qu a une puiffian-
ce formidable , ôc contre laquelle il ne fembloit
pas qu’aucune Place pût tenir. Le Gouverneur
apres trente quatre jours de fiege rendit Nicée
aux Chrétiens Latins , qui en exécution du trai¬
té fait avec l’Empereur Grec , la remirent de
bonne foi aux officiers de ce Prince avec la fem¬
me Ôc les enfans de Soliman , qui par la capitu¬
lation étoient demeurez prifonniers de guerre. Le 10 Juin.
Alexis ne fut pas fi touché de la prife de Ni¬
cée , qu’il fut allarmé de la valeur ôc du coura¬
ge que les Croifez venoient d’y faire paroître.
U ne douta point qu’ils ne fubjuguaffent bientôt la
meilleure partie de TAfie : voifins pour voifins
il préfera ceux qu’il croyoit les plus foibles , ôc
il ne fongea plus qu’à s’allier fecretement avec
les Infidèles pour traverfer les conquêtes des
Chrétiens Latins , qui lui paroiffoient alors les
plus redoutables.
Dans cette vue il renvoya à Soliman fa fem¬
me ôc fes enfans comme un gage de l’amitié
qu’il vouloit contrarier avec lui. Ils firent en-
tr eux une alliance étroite 3 ôc en exécution de
E iij
38 Histoire de l’Ordre
ce traite' fecret , le perfide Grec , bien loin de
fe rendre dans Farinée chrétienne , de la four¬
nir de vivres & de joindre fa flotte à celle des
Latins , comme il s’y étoit engagé par le traité
de Conftantinople , il donna des ordres fecrets
aux Généraux de fon armée > de cottoyer celle des
Latins j & fes troupes de concert avec celles de So¬
liman , tailloient en pièces les foldats qui s’écar-
toient, foit pour chercher des vivres , foit pour al¬
ler au fourage.
Le Sultan ne fc fioit pas tellement au traité qu’il
venoit de faire avec l’Empereur, qu’il ne fongeât
en même tems à fe procurer des fecours plus aflurez.
Il eut recours aux Sultans d’Antioche, d’Alep, de
Bagdat & de Perfe, tous Princes de fa Nation, de
la même Maifon , & mtereffez comme voifins à
empêcher fa ruine. Ces Princes mirent aufli-tôt de
puiflantes armées (ur pied : ôc fi la France entière,
pour ainfi dire, étoit paflee en Orient avec les Croi-
fez , il fembloit d’un autre côté que la meilleure
partie de l’Afie eût pris les armes dans cette occa-
fion.
Un fi grand armement allarma le Calife d’Egypte^
dont l’Empire s’étendoit en Syrie, & jufqu a Lao-
dicée. Ce Prince Arabe d’origine, & chef de la feéte
d’Ali, dans la crainte que les Turcomans quire-
connoifloient pour le fpirituel le Calife de Bagdat >
fous prétexte de s’oppofer aux Chrétiens Latins, ne
tournaient contre lui leurs armes, envoya des Am-
bafladeurs aux Croifez pour leur propofer une ligue
contre tous les Turcomans. Et comme il n’igno-
roit pas que la conquête de Jerufalem étoit le prin-
de Malte. Livre I. 39
cipal objet de l'armée chrétienne, on convint par Raimond
d’Agil.
un traité qu’il fe déclareroit contre leurs ennemis
communs j que chacun lesattaqueroit de fon côté;
que la Capitale de la Judée demeureroit aux Chré¬
tiens Latins avec toutes fes dépendances ; qu a Ton
égard il rentreroit en pofTeflion des autres Places
que les Turcomans lui avoient enlevées ; 8c que fi
on étendoit les conquêtes jufques fur les terres des
ennemis , on les partagerait également.
Les Princes Chrétiens ayant (igné ce traité , le
renvoyèrent au Calife,avec les Ambaffadeurs, qu’ils
firent accompagner par d’autres de leur part, pour
afiifter en leur nom à la ratification de ce traité.
Mais l’habile Calife , qui vouloit régler fa con¬
duite par les évenemens, retint les Ambaffadeurs
à fa Cour fous differents prétextes, pour voir, avant
que de fe déclarer plus ouvertement, de quel côté
la viétoire fe tournerait.
Par le traité que les Çroifez avoient fait avec
l’Empereur Alexis, ils s’étoient engagez , comme
nous l’avons dit, de lui remettre toutes les Places
de l’Empire qu’ils prendroient fur les Infidelles, ou
de les tenir de lui comme fes Vafiaux ; 8c l’Empe¬
reur de fon côté devoit envoyer fes troupes à la
grande armée, 8c fournir aux Latins des vivres jufi
qu a la conquête de Jerufalem.
Mais comme le Prince Grec viola ouvertement
fa parole, les Croifez prétendirent être quittes de
leurs engagemens. Ces Princes , après la pnle de
Nicée, continuèrent leur route 8c leurs conquêtes,
8c ilsféparerent leurs troupes pour les faire fubfifter
plus aifément. Ceux qui commandoient ces diffe-
40 Histoire de l’ Ordre
rens Corps, s’emparèrent de la plupart des Places
de la Natolie. Toute la Cilicie plia fous l’effort de
leurs armes ; Baudouin frere de Godefroy fe ren¬
dit maître du Comte d’Edeffe , dont les peuples
quoique fournis auxTurcomans, étoient la plupart
Chrétiens j 6c pour fe fortifier contre les Infidèles,
il fit alliance avec un Prince d’Armenie dont il
époufa la nièce.
La grande armée des Latins avançant dans la Sy-
21 Octobre, rie, vint jufqu’à Antioche , & en forma le fiége. Il

y avoit dans cette Place une armée entière pour


garnifon • 6c differents corps de Turcs s étant avan¬
cez au fecours de cette Place , tenoient les Chré¬
tiens eux-mêmes afliegez. Le fiége d’Antioche r au
bout de fept mois , n’étoit gueres plus avancé que
le premier jour, & on auroit été contraint de le le¬
ver , fans l’adreffe de Boémond , qui gagna un des
principaux habitans. A la faveur de cette intelli¬
gence , il trouva une des portes ouvertes. Ce Prince r
à la tête des troupes qu’il commandoit, entra dans
Antioche, 6c arbora le premier fes étendarts au haut
des tours de cette Place. Les Croifez, en recon*
PriuveIII. noiffance, lui en cederent lafouveraineté, 6c il con-
ferva depuis par fa valeur une Principauté qu’il avoit
acquifè par fon habileté ^ Prince jeune, bien fait,
adroit, infinuant, auffi grand politique que grand
Capitaine, 6c de qui la Princeffe Anne , dans l’hi-
ftoire de l’Empereur Alexis (on pere, dit tant de
bien &rtant de mal l’un 6c l’autre peut-être pour
avoir trouvé ce jeune Prnce trop à fon gré.
‘Tops*. La prife d’Antioche, 6c une vi&oire fignalée que
iS de juin,. Boémond remporta fur Querbouca , Général de
Berearuç:
de Malt e. Liv. I. 41

Berearuc 3 Sultan de Perfe , & fils de Gellaleden,


laifldit les chemins libres pour la conquête de
Jerufalem. Mais le Calife d’Egypte les prévint ,
ôc ce Prince infidèle profitant du defordre où le
trouvoient les Selgeucides, le mit en campagne ,
& reprit la Capitale de la Judée , dont ces Tur-
comans s’étoient emparez depuis environ trente
huit ans.
Le Calife d’Egypte voyant les Chrétiens ôc les ^
Turcomans egalement affoiblis par tant de fie-
ges ôc de combats, trouva que fes interdis avoient
changé avec la fortune. Il renvoya aux Croilez
leurs Ambalfadeurs fans vouloir ratifier le traité
conclu avec fes miniftres , &c il chargea les Am-
baffadeurs Chrétiens de dire à leurs maîtres ,
qu’ayant été alTez heureux pour reprendre avec
les armes feules une Place dont fes prédecelfeurs
étoient en polfeflion depuis plus de quatre cens
ans , il fauroit bien la conferver fans aucun fe-
cours étranger -, cependant que les portes en fe-
roient toujours ouvertes aux Pèlerins Chrétiens,
pourvu qu’ils ne s’y préfentaffent qu’en petit
nombre, & fans armes.
Les Croifez irritez de fon manque de parole y
& fans s’inquiéter beaucoup de la puilfance , lui
firent dire qu’avec les mêmes clefs dont ils avoient
ouvert les portes de Nicée , d’Antioche, de Tar-
fe & d’Edelfe y ils fçauroient bien ouvrir celles
de Jerufalem. Ces Princes , après avoir laiffé repo-
fer leurs troupes pendant l’hyver & une partie
du printemps , marchèrent droit à cette Capitale
de la Judée , & y arrivèrent le feptiéme de Juin
Tome I. F
42 Histoire de l’Ordre
i o 5> 5?- de l’annee 1099. De ce nombre infini de Croi-
7 Juin.
fez qui étoient partis de l’Europe, ôc quon fait
monter à prés de fept cens mille hommes , la
plupart avoient péri3 foit dans les combats , foit
par les maladies & par les défertions > fans com¬
pter les garnifons qu’il avoit fallu laifler foit dans
la Cilicie , foit dans le Comté d’Edelfe , ôc dans la
Principauté d’Antioche; en forte qu’à peine reftoit-
il aux Princes croifez vingt mille hommes d’infan¬
terie , &c quinze cens chevaux en état de com¬
battre. ü
Le Calife , ou pour mieux dire > Aladin 3 Sou¬
dan & General de ce Calife y avoit fait entrer juf-
qua 40000 hommes de troupes réglées dans la
Place 3 outre vingt mille habitans , Mahométans
de religion , auxquels il avoit fait prendre les
armes. Le Gouverneur de la ville fit enfermer
en même tems en differentes prifons les Chré¬
tiens qui lui étoient fulpeéts y Sc entr’autres l’Ad-
miniftrateur de l’Hôpital de Saint Jean de Jeru-
falem.
Hiftoire de
Provence C’étoit un François appellé Gérard, né , à
par Bouche, ce que rapportent quelques Hiftoriens , dans
t. r.p.32.
l’Ifle de Martigues en Provence y que le defir
PreuveIV. de vifiter les Saints Lieux avoit conduit à Jeru-
falem , 6c qui apres avoir été témoin de la cha¬
rité qui s’éxerçoit dans l’Hôpital de Saint Jean ,
touché d’un fi grand exemple y s’étoit dévoué de¬
puis Iong-tems au fervice des pèlerins 3 en mê¬
me - tems qu’une Dame Romaine d’une illuftre
naiflfance , nommée Agnès 3 gouvernoit la Mai-
fon deftinée à recevoir les personnes de fon fexe.
de Malte. Livre L 43
Tous les pèlerins étoient admis dans l’Hôpital
de Saint Jean fans diftinétion du Grec & du La¬
tin ; les Infidèles même y recevoient l’aumône ,
& tous les habitans , de quelque religion qu’ils
fuflent, ne regardoient l’Adminiftrateur de l’Hô¬
pital que comme le pere commun de tous les
pauvres de la ville.
Ce fut cette eftime generale , ôc la crainte
qu’il 11e s’en fervît en faveur des affiegeans , qui
porta le Gouverneur à le faire arrêter. Ce Com¬
mandant, pour rendre le fiege plus difficile, fit
combler les puits Ôc les citernes jufqu’à cinq ou
fix milles aux environs de la Place t il fit razer en
même tems les Fauxbourgs , & brûler tous les
bois des maifons dont on eût pû fe fervir pour
conftruire des machines de guerre. Toutes ces
précautions , les fortifications de la Place , une
nombreufe garnifon, n’empêcherent point les Chré¬
tiens d’en former le fiege.
Cette ville une des plus belles de l’Orient & à
jamais célébré par les myfteres de notre rédem¬
ption , qui s’y étoient accomplis , avoit fouffert
differentes révolutions. Perfonne n’ignore
O
toutes
les horreurs de ce fiege où commandoit Tite ,
fils de Vefpafien , qui fans le favoir , accomplit
les prophéties. Le Temple fut détruit julqu’aux
fondemens malgré le Vainqueur même. L’Em¬
pereur Adrien, après l’avoir encore ruinée une
fécondé fois, la rebâtit depuis ^ mais il lui donna
moins d’étendue , & en changea même le nom
en celui d’Elia , parcequ’il s’appelloit Æhus. Je-
rufalem reprit fon nom & fa première gloire
Fi)
44 Histoire de l’Ordre
fous Conftantin premier Empereur Chrétien.
Cofroés petit fils dun autre Cofroés Roi des Per¬
les, fous l’Empire de Phocas , défola de nouveau la
Sainte Cité ; trente mille habitans paflerent par
le fil de l’épée , 6c I’Eglife fi célébré du Saint Sé-
pulchre fut détruite. Heraclius iucceffeur de Pho¬
cas reprit Jerufalem , 6c en fit rebâtir les Eglifes.
Le Calife Omar, comme nous l’avons dit, s’em¬
para de cette Place vers le milieu du feptiéme fie-
cle, 6c il y avait prés de quatre cens ans que les
Sarazins Mahometans en étoient les maîtres ,
quand les Turcomans les en chalferent. Le Sultan
d’Egypte l’avoit reprife pendant le Siégé d’Antio¬
che. Celui que les Croifez mirent devant Jerufa¬
lem ne dura que cinq femaines ; Godefroi de
Bouillon fe jetta le premier dans la Ville par le
moyen d’une Tour de bois qu’il fit approcher des
murailles. Le Comte de Toulouze qui comman-
doit à une autre attaque eut le même avantage -,
*°99'
toute l’armée entra en foule dans la Ville ; on pafi
içde Juillet. fa au fil de l’épée non feulement ceux qu’on trou¬
va en défenfe,. mais encore ceux qui avoient mis
ChrijUani les armes bas. Plus de dix mille, habitans aufquels
gumpaganis,
quinto bello
même on avoit promis quartier , furent depuis
conferto jan- maffacrez de fang froid 5 on tuoit impitoyable-
ta in eos c&-
me les enfans à la mamelle , 6c dans les bras de
de debaccha-
ti funt, ut in leurs meres • tout nageoit dans le fang, 6c les
fanguwe oc- Vainqueurs fatiguez du carnage en avoient hor¬
ciforumequi-
tannt ufque
reur eux-mêmes.
ad genua e- Cette fureur militaire ceffa enfin , 6c fit place à
quorum. Sig.
des fentimens plus chrétiens • les Chefs, après avoir
Gemblac.
p. 611. pris les précautions neceifaires pour la fureté de
de Malte, Livre I, 45
leur conquefte , quittèrent les armes 3 tk. fuivis
de leurs ioldats, ôc les pieds nuds allèrent fe pro-
fterner devant le Saint Sépulchre. On n’entendoit
dans ce lieufaint quefanglots &loupirs ; c etoit.un
fpe&acle très touchant de voir avec quelle dévotion
les Croifez vifitoient & baifoient les vertiges des
fouffrances du Sauveur} ôc ce qui n’eft pas moins
furprenant, c eft que ce.s larmes Ôc ces fentimens
rte pieté partoient de ces mêmes foldats , qui un
moment auparavant venoient de s’abandonner à
des cruautez affreufes : tant il eft vrai que les
hommes fè conduifent fouvent par des principes
tout oppofez.
Le lendemain les Evêques ôc les Prêtres offri¬
rent dans les Eglifes le laint Sacrifice pour ren¬
dre grâces à Dieu d’un fi heureux événement. On
en donna aufiitôt avis au Pape Pafchal II. qui
étoit alors fur la Chaire de Saint Pierre 3 ôc on
ordonna de célébrer tous les ans à perpétuité le
jour de cette rédudion par une Fête folemnelle. Preuve

De ces devoirs de religion , on parta enluite


aux foins du Gouvernement. Les Princes ôc les
Seigneurs s’affemblerent pour décider auquel d’en-
tr’eux on remettroit la Souveraineté de cette
Conquête. Chacun félon fon inclination ou fes in¬
terdis propofa differents fujets pour remplir cette
grande place. Les uns nommèrent Raimond y
Comte de Toulouze ; d’autres Robert y Duc de
Normandie •> mais enfin prefque tous les luffra-
ges fe réunirent en faveur de Godefroi de Bouil¬
lon 3 Prince encore plus illuftre par fa pieté que
par fa rare valeur. Les Croifez le conduifirent lo~
F iij
4.6 Histoire de l’Ordre
lemnellement à l’Eglife du Saint Sépulchre pour
y être couronné. Mais dans la cérémonie de
cette inauguration , le religieux Prince refufa une
couronne d’or quon lui préfentoit, & il prote-
fta hautement qu’on ne verroit point fur la tête
une riche couronne dans une ville où le Sauveur
des hommes avoit été couronné avec des épines.
Il refufa même abfolument l’augufte titre de Roi,
&c il ne prit que la {impie qualité d’Avouf,
ou de Défenleur du Saint Sépulchre.
Cependant le Général du Calife d’Egypte, qui
ignoroit la prife de Jerufalem , marchoit à la tê¬
te de Ion armée pour en faire lever le fiege. Gode-
froi le prévint 5 s’avança audevant de lui, le ren¬
contra à la fortie des deferts qui féparent la Pa-
lefline de l’Egypte , le bâtit Ôc mit îon armée en
fuite. En reconnoiffance & pour mémoire de cette
nouvelle viétoire, il fonda dans l’Eglife du Saint
Sépulchre un Chapitre de Chanoines Latins : il en
fonda encore un autre quelque tems apres dans
l’Eglife du Temple 5 qui fervoit auparavant de
Mofquée aux Infidèles , & ces Chanoines dans
l’une & l’autre Eglife fuivoient la Réglé de faint
Auguftin 5 ainfi que le rapporte dans Ion Hiftoi-
Chap. p. re le Cardinal Jacques de Vitri, Evêque d’Acre ,
Auteur qu’on doit regarder à l’égard des affaires
de l’Orient comme Hiftorien original.
Le Prince vifita enfuite la Maifon Hofpitaliere
de faint Jean , la première que les Chrétiens La¬
tins euffent eue' dans la ville de Jerufalem. Il y fut
reçu par le pieux Gérard & par les autres Admi-
niltrateurs fes confrères, 8c il y trouva un grand
de Malte. Livre î. 47
nombre de Croifez qui avoient été blefTez pen¬
dant le Siégé , 8c qu’on y avoit portez apre's la
prife de cette Place : tous fe louoient également
de la grande charité de nos Hofpitaliers , qui né-
pargnoient aucuns foins pour leur foulagement.
Le Cardinal de Vitri rapporte que le pain de
ces Hofpitaliers n’étôit prelque fait que de fon 8c
de farine la plus groffiere , pendant qu’ils réfer-
voient la partie la plus pure pour la nourriture des
blefTez 8c des n/ialades ; circonftance à la vérité peti¬
te , fi cependant quelque chofe le peut être de tout
ce qui part d’un grand fond de charité.
Plufieurs jeunes Gentilshommes qui venoient
d’en faire une heureufe expérience , renoncèrent
au retour dans leur patrie , 8c fe confacrerent
dans laMaifon de Saint Jean au fervice des pau¬
vres 8c des pèlerins. On compte parmi ces illu-
flres Croifez qui prirent l’Habit des Hofpitaliers,
Raimond Dupuy 5 de la Province de Daufïné ^
Dudon de Comps , de la même Province ; Ga-
ftus ou Caftus , de la ville de Berdeiz • Conon de
Montaigu, de la Province d’Auvergne , 8c beau¬
coup d’autres.
Quoique Godefroi perdît dans ces Gentilshom¬
mes des guerriers dont il avoit tiré de grands fer-
vices , il ne laiffa pas d’en voir le changement
avec joie , 8c peut - être même avec une pieufe
envie. Mais fi l’intereft , 8c la confervation
de Jerufalem le retint à la tête de l’armée , il
voulut au moins contribuer à l’entretien de la
maifon de Saint Jean , 8c il y attacha la Seigneu¬
rie de Montboire avec» toutes fes dépendances ,

v
48 Histoire de l’Ordre
qui faifoit autrefois partie de fon Domaine dans
le Brabant.
La plupart des Princes &z des Seigneurs Croi-
fez fuivirent fon exemple. L’Hôpital en peu de
tems fe trouva enrichi d’un grand nombre de
Terres ôc de Seigneuries , tant en Europe que
dans la Paleftine. C’étoit entre les mains du pieux
Gérard, Gérard, un dépôt facré Ôc un fond certain pour
Recteur de
l’Hôpital de le foulage ment de tous les malheureux. Le laint
faint Jean de
jerufalem. homme n’en étoit encore que fimple Adminiftra-
ceur féculier; mais depuis la prife de Jerufalem, le
défir dune plus grande perfeéfion le porta à propo-
fer à fes Confrères & aux Sœurs Hofpitalieres de
prendre un habit régulier , ôc à confacrer leur vie
dans l’Hôpital au fervice des pauvres ôc des pèlerins.
Les Hofpitaliers ôc les Hofpitalieres par fon
confeil ôc à fon exemple, renoncèrent au fiecle ,
prirent l’Habit régulier , qui confifte dans une fim¬
ple robe noire, fur laquelle étoit attachée du cô¬
té du cœur une Croix de toile blanche à huit poin¬
tes • ôc le Patriarche de Jerufalem , après les en
avoir revêtus , reçut entre fes mains les trois vœux
folemnels de la Religion, qu’ils prononcèrent aux
piés du Saint Sépulchre.
RreuveVI. Le Pape Pafchal II. quelques années après, ap-
prouva ce nouvel Inftitut, exempta la Maifon de
Jerufalem ôc celles qui en dépendoient, de payer
la dixme de leurs Terres, autorifa toutes les fon¬
dations qui leur avoient été faites , ou qu’on fe-
roit dan$ la fuite en faveur de l’Hôpital, Ôc or^
donna fpecialement qu’après la mort de Gérard
les Hofpitaliers feuls auroient droit d’élire un nou¬
veau
\ 4 -

de Malte. Livre L 49
veau Supérieur , fans qu’aucune Puiflance fécu- Gérard.

liere ou ecclefialtique pût s’ingérer dans leur gou¬


vernement.
Cependant les Croifez y apres avoir tire' la fain-
te Cite hors de fervitude 5 fe difpoferent pour la
plupart à repaffer en Europe. De ce nombre pro¬
digieux de Croifez qui e'toient partis de l’Europe
ôc entrés dans l’Afie 5 il ne refia avec Godefroi
qu’environ deux mille hommes d’infanterie y ôc
trois cens cavaliers qui s’étoient attachez à fa for¬
tune , avec le brave Tancrede qui ne le voulut
jamais abandonner. Baudouin frere de Godefroi
fe retira à Edeffe dans la Mefopotamie dont il
s’étoit rendu maître -, Euflache autre frere de
Godefroi repaffa en France, Sc Boémond devenu
Prince d’Antioche y y fixa fon féjour.
Chacun dex:es Princes étoit accompagné des Sei¬
gneurs y des Gentilshommes, des Officiers ôc des
Soldats qui étoient venus à la T erre Sainte fous leurs
enfeignes. Tous ces Princes y pour retenir auprès
d’eux cette genereufe nobleffe, lui procurèrent dans
leurs Etats des établiffemens confiderables 3 comme
le témoignage ôc la récompenfe de fa valeur ; ôc on
peut dire que ces differentes Principautez fe trouvè¬
rent toutes habitées par une nation de conquerans.
Les auttes Croifez que l’amour de la patrie
avoit rappellés en Europe y étant de retour dans
leur pays y y publièrent leurs conquêtes ? ôc les
merveilles qu’il avoit plu à Dieu d’operer par
leurs armes. On ne peut exprimer la joie des peu¬
ples , ôc quel effet firent fur les efprits de fi gran¬
des nouvelles. De toutes les nations de la Chré-
Toms L G
5o> Histoire dé l’Ordre
Gérard, denté , & indifféremment de toutes proférionsT
il feformoit tous les jours comme de nouvelles bri¬
gades de Pèlerins 5 qui quittoient tout pour avoir
la confolation de voir la fainte Cité délivrée de
la tyrannie des Infidelles. Ils étoient reçus dans la
Maifon de Saint Jean y ôc ils y trouvoient une
lubfiftance certaine Ôc même agréable.
Ce flux & reflux de Pèlerins , ôc qui tous re-
portoient dans leur pays des témoignages de la
charité des Hofpitaliers, leur attirèrent de nou¬
veaux bienfaits de la plupart des Princes d’Occi-
dent ; en forte qu’il n’y avoit prefque point de
Province dans la Chrétienté, où la Maifon de Saint
Jean n’eût de grands biens, & même des établit
femens confiderables.
Bien-tôt par les foins du pieux Gérard , on vit
élever un Temple magnifique fous l’invocation:
de Saint Jean - Baptifte , ôc dans un endroit qui
félon une ancienne tradition avoit fervi de retrai¬
te à Zacharie , pere de ce grand Saint. On con-
ftruifit proche de cette Eglife differens corps de
logis & de vaftes bâtimens x les uns pour l’habi¬
tation des Hofpitaliers , d’autres pour recevoir
les Pèlerins , ou pour retirer les pauvres & les
malades.. Les Hofpitaliers traitoient les uns ôc
les autres avec une égale charité -, ils lavoient
avec joie les pieds des Pèlerins , panfoient les
playes des bleflfez , fervoient les malades , pen¬
dant que de faints Prêtres attachés à cette Mai¬
fon leur adminiftroient les Sacremens de l’Eglife.
Le zele des Hofpitaliers n’étoit pas renfermé
dans la ville ôc dans le territoire de Jerufalem. ^
de Malte, Livré I. 51
le Chef 8c le Supérieur de cette Société n ai flan- Gérard,
te étendoit fes foins jufques dans l’Occident : de
ces biens qu’il tenoit de la libéralité des Princes
chrétiens > il fonda des. Hôpitaux dans les prin¬
cipales Provinces maritimes de l’Europe , 8c ce s
Maifons qui étoient comme des filles de celle de
Jerufalem , 8c qu’on doit regarder comme les
premières Commanderies de cet Ordre, fervoient
à recueillir les Pèlerins qui fe dévouoient pour le
voyage de la Terre Sainte. On y ménageoit leur
embarquement • ils trouvoient des vaifleaux > des
guides 8c des elcortes , en même tems qu’on pre-
noit d’autres (oins pour ceux qui tomboient ma¬
lades , 8c qui ne fe trouvoient pas en état de con¬
tinuer un fi long voyage.
Telles étoient les Maifons de Saint Gilles en
Provence , de Seville dans l’Andaloufie , de Ta-
rente dans la Pouille , de Meflîne en Sicile , 8c
un grand nombre d’autres 5 que le Pape Pafchal
II. prit depuis comme celle de Jerufalem fous la
proteéhon particulière du fiiint Siégé , 8c que fes
îuccefleurs honorèrent de differens privilèges.
Pendant que ce nouvel Ordre ne fe rendoit
pas moins recommandable dans l’Europe que
dans l’Afie ? Godefroi de Bouillon , pour donner
quelque forme à un gouvernement encore tu¬
multueux 8c purement militaire 5 convoqua une
efpece d’Aflemblée des Etats de ce Royaume ,
où il établit de nouvelles loix, dont le recueil ap-
pellé communément les Assises de Jerufalem , fut
figné par ce Prince 3 8c fcellé du feau de fes ar¬
mes : 8c parceque ce recueil avoit été dépoié dans
Gij
jz Histoire de i/Ordre
Gérard. l’Eglife du Saint Sépulchre , on l’appelloit com¬
munément Les Lettres du Saint Sépulchre.
Le Prince, apres des foins fi dignes d’un Souve¬
rain , reprit les armes , & fe rendit maître de Ti¬
bériade , & des autres Villes fituées fur le Lac de
Genefareth , & de la plus grande partie de la.
Galiléedont il donna le Gouvernement à Tan-
crede.
Godefroi auroit conquis toute la Paleftine , fi
une maladie contagieufe n’avoit arrêté le progre's
de fes armes. Il mourut avec les mêmes fenti-
" ~o mens de pieté y qui favoient conduit dans la Ter-
18 de juillet, te Sainte -r ôc par la mort, les Sarazins furent dé¬
faits d’un ennemi redoutable & les Chrétiens
perdirent un genereux défenfeur & un grand ca¬
pitaine.. Il laiffoit deux freres y Euftache & Bau¬
douin • mais comme Faîné étoit repalfé en Euro¬
pe y on appella le cadet qui étoit Comte d’Edef-
îe y pour lui fucceder -, & ce Prince avant que de
fe rendre à Jerufalem, remit cette grande Seigneu¬
rie au Comte du Bourg fon coufin.
Baudouin prit le titre augufte de Roy, que
Godefroi de Bouillon par un efprit de pieté n’a¬
voit pas voulu accepter. Baudouin n’avoit peut-
être pas moins de valeur que fon frere j mais fon
courage n’étoit pas foutenu par une aufli gran¬
de capacité dans la conduite d’une armée , plus
Soldat que Capitaine , d’ailleurs peu fcrupuleux
fur le commerce des femmes ôc le nouveau fuc-
ceffeur de David en eut le principal défaut.
Ce Prince qu’on compte pour le premier des
Rois de Jerufalem x fit la guerre pendant tout
de Malte. Livre I. 53
Ion régné , il la fit avec différais fuccès, fou- Gérard.
vent vainqueur , quelque fois vaincu , mais ja¬
mais rebute de combattre. Après une défaite , il
revenoit le lendemain chercher les Infidèles, ôc
ne laiffoit en repos ni fes foldats , ni fes enne¬
mis *, il affiega & prit Ptolemaide ou Acre , ville
& port fameux.
La ville de Tripoli de Syrie pendant fon régné-—
après un fiege de quatre ans , ouvrit fes portes à 110 u
Jourdain neveu de Raimond y Comte de Toulou-
ze , qui la remit depuis à Bertrand y fils naturel
du Comte. Le Roi de fon côté emporta Sidon 3
Beritte ; & toutes les Places le Ions: de la côte ,
tombèrent fous l’effort de fes armes , à l’exception'
de la feule ville de Tyr qu’il faifoit deffein d’aflie-
ger y lorfqu après un régné de dix-huit ans y une ~lxl g."'
diffenterie caufée par les fatigues de la guerre le
mit au tombeau.
Baudouin du Bourg y ou Baudouin 11. fon cou-
fin , Comte d’Edeffe fut fon fucceffeur à la Cou¬
ronne de Jerufalem , comme il l’avoit été à ce
Comté y dont il fe démit à fon tour en faveur de
Joffelm de Courtenay fon parent. Baudouin, à l’e¬
xemple des deux Princes fes pçédeceffeurs , ne
fongea à conferver la Couronne qu’ils lui avoient
acquile, que par de nouvelles conquêtes. Mais
pendant que ce Prince par fa valeur tenoit les
Infidèles éloignez de cette Capitale de la Judée, _
les Hofpitaliers perdirent le bienheureux Gérard, 111
le pere des pauvres & des pèlerins. Cet homme
vertueux , après être parvenu jufqu’à une extrê¬
me vieilleffe , expira dans les bras de fes freres
G iij
54 Histoire de l’Ordre
prefque fans maladie , & tomba pour ainfi dire
comme un fruit meur pour réternité.
Les Hofpitaliers après fa mort s’alfemblerent
pour lui donner un lucceffeur conformément à
la Bulle du Pape Pafchal II. Les fuffrages ne fu¬
rent point partagez ; tous les vœux fe réunirent
x 11 8. en faveur de Frere Raimond Dupuy, Gentil¬
Raimond homme de la Province de Daufiné, maifon illuftre,
Du p u Y-
& qui depuis tant de fiecles, fubfifte encore aujour¬
d’hui lous le nom de Dupuy Monbrun.
Le bienheureux Gérard en engageant les Hofpi¬
taliers au fervice des pauvres & des pèlerins, s’étoit
contenté pour toute réglé de leur inlpirer des fenti-
Preuve mens de charité & d’humilité. Son Succelfeur crut
VII. y devoir ajouter des Statuts particuliers ; ôc de
l’avis de tout le Chapitre , il les dreffa d’une ma¬
niéré qu’ils ne paroiffent établis que pour procu¬
rer dans cette lainte Maifon une plus lure & plus
étroire obfervance des vœux folemnels de la Re¬
ligion.
Le nouveau Maître des Hofpitaliers fit defiein
d’ajouter à ces Statuts & aux devoirs de l’hofpi-
talité, l’obligation de prendre les armes pour la
défenle des Saints Lieux , & il rélolut de tirer
de fi Maiion un corps militaire & comme une
Croifide perpétuelle , loumile aux ordres des Rois
de Jerufalem , &: qui fît une profeflion particu¬
lière de combattre les Infidèles.
Pour l’intelligence d’un fait fi important à l’Or¬
dre dont nous écrivons l’hiftoire , il faut favoir
que ce qu’on appelloit en ce tems-là le Royau¬
me de Jerufalem, ne confiftoit que dans cette Ca-
I
de Malte. Livre I. 55
pitale , 8c dans quelques autres villes , mais la
Du PU Y-
plupart féparées par des Places encore occupées
par les Infidèles • en forte que les Latins ne pou-
voient palier de l’une à l’autre fans péril ou fans
de greffes efeortes. Le territoire même des villes
chrétiennes étoit encore habité par des paylans
Mahometans regardant les Chrétiens comme
les ennemis de leur religion , les affaffinoient &c
les voloient , quand ils les pouvoient furpren-
dre avec avantage 8c fans être découverts. Les
Latins n’étoient gueres plus en fureté dans les
Bourgs 8c dans les Places qui n’étoient pas fer¬
mées ^ des brigands y entroient de nuit, 8c égor-
geoient les habitans ^ 8c ce qui étoit de plus fa-
cheux 5 c’eft que ce petit Etat, fe voyoit encore
alliegé de tous cotez ^foit par les Turcomans, loit
par les Sarazins d’Egypte r deux puiffances redou¬
tables > qui fans agir de concert , n’avoient ce¬
pendant pour objet que de chaffer les Chrétiens
de la Syrie 8c de la Paleftine. Ainfi les Latins
étoient obligez de foutenir une guerre prefque
continuelle -, 8c quand l’hyver ne permettoit pas
aux armées de tenir la campagne ? differens par¬
tis des Infidèles ne laiffoient pas de pénétrer dans
le pays ; ils portoient le fer 8c le feu de tous co¬
tez 5 maffacroient les hommes 5 8c enlevoient les
femmes 8c les enfans dont ils faifoient des ef-
clav.es.
Le Maître de l’Hôpital touché de ces malheurs >;
8c fe voyant à la tête d’un grand corps d’Hofpi-
taliers 5 forma le plus noble deffein , 8c en même
tems le plus extraordinaire , qui pût entrer dans-
56 Histoire de l’Ordre
Raimond l’efprit d’un Religieux attache' par fa profeffion
Dupuy.
au lervice des pauvres & des malades.
Dieu qui avoit inlpiré à Raimond un fi noble
projet3 lui avoit donné toutes les qualitez con¬
venables pour le faire réuffir 3 une naiflance di-
ftin£uée , des fentimens élevez . des vues éten-
dues & un zele ardent, qui lui faiioit fouhaitter
de pouvoir facrifîer fa vie pour fauver celle d’un
Chrétien.
Il fe reprefentoit à tous momens ce grand nom¬
bre d’habitans de la Paleftine furpris ôc égorgez
par les Infidèles 3 d’autres qui gémiifoient dans
les fers 3 les femmes & les filles expofées à la
brutalité des brigands 3 & les débauches de ces
barbares encore plus infuportables que leurs cruau-
tez 3 enfin les Chrétiens 3 loit pour éviter les tour-
mens, (oit pour fauver leur vie ou leur honneur,
expofés à la tentation de renoncer à Jelus-Chrift.
De fi triftes reflexions 3 & le defir de conferver au
Sauveur du monde des âmes rachetées de fon fang3
agitoient continuellement le Maître de l’Hôpital :
c’étoit le fiijet le plus ordinaire de (es médita¬
tions 3 il coniultoit tous les jours aux pieds des
Autels celui même qui étoit l’auteur de ce pieux
deffein ; enfin preflfé par une vocation particu¬
lière 3 il convoqua le Chapitre 3 & propofa à fes
Confrères de reprendre en qualité de foldats de
Jefus-Chrifl: 3 les armes que la plupart avoient
quittées 3 pour le fervir dans la perfonne des pau¬
vres & dans l’Hôpital de S Jean.
Raimond ne devoit fa place qu a l’éclat de fes
vertus : fes Religieux regardèrent cette propofi-
tmv
de Malte. Livre I. 57
tion comme une nouvelle preuve de fon zele • ôc Raimon»
Dupuy.
quoiqu’elle parût peu compatible avec leur pre¬
mier engagement, ôc les fondions de l’hofpitali—
te, le defir fi louable de défendre les Saints Lieux
les fit paffer par defliis les difficultez qui fe pour-
roient trouver dans l’exercice de deux Profeflions
fi differentes. Les Hofpitaliers, la plupart compa¬
gnons ou loldats de Godefroi de Bouillon , repri¬
rent genereufement les armes avec la permiflion
du Patriarche j mais on convint de ne les em¬
ployer jamais que contre les Infidèles ; & il fut
refolu que y fans abandonner leurs premiers en-
gagemens ôc le foin des pauvres ôc des malades,
line partie de ces Religieux monteroient à che¬
val quand il s’agiroit de s’oppofer aux incurfions
des Infidèles. L’Ordre même fe trouva de's lors
affez riche ôc affez puiffant pour pouvoir dans les
occafions preffantes prendre des troupes à fa fol-
de : ôc ce fut depuis par ce fecours que les Hof¬
pitaliers foutinrent avec tant de courage le Trône
chancelant des Rois de Jerufalem.
On prétend que Raimond ayant amené fes Con¬
frères dans fes vues , fit dés lors trois claffes de
tout le Corps des Hofpitaliers. O11 mit dans la
première , ceux qui par leur naifiance , ôc le rang
qu’ils avoit tenu autrefois dans les armées s étoient
deftinez à porter les armes ; on fit une féconde
claffe des Prêtres Ôc des Chapelains , qui outre
les fondions ordinaires attachées à leur carade-
re , foit dans l’Eglife ou auprès des malades , fe-
roient encore obligez chacun à leur tour de fer-
vir d’Aumôniers à la guerre : ôc à l’égard de ceux
Tome L H
5g Histoire de l’Ordre
Raimond qui n’étoient ni de maifon noble r ni ecclefiafii-'
Dupuy.
ques, on les appelloic Freres servans. Ils eurent
cette qualité des emplois où ils étoient occupez
par les Chevaliers foit auprès des malades , foit
dans les armées ôc ils furent diftinguez dans la
fuite par une cotte d’armes de differente couleur de
celle des Chevaliers. Cependant tous ces Religieux,
ne formoient que le même corps,, ôc participoient
également à la plupart des droits ôc des privilèges
de la Religion , de la maniéré que nous l’expli¬
querons dans un Traité particulier qu’on trouvera
a la fin de cet Ouvrage.
Comme ce nouvel Ordre en peu de te ms s’é-
toit extrêmement multiplié * ôc que la plupart de
la jeune Nobleffe accouroit des differentes con¬
trées de l’Europe pour s’enrôler fous fes Enfei-
gnes , par une nouvelle divifion ôc fuivant le
pays ôc la nation de chaque Chevalier, on les fé-
para en fept Langues , fçavoir , Provence Auver¬
gne , France , Italie , Arragon , Allemagne &
Angleterre. Cette divifion fubfifte encore aujour¬
d’hui de la même manière , à l’exception que dans;
les premiers fiecles de l’Ordre y les Prieurez , les
Bailliages ôc les Commanderies étoient communs
indifféremment à tous les Chevaliers ^ au lieu que
ces dignitez ont été depuis affeélées à chaque
Langue , ôc à chaque Nation particulière : on
ne compte plus la Langue d’Angleterre, depuis
que l’hérefie a infeété ce Royaume. On a ajouté
à la Langue d’Aragon celle de Caftille ôc de Por¬
tugal.
L’Habit régulier çonfiftoit dans une robbe de
de Malte. Livre I. 59
Couleur noire avec un manteau à pointe de la mê¬ Raimond
Dupuy.
me couleur y auquel étoit coufu un capuce poin¬
tu. Cette forte de vêtement fe nommoitManteau
a bec , & avoit lur le côté gauche une Croix de
toile blanche à huit pointes -, habillement quiy
dans ces premiers tems , aufli bien que le nom
d’Hofpitaliers, étoit commun à tous les Religieux
de l’Ordre. . „ .
Mais depuis que ces Hofpitaliers eurent pris les Preuve
armes • comme les perfonnes d’une haute naiflan- VIII.
ce par un fauffe délicateffe avoient de la répu¬
gnance à entrer dans un Ordre où ils étoient con¬
fondus avec les Freres fervans • Alexandre IV. pour
1 1S9'
lever cet obftacle , jugea à propos d’établir une
jufte diftindion entre ces Freres lervans , & les
Chevaliers. Il ordonna qu’à l’avenir il n’y au-
roit que ceux-ci qui pourroient porter dans la
maifon le manteau de couleur noire , &c en cam¬
pagne & à la guerre une Sopravefte , ou cotte
d’armes rouge avec la Croix blanche femblable
à letendart de la Religion, & à fes Armes 3 qui
font de Gueules à la Croix pleine d’argent • de
par un Statut particulier , il fut ordonné de pri¬
ver de l’Habit & de la Croix de la Religion les
Chevaliers qui dans une bataille abandonneroient
leur rang & prendraient la fuite.
Il paroît que la forme du Gouvernement dans
cet Ordre étoit des lors, comme elle l’ell aujour¬
d’hui , purement ariftocratique : l’autorité fuprê-
me étoit renfermée dans le Confeil y dont le Maî¬
tre des Hofpitaliers étoit le Chef ? &c en cette
qualité ôc en cas de partage il y avoit deux voix.
Hij
éo Histoire de lOrdre
Raimond Ce Confeil avoit la direction des grands biem
Dupuy.
que l’Ordre pofledoit tant en Afie qu’en Europe.
Pour les régir il y envoyoit d’anciens Hofpita-
liers fous le titre de Précepteurs, ôc cette
Commiffion ne duroit qu’autant que le Maître
ôc le Confeil le jugeoient à propos -r en forte que
ces Précepteurs n’etoient confîderez en ce tems-
là que comme des économes, ôc de {impies ad-
miniftrateurs d’une portion des biens de l’Ordre y
ôc dont ils étoient comptables à la Chambre du
Trefor.
C’étoit de ces fonds, qu’une fige économie au--
gmentoit tous les jours y qu’on fourniifoit les fe~
cours neceifaires pour l’entretien de la Maifon de
Jerufalem , ôc fur tout pour les frais de la guerre
ôc la paye des foldats féculiers que l’Ordre prit
depuis à fa folde.
Prefque tous ces revenus palfoient de I’Occf-
dent dans la Paleftine • les Freres Précepteurs n’en
refervoient que la moindre partie pour leur fub-
fiftance. Ces véritables Religieux obfervoient dans
ces Obédiences la même aufterité que dans le Cou¬
vent • ils y vivoient même plufieurs enfemble ,
ôc en forme de Communauté. La charité envers
les pauvres ôc les pèlerins éclatoit dans ces mai-
fons particulières , comme dans le Chef-d’Ordre
ôc dans l’Hôpital de Saint Jean. La pureté des
mœurs n’y étoit pas en moindre recommandation
que l’efprit de delapropriation • ôc depuis que l’Or-
eut pris en Orient les armes contre les Sarazins,
ôc contre les Turcomans , les Hofpitaliers qui fe
trouvoient en Occident ôc dans les maifons de
de Malte. Livré I. 61
fOrdre, pour fuivre leur vocation 8c pour rem¬ Düfuy. Ràiu&ur>
plir leurs obligations, fe rendoient tour à tour 8c
félon les ordres qu’ils recevoient du Maître , foit
dans Farinée de la Paleftine , foit dans celles qui
étoient deltinées contre les Maures d’Efpagne , 8c
depuis contre les Albigeois de France. Mais oii
ri en voyoit aucun qui prît parti dans les guerres
qui s’élevoient entre les Princes Chrétiens. Un
Chevalier Hofpitalier n’étoit foldat que de Jefus-
Chrift , 8c quand les interets de la Religion ne
lui failoient pas prendre les armes > on ne le voyoit
occupe que du loin des pauvres 8c des malades :
c’étoit - là l’elprit de cet Ordre , 8c la pratique
uniforme de tous les Holpitaliers.
Raimond Dupuy ayant fait approuver fon def-
fein par le Patriarche de Jerufalem , fon Supérieur
naturel , 8c reçu fa benediétion • à la tête de les
Confrères , tous armés , il alla offrir fes fervices à
Baudouin du Bourg > fécond Roi de Jerufalem.
Ce Prince en fut agréablement furpris , 8c il re¬
garda ce corps de Nobleffe comme un fecours
que le Ciel lui envoyoit.
Il eft bien furprenant quaucun des Hiftoriens
du tems n’ait fait mention de l’année dans la¬
\
quelle ces Holpitaliers prirent les armes , 8c que
ces Ecrivains ayent gardé le même filence au fu~
jet de leurs exploits, ou du moins qu’ils n’en ayent
parlé qu’en palfant y8c très fuperficiellement. Ce¬
pendant nous apprenons d’une Bulle du Pape In¬ Prb^vi IX.
nocent IL en datte de l’an 1130 , qu’on ne par-
loit dans toute l’Europe que des fervices impor-
tans que les Holpitaliers rendoient aux Rois de
H iij
éi Histoire de l’Ordre
RàiMond Jerufalem contre les Infidèles : ce qui fuppofè quil
JDupuy.
y avoit déjà du tems quils et oient armez, 8c on
ne peut néanmoins faire remonter l’époque que
nous cherchons plus haut que l’an 1118, qui fut ce¬
lui de l’établiffement de Raimond Dupuy dans la
dignité de Chef de cette nouvelle milice.
Le Roi de Jerufalem avoit bien befoin de ce fe-
cours : il étoit obligé de défendre contre des en¬
nemis redoutables fon propre Etat , 8c les Com¬
tés d’Edeffe ôc de Tripoli , qui en relevoient ,
fans compter la principauté d’Antioche, que des
interets communs unifîoient avec la Couronne de
Jerufalem ; quoique les Princes d’Antioche pré¬
tendirent en être indépendans.
Le Comté d’Edeffe comprenoit prefque toute la
Méfopotamie , 8c s’étendoit entre l’Euphrate & le
Tigre. Baudouin premier en avoit fait la con¬
quête , 8c apres fon élévation fur le Trône de Je¬
rufalem , il l’avoit remis à Baudouin du Bourg
fon coufin, qui à fon tour, en prenant la Couronne
de Jerufalem , inveftit de fon Comté Joffelin de
Courtenay fon parent. Le Comté de Tripoli com¬
prenoit plufieurs Places fituées le long de la mer
de Phénicie , depuis Maraclée jufqu’au fleuve
* Thamiras. Adonis *, ou commençoit ce qu’on appelloit alors
le Royaume de Jerufalem , qui étendit bientôt
fes frontières jufqu’au defert , qui fepare la Pa-
leftine de l’Egypte. Bertrand , fils de Raimond
Comte de Toulouze, étoit Comte de Tripoli, 8c
Boemond II. Prince d’Antioche, avoit fuccedé au
fameux Boemond fon pere, qui étoit mort dans
la Pouille à fon retour de France , où il y avoit
de Malte. Livre I. 65
époufé la Princelfe Confiance , fille de Philippe
premier > Roi de France.
Boémond lecond 3 forci de ce mariage, avoit
été mis d’abord fous la tutelle du brave Tancrede
fon parent -, mais ce Prince étant mort peu de
tems apres 5 on déféra la Régence à Roger fils de
Richard, de la même Maifon, Prince plein de va¬
leur , mais ambitieux r ôc qui n’ ayant l’autorité
fouveraine qu’en dépôt, laiffoit foupçonner pat
la conduite qu’il alpiroit au titre même de la Prin¬
cipauté.
Tandis que Roger Tuteur du jeune Boemond,
gouvernoit cette grande principauté y Gafi un des
Princes Turcomans , Dol de Kuvin de la même
Nation 3 ôc Roi de Damas > ôc Debeïs chef d’une
puillante Tribu parmi les Arabes Mahométans y
joignirent leurs forces pour chalfer de la Syrie
tous les Chrétiens Latins. Ces Infidelles entrèrent
dans les Etats de la Principauté à la tête d’une
armée redoutable, emportèrent plufieurs petites
Places y mettoient tout à feu ôc à fang dans la cam¬
pagne. Le Regent furpris, envoya aulîitôt en don¬
ner avis au Roi de Jerufalem 3 à Jolfelin de Cour-
tenai y Seigneur d’Edelfe , <Sc à Ponce Comte de
Tripoli y ôc Succelfeur du Comte Bertrand. Tous
ces Princes lui firent fçavoir qu’ils alloient mar¬
cher incelTamment à fon fecours. Roger en les at¬
tendant fe jetta dans la ville d’Antioche avec ce qu’il
avoit de troupes , & fit prendre en même - tems
les armes aux habitans. Les Infidèles qui ne vou-
Ioient pas s’engager dans un fiege y. qu’ils pré-
voyoient devoir être long ôc meurtrier > tâchèrent
64 * Histoire de l’Ordre
Raimond de tirer le Regent hors de fa Place par les ravaf
Du p u y. ges quils faifoient dans la campagne. Et en effet
Roger qui de (on Palais voyoit avec douleur les
Villages embrazés , ne put réfifter à Ton reffen-
timent, de emporte par Ion courage , il fortit.
de la Ville , & contre l’avis de les principaux
Capitaines marcha aux ennemis. Il n’avoit qu’en-
viron lept cens chevaux , & trois mille hom¬
mes de pied -, cependant avec un fi petit nombre
de troupes , & làns daigner faire attention aux
forces des fes ennemis, il oza les attaquer. Les
Turcomans pour entretenir fa confiance plièrent
d’abord , fe bâtirent en retraite , l’attirerent in-
fènfiblement dans une embufeade. Il fe vit bien¬
tôt enveloppé ; une foule de Barbares tombèrent
lur lui de tous cotez. Quelque effort que fit le
Prince chrétien pour s’ouvrir un paffage au tra¬
vers des efeadrons des Infidèles , fes troupes ac¬
cablées par le nombre, furent taillées en pièces, de
la précipitation du Regent lui coûta la vie, & à
#
la plus grande partie de fa petite armée.
Les Infidèles viétorieux, fe flattant de triompher
auffi facilement des troupes que le Roi condui-
foit , fe mirent en marche pour le furprendre.
Ils n’eurent pas de peine à rencontrer un ennemi
qui les cherchoit l’une & l’autre armée fe trouva
en préfence, même plutôt que leurs Chefs ne l’a-
1119. voient cru * il fallut en venir aux mains. Ce fut
la première occafion où les Chevaliers de S. Jean
fignalerent leur zele contre les Infidèles. Le com¬
bat fut long ôç fmglant • on-fe battit de part ôc
d’autre avec cette animofité qui fe rencontre en¬
tre
d e Malte. Livre I. 6;
tre des nations ennemies ôc de differente religion. Raimond
Baudouin , Prince plein de couragerà la tête de fa Dupuy.

Nobleffe y. ôc fuivi par Raimond ôc les Hofpita-


liers fe jette au milieu des plus épais bataillons
des ennemis -, il pouffe , preffe ôc enfonce tout ce
qui lui eft oppofé. Les foldats animez par fon
exemple fuivent le chemin qu’il leur avoit ouvert-,
ils entrent l’épée à la main dans ces bataillons'
ébranlez , ôc malgré toute leur réfiftance les for¬
cent de chercher leur falut dans la. fuite. Quel¬
ques menaces que fiffent les Emirs pour les rallier ,
tout fe débanda 5 ôc le foldat effrayé fît bien voir
que dans une déroute il ne craint que l’ennemi-
ôc la mort. *
Le Roi de Jerufalem victorieux , entra enfuite
dans Antioche - il y régla tout ce qui pouvoit re¬
garder la. défenfe de la Place, ôc le gouvernement
civil: ôc apres y avoir laiffé une forte garnifon ,
il reprit le chemin de Jerufalem où il fut reçu
de fes fujets avec cet applaudiffement qui fuit tou¬
jours une fortune favorable.
Ce Prince ne fongeoit qu’à jouir d’un peu de
repos, comme du plus doux fruit de fa victoire ,
lorfqu’il aprit que Joffelin de Courtenay , Comte
d’Edeffe avoit été furpris dans une embufcade par
Balac, un desplus puiffansEmirs des Turcomans,.
ôc qu’il étoit demeuré prifonnier de ce Prince in¬ i i m

fidèle. Baudouin dans la crainte que l’Emir ne fe


prévalût de la difgrace de Courtenay r pour allie-
ger Edeffe^ partit fur le champ avec ce qu’il avoit
de troupes , marcha à grandes journées vpaffa le
Jourdain s’avança dans le pays. Mais ayant vou-
Tome L L
66 Histoiré de l’Ordre
Raimond lu aller lui - même reconnoître le camp des Infi¬
Dupuy.
dèles , foit qu’il eût été trahi, ou qu’il fe fût trop
découvert, il fe vit tout d’un coup enveloppé par
un parti fuperieur à fon efcorte ôc après l’avoir
vûe taillée en pièces , il fut contraint avec Galle-
ran fon coufin de fe rendre aux ennemis , ôc il
éprouva le même fort que le Prince d’Edeflfe.
On ne peut exprimer la confternation des trou¬
pes de Baudouin en aprenant faxaptivité. Un grand
nombre de foldats , comme fi la guerre eût été fi¬
nie , ou dans le defefpoir de pouvoir réfifter aux
Infidèles y fe débandèrent. Les Hofpitaliers joints
à ce qui reftoit de troupes, ne pouvant tenir la
campagne pour arrêter les progrez des ennemis ,
fe jetterait dans Edeffe ôc dans les autres Places
de ce Comté, qu’ils conferverent à Courtenay.
j i x 3. Le Calife d’Egypte , pour profiter de la dif-
grâce du Roi de Jerufalem, fit entrer un de fes
Généraux dans la Judée du côté d’Afcalon : ce
Général marcha à Jaffa, & il en forma le fiege y
en même-teins qu’une flotte de cette nation blo-
quoit le port de la Place.
Dans une fi fâcheufe conjoncture , il ne pa-
roiflfoit pas que les Latins puffent en même-tems
réfifter aux Turcomans Ôc aux Sarrazins, qui les
attaquoient de differens cotez. Les Sarrazins
avoient formé le fiege de Jaffa par terre Ôc par
mer. Euftache Garnier , Seigneur de Sydon ou
Scyde , ôc de Cefarée , Connétable de la Palefli-
ne, quoique dans un âge très avancé , raflfembla
environ fept mille hommes qui faifoient les prin¬
cipales forces de ce petit Etat, Ôc avec ce qu’il

v
de Malte. Livre I. 67
trouva de Chevaliers dans la Mailon de Jerufa- Rai mon »
Dupuy.
lem, il marcha droit aux ennemis. Il fît une h gran¬
de diligence qu’il les furprit y força leurs lignes, ôc
tailla en pièces ceux qui dans cette déroute ne pu¬
rent regagner leurs vaiffeaux > leur flotte ayant pris
auflitôt le large Ôc la route d’Alexandrie. Le Gene¬
ral chrétien 9 fur des avis qu’il reçut que la garni-
fon d’Afcalon ravageoit la campagne 5 & fans don¬
ner de repos à fes foldats > les mena fur le champ
de ce côté-là. Il trouva une partie des foldats de la
garnifon difperfés , fk attachés au pillage. Le
Connétable à la tête de fes troupes tomba fur ces
pillards qui n’étoient point fur leurs gardes , tua
tous ceux qui voulurent fe rallier, fît un grand
nombre de prifonniers, Ôc il n’échapa que ceux
qui furent affez heureux pour rentrer dans Afca-
lon.
Ces deux victoires furent fuivies depuis d’une
troifîéme , & d’une nouvelle difgrace pour les Sa-
razins. Nous avons dit que leurs vaiffeaux , apres
la défaite de leur armée de terre y avoit mis à la
voile. Ces vaiffeaux en fe retirant tombèrent le
long de la côte d’Afcalon dans une flotte des Vé¬
nitiens y commandée par le noble Henry Mi-
chieli y Duc ou Doge de Venife , qui apres un
combat opiniâtré yen coula à fond une partie y ôc
il fe rendit maître des autres.
Guillaume des Barres , Seigneur de Tiberiade 5
venoit de fucceder dans le commandement de
l’armée de terre au Comte Garnier, mort pen¬
dant cette expédition. Le nouveau Général en¬
voya féliciter le Duc de Venife fur l’heureux fuc~
68 Histoire'de l’Ordre

'Raimond
cés de fes armes , ôc lui propofa une entrevue.
Dupuy- La flotte Vénitienne entra dans le port de Jaffa ,
d’autres difent dans celui d’Acre ou de Ptolemaide.
Le Duc y fut reçu avec tous les honneurs ôc toutes
les marques de reconnoiffance, qui étoient dûs
à une victoire fi importante , on combla fes prin¬
cipaux Officiers de préfens *, la Aorte reçut en abon¬
dance des rafraîchiffemens ôc des vivres , ôc le
Doge , pour fatisfaire à fa dévotion , fe rendit
dans Jerufalem , où il paffa les fêtes de Noël. Le
Patriarche de cette ville , Deflb.arr.es 3 ôc les* princi¬
paux Seigneurs du Pays fe prévalant de cette pieufe
difpofition, propoferent à Miçhieli de vouloir avec
fa flotte bloquer le port de Tyr pendant que l’ar¬
mée de terre affiegeroit cette Place. L’entreprife
étoit grande, ôc de difficile exécution : cependant
Defbarres lui fît goûter l’importance ôc l’utilité de
fon projet.
Mais comme le Vénitien ne fe contentoit pas
d’une gloire fterile , ôc qu’il faifoit monter fort
haut les frais de cette entreprife , il déclara que
fi le fuccés des armes leur étoit favorable, il pré-
tendoit partager cette conquête avec le Roi de
Jerufalem, ôc en avoir la moitié en toute fouve^
raineté. Il n’en demeura pas là , ôc comme il n’i-
gnoroit pas qu’on ne fe pouvoit paffer de fa flotte,
il demanda pour les Vénitiens uneEglife,une rue,
un four banal, des bains, ôc l’exercice particulier
de la Juflice dans Jerufalem, ôc dans toutes les
villes de la dépendance de ce Royaume : c’étoit
en partager en quelque maniéré la Souveraineté.
Mais comme apres tout, il étoit de la derniere
t>e Malte. Livre I. 69
confequence pour les Chrétiens de la Paleftine de Raimone»
Dupuy.
chaffer de Tyr les Infidèles , que pour un fiege
fi important 011 ne fe pouvoit palier d une flotte ;
apreNs plufieurs conférences , on convint que les
Vénitiens auroient un tiers de la Ville ; on leur
pafla même la plupart des autres conditions , tou¬
tes dures & toutes extraordinaires qu’elles êtoient,
ôc on fipia un traité qui eût été honteux , s’il
n’eût été en quelque maniéré néceffaire. Parmi
les noms des Prélats & des principaux Seigneurs
du Royaume qu’on trouve au bas de ce traité , on
n’y voit point celui de Raimond Dupuy , foit qu’il
PrîUVI
fût refté à la défenfe du Comté d’Edeflfe , foit qu’il X.
eût eu de la répugnance à foufcrire à un traité
qui donnoit atteinte à la Souveraineté du RoL
Quoi qu’il en foit 3 ce traité ne fut pas plûtôt li¬
gné que tout fe mit enfuite en mouvement ; la
flotte d’un côté & l’armée de terre de l’autre 3 fe
rendirent devant Tyr 3 & ferrerent la Place de
prés. On ouvrit la tranchée • le fiege fut long &
meurtrier, &c les Hofpitaliers acquirent beaucoup
de gloire dans les differentes attaques ; enfin les
Aflievez
A ,o
preffez en même tems 1par terre &: du
r
f ote du port ; & le voyant lans eiperance de
h .‘cours 3 demandèrent a capituler. On convint
des conditions; le traité fut exécuté de bonne 3odejmiie»
foi de part &c d’autre, aufli-bien que celui qui
avoit été fait avec les Vénitiens ; & de concert
avec leur Duc, on établit depuis dans cette ville
un Archevêque, appellé Guillaume, Anglois de
nation, & Prieur du Saint Sépulchre , qui fut fa-
cré par Guarimond, Patriarche de Jerufalem.
I iij
70 Histoire de l’Ordre
Raimond
Pendant le fiege de Tyr y JofTelin de Courte-
Dupuy. liai y s’étant fauve des priions de Balae >..rentra dans
fes Etats , ralfembla ce qu’il put de troupes r mit
lur pied un petit corps d’armée 5 vint chercher:
ion ennemi, lui donna bataille y 8c le tua de fa?
main. Cette viéloire 8c la mort de l’Emir procu¬
ra la liberté au Roi de Jerufalem. La veuve de
W'dl. Tyr. Balac r foit touchée du mérite de fon prilonnier y
/»* i y C’. z ô •
j

foit dans la crainte qu’il ne lui échapât 8c quelle


ne perdît fa rançon, fit une treve avec lui r mit
à prix fi liberté. Baudouin convint de lui payer
cent mille pièces d’argent, de celles qu’on appelloit
des Mubelms : il en paya comptant une partie , 8c
pour le furplus il donna en orage à cette veuve une
des prinedfes les filles , âgée de cinq ans..
11 i 4
Le retour de ce Prince dans fes Etats y rame¬
na la joie 8c enfuite l’abondance. Baudouin per-
fuadé que le véritable threfor d’un Souverain com
fille dans les richelfes de fes Sujets y fit publier
un Sauf-conduit général pour tous ceux de quel¬
que religion 8c de quelque parti qu’ils fulfent T
qui apporteroient des grains 8c des marchandées
dans fes ports avec un affranchilfement de tous
tributs. Cette liberté y attira des Marchands de'
toutes nations y rétablit le commerce 8c rendit ce
Prince en même tems plus puilfant 8c plus re¬
doutable à fes voifins.
Borfequin 8c DoldeKuvin, ces deux Princes Tur-
comans toujours animez contre les Chrétiens r
recommencèrent, leurs incurfions dans la Princi¬
pauté d’Antioche. Cet Etat quoique fouverain ,
pendant la minorité du jeune Boëmond, étoit lous
de Malte. Livre I. 71
la protection du Roi de Jerulalem. Baudouin aux Raimon»
premières nouvelles qu’il eut de l’entreprife des Dupuv.

Infidèles, fe mit en campagne : il marcha avec


tant de Secret ôc de diligence qu’il furprit les en¬
nemis , força leur camp , & fit un fi grand nom¬
bre de prisonniers , que leur rançon fuffit pour
retirer la princeflè fa fille , qu’il avoit donnée en
otage à la veuve de Balac. De la Syrie il reparti,
dans la Paleftine 5 où il réprima les courfes de
la garnifon d’Afcalon 3 qui étendoit lès contribu¬ r •

tions jufqu’aux portes de Jaffa.


Ce prince ouvrit la campagne luivante par une
nouvelle victoire, qu’il remporta fur DoldeKuvin.
Elle fut fuivie de la prife de Rapha, Place forte
dans le Comté de Tripoli. Les Holpitaliers Sui¬
virent le Roi dans toutes ces expéditions -, mais
perfonne n’y acquit plus de gloire que Foulques ,
Comte d’Anjou , un des plus grands Capitaines
de fon fiecle. Le pèlerinage de Jerufalem fi or¬
dinaire en ce tems-là , l’avoit amené à la Terre
Sainte : il étoit fils de Foulques dit le Recbin , ou
de mauvaife humeur , & de Bertrade de Mon-
fort , depuis femme ou concubine de Philippe
premier , Roi de France.
Foulques dont nous parlons, avoit époufé Erem-
burge, fille unique d’Helie 5 Comte du Maine, dont
il avoit eu deux fils & deux filles. Le Comte ôc la
Comteflè vivoient dans une grande union la mort
les Sépara : la Comteflè mourut, & le Comte péné¬
tré de douleur de fa perte étoit pafle à la Terre
Sainte , où pendant un an il entretint à Ses dé¬
pens cent Chevaliers. Ce Prince à leur tête fe fi-
71 Histoire d e l Ordre
Raimond gnala en differentes occafions contre les Infidèles*
Dupuy.
Le tems ayant produit fon effet ordinaire fur fa dou¬
leur, & le terme qu’il s’étoit prelcrit pour fon pèle¬
rinage, étant expire, l'impatience le prit de retour¬
ner dans fes Etats.. Le Roi Baudouin, qui avoir
été témoin de fa valeur ,, ne le vit dans cette dif-
pofition qu’avec chagrin , & pour le retenir de
1’attach.er plus étroitement à la défenfe de la Terre
Sainte , il lui offrit en mariage la Princeffe Me-
lifende fa fille aînée y avec promeffe de le défi-
gner de de le faire reconnoître pour fon fuccef-
leur : de pour ne lui laiffer aucune inquiétude au
fujet de la Princeffe Alix la fécondé fille , il la*
maria au jeune Boëmond , Prince d’Antioche.
Foulques accepta avec joie la propofition du Roi-
mais les foins qu’il devoit à les enfans , l’oblige-
rent avant que de fe marier de faire un voyage
151JL<?.
en France. Il partit quelque tems après , de laifla,
le Roi & toute fa Cour dans le regret de fon ab-
fence de l’impatience de fon retour, Heureufe-
ment l’éloignement de ce Prince fut en quelque
maniéré compenfé par un nouveau fecours de in-
elperé , qu’un zele pareil à celui des Hofpitaliers-
produifit en faveur des pèlerins de des Chrétiens
de laPaleûine..
i il 8. Hugues de Payens, Geoffroi de Saint Aldemar,.
PkMJVE
XL de fept autres Gentilshommes, , tous François, dont
l’hiftpire n’a point confervé les noms,.touchez des^
périls auxquels les Pèlerins dans leur voyage de
Jerufalem de au retour, étoient expofez , formèrent
entr’eux une petite focieté, pour leur férvir d’ef-
eoxte, de ils alloient les prendre de les reconduire.
enfuitc
de Malte. Livre f. 73
Raimon»
fcnfuite jufqu au delà des défilez des montagnes ôc Dupuy.
des partages les plus dangereux. Ce n’étoit d’abord
qu’une (impie AfTociation de quelques particu¬
liers , ôc qui fans s’afliijettir à aucune régie , ôc
fans avoir pris l’habit de Religieux, alloient au-
devant des Pèlerins, quand ils en étoient requis.
Brompton, Hiftorien prefque contemporain, rap¬
Cbronte. Jean.
porte que de fon tems on prétendoit queces Gen¬ Brompton Hi/l.
tilshommes étoient des éleves des Holpitaliers, qui Ang. Jcrip. p.
i©0s. Boni.
ne fubfiftérent pendant plufieurs années que par 16fl.
leur fecours. Ils s’étoient retirez dans une maifon Voyez. Guiïï.
de Tyr n\%. I.
proche le Temple, ce qui leur fit donner depuis le Z. n. e. u. p.
nom de Templiers, ou de Chevaliers du Temple. 8^r.
Le Roi de Jerufalem ayant fait choix de Hugues Jac. Vitr, e.
64.
de Payens pour l’envoyer à Rome folliciter du fe¬
cours, Ôc s’il le pouvoir, une nouvelle Croifade-, ce
pieux Gentilhomme apre's s’être acquitté digne¬
ment de fa commirtîon auprès du Pape Honoré 11.
qui étoit alors fur la Chaire de Saint Pierre,
lui prefenta fes Compagnons, l’entretint de leur
zélé pour la fureté des Pèlerins, ôc lui demanda la
permirtion d’en faire, à l’exemple des Hofpitaliers,
un Ordre Religieux ôc Militaire.
Le Souverain Pontife les renvoya aux Peres du
Concile qui étoit alors aflemblé à Troyes en Cham¬
pagne. Hugues ôc fes Compagnons s’y rendirent,
ôc celui qui portoit la parole, expofa dans cette
fainte Affemblée leur vocation ôc le projet qu’ils
avoient formé de prendre l’Habit Religieux, ôc
de fonder un Ordre Militaire, qui fe dévouât à
la défenfe de la Terre Sainte , ôc des Pèlerins qui
en entreprenoient le voyage. Les Peres approuvé-
Tome I. K
74 -Histoire de lOrôrs
Raimonû rent une fi fainte entreprife, ôc remirent à Saint
Dupuy. *■
Bernard qui fe trouva à ce Concile, le foin de
prefcrire une régie &: une forme d’Habit régulier
à cet Ordre naiffant. Nous avons encore cette
régie, ou du moins un extrait , dans lequel, en¬
tre autres articles, Saint Bernard leur prefcrit pour
Prières ôc pour Offices de réciter chaque jour cer¬
tain nombre de Pater : ce qui pouvoir faire préfumer
que ces Guerriers en ce tems-là ne fçavoient pas
lire. Un autre Statut porte que chaque femaine ils
ne mangeroient de la viande que trois jours, mais
que dans les jours d’abftinence on pourroit leur fer-
Solum au-
tem Armi-
vir jufqu a trois plats. Le faint Abbé par raport au
gcrum fin- Service Militaire, déclara que chaque Templier
ITLlllS Milid-
bus eâdem pourroit avoir un Ecuyer ou Frere fervant d’Ar~
caufâconce*
«ümus. mes, ôc trois chevaux de monture. Mais il inter¬
dit dans leurs équipages toute dorure,. ôc les or-
nemens fuperflus : il ordonna que leur Habit fe-
roit de couleur blanche , ôc pour marque de leur
profeffion, le Pape Eugene III. y ajouta depuis:
une croix rouge à fendroit du cœur.
Hugues ôc fes Compagnons ayant obtenu du
Concile l’approbation de leur Inftitut ôc de cette
régie, retournèrent à Rome pour faire confirmer
112-8. l’un ôc l’autre par le Pape - ôc l’ayant obtenu du
Saint Pere, ils fe difpoférent à retourner en Orient.-
Ma is avant leur départ,, une foule de Gentilshom¬
mes des meilleures Maifons de France, d’Allema¬
gne ôc d’Italie, fe prélentérent pour entrer dans
leur Ordre. Hugues, qui en étoit le Chef, leur
donna l’Habit Religieux, qu’il avoit pris lui-mê¬
me , ôc avec cette floriffante Jeuneffe, il arriva dans
la Paleftine.. Cette nouvelle Milice s’acrut confi-
de Malte. Livre l. 75
clérablement en peu de tems^ des Princes de Mai- Raimonû
fon fouveraine, des Seigneurs des plus illuftres Fa¬ Dupuv.

milles de la Chrétienté voulurent combattre fous


l’habit 8c l’enfeigne des Templiers. Par une mau-
vaife délicatefle, 8c qui n’abandonne guéres les
Grands jufques dans leur dévotion , on préferoit
fouvent cette profeflîon uniquement militaire aux
fervices pénibles 8c humilians que les Hofpitaliers,
quoique Soldats, rendoient aux pauvres 8c aux
malades. Ces Princes 8c ces Seigneurs , en entrant
dans l’Ordre des Templiers, y aportérent des ri-
chefles immenfes : au bruit même de leurs ex¬
ploits , on leur fit de magnifiques donations, 8c
Brompton dont nous venons de parler, ajoute que
cette Société naiflante, 8c cette Fille de la Maiion
de Saint Jean, devint en peu de tems fi riche &
fi puiflante, que la fille, dit-il, faifoit ombre à fa
mere, 8c fembloit la vouloir obfcurcir. * Quoi qu’il
en foit de ce qu avance cet ancien Hiftorien, il
faut convenir que l’un 8c l’autre Ordre furent les
plus fermes apuis de Jerufalem-, que Baudouin 8c
les Rois fes fucceffeurs, comme nous le verrons
dans la fuite, n’entreprirent rien de confidérable
fans le fecours de leurs armes ^ que les Chefs mê¬
me de cet Ordre eurent fouvent beaucoup de part
dans le Gouvernement, en forte que c’eft en quel¬
que maniéré écrire l’hiftoire de ces deux Ordres,
que de raporter les différens événemens de cette
Monarchie.
* Hi namque3fecundùm quofdam, ex infimis Hofpitaliorum congregati,
& ex reliquiis eorum, ex cibis &c armis fuftentati, ad tantam rerum opulen-
uam devenerunt, ut filia ditara matrem fuffocare & fupergredi videretur.
Cbr»(ùeon loan. Brompttn hijl, Anglic, feript. pag, ioo^. Edit, Lond. i6$ï.

Kij
76 Histoire de l’Ordre
Ràimonq Le Roi, au défaut d une Croifade qu’il avdif
Dvpuy.
demandée, voyoit avec plaifir arriver tous les jours
de l’Europe comme des recrues de Noblefie, qui
venoient prendre parti dans lune bu l’autre Com¬
pagnie y mais rien ne lui caufa plus de joie que
le retour du Comte d’Anjou, qui après avoir don¬
né ordre à l’établiflement de les enfans, êc réglé
leurs partages, revint en Orient à la tête d’un
grand nombre de Gentilshommes fes Vaffaux,
époufi la Princeffe Melifende fille aînée du Roi ,5
& fut reconnu conjointement avec elle pour hé¬
ritier préfomptif de la Couronne..
Pendant que la Cour n’étoit occupée que de*
fêtes & de plaifirs, le Roi apprit avec beaucoup
de furprife & de douleur que le jeune Boëmond
fou autre gendre avoit été tué dans un combat
contre les Infidèles, & qu’il étoit à craindre que
la capitale de la Principautédeftituée de fon- Sou¬
verain , ne fût aflîegée par ces Barbares. Boë¬
mond n’avoit laiffé de fon mariage avec Alix,,
qu’une Princeffe ,:apellée Confiance, encore à lai-
mamelle.
Le Roi fon ayeul partit en diligence pour pren¬
dre la regence de fes Etats j-, mais en arrivant à An¬
tioche, il fut bien furpris d’en trouver les portes'
fermées, & fur tout d’aprendre que c’étoit par or¬
dre de la Princeffe douairière fa fille. Cette Prin-
ceffe fiere &ambitieufe;d’ailleurschagrine & jalou-
fe que le Roi fon pere eût difpofé en faveur de fa
fœur feule de la Couronne de Jerufalem, fans lui
en faire part • vouloit établir fon autorité dans la
Yjlle d’Antioche,,en qualité de mere & de tutrice
" uA
èE Malte. Livre I. 77
de fa jeune Confiance, & peut-être s’emparer de Raimok D
cet Etat, pour fe remarier dans la fuite plus avan- PüPUY*
tageufement pour elle , 6c au préjudice de fa fille.
Mais les Habitans les plus fenfez connoiffant le
befoin qu’ils avoient du fecours du Roi contre lés
entreprifes continuelles des Turcomans, à l’infçû
de la PrincefTe Douairière, introduifirent de nuit
le Roi fon pere dans la Place. Baudouin y fit re-
connoîtrc fon autorité, mit dans la Place un Gou¬
verneur, de la fidelité duquel il étoit bien affûté; 11 ? I-r

obligea la Princeffe Douairière, quoique fa fille,


de fortir de la Place 6c de fe retirer à Laodicée,
qui lui avoit été afïignée pour fon douaire ; 6c apres
avoir établi un bon ordre dans toute la Principauté,
il s’en retourna dans fes Etats.
Il ne fut pas plutôt arrivé à Jerufalem, qu’il fut
furpris d’une maladie violente, caufée apparem¬
ment par le chagrin que lui avoient donné les def
feins ambitieux de fa fille ; 6c comme il ne put igno¬
rer que fa fin étoit proche, il reconnut de nouveau
le Comte d’Anjou , 6c la Princeffe Melifende fa
fille aînée, pour fes fucceffeurs à la Couronne de
Jerufalem. Il leur recommanda les interefts de la
jeune Confiance, &: la confervation de fa Princi¬
pauté, qui du côté de la Syrie fervôit de boule¬
vard au Royaume de Jerufalem. Ce Prince empira
peu de temps après, & la douleur fincere 6c les lar¬
mes de fes Sujets firent connoître combien il en
étoit aimé, 6c la grandeur de lapert'e qu’ils venoient
défaire.
Le Comte 6c la Comteffe d’Anjou furent couron¬
nez folemnellement,& ils reçurent enfuite desLet--
78 Histoire de l’Ordre

Raimond très du Pape Innocent 11. qui après les avoir féli¬
Dupuy. citez fur leur avenement à la Couronne, les ex-
hortoit dans les termes les plus touchans à veiller
à la défenfe de la Terre-Sainte, ôc à la Confervation
dun Etat qui interreffoit toute la Chrétienté. Ce
Saint Pontife, qui n’ignoroit pas que les Holpita-
liers étoient le plus ferme appui du Trône de Jeru-
falem, avoit publié peu de temps auparavant une
Bulle en forme de Conflitution, adreffiée aux Ar¬
chevêques, Evêques, ôc à tous les Prélats de l’E-
glife univerfelle, dans laquelle, entre autres articles,
après avoir exalté la charité que les Hofpitaliers
exerçoient à leurs dépens en faveur des Pèlerins ôc
des malades, il paffie aux fervices importans qu’ils
rendoient à la Chrétienté les armes à la main : » Cè
» font les Hofpitaliers, dit ce Pape, qui ne font point
»> de difficulté d’expofer tous les jours leurs vies pour
» défendre celles de leurs freres, qui font les plus
fermes foutiens de l’Eglife Chrétienne en Orient,
« ôc qui combattent tous les jours avec tant de cou-
«rage contre les Infidèles. Mais comme leurs facul-
« tez ne fuffifent pas pour foutenir une guerre prefl
» que continuelle, nous vous exhortons de les fe-
» courir de votre {uperflu, & de les recommander
« à la charité des peuples qui font commis à votre
« vigilance Paftorale. Du furplus, nous vous décla-
« rons que nous avons pris la Maifon hofpitaliere
» de Saint Jean, ôc tout l’Ordre fous la protection de
faint Pierre ôc la nôtre.
Mais cette protection ôc les Privilèges parti*
culiers que ce Pape ôc fes prédeceffeurs avoient
accordez aux Hofpitaliers, excitèrent depuis la ja-
de Malte. Livre I. 79
loufie & les plaintes de la plupart des Evêques de
Ra 1M9WB»
la Palefline, qui ne pouvoient fouffrir que le faint Dwpuv.
Siégé eue exempté ces Religieux de leur jurifdû
étion, ôc que les Papes euffent déclaré qu’ils étoient
les feuls Evêques immédiats de tout l’Ordre. Nous
aurons lieu dans la fuite de parler de ces différends,,
qui firent tant d éclat à la Cour de Rome Ôc dan*
toute l’Eglife.
A peine le Roi Baudouin avoit les yeux fermer,
qu’il fe forma dans Antioche , contre les droits de
WM. Tyr.
la Princeffe mineure,, deux differentes confpira- A 14. ch. <b
tions, ôc qui penferent allumer une guerre civile
entre les Princes Latins de l’Orient. La Douairière
d’Antioche, femblable à la plupart des Souverains
qui ne croyent point apparemment avoir deparens,
ôc aufïi mauvaife mere quelle avoit été fille in¬
grate ,. ne vit pas plutôt le Roi fon pere dans le
tombeau, quelle ne fongea plus,au préjudice de
fa propre fille, qu’à fe rendre maîtreffe de la Prin¬
cipauté. Ponce, Comte de Tripoli, ôc le jeune
Courtenai, qui venoit de fucceder au Comte
Joflelin fon pere, entrèrent fecretement dans fes
interets ^ ôc plufieurs habitans d’Antioche s’enga¬
gèrent d’introduire dans la Ville les troupes de ccs
deux Princes.
A l’infçû de ce premier parti, il s’étoit formé
arïe‘autre cabale, ôc qui n’étoit pas moins dan-
gereufe. Roger, Duc, ôc depuis Roi de Sicile, cou-
fin de la petite Princeffe , ôc de la même Maifon,
foit qu’il prétendît que la Principauté d’Antioche
étoit un Fief mafeulin , ou qu a l’exemple des
Princes ambitieux, il crûtjufles ôc permis tous les
moyens qui conduifoient au Trône, entreprit de
8o Histoire de l’Ordre
Raimond dépouiller la PrincefTe mineure. Il avoir fes par-
Dupuy. tifans dans la Ville ; & ces differens dedans fe con-
duifoient avec beaucoup d’artifice ôc de feçret.
Mais il y eut des habitans qui n entroient ni dans
l’un ni dans l’autre parti, qui découvrirent cette
double conjuration : ils en donnèrent aufli-tôt avis
au Gouverneur, que le Roi Baudouin y avoit mis
avant fa mort. Ce Commandant, quoique foutenu
de la garnifon, ne fe trouvoit pas affez fort contre
le nombre prodigieux d’habitans d’une auflî gran-
de Ville j ainfi il dépêche couriers fur couriers au
Roi de Jerufalem, pour le conjurer de fe rendre
inceffamment à Antioche, s’il vouloit en confer-
ver la Principauté à l’heritiere.
Foulques ayant reçu de fi facheufes nouvelles,
partit fur le champ avec ce qu’il put trouver de
Chevaliers en état de le fuivre, & il étoit accom¬
pagné d’Anfelin de Brie, &defrere Joubert Hof-
pitalier, qui partageoient fa faveur, 8c qu’il avoir
admis dans la confiance la plus intime. Pour fe
rendre par terre à, Antioche, il falloit que le Roi
de Jerufalem pafsât fur les terres du Comte de Tri¬
poli fon Vaffal j mais ce Comte 8c celui d’Edeffe
à la tête de leurs Troupes s’oppoferent à fon paf-
fage. Le Roi voyant une félonie aufli déclarée,
jugea bien qu’il y avoit un grand parti formé
contre fa nièce, 8c que le falut de cette jeune
PrincefTe confiftofi à prévenir les Princes, 8c à en¬
trer le premier dans Antioche. Mais comme il
n’avoitpas avec lui affez de troupes pour s’ouvrir
le paffage l’épée à la main , il feignit de ceder à la
force j .il retourna tout court fur fes pas : 8c pour
éblouir
de Malte. Livre I. 81
éblouir les eipions, il fit même reprendre à fon ef-
corte la route de Jerufalem, comme s’il eût été7au Dupüÿ.

milieu de ce corps de Cavalerie. Mais il s’en dé-


tacha enfuite, &: la nuit , accompagné feulement
de fes deux favoris, il gagna le bord de la mer, fe
jetta dans une barque, 8c arriva à l’embouchure
du fleuve Oronte, 8c au Port de Saint Simeon, qui
n’eft qua cinq lieues d’Antioche, d’où il fe rendit
fecretement aux portes de cette Ville, 8c il y fut
introduit par le Gouverneur, 8c par fes partifans.
Ce Prince plein de hauteur 8c de courage, y eut
bientôt fait reconnaître fon autorité, fa prefence
8c fa fermeté effrayèrent les conjurez - il fit arrêter
les plus mutins, 8c pour prévenir de pareilles en-
treprifes, il refolut, de concert avec le Patriarche
& les plus confiderables Seigneurs de la Princi¬
pauté, de marier inceffamment la jeune Princcffe,,
quoiqu’elle ne fût pas encore nubile,&: de lui choifir
pour mari un Prince qui lui fervît de tuteur 8c de
pere, 8c qui fût capable de défendre fes Etats.
La dot de la PrincefFe d’Antioche étoit trop bril¬
lante pour craindre quelle manquât de mari • mais
la fituation de fes Etats environnez de tous cotez
par les Infidèles , demandoit un Prince habile 8c
plein de valeur, qui fçût retenir les mutins dans
leur devoir, 8c en même tems s’oppoferaux incur¬
sions continuelles des Infidèles-.
Le Roi de Jerufalem jetta les yeux fur Raimond
frere de Guillaume dernier Comte de Poitiers
d’Auvergne, 8c Duc d’Aquitaine, Prince rempli de
courage, 8c qui en avoir donné des preuves écla¬
tantes dans toutes lés guerres où il s’étoit trouvé..
Terne L L
Histoire de lOrdre
Raimond
Il y avoir eu entr’eux, pendant que Foulques étoit
Dupuy. en Europe, differens fujets d’animofité -, mais le Roi
facrifia genereufement fon reffentiment aux inte¬
rets de la nièce, 8c la valeur 8c le mérité du Comte
lui fit aifément oublier d’anciens demêlez.
Le Patriarche & les Seigneurs les plus confide-
rables de la Principauté ayant approuvé les vues
du Roi, ce Prince fit choix pour cette négocia¬
tion de l’Hofpitalier Joubert.il en étoit très-capable
par la fageffe de fa conduite, qui depuis l’éleva à
la première dignité de fon Ordre. Cet Hofpitalier
s’embarqua aufli-tôt, palfa en France & de là à
Londres, &à la Cour d’Henri premier Roi d’Angle¬
terre, où il aprit que le Comte de Poitiers qui étoit
fon parent,s étoit retiré.L’Ambaffadeur vit le Com¬
te, 8c tant par des motifs de religion, que par l’im¬
portance de l’établilfement qu’il lui propofoit, il
le détermina à paffer en Syrie. Le Prince 8c
l’Ambaffadeur fortirent de cette Ifle , arrivè¬
rent en France, 8c ferendirent enfuite en Proven¬
ce pour s’y embarquer. Le fuccès de cette grande
affaire dépendoit du fecret, 8c de prévenir un puif
fant armement que Roger Duc de Calabre 8c de¬
puis Roi de Sicile, pour foutenir fes partifans, vou-
loit envoyer en Syrie. Malheureufement pour le
Comte &pour l’Ambaffadeur, il ne fe trouva point
dans les ports de Provence de vaiffeaux qui fiffent
voile en Orient, 8c ils aprirent avec chagrin qu’ils
ne pourroient s’embarquer que fur la flotte même
de Roger. Quelque précaution que l’Ambaffadeur
eut prife pour cacher fa commiflion 8c fes deffeins,
ce Duc averti que le Comte 8c l’Ambaffadeur cher-
de Malte. Livre L 83
choient à pafler en Orient, avoit donné ordre, s’ils Raimond
Dupuy.
fe trouvoient dans fes portsde les arrêter. Ses
efpions répandus de tous cotez examinoient avec
foin tous ceux qui fe préfentoient en qualité depaf-
fagers : cependant l’Hofpitalier trompa leur vigi¬
lance y & s’étant deguifé lui-même r & ayant fait
déguifer le Comte, ils le feparerent, palferent en
Calabre y & furent reçûs en qualité de Marchands
dans deux differens navires qui alloient mettre à
la voile y & ce furent les vaifTeaux même de Roger,
qui conduifirent le Comte ôc l’Ambalïàdeur dans
fe port le plus voifin de la ville d’Antioche. Le Pa¬
triarche en prefence duRoi maria peu de jours apres
ce Comte avec la jeune Princeffe,, & dans une ail
fomblée générale des Etats ,, le Comte fut reconnu
folemnellement pour Prince d’Antioche , ôc les
Grands de l’Etat lui prêtèrent le forment ordi¬
naire de fidélités
Mais pendant que Foulcjues ne paroiffoit occu¬
pé que du foin d’affermir l’autorité du Comte, les
frontières de fon Royaume furent ravagées par
differentes courfes des Arabes &; desSarrafins d’Af
calon. Cette Ville,. à l’égard des Sarrafins d’Egypte, 1132

étoit comme la clef de la Paleftine : les Califes n’y


avoient oublié aucune des fortifications dont l’u-
fage étoit connu en ce tems-la, &: outre une gar¬
ni fon nombreufo qu’ils y entretenoient, & qu’on
changeoit tous les trois mois^ces Princes,pour inte-
reffer les habitans à la défenfo de cette Place, leur
donnoient à tous une folde particulière , qu’on
payoit même à tous lesenfans mâles, fi-tôt qu’ils
étoient nez , en forte que tout étoit foldat dans
84 Histoire de l’Ordre
R AlMONn Afcalon^ ôc on n’y connoiffoitgueres d’autre profefi
Dupuy.
fion.C etoit même à l’égard des Sarrafins d’Egypte,
l’Ecole où les jeunes gens venoient aprendre le mê-
tier de la guerre ; on les voyoit tous les jours en
parti, ôc fe mettre en embufcade pour furprendre
les habitans de la campagne, ôc même les Pèlerins
d’Occident, qui du port de Jaffa, où ils avoient dé¬
barqué , prenoient le chemin de Jerufalem.
La Reine Melifende à qui le Roi en fon abfence
avoit laiffé la régence de l’Etat, tint à ce fujet plu-
fieurs confeils , Bc après differens moyens qu’on
propofa pour réprimer les courfes^des Infidèles,
on n’en trouva point de plus convenable que de
relever les murs de l’ancienne ville de Berfabée.
Cette Place qui étoit anciennement de la Tribu
de Simeon, n’eft éloignée que de deux lieues des
montagnes de Seïr, qui féparent la Terre de Pro-
million de l’Arabie Petrée, ôc elle fe trouve àfix
lieues d’Afcalon. On reTolut, après l’avoir forti¬
fiée, d’y entretenir eu tout tems un corps de Trou¬
pes capables de s’oppofer aux courfes des Arabes,
ôc aux Partis qui iortoient fouvent d’Afcalon. La
De com-
muni confî- Reine fit travailler à cet ouvrage avec beaucoup
lio traditur
fratribusdo- de diligence ; ôc quand il fut hors d’infulte, cette
mûs Hofpi- Princeffe en confia la défenfe aux Hofpitaliers,
pitalis quæ
eft Hierofo- qui y mirent une forte Garnifon tirée de leur
lymis, qui
ufque in Ordre: ôc ces Soldats Religieux, pleins de ce pre¬
præfens dé¬
bita cuito-
mier efprit de leur inftitut, en firent une Place
dierunt di- d’Armes, ôc en même-tems un azile pour tous les
ligentiâ.
Willel. Tyr. Chrétiens de ce Canton.
I. 14 c. 11,
Ces Chevaliers ôc les Templiers féparez par
Brigades, ne partoient point des frontières, ôc
de Malte. Livre I. 85
Raimon®
faifoieilt face de tous cotez contre les entrepri- Dupuy.
fes des Infidèles. Ce petit Royaume étoit pour
ainfi dire bloque ôc afliegé foit par differens Prin¬
ces Turcomans, loit par les Arabes du DeTert,
ou par les Sarafins d’Egypte. Le zélé de ces Che¬
valiers , leur valeur, ôc le bruit de leurs exploits
les rendoient aufli chers à tous les Chrétiens, qu’ils
étoient redoutables aux Barbares , dans un fiecle
furtout ou il fembloit que le falut des hommes
fût attaché à la confervation de la Terre Sainte.
Tout ce qui s’y paffoit attiroit l’attention des Pa¬
pes, des Princes ôc des peuples même les plus éloi¬
gnez. C’étoit l’affaire des particuliers comme celle
Souverains • on ne connoilfoit rien de plus méri¬
toire pour obtenir le pardon de fes péchez, que
de contribuer à la défenfe des Saints Lieux : il ne
fe faifoit guéres de Teftamens, où il n’y eût un arti¬
cle en faveur des Ordres Militaires j plufieurs Prin¬
ces vouioient même être enfevelis dans l’Habit
de P un ou de l’autre, ôc dans le fiecle dont nous
parlons, cette forte de dévotion fut pouffée fi loin,
qu’on vit des Souverains s’enrôler dans cette fain-
te Milice, quitter le gouvernement de leurs Etats,
ôc d’autres par une difpofition dont il n’y avoit
point d’exemple, en deftiner après leur mort la
îouveraineté même aux Hofpitaliers ôc aux Tem¬
pliers.
C’eftainfi que Raimond Berenger, Comte de
Barcelone ôc de Provence, quoique déjà avancé
en âge , entra dans l’ordre des Templiers, ôc fes
infirmitez ne lui ayant pas permis de fe rendre
dans le Chef-d’ordre, ôc dans la Maifon de Jeru-
Liij
86 Histoire de l’Ordre
Raimond falem , il y envoya des fommes confidérables pour
Dupuy.
foutenir la Guerre contre les Infidèles ,. ôc on vit
ce Souverain en quitter les marques ôc l'autorité,,
ôc s’enfevelir à Barcelone dans la Maifon du Tem¬
ple, où il mourut dans l'exercice continuel de fa
nouvelle profeflïom
Alphonfe premier Roi de Navarre, d’Arragon,,
Preuve
XII. ôc qui prenoit le titre d’Empereur des Elpagnes ,,
porta encore plus loin fon zélé & fa dévotion. Ce
Prince un des plus grands Capitaines de fon fiecle,,
€irom. Zu-
ôc qui dans les Guerres qu’il avoit foutenues con¬
ritct t.i.l. r. tre les Maures ,. étoit forti victorieux dans vingt-
!./(?/. 45,
«W. 4. neuf Batailles, fe voyant vieux ôc fans enfans, dé¬
{■Aariana, l.
clara par un Teftament folemnel fait en 1131, les>
îo c. ij. />.
Hofpitaliers de S. Jean, les Templiers ôc les Cha¬
noines ou Chevaliers du Saint Sépulchre les héri¬
tiers ôc fes fucceffeurs aux Couronnes de Navarre
ôc d’Arragon y Ôc il en difpofa en faveur de ces:
fameux Guerriers pour les engager à foutenir fes*
deflèins contre les Sarafins ôc les Maures d’Ef-
pagne -y il renouvelk ce Teftament peu de jours
avant (a mort, Ôc la plupart des Grands de fes
deux Royaumes y par complaifance pour leur.'
Souverain ,, y foufcrivirent.
Alphonfe, qui n'avoit jamais connu de péril,»
ayant depuis attaqué les Infidèles proche de Fraga.
II^.
ip dejuillet
avec des forces beaucoup inferieures à celles des
ennemis, fuccomba fous le grand nombre -, Ion Ar¬
mée fut taillée en pièces^ il périt lui-même dans
le combat, ôc on ne put après la bataille trouver fom
corps, (oit que les Maures l’euffent enterré, ou
qu'il fut tellement défiguré par fes bleffures, qu'on;
de Malte. Livre I. 87
neut pu le reconnoître. Le peuple qui l’idolatroit, Raimon»
Dupuy.
ôc toujours avide de certain merveilleux, foutint
long-tems qu’il n’avoit pas péri dans cette bataille;
mais que ce Prince accablé de honte ôc de dou¬
leur d’avoir été la caufe de la perte de tant de
Chrétiens qui y avoient été tuez , étoit allé
déguifé en pèlerinage à Jerufalem, Ôc qu’on le
verroit revenir ôc reprendre les rênes du gou¬
vernement, quand par cette pénitence il auroit
expié la faute qu’un excès de courage lui avoit
fait commettre.
Mais les Grands des deux Royaumes ne fe laif-
férent pas éblouir par cette illufion, Ôc pour pré¬
venir les prétentions des Ordres Militaires, ils ne
fongérent qu’à fe donner promptement un nou¬
veau Souverain. Il fe tint pour cela differentes
Affemblées entre les Navarrois ôc les Arragon-
nois, fans que les Seigneurs ôc les Députez des
deux Nations puffent convenir du Prince qui
de voit remplir le Trône du Grand Alphonfe :
chacun vouloit faire tomber les fuffrages fur un
Prince de fa Nation. Cette concurrence Ôc la
jaloufie fi naturelle entre des Peuples voifins ,
rompit l’union qui fubfiftoit depuis près de foi-
xanteans entre ces deux Royaumes; on fe fépara,
les Navarrois élurent pour leur Souverain Dom
Ramire Prince du fang de leurs anciens Rois ;
ôc les Arra^onnois de leur côté déférèrent leur
Couronne à un autre Prince , aulfi apellé Ra¬
mire frere du Grand Alphonfe , quoique ce Prin¬
ce fût Prêtre, &: que depuis plus de quarante ans
il eût fait profeilion de la vie Monaftique dans
88 Histoire d e l’Ordrê
Raimond l’Abbaye de Saint Pons de Thomiers en Langue¬
Dupuy.
doc , qu’il eut été depuis Abbé de Sahagun, 8z
même élu fucceflivement Evêque de Burgos, de
Pampelune & de Barbaftro.
Ce Prince ayant obtenu d’Anaclet, d’autres di-
fent d’innocent IL difpenfe de fes vœux, époufa
Agnez fœur de Guillaume Comte de Poitiers, &r
de Raimond, Comte d’Antioche. lien eut une fille
appellée Pétronille, &la Reine mere de cette jeu¬
ne Princefieétant morte peu après, ce Roi Moine,.
Prêtre Ôc marié, * qui ne fe (entoit aucunes de ces
grandes qualitez fi néceflàires fur le Trône, Ôc
peut-être par un jufte remords de confidence, re-
lolut de retourner dans fon Couvent. Il convint
avec Raimond Berenger Comte de Barcelonne, Ôc
fils du Templier dont nous venons de parler, qu’ri
épouferoit la fille quand elle feroit dans un âge
plus avancé, & en confequence de ce Traité il lui
remit dès ce temps-là le gouvernement de l’Etat
dont Raimond Berenger fe chargea fous le titre de
Prince d’Arragon.
La nouvelle du choix de ces deux Nations
fait au préjudice du teftament d’Alphonfe , étant:
palfée dans la Paleltine,f le Patriarche** de Jeru-
lalem Supérieur des Chanoines du Saint Sépulchre-,,
& les Maîtres des deux Ordres Militaires tinrent
differens Confeils avec les principaux de chaque
* Romani Pontifîcis venia ( fie credimus )' ut Rex, conjux & Sacerdos
idem effet: impetratum : Agnes Guillelmi Pidavorum.&: Aquitanicæ Prin-
eipis connubio Jurda. Mariant l. io. c. jy. p. 511.
Patriarchalis fiquidem Ecdefïa quar eft Dominiei fepulchri fdb
Monte Calvariæ Canonicos-habet Regulares fecundiim habitum &regu-
làm Sandi Auguftini viventes jhabent autem Prioremadquemcum præ-
didis Canonicis pertinet-eligere Patriardiam, qui eft eis loco Abbatis»
jaetb. Vùïi. Htfi. Hierofol. c. j8 io^S.
Maifom
de Malte. Livre I. 89 Raimo
Maifon,au fujec de cette grande affaire , ôc on dupuy?N*
réfolut d’envoyer des Députez enEfpagne , pour
demander l’execution du Teftament du Roi dé-
font, ou du moins pour traiter de fa fuccelïion
d’une maniéré convenable aux interets des léga¬
taires^
Raimond Dupuy fut chargé de cette négocia¬
tion ; il l’accepta volontiers, ôc il partit accom¬
pagné de quelques anciens Hofpitaliers dont le
Confeil de l’Ordre avoir fait choix. Guillaume
Patriarche de Jerufalem ôc les Templiers nom¬
mèrent de leur côté des Députez : ils arrivèrent
tous heureufement en Elpagne, mais ils trouvè¬
rent des difficultez infurmontables dans la pour-
fuite d’une affaire fi délicate.
Les Navarrois ôc les Arragonnois au préjudice
du Teftament du Roi Alphonfe, s’étoient déjà
choifis de nouveaux Souverains. Ces Princes
étoient en poffeflion du Trône, quand les Dépu¬
tez de la Terre Sainte arrivèrent en Efpagne, ôc
il n’y avoir pas beaucoup d’aparence qu’ils en défi
cendiftènt volontairement pour faire place à des
Etrangers. On ne laiffa pas d’entrer d’abord dans
quelques négociations : mais comme de pareilles
prétentions deftituées de forces font ordinaire¬
ment peu confiderées, on fe contenta de propo-
fer aux Députez quelque efpece de dédommage¬
ment ,, s’il y en peut avoir pour des Couronnes j
Ôc même on embaraffoit tous les jours les Dépu¬
tez dans un labirinte de vaines propofitions, dont
ils ne voy oient point la fin. La négociation tomba
infenfiblement ; le Navarrois enfin levant le mafi-
Tome L M-
90 Histoire de l’Ordre
Raimond
Pu P U Y.
que5 prétendit que le feu Roi n’avoit pu. difpoâ
1er de ia Couronne au préjudice de fes légitimes,
-héritiers ,, ou du droit naturel qu'ont des Peuples
au défaut d’héritiers, de fe choifir eux-mêmes un
Souverain ; 8c par cette déclaration il ôta toute
efpérance de traiter avec lui. Raimond Comte
de Barcelonne 8c Prince d’Arragon en ufa plus
généreuiement , 8c il réfolut de faire quelque jufth.
ce aux légataires du Roi Alphonfe.
On convint que fi le Comte 8c la jeune Reine
Pétronille qu’il devoir époufer mouroient fans en-
fans , la Couronne d’Arragon retourneroit aux
Ordres Militaires 8c aux Chanoines du Saint Sé-
pulchre ; que cependant les uns 8c les autres au-
roient certain nombre de Vaflaux dans les Places
113 4 . qu’on reprendroit dans la fuite fur les Maures, 6c
que ces VafTaux feroient obligez de prendre les
Qurita, t. r.
I. z. c. 4. fol. armes 8c de fuivre les Religieux Militaires d’Efi
40.
Mariana l.
pagne, quand ils marcheroient en campagne
Xo. c. 18. contre ces. Infidèles.
Outre ces conditions, on céda aux légataires
de cette Souveraineté des Terres 8c des Châteaux
considérables par leurs dépendances, capables
d’entretenir un grand nombre de Chevaliers. On
ajouta à ces Terres 8c à ces Seigneuries le dixié¬
me des tributs qui fe levoient dans tout le Royau¬
me , 8c le cinquième des contributions qu’on ti-
roit des Terres des Maures, 8c il fut arrêté que
les Rois d’Arragon ne pourroient jamais fai¬
re la paix avec les Infidèles, fans la participation
du Patriarche de Jerufalem, 8c des deux Ordres
Militaires. Ce traité fut figné 6c ratifié dans le
de Malte. Livre! 91
mois de Septembre de l'année 1141 , 8c le Pape Dup1^***
Adrien IV. 8c Foulques Roi de Jerufalem y don- —-"
nérent depuis leur aprobation.
Raimond Dupuy ayant terminé une affaire fi
importante , s’embarqua avec les autres Députez,
reprit la route de la Paleftine, 8c arriva heureu- -_
femenc à Jerufiilera.il y fut reçu avec cette joie II41,
fincere 8c ce tendre refpeél qu’infpiroit fa rare
vertu. Brompton 8c Roger de Ho'&'eden, Hifto-
riens Anglois, 8c qui vivoient dans le même
fiecle, le nomment dès ce tems-là Grand Maî¬
tre , 8c c’efl: en cette qualité que nous par¬
lerons dans la fuite de cet illuftre Chef des Hos¬
pitaliers , 8c de fes fucceffeurs, dont la plupart
Sacrifièrent leur vie pour la défenfe de la Terre
Sainte... , «

Cet ancien Royaume de David, ou pour mieux


dire l’héritage de Jefus-Chrift, perdit en ce tems-
là fon Roi en la perfonne de Foulques d’Anjou,
Ce Prince étant à la chaffe dans la plaine d’Acre,
fe tua en tombant de cheval, 8c trouva dans un
exercice de paix la mort qu’il avoit affrontée tant
de fois à la Guerre. Il laiffoit deux enfans fort
jeunes, Baudoiiin l’aîné âgé de treize ans, 8c Amau-
-ry qui n’en avoit que fept.,
La mort du Roi fit naître des cabales auxquel- H41.
les la plupart des Minoritez font expofées, 8c ou¬
vrit depuis la porte aux invafions des Turco-
mans 8c des Sarafins. La Reine Melifende mere des
jeunes Princes prétendoit non - feulement à la Ré¬
gence qu’on ne lui difputoit point, mais elle vou-
Toit être reconnue pour Reine de fon chef, 8c pour
91 Histoire de l’Ordre
Raimond feule fouveraine de l’Etat en qualité de fille de
Dupuy-
Baudouin Dubourg. Les Grands au contraire qui
fe voyoient environnez d’ennemis redoutables ,
vouloient avoir à leur tête un Capitaine &un Roi.
Ces contestations foutenues par differens partis,
penférent dégénérer en une guerre civile ^ on con¬
vint à la fin de remettre la décifion de ce grand
différend à la Majorité de Baudouin. Mais peu de
tems apres les Seigneurs le firent couronner à
l’infçû de la Reine fa mere, à laquelle cependant
pour le bien de la paix il fut obligé depuis de
céder la moitié du Royaume.
Dans l’intervale entre la mort de Foulques & le
couronnement de Baudouin III. fon fils,les Chré¬
tiens Latins perdirent le Comté d’Edeffe, appellé
en ce tems - la R o u h a ou R o h a i s. Nous avons
dit que Baudouin Dubourg étant parvenu à la
Couronne avoit remis cette Principauté à Joffe-
lin de Courtenai fon parent, fuivant’ ce qui avoit
été pratiqué par Godefroy de Bouillon & fon
frere, lelquels pour attacher des Princes ôc des
Seigneurs croifez à la défenfe de la Terre Sainte,
leur en avoient donné les principales Seigneuries
à titre d’inféodation. De là étoient venus les Com¬
tes d’Edeffe, de Tripoli, de Joppé ou de Jaffa, &
depuis d’Afcalon & de Galilée , les Seigneurs
d’Yblim, de Montroyal, de Thoron, de Sydon,
de Tyr, d’Acre de de Cezarée, tous Seigneurs
de la première Noblelfe de ce nouvel Etat,
Joflelin de Courtenay dont nous venons de
parler, s’étoit maintenu dans fa Principauté par
mille* a&ions de■. valeur contre toutes les entre* à
de Malte. Livre I, 95
Raimond
prifes des Infidèles ; mais ce Seigneur étant mort, Dupuy.
le fils qu’il laiffa heritier de fes Etats n hérita pas
de fes vertus. Le jeune Courtenai élevé dans les
délices & le luxe des Orientaux, paffoit fa vie dans
la débauche-, & pour avoir moins de témoins de
les déreglcmens, il avoit quitté Edeffe, & s’étoit
retiré avec les miniltres de fes plaifirs àTurbeffel,
ville fituée à *4 milles de l’Eurrate en de-ça de ce
fleuve par raport à la Paleftine.
Omadeddin Zenghi Turcoman Selgeucide, Sul¬
tan de Moful & d’Alep, & le plus puiffant Prince n45-

de l’Orient, inftruit de la moleffe dans laquelle


le jeune Courtenai paffoit fa vie, entra dans fon
pays & afliegea Edeffe. Courtenai qui n’étoit en¬
vironné que par des favoris lâches & effeminez,
n’eut pas le courage de s’enfermer dans fa Capi¬
tale , & de s’y défendre ou de s’y enfevelir * il en vit
même le fiege fans faire le moindre mouvement
pour y jetter du fecours, ôc Zenghi lui auroit en¬
levé le relie de fes Etats avec la même facilité, {1
ce Prince naturellement dur &c cruel, dans le tems
qu’il le préparoit à continuer fes conquêtes, n’eût
été affafliné dans fa tente par fes propres domefti-
ques. Il laiffa deux enfans, Coteledin ôc Noradin.
L’aîné régna à Moful, & la principauté d’Alep fut
le partage de Noradin le cadet. Prince fage, ha¬
bile, plein d’équité, foldat & capitaine, grand Ge¬
neral, ennemi des Chrétiens par principe de re¬
ligion, & qui fe trouva fouvent aux mains avec
les Hofpitaliers & les Templiers.
Depuis la perte d’Edeffe, les affaires des Chré¬
tiens Latins commencèrent à décliner en Orient.
Miij
94 Histoire de" l’Ordre
Ra ÏMOND
Dupuy.
Godefroi de Bouillon, les deux Baudouins, PouL
ques d’Anjou, le; fameux Boëmond, le brave Tan-
crede, le vieux Courtenai & le Comte de Tou-
loufe n’étoient plus -, & leurs defcendans amollis-
parles délices de l’Afîe,occupoient à la vérité leurs-
places, mais fans les remplir : il n’y avoit que le’
jeune Roi Baudouin, & les deux Ordres militaires,,
qui s’oppofaffent avec courage aux entrepriles
des Infidèles. Mais comme leurs forces ne ré-
pondoient point à leur valeur, on réfolut d’avoir
recours aux Princes de l’Europe, & de folliciter
une nouvelle Croiiade , qui chalfat entièrement
les Infidèles de la Terre îainte. Dans cette vue
on dépécha en Europe l’Evêque de Zabulon^il dé¬
barqua à Marfeille : la première Croifade étoit;
for rie de France, ôc il venoit en folliciter une fé¬
condé.,
Louis VII. étoit alors fur le trône, jeune Prince:’
II43. bienfait, plein de courage, mais incertain dans;
fa conduite, plus fcrupuleux que dévot,,ôc qui
ignoroit le grand art de regner. Le député de Bau¬
douin ne pouvoitvenirà la Cour dans une conjon¬
cture plus favorable. Le Roiétant en guerre contre.
Thibaud Comte de Champagne & de Blois, fon;
Vaffal, la réfiftance qu’il trouva au Siégé de Vitri
en Parthois l’irrita contre les habitans , &apre's;
avoir emporté la Place l’épée à la main , il y fit met¬
tre tout à feu & à fang, 8c on prétend même que*
treize cens perfonnes de tout fexe, hommes, fem--
mes 8c enfans , qui s’étoient réfugiez dans la prin¬
cipale Eglife, périrent dans cette incendie. De;
juftes remords ayant fuccedé aune execution ifi ter--
de Malte. Livre 1. 9j
rible , ce Prince * refolut d’expier fa faute par le Raimon»
L>i puy.
voyage de Jerufalem, la refïource 8c Fazile en ce
tems-là des plus grands pécheurs. Il communiqua
fon deffein au Pape Eugene III. qui étoit alors iur 1144.

la chaire de faint Pierre, 8c afin qu’il pût faire ce Preuves de


l’hiltoiredes
pèlerinage d’une maniéré plus utile pour les Chré¬ Comtes de
Poitou, pag,»
tiens de la Terre fainte, il le pria de vouloir bien 483 .
à l’exemple d’Urbain IL faire prêcher une nouvelle
Croifade.
Ce Pontife qui de Moine de l’Ordre de Clair-
vaux, 8c de dilciple de faint Bernard étoit par¬
venu fur la chaire de faint Pierre, donna de gran¬
des louanges au pieux deffein de Louis, 8c pour ré¬
pondre à fes intentions, il envoya des Brefs dans
toute la Chrétienté pour exhorter les Princes 8c
leurs lujets à prendre Iss armes ; il chargea même
faint Bernard qui étoit l’oracle de fon fiécle de
1143.
prêcher la Croifade en France, 8c en Allemagne ;
8c pour engager les fideles à prendre la Croix, il G aufri d.
•vita pin ci i
ouvrit les trefors de l’Eglife, 8c accorda une Indul¬ Bt mardi.

gence pleniere à tous les Croifez.


Le faint Abbé deClairvaux fur les ordres du Pape
quitte fa retraite , paffe fucceffivement à la Cour
du Roi de France 8c de l’Empereur Conrard, mon¬
te en chaire, prêche, tonne, 8c plein de feu 8c d’in¬
dignation, reprefente quelle honte cetoit pour les
Chrétiens de fouffrir que l’heritage de Jefus-Chrift,
8c que la terre arrofée de fon précieux fang fût à
* LudovicusRex VitriacumCaftrum Comitis Theobaldi capitjiibi igné
admoto, Ecclefiâ incenfâ, & in eâ mille trecentæ animæ diverii fcxîis Sc
setatis funt igné confumpta:, fuper quo Rex Ludodicus miferiordiâ motus
plorafle dicitur, & hac de caufa peregrmationem Hierofolynutanam ag-
greiTus à quibufdam æltimatur.
Rob. de monte appendix ad Sigeb. ad annum 1143.
96 Histoire de l’Ordre
Raimond
Dupuy.
la veille de retomber fous la tyrannie des Infidèles.1
Il n’oublie rien pour toucher fes auditeurs, & pour
les engager à prendre les armes , ôc on prétend
qu’emporte par fon zele, il prédit hautement une
victoire certaine ôc la défaite entière des Infidèles.
Les charmes de fon éloquence, fes expreffions
tendres ôc pathétiques , la réputation de fa fain^
teté, les heureux luccez qu’on prétend, comme
nous l’avons dit, qu’il annonçoit hautement, des
miracles même éclatans que les auteurs de fa vie
lui attribuent à ce fujet, ôc qu’on peut regarder
commeles lettres de créance les plus fures pour un
Prophète j tout cela fit prendre les armes à l’Em¬
pereur, au Roi de France ôc à la plupart des Prin¬
ces ôc des Seigneurs leurs Vaifaux.
Un enfant boiteux ayant été prefenté à laint Ber¬
nard en prefence de l’Empereur, le faint Abbé fit
le fignede la Croix, releva l’enfant, & lui ordonna
devant toute l’afTemblée de marcher, ôc fe tournant
vers Conrard : « Ceci a été fait pour vous, lui dit-
« il, afin que vous connoifliez que Dieu efl: vrai-
« ment avec vous, & que votre entreprife lui eft
>5 agréable.
Plufieurs Seigneurs François ôc Allemands
perfuadez que l’Abbé de Clairvaux étoit dépo-
♦Dècæte- fitaire de la puiffance du Ciel, ôc que comme
ro, verbum , V 5. a
iiiud, quod un autre Moyle il reroit des miracles pour m-

iorVaudiftis troduire le peuple de Dieu dans la terre de promit

ddiStmVi fi°n> firent de grandes inftances dans un Concile


Conventa tenu à Chartres , pour l’oblio-er à prendre le com-
A,arnotenfi, , ' / 1 * 1 i> ° • IM ï
quonam ju- mandement general * de 1 armee j mais J homme de
dicio fans
aiiroi-j ms quaü dueem Ôc principem xnilitiæ elegerant. 1xivi Btmardi Ep. ad Ettf. Tap„
Dieu:
Di Malte. Livre L 97
0ieu? qui n’étoit pas moins prudent que zélé, fe Raimok»
Dupvy.
contenta d’en être le herault &la trompette* Apres
avoir accompli fa million, il fe retira dans fon Ab¬ 114^.

baye r& laiila aux Princes guerriers l’honneur ôc


les périls de l’execution.
L’Empereur ôc le Ror de France mirent chacun 1147*

de leur côte un nombre prodigieux de troupes fur


pied : on comptoir dans chaque armée jufqiia loi-
xante ôc dix mille hommes d’armes lans la Cava¬
lerie legere Ôc l’Infanterie -, il fembloit que tous les >
François ôc les Allemands de concert eulTent rélo-
lu d’abandonner leur pays ; ôc s’il s’en trouvoit quel¬
ques-uns capables de porter les armes rque diffe¬
rentes raifons retinfTent dans leur patrie,- les nou-
veaux Croifez par une elpece d’innxlte, ôc comme
pour leur reprocher leur lâcheté,.leur envoyoient
une quenouille ôc un fufeau; Les femmes même
renouvellant l’hiftoire ou la fable des Amazones,pa¬
rurent dans une revue, armées &à cheval,.ôc for-
moient differens efcadrons.
Eleonore Reine de France, Ôc femme de Louis»
VII. étoit à la tête de ces héroïnes-, PrincefTe d’une
rare beauté , qui par fon mariage avoit apporté
les Provinces de Guienne Ôc de Poitou au Roi, ôc
qui auroit fait les délices de ce Prince,.fi dans la
recherche des plaifirs elle fe fût moins laiffée em¬
porter à l’ardeur de fon temperamment, ou quelle
n’eût pas été foupçonnée de les partager avec d’au-
tres qu’avec le Roi fon mari:
Cependant il fembloit que l’Allemagne ôc la
France eulTent entrepris de lubjuguer TA fie entiè¬
re : du moins ces nombreufes armées qui avoieno
Tome I. N
98 Histoire de lOrdre
RaimoNd à leur tête deux grands Princes , 8c commandées
Dupuy.
par des Officiers pleins de valeur, n’étoient que
trop capables d’en faire la conquête. Mais la per¬
fidie des Grecs toujours jaloux 8c inquiets de ces
grands arméniens, l’ignorance des chemins, l’in¬
fidélité des guides, le manque de vivres , 8c des
troupes nombreufes 8c redoutables qui s’oppo-
ferent à leur paffage , ruinèrent l’une 8c l’autre
armée chrétienne, avant même quelles arrivaf-
fent dans la Paleftine. On tenta inutilement le
fiege de Damas, que des Chrétiens même firent
échouer.
Conrard partit le premier, 8c arriva à Conftam
tinople fur la fin de Mars de l’année 1147. Ce Prince
étoit beau-frere d’Emanuel Comnene, qui gou-
vernoit alors l’Empire d’Orient. Ces deux Princes
avoient époufé les deux filles de Berenger le vieux.
Comte de Luxembourg. Cette alliance avoit fait
préfumer au Prince Allemand qu’il en feroit bien
reçu ; le perfide Grec le traita pour fa perfonne
comme fon allié, 8c à l’égard de fes troupes, en
ennemi mortel. Par Ion ordre, dans tous les lieux
où pafferent les Allemands , on empoifonna les
puits 8c les fontaines j on vendoit très-cher à ces
étrangers de la farine où l’on avoit mêlé de la chaux
8c du plâtre. L’Empereur qui voyoit dépérir fon
armée paffa le déroit. Son beau-frere lui avoit
donné des guides, qui après l’avoir égaré par de
longs détours dans les montagnes 8c les rochers de
la Cappadoce, livrèrent fon armée demi-morte de
faim 8c ianguiflante, entre les mains des Infidèles,
qui la taillèrent en pièces.
de Malte. Liv. I. 99
Raimon©
Le Roi de France ne fut gueres plus heureux, Dupuy
êc quoiqu’au paflage du fleuve Méandre il eût rem¬
porté une viétoire confiderable fur les Infidèles,
en arrivant à Antioche il tomba dans une difgrace
a laquelle il fut peut-être plus fenfible qu’à la perte
même d’une bataille-
Raimond de Poitiers, oncle paternel de la Reine
de France, étoit alors,du chef de la femme. Sou¬
verain de cette grande Principauté. Ce Prince né
François &c fujet du Roi, reçût Louis ôc la Reine
fa niece avec toutes les marques derelpeét &tout
l’accueil qui étoient dûs à fon Souverain- Ce ne fu¬
rent pendant les premiers jours que fêtes, que bals
& tournois. Raimond qui prétendoit tirer des avan¬
tages folides de l’arrivée des François dans fes Etats,
ajouta à toutes ces dé monft rations de la joie la
plus fincere, de magnifiques prefens qu’il fit au
Roi & aux principaux Chefs de fon armée. Il avoit
en vûe d’engager Louis, avant qu’il paflat dans la
Paleftine, à tourner fes armes contre des Princes
Mahometans fes voifins f avec lefquels il étoit ac¬
tuellement en guerre. La Reine fa niece à fa priere
en parla au Roi, &; employa les inftances les plus
prelfantes. L’intérêt du Prince fon oncle, n’étoit
pas le feul motif qui la faifoit agir; On prétend que
r T'»- rr ^ r i r r t •
cette Prmcelle peu lcrupuieuie lur les devoirs, ôc
devenue éprife d’un jeune Turc baptifé , appellé
Saladin , ne pouvoit fe refoudre à s’en feparer.
Elle eût bien fouhaité, pendant que le Roi auroit
marché contre les ennemis de fon oncle, qu’il l’eût
îaiflee dans. Antioche. Le Roi qui commençoit à
foupçonner quelque chofe d’un fi indigne com-
N ij
ioo Histoire de l’Ordre
Raimond
Dupuy.
merce, pour en e'viter les fuites, ne trouva point
d’autre remede que de la tirer la nuit d’Antioche*
6c de lui faire prendre la route de Jerufalem. Il
n’y fut pas plutôt arrivé que l’Empereur d’Alle¬
magne le vint joindre avec les triftes débris de fon
armée. Ces deux Princes formèrent le fiege de
Damas; ils en croyoient le fuccès fi infaillible, que
de concert ils promirent la fouveraineré de cette
Place 6c du pays qui en dépendoit, aThierri Comte
de Flandres. Mais leur intentionétant devenue pu¬
blique, quelques Seigneurs Latins dont les peres *
depuis la première Croifade, s’étoient établis dans
la Syrie, jaloux qu’on leur préférât le Comte de
Flandres, qu’ils traitoient à leur égard d’étranger
6c de nouveau venu, par une énorme trahifon 6c
une intelligence criminelle avec les Infidèles, firent
échouer îentreprife, 6c Louis 6c Conrard déte-
liant leur méchanceté,revinrentjen Europe avec les
malheureux relies de ces grandes armées, 6c l’un.
J14S. 6c l’autre avec plus de chagrin que de gloire.
Si on en croit la plupart des Hiftoriens, il ne périt
pas moins de deux cens mille hommes dans cette
malheureufe expédition. Il y eut même plufieurs
des plus grandes Maifons, foit de France 6c d’Al¬
lemagne , qui furent éteintes. Ceux qui fe trou-
voient intereffez dans une perte û générale, ofe-
rent l’attribuer à faint Bernard *, le pere lui rede-
mandoit fon fils, la femme ion mari, 6c les plus
emportez le traitoient de faux Prophète. Le iaint
Abbé pour fe défendre,fut obligé de faire une apo¬
logie qu’il adrefTa au Pape Eugene III. « On nous
» accufe,, dit-il, d’avoir fait de magnifiques pro*
t>E Malte. Livre I. ïox
é méfiés fans effet, comme fi nous nous étions Raimond
Dupuy.
» conduits dans cette affaire avec témérité : nous
» n avons fait qu’executer vos ordres , ou plutôt
* ceux que Dieu nous donnoit par vous.
Il apporte enfuite l’exemple de Moyfe qui ayant
tiré d’Egypte les Ifraëlites, ne les fit point entrer
dans la terre fertile qui leur avoit été promife ,
quoiqu’il n’agît que fuivant l’ordre de Dieu, con¬
firmé par des miracles, & il loutient que lesCroh*
fèz n’ont pas été moins incrédules ni moins rebel¬
les que les Ifraëlites^ c’eft une des raifons fur la.
quelle Othon Evêque de Fnfingues, & frere uté¬ Ht relus
feflisFriderie.
rin de l’Empereur Conrard appuyé le plus. Ce Pré¬ lmperatoris.
c.<S9,;p. 251.
lat pour difculper faint Bernard fon ami, prétend
que les vices qui regnoient dans les armées chré¬
tiennes avoient arrêté l’effet de fes prédirions.
Mais ne pouvoit-on point dire à l’Evêque Alle¬
mand , que jce raifonnement étoit peut-être plus
(pecieux que folide, puifque fi le faint Abbé avoit
été doiié du don de Prophétie en cette occafion,
il auroit dû connoître à la faveur de cette lumière
furnaturelle que les Croifez offenferoient Dieu,
& qu’au lieu des viétoires que fon miniftre leur
faifoit efperer, il les puniroit par tous les mal¬
heurs dont ils furent accablez} Auffi cet Hifto-
rien qui femble avoir fenti la foibleffe de fon pro¬
pre raisonnement., revient à avouer ingénument
que l’efprit de Prophétie *, n’anime pas les Prophe-
tes en toutes les occafions.
Quoi qu’il en foit des caufes de ce malheureux
* Quamquam & rpiritus Prophetarum non femperfubfk Prophetis.
Vi rthns itfiit fridtrici Imper atorii. L.ï3c,Go3 f>. 23 r,

N iij
ioi Histoire de l Ordre
Raimond événement, qu’il ne nous eft pas permis d’aprofon-
Dupuy.
dir, nous nous contenterons de dire que ces gran¬
des armées qui fe flattoient de tant de conquêtes y
ne purent prendre une feule des Places des Infi¬
dèles > 8c que les Chrétiens Latins de la Syrie 8c
de la Paleftine, furent enluite réduits à un état
quifembloit les menacer d’une ruine totale & pro¬
chaine.
On n’avoit pas moins à craindre des Egyptiens
8c du côté du midi. Le Roi pour leur oppofer une
barrière fit relever les murailles de l’ancienne Gaza,,
une des cinq Satrapies des Philiftins, fituée à fept
lieues d’Afcalon. Ce Prince en donna le gouver¬
nement en propriété à l’Ordre des Templiers*T
8c ce s Religieux guerriers, gens, dit Guillaume
de Tyr, pleins de courage, à l’exemple des Hofi
pitaliers ,, en firent une Place d’armes,, d’où ils ré¬
primèrent de leur côté les courfes de la garniforr
d’Afcalon,: 8c forcèrent enfin les Sarrafins à fe ren¬
fermer dans leurs murailles.
11 4 8. Cependant Noradin profitant de la confterna-
tionoù la retraite des Croifez avoit jetté les peu¬
ples , entra à la tête de fon armée dans la Princi¬
pauté d’Antioche, ravagea la campagne, emporta
plufieurs petites Places, 8c le Comte Raimond con-
fultant plutôt fon courage que lès forces, ayant
voulu s’oppofer à ce torrent,, perdit la bataille ;
la plupart de fes troupes furent taillées en pièces,
8c il périt lui même dans ce combat..
D’un autre côté le Sultan de Gogni ou d’Iconium ,
* Milites rempli Gazant antiquam Paleftinæ civitatem reaedificant SC
turnbus eam muni uni, Afçafonitasgraviter infeftant.-
Rob. dt menu appendixad chron, fi g. p. 6$U
de Malte. Livre ï. 105
entra depuis dans le Comté d’Edelfe, ravagea le Raimon»
Dupuy»
pays , prit le jeune Courtenai,qui mourut peu apres 11 f O.
dans les fers de ce barbare. Tout fuyoit devant
lui j les habitans des Villes ôc delà campagne, pref-
que tous les Chrétiens fe voyant fans fecours, ôc
pour fe fouftraire à la domination des Infidèles,
abandonnoient leur patrie ôc leurs maifons} cha¬
cun tâchoit de gagner des Places chrétiennes.
Baudouin Roi de Jerufalem, pour faciliter au moins-
leur retraite, s’avança à la tête de fa Nobleife ôc
des deux Ordres militaires pour leur fervir d’efi.
cortes; il mit tout ce peuple, hommes, femmes,
enfans, beftiaux , bagage au milieu de ce qu’il
avoit pu raffembler de troupes j il étoit à l’avant-
garde, le Comte de Tripoli avec Onfroy de Tho-
ron Connétable du Royaume commandoit l’ar-
riere-garde, ôc dans cet ordre ils prirent le che¬
min de la Principauté d’Antioche. Noradin qui
ne pouvoit fouffrir que cette proye lui échapât,
accourut à la tête de toute fa Cavalerie, cotoyoit
l’armée chrétienne fur laquelle, pour l’arrêter, il
faifoit pleuvoir à tous momens une grêle de flèches.
Il tenta plufieurs fois d’enfoncer les troupes chré¬
tiennes-, on ne faifoit point de lieue qu’il ne fallût
livrer un combat • les Infidèles pour retarder la
marche d’une armée déjà embaraflee de bagage,
revenoient à tous momens à la charge. Mais de
quelque côté qu’ils tournafTent, ils trouvoient tou¬
jours ou le jeune Roi, ou le Comte de Tripoli à
la tête des Hofpitaliers ôc des Templiers, qui leur
préfentoient un front redoutable, ôc pouffoient
tout ce qui ofoit approcher du corps de l’armée.
104 Histoire de l'Ordre
Raimond en forte que Noradin n’ayant pu l’entamer, & faute
1 Dupuy.
de vivres, abandonnai la fin eette pourfuite,
l'armée chrétienne arriva heureufement for les
terres de la Principauté d’Antioche..
Mais pendant que le Roi étoit occupé à tirer
ce peuple de la fervitude,.il fut à la veille de per¬
dre fa Capitale, & par une autre entreprife des In¬
fidèles deux de leurs Princes appeliez les Jaro-
quins, Turcomans de nation, & dont le pere ou?
layeul, avant que les Sarrafins eulTent repris la*
ville de Jerufalem, regnoirdans la Paleftine, prefo
fez par les reproches de leur mere,.& ayant ap¬
pris l’éloignement du Roi,,.mirent fur pied une ar¬
mée confiderable, partirent de leur pays,. paffe-
rent par Damas, entrèrent fur lés terres des Chré¬
tiens, & pénétrèrent jufqu’aux portes de k fainte;
Cité. Les habitans confternez les virent fur le foin
fe camper fur le mont Olivet. Ces barbares fe fia—
toient d emporter le lendemain par efcalade une
Place où ils fçavoient bien que leRoi n’avoit poinc;
laifie de garnifon ; mais par un excès de confiance1
fî dangereux à la guerre, ils perdirent un dé ces
momens heureux , d’où dépendent les plus grands;
fuccès. Les habitans revenus de leur confternation,.
encouragez par ce qu’il y avoit d’Hofpitaliers
ôc de Templiers dans la Ville, prirent les armes y
Sc comme ils n’étoient point en un affez grand
nombre pour défendre les murailles, au lieu d’at¬
tendre l’ennemi dans la Place, à la faveur des té¬
nèbres &c au milieu de la nuit , ils fe jettent dans>
le Camp des ennemis qu’ils trouvent enfevelis dans»
léfommeil, mettent le feu aux tentes, en coupent:
t>E Malte. Livre!. i oy
ïes cordages, ôc portent de tout côté la terreur 6c raimond
la mort. Pt7Pinr-
Les Infidèles (Surpris ôc épouvantez d une atta-
que imprévue , cherchèrent leur falut dans la fuite ;
tout fe débanda fans tenir de route certaine. Ces
barbares fuyans du côté de Jerico, tombèrent dans
un Corps de Cavalerie commandé par le Roi même,
qui ayant apris qu'ils étoient entrez dans fes Etats,
s’avançoit au fecours de Jerufalem. Plus de cinq
mille furent taillez en pièces ; d’autres furent al-
fommez par les payfans chrétiens. La garnifon
de Naploufè qui les attendoit au retour, acheva
de les difperfer, 6c les pourfuivit jufqu’au bord
du Jourdain, ou ces Infidèles , pour éviter l’épée
des Chrétiens, 6c en voulant le palfer à la nage,
fe précipitèrent 6c furent noyez.
Le Roi par repréfailles réfolut à fon retour d’aller 11 s
ravager le territoire d’Afcalon : il (e mit à la tête
de (on armée, 6c fuivi des Grands Maîtres des
deux Ordres militaires, 6c des principaux Seigneurs
du Royaume, il entra dans le pays, porta le fer
ôc le feu de tout côté , 6c ruina fur tout quantité
de maifons de plaifance 6c de Jardins, qui appar-
tenoient aux principaux habitans d’Afcalon. U s’a¬
vança enfuite julqu’aux portes de cette importante
Place, 6c apre's l’avoir reconnue lui-même, il re-
folut d’en former le fiege. Mais comme il n’avoit
pas aflez de troupes pour une fi grande entreprife,
il convoqua toute la NoblefTe de fon Royaume,
Des pèlerins qui ne faifoient que d’arriver lui of¬
frirent généreufement leurs fervices, 6c des vieil¬
lards du pays, accablez d’années, refie glorieux
Tome A O
106 Histoire de l’Ordre
R ATM ON D
Dupuv.
de la première Croifade,accoururent dans le camp.
On alfigna à chacun fon quartier , pendant que
Gérard Seigneur de Sidon, pour empêcher qu’on
ne lift entrer du fecours dans la Place , tenoit la
mer avec quinze galeres.
La Ville d’Afcalon, une des cinq Satrapies des
anciens Philiftins , étoit fituée au pied d’une coL
line 8c au bord de la mer méditerranée, à fept lieues
de Gaza, Ville chrétienne, frontière du Royaume
de Jerufalem du côté de l’Egypte, & qu’on trouve
en lortant du defert qui lepare ces deux Royau¬
mes , alors occupée par les Templiers,
La figure d’Afcalon étoit celle d’un demi cer¬
cle , formé par la Ville & les maifons ; 8c le rivage
de la mer en étoit comme le diamètre. Cette Place
étoit environnée de hautes murailles foutenues de
diftance en,diftance de fortes tours, remplies de
machines de guerre pour lancer des pierres 8c des
dards • les foftez étoient à fonds de cuve &: pleins
d eau j des ouvrages avancez empéchoient qu’on
n’approchât du corps de la Place, 8c on y avoit
ajouté les fortifications que l’art de ce tems-là avoit
pu inventer. Le Roi tout jeune qu’il étoit condui-
ioit lui-même un fiege fi important-.depuis le grand
Godefroi de Boüillon onn’avoit point vu à la Terre
fainte de Prince qui dans un âge fi peu avancé
joignît à une rare valeur tant de capacité 8c de
un-
Williel. Tyrien- talens pour la guerre. Le fiege fut long 8c très-
opiniâtre ; les attaques vives, continuelles ; la dé-
fenfe aufii courageufe, 8c des forties ou plutôt des
batailles frequentes. Les Chrétiens n’emportoient
point un pied de terrain qui ne leur coûtât beau-
de Malte. Livre I. 107'
coup de monde, 6c fouvent ils perdoient le len- Raimon»
demain ce qu’ils avoient gagné la veille aux dé- —UY‘
pens de la vie de leurs plus braves foldats. Il y
avoir déjà cinq mois que le fîege duroit avec cette
alternative de bons 6c de mauvais fuccès , lorf-
qu une puiflante flore venue d’Egypte , 6c chargée
de vivres 6c de troupes de débarquement, parut
à la hauteur d’Afcalon. Cette flote étoit compo-
fee de foixante 6c dix galeres fans les vaifleauxde
charge, qui portoient une quantité prodigieufe
d’armes & de vivres. L’Amiral chrétien qui n’avoit
que quinze galeres ne fe trouvant pas des forces
luffilantes pour difputer le paffage aux Egyptiens,
fe retira en diligence, 6c les Infidèles débarquè¬
rent leur fecours fans aucune oppofition. Il fut
reçû avec de grands cris de joye de la part de la
garnifon 6c des habitans, qui du haut des tours
infultoient à l’armée chrétienne, 6c demandoient
aux foldats quand ils retournoient à Jerufalem. Il
fembloit effectivement que ce fut le feul parti qu’il
y eût à prendre : c’étoit au moins le fentiment des
Grands 6c de laplûpart des Chefs de l’armée. Mais
le grand Maître des Hofpitaliers, foutenu du Pa¬
triarche 6c de la plupart des Evêques , fe trouva
d’un avis contraire. * Il reprefenta au Roi qu’une pa- L ^lll'ch Ty/S
reille démarche ne ferviroit qu’à avilir le courage p. 928.-
de fes foldats, 6c à rehaufler celui des ennemis,
6c infpireroit peut-être ati Soudan le deffein de
former à fon tour le fiege de Jerufalem. On tint
là-deflus plufieurs confeils : enfin le Roi après
* In oppofita fententia Dominus Patriarcha, Dominus quoque Ty-
rienfis erant cum Clero, confortem habentesDominum Raimundum Ma-
giitrum hofpitalis cum fratribus fuis. Will, Tyrt L. 17,c- -8 s p. 91$*
K ’J

io3 Histoire de i/Ordre


Raimond avoir mûrement examiné les rations de part 8c
Dupuy.
d’autre, fe déclara pour le parti le plus honorable,
8c on refoiut de continuer le fiege.
Cependant les Egyptiens qu’on avoit débarquez
à Afcalon, après s’être remis desfatigues de la mer,
firent des forties fréquentes. Ils croyoient triom-,
pher aifément des Chrétiens qu’on leur avoit re-,
prefentez abbatus 8c rebutez de la longueur du
fiege ; mais il ne furent pas long-tems fans éprou¬
ver que la valeur fupplée au nombre des comba-,
tans : les Chrétiens les krepoufferent toujours avec
avantage. Comme il n’y avoit point de ces fortes
de combats qui ne coûtât beaucoup de monde à
ces Infidèles, les forties devinrent moins frequen¬
tes ; leur ardeur fe ralentit ; le courage du foldat
chrétien en augmenta, 8c les Templiers après avoir
comblé le foffé, pouffèrent leurs travaux le plus
près qu’ils pûrent de l’endroit de la muraille qui
leur étoit oppofé. Ils y firent conduire une tour
ou une elpece de château de bois fort élevé. Cette
tour étoit une machine dont on fe fervoit en ce
tems-là dans les fieges, qu’on remuoit 8c qu’on
faifoit avancer avec des roues * 8c quand elle fe
trouvoit à portée des murailles, on abbatoit un
pont de bois avec fes gardes-fous, d’où les aflie-
geans battoient les amegez : 8c quand ils trou-
voient moins de réfiftance, ils fe jettoient dans
la Place, 8c tâçhoient de s’en rendre les maîtres.
Les Sarrafins, avant que les Templiers eufTent
pouffé cette machine jufqu’aupied de la muraille,
y jetterent un foir, 8c affez près de la tour de bois,
quantité de bois fec, de bitume, d’huile ôc de
de Malte. Livre I. 109
Raimond
tnatieres combuflibles, aufquelles ils mirent en- Dupuy.

fuite le feu dans l’efperance que cet embrafement


gagneroit jufqu a la tour.Mai's l’incendie fut fatal à
Tes auteurs^ il s’éleva pendant la nuit un vent d’Efl
qui, au lieu de mettre le feu à la tour, poufifoit des
tourbillons de fiâmes contre la muraille, calcina le
moilon dont elle étoit confiante, &la fît crouler.
Quelques Templiers qui ne doutoient point que
leur machine neut été embrafée , par pure cu-
riofité étant allez le lendemain pour en voir les
débris, furent bien furpris de la trouver entière,
ôc ils aperçurent en même tems une ouverture
que le feu avoit faite dans la muraille, ôc qui en
pouvoit faciliter l’efcalade. Ils en avertirent aufli-
tbt leur grand Maître ; ce Seigneur tranfporté de
joye, fe rendit fecrettement fur les lieux pour re-
connoître lui-même cette brèche, &c l’ayant trou¬
vée raifonnable , &: fans avertir le Roi , il y fît
entrer une brigade de fes Chevaliers. Ils ne paru¬
rent pas plutôt l’épée à la main, ôc avec cet air
audacieux que donne un heureux fucce's, que les
habitans crurent la Ville prife ; la plupart cher¬
chèrent d’abord leur falut dans la fuite, & les prin¬
cipaux Officiers de la garnifon, pour éviter la pre¬
mière fureur du foldat chrétien, fe jetteront dans
des barques, & s’éloignèrent du rivage. Mais l’a¬
varice du grand Maître empêcha les Chrétiens de
profiter de la terreur des Infidèles, car ce Chef
des Templiers voulant profiter feul du pillage de
la Ville, au lieu de demander au Roi des troupes
pour foutenir les Templiers qui s’écoient jettez
dans la Place, fe tint lui-même avec le relie de
O iij
no Histoire de l Ordre
Raimond fa troupe fur la brèche pour en défendre le paf-
Dupuy.
fage aux foldats de l’armée chrétienne *, en cas
que quelques-uns s’apperçûlfent de l’ouverture
qui étoit à la muraille : 8c pendant ce tems-là ce
qu’il y avoit de Templiers qui s’étoient jettez dans
Afcalon, s étant avancez fierement julqu’au mi¬
lieu de la Ville pour en piller feuls les principales'
maifons, les habitans revenus de leur frayeur n’eu¬
rent pas plutôt reconnu le petit nombre de ces
pillards, qu’ils fe rallièrent & firent ferme. Les
Templiers fe virent chargez par les troupes de la
garnifon 8c du haut des toits des maifons ; on fai-
foit pleuvoir fur eux des feux d’artifice, de l’eau
chaude , des pierres, des tuiles,. 8c tout ce qui fe
prefentoit fous la main des affiegez. Les Templiers,,
apres avoir perdu un grand nombre de leurs ca¬
marades , furent réduits à chercher leur falut dans
une retraite précipitée j chacun en fuyant tâcha
de regagner la brèche par où il avoit monté
d’abord avec tant de confiance-, le grand Maître
fut obligé lui- même d’abandonner le pofte qu’il
occupoit • les Infidèles s’en emparerent firent
enfuite des coupures 8c des retranchemens devant
l’endroit qui avoit donné l’entrée aux Chrétiens,.
8c par de nouvelles barricades ils le mirent hors
d’infulte.
On ne peut exprimer l’indignation du Roi, 8c
là colere de tous les foldats de fon armée, lorfl
*' Màgifler milidæ Templi Bernardus Detremclas cum fratribus fuis
alios antè multô præ/enientes aditum occupaverant, neminem ni/î de
fuis intrare permictente,s eosautemhâc intentione diccbantur arcere qua-
tenùs primi ingredientes fpolia majora & manubias obtinerent uberio-
res.Dum ergô cupiditate rapti ad prædæ participium renuunt ha-
berc confortes 3 m mords periculo meritô reperd funt foli. Will.Tyr,L
17. c.i7.,
de Malte. Livre I. m
Raimond
quonaprit que l’avarice feule des Templiers avoit Dupuy
fait manquer une conquête fi difficile & figlorieu-
(e. Les habitans d’Afcalon au contraire en augmen¬
tèrent leur confiance ôc leur courage, & le len¬
demain , apres s’être mêlez avec la garnifon Egyp¬
tienne, ils firent une nouvelle fortie en bonne or¬
donnance , & attaquèrent fierement les lignes des
Chrétiens. Le combat fut fanglant, & le fuccês
long-tems incertain j la viétoire paffa plus d’une
fois dans l’un & l’autre parti ^ les Infidèles com¬
blèrent d’abord plufieurs toifes de tranchées ; rui¬
nèrent des redoutes ,• fe jetterent l’épée à la main
dans le Camp des Chrétiens ; abbatirent les tentes,
£c percerent jufqu’au quartier du Roi.
Ce Prince à la tête des Seigneurs dont il
étoit environné, combatoit avec un courage in¬
vincible , ôc donna l£ tems à fes troupes de reve¬
nir de leur furprife & d’une première frayeur. Les
Templiers voulant laver dans leur fang la faute
qu’ils avoient faite , s’abandonnoient avec fureur
au travers des bataillons ennemis : &c les Hofpi-
taliers que le zele Sc l’émulation menoient dans
le péril, indifferens fur la confervation de leur vie,
ne fe foucioient point de la perdre, pourvu qu’ils
pufiént tuer un Sarrafin. Les Egyptiens ne mon¬
traient pas moins de courage -, tous vouloient vain¬
cre ou mourir. Cette fortie ou plutôt cette bataille
dura depuis le matin jufqu’au foir -, enfin les Infi¬
dèles étonnez du courage invincible des Chrétiens,
épouvantez de la force de leurs coups, commen¬
cèrent à reculer peu à peu. Le Roi s’apercevant
qu’ils s’affoibliffioient, en reprit de nouvelles forces-,
in Histoire de l'Ordre
Raimond il les enfonça l’épée à la main. Ce fut moins dans
Dupuy.
la fuite un combat quune boucherie ; le foldat
chrétien acharné contre les Infidèles ne donnoit
point de quartier ; des ruilfeaux de fang coûtaient
dans les lignes, ôc la plupart de ce s Egyptiens qui
étoient venus au fecours d’Afcalon, périrent dans
cette fortie. Ceux qui purent échaper à la fureur
du foldat chrétien, regagnèrent la Ville, ôc y por¬
tèrent avec la honte de leur défaite le defefpoir
de fauver la Place.* L’habitant en perdant ce le-
cours , perdoit l’elperance de la levée du fiege.
C’étoit une confternation générale ; les vieillards ,
les femmes ôc les enfans ne partoient point de
leurs Mofquées, ôc fatiguoient le Ciel par des priè¬
res inutiles ; ceux qui avoient encore de la force
ôc de la fanté s’employoient à faire des retranche-
mens derrière les murailles la Ville; mais une
pierre d’une groffeur énorme,.partie d une des ma¬
chines des afliegeans étant tombée par hazardfur
une poutre portée par quarante hommes , dont la
plupart en furent écrafez , la terreur du peuple
déjà prévenu qu’ils ne pouvoient rélifter aux Chré¬
tiens , en augmenta au point qu’ils fe refolurent
de prévenir les fuites fâcheufes d’un alfaut par une
prompte compofition.
On convint d’abord d’une lulpenfion d’armes
fous prétexte de retirer les morts de part ôc d’autre r
& à la faveur de cette treve on entra en négocia¬
tion. Le traité fut bien-tôt conclu entre des gens
dont les uns craignoient d’être emportez d’aftaut^
Ôc les autres qu’un nouveau fecours ne les obli¬
geât à lever le fiege. Audi on demeura d’accord
ib'E Maltë, Livre ï. 113
que les Sarrafins remettroient inceffamment la Raimon»
Dupuy...
Place aux Chrétiens , Ôc que ceux-ci leur fourni-
roient des chariots avec une efcorte pourempor-
ter leurs effets jufqu a Laris, Ville du defert: ce Le continua¬
qui fut exécuté de bonne foi * le 12, Août de l’an teur deSiige-
bertplacccet
JI54- ■ . ; : évenement-
emi53..
Depuis la conquête de Jerufalem, on rl’en avoir
point fait de plus glorieufe ni même de plus utile
que celle d’Afcalom Lagarnifon chrétienne qu’on
y mit, jointe à celle de Gaza étendoient leurs con¬
tributions bien avant dans l’Egypte. On aprit avec
beaucoup dejoye en Europe laprife de cette Place.
On n’ignoroit pas toute la part que le grand Maî¬
tre des Hofpitaliers y avoit eue ; & ce fut appa¬
remment par un motif de reconnoiffance pour
fes fervices, que le Pape Anaftafe IV. accorda à PR F. üVf
l’Ordre de nouveaux privilèges, ôc qu’il confirma XI1L.-

les ancienscomme on le peut voir dans la Bulle


de ce Pontife,■ adreffée au même Raimond. Le
Pape y déclare qu’à l’exemple de fes prédeceffeurs
Innocent IL Celeftin II. Lucius II. & Eugene III.
il prend l’Hôpital ôc la maifon de faint Jean fous
la proteéf ion de faint Pierre * qu’il permet aüxHof
pitaliers de bâtir desEglifes & des Cimetières dans
toutes les terres ôc les Seigneuries qui leur appar¬
tiennent , ôc d’y enterrer avec les ceremonies de'
l’Eglife,.leurs freres decedez, nonobftant tout in¬
terdit qui auroit pu être fulminé par les Ordinai¬
res,^ même de celebrer, ôc tSe faire célébrer une’
fois l’année la Meffe ôc l’Office divin dans les au¬
tres Eglifes interdites, fi elles fe trouvoient dans'
les lieux par ovx les freres Hofpitaliers feroient obli*
Tome ly P
i'14 Histoire de l’Ordre
Raimond gezdepaflfer, en execution des ordres de leurs Su¬
Di-puy,
périeurs, »•
Le Saint Pere leur adreflant la parole , ajoute :
» Comme vous faites, mes Freres, un fi digne ufa-
» ge de vos biens, & que vous les employez à la
« nourriture des pauvres, ôc à l’entretien des pe-
» lerins , nous défendons à tous les fïdeleSjde quel-
» que dignité qu’ils foient revêtus , d’exiger ladix-
» me de vos terres, ni de publier aucune Sentence
» Ecclefiaftique d’interdit , de fufpenfe ou d’ex-
» communication , dans les Eglifes qui vous ap-
« partiennent : Ôc quand même on auroit jettéun
» interdit général lur tous les pays, vous pourrez
» toujours continuer à faire celebrer le fervice du
» vin dans vos Eglifes, pourvû que ce foie à portes
» fermées, ôc fans fonner les cloches. Nous vous
» permettons pareillement de recevoir des Prêtres
» ôc des Clercs tant dans votre maifon principale
» de Jerufalem, que dans les autres Obédiences
« qui en dépendent. Et fi les Evêques ôc les Or-
» dinaires s’y oppofent, vous pourrez toujours par
>2 l’autorité du faint Siégé admettre ceux dont vous
» aurez reçu un bon témoignage -, ôc même ces
» Prêtres ôc ces Clercs feront abfolument exempts
» de leur jurifdidtion, ôc ne feront fournis qu’au
» faint Siégé, &: à votre Chapitre. Vous pourrez
» auffi recevoir des laïques de condition libre pour
» le fervice des pauvres. Quant aux freres qui au-
» ront été une fois^eçûs en votre Compagnie,
» nous leur défendons de retourner au fiecle, ni
» de palier dans un autre ordre , fous prétexte
» d’une plus grande régularité. A l’égard de la bé-
é>é Malté. Livré t iiy
R AIMCNli
3V nédi&ion de vos Eglifes,. de la confeeration de Dupuy,
« vos autels , 8c de l’ordination de vos Clercs, vous
?» aurez recours à l’Evêque DioceTain, s’il eft dans
33 la Communion du faint Siégé ,, & s’il confent

» de conférer les faints Ordres gratuitement ; fi-


39 non il vous fera permis par l’autorité' du faint

33 Siégé de choifir tel Evêque que vous jugerez à

>3 propos. D’abondant nous confirmons de rechef

s» la donation qui vous a été faite de toutes les


33 terres & Seigneuries que votre maifon poffede

3> ou quelle pourra acquérir à l’avenir en-deçà ou

33 au-delà de la mer ,. tant en Europe que dans

33 l’Afie. Enfin y dit Anaftafe,. adreffant encore la

33 parole au grand Maître. Quand il plaira à Dieu

33 de vous appeller à lui, nous ordonnons que vos

33 freres élifent votre fuccefleur avec pleine & en-

33 tiere liberté, fans qu’ils y puiftent être troublez

*î par violence ou par furprife 8c fous quelque pré-


3» texte que ce puifte être.

Quoique cette Bulle du Pape Anaftafe ne foit


pour la plupart qu’une confirmation des privilèges
cjue fes prédecefteurs avoieitt déjà accordez à
1 Ordre de faint Jean ; cependant Foucher alors
Patriarche de Jerufalem, 8c les autres Evêques La¬
tins de la Pàleftine s’élevèrent avec beaucoup de
hauteur contre des exemptions qui diminuoient
en même tems leur jurifdi&ion 8c leurs revenus.
De toutes les peines ecclefiaftiques que les Papes
8c les Evêques cmployoient contre les pécheurs,?
celle de l’excommunication générale ou de l’in¬
terdit, quoique peu connue dans la primitive
Eglife, étoit alors très-frequente. On s’en fervoit-
tï<6 Histoire de l’Ordre
Raimond fùrtout contre les Princes refradt aires à l'Eglife j
Duruv. , ri i t- °
on lançoit ces foudres contre leurs Etats ; tous
leurs fujets s’y trouvoient enveloppez, & une mul¬
titude d’innocens fouffroient pour un feul coupa¬
ble. La forme ôc la pratique de cette Sentence
n’avoit rien que de trifle , ôc même de terrible.
On dépouilloit entièrement les Autels ; on pofoit
les Croix,les Reliquaires, les Images, ôc les fiâ¬
mes des Saints à plate terre, ôc en ligne de deuil
on les couvroit entièrement. L’ufage des cloches
ceffoit, Ôc on les delcendoit même des clochers,
De tous les Sacremens on n’adminiftroit que le Bâ-
tême aux enfans nouveaux nez, ôc la Confeflion
ôc la Communion en Viatique aux mourans. La
MelTe ne le çelebroit dans les Eglifes quà portes
fermées ; lufage de la viande pendant l’interdit,
défendu comme en Carême, ôc on pouffoit la ri¬
gueur jufqu’à défendre de fe faluer, ôc même de
le razer, ôc de faire la tonfure ôc les cheveux aux
Prêtres ôc aux Clercs,
Mais ce qui étoit de plus déplorable, c’efl que
des Papes ôc des Evêques employoient quelque¬
fois ces armes fpirituelles contre des Rois ôc des
Princes fouverains, ôc fouvent même pour des in¬
terets purement temporels. C’étoit un des plus
furs inllrumens de leur domination -, les peuples
effrayez de fe voir privez de l’exercice extérieur
de la Religion, forçoient leurs Souverains par la
crainte d’une révolté générale à plier fous le joug.’
Ainfi il ne faut pas s’étonner fi le Patriarehe de
Jerufalem ôc les autres Prélats Latins d’Orient
fouffroient impatiemment que pendant que lçs
de Malte. Livre I. 117
Rois de Jerufalem & les Princes d’Antioche & de Raimond
Tripoli netoient pas exempts de leur jurflcliétion D u r u y.
en matière d’interdit , les Papes en enflent fouftrait
les Holpitaliers. Ces Prélats netoient pas moins
bleflez de l’exemption des dixmes , dont au pré¬
judice du Clergé de l’Eglilè Grecque, ôc depuis la
conquête de la Terre lainte, ils s’étoient empa¬
rez.
Le defir fi naturel de conferver de grands biens,
i8c de défendre fon autorité, motifs qui remuent
le plus vivement les hommes, rompirent l’union
qui étoit auparavant entre le Clergé féculier & les
Holpitaliers. Les Evêques ne pouvoient fouffrir
que le faint Siégé eût difpenfé ces Chevaliers de
leur payer la dixme de tous leurs biens, & ils
étendoient même ce droit & leurs prétentions juC
que fur le butin qu’ils pouvoient faire dans les
combats &; fur les terres des Infidèles. D’ailleurs
la permiflion que les Hofpitaliers avoient pendant
l’interdit de celebrer & de faire celebrer le fervice
divin dans leurs Eglifes, quoiqua portes fermées,
attiroit aux Prêtres Ôc aux Chapelains de l’Or¬
dre bien des offrandes ôc des aumônes que le
Clergé féculier regardoit comme autant de larcins
qui lui étoient faits. Outre ce s griefs , le Patriar¬
che appellé Foucher fe plaignoit en particulier que
les Holpitaliers, dont l’Eglife &c la maifon étoient
voifines de l’Eglife du faint Sépulchre, euflent éle¬
vé des bâtimens plus magnifiques que fon Eglïfe
& Ion Palais : ce netoient que plaintes ameres de
part & d’autre ^ les uns fe fondoient fiir le droit
commun, & les autres prétendoient y déroger en
P iij
nS Histoire de l’Ordre
Raimond
Dutuy.
vertu de leurs privilèges. Les invedtives Sc les in¬
jures luccederent à ces plaintes réciproques& ce
qu’on ne peut écrire fans douleur, on en vint à
des voyes de fait. On raporte que du côté des
Hofpitaliers il y eut des flèches tirées contre les
Prêtres du Patriarche. Ces Ecclefiaftiques à la vé¬
rité n’oppoferent pas la force à une pareille vio¬
lence • mais par un rafinement de vengeance, ils:
ramaflerent ces flèches,. en firent un faifceau,
pour confervet la mémoire d’un attentat fi odieux,,
ils attachèrent ce faifceau à l’entrée de l’Eglife du
. , , $,
L 17 c Calvaire. Guillaume Archevêque de Tyr raporte
ce fait comme témoin oculaire; mais cet Ecrivain,,
quoique peu favorable aux Hofpitaliers, ne laiffe
pas d’avouer que le grand Maître étoit révéré
comme un homme de bien & craignant Dieu : ce
font fes termes. Il ajoute qu’il falloit rejetter la
caufe de ces diflentions fur les Papes qui avoient „
dit-il, fouftrait ces Religieux militaires de la ju~
rifdidhon Epifcopale.
Le Patriarche pour faire révoquer ces privilè¬
Preuve
XIV.. ges qui lui étoient fi odieux, quoique âgé de preY
y

de cent ans, entreprit de faire le voyage d’OccL


dent, & de fe rendre auprès du Pape Adrien IV.-
qui étoit alors fur le faint Siégé. Ce Patriarche:
étoit accompagné de Pierre Archevêque de Tyr„
prédeceflTeur de l’Hiftorien, de Baudouin: Arche—
vêque de Cefarée , de Frédéric Evêque d’Acre,,
d’Amauri de Sidon, de Conttantin de Lide, de
Renier de Sebafte, Ôc d’Herbert de Tiberiade. Le*
grand Maître & le Confeil de l’Ordre envoyèrent
de leur côté des députez pour répondre aux plains-
î> e Malte. Livre L 119
Raimond
tes deces Prélats, & fi on en croit Guillaume Ar¬ Dupuy.
chevêque de Tyr, ces députez avoient prévenu
le Patriarche , ôc à force de prefens s etoient
rendüs favorables. Le Papc\ôc toute la Cour de
Rome. Foucher ôc les autres Prélats de la Pale-
leftine eurent audience du Pape à Ferento petite
ville proche de Viterbe. Cette grande affaire fut
agitée pendant plufieurs féances devant le fouve-
rain Pontife ôc tout le College des Cardinaux ; Ôc
pour foutenir le droit des parties, on fît même
entrer de part ôc d autre des Avocats ôc des Ju-
rifconfultes. Les Evêques fe plaignoient que les
Hofpitaliers abufant de leurs privilèges, rece-
voient dans leurs Eglifes des excommuniez , ôc
qu’en cas de mort ils leur donnoient la fépulture
Ecclefiaftique ; que pendant l’interdit jetté fur une
Ville, ils n’avoient pas laiffé, contre ce qui leur
étoit défendu par leurs privilèges, de faire fonner
leurs cloches*, que leur Eglifè étant voifine de
celle du faint Sépulchre, ils les faifoient même
exprès fonner continuellement pendant que le
Patriarche annonçoit à fon peuple la parole de
Dieu, afin d’empêcher qu’il ne fût entendu, ôc
qu’ils refufoient de payer la dixme de leurs reve¬
nus dans tous les Diocéfes de la Paleftine, où ils
avoient des terres ôc des établififemens.
L’Archevêque de Tyr, après avoir raporté tou¬
tes les plaintes du Clergé, ne nous dit rien des
défenfe* que fournirent les Hofpitaliers : il s’eft
contenté de nous faire comprendre qu’ils firent
traîner cette affaire en longueur- que par leurs
prefens ôc par leur crédit dans la Cour de Rome
!

no Histoire de l’Orî^rï
^Duput? fçûi^nc empêcher le Pape de prononcer* que
—-■ le Patriarche & les Evêques de la Paleftine voyant
bien par eux-mêmes & par les avis fecrets quils
recevoient de leurs amis, qu’ils n’obtiendroient
jamais un jugement, prirent congé du fouverain
Pontife, 8c s’en retournèrent chargez, dit cet Hi-
L.ri, c.j. florien , de confufion. Il ajoute que de tous les
Cardinaux, il n’y en eut que deux qui euflent été
allez équitables &c affez fideles à Jefus-Chrift pour
fe déclarer en faveur du Clergé * que le Pape 8c
tous les autres, corrompus par les prefens des HoP
pitaliers, fuivirent, dit-il, les traces de Balaam fils de
l. is, c.,^ Bo^or: comparaifon bien odieufe , ôc d’autant plus
que de ce s deux Cardinaux, félon cet Auteur, fi fi¬
deles à Jefus-Chrift, l’un,qui étoit Od:avien,fe
porta depuis pour Antipape fous le nom de Viéior'
III. &: caufa un fchifme affreux 8c de grands mal¬
heurs dans l’Eglife, &: l’autre, qui étoit Jean de
Morfon, Cardinal du titre de faint Martin, fut:
un des miniftres de fon ambition, 8c le principal!
fauteur du fchifme.
77777* Pour juftifier entièrement la mémoire d'Adrien^
nous ne pouvons nous difpenfer de raporter que
ce Pontifeun des Papes le plus defintereffé qui
eût été affis fur la chaire de faint Pierre, bien-
loin d’enrichir fa famille aux dépens des tréfors
du faint Siégé, n’en fit aucune part à fes parens,.
qu’il pouffa même ce defintereffement jufqu a la
dureté : 8c quoique fa mere qui lui furvécut fut
réduite dans une extrême pauvreté, il fe contenta
par fon teftament de la recommander aux charités
de 1! Eo-life de Cantorberi, Mais fi on en croit Bofio,
£> e Malte. LivreI. ni
Raimon»
îl fuffifoit qu’il le fût déclaré en faveur des Hof¬ Dupuy-
pitaliers pour s’attirer toute l’amertume quidiftille,
dit-il,, de la plume de eet Hiftorien* partial.
Apre's tout le Patriarche de Jerufalem & fon
Hiftorien ne pouvoient ignorer que les prédecef-
feurS d’Ànaftafe avoient déjà accordé aux Hofpi-
taliers la plupart des privilèges en queftion, &
fans qu’on fe fût jamais plaint qu’ils les enflent
achetez à prix d’argent. Mais il eft affez vrai-fem-
blable que les Papes engagez dans de fâcheufes
guerres, foit contre les Empereurs d’Occident y
foit contre les Normands de la Pouille & de la Si¬
cile > & même contre les habitans de Rome, n’a-
voient pas été fâchez de fouftraire les Holpita-
îiers & Templiers de la jurifdiétion des Ordinai¬
res , de par là de s’attacher plus particulièrement
un Corps militaire aufliconfiderable, dont lapuif
fance de les richefTes augmentoient continuelle¬
ment dans toutes les parties de la Chrétienté.
Je ne m’engagerai point à raporter les diffe¬
rentes fondations faites en ces tems-là en faveur
des Hofpitaliers de faint Jean : cela me meneroit
trop loin. Mais je n’ai pas crû me devoir difpen¬
fer d’obferver qu’une partie de ces grands biens
des Hofpitaliers de des Templiers y venoient princi¬
palement des Princes, des Seigneurs de des Gen¬
tilshommes , qui en prenant l’habit de la croix de
ces deux Ordres 3 y donnoient la plûpart de leurs
* Nella narratione délia quai iftorïa il fus dette Aechivefcovo di Tire ,
aggrava molto lamano addoflo a gli Hofpitalieri fcrivendla in queftopar-
ticolare piu tofto corne Prelato 8c Archivefcovo Orientale 8c confe-
quentemente couie mterelfato 8c appafionato che corne iftorico. Bofio,

Tome I. CL
nt Histoire de l'Ordre
Raimond
D^puy. grandes Seigneuries. Ce fut ainfi qu’en ce tems-
là Guy, Comte jk Souverain de Forçaiquier , en
prenant la croix Sc l’habit d’Hofpitalier, donna à
la Religion de faint Jean Ton Château de Manof-
Preuve que, qui confiftoit dans des Terres & Seigneuries
XV. fi confiderables, qu’on en a fait depuis un Bail¬
liage avec le titre de Bailli pour le Commandeur.
Les Grands d’Efpagnc ne le cederent point aux
François dans ces fentimens d’eftime pour les deux
Ordres militaires , ,6e l’Hiftorien d’Arragon nous
aprend que vers îan 1153, Dom Pedro Dartal, pre¬
mier Baron de ce Royaume, donna aux Hofpita-
liers 6e aux Templiers la Cite de Borgia avec fes
dépendances , qu’ils changèrent depuis avec Rab
mond Berenger, Prince d’Arragon ^ contre Dum*
bel, le Château d’Alberic 6e celui de Cabanos.
Ces donations frequentes en ces tems-là furpren*
dront moins, fi on fait attention au digne ufage
qu’en faifoient ces Religieux militaires. De tous
ces grands biens les Hospitaliers 6e les Templiers
n’en tiroient pour eux qu’une fubfiftance frugale ;
tout le refte étoit confacré ou à la nourriture des
pauvres , ou à foutenir la guerre contre les Infw
deles.
Cependant ce s guerriers fi fiers 6e fi terribles
dans les combats, devenoient d’autres hommes
quand ils rentroient dans leur Couvent. A peine
avoient-ils quitté les armes , qu’ils reprenoient
avec l’habit régulier tous les exercices de leup
première profeflion. Les uns s’attachoient au fer-
vice des malades-, d’autres étoient occupez à r
cevoir les pèlerins > ceux-ci nettoyent leurs arnica
de Malte. Livre I. 12.5
ou racommodoient eux-mêmes les harnois de Raimond
Du PU Y.
leurs chevaux, 6c tous dans ces differens emplois 1 mW <1 i«r—

confervoient un religieux filence, 6c une elpece


de recueillement comme auraient pu faire des So¬
litaires & des Anacoretes : nouveau genre de vie
bien rare 6c inconnu jufqu’ alors ,= ou fans être ni
entièrement attachez au cloître, ni auffi engagez
dans le fiecle, ils pratiquoient fucceffivement tou-
tes les vertus de deux états fi oppofez. C’eft ce
que nous aprenons de faint Bernard ,: écrivain con¬
temporain , qui dans la defcription quils nous a
laifiee du genre de vie des Templiers , nous a tracé
une elpece de tableau vivant de la conduite des
Réligieux militaires de ces tems-là, & qu’il feroit
à fouhaiter que leurs fuccefleurs eulfent tous les
jours devant les yeux.-
» Ils vivent, dit ce faint Abbé, dans une fo'»
» ciété agréable, mais frugale} fans femmes, fans
enfans 6c fans avoir rien en propre , pas même
leur volonté ^ ils ne font jamais oififs ni répan-
» dus au dehors p 6c quand ils ne marchent point
« en campagne 6c contre les Infidèles, ou ils ra-
« commodent leurs armes 6c lés harnois de leurs
» chevaux pou ils font occupez dans de pieux exer¬
cices par les ordres de leur Chef. * Une parole
» infolente, urr ris immodéré , le moindre- mur-
mure ne demeure point fans une feveré corre-
« 6hon. Ils détellent les jeux de hazard, ils ne fe
permettent ni la chaffe ni les vifites inutiles-, ils
^ rejettent avec horreur les fpeélacles, lesboufons,
•'les difeours ou les chanfons trop libres ^ ils fe
* baignent rarement, font pour l’ordinaire négli-
114 Histoire de l’Ordre
Raymond j> gez , le vifage brûlé des ardeurs du foleil, 6c ïç
Dupuy.
» regard fier 6c feverc, A l’approche du combat,
» ils s’arment de foi au dedans, &de fer au dehors,
» fans ornemens ni fur leurs habits, ni fur les har-
« noisdeleurschevauxjleurs armes lontleurunique
» parure • ils s’en fervent avec courage dans les
» plus grands perils,fans craindre ni le nombre, ni
» la force des barbares j toute leurs confiance eft
» dans le Dieu des armées, 6c en combatant pour
» fa caufe, ils cherchent une viéfoire certaine ou
'S. B :T/7. ex¬ y? une mort fainte 6c honorable.
hortât^ ad
milites Tem-
L’éclat de leurs vertus 6c la gloire qu’ils acque-r
pli. roient tous les jours par leur valeur, fit naître par¬
mi la Noblefle d’Efpagne une généreufe émula¬
tion. Nous avons dit au commencement de cet
ouvrage, que les Maures, dès le huitième fiécle,
s’étoient emparez fur les Gpts de la plus grande
partie de ce Royaume. On fçait que ce qui reftoit
de Chrétiens de cette nation, pour fuir la perfé-
cution de ces Infidèles , s’étoient d’abord réfugiez
dans les montagnes des Afturies : ils en fortirent
depuis fous la conduite de Pelage pour défendre
leur liberté 6c leur Religion. Ce Prince étendit
peu à peu les limites de fon petit Etat. Ses fuccefe
feurs eurent encore des fiiçcés plus favorables ; ils
reprirent fur les Maures plusieurs Provinces , 6c
ce s Princes chrétiens qui faifoient la guerre en
differens endroits, pour conferver entre eux une
indépendance réciproque, érigerent ces Provinces
dont ils fe firent Souverains, en autant de Royau¬
mes. T elle eft l’origine des Royaumes de Leon
de Caitille, de Navarre, d’Arragpn, de Portugal.,
de Malte. Livre I. 12.5
de Valence, ôec. Les Maures de leur côté avoient Raimoni»
Dupuy.
partagé leurs conquêtes, ôc on trouvoit parmi ces
barbares des Rois de Tolede, de Cordoue , de
Murcie, de Grenade. Les uns ôc les autres étoient
tous les jours aux mains, ôc ce fut pendant plufieurs
fiecles une guerre continuelle. Des Gentilshom¬
mes Efpagnols, à l’exemple des Templiers ôc des
Holpitaliers, ôc pour la défenfe des autels , for¬
mèrent differentes focietez ôc plufieurs Ordres mi¬
litaires, mais qui n’étoient compofés que de la
Noblefle de cette nation : l’Ordre de Calatrave eft
confideré comme le plus ancien.
Dom Sançhe troifiéme Roi de Caftille ayant
conquis furies Maures la Ville de Calatrave, place
forte ôc limitrophe des Royaumes de Caftille ôc
de Tolede, en confia le gouvernement ôc la dé-
fenfe aux Templiers • mais ces Chevaliers ayant
apris depuis que les Rois Maures avoient joint
leurs troupes pour en faire le fiege, ôc fe trouvant
en trop petit nombre pour le foutenir, ils remi¬
rent cette Place au Roi.
Sanche avoit befoin de toutes fes troupes pour
tenir la campagne Ôcpour les oppofer aux Maures,
qui menaçoient en meme tems d’entrer dans la Ca¬
ftille. Ce Prince dans cet embarras déclara que s’il
le trouvoit quelqu’un aflez puiflant ôc aflez cou¬
rageux pour entreprendre la défenfe de Calatrave,
il la lui donneroit en propriété fous la Souverai¬
neté de fa Couronne. Mais la puiflance formida¬
ble des Maures ayant intimidé laplûpart des Grands
de fa Cour, il ne s’en prcfenta aucun qui offrît de
fe jetter dans une Place qui alloit avoir au pied
O.11)
t
3i6 Histoire de l Ordre'
Raimond de Tes murailles toutes les forces des Infidèles. Le
Dupuy.
Roi defefperoit de la pouvoir conferver,lorlquun:
Moine de l’Ordre de Citeaux, 6c Religieux de l’Ab-
Baye de Fitero dans la Navarre, appelle Frere
Diego. Velafquez , 6c qui avant que d’embraffer
cette profeflion avoit porté long-tems les armes,?
propofa à Dom Raimond fon Abbé avec lequel *
il étoit venu en Caftille,.d'offrir au Roi de foute--
nir le fiege avec fes Vaflaux 6c à fes dépens. -
Le Roi qui fut inftruit de la richeffe de cet Abbé 3 ?
6c de la réputation que Velafquez avoit autrefois >
acquife dans les armées, accepta leurs offres dans-
une conjoncture furtout ou il n avoit point de choix -
à faire. L’Abbé 6c fon Religieux retournèrent avec:
une extrême diligence enNavarre,6c en ramenèrent '
près, de vingt mille hommes, la plupart leurs VaX-
iaux , ou François, leurs voifins , qui voulurent :
avoir part à une fi généreufe entreprife, 6c aux ¬
quels le joignirent depuis plufieurs Gentilshom--
mes Caftillans.. On jetca en même tems dans la:
Ville des provifions de guerre 6c de bouche, 6c '
cette colonie- militaire ajouta aux fortifications '*

de la Place un nouveau fort qui la couvroit entie--


rement..
Ce fut de ce Corps de Nobleffe Navarroife 6c :
Caftillane qui s’étoit enfermée dans Calatrave,que
fe forma depuis 6c en Fan 1158 l’Ordre militaire
qui porte fon nom. Par le même motif de faire
la guerre aux Maures d’Efpagne, 6c vers l’an 1175,,
on vit naître un fécond Ordre militaire fous l’in¬
vocation de faint Jacques de l’épée, 6: en 1112 l’Or—
dre d’Alcan tara fut inftitué. Ces trois Ordres par-
de Malte. Livre L 117
sciculiers 6c renfermez dans l’Elpagne étoient di- RaiMON-O
Dupuy.
ftinguez en'tr eux par des croix de differente cou¬
leur , mais elles étoient toutes également termi¬
nées par des fleurs de lis : ce qui peut faire pré¬
fumer que les Efpagnols avoient emprunté ces
fleurs des armoiries de France, pour conferver la
mémoire des fecours que les François avoient ame¬
nez en differens tems dans ces guerres contre les
Infidèles.
Tels étoient les Religieux militaires dans lé
premier fiecle de leur inllitution , 6c qu’on peut
regarder à leur égard comme l’âge dor de ces
Ordres. Hofpitaliers , Templiers, Chevaliers Ef¬
pagnols , tous n’étoient pas moins diftinguez par
une folide pieté, que par leur valeur* mais cet
heureux teins ne dura gueres plus d’un fiecle :
l’homme de guerre l’emporta infenfiblement fin¬
ie Religieux : 6c la valeur , l’amour de la gloire,
foiivent le defir d’amafler des richeflfes affaiblirent
infenfiblement la dévotion 6c la pieté. L’ambition
6c des vues de s’agrandir par des conquêtes par¬
ticulières , commencèrent à infeârer ces Ordres,
quoique fondez dans leur origine fur le vœu de
pauvreté. Ce fut par un motif fi humain que les
Hofpitaliers de la Paleftine refuferent peu aupa¬
ravant de fe charger de la défenfe de Panéas, à
moins qu’Onfroi de Thoron auquel cette Place
apartenoit, ne confentît d’en partager avec eux la
propriété 6c les revenus. Il fallut que ce Seigneur
achetât le fècours de leurs armes à cette condition,
6c ce ne fut qu’aprês cette ceffion qu’ils fe mirent
en, état de marcher au fecours de la Place,
128 Histoire de l’Ordre
Raimond
Du pu y.
Panéas ville de Phénicie , appellée auparavant*
Céfarée de Philippe r ôc fituée au pied du mont
Liban, étoitfrontière de la Principauté de Damas,,.,
dont Noradin, cet ennemi redoutable des Chré¬
tiens, étoit Souverain. Les Holpitaliers ayant fait
leur traité avec Onfroy,, chargèrent un grand
nombre de chevaux & de chameaux de vivres,
d’armes ôc démunirions de guerre : tout cela par¬
tit de Jerufalem fous une eicorte nombreufe , ôc
prit le chemin de la Place, la derniere du Royan*
me de ce côté là. Noradin averti par fes elpions
du départ du convoi, mit des embufcades fur le
paffage , Ôc les Holpitaliers approchant de Panéas
le trouvèrent enveloppez de tous cotez. Ils ne laif-
ferent pas de lé défendre long-tems avec leur va¬
leur ordinaire j mais il fallut enfin ceder à des for¬
ces fuperieures : ils le virent accablez par legrancC
nombre des Infidèles, ôc qui- croient encore favo-
nfez par l’avantage du pofte qu’ils occupoient : ce
qu’il y avoit d’Holpitaliers dans cette occafion y}
y périrent la plupart.. La difgrace des Chrétiens
ne fe termina pas à cette défaite. Noradin, dans
l’efperance de trouver les habitans confternez de
cette perte , alfiegea la Place , ôc après quelques
jours d’une attaque vive & continuelle, il s’en ren¬
dit le maître. Il fe préparoit à attaquer le Château
011 les Habitans s’étoient réfugiez- mais ayant été
averti que le Roi de Jerufalem s’avançoit à grandes
journées pour lui en faire lever le fiege, ce Prince
infidèle quiredoutoit fa valeur, après avoir mis le
feu à la Ville , fe retira avec précipitation. Mais
il ne fur pas loin j il fe retrancha dans des endroits
?
efcarpez^
de Malte. Livre I. 119
Raimond
efcarpez , 8c où il ne pouvoit être force : de là il Duput-

obfervoic la marche de Tannée chrétienne. Le


Roi entra dans Panéas fans obllacle , répara le
dcfordre qu’avoient caufé Tennemi &c le feu , 8c
apres avoir jetté des troupes 8c des vivres dans le
Château, il reprit le chemin de Jerufalem. Ilmar-
choit avec une confiance temeraire , 8c il avoit
même fait partir devant lui fon Infanterie. No-
radin iortit de fa retraite, s’avança dans le pays 8c
le prévint, fans qu’il en fût averti, 8c ayant trouvé
un endroit propre à placer une embufcade , il l’at¬
tendit au paffage, le furprit, chargea les troupes,
qui fe débandèrent fans rendre prelque de combat.
Tout ce qu’on put faire fut de lauver le Roi- mais
la plupart des Seigneurs chrétiens 8c des Officiers
furent faits prifonniers. Les Templiers ne furent
pas plus heureux dans cette occafion, que les Hof-
pitaliers Tavoient été dans Taétion précédente, 8c
Frere Bertrand de Blanchefort leur Grand Maître,
homme pieux 8c craignant Dieu, dit Guillaume
de Tyr, fut fait prifonnier avec Frere Odon un
de fes Religieux , 8c Maréchal du Royaume.
La prife de la ville de Panéas fut le premier fruit
de la viétoire des Infidèles. Ils y entrèrent une fé¬
cond e fois fans beaucoup de difficulté, mais ils
échouèrent contre le Château, place fortifiée, 8c
dans laquelle la garnifon de la Ville 8c les habitans
s’étoient retirez. Comme je ne raporte ces diffe-
rens évenemens qu autant que j’y fuis obligé par
la part qu’y prit l'Ordre militaire dont j’écris Thi-
ftoire, je ne m’arrêterai point à ce qui fe paffa en
-Syrie pendant le relie de Tannée, 8c je remarque-
■rai feulement que Noradin toujours attentif à ce
Tome I. R
130 Histoire de l’Ordre
Raimond
qui pouvoir étendre fes conquêtes, s’étant mis de
Dupuy. bonne heure en campagne l’année fuivante, aflié-
gea un Château appellé Suete, ou Czuete, Ville
ancienne, à ce qu’on prétend, du pays de Hus.Les
Chrétiens Latins avoient fortifié avec foin cette
Place fituée dans le détroit des montagnes, 3c qui
ouvroit une entrée facile dans la plaine de Damas,
Le Roi de Jerufalem qui connoifloit l’impor¬
tance de ce Fort, affembla tout aufli-tôt toutes
fes troupes , 3c foutenu d’un corps de Cavalerie
que lui avoit amené Thierri Comte de Flandres
fon beau-frere, il réfolut de tenter de nouveau le
fort des armes , plutôt que de laiffer perdre une
Place de cette confequence. L’armée chrétienne
s’avança enfiiite du côté des montagnes , Ôc on
n’eut pas de peine à rencontrer les ennemis. No-
radin par le confeil de Siracon fon Général, aima
mieux tirer fes troupes de leurs lignes que de fe
voir attaqué dans fon Camp. Il vint au devant des
Chrétiens, 3c leur préfentala bataille dans la plaine
de Putaha. On en vint bien-tôt aux mains -, les fol-
I I 4 8. dats des deux partis comme de concert, fans tirer
aucune fléché, ôc contre l’ufagede ce tems-là, s’a¬
vancèrent fierement l’épée à la main. Le Roi à la
tête des principaux Seigneurs de fon Etat, ôefuivi
des deux Ordres militaires qui faifoient la princi¬
pale force de fon armée, chargea le premier les
ennemis, pouffa tout cequi fe prefenta devant lui}
3c il eut d’autant moins de peine à rompre ce pre¬
mier Corps, que les Turcomans mettoient ordi¬
nairement à leur avantgarde, 3c jettoient devant
eux ce qu’ils avoient de troupes les plus foibles.
Mais après ce premier effai de la force des uns 3c
de Malte. Livre 1. 13*
Raimon*
des autres, Siracon parut à la tête dune nouvelle
Dupuy.
ligne , compofée de vieux foldats : il rallia les
fuyards & rétablit le combat. Les Chrétiens &les
Infidèles firent alors des efforts extraordinaires,
& chaque nation foutenue de la vue & de l’exem¬
ple de les Souverains & de les Généraux, fe bâtit
long-tems avec une égale fureur, & fans que dans
lune & l’autre armée on vît aucun corps plier, ni
la moindre apparence de crainte & de frayeur. Un
loldat tué étoit aufli-tôt remplacé parun autre,
8c quelque péril qu’il y eût dans les premiers rangs,;
chacun fe preffoit d’y occuper une place : on n’a-
voit point encore vu de combat fi furieux 8c fi
ianglant. Les Chrétiens irritez de trouver une fi
longue réfiftance , &c animez par les genereux re¬
proches de leurs Officiers , firent un nouvel effort ;
8c comme s’il leur fût venu du lecours, ils s’aban¬
donnèrent d’une maniéré fi déterminée au travers
des bataillons ennemis, que ces Infidèles ne pou¬
vant plus foutenir cette derniere charge furent
contraints de reculer & de ceder beaucoup de
terrain, quoique toujours en bon ordre & en con-
fervant leurs rangs. Mais le Roi de Jerufalem 8c le
Comte de Flandres, à la tête d’un gros corps de
Cavalerie étant furvenus pendant ce mouvement
forcé que faifoient les ennemis, les obligèrent de
tourner leur retraite dans une fuite déclarée j tout
fe débanda ^ & plus de fix mille foldats du côté des
Infidèles demeurèrent fur la place (ans compter
les bleffez 8c les prifonniers. Tout l’honneur de
cette journée fut juftement attribué au Roi, jeune
Prince plein de la plus haute valeur. Son courage
le multiplioit pour ainfi dire en ces fortes d’occa*
Rij
132 Histoire de l’Ordre
Ràimond fions, &c furtout dans cette dernière bataille : on
Dupuy-
le vit prefque en même tems en differens endroits
II jo*
ôc dans tous les lieux, où le péril étoit le plus grand,
& la prefence néceffaire.
On ignore fi le Grand Maître des Hofpitaliers.
fe trouva dans ce combat. Apparemment que Ton
âge de plus de quatre-vingts ans l’en dilpenfa. Ce
venerable vieillard couvert de bleflùres, accablé
du poids des années s’étoit retiré dans la maifon
Hofpitaliere de faine Jean de Jerufalem. Là dans
une retraite profonde , parmi de ferietifes réfle¬
xions & dans des exercices continuels de pieté y
ce véritable foldat de Jefus-Chrift fe préparoit à
ce grand jour fi redoutable même aux plus faints
Religieux. Il vit enfin arriver ce moment terrible,
ôc qui décide d’une éternité. Mais s’il en vit les ap^
proches avec une crainte falutaire, ce fut aulfi
avec la confiance filiale d’un véritable Chrétien,
qui avoit expofé fa vie en mille occafions pour la
défenfe des Lieux faints, où l’Auteur même de la
vie avoit bien voulu mourir pour le falut des hom¬
mes. Ainfi finit fes jours dans les bras de fes freres,.
Raimond Dupuy le premier des Grands Maîtres
militaires, bien plus grand par une folide pieté &
par fa rare valeur, que par fa dignité, & tel qu’on
peut le comparer en même tems <k aux plus, faints
Fondateurs des Ordres réguliers, & aux plus grands
Capitaines de fon fiecle. Les Hofpitaliers & même
tous les Chrétiens Latins de l’Orient, témoins de
fes vertus, par une canonifation anticipée, le ré¬
vérèrent comme un Bienheureux 3 titre que la po-
fterité lui a confirmé.
Fin du premier Livre.
de Malte. Livre IL l3 3
CÆ•$-<5-■£<$■•$■ •$••£ -fr $<M> •$••$•-O-•$••$• <f*-fy•§••$••$•-fy-fy jfycy*

LIVRE SECOND-
L ES Hospitaliers neurent pas plutôt
rendu les derniers devoirs au Grand Maître,
qu’ils s’affemblerent pour l’éleélion de Ton lue-
cefleur. On propofa pour remplir cette grande
AvGER
place, Frere Auger de Balben. Le defintereffe- deBalben*
ment, la modeftie ôc même l’humilité * qui re-
gnoient dans ce premier fiécle de 1 Ordre, em¬
pêchèrent qu’on ne vît paroître aucun concurrent.
Balben fut élu par acclamation, &: avec les fufîra-
ges unanimes de tout le Chapitre. C etoit un Gen¬
tilhomme François de la province de Daufiné, an¬
cien compagnon d’armes de Raimond Dupui >
d’un âge fort avancé , révéré dans l’Ordre par fa
pieté ôc par fa prudence, ôc dont les avis étoient
même d'un grand poids dans le Confeil du Roy.
L’hiftoire nous en fournit une preuve au fujet
du fchifme qui s’éleva dans l’Eglife apres la mort
du Pape Adrien IV. Le Cardinal Roland, Chan¬
celier de l’Eglife Romaine avoir été élevé fur la
Chaire de S. Pierre par les fuffrages de la plus
grande partie des Cardinaux, & il en étoit digne
par fa pieté, ôc par une grande expérience dans
le gouvernement de l’Egliïe, où il avoit toujours
eu beaucoup de part. Il prit le nom d’Alexandre
III. Cependant au préjudice d’une éleélion fi ca¬
nonique , le Cardinal Oétavien emporté par fon
ambition, ôc foutenu par la plupart des Sénateurs
* Ad hoc etiam milites templi Hierofolymitani , ac fratres de HofpL
tali fub religiofo habita continenter viventes, ubique fe multiplicande
in religiofîtate fe defendebant. Chron. GttilUde Nangis ad an», im.
Riij
j^4 Histoire de l Ordre
Aü G E R & des Grands de Rome qui étoient fes parens >
diBalben.
s’étoitfait nommer Pape fous le titre de VicftorlII.
par les Cardinaux Jean de Morfon du titre de S.
Martin êc Guy de Crème du titre de S. Calixte.
L’Empereur qui dans fes démêlez avec la Cour de
Rome,avoit éprouvé la fermeté du Cardinal Ro¬
land 5 favorifoit l'intrufion de l'Antipape j les Rois
de France, d’Angleterre, de Naples & de Sicile (e
déclarèrent pour Alexandre. Cette concurrence
partagea toute l’Eglife, &c produifit le fchifme fu-
îiefte dont nous parlons..
Le Pape qui defiroit d’être reconnu par l'Egide
Latine de l’Orient, y envoya pour Légat, Jean,.
Prêtre Cardinal du titre de S. Jean & de S. Paul.
Des vaiffieaux Génois pafferent le Légat dans la
Phénicie, & il débarqua à Gibile qu’on appelloit
autrefois Gébal. Il envoya auffi-tôt au Roy une
copie de fes pouvoirs,, & demanda a ce Prince, de
pouvoir exercer fa légation dans tout le Royaume.
Mais comme les avis fe trouvèrent partagez dans
le Confeil, le Roy lui fit dire de refter à Gibile
jufqu'à ce qu’il fût mieux inftruit de ce qui s’é-
toit paffé dans leleétion des deux prétendans.
i I 6 o, Cependant on convoqua un Concile à Nazaret,
Ii6i. où fe trouvèrent Amauri, Patriarche de Jerufalem,
Pierre Archevêque de Tyr, tous les Evêques de
la Paleftine, &: les Grands Maîtres des deux Or¬
dres militaires. Le Roy y voulut affilier avec fon
Confeil & les principaux Seigneurs du Royaume.
Il étoit queftion dans cette affiemblée de décider
fous quelle obedience la Paleftine fe rangeroit.
Les avis fe trouvèrent partagez ^ les uns £e décla*
de Malte. Liv. II. ijj
rcrent en faveur d’Alexandre , d’autres lui préfe- Auge*.
JdbBalben
roient l’Antipape • 6c outre differents faits qu’ils
alleguoient pour juftifier que fon éleéhon étoit
canonique , ils repréfentoient que ce Cardinal,
du vivant d’Adrien, avoit toujours défendu avec
un grand zele, les interefts de l’Eglife 6c du Clergé
de la Paleftine. Mais on a pu voir dans le Livre
précèdent que ce prétendu zele n’avoit abouti
qu’à fe déclarer avec le Cardinal de Saint Martin
dans l’affemblée de Ferento contre les Hofpita-
liers.
Tel étoit le principal motif, qui attachoit quel¬
ques Evêques au parti du Cardinal Odravien. Le
Roy qui craignoit que cette diverfité de fentimens
n’introduisît le fchifme dans fes Etats, ouvrit un
rroifiéme avis. Il propofa aux Peres du Concile de
ne fe déclarer pour aucun des prétendans jufqu a
ce que l’Eglife dans un Concile général en eût
décidé • que cependant en confideration du mé¬
rité du Légat, on pourroit lui permettre d’entrer
dans Jerufalem, d’y faire fes Hâtions, 6c de vifiter
les Lieux faints ; mais en qualité de particulier, ôc
fans exercer aucun aéte de fa légation.
» Le fchifme ne fait que naître ( lui fait dire
« Guillaume deTyr ; ) on ne connoît point encore
» affez diftinétement de quel côté eft le bon droit.
» Pourquoi dans une affaire de cette importance
» fe déterminer fi promptement ? D’ailleurs, ajou-
» ta ce Prince, quel befoin a l’Eglife de la Pale-
« ftine d’un Légat, Officier de la Cour de Rome >
« Ne feait-on pas que fes femblables n’entrent ja-
«mais dans un Royaume, fans, par leurs exa&ioos*
136 Histoire de lOrdre
Av g-er „ ruiner les Eghfes 6c les Monafteres ? Et l’Etat
deBalbek. , . r,■ \ ° • ti ,.i r r
-- » epuile par les guerres continuelles qu il faut iou-
« tenir contre les Infidèles , pourra-t’il fournir les
fournies immenfes quon exige , lous prétexte de
« fubvenir aux frais néceflaires de la légation?
Un motif fi preffant, 6c qui interelfoit particu¬
lièrement le Clergé , Ôc appuyé par un Prince ré¬
véré par les grandes qualitez , ramena la plupart
des Evêques à Ion avis -, ôc il auroit palfé tout d’une
voix , fi l’Archevêque de Tyr foutenu du Grand
Lvv' Maître des Hofpitaliers ne s’y fut généreufement
-oppole. L’Archevêque repréfenta avec beaucoup
de force que l’éledion d’Alexandre étoit canoni¬
que , faite avec le confentement de la plus faine
partie du Clergé 6c du peuple de Rome 3 que le
trouble qu’un Cardinal ambitieux excitoit dans
l’Eglife , ne difpenfoit point les fideles de lobé if-
fan ce a&uelle que tous les Chrétiens dévoient au
légitime Vicaire de Jefus-Chrift 3 que la voie de
fufpenfion dans cette occafion ne mettroit point
leurs confidences en fureté 3 6c qu a Ion égard ,
il étoit réfolu d’adhérer à un Pape qui avoit eu
dans fon éledion la plus grande partie des fuffra-
ges des Cardinaux, 6c les vœux de tous les gens
de bien. Enfin ce Prélat parla avec tant de zele
6c de fermeté , que le Roy fe rendit à fon avis.
Le Légat fut admis dans le Royaume 3 mais il n’y
eut pas long-teins exercé les fondions y ôc exigé
les droits de fa légation, fans être à charge à ceux-
mêmes qui d’abord avoient témoigné plus d em-
prefleïnent pour fa réception : ce font les propres
termes de Guillaume, Archevêque de Tyr.
Le
de Malte. Livre IL i37
Le Patriarche de Jerufalem e'crivit en fon nom Auceh
DE BALBEN.
& au nom de fes fuflfragans au Pape Alexandre ,
pour lui faire part de ce qui s^étoit pafle en fa
faveur dans le Synode de Nazaret. » Ayant ap¬
>5 pris , lui dit-il dans fa lettre , que votre élec¬

35 tion a été faite par un concours unanime du


» Clergé ôc du peuple, nous lavons louée ôc ap-
prouvée -, ôc en confequence , nous avons ex-
« communié Oétavien avec les deux Cardinaux
» Jean ôc Guy ôc leurs fauteurs , ôc nous vous
« avons élu ôc reçu unanimement pour Seigneur
« temporel ôc pere fpirituel. « Je ne doute pas
qu'on ne foit étonné de voir que ce Patriarche
donnoit au Pape, Ôc en préfence même du Roy,
ce titre de Seigneur temporel ; mais on en fera
moins furpris , fi on fait attention que la Cour de
Ep.Vrb.IL
Rome avoit autrefois tâché d'établir pour maxi¬ apud Vghel.
me , que toutes les conquêtes que les Chrétiens fai- L. 3. p. 423.
Ep. _Adrian.
foient fur les Infidèles, ôc que leslfles fur-tout où le IV. tom. 10 „
Chriftianifme s etabliffoit, appartenoient de droit Concil. edit.
Cojfart p.
au S. Siège * que les Papes en étoient les pre¬ 1144.
miers Souverains, ôc que les autres Princes n'en Jean de Sa-
Ujben Meta-
jouiffoient qua titre de Suzeraineté. On fçait
log. ir. c.
quels égards on a aujourd'hui pour ces préten¬ ultimo.
dions ultramontaines. Matt. Pa¬
ris ad ann*
Si nous en croyons Bofio, tous les Hofpitaliers iiff. .
par leur attachement pour le S. Siège eurent
beaucoup de part à la prompte obéiflance que
l’Eglife de laPaleftine rendit à Alexandre III.
Le Grand Maître de cet Ordre ne fut ni moins
habile, ni moins heureux à terminer un fameux
«différend qui s’éleva peu après dans ce Royaume
Tome I. S
140 Histoire de l’Ordre
deBalben. ” mePris des Chrétiens ; on vous regardera comme
» des perfides ôc d’autres Judas qui aurez livré une
» fécondé fois le Sauveur du monde entre les
» mains de fes ennemis. « Le Grand Maître par
de femblables difcours calma cet orage , ôc ra¬
mena infenfiblement ces Seigneurs dans le parti
du Prince : ôc apres quelques négociations où
chaque mécontent eut foin de fes interefts parti¬
culiers , ils furent tous en corps affiner Amauri
de leur foumiffion. Ce Prince fut enfuite couronné
i i 6 3. dans l’Eglife du S. Sépulchre le dix-huit de Février
de T année 1163, ôc tous les Etats du Royaume lui
prêtèrent folëmnellement ferment de fidelité.
Le Grand Maître accablé d’années , furvécut
peu à cette augufte cérémonie, qu’on pouvoit re¬
garder comme fon ouvrage. A peine avoit-il gou¬
verné deux ans fon Ordre , qu’il fut furpris par la
mort : mais apre's avoir contribué fi heureufement
à la paix de l’Eglife Ôc de l’Etat, il avoit aflèz vécu
pour fa gloire.
Arnaud Les Hofpitaliers firent occuper fa place par
EIComps. Frere Arnaud de Comps, Chevalier d’une
Maifon illuftre dans la province de Daufiné, ôc
qui n’étoit pas moins âgé que fon prédéceffeur.
A peine ce nouveau Grand Maître eut-il pris pofi
fèlfion de fa dignité, qu’il fe vit obligé de s’avan¬
cer vers la frontière à la tête des Hofpitaliers. Il
étoit queftion de s’oppofer à de nouvelles incur-
fions des Sarrafins. Nous avons dit que depuis que
le Roy Baudouin 111. fe fut rendu maître d’Afca-
lon, le Calife appellé Elfeis, pour fe délivrer des
courfes continuelles que la garnifon de cette Place
ôc celle de Gaza faifoient fur les frontières, s’étoit
de Malte. Livre IL 141
fournis de payer aux Rois de Jerufalem certaines A R N ATT O
de Coups.
fommes par forme de contribution. Mais le Ca¬
life Adhed fucceffeur d’Elfeis , ou pour mieux
dire , Schaours ou Sannar, qui fous le titre de
Soudan, gouvernoit l’Etat avec une autorité' abfo-
lue, refula hautement de continuer à payer cette
efjpece de tribut : & pour rompre avec éclat un
traite honteux à fa nation, il fe mit à la tête d’un
grand corps de troupes, & ravagea à fon tour les
frontières de la Judée.
Amauri brûlant d’impatience de fe venger de Will.de Tyr.
f infraction d’un traité fait avec cette nation, raf- Liv.i9>ch.f>

femble fes forces , convoque la Nobleffe ôc les


deux Ordres militaires , ôc s’avance à grandes
journées pour repouffer l’ennemi. Tout fe prépa¬
rait de part & d’autre à une guerre fanglante ,
lorfqu’il s’éleva dans l’Egypte des troubles & des
guerres civiles qui obligèrent le Soudan à aban¬
donner la frontière, ôc à ramener fes troupes dans
le Royaume. Mais le Roy de Jerufalem ne fçut
pas profiter d’une retraite fi précipitée.
Pour l’intelligence de ce point d’hiftoire, il faut
fe fouvenir de ce que nous avons dit dans le Li¬
vre premier de cet ouvrage -, que depuis la mort
de Mahomet, il s’étoit élevé dans cette feéte, ôc
dans la famille même du faux Prophète plufieurs
Princes, Chefs de differentes Dynafties, qui fous
le nom de Califes, fe prétendoient heritiers des
Etats de Mahomet, ôc les véritables Interprètes
de fa Loi : ôc fous ce prétexte, ôc pour retenir
leurs fujets fous leur obéiffance, ils avoient pu¬
blié differents çommentairçs, ôc des explications
S iij
142, Histoire de lOrdre
Arnaud de l’Akoran fouvent contraires & oppofées. Abu-»
DE CoMPS.
labbas furnommé Saffah , un des petits - fils de
Mahomet, ou du moins ifiu de la même famille,
ayant été proclamé Calife , donna le commen¬
cement à la Dynaftie des Abbaffides, qui s’éta¬
blirent à Bagdat. Il y eut 37 Califes de cette fa¬
mille , qui fuccederent les uns aux autres fans in¬
terruption ; & ils étoient reconnus par tous les
Mahometans de l’Afie , ôc fur-tout par les Tur-
comans Selgeucides pour les fucceffeurs légitimes
de Mahomet.
Hegtre 296.
Vers l’an de Jefus-Chrift 908, la Dynaftie des
IVilL Tyr. L. Fathimites, c’eft-à-dire, des Princes qui préten-
.
19 ch. 20.
doient defcendre en ligne direéte d’Aly ôc de Fa-
tima, fille de Mahomet, commença en Afrique;
ôc foixante-quatre ans après , le Calife Moëz le
Dinillah entra en Egypte, s’en rendit le maître,
fit reconnoître la doéhine d’Aly pour la feule or-
todoxe, ôc défendit qu’on eût à fuivre celle d’Omar
ôc des Califes Abbaffides , qui réfidoient à Bag¬
dat, contre lefquels ce Prince ôc fes fucceffeurs,
jufqu’au tems d’Adhed dont nous venons de par¬
ler , entretinrent un fchifme continuel.
Cette variété de fentimens dans l’explication
de l’Alcoran, ces difputes, ces fchifmes , Ôc fur-
tout ces généalogies la plupart fabuleufes, ne-,
toient inventées par ces Princes que pour impo-
fer au peuple , Ôc pour autorifer leurs ufurpations r
mais ceux de ces Princes dont l’Empire, étoit
bien affermi, s’en moquoient. C’eft ainfï qu’un
certain Thabetheba ayant demandé au Calife
-.Moëz de quelle branche de la Maifon d’Aly il
de Malte. Livre IL 143
APL N A ü ?
iortoit } ce Prince qui étoit alors à la tête dune DE COMPS»
puiflante armée, tira Ton fabre du foureau, ôc le
raifant briller à fes yeux : » Voilà , dit-il, mon
»> pere , ma mere Ôc mes ancêtres ^ & jettant à
» pleines mains des poignées dor à fes foldats :
Voilà, ajouta-t’il, mes enfans & toute ma po-
Hérité.
Mais les defcendans de Moëz , amolis par le
luxe & les délices, abandonnèrent infenfiblement
le gouvernement de l’Etat, & le commandement
des armées à un premier Miniflre , qui fous le
nom de Soudan, ôc comme nos anciens Maires
du Palais , gouvernoit avec un pouvoir abfolu.
Çes Miniftres qui d’abord n’avoient qu’en dépôt
l’autorité fouveraine, fe rendirent bien-tôt indé-
pendans, ils tenoient les Califes releguez dans le
fond d’un Palais au milieu d’une troupe de fem¬
mes ôc d’eunuques, ôc enchaînez, pour ainfi dire,
dans les plaifirs. On leur avoit feulement laiffé
quelques apparences de la fouveraineté : la mon-
noyé étoit encore frapée à leur coin ils étoienc
nommez les premiers dans les prières publiques ;
il falloit même que le Soudan reçût de la main
du Calife l’inveftiture ôc les marques de fa dignité.
Mais ces prérogatives ne s’étendoient pas plus
loin que le cérémonial. Les Califes n’ofoient re-
fûfer les Lettres de Soudan à celui de leurs fujets
qui fè trouvoit le plus fort. Et ces Princes étoient
ft malheureux, que dans la nécdlité de recevoir
un maître , ils n’avoient pas même le choix de
leurs tyrans.
Sannar ou Savar, dont nous venons de parler,
i44 Histoire de l’Ordre
Arnaud e'toic alors revêtu en Egypte de la dignité ôc de
---—- 1 autorité de Soudan. Ce Miniltre , dans le tems
même quil fe préparoit à attaquer les Chrétiens,
fe vit tout dun coup dépouillé de fa dignité par
une puiflante faétion qui s’étoit formée contre
lui : ôc un Sarrafin fon ennemi, ôc chef de cette
conjuration, appellé d’Hargan, prit fa place ôc le
_ commandement de larmée. Il s’avança aufli-tôt
11 6 3. contre le Roy de Jerufalem ; on en vint aux mains ;
les Egyptiens demi-nus, ôc la plupart fans autres
armes que leurs arcs ôc leurs flèches, ne réfifte-
rent pas long-tems à la cavalerie d’Amaury , ôc
fur-tout aux Chevaliers de S. Jean ôc aux Tem¬
pliers armez de pied en cap. Ces guerriers qui
formoient des efcadrons redoutables, eurent bien¬
tôt enfoncé les bataillons des Infidèles : après une
première décharge, tout fe débanda dans l’armée
des Egyptiens : le Roy de Jerufalem demeura
maître du champ de bataille, ôc fit beaucoup de
prifonniers : fes foldats s’enrichirent du butin, ôc
le Prince s’avança aufli-tôt à grandes journées , ôc
il remplit ces grandes Provinces de la terreur de
fes armes, ôc de la crainte de fon nom.
D’Hargan qui n’avoit point de troupes à lut
oppofer , eut recours à un remede prefque auflî
dangereux que le mal qu’il vouloit éviter. Pour
arrêter ce torrent, ôc avoir le tems de faire venir
des troupes de la haute Egypte, il rompit les di¬
gues du Nil, ôc inonda le pays. Il fe croyoit en
fureté du côté des Chrétiens, lorfqu’il lui furvint
un nouvel ennemi qui n’étoit pas moins redou¬
table que le Roy de Jerufalem.
Sannar
de Malte, Livre IL' 145-
Sannar qu’il avoit dépoffedé de fa dignité, s’é- Arnaud
,r -r \ 1-VT 1- 1 ° p , DE COMPS.
toit rerugie auprès de Noradin , Sultan d Aiep : -—
de pour en obtenir les fecours nécefTaires à Ion
rétabliffement, il lui avoit offert, s’il triomphoit
de fon concurrent, de fe rendre fon vaffal, de de
lui donner tous les ans le tiers du revenu de l’E¬
gypte. Noraditj, aufli habile politique que grand
Capitaine, crut entrevoir à la faveur de ces guer¬
res civiles une occafion , & le moyen de fe ren¬
dre maître de ce grand Royaume 5 outre qu’étant
attaché à la feeffe de aux interefts des Califes Ab-
bafiides de Bagdet , il fe faifoit un mérité de
religion de pouvoir éteindre le fchifme en rui¬
nant la domination des Fathimites , que les Tur-
comans Selgeucides traitoient d’heretiques. Dans
cette vue, il reçut trés-favorablement Sannar ~ de
après que le traité eut été figné, il leva un grand
corps de troupes, qui, quoique fournis en appa¬
rence aux ordres de l’Egyptien, obéiffoit cepen¬
dant à Schirgovich ou Siracon , Curde de nation,
le premier des Capitaines de Noradin, de auquel
il avoit confié fes plus iecrettes intentions.
D’Hargan ayant appris cette négociation de
fon Compétiteur, de qu’il fe difpofoit à rentrer en
Egypte à la tête de l’armée de Noradin ; de ne
fe trouvant pas des forces capables de réfifter en
même tems aux Chrétiens de la Paleftine, de aux
j

Turcomans de Syrie, demanda la paix à Amauri.


Ce Prince ne la-lui voulut accorder qu’a condi¬
tion de payer le tribut, qui avoit été le fujet de
la guerre 5 de outre cela, il en exigea une grolïe
fomme d’argent pour les frais de cet armement*
Tome L T
*46 Histoire de l’Ordre
-A R N A U D Le Soudan foufcrivit à tout ; 6c dans une conjon¬
DE CoMPS.
cture fi fâcheufe , il ne crut point acheter trop
cher la paix, ou du moins le tems de fe débaraffer
de celui de fes ennemis qui lui paroiffoit le plus
redoutable : il s’avança enluite contre fon rival.
Les Turcomans Ôc les Egyptiens fe rencontrèrent
bien-tôt : d’Hargan fut défait : il périt même dans
la bataille , ou depuis, par la trahifon d’un de fes
Officiers : 6c Sannar l’ancien Soudan fut rétabli
dans fa dignité. Tout fléchit fous fa puiffance ; il
récompenfa fes créatures, fit mourir fes ennemis;
6c n’ayant plus befoin du fecours de Noradin , il
oublia à quelle condition il l’avoit obtenu : ou
peut-être que par fa victoire, il sen crut affranchi.
Ce fut le fujet d’une nouvelle guerre. Le Géné¬
ral Turcoman reçut des ordres précis de fon maî¬
tre de le venger de l’ingratitude de I’Egyptien.
11 tourna auffi-tôt contre lui fes armes , 6c s’em¬
para de Belbeïs autrefois Pelufe, 6c d’Alexandrie.
Sannar eut recours au Roy de Jerufalem ; 6c pour
l’engager dans fon parti, outre une augmentation
du tribut, auquel fon prédeceffeur s’étoit fournis,
il promit encore à ce Prince des fommes confi-
derables. L’argent reçu , le traité fut figné par
le Roy, qui pour avoir la ratification du Calife,
lui envoya un de fes Capitaines, appelle' Hugues
il 6 6.
de Cefarée. Ce Chevalier ayant été conduit à
l’audience du Calife, lui préfenta le traité que ce
Prince ratifia, feulement pour la forme. Hugues
demanda qu a l’exemple du Roy fon maître, il
lui touchât dans la main. Le Calife, 6c à qui de
tous les droits delafouveraineté, on n’avoit laiffé
Dr Maltr. Livre IL 147*
que le cérémonial, affeéfa un grand fcrupule de Arnaud
> 1 v a 1 -V» o1 / • ~ L DE COMPS.
toucher a nu la main d un Chrétien, ôc il enve- -
lopa la fienne. Mais le Chevalier Chrétien indi¬
gné dune précaution dans laquelle il entroit du
mépris : « Seigneur, lui dit-il fierement, notre
» traité de part ôc d’autre doit êtrefincere, Ôc exe-
»» cuté avec les mêmes cérémonies. Le Roy mon
3» maître en le ratifiant, a donné fa main nue à
35 vos Ambafladeurs , ôc je ne me chargerai de
» votre ratification qu’avec les mêmes formalitez.
Le Calife fut obligé de découvrir fa main, & de
a donner à l’Ambalîadeur. Amaury en execution
de ce traité , marcha au fecours du Soudan , le
joignit, bâtit Siracon , ôc le pourfuivit jufqu’à Bel-
beïs où il s’étoit jetté apres fa défaite, ôc le con¬
traignit, apres quelques jours de fiége, à lui re¬
mettre cette Place.
Ce Prince, l’année fuivante, alfiegea, ôc prit
Alexandrie 5 le jeune Salahebdin neveu de Siracon
s’y étoit enfermé avec la meilleure partie de
l’armée de Noradin. C’étoit un jeune avant u-
rier , qui n’eut d’abord de confideration que
par le crédit ôc le pouvoir de Ion oncle, mais
qui s’attira bientôt l’eftime des gens de guerre
par fon courage ôc fa libéralité. On prétend qu’il 1. pR7üvT.
avoir été fort déréglé dans fes moeurs -, mais le
défirde s’élever, ôc l’amour de la gloire l’emporta
bien-tôt fur celui des plaifirs • ôc en peu de tems il
devint un grand Capitaine. Ce jeune Gouverneur
fe défendit long-tems, ôc avec beaucoup de va¬
leur. Il faifoit fouvent des forties : c’étoit tous les
jours quelque nouvelle entreprife * ôc apres trois
Tij
148 Histoire dé l’Ordre
Arnaud
de comps m°is de fiége, Amaury n’étoit gueres plus avance
"• que le premier jour. Mais celui quil n’avoic pu
fiirmonter par la force des armes , fut vaincu par
la difette , ôc le défaut de vivres. Et Saladin, faute
de fecours & de munitions, fe vit réduit à la trifte
néceflité d’ouvrir fes portes à fon ennemi. On ra-
porte que ce jeune Mahometan, en fortant d’A¬
lexandrie à la tête de fa garnifon, ayant aperçu
Onfroy de Thoron , Connétable du Royaume de
Jerufalem*, & charmé de la valeur qu’il avoit fait
paroître pendant tout le fiége, s’avança vers ce
voyez. chr. Seigneur Chrétien, Ôc le pria comme le plus brave.
chevalier qu’il connût, de vouloir bien le faire
Chevalier de fa main : ce que le Conne'table y
avec la permiflion du Roi, lui accorda avec tou¬
tes les marques d’eftime ôc de confideration qui
étoient dues à la valeur, à la genereufe défenfe
qu’il avoit faite pendant le fiége.
Sannar maître de l’Egypte, & débaraffé des Sy¬
riens , ne fongea plus qu’à renvoyer le Roy de
Jerufalem dans fes Etats. Et pour ne pas s’attirer
fes armes & fon reflentiment, comme il avoit fait
celui de Siracon, il combla le Monarque Chré¬
tien de magnifiques préfens. Ses principaux Offi¬
ciers en reçurent de differentes fortes : on portoic
par fon ordre de tous cotez des vivres dans l’ar¬
mée : ôc Amaury rentra dans fes Etats couvert de
gloire, mais qu’il ternit depuis par une entreprife
î 1 6 7- à laquelle les Hofpitaliers malheureufement ne
prirent que trop de part.
Ce Prince né avec de grandes vues -, mais plein
dune ambition vive ôc inquiette, à (on retour
de Malte. Livre IL 149
de l’Egypte 3 faifoit de continuelles réflexions fur A R N A IF a
DE COMPS.
la grandeur de ce Royaume 3 fur le nombre 8c la
richeffe de fes habitans3 fur fes flottes 8c la commo¬
dité de fes ports -, 8c il jugea bien que cet Etat
étant aufli puiffant 8c auffi voifin de la Paleftine,
il étoit bien difficile que les Latins puffent con-
ferver les Lieux laints 3 s’il fe trouvoit quelque
jour ou un Calife ou un Soudan belliqueux 3 8c
que tôt ou tard la Paleftine deviendroit de nou¬
veau une province de l’Egypte , comme elle la-
voit été avant la conquête de Godefroy de Bouil¬
lon. Plein de ces pèniées 3 8c prévenu du peu de
courage qu’il avoit éprouvé dans cette nation 3 il
crut qu’il ne pouvoit mieux affermir fa domina¬
tion 8c celle de fes fucceffeurs3 qu’en fe rendant
maître de ce puiffant Royaume : 8c comme le de-
fir des richeffes étoit d’ailleurs fa paffion domi¬
nante 3 il envahiffoit déjà en idée les tréfors du
Calife 8c du Soudan , 8c il fe flatoit que quand
même il ne feroit pas la conquête entière de cet
Etat, il en emporteroit au moins une partie des
richeflfcs, foie par le pillage des villes dont il s’em-
pareroit, foit par les contributions qu’il étendroit
dans les provinces les plus éloignées.
Mais, comme pour une aulïî grande entrepri-
fe, fes forces ne répondoient pas à fes vues am-
bitieufes 3 qu’il avoit befoin de troupes 8c d’ar¬
gent pour en lever 3 8c qu’il manquoit même
d’une flote pour bloquer les Ports d’Egypte 3 il
s’adreffa à Manuel Comnene Empereur de Con-
ftantinople3 auquel il fit propofer une ligue, &
la conquête 8c le partage de ce Royaume. G.uil-
150 Histoire de i/Ordre
Arnaud
de Comps.
laume deTyr, auteur de l’hiftoire que nous avons
du Royaume Latin dejerufalem, fut chargé de
WiL Tyr.L»
cette négociation. Il étoit né dans le pays, mais
zo» ch» on dit que fes anceftres étoient originaires de
France: il fut Archidiacre de Tyr,& Amaury
le fit depuis Précepteur du jeune Baudouin fon
fils. Il pafla de cette fonétion à la dignité de Chan¬
celier, 8c vers l’an 1174 il fut élu Archevêque de
Tyr. Il n étoit encore qu Archidiacre de cette
Eglife ,, quand il fut envoyé à Conftantinople en
qualité d’Ambaffadeur. L’Empereur Grec parut
ne pas s’éloigner des propofitions que lui fitl’Am-
bafladeur • & apres quelques conférences , il y
eut un traité (igné. Ce fut en éxecution de ce
traité, que Contoftephane fe mit en mer avec
les troupes dont on étoit convenu.
Amaury étant alfuré d’une flote ne fongea plus
qu’à grofiir fon armée de terre : il s’ouvrit de fon
deifein au Grand Maître des Hofpitaliers, qui par
fon caraétere & fa complaifance avoit beaucoup
de part dans la confiance de ce Prince. Ce Grand-
Gilbert
Maître s’apelloit Gilbert d’Assalit ou de Sail-
d’Assalit. ly, qui venoit de fucceder à Arnaud de Comps. Le
Roi lui fit envifager qu’ayant pour voifîns de*
Barbares accoutumez au brigandage, 8c dont la
foi étoit Toujours incertaine, il n’y avoit que la
force feule 8c la fuperiorité que l’on pouvoit ac¬
quérir par des conqueftes, qui pût fervir de bar¬
rière à leurs courfes, 8c défendre les frontières de
l’Etat contre leurs entreprifes : qu’il étoit refolu
de porter fes armes dans l’Egypte , 8c de fe ren¬
dre maître de quelque Place confiderable, qui les

»
de Malte. Livre II. 151
empêchât de pénétrer dans la Paleftine. le Grand Gl(lBERT
Maître, foit par complaifance, foit emporté par 'p’Assalit.
Ton courage, entra avec ardeur dans tous les def.
feins du Roi. C’étoit à la vérité un homme plein
de valeur, hardi, entreprenant? mais dun genie
peu mefuré, & capable de fe laiffer feduire par
des efperances fbuvent mal-fondées. Il donna au
Roi de grandes louanges fur la hardiefTe dun pa¬
reil projet, qui répondoit, dit-il, à la grandeur
de Ion courage : & il témoigna à ce Prince com¬
bien il fe tenoit honoré de la part qu’il vouloit
bien qu’il y prît. Mais, quoique ce Grand Maître
fût à la tête d’un puiffant corps de guerriers, fon
autorité étoit temperée par celle d’un Confeil,
qui ne fe déterminoit dans toutes fe s entreprifes ,
que par le plan fixe de fa réglé & de fes fîatuts :
quelque impatience queût le Grand Maître de
prendre les armes , il commença à craindre que
les Hofpitaliers ne fiffent difficulté de s’engager
dans une expédition qui n’avoit pas directement
pour objet la défenfe des faints Lieux, & la con-
fervation des Pèlerins & du Peuple chrétien.
Le Roi & le Grand Maître eurent à ce fujet
plufieurs conférences. Le Grand Maître reprefen-
ta au Roi que pour engager le corps de l’Ordre
dans cette ehtreprife, dont les frais feroient confi-
derables, il falloit intereffier le Confeil par l’efpoir
d’une récompenfe folide, & qui le dédommageât
de fes avances; & ils convinrent que fi l’armée
chrétienne pouvoit faire la conquefte de la ville
de Belbeïs, autrefois appellée Pelufium, le Roi - t ^_
en cederoit à l Ordre la propriété. Le Grand Mai-
iji Histoire de l’Ordre
Gilbert
e’Assalit.
tre fie parc de cette propofition au Confeil de
l’Ordre : il y reprefenta l’importance de cette Pla¬
ce , 6c tout l’avantage que la Religion pourroit
tirer d’une pareille conquefte, &: fur-tout , qu’en
cas que les TurÆmans qui devenoient de jour
en jour plus redoutables , fe rendirent maîtres de
la Paleftine, l’Ordre pourroit transférer fa réfi-
dence dans cette Place, d’ou il ne lui feroit pas
difficile, dans des conjonctures plus favorables,
de rentrer dans la Terre Sainte, 6c d’en chaffèr
les Barbares à leur tour.
Les plus anciens Hofpitaliers, gens qui joi-
gnoient à une delicateffie d’honneur, l’obfervance
lcrupuleufe de leur Réglé, lui reprefenterent qu’ils
étoient Religieux, 6c que l’Eglife ne leur avoir
pas mis les armes à la main pour faire des con¬
quêtes. Qu’ils ne pouvoient s’en fervir que pour
la défenfe de la Terre Sainte; d’ailleurs , quon ne
pouvoir pas attaquer une nation, quoiqu’infîdelîe,
qui fe repofoit fur la foi d’un traité de paix qu’on
venoit de figner.
Mais d’autres Hofpitaliers , les uns amis du
Grand Maître, 6c quelques-uns gagnez par le Roi
même, fe déclarèrent pour la guerre : ils foutin-
rent que quelque traité qu’on eût fait auparavant,
foit avec les Turcomans, foit avec les Sarrafins,
ces infidelles, quand ils s’étoient pu flater de fur-
prendre les Chrétiens , les avoient toujours violez^
que ces Barbares n’avoient pas obfervé avec plus
de fidelité le dernier traité, 6c qu’on avoir des avis
certains que leurs garnifons ne laiffioient pas de
faire des courfes fur la frontière. Qu’un de leurs
partis
\

de Malte. Livre IL 153


Gil bert
partis avoit récemment enlevé des payfans de la d’Assalit.
campagne , qui fe repofoient fur la Foi du dernier
traité. Soit que cette plainte fût vraie, ou que ce ne
fût qu’un prétexte ,1a pluralité des fuffrages l’em¬
porta dans le Conleilpour la guerre.On réfolut que
fi le Roi entreprenoit la conquête de l’Egypte, le
Grand Maître,à la tête de tout ce qu ’il pouvoit met¬
tre de troupes fur pied, lefuivroit dans cette expé¬
dition. Pour fournir aux frais de cet armement, on
lui donna un plein pouvoir pour emprunter de
l’argent dans les banques de Florence & de Genes.
Nicetas, dans la vie de l’Empereur Manuel
Comnene, raporte que ce Prince, pour y contri¬
buer de fa part, fît faire des remiies confidera-
bles au Grand Maîtrepar Théodore Maurozume.
Et ce fut apparemment pour tirer auffi de l’argent
du Roi de France, qu’il lui écrivit la Lettre qu’on
trouvera parmi les Preuves. preuve
AfTalit, de tout cet argent leva un grand corps 1L
de troupes qu’il prit à la folde de l’Ordre, & com¬
me il n’avoit l’imagination remplie que d’efpe-
rances flateufes de conquêtes, par des liberalitez
indifcretes , il attira fous fes étendarts un grand
nombre de voiontaires, qui, à fon exemple , par-
tageoient déjà en idée toutes les richeffes de l’E¬
gypte. Le Roi lui fçut bon gré du zele qu’il fai-
ïoit paroître pour le fuccès de fon entreprife. C e
Prince fe flatoit de ne pas tirer un moindre fe-
cours des Templiers, mais ils refuferent de pren¬
dre part à cette expédition, foit pour ne pas pa¬
roître en campagne avec des forces, inferieures _
à celles des Hofpitaliers , foit, comme ils le pu- 1168.
Tome L
•— -
' V 1
154 Histoire de l’Ordre
Gilbert blierent , qu’ils coiffent injufte une guerre qui
d’Assalit,
n’avoit pas été précédée par une déclaration faite
aux ennemis par un Hérault: maxime confiante
ôc peu fuivie par les Princes, plus fenfibles à leurs
interets quà la religion du ferment. *
Amaury fe mit en marche , accompagné du
Grand Maître ôc à la tête de fon armée : il y avoit
long-tems qu’il n’en étoit forti de la Paleftine une
fi nombreufe. Ce Prince , en moins de dix jours,
traveriale defert qui fepare la Paleftine de l’Egyp¬
te , ôc vint camper devant Belbeïs dont il fomma
les habitans de lui ouvrir les portes; cette Ville
étoit fituée fur la rive du Nil à droite du côté de
la Paleftine. Mahazan fils du Soudan Sannar, ôc un
de fes neveux qui commandoient alors dans cette
Place , lui firent dire qu’ils étoient bien furpris de
voir au pied de leurs murailles, ôc comme enne¬
mi , un Prince dont le Calife ôc le Soudan venoient
de tirer des fecours fi utiles , &avec lequel, fur-
tout l’Egypte, venoit de faire un traité de paix
folemnel. Amaury voulut rejetter fa prife d’armes
fur quelques courfesdes Sarrafins, mais qui furent
defavouées. Mahazan foütint même qu’on 11e juf
tifieroit point que depuis le dernier traité , aucun
foldat de fon pere eût entré fur les terres des Chré¬
tiens ; mais comme la force tient lieu de raifon à
la plupart des Souverains,Amaury fe crut trop puif-
*■ Fratres autem militiæ rempli eidem fe fubducentes fado, aut quia
eis contra confcientiam fuam videbatur, aut quia magilter æmulæ do-
mus, hujus rei audor & pnnceDs videbatur, vires pemtus miniftrare,
aut regem fequi negaverunt : durum enim videbatur eis, amico regno 8c
de noftrâfide præfumenti, corrtra tenorem padorum, ôc contra juris re-
ligionem , imraeritis, ôc fidem fervantibus bellum indicere, Vvill. Tyr.
,. .
i. 3 0 c
de Malte. Livre IL 155
fane pour écouter celles des Infîdelles -, ôc fur leur Gilbert
i/Assalit.
refus , on vit bien qu’il n y auroit que les armes
qui décideroient du fort des affiégez.
La Ville étoit moins défendue par toutes les
fortifications que l’art avoit inventées en ce tems-
là, que par le nombre de fes habitans qui avoient
tous pris les armes pour la défenfe de leur patrie,
ôc furtout contre les ennemis de leur Religion.
Amaury qui craignoit la longueur ôc l’incertitude
d’un fiege, refolut dehazarder d’abord une elcala-
de} il fut deux jours à préparer les échelles , ôc
les machines neceffiaires pour fon entreprife. On
vit le troifiéme, ôc désla pointe du jour , la Ville
entourée de toute l’armée en bataille -, les habitans
de leur côté bordoient les murailles armez de flè¬
ches , de darts , de pierres , de piques ôc de feux
d’artifices. On n’eut pas plutôt approché les échel¬
les , qu’un corps des troupes d’Amaury comman¬
dées par des Officiers pleins de valeur, coururent
à l’alfaut j on ne vit jamais tant d’ardeur , les uns
à la faveur des échelles tâçhoient de gagner le
haut de la muraille y d’autres la fapoient par le
pied , il y en avoit qui dans les endroits où elle
étoit moins haute y montoient fur les épaules de
leurs compagnons, ôc fe faifoient de leurs corps
comme une efpece de degré pour s’élever jufques
fur les remparts -, les affiegez les repoufloient à coups
de piques, ou en roulant de groflfes pierres du haut
des murailles, ou en lançant leurs zagaies, ou en¬
fin en jettant des feux d’artifice, ôc il périt dans
le commencement de cette attaque un grand nom¬
bre d’Officiers ôc de foldats chrétiens avant qu’on
Vij
ij6 Histoire de l’Ordre
Gilbert p£c vo[r fe quel côté Ja viétoire tourneroit.
d Assalit. r T A . ,
__ Amau ry fit ioutemr ce premier corps par de nou¬
velles troupes, qui, fans s’étonner > montent au tra¬
vers des feux, des darts 8c des pierres, s’élèvent
jufqu au haut des murailles, fe prennent aux cré¬
neaux, & malgré toute la réfiftance des affiegez,
fe jettent fur les remparts, pouffent tout ce qui fe
prefente devant eux, 8c pénètrent l’épée à la main
jufques dans la ville. Ils en ouvrent enfuite les
portes ; les Chrétiens y entrent en foule -, le fol-
dat dans les premiers tranfports de fa fureur, tue
d’abord fans diftinétion d âge, de fexe ou de con¬
dition , tout ce qui fe prefente devant lui ^ il y
eut quelques)-uns de ces furieux qui n’épar-
gnerent pas même n i les vieillards, ni les femmes,
ni les enfans à la mammelle : il fembloit que des
Chrétiens craignifTent de ne pouvoir être auffi
inhumains que des Sarrafins 8c des Arabes. Mais
l’Officier comme le foldat s’appercevant que leur
cruauté nuifoit à leur avarice, ils donnèrent quar¬
tier aux principaux habitans, dans la vue d’en
tirer de l’argent pour leur rançon -, 8c ceux qui ne
la purent payer, demeurèrent efclaves 8c prifon-
__niers de guerre.
ii6 8. Le Roi de Jerufalem étant maître de la Place,
en execution de fon traité, en remit la poffeffion
au Grand Maître, 8c toute l’armée, après quel¬
ques jours de repos, prit le chemin du grand Caire,
ville confiderable , voifine de l’ancienne Baby-
lone,-& qui depuis la ruine de cette Place étoit
la capitale d’Egypte. On ne peut exprimer la fur-
prife 8c U confternation du Soudan quand il apric
de Malte. Livre II. 157
la perte de Belbeïs, laprifonde Ton fils & de fon Gilbert
d'Assalit.
neveu, & qu’il alloitavoirlui-même toutes les for¬
ces des Chrétiens fur les bras. Comme ilnepouvoit
pas beaucoup compter fiir les troupes peu aguer¬
ries des Egyptiens ; malgré fon manque de parole
envers Noradin, il fe vit réduit à avoir recours
à ce Prince, & le péril preffant l'empêcha de
fentirlahonte d’implorer le fecoursd un allié qu’il
avoit trompé. Il rappelle en même tems auprès
de lui differens corps de troupes qui étoientdans
les provinces les plus éloignées ; ôc afin de don¬
ner le tems aux uns ôc aux autres d’avancer à fon
fecours, il envoya des députez au Roi dejerufa-
lem pour tâcher par quelque négociation de re¬
tarder le progrès de les armes.
Les députez étant arrivez à fon camp fe plai¬
gnirent de l’infraéhon du traité de paix; mais
comme l’injuftice n’étoit que trop vifible, ilspafi.
ferent legerement fur un grief qui n’auroit lervi
qu’à irriter Amaury qu’ils vouloient appaifer ; ôc
pour obtenir qu’il retirât fes troupes de l’Egypte,
ils lui firent des propofitions fi éblouiffantes,que
ce Prince chez qui paix ôc guerre tout étoit vé¬
nal , n’eut pas la force d’y réfifter. On lui offrit
deux millions d’or, tant pour obtenir la paix que
pour la rançon du fils ôc du neveu du Soudan,
fomme immenfe pour ce tems-là, ôc qu’on auroit
eu bien de la peine à trouver dans toute l’Egypte.
Amaury plus touché de ces offres d’un argent
comptant, que des efperances douteufes de la
conquête de ce Royaume, accepta ces conditions.
II69,
Le traité fut figné, ôc en confequence, ôc pour la
y üj
ij3 Histoire de l’Ordre
Gilbert liberté qu’il rendit au fils ôc au neveu du Sultan,
d’Assaiit.
on lui paya en dedu&ion des deux millions cent
mille pièces d’or -, ôc pour fournir le lur-
plus, les députez demandèrent quelque tems;
que pendant qu’on ramafferoit cet argent dans
les Provinces, il y eût une fufpenfion d’armes
entre les deux Nations, ôc que les Chrétiens pour
ne pas jetter l’alarme dans le pays, reftaffent dans
1 endroitou ils les avoient rencontrez, ou du moins
qu’ils n’avançaffent que lentement. Le Roi de
Jerufalem toujours obfedé par fa lâche paffion &:
fans confiderer que les momens en tems de guer¬
re font plus précieux que ni l’or, ni l’argent,
foufcrivit à tout; ôc le Soudan pour l’amufer, lui
envoyoit continuellement des rafraîchiffemens. U
dépêchoit en même tems au Prince couriers fur
couriers, pour excufer,fous differens prétextes, le
retardement de l’argent qu’il devoit payer. En
vain les principaux Officiers d’Amaury tâchèrent
de lui rendre fulped: ce retardement ; ce Prince
aveuglé par l’efperance de recevoir une fi grande
fomme, évitoit avec foin de donner aux Sarra-
fins le moindre prétexte de rompre le traité;
mais il ne fut pas long-tems fans s’appercevoir
qu’il étoit trompé : il aprit avec autant de furprife
que de chagrin, que differens corps de troupes
s’avançoient du fond des Provinces , ôc qu’une ar¬
mée redoutable des Turcomans Syriens marchoit
au fecours des Egyptiens, ôc cherchoit à les joindre.
Noradin qui ne vouloit pas être deux fois la
dupe de l’Egyptien , avoit jetté fes principales
forces de ce côté-là , ôc mis fon Général en état
de Malte. Liv. II. 159
G I L B E RT
de faire tenir fa parole à Sannar. Malgré les dif¬ d'Assalit-
férais mouvemens que fît Amaury ^ Siracon qui
commandoit l'armée de Noradin, 6c qui connoif-
foit le pays, évita la rencontre d’Amaury qui s’étoit
avancé pour le combattre féparément • 6c ce Ge¬
neral infîdele joignit les troupes du Soudan. Pour
comble de difgrace, une flote que l’Empereur de
Conftantinople avoit envoyée au fecours des Chré¬
tiens , périt en partie , ou fut difperfée par la tem¬
pête. Amaury privé de ce fecours, 6c trouvant fon
armée diminuée confiderablement par les mala¬
dies, par les défertions, 6c par les autres accidens
ordinaires à la guerre, ne fe vit plus en état de réfi-
fter aux forces réunies de tous ces Infidèles. Ainfi on
nefongeaqu’à regagner la Paleftine-, & comme il
n’y avoit pas d apparence de laifTer la garmfon
de Belbeïs dans un pays ennemi fans elperance
de fecours , 6c contre une puiffance fi formidable ,
le Grand Maître fe vit réduit à rappeller les Hof
pitaliers aulquels il avoit remis cette Place.
Amaury les reprit en paffant *, 6c quoique vive¬
ment pourfuivi par des détachemens de l’armée
de Syracon , il regagna la Paleftine. Apres une
longue marche, il arriva enfin à Jerufalem avec
-la confufion d’avoir rompu inutilement un traité
folemnel, 6c fait une entreprife injufte 6c mal
concertée.
Le Grand Maître étoit encore plus chagrin de
ce mauvais fucès. Les Courtifans, félon leur cou¬
tume, pour difculper le jeune Prince, rejettoient
fur lui feul cette malheureufe entreprife. Ses con¬
frères ne paroiffoient pas moins aigris j 6c ils fe
160 Histoire de l’Ordre
Gilbert plaignoient hautement que pour fatisfaire fa va¬
d’assaut.
nité , & pour mener à fa fuite un grand nombre
Preuve de volontaires, il avoit endetté l'Ordre de plus
IL de deux cent mille ducats • lomme immenfe pour
ces .rems-là. Enfin ne pouvant plus foutenir le mé¬
pris des uns, ôc le reproche des autres, il réfôlut de
s’éloigner de la Paleftine. Il renonça en plein Cha¬
pitre à fa dignité , & on mit en fa place un an-
G\stvs. c^en Religieux appelléFrere Castus ou Gastus,
——• dont on ignore la patrie. Sans l’éloignement du
11 6 9- tems, on auroit pu croire que c'étoit le même
Gaftus qui pendant la première Croifade, entra
avec le Comte de Flandres à la tête de cinq cens
hommes dans la ville de Rama : mais apparem¬
ment que ce Grand Maître n’étoit que quelqu’un
des parens de ce Croifé.
_ Gilbert d’Affalit, après fon abdication , quitta
Preuve Jerufalem & la Paleftine, réfolut daller dans quel-
1 v- que coin de l’Europe enfevelir fa honte & fa dou¬
leur. Il s’embarqua à Jaffa, 6c arriva fur les côtes
de Provence : il traverfa la France pour fe ren¬
dre en Normandie , où étoit alors Henry II.
Duc de cette grande province , & Roi d’Angle¬
terre : il falua ce Prince à Rouen • & malgré fa
difgrace , il en fut bien reçu au raport de Ro¬
ger de Hoveden , Hiftorien contemporain. De¬
là il prit un vaiffeau à Dieppe pour paffer en
Angleterre * ce qui a fait préfumer qu’il en étoit
originaire : ce vaiffeau au raport de l’Hiftorien,
étoit vieux & incapable d’aller en mer. Affalit
dans l’impatience de fe rendre en Angleterre ,
fe contenta d’y faire faire de legeres répara»
tions
de Malte. Liv. IL iéi
rions, & s’embarqua : mais à peine étoic-il forti G A sT u s
du porc, que ce bâtiment coula bas. Le Grand
Maître périt dans cette occafion avec tous les
paflâgers , à l’exception de huit perfonnes qui
s’étoient emparées de bonne heure de l’efquif.
Sannar , quoique victorieux , ne le débaraffa
pas fi aifément de Siracon General de Noradin,
que des Chrétiens & de les ennemis déclarez : un
allié auffi puiffant lui donnoit beaucoup d’inquié¬
tude. Ces deux Généraux s’obfervoient mutuel¬
lement , & chacun avoit fes delfeins particuliers.
L’Egyptien , apres avoir congratulé Siracon fur fa
victoire, lui envoya des préfens magnifiques -, &
en lui repréfentant qu’on manquoit de vivres, il le
prelfoit de reprendre le chemin de fon pays. Mais
Siracon fous différais prétextes, differoit fon dé¬
part de jour en jour. Enfin ayant attiré Sannar
dans fou camp, il le fit poignarder • il entra en-
fuite dans le Caire à la tête de fes troupes, fe
rendit maître du Royaume , & s’en fit recon-
noître pour Soudan par le Calife même , qui
n’étoit qu’un phantôme de Souverain , & dont
le fort dépendoit toujours du plus puiffant de
fes fujets.
Le Général de Noradin ne jouit pas long.tems
de fon crime • il mourut de maladie au bout de deux
mois , & laiffa le commandement des troupes de
Noradin à fon neveu Salahebdin ou Saladin dont
nous avons déjà parlé , & que le Calife d’Egypte,
pareequ’il ne put s’en difpenfer , nomma premier
Emir ou Soudan de tout ce Royaume.
Saladin dépêcha auffi-tôt à Damas un Officier:
Tome l. X*
i6l Histoire de l'Ordre
G A S T U S. de fes amis pour donner avis à Noradin fon mai-
tre de la mort de Siracon fon oncle, ôc pour re¬
cevoir fes ordres. Il y eut des miniftres de No¬
radin , qui fe défiant de l'humeur ambitieufe du
jeune Général, confeilloient au Prince de ne pas
laiffer affermir lautorité de Saladin, qui n etoit
point né fon fujet , & de lui envoyer prompte¬
ment un fucceffeur. Mais Noradin, dans la crainte
que fa deftitution ne lui fît naître des penfées de
révolte , ôc dans la vue de paffer lui-même en
Egypte quand tout y feroit tranquille, confirma
Saladin dans fon emploi, & il fe contenta de lui
ordonner de faire fupprimer dans les prières pu¬
bliques le nom d’Adhad en qualité de Calife,
ôc de fubflituer en fa place celui de Moftadhi
XXXIII. Calife de la race des Abbafïides qui
fiégeoient à Bagdet. Il lui commanda en même
tems de dépofTeder les Prêtres ôc les Cadis ou Ma-
giftrats qui faifoient profeffion de la feéfe d Aly,
dont Adhad, comme Calife , étoit le chef ôc le
fouverain Pontife. Ce Calife furvécut peu à un
fi grand changement *. on prétend même que fa
mort ne fut pas naturelle , ôc que Noradin zélé
ôc dévot, félon les principes de fa Religion, pour
éteindre le fchifme dans le fang de ce malheu¬
reux Prince, envoya des ordres fecrets à Saladin
de s’en défaire. Mais foit que les ordres en fuf-
fent venus de Damas , foit que la vie d'Adhad
caufat toujours quelque inquiétude à l’ambitieu*
Saladin, il eft certain qu’il le fit étrangler dans
le bain.
Ce fut le dernier des Califes Fatimites, qui
de Malte. Liv. IL 163
finirent en Egypte l'an de Jefus-Chrift 1171, ôc Gastuï.
de l’Hegire 567 ; ôc toute l’autorité dans le gou¬
vernement, loit pour le fpirituel, foit pour le ci¬
vil , fut dévolue à Saladin, qui, pour le rendre
plus refpeétable, prit l’inveftiture du Calife Ab-
baffide qui réfidoit à Bagdet.
Salahedden-Jofef-ben Ajoub-ben Schadi étoit
un avanturier Curde de nation, ôc qui s’attacha
avec fon oncle Siracon au fervice de Noureddin-
Zenghi, Prince d’Alep & de Damas, dont nous
venons de parler fous le nom de Noradm. Le Ca¬
life Adhad ne fut pas plutôt expiré, que Saladin
s’empara de fes tréfors dont on peut dire qu’il
acheta l’Empire, en les répandant dans fon armée.
Il donnoit tout ^ jamais Commandant n’acquit par
de fi grandes liberalitez, l’affeétion de fes foldats:
fevere dans le châtiment, magnifique dans fes ré-
compenfes, doux , humain , plein d’équité à l’é¬
gard de fes fujets, ôc en même tems, par les prin¬
cipes de fa Religion , cruel ennemi des Hofpita-
liers ôc des Templiers ; d’ailleurs foldat ôc Géné¬ I

ral , grand Capitaine, ôc qui de fes conquêtes fe


forma un vafte Empire, dont l’hiftoire a été écrite
par l’illuftre Abbé Renaudot, le plus lçavant hom¬
me de (on fiécle dans les langues orientales.
Le jeune Saladin aufii habile politique que grand
Capitaine, tant que Noradin vécut, conferva une
entière déference pour fes ordres • il tint même
encore quelque tems apres fa mort la même con¬
duite à l’égard d’Almalech-aLSalchifmaël fils de
Noradin, dont il fit publier le nom dans les Mot
quées ôc dans les prières publiques apres celui dm
’Xiji
164 Histoire de l'Ordre
Calife, comme on en ufoit à legard des Souve¬
rains. Il époufa même depuis fa mere ^ mais apres
avoir établi folidement fon autorité , il leva le
mafque , fit la guerre au fils de fon maître auquel
il enleva Alep. Damas, la meilleure partie de la
Syrie, l’Arabie , la Perfe ôc la Méfopotamie tom¬
bèrent depuis fous l’effort de fes armes. *
Il n’y avoit que la Judée ou la Paleftine qui
féparât ces vaftes Provinces, dont ce nouvel Em¬
pire étoit compofé, & qui en empêclioit la commu¬
nication : la conquête de ce petit Etat fut l’objet
de fes armes. C’étoient tous les jours de la part
des Infidèles des incurfions & de nouvelles entre-
prifes. Les Chrétiens ne fçavoient où porter du
fecours. Saladin à la tête d’une armée de quarante
mille hommes , attaqua le château Daron, fi tué
dans lldumée, fk quin’étoit qu’à quatre milles de
Gaza. Mais y ayant trouvé une réfiftance trop
courageufe, il tourna fes armes contre Gaza mê¬
me, qui du côté de l’Egypte & de la mer étoit
la clef du Royaume de la Paleftine. Il s’imagi-
noit trouver cette Place qu’on avoit confiée aux
Templiers, fans garnifon , dans la penfée où il
étoit que ces Chevaliers en étoient fortis pour
fortifier l’armée. Mais aux premières aproch.es ,
ôc dans la première fortie, il reconnut bien que
tous les Templiers n’étoient pas à l’armée : il
leva auffi-tôt le fiége • & pour fe venger de ce
* Salahabdinus occupator Ægypti uxorem Noradini fibi matrimo-
nio copulans cum jpfa Regni rcgimen fugatis hæredibus occupavit >
deindè terra Roafiæ & Gcfiræ occupata, circurajacentia Régna ufque
ad intima citerioris Indiæ, nunc dolis, nunc armis expugnans, de fcep-
tris[pluribusMonarchiam efïicit, Babyloniæ & Damafci fibi vendicans
principatum;hxcfortunæludentisporcntia.C^ro«.c).^ Ntngis adann. 1174. „
)
d e Malte. Livre II. îtfj

mauvais fuccês, Tes troupes mirent tout à feu ôc G A S T U S.


à fang dans la campagne, pendant que dun au¬
tre côté , fes Lieutenans ravageoient en même
tems la principauté d’Antioche ôc la Phénicie.
Les Hofpitaliers ôc les Templiers étoient con¬
tinuellement à cheval • ôc quoique ces genereux
guerriers s’oppofaffent avec un courage invinci¬
ble aux efforts des ennemis, le Roi commença
à reconnoître la faute qu’il avoit faite d’avoir
donné occahon au Soudan d’appeller àfon fecours
un ennemi également puiffant ôc ambitieux, & il
vit bien que pour lui réfifter, il ne falloit pas
moins qu’une nouvelle Croifade, ôc une armée des
Princes d’Occident. Il chargea de cette négocia¬
tion Guillaume Evêque d’Acre, qu’il nomma chef
de cette ambaiîade. Mais comme ce fecours étoit
éloigné, Ôc même incertain, il réfolut de recou¬
rir à l’Empereur de Conftantinople, ôc il fe ren¬
dit lui même dans cette Capitale pour tâcher d’ob¬
tenir de Manuel, dont il avoit époufé la nièce,
des troupes, ou du moins l’argent neceffaire pour
faire de nouvelles levées.
Ce Prince,avant que de s’embarquer, laiffa le gou- Jo UBERT.
vernement de (es Etats aux deux Grands Maîtres, j t
Celui des Hofpitaliers s’appelloit Frere Joubert,
qui par la conduite habile qu’il avoit tenue dans
les affaires de la principauté d’Antioche , étoit
bien digne de remplir cette première place. Il
avoit fuccedé à Gaftus. Le choix ôc la confiance
du Roi, fi honorables pour les deux Ordres mili¬
taires, fut un nouveau motif pour redoubler leur
attention ôc leur zele. Il falloit, pour ainfi dire,
X iij
166 Histoire de l’Ordre
Joubert. que les deux Grands Maîtres fiflent face de tous
cotez j ôc pour furcroît d’embarras, à un ennemi
aufii redoutable que Saladin, il s’en joignit un
autre de la maifon d’Arménie, lorti du fein même
des Templiers, ôc qui en fe mettant fous la pro¬
tection des Infidèles, en prit toute là haine con¬
tre les Chrétiens latins.
La petite Arménie Province voifine de laSyrie,
1170.

Bo^io l. 8- avoit les Princes particuliers, Chrétiens de Reli¬


/>• 277- gion, mais la plupart Schifmatiques, auffi bien
que leurs fujets, &même tant à l’égard de l’Eglife
grecque , que de la latine. Ils ne mettent point
Epft. Gïegt d’eau dans le vin pour le faint Sacrifice, comme
Bapx, fept,.
font les Grecs ôc les Latins, quoiqu’ils y em-
ployent du pain levé comme les Grecs. Ils ne
font qu’une fête de Noël,& de l’Epiphanie ^ on
prétend aufh qu’ils fe fervent de beurre au lieu
de baume dans la confection du faint Chrême. Ils
ne reconnoifient qu’une nature en J. C. ôc ajou-
toient au Trifagion ces paroles, Crucifie’ pour
nous -, addition introduite par Pierre Foulon ufur-
pateur du fiege patriarchal d’Antioche dans le*,
cinquième fiecle, rejettée par l’Eglife catholique.
Ces Schifmatiques ont un Patriarche qu’ils appel¬
lent par excellence le Cathol iqjj e , ôc qui
réfide à Cis, capitale de la petite Arménie. Les Prin¬
ces de ce petit Etat dépendoient originairement
des Empereurs de Conftantinople - mais dans les
frequentes révolutions qui agitèrent cet Empire,,
ils n’en reconnoiflbient l’autorité que quand on
les y pouvoit forcer• Ôc à la faveur de quelques
châteaux fîtuez fur des montagnes inacçeflibles
de M ait e. Livre IL 167
ils fe maintenoient également contre les incur^ JOUBERT.

fions des Turcomans, ôc contre les entreprifes des


Grecs.
Thoros ou Théodore regnoit alors dans cet¬
te contrée. Ce Prince , quoique Schifmatique,
pour fe ioutenir contre les Grecs, avoit fait une
alliance particulière avec les Latins d’Orient. Il
fouffroit que les Holpitaliers ôc les Templiers
euffent des Eglifes dans fes Etats • ôc même fon
frere appellé Melier ou Milon , avoit renoncé au
Schifme , ôc s’étojt fait Templier. Le Prince Théo¬
dore, pour attacher plus étroitement les Latins à
les interets, avoit marié une de fes foeurs à un
Seigneur latin , ôc il étoit forti de ce mariage un
O ' ' o.

jeune Prince appellé Thomas, qu'il avoir depuis


reconnu pour fon heritier ôc pour ion iuccefieur.
Ce Prince étant mort,Thomas ion neveu vou¬
I I7I.
lut prendre poiTeihon de fes Etats, Mais comme
il n’adheroit pas au fchifme, les Arméniens témoi¬
gnèrent beaucoup d’éloignement pour fa domi¬
nation, ôc le Templier Melier ie prévalant de cette WULTjr.l.
20. C. 2$-.
averfion des peuples, abandonna fon Ordre, prit
les armes de concert avec Saladin ,en obtint même
un fecours confiderable de troupes , chaifa ion
neveu de l’Armenie, ôc s’en rendit le maître. Il en-*
tra enfuite dans la principauté d’Antioche, ôc
jufques fur les frontières du royaume de Jerufa-
lem. Ses troupes par fon Ordre portoient le fer Idem ibid.
ôc le feu de tous cotez, ôc laiifoient dans tous les
lieux où elles paifoient de triftes marques de leur fu¬
reur. On ne peut exprimer toutes les cruautez que
ce Religieux apoftat exerça contre les Chrétiens
168 Histoire de l’Ordre
JOUBER-T. latins, & furtout contre les H ofpitaliers Ôc les Tem¬
pliers les freres. Il faifoit poignarder de fang froid
ceux qui tomboient entre les mains, ou il les li¬
vrait aux Infidèles, comme des gages-& des preu¬
ves de fa foi: & on faifoit expirer ces foldats de
Jefus-Chrift dans les tourmens les plus affreux.
Le Grand Maître Joubert eût bien voulu aller
en perfonne réprimer les courfesde ce renegat,&
tirer vengeance de tant de cruautez. Mais comme
il étoit encore chargé delà Régence de l’Etat, &
qu’il ne pouvoit quitter les frontières de l’Egypte,
fans les abandonner aux incurfions des troupes de
Saladin, il ordonna à un Chevalier de fon Ordre,
grand Précepteur ou grand Commandeur, qui
veilloit fur les frontières du côte de la Syrie, de
faire prendre les armes aux Hofpitaliers ôc aux
foldats, dont il avoit le commandement, cher¬
cher l’apoftat Melier, & de lui livrer combat.
Boemond III. du nomregnoit alors dans la prin¬
cipauté d’Antioche. Il étoit fils de Raimond frere
de Guillaume dernier Comte de Poitiers , d’Au^-
vergne, tk Duc d’Aquitaine ^ & ce Raimond, com¬
me nous l’avons dit, par le moyen de l’Hofpita-
lier Joubert , avoit époufé la Princeffe Conf¬
iance, heritiere de la principauté d’Antioche, &
fille unique de Boemond IL & de ce mariage étoit
forti Boemond III. Ce jeune Prince & les Tem¬
pliers fe joignirent aux Hofpitaliers contre l’apof-
tat Melier: & AmauryRoi de Jerufalem a fon re¬
tour de Conftantinople, où il avoit reçu plus d’hon¬
neurs & de promeffes que de fecours effe6hfs>,
lé diipofoit.à marcher à la tête defes troupes pour
aller..
de Malt e. Livre IL 169
aller prendre le commandement de Tannée. Mais JOUBERT.
il apprit que Melier ne fe Tentant pas [ en état de
tenir la campagne , avoit gagné les défilez des
montagnes, & s’étoit retranché dans des endroits
où il n’étoit pas ailé de le forcer.
Les Turcomans de leur côté, pour faire diver-
I I72.
fion en faveur de T Arménien, avoient formé le
fiege d’Arac ou de Krach, Place à l’entrée de WilU Tjr.
TArabie Petrée. Aux premières nouvelles qu’on ibid*
en eut à Jerufalem, Thoron Connétable du Royau¬
me , fuivi de tout ce qu’il y avoit d’Hofpitaliers
ôc de Templiers dans Jerufalem, accourut pour
y jetter du fecours. A l’aproche de l’armée chré¬
tienne , les Infidèles levèrent le fiege Ôc fe retirè¬
rent dans leur pays.
Comme les fautes font perfonnelles, Ôc que
dans le College même des Apôtres, il s’eft trouvé
un traître ôc un perfide ^ Tapoftafie de Melier n’au-
roit fait aucun tort à la réputation des Templiers^
mais une aélion cruelle que commit peu apres,
un Religieux de cet Ordre, à l’égard d’un Envoyé
du Prince des Affaflins, ôc qui fat diffimulée par
le Grand Maître, commença à affoiblir ôc di¬
minuer Teftime Ôc l’affeéüon que l’on avoit alors
pour tout l’Ordre en general.
Depuis plufieurs'fiecles, il s’étoit établi dans
les montagnes de Phénicie, entre Tortofe ou An-
tarade , comme on Tappelioit en cetems-là, &la
ville de Tripoli, une efpeëe de bandits, en ap¬
parence Mahometans, mais qui navoient gueres
pris de cette feéfe que la haine du nom chrétien:
barbares fans loi, fans foi ôc qui navoient pour
Tome 1. Y
170 Histoire de l’Ordre
JOUBERT.
religion qu’un dévouement aveugle pour toutes les
volontez de leur Chef : les crimes les plus affreux
devenoient par (es ordres des vertus héroïques.
Ils choififfoient ce Commandant à la pluralité des
fuffrages. Il ne prenoit point d’autre qualité que
celle de V1 e u x ou de Senieur, Senior, terme
dont dans ces tems-là on fit celui de Seigneur,
qui dans la baffe latinité fignifie la même chofe,
8c il fe difoit Seigneur de la montagne par raport
au pays montueux que ces bandits occupoient.
Mais, fous un titre 8c une qualité fi modefte,
ce chef d’afTaffins jouiffoit d’une autorité plus ab-
folue que celle des plus grands Rois , ôc cette
puiffance étoit d’autant plus folide quelle étoit
fondée fur un principe de religion, & qu’on éle-
voit ce peuple feroce & ignorant dans la croyan¬
ce que s’ils mouroient dans l’execution des ordres
de leur Chef, ils alloient prendre les premières
Will Tyr.L. places dans un paradis délicieux. Le Seigneur de
14. c. l(). L.
20. C. 21.
la montagne fe fervoit de ces malheureux pour
Aiatth. Paris fe défaire de fes ennemis particuliers. Ils alloient
en P an i iso.
Will. Neub.
poignarder les Princes même & les Souverains
I. 4. C. 24. jufques dans leur palais ôc au milieu de leurs gar¬
idem /. /. c.
des. C’étoit comme une école Ôc une academie
16.
Jacques de d’affafïins , 8c la crainte des tourmens les plus
Vitri l. i. c. affreux n’empêchoit point ces'barbares d’executer
13.& 14• id.
I. 3, p. 1126. de fi cruelles commiffions.
Voyez, les Pour ne fe pas rendre fufpedrs, ils ne portoient
obfervations
de Duc ange
point ordinairement d’autres armes qu’un poi¬
fur ilotft. de gnard, appellé en langage Perfan HaJJi/ln: on leur
S.Loùis. p.87.
en donna le nom , dont nous avons fait le mot
:edit. 1668.
A'JJpiffm. Ce petit Etat ne confiiîoit qu’en quel-
de Malte. Livre II. 171
ques châteaux bâtis fur la croupe des montagnes, Jo UBERT.

ou fur des rochers inacceffibles j mais il y avoit


dans les gorges de ces montagnes ôc dans les val¬
lées un grand nombre de villages habitez par plus
de (oixante mille perfonnes, tous cruels, fanati¬
ques , meurtiers par principe de confcience, & fi
déterminez, que la plupart des Princes voifins
beaucoup plus puiffans, n’ofoient cependant leur
faire la guerre. On raporte qu’un Soudan de Da¬
mas ayant fait dire par un envoyé à un Seigneur
de la montagne, appellé Hacen, qu’il ruineroit
fon petit Etat, s’il ne lui payoit tribut, ce chef
des aiTafiins fans lui répondre,commanda en pré-
fence de cet envoyé à un de les lujets de fe pré¬
cipiter du haut d’une tour, & à un autre de s’en¬
foncer un poignard dans le cœur j ils obéirent à
I’inftant. Alors Hacen fe tournant vers l’ambaffa-
deur qui n’avoit vû qu’avec frayeur, un fi étrange
fpeélacle : Raportez a votre maître, lui dit-il,que
j’ai foixante mille hommes aufli dévouez à mes
ordres que ces deux hommes: & depuis ce tems-
lâ, le Seigneur de la montagne n’entendit plus
parler des prétentions du Soudan. D’autres Hifi
toriens prétendent que ce fut un Comte de
Champagne, qui allant avec un fauf-conduit du
Seigneur de la montagne , de Tyr à Antioche,
Ôc pafTant par ce petit Etat, fut témoin d’un fi
horrible {peétacle. Quoi qu’il en foit, la plupart
des Souverains chrétiens & mahometans, pour
fe foulfraire à la fureur de ce s AiTaflîns, envoyoient
des prefens magnifiques à leurs chefs.
Les Templiers qui occupoient des Places voi-
Ylf
i7i Histoire de l’Ordre
Jqubert. fines de ce petit Etat, étoient les feuls qui euf
fentofé faire la guerre aces Aflaflins, & tâché de
purger la terre de ces monftres. Mais,comme ces
barbares, qui auroient pu s’en venger fur le Grand
Maître de cette Religion, n’ignoroient pas que
l’Ordre gouverné en forme de République ne fi-
niroit point quand ils en auroient tué le chef,
& qu’il feroit aufli-tôt remplacé par un fucceffeur
aufli animé à leur faire la guerre; pour obtenir la
paix, ils s’affujetirent à la fin à payer à l’Ordre
un tribut de deux mille écus d’or par an.
Le Seigneur qui commandoit alors dans ces
montagnes, foit par un- motif de religion , foit
pour s’affranchir de ce tribut, envoya un ambaf
fadeur au Roi de Jerufalem pour lui témoigner
qu’il étoit prêt de fe faire baptifer avec tous les
fujets, fi les Templiers vouloient les décharger de
ce tribut. Amaury reçut avec joye cette propofi-
tion, promit l’extindrion du tribut dont il s’enga¬
gea dmdemnifer les Templiers, combla de pre-
iens l’envoyé, & à fon retour il le fit accompa¬
gner, dit Guillaume dç Tyr, par un de fes gar¬
des , qui avoit ordre de le conduire jufques fur
les frontières de l’Etat, Ils avoient déjà paffé Tri¬
poli, ils étoient prêts d’entrer dans les détroits
des montagnes, lorfqu’un Templier, appellé du
Mefiul, emporté par l’animofité qui étoit depuis
fi long-tems entre les Chrétiens les Affamns,
&c fans égard ni à la foi publique, ni à la fauve-
garde du Roi, paffa fon épée au travers du corps
de l’envoyé, & le tua fur le champ.
On ne peut exprimer la colere & l’indignation
de Malte. Livre IL 173
Jo TJBERT.
du Roy, quand il apprit quon avoit violé fi mal-
heureufement le droit des gens , fur-tout à le-
gard d’un chef de bandits, qui pour ufer de re¬
préfailles , ne manqueroit pas d’aflaffins. Il en¬
voya demander aufli-tôt le criminel à Odon de
faint Amand, alors Grand Maître de cet Ordre ;
mais Odon le refufa fous prétexte que (on Reli¬
gieux n’e'toit pas jufticiable des Officiers Royaux.
Ce n’eft pas qu’il ne convînt du crime que le
Templier avoit commis ; il l’avoit même fait ar¬
rêter & mis dans les fers. Mais comme il s’agif-
foic de la compétence des Juges, & qu’il préten-
doit que les Templiers ne relevoient que du Pape,
il déclara qu’il alloit envoyer à Rome le criminel
chargé de chaînes, & qu’en attendant fon juge¬
ment , il défendoit, fous peine d’excommunica¬
tion , & conformément aux privilèges de l’Ordre,
à qui que ce foit d’attenter à fa perfonne.
Le Roi, fans s’arrêter à ces proteftations, fit
enlever le criminel, Sc le fit conduire à Tyr dans
fes prifons: & ce Prince, pour fatisfaire à fa jufti-
ce ôc au reffentiment du Seigneur de la montagne,
en auroit fait faire une punition exemplaire, fi la
mort dont ce Prince fut prévenu dans cette con¬
joncture , n’avoit fauvé la vie au prifonnien
Amaury laiffa trois enfans de deux mariages,
deux filles & un garçon. L’aînée des filles, appellée
Sybille, étoit veuve alors de Guillaume longue
épee. Marquis de Monferrat. La cadette nommée
Yfabelle,fortie du fécond mariage &de MariePrin-
ceffie Grecque, & nièce de l’Empereur Manuel,
époufa depuis, à l’âge de huit ans > Onfroy de
Y iij
174 Histoire de l'Ordre
Joubert. Xhoron, petit-fils du Connétable de Jerufalem.
L'aîné de tous ces enfans & le fuccefleur d'Amau-
ry fut Baudouin IV. qui étoit fortide fon premier
mariage avec Agnès fille de Joflelin de Courtenay
fécond du nom, de Prince d’Edefle.
Baudouin étoit né avec de grandes infirmitez,
de pendant tout fon régné, il ne fit y pour ainfi
dire , que toujours mourir. On lui donna pour Re-
gent de fes Etats , Raimond III. Comte de Tri¬
poli , dit le jeune, fon plus proche parent, fils de
Raimond IL de de Hodierne fille de Baudouin IL
Roi de Jerufalem, de veuve du fameux Tancrede,
qui fe fignala à la fuite de Godefroy de Bouillon.
Raimond III. étoit iflii de mâle en mâle de ce
premier Comte de Touloufe , qui avoit acquis
tant de gloire dans la première Croifade.
Pendant la minorité de Baudouin, les forces du
Royaume de Jerufalem diminuoient à mefure
que la puiflance de Saladin augmentoit. Ce Prin¬
ce, après s'être rendu maître delaplûpartdes Etats
deNoradin , de concert avec fa veuve qu'il avoit
époufée, venoit d’emporter Damas. Le Comte
de Tripoli allarmé de la puiflance dun voifin fi
redoutable, porta toutes les forces du Royaume
de ce côté là, de il fe prévalut même del'abfence
de Saladin , qui étoit retourné en Egypte ; de afi.
fiegea Harem château voifin de dépendant d’Alep.
Le Prince d’Antioche de le Comte de Nevers,
que la dévotion avoit conduits à la Terre Sainte,
* fe rendirent au fiege à la tête de differens corps
* Afliimptis ergo fuis&r domino Comité Tripolitano, magiflroque dc*-
mus Hofpitalis & multis exfratribus militix Templi ad partes contendis
Tnpoluanas. WiU. Tyr, /. z. c. 18*
db Malte. Livre II. 175
JOUBERT.
de troupes , aufquels fe joignirent, au rap¬
port de Guillaume de Tyr, le Grand Maître des
Hofpitaliers , avec Tes confrères &c plufieursTem-
pliers. Le fiege fut long, ôc ne fe termina que
par un traité fecret que le Comte de Tripoli fit
avec les Turcs , dont il reçût de l’argent pour fe 11 7 4*
retirer: 6c ce commerce infâme d’un Prince chré¬
tien avec des Infidèles, eut depuis des fuites fu-
neftes pour les Chrétiens latins.
Pendant ce fiege, Saladin à la tête d’une puif-
fante armée, étoit entré par l’Egypte dans la Pa-
leftine. Le Roi Baudouin devenu majeur, 6c pen¬
dant quelques intervalles que lui donnèrent fes
infirmitez, monta à cheval pour s’oppofer à ce
conquérant. Il le rencontra proche d’Âfcalon } on
en vint aux mains, 6c quoique les forces des deux
Partis fuffent fort inégales ; que Saladin eût au
moins vingt-fix mille chevaux, 6c qu a peine on
en comptât quatre cens, avec trois mille hom¬
mes de pied dans l’armée chrétienne ; cependant
ces troupes ayant attaqué de nuit le camp enne¬
mi , jetterent l’épouvente parmi les Infidèles : la
plûpart prirent la fuite , & Saladin même , tout
intrépide qu’il étoit, pour fe fauver plus promp¬
tement , fe jetta à demi nû fur un dromadaire 6c
fe retira fur les terres de fa domination.
L’année fuivante, Baudoin, pour s’oppofer aux
courfes des Arabes, entreprit de fortifier * un
château fur les terres même de Saladin 6c au-.

* Eodem annoChriftianifirmaverunt caftellum fortifïlmum in terra Sa-


ladini advadum Jacobi ultra fluvium Jordanis, fed Saladinus illud per
vimcepit, in eu jus captionefummusmagilter Hofpitalis captus fuit, 8c
in terram S'aladini duélus, famepernt. Rog.de Hov. io Henr. î.p.
176 Histoire de l’Ordre
JOUBERT. delà du fleuve du Jourdain, dans un endroit nom¬
mé le gué de Jacob. Ce fut le fujet dune nou¬
velle bataille, mais qui ne fut pas aufli heureufe
que la précédente pour les Chrétiens. Car Saladin
les ayant attirez dans une embufcade quil avoit
cachée dans des cavernes & des rochers, ils fe
trouvèrent furpris & envelopez de tous cotez.
Ro*er de L’armée chrétienne ne pouvant, ni avancer, ni re¬
o
Hoveden
parte poft.
culer , fe débanda ^ il n’y eut que les Hofpitaliers
in Henr. 2. & les Templiers qui firent ferme : la plupart
p> f66.
furent taillez en pièces, Joubert Grand Maître des
Hofpitaliers percé de coups, eut encore affez
de forces pour paffer le Jourdain à la nage ,
ôc gagna le château de Beaufort ^ mais Odon de
Saint Amand, Grand Maître des Templiers, ac¬
cablé par le nombre des ennemis, refta prifonier
Robert de de ces Infidèles. Robert Dumont hiftorien con¬
JWonte y ap¬
temporain, raporte que Saladin lui offrit fa liber¬
pert dix ad
Sic. G'emb. té, en échange d’un de fes neveux, qui étoit pri-
p. 666. fonnier de l’Ordre ^ mais que ce genereux Grand
Pifionus 1.1.
Maître lui répondit courageufement, qu’il ne vou¬
loir point par fon exemple, autorifer ceux de fes
Religieux qui, par lefperanced’être rachetez, fe-
roient afTez lâches pour fe rendre prifonniers,
qu’un Templier de voit vaincre ou mourir, ôc
qu’il ne pouvoit donner au plus pour fa rançon,
* que fa ceinture & fon couteau. On ne fçait
point de quelle maniéré il fe retira des mains de
ces barbares • mais on verra par la fuite de cette
hiftoire qu’il revint à Jerufalem.

* Dicens non eflè confuetudinis militum Templi ut aliqua redcmpti©


«Jaretur pro eis præter cingulum ôc cultellum. U. ibid.
On
de Malte. Livre II. 177
On ne peut exprimer la confternation où le 7ol’BERT
trouvoient les Chrétiens latins apres cette défaite •
rennemi victorieux mettoit tout à feu 6c à fang
dans le Royaume- l’armée chrétienne étoit difli-
pée ^ le Roi retombé dans fon infirmité ordinaire,
qui étoit dégénérée en lèpre j 6c des deux Grands
Maîtres, l’un étoit prifonnier des ennemis, 6c l’au¬
tre hors d’état d’agir à caufe de fes bleflures.
Dans cette extrémité , l’Etat ne pouvant lou-
tenir la guerre, il fallut avoir recours à la négo¬
ciation , le feul parti 6c la relfource des plus foi-
blés. On demanda une treve à Saladin, qui la
vendit à prix d’argent, 6c qu’il n’eût pas même
accordée , fi la famine n’eût alors délolé fes Pro¬
vinces.
Dés l’année précédente, le Pape Alexandre III. 117^.“
avoir convoqué un Concile général à Rome , qui
eft le troifiéme de Latran : il y avoit appelle' les
Prélats latins d’Orient dans la vûe de prendre
avec eux de juftes mefures pour la défenfe de la
Terre Sainte. On vit arriver à Rome les Arche--
vêques de Tyr 6c de Cefarée, Albert Evêque de
Bethlehem, Raoul de Sebafte, Jofie d’Acre, 6c
Romain de Tripoly, avec le Prieur du faint Se-
pulchre, député du Patriarche de Jerufalem, 6c
un Abbé du mont de Sion. Ces Prélats reprefen-
toient que, pour conferver ce qui reifoit aux
Chrétiens dans la Terré Sainte, tout dépendoit
de la pnfe de la ville de Damiette, qui ferviroit
de barrière à la Paleftine , 6c de porte, fi on
vouloit faire de plus grands progrès dans l’Egyp¬
te: ce qui fait voir, en paflant, que le projet du-
Tome /. Z
178 Histoire de l’Ordre
Joubert. Roi Amaury III. & du Grand Maître d’Afialit,
dont nous avons parlé, ne pouvoit être que très-
utile , fi, dans le cours de cette guerre, le Roi de
Jerufalem n eut pas été plus lenfible à la hon-
teufe paillon d'accumuler des trélors, qu’à met¬
tre, par de folides conquêtes , la Terre Sainte
à couvert des incurfions des Egyptiens.
Comme nous ne parlons du Concile de La-
tran que par rapport à ce qui regarde les interets
de la Terre Sainte & la conduite des Hofpita-
liers, nous ne ferons mention que de ce qui s’y
pafla à ce fujet. Des Evêques de la Paleftine re-
nouvellerent dans ce Concile les plaintes que Fou-
cher, Patriarche de Jerufalem1, avoit faites autre¬
fois au Pape Adrien IV. contre les privilèges des
Hofpitaliers ôc des Templiers. * Nous aprenons,
dit le faint Concile, » par les plaintes vehemen-
»tes des Evêques, nos confrères, que les Tem-
» pliers & les Hofpitaliers abufent des privilèges
» quils ont reçus du Saint Siège ^ que leurs cha¬
V) pelains de leurs religieux prêtres , fe prévalant
33 de lufurpation que des laïcs ont faite autrefois
33 de quelques Eglifes paroiffiales, s’en font fait
33 faire, fans la participation des Ordinaires, une
)) rétroceffion ^ qu’ils y adminiftrent les Sacremens

» à des excommuniez, de qu’ils y enterrent avec


» toutes les ceremonies ordinaires de l’Eglife;

3) qu’ils abufent encore de la permiilion donnée


» à leurs freres, de faire ouvrir une fois les Eglifes
* Fratrum autem fk Coepifcoporum noftrorum vehementi conqueltione
compenmus, quôd fratres Templi &: Hofpitalis , aliique profeffionis
religion?, indulta fîbi ab Apoltolicâ Sede excedentes privilégia, contra
Epifcopalem audloritatem multa præfumunt, &c, cap, 9.
de Malte. Livre IL 179
JOUBERT.
» interdites , Ôc que dans ces mêmes lieux, ils
» s’affocient des confrères feculiers qu’ils préten-
» dent rendre participans de leurs privileges,com-
me s’ils étoient religieux. Le Concile ajoute , que
ces abusvenoient moins des fuperieurs, que par
l’indifcretion des particuliers. Pour y remedier,
il défend aux Ordres militaires, ôc même auxau-
rres Communautez regulieres, de recevoir à l’ave¬
nir, la cefïion des Eglifes Ôc des dixmes, fans la
participation des Ordinaires , ' avec injonction
d’abandonner celles dont depuis peu ils s’étoient
mis en pofTeflion^ qu’à l’égard des Eglifes qui 11e
font point de leur fondation, ôc qui ne font point*
deffervies par des Chapelains de l’Ordre, ils doi¬
vent prefenter à l’Evêque diocéfain, les prêtres
qu’ils deftinoient pour les deffervir, Ôc ne le re-
ferver que la connoiffance du temporel qui leur
appartenoit. Que conformément à leurs privilè¬
ges, ils ne pourront faire ouvrir des Eglifes in¬
terdites , qu’une feule fois dans l’année , ôc fans
y faire donner la fépulture à qui que ce foie, ôc
qu’aucun des confrères ôc des affociez à l’Or¬
dre , ne fera admis à participer à fes privilèges,
s’il n’eft actuellement religieux. Tel fut le regle¬
ment que le faint Concile preferivit, fur les plain¬
tes des Evêques , Ôc qui dans le fond, 11e dimi-
nuoit rien des droits ôc des privilèges des Or¬
dres militaires.
Par le chapitre 2,3 du même Concile, on con¬
damne la dureté des Ecclefiaftiques qui ne per-
mettoient pas aux Lepreux d’avoir des Eglifes
particulières, quoiqu’ils ne fuflent pas admis dans
Zij

>
i8o Histoire de l’Ordre
Joubert. jes Eghfes publiques. Le Concile ordonne que
dans tous les lieux où les Lépreux vivront en
communauté, ils puiffent avoir une Eglife , un
cimetiere 6c un Prêtre particulier : c’elt la pre¬
mière conftitution que l’Eglife ait faite en faveur
des Lépreux , quoiqu’en difent certains Hifto-
riens modernes. *
La jaloufie que le Clergé de la Paleftine con-
- . - fervoit contre les Ordres militaires, n’avoit point
1178. empêché Tannée precedente Renaud Seigneur de
Margat, de faire aux Hofpitaliers une nouvelle
donnation , ou, pour mieux dire, de faire avec
ces Chevaliers un échange de ce Château fitué
fur les confins de la Judée, ainfi que nous l’appre¬
nons de l’auteur des Aflifes de Jerufalem, Ces
Religieux le fortifièrent , y mirent garnifon, 6c
en firent depuis de ce côté là un des plus puilfans
boulevars de la Chrétienté en Orient.
Cette acquifition ne fut pas capable de com-
penfer la perte que l’Ordre fit la même année de
Frere Joubert Ion Grand Maître , auffi fage 6c
auffi habile dans le gouvernement , que grand
Capitaine. Les Hiftoriens contemporains rapor-
tent que Saladin ne pouvant fouffrir que les Hofi
pitaliers euffent fortifié une Place fur la frontière
de fes Etats, la fit affiéger par un de fes Généraux.
Ce fiége fut long 6c meurtrier : le Grand Maître
* Ecclefiaitici quidam quæ fua funt, non quæ Jeiu-Chriftiquærentes,
Leproiïs quicum fanis habitare non pofluntj 8c ad Ecclefiam cum aliis
convenuey Eccleiîas 8c cæmeteria non permittunt habere , nec proprio
juvare minifterio Sacerdotis s quod quia proculàpietate chnftiana alic-
num dignofcitur 3 de benigmtate apoftolicà condicuimus, ut ubicum-
que tôt Emul fub communi vita fiierint congregati, quod Ëcclefîam fibi
cum cæmeterio conftituere , 8c ptoprio valeant gaudere prelbytero line
cofMadiëhronèa(liq;ua jpermittantur habere. 3. Conc, Lut. ch, if.
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7
de Malte. Liv. IL 181
JOUBERT.
des Hofpitaliers qui s’étoit enfermé dans cette
Place, foutint plufieurs allants avec beaucoup de
courage* La plupart de fes Chevaliers animez par
fon exemple, Ôc qui combattoient fous fes yeux,
fe firent tuer en défendant les brèches, fans que
le Grand Maître voulut entendre parler de capi¬
tulation. Enfin les Infidèles firent de fi puiflans
efforts , qu’ils emportèrent la Place l’épée à la
main , taillèrent en pièces ce qui reftoit de Che¬
valiers , firent prifonnier le Grand Maître : ôc leur
Commandant, pour fe venger de la réfiftance du
Grand Maître, le fit jetter dans un cachot, où on
le lailfa mourir de faim. C’eft ainfi que cet illuflre
Chevalier couronna une vie employée à la dé-
fenfe des Autels, par une mort précieufe devant
Dieu. D’autres Auteurs prétendent qu’il ne tomba
point entre les mains des Infidèles -, mais que
voyant la décadence du Royaume de Jerufalem,
il en mourut de chagrin.
Le Chapitre s’étant affemblé après fa mort, fit
Roger
remplir fa place par Frere Roger Desmoulins
Desmou¬
Chevalier, qui par fa conduite ôc par fa valeur, lins.

juftifia le choix de fes confrères. Ses premiers foins, 1179.


après fon inftallation, furent d’exhorter le Régent ôc
les principaux Seigneurs du Royaume à continuer
avec vigueur la guerre contre Saladin. Mais la
jaloufie ôc la concurrence entre les Grands pour
le gouvernement de l’Etat pendant l’infirmité du
Roi, les intelligences criminelles de quelques Sei¬
gneurs avec les Infidèles, ôc la divifion qui furvint
de fon tems entre les deux Ordres militaires ; tout
cela ne contribua pas moins aux conquêtes de
iBi Histoire de l’Ordre
Roger S al ad in , que fa propre valeur & le courage de
Desmou* f r , , 1 rr °
lins. les îoldats.
Nous avons raporté fur le témoignage de Brom-
pton Hiftorien Anglois, &: du même fiécle, que
l’Ordre des Templiers étoit comme une branche
de celui des Hofpitaliers de S. Jean ; mais que cette
branche, dit ce même Auteur, devenue un grand
arbre , fembloit faire ombre à la tige dont elle
étoit détachée, & l’étoufer. Cette émulation en¬
tre ces deux Ordres militaires, le defir d’accumu¬
ler de nouveaux revenus à l’envi l’un de l’autre,
certaine jaloufie prefqu’inféparable de la profef-
fion des armes, & des difputes fur le rang & la pré-
féance, foit à la guerre ou dans les Confeils d'Etat,
tout concouroit à entretenir entr’eux une mefin-
telligence, qui enfin avoit éclaté jufqu’au point de
fe faire la guerre , & de fe charger toutes les fois
qu’ils fe rencontroient.
On ne peut difconvenir, que, par une conduite
fi violente, ôc fi indigne de Religieux, la pieté ne
s’affoiblît confiderablement dans l’un & l’autre
Ordre : & fi nous trouvons toujours parmi ces
Guerriers la même valeur, il faut avouer quelle
étoit moins animée par la charité , que par des
motifs humains de gloire & d’ambition.
Comme ces Religieux militaires ne reconnoif-
foient que le Pape pour fuperieur ♦ le Roy fit
donner avis à Alexandre III. de leurs divifions*
Ce Pontife qui prévit combien les fuites en pour-
_ roient être runeftes aux Chrétiens de la Terre
Preuve Sainte, obligea ces Chevaliers à fe reconcilier. Il
fe fit par fon ordre un traité de paix • les deux

r
de Malte. Livre II 183
Roger
Grands Maîtres le lignèrent par le confeil, difent- Desmou¬
ils dans cet aéte , ôc par la volonté exprefle des lins.

deux Chapitres • ôc ils tranfigerent, tant au fujet


de plufieurs Terres dont ils prétendoient la pof-
^felfion , qu’au fujet de differentes fommes qu’ils
fe demandoient réciproquement. On voit dans cet
adle que le Pape avoic ordonné aux uns Ôc aux autres,
que s’il furvenoit entre eux de nouveaux fujets de
conteftation, ils feroient obligez de nommer cha¬
cun de leur côté trois anciens Chevaliers de la
Langue ôc du Prieuré 011 le différend fe feroit éle¬
vé , pour en décider abfolument -, que fi ces Ar¬
bitres ne pourvoient convenir entr’eux , ils pour,
roient s’en remettre à des amis communs qu’ils
choifiroient de concert , ôc qui leur ferviroient
de fur-arbitres, ou que la connoiffance en feroit
renvoyée au S. Siège. Le Pape ajoute dans fa Bulle
qu’en attendant le Jugement fouverain qui en
émanera, il exhorte les Chevaliers des deux Or¬
dres à fe prévenir mutuellement par des marques
d’honneur ôc de confideration, ôc de concourir
indifféremment au bien ôc à l’avantage des deux
Maifons, en forte, dit Alexandre, » que quoique
» leur inftitution foit differente, il paroiffe par le lien
» de la charité qui les doit unir, que ce ne foit
» qu’un feul ôc un même Ordre militaire ôc ré-
« gulier.
Les Hofpitaliers ôc les Templiers fe conformè¬
rent en apparence aux intentions du Pape • mais
pour dire la vérité, l’autorité de ce Pontife affou-
pit plutôt quelle ne termina des différends,qui
avoient leur fource dans l’avarice ôc dans l’ambi-
184 Histoire de l’Ordre
Roger tion ^deux paffions qui ont jette de profondes ra¬
Desmou¬
lins. cines dans le coeur des hommes,. 6c dont les plus
faintes focietez ne font pas exemptes.
Une autre paflion d’autant plus dangereufe,
qu’elle ne s’infinue dans le coeur y qu’à la faveur
de la beauté 6c des grâces penla exciter une
guerre civile dans la principauté d’Antioche, Boë¬
mond qui en étoit le Prince fouverain , avoit
époufé en premières noces une fille de la maifon
d’iblin : 6c depuis la mort de cette Princeffeil
s’étoit remarié avec une Princeffe grecque ,,ap-
pellée Théodore. Boëmond féduit par les- char¬
mes d’une concubine, avoit abandonné fon épou*
fe légitime. Le Patriarche d’Antioche, apres des-
monitions canoniques qui furent inutiles l’ex¬
communia, 6c jetta un interdit général fur tous
fes Etats : efpece de châtiment qui envelope l’in¬
nocent avec le coupable, 6c qubelEfouventdan¬
gereux par fes fuites. En effet Boëmond emporté
par fa paffion , 6c irrité d’une procedure qui pou-
voit exciter une révolte dans la Principauté, fit
faifir par fes Officiers le temporel du Patriarche,
le chaffa d’Antioche, 6c l’affiégea depuis dans un
château qui lui appartenoit , 6c où il s'étoit retiré
avec les principaux de fon Clergé. Le. Patriarche
d’Antioche étoit regardé comme le premier Pré¬
lat de l’Orient, tant par la fondation de fon Eglife
rapportée à S. Pierre, que par l’étendue de ce Dio-
cefe, qub comptoir dans fa dépendance 11 Mé¬
tropolitains , 153 Evêques fuffragans , 6c dans la
feule ville d’Antioche plus de 360 Egüfes. Comme
le Patriarche n étoit-pas fans un grand nombre de
créatures
de Malte. Livre IL 185
créatures attachées à fa dignité, ôc le Prince fans Roger
Desmou¬
ennemis fecrets, & que les premiers Seigneurs de lins.
cet Etat, & même le peuple étoient mécontens
du gouvernement, les uns & les autres ne furent
pas fâchez de trouver unprétexte.fiplaufiblepottr
éclater.
Toute la principauté fut bien-tôt en armes. Les
mécontens, fous prétexte de défendre la caufe
de l’Eglife , cherchoient à venger leurs injures
particulières : chacun prit parti fuivant fa paffion
ou fes interets.
Le Roy de Jerufalem, ou plutôt fon Gonfeil,.
craignant que les Infidèles ne fe prévaluffent de
ces divifions, engagèrent le Patriarche de Jeru¬
falem , & les deux Grands Maîtres à fe tranfpor-
ter en diligence fur: les* lieux pour tâcher d’y ré¬
tablir le calme. Ges députez, en paffant par Tri¬
poli , amenèrent avec eux le Comte Raimond
ami particulier du Prince Boemond. Ils s’affem-
blerent d’abord à Laodicée, d’oît ils fe rendirent,
à Antioche. Il y eut beaucoup de conférences
de paroles portées de part & d’autre -, enfin on fit
une efpece de traité provifionnel , par lequel on
convint que de part & d’autre on mettroit les ar¬
mes bas, qu’on rétabliroit inceffamment le Pa¬
triarche dans la jouiffance de fon temporel, que
l’interdit feroit levé, mais que le Prince demeu-
reroit excommunié, s’il ne quittoit fa concubine.
Cette reftriélion ne fit qu’allumer- fa palfion pour
cette femme , & fa haine contre les principaux
Seigneurs de la principauté. Il bannit depuis fous*
differens prétextes le Connétable, le Chambellan,,
Tome L A. a..
iU Histoire de l’Ordre
Roger ôc trois autres Seigneurs qui avoient fait paroître
Desmou¬
lins. trop d’attachement pour le Patriarche : ils fe re¬
tirèrent auprès de Rupin, Prince de la petite Ar¬
ménie, qui de concert avec les Grands du pays,
s’étoit défait de l’apoftat Melier, ôc qui lui avoir
fuccedé dans cette'principauté.
Le Grand Maître , quelque tems après fon re¬
i i 8 i.
tour d’Antioche, apprit avec beaucoup de dou¬
leur, que la plupart des Hofpitaliers de fon Or¬
dre, qui étoient établis à Conftantinople, avoient
été maffacrez dans un tumulte qui s’étoit élevé
dans cette Ville impériale contre les Latins. L’Em¬
pereur Manuel Comnene, dans la vue d’éteindre
le fchifme auquel il n’adheroit pas, avoit attiré
à Conftantinople un grand nombre de Latins,
dont il fe fervoit même dans le miniftere, ôc dansi
les affaires d’Etat. Les Hofpitaliers poffedoient
dans Conftantinople le fameux hôpital de faint
Sanfon, fitué entre l’Eglife de fainte Sophie, ôc
( celle de fainte Irene : Ôc ils étoient encore maîtres
de l’hôpital de faint Jean l'aumônier.
Obferva- » Il eft vraifemblable, dit M. du Cange,hifto-
tions fyirïhif-
» rien moderne,, mais refpetftable par fa profon-
toire de Geo -
froy de Vdle- » de érudition, que cette Eglife de faint Sanfon
hardouin. n. » fut donnée aux Hofpitaliers de faint Jean de Je-
.104- p- 3°*'
» rufalem par l’Empereur Manuel Comnene, qui
« affe&ionna tellement les Latins, ôc particuliè¬
rement les François du Royaume de Jerufalem,
« qu’il en encourut la haine de fes fujets.
mil. Tyr. Cette haine éclata après fa mort ; les Grecs ai¬
22. Ch. U. gris par des différends de religion, ôc qui ne vou-

loient point fe foumettre à l’autorité du S. Siégé,


de Malte. Liv. IL 187
mirent le feu aux maifons des Latins, maflacre- Roger.
Desmou-
rent ceux qui leur tombèrent entre les mains, ôc L I N S.

népargnèrent pas même un Cardinal, appelle'


Jean, que le Pape, à la priere de l’Empereur, avoit
envoyé pour travailler à la réunion des deuxEgli-
fes. Les Prêtres ôc les Moines Grecs étoient les
plus ardens à exciter ce maflacre} ôc pour encou¬
rager les meurtriers, ils leur donnoient même de
l’argent. Ces furieux entrèrent dans l’Hôpital de
faint Jean, dont nous venons de parler ; tuerent
impitoyablement les malades ôc les Religieux hof-
pitaliers qui les fervoient. A peine en rechapa^t-il
un petit nombre, qui s’embarquèrent fur un vaif-
feau, ôc portèrent dans la Paleftine , les trilles
nouvelles- de ce cruel maflacre.
Ils trouvèrent l’Etat partagé ôc afFoibli par des
divifions domeftiques, qui en avancèrent la ruine.
La lepre dont le Roi étoit attaqué , ne lui per¬
mettant point de fe marier, ni même de tenir II78.
les rênes du gouvernement, il avoit fait époufer
la Prihcefle Sybille, fa fœur aînée, veuve du Mar¬
quis de Montferrat, à Guy de Lufïgnan, de la Mai-
Ion de la Marche, fils de Hugues le brun, que la
dévotion du tems avoit conduit dans la Paleftine :
Prince bienfait ôc de bonne mine , plus galant
que guerrier: mais qui, après avoir fçu plaire à
la Princefle, n’eut pas de peine, par fon crédit,
de gagner les bonnes grâces du Roi.
Baudouin, depuis ce mariage, établit fon beau-
11 81*.
frere Regent du Royaume, ôc ne fe réferva que
le titre de Roi, ôc la poflelïion de la ville de Jeru-
ialem, avec une penfion de dix mille écus d’or»-
A a ij.
188 Histoire de l’Ordre
Roger La puifiance fouveraine à laquelle le Roi afïo^
D e s m o u-
IINS. cia Lufignan, excita la jaloufie des Grands, qui,
nez danslaPaleftine, traitoientce Prince d’étran¬
ger. Raimond, Comte de Tripoli fomentoit cet¬
te divifion. Ce Comte, le plus puiflant des vaf-
faux de la Couronne, afpiroit fecretement à la
fuccefiion de Baudouin. Comme le choix que le
Roi venoit de faire, ruinoit fes efperances, on
prétend que, pour les faire revivre, il prit déflors
des mefures fecretes avec Saladin. La treve que
ce Prince avoit faite avec le Roi de Jerufalem,
duroit encore : il étoit queftion de la rompre , ôc
fans qu’on pût en attribuer la caufe aux Maho-
metans. Saladin , pour en faire naître l’occafion ,
donna des ordres fecrets à un gouverneur de fa
frontière, de lâcher fur les terres des Chrétiens,
& parmi les champs qui étoient alors couverts
de grains, des troupeaux de moutons, des che¬
vaux , des vaches, & d’autres beftiaux. Renaud de
Châtillon, fameux partifan', & qui étoit tous les
jours à cheval, fit prendre tous ces animaux ,
qu’onconduifit à Carach. Renaud de Châtillon,
au raport de Guillaume de Ty r, n’etoit qu’un avan-
turier * & un foldat de fortune, mais bienfait de
fa perfonne, diftingué par un grand nombre d’ac¬
tions de valeur, & qui dans fa jeunefle, malgré
l’inégalité des conditions, avoit époufé fecrete¬
ment Confiance, Princefïe d’Antioche. Il étoit
alors Seigneur de Carach, Place forte, fituée fur
* Domina Conltantia, DominiRaimondi Antiocheni Principis vidua,
J.icèt multos inclitos &c nobiles viros ejus matrimonium appetentes ,
more fæmineo repuliflet, Rainaldum de Caltillione quemdam flipen-
4iariujm .militem iîbi occulte in maritum elegit. wiïk tyr, 1 17. c. 16P
de Malte. Livre IL 189 • Tt

le haut d’une montagne. Les Latins l’avoient exi¬ Roger,


Desmou¬
gée en Archevêché , fous le nom de Mont-royal^ lins.

on la nommoit auparavant la Pierre du deiert,


parcequ’elle étoit à l’entrée de l’Arabie Petrée.
Châtillon avec un bon nombre de Templiers, s’y
étoit fortifié, Ôc de là, cet avanturier alloit fou-
vent en parti. Les Mahometans n’avoient point
d’ennemi plus redoutable ; il leur enlevoit fouvent
des caravannes entières de pèlerins qui faifoient
le voyage de la Meque, & apres les avoir mis
dans les fers, il infultoit encore à leur dévotion.
Mahomet n’étoit pas épargné dans fes railleries :
il avoit même formé le deffein de ruiner fon tom¬
beau, qui étoit révéré à Medine, & pour lequel
les Infidèles n’avoient pas moins de vénération
que les Chrétiens pour le fepulchre de Jefus-
Chrift: il fe feroit même rendu maître de cette
ville & de la Meque, fi le gouverneur, qui com-
mandoit dans l’Arabie pour Saladin, n’eût décou¬
vert fon deffein, & ne s’y fût oppofé.
Saladin , par droit de repréfailles , fit mettre aux
fers quinze cens Chrétiens, marchands ou pèle¬
rins, dont le vaifTeau avoit échoué proche Da¬
miette. Il envoya enfuite demander au Roi laref.
titution de tous les beftiaux que Renaud & les
Templiers, au préjudice de la treve, avoient en¬
levez : & à faute d’y fatisfaire, cet ambaffadeur
avoit ordre de lui déclarer la guerre, & de pro-
tefter que ce Prince en agiroit à l’égard des
Chrétiens arrêtez par fon ordre, & de leurs ef¬
fets , de la même maniéré dont on agiroit à l’é¬
gard des troupeaux ôc de leurs conducteurs,
A a iij
190 Histoire de l’Ordre
R 0 G IR qu’on retenoit, difoit-il, fi injuftement à Carach.
D es m oir-
I I N S. Le Roi eut bien voulu pouvoir donner faisfac-
tion au Sultan qu’il redoutoit ^ mais ce Prince étoit
Herold.Cont.
WilU Tyr. I.
fi peu autorifé, & le gouvernement fi foible , qu’il
/. ne put jamais réduire Renaud ôcles Templiers à
reftituer le butin qu’ils avoient fait. Saladin,fous
prétexte d’ufer de repréfailles, recommença à
faire des courfes fur les terres des Chrétiens ^ la
guerre s’enfuivit comme il l’avoit prévu. Il pafle
le Jourdain, tue tout ce qui fe prefente en armes
devant lui, enleve les femmes ôc les enfans, qu’il
entraîne dans un indigne efclavage^ met le feu
aux maifons, ravage la campagne, ôc s’abandon¬
ne à toutes les cruautez qui pouvoient porter la
crainte ôc la frayeur dans l’eiprit des peuples.
Ces ravages firent monter à cheval les princir
paux Seigneurs du Royaume , fuivis de leurs vafi
faux, ôc accompagnez des deux Ordres militaires.
Il fe forma de ces corps differens, une armée con-
Will Tyr* /.
fiderable. Le Roi, dont le mal augmentoit tous
les jours, ne fe trouva plus en état de marcher
à la tête de fes troupes. Il avoit perdu la vue j la,
corruption de la lepre lui avoit même ôté l’ufage
des pieds ôc des mains- ainfi, il fut réduit à con¬
fier le commandement de l’armée à Lufignan>
ï i 8 3. fon beau-frere, qu’il avoit fait Comte de Jaffa Ôc
d’Afcalon, titres affeélez à l’heritier préfomptif
de la Couronne. Le Comte, foit par incapacité
dans le métier de la guerre, ou par la jaloufiedes
chefs, fut plus de huit jours enprefence d’un en¬
nemi plus foible que lui, fans l’attaquer,& il lelaiflà
même retirer avec fôn butin ôc fes prifonniers yôc
de Malte. Livre IL 191
rcpaflfer le Jourdain à fa vue, fans faire le moim D Roger.
esm ou-
dre mouvement, &c fans ofer fortir de fes retran- L I N S.

chemens.
Les Chrétiens latins, tous foldats, & qui vou-
loient que leur Prince fût Capitaine, portèrent
leurs plaintes au Roi, de la lâcheté de Ion beau-
frere.3 & la plûpatt des Seigneurs protefterent
hautement qu’ils ne marcheroient jamais en cam¬
pagne fous fes ordres. Le Roi, pour les fatisfaire,
retira le pouvoir qu’il lui avoit confié ^ & comme
fouvent les Princes ne mettent point de bornes,
ni à leurs faveurs, ni à leur refTentiment, on le pri¬
va du Comté de Jaffa, comme incapable de dé¬
fendre cette importante Place, qui étoit une des WilL Tyr.
clefs du Royaume. Le Roi défigna en même tems 1.23.
pour fon fucceffeur, le jeune Baudouin , fon ne¬
1183.
veu, fils delà Princeffe Sybille , & du Marquis
de Montferrat, fon premier mari, quoique ce
jeune Prince eût à peine cinq ans. Ce change¬
ment remplit l’Etat de divifions. Guy de Lufignan
fe retira à-Afcalon, où il fe fortifia d’abord con¬
tre le parti qui lui étoit oppofé. Mais, comme
ce Prince étoit plus capable de faire éclater fon
mécontentement par de vains difeours, que de
le foutenir les armes à la main, il revint bien-tôt
à la cour -, & en échange d’une Couronne &: d’une
Souveraineté qu’on lui avoit fait efperer, & qui
n’a jamais de prix, il fe contenta de la Comté de
Jaffa, qu’on lui avoit enlevée, & qu’on lui rendit
avec le titre de penfionnaire du Roi.
Baudouin , qui n’étoit plus en état d’agir par 1184.
lui même , remit le foin du gouvernement au
191 Histoire de l’Ordre
Roger Comte de Tripoli, moins par confiance , que dans
Des m o u-
l ins la crainte , s’il en étoit exclus, qu’il n’excitât de
nouvelles brouilleries dans l’Etat. Raimond Fau¬
teur fecret de toutes les cabales de la Cour ,
refufa d’abord la Regence qu’il fçavoit bien
que perfonne n’accepteroit à fon préjudice.. Il
fallut que le Roi lui en fît de preflantes inftan-
ces, & il ne confentit à fe charger du gouverne¬
ment , qu’à condition que les Hofpitaliers ôc les
Templiers s’engageroient de défendre toutes les
Places qui pourroient être attaquées. Cependant,
pour affermir fon autorité, il obtint une nou¬
velle trêve de Saladin, mais que ce Prince infi¬
dèle , pour fe dédommager des frais de la guerre,
n’accorda qu’à prix d’argent.
L’objet des Chrétiens , en demandant cette:
trêve, étoit de s’en fervir pour avoir le tems de
fe procurer une nouvelle Croifade, ôc les fecours*
des Princes d’Occident. Il étoit queftion d’y en¬
voyer une AmbafTade folemnelle, ôc de charger
de cette négociation des perfonnes habiles, ôc
qui fçûifent s’attirer de la confideration par leur;
rang ôc par leur mérité.
Heraclius, Patriarche dejerufalem, s’offrit pour
1184. cet emploi ^ homme vain, préfomptueux, Ôc qui
fe vanta de ne revenir qu’à la tête d’une armée,,
compofée des plus puiffans Princes de l’Europe,
Celui de ces Souverains fur lequel il camptoit le
plus, étoit Henry II. Roi d’Angleterre , petit-fils
de Foulques, Comte d’Anjou, ôc Roi de Jerufa-
lem, ôc par confequent, coufin germain de Bau¬
douin. Ce qui augmentoit encore la confiance
du
de Malte. Livre IL 193
du Patriarche , c’eit qu’il avoit appris que le Prin¬ R O GE R
Desmou¬
ce Anglois n avoit reçû l’abfolution du Pape au lins,

fujet de l’affaflinat de iaint Thomas Archevêque


de Cantorberi, dont il étoit foupçonné , quà con¬
dition de mener lui-même un puiflant fecours à
la Terre Sainte. Et quoique ce Prince neût pas
commande' ce meurtre en termes exprès ; cepen¬
dant , comme il fembloit y avoir donné lieu par
des paroles imprudentes , il fe fournit à ce genre
de pénitence -, ôc dans un Concile tenu à Avran-
ches en Normandie le 27 Septembre 1172 , il avoit
promis folemnellement qu’à Noël prochain il
prendront la Croix pour trois ans 5 partiroit l’été
fuivant pour Jerufalem , fi le Pape ne l’en difpen-
foit j ôc que dans cette guerre, & au moins pen¬
dant un an, outre fes propres troupes, il entre-
tiendroit à fes dépens deux cens Templiers. Au¬
cune de ces conditions n’avoit encore été accom-
pliedepuisprès de 13 ans qu’il s’y étoit engagé.
Le Patriarche qui en étoit bien inftruit, faifoit
agir tous fes amis pour être envoyé en Europe,
d’oû il fe flatoit de revenir avecunpuiffant fecours,
ôc comblé en fon particulier de magnifiques pré-
fens. Mais le Confeil avoir de la peine à remettre
une négociation fi importante à un Prélat natu¬
rellement emporté, & qui ne connoiffoit de ma¬
niérés de traiter avec les hommes que celles de
hauteur. Cependant comme il eût été dangereux
de le refufer, ôc que d’ailleurs on fe flatoit que fa
dignité donneroic plus de confideration à l’am-
baffade, on accepta fes offres : mais on lui donna
pour collègues les deux Grands Maîtres , capaa-
Tome /, B b
Ï94 Histoire de l’Ordre
Roger blés par leur modération &: leur politeffe d’adou¬
Desm o u-
l i n s. cir ce qu’il y avoit de féroce dans l’humeur du
Patriarche j outre que les Chevaliers des deux
Ordres , par leur naifTance ôc par leur valeur,
etoient fort confiderez dans l’Occident, ôc aupre's
des Souverains dont ils etoient nez fujets.
Ces AmbafTadeurs partirent du port de Jaffa,
ôc arrivèrent heureufement à Brindes. Le Pape
Luce III. fucceffeur d’Alexandre , ôc l’Empereur
Frédéric I. étoient alors à Veronne : ils s’y etoient
affemblez pour tâcher de donner la paix à l’Italie,
qu’ils avoient mife en feu par leurs prétentions
réciproques. Nos AmbafTadeurs voulant profiter
de cette occafion, fe rendirent en diligence à
Veronne, ôc expoferent à l’un ôc à l’autre la puif-
fance formidable de Saladin, le malheureux état
ôc la foiblefTe du Royaume de Jerufalem, ôc le
befoin qu’on avoit d’un puifTant fecours , fi on
vouloit conferver la Terre Sainte. L’Empereur
promit des troupes qu’il ne donna point, ôc le
Pape ne donna que des indulgences ôc des let¬
tres de recommandation , qui ne lui coutoient
rien. *
Preuve Ce Pontife écrivit à la vérité des lettres trés-
vi-
prefTantes au Roi d’Angleterre, ôc le menaça des
jugemens de Dieu , s’il n’accompliffoit la péni¬
tence qu’on lui avoit impofée : ôc par d’autres let¬
tres il follicita vivement le Roi de France de fi-
gnaler fon zele à fon avenement à la Couronne,
* Heraclius Patriarcha fandtæ Refurredtionis, & Rogerus magifter
Domûs Hofpitalis Jerufalem tendentcs , in occidentem , & per Italiam
traniïtum facientes & GalUam, nec à Domino Papa, nec ab Impera-
tore Romano 3 nec à Rege Françorum aliqua confolacoria receperunt.
Radulph.deDtteto Angl.p.%6jr.
d b Malt e. Livre IL 195
par une entreprise fi digne de la pieté de fies an¬ Roger.
Desmou-
cêtres. Nos Ambafladeurs chargez de ces lettres , L I N S.

fe difpofoient à palier dans les deux Royaumes,


quand ils furent arrêtez à Véronne par une vio¬
lente maladie dont le Grand Maître des Templiers Arnaud de
fut attaqué, de qui fe termina par fa mort. Les Troye.

deux Ambafladeurs, apres lui avoir rendu les der¬


niers devoirs, fe mirent en chemin pour la France,
Se arrivèrent à Paris dans le mois de Janvier de
l’année 1185. Philippe IL regnoit alors en France, 1185.-
jeune Prince âgé d’environ vingt ans. Les Ambafla-
deurs, après lui avoir remis les lettres du Pape,
lui expoferent l’extrême danger où fe trouvoit la
Terre Sainte de retomber fous la tyrannie des In¬
fidèles ; de pour obtenir fon fecours, de pour l’en¬
gager même à fe mettre à la tête de fes troupes,
ils lui préfenterent les clefs de la ville de Jeru-
fiilern, de la Tour de David, de de l’Eglife du S.
Sépulchre, comme une efpece d’inveftiture, ou
du moins comme des gages du droit de protec¬
tion qu’il devoit acquérir par fes armes. Le Roi
reçut honorablement le Patriarche de le Grand
Maître , de leur donna le baifer de paix, * dit
Rigord : il ordonna en même tems à tous les Pré¬
lats de fon Royaume d’exhorter fes fujets à pren¬
dre la Croix. Ilia vouloit prendre lui-même -mais le
Confeil de ce jeune Prince qui n’avoit point encore
d’enfans , ne jugea pas à propos que dans la con¬
joncture des guerres continuelles que la France
avoit à foutenir contre les Anglois & les Flamans
* In ofculo paris honorificè recèpit, diligentidimè præpo/îds terræ fuæ, •
five difpenfatoribus præcipiens quôd ubicumque per terrain irent, de
reditibus Regis fufficientes expenfas illis mimltrarenc. Rigord, p. 171,
B b ij
196 Histoire de l’Ordre
Roger il quittât fes Etats. Le Roife contenta d’afïiirer les
Desmou-
L I N S. Ambafladeurs quil entretiendroit à fes dépens *
tous ceux qui fe croiféroient, ôc qui prendroient
les armes par un motif aufli laint ôc aufli pieux.
11 8 y. Le Patriarche Ôc le Grand Maître paflerent en-
fuite en Angleterre , d’où le Patriarche , comme
WtlL Neub.
Liv. 3. c. 12. nous l’avons dit , efperoit tirer de plus puiflans
42s. fecours. Ces Ambafladeurs étant arrivez, rendi¬
Roger de
HoVj in rent au Roi la lettre du Pape , ôc lui repréfente-
Hçnr. 2. rent le befoin que les faints Lieux avoient de fes
armes, & furtout de fa préience. Henri les reçut
avec de grandes démonflrations d honneur. On
prétend même qu’il alla au-devant d eux jufqu a
Rhedingue. Mais comme il étoit avancé en âge,
ôc que d’ailleurs il avoit trois fils pleins de feu,
d’un génie inquiet, dévorez d’ambition, & qu’il
avoit bien de la peine à contenir fous fon autorité,
un voyage de fi long cours que celui de Jerufalem
dans cette conjoncture, ne lui parut convenable,
ni à fa fanté , ni à l’état préfent de fes affaires. Ce¬
pendant, pour amufer les AmbafTadeurs, il remit
la décifion de cette entreprife au Parlement qui
s'aflembla le premier Dimanche de Carême. On ex-
pofa de la part du Roi dans cette augufte aflemblée
le defir fincere qu’il avoit, pour accomplir fa pé¬
nitence , de faire le voyage de la Terre Sainte,
ôc en même tems on ne diflimula pas fa vieillefle,
le mauvais état de fa fanté , ôc même le befoin
que l’Angleterre avoit de fa préfence. Des fujets
complaifans devinèrent aifément les intentions
* De coniîlio principum Ihenuos militescum magna multitudine
peditum armatorum de propriis rediribus fumptus fufficientes , pro ut
lama refercnte dedicimus, miniftrans; devotè Jerufalem tranfmiiît. U. ib\d.
de Malte. Liv. IL T97
du Prince, & ne manquèrent pas de s’y confor¬ Roger
D e s m o u-
mer • on lui envoya en ceremonie des Députez l 1 n s.

qui lui repréfenterent de la part de la Nation


que par un engagement précèdent à la mort de
S. Thomas & à fon abfolution , & par le ferment
lolemnel qu’il avoit fait le jour qu’il avoit pris la
Couronne , il étoit plus obligé de relier dans fes
Etats pour les gouverner, que de les abandonner
pour aller en perfonne faire la guerre dans la Pa-
lefline. Que le Parlement cependant étoit d’avis
d’accorder cinquante milles marcs d’argent pour
lever des troupes, qui partiroient incefiàmment
pour l’Afie • qu’on prêcheroit la Croilade dan,s
tout le Royaume , & que le Roi permettroit aux
Prélats & aux Seigneurs qui voudraient prendre
la Croix,de fortir du Royaume pour une fifainte
expédition. Le Roi fit part de cette réfolution aux
AmBalfadeurs ; ils lui demandèrent qu’au moins
il envoyât un de fes fils à la tête des Croilez. Mais
il leur répondit, qu’alors il ne s’en trou voit au¬
cun en Angleterre, & qu’il ne pouvoit les enga¬
ger en leur abfence. Le Patriarche naturellement
emporté , lui dit fierement qu’ils n’avoient pas
befoin de fon argent j mais d’un Chef capable de
conduire une armée. Il ajouta mille chofes violen¬
tes , jufqu’à lui reprocher fes infidelitez envers le
Roi de France, fon Seigneur, ôc même l’alfaffinat
de faint Thomas de Cantorberi : & voyant que
Henry, le plus fier de tous les hommes, rougif-
foit de dépit & de colere j Voilà ma tête , lui dit-
« il, vous pouvez me traiter, comme vous avez fait
«mon frereThomas: il m’elt indiffèrent de mou-
B b iij
u;8 Histoire de l’Ordre

d^s°mouR 55nY Far vos orc^resj ou en ^yrie de main


uns. » des Infidèles : aulïi-bien êtes-vous plus méchant
» que tous les Sarrafins. *
Henry, foit par grandeur dame ,ou qu’il crai¬
gnît de fe commettre une fécondé fois avec les
Ecclefiaftiques diffimula ces outrages. Mais on
ne peut exprimer la douleur, ôc même la confu-
fion du Grand Maître des Hofpitaliers , de fe voir
alfocié à un homme auffi violent que le Patriar¬
che , ôc qui par fes emportemens, ruinoit tout
le fruit qu’on eût dû juftement efperer de leur
négociation. Il n’oublia rien pour appaifer le Roi,.,
qui parut donner fon reffentiment aux intérêts
de la religion. Ce Prince ramena même dans fon
vaifleau jufqu’en Normandie les deux Ambaffa-
deurs de Jerufalem ,qui celebrerentlafête de Pâ¬
ques à Rouen.
spicilu s. On trouve dans la chronique de Trivet, que
p* 4*9- ce Prince leur donna de fon épargne , trois mille
marcs d’argent. Un grand nombre d’Anglois, ôc
plufieurs de fes autres fujets des Provinces d’en de¬
çà de la mer fe croifèrent, ôc fe joignirent aux.
François que Philippe II. faifoit paffer en Orient
à fes dépens. Mais comme il n’y avoit point de
Prince y ni de perfonne d’une allez grande auto¬
rité pour les commander &pour s’en faire obéir,.,
on ne tira pas grand fruit de cet armement, Ôc
par le retour des Ambaffadeurs , la confternation
iucceda aux fauffes efperances que le Patriarche.-
avoit données de fa négociation..
* Faede me quod de Thoma fecifti , adeo libenrer volo à te occidi m-
Angiiâ> iïeut à S'arracenis in S’yriâ , quia tu omni Sarraceno £ejor es;.
Qbron. J cm, Brompt. in Hmr. z, p. 114;,
I

de Malte. Livre II. 199


On ne fut pas long-tems à Jerufalem fans être Roger
Desmou¬
inftruit de la conduite bizarre ôc emportée qu’il lins.

avoit tenue à la Cour d’Angleterre • tout le peu¬


ple fe décliaînoit contre lui-, on difoit hautement
que la vraie Croix, qui avoit été recouvrée autre¬
fois par un Prince appellé Heraclius, feroit re¬
perdue fous le Pontificat Ôc par la faute d’un Pa¬
triarche du même nom : tout le monde déteftoit
fa violence, ôc on n’épargnoit pas fur-tout fa con¬ Marin. Sa-
duite, au fujet d’une femme qu’il entretenoit pu¬ nut, Liv. s*
■part. 6. ch»
bliquement, & plus connue fous le nom de la Pa-
24, p» *47*
triarcheffe , que par le fien propre.
A ces plaintes contre ce Prélat, fuccederent
de trilles préjugez qu’on faifoit de l’avenir • le
Roi mourant, fon Succeffeur mineur, un Regent
ambitieux, fans religion, foupçonné d’afpirer à la
Couronne, & de s’entendre avec les Infidèles,la
trêve prête à finir, l’ennemi puiflant Ôc redouta¬
ble, peu de troupes , encore moins d’argent, dif-
ferens partis, ôc des divifions toujours funeftes dans
une minorité. Dans de fi fâcheufes conjonctures, Il8 6.
furvint la mort du Roi: elle fut fuivie, fept mois
après , de celle du jeune Baudouin V. fon neveu
ôc fon fuccefleur. Les ennemis du Comte de Tri¬
poli publioient que ce Prince avoit fait empoi-
fonner le jeune Roi dans la vue de lui fuceder,
tant per les droits de fa naifïance , que par fes
propres forces, ôc le crédit ôc la puiflance de fes
partifans.
D autres rejettoient un fi grand crime fur la Herold. con-
tin.Will. Tyr.
mere même du jeune Baudouin, Ôc on prétend I» 1. f. 3*

quelle avoit empoifonnéfon fils pour regner elle-


zoo Histoire de l’Ordre
Roger même , & pour faire regner Guy deLufignan fon
Desmou-
L I N S- fécond mari. Ce qui fortifioit ces foupçons ,c’eft
que perfonne ne Içut jamais ni la maladie du
jeune Prince , ni le moment de famort ; que cette
Princeffe, après s’être affurée du Patriarche,, du
Grand Maître des Templiers, & du Marquis de
Gérard de
Rideforr. Montferrat, fit environner le Palais de troupes ;
que ce Grand Maître, qui avoit en dépôt la Cou¬
ronne &: tous les ornemens royaux,, gagné par
des fournies confiderables qu’on lui donna, les
lui avoit remis fins la participation des Grands
Idem He- de l’Etat, & que le même jour qu’on déclara la
rold. ibidem
mort du jeune Roi, la Reine fa mere, ôc Guy de
p.. 8..
Lufignan, s’étoient fait proclamer RoL& Reine
de Jerufalem.
Les créatures du Comte de Tripoli, qui me-
prifoient Lufignan, s’oppoferent hautement à cet¬
te proclamation: & même Geofroy de Lufignan,
Prince d’une force de corps & d’une valeur extraor¬
dinaire , mais quin’étoit pas prévenu en faveur dix
courage de Guy, ayant appr is Ion élévation fur le
trône delaPaleftine,ne put s empêcher de dire d’une
maniéré à la vérité peu chrétienne : » Ceux qui ont
» fait Roi mon frere, m’auroient fait Dieu, s’ils
» m’euffent connu. La plupart des Grands dé ce
Royaume fe plaignoient de ce que le Grand Maître
desTempliers, dépofitaire & gardien de la Couron¬
ne royale,l’avoit remife fans leur participation à
la Reine fur-tout à Guy de Lufignan, qui n’y
avoit aucun droit. Ces Seigneurs, les premiers de
l’Etat,. reprefentoient au peuplé que dans la lî<-
tuation où fe trouvaient les affaires de la Terre
Sainte,,,
de Malte. Liv. II. 201
Sainte, on avoit befoinpour Roi, dunPrince qui j}^s0MGoE*
fût Capitaine, ôc qui eûtreftime ôc la confiance lins.
des gens de guerre-, ôc ils prétendoient même,
que la Couronne ne pouvoit tomber que furies
mâles de la Maifon royale • ce qui donnoit une
exclufion entière aux deux PrincefTcs, fœurs du
jeune Baudouin. De fi hautes présentions parta-
<reoient tous les Chrétiens de la Paleftine : on
ZD
leva des troupes de part & d’autre , ôc on étoit
prêt d’en venir aux mains : mais heureufement
l’affaire fe tourna en négociation..
Le Comte de Tripoliqui faifoit agir fecre-
tement la cabale oppofée à la Cour, fit dire par
les principaux Seigneurs de fon parti, à la Prin-
ceffe Sybille, qu’ils confentiroient volontiers à
lui mettre la Couronne fur la tête, mais, que fi
elle vouloit unRoipourmari,ilsexigeoient quelle
répudiât Lufignan, ôc qu’enfuite elle fît choix, pour
partager fon trône & fon lit, d’un Prince capable
de commander les armées, ôc de défendre l’Etafc
La Princeffequi étoit habile, confentit à ces
propofitions; mais elle exigea de fon côté que les
Grands s’engageaffent par un* ferment folemnel à
reconnoître pour leur Souverain, celui quelle dé-
figneroitpour fon mari. Les fermens furent faits
d’autant plus facilement, que, quoique le Regent
fût actuellement marié, fes partifans fe flatoient,
a la faveur d’un pareil divorce, que le choix de
là Princeffe ne pourroit jamais tomber que fur ce
Prince. Le Patriarche que la Reine avoit gagné
par degroffes fommes d’argent, prononça fur le
champ la fentence du divorce entre elle ôc Lu-
Tome L „ Ce
101 Histoire de l’Ordre
Roger fignan. L’Hiftoire ne die point de quels prétextes
Desmou-
LINS. on fe fervit; mais apres que le divorce eût été
déclaré, ôc la PrinceiTe reconnue pour Reine, on
la conduifit dans l’Eglife du Paint Sepulchre , où
elle reçut folemnellement la Couronne des mains
du Patriarche. * Elle la tira auflï-tôt de deflus fa
tête, ôc la portant fur celle de Guy de Lufignan,
l’embraffa comme fon mari , le falua comme Roi,
ôc fe tournant vers les Grands étonnez de cette
démarche : » Il n’appartenoit point aux hommes,
» leur dit-elle fîerement, de fèparer ce que Dieu
» a uni. Le Grand Maître des Templiers, qui en¬
troit dans cette intrigue , l’appuya de tout fon cré¬
dit. Les Grands fe virent à la fin réduits à fouf-
crire à un choix quils n’avoient pu empêcher
ôc le peuple toujours avide de Ceremonies a
contre fon ordinaire, vit cette derniere avec plus
d’étonnement que de joye.
Il n’y eut que le Comte de Tripoli, qui re¬
garda le choix de la Reine, comme une injuftice
quelle lui faifoit. On ne peut exprimer dans quelle
fureur cette préférence le précipita-, il jura la per¬
te de fon rival, ôc même celle des Templiers qui
avoient eu beaucoup de part à fon élévation : ôc
il ne fe foucia pas de périr, pourvu qu’il pût en¬
traîner tous fes ennemis fous fes propres ruines.
Plein de cet elprit de vengeance, ôc dans la re-
folution de facrifier tout à fon reffentiment, il
fe retira brufquement dans fes Etats. Saladinauffi
* Præfata Regina acccpit coronam regiam in manibus fuis, & po-
Luit eam fuper caput Guidonis de Lufignan mariti fui , dicens : Ego
eligo te in Regem ôc Dominum meum, ôc çerræ Hierofolymitanæ,
quia quod Deus conjunxit* homo feparare non debet.Reg. de Hoveden.p,6?i»
de Malte. Livre II. 10$
Roger
habile politique que grand Capitaine, n’eut pas D ES M OU-
plutôt appris fon mécontentement, qu’il lui en¬ LINS.

voya fecretement un homme de confiance pour


traiter avec lui. Cet Envoyé lui reprefenta avec
une franchife apparente, qu’il n’étoit pas de l'in¬
térêt de fon Maître de fournir un Royaume chré¬
tien & indépendant, au milieu de tant d’Etats,
qui compoioient fon Empire } mais que s’il vou-
Ioit fe faire Mahometan , & fon Feudataire , il
s’engageoit de le placer fur le trône de Jerufalem^
ôc pour l’y maintenir, d’immoler à fa fureté tous
les Templiers leurs ennemis communs.
Raimond aveuglé par fa paillon, confentit à
tout : on prétend même que dès lors il fe fit cir¬
concire. Mais pour mieux faire réuflïr leurs def-
feins, il convint avec cet Envoyé , qu’il ne feroit
éclater fon changement de Religion , qu’après
qu’il feroit monte fur le trône ^ & que pour pou¬
voir perdre plus furement le nouveau Roi, il fe
reconcilieroit avec lui.
Le perfide Comte dans cette vue fe rendit à
Jerufalem * des amis communs qu’il fit agir, &:
qui n’avoient pour objet que d’éteindre la divi-
fion, intervinrent de bonne foi dans cet accom¬
modement ; la paix fe fit 5 Raimond reconnut Lu-
fignan pour Souverain ^ & ce Comte fi capable
par fa valeur de défendre les faints Lieux n’eut
point de honte d’ajouter la trahifon à l’apoftafie,
Saladin de concert avec lui, entra aufli-tôt dans
la Paleftine à la tête d une puiffante armée : fon
deffein étoit de faire le fiége d’Acre, là Ville de
-tout le Royaume la plus forte & la plus riche. On
Ccij

1
204 Histoire de l’Ordre
Roger
Desmou-
comptoit dans fon armée prés de cinquante milld
LINS. chevaux fans l’infanterie ; 8c la plupart de ces
troupes étoient compofées des anciens habitans
du pays ou de leurs enfans , que les Rois de Jeru-
falem depuis la conquête de Godefroi de Bouillon
en avoient chaffez. Tous revenoient à la fuite de
Saladindans l’efperance d’une prochaine conquête,
8c de rentrer dans l’heritage de leurs peres.
Le Sultan favorifé fecretement par le Comte
de Tripoli, ne trouva point d’obftacle à fa mar¬
che , 8c venoit pour former le fiége de la ville
II87. d’Acre. Le Roi en avoit confié la défenfe aux deux
Grands Maîtres, qui s’avancèrent au devant de
l’ennemi avec un grand nombre d’Hofpitaliers
8c de Templiers : l’Etat n’avoit point de ref-
ContinW ill fource plus affinée. Les deux Grands Maîtres
Tyr. Liv. /.
ch. f. ayant fait prendre les armes à la garnifon 8c. à
tous les habitans, fortirent la nuit de la Place.
Les Chrétiens tenant d’une main leur épée , Ôc
du feu dans l’autre, furprennent les Infidèles, en¬
trent dans leur camp , abattent les tentes, cou¬
pent la gorge à tous ceux qu’ils trouvent endor¬
mis , mettent le feu par-tout. La terreur 8c la con-
fternation fe répandent dans l’armée ennemie ; mais
le jour qui commença à paroître, 8c la préfence
de Saladin les rafiura * chaque corps fe rangea
fous fes enfeignes ; on en vint à un combat réglé,
8c on chercha à envelopper les Chrétiens.
Quoique les Infidèles Biffent fuperieurs en nom¬
bre , les Religieux militaires qui n’avoient jamais
compté leurs ennemis, font ferme, pouffent l’en¬
nemi qui fe trouve devant eux , s’attachent au
de Malte. Livre IL 105 Rogfr
cojrps même que Saladin avoit rallié : tout com- D e s m o u-
bat, tout fe mêle • on tue tout • des ruiifeaux de ——-
fang coulent de tous cotez 5 point de quartier ni
de prifonniers : une fureur égale animoit les fol-
dats de chaque parti. Si Saladin dans cette aétion
fit voir autant de conduite que de courage , les
deux Grands Maîtres de leur côté, ôc foutenus de
leurs braves Chevaliers , firent des prodiges de
valeur. Le Grand Maître Defmoulins , à la tête
des Hofpitaliers, perça plufieurs fois les efcadrons
ennemis ; rien ne tenoit devant lui. Le Comte de
Tripoli qu on prétend qui fe trouva mafqué dans
cette occafion, & qui combattoit en faveur des
Infidèles, pour fe défaire d un Guerrier fi redou¬
table , tua fon cheval, qui en tombant fe rem
verfa fur le Grand Maître j & le poids de fes ar¬
mes l’empêchant de fe relever, les Infidèles le per¬
cèrent de mille coups après fa mort , foie pour
1187.
venger celle de leurs compagnons, ou que ces
Chronqae
barbares craigniflent encore qu’un fi grand Ca-
fdtaine ne fe relevât. * Plufieurs Hofpitaliers , en
de Nangis.

e défendant, fe firent tuer généreufement fur le


corps de leur chef, & en voulant l’arracher à la
fureur de ces barbares. Le combat cefia par l’é-
puifement des deux partis, & il n’y eut que lare-
traite de Saladin qui fit préfumer que la plus gran¬
de perte étoit tombée de fon côté. Contm.WilL
Tyr. Liv. /•
Les Holpitaliers cherchèrent fur le champ de ch. /.
bataille le corps de leur Grand Maître pour lui
rendre les derniers devoirs. Après bien des foins,
* Eodem die videlicet Calendas Maii, fexaginta Fratres Templi ôc
Summus Magdter Dormis Hofpitalis cum plurïbus domüsfuæ Fratribus
interfebli funt. Rc£. Hcvedt in Hcnr. 2.
C ciij
106 Histoire de l’Ordre
Roger
on le trouva enfin fous un tas de Turcomans 8c
Desmou-
ï. I N S. de Sarrafins, qui avoient pafle par le trenchant de
fou cimetere , ou que fes Chevaliers après fa mort
avoient immolez à leur reffentiment. Il fut porte
dans Acre, 8c les funérailles de ce grand homme
y furent célébrées par les larmes de fes confrères^
ôc par l’affli&ion générale de tous les habitans.
On procéda enfuite à l’éleéfion de fon fiiccef-
feur • comme l’ennemi étoit au milieu du Royau¬
me , 8c qu’on étoit à la veille d’une nouvelle ba¬
taille , les Hofpitaliers comprirent bien qu’ils
avoient plus befoin que jamais d’un Capitaine, 8c
d’un habile Guerrier pour les commander. Le
choix dans cette conjon&ure tomba fur Frere
Garnier Garnier natif de Napoli de Syrie , Grand
d e 6' Y R I E.
Prieur d’Angleterre, 8c Turcopolier de l’Ordre,
1187. titres inféparables : ce qui fait voir qu’en ce tems-
là les dignitez n’étoient point encore attachées,
comme elles le font à préfent, aux differentes lan¬
gues ou nations dont l’Ordre eft compofé.
Will. Tyr. Les Turcopoles d’où a été formé le nom de Tur-
. Liv. 1. ch. 7.
Liv. ig.c.24.
copolier étoient anciennement, au raport de Guil¬
Liv. 22. ch. g. laume de Tyr, des compagnies de chevaux-legers.
-djfifes du
L’origine de ce terme venoit des Turcomans, qui
Royaume de
yerufalem. p. appelloient en général Turcopoles les enfans nez
4/8. d’une mere Grecque 8c d’un pere Turcoman, &
Hifioire de
l JJle de Chy¬ qui étoient deftinez à la milice. Ce fut depuis un
pre par Ef- titre de dignité militaire dans le Royaume de
tienns de Lu -
Jignan.
Chypre, d’où il étoit pafTé dans l’Ordre de S. Jean.
Albert.Acq. Mais les Hofpitaliers ne s’en fervoient que pour
Liv. /. c•
défigner le Colonel général de l’Infanterie. Frere
Garnier avoit réfidé quelque tems en Angleterre
8
de Malte. Livre II. 2,07
Garnier.
en qualité de Bailli ôc de Turcopolier de l’Ordre. DE S Y R I S.

Pendant ce tems-làle Roi Henri II. ayant chaffé


de la fameufe Abbaye de Buicland des Chanoines
Réguliers qui vivoient trop licentieufement, don¬
na ce Monaftere à l’Ordre, ôc Frere Garnier y mit
des Hofpitalieres de S. Jean. Ce grand Bailli étoit
repafle depuis dans la Paleftine pour partager les
périls ôc la gloire de les confrères • ôc fa valeur
ôc fes vertus lui procurèrent la dignité de Grand
Maître après la mort de Frere Roger Defmoulins.
Ses premiers foins furent de rappeller auprès Nantis ad
de lui la plupart des Religieux qui étoient difper- ann. 11SS.
Ifez en differentes Places , & il reçut même dans
'Ordre plufïeurs Novices pour remplacer ceux
qu'on avoit perdus dans la derniere occafion, ôc
pour fe mettre en état de s’oppofer avec fuccès
aux armes de Saladin.
Ce Prince, de concert avec le Comte de Tri¬
poli , ôc pour mieux cacher leur intelligence, af-
fiégea Tiberiade, qui appartenoit au Comte, du
chef d’Efchine fa femme, qui y faifoit fon féjour
ordinaire. La Ville fut d’abord emportée, ôc la
Comteffe qui ignoroit la trahifon de fon mari,
fè réfugia dans le Château qui étoit plus fortifié.
Le traitre Raimond, comme s’il eût eu beaucoup
d’inquiétude du fuccès de cefiége, crie au fecours -,
appelle tous fes amis auprès de lui, ôc reprefen-
te au Roi de quelle importance étoit cette Place,
qui de ce côté-là couvroit toute la frontière ;
on refolut auffi-tôt d’y jetter du fècours à quelque
prix que ce fût : le Roi le difpofa à marcher lui-
même à la tête de ce qu’il avoit de troupes fur
208 Histoire de l’Ordre
Garnier pied j mais le Comte, qui vouloit livrer tout à la
de S y r i e.
rois à Saladin toutes les forces de l’Etat, remontre
au Roi, qu’avec une armée auffi inferieure à celle
du Soudan, il alloit s’expofer à une déroute cer¬
taine • que Saladin avoit au moins quatre-vingt
mille chevaux fans fon infanterie, ôc que pour
réfifter à une puiflance fi formidable, il falloit ti¬
rer toutes les garnifons des Places, & même faire
marcher tous les habitans capables de porter les
armes, afin de groflir l’armée,& avoir moins à
craindre du nombre des Infidèles.
Guy de Lufignan qui n’étoit ni grand homme
de guerre, ni habile politique , s’abandonna aux
perfides confeils d’un ennemi réconcilié : on dé¬
garnit toutes les Places de leurs garnifons , ôc
même des habitans ; ôc il n’y relia que des vieil¬
lards, des femmes & des enfans. Toute la fortu¬
ne de l’Etat étoit réunie dans cette multitude con-
fufe de foldats, de bourgeois ôc de payfans armez
bizarrement, dont la plupart marchoient fans or¬
dre, ôc qui n’avoient que de la fureur & de l’em¬
portement.
A l’approche des Chrétiens, Saladin fortit de
fes lignes -, on fut bien-tôt en prefence^ le com¬
bat dura trois jours , ôc fut três-Ianglant. Guy de
Lufignan, par l’avis du Comte de Tripoli, avoit
placé fon camp entre des rochers , comme dans
un endroit où il ne pouvoit être forcé * mais le
perfide Comte lui avoit caché que de cet endroit
fes foldats ne pourroient aller à l’eau qu a travers
de l’armée des Infidèles. Un befoin fi prefTant fe
fit bien-tôt fentir j la neceffité obligea dès le
lendemain
de Malte. Livre IL 2,09
Garnier
lendemain de marcher aux ennemis , pour s ou¬ S Y R I E.
DE
vrir un pafTage à la riviere. *Les Templiers > qui
avoient la pointe, defcendirent les premiers dans
la plaine, & chargèrent les Infidèles avec leur va¬
leur ordinaire j ils pouffèrent d'abord tout ce qui
fe prefenta devant eux ^ jamais ces braves guer¬
riers navoient fait paroître tant de courage ôc
tant d’intrépidité'. Ils percent ôc ils enfoncent les
premiers efcadrons des Infidèles,, mais le Comte
de Tripoli, qui commandoit le. corps qui les, de-
voit foutenir, au lieu de fuivre le chemin dé la
viéloire que ces genereux foldats de Jefus-Chrift
lui avoient frayé,des abandonne, s’enfuit de con¬
cert avec Saladin qui le lailfè échapper, ôc les
Templiers demeurez feuls dans la plaine, furent
accablez par la multitude des ennemis, ôc tous
furent tuez ou demeurèrent prifonniers : le relie
de l’armée fe retira dans fon camp ôc dans les ro^
chers où le traitre Comte de Tripoli les avoit en¬
gagez. La fuite de ce Prince, dont on eltimoit
la capacité ôc la.valeur, fit croire aux Chrétiens
que l’affaire étoit défefperée ; on pafla la nuit dans
ces rochers, fans eau ôc dans le mois de Juillet.
Saladin, pour augmenter la chaleur de la lai fon,
fit mettre le feu dans les bois qui étoient fur la
montagne, ôc qui environnoient. le camp des Chré¬
tiens : le foldat à demi-mort de loif Ôc de lalfitude,
* Templarii robulti/ïimo in hoftem impetu procurrentes, primarum
holtium turmarum denlitatem ruperunt, & earum vel Itragem vcl fu-
gamfecerunt. Verùm tuncdemum noltrorum nefanda proditio & nefaria
cum holte collufio elarui: .Cornes entra TripohtanuS' cæterique optima¬
les cum turmis fuis , fpretâ difpofitione regiâ,, præclaram ilTam T’empli
miliriam,holtes fortiter proterentem , dum non fequerenturpériclitât!
iecere *, atqueita Templarii confertiflimis holtium cuneis snulloiequente3
immerfi, illico vel vi&ima, velprædafuere. WilUHeubr, /. ?. p 43
Tome L~ Di
no Histoire de l’Ordre
Garnier
de S y r i e. couché contre terre , attendoit l’ennemi avec in¬
différence, ôc ne croyoit pas que la mort fût le plus
grand des malheurs. Saladin averti par des trans¬
fuges , qu’il n’y avoit plus ni ordre ni comman¬
dement dans le camp, l’attaque1, ôc ne trouve
qu’une foible réfiftance. Ce fut moins un combat
qu’une boucherie ; le Turcoman 8c le Sarrafinne
donnent point de quartier ; des ruiffeaux de fang
coûtaient entre ces rochers ; tout périt ou de¬
meura prifonnier; le Roi, le Grand Maître des
Templiers, Renaud de Châtillon ôc un grand nom¬
bre de Seigneurs ôc de Chevaliers de faint Jean
Ôc du Temple tombèrent dans les fers des Infi¬
dèles. Les Turcs prirent même la vraie Croix qu’on
portoit ordinairement dans les combats. Le Grand
Maître des Hofpitaliers, après avoir fait des pro¬
diges de valeur, fe fauva tout percé de coups, Ôc
s’ouvrit un paffage l’épée à la main , au travers
des efcadrons ennemis; il gagna Afcalon, où il
mourut le lendemain de fes bleffures.
Saladin, qui par l’extinâtan des Ordres mili¬
taires , fe flatoit de fe rendre maître plus facilement
de la Terre Sainte, fit dire aux Hofpitaliers & aux
Templiers prifonniers de guerre, qu’ils ne pou-
Will Neuh,
/• 3' p» 43*
voient éviter la mort que par le changement de
Rog. de Ho - religion, en renonçant à Jefus-Chrift ; mais ces
veden p,637.
Hcrold, Con - genereux guerriers fe prefenterent avec joye au
tin.bellifacri. lupplice, tous furent égorgez * par ces barbares,,
L 1. 7, p, 14

ôc la confiance ôc la fermeté avec laquelle ils re~
* Milites Templi &Hofpitalis quos in campo non voraverat gladius,
abaliisfegregatè captivis 5'aladmus coram fedecollari præcepit. Rog. Hov,
f. (37.

14 tm Nnngis ab Ann, 1187,


Quotquot Templarii & Hofpitalarii4nvemuntur protinus decollantur.
de Malte. Livre IL m
Garnies,
revoient la mort, ranimant la foi des plus fim- de Syrie.
ples foldats,on en vitplufieurs quoique ièculiers,
qui par une innocente fupercherie , crioient à
haute voix qu’ils étoient Templiers : de comme s’ils
euifent craint de manquer de bourreaux , on les
voyoit fe preffer à l’envi l’un de l’autre pour
pafler les premiers fous le glaive des Infidèles.
Le Sultan fit enfui te amener dans fa tente le
Roi, le Grand Maître des Templiers , Renaud de
Châtillon & les autres Seigneurs prifonniers, qui
nefperoient pas un fort- plus heureux. Saladin,
pour raffiner le Roi, le fit afleoir auprès de lui,
Sc voyant ce malheurex Prince à demi-mort de
foif & de lafiïtude, il lui fit prefenter une liqueur
agréable & rafraîchie dans la neige. Le Roi après
en avoir bû donna la taflfe à Renaud ; mais le
Sultan s’y oppofa, & fit dire au Roi par fon in¬
terprète: » C’eftpour toi que j’ai fait venir à boire,
» & non pour ce méchant homme , qui ne doit
5> jamais efperer de quartier. Pour entendre lefens
de ces paroles, il faut fçavoir que parmi ces Infi¬
dèles , le droit d’hofpitalité étoit inviolable, de
que ces barbares ne faifoient jamais mourirleurs
prifonniers, quand une fois ils leur avoient pre-
lenté de leur main à boire ou à manger..
Ce fut par cette raifon que Saladin empêcha:
Renaud de boire après le Roi ; il lui fit de fan-
glants reproches des trêves qu’il avoit violées, de
les brigandages, de fon inhumanité envers des
prifonniers qu’il avoit pris plutôt, lui dit-il,com¬
me un voleur, que félon les loix de la guerre yôc
fur-tout ? il lui fit le plus grand de tous les crimes*,
v
ni Histoire de l’Ordre
Garnier
de S YR I E.
félon les principes de fa religion, du deflein quil
avoit formé de furprendre ôc de piller la Meque
6c Medine. » Il faut donc , pour réparation de
» tant d’outrages , continue le Sultant en hauffant
« la voix, ou que tu renonces tout-à-l’heure à Je-
« fus-Chrift, ou que tu meures; pour venger notre
» S. Prophète. Renaud fier& intrépide julquesfous
l’épée ennemie , lui répondit qu’un Chrétien ne
fçavoit ce que c’étoit que de racheter fa vie par
une telle lâcheté. Alors Saladin tranfporté de co-
iere tirant fon cimeterre, lui abbatit la tête , 6c
fit de ce Seigneur un martyr , qui par une mort
fi chrétienne & fi genereufe, expia ce qu’il y avoit
eu de moins équitable dans la maniéré dont il
avoit fait la guerre. Le Sultan à la priere du Roi,
laiffa la vie au Grand Maître des Templiers qu’il
envoya à Damas avec ce Prince 6c les autres pri¬
sonniers , dont il efperoit tirer une groffe rançon.
L’Etat de Jerufalem étoit dans une affrcufe
defolation y il n’y avoit ni troupes ni Chefs pour
les commander -, les habitans même manquoient
dans les Villes -les deux Ordres militaires avoient
perdu la plupart de leurs Religieux -, & des deux
Grands Maîtres, celui des Holpitaliers venoit de
mourir des bleffures qu’il avoit reçues dans la ba¬
taille , 6c le Grand Maître du Temple étoit pri-
fonnier à Damas.
Dans une fi trifte fituation, ce qui reftoit d’Hofi
pitaliers s’aifemblerent pour procéder à l’éleélion
d’un nouveau Grand Maître, On pouvoir dire
alors de cette grande place, ce que faint Paul
difoit de fEpifcopat, par rapport aux peines 6c
.J*

de Malte. Livre IL 215


aux perfecutions qui y étoient attachées: Que Ermem-
g^rdDaps
c’étoit une oeuvre méritoire de defirer cette émi¬
nente dignité. En effet il fallut faire une efpece
de violence à Frere Ermengard Daps, pour
l’obliger,dans une fi fâcheufe conjoncture, à fe
charger du gouvernement. Cet Ordre auparavant
fi puifïant ôc fi redoutable aux Infidèles , venoit
d être prefque éteint par le grand nombre de Che¬
valiers qui avoient péri dans les dernieres batail¬
les ^ &le peu qui avoient échapé à la fureur deSa-
ladin, fe voyoient à la veille d’éprouver le même
fort, fans que le Grand Maître pût envifager
d’autre refïource pour lui ôc pour fes confrères,
qu’une mort honorable au défaut de la victoire.
Saladin pour profiter de la confternation pu¬
blique fuivoit rapidement fa fortune ; la plupart
des Places du Royaume lui ouvrirent leurs por¬
tes; la Ville de Saint Jean d’Acre dellituée des
Religieux militaires , fes généreux défenfeurs, ne
tint que deux jours ; ôc de tant de conquêtes , il
ne relia aux Chrétiens que Jerufalem,Tyr, Afca-
lon, Tripoli & Antioche: encore de ces deux der¬
nieres Places, l’une ne relevoit point de la Couron¬
ne de Jerufalem,& l’autre n’en étoit que feudataire.
Pour faire mieux connoître l’état déplorable
de ce Royaume, il ne fera pas inutile de rappor¬
ter ici la lettre circulaire quun Templier, trille
témoin de cette funefte révolution, écrivit à fes
confrères d’Occident après la bataille de Tiberiade.
« Frere Thierri grand Précepteur, le très pau-
» vre Couvent, ôc l’Ordre entier , mais prefque
» anéanti : A tous les Précepteurs, ôc à tous nos
Ddiij
214. Histoire de l’Ordre
Ermïn-» Freres du Temple : Salut en celui auquel nous
gardDaps
» adreffons nos foupirs, de que le foleil de la lune
Preuve
VIII. » adorenc.
» Nous ne pouvons, nos très-chers freres, vous
» exprimer par ces caraèteres , ni même par des.
» larmes de fang tous les malheurs que nos pe-
» chez ont attirez fur nos têtes. Les Turcomans,
» cette nation barbare, ayant couvert la furface
» de la terre, nous nous avançâmes pour dégager
» le Château de Tiberiade, que ces Infidèles aflîé-
« geoient ; on en vint bien-tôt aux mains -, mais
» les ennemis nous ayant pouffez vers des rochers
« & des montagnes efcarpêes, nos troupes ont
» été taillées en pièces ; trente mille hommes ont
« péri dans cette funefte journée ; le Roi eft pris;
« de ce qui eft encore plus déplorable , le bois
« précieux de la vraie Croix eft tombé en la puifi.
» lance des Infidèles. Saladin, pour couronner la
9» vi&oire, a fait couper la tête à deux cens trente
99 de nos freres, qui avoient été pris dans la ba-
9> taille, fans compter foixante autres que nous
99 avions perdus dans le combat précèdent. Ce
9» Chef des barbares eft maître aujourd’hui des
» principales villes du Royaume ; il ne refte à la
99 Chrétienté que Jerufalem, Afcalon ,, Tyr, de
99 Beritte, dont même les garnifons, de les prin.
99 cipaux habitans font péris dans la bataille de
9» Tiberiade ; en forte qu’il eft impoflible, fans le
v
99 fecours du ciel de le vôtre, de conferver ces
» Places, dec.
Mais ce fecours étoic trop éloigné , de il nÿ
\
avoit pas d’apparence qu’il arrivât à tems pour ar-
-de Malte. Livre II. 115
ERMElf-
rêter le progrès des armes de Saladin. Ce Conqué¬ garoDaps
rant , après s’être rendu maître de S. Jean d’Acre,
de Jaffa, de Naploufe , de Sébafte, de Nazaret,
de Sefuriet, de Céfarée , de Sidon Ôc de Beritte,
marcha droit à la Capitale, ôc afliegea Jerufalem,
qui étoit le principal objet de fon entreprife. La
Reine s’y étoit enfermée ; mais la Ville n’avoit
point d’autres défenfeurs que fes habitans , dont
même les principaux, Grecs de religion , étoient
ennemis fecrets des Latins. Saladin qui n’ignoroit
pas leur difpofition, Ôc qui fe croyoit déjà maître
de la Place, refufa toute compofition à la Reine.
Cette Princeffe, après une legere réfiftance, avoit
demandé à capituler : Saladin lui fît dire qu’il vou-
loit entrer dans la Place l’épée à la main, pour
venger, difoit-il, le fang de tant de Mufulmans
maffacrez par les Chrétiens du tems de Godefroi
de Bouillon. La dureté de cette réponfe fît réfou¬
dre les Chrétiens Latins à s’enfevelir fous les rui¬
nes de la Place : hommes , femmes ôc enfans,
tout prit les armes ^ Ôc le defefpoir leur tenant lieu
de valeur, ils foutinrent les attaques des Infidèles
avec un courage fî déterminé, que le Sultan, foit
qu’il craignît quelque révolution , ou du moins
que la longueur du fiége ne retardât les autres
conquêtes qu’il projettoit, confentit à la fin à en¬
trer en négociation, ôc le traité fut figné de part
ôc d’autre le quatorzième jour du fiége. Il fut dit
par la capitulation que la Reine rendroit la ville
en l’état où elle étoit, ôc fans rien démolir ; que
la Nobleffe ôc les gens de guerre fortiroient en
armes Ôc avec efcorte pour être conduits à Tyr, ou
ii6 Histoire de l’Ordre
Eimen' en telle autre ville qu’ils voudroient ^ qu a 1 egard
cardDaps
des habitans, les Grecs naturels pourroient y ref-
ter J mais que tous les habitans Latins d’origine,
feroient obligez d’en fortir -, ôc que pour marque
quil etoit maître de leurs vies &c de leur liberté,
il vouloit qu’ils la rachetaient, les hommes en
payant dix e'cus d’or de rançon, les femmes cinq,
deux pour chaque enfant ; ôc que tous ceux qui
ne pourroient pas fe racheter, demeureroient eC.
claves du vainqueur.
Pendant la nuit qui précéda Inexécution de ce
funefte traité, on n’entendit dans Jerufalem que des
gémiffemens, des pleurs ôc des cris de ces malheu¬
reux habitans, qui déploroient leur fort,& de fe voir
obligez de livrer eux-mêmes aux Infidèles la fainte
Cité. Hommes, femmes,enfans, jeunes ôc vieux
fe profternoient devant le faint Sépulchre , qu’ils
arrofoient de leurs larmes, qu’ils baifoient, ôc
dont ils ne pouvoient fe détacher. Enfin le jour
parut, ôc le trille moment arriva où il fallut ou¬
vrir les portes aux victorieux. Les Infidèles s’en
emparerent ; Saladin environné de fes principaux
Officiers, différa fon entrée jufqu’à ce que tous
les Chrétiens Latins fulTenc fortis. Les meres char¬
gées de leurs petits enfans qui n’étoient pas en^
core en état de marcher, parurent les premières^
d’autres en conduisent par la main qui étoienc
un peu plus forts ; les hommes portoient des vi¬
vres, ôc les petits meubles néceffaires à leurs fa<-
milles -f la Reine elcortée de ce qui lui étoit relié
de gens de guerre venoit après ce peuple, accom¬
pagnée des deux petites Princeffes les filles, du
Patriarche
de Malte. Livre II. 117
Patriarche , de Ion Clergé, 8c fuivie de ce qu’il Ermen-
gardDaps
y avoit de perfonnes de confideration de lun 8c
de l’autre lexe. Saladin voyant la Reine appro¬
cher, s’avança au-devant d’elle , lui parla avec
beaucoup de refped: ; 8c pour la confoler, lui fit
elperer moyennant une médiocre rançon de ren¬
dre la liberté au Roi fon mari. Des Dames chré¬
tiennes qui étoient à la fuite de la Reine, 8c dont
les maris depuis le commencement de la guerre
étoient tombez dans les fers de Saladin, paflant
devant ce Prince , 8c fentant à fa vue renaître leur
affliction, pouffèrent de grands cris , 8c en forme
de fuppliantes, lui tendoient les mains. Ce Prince
leur ayant fait demander ce quellesfouhaittoient
de lui, une de ces Dames s’approchant, lui répon¬
dit : » Nous avons tout perdu , Seigneur , mais
» d’une feule parole vous pouvez adoucir notre
« jufte douleur • rendez-nous nos peres, nos fre-
« res 8c nos maris , qui par le fort de la guerre,
» font vos prifonniers , 8c nous vous abandon-
» nons tout le refte. Avec de fi chers gages, nous
» ne pouvons être tout à fait malheureufes ; ils au-
» ront foin de nous, 8c le Dieu que nous adorons,,
» 8c qui nourit jufquaux oifeaux du ciel, nourira
nos enfans.
Saladin qui n avoit rien de barbare que fa naifi
fance,touché des larmes de ces Dames qui s’étoient.
profternées à fes pieds, apres les avoir fait rele¬
ver, leur fit rendre tous les prifonniers quelles;
réclamoient. Il ajouta même à cette grâce des
prefens qu’il leur fit *, 8c ce qui marquoit dans ce:
Soudan un grand fond d’humanité, c’efi: qu apres
Tome L E£
118 Histoire de lOrdrb
ER.M EN-
gardDaps
fon entrée dans Jerufalem, ayant entendu parler
du foin que les Holpitaliers prenoient des mala¬
des ôc des bleffez, il confentit que ces Cheva¬
liers, quoiqu’ennemis de fa religion, reftaflent
dans Jerufalem encore un an ôc jufqua lentiere
guérifon des malades.
C eftainfique Jerufalem, quatre-vingt-huit ans
après la conquête qu’en avoient fait les premiers
Croifez, retomba fous la puifTance des Infidèles.
Saladin, avant que d’entrer dans Jerufalem, fit
caffer ôc fondre les cloches, ôc laver l’Eglife Pa-
triarchale avec de l’eau rofe. Cette Eglile avoit
été conftruite d’abord fur les anciennes ruines
du Temple de Salomon par le Calife Omar, qui
en 636, après avoir pris la Ville de Jerufalem, en
avoit fait la principale Mofquée. Cette Mofquée
appellée par les Infidèles Alaxa, fut changée
en Eglife à la conquête de Godefroy de Bouil¬
lon , ôc une fauife tradition avoit fait croire aux
pèlerins que c’étoit le Temple même de Salomon
ruiné par les Romains, ôc rebâti depuis par les
Chrétiens. Quoi qu’il en foit, Saladin étant maître
de cette Ville, la Reine avec les Princeffesfes filles,
fe retira â Afcalon; les habitans de Jerufalem fe
difperferent en differens endroits de l’Afie ôc de
l’Europe j les uns fe réfugièrentvà Tripoli, d’au¬
tres gagnèrent Antioche, ôc un grand nombre
défefperant de voir jamais rétablir le Royaume
de Jerufalem,pafferent jufqu’en Sicile ôc en Ita¬
lie. On prétend que ce fut en ce tems-là que les
ReligieufesHolpitalieres de faint Jean, fuyant le
tumulte des armes, fe tetirerent en Europe avec
de Malte. Livre II 219
la permiffion du Grand Maître, ôc y firent depuis Ermen-
gardDaps
des etabliflemens confiderables, comme nous le
verrons dans la fuite.
Thierry grand Précepteur des Templiers, dans
une lettre qu’il écrivit à Henry Roi d’Angleterre,
lui rendit compte de cette étrange révolution;
&comme ces pièces originales font d’une grande
autorité pour l’Hiftoire , nous avons crû que les
Leéleurs ne feroient pas fâchez de trouver ici une
lettre pleine des trilles circonftances de ces grands
évenemens.
«Sçachez, grand Roi, lui dit ce Templier, Preuve.
IX.
» que Saladin s’elt rendu maître de la ville de
» Jerulalem ôc de la Tour de David; les Chrétiens
«Syriens n’ont la garde du Saint Sepulchre que
«jufqu’au quatrième jour après la fête de faïnt
«Michel prochain ; il elt permis aux Freres Hof
«pitaliers de relier encore un an dans leur Mai-»
« fon, pour prendre foin des malades ; les Che-
« valiers de cet Ordre, qui font dans le château
«de Beauvoir, fe dillinguent tous les jours par
« differentes entreprifes qu’ils font contre les Sar-
« rafins ; ils viennent d’enlever deux caravannes
« aux Infidèles, ôc ils ont trouvé dans la première
» les armes ôc les munitions de guerre que les Tur-
» comans tranfportoient de la forterelfe de la Fere,
« après avoir détruit cette Place. Garac voifindu
« Mont-royal, le Mont-royal ,Saphet du Temple,
un autre Carac, ôc Margat qui appartiennent
«aux Holpitaliers, Caltel-blanc, Tripoli ôc Am
« tioche fe maintiennent encore contre tous les
efforts des Turcs, Saladin a fait abattre lagran-
£e
2,2,0 Histoire de lOrdre
Ermen-
gardDaps
55 de Croix qui e'toit pofée fur le dôme de l'Eglife
« bâtie à la place du Temple de Salomon, & pen¬
55 dant deux jours on l’a tramée ignominieufement
55 dans les rues, foulée aux pieds 8c couverte de
» boue. Par une efpece de purification, on a lavé
» d’eau rofe par dedans 8c par dehors cette Eglife
« pour fervir enfuite de Mofquée, on y a pro-
» clamé à haute voix la Loi deMahomet. LesTurcs
» depuis la fiiint Martin tiennent Tyr afliégé^un
« grand nombre de machines ne ceffent jour
« 8c nuit d’y jetter de gros quartiers de pierres. Le
» jeune Conrard, fils du Marquis de Montferrat,
55 qui s’eft enfermé dans cette Place, la défend
55 avec beaucoup de courage, fou tenu du fecours
>5 des Chevaliers de faint Jean 8c des Templiers. La
55 veille de faint Silveftre, dix-fept galeres chré-
» tiennes, montées par ces braves Religieux , for-
55 tirent du port avec dix autres vaiffeaux Sici¬
55 liens, commandez par le Général Margarit,Ca¬
55 talan de nation, 8c attaquèrent la flote de Sala-
>5 din prefque fous fes yeux^ les Infidèles furent
55 défaits • le grand Amiral d’Alexandrie 8c huit
95 Emirs furent fait prifonniers ; on leur prit onze
95 vaiffeaux ; il y en eut un grand nombre qui
» échouèrent à la côte, 8c de peur qu’ils ne tom-
«baffent entre les mains des Chrétiens, Saladiny
«fit mettre le feu, &les réduifit en cendres. Ce
« Prince parut le lendemain dans fon camp mon-
« té fur le plus beau de fes chevaux, auquel, par
> un aveu public de fa défaite 8c de fa douleur,
« il avoit fait couper la queue 8c les oreilles.
Pour l’intelligence de ce qui fe paffa au fiége
de Malte. Livre If. m
de Tyr, il faut fçavoir que Saladin, après la con¬ Ermen-
gardDaps
quête de Jerufalem, affiégea Afcalon que la Reine
lui rendit pour la liberté du Roi fon mari, celle
du Grand Maître des Templiers & de quinze au¬
tres Seigneurs -, & par ce traité Guy de Lufignan
renonça lolemnellement au titre de Roi de Jeru-
falem. Ce Prince avec la Reine fa femme fe re¬
tira enfuite dans un château proche la mer, où
ils étoient plutôt cachez, qu’en état de fe défen¬
dre. Saladin , fans s’embarraffer d’un ennemi qu’il
méprifoit, partit d’Afcalon pour faire le fiége de
Tyr, ancienne & fameufe ville de Phénicie, fi
célébré dans l’Hiftoire fainte par fon Roi Hir-
ram, l’ami de Salomon, & renommée par le fiége
qu’y mit Alexandre le Grand, auquel elle réfîfta
fept mois entiers : & ce Prince ne s’en feroit pas
même rendu maître, s’il n’eût joint l’Ifle dans la¬
quelle elle étoit fituée, à la terre ferme, par le
moyen d’une digue qu’il fît faire pour combler
le bras de mer qui en faifoit une Ifle. Les habi-
tans, moins courageux que leurs ancêtres, à l’ap¬
proche de Saladin, & redoutant les malheurs d’une
Place emportée d’affaut, fe difpofoient à aller au
devant du victorieux, & lui porter les clefs de
leur Ville, lorfque le jeune Conrard, le dernier des
enfans du Marquis de Montferrat, que le defir
de contribuer à la liberté de fon pere prifonnier
de Saladin, avoit conduit en la Terre Sainte, les.
exhorta à fe défendre génereufement, & leur of¬
frit fes fervices- mais il ajouta qu’il ne vouloir
point répandre fon fang pour un Prince aufîî lâ¬
che que Guy de Lufignan, ôc qu’il prétendoit.
ut Histoire de l’Ordre
Ermen-
gardDaps
s’il étoit aflez heureux, comme il l’efperoir , de
conferver cette Place, qu’ils s’engageaffent par
un traité folemnel à le reconnoître pour leur SeX
gneur. Les habitans de Tyr abandonnez de leur
Souverain, & rendus à eux-mêmes , foufcrivirent
à cette condition. Conrard appella à fon fecours.
un grand nombre de Chevaliers de faint Jean,
qui fe mirent à la tête des Tyriens- ils en firent
des foldats tous animez de leur efprit & de leur
courage ^ les femmes même, ou tiroient des flè¬
ches lur les afliégeans, ou portoient des vivres
à leurs maris qui couchoient fur les remparts. Ja¬
mais , depuis le fiége qu’Alexandre le Grand avoit
mis devant cette Place, il ne s’y étoit fait une fi
belle défenfe. Saladin rebuté de la longueur d’un
fiége qui arrêtoit le progrès de fes armes, réfolut
de fe retirer j mais avant que de décamper, il
fit conduire devant les murailles le pere du Mar¬
quis , qu’il avoit fait prifonnier à la bataille de
Tiberiade; ôc un héraut ayant été introduit dans
la Place, déclara au jeune Conrard qu’on alloit
à l’inftant, couper la tête à fon pere, s’il ne fai-
foit ouvrir les portes de Tyr au Sultan..
Le jeune Prince fe voyoit partagé entre deux
devoirs qui lui paroiffoient également indifpen-
fables- il étoit queftion, ou de fauver la vie à
fon pere, ou d’abandonner des Chrétiens aux¬
quels il avoit donné fa foi. Pour fe tirer d’em¬
barras , il affeéta une fermeté qui alloit jufqu a
1 indifférence : » Va, répondit-il au héraut, dis à
» ton Maître de ma part, qu’il ne peut faire mou-
« rir un prifonnier de guerre, qui s’eft rendu fur fa
/
de Malte. Livre IL 2,2$
» parole, fans fe deshonorer, ôc que pour moi, E K M E N-
gardDap.s
»je me tiendrai très-heureux d’avoir eu pourpere
» un martyr de Jelus-Chrift. Après cela , on re¬
commença du côté de la Ville à tirer tout de nou¬
veau -y mais les foldats avoient des ordres fecrets
Chrott. Nan¬
en tirant leurs flèches, d'éviter l’endroit où le vieux tis ad arm.
Marquis chargé de chaînes, étoit expofé. Le 1188.
Sultan, qui n’avoit point de r^ilon particulière
pour faire périr ce Prince, & dont il efperoit une «P'
m
grolfe rançon, le renvoya dans faprifon, & leva
le liège. Il ne fut pas plutôt éloigné, que le Roi : ' ’ •

de Jerufalem fortit de fa retraite, êk prétendit re¬


cueillir le fruit de la valeur du jeune Montferrat.
Il fe prefenta devant la Place, où il prétendoit
entrer comme Souverain -, mais il en trouva les ïî 'Wi 4..Ü

portes fermées, &: les habitans lui crièrent quils


étoient bien furpris que pendant le liège , il eût
oublié ce qu’il devoit a fes fujets y qu’il venoit un
peu trop tard ; qu’un autre plus généreux que lui
avoit pris la place ôc acquis la Seigneurie de Tyr
par le plus jufte de tous les titres, ôc pour l’avoir
courageufement défendue au péril de la vie contre
les Infidèles. Il fallut que Guy de Lufignan fe
retirât • mais ces prétentions réciproques firent WHI. NeuL
/. 3<c.
naître une efpece de guerre civile entre ces deux 432 *

Princes. Le Grand MaîtredesTempliers,foit qu’il


trouvât la caufe du Roi la plus jufte, ou que pen¬
dant leur prifon commune, il fe fût formé en-
tr*eux des liaifons particulières, fedeclara ouver¬
tement contre le Marquis de Montferrat. Non-
feulement il le traitoit d’ufurpateur, mars il em-
pêchoit même qu’il ne fît entrer des fecours de
Z24 Histoire de l’Ordre
Ermen-
vivres 6c de munitions dans fa Place: 6c au préju*
GAR DAPS
dice des affaires générales de la Chrétienté, 6c
même contre la fidelité qu’exigent des dépôts il
détourna un argent confiderable que le Roi d’An¬
gleterre , charmé de la réputation du jeune Com
rard, lui avoit envoyé pour fortifier la Place, ôc
entretenir la garnifon. C’eft ce que nous appre¬
nons d’une lettrq^du jeune Conrard à l’Archevê¬
que de Cantorberi : » Je fuis odieux , dit-il, à
Preuve
» Guy de Lufignan, autrefois Roi de Jerufalem,
X. au Grand Maître des Templiers, pareeque
» j’ai confervé , & que je conferve encore aétuel-
55 lement la Ville de Tvr contre tous les efforts des.
55 Infidèles. On attaque mon honneur - ondéchi-
55 re ma réputation ^ on empêche qu’il n’entre du>
55 fecours dans la Place, 6c ce qui eft de plus criant,
55 le Grand Maître des Templiers s’eft emparé de
55 l’argent que le Roi d’Angleterrre m’avoit en-
55 voyé: ce qui m’oblige de vous en porter mes
55 plaintes les larmes aux yeux..A l’égard des Hof.
»5pitaliers, je ne puis que m’en louer, 6c je prends
55 Dieu à témoin 6c vous même , de ma fincere
55 reconnoiifance pour des gens qui, depuis qu’ils
55 ont pris les armes pour la défenfe de la Place*
55 n’ont ceffé de nous rendre des fervices três-
5^ utiles: 6c bien-loin de retenir comme les Tem-
» pliers cette partie des deniers du Roi d’Angle-
55 terre qu’ils dévoient nous fournir* nous vous-
« affurons qu’ils ont employé encore plus de. huit
55 mille pièces de leur argent à la défenfe de la
»5 ville de Tyr, 6c pour l’empêcher de tomber.
« fous la domination des Infidèles, qui malgré leur
puiffance
de Malte. Liv. IL 125
n puiflance formidable, ont été obligez de lever Ermëk-
gardDaps
» Konteulement le fiege, &c.
Saladin, apre's avoir abandonné cette entreprife,
porta les armes avec plus de fuccês dans la prin¬
cipauté d’Antioche, Il fe rendit maître de vingt-
cinq villes ou châteaux , où il mit de puiflantes
garmfons qui tenoient la Capitale comme blo¬
quée. Tous les Gouverneurs & les Magiftrats,dans
la crainte de la mort ou du pillage, aîloient bien
loin au-devant du vainqueur prendre des chaînes'
tout plioit fous une puiflance aufli formidable ,
èc il ne reftoit plus aux Chrétiens qu Antioche ,
Tyr & Tripoli.
Le Comte de Tripoli, le malheureux inftru-
ment de la perte de la Terre Sainte, voyant fon
ennemi détrôné, fugitif & errant dans les propres
Etats, fomma Saladin, en execution de leur traité,
de lui en remettre la Couronne , ôc de lui livrer
les Places dont il lui avoit facilité la conquête par
fa fuite à la bataille de Tiberiade. Mais le Sultan
méprifant le traître dont la trahifon lui avoit été
fi utile, ne répondit à fes prétentions que par des
railleries ameres. Le Comte outré de fon manqué
de parole, ôc fe voyant devenu odieux <k exécra¬ Ex doloris
vehementia
ble aux deux partis, s’abandonna au defeljpoir ; fa in amendai!!
verfus, hor-
raifon fe troubla , il tomba dans une elpece de renda morte
frénéfie, & mourut peu apres, toujours agité de defeçit. WHL
Ntub. Liv. Z.
colere & de fureur. En le dépouillant pour l’en- t-
fevelir, on apperçut qu’il s’étoit fait Mahometan. *
* Res diflîmulari non potuit ; nam corpore defundti nudato, quia
nuper Circumcifîonisitigmafufceperat, apparuit v undè palam fuie quod
feSalahadino confœderans fedtam farracenicam ceperat obfervandamy
poftquam Tripolis urbis dominium füius principis Antiochiæ de jurç
obunult parentelæ. Nangis ibid.
Tome h E£
2.16 Histoire de l’Ordre
E R. M E N- La Comtefle fa veuve qu il avoit laiffee fans en-*
cardDaps
fans, & qui fe voyoit lans reffource , appella à
fon fecours Raimond Prince d’Antioche, auquel
comme au plus proche parent, elle remit Tripoli
de fes dépendances.
Les armées nombreufes de Saladin, & la rapi¬
dité de fes conquêtes ne laiflant plus d’efperance
aux Chrétiens Latins, que dans les Princes d'Oc-
çident , l’on députa Guillaume Archevêque de
Tyr, Auteur de l’hiftoire de la Terre Sainte, pour
aller implorer leur fecours. Cet Ambafladeurpalfa
d’abord en Italie, de il apprit à Urbain III. qui
étoit alors fur la Chaire de S. Pierre, le malheu¬
reux fuccès de la bataille de Tibériade, de la perte
de Jerufalem.
A ces trilles nouvelles, toute l’Europe fut conC
ternée ; on prétend que le Pape en mourut de
douleur. Grégoire VIII. Ion fucceffeur, mais qui
ne tint le S, Siège qu’environ deux mois, ordonna
des jeûnes de des prières publiques. Les peuples
d’Italie faifis d’étonnement de d’affliéHon , se-
çrioient qu’ils étoient indignes du nom de Chré¬
tiens, de d’avoir jamais part au Royaume des deux,
s’ils n’alloient délivrer l’heritage du fils de Dieu
de la domination des Infidèles, Un Auteur con¬
temporain ajoute que les Cardinaux promirent *
de renoncer à toute forte de délices , de ne plus
recevoir aucuns préfens de ceux qui avoient des
affaires en Cour de Rome , de ne point monter
* Firmiter inter fepromiferunt quôd de cætero nulla munera récipient
ab aliquo qui caufamhabeat in Curia j non afeendentin tquum quam-

Roger de tioveden ,
dm terra in qua pedes Domini iteterunt , fuerit fub pedibus jmmiçi,
p. 6)0,
de Malte. Livre II. 2,17
à cheval, tant que la Terre Sainte feroit foulée E R M I N-

[>ar les Infidèles • de fe croifer les premiers , d’al-


gardDapî

er dans cette guerre fainte à pied à la tête des


Pèlerins , & même en demandant l’aumône par
les chemins. Mais il y avait dans tous ces difcours
plus d’oftentation que de zele, & de véritable
pieté. Les Cardinaux relterent à Rome • il ne fe
fit même aucun changement dans leurs moeurs y
&c l’ambalfade de l’Archevêque de Tyr n’auroit
pas eu plus de fuccês que celle d’Heraclius Pa¬
triarche de Jerufalem dont nous venons de par¬
ler , fi l’Empereur Frédéric I. Philippe II. Roi de
France, & Henri II. Roi d’Angleterre ne s’étoient
généreufement croilez avec la plupart des Princes
de l’Europe.
Le Pape Clément III. qui avoit fuccedé à Gré¬
goire VIII. au défaut de fecours plus effe&ifsy
nomma l’Archevêque de Tyr Légat du S. Siège 5
& il lui donna pour collègue le Cardinal Henri,,
Evêque d’Albano. Ces Prélats engagèrent les Rois
de France ôc d’Angleterre à fe trouver à une con¬
férence qui fe tint entre Trie & Gifors , Place
11 8 8.
qui appartenoit alors au Roi d’Angleterre en qua¬ 15 Juillet

lité de Duc de Normandie. L’Archevêque de Tyr


pénétré de douleur y tâcha de leur infpirer le mê¬
me zele dont il étoit lui-même rempli. Il repré-
fenta dans une fi augufte affemblée les gémiffe-
mens de la fainte Cité tombée fous la domination
des Infidèles ; la perte de tant de Chrétiens im¬
molez à la fureur des barbares 5. la prifon des uns,
l’exil des autres * & ce qui étoit de plus déplora¬
ble , de jeunes enfans de l’un & l’autre fexe nez:
F f ij
118 Histoire de l’Ordre
Ermen- libres &c devenus efclaves avant que de connoîtrc
gardDaps
tout leur malheur ? & qui feroient élevez dans l’er¬
reur après que ces Infidèles auroient prévenu &
féduit leur raifon. Il entra enfuite dans le détail
des artifices &: des cruautez dont ces barbares Te
fervoient tour à tour pour pervertir ceux qui
étoient plus âgez ; & il fit une peinture fi tou¬
chante de l’état affreux où les Chrétiens latins
étoient réduits, que fondant lui-même en larmes,
il en tira de tous les fpeétateurs.
Les deux Rois prelque toujours en guerre l’un
contre l’autre , étoient prêts de reprendre les ar¬
mes • mais au récit des malheurs de la Ville fainte,
tout fe pacifia ; les intérêts differens le réunirent
dans le feul objet de délivrer la Paleftine de la
domination des Infidèles, Philippe & Henri s’em-
brafferent, prirent la Croix, &c promirent de join¬
dre leurs forces, Ôc de paffer de concert en Orient.
ni 11 "ff1 ■■■

11 8 8.
Il fe tint dans leurs Etats differentes affemblées
pour trouver les fonds néceflaires à un fi grand
armement ^ & en France & en Angleterre, on
convint que tous ceux qui ne fe feroient pas croi-
fez, donneraient au moins la dixme de tous leurs
biens, meubles & immeubles ; ce qui fit appeller
cette forte d’impofition là Dixme Saladine ,
parceque le principal objet de la levée de ces
deniers étoit de fournir aux frais de la guerre qu’on
devoit faire à ce Prince, Les Ordres de Cîteaux,
des Chartreux, de Fontevraux, Ôc la Congréga¬
tion des Freres Lépreux furent exempts de cette
fubvention. Pierre de Blois prétendit à leur exem¬
ple ? que le Clergé Séculier n’y devoit pas être
de Malte. Liv. II. 119
Eumïiî-
afïiijetti -, il en écrivit à Henri de Dreux Evêque gardDaps
d’Orléans, & coufin germain du Roi Philippe : Le
» Prince, lui dit - il dans fa lettre, * ne doit exi-
« ger des Evêques 8c du Clergé que des prières
» continuelles pour le fuccès de fes armes : * * fi le
» Roi veut s’engager dans cette entreprife, qu’il
» n’en prenne pas les frais fur les dépouilles des
» Eglifes 8c des pauvres ; mais fur fes revenus par-
» ticuliers, ou fur le butin qu’il fera fur les enne-
» mis, 8c dont on devroit enrichir l’Eglife , loin
» de la piller fous prétexte de la défendre. Elle eft
» libre, dit-il dans un autre endroit, par la liberté
» que J. C. nous a acquife -, mais fi on l’accable
» d’exa&ions, c’eft la réduire enfervitude comme
» Agar. On voit ici un jeu de mots dont nous
avons déjà parlé ; 8c que fous les termes équivo¬
ques d’Eglife 8c de liberté ^ il femble que l’Eglife
chrétienne délivrée par Jefus-Chrift, ne foit corn-
pofée que du feul Clergé, ou que le Sauveur des
hommes nous ait délivrez d’autre chofe que du
péché.
L éloquence de Pierre de Blois mal employée
en cette occafion n’empêcha point qu’on ne le¬
vât des fommes immenfes en France 8c en An¬
gleterre. On établit des Commiffaires pour cette
colleéte, entre lefquels étoient un Hoipitalie-r 8c
un Templier députez des deux Ordres militaires
* Reverendiiïime de dile&iflîme Pater mi, tuæ diferetioni committo
îleligioforum quietem, pacem iîmplicium, çaufam Çhriiti 3 de Eccle«
fiæ libertatem. Epifi. iii-

** Si autem propofuit hujas peregrinationis iter arripere, non defpoliis


Eccleiîarum, non de fudoribus pauperum viaticum fîbi de fuis exhibeat,
fed de reditibus propriis, aut de præda hoftili belia Chrifti conficiat,
Idem Epifi. ni* - • -
F fii)
230 Histoire de l’Ordre
Ermîn- pour folliciter cet armement, dont ils dévoient
gardDaps
être les compagnons & les principaux guides. *
Richard premier qui venoit de fucceder à Henri
IL fon pere, en prenant fa Couronne prit les mê¬
mes engagemens de ce Prince en faveur de la
Terre Sainte. Il mit fur pied une armée compofée
de trente mille hommes de pied, & de cinq mille
chevaux, quil embarqua avec des provifions de
guerre & de bouche fur un nombre prodigieux de
vaiffeaux de differentes grandeurs.. Cet embarque¬
ment fe fît à Douvre ,. d’où il paffa en Flandre ,
& de-là en Normandie : il y tint les Etats du pays*
On prétend que ce fut pendant fon féjour dans
cette province , qu’un faint Prêtre nommé Foul¬
ques Curé de Neuilli, célébré par fes prédica¬
tions , & le Hérault de cette Croifade, apres avoir
donné de grandes louanges au Prince Anglois
fur le zele qu’il faifoit paroître pour le fecours
de la Terre Sainte, lui dit avec une courageufe
liberté : Que pour attirer la benediétion du ciel
fur fes armes , il devoit fe défaire de trois perni-
eieufes paffions qu’il nommoit les trois filles de
1189. ce Prince l’orgueil,. l’avarice &: la luxure , &
que le Roi Anglois le plus fier de tous les hom¬
mes lui repartit brufquement, ôc par une récri¬
mination injurieufe : » Je ne puis mieux placer
» ces trois filles qu’en donnant, comme je rais,.la
« première aux Templiers, la féconde aux Moines
» deCîteaux, &: la troifiéme aux Evêques de mes
» Etats. Ce Prince joignit enfuite Philippe Augufte
* Colligatur autem pecunia ifta in fïngulis parochiis Præfenti prefby-
tero parochiæ & Archiprefbytero, & uno Templario , & uno Hofpi~
phuQi & fçmçûte Régis & Qçùçç Regis. de Umden.f.
de Malte. Livre IL I31
à Vezelay fur les frontières de la Bourgogne ^ Ôc Ermsn.
gabdDaps
après avoir paffé le Rhône , ils fe féparerent. Le
Roi de France prit la route de Gènes où fa flotte
l’attendoit, & le Roi d’Angleterre tourna du côté
de Marfeille où il dovoit s embarquer : & le ren¬
dez-vous générafétoit dans le port de Mefline en
Sicile.
Avant le départ des deux Rois , & pendant
qu’on travailloit dans leurs Etats à differentes le¬
vées de troupes & d’argent, les deux Légats paf
ferent en Allemagne , èc le rendirent à Mayence
où l’Empereur Frédéric I. dit Barberouffe , tenoit
une Diette générale de l’Empire pour le même fu-
jet. C’étoit un Prince plein de la plus haute va¬
leur, & qui quoique dans un âge avancé, fe croifa
génereulement avec Frédéric Duc de Suabe fon
fils ; &foixante & huit Princes ou grands Seigneurs
Allemands, Ecclefiaftiques ou Séculiers, à l’exem¬
ple de leur Chef, prirent la Croix ; pour le dé¬
part , on fixa le rendez-vous général des troupes
à Ratifbonne, où les Croifez eurent ordre de fe
rendre le vingt-troifiéme d’Avril de l’année fui-
vante.
L’Efpagne chrétienne n’eut point de part à ce
grand armement de l’Europe. Les Rois de Caftille,
d’Arragon &r de Navarre n’étoient que trop oc¬
cupez contre les Maures & les Sarrafins, qui s’é-
toient emparez, comme on fçait, des plus belles
provinces de cette grande Monarchie. La Reine
d’Arragon pénétrée de douleur de la perte de la
Terre Sainte , & apprenant la difperfion Ôc les
malheurs de fes habitans, réfolur de fonder un
}.
i 2 Histoire de l’Ordre
Ermen- Monaftere de filles Nobles, de l’Ordre de S. Jean,
gardOaps
pour conferver la mémoire de tant d’illuftres Che¬
valiers du même Ordre qui venoient de périr dans
la Paleftine.
Cette Princefle appellée Sanehe étoit fille d*AL
phonfe Roi de Caftille, & femme d’un autre AL
phonfe IL du nom, dit le Chafte, Roi d’Arragon,
fils de Dora. Raimond Berenger Comte de Rarce-
lonne, ôc depuis Roi d Arragon, dont nous avons
parlé au fuj.ec de la tranfaérion que ce Prince fit
avec le Grand Maître Raimond Dupuy touchant
la fucceflion à la Couronne d’Arragom
La Reine Sanehe fa fille écant entrée par fon ma¬
riage , dans une Maifon affectionnée depuis long-
tems à l’Ordre, en prit les fentimens ^ elle fit def-
fein de fonder un Monaftere d’Hofpitalieres à
Sixene, Bourgade fituée entre Saragofle ôc Lerida,
ôc dépendante de la Châtellenie d’Empofte y Grand
Prieuré de la Langue d’Arragon. La Reine en
échange , donna d’autres terres confiderables pro¬
che Tarragonne à Frere Garcias de Lifa alors Châ¬
telain ; ôc apre's avoir communiqué fon projet au
Chevalier Raimond Berenger, Provifeur de l’Or¬
dre en Arragon , cette pieufe Princeffe fit jetter
les fondemens d’un Palais plutôt que d’un Mo¬
naftere • ôc comme elle envifageoit que cette mai¬
fon luipourroit fervir un jour de retraite, & dans
la fuite à d’autres Princefles de la Maifon Royale,.
on n’oublia rien,. foit pour la magnificence & la
commodité des bâtrmens, ou pour l’étendue de
l’enclos , ôc fur-tout pour la grandeur Ôc la folL
dité des revenus. Par la fondation on devoit re¬
cevoir
i>e Malte. Livre II. 233
E R M E N-
eevoir fans dot dans cette Maifon Royale foixante gardDaps
Demoifelles nobles j & celles qui étoient du
Royaume d’Arragon ou de la Catalogne, dévoient
être d’une extraction fi illuftre & fi averée, qu’ elles
n’euffent pas même befoin de faire leurs preuves.
Nous avons dit que les Hiftoriens ne nous ont
point appris préciièment en quel endroit de la
chrétienté les Religieufes Hofpitalieres de la Mai¬
fon de Jerufalem s’étoient retires depuis la perte
de cette Capitale de la Judée. Il y a lieu de pré¬
fumer que ce fut pour leur fervir d’azile que
cette pieufe Princeffe, l’année fuivante , fit cette
célébré fondation ; & on eft d’autant plus porté
à fuivre ce fentiment, que letabliffement du Prieu¬
ré de Sixene fe fit immédiatement après la perte
de la fainte Cité. Mais comme après tout ce neft
ici qu’une conjecture fondée feulement fur la con¬
venance des tems , nous remarquerons feulement
en paffant que depuis cette fondation 5 il s’en fit
un grand nombre d’autres , tant en Catalogne,
qu’en Italie , en France & en Portugal, dont nous
aurons lieu de parler dans la fuite.
Le Monaftere de Sixéne devint bien-tôt le plus
célébré du Royaume. J_,e Roi à la priere de la
Reine, y attacha de grands biens - le Pape Céleftin
III. aflujettit ces Religieufes, à l’exemple des
Hofpitaliers, à la Réglé de S. Auguûin, comme
on le peut voir dans la Bulle de ce louverain Pon¬
tife en datte de l’an 1193. Leur habillement étoit Preuve
compofé d’une robe d’écarlate ou de drap rouge XL

avec un manteau noir à bec , fur lequel étoit la


Croix blanche à huit pointes à l’endroit du cœur:.
Tome L G g
2.34 Histoire de l’Ordre
Ermen-
leur Bréviaire étoit particulier. Elles portaient à
gardDaps
l’Eglife des rochets de toile fine ; Sc en mémoire
delà Reine leur Fondatrice, pendant l’Office ôc le
Service divin elles tenoient à la main un feeptre
d’argent.
D
La Prieure préfentoit aux Bénéfices vacans ^
& pouvoit même donner l’habit d’obedience aux
Prêtres qui deflervoient leur Eglife. Elle vifite en¬
core aéhiellement fes terres avec fes Dames aflif
tantes, ôc fe trouve aux Chapitres provinciaux de
l’Ordre en Àrragon, y a voix 6c fêance apres le
Châtelain d’Empofte ; &c lorfque le Chapitre de
l’Ordre fe tient à Sarragoce, le Chapitre de la Ca¬
thédrale lui envoyé fa portion canoniale, comme
Prébendiaire de cette Eglife.
La Reine Sanche, apres la mort du Roi fon mari,
fe retira dans ce Monaftere avec une des Princeffies
fes filles, 6c on prétend qu elles embraffierent l’une
6c l’autre la profeffion religieufe. Comme nous
aurons encore lieu de parler de cette (aime Mai-
fon au fujet des changemens qui arrivèrent depuis
dans fon gouvernement, nous nous contenterons
d’obferver que toutes les vertus chrétiennes s’y
pratiquoient dans un degré éminent ; que ces
Hofpitalieres fe relevoient à minuit pour chanter
les louanges de Dieu -, que la priere 6c l’oraifon y
étoient prefque continuelles, 6c que ces faintes
Vierges levoient inceffamment des mains pures
&: innocentes vers le ciel pour en attirer le fecours
fur les armes des Chevaliers de S. Jean leurs freres,
6c demander à Dieu qu’il lui plût de délivrer la
fainte Sion de la domination des Infidèles,
d e Malt e. Livre II.
Ce pieux défir alors fi général de contribuer au Elan n-
gardDats
rétabliflement du Royaume de Jerufalem, fit pren¬
dre les armes à là plupart des notions de l’Europe-
& pendant que les Rois de France ôc d’Angleterre
fc préparoient pour cette glorieufe expédition ,
les plus zelez, ians attendre ces Princes, accou-
roient de tous cotez dans la Paleftine.
On vient de voir que Guy de Lufignan à la
fortie de fa prifon, fe trouvant Roi fans Royaume,
s’étoit réfugié d’abord dans un château du Comté
de Tripoli où il raffembla depuis les débris de fa
fortune. Godefroi de Lufignan fon frere lui ame¬
na d’Occident un nouveau corps de Croifez • dif-
ferens avanturiers, Grecs y Latins ôc Syriens fe joi¬
gnirent à lui 3 ôc il fe vit en peu de tems une pe¬
tite armée compofée de fept à huit mille hommes
d’infanterie,, ôc de fept cens chevaux. Ce fecours ,
tout foible qu’il étoit, lui fit efperer quelque chan¬
gement dans fa fortune y ôc pour fe procurer une
retraite qui ne dépendît que de lui, il afliégea S„.
Jean d’Acre, place forte, ôc dont le port pouvoit
fervir à recevoir les vaiifeaux ôc le fecours des
Princes d’Occident. Les Hofpitaliers & les Tem¬
pliers fe rendirent au camp -y on y vit arriver trois
Croilades particulières, qui précedoient les gran¬
des armées qu’on attendoit de l’Europe. Le Land¬
grave deTuringe Ôc le Duc de Gueldre comman-
Soient la première, toute compofée d’Allemands*:
il en vint une autre des peuples du Nord,Danois,
Frifons ôc Flamans : il en arriva une troifiéme de
François, à la tête de laquelle étoient deux Prim
ces de la Maifon de Dreux , ôc un nombre con-
<3 g iji
156 Histoire de l’Ordre
Ermen-
gardDaps
fiderable des plus grands Seigneurs du Royaume,1
Il s’y trouva en même tems des Vénitiens, des
Lombards & des Pifans : ôc Conrard de la Mai-
fon de Montferrat ôc Prince de Tyr, malgré Tes
différends avec Guy de Lufignan, voulut partager
les périls ôc la gloire de cette entreprife.
Les Chrétiens commencèrent le fiége ôc le con¬
tinuèrent d’abord avec tout le courage Ôc l’appli¬
cation polïîble. Saladin avoit mis dans la Place une
puiffante garnifon commandée par Caracos, an¬
cien Capitaine d’une grande réputation, ôc fous
lequel Saladin , avant que d’être parvenu à la fou-
veraine puiffance, avoir fait fes premières armes.
Ce Général des Infidèles faifoit des forties fre¬
quentes - on étoit tous les jours aux mains;
11 9 O. c’écoient moins des forties que des combats ôc
des batailles. Saladin de fon côté s’avança à leur
fecours à la tête d’une armée formidable ; les Chré¬
tiens fortirent de leurs lignes pour le combattre ;
Guy de Lufignan commandoit le premier corps,
compofé de fes troupes particulières, des Fran¬
çois ôc des Chevaliers de faint Jean. Le Grand
Maître des Templiers étoit à la tête de fes con¬
frères, ôc les Allemands, les Frifiens ôc d’autres
peuples du Nord s’étoient rangez fous fes enfei-
gnes. On fe battit long-tems avec une animofité
réciproque, ôc un fuccès affez incertain. Ce qui
paroît de plus confiant, c’eft que les Chrétiens,
quoiqu’ils euffent perdu le Grand Maître des
Templiers, ôc plufieurs Religieux de fon Or¬
dre , ne laifferent pas de rentrer comme viéto^
rieux dans leurs lignes, ôc que Saladin ne put faire
de Malte. Liv. IL 137
lever le fiége , l’unique objet de Ion entreprife. ER M E K-
gardDaps
Ce Prince ne s’occupa depuis qu’à empêcher
les convois d’arriver a l’armée Chrétienne. La
famine s’y mit, 8c elle fut bien tôt fuivie d’une
maladie contagieufe. Ces deux fléaux firent périr
plus de foldats, que le fer ennemi. Guy de Lufi-
gnan fe vit enlever fucceflivement quatre jeunes
Princes fes enfans, deux Princeffes, 8c la Reine
Sybille fa femme, à laquelle il étoit redevable de
la Couronne.
La mort de cette Princeflfe donna lieu depuis
à de nouvelles divifions entre le Roi Ion mari 8c
le Prince de Tyr. La Reine de Jerufalem 11’avoit
laiffé qu’une fœur appellée Ylabelle, qui à lage
de huit ans avoit époufé Homfroy de Toron Iil.
du nom. Conrard jeune Prince bien fait, plein de
Chron. de
courage 8c d’ambition, fçût plaire à cette Prin¬ JVang’s ai
ceffe. On ne manqua pas de raifons pour rom¬ ann, nSy*
pre les liens qui l’attachoient au jeune Homfroy :
le mariage contracté contrefit volonté, peut-être
dans un degré, à ce qu’on prétendoit, prohibé,
en fournit le prétexte : c’étoit au moins en ces
tems-là , l’azile ordinaire des époux mécontens.
Le mariage de la Princeffe fut caffé, 8c l’Evêque
de Beauvais, fans égard pour l’honnêteté publi¬
que , la maria le lendemain avec le Prince de Tyr.
En confequence de cette alliance, 8c des droits
de la Princeffe , Conrard fie porta pour Roi de
Jerufalem -, Guy de Lufignan de fion côté préteiv
doit que le cara&ere de la Royauté ne s’effaçoit
jamais , 8c que perfonne pendant fia vie n’en pou-
voit prendre le titre dans la Paleftine: & pour
Ggüj
2.38 Histoire de l’Ordre
E R U E N-
garuDaps
furcroît de divifion , Homfroy de Toron premier
mari d’Yfabelle , réclamoit contre la fèntence
qui a voit caifé fon mariage, 8c ne diffimuloit pas.
fes prétentions à la Couronne. Ainfi ce Royaume
titulaire , 8c cette Souveraineté fans fujets , avoit
dans la même armée & en même tems, trois Rois,.
8c la Reine deux maris vivans^ mais, comme on
craignoit qu’ils ne tournaient leurs armes les uns
contre les autres, on les obligea de remettre la
décifion de leurs prétentions au jugement des
Rois de France 8c d’Angletetre, qui étoicnt par¬
tis de leurs Etats , 8c qu’on avoir appris qui hi-
vernoient en Sicile.
Pendant le fejour que ces deux Princes firent
II 90..
dans cette Iile, Richard ayant entendu parler de
l’Abbé Joachim, qui pafloit parmi le peuple pour
un grand Prophète, le fit venir à Meffine, 8c le
consulta furie fuccès de la Croifade. L*Abbé, fans,
hefiter, lui répondit que la iainte Cité ne feroit déli¬
vrée que la feptiéme année depuis la conquête
qu’en avoit fait Saladin. » Pourquoi donc, reprit le
» Roi d’Angleterre , fommes-nous venus fi-tôt? Vo-
» tre arrivée, repartit l’Abbé, étoitfort neceffaire;
» Dieu vous donnera la victoire fur fes ennemis ,
»8c élevera votre nom au-deffus de tous les Princes
» de la terre..
La réputation de ce prétendu Prophète étoitfort
équivoque *, les uns le regardoient comme un
Saint j d’autres le traitoient de fourbe. Il y a de
l’apparence qu’il agifloit de bonne foi , & qu’iî
y avoit plus de fanatifme, que d’hypocrifie dans
fe conduite-, c’étoit d’ailleurs un homme de bien,.
D E M A L T E. L I V R E IL 239
& qui vivoit très-aufterement; mais il s’étoitgâté E K U P, K-
gardDaps
l’elprit par des méditations, ou pour mieux dire, - , . i —émm

par des rêveries fur l’Apocalypfe. Il Te vantoit d’a¬


voir la clef ôc l’intelligence de ce Livre divin, auffi
parfaitement que faint Jean qui l’avoit écrit. Il
prenoit toutes fes vifions pour autant de veritez;
ôc fi par Lazard il réuffiffoit quelquefois dans fes
prédirions , il fe trompoit encore plus fouvent :
c’efl ce qui arriva fur ce qu’il avoit avancé au fu-
jet de la délivrance de la Terre Sainte, comme
nous le verrons dans la fuite.
Cependant l’Empereur Frédéric I. quoiqu’âgé
de foixante-dix ans, avoit précédé ces Princes, ôc
s’étoit mis en chemin immédiatement après Pâ¬
ques de l’année 1189. Ce Prince fi digne de ce
grand titre , après avoir donné la loi aux Grecs
en pafiant fur leurs terres, après avoir défait le
Sultan d’Iconium ou de Cogny, qui s’oppofoit à
fon palfage, ôc malgré tous les efforts des Ma-
hometans, ayant pénétré jufques dans la Cilicie,
tombamalade ôc mourut dans cette Province pour
s’être baigné dans le Cidnus, comme quelques
Hiftoriens le rapportent -, d’autres prétendent qu’il
s’y noya. Les Ordres militaires, ôc fur-tout celui
des Hofpitaliers perdirent, dans la perfonne de
Frédéric I. un puiffant protedleur, qui pendant
tout fon régné, avoit comblé l’Ordre en general
ôc les particuliers de fes grâces ôc de fes bien-faits.
Le Duc de Suabe fon fils conduifit fon armée
jufqu’au camp devant Acre 3 mais elle y arriva
fort diminuée ôc affoiblie par la fatigue du che¬
min, par les maladies, Ôc par fes propres vic-
240 Histoire de l’Ordre
Ermen-
«ardDaps
coires, qui lui coûtèrent beaucoup de troupes de
un grand nombre d’Officiers de confideration.Les
Allemands en arrivant au camp ne trouvèrent
pas l'armée des affiégansen meilleur étatjles (or¬
ties continuelles des Infidèles l’avoient fort affoi-
blie. L’Hiftorien de ce fiége, &; qui nous en a laifle
en vers une relation, * rapporte que les Chevaliers
de faint Jean s’étant apperçusque dans une for-
tie lesTurcomans failoient beaucoup de prifon-
niers, ces généreux guerriers femblables, dit-il,
à une ourfe en fureur à qui on veut enlever fes
petits, defeendirent de leurs chevaux, fejetterent
au milieu des bataillons ennemis , en taillèrent
en pièces une partie, rompirent les fers des prU
fonniers qu’ils remontèrent enfuite à cheval, &
pourfuivirent les Infidèles jufqu’aux portes de
la Ville, Mais fi les Turcs furent maltraitez en
cette occafion, le changement, d’air, la difficul¬
té de recouvrer des vivres, les combats continuels
qu’il falloit foutenir, & les maladies, ne coutoient
pas moins de monde aux Chrétiens, ôc fur-tout à
ceux d’Occident»,
Pour comble de difgrace, le foldat Allemand
blefîe , & dont on n’entendoit point la langue,
dans une fi trifte conjondfure ne pouvoit faire
connoître ni fon mal ni fes befoins. Quelques Gen-
* Hofpitales milites ab equis defeendunt.
Ut urfa pro filiis cam Turcis çontendunt,
Turci noftrum aggerem per vim bis confcendunt
Hos lagittis fauciant, hos igné fuccendunt.
Et Hoipitalarii equos afeenderunt,.
Et Turcos à latere maris invaferunt,.
Quos ad urbis moenia per vim reduxet unt,,
Et ex iiis in foveis multos occiderunt..
Minnchï Florentini > IcontnJis Etifcofi, de récupérât# Ftolenuiidt*
tilshommes
de Malte. Livre II. 241
dishommes Allemands des villes de Brème & de Ermin-
gardDaps
Lubec , qui étoient venus par mer , touchez de
la mifere de leurs compatriotes, prirent les voiles
1116.
de leur navire, en formèrent une grande tente, Pétri de
où ils retirèrent d’abord les bleifez de leur con- Du(burg.fa-
noiffance , & les fervoient avec beaucoup de cha¬ cerdotis Or-
dtms Tente-
rité. Quarante Seigneurs de la même nation le ni ci Chrome.
joignirent à eux, & formèrent comme une elpece Pruffi&.p. 13.-
d’hôpital au milieu du camp : cette noble focieté
& fi charitable , à l’exemple des Chevaliers de Je-
rufalem & des Templiers, fe tourna infenfible-
ment dans un nouvel Ordre hofpitalier <k mili¬
taire.
Le Pape Celeftin III. à la priere de l’Empe¬
reur Henry VI. l’approuva depuis lolemnellement
par la Bulle du 23 Février 1192. Il preferivoit pour
réglé à ce s nouveaux Chevaliers, celle de feint’
Auguftin , ôc pour ftatuts particuliers, dans tout
ce qui regard oit le fervice des pauvres & des
malades , les ftatuts des Hofpitaliers de feint
Jean ; à l’égard de la dilcipline militaire , c’é-
toit celle des Templiers. Cet Ordre nouveau ,
mais renfermé uniquement dans la nation ger¬
manique , fut nommé l’Ordre des Chevaliers
Teutoniques de la Maifon de fainte Marie de Je-
rufelem.
On lui donna ce nom, pareeque, dans le tems
que la ville de Jerufelem étoit fous la domina¬
tion des Chrétiens latins, un Allemand y avoit
fait bâtir à fes dépens un Hôpital & un Oratoire
fous l’invocation de la feinte Vierge, pour les ma¬
lades de cette nation. L’habit des nouveaux Che~
Tome /.- H h
242 Histoire de 1/Ordre
E R M E N- valiers confiftoit en un manteau blanc chargé d’une
gardDaps
croix noire j ils étoient aftreints aux trois vœux
folemnels , comme les Hofpitaliers de faint Jean
ôc les Templiers. Avant que de prendre l’habit,
ils dévoient faire ferment qu’ils étoient Allemands,
d’extra&ion de de naiflance noble, & s’engager
pour toute leur vie au fervice des pauvres de des
malades, & à la défenfe des Saints Lieux.
/
C’étoit l’objet commun de ces trois Ordres mi¬
litaires , qui furent toujours les généreux défen-
feurs de la Terre. Sainte. Le Cardinal de Vitry,
Hiftorien contemporain , &: même témoin ocu¬
laire , parlant de l’inftitution de ces trois Ordres,
/ de leur appliquant ce qui eft dit dans le livre de
l’Ecclefiafte, Qu un tijfu forme de trois cordons fe rompt
difficilement, ajoute aux témoignages qu’il avoir
rendus aux deux premiers Ordres, qu’il avoit plu
à la divine Providence d’en former un troifiéme
qui n’étoit pas moins neceffaire à la conferva-
tion de la Terre Sainte. En effet, on peut dire
que ces trois Corps faifoient la principale force
de l’armée, foit qu’il fallût aller en parti, ou re-
pouffer les forties de la garnifon : mais, comme
ils n’étoient pas foutenus par les Croifez divifez
entr’eux, de dans une armée où il n’y avoit ni
chefs abfolus, ni difcipline, le fiége avançoit len¬
tement , de il étoit même comme fuipendu par
les différends qui s’étoient élevez entre Guy de
Lufignan de le jeune Conrard j dans lefquels tous
les Croifez avoient pris part, chacun félon fon
intérêt ou fon inclination.
Il y avoit déjà prés de deux ans que le fiége
de Malte. Livre II. 2 43
E R M JE N-
de la ville d’Àcre languifloic ôc traînoit en lon¬ GARD Daps
gueur, quand enfin Philippel I. Roi de France, que
de nouveaux démêlez avec le Roi d’Angleterre
avoient retenu jufqu alors à Melline, nayant pu
obliger le Prince Anglois , fuivant (on engage¬
ment , à époufer fa lœur, partit brufquement Ôc
parut enfin à la rade de Paint Jean d’Acre avec
une nombreufe flotte. Ce nouveau fecours, ôc la
prefence du Prince qui le commandoit, ranima,
pour ainfi dire, toute farinée compofée de na¬
tions differentes, que les moeurs, le langage ôc
les interets avoient divifées. Lefiége prit une nou¬
velle forme • le foldat comme l’Officier , par une
^énereufe émulation cherchoit à fe figmaler aux
yeux d’un n grand Roi. Ce Prince fit dreffer (es
machines qui renverferent un pan de muraille Ôc fi¬
rent une grande brèche. Toute l’armée demandoit
avec de grands cris de monter à Faffant. Philippe,,
quiattendoit de jour à autre le Roi d’Angleterre,
avec lequel il s’étoit croifé , voulut bien difle-
rer une entreprife dont le fucce's ôc la gloire
lui étoient furs, pour les partager avec Ion allié.
Mais ces égards trop genereux firent retomber
farmée Chrétienne dans finaétion ; les Infidèles
s’en prévalurent, ôc firent de nouvelles fortifica¬
tions dans le dedans de la Place, qui fe trouva
hprs d’infulte à l’arrivée du Roi d’Angleterre.
Ce Prince étoit Richard premier, qui venoit de
fucceder au Roi Henry 11. fon pere. La Reine Eléo¬
nore fa mere lui avoir amené jufqu a Mefline,Be~
rengere Infante de Navarre qu’il devoit époufer.
Cette Princeffe Ôc Jeanne d’Angleterre, iœur du
H h îj
244 Histoire de l’Ordre
E R M H "N- Roi, <k veuve de Guillaume IL Roi de Sicile,
PardOaps
ayant témoigné' quelles feroient bien-aifesde faire
le voyage d‘Orient, Richardfepara fa flotte en
deux efcadres, & fit prendre le devant à celle qui
portoit ces deux Princefles. L’une & l’autre efca-
dre furent battues dune violente tempête vers
l’Archipel. Le Roi d’Angleterre gagna l’Ifle de
Rhodes, & l’efcadre des Princefles mouilla le jour
du Vendredi faintàla vûede Limiflo en Chypre;
la tempête brifa même quelques vaiffeaux qui
échouèrent proche de cette Place. Le Souverain de
cette Ifle, ou pour mieux dire le Tyran, étoitpar
fa mere de la Maifon Impériale des Comnenes :
l’Empereur Emanuel l’avoit fait Gouverneur de
l’Ifle de Chypre;mais ce Gouverneur fe révolta,
prit même la qualité d’Empereur, & fous le foi-
ble régné d’Ifaac l’Ange, il demeura maître ab-
folu de cette Ifle. Il fe trouva par hazard fur les
côtes, lorfque l’efcadre des Princefles y parut. Ce
Prince naturellement perfide & cruel, fit piller les
vaiffeaux Anglois qui avoient échoué fur fes cô¬
tes , & mettre aux fers les foldats & les matelots
qui tombèrent entre fes mains. Il fut même aflez
inhumain pour refufer pendant la tempête, l’en¬
trée de fes ports au vaifleau qui portoit les deux
Princefles. Mais le calme ayant réuni les deux
efcadres Angloifes, Richard, apres lui avoir en¬
voyé demander inutilement fatisfa&ion d’un pro¬
cédé fi barbare , prit terre malgré lui, s’empara
de Limiflo, tailla en pièces les troupes que le
Prince Grec lui oppofa, le pourfuivit fans relâche
de place en place , le prit enfin, & le fit prifon-
de Malte. Livre II. 245
Ermen-
nier avec la Princelfe de Chypre fa fille unique, gardDaps
fe rendit maître enfuite de toute fille , & la ven¬
geance de l’outrage fait aux deux Princelfes lui
valut la conquête d’un Royaume. Richard apres
une fi glorieule expédition quilui avoit conté moins
de tems qu’un firnple voyage de plaifir, & avant
que de partir de fille de Chypre, époufa la Prin-
ceife de Navarre. Il remit enluite à la voile avec
fon prifonnier qu’il traînoit à fa fuite chargé de fers
comme un trophée de fa viéâoire • ce malheu¬
reux Prince le pria d’en ufer plus modérément,
& le fit fouvenir de fa naiffançe <3e de fa dignité.
Le Roi d’Angleterre qui le méprifoit, ordonna
en fondant, qu’on le liât avec des chaînes d’ar¬
gent, Ôc le Prince Grec, auffi vain qu’il étoit lâ¬
che, s’en trouva foulagé,&les crut moins pelan¬
tes, parcequ’elles étoient differentes de celles des
autres prifonmers. Richard en arrivant au camp
des Chrétiens, le remit entre les mains des Che¬
valiers de faint Jean, qui le firent garder dans
leur fortereffe de Margat, & les deux Reines, à
la priere du Roi d’Angleterre, retinrent auprès
d’elles la Princeffe de Chypre, foupçonnée d’avoir
donné à fon tour des chaînes d’une autre efpece
à fon vainqueur.
Comme fille de Chypre étoit trop éloignée de
celle d’Angleterre pour la réunir au corps de cette
Monarchie, Richard la vendit aux Templiers pour
la fomme de trois cent mille livres. Ces Religieux
militaires en prirent polfelfion, & pour affurer
leur domination, ils y mirent un corps confide-
rable de leurs troupes. Mais la dureté du gouver-
H h iij
246 Histoire de l’Ordre
Ermen- nement de ces Templiers , & leurs maniérés hau¬
cardDaps
taines aliénèrent les efprits de leurs nouveaux fu-
jets. D’ailleurs les Chypriots qui Envoient le Rit
grec,. ne purent fe reToudre à obéir à des Reli¬
gieux latins. Ce fut la fource ou le prétexte d’une
guerre prefque continuelle entre les Grands de
cet Etat & les Templiers, qui furent obligez à la
fin d’abandonner ride &: de la remettre au Roi
d’Angleterre, comme nous le dirons dans la fuite.
Ce Prince étoit arrivé au camp des Chrétiens
le 8. de Juin de l’année 1191. Je n’entrerai point
dans le détail de tout ce qui fe pafla dans ce fa¬
meux fiége.- Les deux Rois y firent paroître une
haute valeur ^Richardfe diftingua fur-tout par un
courage déterminé, qui le portoit toujours dans
les endroits où il y avoit le plus de péril, & il
n’en fortit jamais que victorieux. Mais il y avoit
dans fes maniérés, je ne fçai quelle férocité qui
le rendoit moins agréable. Saladin ne lui cedoit
point du côté du courage^aufli intrépide & aufli bra¬
ve foldat que grand capitaine,il faifoit tous les jours
de nouvelles entreprîtes contre les Chrétiens. Les
Chevaliers des trois Ordres fe trouvoient partout^,
les Templiers dans une de ces occafions perdi¬
rent leur Grand Maître, & les Hofpitaliers de S.
Jean plufieurs de leurs Chevaliers *v Ôc parmi ces
combats continuels, l’Ordre auroit été bien-tôt
éteint, fi les Croifades qui arrivoient de tems en
tems de l’Europe, ne lui enflent fourni de nou¬
velles recrues. Un grand nombre de jeunes Gen¬
tilshommes , charmez de la haute valeur des Hofi
pitaliers, prenoient la Croix en arrivant d’Occi-
de Malte. Livre II. *247
E R M E N-
dent ; on préferoit même la Croix des Hofpita^ gardDaps
liers à celle des Templiers plus fiers ôc plus hau¬
tains quil ne convenoit à des Religieux : tout le
monde vouloit combattre fous les étendarts de S.
Jean ; côtoient autant d’éleves parmi lefquels on
choififfoit enfuite pour la profefiion religieufe ,
ceux qui faif oient paroître une plus fincere vo¬
cation , ôc qui s’étoient autant diftinguez par leur
pieté , que par leur valeur. Deux qualitez aux¬
quelles dans la réception des Chevaliers à la pro-
feffion religieufe , il feroit à fouhaiter que dans
ces derniers fiécles, on ne fit pas moins d’attention
qu a la noblelfe de leur origine.
Nous avons dit que les Infidèles profitant du
délai que le Roi de France leur avoit donné par
égard pour celui d’Angleterre, avoient fortifié de
nouveau la Place , ôc l’avoient mife hors d’état
d’être emportée d’affaut. Il fallut recommencer
des attaques qui coûtèrent beaucoup de monde :
une diffenterie qui femit parmi ces Occidentaux,
caufée par des fruits dont ils mangeoient par ex¬
cès, emporta encore un grand nombre de îoldats.
La jaloufie entre les François ôc les Anglois com¬
mença à éclater ; ôc pour fucroit de malheur, on
vit renaître les anciennes divifions entre Guy de
Lufignan ôc Conrard de Monferrat. Le Roi de
France s’étant déclaré pour ce dernier, Richard
Roi d’Angleterre ne manqua pas de prendre le
parti de Lufignan ; les Princes ôc les Seigneurs, à
leur exemple, fe partagèrent j ôc comme les deux
Ordres militaires confervoient toujours une fe-
crete émulation l’un contre l’autre, il fuffifoit que
248 Histoire de l’Ordre
E R AI E N-
g ardDaps
les Hofpitaliers fe déclaraffent en faveur du Roi
de Jerufalem pour engager les Templiers à quit¬
ter fon parti , ôc à embraffer celui du Prince de
Tyr.
Une mefintelligence fi générale laiflant moins
d’attention pour le fuccès du fiége , les Evêques
qui le trouvèrent au camp n’oublierent rien pour
étouffer ces funeftes divifions. Il fe tint à ce lujet
differentes conférences • enfin on convint que
Lufignan conferveroit toute fa vie le titre de Roi
de Jerufalem , mais que le Prince de Tyr feroit
reconnu du chef de la Princeffe fa femme pour
héritier néceffaire de la Couronne. Les deux pré-
tendans foufcrivirent à ces conditions -, mais Con-
rard n’en profita point. Ce Prince ayant refufé
au Seigneur de la Montagne de lui faire juftice
d’un vaiffeau que les Tyriens lui avoient enlevé ,
fut depuis poignardé par deux AfTaflms ,qui au mi¬
lieu des tourmens les plus affreux , & pendant
qu on les écorchoit tout vifs, faifoient gloire d’a¬
voir exécuté les ordres barbares de leur cruel>
maître.
Le calme étant rétabli dans l’armée chrétienne,
on reprit le foin du fiége avec une nouvelle vi¬
gueur. Les attaques étoient prefque continuelles,
ôc les deux Rois par une noble émulation pouffè¬
rent chacun de leur côté les ouvrages fi vivement,
qu’il y eut bien-tôt une brèche fuffifante pour
monter à l’affaut. Les Infidèles après une réfiftance
incroyable, voyant les dehors de la Place empor¬
tez, leurs tours ruinées, une brèche confiderable,
Zk lés plus braves Chevaliers de l’armée chrétienne
prêts >
lo
i>e Malte. Livre IL 2,49.
E R KEN^
prêts à monter à l’affaut, demandèrent à capituler. gardDaps-
On donna des otages de part & d’autre ; la ville -
fe rendit , cinq mille hommes qui y étoient en
garniion , demeurèrent prilonniers avec le Gou¬
verneur , à condition d’être relâchez en faifant
rendre la vraye Croix y 8c les efclaves chrétiens qui
étoient au pouvoir de Saladin, finon que toute la
garniion demeureroit à la difcretion des vain-
queurs. Les Chrétiens prirent polfeflion d’Acre le
treiziéme de Juillet, 8c en firent depuis leur place trn ■'

d’armes. On y ailigna differens quartiers pour tous 119 I .


les corps , 8c pour toutes les nations qui avoient
contribué à cette conquête, 8c qui étoient capa-
blés de la défendre 8c de la conîèrver : les Hofi-
pitaliers de S. Jean y transférèrent leur principale
réfidence, qui depuis la perte de Jerulalem avoir
été établie à Margat. Ce fut dans Acre que leur
Grand Maître Ermengard termina l’année luivance
une vie îlluftre, qu’il avoir expofée tant de fois con¬ i 1 9 r.
tre les Infidèles, 8c pour la défenfe des Chrétiens.
Les Hofpitaliers ailèmblez en chapitre, lui don¬
nèrent pour iucceiTeur Frere Godefroy de Godefrob
D E
Du 1 s s o n , ancien Religieux. Il ne tint pas à ce D U I S S O N
nouveau Grand Maître que la prife d’Acre ne fût ï i- 9' 2.*
fuivie de la conquête de Jeruialem, Tunique ob¬
jet des Croifez • mais la jaloufie d’Etat, la diverfité
d’interefts, l’émulation 8c la haine mirent tant de
divifion parmi ces nations differentes , qu’un fi
puiflant armement ne produifit que la prife d’une
feule Place. Les Croilez la plupart volontaires,
après un fiége qui avoit duré près, de trois ans T
fe retiroient à la file. Philippe Roi de France fur
Tome L ~ fi
i$o Histoire de l’Ordre
Go&d hR°Y obligé de quitter la Paleftine, ôc de changer d air,
Puisson- ne pouvant revenir dune maladie violente qui
n’etoit pas fans foupçon de poifon , ôc qui lui avoir
fait tomber les ongles ôc les cheveux. Mais avant
que de partirs il laiffa dans larmee chrétienne cinq
cens hommes d’armes, ôc dix mille hommes d’in¬
fanterie fous les ordres du Duc de Bourgogne. Les
principaux Chefs de differentes nations abandon¬
nèrent fucceffivement la Terre Sainte, qui de¬
meura en proye aux Infidèles. Richard Roi d’An-.
gleterre avant que de partir, emporta Jaffa ôc Af-
calon ; il fit enîuite une trêve avec ces barbares,
qui devoit durer trois ans , trois mois Ôc trois (è-
maines ; ôc fi on en croit les Hiftoriens du tems,
on avoit ajouté pour plus d’exaéiitude trois jours
ôc trois heures. On prétend que Richard avant
fon départ„ fit époufer la Princeffe de Chypre à
Cuy de Lufignan, ôc lui céda la fouveraineté de
cette Ifle, que les Templiers lui avoient remife,
ôc que des Princes de la Maifon de Lufignan ont
poffedée depuis pendant près de trois cens ans.
Henri Comte de Champagne neveu du Roi d’An¬
gleterre , ôc entièrement attaché à fes interefts,
époufa en même tems Ifabelle veuve de Conrard j
ôc ce Prince par ce mariage, fe fit un droit fur le
Royaume de Jerufalem, dont il efperoit d’ailleurs
de chaffer les Infidèles.
La mort de Saladin arrivée à Damas le treiziéme
jour de Mars 1193, augmentoit ces efperances. Ce
Prince infidèle , Ôc un des plus grands Capitaines
de fon fiécle , après la retraite des Chrétiens ,
croyoit jouir en repos du fruit de fes victoires,
de Malte. Liv. IL ip
lorfqu’il fe vit tout enlever par la mort. Il n’en Godefroy
fentit pas plutôt les approches qu’il ordonna a l’Of- duisson.
ficier qui portoit fon étendart dans les batailles ,
de mettre à la place un morceau de drap deftiné
à l’enfevelir, de le porter dans toute la ville, &:
de crier à haute voix: Voilà tout ce que le grand.
Saladin, vainqueur de l’Orient emporte de fes
conquêtes 6c de fes tréfors. On prétend qu’avant
d’expirer, il diitribua des hommes confiderables
à tous les pauvres de Damas, 6c fans diftinétion
du Mahometan, du Juif 6c du Chrétien, foit qu’il
fût perfuadé que la charité, 6c même que l’hu¬
manité feule dévoient s’étendre indifféremment
à tous les malheureux, 6c foit peut-être auffi que,,
quoique pendant fa vie , il eût fait profeflion du
Mahomethifme, il fût en doute dans ces derniers
momens, quelle étoit la meilleure 6c la véritable
de ces trois Religions. Il partagea en même tems
fes Etats entre onze enfans qu’il avoir, 6c qui de¬
puis fa mort ne penferent qu’à fe ruiner les uns
les autres. Mais Safadin, frere de Saladin, le com¬
pagnon de fes vi&oires, profita de ces divifions-*
il attaqua fes neveux, les uns apres les autres, fit
mourir tous ceux qui tombèrent entre fes mains,,
6c fe fit dans la fuite un Empire qui ne eedoit
que de bien peu à celui de Saladin ; 6c ce s divi¬
sons , 6c d’autres guerres civiles qui s’élevèrent
depuis entre les enfans de Saladin donnèrent le
tems aux Chrétiens latins de refpirer.
Le Pape Celeftin III. pour les fecourir, publia
une nouvelle Croifade, au préjudice de la trêve
qu’avoit conclu le Roi d’Angleterre, 6c qui fubv
li if
Histoire de i/Ordre
c™°v fiftoit encore : on prétend même .qu’il y avoir un or-
Duisson, dre exprès du Pape de ne s’y point arrêter. Un grand
nombre de Seigneurs Allemands prirent la croix;
fe rendirent à Melfine, d’où ils pafterent à la Terre
Sainte. Valeran frere du Duc de Limbourg, ayant
rompu la trêve par quelques hoftihtez, Safadin
irrité de cette infraction, affiéga Jaffa , l’emporta
d’aftant, & fit paffer plus de vingt mille Chrétiens
par le fil de l épée. Le tems de la ruine des Chré¬
tiens en Paleftine fembloit prochain , fi la guerre
que les Infidèles avoient eritr’eux, n’eût obligé
depuis Safadin de renouveller la trêve pour fix
ans. Le Comte de Champagne après ce traité, re¬
tourna à Acre, où regardant d’une fenêtre des
troupes qu’il failoit paffer en revue, la croifée fur
j j 9 4. laquelle il étoit appuyé ayant manqué, il tomba
dans les foffez du Château & fe tua.
Le Grand Maître des Hofpitaliers confiderant
qu’un aufli petit Etat que le Royaume de Jeru-
falem, environné d’ennemis redoutables,ne pour-
roit jamais fe foutenir fans un Roi, propofa quel¬
que tems après la mort de ce Prince, à la Reine
fa veuve, d’époufer Amaury de Lufignan,qui par
la mort de Guy fon frere , venoit de fucceder à
la Couronne de Chypre. Il lui reprefenta que fon
Etat fe trouvant environné d’ennemis puiffants,
elle tireroit des fecours confiderables de cette Ifle
voifine de la Paleftine ; d’ailleurs que Chypre
luipourroit fervird’azile honorable, fi par malheur
jes Infidèles achevoient de fe rendre maîtres de 1a
Paleftine. La Reine goûta fans peine une propo¬
rtion où elle trouvoit en même tems fon intérêt
de Malte. Livre II.
& celui de fon Etat. Le Grand Maître fut char- Godifrov
DE

gé de la négociation, ôc il la conduifit avec tant Duisson.


d’habileté que fans commettre la Reine, il fît fou-
haiter fon alliance au Roi de Chypre. Il ne man-
quoit plus pour terminer cette grande affaire que
fa prelence. Sous differens prétextes il fe rendit
à Acre-, il vit la Reine,en fut bien reçu, ôc apres
que pour la forme, on eût fait part de leur def-
iein aux Grands de l’Etat, le Roi ôc la Reine fu¬
rent mariez par le Patriarche, ôc enfuite on les
proclama l’un ôc l’autre folemnellement Roi ôc
Reine de Jerufalem ôc de l’Ifle de Chypre.
^Onfroy de Thoron le premier mari de cette
Princeffe,ne la vit pas fans chagrin, donner fuc-
ceffivement fa main ôc fa Couronne à tant de
Princes, qui peut-être y avoient moins de droit
que lui. Mais comme à l’égard des Souverains,
le droit fans la force eft peu confideré ; ce mal¬
heureux Seigneur ne trouva perfonne qui s’inté-
refsât dans la difgrace^ il fut même obligé pour
fa fureté de diffimuler fes prétentions, & fembla-
ble à ces divinitez fans temple , il refta fans culte
ôc fans adorateurs.»
Le Grand Maître qui ayoit eu tant de -part à
ce dernier mariage de Ja Reine,furvêcut peu aux 1194.
fêtes qui accompagnèrent cette ceremonie * il
mourut prefque dans le même tems j il nous eft
refté peu de chofe de fon gouvernement. L’igno¬
rance dans laquelle on élevoit la Nobleffe en ce
tems-là, nous a privés de la connoiffance d’un
grand nombre de faits qui auroient enrichi cette
Hiftoire -, mais dans ces premiers ficelés de l’Or-
Il nj
ÏJ4 HtSTOIRE DE l'Ordre
GODÉÎÎtOY dre, les Chevaliers faifoient plus d ufage de leur
D E
Duisson. épée que de leur plume-je ne fçai même fi la
plupart fçavoient lire. Enfin ee qui eft de vrai,,
foit défaut de capacité , foit modeftie ,, pendant
plus de quatre cens ans, il ne s’eft trouvé aucun.
Chevalier qui ait daigné nous inftruire de tant
d’évenemens mémorables , dont à peine on trouve
quelques traces dans les Hiftoires nationales, om
dans les recueils des traitez & des aétes publics^

Fin du fécond Livre-


de Malte. Liv.' III. ïtf -
&& ❖ ❖❖ •$• •$• •$• •$• & ❖ •$• # •$• -fr •$• •$••$••$■ -fr 4- ■£ •$• ❖ -fr £ •$• •$ ç£

LIVRE TROISIEME.
J E ne sçai fic’cft à l’éloignement des tems ou
à la négligence des premiers Hiltoriens, que
nous devons attribuer l’ignorance où nous Tom¬
mes de la Maifon fk de l’origine des premiers
Grands Maîtres, & fur-tout du fuccefleur de Duifi
fon. Ce fuccefleur dans les anciennes chroniques y
s’appelle Frere Alphonse de Portugal. On le Aiphonsê
croit communément iflîi des Princes de cette Portugal
nation ; mais on ne nous a point inftruits de quelle x l
branche il fortoit ; on convient feulement que
c’étoit en ligne indirecte. Des Auteurs modernes
prétendent qu’il portoit le nom de Pierre, & qu’il
étoit fils d’Alphonfe premier Roi de Portugal.
Quoi qu’il en foit, tous les Ecrivains qui ont parlé
de lui, nous le reprefentent plein de valeur & de
pieté, également exact dans la difcipline régulière
ôc militaire , fcrupulêiix obfervateur des ftatuts ,
mais naturellement fier & hautain j & on s’apper-
çut depuis fon élévation au Magiftere, qu’il mê-
loit la dureté de fon humeur dans les ordres qu’il
Jonnoit au fujet du gouvernement.
Il ne fut pas plutôt reconnu pour Grand Maître,
que l’elprit rempli de certaine idée de perfection
peu pratiquable parmi des Guerriers, ôc dans la vue
<ie réformer des abus qui s’y étoient introduits,
il convoqua un Chapitre général dans la ville de
Margat y où l’Ordre depuis la perte de Jerufalem
avoit transféré fa réfidence. Pour ne pas faire éclar
ïjé Histoire de l’Ordre
Alphonse ter fonprincipaldeflern,iln’attaqua d’abord qu’un
d E
Portugal certain abus qui confondoit fou vent la Noblefle
féculiere avec les Chevaliers profer. Ces Gentils¬
hommes, à leur retour en Occident, & dans leurs
provinces, affeéloient de porter la Croix de S. Jean
de Jerufalem. Pour l'intelligence de ce fait parti¬
culier, il faut fçavoir que ce qui fe trouvok de
Nobleffe dans les Croifàdes ou dans les pelerina-
ges, étant arrivez dans la Paleftine, fe rangeoienc
volontiers fous les enfeignes= de la Religion. Il y
en avoir même qui envoyoient leurs enfans en¬
core jeunes jufques dans la Paleftine, pour être éle¬
vez dans la Maifon de S. Jean , Sc fous la difci-
pline des Chevaliers, comme dans la plus excel¬
lente école où ils puflent fe former dans Part mi¬
litaire.
On fouffroit aux uns & aux autres, tant quils
demeuroient à la. terre Sainte , 8c qu’ils combat-
toient fous les étendarts de l’Ordre ,, d’en porter
la Croix } mais à leur retour en Europe > s’étant
faits un droit de cette indulgence, le Grand Man
tre , pour empêcher qu’on ne les confondît avec
les Chevaliers profez, fit ftatuer par le Chapitre,.
qu’ils ne feroient confiderez que comme troupes
auxiliaires, 8c qu’ils ne pourroient porter la Croix
que lorfquils combattraient contre les Infidèles
fous les étendarts de la Religion.
De cet article particulier de réformation , lé
Grand Maître pafla à d’autres qui concernoient
principalement les Chevaliers profez y 8c pour les
faire recevoir plus aifément, il commença par fa
propre maifon 8c par fon équipage, qu’il réduifit
de Malte. Livre III. 157
à un Major-dome, un Chapelain, deux Chevaliers, Alphonse
d E
trois Ecuyers, un Turcopolier ôc un Page. A cha¬ Portugal
cun de ces differens Officiers de fa maiion , il ne
laiffia qu’un cheval pour les porter. A l’egard de fa
perfonne, il ne referva c^ue deux chevaux de main
&: une mule, équipage a la vérité très modelte ,
mais peu convenable au Chef d’un grand Ordre
militaire , ôc qui étoit tous les jours à la tête des
armées..
De ce reglement particulier fe faifant un droit
de réformer tous les Chevaliers, apres leur avoir
reproché ce qu’il appelloit leur luxe, ôc même leur
moleffie, il propofa differens réglemens : alimens,
habits , équipages , tout paffa par un fevere exa-
men ôc par une réforme auftere : on ne peut pas
dire que ce Grand Maître n’eût pas de trevs bon¬
nes intentions ; fon deffein étoit de faire revivre
la difcipline établie par Raimond Dupuy , ôc qui
deNs ce tems là étoit fort relâchée. On rapporte
qu’entendant quelques murmures dans l’affem-
blée, il leur demanda s’ils étoient plus délicats
que leurs prédéceffeurs, ôc s’ils navoient pas fait
aux pieds des autels une profeffion folemnelle des
mêmes vœux de la Religion. On lui reprefenta en
vain la différence des tems, ôc que le genre de vie
qu’il propofoit, n’étoit pas compatible avec les
fondions d’une guerre continuelle, ôc dans une
conjondure où depuis la perte de Jerufalem ils
étoient tous les jours à cheval ou dans la tranchée.
Pour lors prenant un ton de voix plus élevé : Je
t , ,
•veux 3 dit il fierement être obéi cr fans réplique
A.ces mots, toute l’affemblée éclata en plaintes
Tome L Kk
/
258 Histoire de l’Ordre
Alphonse
d E
ôc un ancien Chevalier lui fie fentir que le Cha¬
Portugal. pitre n etoit pas accoutumé à entendre parler fes
luperieurs en Souverains.
L’aigreur fe mêla bien-tôt à des conteftations fi
vives , ôc fut enfiiite pouffée fi loin, que les Che¬
valiers de concert, ôc avec trop d’obftination, re-
fufèrent d’obferver les reglemens qu’il propofoit.
Le Grand Maître de Ion côté , quoiqu’il ne fût
iortiqu indireéfement d’uneMaifon Royale, pour
prouver fa légitimation, affeétoit tout l’orgueil
du trône. Les uns ôc les autres ne voulant rien
relâcher, on en vint enfin à une révolte déclarée.
L’Ordre tomba dans une efpece d’anarchie, ôc le
Grand Maître ne trouvant plus d’obéiffance dans
fes Religieux, abdiqua fa dignité, ôc le retira en
Portugal. Il y fut encore plus malheureux, ôc il
périt depuis dans des guerres civiles ou il s’étoit
engagé. C’eft ce que nous apprenons de differens
Hiftoriens, quoiqu’ils ne conviennent ni de fon
propre nom, ni de celui du Prince qui lui avoit
donné la vie.
L’Ordre, apres fon abdication, choifit pour fon
Geofroy fucceffeur Frere Geofroy le Rat, de la Langue
■ie Rat.
de France, vieillard vénérable, doux, affable, peu
i!9S- entreprenant, ôc qui par là mérita les fuffrages de
fes confrères. Il fe fit prcfque en même tems une
nouvelle révolution dans la principauté de la pe¬
tite Arménie, Ôc dont par ion habileté il arrêta
les fuites. Nous avons dit que deux freres, Sei¬
gneurs des plus confiderables de cette nation,
l’un appellé Rupin de la Montagne, ôc le Cadet,
Livron ou Leon, apres la mort du renégat Melier,.
de Malte. Livre III. 259
s’étoient emparez de ce petit Etat. Boëmond III. Geofroy'
e Rat.-
Prince d’Antioche, & devenu Comte de Tripoli ,
pouffé d’une ambition démefurée & dans la vue
d’agrandir Tes Etats aux dépens de Tes voifins, fous
prétexte d’une conférence, Ôc de prendre avec le
Prince d’Armenie des mefures contre les Infidèles
leurs ennemis communs , avoit attiré ce Prince
dans Antioche , ôc l’y avoit fait arrêter. Livron
quelque tems apres tourna contre lui fon propre
artifice , & fous prétexte de traiter de la liberté
de fon frere , il le trouva le plus fort au rendez-
vous 3 tailla en pièces l’efcorte de Boëmond, le
fit arrêter & conduire dans une Place forte 011
il le retint prifonnier, (ans vouloir d’abordenten-
dre parler d’aucune négociation de paix.
Chaque nation prit les armes en faveur de fon
Prince. Les Infidèles leurs voifins n’auroient pas
manqué de profiter d’une guerre fi préjudiciable
aux Chrétiens • mais le Patriarche & le Grand
Maître qui en prévirent les fuites funeftes, inter¬
vinrent dans ce différend. Le Prince Livron ne
vouloit d’abord écouter aucune proposition, foit
que gouvernant l’Etat pendant la prifon de fon
frere, il eût de là peine à fedéfaifir de l’autorité
Souveraine, foit auflî peut-être, comme l’évene-
ment le fit voir, pour tirer de plus grands avan¬
tages du traité. Quoiqu’il en foit, il ne voulut point
confentir à l’échange des deuxprifonniers, qu’aux
conditions que la principauté d’Antioche releve-'
roit dans la iuite de celle d’Armenie, & que pour
gage d’une fincere réconciliation entre les deux
Maifons, le fils aîné du Prince d’Antioche avant-
Kkij,
iéo Histoire de l’Ordre
Geofroy
ls Rat.
que fon pere fortît de prifon, épouferoit Alix fille
unique de Rupin , 6c que les enfans qui forti-
roient de ce mariage, feroient reconnus après
leur pere pour heritiers préfomptifs de la Princi¬
pauté d’Antioche, 6c fans pouvoir rien prétendre
à celle d Arménie qu après la mort de Livron
même. Quelques dures que fuiTent ces conditions,
Boemond, dans l’impatience de recouvrer fa liber¬
té , foufcrivit à tout • 6c après la confommation
du mariage, les deux Princes prifonniers furent
échangez. Celui d’Antioche de retour dans fes
Etats, pour avantager le Prince Raimond fon fé¬
cond fils , lui donna le Comté de Tripoli ; 6c de¬
puis la mort de fon aîné , 6c au préjudice des en-
fans que ce jeune Prince avoit laiiTez de fon ma¬
riage avec la Princeffe d Arménie, il voulut en¬
core le faire reconnoître pour fon fucceffeur à la
Principauté : ce qui caufa de grands démêlez dont
nous aurons lieu de parler dans la fuite.-
A la faveur de la trêve qui fubfiftoit encore
avec Safadin, 6c les autres SuccefTeurs de Saladin,
les Chrétiens de la Paleftine 6c les deux Ordres
militaires qui en faifoient toute la défenfe, jouif-
foient d’un peu de relâche: les uns 6c les autres
dévoient ce repos paffager à une famine affreufe
ï i 9 6*
dont en ce tems-là l’Egypte fut affligée. On fçait
que ce grand Royaume doit toute fa fertilité à
des inondations régulières du Nil, qui en ré¬
pandant fes eaux fur Ta furface de la terre, y laiffc
un limon mêlé de nitre, qui engraiffe la campa¬
gne 6c porte l’abondance dans toutes les Provin¬
ces où il coule, Cette inondation avoit manqué
I

de Malte. Livre III. 161


Geofro y
l’année precedente, comme nous l’apprenons le Rat.

d’une lettre du Grand Maître des Hofpitaliers au P RU E UE.


Prieur d’Angleterre du même Ordre. On y voit I.
que les malheureux Egyptiens étoient réduits
comme des bêtes à brouter l’herbe; que le pere
pour vivre n’avoit point de honte de vendre fes
enfans, & que l’Egypte entière étoit comme un
grand cimetiere ; mais où l’on trouvoit les morts
fans fepulture, ôc qui fervoient de pâture aux ani¬
maux carnaciers.
La Paleftine voifine de l’Egypte, & qui en tiroit
la plupart de fes grains, fouffroit de cette difette
générale: c’eftle lujet de la lettre du Grand Maî¬
tre au Prieur d’Angleterre. Il ajoute que la guer¬
re d’Italie caufée par la révolte des villes de Lom¬
bardie contre l’Empereur, étoit un fécond fléau
qui affligeoit l’Ordre; que le grand Prieuré de
Barlette dans le Royaume de Naples & la Sicile,
dont la Religion &c le Couvent tiroit auparavant
des fecours confiderables fur-tout en grains , à
caufe des guerres entre les Papes & les Empe¬
reurs, ne fourniflfoit prefque plus rien. » Il faut,
» ajoutoit le Grand Maître, acheter tout à un prix
» exceffif, tant pour faire fubfifter nos Chevaliers,
» que pour les troupes qui font à la folde de l’Or-
» dre : ce qui nous a obligez à contracter des det-
» tes confiderables que nous ne pouvons acquiter
» que par le fecours que nous attendons de nos
» freres d’Occident. Il finit par l’exhorter à folîi-
citer leRoi d’Angleterre de faire paffer des troupes
en Orient pendant la mifere <k l’état fâcheux où
étoient réduits les Egyptiens,ôc dans la conjoncture
Kk iij
z6z Histoire de l’Ordre
Geofroy
le Rat. fiivorable de la fin de la trêve, qui étoit prête
d’expirer, ôc ou on pouvoir efperer , s’il venoit
une armée de l’Europe , de reconquérir une fé¬
condé fois la Terre Sainte , & de rentrer glo-
rieufement dans Jerufalem.
Je ne fçai fi la dépenfe que faifoit l’Ordre de
faint Jean à entretenir en tout tems un corps de
troupes, ou fi certain efprit d’intérêt qui n’eft que
trop ordinaire dans les Communautez, faifoit te¬
nir ce langage au Grand Maître-, ce qui eft de
certain, c’eft que Jacques de Vitry alors Evêque
d’Acre ôc depuis Cardinal, Hiftorien contempo¬
rain, ôc qui étoit fur les lieux, rapporte * que de
fon tems les Elofpitaliers ôc les Templiers étoient
auflî puiffans que des Princes fouverains ; qu’ils
poffedoient en A fie ôc en Europe des Principau-
tez, des Villes, des Bourgs & des Villages, & que
dans les Provinces éloignées de la Paleftine &de
la Maifon Chef-d’Ordre, ils y tenoient des Reli¬
gieux fous le titre de Précepteurs, fort attentifs
à faire valoir leurs biens, & dont ils faifoient en-
fuite paffer le revenu au tréfor de chaque Ordre.
Si on en croit Matthieu Paris, autre Hiftorien
contemporain, les Hofpitaliers en ce temslà
poffedoient dans l’étendue delà Chrétienté jufqu’à.
dix-neuf mille Manoirs, ** terme que les Gloifaires
* Amplis autem poflefïiombus tam citrà mare quam ultra ditati funt
in immenfum, Villas , Civitates& Oppida exeimplo fratrum Hofpita-
lii fanéti Joannis poiïidentes , ex quibus certain pecuniæ furnmam pro
defenfione Terræ Sanélæ, fummo eotum Magiltroj eu jus fedes princi¬
pale erat in Jerufalem , mittunt annuatim, pari modo fummo , &c pnn-
cipali Magiltro Hofpitalis fanéll Joannis Procuratores domorum , quos ■
rræceptores nominant certain pecumæ rummam iïngulis annis tranfnut- -
tontx de Vvr'utco H'tji. Hier. p. 1084-
** Habent dnfuper Templarn in chrillianitate novem rrîillia Manerio-’
de Malte. Livre III. 2.6$
expliquent différemment, par rapport aux diffe¬ Geofroy
le Rat.
rents pays où ils font fituez 3 mais communément
par le terme de manoir ou de manfe on enten-
doit le labour d’une charue à deux boeufs. Et l’Hif
torien Anglois que nous venons de citer, n’attri¬
bue aux Templiers que neuf mille de ces Manoirs y
origine d’une jaloufie fecrete entre les deux Or¬
dres , qui éclata depuis , & qui les porta fur un
prétexte affez leger à prendre les armes les uns
contre les autres, & à fe faire la guerre ouver¬
tement.
Il y avoit alors dans la Paleftine un Gentil¬
homme appellé Robert de Margat, qui en qualité
de Vaffal des Hofpitaliers, poffedoit tranquille¬
ment un château fitué proche celui de Margat,
ôc qui en relevoit. Les Templiers fous prétexte
de quelques anciennes prétentions, la force à la
main furprirent la Place , & s’en rendirent les
maîtres. Ce Gentilhomme chaffé de fa maifon
avec toute fa famille, en porta fes plaintes aux
Hofpitaliers fes Seigneurs, qui depuis la perte de
Jerufalem réfidoient à Margat, comme nous l’a¬
vons déjà-dit. Ces Chevaliers emportez par leur
courage, & féduits par une fauffe délicateffe d hon¬
neur, fortent fur le champ à la tête de quelques
troupes, préfentent l’efcalade au Château, y mon¬
tent l’épée à la main, l’emportent, & en chaffent
à leur tour les Templiers. Bien-tôt d’une affaire
particulière, il s’en fait une générale entre les deux
rum j Hofpkalarii verô novem decem prarter emolumenta &c varios pro¬
venais ex fraternitatibus &c prædicationibus provenientes , 5c per pri¬
vilégia fua accrefcentes.
Mâtt. Paris ad arm, 1244. in Henr. 3. L. 2. p. 61
164 Histoire de l’Ordre
Geofroy
le Rat
Ordres , & les Hofpitaliers ne fe rencontroient
plus fans fe charger. Leurs amis prirent parti dans
cette querelle, & la plupart des Latins fe parta¬
gèrent. La guerre civile s’allumoit infenfiblement
dans un Etat où il n’y avoit point de Souverain
affez autorifé pour reprimer les entreprifes des
deux partis auffi puiffans de auffi animez. Il n’y eut
que le Patriarche & les Evêques Latins qui inter¬
vinrent pour étouffer des divihons> dont les Infi¬
dèles n’auroient pas manqué de le prévaloir. A
leur confideration , les deux Ordres convinrent
d’une fufpenfion d’armes ; & remirent au Pape,
comme faifoient alors la plupart des Princes Chré¬
tiens, le jugement de leurs différends.
Le Cardinal Lothaire, de la Maifon des Comtes
II98.
de Segni, à peine âgé de 37 ans, venoit de fucce-
der dans la Chaire de S. Pierre au Pape Céleftin
III. Prélat, de moeurs irréprochables, fçavant pour
le tems où il vivoit, grand Jurifconlulte mais,
malheureufement trop prévenu en faveur des faut-
fes Décrétales dont if faifoit la réglé de fa con¬
duite ; toutes pièces fauffes attribuées aux Papes
des trois premiers fiécles, & forgées au.milieu du
neuvième par un infigne fauflaire appellé Ifidore
qui en publiant ces aéles fuppofez, a donné at¬
teinte à l’ancienne difeipline de l’Eglife, princi¬
palement fur les jugemens eccléfiaftiques & fur les
droits de l’Epifcopat. Et quoique ces fauffes Décré¬
tales foient aujourd’hui auffi décriées qu’elles mé¬
ritent de l’être, & que ceux, qui font les plus fa¬
vorables à la Cour de Rome foient obligez à les
abandonner j cependant on s’eft contenté, de dé¬
créditer
■v %
de Malte. Livre III. 165
Créditer fauteur, fans longer à réparer tout le mal L^E^^RT0Y
qu’il a fait dans des flécles d’ignorance. Innocent--
étoit très capable de remedier à ce defordre , s’il
eût eu autant de critique &: de pénétration que de
zele & d’ardeur pour l’adminiftration de la juftice.
Ce fut devant ce fouverain Pontife que l’affaire
des deux Ordres militaires fut portée. Les Hof-
pitaliers à ce fujet députèrent à Rome Frere d’I-
fïgni Prieur de Barlette , ôc Frere Auger Pré¬
cepteur d’une autre Maifon en Italie. Les Tem¬
pliers y envoyèrent de leur part Frere Pierre
de Villeplane, ôc Frere Thierri. Innocent ayant
pris connoiflance de leurs prétentions récipro¬
ques , ordonna par une Sentence préliminaire ,
Ôc avant de faire droit, que les- Hofpitaliers re-
mettroienr aux Templiers le Château d’où ils les
avoient chaffez ^ ôc qu’après que les Templiers y
auroient réfidé tranquillement pendant un mois,
il feroit permis à ce Gentilhomme, ancien pro¬
priétaire du château, de les citer devant les Offi¬
ciers. de juftice de Margat pour produire les titres
de leurs prétentions} mais que les Hofpitaliers ,,
pour éloigner toutfoupçon de partialité qui pour-
roit tomber fur leurs Officiers & fur leurs propres
Juges, en tireroient dans cette occafion de la Prin¬
cipauté d’Antioche ou du Comté de Tripoli ; que.
l’Ordre de S. Jean feroit choix de perfonnes in¬
tègres } cependant qu’après ce choix il feroit en¬
core permis aux Templiers de récufer ceux de ces >
Magiftrats étrangers qui leur feroient fufpe&s ^
mais auffi que s’ils refufoient de fe foumettre. au
jugement, qui interviendroit enfuite , les Hofpi-
Tomc L. L L
i66 Histoire de l’Ordre
l?Ra y°Y taliers feroient autorifez à remettre leur vafTal en
' pofTeflion de fon château.
Preuve Nous avons une Lettre de ce Pontife au Grand
11 Maître 8c à tout l’Ordre des Hofpitaliers, dans
laquelle il leur reprefente avec beaucoup de forcé
combien leur procédé 8c celui des Templiers étoit
peu digne de Religieux , fi nous pouvons ap-
peller Religieux , dit Innocent, des gens qui
veulent établir leurs droits par des voyes de fait
8c d’une maniéré fi violente. Il ajoute que, quoi¬
qu’il n’ignorât pas pour le fond de quel côté étoit
la juftice & le bon droit, il avoir mieux aimé ac¬
commoder cette affaire par une amiable compo-
fition, 8c dont les députez des deux Ordresétoient
convenus en fa préfence , que de prononcer un
jugement de rigueur, 8c qui auroit couvert de
honte le parti qui avoit tort. Du furplus , il ex¬
horte les uns 8c les autres à conferver entr’eux
l’union 8c la paix, &en même tems il leur com¬
mande en vertu de fainte obédience, 8c même
fous peine d’excommunication, de terminer les
différends qui pourroient furvenir entr’eux, fu^.
vant les réglés que le Pape Alexandre II Ï. leur
avoit prefcrites. Innocent finit fa Lettre par me¬
nacer les réfradaires de tout le poids de fon in¬
dignation.
Des juges étrangers fuivant fon intention pri¬
rent connoifiance de cette affaire ^ les prétentions
des Templiers furent déclarées injulî^s. on ilemit
le Gentilhomme vafTal des Hofpitaliers en pofTefi
fion de fon Château ; le calme 8c la paix fe ré¬
tablirent entre les deux Ordres , du moins enapa-
de Malte. Livre III. iéy
Geotroÿ
rence, & le fouverain Pontife content de leur le Rat.
fou million, écrivit depuis aux uns & aux autres
pour leur recommander les intérêts du Roi de
Chypre.
Nous avons dit qu’après la mort de Guy de
Lufignan, le Prince Amaury fon frere avoit hé¬
rité de fa Couronne > 6c que ce Prince ayant épou-
fé depuis Yfabelle Reine de Jerufalem, elle l’avoit
engagé à fixer fa réfidence dans la Paleftine 6c
dans un Etat environné de tous cotez par les In¬
fidèles. Mais Amaury ayant appris que Illle de
Chypre n’étoit gueres plus tranquille ^ que fes ha-
bitans qui fui voient le Rit grec ne pouvoient fe
refoudre à obéir à un Prince latin, 6c que l’Em¬
pereur les faifoit folliciter fecretement 6c par fes
émiffaires de fe réunir au corps de l’Empire grec,
ce Roi de Chypre écrivit au Pape pour lui expo-
fer la néceflité où il fe trouvoit de retourner in-
ceffamment dans fon Ille pour y affermir fa do¬
mination.
Innocent craignant que par la retraite de ce 1198..
Prince,lesHbf]pitaliers& les Templiers ne voyant
plus perfonne au-dellùs d’eux par fa dignité, ne
prétendiffent les uns 6c les autres au gouverne¬
ment de l’Etat, pour éviter une concurrence qui.
ne pouvoit avoir que des fuites fâcheufes , il con¬
jura le Roi dans les termes les plus preflans, de
ne pas abandonner en proye à des Infidèles 6c à
des Barbares , ce qui reftoit de l’heritage de
Jefus-Chrift. Mais en même terns, pour prévenir
dans rifle de Chypre les troubles qui pourroient
iy élever en fon abfencey ce Pontife écrivit: au
16$ H i s T o i r e ' d e l’Ordre
Geofroy Prince d’Antioche, au Comte de Tripoli fonfîls,
le Rat.
ôc aux Grands Maîtres des Hofpitaliers & des Tem¬
pliers pour leur recommander de veiller aux in¬
térêts du Roi, ôc même, s’il étoit néceflaire , de
faire pafler dans fon Ifle des’forces capables d’y
maintenir l’autorité royale. » Amaury, dit ce Pon-
» tife dans fes Lettres, ayant bien voulu abandon¬
ner fes propres Etats & la demeure délicieufe de
» Hile de Chypre pour fe confacrer à la défenfe de
w laTerre Sainte,il eft bienjufte que des Princes
» chrétiens fes voifins s’intereffent à la conferva-
« tion de fa Couronne.
L’Hiftoire ne dit point ce que firent ces Prin¬
ces ; d ne paroît point non plus que les Templiers
odieux aux Chypriots, ôc dont ils avoient été con¬
traints d’abandonner la Souveraineté, ayent por¬
té aucun fecours dans cette Ifle* Mais nous ap¬
prenons par les anciens mémoires des Hofpitaliers
que le Roi de concert avec le Grand Maître,
choifit parmi eux plufieurs Chevaliers aufquels
il confia le gouvernement de cet Etat, & qui y
pafierent avec un corps de troupes, capable de
prévenir ôc d’arrêter les mauvais defleins des mé-
contens.
Une révolution furprenante arrivée peu apres
dans l’Empire ôc à Conftantinople, attira encore
dans cette Capitale un grand nombre d’Hofpita-
liers. Pour l’intelligence d’un événement fi fingu-
iier , il faut fçavoir que l’efprit des Croifades ,
malgré tant de mauvais fiiccès dont nous avons
parlé,, regnoit toujours en France. Par la perfua-
(ion ôçles difcours touchans du Curé de Neuilly,
de Malte. Livre III, 2.69
Geofroy
un nombre infini de Princes, de Seigneurs & de e Rat.
Gentilshommes s’étoient croifez fous la conduite
du Marquis de Montferrat, grand Capitaine, 8c
frere du Prince du même nom, quiavoit fait une
fi belle défenfe contre Saladin au fiége de Tyr.
Il étoit queftion de faire pafler au Levant cette
nouvelle armée de Croiiez. L’experience avoit
fait voir que le chemin par terre 8c au travers des
Etats des Princes Grecs 8c Mahometans, étoit
également difficile ôc dangereux. Pour éviter cet
inconvénient , des députez des principaux Sei¬
gneurs , croifez eurent recours à Henry Dandol,
Duc ou Doge de Venife, 8c ils lui propoferent,
moyennant une fomme dont on conviendroit, 8c
qui feroit payée d’avance, de fournir des vaif-
féaux pour porter leur armée à faint Jean d’Acre.
Il fe fit à ce fujet une négociation fuivie d’un traité
folemnel, & moyennant 85000 marcs d’argent,
la République -s’engagea de paffer dans la Syrie
quatre mille Chevaliers ou Ecuyers, 8c vingt mille
hommes de pied avec les armes, les vivres 8c les
munitions néceflaires. Les Vénitiens remplirent
exactement toutes les conditions de ce traité, 8c
outre qu’ils fournirent un bien plus grand nom¬
bre de vaifleaux 8c de navires qu’ils ne s’y étoient
obligez , pour ne pas paroître faire ce voyage
comme de fimples paflagers , 8c pour avoir
part au mérite de la Croilade , ils armèrent à
leurs dépens cinquante galeres chargées de
bonnes troupes de débarquement, 8c le Doge,
quoiqu*’âgé de quatre-vingts ans , 8c qui avoit
la vûe fort affoiblie , devoit monter la C'api-
Lliij
£
270 Histoire de l’Ordre
GfOFROy
tane , ôc faire le voyage en qualité de Croifé.
I E R A T.
Il ne manquoit plus pour mettre à la voile, que
l’argent des Princes ôc des Seigneurs François j
mais fouvent, & par des conjonctures qu’on n’a
pu prévoir, il n’eft pas fi aifé d’exécuter un traité
que de le figner. Plufieurs François , pour s’épar¬
gner de payer leur part de la contribution dont
on étoit convenu , au lieu de fe rendre à Venifè,
s’étoient embarquez à Marleille &c en differents
Ports d’Italie ; en forte que ce qui fe trouva à
Venife de Princes ôc de Seigneurs à la tête de
l’armée, apres avoir vendu leur vaiflelle d’argent*
leurs chaînes d’or, & jufqua leurs bagues, ne pu¬
rent fournir que cinquante mille marcs d’argent j
ôc faute des trente-cinq mille reliants, le traité ôc
une fi fainte entreprife couroit rifqüe d’être rom->
pue : mais le zele du Doge , fa grandeur dame,
ôc fon habileté fuppléa à tout, ôc on renoua la
partie.
Quand on voit dans la relation de Geoffroi de
Imprimerie Ville-hardouin la conduite de cet îlluftre Doge
Royale,ann. . r . > 1 • 1 n - r °
1^7. je ne lçai ce qu on doit plus eitimer , ou la pro¬
fonde fàgeffe dans les Confeils, ou fon courage Ôc
fa capacité dans la conduite des armées * ou fon
adrelle & fon habileté infinie à ménager les efprits*.
Attentif aux intérêts de fa patrie, ôc encore plus
à fa gloire, pour concilier l’un ôc l’autre , ôc de
concert avec le Grand Confeil de la République*
il propofaaux Croifez de les décharger des 3y mille
mares reftans, fi après s’être embarquez, ôc avant
que de quitter les mers de l’Europe, ils vouloient
en paflant lui aider à reprendre en Dalmatie la
de Malte. Liv. III. 271
ville de Zara qui étoit de l'ancien domaine de la leGeofrov
Rat.
République, & qui par un efprit de révolte, sé¬
ton foumife à la domination de Bêla Roi de Hon¬
grie. Une partie des Croifez, & fur-tout les Lé¬
gats du Pape , des Prêtres <k des Moines faifoient
un grand fcrupule aux foldats d’employer contre
des Chrétiens des armes deftinées contre les Infi¬
dèles. Mais comme le paflage étoit impofiible fans
la flotte des Vénitiens , que la fédition & la ré¬
volte des habitans de Zara étoit même d un dam
gereux exemple, &que d’ailleurs les Princes croh
lez pourroient même fervir à leur obtenir leur
grâce à des conditions fupportables y les propofi-
tions du Doge furent acceptées. On mit à la voile ; 120 2.
& apres une navigation favorable',, on débarqua
for les côtes delaDalmatie, & onfitlefiege de Zara. 10 de No¬
vembre.
Devant une armée aufli confiderable, la Place ne
put pas tenir long-tems * les habitans en ouvri¬
rent les portes à leurs anciens Maîtres *, mais cette
diverfion ayant confommé la faifon convenable
au paflage dans la Paleftine, il fallut fe réfoudre
à hyverner dans la Dalmatie.
Les Croifez au retour du printems fe difpo-
foient à fe rembarquer , lorfqu il leur arriva des
Àmbafladeurs de la part dit jeune Alexis Comnene,
•dont Philippe Duc deSuabe, & defigné Empereur
d’Allemagne, avoit époufé la fœur appellée Irene.
Le Prince Grec avoit envoyé ces Dépurez pour
follieiter les Croifez, à l’exemple de ce qu’ils ve-
noient d’entreprendre en faveur des Vénitiens,
de vouloir bien employer leurs armes pour réta¬
blir fur le trône de ConftantinopTe l’Empereur
172, Histoire de l’Ordre
Geofroy
le Rat.
Ifaac Lange fon pere , auquel un autre Alexis,
frere de cet Empereur, avoit enlevé la Couronne,
6c qu’il retenoit enfermé dans un cachot -, nou ¬
vel incident, 6c qui demande une plus ample ex¬
plication.
Nous avons dit en plufieurs endroits de cet
ouvrage , & on le peut voir dans les Hiftoriens
originaux , que l’ambition 6c la perfidie de la
plupart des Princes Grecs avoient fait du. trône
de Conftantinople le theatre des plus fanglantes
tragédies. L’Empereur Manuel Comnene ce
Prince perfide, qui de concert avec les Infidèlesy
avoit fait périr l’armée de l’Empereur Conrard IIL
étant mort apres un allez long régné, laifia l’Em¬
pire à fon fils, jeune Prince à peine âgé. de treize
ans, fiancé avec Anne ou Agnes de France ^ fille
de Louis VIL Roi de France. Mais après-trois
mois deuregne^ fl on peut donner ce nom au gou¬
vernement d’un fi jeune Prince,. 6c gouverné lui-
même par le Prince Andronic fon oncle ou forn
coufin y\c perfide Andronic le fit étrangler, & s’em¬
para de l’Empire. . <
11 9 y. Ifiac Lange de la même Maifon des Comnenes,
mais feulement du côté des femmes, fous prétexte
de venger la mort du jeune Empereur y furprit le
tyran, le rendit maître de fa perfonne -, 6c après
l’avoir fait mourir dans les plus cruels fupplices,
le fit reconnoître pour Empereur. Il avoit déjà
régné pendant près de dix ans, lorfque fon frere
appellé Alexis , 6c qu’il avoit racheté des prifons
des Infidèles , forma contre lui une dangereufe
conlpiration, le fit arrêter, & lui arracha les yeux
avec
/
de Malte. Livre III. 27$
Geoeroy
avec la Couronne. Le jeune Alexis, fils d’Ifaac
le Rat.
ayant échappe à la cruauté de Ton oncle, s’étoit
réfugié,comme nous le venons de dire, auprès
de l’Empereur Philippe de Suabe. Philippe oc¬
cupé à réfifter à Othon de Saxe fon compétiteur
a l’Empire, n’étoit pas en état de fournir au jeune
Alexis depui flans fecours;mais ces deux Princes
ayant appris avec quelle facilité les Croifez avoient
remis-les Vénitiens en pofleflïon de la ville de
Zara , fe flattèrent qu’il ne feroit peut-être pas
impoflïble de les engager en leur faveur à tourner
leurs armes contre l’Uîurpateur. Dans cette vue ,
& pendant que l’armée Chrétienne étoit encoe
en Dalmatie, le jeune Alexis leur députa des Am-
bafladeurs pourimplorer le fecours de leurs armes
contre un Tyran & un perfide qui avoit détrôné
fon propre frere, & qui le tenoit chargé de chaî¬
nes ôc enfeveli dans le fond d’un cachot. A des
motifs qui ne pouvoient interrefier que la géne-
rofité des Princes croifez, ils ajoutèrent des offres
de fommes confiderables, & même que le jeune
Alexis , après le rétabliflement de l’Empereur fon
pere, prendroit la Croix, ôc qu a la tête de dix
mille hommes, il fe joindroit à l’armée Chrétienne.
Les Seigneurs François & Vénitiens qui com- IiOL

pofoient cette armée ayant fait réflexion que les


dernieres Croifades de l’Europe n’avoient échoué
que par la perfidie des Princes Grecs, que tant
qu’on ne feroit pas afluré de Conftantinople & du
détroit qui joint en quelque maniéré l’Europe avec
l’Afie,il feroit prelque impoflïble de paffer dans,
la Paleftine ôc de s’y maintenir, ce s Chefs de la.
Tome L Mm
274 Histoire de l’Ordre
Geofroy
t e Rat. Croifade entrèrent en négociation avec les Am-
baffadeurs. Le Doge chargé des interets communs
des deux Nations, la conduifit avec fon habileté
ordinaire; &: apres plufieurs conférences, il convint
avecles Mi nillres du Prince Grec, que fi lesCroifez
pouvoient rétablir l’Empereur Ifaac fur fon trône,
N an gis ad
le pereôde fils pour frais de cette guerre payeraient
ann. 1203.
aux Latins 200000 marcs d’argent ; que le jeune
Prince Alexis fe rendroit dans leur armée, 6c les ac¬
compagnerait enfuite en Orient ; ou que fi les in¬
terets de l’Empereur fon pere le retenoient à Conf-
tantinople, ils fourniraient dix mille hommes de
leurs meilleures troupes , & payées pour un an,
6c que pour conferver les conquêtes qu’on efpe-
roit de faire, foit en Egypte, ou dans laPaleftine,
ils y entretiendraient à leurs dépens en tout tems,
cinq cens cavaliers. Les Croifez par un motif de
religion, 6c pour intereffer le Pape même, fou-
yerain moteur des Croifades, à fouffrir cette diver-
fion, exigèrent des Ambaifadeurs qu’ils s’obligeaf-
fent par ce traité au nom de leurs Princes, que
fi Dieu benifibit l’entreprife des Croifez, l’Empe¬
reur Ifaac 6c le Prince fon fils employeroient leur
autorité 6c tous leurs foins pour éteindre le fchif-
me Sc pour foumettre l’Eglife grecque à l’Eglife
romaine. Les Ambaffadeurs qui n’avoient point
d'autre reffource, fignerent tout, retournèrent en
Allemagne, d’où le Prince Alexis partit auffi-tôt
6c fe rendit avec une extrême diligence dans la
Dalmatie, 6c à fon arrivée , ratifia le traité fait
par fes Ambaffadeurs avec les Princes croifez.
Ces avanjturiers latins, fi on peut donner ce
de Malt e. Lïvre III. 275
nom aux Princes 8c aux Seigneurs qui compofoient Geofroy
E R a T.
cette petite armée, trouvant dans ce traité, l’in- ■
terêt de la religion 8c leur interet particulier ,
mirent ù la voile, 8c apres une heureufe naviga¬
tion „ abordèrent fur les terres de l’empire grec,
ôc fe rendirent par terre aux pieds des murailles
de Conftantinople. Six mille François 8c envi¬
ron huit mille Vénitiens dans une terre étran¬
gère 8c dans un pays ennemi, fans vivres &: fans
d’autres fecours que leur courage & leurs armes,
ne laifferent pas de former le fiége de la Capitale
dun grand Empire , 8c où on prétend qu’il n’y .
avoit pas moins de deux cens mille hommes ar¬ IZ o 3.
mez pour fa défenfe. Les Croifez firent plufieurs
attaques tant par terre que par mer : tous les Chefs,
ôc fur-tout l’illuftre Doge de Venife,!gé de plus
de quatre-vingts ans, y firent des prodiges de va¬
leur, & quoiqu’il eût la vue prefque éteinte, ilfe
faifoit conduire à la tête de fes troupes,d’ou par fon
exemple, encore plus que par fes paroles,il animoit
fes gens 8c donnoit les ordres du combat.Les Grecs -
de leur côté, bordoient les murailles d’archers 8c
de foldats, qui à coups de flèches, de pierres 8c
avec des feux d’artifices, repouffoient les aflié-
geans, 8c il n’y avoit pas d’apparence qu’une poi¬ Alexis III,
gnée de Latins pût emporter une place défendue
parune foule innombrable de peuple. Mais l’LTfur-
pateur agité par les remords de fa confcience , &
encore plus par la crainte d’être livré par des en¬
nemis fecrets aux Croiiez, s’enfuit de nuit dans
une barque avec fa famille 8c fes tréfors , 8c par
fa fuite fit tomber les armes des mains des gens
de guerre & des habit ans, qui-ouvrirent les portes
Mmijî
176 Histoire de l’Ordre
GERatY aux Matins. -^e m^nie jour vie uri tyran fugitif
^--— ôc déferteur de fa propre armée , le Prince légi¬
timé tiré de prifon 8c rétabli fur le trône , 8c les
Courtifansavec les principaux citoyens , applau¬
dir à un fuccês auquel la veille ilss’étoient oppofez
de toutes leurs forces.
Les premiers foins du vieil Empereur furent
d’affocier à l’Empire le Prince Alexis fon fils,
cette ceremonie fe fit le premier jour d’Août de
l’année 1103. Les Chefs de croifade l’accompa¬
gnèrent enfuite dans la plupart des Provinces de
l’Empire , où ils firent reconnoître fon autorité. Ils
en furent malrécompenfez : Alexis fe voyant tran¬
quille fur le trône,fous differens prétextes éloignoit
le payement des fommes aufquelles il s’étoit enga¬
gé par le traité. Ses fineffes le perdirent; les Grecs
qui craignoient de fe voir fournis à l’Eglife RoJ
- maine, le haïffoient, 8c par fon manque de parole,
12, o 4. il étoit odieux aux Croifez.
Un Prince de la Famille Ducas appellé Mur-
zulphle, à caufe qu’il avoit les fourcis épais, 8c
qui fe joignoient, forma le deffein de le détrôner:
par de baffes complaifances 8c une adulation con¬
tinuelle, il s’empara de fon efprit: lui feul gou-
vernoit l’Empire, 8c en même tems qu’il exhor-
toit le Prince àrejetter les demandes des Croifez,
fes émiflaires publioient que l’Empereur ne les
retenoit aux portes de Conftantinople que pour
forcer les habitans à reconnoître l’autorité duPape.
Le peuple s’émeut, prend les armes, 8c crie qu’il
faut détrôner Alexis. L’Empereur Ifaac fon pere,
accablé de vieilleffe, mourut alors de douleur de
ypir renouveller fes malheurs. Alexis étonné, a
de Malte. Livre III. 277
recours à (es bien-faiteurs , ôc les conjure de faire Gëofroy
E R A T.
entrer dans la Ville quelques troupes pour fa su- ,
reté. Le Marquis de Montferrat, fans faire atten¬
tion à fon ingratitude, promet de venir à fon fe-
cours, ôc ils conviennent qu’on lui tiendra la nuit
prochaine une des portes de la Ville ouverte. Le
perfide Murzulphle en fait avertir fecretement les
mutins : cette nouvelle augmente la rumeur : tou¬
te la ville prend les armes, ôc on fe difpofe à élire
un autre Empereur. Murzulphle , le Chef muet
de la révolté , Ôc qui fe défioit de l’inconftance
dupeuple, pour effiyer le péril, fait élire pour Em¬
pereur, un jeune homme de grande naiffance,
mais fans crédit ôc de peu d’efprit, appelle Nico¬
las Canabe. Le perfide Alexis voyant que tout le
peuple, par averfion pour fon neveu ,1e dilpofoit
à faire couronner fon idole, s’alfure fecretement de
la perfonne de ce phantôme d’Empereur, Ôc la nuit
il va’au Palais, fait éveiller le Prince, ôc l’exhorte
à fe fouftraire à la fureur d’une populace mutinée
qui le cherchoit, difoit-il, pour le mettre à mort.
Le jeune Empereur s’abandonne à fes perfides con-
feils, le fuit, ôc Murzulphle, fous prétexte de le
cacher, le conduit dans un endroit retiré du Palais
où ce malheureux Prince n’eft pas plutôt entré
qu’il fe voit arrêté & chargé de fers. Le Tyran lui
arrache les brodequins femez d’aigles &les autres
marques de la dignité Impériale, s’en revêt, ôc ac¬
compagné de fes parens Ôc de fes complices , il
fe prefente au peuple -, l’exhorte à rompre tout
commerce avec les Latins, ôc propofe de leur faire
la guerre. Ce difeours qui flattoit l’animofité de
Mm iij
278 Histoire de l'Ordre
Geofroy cette multitude effrénée, eft reçu avec de grands
le Rat.
applaudiffemens. On le proclame Empereur fur
le champ ; & pour ne pas laiffer ralentir l’ardeur
du peuple , il le fait couronner. L’hiftoire ne dit
point ce qu’il fit du malheureux Canabe qui dif-
parut, ôc dont on n’entendit plus parler. A l’égard
de l’Empereur Alexis dont la vie lui donnoit de
l’inquiétude, il fit mêler deux fois de fuite du poi-
fon dans fes alimens ; mais le poifon n’agiffant
pas alfez promptement, ce barbare dans l’impa¬
tience de fe défaire de ce jeune Prince , defcendit
dans le cachot où il étoit enfermé, ôc l’étrangla:
de fes propres mains.
Quelque jufte indignation qu’euffent les Croi-
fez contre ce jeune Prince, ils ne laifferent pas
de déplorer une deftinée fi malheureufe, &: ils ré-
folurent de venger fa mort. La guerre fut décla¬
rée au Tyran -, il fe prépara à la loutenir, ôc fit
prendre les armes aux habitans. Ce fut un nou¬
veau fiége que les Croifez entreprirent pour la fé¬
condé fois • ils y portèrent le même courage ; ôc
fans s’arrêter aux formes ordinaires de la guerre _
ils tentèrent l’efcalade j ôc apres un combat qui
dura prefque tout le jour , ils s’emparèrent de
quelques tours où ils fe fortifièrent pendant la
nuit. Ils étoient bien réiolus de continuer l’attaque
dès ie point du jour , mais ils furent agréablement
furpris par quelques habitans qui leur apprirent
que le Tyran avok pris la fuite. Dès le matin ils
renouveilercnt leur attaque, ôc le peu de réfifi.
tance qu’ils rencontrèrent, ôc le deiordre Ôc la
içgrifufion qui regnoient dans cette grande ville.
de Malte. Livre III. 279
leur fie bien-rôt connoître qu’une nouvelle aufii l^e^FROt
furprenante e'toit véritable. Les François &les Ve- --
nitiens entrent dans Conftantinople l’épée à la
main, fe jettent dans le Palais & dans les mai-
fons des principaux Seigneurs , ôc commettent
tous les delordres qui lont les fuites ordinaires de
la fureur ôc de l’avidité du foldat.
Il fut queftionenfuite de choifir un Empereur ;
les Croifez remirent ce choix à douze Eleéjeurs,
fix François & fix Vénitiens , ôc on convint que le
Patriarche leroit pris de la nation dont l’Empereur
n’auroit pas été élu. Si le Doge avoit voulu con¬
courir dans l’Eleétion pour l’Empire , il elt cer¬
tain qu’il y auroit eu la meilleure part. Mais ce v
fage Prince confiderant que la dignité impériale
dans un Vénitien leroit la ruine d’un gouverne¬
ment républicain , il y renonça pour lui & pour fa
nation : ainfi il ne fut plus queftion que de faire
un bon choix entre les François, ôc les autres Na¬
tions qui fe trouvoient dans l’armée. La plupart
des fuffrages paroiffoient déterminez en faveur du
Marquis de Montferrat, & il fembloit qu’ils ne
pouvoient fans injuftice refufer cette place à un
Prince, qu’ils avoient déjà choifi parmi tant d’au¬
tres pour leur Général particulier , & qui par la
valeur & fa conduite, les avoit rendus maîtres de
Conftantinople. Mais l’habile Doge redoutant ces
grandes qualitez, & dans la crainte de voir l’Em¬
pire réuni aux Etats que ce Prince polfedoit déjà
en Italie , détermina la plus grande partie des
Electeurs en faveur de Baudouin Comte de Flan¬
dres , dont il n’y avoit rien de femblable à ap-
280 Histoire de l’Ordre
Geofroy
l£ Rat.
préhender. Ce Prince fut couronné folemnelle-
ment dans l’Eglife de fainte Sophie. Thomas Mo-
UOI.
rofini fut élu Patriarche de Conftantinople ^ le
Marquis de Montferrat eut depuis pour Ion par¬
tage le Royaume de Theffalonique , & les Véni¬
tiens la plupart des ifles de T Archipel.
Baudouin ne pouvoit pas ignorer l’averfion que
fes nouveaux fujets avoient pour la domination
d’un Prince fournis à l’Eglife Romaine. Pour les
faire revenir de cette prévention, &; pour les réu¬
nir dans une uniformité de créance fi néceflaire à
la tranquillité de l’Etat, il obtint du Pape Inno¬
cent, des Ecclefiaftiques & des Religieux recom¬
Voyez. Iss mandables par leur Icience ôc par leur vertu, qui
Epitres d'in¬
travaillèrent à l’extinâion du fchifme, & à la réu¬
nocent III.
Liv. rj, i4) nion des deux Eglifes. Il appella en même tems
// & 16. dans lés Etats les Hofpitaliers de fkint Jean aufl
quels il donna des établiflemensconfiderables dans^
les provinces qui relevoient de l’Empire , & en
même tems il les remit en pofleflion de deux Mai-
fons qu’ils avoient dans Conftantinople, dont lu-
furpateur Andromic les avoir chaffez. Geofroy de
Ville-hardouin , Maréchal de Champagne & de
Romanie, nous apprend dans fon Hiftoire que
Matthieu de Montmorenci , un des principaux
chefs de la Croilade , étant mort dans cette fa-
meufe expédition , fut enterré à Conftantinople
dans l’Eglife de S. Jean de l’Hôpital de Jerufalem. *
*Lorslor avint une mulrgrant mefavanture en Tort que Mafiius de
Montmorency que ere un des meillor Chevalier del Royaume de
France, & des plus priliez & des plus amez fû mors , & ce fû grant
diels & grant domages, un des greignors qui avint en l’oit, d’un feuL
home & fû enterrez en une Yglife de Monfeignor S. Jehan de l’Hôpital
de Jerufakm. Ville-h ardtuin. f, 80.
de Malte. Livre III.
Il n y avoit point de Prince Chrétien, foie dans Geofroy
E R A T.
PAfie,foit dans l’Europe, qui ne voulût avoir des
Hofpitaliers dans fes Etats. On leur bâtit en ce
tems-là des Hôpitaux ôc des Eglifes magnifiques
à Florence, à Pife ôc à Veronne. Outre ces fon¬
dations pour des Chevaliers, les Religieufes Hofi
pitalieres du même Ordre, avoient des Maifons
eonfiderables dans ces trois villes, où ces pieufes
filles faifoient fleurir la pieté, la charité ôc toutes
les vertus chrétiennes. Nous ne pouvons nous
difpenfer de faire ici mention de la bienheureufe
fœur Ubaldine, dont la mémoire eft en finguliere
vénération à Plie ôc dans tout l’Ordre. Cette fainte
Religieufe étoit née vers le milieu du douzième
fiécle , au château de Calcinaya dans le Comté de
Pife. Si-tôt quelle fut en âge de faire un choix,
elle prit l’habit, & fit profeflion dans la Maifon
de faint Jean de Pife. La nature l’avoit fait naître
genereufe ôc bien-faifante la grâce la rendit cha¬
ritable -y c’étoit la mere des pauvres ; les malades
trouvoient dans fes foins aflidus un fecours tou¬
jours préfent y nulle efpece de mifere à laquelle
elle n apportât du remede ou de la confolation •.
èc quand fes devoirs lui laiflbient quelques me-
mens libres, elle les paffoit aux pieds de la Croix ,;i
ôc dans une méditation continuelle de la paiïion.
ôc de la mort de notre divin Sauveur..
Pour fé rendre digne de participer aux fruits
de ce grand my-ftere, elle crucifioit fon corps par
des aufteritez furpreria^tes. Depuis fon entrée en
Religion, elle ne quitta jamais le cilice, une plan¬
che lui fervoit de lit, fon jeûne étoit continuel ^
Home A- N n.
282, Histoire de l’Ordre
Geofroy la nouriture, du pain 8c de l’eau avec quelques
Rat.
%, e
racines : ingenieule fur-tout dans fes pénitences,,
elle recherchoit avec avidité' toutes les occafions
de pratiquer quelques mortifications fecretes :
goût, penchant, inclination ou répugnance na¬
turelle , fi-tôt quelle s’en appercevoit, tout étoit
facrifié : c’étoit, pour ainfi dire, un martyre con¬
tinuel ; 8c fi fon fexe 8c fa profelïion ne lui per-
mettoient pas de partager avec les Chevaliers fes
freres, les tourmens aufquels ils étoient expofez
quand ils tomboient entre les mains des Infidèles,
on peut dire que par de pieufes cruautez dont
elle affligeoit fon corps , elle salfocioit à leurs
fouffrances, 8c la Croix quelle portoic à Texte-
rieur, étoit moins un ornement que la marque 8c
Je caraélere de celle qu'elle avoit fi profondément
gravée dans le coeur. Ce fut dans l’exercice con¬
tinuel de ces vertus , que mourut la bienheureufe
Ubaldine vers Tan 1206. Les Auteurs de fa vie rap¬
■ i. n i mtcmmr
portent differens miracles qu’il plût à Dieu d’o*
U 9 6. perer par fon intercefiîon ; mais le premier 8c le
plus grand fut une foi vive, une charité fans bor¬
nes , Tefprit de pénitence, 8c cet affemblage de
vertus dont à l’honneur de l’Ordre de S. Jean, on
peut dire qu’en ce tems-là il y avoit encore de
grands exemples.
On vient de voir que le Grand Maître , à la
priere d’Amauri de Lufignan Roi de Chypre, 8c à
la recommandation du Pape , avoit envoyé dans
cette 111e un Corps de Chevaliers pour en conte¬
nir les lujets dans TobéilTance qu’ils dévoient à leur
Souverain, Ce Prince Roi de Chypre 8c Roi de
de Malte. Livre ÎIÏ. 285
Jerufalem du chef de la Reine Ifabelle fa femme, Geofroy
le Rat.
étant more cette année fans en avoir eu d’enfans,
ôe la Reine ne lui ayant furvécu que de quelques
jours, les deux Couronnes, qui par leur mariage,
avoient été réunies fur leurs têtes , fe trouvèrent
par leur mort féparées.
Marie fille aînée de la Reine Ifabelle & de Con-
rard de Montferrat, Prince de Tyr fon fécond mari,
fut reconnue pour hcritiere de la Couronne de
Jerufalem ; ôc Hugues de Lufignan né dun pre¬
mier mariage d’Amauri fucceda au Roi fon pere à
la Couronne de Chypre. Ce jeune Prince époufa
la Princeffe Alix fœur uterine de Marie , &c fille
d’Ifabelle & de Henry Comte de Champagne fon
troifiéme mari. Les Chrétiens de la Paleftine fe
trouvant deflituez d’un Souverain auffi néceffaire
pour contenir dans leur devoir les Grands de l’E¬
tat , que pour s’oppofer aux armes des Infidèles ,
députèrent l’Evêque d’Acre, ôc Aimar Seigneur
de Céfarée du chef de fa femme, au Roi Philippe
Augufte pour lui demander un mari pour la jeune
Reine de Jerufalem, ôc qui fût capable de défeo*
dre fes Etats.
Le Roi leur nomma Jean de Brienne, jeune Sei¬
gneur plein de valeur, fage , capable de gouver¬
ner un Etat, ôc de commander des armées, & tel
qu’exigeoient les conjonctures fi preffantes de la
Terre Sainte , ôc un trône mal affermi. Le jeune
Comte, fans confiderer le grand nombre d’enne¬
mis dont ce petit Royaume étoit environné, fe
tailla éblouir par le feul titre de Roi, êc qu’il ne
devoit qu’à fon mérité ôc à fa réputation. B
N n ij
184 Histoire de l*Ordre
rGEOFRO Y
IMe Rat.
reçut avec la reconnoiffance qu’il devoit la pro-T
pofition du Roi • -.ôc après avoir pris les meiures
qu’il crut neceffaires avec les Ambaffadeurs de ia
Paleftine, il les fit partir devant lui, & les char¬
gea d’affurer la jeune Reine ôc tous les Grands de
l’Etat , qu’il fe rendroit à Acre à la tête d’une ar¬
mée redoutable, Ôc en état, après l’expiration de
la trêve , de recommencer la guerre avec fuccès.
Les Ambaffadeurs de retour en Orient publiè¬
rent que le Comte de Briennc devoit arriver in-
.ceffamment à la tête d’une puiffante Croifade,
çompoféç des Nations les plus aguerries de l’Eu¬
rope , & la plupart commandées par leurs propres
Souverains. On nommoit les Princes qui avoient
pris la Croix , le nombre de leurs troupes, ôc les
flottes qui dévoient tenir la mer. Le bruit de cet
armement qu’on groffiffoit tous les jours, comme
pn fait quand on parle des choies éloignées ôc
qu’on efpere, hauffa le courage aux Chrétiens ,
ôc allarma les Infidèles. Safadin propofa au con-
feil de la Regence, de prolonger la trêve, ôc il
offroit pour cela de rendre dix Places ou dix Châ¬
teaux à la bienféance des Chrétiens.
Le Grand Maître des Hofpitaliers, qui parla
connoiflance qu’il avoit des affaires de l’Europe,
ne prévoyoit pas qu’il en pût fortir un aufli piaffant
fecours que celui que faifoient efperer lesAmbailà-
deurs , étoit d’avis qu’on fe prévalût de la peur
des Infidèles, ôc qu’on acceptât la trêve qu’ils
proposaient. Le Maître de l’Ordre Teutonique, ôc
la plûpart des Seigneurs ôc des Barons du pays
Croient du même lentiment^ mais le Grand Maî-

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r> e Malte. Livre III. ifcy
Geofroy
tre des Templiers &c les Prélats s’y oppoferent, LE Ra T.'
quoique , * dit Sanut , l’avis du Grand Maître des
Hofpitaliers fût bien plus utile. Mais il fuffiloit
qu’il eût été ouvert par les Hofpitaliers pour y
trouver les Templiers contraires. Ce Grand Maître
des Hofpitaliers mourut vers l’an 1106. Les Hifto-
riens de ces tems-là ne nous ont point inftruit de
fon origine, mais on trouve dans la Touraine une
noble & très-ancienne Maifon qui porte le nom
de Rat, & dont apparemment ce Grand Maître
Preuve
étoit forti. L’Ordre fît remplir fa place par Frere III.
Guérin de Montaigu, François de na¬

tion , & de la langue d’Auvergne, qui peu de tems 11 o 6.


après fon éleétion, rendit des fervices confide-
rables aux Chrétiens grecs de F Arménie mineure. Guérin d E
Montaigu
Le Pape Innocent III. écrivant aux Evêques de
France leur reprefente dans une de fes Lettres, le
malheureux état des Chrétiens latins de l’Orient, Epifi. 27 j.
fuivant les avis qu’il en avoit reçûs. Le fouverain vide epfi.
370. ejufiem
Pontife ajoute que pour comble de malheur, ojutz extat a-
Raimond Comte de Tripoli, fécond fils de Roë- pud Roge-
rium de Hov*
mond III. Prince d’Antioche, & Leon Roi d’Ar- fit'. 4S4- ^dit.
menie, fe difputoient la fucceflion de cette prin¬ Lond. ann,
cipauté avant même la mort du Souverain; que is98•
les habitans d’Antioche,foutenus des Templiers,
s’étoient déclarez pour le Comte, & que les Hofi
pitaliers avoient pris le parti du Roi ; que les In¬
fidèles même étoient entrez dans cette querelle
pour en profiter; que le Sultan d’Alep armoit en
faveur du Comte de Tripoli; que Dennequin au-
* Magiftri quoque Hofpitalis & Alamannorum, cun&ique Barones
treugas prolongare vellent -, Magiiter tamen Templi ac PræJati, liccc
utilius, minime ailènferunc. Mar. Sanut. e. 3. p.106.
Nn iij „
186 Histoire de l’Ordre
Gvirin tre Prince Turc conduifoit un fecours confîdera-
D E
Montaigu ble au Roi d’Armenie ; 8c ce qui eft de plus de*
plorable > continue le fouverain Pontife > Safadira
Sultan d’Egypte & de Damas ,1e plus puilfant des
Infidèles > a mis fur pied des armées nombreufes „
fans fe déclarer encore en faveur d’aucun parti • 8c
apparemment pour fe prévaloir des éveraemens,&:
établir fon Empire fur la ruine des uns & des autres*.
Nous avons dit que du mariage contraébé en-
tre le jeune Boëmond fils aîné du Prince d’Antio¬
che r 8c Alix fille de Rupin de la Montagne, il
étoit forti un fils nommé auffi Rupin, qui apres
la mort du jeune Boëmond fon pere y 8c confor¬
mément au traité de paix fait avec Leon Roi d’Ar-
menie fon grand oncle, avoir été reconnu par le
vieux Boëmond fon ayeul, pour heritier préîomp-
tif defes Etats. Mais Raimond Comte de Tripoli*,
fécond fils du vieux Boëmond * prétendoit que la
réprefentation ne devoir point avoir lieu que le
droit de fucceder immédiatement apres la mort du
Prince fon pere lui appartenoit, au préjudice de fora
neveu: telles étoient les prétentions des deux partis..
Le Roi d’Arménie , quoiqu’élevé dans le fchif-
me, voyant fes Etats environnez par ceux des;
Princes latins, fembloit s’être réuni avec l’Eglife
Catholique, il avoir écrit plufieurs fois au Pape
pour déclarer qu’il reconnoiffoit fon autorité, 8c
il avoit même obligé fon Patriarche que les Ar¬
méniens appellent le Catholiquey de faire de pa¬
reilles démarches. Mais,pour dire la vérité, ces réu¬
nions n étoient quepaflageres,&la foumifiîon appa¬
rente de çes Arméniens*, ne duroit pas plus que le
de Malte. Livre III; 287
befoin qu’ils avoient de la protection du S. Siégé. Gveit in
D E
Livron dans cette conjoncture renouvellafapro- Mon TAiGir

teftation , ôc il fit en même tems de vives inftan-


ces auprès d’innocent, pour le prier d’ordonner
aux Templiers de ne s’oppofer pas davantage aux
droits de Ton neveu, & qu’ils euffent à fe confor¬
mer à la conduite des Hofpitaliers, qui, difoit-il,
après avoir reconnu la juftice des présentions du
jeune Rupin, s’étoient déclarez en fa faveur. Ce
Prince par une autre Lettre,prie le Pape d’inter-
pofer fon autorité pour terminer à l’amiable cette
grande affaire, ôc de vouloir bien nommer lui-
même des Juges (ans partialité , parmi lefquels
il le fupplie de choifir particulièrement le Grand
Maître des Hofpitaliers.
1109.
Pendant que ce différend s’agitoit à la Cour de Preuve
Rome, Soliman de Roveniddin Sultan d’Iconium, IV.
de la race des Turcomans Selgeucides, à la folli-
citation du Comte de Tripoli , étoit entré dans
l’Armeniç, où ilmettoit tout à feu ôc à fang. Leon
en donna aufli-tôt avis au Pape-, Ôc ce Pontife,
à fa priere, engagea les Hofpitaliers à prendre la
défenfe de fes Etats. Le Grand Maître de Mon-
taigu arma puiffamment, le joignit; ils marchè¬
rent enfuite contre le Sultan, ôc après differens
combats, ôc une bataille fanglante qui fut long-
tems difputée , le Prince Turcoman fut défait,
fon armée taillée en pièces ; ôc ce qui échappa à
lepée du victorieux , eut bien de la peine à rega¬
gner la Bithinie avec le Sultan qui les commandoit.
Le Prince Arménien, foit par reconnoiffance,
ou pour engager encore plus étroitement les Hof
2,88 Histoire de l’Ordre
G tTER ï N picaliers dans Tes interets > leur donna en propre
D È
Montaigu la Ville de Saleph avec les fortereffes duChâteau-
Heuf & de Camard.. Il adrefïà l’aéte de cette do¬
nation au Pape Innocent III. qui la confirma pav
fa Bulle en datte de l’an 13. de fon Pontificat. Le
fouverain Pontife engagea depuis le Comte de
Tripoli à convenir d’une trêve avec le Roi d’Ar¬
ménie , & il ordonna à deux Légats qu’il tenoit
en Orient, d’y contraindre la partie rebelle par
toutes les voyes fpirituelles, ôc même d’employer
le fecours & les armes des Hofpitaliers pour main¬
tenir la paix, dans cette partie de la Chrétienté»
Le Prince Rupinneveu de Livron, deuxansaprês,
eut pareillement recours au Pape Honoré III. pour
obtenir le fecours des armes des Hofpitaliers, com¬
me on le peut voir dans le Bref de ce Pape. Ce
n’étoit pas la première fois que les Papes s’étoient
fervis en Orient des armes des Hofpitaliers con¬
tre les Princes qui ne fe croyoient pas enprife aux
foudres du Vatican».
Ces Pontifes ne les employèrent pas moins lïti-
lement dans le même tems contre les Maures
les Sarrafins d'Efpagne, &: Mahomet Enacér Mi-
ramolinRoi de Maroc étant entré dans la Gaftille
à la tête d’une armée formidable, Prere Guttiere
d’Ermegilde,. Prieur des Hofpitaliers de Caflille^
fur les ordres qu’il en reçût de Rome & du Grand
Maître, vint fe prefenter au Roi Alphonfe V LIL
à la tête d’un bon nombre de Chevaliers & des.
yaffaux de l’Ordre.
Roderic Archevêque de Tolede, parlant dans:
fon Hiftoire de ces foldats de Jefus-Chrift: Les
• Exeress
de Malte. Livre. III. 289
Guérin
Freres Militaires & Hofpitaliers, dit ce Prélat, tout d E
Montaigu
brulans de zele,ont pris en ce pays les armes pour
maintenir notre fainte Religion , & chaflèr les In¬
fidèles des Efpagnes. *
Un fameux Holpitalier François , appelle' Frere
Guérin, Miniftre de Philippe Augufte, & General
de fes armées, dans le même tems ne rendit pas
des fervices moins importans à FEglife ôc à fa
Patrie. Il s’étoit élevé dans ce Royaume une he-
refie dangereufe , qui fous prétexte d une fpiritua-
lité plus parfaite , fappoit les fondemens de la Re¬
ligion. Un Clerc du Diocéfe de Chartres appellé
Amaury, fubtil Logicien, en étoit Fauteur. Du
moins Rigord, Hiftorien contemporain , prétend
que les difciples de ce Do&eur publioient que,
comme les Loix de l’ancien Teftament données,
difoient-ils , par le Pere Eternel , avoient été abo--
lies par l’Evangile & par la nouvelle Loi de Jefus-
Chrift ; celle-ci devoit être fupprimée à fon tour
par la Loi de charité, qui étoit l’ouvrage du S.
Efprit j que fous cette Loi de pur amour, lapratique
desSacremens étoit aulïi peu neceffaire que celle
des ceremonies legales de l’ancienne Loi. Il ajou-
roit que le Paradis & l’Enfer n’exiftoient que dans
l’imagination des hommes ; que le plaifir de faire de
bonnes œuvres étoirle véritable Paradis, & que le
crime & l’ignorance faifoient tout notre Enfer. Il
n’exigeoit de fes Seétateurs pour toute pratique '
de Religion que l’amour feul de Dieu, dont le feu,
* Fratres etiam militiæ Hofpitalfs, qui frarernitatis caritati mfiften-
tes devotè, zelo fidei , & Terræ Sandlæ necefïïrate ac£enfi defeniionis.
gladium aÆumpferunt. Hi fub uno prioreGuterrio Ermegildi.
Roderic. Toleianus, t, z. l,s,c, J. p. Ijo. de rébusHijpantris»
Tome /. Q-O;
290 Histoire de l’Ordre
Guérin difoit-il, étoit capable de purifier l’adultere même.
L> E
Montaigu Ces erreurs répandues par des gens d’elprit ôc
éloquents, féduifirent un grand nombre de per-
fonnes, & fur-tout beaucoup de femmes toujours
avides de la nouveauté. Le frere Guérin de l’Or¬
dre des Hofpitaliers de faint Jean de Jerufalem,
ôc qui fous le régné de Philippe Augufte, ôc de
Louis VIII. (on fils , eut beaucoup de part dans
le gouvernement, employa fes foins ôc Ion auto¬
R igordus de
rité pour arrêter les progrès de cette nouvelle feéte.
Gejtis Philip- C‘étoit un des plus îçavans hommes de fon fiécle,
pi. Augujh ôc en même tems le plus grand Capitaine de fa
Franc. Regis.
p. 208 y ann.. nation, ôc il n’étoit pas aifé de décider fi dans la
120p. conduite de l’Etat, fa valeur l’emportoit fur fa
pieté ôc fur fa fageffe. Pendant la vacance de la
dignité de Chancelier, le Roi l’avoitnommé pour
en faire les fondions, La Chancellerie vacante,
dit l’Hiftorien du tems, ce fage Miniftre fit punir
les principaux Chefs de ces fanatiques : il y en
eut plufieurs qui reconnurent leur erreur, ôc les
plus .opiniâtres allèrent fe joindre aux Albigeois:,
Hault confors aviez ou bon vefque Garin,
Par Deu ôc par fon fens euftes moule d’amis,
Proudom fu , ôc l’Ajax fçaehiés certainement,
Bien le feeut votre peres qui l’ama durement,
Moult £11 de haut confeil, ôc de tous biens fu plains.
Et ere bien entechiez de loyal cuer certains ,
Puis le tens Charlemaine qui fu un Arcevefques,
Qu’en apela Turpin, ne fu fr bon Evefques
Volontiers elTauçoit l’onqr de fainte Eglife,
$ire, ôc les vos droits gardoit-il fans faintifè.
Moult l’ama li bons Rois qui Felipes ot non,
Et après votre peres qui Dex face pardon,
Et la bone Roine l’amoit ôc tenoit chier.
Qu’en votre cort n’avoit nul meillor Confeitler.
Joinville, f, ^5 dm le Sermon do Robert de Sameritmt,
de Malte. Livre III. 291
efpece de Manichéens qui admettaient deux prin¬ Guïrin
D E
cipes , un bon & un mauvais, aufquels ils attri- Montaigu

buoient toutes les aétions des hommes. On les


appelloit Albigeois , de la ville d’Albi en Lan¬
guedoc , dont la plupart des habitans étoient in¬
fectez de cette héréfie. Le Pape , pour les extirper
plus promptement, fit prêcher contr’eux une nou¬
velle Croifade, & y attacha les mêmes Indulgen¬
ces accordées pour la guerre de la Terre Sainte,
fans exiger desCroifez quun fervice de quarante
jours.
Cette facilité à gagner les Indulgencesattira
en Languedoc un nombre infini de Croifez, &
priva de leur fecours les Chrétiens de la Terre
Sainte ^ ce qui fut caufe que Jean de Brienne étant
prêt à partir pour Jerufalem, ne put jamais aflenv
hier que trois cens Chevaliers,, au lieu de ces ar¬
mées formidables qui dévoient lui faciliter l’en¬
trée de la Paleftine. On fut bien furpris quand on
vit débarquer au portd’Acre une fi petite troupe,
fuffifante a la vérité pour le cortege d’un Roi,
mais méprifable par rapport à ce qu’on en avoir
fait efperer, & aux befoins de l’Etat.
Cependant ce Seigneur, apres avoir époufé la
jeune Reine, fe mit en campagne pour fignaler
fon avenement à la Couronne par quelque "aétion
digne de fon courage. Il ravagea d’abord la fron¬
tière du pays ennemi, Ôc emporta quelques Châ¬
teaux de peu de confequence ; mais differents
corps de Sarrafins s’étant avancez pour Fenvelop
per, il fut obligé de fe retirer, & il regarda com¬
me un avantage d’avoir échappé à des ennemis fi
puiffans» CX o ijt
292, 1 Histoire de l’Ordre
Guérin Il écrivit aufli-tôt au Pape pour lui rendre compte
d E
Montaigu de l’état où il avoit trouvé la Terre Sainte , ôc il

ajoutoit que ce qu’on appelloit le Royaume de


Jerufalem, ne confiftoit plus que dans deux ou
trois Places qu’on ne conferveroit même qu’au-
tant que dureroient les guerres civiles qui étoient
entre le frere ôc les enfans de Saladin , ôc qu’à
moins de faire paffer dans la Paleftine une nou¬
velle Croifade, il étoit à la veille de fe voir Roi
fans Royaume ôc fans fujets.
Innocent fut fenfiblement touché de ces trilles
nouvelles. Ce Pontife, comme la plupart de fes
prédecelfeurs, outre le zele qui l’attachoit au re>-
couvrement de la Terre Sainte , s’intérefloit par¬
ticulièrement dans ces guerres dont les Papes fç
regardoient comme les chefs ôc où leurs Légats
prétendoient commander avec une autorité fupe-
rieure aux Généraux &; aux Princes mêmes qui
s’engagoient dans ces pieules expéditions ; nou¬
velle efpece de fouveraineté inconnue dans les
fiécles précedens , ôc qui fous prétexte de s’op-
pofer aux invafions des Infidèles 3 foumettoit aux
ordres des Papes des armées nombreufes de Chré¬
tiens , commandées fouvent par des Souverains.
Le Pape plein de ces grandes vues ôc dans le
deffein de fecourir le nouveau Roi de Jerufalem ,
jugea bien qu’il n’y auroit qu’une nouvelle Croi¬
fade., qpi pût produire ces nombreufes armées ,
la terreur des barbares. Pour tirer ces troupes de
la plupart des Etats de la Chrétienté, il réfolut,
à l’exemple d’Urbain II. le premier auteur des
CroifadeS; de convoquer un Concile général :&
de Malte. Livre III. %95
outre les Bulles de convocation, il le fit annon- Guérin
' DE
cer par un grand nombre d’Eccléfiaftiques & de Montais
Religieux qui fe répandirent dans toute l’Europe,
ôc qui dans leurs fermons relevoient le mérite de
pareils voyages, & exageroient peut-être un peu
trop les Indulgences générales qui y étoient atta¬
chées. Mais l’execution de ce pieux deffein fut fut
pendue par une ligue formidable, qui s’étoit for- "TTTcu
mée contre la France , & dans laquelle un grand
nombre des Souverains de la Chrétienté étoient
entrez. Ces Princes armoient de tous cotez , ôc
dans un fi grand mouvement de troupes, le Pape
jugea bien qu’il ne convenoit pas d’exiger des
Evêques qu’ils fe miffent en chemin, dautant plus
que quand ils auroientété aflemblez, on n’auroit
pu tirer dans cette conjoncture aucun fecours de
la France ôc de l’Allemagne, la reffource la plus
affinée de toutes les Croifades.
Othon IV. Empereur d’Allemagne étoit à la
tête de la ligue contre la France dont nous par¬
lons , ôc on comptoit parmi fes alliez Jean Roi
d’Angleterre, les Comtes de Flandres, d’Hollande,
de Boulogne, de Salifberi, frere naturel du Roi
d’Angle terre , Henry Duc de Brabant, Frédéric
Duc de Lorraine , Thibault Comte de Luxem¬
bourg, ôc Philippe deCourtenay Marquis de Na-
mur, fils de Pierre de Courtenay Comte d’Auxerre.
On fera peut-être furpris de voir parmi les enne¬
mis de la France, le Duc de Brabant qui étoit
gendre du Roi, le Comte de Bar fon fujet , ôc
dont le fils fervoit dans l’armée de France, Ferrand
de Portugal vaffal de la Couronne, ôc auquel le
O o iij
194 Histoire de l’Ordre
G Vd * 1N avo*c epoufer Theritiere de Flandres, &
Montai eu le Marquis de Namur Prince du Sang Royal ; &
on ne pourroic gueres exeufer ces Princes du cri¬
me de félonie & de révolte, fi on ne fçavoit que
quelques-uns tenoient leurs principaux Etats de
l'Empire • qu’ils en étoient feudataires * & que
s’ils ne s’étoient pas rendus dans l’armée de l’Em¬
pereur , ce Prince qui étoit entré dans les Pays-
bas à la tête d’une armée de cent mille hommes y.
auroit commencé par les dépouiller de leurs grands
Fiefs. C’eft ainfi que le Comte de Bar, quoique
vaiTal de la Couronne, pour conferver le Comté
de Luxembourg, fut obligé contre fon inclination
à fournir à l’Empereur fon contingent de troupes,,
qu’il amena lui-même au camp impérial-
Les principaux Chefs de cette ligue étoient fi
perfuadez que le Roi ne leur pourroic réfifter,
qu’ils avoient d’avance partagé entre eux fes
Etats, & démembré du corps de la Monarchie les.
plus belles provinces de ce grand Royaume.
L’Empereur à la vérité avoit retenu pour lui la.
haute Souveraineté, de le fuprême domaine de la
Couronne * mais l’Anglois prétendoic avoir pour
fa part toutes les provinces voifines de la Loire-
Renaud de Dammartin, Comte de Boulogne, l’en¬
nemi fecret du Roi & le promoteur le plus ardent de
la ligue, avoit jetté fes vues fur le Vermandois & fur
les provinces voifines qui fe trouvoient à fa bien-
féance, & on avoit promis au Flamand, Paris, Fille,
de France , & cette partie de la Picardie voifine
de l’Artois.
C’étoit, pour ainfi dire ^vendre la peau de FOura
de Malt e. Livre III. 19;
avant que de l’avoir abbatu ; ces Princes avoient Gudeerik
à faire à un ennemi dont il n’étoit pas aifé de Montaiew
triompher. Philippe 11. Roi de France, qui a me- "
rite fi juftement de la pofterité le titre d’Augufte,
fans s’étonner du nombre ôc des forces de fes en- _
nemis, s’avança vers Peronne à la tête de quarante 1114.
mille hommes , la plupart troupes d’ordonnances,
fans compter trente-cinq mille hommes de mili¬
ce, tirez des Provinces voifines, & qui formoient
un grand corps d’infanterie. La plupart des Prin¬
ces ôc des Seigneurs du Royaume fe rendirent au¬
près du Roi: laNobleffe étoit convoquée ; tous les
Gentilshommes accouroient au fecours de la Pa¬
trie, ôc on ne connoifloit point encore d’autres
Chevaliers que ceux qui avoient acquis ce glo¬
rieux titre par leur valeur, ôc qui par de hauts
faits d’armes s’étoient diftinguez dans les batailles.
Le Roi de France à la tête de cette génereufe
Nobleife, fe croyoit invincible , ôc quoiqu’il n’eût
gueres plus de foixante mille hommes dans fon
armée, il réfolut de porter la guerre dans le pays
ennemi; il partit de Peronne le 23. de Juillet ;
entra dans la Flandre, ôc fut camper auprès de
Tournai. L’Empereur de fon côté s’avança jufqu a
Mortagne qui n’en efl qu’à trois lieues, Ôc s’y re¬
trancha. Outre qu’il avoit plus de deux cent mille
hommes dans fon armée, il s’étoit pofté trop avan-
tageufement pour pouvoir être forcé dans fon
camp.
Le Roi, pour le tirer de ce retranchement,
tourna du côté du Hainault. L’Empereur qui prit
fa marche pour une fuite, ôc qui craignoit qu’en
269 Histoire de l’Ordre

G V/IN ret*rant> ilne ravageât la Province d’un de fes


Mont aigu alliez, prit la même route, ôc arriva dans la plaine
""" de Bouvines, un Dimanche 27. de Juillet.Le Roi l’y;
avoit précédé feulement de quelques heures, ôc
comme ce Prince ne fongeoit qu’à pénétrer dans
le Hainault, fon avant-garde avoit déjà pafle fur
un pont qu’il avoit fait jetter fur la Marque, lorf-
qu’il fut averti par fes coureurs, que les alliez
s’avançoient en ordre de bataille, c’eft-à~dire, les
étendarts déployez, les chevaux bardez, & les fer-
gens , efpece de dragons, attachez au fervice des
hommes d’armes , qu’on avoit fait mettre pied à
terre, ôc qui marchoient devant eux. Le Roi en¬
voya auffi-tôt l’Hofpitalier Guérin, qui faifoit la
fonélion de Maréchal de bataille,pour reconnoître
les ennemis. La longue expérience qu’il avoit ac-
quife dans les guerres du Levant, & la gloire dont
il s’étoit couvert en plufieurs combats contre les
Infidèles, faifoit que les plus grands Seigneurs du
Royaume le voyoient fans envie, remplir ce polie
d’honneur.
L’Hiftoire ne nous a point confervé ni fon fur-
nom , ni celui de fa Maifon. Il eft bien certain;
qu’étant Hofpitalier de faint Jean, il falloir qu’il
fut de noble extra&ion : c’efl: tout ce que nous en
pouvons dire. Sa pieté & fa fcience l’avoient fait
élire pour Evêque de Senlis; mais il n’avoit pas
encore été facré, ôc nous allons voir dans cette
occafion de nouvelles preuves de fà capacité dans
le métier de la guerre. Rigord Hiftorien contem¬
porain , & qui étoit à la fuite du Roi, parlant de
ce Chevalier. C’étoit : dit-il, un tre's-vaillant Ca¬
pitaine^
de Malte. Livre III.. 197
pitaine, d’une conduite admirable, dun jugement G vD erTn
Ê
sûr , 6c quiprévoyoit tous les évenemens qui pou- MONTAlGtf
voient arriver. Le Breton autre Hiftorien auifi con--
temporainrajoute quil poffedoit le cœur 6c la con-
fiancedu Roi Ton maître, 6c qu’il étoit le premier
du Royaume apre's lui. Cependant, dit Rigord,
quoique cet ilhiftre Chevalier brillât de tout l’éclat
que donne la faveur, il ne voulut jamais dans un
fi haut degré d’autorité, quitter l’habit de fa Re¬
ligion qu’il portoit toujours fous fe!s armes. Tel
étoit’ce fameux Hofpitalier,.qui a fait tant d’hona
neur à fa Nation 6c à fon Ordre. Le Roi, qui fe
repofoit entièrement fur lui de la conduite de l’ar¬
mée, luiiàyant ordonné , comme nous le venons
de dire, d’aller reconnoître l’ennemi, il prit avec
lui Adam Vicomte de Melun, un des plus braves
Seigneurs du Royaume ^ 6c après s’être mis à la
tête d’un corps de cavalerie, il ^avança fur une
hauteur , d’où il découvrit la marche & la difpo-
fition de l'armée des alliez , & après avoir laiffé
le Vicomte dans ce pofte,,avec ordre d’amufer
les ennemis fans rien engager, il revint à toutes
jambes trouver le Roi, 6c lui dit qu’il feroit bien
trompé s’il n’étoit pas attaqué inceffamment par
l’Empereur.:.
Philippe affembla auffi-tôt le Confeil de guerre^ ;
on y mit en délibération fi fes troupes continue-
roient de pafTer la riviere, .ou fi pour livrer la ba¬
taille à l’ennemi ^ on feroit revenir l’avant-garde
qui étoit déjà paffée..La plupart des Officiers Gé¬
néraux étoient d’avis qu’on évitât ce jour-là d’eni
yenir aux mains ^ ils le fondoient fur un ancien-
Tme II Tp
2,9$ Histoire de l’Ordre
Cues- in ufage parmi la Nation, de ne fe jamais battre le jour
Montaigu ciu dimanche -, ils difoient que les François s’étoient

“ toujours fait un fcrupule de répandre du fang


dans ce faint jour; d’ailleurs que les foldats étoient
fatiguez d une longue marche; que les Alliez étant
aufii luperieurs en troupes, il falloit donner le tems
à la Nobleffe qui étoit en marche, de pouvoir
joindre l'armée, 6c que pour cela il falloit ache-
> ver de faire paffer les troupes de l’autre côté ; que
la riviere ferviroit de barrière, 6c que les ennemis
ne hazarderoient pas de la paffer devant une ar¬
mée auffi forte que celle du Roi,
Le Chevalier Guérin, auquel fa longue expé¬
rience dans le métier de la guerre avoit fait juger
qu’on éviteroit difficilement la bataille, leur dit
qu’ils déliberoient d’une chofe dont ils n’étoient
plus les maîtres ; que l’ennemi étoit trop proche,
6c que fi on continuoit à faire paffer la riviere à

toute l’armée, on s’expofoit à voir au moins tail¬


ler en pièces l’arriere garde 6c les troupes qui fe-
roient reliées les dernieres au pafTage. Cependant
comme il étoit prefque le feul de fon avis, 6c même
que dans ce moment les troupes de l’Empereur
firent un mouvement comme fi elles euffent voulu
marcher du coté de Tournay -, on réfolut, à la
pluralité des voix, de pafTer de l’autre côté de la
riviere; mais l’armée de l’Empereur par un autre
mouvement, étant tombée tout d’un coup furie
corps que commandoit le Vicomte de Melun ,
juftifia la sûreté des viles du Chevalier Guérin. Le
Roi vit bien qu'on ne pouvoit plus éviter d'en venir
aux mains; ont fit repayer à Imitant l’avant-gai^
de Malte. Liv. IIL 299
de, & le Chevalier , qui faifoit la fonction de Ma- GüERrîï
réchal de bataille, rangea les troupes en ordre de Montai
combat, 8c afligna à chaque corps, la place qu’il
devoit occuper. Par fa capacité' luperieure à celle '
des Ge'neraux ennemis, il eut l’adrefTe de fe mettre
le foleil à dos, 8c les ennemis l’ayant dans les yeux,
il en tira le même avantage, fur-tout pendant les
chaleurs de la canicule, qu’Annibalen a voit autre¬
fois pris contre les Romains à la bataille de Can¬
nes. Le Moine Rigord, Chapelain 8c Médecin du
Roi, 8c qui dans cette bataille, le tint toujours
proche de fon maître, rapporte qu’il vit l’Hofpi-
talier Guérin, après avoir rangé l’armée en ba¬
taille , entrer dans tous les rangs, palfer le long
des efcadrons 8c des bataillons, 8c exhorter tout
le monde à combattre courageufement pour la dé-
fenfe du Roi 8c de la Patrie. Il ajoute que cet il-
îuftre Chevalier, après qu’on eût donné le fignaf
de la bataille, par rapport à fon élection à l’Evê-
ché de Senlis, ne voulut point fe mêler parmi les
eombattans, 8c qu’il fe contenta de donner fes or.*
dres, 8c de faire agir les differens corps de l’armée
dans le tems qu’on en avoit. befoin.
Il ne s’étoit gueres donné de bataille en France
qui eût été fi long-tems difputée: tout fe mêlas:
tout combatit avec une fureur égale ; le Roi y fit
des prodiges de valeur - fix vingt Gentilshommes
François furent tuez à fes cotez, lui-même y pen~
fa périr il reçût un coup de lance dans la gorge
fon cheval fut tué, & ce Prince foulé aux pieds
des chevaux: deux feuîs Gentilshommes, Monti-.
gny 8c Triftan,pour fauver leur maître, lui firent:
Fpij
300 Histoire de l’Ordre
^ Ud e 1N un rempart de leurs corps, & foutinrent tout Tef-
y pNTAiGu fort des ennemis. Le Rai fe jette fur le cheval de
'Xtiftan , s étant mis à la tête d’un corps de No-
blelfe qui étoit accourue à fon fecours ., il fait
une nouvelle charge aux ennemis , un efcadron
d’Allemands qui lui étoit oppofé., eft enfoncé 5rien
ne réfifteà la furie des François, qui fous les yeux
de leur Prince ., 8c pour fe venger du péril qu’on lui
avoit fait courir 3 tuent tout. On pouffe , on péné¬
tré jufques à la perfonne même de Y Empereur, qui
fe trouva dans le centre de cet efcadron. De Trie le
fraped’un coup de lance que la cuiraffe rend inutile:
Mauvoifin faiîit la bride de fon cheval, & le jeune
Comte de Bar , dont le pere, à caufe du Comté de
Luxembourg , étoit dans l’armée des Alliez, faifit
J’Empereur parfonhaufre-col : Desbarres Sénéchal
d’Anjou fur vient, qui l’embraffe par le milieu du
.corps pour le tirerde deffus fon cheval: tous veulent
avoir l’honneùr de faire un Empereur prifonnier.
A4 ai s les Allemands arrivent en foule à fon fe¬
cours,, écartent les François, lui ouvrent les che¬
mins de la retraite, ôc ce Prince monté fiir un
nouveau cheval , encore étourdi du péril où il
s’étoit trouvé, fans égard poui; fa gloire, s’aban¬
donne à la fuite. Le Roi le voyant s’éloigner à
toute bride , ne put s’empêcher de dire en fou-
riant, aux Seigneurs qui l’environnoient: Mes
Amis, mus tien verre^ aujourd'hui ejue le dos,
^ ^ L’Empereur par fa fuite entraîna la plupart des
troupes-.ceux que leur courage retint encore fur
le champ de bataille, 8c qui voulurent difputer
une viétpire çù ils n’avoient plus de part, furent
de Malte. Livre fil. 351
îtaillez en pièces. Les Comtes de Flandres, de Bou- Gv 1*
logne, de Salifbery , Euftache deHainault, Hof- montaigv

pitalier de faint Jean, Hugues Manges chef du ~~


Confeil de l’Empereur, & trente Seigneurs Ban-
nerets furent faits prifonniers. Othon méprifé des
Allemands abdiqua depuis fa dignité. Le Roi d’An¬
gleterre odieux à fes fiijets, paifale refte de fes
jours dans une guerre civile, & la victoire de Bo- g#
vines en comblant Philippe de gloire, rétablit la
paix & la tranquillité dans toute l’Europe.
Le Pape, pour profiter de ce calme, ôc pour
engager les Princes d’Occident dans une ligue ge¬
nerale contre les Infidèles, convoqua un Concile
general à Rome ôc dans l’Eglife de Latran. Ce fut --—-
le douzième œcuménique , & le quatrième de 111 5-
Latran. Il s’y trouva quatre cens douze Evêques, Matt. Paris

en comptant deux Patriarches, ôc foixante-onze adann',Z1S'


Primats, ou Métropolitains-, on y vit des Ambafi. ^b.vjperg
fadeurs de Frédéric II. Roi de Sicile, élu Empe¬
reur d’Allemagne, de Henry Empereur deConf-
tantinople, ceux des Rois de France, d’Angleter¬
re, de Hongrie, de Jerufalem, de Chypre & d’Ar-
ragon. Le Pape fit l’ouverture du Concile par un
dilcours très-touchant fur la perte de la Terre
Sainte, & fur les obligations qu’avoient tous les
Chrétiens de travailler à la délivrer du joug des
Infidèles ; » Cette Terre, dit-il, arrofée du fang de
« notre divin Sauveur,eft prophanée, &: l’endroit
» où leFils unique deDieu étoit adoré eft devenu le
Temple du Démon; quelle honte &quel oppro-
bre que le fils d’Agar tienne la Mere de tous
* les Fideles dans les fers? Il faut les rompre, mes
pP üj
301 Histoire de l’Ordre
Cü BRIN

» très-chers Freres -, me voilà tout prêt de me met*
Montaigu » tre à votre tête : je me livre tout entier à vous ♦
»je fuis prêt , fi vous le jugez à propos , d aller
Conc* Lat,4«
» en perfonne chez les Rois, les Princes & les peu-^
l'ermo pnm* » pies pour éprouver fi par la force de mes cris *
» je pourrai les exciter à prendre les armes, & à.
33 venger les injures faites au Sauveur des hommes,.

»quieft chaffé aujourd’hui de cette Terre qu’il a


«acquife par fon Sang, & où il a accompli les
» Myfteres de notre Rédemption..
' Son difcours tira des larmes de toute î’affemblée^
les Princes &c les Seigneurs qui s’y trouvèrent r
convinrent unanimement de prendre la Croix, ôc
les Peres du Concile firent un Decret particulier,,
par lequel ils affignoient le rendez-vous des Croi-
fez au premier Juin de l’année 1217. Alors, dit le
Concile, ceux qui voudront prendre le chemin;
de la mer,s’affembleront à Melfine ou à Brindes,
ôc les armées de terre fe mettront en marche le
même jour.
~ Les Evêques, après s’être feparez,prêchèrent:
la Croifade dans leurs Diocefes avec beaucoup de
zele &de fuccès. L’Empereur Frédéric, André Roi
d’Hongrie, Leopol Duc d’Autriche,LoukDuc de
Bavière ôc un nombre infini de Princes ôc de Pré¬
lats , François, Allemands, Hongrois, Hollandois,
Frifons,Novergiens prirent la Croix. Mais chacun
en prenant cette marque de fon engagement, fe
réfervoit le droit de fixer le tems de fon départ
Ôc de fon fejour à la Terre Sainte , qu’il regloit
félon ce qu’exigeoit l’état de fa fanté, ou la con¬
joncture de fes affaires. C’eft ainfi quel’Empereur^
de Malte. Livre III.
qu’on coyoit devoir fe mettre à la tête des pre¬ Güerïn
D E
miers Croifez , en fut empêché par les troubles Montaigu

d’Italie, outre qu’il 11’avoit pas encore pris à Rome


la Couronne de l’Empire : cérémonie à laquelle
les Papes de ces tems-làavoient affujetti les Princes
qui avoient été élûs Empereurs.
Ce fut André Roi de Hongrie qui à la tête d’une 1 zi 6*
armée compofée de differentesNations partit le pre¬
mier pour le fecours de la Terre Sainte jc’étoit un
Prince recommandable par des fentimens de pieté,
ôc fur-tout par un zele extraordinaire pour l’admini*
fixation de lajuftice. Il conduifit l’armée par terre
jufqua Venifeou il s’embarqua pour fe rendre à
Conftantinople. Ce Prince avant que de quitter fes
Etats, reçut une Lettre du Pape Honoré III. qui
depuis deux ans avoit luccedé à Innocent III. Ce
Pontife l’exhortoit à ne rien entreprendre dans la
guerre contre les Infidèles fans la participation
& les confeils du Grand Maître des Hofpitaliers.
Le Roi lui répondit qu’il étoit fi perfuadé de fa
valeur & de fa capacité, qu’il lui avoit déjà écrit
en conformité des intentions de fa Sainteté , 6c
pour le prier de fe rendre vers la Notre-Dame de
Septembre dans l’Ifle de Chypre, tant pour con¬
férer enfemble fur les operations de la campagne,
qu’afin de pouvoir fe rendre plus fûrement à la
faveur de fon efcadre dans le port de faint Jean
d’Acî-e. Nous apprenons ces circonftances du Bref
même que ce Pontife adreffa au Grand Maître,
Sc à tout l’Ordre des Hofpitaliers, qu’il exhorte
dans les termes les plus pre flans à donner au Roi
de Hongrie, au Duc d’Antioche, de à tous les
304 Histoire de l’Ordre
Guérin Chefs de-1 armée >r les confeils ôc. le fecours dont:
d E
Montaigu ils auront befoin.»

Le Roi de Hongrie avant que de pafler le BofL


phore, fut obligé de. r.eûer quelque tems àConfi
tantinople pour attendre, les Italiens eroifez vqui
dévoient arriver de jour en jour. Pendant le. fié--
jour qu’ilfit dans cette grande ville , il arriva dans ,
fes Etats & dans fa maifon un accident bien fu*
nelfe, ôc qui fut caufe.que ce Prince refta moins
en Orient ôc fut peu utile aux Chrétiens latins
de la Paleftine. Ce Prince étant prêt de quitter
fes Etats en laifla la régence au Palatin du Royau>
me appellé.Bancbannus, ôc dont depuis long-tems
il avoir éprouvé le zele &. la fidelité : il lui reconu
manda en partant d’entretenir la paix avec les
Princes voifins funtout d’adminiftrer une exadle
juftice à tous fes fujets, fans égard pour la naif-
fance ou la dignité de qui que ce fût. Ce Seigneur
pendant l’abfence du Roi, n’oublia^ rien pour ré¬
pondre dignement à la confiance dont il l’avoir
honoré Ôc pendant qu’il donnoit tous fes foins
aux affaires. d’Etatfa femme Dame d’une rare
beauté, tâchoit par fon afliduité auprès de la Reine,,
d’adoucir le chagrin que lui caufoit l’abfence du
Roi fon mari.,
Tel. é.toit l’état de la Cour de Hongrie , lorC
qu on y vit arriver le Comte de Moravie frere de
la Reine,*.& que cette PrincefTe aimoit tendre--
ment ^ .ce ne furent d abord que fêtes ôc que plah-
firs, mais dans la fuite le ppifon dangereux*de l’a¬
mour fe glifla parmi ces jeuxinnocens : le Comte*
de. Moravie deviiy: éperduçjnem amoureux de la
femme;
de Malte. Livre III. 305
femme du Régent, il ofa lui déclarer fa paffion; Guérin
D E
mais cette Dame encore plus vertueufe qu’elle ne- Montaigu
toit belle, ne lui répondit que par la feverité de
fes regards : la réfillance fit fon effet ordinaire ,
les defirs criminels du Comte n’en furent que plus
violens. Sa paffion qui augmentoit tous les jours,
le jetta dans une fombre mélancolie • il n’étoit
plus queftion de jeux, de Ipeétacles ôc de tous ces
vains amufemens dont les Grands occupent fi fé-
rieufement leur oifiveté j le Comte ne cherchoit
plus que la folitude, mais la Reine par une com-
plaifance naturelle aux femmes pour cette efpece
de malheur, & pour retirer fon frere d’un genre
de vie fi trifte, fous differens prétextes retenoit
auprès d’elle la femme du Régent, ou l’envoyoit
chercher aufli-tôt qu elle s’éloignoit du Palais.
y
Cette Dame pénétra fans peine les motifs indignes
de ces empreffemens -, ôc pour éviter l’entretien
du Comte , elle feignit quelque tems d’être ma¬
lade J mais ayant ufé ce prétexte, ôc fa naiffance
8>c le rang que tenoit fon mari ne lui permettant
pas de s’ablenter plus long-tems de la Cour, elle
revint au Palais. Le Comte de peur de l’aigrir, dif-
fimulafesfentimens, ôc des maniérés refpeétueufes
fuccederent en apparence à l’éclat ôc à l’empor¬
tement de la paffion.
La femme du Régent raffurée par cette conduite Bonfin.Dec*
pleine de difcretion, continuoit de paroître à la 2.p.27f<
Cour, lorfque la Reine, fous prétexte de l’entre¬
tenir en particulier, la conduifit dans un endroit
écarté de fon appartement, ou après l’avoir enfer¬
mée, elle l’abandonna aux defirs criminels de fon
Tome L Qjj
306 Histoire de l’Ordre
Guérin frere, qui de concert avec la Reine, étoit caché
d E
Montaigu dans le cabinet. La femme du Régent en fortit
avec la honte fur le vifage, & la douleur dans le
coeur j elle s’enfevelit dans fa maifon , où elle pleu-
roit en fecret le crime du Comte, & fon propre
malheur. Mais le Régent ayant un jour voulu pren¬
dre place dans fon lit, fon fecret lui échappa ^ de
emportée par l’excès de fa douleur:Ne m'appro¬
chez pas, Seigneur , lui dit - elle en verfant un
torrent de larmes, de éloignez-vous d’une femme
quin’eftplus digne des chaftes embraffemens de fon
époux : un téméraire a violé votre lit, de la Reine fa
foeur n’a point eu honte de me livrer à fes emporte-
mens ^ je me ferois déjà punie moi-même de leur
crime, fi la Religion ne m’eût empêché d’attenter
à ma vie. Mais cette défenfe de la loi ne regarde
point un mari outragé ; je fuis trop criminelle,
puifque je fuis deshonnorée, je vous demande ma
mort comme une grâce, ôc pour m’empêcher de
furvivre à ma honte de à mon deshonneur.
Le Régent, quoique outré de douleur, lui dit
qu’une faute involontaire étoit plutôt un malheur
qu’un crime, ôc que la violence qu’on avoit faite
à fon corps, n’alteroit point la pureté de fon ame,
qu’il la prioit de fe confoler, ou du moins de ca¬
cher avec foin la caufe de fa douleur: Un interet
*

commun, ajouta-t’il, nous oblige l’un de l’autre de


diffimuler un fi cruel outrage, jufqu’à ce qu’il nous
foit permis d’en tirer une vengeance proportion¬
née à la grandeur de l’offenfe.
Son deffein étoit d’en faire reflentir les premiers
effets au Comte * mais ayant appris qu’il étoit parti
de Malte. Livre III. 307

fècretement pour retourner dans fon pays, le Ré¬ Guérin


d E
gent au défelpoir que fa viétime lui eût échappé , Montaigu

tourna tout fon renentiment contre la Reine mê¬


me y il fe rendit au Palais , ôc ayant engagé cette
Princeffe à paffer dans fon cabinet, fous prétexte
de lui communiquer des Lettres qu’il venoit , di-
foit-il, de recevoir du Roi ,, il ne fe vit pas plu¬
tôt feul avec elle, qu’aprês lui avoir reproché fon
intelligence criminelle avec le Comte, & la trahi-
fon quelle avoit faite à fa femme , le fier Palatin
lui enfonça un poignard dans le cceur } & fortant
tout furieux de ce cabinet ,,il publia devant toute
la Cour fa honte & fa vengeance.
Soit fiirprife ou refped:, perfonne ne fe mit en
état de l’arrêter-, il monta fans obftacle à chevai¬
ne s’étant fait accompagner de quelques Seigneurs
témoins de cette funefte cataftrophe , il prit la
route de Conftantinople 5 & arriva enfuite dans
cette ville d’où le Roy n etoit pas encore parti. Il
fè rendit aufii-tôt au Palais que ce Prince occu-
poit j & fe prefentant devant lui avec une intrépi¬
dité qui a peu d’exemples : » Seigneur, lui dit-il,
» enjrecevant vos derniers ordres, quand vous par-
tites de Hongrie, vous me recommandâtes fur-
» tout que fans aucun égard au rang ou à la con-
» dition, je rendiffe a tous vos fujets une exaéte
« juftice : je me la fuis faite à moi-même • j’ai tué
» la Reine votre femme qui avoit proftitué la
mienne -, & bien-loin de chercher mon falut dans
» une indigne fuite, je vous apporte ma tête. Dit-
» pofez à votre gré de mes jours -, mais fouvenez^
» vous que c’eft par ma vie ou par ma mort que vos,
OA1»
308 Histoire de l Ordre
Cu E R IN
D E
» peuples jugeront de votre équité, & fi je fuis in-
Montaigu » nocent ou coupable. .
Le Roi écouta un difcours auffi furprenant, fans
l’interrompre ôc même fans changer de couleur 5
& quand le Regent eut cefTé de parler : » Si les
» chofes fe font paffées comme vous les rappor-
» tez , lui dit ce Prince, retournez en Hongrie 5
» continuez d’adminiftrer la jullice à mes iujets
«avec autant d’exaétitude & de fe vérité, que vous
«vous l’êtes rendue à vous-même ; je refteraipeu
» à la Terre Sainte, ôc à mon retour j’examinerai
» fur les lieux fi votre aétion mérite des louan-
« ges ou des fupplices.
C’eft ainfi que Bonfinius fHiftorien de Hongrie
rapporte ce fait ; mais Duglos qu’on appelle Lon-
ginus, prétend que la mort de cette Princeffe ne
fut caulée que par la conjuration de quelques Sei¬
gneurs Hongrois irritez de ce que la Reine avoit
introduit à la Cour ôc dans les principales char¬
ges du Royaume, des Princes Allemands fes pa-
rens. D’autres Auteurs prétendent même que cet¬
te Princeffe étoit morte avant que le Roi eût quit¬
té fes Etats pour paffer à la Terre Sainte.
Qu,oi qu’il en foit, ce Prince s’embarqua peu
apres, ôc arriva fans obftacle dans fille de Chypre.
Il y trouva le Grand Maître des Hofpitaliers de
faint Jean avec les principaux Officiers de fon Or¬
dre, ôc apre's avoir conféré avec eux fur l’état des
affaires de l’Orient, il fe remit en mer avec Hu¬
gues de Lufignan Roi de cette Ifle. Leur voyage
fut heureux, ôc fans que les Infidèles euffent tra-
yerfé leur navigation, toute la flotte Chrétienne
!

de Malte. Livre III. 309


Guérin
entra dans le port de faint Jean d’Acre. Le Roi de d E
Hongrie à fon debarquement, ne voulut point lo¬ Montaigu

ger dans le Palais du Roi de Jerufalem quon lui


avoit préparé, Toit par quelque concurrence fur
le cérémonial entre tous les Princes qui fe trou-
voient alors à faint Jean d’Acre, foit que la mort
funefte de la Reine 6c les circonftances tragiques
qui l’avoient accompagnée, fuffent vraies, com¬
me le prétend l’Hiftorien de cette Nation , 6c
que le crime dont on l’accufoit, la vengeance
qu’un de fes fujets avoit ofé en tirer , le doute
qui l’agitoit tour à tour du crime de la Reine, 6c
de la fidelité du Regent, tout cela l’eût jetté dans
une fombre mélancolie. Il fe retira chez les Hof-
pitaliers 6c auprès du Grand Maître, dont les en¬
tretiens pieux 6c folides étoient plus conformes à
la difpofition de fon efprit. On ne peut exprimer
les fentimens de religion dont ce Prince fut tou¬
ché en voyant la charité qui fe pratiquoit dans
cette fainte Maifon à l’égard des pauvres 6c des
pèlerins ^ 6c ce qui augmentoit fa furprife 6c fon
admiration, c’étoit de voir ces Chevaliers fi fiers
& fi redoutables en campagne 6c les armes à la
main, devenus comme d’autres hommes dans leur
maifon, & s’occuper fous le mérité de l’obédience
dans les offices les plus humilians auprès des pau¬
vres 6c des malades.
Le Roi de Hongrie voulut vifiter en même tems
les Places de Margat 6c de Carac dont ces Hof-
pitaliers étoient encore les maîtres • il y trouva
la même régularité 6c la même difcipline que dans
la Maifon principale de faint Jeand’Acre,c’eft-à-
!?• . ' Qa“i
310 Histoire de l’Ordre
CU£ R I N
D E
dire, qu’il vit de faints Religieux &: de brave?
Montaigu Soldats tout brûlansde zele pour la conquête des
faints Lieux. O11 ne pouvoit reprocher à ces Reli¬
gieux militaires quun peu trop de delicatefle à
l’égard des Templiers , fur ce que les gens du
monde appellent le point d’honneur.
Ce Prince demanda d’être affocié dans l’Ordre
ni 8.
en qualité de Confrère, afin de participer aux bon,,
Reg. d'Ho¬ nés œuvres de ces Hofpitaliers. Il donna à perpé¬
noré 3-1.1. fi
276. tuité à l’Ordre fept cens marcs d’argent à pren¬
R^ain. 1.13. dre tous les ans fur les falines de Saloch en Hon¬
num. 16. ÿ.
280.
grie • 8c comme les Chevaliers de Carac étoient
tous les jours aux mains avec les Infidèles, il fti-
pula dans l'aâe. de fa donation, que de ces fept
cens marcs,il y en auroitfoixante applicables aux
befoins particuliers de Frere Raimond de Pigna,„
Gouverneur de la forterefle de Carac,&de fes
fuccefTeurs au même Gouvernement. Le titre de
cette fondation fubfifte encore dans les archives
du Vatican, 8c on en trouve l’extrait dans la con¬
tinuation de Baronius par Rainaldi.
On y voit le témoignage que ce Prince y rend
au mérité 8c à la vertu de ces Chevaliers : » Etant
«logé chez eux, dit-il, j’y ai vu nourir chaque
« jour une multitude innombrable de pauvres, les
» malades couchez dans de bons lits,& traitez avec
«foin,les mourans affiliez avec une pieté exem-
« plaire, 8c les morts enterrez avec la décence
» convenable. En un mot, continue ce Prince, les
«Chevaliers de Paint Jean font occupez, tantôt
«comme Marie à la contemplation, 8c tantôt
« comme Marthe à Taétion-, 8c cette genereufe
de Malte. Livre III. 311
Milice confacre Tes jours ou dans des infirme- GU ER IM
D E
» ries, ou dans les combats contre d’infideles Ama- Montaigu

»lecites, ôc les ennemis de la Croix. C’eft ainfi


que s en explique le Roi de Hongrie. *
Ce Prince ayant appris que Coradin Sultan de
Damas, & fils de Safadin, s’étoit mis en campagne
pour faire le fiége de faint Jean d’Acre , for tir
auffi-tôt de la ville & s’avança du côté des enne¬
mis avec les Rois de Jerufalem & de Chypre , les
deux grands Maîtres des Holpitaliers, des Tem¬
pliers ,1e Maître des Teutoniques, 8c tout ce qu’il
y avoit de troupes dans la Place. Les Infidèles fur-
pris d’un armement fi prompt, & de la fierté avec
laquelle les Chrétiens marchoient à eux, fe re¬
tranchèrent avec foin. On ne laifTa pas détailler en
pièces plufieurs de leurs partis qui s’écartoient pour
aller au fourage. Coradin ne jugea pas à propos
dans cette conjoncture d’en venir à une aétion
décifive,& contre une armée qui avoit trois Rois à
fa tête} il fe retira fur les terres de fon obéiffance.
Les Chrétiens le pourfuivirent quelque tems, ra¬
vagèrent à leur tour fa frontière , comme l’hyver
apprôchoit,ils fe féparerent. Le Roi de Chypre prit
le chemin deTripolioù il mourut de maladie peu de
tems après qu’il eût quitté l’armée. Celui de Hon¬
grie , avant que d’abandonner la Paleftine, le bai¬
gna avec toutes fes troupes dans le fleuve du Jour-
* Nec immerito cùm illic hofpitati videremus innumerum paupe-
rum cætum diurno pattu quotidie fuftentari, fefîbs languidiorum artus
ledliiterniis, variifque ciborum copiis refici, mortuorum corpora cum
débita veneratione fepelin, ut in genere fîngulorum referamus quæ per
fm^ula genefüm enarïafe hbnpoflumusj utMariam &Martham ,facra-
tiiîimum fæpe didlæ domus Hofpitalii collegium nunc variis iîncerè
contemplationibus, nunc contra Dei adverfarios & hottes Crucis Chritti,
adVerfus etiam Amalec incettabili perfedtæ militiæ conflidlu de die in
diem dimicare. Rainaldus t, 13.». 16. />, 180.
312, Histoire de l’Ordre
dain, la veille de la feint Martin $ ceremonie reli-
gieufe que les pèlerins pratiquoient par dévotion
quand ils nenétoient pas empêchez par les Turcs
ôc par les Sarrafins. Enfin ce Prince, après- avoir
paffé trois mois dans la Paleftine , pour accomplir
îon voeu, ôc preffé par le fouvenir des malheurs
arrivez en fon abfence dans Ton Royaume, en re¬
prit le chemin. Toutes les inftances que lui fit le
Patriarche de Jerufalem , même les foudres de
l’excommunication que ce Prélat lança contre lui,
ne le purent retenir plus long-tems à la Terre fein¬
te^ ôc après une longue navigation & differens pé¬
rils qu’il effuya, il arriva heureufement dans fes
Etats. Ses premiers foins à fon retour, furent de
faire inftruire en fa prefence le procès de Banc-
bannus : après avoir entendu lui-même les té¬
moins , Ôc examiné les differentes circonftances
de cette malheureufe affaire, il fut affez équita¬
ble pour déclarer le Regent abfous de la mort de
la Reine.
Le Roi de Jerufalem, le Duc d’Autriche ôc les
Hofpitaliers , après fon départ, s’avancèrent d’un
côté dans le pays ennemi, ôc rétablirent le Châ¬
teau de Cefarée, pendant que de l’autre côté les
Templiers ôc les Teutoniques bâtirent, ou pour
mieux dire, rétablirent fur une hauteur voifine,
une fortereffe qu’on appelloit le Château des pè¬
lerins. Ces deux Places couvroient celle de feint
Jean d’Acre, Ôc fervoit en même tems à étendre
les contributions fur les terres qu’occupoient alors
les Infidèles.
Après cette expédition, le Roi, le Duc d’Au-
de Malte. Livre III. 313
Guiris
triche , les deux Grands Maîtres, & le Maître des D E
Teutoniques retournèrent à S. Jean d’Acre, où ils Montaigü

virent arriver prefque en même tems une flotte


confiderable d'Allemands , de Friions & de HoL
landois commandez par Guillaume I. Comte de
Hollande , dont le fecours remplaçoit heureufe-
ment celui qu’on venoit de perdre par le départ
précipité du Roi de Hongrie.
Le Roi de Jerufalem le voyant foutenu par ccs
Croifez , & ayant appris qu’on préparoit encore
une nouvelle armée dans la plupart des ports d’I¬
talie , réfolut de porter la guerre dans l’Egypte
pour obliger les Infidèles à abandonner la Palef-
tine • Sc dans un grand Confeil où fe trouva le
Roi, le Duc d’Autriche, les Grands Maîtres & les
Evêques, on convint de faire le fiege de Damiette,
la Place de ce Royaume le plus régulièrement forti¬
fiée. Cette réfolution étant prife, on embarqua les
troupes vers la fin de Mai ; on mit à la voile 5 l’armée
chrétienne en trois jours fe trouva en Egypte , &
fit fa defcente fans oppofition dans un endroit fi-
tuéà l’Occident de Damiette, &; qui n’en étoit fé-
paré que par un bras du Nil.
Les Chrétiens ne trouvèrent d’abord de réfif- l'à r Êi
tance que dans une grofle tour ou un château re¬
vêtu de toutes les fortifications que l’art avoit
pu inventer , conftruit au milieu de ce bras du
Nil, & dont la garnifon fe défendit avec beau¬
coup de courage. Mon deflfein n’eft pas d’entrer
dans le détail de tout ce qui fe paflfa à l’attaque de
cet ouvrage avancé qui couvroit la ville de Da¬
miette : je me contenterai d’obferver apres Ma-
Tome h Rr
314 Histoire de l’Ordre
; G
UEIUN
D E
thieu Paris que les Chevaliers de S. Jean y Fou-
'Mon J'AI<3U tinrent leur réputation ordinaire. Ces Religieux
guerriers, après avoir attache' deux Vaiffeaux en-
iemble pour les rendre plus fermes ^s’avancent
fierement, appuyent leurs échelles d’une main har¬
die , montent au travers des feux , des dards ôc
des pierresj ôc fans s’étonner de la chûte de leurs
.compagnons, ils tâchent de gagner le haut de la
muraille. Mais le mât d’un de ces vaiffeaux s’é¬
tant rompu , brifa les échelles, Ôc la plupart des
Chevaliers tombant dans l’eau, Ôc accablez du
poids de leurs armes, furent noyez. * La perte
de ces braves foldats ne ralentit point le courage
de leurs confrères ôc des Croilez • on revint à l’ef-
calade plufieurs fois j mais toujours fans fuccès.
Enfin les Allemands approchèrent des murailles
une machine d’une nouvelle invention, à la faveur
de laquelle ils fe rendirent maîtres de cette tour ,
dont la pnle facilitoit l’attaque de la -ville.
On prétend que 4e Sultan qui prévoyoit que la
perte de cet ouvrage avancé entraîneroit celle de
Damiette , en mourut de chagrin. Les Hiftoriens
latins nomment ce Sultan Safadin, & les Arabes
Melic - el - adel -Aboubecre fils de Job ; il avoit
quinze fils , ôc quelque tems avant fa mort, il avoit
partagé fes Etats entre les fix premiers. Melic-el-
Camel l’aîné de tous eut l’Egypte, ôc Coradin la
Syrie : Haran ville de la Méiopotamie fut le par¬
tage d’Achrof- ôc Bolfra en Arabie, celui de Sa-
lech-Ifmaël : les deux fuivans eurent auffi quel-
* Hofpitalarioaim,prohdolor ! fcala confradla, iïmili modocummalo
ccciditj & milires (trenuos, <Sc alios armacos in Nilum dcmeriit. Mattt
Paris ad arm. 1218 ion/. i p, 301.
ff e Malte. Livre III. 515
ques Places pour leur appanage. Les neuf autres GüERIÎ*
refterent dans les Etats, ôc fous la puiflance de M ONTAIGU
leurs freres aînez ytk pour leur aider à fubfifter, ~
Safadin en avoit établi deux dans Jerufalem , où
ils jouiflbient du tribut que les Chrétiens d Occi¬
dent payoient à la porte de cette ville. Deux au¬
tres faifoient la même fonction à la Mecque, ôc
jpuifïoient pareillement des revenus que produi-
foient les offrandes des pèlerins Mahometans , qui
y venoient en foule de l’Afie & de l’Afrique. A l’é¬
gard des cinq derniers, apparemment qu’on leur
avoit alfigné quelques pendons conformes à leur
nailfance, ôc. au rang qu’ils tenoient dans l’Etat,
Cependant les Chrétiens continuoient le fieVe
de Damiette avec beaucoup d ardeur , ôc ils reçu¬
rent en ce tems-là de nouveaux fecours de l’Oc¬
cident. Une Croifade compofée d’Italiens , de Fran¬
çois, d’Allemands ôc d’Anglois arriva en Egypte,
& fe rendit au camp. Le Pape avoir mis à la tête
de cette armée en qualité de Légat du S. Siégé
le Cardinal d’Albano, Prélat fier &hautain, plein
de préemption, ôc qui vouloit que fon avis l’em¬
portât toujours dans le Confeil de guerre, fur le
fentiment même du Roi ôc de fes Généraux, com¬
me fi le Pape avec lés Bulles de fa légation avoir
pu donner à un Cardinal la capacité d’un Grand
Capitaine. Le Sultan d’Egypte appclla de fon côté
à fon fecours le Sultan de Syrie Ion frere, Prince
qui aimoit la guerre , ôc qui la failoit heureufe-
ment ; mais cruel, fanguinaire, ôc celui des enfans
de Safadin qui lui reffembloit le plus, autant par
fes.vices que par fa valeur»
Rr if;
p6 Histoire de l’Ordre
Guérin Ce jeune Sultan, outre l'armée quil comman-
d E
Mo NT AI GU doit en perfonne,* fit encore de nouvelles levées;
& avant que de partir pour 1 Egypte , il ruina les
fortifications de Jerufalem, en fît abattre les mu¬
railles , foit pour groflir fon armée de la garnifon
qu’il en tira, foit pour prévenir les Chrétiens, &)
dans la crainte, s’ils prenoient la ville de Damiette,
qu’ils ne revinlfent dans la Paleftine, & qu’ils ne
fe fortifiaffent dans la Capitale , qui étoit l’objec
principal de leurs entreprifes.
Ce Prince pafla enfuite en vingt jours ledéfert qui
fépare ce Royaume de l’Egypte, 6c joignit le Sultan
Camel fon frere aîné qui s’étoit avancé audevant
de lui: après cette jonétion, ils s’approchèrent du
camp des Chrétiens pour tâcher de faire lever le
fiege. Les affiegez faifoient tous les jours des for-
ries avec toutes leurs forces, & il falloit en mê¬
me tems foutenir les attaques des deux Sultans ,
qui tentoient toutes fortes de moyens pour jetter
du fecours dans la Place.
L’Hiftorien Anglois que j’ai déjà cité , nous ap¬
prend que les trois Ordres * militaires étoienr pref-
que les feuls qui fîffent face de tous cotez aux en^
nemis -, que c’étoient comme un mur d’airain, dit-il,
qui couvroit en tout rems les foldats chrétiens *
que les Hofpitaliers combattoient toujours avec
une valeur extraordinaire ; que dans la derniere

* R ex verô Jerufalem cum Templariis, & Domo Teutonicorum, ôç

,
Hofpitalis farrcp Joannis, impetum paganorum fuftmuerunt, & pro mu-
ro fuerunc fugientibus quoties illas iuas faciès ©Itendebant. Matt. Paris
iv Henr 3. ad ann. 12.19.
Jemplani triginta très capti tant, vel interfedti cum Marefchallo Hof-
pitalis fanCti joannis, Si Fratribus quibufdam ejufdcm Domûs. Uem ibU*
i.p. 3o(T.
de Malte. Livre III. 517
GU£RI
fortie qui précéda la prife de cette Place, le Ma¬ D E
réchal de cet Ordre fut tué à la tête de la compa¬ Montaicu

gnie -, que plufieurs des Chevaliers eurent le même


tort, ôc que quelques-uns furent faits prifonniers.
Le Sultan voyant avec douleur qu’il ne pouvoit
venir à bout de faire lever le fiege , pour obtenir
la paix, Ôc fauver Damiette la clef de Ion Royaume ,
il offrit aux Chrétiens de leur rendre la vraye Croix
qui avoir été prife à la bataille de Tiberiade, de
remettre aux Croifez la ville de Jerufalem, ôc de
fournir même l’argent nécelfaire pour en relever
les murailles , ôc rétablir les fortifications. Il of-
froit encore le château de Thoron ôc quelques au¬
tres Places } mais il prétendoit garder Carac ôc
Montréal 9 deux fortereffes fituées à l’entrée de
l’Arabie, dont les garnifons chrétiennes dans leurs
courfes enlevoient auparavant des caravanes qui
alloient par dévotion à la Mecque • ôc ce Prince
religieux félon les principes de fa feéte, aimoit
mieux s’afifujettir à payer un tribut annuel, que
de rendre deux Places dont les foldats pouvoient
troubler les Mahometans dans l’exercice de cette
partie de leur Religion.
Pour peu qu’on foit inftruit du caraéfere Ôc des
mœurs de ces Nations differentes, on ne peut re¬
garder de part ôc d’autre ces guerres qui durèrent
fi long-tems, que comme des guerres de Religion :
Sc tant à l’égard des Infidèles, que par rapport aux
Chrétiens, les uns &: les autres avoient chacun pour
objet d’une partie de leur culte de vifiter au moins
une fois en leur vie le tombeau de l’Auteur de leur
jReligion. Les Papes ôc les Califes attaçhoient éga:
31S Histoire de l’Ordre
Cm» lement des récompenfes fpirituelles à ces pieufès
Mqntaigu courfes.S’il venoit d’Occident une foule de pele*
rins chrétiens au faint Sépulchre, la Mecque n’at-
riroit pas moins de Mufulmans de l’Afie ôc de l’A¬
frique l’erreur fe couvroit des mêmes motifs*
que la vérité...
Tel étoit l’interet que prenoit le Sultan à corn
pz 19., V
ferver les châteaux de. Carac & de Montréal 2u\
cet article prés ce Prince fouhaittoit avec paffion,
de voir lever le fiege de devant Damiette. Le Roi de ;
Jerufalem de fon côté étoit d’avis d’accepter des:
conditions qui rempliffoient les vœux de la Croi-
fade } mais le Légat qui avoir pris une autorité fans
bornes dans Farinée, foutint qu’il falloit rejetter
les propofitions du Sultan & que le moment.
étoit venu de conquérir toute l'Egypte ,, dont le
Royaume de Jerufalem fuivroit la deftinée. Le
fentiment.de l’imperieux Légat prévalut dans le
Gonfeil de guerre fur celui du Roi de Jerufalem, ,
qui chagrin de ne le pas voir maître de fes pro^
près troupes, fous prétexte de faire, venir de nou—
veaux fecours, fe retira à S. Jean d’Acre. Cepen¬
dant le fuccês fembla d’abord juftifier l’avis du Lé¬
gat ; Damiette fut emportée dans une attaque faite ?
de. nuit, ou plutôt elle fe trouva prife par le dé¬
faut de combattans : habitans & foldats tout étoicr
péri dans les combats, ou par la famine & la difette :
des vivres : plus de quatre-vingt millè hommes,
moururent dans la Place pendant le fiege. Les Chré¬
tiens en entrant dans la ville, ne trouvèrent par¬
tout quune affreufe folitude , & le peu d’habi-
tans quon rencontra dans quelques jnaifons3 ny
de Malte. Livre ÎIL 519
Croient reliez que parcequ’ils étoient fi foibles, GirDEERIN
quils n’avoient pas eu la forceden fortir. Le Car- Montaigw
dinal Jacques de Vitri qui le trouva à ce fiege , ~~
acheta de les deniers un grand nombre d’enrans
à la mamelle, qu’il reTerva pour le Baptême, mais
dont plus de cinq cens, dit - il, moururent peu
après, apparemment de la famine qu’eux ou leurs
xneres a voient foufferte.
Le Légat fier de cet heureux fuccès, 8c fe voyant iUOo
maître abfolu de l’armée , la fit avancer dans le
cœur de l’Egypte contre l’avis de tous les Chefs ^
il l’engagea entre les branches du Nil. Le Sultan
en ouvrit les digues} le fleuve inonda l’endroit où
les Chrétiens étoient campez ; ils fe trouvèrent en¬
fermez dans une Ifle avec aufli peu de moyen d’y
fubfifler que de s’en tirery la faim fucceda bien¬
tôt à ce premier malheur *, ôc 1 armée prête à pé¬
rir, fut obligée de faire une trêve de huit ans avec
les Infidèles. Il fallut pour obtenir du pain, 8c la
liberté de fe retirer, quitter Damiette, 8c livrer
tous les efclaves ou les prifonniers qui étoient à
Acre 8c dans Tyr. Les Sarrafins de leur côté s’en¬
gagèrent de rendre la vraye Croix , 8c ce qu’il y
avoit de captifs dans Babilone d’Egypte ou le
Caire, ôc à Damas ^ de conduire l’armée en fureté,
8c de la fournir de vivres pendant fa retraite. Tout
fut exécuté de bonne foi de part 8c d’autre, fi on
en excepte la reftitution de la vraye Croix, que les
Infidèles avoient apparemment perdue. L’armée
chrétienne fe diflipa après cet accident, 8c la pré-
fomption du Légat empêcha le Roi de Jerufalem
de recouvrer fon Royaume. *
320 Histoire de l’Ordre
Gvërin Cependant comme dans les malheurs publier
D E
Montaigu chacun tâche de fe difculper aux dépens des autres,
les ennemis particuliers des Chevaliers de S. Jean
6c des Templiers , les accuferent auprès du Pape
Honoré III. d avoir détourné à leur profit les gran-
des fommes qui étoient paflees de l’Europe dans
la Paleftine pour les frais de cette Croilade y 6c
pour la fubfiftance de l'armée. Cette calomnie £e
répandit dans la plupart des Etats chrétiens ; le
Pape crut être obligé d’en faire informer, 6c il en
écrivit au Légat, au Patriarche 6c aux principaux
Chefs de l’atmée. On fit des informations fecretes
6c publiques, qui n’aboutirent qu’à la confufion
des calomniateurs • le Légat, le Patriarche, le Duc
d’Autriche 6c les principaux Officiers de l’armée
récrivirent au fouverain Pontife qu’ils avoient vu
avec douleur l’horrible calomnie dont on avoir
tâché de noircir la réputation des Ordres mili¬
taires ; qu’ils étoient au contraire témoins que ces
généreux Chevaliers avoient épuifé les biens des
deux Maifons pour fournir à la dépenfe du fiege ;
que l’Ordre dé S. Jean feul avoit donné plus de
8000 byfantins ; qu’il avoit perdu un grand nom¬
bre de fes Chevaliers, 6c que fuivant l’efprit de
leur inftitut, ils avoient prodigué leurs vies 6c leurs
biens pour la^défenfe des Chrétiens. Le Pape étant
inftruit de la vérité, & pour rendre Ta juftice qu’il
devoir à ces Chevaliers, ordonna au Légat de pu¬
blier lui-même de là part leur innocence, 6c ce
Pontife écrivit en même rems aux Evêques de
Prance, d’Angleterre 6c de Sicile qu’ils priffient
foin chacun dans leurs Diocefes de détruire une fi
noire
de Malte. Livre III. 311
noire calomnie : » Nous voulons,ajoute le Pape, Guérin
d E
« que vous les honoriez , & que vous les aimiez : Montaigu

» & nous vous commandons d’en prendre foin,


»> comme vous le devez faire, à l’égard de ces gé- Preuve
* nereux défenfeurs de la foi Chrétienne. * V.

On ne pou voit en ce tems-là donner une preuve


plus iure de la pureté de fa foi ôc de Ion attache¬
ment au faint Siégé, qu’en prenant l’habit d’un
des Ordres militaires ; la plupart même des Princes
Ôc des plus grands Seigneurs vouloient mourir,
ôc être enfevelis avec la Croix: c’eft ainfi qu’en
ufa Raimond Comte deTouloufe, Marquis de Pro¬
vence. On fçait que ce Prince ,un des plus grands
ôc des plus puiffans Feudataires de la Couronne de
France, foupçonné d’avoir fait périr un Légat du
Pape , ôc de favorifer les Albigeois, avoit été en¬
veloppé dans une excommunication prononcée
contrecesheretiques fes fujets, Ôc en confequence
privé de la plus grande partie de fes Etats. Il n’y
avoit eu rien de û humiliant dans lapenitence ca¬
nonique, à quoi il ne fe fût fournis pour s’affran¬
chir de ce funefte lien ^ mais ceux qui avoient pro¬
fité de fa dépouille, lui tenoient les portes de l’Êgli-
fe fermées, de peur de lui ouvrir celles de fes Etats.
Ils l’auroient volontiers reconnu pour catholique,
s’il eut pu fe réfoudre à renoncer au Comté de
Touloufe: enfin ce Prince , qui avoit tant d’inté¬
rêt de conferver au jeune Raimond fon fils , les
Etats qu’il tenoit de fes ancêtres, crut trouver plus-
* Volumus & præcipimusut eos tanquam veros Chrifti athktas, ôc
præcipuos Chrikianæ fîdei defenfores ltudeaus honorare, diliçere , .ac
îovere, corum fupei hoc déclarantes innocentiam, & fîdei viriutis con-
üantiam prædicantes. In Archive Vmiczno ex repfire Honorti 1 i-f.!om- l.fol- $o-.
Tome L Ss.
i
312, Histoire de l’Ordre
Guérin
d e
d accès & de facilité auprès du Pape qu’ auprès de
MontAigu fes Légats ôc de fes Miniftres, ôc il entreprit le voya¬
ge de Rome. Il n’y fut pas plutôt arrivé, qu’il fît
demander une audience au Pape, ôc l’obtint faci¬
lement. Le Pape confiderant la naiffance, la di¬
gnité ôc lage de ce Prince, le reçut en plein Con-
fiftoire. Raimond, après avoir parlé de la gran¬
deur de fes ancêtres, de leurs vertus Ôc de la pu¬
reté de leur religion, fît enfuite fa confeffion de
foi, ôc en mettant la main fur la poitrine , pour
affirmer la vérité de fon difcours, il protefta par
tout ce qu’un Chrétien devoit avoir de plus cher,
qu’il ne s etoit jamais éloigné des principes de la
foi Ôc de la foumiffion qu’il devoit au Vicaire de
Jefus-Chrift. De-làilpaffa à la pénitence honteufe
que les Légats lui avoient impofée, ôc qu’il avoit
cffuyée dans la ville de S. Gilles, où à la vue de
fes fujets il avoit été traîné la corde au col, ôc
foueté dune maniéré fi ignominieufe. Il dénia hau¬
tement le meurtre du Légat qui en avoit été le
motif, ôc il finit en le plaignant de Simon de Mon-
fort Général de la Ligue contre les Albigeois^ qui
fous le voile de la religion, ne cherchoit qu’à fe
faire un grand établiffement dans le Languedoc.
On prétend que le Pape, au récit des malheurs
de ce Prince, ne put retenir fes larmes, Ôc qu’il
écrivit même en fa faveur à fes Légats : mais,foit
qu’ils fulfent perfuadez que Raimond dans le fond
de foncoeur étoit heretique ,foit qu’ils ne prétendif-
fent qu a perpétuer une inquifition dont ils avoient
toute l’autorité, ils eurent peu d’égard aux ordres
du Pape. Ce Prince, pour détromper au moins le
de Malte. Livre III. 313
public, quelque tems apre's Ton retour d’Italie , Guérin
d 1
déclara par un aéte public 6c autentique, quil s’en- Montaigu

gageoit de prendre l’habit & la croix des Hofpi-


taliers, 6c qu’en cas qu’il fût prévenu par la mort,
fon intention étoit qu’on l’enterrât dans l’Eglife
desHoIpitaliers de Touloufe : il n’y avoit pas dans
ce fiecle de marque plus authentique d’une par¬
faite catholicité.
Son Hiftorien rapporte que depuis ce tems-là,
ce Prince , à l’exemple des Hofpitaliers, nourif
foit tous les jours un certain nombre de pauvres,
6c qu’il les faifoit revêtir tous les ans. On le voyoit,
dit-il > tous les matins à la porte de l’Eglife de
Notre - Dame de la Daurade à genoux 6c nue
tête ,. faire de longues 6c ferventes prières , 6c
enfin pratiquer tous les exercices d’un véritable
Hofpitalier. Ce fut dans cette dilpofition qu’il fut
furpris d’une attaque d’apoplexie-, il envoya cher-
cher fur le champ Jourdain Abbé de faint Ser-
nin, pour le reconcilier à FEgh-fe 6ç lui adminifl
trer les Sacremens,. 6c on avertit en même tems
les Holpitaliers de Touloufe de l’extrémité à la¬
quelle ce Prince étoit réduit. Mais quand l’Abbé
de faint Scrnin arriva, il avoit déjà perdu la pa¬
role j cependant il levoit les yeux au Ciel- fes
mains étoient jointes • il donnoit tous les lignes
de pénitence qu’on peut exiger d’un bon chrétien*
6c on lifoit fur fon vifage les mouvemens de fon
coeur. Les Chevaliers de faint Jean étant accou¬
rus, jetterait fur lui un manteau de l’Ordre qu’on
voulut retirer fous prétexte de l'excommunica¬
tion^ mais le Comte le retint avec les mains, 6c il
S s i|
324 Histoire de l’Ordre
Guérin baiioit dévotement la croix coufue fur ce manteau:
d E
Montaigu il mourut un moment apres, & l’Abbé de faint Sér¬

um, quoique effrayé des foudres du Vatican quon


12 2 1. avoit lancez contre ce Prince, ne put s’empêcher
de dire aux affiftans : Prie% Dieu pour lui, je le crois
fauve : il prétendoit même retenir! fon corps, par-
cequil étoit mort dans fa Paroiffe. Mais le jeune
Prince voulut qu’on fuivît les intentions de fon
géré j les Holpitaliers l’emportèrent dans leur Mai-
ion, ou il avoit élûfa fépulture. Cependant à caufe
de l’excommunication, ils n’oferent l’enterrer dans
leur Eglife; mais ils le mirent décemment dans un
cercueil où l’on trouva encore fon crâne entier
en 1630.
La France perdit l’année Clivante le Roi Phi¬
12 2 2.
lippe 11. & l’Ordre des Hofpitaliers un généreux
14 Juillet. bien-faiteur. Ce Prince étant tombé malade, & le
fentant aifoibli^ fit fon teftament, & parmi un
Voyez, le Mi¬
roir h 1 fl. L 13. grand nombre de legs pieux, il donna cent mille
ç. if.p. 166. livres au Roi de Jerufalem pour la défenfe de la
Terre Sainte, & pareille fomme aux Hofpitaliers
de faint Jean &aux Templiers.* Frere Guérin ou
Garin, premier Miniftre, qui avoit infpiré à ce
Prince de fi faintes difpofitions , en fut nommé
pour exécuteur avec Barthelemi de Roye, Cham-
brier ou Chambellan de France , & Frere Aimar,
Trélorier du Temple. La Reine après la mort du
Roi fon mari, fonda à Corbeil un Prieuré pour
treize Chapelains de l’Ordre des Hofpitaliers, à
* Rex Philippus viam univerfæ carnis ingreditur, relinquens tria mil¬
lia librarum ParifienfiuminfubfïdiumTerræ S’andtæ, centum millia in raa-
nibus regis Joannis, 8c centum millia in mambusMagiltri Horpitalis }2>Ç
geimim millia in manibus Magiltri Templi, Sanut. 1,3. ct 10. p, zio.
N

de Malte. Livre III. 315


condition d’y celebrer tous les jours trois méfiés Giteris
pour le repos de lame de ce grand Prince. La Montaigw
fondation fut agréée par le Grand Maître de Mon-
taigu ôc par le Confeil de l’Ordre, &c confirmée __
par les Bulles du Pape Honoré III. mi.
Cependant, comme l’affaire de la Terre Sainte
étoit alors l’affaire de toute la Chrétienté , il fe tint
à Ferentino dans la Campanie, une célébré afiem-
blée pour délibérer fur le fecours qu’on y feroit paf
fer. Le Pape Honoré I IL & l’Empereur Frédéric IL
s’y rendirent l’un deRome & l’autre defon Royau¬
me de Sicile, & on y vit arriver d’outre-mer, Jean
Roi de Jerufalem, le Patriarche de cette Ville, le
Le gat Pelage,l’Evêque de Bethléem, Frere Guérin
de Mon taigu Grand Maître des Hofpitaliers, un
Commandeur des Templiers , & Hermand de
S altza, quatrième Maître desTeutoniques,ou des
Chevaliers Allemans. Le Pape prefla l’Empereur
d’accomplir la promefle qu’il avoit faite en prenant
la Croix, de conduire lui-même un puiflant fe¬
cours à la Terre Sainte -, Sc pour l’y engager, l’Im *
peratrice Confiance fa femme étant morte, Her¬
mand de Saltza lui propofa d’époufer la Princefie
Yolante fille unique & heritiere du Roi de Jeru¬
falem ^ le Maître des Teutoniques conduifit cette
négociation avec tant d’habileté que ce mariage
fut arrêté, & l’Empereur promit avec ferment de
pafler en Paleftine, de la faint Jean prochain en
deux ans. Il époufa depuis la Princefie ; mais con¬
tre la parole exprefle qu’il avoit donnée au Roi de
Jerufalem de le laifler jouir fa vie durant de cet
Etat, il l’engagea par une abdication forcée à lui
316 Histoire de l’Ordre
Guérin
d E
ceder la Couronne. Le Pape fut médiateur de cette
Montaicu grande affaire: l’interet de ces Pontifes etoit d’éloi¬
gner de l’Europe 8c fur-tout de l’Italie, ceux qui
en étoient les Souverains. Le voyage & la réfiden-
ce de l’Empereur en Afie le débarraffoit de la pré-
fence d’un Prince puiffant, 8c qui ne vouloit rien
relâcher de fon autorité fouveraine^ ainfi trouvant:
fon interet dans l’éloignement de Frédéric, & pour
adoucir aux yeux de Brienne, ce qu’un procedéfl
dur avoit d’odieux, il lui reprefenta qu’un Prince
auffi puiffant que Frédéric , défendroit la Terre
Sainte avec bien plus de zele 8c de chaleur, 8c qu’il
feroit de bien plus puiflants efforts s’il combattoit
pour fes propres intérêts ,que s’il ne s’agiffoit que
de défendre une Couronne qu’il verroit fur la tête
d’un autre, 8c dont même il n’envifageroit la fuc-
cefllon que dans un grand éloignement. Jean de
Brienne confentit à ce qu’il ne pouvoit empêcher..
Le Pape ne manqua pas de faire part enluite de:
cette nouvelle difpofition à la plupart des Souve¬
rains de l’Europe pour lui férvir comme de té¬
moins des engagemens que prenoit l’Empereur..
L’ancien Roi de Jerufalem & le Grand Maître des*
Hofpitaliers parcoururent enfuite la France ,,1’Ef-
pagne, l’Angleterre 8c l’Allemagne pour en tirer
du fecours. La France fournit fur le champ tout
l’argent que Philippe Auguflre avoit légué par fon
teftament pour une fî fainte entreprife.. Thibaud
Comte de Champagne , 8c Roi de Navarre, auquel
fe joignit Pierre de Dreux auparavant Comte de
Bretagne, 8c differens Seigneurs François, Richard
Comte de Cornuaillesfrere de Henri III, Roi
de Malte. III.
Livre 317
d’Angleterre , &c un grand nombre de Gentils- G ttdecr 1 *
hommes Anglois fe croiferent ; mais la plupart ne Montaigv
partirent pour la T erre Sainte qu’en differens tems. ~
L’Empereur les avoit fait précéder par fes Lieu-
tenans à la tête de puiflans corps de troupes, en
attendant, difoit-il, qu’il y pût aller en perfonne.
Mais comme la Palelline étoit alors privée de la
preTence de fon Roi, ôc fans un Chef allez auto-
riié, la plupart de ces fecours devenoient inutiles
par les differentes vues des Commandans. Il n’y
avoit point de delfein fuivi ; l’un faifoit une trêve
avec les Infidèles, ôc l’autre la rompoit fans égard
au tort qu’une pareille conduite faifoit aux affai¬
res & à la réputation des Chrétiens. Les Ordres
militaires étoient même toujours divifez • chacun
ne tendoit qu’à fes fins • ôc quand le Grand Maître
des Hofpitaliers fut de retour à S. Jean d’Acre , il
trouva la Palelline prefque fans gouvernement,
ôc privée de ce lien fi néceffaire dans la focieté cf
- vile, ôc qui en fait concourir tous les membres au
bien commun de l’Etat.
Le Comte de Tripoli Prince feroce ôc entrepre¬
nant , s’étoit prévalu de fon abfence pour s’empa¬
rer de differens châteaux qui appartenoient à l’Or¬
dre, ou dont ils avoient la garde. * Il prit encore
une maifon qu’ils avoient à Tripoli où il fit écor¬
cher tout vif un de ces Chevaliers, ôc poignarder
un autre qui s’oppofoit à ces violences. Le Grand
Maître à Ion retour lui demanda raifon de ces
* Domum ipfam quarn ipiï habent apud Tripolim capiens violenter,
rabie concitatus diabolica,unum exipiïsexcoriari, &c alium , ut dicitur,
occidi fecit, prætër id quod quibufdam eorum crudeliter &c inhoneftè
tra&atis damna eis gravia^c injurias irrogayit. Raimldi tm. 13. num.
Î7. f.
528 Histoire de l’Ordre
Guérin cruautez • mais n’en ayanc pu obtenir juftice , il’:
Ed
Montaigu en écrivit au Pape qui employa inutilement auprès,
du Comte les remontrances & fes offices. Il fallut:
que le fouverain Pontife en vînt jufqua l’exconv*
munier fans le pouvoir fléchir. Pour lors le Grand:
Maître avec la permiffion du Pape , étant entré
«dans les Etats du Comte à la tête des Hofpitaliers,
la vue de ces troupes fît plus d’impreffion fur ce
Prince cruel & farouche , que tous les foudres du:
Vatican. Raimond fît une fatisfaétion convenable
à l’Ordre pour tant de violences , rendit tout ce
qu’il avoit ufurpé. Le Grand Maître , à la priere du
Pape jetta une partie de fes forces dans rifle de
Chypre fous prétexte que les côtes en étoient fou-
vent infeftées par des Corfaires. Mais le véritable
motif étoit d’empêcher en même tems que Rai¬
mond Prince d’Antioche qui avoit époufé la Reine*
Sànut. hiv.
3> c. 10.-p.221. Alix veuve du Roi Hugues ne s’emparât de cet
Etat au préjudice de Henri qui étoit encore mineur..
L’Empereur étant occupé en Lombardie contre'
1225»
des villes rebelles qui avoient fait une ligue pour
fe foulfraire à fon autorité , demanda au fouverain:
Pontife un délai de deux ans pour fon voyage de la.
Terre Sainte. Le Pape le lui accorda aux condi¬
tions fuivantes ; Que dans le terme des deux ans;
finiflant au mois d’Aouft 3 il y paflferoit en per-
fonne • Que pendant les deux années fuivantes ,
il y entretiendroit deux mille Chevaliers • Qu’en,
trois fois differentes , il feroit les frais du partage
en faveur de deux mille autres Chevaliers avec
leurs équipages à trois chevaux par Chevalier
Qu’iftiendroit dans le port de S. Jean d’Acre cin-
. quarante;
de Malte. Livre III. 319
Guérin
quante Galeres bien équipées 3 Qu’il dépoferoit d E
Montaigu
entre les mains de Jean de Brienne, du Patriarche
8c du Maître de l’Ordre des Teutoniques cent
mille onces d’or pour les frais de cet armement 3
& que s’il arrivoit que Dieu difposât de lui avant
qu’il eût pu paffer à la Terre Sainte, ou que fon
voyage fût différé, on employeroit cette grande
fomme, fuivant l’avis des Grands Maîtres des Hof
pitaliers & des Templiers : toutes conditions auf
quelles l’Empereur fe fournit, comme il paroît
dans le diplôme de ce Prince rapporté par Rai-
naldi. *
Ce Prince ayant obtenu le délai qu’il avoit de¬
mandé, l’employa de bonne foi à faire des prépa¬
ratifs, convenables à une fi grande entrepriîe. On
arma par fbn ordre dans les ports des Royaumes
de Naples & de Sicile jufqu’à cent galeres 8c cin¬
quante vaiiTeaux, ôc plufieurs Princes d’Allema¬
gne , 8c un nombre infini de Croifez fe rendirent
à Brindes. Enfin dans le terme dont l’Empereur
étoit convenu avec le Pape , il s’embarqua à la
mi-Aouft de l’année 1127 avec une flotte qui por-
toit prés de quarante mille hommes. L’Empereur
apres trois jours de navigation , tomba malade
auflî-bien que plufieurs Princes & Seigneurs de
la Cour, 8c entr’autres le Lantgrave de Heffe. La
maladie de ce Lantgrave devenant périlleufe, les
* Et û nos, quod Deus avertat,in terra ilia vel citrà ante palfagium-
memoratum obire contigeiit, vel aliàs quacumque decaufa forfitan non
tranfienmus Rex & Patriarcha, &c MagifterDomusTeutonicorumad lau-
dem & confilium Magillrorum Hofpitalis& Templi, acaliorum pro-
borum hominum de terra expendent eamdem pccuniam bonâ fide fîcutr
meliùs vidermt expedire uulitaci Terra: Sanôtæ. tom 13- *l*nn. izzç*.
Mm. 4-. pAge 347,

Tome L Tt
350 Histoire de l’Ordre
Guéris Médecins crurent que l’air de la terre feroit plus
Montaigu favorable aux malades que tous les remedes de
leur art : on débarqua dans le port de Tarente où
le Lantgrave mourut laiffant veuve Ton époufe
Elifabeth fille d’André Roi de Hongrie , Princeffe
âgée feulement de vingt ans & d une grande vertu.
L’Empereur en fut quitte pour quelques accès .de
fievre • mais le Pape Grégoire IX. qui venoit de
fucceder à Honoré III. Pontife qui traitoit les
Souverains avec hauteur , perfuadé malgré la mort
du Lantgrave que la maladie de l’Empereur étoit
feinte , l’excommunia folemnellement dans ht
grande Eglife d’Anagni où il fe trouvoit alors. Le
louverain Pontife fît précéder cette funefte céré¬
monie par un Sermon où il prit pour texte ces pa¬
roles de l’Evangile : Il ejl necejjaire cptil arrive des
fcandâles-y 8c s’étant fort étendu fur la viéioire que
S. Michel avoit remportée fur le dragon, il tomba
tout court fur l’excommunication qu’il alloit ful¬
miner contre l’Empereur. Je rapporte cet échan¬
tillon du ftile de ce Pape , parceque le ftile &it
fouvent connoître l’efprit 8c le cara&ere de cha¬
que fiecle. Grégoire écrivit enfuite une lettre cir¬
culaire à tous les Evêques pour leur faire part de
la féverité quil avoit crû devoir obferver à l’égard
de ce Prince : il avoit pris, dit-il dans cette lettre,
pour dernier terme de fon départ le mois d’Aouft
de l’année my - 8c à peine a-t’il tenu la mer pen¬
dant quelques jours, que fous prétexte de maladie,
il a débarqué, 8c eft retourné pour jouir à l’or¬
dinaire d’une vie oifive. Ce Pontife écrivant en
particulier aux Evêques de la Pouille , leur dit
de Malte. Livre. III. 331
« Voyant que l’Empereur Frédéric négligeoit fon G üdeer 1N
« falut, Ôc differoit d’accomplir le vœu qu’il avoit Montàigu-
» fait de pafferà laTerre Sainte, Nous avons tiré
« contre lui le glaive médecinal de Saint Pierre ,
« publiant en elprit de douceur la Sentence d’ex-
« communication;.
L’Empereur furpris & irrité de la conduite du
Pape, envoya de Ion côté une Lettre patente en _
forme de manifefte à tous les Souverains delaChré- 1118>
denté, dans laquelle, après avoir pris Dieu à té¬
moin de la maladie qui l’avoit forcé à débarquer,,
il fe plaint amèrement de la précipitation du Pape,
Sc il declaroit qu’il fe remettroit en mer fi-tôt qu’il
auroit récouvré fa fanté. Dans la Lettre qu’il écri-
voit en particulier au Roi d’Angleterre , ôc que
Mathieu Paris nous a confervé, il fe répand en
invectives contre la Cour de Rome : » Les Ro^
« mains, dit-il, brûlent d’une telle paffion d’amaf-
« fer de l’argent de tous les pays de la Chrétienté,
5» qu’aprés avoir épuifé les biens des Eglifes par¬
ticulières ,ils n’ont point de honte de dépouiller
» les Princes fouverains, & tâchent de rendre les
«Têtes couronnées, tributaires. Vous en avez
« vous-même, dit-il, au Roi d’Angleterre , ,une
« preuve bien fenfible dans la perfonne du Roi
« Jean votre pere. Vous avez celui du Comte de
« Touloufe, ôc de tant d’autres Princes dont ils
« ont mis les Etats en interdit, ôc qu’ils n’ont ja-
«mais voulu lever jufqu’a ce qu’ils ayentpris des
« fers, ôc fe foient fournis à la fervitude, Que ne
« peut-on pas dire des exactions inouies qu’ils exer-
« cent fur le Clergé 5 ôc des ufures manifefEes on *
T t ij j
331 Histoire de l Ordre
GU ERIN
DE
» palliées dont ils infeétent tout le monde chré-
Montaigu «tien } &au travers de ces brigandages, cesfang-
« fues veulent faire pafler la Cour de Rome pour
» l’Eglife notre Mere. L’efprit & la conduite de
» lune & del’autre nous en apprend la différence-, la
« Cour de Rome envoyé de tous cotez des Légats
» avec pouvoir de punir, defufpendre &d'excom-*
« munier, au lieu que la véritable Eglife remplie
>5 d un efprit de charité, n en envoyé que pour ré-
«pandre la parole de Dieu j lune ne cherche qu’à
«amafîer de l'argent, &: à recueillir ce qu’elle n'a
«point femé j de l’autre a dépofé fes tréforsdans
« de faints Monafteres pour la nourriture despau-
» vres de des pèlerins de maintenant ces Romains
» indignes de ce grand nom, fans courage de même
« fans noblefle, enflez feulement dune vaine feien-
» ce, veulent s’élever au-defïus des Rois de des Em¬
pereurs. Enfin, ajoute ce Prince, l’Eglife a été
« fondée fur la pauvreté & la fimplicité, de perfon-
«ne ne lui peut donner d’autre fondement que
celui qui y a été mis de la main de Jefus-Chrift,
» qui en efl: en même tems la pierre fondamen-
» taie de l’architedte. *
Quoiqu’on ne puiffe pas exeufer l’aigreur dont
cette Lettre eft remplie, il eft pourtant certain
que les Papes fe fervirent fouvent de ce prétexte
des Croifades, pour tenir les Princes de leurs fu-
jets dans la dépendance de la Cour de Rome j il
n’eftpas moins vrai aufli que la plupart des Sou¬
verains de leur côté n’étoient pas fâchez de voir
*Sed aliud fiindamentum nemo poedt ponere , prêter îllud quod po-
fîtum eft à Domino Jefu ac ftabllitum. Mau, Taris in lien, il l.ann.n 18.
H7.J& 34&
de Malte. Liv. III. 333
GV E R I H
les Ducs, les Comtes & les au très grands Valfaux de D E
leursCouronnes, s’éloigner pour ces expéditions Montaigv

lointaines, & leur laiffer par leur ablence, fouvent


fuivie de leur mort,une autorité plus abfolue dans
leursEtatsx’eft ainfi que lmterêt& l’ambition tour¬
noient à leur profit, une inftitucion fainte, qui dans
fon origine, n’avoit eu pour objet que de délivrer
les Eglilesde l’Orient de la tyrannie des Infidèles.
Cependant Frere Guérin de Montaigu, Grand
Maître des Hofpitaliers, celui des Templiers , ôc
la plupart des Prélats de la Paleftine, écrivirent
au Pape qu’ils étoient dans une défolation extrême
de n’avoir -point vû arriver l’Empereur au pafiage
du mois d’Aout. Les Croifez, difent-ils, qui étoient
venus en Syrie au nombre de prés de quarante
mille hommes , font repaffez en Occident fur les
mêmes vailfeaux qui les avoient amenez : il n’eft
refté qu’environ huit cens Chevaliers, qui tous de¬
mandent leur congé, ou qu’on rompe la trêve. On
a tenu Confeil à ce fujet, & le Duc de Limbourg,
qui commande ici pour l’Empereur, étoit d’avis
qu’on recommençât la guerre: mais on luiarepre-.
fenté qu’avec des forces fi inferieures à celles des
Sarrafins, il feroit dangereux de l’entreprendre,
& encore moins honnête de violer un traité confir¬
mé par des fermens folemnels. Ceux du Confeil
qui étoient de l’avis du Duc, ont répliqué que le
Pape ayant généralement excommunié tous les
Croifez qui ne fe rendroient pas à la Terre Sainte,
quoiqu’il 11’ignorât pas que la trêve devoit durer
encore deux ans, c’étoit une preuve que le Chef
vifible de l’Eglife ne prétendait pas qu’on la dût /

T t iij
334 Histoire de l’Ordre
Guérin garder. Sur céladon a réfolude marcher à Jerufa-
DE
Montai gu lem, & pour en faciliter les approches & la con¬
quête , il a été arrêté qu’on s’afFureroit de Cefa-
rée ôc de Jaffa , dont il faudroit enfuite relever
les fortifications.
Cette Lettre finit par des inftances très-preflan-
tes pour obtenir de nouveaux fècours:le Papein-
lera une copie de cette Lettre dans une des {rennes
qu’il adreffoit à toute la Chrétienté, en datte du.
23. Décembre 1217 : d’où il n’eft pas difficile de con¬
clure que fon intention étoit qu’on rompît la trêve
faite avec les Infidèles.
Cependant il continuent à fulminer contre l’Em¬
pereur avec plus d’animofité que de zele : il l’ex¬
111 8.
aj. Mars. communia même de nouveau le jour du Jeudi
Saint. Mais les Barons Romains ôc tout le peuple
fcandalifez de !la palïionde ce Pontife, ôc qu’il
traitât fi indignement un Empereur Chrétieii ôc
un Roi des Romains, prirent les armes en fa fa¬
veur. Le Pape qui vit avec douleur qu’il n’étoit
pas le plus fort dans la Capitale du monde chré¬
tien, fut obligé de fe retirer à Perotife avec toute
fa Cour. L’Empereur ne fe contenta pas de l’avoir
chade de Rome. Ce Prince naturellement cruel
ôc vindicatif, maltraita tous ceux qu’il foupçonna
d’être attachez au fouverain Pontife j les Hofpi-
taliers ôc les Templiers dévouez aux interets du
faint Siégé, éprouvèrent dans les Etats que l’Em¬
pereur portedoit en Italie, de cruelles perfècutions
de la part de fes Officiers ; * on chafla ces Cheva-

* Tum etiara quiaTemplarios & Hofpitalarios bonis mobiiibus & immo-


bilibus quæ liabebant in regno, temerè fpoliavic. Raia, ai arm.
de Malte. Livre III. ^
liers, fous differensprétextes,des terres qu’ilspof G U E R I H
DE
fedoient- on leur enleva jufqua leurs efclaves,&; MONTAIGlf

l’on pilla leurs maifons. L’Empereur ne s’en tint


pas là, 8c pour faire ientir au Pape combien il s’en
tenoit offenfé, il envoya des troupes dans fes Etats
qui ravagèrent la Marche d’Ancone 8c le Patri¬
moine de Paint Pierre : 8c comme s’il eût voulu
infiilter à la puiffiance des Clefs, il fe fervit pour
cette expédition de foldats Sarrafins fes fujets en
Sicile, que leur incrédulité mettoit hors d’atteinte
de l’excommunication.
C’eft ce que nous apprenons d’une Lettre du
Pape adreffée aux Evêques de la Pouille. » Afin,
» dit ce Pontife, de ne point paroître ménager les
» hommes au préjudice des interets de l’Eglife ,
» nous avons excommunié folemnellement Fre-
» deric Empereur pour n’avoir pas paffé à la T erre
« Sainte, ni fourni les troupes 8c l’argent qu’il avoir
» promis , 8c pour avoir dépouillé les Hofpitaliers
« 8c les Templiers des biens qu’ils poffiedoient dans
» le Royaume de Sicile. Nous avous ajouté à l’ex-
» communication, un interdit général fur toutes
» les Eglifes où il fe prefentera pour affilier au fer-
» vice divin ^ 8c fi malgré nos juftes défenfes, il y
« affilie, nous procéderons de nouveau contre lui,
«comme contre un heretique déclaré. Enfin, s’il
« continue de méprifer les foudres de l’Eglife, nous
» abfoudrons de leur ferment, tous ceux qui lui
» ont juré fidelité, particulièrement fes fujets du
«Royaume de Sicile, parceque, fuivant le fenti-
« ment du Pape Urbain I I. On nef point obligé de
« garder la foi à ceux qui soppofent à Dieu & à fes
336 Histoire de l Ordre
Guérin 33 Saints, ç3r méprifent leurs commandemens : ma¬
-D E
Montaïgu xime bien oppofée à celle de Jefus-Chrift qui a
die que fon Royaume n étoit point de ce monde,.
ôc qu’il falloit rendre à Cefar, ce qui appartenoit
à Cefar.
Cependant, Toit que l’Empereur craignît les
fuites de fes menaces, foit qu’il appréhendât que
Jean de Brienne , qui n’avoit renoncé à la Cou¬
ronne de Jerufalem que par une abdication for¬
cée , ne le prévînt, &c ne fe rétablît fur le trône
de la Paleftine, ilrélolut enfin d’en faire le voyage.
Mais avant que de s’embarquer, &: pour empê¬
cher le Pape de fe prévaloir de fon abfenceil lui
écrivit qu’il avoit laifle un plein pouvoir à Re¬
naud Duc de Spolette , pour terminer à l’amiable
tous les différends qu’il avoit avec lui. Le Pape
n’eut garde d’approuver un voyage qui fembloic
rendre nulle l’excommunicationdl lui récrivit qu’il
ne prétendoit pas qu’il pafsât la mer en qualité de
Croifé, jufqu’à ce qu’il fût abfous des cenfuresde
l’Eglife. Mais l’Empereur n’eut pas d’égard à cette
défenfe y il s’embarqua à Brindes, ôc arriva heu-
reufement au port de faint Jean d’Acre le 8 Sep¬
tembre de l’année 1228.
Le Patriarche avec fon Clergé, les deux Grands
Maîtres des Hofpitaliers ôc des Templiers à la tête
de leurs Chevaliers, les Magiftrats ôc toute la No-
bleffe qui fe trouva dans la ville d’Acre le furent
recevoir à la defeente de fon vaiiTeau avec toutes
les marques de refpeét quiîétoient dues à fa di¬
gnité. Mais étant venu depuis des ordres du Pape
au Patriarche de le dénoncer publiquement pour
excommunié,.
de Malte. Livre III. 337
excommunié avec défenfe expreife aux Ordres Gu I R IN
C E
militaires de lui obéir ; * Frere Guérin de Montaigu Monta igu

Grand Maître des Hofpitaliers, & celui des Tem¬


pliers qui agifloient de concert, refuferent haute¬
ment de fe trouver à l’armée fi l'Empereur y don-
noit l’ordre. Quoique ce Prince n’eût que huit cens
Chroï?. de
chevaux Ôc dix mille hommes d’infanterie, il ne N an g; s ad
laifia pas de fe mettre en chemin , Sc de prendre ann. 1232. ex
Spicrf. fortu¬
la route de Jaffa dont on étoit convenu qu’il fal- it, p. S22>
loit relever les fortifications avant que de s’atta¬
cher au fiege de Jerufalem. L’Empereur outre ces
troupes, étoit encore luivi des Chevaliers Teuto-
niques qui étant fes fujets, ne crurent pas devoir
déférer aux ordres du Pape. Cependant les Hofpi-
taliers & les Templiers, quoiqu’ils fe fuffent fé-
parez du gros de l’armée, ne laiffoient pas de la . .%,
I 22
fuivre de loin, de peur que les Chrétiens ne tom-
baffent dans quelque embufcade de Sarrafins.
L’Empereur qui jugea combien leur fecours lui
étoit néceffaire,. crut dan3 cette conjoncture qu’il
devoir diflîmuler. Il confentit qu’on mît l’affaire
en négociation ^ Sc apres qu’on eut propofé dif¬
ferents expediens, on s’arrêta à celui-ci, que fans
faire mention de l’Empereur, le Confeil de guerre
donneroit l’ordre de la part de Dieu Sc de la Chré¬
tienté j ** Ôc apres cette précaution que les Cheva¬
liers crurent devoir prendre par rapport aux or-
* Prohibentur quoq 11e Hofpitalarii, Templàrii 8C Alemanni illi atten¬
dre, vel in aliquo obedire. ldem3 Liv. 3.part. 11. c. 12. p. 213.
** Magiftri Hofpitalis fandti Joanrris & T'empli refpondermit quia â‘
lummo Pontifïce cul obedire volebant, erant prohibiti ei obfequi vel pa^
rere, pro utilitate ramen terræ 5c populi chriftiani parati erant juxtà alios->
.pergere j dummodo pnecepta vel banna ex parte lu a nullatenùs procla*
■Jîiarentur. Sar.ut. ibid.
Tome h ¥ u'.
Histo ire de l’Ordre
GUde IN ^res PaPe > üs joignirent farinée qui arriva
Mqntaigi; fans obftacle à Jaffa, ôc qui en rétablit les fortifi¬
cations.
Après le départ de l’Empereur, Renauld fit de¬
mander audience au Pape pour traiter de la paix ;
mais le Pontife refufa de l’écouter. Ainfi Renauld
‘ continua à faire la guerre aux fujets du Pape , il
pilla la campagne, il prit des villes , & dans le tu¬
multe des armes ôc des Places emportées l’épée à
la main, on prétend qu’il y eut des Prêtres ôc des
Clercs tuez , d’autres mutilez, ôc quelques - uns
même de pendus.
L’Empereur, dit le Pape dans une de fes Lettres
« adreffée au Cardinal Romain, fe fert des Sar-
» rafîns fes fujets pour ruiner les maifons des Hofi
» pitaliers &: des Templiers, qui jufqu’ici ont con-
« fervé au prix de leur fang les reftes de la Terre
« Sainte.* Il ajoute que lesTempliers dans uneoc-
cafion ayant recouvré les armes à la main des ef¬
fets qui leur appartenoient, ôc que lés Sarrafins
leur avoient enlevez, un Lieutenant de l’Empe¬
reur étoit depuis furvenu, qui s’en étoit emparé
par violence, ôc les avoir rendus aux Infidèles;
» parceque , continue le Pape, ces Chevaliers îï
« braves ôc fi redoutables aux Sarrafins font pro-
fefïion , fuivant leur inftitut, de ne tirer jamais
*> l’épée contre des Chrétiens. ** Ce Lieutenant les
» a même chaffez de leurs maifons,& il a enlevé cent
«

* Chriftianis odiurn exhibet manifeftum ad exterminandas Domus


HofpitaliSj fracrum militiæ Templi, per quas reliquiæ Terræ Sanétæ
Jbadlenùs func obfervatæ. Matt. Paris adann. 1128. p. 348. & 349.
** Ipfîs non audentibus juxtà Ordinis fui inftituta manum armatam
£omra Chrittiaaos erigere. Mm. iùid.
de Malte. Livre III. 339
w efclaves infidèles que les deuxOrdresavoient dans Guérin
d E
« les Convens de lune & l’autre Sicile : il femble Montaigu
» qu’il ait entrepris de détruire ces deux Ordres , ou
« du moins de les réduire à ne dépendre à l’avenir
» que de l’Empereur.
Le Pape pour oppofer quelque chofe de plus
redoutable pour l’Empereur que des excommuni¬
cations & des manifeftes r leva de fon côte' deux
armées ; il mit à la tête de la première Jean de
Brienne que l’Empereur avoit forcé d’abdiquer la
Couronne de Jerufalem. Les Comtes de Gelano
ôc Roger d’Aquila fujets rebelles de Frédéric r mais
que le Pape protegeoit 3 commandoient la fécon¬
dé • & dans cette guerre ,ies Chefs des deux partis
commirent des cruautez inouies - comme fi des
foldats du Pape eufTent appréhendé d’être furpaf-
lez en inhumanité par les Sarrafins qui étoient
dans l’armée de l’Empereur.
Thomas Daquin un des Lieutenans de l’Empe¬ 12.2,9V*
reur ne manqua pas de lui en donner avis. » Les Afatt. Paris <
« troupes du Papelui dit-il dans fa lettre , brûlent ad ann. 1229 >
« les villages 9 enlevent les beftiaux, font prifon- P 5Sh

» niers les habitans qu’ils obligent enfuite à force


« de tourmens de fe racheter ;.il n’y a point de
« cruautez qu’ils n’exercent contre vos fujets 3 fans
» faire attention qu’ils commettent toutes ces vio*
« lences dans les Etats d’un Empereur chrétien r
» & qui eft actuellement armé pour la défenfe de
» la Terre Sainte. Tout le Clergé de l’Empire de-
« mande en quelle confcience le pere commun
« des Chrétiens peut faire la guerre au premier
» Prince de la Chrétienté, de s’il a oublié que lorC
v que faint Pierre voulut, tirer fon épée notre
Vuij:
340 Histoire de l’Ordre
Gu ERIN
D E
» Seigneur lui ordonna de la remettre dans fon fou-
Montaigu « reau, &lui dit que,Quiconque fraperoit du
» glaive,periroit parle glaive. On s’étonne
» encore comment celui qui excommunie tous les
« jours les voleurs ôc les incendiaires, fe fert aujour-
» d’hui des foudres de l’Eglife contre le Roi des
» Romains. Donnez ordre. Seigneur, à la fureté
» de vos peuples, ôc même de votre perfonne • car
» Jean de Brienne qui vous refufe le titre au-
» gufte d’Empereur, tient des vaiffeaux dans la
» plupart des ports d’Italie pour vous furprendre à
» votre retour.
L’Empereur apprit depuis par d’autres lettres
que les Généraux du Pape, apre's avoir chaffé les
Impériaux de la marche d’Ancône, les avoient
pouffez jufques dans le Royaume de Naples ; qu’ils
s’étoient emparez de la ville de S. Germain, Ôc de
la plûpart des autres Places de ce Royaume juf-
qu’à Capoue y que les émiffaires de ce Pontife
avoient fait prendre les armes à differentes * villes
de Lombardie qui s’étoient révoltées en fa faveur;
que cette nouvelle Ligue faifoit la guerre aux au¬
tres Places qui tenoient pour l’Empire, &c que le
Pape avoit envoyé un Légat dans leur armée qui
en dirigeoit toutes les operations ; fource de ces
deux faétions fi connues dans l’hiftoire fous le
nom de Guelphes ôc de Gibelins, dont les premiers
s’étoient déclarez pour les Papes, Ôc les autres ar-
boroient les enfeignes de l’Empire.
Frédéric extrêmement irrité de ces nouvelles,
ôc ne regardant plus le Pape que comme fon en-
* Milan , Verone , Plaifance, Verceil, Lodi , Alexandrie , Trevife»
Padoue} Vincence, Turin, Novare r Mancoue , Breffe, Boulogne ôc
Fajfnce.
de Malt e. Livre III, 341
nemi mortel, réfolut de repaffer promptement en G uder 1H
Italie pour y défendre fes propres Etats. Mais pour Montaigw
pouvoir quitter la Paleftine avec quelque elpece
d’honneur, il fît répandre des bruits quil n y étoit
pas en fureté de fa perfonne , ôc que les Hofpita-
liers ôc les Templiers , à l’inftigation du Pape ;
avoient tâché de le livrer aux Sarrafins. C’eft ce
que Mathieu Paris, Hiftorien contemporain rap¬
porte plus en détail , ôc il dit que les habitans de
la Terre Sainte, & particulièrement les Templiers
ôc les Hofpitaliers pouffez par le démon ôc par le „ B .
1 ir i r 1 • 1 v r • • t- Matt.Paris
pere de la dncorde, & animez de leiprit vindi- adann.1229.
catif du Pape , donnèrent fecretement avis au
Sultan d’Egypte que l'Empereur devoit aller par
dévotion fe baigner dans le fleuve du Jourdain,
ôc que ce Prince feroit ce voyage à pied Ôc en
petite compagnie, Ôc qu'ainfi il lui feroit aifé de
s'en défaire , ou du moins de l’arrêter ^ que le
Sultan ayant reçu la lettre dont il connoiffoit le
fçeau, déteftada perfidie de ces Religieux , Ôc
que ce Prince , au-lieu d’en profiter, renvoya
généreufement la lettre â l'Empereur qui avoit
1 / 1 rr 1 x 1 r 1
déjà reçu diflerents avis de cette trahilon ; que ce
Prince diflîmula leur perfidie jufqu’à un tems
propre pour s’en venger , ôc que ce fut la véri¬
table caufe de la haine qu’il fit éclater dans la
fuite contre ces deux Ordres militaires. Il efl: • .♦ >■*».

Vrai, * ajoute Mathieu Paris, qu'on chargeoit plus


les Templiers de cette perfidie, que les Cheva¬
liers de S. Jean.

* Verumtamen Hofpitalarii minorem notam infamix fuper hoc fa&o


contraxerunt. Matt, F (tris ad arn, hiq. p. 3C7.
Vu üj
342, Histoire de l’Ordre
Guérin
Quoiqu’il en foit, comme l’Empereur necher-
D F.
MON TAIG U choit qu’un prétexte pour pouvoir quitter la Terre
Sainte fans fe deshonorer, il fit négocier fe-
cretement une trêve avec le Sultan d’Egypte
qui fut conclue pour dix ans. Il en déclara en-
fuite publiquement les conditions , qui confit
toient principalement, à ce qu’il dit , dans la:
reftitution de la Ville de Jerufalem que le Sultan
rendroit à l’Empereur avec celles de Bethléem,
de Nazareth, de Thoron, de Sidon-, qu’il lui fe-
roit permis de faire relever les fortifications de
ces Places, ôc de rebâtir les murailles de Jerufa¬
lem, de laquelle il pourroit difpofer comme il
lui plairoit, à la referve du Temple qui demeu-
reroit avec fon parvis ôc fon enceinte aux Infi¬
dèles, qui de leur côté y pourroient faire librement
l’exercice de leur religion..
Ce traité fut exécuté : un grand nombre de fa¬
milles chrétiennes, fur la parole de l’Empereur,
retournèrent dans Jerufalem , des Religieux ôc
même des Religieufes, attirez par la faintecé du
lieu, rentrèrent dans leurs Convents, qu’ils com¬
mencèrent à rétablir. Mais on ne fut pas long-
tems fans découvrir l’illufion de ce traité dans le¬
quel il n’y avoit de réel qu’un deffein d’amufer
Vide Epifl>
les Chrétiens d’Orient, ôc d’en impo fer à ceux d’Oc-
Ceroldi Pa~
trïarc. Hier,
cident. * Car l’Empereur, bien-loin de relever les
idzm ibid» fortifications des Villes qu’il prétendoit qu’on lui
avoit cedées pour en afliirer la polfeflion aux Chré-
* Sibi FratribusTempli & Hofpitalis pr æfentantibus folemniter & inftan-
ter, quod fi vellet firmare fîcut promiferat civitatem , ipfi ei quantum
pofïunt confilium ÔC auxilium ad confie iendum comparaient. Mutt. Paris
*d ann. IZ2£.

t
de Malte. Livre III. 343
GU ER IM
tiens latins, rejetta avec mépris les offres que lui D E
firent les Hofpitaliers ôc les Templiers, de contri¬ M OWIAIGU

buer à mettre ces Places en état de défenfe ^ ainfi


elles démeurerent toujours démantelées, ôc par
confequent au pouvoir des Infidèles qui tenoient
alors la campagne, ôc dont les forces étoient infi¬
niment fuperieures à celles des Chrétiens -, ôc l’Em¬
pereur apres avoir joué, pour ainfi dire, cette co¬
médie en Orient, s'embarqua dans le mois de Mai,
Ôc arriva heureufement dans fon Royaume de izz 9.
Sicile.
La guerre par fa prefence reprit une nouvelle
vigueur. Ce Prince qui étoit grand Capitaine,
la fit avec plus de fuccés que les Généraux du
Pape } il les chaffa de la plupart des Places dont
ils s’étoient emparez en fon abfence. Jean de Brien-
ne quitta même le commandement de l’armée du
faint Siégé, ôc s’en retourna en France , pour
fe préparer au voyage de Conftantinople : il y
étoit appellé depuis la mort de Robert de Cour-
tenay pour prendre foin de l’Empire. Le Pape défef
perant de vaincre fon ennemi avec des armes tem¬
porelles , revint aux fpirituelles qu’il manioit bien
plus heureufement * ôc après avoir réitéré l’ex¬
communication contre l’Empereur ; il y ajouta
cette claufe : » Et dautant que ce Prince par un
» mépris vifible de l’excommunication, n’eft point
« venu fe foumettre à nos ordres, nous déclarons
» abfous tous fes fujets du ferment de fidelité qu’ils
«lui ont prêté: entreprife terrible, ôc qui.auto-
rifoit la révolte de tous les mécontens. Aufli ce
Prince en fut fi épouvanté qu’il employa le crédit
344 Histoire de l’Ordre
Guérin
d E
de plufieurs Cardinaux 6c de differens Prélats quil
Montatgu fit venir expies d'Allemagne pour adoucir l’elprit
du Pape. La négociation dura prés d un an, 6c les
vaincus y donnèrent la loi aux victorieux : l'Em¬
pereur n obtint la paix qu’aprês avoir fait ferment
qu’il fe foumettroit aux ordres du Pape fans aucune
113 0. exception. Il fut abfous à cette condition, 6c par¬
mi les autres articles qu’on exigea encore de ce
Prince, il fut dit qu’il répareroit dans le tems que
l’Eglife lui preferiroit, tous les dommages qu’il
Rotin, ad ann.
avoit caufez à l’Ordre dçs Hofpitaliers 6c à celui
40f. Tl* 9* des Templiers-, qu’il payeroit les frais de la guerre,
6c qu’il rembourferoit au faint Pere tout l’argent
qu’il avoit été obligé de fournir pour ladéfenlè du
Patrimoine de faint Pierre.
L’Empereur pour faire lever l’excommunica¬
tion dont il craignoit les fuites, avoit fouferit à
toutes ces conditions, 6c les avoit exécutées, fur-
tour à l’égard des Hofpitaliers 6c des Templiers,
Mais ce Prince qui confervoit contre ces deux Or¬
dres un vif reffentimentn eut pas plutôt reçu
fon abfolution, que fous differens prétextes, il re¬
commença à les perfecuter. Henri de Moura grand
Jufticier du Royaume de Sicile, tant en de-çà, qu’au
Rain. ad ann. de-la du Phare, mit en fequeftre leurs biens 6c fur.
leurs plaintes, le Pape envoya à Frédéric un Non¬
41S•
ce , pour lui demander juftice de ces violences*
1131. » Si vous fouhaitez , comme vous y êtes obli-
» gé, lui dit ce Pontife dans fon Bref, que les af¬
Preuve
VI. faires de la Terre Sainte profperent, bien-loin
«de perfecuter les Hofpitaliers 6c les Templiers,
» vous devez honorer de votre proteéfion Impe-
« riale
de M' a lte. Livre I IL 545
Vfiale deux Ordres qui parmi des foins difficiles, Guuin' D E
55 & des peines continuelles, & au travers de mille Montaigu
-—-—

«périls aufquels ils sexpofent tous les jours,fou-


« tiennent cet Etat chancelant c’efi le moyen
» de vous rendre agréable à Dieu de recomman-
«dable parmi les hommes. Ce Pontife finitfa Let¬
tre par le conjurer dans, les termes les plus pref-
fans, de'faire refHtuer aux Hofpitaliers de S. Jean
& aux Templiers les biens dont on les avoir fi in-
juftement dépouillez. Frédéric reçut bien le Nom
ce, & lui promit d’avoir de grands égards à la re¬
commandation du Pape-, mais bien-loind’y défé¬
rer, quoiqu’il ne fût que Prince fuzerain de cette
Ifle , il renouvella fes perfecutions, & pour fe ven-
ger de ceux de fes fujets en Sicile qui , pendant
qu’il avoit été excommunié, setoient déclarez en
faveur du Pape le Seigneur dominant, de le premier
Souverain de cet Etat , il les obligea de prendre
la Croix, & par une efpece d’exil, qu’il couvroit
du manteau de la religion & du prétexte de fecou-
rir la Terre Sainte,, il les y relégua , fans fouffrir
qu’ils en reVinffient, ni qu’aprés avoir accompli leur.’
pèlerinage ,, ils retournaffent dans leur patrie.
L’Ordre de faint Jean toujours perfècuté par ce
Prince, perdit cette année Frere Guérin de Mon- 113 ©;*
taigu fon Grand Maître, Seigneur d’une illuftre
naiflance.dansla Province d’Auvergne,mais qui par
fes. vertus avoit encore donné plus d’éclat à fa Mai-
fan, qu’il n’en avoit tiré d’elle. Les Chevaliers de
faint Jean affemblez en chapitre , mirent en fil BerTRANSM
D£ T E X
place Frere Bertrand de T e x 1 s, qm en
fuivant. les traces de fon prédeceffeur, n’eut pas
Tome L. Xx.
346 Histoire de l Ordre
Bertrand moins d’attention aux affaires de l’Etat , qu’au
DF. Te XI s- . v J 1
—— crouvernement
o
de 1 Ordre.

La Paleftine, depuis l'abdication de Jean de


Brienne , privée de la prelence de Ion Souverain,
etoit alors comme un vaiffeau ians pilote, tou¬
jours agité par de nouvelles tempêtes, & qui au-
roit péri fans le fecours continuel des Hofpitaliers
<k des Templiers. Je ne parie point des Chevaliers
Teutoniques , parceque des l’an 1226 la plupart
étoient paffez dans la Pruffe, dont leshabitans en¬
core idolâtres, faifoient une cruelle guerre aux
Chrétiens leurs voifins, maffacroient les Prêtres
jufques aux pieds des Autels, 8c employoient les
vafes facrez à des ufages profanes. Conrard Duc
de Mazovie appella à fon fecours les Chevaliers
Teutoniques, &leur donna pour commencer leur
établiffement, tout le territoire de Culme,avec les
terres qu’ils pourroient conquérir fur les Infidè¬
les. Hermand de Salza leur Maître y envoya un
Dusburc, de (es Chevaliers appelle' Conrard de Lansberg,
chron. Pruf qL1i conclut ce traité, auquel foufcrivirent trois
c'1% Evêques du pays, Gonther de Mazovie, Michel
de Cujavie, 8c Chrétien de Pruffe. Les Teutoni¬
ques pafferent depuis dans ces Provinces du Nord,
où par des guerres continuelles, ils acquirent fuc-
__— ceilivement entoutefouveraineté laPruffe Royale
1% 32. 8c Ducale , la Livonie, & les Duchez de Curlande
8c de Semigal, toutes Provinces dune vafte éten¬
due , 8c capables de former un grand Royaume.
On voit par ce que nous venons de dire, que
Ja défenfe de la Terre Sainte , ne confiftoit plus
que dans les armes des Hofpitaliers 8c desTem-
de Malte. Livre III. 347
pfiers. Il eft vrai que l’Empereur qui connoiffoit Bertrand
DE TexIS-
bien que ce petit Etat ne pourroit pas le foutenir
par lui-même, avoit promis avant Ion départ aux
dcuxGrandsMaîtres & aux principauxSeigneurs du
pays , d’y faire paffer à fon retour un puifiant corps
de troupes, qu’il devoit entretenir à fes dépens-, &:
il s’étoit même engagé d’y envoyer le Prince Con-
rard fon fils,auquel le Royaume de Jerufalem ap-
partenoit du chef de l’Imperatrice Yolante fa mere,
fille de Jean de Brienne & de la Princelfe MariC
Mais ce Prince à fon retour occupé du deffein
de faire reconnoître l’autorité Impériale par
toute l’Italie , rélervoit toutes fes forces pour
l’execution de ce grand projet, & fembloit avoir
oublié les intérêts de laPaleftine. LaPrincefle Alix
four uterine de la Reine Marie, fortie comme
elle de la Reine Ifabelle de Jerufalem , Sc alors
veuve de Hugues de Lufignan Roi de Chypre, SdŸlïit* {i

paffa en Syrie ,, voulant fe prévaloir de l’abfence ôc /J. p. 214*°

de l’éloignement de l’Empereur, & demanda d’être


reconnue pour Reine de Jerufalem. Mais quelques
mauvais traitemens que les deux Ordres militai¬
res euffent reçu de l’Empereur, les deux Grands
Maîtres s’oppoferent aux prétentions de cette Prin-
celle, & ils lui firent dire, qu’il n’y avoit que la
mort ou l’abdication volontaire du Prince Con-
rard qui pût faire palier la Couronne fur fa tête,
L’Empereur inftruit de ces mouvemens, & crai¬
gnant que la Reine douairière de Chypre ne mît
à la fin, les deux Ordres dans fes intérêts,envoya
dans laPaleftine u*n corps de troupes Allemandes,
&: mita leur tête en qualité de fon Lieutenant^
X S ij,
?48 H I S T O ire de l’Ordre
'.Eertr and Richard fils d’Auger, Maréchal de les armées. Ce
.DE T E X l S.
•Général étant débarqué à S. Jean d’Acreau lieu
d’adoucir les efpnts, ôc de s’appliquer à rendre la
domination de Ion maître ôc fa propre auto-,
rite agréable aux habitans de la ville 3 ôc aux
i Z 3 z.
Seigneurs du pays, les traita avec une extrême du¬
S an ut. Liv. reté ; mit des impôts jufqu alors inconnus dans la
5. part. 11. c.
Paleltine, ôc taxa les plus riches citoyens. Il dé-
n* F*g-&*.
pouilloit les uns de leurs biens , maltraitoit les
autres , ôc les traitoit tous comme il auroit fait
des Infidèles, ôc dans un pays de conquête. Les
habitans ôc fes principaux Seigneurs, apres avoir
pendant quatre à cinq ans effuyé toutes les ava¬
nies que l’avarice foutenue de la fouveraiae puif.
fince peut exercer, épuifez de biens ôc de patience,
êc fans autre reflburce que leur courage y prirent
les armes, chafferent ces Allemands de la ville, ôc
les obligèrent de le réfugier dans Tyr, qui étoit la
feule Place qui leur rellojt, Ôc où Jean d’Hybelin
Seigneur de Barut ôc de Jaffa chef de la Noblefle
fe difpofok à les alliéger.
L’Empereurfurprisj&allarmé de ces nouvelles,’
eut recours à l'autorité du Pape ; il le pria de l’em¬
ployer en fa faveur auprès du Grand Maître Texis
ôc des Chevaliers de faint Jean : ôc pour regagner
l’eftime ôc la confiance de cet Ordre qu’il perfe-
cutoit depuis fi long-temsil remit les Chevaliers
en poflçflion de tous les biens dont il les avoir dé<
1 z 3 8. pouillez fi injuftementl
Le Pape à la priere de ce Prince, envoya l’Ar¬
f R iWVï chevêque de Ravenne à la Terre Sainte en qua¬
yjj. lité de Légat du S. Siégé, ôç le chargea de lettres
•de, Malte. L i v r 12 III. 549
‘très prenantes pour le Grand Maître ôc le Confeil
-de l’Ôrdre,par lefquelles il les exhortoit à employer ————
leur prudence Ôc 1 autorité' quils avoient dans la
Paleitine pour calmer ces mouvemens. Le Grand
Maître après avoir reçu les Brefs du Pape , donna
tous fes loins à réunir les efprits j il en vint heu-
reufement à bout par fon habileté' foutenue de la
puifïance de fon Ordre, ôc il rétablit l’autorité de
lEmpereur dans S. Jean d’Acre , ôc dans les autres
Places de la Paleitine.
Les forces des Chrétiens latins étant confidera-
blement diminuées dans la Terre Sainte par une
vidtoire que le Sultan d’Alep remporta en ce tems-
là fur les Templiers, le Grand Maître des Holpi-
taliers tira par une citation un grand nombre de
Chevaliers d Occident. On vit, dit Mathieu Paris, —--
fortir de la Maifon Hofpitaliere de Clerkenvelle 1 9*
fituée dans Londres, un grand nombre d’Hofpi-
taliers les armes hautes, précédez de frere Theo-
doric leur Prieur, Allemand de Nation, qui par¬
tirent pour la Terre Sainte à la tête d’un corps
confiderable de troupes à leur folde. Ces Cheva¬
liers, dit-il, palfant liir le pont de Londres, fa-
luoient le capuce bas tous les habitans qui étoient
accourus fur leur palfage, Ôc fe recommandoient
à leurs prières. *
Pendant que l’Ordre droit de l’Angleterre des
fecours pour la Terre Samte, il en fournilToit de
bien plus confiderables aux Rois chrétiens des Ef
pagnes, qui étoient tous les jours aux mains avec

* Fratres verô inclinatis capitibus hinc indè caputiis çiepoiîtis Te


fciamium precibus commendarunt. farts ad arm. 1237. />. 444-
. Xx iij
550 Histoire de l'Ordre
Bfrtrand
les Maures du pays. Dom Jaime premier du nom;,
DE T E X IS.
Roi d’Arragon, après les avoir heureufemenc chaf-
fez des Ifles de Majorque & de Minorque , en¬
treprit la conquête du Royaume de Valence : il
mit en mer une puiffante flotte , & Ton armée de
terre étoit compofée de plus de foixante mille
hommes : la puiflfance des Rais d’Arragon n’avoit
point encore paru fi redoutable. Tant de forces
n’étonnerent point Zaêl Roi de Valence , & le plus-
brave des Princes Maures y mais comme il n’avoit
point d'armée capable de tenir la campagne de¬
vant celle de Dom Jaime, il s’enferma dans fa Ca¬
pitale. Il vit bien-tôt les Chrétiens aux pieds de
les murailles : il le défendit avec beaucoup de cou¬
rage -, & quoiqu’affiegé par mer & par terre ,1e Roi
d’Ârragon ne put gagner un pied de terrein , qui
ne lui coûtât les plus braves loldats. Les Maures
faifoient de fréquentes forties, où il y avoit tou¬
jours beaucoup de fang répandu. Le fuccès du
fiege devenoit de jour en jour plus incertain. Dom
Jaime voyant diminuer fes troupes y appella à fôn
fecours les Hofpitaliers de S. Jean} frere Hugues
de Forcalquier, Châtelain d’Empolte & Lieutenant
du Grand Maître , arriva au camp à la tête d’un:
grand nombre de Chevaliers Elpagnols ; ôc pour
rendre ce fecours plus utile, il y avoit joint deux
mille hommes de pied , qu’il avoit levez parmiles>
valfaux de l’Ordre, ôc à les dépens,.
Le Roi ne le vit arriver fi bien accompagné y,
qu’avec beaucoup de joye 5 le fiege prit une nou¬
velle face j une louable émulation fe mit parmi
les Chrétiens, Les Chevaliers fe diftinguerent h
de Malte. Livre IIL 351
leur ordinaire par leur intrépidité ; ils emportè¬ Bertrand
de Te x 1 s.
rent plufieurs ouvrages avancez l’épée à la main,
Zael refTerré par la perte de ces portes, le renfer¬
ma dans le corps de la Place. Il y tint encore quel¬
que tems j enfin preffé par le défaut de vivres,
8c apre's avoir perdu l’élite de fa garniion, il capi¬
tula, 8c remit la Place au Roi d’Arragon. Le rerte
du Royaume fuivit l’exemple de la Capitale : tput
plia fous la puiffance du Vainqueur, 8c la Cou¬
ronne de Valence fut jointe à celle 'd’Arragon.
Dom Jaime avoua publiquement qu’il devoit une
fi importante conquête à la valeur des Hofpitaliers j
il les en récompenfa en Prince genereux& liberal,
8c il donna à l Ordre en pure propriété la ville de
Cervera avec toutes fes dépendances , Afcola ,
Alcocever, 8c la campagne de S. Mathieu.
Mais des récompenfes d’un fi grand prix , 8c
qui fervoient de témoignage à leur valeur , exci¬
tèrent depuis la haine 8c l’indignation des Evê¬
ques voifins ; car le Châtelain d’Empofte ayant
reçu ordre du Grand Maître, dont il étoit Lieu-
tenant en Arragon, 8c dans la principauté de Ca¬
talogne, d’en tirer les domertiques 8c les vaffaux
de l’Ordre pour peupler ces villes remplies alors
d’habitans infidèles -, 8c cette colonie qui arboroit
la Croix, n’ayant point voulu, fuivant les anciens
privilèges des Hofpitaliers, fe foumettre au droit
de dixmes, on fut étrangement furpris d’appren¬
dre que les Evêques , au lieu de concourir à la
converfion des Maures qui étoient rejftez dans ces
Places, avoient jetté un interdit général fur tout
le pays cédé à l’Ordre par le Roi d’Arragon.
V

352,' Histoire^ de l’Ordre


Bertrand Le Pape n’apprit qu’avec beaucoup d’indigna¬
DE TE X I S.
tion cette entreprife contre les privilèges accor¬
Preuve. dez à. cet Ordre militaire par. un fi grand nombre
VIII..
de Tes prédeceffeurs.. Il leva auffi-tôt cet injufte
interdit^attendu que fuivant les Bulles des fouve.^
rains Pontifes , l’Ordre ne relevoit que du faint Sié¬
gé, & il défendit fous de grieves peines, qu’on eût à
inquiéter à l’avenir les fiijets d’un Ordre dont les
Religieux n’employoient leurs biens & même
leurs vies ,.que pour la défenfe de la Chrétienté.
Cependant,, au préjudice d’une, défenfe fi fo-
lemnelle, l’Evêque de faint Jean d’Acre recom¬
mença en Orient, à, troubler ces Chevaliers fin¬
ie droit de dixme ,. fous prétexte que depuis la
perte de Jerufalem, de l’établifiement de l’Ordre
dans faint Jean d’Acre, ils avoient acquis,dans
cette Ville, & dans d’autres Places de fon Diocéfe,,
differentes fortes de biens qui n’étoient point dans
l’Ordre dès les premiers tems de fa fondation. Ce
Prélat cacha fon defïein; de fa marche ,, ôc fous un
autre prétexte, il fe rendit auprès du Pape. Il lui*
reprelenta que les Hofpitaliers ,à la faveur de. leurs;
conquêtes ou de leurs acquifitions , abforboient
tous les revenus de. l’Epifcopat. Il renouvella en
même tems les plaintes ameres que Foulcher Pa¬
triarche de Jerufalem avoir faites au Pape Adrien
IV. au fujec des interdits de des enterremens dont
nous avons déjà parlé , &: il conclut.en fuppliant
fil Sainteté de donner des. explications aux Bulles
defes prédeceffeurs,conformes aux droits de l’Epif-
copat,&quinfiffent des bornes aux privilèges des;
Chevaliers,,
lia-

%
de Malte. Livre III. 553
Le Pape renvoya l’examen de ces griefs à Jac- Be*jr-ani>
I J u DE I E X I S
ques de Pecoraria Cardinal, que ce Pontife avoir -—’’
chargé des affaires de la Palestine. L’Evêque d’Acre
porta à fon tribunal un long mémoire de ces griefs,
ôc dans lequel l’Ordre de laint Jean étoit peu mé¬
nagé. Le Cardinal le fit communiquer à Frere An¬
dré de Foggia qui réfidoit alors en Cour de Rome,
en qualité de Procureur general des Hofpitaliers.
Ce Religieux foutint les interets de fon Ordre
avec le zele qu’il devoit, ôc fit voir que l’Evêque
de faint Jean d’Acre, fous l’apparence de griefs
nouveaux, nefaifoit que renouveller les anciennes
prétentions du Clergé de la Paleftine,rejettées dans
l’aflemblée de Ferentino. Le Pape fur le rapport
de ce Cardinal, renvoya le jugement de cette af¬
faire au Patriarche de Jerufalem, à l’Archevêque
de Tyr ôc à l’Abbé de faint Samuel d’Acre. L’Evê¬
que ne pouvoit pas fouhaiter des juges moins full
peéte} cependant ce s Prélats, quoi qu’intereflez
dans la même affaire, mais juftes témoins qu’ils
ne fubfiftoient eux-mêmes que par le fecours des
Chevaliers, obligèrent leur confrère à fe défifter
de fes prétentions.
Je ne fçai fi c’eft à ce Prélat ou à quelqu’autre
ennemi de l’Ordre qu’on doit attribuer des avis
qu’on donna en ce tems-là au Pape que les Hof¬
pitaliers. s’abandonnoient aux plus grands defor-
dres, &: qu’un Prince grec ôc fchifmatique, qui
étoit actuellement en guerre contre les Latins, en
tiroit des fecours d’armes ôc des chevaux. Grégoire
lX. quioccupoit alors la Chaire de S. PierrerPon-
cife plein de feu ôc d’ardeur, en écrivit aulfi-tôt
Tome I. Yy
354 Histoire de l’Ordre
Bertrand
de Texis.
au Grand Maître 8c à tout l’Ordre, en des termes
remplis d’un zele amer. L’exa&itude qu’exige le
devoir d’un Hiftorien fîdele ne permet pas de paf-
fer fous filence Ton Bref, qui le trouve d’ailleurs
tout entier dans l’Annalifte de l’Eglife.
« Nous avons appris avec douleur, dit ce Pape^
I 2, 3 8.
» que vous retenez dans vos Maifons des femmes
» dune vie déréglée, &: aveclefquelles vous vivez
Preuve » dans le defordre ; que vous n’obfervez pas plus
IX. » exactement le voeu de pauvreté, 8c que des par-
» ticuliers parmi vous polfedent de grands biens
55 en propre ^ que moyennant une rétribution an-
55 nuelle, vous protégez indifféremment tous ceux
55 qui ont été admis dans votre Confrairie ; que
5> lous ce prétexte, vos Maifons fervent d’azile à
55 des voleurs, à des meurtriers & à des hereti-
55 ques j que contre les interets des Princes latins,
55 vous avez fourni des armes 8c des chevaux à
55 Vatace l’ennemi de Dieu 8c de l’Eglife ; que vous
55 retranchez tous les jours quelque chofe de vos
55 aumônes ordinaires *, que vous changez les tefi
55 tamens de ceux qui meurent dans votre Hôpi-
55 tal, non fans foupçon de faulfeté $ que vous ne
»5 foulfrez point que ceux qui s’y trouvent, fe con-
55 felfent à d’autres Prêtres qu’à ceux de votre Or-
55 dre ou à ceux qui font à vos gages. On dit même,1
55 ajoute le fouverain Pontife, que plufieurs de vos
5J freres font fulpeéls d’héréfie.
Le Pape à la fin de ce Bref, exhorte le Grand
Maître! corriger de fi grands abus : il ne lui donne
pour y travailler que l’elpace de trois mois, finon
par le même Bref en date du 13 Mars U38, il or-
de Malte. Livre III. ^
donne à l’Archevêque de Tyr de fe tranfporter Bertrand
de Texis.
dans la Maifon Chef d’Ordre , ôc de s’appliquer
inceffamment en vertu de l’autorité apoftolique à
là réforme de ce grand corps de Religieux mili¬
taires, tant dans le chef, que dans les membres.
Il eit furprenant, apres les témoignages hono¬
rables qu’en 12.18, André Roi de Hongrie, ôc té¬
moin oculaire, avoit rendus à la vertu de ces Che¬
valiers , qu’on trouve dans les Brefs de ce Pontife de
fi cruels reproches contre cet Ordre. Peut-être
étoient-ils l’effet de la haine & de la calomnie de
leurs ennemis : peut-être auffi eft-il vrai-fembla-
ble que le Pape n’auroit pas fait un fi grand éclat
fans être convaincu de leurs déréglemens. Un fi
grand changement dans leurs Maifons , s’il étoit
vrai, doit faire trembler les Societez les plus faintes
ôc les plus aufteresôc leur apprendre qu’en moins
de vingt ans, elles peuvent dégénérer de leur pre¬
mière régularité, ôc tomber dans les defordresles
plus affreux.
Quoi qu’il en foit de la vérité ou de la fauffeté
de ces accufations , il eft certain que dans le mê¬
me fiécle, ôc fous le même Pontificat, l’efprit de
pénitence ôc de charité étoient encore en honneur
parmi les Hofpitaliers, ôc que plufieurs Chevaliers
de ces temsdà font encore aujourd’hui rêverez
comme des Saints.
Tels font les bienheureux Hugues , Gérard
Mecati de Villemagne, Gerland de Pologne, tous
Hofpitaliers de l’Ordre de S. Jean, quivivoient dans
ce fiecle, qui méritèrent d’être canonifez par les
;voeux & les fuffrages anticipez du peuple chrétien.
N
* Histoire de l’Ordre
Bertrand
Le bienheureux Hugues Précepteur ou Com¬
de Te x is.
mandeur de la Commanderie de Gennes, fe dé¬
voua au fervice des pauvres ôc des Pèlerins dans
l’Hôpital dont il avoit la diredion. Le procès ver¬
bal de fa vie que drefTa après fa mort Othon de
Fiefque Archevêque de Gennes par ordre ex¬
près du Pape Grégoire IX. rapporte que fa vie
étoit une pénitence continuelle, accompagnée de
ferventes prières & d’une charité fans bornes en¬
vers les pauvres ôc envers les Pèlerins. Selon la
relation de cet Archevêque, il ne mangeoit jamais
de viande : fon jeûne duroit toute l’année, fi on
en excepte le faint jour du Dimanche. Il portoit
en tout teins un long cilice lié fur la chair avec
une chaîne de fer, une table lui fervoit de lit, ôc
il l’avoit placée dans une grotte audeffous de l’Hô¬
pital, ôc du côté qui regarde la marine. Il paffoit
les jours entiers ou dans la priere ou dans le fer-
vice des malades ; ôc s’il furvenoit des Pèlerins, il
leur lavoir les pieds, ôc les baifoit avec une pro¬
fonde humilité. Ce fut dans la pratique continuelle
de ces vertus que le bienheureux Hugues confom-
ma fon facrifîce.
Le bienheureux Gérard Mécati vivoit à peu
près dans le même tems. Il étoit né à Villemagne ,
Bourgade qui n’eft éloignée que de trois ou de
quatre milles de la célébré ville de Florence. Il en¬
tra de bonne heure dans l’Ordre des Hofpitaliers
en qualité de Frere fervant, ôc il en remplit le titre
ôc les fondions avec un zele ôc une charité ardente
envers les pauvres. Après avoir paifé une partie
de fa vie dans les Hôpitaux de la' Religion, le defir
de Malte. Livre III. 557
d’une plus grande perfection , l’amour de la re¬ Bertrand
de Te x i s.
traite & de la folitude , lui firent obtenir de fes
Supérieurs la permiflion d’achever fes jours dans
un deTert. Il s’enferma dans une pauvre cabanne,
n’ayant pour vêtement qu’un long cilice, & pour
nouriture que des herbes & des fruits fauvages.
Paul Mimi dans fon Traite de la Noblefle de
Florence , parle du bienheureux Gérard en ces
termes : » Ge'rard Mécati natif de Villemagne ,
fut Frere fervant dans la très illuftre milice des
» Chevaliers de faint Jean de Jerufalem , & on peut
« avec juftice le nommer un fécond Hilarion. Ce
m fut vers l’an 1141, que ce pieux folitaire acheva de
» vivre, & paffadans la focietê des Saints.
Frere Gerland de Pologne, d’autres difent d’Al¬
lemagne , Chevalier de l’Ordre, qui vivoit dans le
même tems, ne fe rendit pas moins illuftre par fa
pieté que par fa valeur. Il avoit conlommé une
partie de fa vie dans les guerres contre les Infi¬
dèles. Ses Supérieurs l’envoyerent depuis à la fuite
de l’Empereur Frédéric II. pour y maintenir les
intérêts de la Religion : il y devint bien-tôt l’ex¬
emple de toute la Cour -, & après s’être acquitév
de fes emplois à la fatisfa&ion du Grand Maître,
il fe retira avec fa permiflion dans la Comman-
dene de Catalagirone. Il y menalerefte de fes jours
une vie toute angelique. Je ne parle point, ni de
fon application à la priere , ni de fes aufteritez
continuelles, je m’arrêterai feulement aux vertus
de fon état & d’un véritable Holpitalier. C’étoit
le pere des pauvres, le protecteur des veuves, le
tuteur des orphelins, l’arbitre général, & l’amia-
358 Histoire de l Ordre
Bertrand
I)F I PYH.
Ble compofiteur
1
de tous les différends : tous_ exem-
pies qui juftifient que dans ce tems-la lelprit de
charité, 6c l*amour de la pénitence n’étoient pas
éteints danslOrdre, comme un délateur inconnu
l’avoit voulu perfuader au Pape. A l’egard du re¬
proche que ce Pontife fait aux Hofpitaliers da-
voir fourni des armes & des chevaux à un Prince
Grec appelle Vatace , outre que je n’y trouve gueres
plus de fondement que dans les autres acculations
dont on avoit tâché de noircir leur réputation,;
tout ce que le Pape dit de ce Vatace, qu’il traite
dans fon Bref d’ennemi de Dieu 6c de l’Eglife, dé¬
pend d’une fuite d’évenemens que par rapport à
î’hiftoire que j’écris , il eft à propos d’éclaircir.
Pendant la derniere révolution & le tumulte
que caufoit dans Conftantinople la prife de cette
Capitale de l’Empire par les Croifez, des Princes
Grecs 6c la plupart iffus deMaifons Impériales, pour
fe fouftraire à la domination des Latins, fe retirè¬
rent en differentesprovinces de l’Empire3s’y canton*
nerent & s’en firent les Souverains. Ifàac Comnene,
d’autres l’appellent Alexis, alla fonder un nouvel
Empire fur les confins de la Cappadoce &: de la
Colchide, 6c dont la ville de Trebifonde fituée fur
la mer noire, devint la Capitale. Les Princes Mi¬
chel 6c Théodore Comnene s’emparèrent de l’Em¬
pire 6c de l’Albanie , 6c Théodore Lafcaris le plus
puiffant 6c le plus redoutable de ces Princes, après
avoir conquis la plus grande partie de la Bithinie,
défait les Turcomans qui l’occupoient, tué de fa
main dans une bataille le Sultan d’Iconium ,. prit:
les ornemens impériaux à Nicée, fe fit déclarer
de Malte. Livre III. 3^9
Empereur, 8c laiffa depuis ce grand Titre à Jean Bertrand
de Te x i s»
Ducas Ton gendre, furnommé Vatace : ce quipour-
roit faire ioupçonner que ce Prince n’étoit de la
Maifon Impériale des Ducas que par les femmes.
Au fchîlme pre's , c’étoit un des plus grands
Princes de fon fiécle , fage, laborieux, vigilant,
toujours attentif aux évenemens, 8c ne perdant
jamais de vue la difpofition des Etats voifins du
fien. Toutes ces provinces lui préfentoient égale¬
ment des ennemis. Il en regardoit les poffeffeurs,
foit Chrétiens ou Mahometans comme autant d’u-
furpateurs j mais fage dans la diftribution de fes
deffeins , il prenoit fi bien fes mefures, quil n’a-
voit jamais en tête qu’un feul ennemi à la fois. Il
ne manquoit gueres de prétextes pour faire la
guerre • 8c s’il ne la faifoit pas heureufement, il
manquoit encore moins de reffources pour faire
la paix. C’eft ainfi que pour empêcher que les
Papes ne fiffent palier des fecours aux Empereurs
Latins de Conftantinople , il affeéta de faire pa-
roître un grand zele pour la réunion de l’Eglife
Greque avec l’Eglife Latine, 8c il pouffa la feinte
julqu'à faire tenir à ce fujet des conférences dans
fon Palais où il afliftoit, 8c où pour concilier les
efprits il affeéloit le caradrere de médiateur defiiv
tereffé: Ce fut par une conduite aufli habile , au¬
tant que par fa valeur, qu’après avoir chaffé les
Empereurs Latins de l’Afie mineure , il porta fes
armes en Europe, 8c les fut attaquer jufques dans
le centre de l’Empire.
Tel étoit ce fameux Vatace avec lequel on ac-
cufoit les Hofpitaliers d’entretenir des relations.
3éc Histoire de l’Ordre
Bertrand Mais fi on fait réflexion que ce Prince Grec étoir
de T e x is.
fouvent aux mains avec les mêmes Infidèles auf-
quels les Chevaliers de faint Jean faifoient une.
guerre continuelle • doit-on trouver étrange que
dans une caufe commune, ôc en qualité dalliez^
ils euflfent affilié ce Prince de chevaux ôc d'armes i
D’ailleurs je ne fçai comment les Hofpitaliers ayant
des Maifons dans Conftantinople , on pouvoir
leur faire un crime de garder quelques mefures
avec un Prince fi puiffant, ôc qui étoit à la veille
de fe rendre maître de cette Capitale de l’Empire,.
Cet Empire conquis fi glorieufement par les
Croifez dès la première année de leur établiffie-
ment, étoit bien déchu de fon ancienne grandeur
& de fa puiffance. Outre les Ifles de l’Archipel dont
les Vénitiens ôc les Génois s’étoient emparez, on
vient de voir que le Marquis de Montferrat avoit
eu pour fa part des conquêtes, la Theffalie ôc les
Provinces voifines érigées en Royaume , ôc que
des Princes Grecs de leur côté avoient mis en pie'-
ces ôc démembré ce malheureux Empire.
Baudouin le premier Empereur Latin n’eut pas
été plutôt reconnu pour Empereur, que dans l’im¬
patience de fignaler fonavenement à cette grande
dignité, il forma le fiége d’Andrinople dont les ha-
bitans s’étoient foulevez. JoaniffieRoides Bulgares-
ôc des Valaques, quis’étoit fouflraitde la domina¬
tion des Grecs ^ Prince vaillant, mais féroce ôc
cruel, ôc qui craignoit que l’Empereur ne l’attar
quât à fon tour, vint au fecours des affiegez.. Il'
étoit à la tête d’une armée nombreufe, compofée
des Bulgares ôc des Valaques fes fujets, &il avoit à
de Malte. Livre III. 361
"Bertrand
fa folde des Grecs 6c même des Turcomans. Bau¬ de T e x 1 s.
douin à fon approche leva le fiege , s’avança à fa
rencontre, 6c lui donna bataille. Ses troupes en¬
foncèrent tout ce qui fe préfenta devant eux. Bau¬
douin emporté par fon courage 6c par l’efperance
de la viéLoire y s’abandonna imprudemment à la
pourfuite d’un ennemi qui fuyoit avec art, 6c pour
l’attirer dans une embufcade. Le nouvel Empereur
de Conftantinople trop éloigné du gros de fon ar¬
mée , fe vit enveloppé par les Bulgares 6c par les
Valaques, qui apres avoir taillé en pièces les
troupes qui l’avoient pu fuivre, le firent prifon-
nierr Joaniffe le tint quelque tems dans le fond
d’un cachot chargé de chaînes : il ne l’en tira que
pour Le faire périr par un cruel fupplïce. Apres lui
avoir fait couper les bras 6c les jambes, on le jetta
dans une valée, où cet infortuné Prince vécut en¬
core trois jours expofé aux bêtes féroces dont il
Revint la proye , 6c qui en firent leur pâture.
Le Prince Henri fon1 frère lui avoit fuccedé, 6c
gouverné l’Empire avec differents fuccès pendant
Fefpace de dix ans. On prétend que les Grecs s’en
défirent par le poifon. Ce Prince étant décédé
comme fon frere aîné fans enfans, laiffa le trône
à Pierre de Courtenai fon beau-frere-, Prince du
Sang Royal de France. Ce nouvel Empereur , à la
faveur d’un traité d’alliance fait avec Théodore
Comnene , paffant par fes Etats pour fe rendre à
Conffantinople , fe vit arrêté dans les montagnes
d’Albanie, 6c le perfide Grec le fit mourir. La
Couronne regardoit Philippe Comte de Namur,
fils aîné d e l’Empereur Pierre-, mais ce jeune Prince’*
Tome L Zz
$6i i Histoire de l’Ordre
Bertrand préférant apparemment une Principauté tran-
de T e xi s.
quile ôc un Etat folideù un Trône chancelant, ôc
au vain titre d’Empereur, céda fes droits au Prince
Robert Ton frere, qui arriva à Conftantinople vers
la fin de l’année 112,0. If eut pendant Ton régné
deux eripemis redoutables à combattre. Jean Du-
cas & Théodore Comnene le cruel .Meurtrier de
l’Empereur fon pere, ôc l’un ôc l’autre fans agir de
concert, lui enlevèrent chacun de leur côté la
plupart des Places qui couvroient celle de Conf¬
tantinople. Un troifiéme ennemi & bien plus dan¬
gereux que les deux premiers, mit le comble à fes
difgraces, Il y avoit dans Conftantinople une jeune
Demoifelie d’une rare beauté , originaire de la
province d’Artois ôc fille de Baudouin de. Neu¬
ville, Chevalier qui s’étoit. trouvé à la conquête
de Conftantinople. Cette Demoifelle devoit épou-
fer au premier jour un Seigneur Bourguignon avec
lequel elle étoit déjà fiancée. Ses parens l’ayant,
prefentée à l’Empereur pour obtenir fon agrément,
ce jeune Prince fut frappé de l’éclat de fa beauté;,
une paffion violente s’empara de Ion. ame *, Ôc
quoiqu’il n’ignorât pas que la jeune Neuville étoit
engagée avec un Seigneûr de fa Cour , ne trou¬
vant point d’autre voye pour fe fatisfaire, il ré-
folut de l’époufer. La mere Ôc la fille éblouies à leur
tour par l’éclat d’une, Couronne, mépriferent leurs
premiers engagemens • la mere conduifit fa fille
dans le lit de l'Empereur. Sanut dit formellement
qu’il l’avoit époufée. Baudouin d’Avefile au con¬
traire femble vouloir faire entendre qu’il n’en,
coûta pas fi çfier à ce Prince pour en jouir. Quoi
(

de Malte. Livre III. 363


Bertrand
qu’il en foit, le Bourguignon qui devoit époufèr de Te x 1 s.
la jeune Neuville , n’apprit fa difgrace que quand
il n’étoit plus tems de s’y oppoler. Ce Seigneur
outragé , affemble fes parens ôc fes amis , ôc leur
demande du fecours contre un Prince qu’il traitoit
de tyran. Toute cette Nobleffe entre dans fon ref
fentiment, &: par une hardieffe furprenante, pé¬
nétre la nuit dans le Palais, fe faifit de la mere ôc
de la fille. On jette la mere enfermée dans un fac
au fond de la mer, ôc les Conjurez apres avoir
coupé le nez ôc les levres à la fille, fe retirèrent.
L’Empereur fe flattoit de trouver dans le relie des
Seigneurs de fa Cour des vengeurs d’une fi cruelle
infolence ; mais il fut bien furpris d’apprendre que
les uns en étoient les auteurs, ôc que les autres ne
dilfimuloient pas qu’ils n’en auroient pas moins
fait s’ils avoient été l’objet d’une injuftice auffi
criante. Robert défefperé de fe voir méprifé de
les fujets., ôc de trouver des ennemis domefliques
plus cruels même que des barbares ôc des étran¬
gers , s’embarqua pour l’Italie. Il efperoit d’en ti¬
rer de puiffans fecours, & revenir dans fes Etats à
la tête d’une armée qui le fit craindre de fes en¬
nemis ôc relpeéter de fes fujets -, mais après avoir
erré en differentes contrées , il mourut en chemin
d’un excès de douleur , ôc il ne put furvivre à la
maniéré indigne dont on l’avoit traité.
Jamais l’Empire n’avoit été dans un état; fi dé¬
plorable : rempli de divifions au dedans ôc au
dehors - attaqué de tous cotez par des ennemis
puiffans, il ne lui rèftoit pour toutereffource
pour fucceffeur au Trône Impérial,que lé troifiéme
■«P Z z ij ;

1
4

5<4 H i stoire de l’Ordre


Bertrand
de Te x i s.
fils de Pierre de Courtenay appelle' Baudouin IL
jeune Prince à peine âgé de neuf à dix ans, &: par
confequent incapable par fon âge , & fur-tout
dans des conjonctures fi fâeheufes, de gouverner
l’Etat.
Dans une fi trifte fituation, les Seigneurs Fran¬
çois de Conftantinople eurent recours à Jean de
Brienne,que nous avons vu Roi de Jerufalem*
pour en faire leRegent & le défenfeur de l’Em¬
pire ; & pour l’engager à fe charger du gouver¬
nement, on lui défera le titre même d’Empereur,
pour en jouir fa vie durant, toutesfois fans pré¬
judice des droits du légitimé heritier, fuivant un
ancien ufage pratiqué en France , où les tuteurs
ou bailliftres des enfans mineurs nobles, fe difoient
Seigneurs de leurs biens, &les relevoient en cette
qualité des Seigneurs dominans.
Jean de Brienne fe rendit à Conftantinople^
prit en main les rênes du Gouvernement, repouf-
fa & défit l’Empereur Vatace, Sc Azen Roi de
Bulgarie , qui menaçoient Conftantinople d’un
fiege. Mais comme ce Prince étoit alors âgé de
plus de quatre-vingts ans, l’Empire n’en put pas
tirer tous les avantages qu’il eût pu juftement ef-
perer de fa valeur & de fa longue expérience dans
la conduite des armées, s’il eut été moins âgé.
On ne faifoit plus que de fâcheux pronoftics de
la courte durée de l’Empire des Latins.Le jeune
Baudouin fut même obligé, fous la conduite de
Jean de Bethune fon Gouverneur, de paffer en Ita¬
lie &dans les autres Royaumes de la Chrétienté ,
pour en implorer le fe cours. Toute lAfie avoit
de Malte. Livre Iil. 365
les yeux tournez fur l’Empereur Vatace un des plus Bertran®
D ■: T E X I s.
puifTans& des plus habiles Princes qui euffent été
depuis long-tems fur le Trône du grand Conftan-
tin; il ne lui en manquoit, pour ainfi dire, que
la Capitale, & on ne doutoit pas quil ne s’en ren¬
dît bien-tôt le maître. Les Chrétiens prévenus de
fa haute valeur, le regardoient comme le feul
Prince capable de les maintenir dans la Paleftine.
Je ne fçai 11 ce fut à ce fentiment d’eftime qu’on
attribua les égards que les Hofpitaliers avoient
fait paroître pour un fi grand Prince. Ce qui eft
de certain, c’eft que les reproches qu’ils attirèrent
au Grand Maître de la part du Pape, lui caufe-
rent un h vif reffentiment, qu’il ne s’en put con-
foler-, & le malheureux état où il voyoit la Terre
Sainte, fans fecours, lans troupes & fans Souve¬
rain pour les commander, acheva de le mettre H4O.

au tombeau. On fit remplir fa place par Frere


Guérin ou Guarin, dont on ignore le fur- Guarin-

nom & la patrie.


On fçait feulement qu’il fut chargé du gouver¬
nement de l’Ordre dans des tems difficiles. La Pa¬
leftine fe trouvoit deftituée de la prefence de fon
Souverain &c fans fubordination pour les Chefs
qui le reprefentoient. Les Hofpitaliers & les Tem¬
pliers dont la Terre Sainte tiroit toute fa force,
étoient encore malheureufement divifez au fujet
de quelques traitez que les uns &; les autres avoient
faits avec differens Princes Infidèles.
ThibaudV. du nom. Comte deChampagne Sc Roi
de Navarre du chef deBlanche de Navarre lamere,
étoit paffé en ce tems-là dans la Paleftine à la
Zziij
366 Histoire de l’Ordre
Gua r 1 n» tête d une Croifade , mais dont les malheureux
fuccès Ôc la perte de la bataille de Gaza l’avoient
obligé depuis à conclure une trêve avec Nazér
Emir de Carac. Les Templiers négocièrent ce
traité auquel le Roi de Navarre, dans l’impatien¬
ce de s’en retourner, foufcrivit, ces Chevaliers
firent même une ligue offenfive ôc défenfive avec ce
Prince Infidèle contre le Soudan d’Egypte^ mais les
Holpitaliers n y voulurent point prendre de part,
foit qu’ils trouvaffent ce traité defavantageux
ou parcequ’ils fe plaignoient que les Templiers
avoient conduit cette négociation à leur infçû. *
Le Roi de Navarre ayant reçu avis que Richard
Comte de Cornuailles, frere du Roi d’Angleterre,
devoit arriver inceflamment, s’embarqua auflï-
tôt avec les débris de fa Croifade, pour ne pas
rendre le Prince Anglois témoin de fa difgrace».
Richard étant arrivé, trouva que l’Emir de Carac
qui dépendoit en quelque maniéré de celui de
Damas, n’étoit pas maître d’entretenir la trêve,.
Ce Prince à la tête de fa Croifade, s’avança aufli-
tôt jufqu a Jaffa où il reçut un Envoyé du Soudan
d’Egypte, quiétoit actuellement en guerre avec
celui de Damas, ôc qui lui offrit de fa part une
autre trêve. Richard y confentit de l’avis du Duc
de Bourgogne, du Comte Gaultier- de Brienne,
neveu de Jean de Brienne , Roi de Jerufalem ,
du Grand Maître des Templiers , & d’une partie
des Seigneurs du pays- ôc on convint par ce traité
que ce Prince Infidèle feroit fortir de Jerufalem

* Prædiéla enim treugua procuratione Templariorum firmata elt


Hofpitalariorum minime mterveniente confenfu. Sanut.L 3, n6t
,
de Malte. Livre III. 367
tous les Mahometans qui s’y étoient établis -, qu’il Gif A R I Kf.
rendroit Bethléem, Nazareth <Sc plufieurs Villa¬
ges Ôc differens Châteaux qui alTuroient le che¬
min à la Capitale de Judée 3 que tous les prifon-
niers feroient relâchez de part 6c d’autre,&:que
les Chrétiens pourroient relever les fortifications
de Jerufalem & des autres Places qui leur étoient
cedées. Le Prince Anglois, au défaut d’exploits Lit ter a Co-
militaires, conclut ce traité qui n’étoit pas moins mitisRichar -

di} continen¬
utile, 6c qui fut exécuté avant fon départ, mais
tes fummam
dans lequel les Templiers par jaloufie contre les Jua peregn-
Hofpitaliers, ne voulurent point à leur tour être nationis. AL.
Paris y in
compris- ainfi, au milieu de ces deux trêves, les Henr.IIIad
Templiers &les Hofpitaliers reftoient en guerre ann. 1241- p>
S66. & s67.
chacun de leur côté, les uns contre le Sultan de
Damas, & les autres contre celui d’Egypte, 6c ces
divifions auroient été funeftes àl’Etat,fices Sul¬
tans & la plupart des defcendans de Saladin &de
Safadin n’avoient pas été divifez en même tems
par des guerres civiles. Ce fut à la faveur de ces
troubles que les Chrétiens latins fe virent enfin
maîtres 6c feuls habitans de Jerufalem. Le Patriar¬
che avec tout fon Clergé y revint 3 on bénit de nou¬
veau les Egliles-, on y célébra enfuite avec une
joye infinie les faints Myfteres, 6c le Grand Maître
des Hofpitaliers porta au Patriarche tout l’argent
qui étoit dans le tréfor de l’Ordre, pour contri¬
buer à relever les murailles de la fainte Cité.
Mais le travail malgré tous les ouvriers qu’on Preuve
IX.
y employoit, avançoit lentement, 6c à peine
avoit-on fait quelques légers retranchemens, que
la Paleftine fe trouva inondée par un déluge de
368 Histoire de l’Ordre
G UA RI N
Barbares appeliez Corafmins. C etoient des peu¬
ples fortis récemment de la Perfe, & ifliis , à ce
qu’on prétend, des anciens Parthes : du moins ils
en habitoient alors le pays, appellé YracAgemy,
ou Hircanie Perfienne. D’autres les placent dans
le Couvarzem proche de la Corofane 3 mais je ne
fçai fi ce s Corafmins n’étoient pas plûtôt origi¬
naires du Royaume de Carizme, que Ptolomée
appelle Chorafmia, d’où ces Barbares la plupart
Paftres, & qui n’avoient gueres de demeures fi¬
xes, pouvoient êtrepaffez dans quelques-unes des
Provinces de la Perfe. Quoiqu’il enfoit, ils avoient
été enveloppez dans cette fameufe révolution qui
étoit arrivée vingt ans auparavant dans la haute
Afie , dont Genchizcan premier Empereur des
anciens Mogols Tartares, s’étoit rendu maître.
Oélay fils de Genchizcan, fucceffeur de ce con¬
quérant ou le Prince Keiouc fon fils, Caan ou
Grand Can, d’autres dilènt, Tuly troifiéme fils de
Genchizcan qui avoir eu la Perle dans fon parta¬
ge , irrité contre ces peuples qui avoient tué ceux
de fes Officiers qui levoient les tributs, les chaffa
des pays de fa domination.
Ces peuples payens de religion, cruels, féroces,’
ôc barbares entre les plus barbares, roulèrent en
differentes contrées, fans pouvoir trouver de de¬
Bibliothèque meure fixe & affinée , ni aucun Prince qui les
orientale, p. voulût fouffrir dans fes Etats : odieux aux Maho-
100/,
metans, comme aux Chrétiens par leurs brigan¬
dages & leurs cruautez,ils étoient regardez comme
ennemis du genre humain. Il n’y eut que le Sul¬
tan d’Egypte , qui pour fe venger des Templiers
ôc
de Malte. Livre III. 369
& de la ligue qu’ils avoient faite avec fes ennemis Guérin
les Sultans ou les Emirs de Damas, de Carac & Afatt. Paris
d’Emeffe , confeilla à Barbacan Chef &c General ad arm. 1244.
p. 618.
des Corafmins de (e jetter dans la Paleftine • il lui foinville vie
en reprefenta la conquête facile , les Places dé- de S. Louis»
manteleés ôc couvertes de tous cotez, peu de trou¬ p. 98.
pes dans le pays, de la divifion parmi les Chefs,
à quoi il ajouta des prefens confiderables, & la pro*
meiTe d’un puiffant fecours,& de joindre un corps
de troupes à fon armée.
Il n’en falloit pas tant pour déterminer des peu¬
12/- 4 5**
j
ples fauvages & barbares, qui à la pointe de l’épée,
cherchaient des terres qu’ils puffent habiter : ils
avoient pénétré jufques dans la Mefopotamie.
Barbacan en partit auffitôràla tête de vingt mille
chevaux, &: entra dans la Paleltine avant qu’on
en eût eu la moindre nouvelle. Mais les cruautez Sarwt*p°2i7*"
de cette nation, le feu qu’ils mettoientpar tout,
les annonça bien-tôt. Jerufaiem étoit encore ou¬
verte de toutes parts j les Grands Maîtres de l’Hô¬
pital & du'Temple s’y trouvoient alors, mais
prefque fans troupes. Dans une conjoncture fi
îurprenante, ils crurent qu’ils n’avoient point
d’autre parti à prendre, que de conduire les ha-
bitans à. Jaffa, Place fortifiée & hors d’infulte^de
tenir enfuite la campagne, & de raffembler toutes
les troupes pour s’oppofer aux entreprifes des en-
nemis. Tout fortit de Jerufaiem fous la conduite
des Chevaliers, excepté un petit nombre d’habG
tans qui avoient peine à abandonner leurs maifons’,
& qui à la hâte éleverent de foibles retranche-
mens dans les endroits les plus ouverts. Cepen*-
Home J.~ A a a-
370 Histoire de l’Ordre
Guarin dant les Corafmins arrivent, emportent ces re-
tranchemens, entrent dans la Ville l’épée à la
main, mettent tout à feu & à fang, fans épargner
ni lage ni le fexe -, 8c pour tromper les Chrétiens
qui s'étoient enfuis, ils plantèrent fur les tours
des étendarts avec la Croix. Ceux quiavoient pris
le devant, avertis qu’on voyoit encore les Croix
arborées fur les murailles,touchez du regret d’avoir
abandonné leurs maifons avec tant de précipita¬
tion , 8c croyant que les barbares avoient tour¬
né leurs armes d’un autre côté, ou qu’ils avoient
été repouffez par les Chrétiens qui étoient reliez
dans la Ville , y retournèrent malgré tout ce
que purent leur dire les deux Grands Maîtres, 8c
le livrèrent eux-mêmes à la fureur de ces barba¬
res , qui en pafferent prés de fept mille par le fil
de l’épée. Une troupe de Religieufes, d’enfans 8c
de vieillards qui s’étoient réfugiez au pied du faint
Sepulchre &dans l’Eglife du Calvaire, furent im¬
molez dans le lieu même où le Sauveur des hom¬
mes avoit bien voulu mourir pour leur falut, 8c
il n’y eut point de cruautez 8c de prophanations
que ces barbares n’exerçaffent dans la fainte Cité.
Cependant les Templiers ayant appris qu’un
détachement des troupes du Sultan d’Egypte les
Epift. Frede- avoit joints, appelèrent à leurs fecours les Sultans
rici Imperat,
Mm. Pans
de Damas 8c d’EmefTe fes ennemis. Ces Infidèles
in Henr.IlI. leur envoyèrent quatre mille chevaux comman¬
p* 618. dez par Moucha un de leurs Généraux. Les Sei¬
gneurs du pays ayant fait prendre les armes à leurs
vaffaux 8c aux milices, fe rendirent dans l’armée
Chrétienne ; il y eut d’abord differentes efearmou-
de Malte. Liv. III. 371
ehes entre les deux partis, dans lefquelles les Co- Guarin.
rafmins, quoique fuperieurs en nombre, ne laifl
ferentpas de perdre plus de monde que les Chré-
tiens. Enfin par la précipitation du Patriarche, &
contre Tavis des principaux Officiers, on en vint
à une a&ion générale. L’armée chrétienne étoit
partagée en trois corps : le Grand Maître des Hof- „ .
X O X tOîHVîUc
pitaliers avec les Chevaliers de Ton Ordre, ôc fou- yfe de faim
tenu par Gaultier III. Comte de Jaffa , &: neveu Louis par du
du Roi Jean, avoit la pointe gauche -, Moucha à la Cm&e‘ ?'"■
tête desTurcomans, commandoit la droite, & les
Templiers ôc les Milices du pays étoient dans le cen-
tre.Le courage ôc l’animofité étoient égales ; mais le
nombre des combatans étoit bien different : les
Corafmins avoient dix hommes contre un ; ôc pour
furcroit de difgrace, dès quon en fut venu aux
mains,. foit lâcheté ou trahifon , la plupart des
foldats de Moucha prirent la fuite.
Les Chrétiens réfolus de vaincre ou de mourir,
n’en parurent point ébranlez j la bataille dura pref-
que deux jours 3 les Chevaliers des deux Ordres,
y firent des prodiges de valeur ; enfin épuifez de
forces, & accablez par la multitude, prefque tous
furent tuez ou faits prifonniers, ôc il néchapa de
cette boucherie ôc d’un maffacre fi général que
vingt-fix Hofpitaliers • ( quelques relations difent
feulement feize , ) trente-trois Templiers ôc trois
Chevaliers Teutoniques : les deux Grands Maîtres
des Hofpitaliers ôc des Templiers& un Com- foiwvifo
mandeur des Teutoniques furent tuez à la tête de
leurs compagnies. Les Hofpitaliers firent peu après
remplir la place de leur Grand Maître par frere
 aa iji
372, Histoire de l’Ordre
Bertrand
de Comps.
Bertrand de Comps , vieux Chevalier que fa
i
valeur 6c fonexpérience eleverent à cette dignité,
1143. 6cdont unSeigneur de fon nom avoit déjà été revêtu.
Cependant une défaite fi générale mit le com¬
ble aux malheurs de la Terre Sainte. LTmpereur
Frédéric dans une Lettre adreffée au Comte de
Cornouailles Ion beaufrere, déplore cette malheu^
reufe journée, 6c en rejette la faute fur les Tem¬
pliers , qui apres avoir rompu la trêve qu’il avoit
faite, dit-il, par l’avis des Hofpitaliers avec le Sul¬
tan d’Egypte, fe font fiez avec trop de {implicite
au lecours 6c aux promeifes des Sultans de Damas
6c de Carac. * *
Frere Guillaume de Château-Neuf, Précepteur
de la Maifon Holpitaliere de S. Jean de Jerufalem,
6c depuis Grand Maître de l’Ordre, dans une Lettre
qu’il écrit à un Seigneur de Merlai, attribue pa¬
\
reillement cette cruelle mcurfion des Corafmins à
la Ligue qu’on avoit faite avec le Sultan de Damas
? ^ 4 4*

contre celui d'Egypte fon ennemi ;6c félon la Re¬
lation de ce Chevalier qui setoit trouvé à cette
fanglante bataille, le Grand Maître y avoit été tué
avec le Grand Maître des Templiers , 6c il n’en
étoit échappé lui-même qu’avec quinze autres
Hofpitaliers qui regrettoient, dit-il , le fort de
ceux qui étoient morts pour la défenle des faints
Lieux 6c du peuple chrétien.

* Dum prêter idem quod Templarïorum fuperba Religio, &: aborige-


nariorum terræ Baronum deliciis educata fuperbit, S'oldanum Babiloniæ
ad evocandum auxilium Choerminorum per bellum improbum &c im-
provifum coegerunt, noftro regio fœdereparvi penfo, quod nos unàcum
Conventu, ôc Magidris Domorum fanéti Joannis fandlæ Mariæ Teu-
F
tonicorum, nomine noitro concraxeramus. Epîjl. ’red. lmperat. de depefnla*
- .
iume Terra Sayfta, Matt. Paris ad am, 12 44
uxnrnt
de Malte. Livre III. 373
Certainement les uns &: les autres étoient bien Bertran»
DE Co.MPS.
clignes de compalïion. Cet Ordre auparavant fi
floriffant fe trouvoit prefque détruit, éc le peuple Ep 'ft.fl.ebt~
dont les Templiers & les Hoipitaliers étoient les lis Pralata-
ddfenleurs, fe voyoit fans fecours, enfermé dans rum Terra
Sancta tu
la ville de faint Jean d’Acre , en même tems que Aîatt. Fans
les Corahnins campez dans la plaine & à deux ad anu. 1244*
Liv.j.p* 6$i,
milles de la ville^ ravageoient la campagne, brû~
loicnt les villages Sc les bourgades, & maflacroicnt
impitoyablement les habitans, ou les entraînoient
dans l'efclavaee.
O
Mais Dieu qui dans les tems marquez par fi
milericorde, venge fes enfans des miniftres dont
il s’eft lervi dans la colere, permit que la divifion
fe mît parmi ces furieux ; ils fe tuerent la plupart
les uns les autres, & les malheureux reftes de ces
barbares difperfez dans la campagne furent affom-
mez par les payfans : tout périt jufqu’â leur nom *
qu’on ne trouve plus dans l’hiftoire. *
La perte que les Hofpitaliers avoient faite con¬
tre ces barbares ne ralentit point leur zele ôc leur
courage. Nous avons dit que ces Chevaliers fai-
foient face de tous cotez &c fe trouvoient en même
tems dans tous les endroits où les Chrétiens fai-
foient la guerre aux Infidèles. L’Elpagne, la Hon¬
grie ôc la Principauté d’Antioche éprouvèrent de
nouveau le fecours de leurs armes. Hugues de
Forcalquier, Châtelain dEmpofte étoit toujours
dans les armées de Dom Jaime Roi d’Arragon. Il
fe trouva à la tête de tous les Chevaliers de ce
* Et fadlum dt ut de fub cœlo nomen eorum penitùs deleretur, adeô
quod nec eomm veftigia apparuerunt, Matt. Paris ai 1247.
Aaa iij
374 Histoire de l’Ordre
Bertrand Royaume au fiege de Xatira • 6c l’Hiftorien de
de Comps.
cette nation remarque qu’un Chevalier de faint
Jean appelle Dom Pierre de Villaragut s’y diftin-
gua par des avions d’une valeur furprenante.
Les Chevaliers de Hongrie ne rendoient pas
moins de fervices à leur patrie contre lesTartares
qui ravageoient alors la Tranfilvanie , la Hongrie
6c la Pologne. Le Pape Innocent IV. écrivit à ces
Chevaliers en des termes les plus preflans, com¬
me on le peut voir par fon Bref du huit des Ca¬
lendes de Juillet , 6c de la cinquième année de fon
Pontificat. Ces Guerriers prirent auilLtôt les ar¬
mes ; 6c après s’être joints aux Frangipanes qui
étoient alors Seigneurs de la Dalmatie 6c de la
Croatie, ils chaflerent ces barbares de la Hongrie,
ramenèrent le Roi de Bêla qui avoit été obligé
d’abandonner fes Etats, 6c le rétablirent fur le
*T*< A
Trône.
Des fervices fi importans ne demeurèrent pas
fans récompenfe ^ 6c outre de nouveaux privilè¬
ges , ce Prince qui étoit fils du Roi André, dont
nous avons parlé, marchant fur les traces de fon
pere, donna des Terres 6c des Seigneuries à l’Ordre,
perfuadé que c’étoient autant de braves guerriers
qu’il acqueroit dans fon Etat, .& d’illuftres défen-
feurs qu’il procuroit a fes fiijets , fouvent expofez
aux incurfions des Infidèles. C’eft ainfi que s’en
explique l’Hifiorien de Hongrie qui par anticipa¬
tion , donne aux Holpitaliers le nom de Cheva¬
liers de Rhodes, qu’ils ne prirent qu’un fiecle après
cet événement.
Pendant que les Chevaliers étoient occupez en
de Malte. Livre III. $7^
Hongrie contre les Tartares, le Prince d’Antioche Bertrand
de Comps.
fe vit tout d’un coup attaqué par les Turcomans Sel-
geucides, qui depuis un ïïecle avoient abandonné
leurs deTerts, s’étoient choifi des Capitaines, tk
avoient inondé en même tems differentes contrées
de l’Afie , comme nous l’avons dit au commence¬
ment du premier Livre.
Le Prince d’Antioche furpris par une attaque
imprévue, eut recours aux Ordres militaires , l’a-
zile ordinaire de tous les Chrétiens Latins. Les
deux Grands Maîtres firent monter à cheval ce
qui leur reftoit de Chevaliers ; & après s’être mis
à la tête des troupes qui étoient à leur folde , ils
marchèrent droit aux Infidèles. Le combat fut
long & fanglant ; le nombre des Turcomans, fol-
dats pleins de courage, balançoit les effets ordi¬
naires de la valeur des Chevaliers. Frere Bertrand
de Comps Grand Maître des Hofpitaliers indigné
d’une réfiftance qu’il n’avoit pas coutume d’é¬
prouver, fe jette au milieu des efcadrons ennemis,
les enfonce 6c les tourne en fuite. Mais dans cette
derniere charge, il reçut tant de bleffures , qu’il
en mourut peu après, ôc l’Ordre lui donna depuis
pour fucceffeur Frere Pierre de Villebride, Pierre
de Ville-
Religieux recommandable par fa pieté & par fa bride.

valeur : l’Ordre ne pouvoit faire un plus digne 1148.


choix, fur-tout par rapport à une nouvelle Croi-
fade dont S. Louis Roi de France devoir être le
Chef, & dont nous allons parler.
La nouvelle de la défaite de l’armée chrétienne
ayant été portée au Pape Innocent IV. qui étoit
alors fur la Chaire de S. Pierre, ce Pontife, pour
yj6 Histoire de l’Ordre
Pierre déterminer les Chrétiens d’Occident à faire pafler
DE Vl L LE-
BRI D Et un nouveau fecours à la Terre Sainte , convoqua
un Concile général dans la ville de Lyon, dont
l’ouverture fe fit la veille de la fête des faints Apô¬
tres faint Pierre & faint Paul. Galeran Evêque de
Beryte qui avoit apporté les nouvelles de la vic¬
toire des Corafmins, prefenta aux Peres du Concile
une Lettre que le Patriarche de Jerufalem ôc les
Evêques de la Paleftine écrivoient à tous les Pré¬
Preuve lats de France & d’Angleterre, Sc qui contenoie
X.
une relation de ce trifte événement conçue à peu
près en ces termes.
» Les Tartares après avoir détruit la Perfe, ont
» tourné leurs armes contre les Corafmins, ôc les
3’ ont chaffez de leur pays. Ces barbares n’ayant plus
« de retraite fixe , ont prié inutilement plufieurs
» Princes Sarrafins de leur accorder quelque com-
» trée pour habiter : car ils font d’une telle cruauté;
« que ceux-mêmes qui leur reflemblent le plus
« de ce côté-là, ont refulé de leur donner retraite •
» & il n’y a eu que le Sultan d’Egypte qui les' in-
« vitât à pafler dans la Paleftine , ôc qui leur pro^
» mît de les y maintenir par le fecours de fes aD-
« mes. Ils font entrez dans le pays avec une grande
» armée prefque toute compofée de cavalerie, me-
55 nant leurs femmes & leurs enfans. Cette incur-

53 fion a été fi fubite , que perfonne n’a pu la pré^

5* voir ni s’y oppofer-, ôc ils ont ravagé fans ré-


53 fiftance tout le pays depuis le Thorondes Che-
53 valiers, jufqu à Gaze ou Gazer.
33 Dans une invafion fi furprenante, on n’a point

« eu d’autre parti à prendre que d’oppofer bar¬


bares
de Malte. Livre HT. 377
» bares à barbares, 8c de lavis des Templiers, des PlîRRÏ
E VJLLE-
« Hofpitaliers, des Teutoniques & delàNobleflc R I D E.

» du pays, on a réfolu d’appeller à notre fecours


« les Sultans de Damas & de la Chamelle nos al-
» liez, 8c ennemis particuliers des Corafmins. Mais
» comme ce fecours étoit éloigne &: incertain, le
» péril preffant, & Jerulalem fans murailles 8c
« fans fortifications, plus de fixmille habitans en
« font fortis pour chercher un azile dans les autres-
» Places chrétiennes, 8c il n’eft refté dans la Ca-
«pitale qu’un petit nombre de Chrétiens.
» Ceux qui avoient abandonné Jerufalem, pri-
« rent leur chemin par les montagnes où ils fe
» croyoient plus en fureté, dautant plus que les
» Mahometans qui les habitoient, étoient fujets
du Sultan de Carac avec lequel nous avions trêve.
» Mais ces Montagnars violant la foi du traité,
» font tombez fur ces fugitifs, en ont tué unepar-
« tie, pris 8c vendu l’autre, même des Religieufes,
» 8c ceux qui ont defcendu dans la plaine ont été'
» maffacrez par les Corafmins ; en forte que de
» tout ce peuple à peine eneft-il refté trois cens.
«Enfin les Corafmins font entrez dans la fainte Ci-
té; & comme ce peu qui y reftoitde Chrétiens,
» femmes, enfans 8c vieillards s’étoient réfugier
« dans l’Eglife du S. Sepulchre, ces barbares les ont
» tous éventrez dans ce lieu faint ; 8c en coupant
« la tête aux Prêtres qui célébroient alors les
« faints Myfteres, ils fè difoient les uns aux au--
« très : Répandons ici le fang des Chrétiens dans*
»'l’endroit même où ils offrent du vin à leur Dieu5
qu’ils difent y avoir été pendu. Ils arrachèrent
Tome L Bbb
378 Histoire de l’Ordre
"Pierre
d e Ville-
33 enfuite tous les ornemens du.fa4.nt Sepulchre ,
bride. 33 prophanerent l’Eglife .du Calvaire , fouillèrent
33 dans les tombeaux des Rois de Jerufalem, 8c
33 dilperferent leurs cendres. Les Eglifes du Mont
».
33 de Sion, du Temple & de la Vallée de Jofaphat,
33 où fe montre le Sepulchre de la Sainte Vierge,
Afatt. Paris 33 n’ont pas été mieux traitez , 8c ils commirent
ad ann..i244>
33 dans l’Eglife de Bethléem des abominations que
33 l’onn’ofè rapporter -, en quoi ilsontpouffé fini-
33 pieté plus loin que n’ont jamais fait les Sarrafins
33 qui ont toujours conlervé quelque relpeét pour
33 les faints Lieux.
33 Les Chevaliers militaires 8c les Seigneurs du
?3 pays, fou tenus par le fecours des Sultans alliez,
3> marchèrent droit à ces barbares, s avancèrent
3> en fuivant la côte, 8c les rencontrèrent proche
33 Gazer ou Gaza. On en vint aux mains la veille
33 de la faint Luc 3 les Sarrazins qui étoient dans
33 notre armée prirent la fuite, en forte que les
33 Chrétiens demeurez feuls contre les Corafmins
33 8c contre les Babiloniens, furent accablez par
» la multitude de leurs ennemis. Des trois Ordres
3) militaires, il ne fe fauva que trente-trois Tem¬
33 pliers, vingt-fix Hofpitaliers 8c trois Chevaliers
33 Teutoniques : la plupart de laNoblelfe du pays,
T
ou a péri dans la bataille, ou eft reliée prifon-
33 niere.
33 Dans cette extrémité, nous avons imploré le
» fecours du Roi de Chypre 8c du Prince d’An-
» tioche ; mais nous ne fçavons ce qu’ils peuvent
3» faire pour nous, 8c ce que nous en devons ef.
>3 perer j 8c quelque grande que lois notre perte.
de Malte. Liv r e. IIL- ffÿ
35 nous craignons encore plus pour l’avenir. Les Fiehrî'
d e Ville-
« Hofpitaliers font affiegez par les Sarrafins dans bbi D E.
le château d’Afcalon : la Terre Sainte fe trouve
deflituée de tout fecours humain : les Corafmins
» de leur côté font campez dans la plaine à deux
» milles delà ville d’Acrc, d’où ils ravagent tout
» le pays jufqua Nazareth ^ en forte que fi nous
*> ne fommes lecourus au palfage du mois de Mars,
;
» la Terre Sainte eft abfolument perdue , & nous
» ferons forcez dans quelques Châteaux qui nous
» relient, & que les Hofpitaliers & les Templiers
» fe font chargez de défendre.
La leéture de cette Lettre fit répandre des lar¬
mes à toute l’affemblée : les Pères du Concile or¬
donnèrent qu on prêcherait laCroifade dans toute
la Chrétienté • que ceux qui avoient déjà pris la
Croix, ôc ceux qui là prendraient dans la fuite,
fe rendroient dans un endroit dont on convien- \

droit pour y recevoir la bénediélion du Pape ;


qu’il y auroit une trêve de quatre ans entre tous
les Princes chrétiens -, que pendant tout ce tems-
là , il ne fe feroit ni tournois, ni fêtes, ni réjouit
fances publiques • que les Fideles feroient exhor¬
tez de contribuer de leurs biens pour une fi jufte
entreprife j que les Ecclefiaftiques donneraient le
vingtième de leurs revenus, & les Cardinaux le
dixiéme pendant trois ans confecutifs,
Plufieurs Princes, & un grand nombre de Sei¬
gneurs, fur-tout du Royaume de France, prirent
la Croix. Mais aucun ne le fit avec tant de zele ,
de courage & de dévotion que Louis IX. Roi de
France , depuis connu fous le nom de S. Louis.
B bb ij
380 Histoire de l’Ordre
■Pierre Le Pape fondoit fur ce Prince fes plus grandes
©e VILLE-
BRIDE. efperances : » Notre Seigneur, dit ce Pontife, en
» écrivant à la Nobleffe du Royaume, femble
» avoir choifi entre les autres Princes du mon¬
ade, pour la délivrance de la Terre Sainte,
» notre très cher fils le Roi de France, qui outre
«les vertus qui le diftinguent fi avantageufe-
«ment des autres Souverains, commande en-
«core à une Nation puiflante ôc guerriere. * Ce
Prince, pour fecourir lesChrétiens d’Orient n’avoit
pas attendu les prières ôc les exhortations du Pa¬
pe :fi-tôt quil eut apris la viétoiredesCorafmins,
il refolut de paffer en perfonne à la Terre Sainte,
ôc en attendant que les affaires de fon Etat
lui permiffent d’en faire le voyage, il y envoya
un puiffant fecours de troupes Ôc d’argent, dont
il confia la conduite aux Hofpitaliers ôc aux Tem¬
pliers.
On avoit reçu ordre en Occident de faire paf¬
fer dans la Paleftine les Chevaliers novices avec
un corps de troupes feculieres, ôc tout l’argent
qui fe trouveroit dans la caiffe des Prieurez : ôc
les deux Grands Maîtres recourant à Dieu pour
implorer la bénediétion du Ciel fur leurs armes,
prefcrivirent dans leurs Ordres des jeûnes extraor¬
dinaires avec des prières continuelles. **
Ces Chevaliers, outre l’argent du Roi de France
*Ut abftergerenturlacrymæ à maxjllis matris noltræ Ecclefîæ deploran-
tis filios fuos nuper trucidatos , DominusRex Francorum, Hofpitalarii
quoque & Templarii Milites ncophitos & manum arrnatam cum the-
fauro non modico illac ad eonfolationem & auxilium ibi commoran-
tium feltinanter tranfmiierunt.
41 *Statuerunt inter fe orationes & jejunia præter folit^ fpccialiter pjfo
Jiberatione Terræ Sanétæ facienda M»tt. ïms.
de Malte. Livre III. 381
& celui de l’Ordre, apportèrent encore mille li- p 1 *R R 8
• . . 7 r r ,*v ... r DE VILLE-
vres que Richard * Comte de Cornuailles conta- bride.
cra à la défenfe des faints Lieux. Les deux Grands
Maîtres envoyèrent enfuite demander au Sultan
d’Egypte un fauf-conduit pour deux de leurs Che¬
valiers chargez dune négociation particulière.
L’objet de leur voyage étoit de retirer des mains
des Sarrafins, les Holpitaliers & les Templiers pris
à la derniere bataille ,& que les Corafmins leur
avoient livrez. «Quoiqu*auparavant dans les deux
Ordres on regardât comme morts, ceux qui fe
rendoient prilonniers de guerre-, cependant dans
une fi trille conjonéture, les deux Grands Maîtres
ne jugèrent pas à propos d’obferver une fi fevere
difcipline : &: pour tirer un nouveau fecours de
.ces prifonniers, on fît partir des Députez chargez
d’une groffe fomme dargent pour leur rançon.
Ceux-ci ayant reçû le fauf-conduit neceffaire pour
leur fureté, fe rendirent à Babilone d’Egypte ou
au grand Caire, Places qui par leur voifinage,
font fouvent confondues par les Hiftoriens. Les
deux Chevaliers , pour faciliter le fucce's d’une
négociation fi extraordinaire, répandirent diffe¬
rentes fommes parmi les Miniftres ôc les Favoris
du Sultan : c’étoit Salech, fils de Camel, l’aîné des
enfans de Safadin, Prince habile &: redoutable à
fies voifins. C’eft à ce Prince qu’on attribue l’inf-
titution de ce corps de troupes qu’on appelloit
Mamelus, du mot arabe qui fignifie, efclave
vendu, parceque c’étoient des enfans enlevez par

* Cornes Richardus ex innatâ fibi magnificentiâ illuc in fuccurfum mille


Hbras per Hofpitalarios tranfmifit. idem ikid,
Bbb iij
Histoire de l’Ordre
Pierre les Tartares dans leurs courfès, & de qui Salech
DE VlLLE-
33RIDE. les faifoit acheter. Il en fit un corps de milice,
d ou il tira depuis fes principaux Officiers, Ôc ils
devinrent à la fin fi puiffans, qu’ils s’attribuèrent
à eux feuls le droit d’élire leur Souverain. Les Dé¬
putez des deux Ordres militaires firent propofer
au Sultan Salech le fujet de leur voyage, ôc ils de¬
mandèrent à entrer en négociation fur la rançon
ôc la liberté de leurs confrères. Mais le Sultan qui
avoit une liaifon fecrete ôc très étroite avec l’Empe¬
reur Frédéric, ôc qui n’ignoroitpas d’ailleurs com¬
bien les Chevaliers des deux Ordres lui étoient
odieux: » A Dieu ne plaife, répondit-il à fes mi-
«niftres, que je traite avec des perfides , qui au-
» trefois ont voulu livrer leur Empereur, & qui fe
î* difant entr’eux freres ôc compagnons d’armes,,,
33 ne laiffent pas depuis cinq ans, quand’ils fe rem
33 contrent, de fe charger les uns les autres avec
33 encore plus de fureur Ôc d’animofité qu’ils n’en
33 font paroître contre les ennemis de leur loi. Ne
33 fçait-on pas, ajouta ce Prince, le peu de fureté
3 * qu’il y a dans la parole des Templiers, Ôc que ce
s» furent ces Religieux, qui, en haine des Hofpita-
33 liers , violèrent la trêve que j’avois faite avec le
3 » frere du Roi d’Angleterre , que les Templiers
33 par mépris appelloient, ce petit Garçon f Gepen-
3 >dant dans la derniere bataille, nous avons vu
«-ces Templiers, fi fiers ôc fi fuperbes, s’abandom
«mer à une honteufe fuite • ôc ce qui n’étoit ja-
3 *mais arrivé dans leur Ordre, celui qui portoit
? le Beaufean, ou l’étendard de la Croix, contre
3

« fon devoir & les réglés de fon Inftitut, s’enfuir:

\
de Malte. Livre III. 383
IERRE
j>le premier. Mais, ce n’eft pas en cela feul que V ILLE-
» depuis long-tems les Templiers & les Holpi- bri DE*
» taliers ne font point fcrupule de violer les ftatuts ~
« de leur profeffion. Dou vient ,par exemple, que
«ces Chevaliers qui par leurs loix,ne doivent au
« plus abandonner pour leur rançon que leur ca-
«puce ou leur ceinture, nous offrent aujourd’hui
» de fi groffes fournies, fi ce neft pour fe fortifier
«par leur nombre contre notre puiflance ? Mais
» allez leur dire que, puifque la juftice de Dieu
»> les a livrez entre mes mains, ils n’en fortiront
« jamais tant que je vivrai, & qu’à l’exemple de
«leurs prédecefleurs, je ne fçai point diftinguer
« un Chevalier prifonnier, d’un Chevalier mort fur
« le champ de bataille.
En vain les Miniftres du Sultan lui’reprefente-
rent qu’il perdoit par cette conduite des fommes
confiderables qu’il pouvoit retirer pour la liber¬
té des Chevaliers. Ce Prince Infidèle qui n’igno-
roit pas les différends que l’Empereur avoit avec
le Pape, ni à quel point les Chevaliers étoient
dévouez au faint Siégé, rejetta avec obftination
Sc avec mépris toutes les offres qu’on lui put faire.
Les Députez furent obligez de s’en retourner fans
avoir pûrien obtenir3 mais,comme avant dépar¬
tir , ils fe plaignoient aux Miniftres de ce Prince
de la grande dépenfe qu’ils avoient faite inutile¬
ment enprefens dont ils avoient profité,ces Mi¬
niftres , comme pour les en dédommager, leur di¬
rent en fccret, qu’il n’y avoit qu’un feul moyen
de retirer leurs prifonniers, c’eft que l’Empereur
demandât au Sultan leur liberté ; d’où il eft aife
384 Histoire de lOrdre
Pi ijcr i de conclure, dit Mathieu Paris, étroite liaifonqui
1
de Ville-
iri AE. étoit entre Frédéric ôc le Prince Mahometan. Mais
comme ces Députez de leur côté n’ignoroient pas
Ex cujus rei
que l’Empereur étoit en guerre avec le Pape, ôc
Icnare colligi
potefl quanta que leurs Supérieurs ne pouvoient avoir de rela¬
famlliarltas tion avec ce Prince qui étoit aéluellement excom¬
Fredencum
cutn Suit an: s
munié , ils s‘en retournèrent avec la douleur de
copiilavit p. laiffer leurs freres dans les fers des Infidèles.
Le Roi faint Louis depuis qu’il eut pris la ré-
folution de palier en Orient, employa deux années
à regler le dedans de fon Royaume, ôc à affûter le
dehors par une paix générale avec fes voifins. Ce
Prince, apres avoir fatisfait à ces premiers devoirs
les plus indifpenfables pour un Souverain , fe ren¬
dit le iz de Juin de l’année 1148 à faint Denis:il
étoit accompagné de Robert Comte d’Artois ôc
de Charles Comte d’Anjou fes freres, ôc y reçut
d’Eudes de Chateauroux Légat du Pape,rOriflame^
efpece d’étendart en forme de Baniere, avec l’Au-
môniere ôc le Bourdon, fuivant ce qui fe prati-
quoit à l’égard des pèlerins. Alphonfe Comte de
Poitiers troifiéme frere du Roi, quoique croifé,
reflra encore pour quelque tems en France auprès-
de là Reine Blanche leur rnere, à laquelle le Roij
avoir laiffé la Regence de l'Etat en fon abfence..
Louis s’embarqua enfuite à Aiguemortes, Port
fameux alors , mais qui par la retraite de la mer
qui s’eft éloignée de quatre lieues de cette côte,
fe trouve aujourd’hui dans les terres. Le Prince”
mit à la voile le 18 d’Août:la navigation fut heu-
reufe ,& il arrivaà la rade de LimifTo dans Ifle de'
1

Chypre le 17 Septembre de la même année. Il y-


bE Malte. Liv. III. 385
fut reçu par Henry de Lufignan Roi de cette Ifle, dePierreVille-
auquel le Pape, pour le venger de l’Empereur & bride.
du Prince Conrard fils de ce Prince , venoit de
conférer le titre de Roi de Jerufalem, en vertu
des droits prétendus par la Reine Alix fa mere.
Le Roi de France ne fe fut pas plutôt rafraîchi
quelques jours, que dans l’impatience de fignaler
fon zele, il propofa de fe mettre en mer, & de partir
pour l'Egypte. Il étoit foutenu dans ce fentiment
par plufieurs Seigneurs qui avoient eu part aux
dernieres croifades, & qui lui reprefentoient que
s’il reftoit plus long-tems dans Fille de Chypre,
il alloit expofer fa perfonne & fon armée aux in-
commoditez d’un pays où les eaux & même l’air
étoient également dangereux aux étrangers -, au
Sanut, liv. 2.
lieu que Egypte offroit tout à la fois des con¬
1

quêtes à faire, &: tout ce qu’il y a de plus necefi


faire pour la vie. Mais le Roi ne put fuivre fon
inclination, parcequ’une partie de fon armée
n’étoit point encore arrivée • d’ailleurs le Roi de
Chypre offroit de l’accompagner avec toute la
NoblefTe de Fille, s’il vouloifibien leur accorder le
tems neceffaire pour fe préparer à cette expédi¬
tion ; ainfi le terme du départ fut fixé au prin-
cems fuivant.
Le faint Roi employa utilement fon féjour à
affoupir la divrfion qu’un efprit de jaloufie entre-
tenoit entre les Templiers & les Hofpitaliers, &z
il termina en même tems les différends qui étoienc
entre Hayton Roi de la petite Arménie , &Boë-
mond V. Prince d’Antioche & de Tripoli. Ce fut.
pendant le féjour que le Roi fit dans Fille de Chy-,
Tome I, Cc c
386 Histoire de l’Ordre
Pierre
de Ville-
presque le Grand Maître du Temple 5c le Maré¬
bride. chal de l’Ordre des Hofpitaliers, dans l’impatien¬
ce de retirer leurs Chevaliers des prifons des In¬
fidèles , écrivirent à ce Prince pour le prefientir
s’il feroit dans la difpofition d’entrer dans quel¬
que accommodement avec le Sultan d’Egypte.
P r e u VE Le Paint Roi, tout brûlant de zele , rejetta avec
XL ‘ hauteur ces propofitions j il défendit au Grand
Maître, fous peine de fon indignation, de lui en
faire jamais de femblables. Les ennemis du Grand
Maître publioient qu’il y avoit une intelligence
fecrete entre lui 5c le Prince Infidèle, 5c que pour
lier entr’eux une amitié plus étroite, ils s’étoienc
fait faigner dans la même palette, comme fi ce
mélange de leur fang, eût dû unir leurs coeurs
plus étroitement. Nous n’entrerons point dans la
difcution de la vérité de ce dernier fait, qui n’eft:
gueres vraifemblable, fur-tout après la maniéré
pleine de dureté dont ce Prince avoit rejetté fes
Ambaffadeurs. Nous remarquerons feulement
après le Sire de Joinville, qu’en ce tems-là dans
les traitez de paix 5c d’alliance qu’on faifoit avec
les Barbares, ils exigeoient cette ceremonie de
fe faire faigner enfemble,de mêler leur fang avec
du vin, 5c même d’en boire. C’efl: ce que pratiqua
Baudouin II. avec un Roi des Comains, ainfi que
le rapporta au Roi Paint Louis, un Seigneur de
folnville p.
Toucy témoin oculaire. Mais il ny a pas d’appa¬
94

rence que le Sultan, qui venoit de refufer de traiter


de la rançon des Chevaliers, eût aufli-tôt fait une
nouvelle alliance avec le Grand Maître du Tem¬
ple. il eft bien plus vrai-femblable de penfer que
de Malte. Livre III. 387
les Ordres militaires,5 chargez
O
de la défenfe de PlïRRE
DE VJLLE-
l’Etat, enflent bien voulu qu’on n’eût pas rompu BRIDE.

la trêve, ni irrite un voifin 8c un ennemi puif-


fant, fous prétexte d’une nouvelle Croifade, qui,
comme la plupart des autres , après de légers ef¬
forts,abandonnerait l’Orient,retourneroit en Fran¬
ce, & laifferoit le poids de la guerre à foutenir
aux Chevaliers 8c aux malheureux reftes des Chré¬
tiens latins, qui habitoient la Paleftine.
Le Roi ne fît pas grande attention aux repre-
fentations du Grand Maître : ainfi, après huit mois
de léjour dans rifle de Chypre, ce Prince s’em¬
barqua avec la Reine fa femme, la Comteffe d’An¬
jou , le Roi de Chypre, les Princes Robert 8c Char¬
les freresdu Roi, le Légat 8c toutes les perfonnes
de confideration, le jour delà Trinité de l’année
1149} toute la flotte mit à la voile, 8c le fixiéme
jour arriva devant Damiette. Les deux Grands Maî¬
tres s’y rendirent depuis avec l’élite de leurs Che¬
valiers. Louis trouva le rivage bordé des troupes
du Soudan, qui prétendoient s’oppofer au débar¬
quement de Ion armée ^ mais ce Prince emporté
par fon zele &par fon courage, fe jettale premier
l’épée à la main dans l’eau, 8c fuivi de fa Noblefle,
chargea les Infidèles 8c les tourna en fuite. Les
fuyards portèrent la confternation dans la Ville ^
8c quoique cette Place paffâtpour la plus forte de
l’Egypte, la garnifon l’abandonna, 8c fes propres
habitans, après s’être chargez de ce qu’ils y avoient
de plus précieux, en fortirent la nuit après y avoir
mis le feu, 8c cherchèrent un azile dans les terres
8c plus avant dans la haute Egypte. On ne fut pas /

C c c ij
38g Histoire De l’Ordre
Pierre long-tems fans apprendre cette deTertion generale;
DE VIL LE-
BRI D È» 6c deux efclaves des Infidèles dès huit heures du
matin , rapportèrent que la Ville avoit été aban¬
donnée. Le Roi, après avoir pris les précautions
nécefiaires pour s’affurer de la vérité dun événe¬
ment fi furprenant, entra dans la Place à la tête
de Tes troupes ; le Légat purifia la principale Mof-
quée ouïe Te Deum fut enfuite chanté iolemnel-
lement. La Reine , le Légat, le Patriarche 6c les
Evêques fixèrent leur féjour dans cette Ville, 6c
le Roi qui craignoit les fuites du débordement du
Nil, 6c inftruit par les malheurs que l’opiniâtreté
du Légat Pelage avoit caufez à l’armée de Jean de
Brienne 6c aux Croifez , réfolut d’y paffer le refte
de l’été, dont les chaleurs exceflives en ce pays-là
ne permettoient pas même de tenir la campagne.
Alphonfe Comte de Poitiers frere du Roi, que
ce Prince avoir laiffé en France, s’embarqua le r6
d’Août avec la Pr inc elfe Jeanne fa femme , fille
unique de Raimond Comte de Touloufe , 6c ils
arrivèrent deux mois après à Damiette. Le Comte
de Poitiers débarqua avec un puifTant fecours que
Joinville appelle barrière-ban de France, dont l’ar-’
rivée augmenta l’ardeur 6c la confiance du Roi.
Ce Prince fe voyoit à la tête d’une puiffante ar¬
mée , foutenu des deux Ordres militaires qui con-
noifibient le pays 6c la maniéré de faire la guerre
aux Infidèles ; la mer étoitouverte;l’embouchure
du Nil libre pour recevoir de nouveaux fecours,
6c la terreur 6c la confternation fembloient être
paflees du côté des ennemis.
foinville.-p.
3S* Il ne fut plus queftion que de feavoir fi on iroir
de Malte. Livre III. 389
les attaquer dans Alexandrie ou dans le Caire mê- p R R E
rj. 1 , . de Ville-
me. Pierre de Dreux, ancien Comte de Bretagne bride.
étoit d’avis qu’on tournât le premier effort des ar¬
mes chrétiennes contre Alexandrie dont le port
pouvoir être d’une grande commodité pour la
flotte ôc pour les convois. Mais le Comte d’Ar¬
tois Te déclara pour le fiege du grand Caire fur le
principe que la prife de la Capitale entraîneroit
celle des autres Places, au lieu que la conquête
<l'Alexandrie, difoit-il^ n’exempteroit pas l’armée
de faire enfuite le fieg;e du grand Caire. On fe
rendit à cette raifon, & peut-être à la hauteur &
à l’opiniâtreté dont ce jeune Prince foutenoit or¬
dinairement les avis. Cette Place étoit éloignée de
Damiette d’environ cinquante lieues, & l’on ren-
controit à moitié chemin la ville deMaffoure, où
les Infidèles s’étoient retranchez fur les bords d’une
branche du Nil, appellée le Thanis.
Le Roi à la tête de fon armée, partit de Da¬
miette le 20 de Novembre *, il apprit en chemin Joinville./>.
la mort du Sultan, caufée par la cangrene qui s’é- 27%
toit mife à une de fes jambes. Mais le peuple qui
ne peut confentir que les Princes meurent comme
les autres hommes, & d’une mort ordinaire, pu¬
blia qu’il avoir été empoifonné par un valet de
chambre corrompu par le Sultan de Damas fon
ennemi. Quoi qu il en foit, l’armée avançoit tou¬
jours fans rencontrer à la vérité d’obllacle dans
fa marche, mais auffi fans trouver de vivres dans
le voifinage. Le pays étoit defert & abandonné ;
une profonde folitude regnoit de tous cotez, &
nulle apparence d’ennemis en campagne. Cette
Ccc îij
390 Histoire de l’Ordre
Pierre tranquillité ne dura pas long-tems -, à mefure que
d e Ville-
bri d e. les Chrétiens approchoient de la Maffoure , ils
eurent à foutenir jour & nuit des efcarmouches y
c’étoient tous les jours de nouveaux combats , &
on eut même peine à éviter la trahifon de quel¬
ques Sarrafins, qui, fous l’apparence de transfuges,
penferent furprendre les Templiers. Cinq cens-
/o inville.p. Cavaliers Egyptiens, lous je ne Icai quel prétexte,,
3î' s’étant venus rendre au Roi, ce Prince les reçut
ôc fans s’en défier, les laiffa en corps d’ordonnance *
ils marchoient même ordinairement à l’avant-
garde, comme connoiffant mieux le pays que les
Occidentaux. L’armée, apres un mois de marchey
approchoit de ce canal tiré du Nil, appellé Thanis,
lorfque ces traîtres, voyant un elcadron des Tem¬
pliers plus avancé que les autres, tirèrent leurs eu
meteres , & le chargèrent brufquement. Mais ils
avoient à faire à des Guerriers qui ne s’épouven-
toient jamais du nombre de leurs ennemis : cet
elcadron fit ferme, les Chevaliers fe battirent avec
leur valeur ordinaire, Ôe donnèrent le tems à leurs
camarades d’accourir à leur fecours. Les Infidèles
furent bien-tôt enveloppez de tous cotez ; on
tailla en pièces ces traîtres ; tout palfa par le fil
de l’épée, excepté ceux qui en voulant traverfer
le Thanis pour rejoindre leur armée , fe noyèrent,
dans ce canal.
Le Roi prévoyant que la difficulté du paffiage
pourroit le retenir long-tems dans cet angle que
formoient deux bras du Nil, s’y fortifia avec foin.
Cette précaution étoit néceffiaire contre des enne¬
mis qui le venoient attaquer à toute heure jufques.
de Malte. Livre III. 391
dans Tes retranchemens -, il y eut un grand nom¬ d ePierre
Ville-
bre de combats Ôc d actions particulières. Comme bride.
il étoit queftion de palier un canal large, profond,
& qui n’étoit point guéable, le Roi entreprit d’y
faire une digue ou une chauffée ; mais les Infi¬
dèles interrompoïent continuellement fes travaux
par des feux gregeois qui bruloient fes machines. f0inville,p,
Enfin un Arabe, Bédouin, moyennant cinq cens 41.
Aiatt. Paris
befans d’or, enfeigna un gué, ôc le Comte d’Ar¬ p 7*9* •

tois demanda au Roi lapermiffion de paffer le pre¬


mier • Ôc pour l’obtenir, il s’engagea, pourvu qu’il
eût avec lui les Templiers ôc les Hofpitaliers, d’af-
furer le paffage au refte de l’armée. Le Roi qui
craignoit que le courage de ce jeune Prince ne le
portât trop loin, ôc que par une avidité de gloire
il ne s’engageât trop avant parmi les ennemis, le
fit jurer fur les faints Evangiles qu’il n’entrepren-
droit rien que toute l’armée ne fût paffée, ôc il
voulut pour plus grande précaution que les Tem¬
pliers ôc les Hofpitaliers, quand ils feroient paf-
fez, euffent l’avant-garde, & fe miffent à la tête
de toutes les troupes qui dévoient marcher fous
les ordres du Comte fon frere.
Ce Prince des la pointe du jour, s’achemine r
au gué à la tête d’environ quatorze cens chevaux
compofez des Templiers & des Hofpitaliers, &c
de deux cens Chevaliers Anglois commandez par
Guillaume Comte de Salifberi, qui à leur tête étoit
venu au fecours de la Terre Sainte. Toutes ces
troupes fous la conduite du Bédouin fe jetterait
dans l’eau avec un courage déterminé ; la defcente
fe trouva ailée, ôc même le fond étoit ferme ôc
391 Histoire de lOrdre
Pierre folide. Mais il y eut plus de difficulté à la fortiej
»e Ville-
bride. lorfqu’il fallut prendre terre , par la hauteur du
bord qui étoit efcarpé. Le Comte d’Artois avec fa
troupe, prit terre le premier malgré trois cens che¬
vaux des ennemis qui voulurent s’oppofer à fon
paffiage. Il les chargea à la fortie de l eau ; ôc com¬
me la partie n’étoit pas égale, ces Sarrafins ne le
virent pas plutôt parte , qu’ils fe débandèrent, ôc
reprirent au galop le chemin de leur camp.
Le Comte (ans (e (ouvemr de fon ferment, 3c
de la parole qu’il avoir donnée au Roi fon frere
les pourfuivit l’épée à la main, quoique les deux
Grands Maîtres lui criaffent que cette fuite n’étoit
peut-être qu’une rufe affez ordinaire aux Orien¬
taux. Mais Robert qui nécoutoit que fon cou¬
rage, arriva auffi-tôt que ces fuyards au camp des
ennemis, les furprit, torça leurs retranchemens,
entra dans le camp ; ôc malgré toute la réfiftance
que put faire Facardin Général des Sarrafins qui'
périt dans cette occafion, ces Infidèles perfuadez
que l’armée entière des Chrétiens étoit maîtreffe -
de leur camp, s’enfuirent 1 les uns prirent le che¬
min du Caire , d’autres fe jetterent dans la Maf-
(oure • ôc ne s’y croyant'point encore en fureté,
ils pouffèrent plus loin-, ôc ne fe rallièrent que
quand ils fe crurent affez éloignez de l’ennemi pour
n’en être plus apperçus.
Matt. Far 's Rien ne manquoit à un fuccès fi heureux ôc fi
.
adann.i2so (urprenant , fi le Comte eût fçu s’en contenter.
^ °1 ' Mais la vue de la Maffoure ouverte Ôc abandon-
y XllVE nee Par ^es ennemis & par plupart même de fes
habitans, fut un charme funefte qui l’emporta fur
toutes
de Malte. Liv. III. 393

toutes les remontrances que Guillaume de Sonnac Pl E R R *'


a T . _ DEVILLE-
Grand Maître des Templiers lui put raire : il y ou- b r i de.
lut ablolument continuer à pourfuivre l’ennemi.
En vain ce vieux Guerrier lui reprefenta qu’il 11e
devoit fa victoire ôc la défaite des Infidèles qu’à
une terreur panique ,. 8c à la perfuafion où ils etoient
que toute l’armée chrétienne avoit traverlé le ca¬
nal , 8c fe trouvoit à cette adlion ; qu’il falloit bien
fè garder de les détromper, parcequ’ils n’auroient
pas plutôt reconnu le petit nombre de fes trou¬
pes , qu’ils fe rallieroient à leur ordinaire, revien-
droient à la charge, 8c l’envelopperoient de tous
cotez. Le jeune Prince naturellement hautain, 8c
devenu plus fier par ce commencement de viétoire,
s’écria en colere : » Il ne faut point chercher d’au-
» très preuves que ce difcours artificieux, de l’in-
» telligence qu'on dit que les Templiers entre-
» tiennent avec les Infidèles ; je reconnois ici leur
» trahifon, 8c l’elprit féditieux des Hofpitaliers.-
» C’eft avec bien de la juftice qu’on publie depuis*
» fi long-temps qu’eux feuls pour fe rendre tou-
« jours néceffaires, 8c pour tirer tout l’argent de
» l’Occident, ne veulent point que la guerre finilfe : •
^ voilà la véritable caufe de la perte de tant de Prin--
« ces 8c de Seigneurs croifez qu’ils ont empoifon-
»> nez, ou qu’ils ont lailfé périr dans les batailles,
« de peur de le voir loumis a la domination des anru l24?,.
» Princes d’Occident : 8c qui ne fçait toute la peine
» que l’Empereur Frédéric a eue pour fe débaraifer
»> de leurs embûches ? * g A A .

Les deux Grands Maîtres 8c tous les Chevaliers , ji ^ ^


outrez de ces reproches : » Hé quoi ! grand Prince, 79°>
Tomt- /» D d d-
394 Histoire de l’Ordre
LE R R e » lui répondirent-ils, penfcz-vous que nous ayons
DE V I L L
BRI DE. » abandonné nos biens ôc notre patrie, que nous
“» ayons pris l’habit de Religieux dans une terre
» étrangère, ôc que nous expofions tous les jours
nos vies pour trahir l’Egliie chrétienne, ôc re-
» noncer à notre falut ? Croyez qu une penfée fi
» indigne d’un Chrétien, n’eft jamais entrée dans
» l’efprit d’aucun Chevalier. Le Grand Maître de
Sonnac emporté par fon refTentiment, cria à celui
qui portoit letendart de fon Ordre : » Déployez
» votre bannière, il faut que les armes ôc la mort
55 décident aujourd’hui de notre honneur ôc de
s» notre deftinée : Nous étions invincibles, ajou-
»> ta-t’il, iî nous fuflions reftez unis 5 mais l’efpric
» de divifion va caufer la perte des uns ôc des au-
très. *
Le Comte de Salisberi voulut s’entremettre pour
adoucir les eiprits, ôc adreifant la parole au Prince
François : „ Je crois, Séréniilime Comte, lui dit-il,
,, que vous ne pouvez faillir en fuivant l’avis d’un
„ auiïî faint homme que le Grand Maître, ôc aufll
„ confommé dans le métier de la guerre ; ôc de
„ jeunes gens ne feront jamais deshonorez en fe
,, confiant à un homme de cet âge ôc de ce mé-
,, rite. Mais le Seigneur Anglois ne fut pas moins
indignement traité que le Grand Maître, ôc le
Comte d’Artois ne répondit à un difcours fi iagé
que d’une maniéré piquante : Tout ceci, s’écria ce
Princt^ftntU queue, faifant allufion à un bruit qui
*Ut quid, Cornes generofe, habitumfufciperemusReligionis ? Num-
quid ut EeclefiamChrdheverteremus 3 8c proditionibus intendentes ani¬
mas noftras perderemus? Abfit, abfit hoc ànobis, imô ab omm Chrif-
ûano. Mut, ï*rii» p, 790,
de Malte. Livre III. ^
couroit alors que les Anglois pour punition de l’af PI ï RRÏ
Ville--
faflinat de faint Thomas de Cantorberi, avoient br I D E.
une queue attachée au bas des reins. Comte Ro- —
bert, lui répartit fierement l’Anglois , » j’irai au-
» jourd’hui fi avant dans le péril , que vous n’ap-
59 procherez pas feulement de la queue de mon
9> cheval ; ôc en difant ces paroles , ils partirent
tous de la main comme des furieux, & ne prirent
>>lus ni ordre ni confeil que de leur colere & de
eur emportement. Ils entrèrent tous dans la Maf¬
foure qu'ils trouvèrent ouverte. Les uns s'arrêtè¬
rent au pillage, d'autres pouffèrent plus loin, ôc
tâchèrent de joindre les Sarrafins. Mais ces Infi¬
dèles s'étoient déjà ralliez fous un de leurs Chefs
appellé Bendocdar, Officier plein de valeur, Sol¬
dat ôc Général, que nous verrons dans la fuite s'é¬
lever par fon courage & fon habileté fur le trône de
fos Maîtres. Ce Commandant ayant reconnu le pe- r
tit nombre des François, revint à la charge , les
pouffa à fon tour. Le Comte d’Artois fur obligé
de fé jetter dans la Maffoure, & il y fut auffi-tôt
inverti - Ôc de peur qu'il n’échapât, Bendocdar,,
après s’être affuré des portes, jettaun corps confi-
derable de troupes entre la Ville Ôc le Thanis, pour
empêcher le Roi de venir au fecours de fon frere.
Ce jeune Prince que fon courage avoit précipité
dans le péril, fe vit attaqué en même tems par des
troupes réglées ôc par les habitans de la Maffoure ^
les uns combattoient les François dans les rues,
J
ôc les autres faifoient pleuvoir fur eux des pierres,,
du fable embrazé, de l’eau bouillante, ou les per-
çoient d’en haut à coup de flèches j en forte que le
Dddij;
396 Histoire de l’Ordre

P1 Ville5 Comte d’Artois, le Comte de Salifberi avec laplù-


b ri de. part des Chevaliers des deux Ordres périrent dans
' cette malheureufe journée. Il n en échapa prefque
que le Grand Maître du Temple, qui, apres avoir
perdu un oeil, &tout couvert de blelTures, regagna
larmée Chrétienne. Les Sarrafins firent quelques
prifonniers, parmi lefquels fe trouva le Grand
Maître de Saint Jean. Le lort du Roi ne fut pas plus
heureux : apres differens combats où il perdit beau¬
coup de monde, les François réduits à un petit
nombre par les maladies & la diferte des vivres,
6c tâchant de regagner Damiette, le virent enve¬
loppez, 6c comme accablez par la multitude des
Barbares. Le Roi de France, Alphonfe Comte de
Poitiers, & Charles Comte d’Anjou fes freres, avec
tout ce qu’il y avoit de Seigneurs^ furent faits prb
fonniers.
Comme ce n’eft point Fhiftoire de ce Prince
que j’écris, je n’ai pas cru devoir m’arrêter dans le
détail 6c dans les circonftances de ce trille événe¬
ment , où un Roi fi puiflant, fi fage 6c fi plein
de valeur fe vit en fpeâacle à tout l’Univers comme
le plus malheureux de tous les hommes. Il ne for-
tit des mains de ces Barbares qu’en rendant Da¬
miette , 6c en payant huit cens mille befans pour
la rançon des prifonniers, dont les Hofpitaliers 6c
les Templiers avancèrent la meilleure partie. *
Son deffein en fortant de l’Egypte étoit de re¬
tourner incefiamment en France j mais le Grand
Maître des Hofpitaliers , 6c celui des Templiers lui
* Poftqnam pecuniæ prætcntatæ quantitatem, quam mutuô recepetat à
Templariis & Hofpitalariis, Janvenfibus & Pifanis penitùs reacceptis ob-
Ædibus, perfolviiTet. Matt. Paris. p. 7pp.
de Malte. Livre III. 397
reprefenterent fi vivement letat miferable de la dePlERR! Ville-
T erre fainte, & le danger où elle étoit de retomber bride.
entre les mains des Infidèles , qu’il refolut de relier
quelque tems dans faint Jean d’Acre, pour faire
relever les fortifications des autres Places dont les
Chrétiens étoient encore maîtres. 1 111 »
Pendant le féjour qu’il y fit, le Prince des Aflaf- I
fins, que les Françoisappelloient le Vieux, ou plu¬
tôt le Seigneur de la Montagne, & dont nous avons
déjà parlé, lui envoya deux Députez pour lui de¬
mander des préfens que ce malheureux Chef de
bandits exigeoitdes Princes par forme de tribut,
pour ne les pas faire alfalliner. » L’Empereur d’Alle-
« magne, lui dit un de ces Envoyez, le Roi de Hon-
grie, le Sultan même d’Egypte, ôc tous les Prin-
»> ces n'ont pas manqué de s’acquitter de ce devoir,
5» fçachant bien qu’ils ne feroient en vie qu’autant
» qu’il plairoit à notre Seigneur : il vous avertit donc
5> de vous foumettre comme eux à cette loi, ou du

*5 moins de le faire décharger du tribut qu’il paye


aux Grands Maîtres du Temple & de l’Hôpital.
On leur demanda , dit Joinville , pourquoi ils ne Joinville
p. Sf & U.
,
fe défaifoient pas de ces deux Grands Maîtres qui
*> les forçoient de leur payer tribut. Si Monfeigneur,
» répondirent-ils, faifoit tuer un de ces Grands
» Maîtres, tantôt il y en auroit un autre aufiî bon,
» &: pour ce ne veut-il mettre fes gens en péril où
» ils ne fçauroient rien gagner. Le Roi, fans daigner
répondre à ces Barbares, les renvoya aux deux
Grands Maîtres, & Pierre de Villebridequi enten-
doit leur langue, & qui fçavoit de quelle maniéré
ilfalloit traiter avec ces bandits, prenant la parole :
D d d iij
398 Histoire de l’Ordre
PlERRE
DE V I L LE-
» Votre Maître, leur dit-il, eft bien hardi d’ofer
BRI DE. » faire de telles propositions à un Roi de France*,
» fi nous n avions égard au caraétere d’Envoyez
» dont vous êtes revêtus, nous vous ferions jetter
» à lénifiant dans la mer : allez, retirez-vous,
» dites au Seigneur de la Montagne,, qu’il ait dans
« quinze jours à envoyer au Roi des Lettres qui
» réparent fon infolence : finon qu’il aura à faire
» aux Chevaliers des deux Ordres.
La crainte de leur reflentiment fit peur à celui
qui s’étoit mis en pofTeflion de faire trembler la
plupart des Souverains > il renvoya dans la quin¬
zaine ces mêmes Députez qui apportèrent au Roi
de fa part une chemife pour lui défigner qu’il vou-
loit lui être attaché comme la chemife l’eft au
corps humain, & ils lui preTenterent en même
temps un anneau d’or, où le nom de leur Maître
étoit gravé,, apparemment comme une fauvegarde
qu’il lui envoyoit..
Le Sire de Joinville , dont j’ai tiré ce fait, em
rapporte un autre à la vérité bien moins confi-
derable, ôc même afiez indiffèrent, fi quelque
chofe le pouvoit être de ce qui peut fervir à faire
connoître la difcipline de l’Ordre dans ces fiecles
reculez. Ce Seigneur, dans la vie qu’il nous a laiffée:
de Saint Louis, écrit que dans le temps qu’il étoit à
la fuite du Roi dans la ville d’Acre, des Gentils^
hommes & des Chevaliers François qui étoienr
venus à la terre fainte fous fa Bannière, étant allez,
proche de la Ville à la chafie des Gazelles, efpece
de Chevreuils communs en ce pays-là, ils furent:
rencontrez par des Hofpitaliers, & que fur une
.

/.

>

ê
de Malte, Livre III. 399
difpute qui s’émût entr’eux au fujet de cette chafle, Guillau¬
me deCha-
on en vint aux voyes de fait, ôc que les François TEAUNEUF.

furent fort maltraitez. Ce Seigneur en porta auffi-


Il JI.
tôt fes plaintes au Grand Maître ^ c’étoit Guil¬
laume de Chateauneuf , dont nous avons
déjà parlé, François de Nation, ancien Religieux,
fevere obfervateur de la difcipline régulière, Ôc
qui apres avoir pafle par toutes les Charges de
l’Ordre , venoit de fucceder à Frere Pierre de Ville-
bride. Ce nouveau Grand Maître ayant pris con-
noiflance de ce différend, condamna fes Religieux
à manger dans le réfectoire à terre fur leurs man¬
teaux, félon, dit Joinville, le droit ôc lufage de
lafainte terre, & il ajoute : » Je me trouvai làpre-
» fent avec les Chevaliers, Ôc requifmes au Maître
quil fifl:lever les Freres de defïiisleurs manteaux,
» ce qu’il quida refufer ; mais en la fin , force lui
» fut qu’ainfi le fift, car nous nous affîmes à terre
» avec les Freres pour manger avec eux, ôc ils ne
» le voulurent fouffrir, ôc fallut qu’ils fe levaffent
» d’avec nous pour aller manger avec les autres
» Freres à la table, ôc nous laiflerent leurs man-
« teaux, apparemment par forme de fatisfaction
» ôc dédomagement.
On gardoit un filence exact dans les réfectoires
de l’Ordre ^ des lectures pieufes ôc édifiantes y te-
noient lieu de converfation, Ôc ce ne fut qu’à la
priere ôc furies remontrances de Frere Rambault,
Prieur de Hongrie, que le Pape Innocent IV.
qui étoit alors fur la Chaire de S. Pierre, permit
depuis aux Hofpitaliers de cette Nation de rompre
le fîlence dans le réfectoire, quand ils feroient
400 Histoire de l’C^rdre
Guillau¬
me deCha
obligez d’y recevoir des Séculiers diftinguez par
TEAUNEUF. leur haute naifTance , ou par leurs dignitez.
Telle étoit alors la difcipline régulière de cet
Ordre quand le Roy Saint Louis fut rappelle en
France par la mort de la Reine Blanche fa mere,
qui en fon abfence avoit la Regence de fes Etats.
Ce Prince après avoir fortifié S. Jean d’Acre, rebâti
Saïde, Cefarée, Jaffa, ôc laiffé dans le pays un fe-
cours confiderable de troupes & d’argent , s’em¬
ÏZ 5 4. barqua le 14 d’Avril de l’année 11^4, chargé des
bénédictions ôc. des vœux de tout lepeuple • ôc après
avoir été également l’admiration des Sarrafins
comme des Chrétiens par fa valeur dans les com¬
bats, ôc par une fermeté invincible dans fes dif-
graces.
Quelque dépenfe que ce Saint Roy eût faite, &
quelques précautions qu’il eût prifes pour mettre
en défenfe le peu de Places qui relfoîent aux Chré¬
tiens dans la Terre fainte, lePapejuftement allai-
mé de fon départ, en recommanda particulière¬
ment la confervation aux Hofpitaliers • ôc pour les-
y engager, non-feulement il confirma tous les pri¬
vilèges que les prédeceffeurs avoient accordez à;
l’Ordre ; mais croyant récompenfer des fervices*
aufli effentiels que ceux qu’ils rendoient continuel¬
lement dans toute la Chrétienté, il leur donna le'
Monaftere du Mont Thabor, bâti fur cette mon¬
tagne en forme de Fortereffe, avec le Château de'
Béthanie, où la Reine Melifende femme du Roy
Foulques d’Anjou, avoit autrefois établi des Reli--
gieufes • mais qui depuis la perte de Jerufalem s’é~-
toient.retirées.en Europe.
Si
de Malte. Livre III. 401
Si on confidere la fituation des lieux, & le voi- Gutilaw-
ME D £ Ch a-
finage des Sarrafins, ces donations étoient moins TEAUNEUF.

des grâces que des engagemens .à de nouveaux pé-


rils. Le Grand Maître fans examiner la fituation fi
dangereufe de ces Places, y établit differens corps
de (es Chevaliers-, il fortifia depuis le Château de
Crac fitué dans le Comté deTripoli, &quiappar-
tenoit à l’Ordre depuis long-temps -, Ôc comme ce
Grand Maître ne fongeoit quà réprimer les courfes
des Infidèles, il mit cent Chevaliers avec des trou¬
pes à la folde de l’Ordre dans le Château d’Afiur ,
frontière des terres que les Sarrafins occupoient
dans la Paleftine.
On ne pourroit donner que de juftes louanges à
des foins fi dignes de fa place & de la valeur de
fes Chevaliers, fi ces Religieux & les Templiers
oubliant les devoirs de leur profeflion, & les loix
du Chriftianifme, navoient en ce temps-là tourné Conciran-
te enim hu¬
leurs armes les uns contre les autres. O11 vit renaître ma ni generis
leurs anciennes animofitez: forts ou foibles ils fè hofte,imbu»
tos. mutuo
chargeoientpar toutou ils fe rencontroient • enfin odioex infa¬
na æmulatio-
ces deux Corps fi redoutables aux Infidèles, en vin¬ ne concepta
animos,Ho£
rent, pour ainfi-dire, aune bataille & à un combat piralarü tan-
général. Le fort des armes ne fut pas favorable aux tamTempla-
riorum (ira-
Templiers ^ on ne fit point de prilonniers les Hof- gem edide-
re » ut vix
pitaliers taillèrent en pièces tout ce qui tomba ions acceptæ cla>
leur fabre : à peine, dit l’Hiftorien Ecclefiafiique, dis nuntius
lupercffet.
refta-t’il un Templier pour porter dans les places Rai», ad
Iîjji n. 6l»
de fon Ordre les nouvelles de cette défaite. Ce qui
reftoit de Templiers à la Terre fainte ne fc'fentant
pas allez forts pour en tirer vengeance, appelèrent
par une citation générale leurs Freres d’Occident y
Tome h Lee
402 Histoire de l’Ordre
Guillau¬ Sc ce qui eft de plus furprenant dans cette efpece
me de Ch a-
TEAUNEUF. de guerre civile, Sc où l’animohté regnoit avec
tant de fureur, c’eft que fi on en excepte cette an¬
IZ) U cienne jaloufie qui leur mettoit de temps en temps
les armes à la main, on trouvoit encore dans leurs
Maijfons le même elprit de charité pour les pauvres
Sc les pèlerins, & le même zele pour la défenfe des
Chrétiens de la Paleftine. Il auroit été bien à fou-
haiterque leur émulation ne fe fût jamais tournée
que de ce côté-là.
Le Grand Maître de Chateauneuf mourut en
ï 2 6 o.
ce temps-la, Sc apres fa mort fa place fut remplie
Hu G U ES par Frere Hugues de Revel, d'uneMaifon
L>e Revel.
illuflre de Dauphiné, à laquelle il donna un nou¬
vel éclat par la fage conduite qu’il tint dans le
Gouvernement. Pendant dix-huit ans que dura fon
Magiftere, l’Ordre par rapport au temporel prit
une nouvelle forme : nous avons dit que tous les
biens de la Religion étoient adminiftrez par des
Religieux comptables, & qui après avoir pris ce
qui étoitnecefTaire pour leur fubfillance, dévoient
faire paffer le refie au Chef d’Ordre & au Trefor
de la Religion. Mais comme la dépenfe de ces
Adminiftrateurs abforboit fouvent la recette, Sc
d’ailleurs que l’Ordre, pour fournir aux frais im-
menfes d’une guerre continuelle , avoit befoin
d’un revenu fixe ôc certain, dans un Chapitre gé¬
néral tenu à Cefarée, on arrêta un rôle des fommes
que chaque Maifon enverroit à la Terre Sainte &
au Trefor - &parceque dans les obédiences Sc les
commiffions qui furent depuis données aux Che¬
valiers chargez de cette adminiflration, on fe fer-
de Malte. Livre III. 403
vit de cette expreflion : Nous vous recommandons Hugues
de Revil.
cesbiens, ôcc.Commendamus, cette adminiftration
Pantaleon.
particulière de chaque Mailon prit le nom de Com¬ Jrlift. /. p.
me ndat an a , d’où eft venu le nom de Commanderiez ôc 82.

le titre de Commandeur.
Cependant ce titre n’étoit pas alors à vie, il étoit
amovible, & fut fubftitué à celui de Précepteur
dont on s’étoit fervi jufqu’alors.
On réduifit enfuite ces Commanderies fous
differens Prieurez. Le Prieur étoit chargé d’en faire
la vifite, & d’envoyer à la T erre Sainte, en troupes
ou en argent, les contributions ordinaires de cha¬
que Commanderie de fon Prieuré , appellées
Rtfponfions , qui pouvoient être augmentées félon
lesbefoins de l’Ordre , & en confequence des Or¬
donnances & des Decrets du Chapitre général.
Ce Chapitre tenu alors à Cefarée , voulant
autorifer cet elprit de défapropriation , fondé
furie voeu de pauvreté que faifoient tous les Che¬
valiers, leur défendit de tefter, d’inftituer des he¬
ritiers , & de faire aucuns legs. Par ce Statut, il
ne leur eft pas même permis de laiffer par tefta-
ment aucune gratification extraordinaire à leurs
domeftiques, fans un confentement exprès du
Grand Maître. Telle étoit alors la difeipline de
fOrdre, necefïaire non-feulement par rapport à
Fobfervation du vœu de pauvreté, mais encore eu
égard aux guerres que cet Ordre foutenoit con¬
tinuellement contre les Infidèles. Nous allons en¬
trer à prefent dans des tems encore plus fâcheux,
où ces Religieux militaires continuèrent à donner
de nouvelles marques de leur zele &: de leu.c
valeur. Eeeij
404 Histoire de l'Ordre
Hugues
D £ Re VLL.
Bendocdar, qui avoic eu tant de parc à la dé¬
faite de Robert Comte d’Artois , regnoit alors en
Egypte : c’étoitle quatrième desMamelus,quiétoit
monté far le Trône , & il s’en étoit emparé par la
mort de Meléch Elvahét qu’il avoit fait maffacrer
fous prétexte que ce Sultan ne vouloit pas rompre
une trêve qu’il avoit faite avec les Chrétiens la¬
tins de la Paleftine.
lz 63. Bendocdar ayant été mis en fa place par les
Mamelus, fignala fon avenement à la Couronne
par une guerre cruelle & fanglante quil fit aux
Chrétiens, & ^fur-tout aux Chevaliers des deux
Ra n. ad Ordres. Le Sultan de Babilone, dit le Pape Ur¬
ann. 1263. n. bain IV. écrivant à faint Louis, eft venu contre
1, ?.
la foi des traitez, camper avec une armée formi¬
dable entre le Mont Thabor & Naïm, & fes trou¬
pes , en haine du nom Chrétien, ont porté le fer
& le feu jufqu aux portes d’Acre : il a même fait
( rafer l’Eglife de Nazareth & celle du Mont Tha-
Q
bor. Ses loldats tuent indifféremment tout ce qu’ils
rencontrent, fans diftinélion d’âge ou defexe.La
condition de ceux qui meurent par le fer des
Barbares n’eft pas la plus à plaindre -y il n’y a point
de fupplices qu’ils ne faffent fouffrir à leurs pri-
fonniers, pour les obliger à changer de Religion.
Le Sultan ayant refolu de chaffer entièrement
les Chrétiens delà Paleftine, afliegéa la fortereffe
Sanut /. 3.
par. i2. c. S. d’Affur qui appartenoit à l’Ordre desHofpitaliers.
C’étoit une des plus fortes Places de la Paleftine ;
Il6$. & le Grand Maître, outre la garnifon, y avoit mis
90 Chevaliers: ils fe firent tous tuer l’un après
l’autre dans les différons affauts qu’ils foutinrent3
de Malte. Livre III. 405
Ôc le Sultan nentra dans la Place, qu’en partant Htr gtte s
DE ItEVEL.
fur les corps de ces intrépides Chevaliers, qui fous
le mérité de l’obédience , alloient avec joye au
combat ôc à la mort.
Les Templiers l’année fuivante ne furent pas
mieux traitez,& ne témoignèrent pas auffi moins
de valeur ôc de fidelité pour leur Religion. Ils
étoient maîtres d une autre Fortereffe appellée
Sephet. Bendocdar y mit le fiége, ôc apres une
longue défenfe, le Prieur du Temple qui en étoit
Gouverneur, voyant tous fes ouvrages ruinez, fut
obligé de capituler. On étoit convenu par la capi¬
tulation de le faire conduire avec les Religieux >
4ôc le relie de fa garnifon, qui étoit encore de
fix cens hommes jufques dans la Place la plus
voifine qui appartînt aux Chrétiens. Mais le Sou¬
dan ne fe vit pas plutôt maître de Sephet, qu’il
fit defarmer les uns &les autres, ôc il ne leur don¬
na que la nuit luivante pour fe refoudre à mourir
ou à fe faire Mahometans. Le Prieur du Temple
qui étoit un faint Religieux, aflillé de deuxFran-
Pofthos ve-
cifcains, employa ce peu de tems fi heureufement, ro fratrttn
Jacobum de
ôc il exhorta fes confrères ôc fes foldats avec tant Podio &: fra-
de zele ôc de pieté à préférer la Couronne du mar¬ trem Jeie-
miam, quia
tyre aune vie perirtfable &c deshonorée par une hon- cæteros infi-
de fïrmave-
teufe apoftafie, qu’ils fe lairtferent tous le lende¬ ranc,& Prio-
remTempla-
main égorger plutôt que de vouloir changer de riorura ex-
Religion. Le Soudan irrité de leur fermeté, & de coriari fece-
runt j deinde
la confiance du Prieur du Temple, apres lui avoir fu(tigari,po-
(tremo ad lo-
inutilement offert des richeffes ôc desdignitez,le cum cæcero-
fit écorcher tout vif - ôc comme s’il eût craint en¬ rum deduéli
capite exft
core qu'il n eût échappé à un fuppîice fi cruel, il Tuât- Sanut ib.

Lee iij
406 Histoire de l’Ordre
HU O U Es
commanda quon lui coupât la tête. Il fit fouffrir
PE Revel,
les mêmes tourmens à deux Religieux de faint
François qui avoient fervi d’aumôniers dans la
Place. » Par la mort de tant de Chevaliers des
» deux Ordres, dit le Pape Clement IV. dans une
» de fes Lettres, voilà le noble College des Hof¬
pitaliers, & l’illuftre Milice du Temple prelque
Preuve «détruits* 3c fans parler de la perte de ces deux
XIII. » Places, des armes 3c des équipages, comment
«apresune fi grande perte, trouver allez de Gen-
« tilshommes &: de perfonnes nobles pour rem¬
placer ceux qui ont péri dans ces deux occafions?
Quoique les Historiens contemporains dès le
douzième fiecle donnaient le titre de Grand y
au Maître des Hofpitaliers, comme on l’a pu voir
dans cette Hiftoire * cependant les Papes, foit pour
fe conformer à l’ancien ufage, loit par rapport à
leur fuprême dignité, ne traitoient le Supérieur
Général de l’Ordre, que de Maître des Hofpita¬
il6j. liers de faint Jean. Ce fut le Pape Clement IV.
dont nous venons de parler, qui pénétré des fer-
vices des Hofpitaliers, donna à leur Chef la qua¬
lité de Grand Maître, comme on le trouve
dans un Brefde ce Pontife en datte du 18 Novem¬
bre 1167 > & ce Pape dans une autre Bulle,ajoute:
«LesFreres de l'Hôpital de Saint Jean de Jerufa-
« lem , dit-il, doivent être confiderez comme les
« Macabées du nouveau Teftament.Ce fontces gé-
« 11ereux Chevaliers, qui ayant renoncé aux defirs
« du fiecle, 3c abandonné leur patrie 3c leurs biens*
« ont pris la Croix pour fe mettre à la fuite de
« Jefus-ChrifL Cefl: deux dont le Sauveur dfs
de Malte. Livre III. 407
*» hommes fe fert tous les jours pour purger fort DE Hu g ir e s
ReVEL.
» Eglife des abominations dés Infidèles , & qui pour
» ladéfenfe des pèlerins & des chrétiens, expofent
« fi courageufement leurs vies dans les plus grands
1269.
« dangers. C’eft ainfi qu’en parle ce Pape dans fa
Bulle donnée à Viterbe en datte du 4 des Ka-
lendes de Juin & de lan premier de fon Pontificat*
Mais quelque honorable que fufTent ces éloges
8c ces titres , la Terre Sainte 8c les Ordres en
particulier, preffez, 8c pour ainfi dire, accablez
par la puiflance formidable de Bendocdar, avoient
befoin pour leur fecours de quelque chofe déplus
effectif que de louanges fteriles. Le Soudan fe pré¬
valant de la confternation où étoient les Chré¬
tiens , leur venoit d’enlever le port de Jaffaj quinze 7. Mars
jours après, il emporta le Château de Beaufort. 1268. if. Avril.
Mais la conquête la plus importante qu’il fit, fut 19. May*
celle de la célébré Ville d’Antioche, qui ne lui
coûta pas feulement les frais d’un fiege. Il s’en
rendit maître par la trahifon du Patriarche, d’au¬
tres difent, par la lâcheté des habitans. Ils n’en
furent pasmieux traitez,foi tque le cruel Soudan
aimât à répandre du fang, foit qu’il fût bien-aife
de diminuer dans cette grande Ville le nombre
des habitans chrétiens : il en fit pafTer dix-fept mille
par le fil de l’épée 8c en amena cent mille en ef.
clavage.
Bendocdar tourna enluite l’effort de fes armes
contre la forterefTe de Crac, qui appartenoit à l’Or¬
dre de faint Jean. Les Chevaliers foutinrent le fie¬
ge pendant près de deux mois contre toute lapuifi
lance de ce Prince, à l’exemple leurs freres, qui
408 Histoire de i/Ordre
Hugues
de Revel.
avoient défendu Afliir • & fans vouloir entendre
■ parler de capitulation, ils fe firent tous tuer fur
la brèche, 3c le Soudan n’entra dans la Place,
quaprèsla mort du dernier de ces généreux guer¬
riers.
I270. Tel étoit alors letat de la Terre Sainte, fans
Souverain, fins armée, fans fecours,n’ayant pour
toute reffource que les Ordres Militaires qui fe
voyoient accablez par les armées nombreufes des
Infidèles* Je tirerois volontiers le rideau fur des
endroits fi trilles, fi les loix de l’Hiftoire ne m’obli-
geoient de rapporter également les differens éve-
nemens, 3c les mauvais fuccès comme les bons.
Parmi ces guerres continuelles, 3c au milieu du
tumulte des armes, le Grand Maître aulïl attentif
à la confervation de la difcipline reguliere, qua
la défenfe des Places confiées à la valeur de fes
Chevaliers, convoqua & tint jufqu à cinq Cha¬
pitres généraux. Il s y fit plufieurs Reglemens très
utiles, 3c on confirma en même tems les anciens
ufages de l’Ordre, entre lefquels on voit que pour y
être reçu en qualité de Chevalier, il falloit être
ilTti dans un légitimé mariage, tant du côté paternel
que maternel, de Maifons nobles, de nom 3c
darmes. La même condition étoit requife pour
les Religieufes de l’Ordre ; & dans un de ces Cha¬
pitres, il fut permis au Châtelain d’Empofte d’ad¬
mettre à la profeflion les Demoifelles qui feroient
paroftre une véritable vocation, 3c qui poftule-
roient pour être reçues, foit dans le Prieuré de
Sixene, foit dans les autres Maifons de Filles qui
dépendoient de fa Châtellenie 3c de fon Prieuré.
de Malte. Livre III. 409
Hugues
Il fut défendu dans les mêmes Chapitres & fous le d e Revel.
Magiftere du Grand Maître de Revel de donner
l’habit à aucun Religieux qui auroit fait profeflion
dans un autre Ordre. Enfin , par les mêmes re-
glemens, les Hofpitaliersne pouvoient point.choi-
nr des Confeffeurs étrangers & hors de l’Ordre,
fans une permiflion expreffe du Prieur de l’Eglife,
Supérieur des Chapelains, qui tenoit lieu d’Evêque
&: d’Ordinaire dans l’Ordre, & qui par la concef-
fion des Papes, en a voit l’autorité, & même les
ornemens quand il officioit.
De ces foins & de ces reglemens religieux , le
Grand Maître pafla à de plus importans, qui re-
gardoient la confervation & la défenfe de la Terre
Sainte • & de concert avec le Grand Maître des
Templiers, il fit une trêve avec le Soudan d’Egypte,
dans la vue d’en profiter pour tirer du fecours du
côté de l’Occident, fansdequel il étoit impoffible
aux Chrétiens Latins de fe maintenir plus longT
tems dans la Paleftine.
L’un & l’autre Grand Maître pafferent depuis
en Italie pour le folliciter plus vivement. L’élé¬
vation deThéalde ou de Thibaud Archidiacre de
Liège fiir le trône de S. Pierre, les détermina à en¬
treprendre ce voyage. Les Cardinaux, apre's avoir
laide le S. Siégé deux ans neuf mois fans fe pou¬
voir accorder, Ôc fans donner un Chef vifible à
l’Eglife, convinrent enfin de la perfonne de Thi¬
baud , Archidiacre de Liege, de la noble Maifon
des Vifcomti , & ils lui envoyèrent à la Terre
Sainte où fa pieté l’avoit conduit alors, le decret
de fon éleélion. Perfonne ne pouvoit être un meiL
Tome L Fff
410 Histoire de l*Ordre
H IT G U E S leur témoin de l’extrémité &: des juftes befoins des
D E REVEL .
Chrétiens de ce pays-là. Ce faint Pape en étoit
pénétré • & avant que de partir , il promit aux
Grands Maîtres d’employer toute 1 autorité que
Dieu venoit de lui donner dans l’Eglile pour leur
procurer du fecours. On prétend qu’en montant
dans le vaiffeau qui le devoit porter en Italie , il
employa pour confirmer fa parole cette expreflion
du pfeaume 136 : O Jerufalem 3Citéfainte, (î je t oublie
jamais, que je fois moi - même oublie parmi les hommes.
Ce fut à ce S. Pontife appellé Grégoire X. que les
deux Grands Maîtres qui le fuivirent de près, s’a-
dreflerent en arrivant en Italie. Il avoit déjà pré¬
venu leurs prières &: leurs remontrances ; ôc à peine
avoit-il débarqué, que fermant l’oreille aux com*
plimens des Cardinaux & des courtifans, il tra¬
vailla uniquement pendant huit jours à chercher
les moyens de fecourir la Terre Sainte. Il s’aflîira
d’abord de douze galeres armées, dont Pife, Ge-
nes, Marfeille & Venife dévoient fournir chacune
trois. Pour fubvenir aux frais de la guerre, il em¬
prunta de Philippe le Hardi Roi de France fils de
S. Louis vingt-cinq mille marcs d’argent -, & pour
fureté de cette fomme, les Templiers engagèrent
Rainaldi ad à ce Prince toutes les Terres qu’ils pofledoient
.
ann. 1272 nj
dans fes Etats.
& t.
Les deux Grands Maîtres en arrivant en Italie,
apprirent avec bien de la jove les mefures que le
Pape avoit déjà prifes en faveur de la Terre Sainte.
Cependant après lui avoir baifé les pieds, ils lui
reprefenterent que ce fecours pouvoit à la vérité
reculer pour quelque tems la perte du peu de
DE Malte. Livre III. 411
Places qui reftoient aux Chrétiens • mais qu’il fal- Hughes
di Revel.
Ioit des forces plus confiderables, s’il prétendoic
chafTer les Infidèles de toute la Paleftine.
Le Pape entra dans leurs vues • & apres en avoir
conféré avec les Cardinaux, il convoqua un Con¬
cile général à Lyon , comme le moyen le plus fur
pour exciter le zele des Fideles, & pour produire
une nouvelle Croifade. C’eft ce que nous appre¬
nons d une Lettre de ce Pontife au Roi de France
Philippe III. dit le Hardi. » Pendant leféjour que
» nous avons fait à la Terre Sainte, dit Grégoire
» dans fa Lettre, nous avons conféré avec les Chefs
» de l’armée chrétienne, avec les Templiers & les
» Hofpitaliers, & les Grands du pays touchant les
» moyens d’en empêcher la ruine totale. Nous en
*> avons traité depuis avec nos Freres les Cardû
» naux , & nous avons trouvé qu’il y faut envoyer
» inceffamment quelque fecours fur les galeres, en
» attendant un plus confiderable que nous efpe-
» rons procurer par FafTemblée d’un Concile gé~
»> néral.
Ce Concile ne fe tint qu’en 1274 : le Pape s’y 1274.
rendit, & en fit l’ouverture le2 de Mai. Il voulut
que les deux Grands Maîtres s’y trouvaient pour
reprefenter eux-mêmes l’état déplorable de laTerre
Sainte ; 8c fi on en croit un ancien manufcrit in¬
titulé Cérémonial des Cardinaux ^ qui fe trouve dans la
Bibliothèque du Vaticanfous le numéro 4734* ce
Pontife leur afïîgna dans le Concile une place dif
tinguée & au-deffiis de tous les Ambafïadeurs, des
Pairs de France , & des autres grands Seigneurs
qui étoient venus à cette célébré affemblée.
Fff ij
412, Histoire de l’Ordre
Hugues Je n’entreprens point de rapporter ce qui s’y
be Rèvel.
païTa dans les differentes Sellions : je remarquerai
leulement que dans la derniere il fut arrêté qu’on
prêcheroit la Croifade dans toute la Chrétienté ;
ôc pour fournir aux frais immenfes qu’exigeoit un
fi grand armement , on impofa fur toutes les Di-
gnitez Ecclefiaftiques , ôc fur tous les Bénéfices,
des fommes confiderables par forme de décimes
payables en fix ans.
Philippe Roi de France avoit déjà pris la Croix.
Rodolphe qui de fimple Comte de Hafbourg ,
venoit d’être élu Empereur d’Allemagne, la reçut
des mains du Pape, ôc Michel Paleologue,qui dès
l’année 1161 avoit furpris Conftantinople , pour
être reconnu par les Princes d’Occident en qua¬
lité d’Empereur , offroit de joindre fes forces à
celles des Croifez, & de fe croifer lui-même. Mais
perfonne ne prit la Croix avec plus de zele que
Charles Duc d’Anjou frere du Roi S. Louis , ôc
Roi des deux Siciles, qui fe prétendoit Roi de Je-
rufalem en vertu d’un tranfport ôc d’une ceflion
que lui en avoit fait au Concile même , Marie
Princefle d’Antioche, fille de Boemond IV. & de
la PrincefTe Mélifende, quoique Hugues III. Roi
de Chypre foutînt que la Couronne de Jerufalem
lui appartenoit comme iflii en droite ligne d’Alix
de Champagne, fille de Henri Comte de Cham¬
pagne, &dlfabeau fille d’Amauri troifiéme Roi de
Jerufalem. Ce Prince fe fit couronner en cette quali¬
té dans la ville de Tyr, ôc le Roi de Sicile de fon côté,
en attendant qu’il pût paffer à la Terre Sainte pour
prendre pofleifion des débris de ce malheureux
de Malte.. Livre III. 413
HVG UE S
Royaume 3 y envoya en qualité de Ton Lieutenant de Revel.
Roger de faintSeverin. Les Seigneurs du Royaume
fe partagèrent entre les deux prétendansj&le Grand
Maître des Templiers à Ton retour du Concile , fe
déclara pour le Roi de Sicile. Mais le Grand Maître
de Revel 6c les Chevaliers de faint Jean refterent
neutres conformément à leur réglé 6c aux flatuts
de l’Ordre, 6c ils proteflerent qu’il ne leur étoit
point permis de prendre les armes contre aucun
Prince chrétien. Cette conduite, quoique égale¬
ment fage 6c équitable, leur attira le reffentiment
de Charles d’Anjou , qui fît faifir tous les biens
que l’Ordre poffedoit dans fes Etats.
Bendocdar n’auroit pas manqué de profiter de
ces funefles divifions qui partageoient tous les
Chrétiens Latins de la Paleftine } mais il mourut
en ce tems-là d’une blefifure qu’il avoit reçue dans
une bataille où il fut défait par les fucceffeurs de
Genchizcan.
L’Hiftoire marque dans l’année fuivante la mort I 2, 7 8«
du Grand Maître Hugues de Revel, confumé par
les foins pénibles du gouvernement, 6c par les
cruelles inquiétudes des fuites déplorables qu’il
prévoyoit pour l’avenir. Les Chevaliers affemblez
en Chapitre dans leur Maifon de faint Jean d’Acre,
firent remplir fa place par Frere Nicolas Lorgue, Nicolas
LO RG U E.
Religieux d’un caraétere doux 6c infinuant, 6c qui
employa tous fes foins pendant fon miniftere pour
éteindre les divifions qui étoient entre les Che¬
valiers de fon Ordre, 6c ceux du Temple.
Quoique la trêve que les deux Grands Maîtres
avoient faite avant leur départ pour l’Occident
Fffiij
414 Histoire de l’Ordre
Nicolas avec Bendocdar fubfiftât encore , un Capitaine
L o r g u e.
de Melec-Saïs Ton fucceffeur , Toit quil en eût des*
ordres fecrets de Ton maître , Toit par un efprit de
brigandage, la rompit 8c vint faire des courfes , 8c
ravager la campagne jufqu’aux portes de Margat,.
fortereffe appartenante aux Hofpitaliers de S. Jean.
Les Chevaliers , furpris de cette incurfion au
I;Z1 8. milieu de la trêve , fortirent de la Place en bonne
ordonnance, chargèrent ces pillards , tk en taillè¬
rent en pièces la meilleure partie. Le Sultan vou¬
lant avoir fa revanche , envoya aux environs de
la Place un plus gros parti compofé de cinq
mille hommes. Les Chevaliers firent une nouvelle
fortie } mais avant que d’avancer contre ces In¬
fidèles, ils laifferent une partie de la garnifon pro¬
che des portes de la Ville , &c dans une embuf-
cade, pour faciliter leur retraite. Ils marchèrent:
enfuite droit aux ennemis j & apres une legere
efcarmouche , ils fe retirèrent avec une frayeur
apparente, &: comme s'ils euffent été épouvantez,
du nombre fuperieur des Infidèles. Les Sarrafins
pleins d’audace 8c de confiance , les ponfferent -y
lès Chrétiens continuèrent àfe retirer devant eux
jufqu a ce qu’ils les eufTent attirez au de-là de Tem-
bulcade : pour lors ils firent face, 8c chargèrent
en tête les ennemis,, pendant que les troupes qui
étoient dans Tembufcade^en fortirent : pouffant
alors de grands cris , ils prirent les Infidèles en-
queue. Ceux-ci furpris , 8c marchant la plupart:
Lins ordre 8c fans précaution comme à une vi¬
ctoire certaine, furent bien-tôt enfoncez : ce fut:
moins dans la fuite un combat qu’une déroute*
de Malte. Livre Iïï. 415
Les Sarrafins cherchèrent à leur tour leur falut dans Nicgias
Lorgui.
la fuite ; il y en eut beaucoup de tuez, & plufieurs
furent faits prifonniers avec l’Emir qui comman-
doit ce détachement.
LeSultanpiquédecettederniere déroute, réfo-
lutde s en venger par la ruine même & la deftruc-
tion de cette fortereife ; mais ayant été retenu par
des affaires importantes dans fes Etats, il ne put
executer fondeifein que trois ans après qu’il vint lui-
même aflieger laPlace à la tête d’une armée formi¬
dable. Le Grand Maître y tenoit toujours un gros
corps de troupes. Melec - Sais tenta d’abord d’em¬
porter la Place par efcalade. Ses foldats fe pre-
lenterent avec des échelles au pied des murailles,
êc tâchèrent d’en gagner le haut *, mais ils trouvè¬
rent par tout le même courage ôc la même réfif-
tance. Les Chevaliers ne les lailfoient monter que
pour les précipiter de plus haut; les pierres, les feux
d’artifice, l’eau bouillante, tout fut mis enufage;
& le Sultan apres avoir perdu beaucoup de monde
fut obligé de faire fonner la retraite. Il fallut que
ce Prince en revînt aux réglés ordinaires : il ou¬
vrit la tranchée, & bâtit les murailles avec les ma¬
chines & les pierriers dont on fe fervoit en ce tems-
là. Mais ils avançoient peu; les Chevaliers faifoient
tous les jours des forties, & après avoir nettoyé la
tranchée, ils portoient fouvent la terreur jufqu au
milieu du camp des Infidèles. Ils brûlèrent même
plus d’une fois toutes les machines, & ils auroient
réduit le Sultan à lever le fiege, s’ils neuffent pas
eu un ennemi caché, qui les furprit, ôc dont ils
ne purent fe défendre.
416 Histoire de l’Ordre
Nicolas
Lorgui.
Pendant que Melec-Saïs les amufoît, pourain-
fi dire, par de fauffes attaques > Tes troupes tra¬
vaillent jour ôc nuit à creufer des mines qu’ils
pouffèrent jufques fous les murailles de la Pla¬
ce , en forte quelles ne pofoient plus que fur
des appuis de bois : il envoya enfuite fommer le
Gouverneur & la garnifon de lui ouvrir les portes.
Us reçurent avec raillerie cette fommation, & ils
demandèrent à l’Officier fi fon maître avoit crû
leur devoir faire un pareil compliment avant que
de lever le fiege. Mais il falut changer bien-tôt
de langage ^ cet Officier leur dit que la fortereffie
étoit minée par tout -, il leur offrit de les conduire
dans la mine, ôc de leur faire voir qu’il ne tenoit
qu’au Sultan de faire mettre le feu aux appuis, Ôc
de s’ouvrir par-là un paffage dans la Place : le Gou¬
verneur envoya auffi-tôt avec cet Officier deux
Chevaliers qui furent convaincus dans ce moment
de la vérité de fa relation. Il fallut traiter ôc aban¬
donner la Place, ôc apres que les Chevaliers en
furent fortis, le Soudan la fit raferpour leur ôter
rz 8 s-
l’efperance d’y rentrer dans une conjoncture plus
favorable.
Fan taie on.. /..
Un Hiftorien prétend que des Chevaliers Alle¬
3' p* ’$S•
mands, qui fe trouvèrent à la défenfe de cette Pla¬
ce, pour en conferver la mémoire, bâtirent de¬
puis dans leur pays une fortereffe fur le mêmeplan*
qu’ils appellerent Mergatheim, qui apres avoir
appartenu long-tems à l'Ordre defaint Jean,eft
tombée depuis, entre les mains des Chevaliers-
Teutoniques.,
Le Sultan après la conquête de Margat s’em¬
para
de Malte. Livre III. 417
para du Château de Laodicée,& il le dilpofoit à faire Nicolas
L O R G U E.
le fiege de Tripoli , lorfqu un des principaux Emirs,
appelle'Melec, le fît périr, & le plaça fur le Trône
fous le nom de Melec-Meffor. Ce nouveau Sou¬
dan apre's avoir établi fa puilfance dans l’Egypte,
reprit les deiTeins de fon prédeceffeur de chaffer
les Chrétiens de la Paleftine, & forma le fiege de
Tripoli qu’il emporta d’affaut , Sc qu’il fit razer,
comme Melec-Saïs avoit fait Margat. Il auroit pu
étendre plus loin fes conquêtes ; mais craignant
de s’attirer toutes les forces d’Occident par quelque
nouvelle Croifade, il fit une trêve avec Henry IL
Roi de Chypre fils de Hugues III. qui depuis là
malheureufe cataftrophe des Vêpres Siciliennes,
aü préjudice de Charles Duc d’Anjou,Roi de Si¬
cile , s’étoit fait reconnoître 8c couronner Roi de
Jerufalém, Ôc avoit chalfé de la Paleftine le Lieu¬
tenant ôc les troupes du Prince François. *
Telle étoit la fituation des affaires de la Terre
Sainte: de tant dePlaces que Godefroy de Bouil¬
lon 8c fes fucceffeurs avoient conquifes, il ne ref-
toit plus que la feule Ville de faint Jean d’Acre.
Tous les Chrétiens Grecs 8c Latins de differentes
Nations s’y étoient réfugiez, 8c ce qui eut dû en
faire la force, caufoitfa foibleffe, par la divifion
qui étoit entre les Chefs de ces differens corps ,
qui fe prétendoient indépendans les uns des autres.
Le Grand Maître des Hofpitaliers touché de la
perte de Margat, 8c prévoyant avec douleur la
* Apud Aconurbem Syriæ Rex Cypri fecit fecoronari in præjudicium
regis S'iciliæ, in Regem Jerufalem , & quia id Templarii, & fratres
Hofpitales permiferant , rcs eorum Sc boaa per Apuliam & terrain
regniSiciliæ m manu regia capiuntur»
Tome L G g g.
418 Histoire de l’Ordre
Nicolas ruine entière du Chriftianifme dans la Terre Sainte
L
G u £‘ pafTa en Occident pendant la trêve, pour en tirer
quelque fecours. Il s’adretfa au Pape Nicolas IV.
qui étoit alors fur la Chaire de faint Pierre, &lui
reprefenta dans les termes les plus touchans, l’ex-
trêmité à laquelle les Chrétiens de la Paleftine
étoient réduits, & le befoin qu’ils avoient d’un
puiflant fecours de troupes 8c d’argent. Mais il
n’en put obtenir qu’environ quinze cens hommes,
la plûpart bandits Ôc gens ramaffez , fans cou¬
rage 8c fans difcipline. Le Pape fe difpenfa même
de fournir de fon tréfor l’argent néceffaire pour
les foudoyer* ainfile Grand Maître ne remporta de
fon voyage que des marques d’une compaffion
fterile, 8c quelques Lettres de recommandation
pour les Princes Chrétiens , mais qui ne fu¬
rent pas plus utiles , outre que le mauvais luc-
cès de tant de croifades ou il étoit péri un nom¬
bre infini de Princes, de Seigneurs 8c de peuples
de tout l’Occident, avoit fort ralenti le zele 8c
l’ardeur des Chrétiens. Le Grand Maître ne put
donc ramener avec lui que quelques troupes le¬
vées à la hâte, &que les Vénitiens payèrent en
Orient fur leurs Galeres.
Ce foible fecours étant arrivé à Acre, ne fit
qu’augmenter le trouble 8c la divifion. Le Grand
Maître accablé d’années, 8c encore plus de la dou¬
leur de ne voir aucune reffource pour le falut de
cet Etat, mourut peu après fon retour; heureux en
ce qu’il quitta la vie avant que fon Ordre quittât
laPaleftine, 8c qu’il ne fut point témoin de la perte
de la Terre fainte.
‘jlHiniiiiiiii'fJl
.iinirm
de Malte. Liv. -III. 419
Ce Grand Maître, pendant fon gouvernement, Nicolas
L o r g u e.
8c de lavis du Confeil de l’Ordre, fit plufieurs re~
glemens tre's utiles. Ce fut lui qui prefcrivit la
forme du Sceau des Grands Maîtres, ôc de celui
du Trefor ou du Confeil. On lui attribue auffi l’ar¬
ticle des Statuts qui défend aux Freres de fe trou¬
ver en armes dans le Chapitre ou dans l’endroit
où fe doit faire l’éleétion du Grand Maître, 8c on
voit au titre 18, une énumération que ce Grand
Maître, avant que de mourir, publia des fautes 8c
des crimes qui emportoient la privation de l’habit.
Le Chapitre apres fa mort élut pour Grand Maî¬
Jean di
tre, Frere Jean de Villiers de la Langue de Fran¬ Villiers.
ce. Ce fut pendant fon Magiftere que des foldats
1 z 8 9.
Chrétiens de la garnifon d’Acre furent caufe de la
rupture de la trêve. Nous avons dit que ce n’é-
toient la plupart que des bandits, 8c des gens ramaf-
fez de differens endroits, que le libertinage 8c l’oifi-
veté avoient fait enrôler, mais fans courage 8c fans
difcipline ; 8c comme ils ne recevoient point de
folde réglée, ils fortoient fouvent de la Ville, fe
répandoient dans la campagne, & votaient indiffé¬
remment les Chrétiens 8c les Infidèles : ils venoient
au préjudice de la trêve de piller les bourgades
des Sarrafins *. Le Soudan envoya demander rai-
fon de ces brigandages à ceux qui commandoient
dans la Place ; mais il n’y avoit point alors de Gou¬
verneur en chef: la Ville étoit remplie de Chy-
* Mille quingenti ftipendiarii in Terræ Sandïæ fubfidium à Papa Ni-
colao miiïi contra voluntatemcivium ,Templi &c Hofpitalis militia ar-
mati de Acon excuntes trebas tum Soldano initas îmunpunc verfus
Cafalia &c Sarracenorum oppida incurfantes , abfque mifericordia Sarra-
cenos utriufque fexüs quos repenunt, occiderunt > qui pacificè fub trçbis
initis quiefcere fe credebant. K
Gggij
4.20 Histoire de l’Ordre
Jean de pr jQts, de V enitiens, de Génois, de Pifans, de Flo-
~ rencins, d Anglois, de Siciliens, d’Holpitaliers, de
Templiers, de Teutoniques, tous indépendans les
uns des autres : chaque Nation occupoit un quar¬
tier de la Ville où ils étoient cantonnez lâns aucune
fubordination. Le Légat & le Patriarche avec le
Cierge' s’étoient auiïi retranchez dans un endroit
particulier- tout cela formoit un corps considéra¬
ble d’habitans , qui n’étoit que trop capable de dé-
fendre la Place, s'ils euffent été unis.
— Mais la jaloufie entre tant de Nations differen-
119 tes, & les intérêts particuliers de leurs Chefs, les
rendoient fufpeéts & odieux les uns aux autres • Sc
au lieu de concourir au bien commun, c etoit af
fez qu’une nation eut ouvert un avis pour qu’une
autre s’y opposât. On en venoit même fouvent aux
voyesdefait} cette malheureufe Ville renfermoit
dans fon enceinte fes plus cruels ennemis. Elle les
trouvoit fur-tout dans un grand nombre des foL
dats de la garnifon, &: même parmi la plupart de
fes habitans , gens noircis des crimes les plus af¬
freux. Le meurtre, raffaifinat &c le poifon demeu-
roient impunis ; les criminels trouvoient un azile
toujours sûr dans les autres quartiers de la Ville
où ils n’avoient point commis de crime. La cor¬
ruption des moeurs etoit générale prefque dans
toutes les conditions, fans en excepter ceux-mê-
mes que leur profeflion engageoit à une conti¬
nence parfaite. On faifoit gloire du vice, qu’on
déguife fous le nom de foibleffe humaine, & il y
avoit même des hommes affez effrontez pour ne
fe pas cacher de ce péché affreux que la nature
/
de Malt e. Li v. III. 411
ne fouffre qu’avec horreur ^ en forte que de tous les Jean de
Vil lier. s.
peuples Chrétiens ou Mahometans qui occupaient
la Syrie la Paleftine, les habitans de Saint Jean
d’Acre paffoient pour les plus médians. Ainfi il ne
faut pas s’étonner fi cette multitude confule de fce-
lerats & de bandits refufa de donner fatisfadion au
Sultan fur les plaintes qu’il faifoit, comme le pro-
pofoient les Chefs des trois Ordres militaires. Les
Infidèles fur ce refus,J déclarèrent la oguerre à des
gens qui étoient fans Chef, fans armée, fans for¬
ces, &: qui ne cherchoient dans la prife des armes
que l’impunité de leurs crimes palfez , ôc les oc-
cafions d’en pouvoir commettre de nouveaux.
Le Soudan bien inftruit des divifions qui re-
gnoient parmi les habitans d’Acre, mit fur pied
une puiifante armée pour former le fiege de cette
Place , ôc pour chaifer entièrement tous les Chré¬
1291.
tiens Latins de la Syrie : mais ce Prince mourut
en chemin. On prétend qu’il fut empoifonné par
un Emir Lieutenant Général de fon armée, qui fe
flattoit par fa mort d’occuper fa place. Le Prince
eut encore affez de vie pour le faire arrêter ; il
Chron.(j Ht
fut écartelé par fes ordres, ôc le Soudan, avant que de Nangis.
d’expirer, conjura le Prince Calil Ion fils de ne le
point faire enterrer, qu’il ne fe fût rendu maître
de cette Ville.
L’armée apres fa mort reconnut le jeune Prince Preuve
XIV.
pour Sultan, fous le nom de Melec-Seraf. Il s’a¬
vança aufii-tôt du côté d’Acre qu’il alfiegea le 5
d’Avril de l’année 12,91. On prétend qu’il avoit dans
fon armée 160000 hommes de pied, & 60000
chevaux,
Ggg üj
411 Histoire de l’Ordre
Jean de
VlLLIERS*
Les attaques furent vives 6c continuelles, 6c la
nuit comme le jour, les Infidèles ne donnoient
point de relâche aux afliegez. Us employoient en
même tems la fappe 6c la mine , battoient conti¬
nuellement les murailles avec des pierriers, & avec
toutes les autres machines de guerre , qui en ce
tems-là étoient en ufage. Comme la mer étoit
libre 6c que les Chrétiens avoient un grand nom¬
bre de vaiflfeaux dans le port, la plupart des habi-
tans, 6c fur-tout les plus riches s’embarquèrent
avec leurs femmes, leurs enfans 6c leurs meilleurs
effets. Les uns cherchèrent un azile dans rifle de
Chypre, 6c les autres fe réfugièrent dans des ports
de la Grece ou de lltalie. Il ne relia dans la Place
qu’environ nooo hommes de troupes réglées, 6c
compofées la plupart des Hofpitaliers, des Tem¬
pliers , des Teutoniques, 6c de quelques foldats
féculiers qui combattoient fous les enfeignes de
ces trois Ordres.
Chenic.Naz- Henri II. Roi de rifle de Chypre ^ 6c qui pre-
gis. ad ann.
O
$.
12 0
noit toujours le titre de Roi de Jerufalem, débar¬
qua dans le port d’Acre à la tête de deux cens Ca¬
valiers, 6c de cinq cens hommes de pied. C’étoit
un foible fecours contre la puiflance formidable
du Sultan ^ d’ailleurs on n’étoit pas prévenu en fa¬
veur du courage du Prince chrétien. Ainfi la gar-
nifon qui vit bien qu elle ne pourroic pas fe dé-
fendre long-tems fans un Commandant qui fçûc
faire la guerre, élut d’un commun confentement
pour Gouverneur de la Place Frere Pierre de Beau-
jeu Grand Maître des Templiers, Capitaine qui
avoit vieilli dan$ le commandement des armées.
de Malte. Liv. III. * 415

Le befoin de l’Etat, véritable interprête du mé¬ Jean de


VlLLIERS.
rite, lui fit déférer le commandement, du confen-
tement même du Roi de Chypre, qui, clans une
conjoncture fi importante & fi pleine de périls ,
voulut bien oublier la qualité qu’il affeéloit tou¬
jours , de Roi de Jerufalem.
Le Sultan fit tenter la fidelité du Grand Maître
par des offres de fiommes immenfes. Mais le Tem¬
plier n’y répondit que par la jufte indignation qu’il
eut de ce que le Sultan l’eût crû capable de les
écouter. On faifoit tous les jours par fon ordre
des forties où un grand nombre d’Infideles périfi.
foient ; mais malgré une fi vigoureufe réfiflance,
le Sultan qui ne manquoitpas de ioldats,avançoit
les travaux : il fit tomber à la fin plufieurs tours,
6c entr’autres celle qu’on appelloit la tour mau¬
dite , qui étoit confiderée comme la fortereffe de
la Ville. Les Infidèles montèrent aufli-tôt à l’afl
faut ^ le Roy de Chypre qui fe trouva en cet
endroit, fit ferme avec les Chypriots • il en périt
un grand nombre dans cette aâion, 6c les Infi¬
dèles auroient emporté la Place , fi la nuit qui
furvint, n’eût fait ceffer lafiaut.
Le Roi de Chypre prévoyant qu’il auroit le len¬
demain à combattre les mêmes ennemis, 6c en
plus grand nombre, pria les Chevaliers Teutoni-
ques de vouloir bien occuper fon pofte pendant
la nuit, fous prétexte que fes troupes avoient be¬
foin de repos après avoir foutenu une fi rude at¬
taque , &: il leur promit qu’il viendroit le len¬
demain au point du jour les relever. Mais en
quittant la brèche , il fe rendit au port, s’em-
414 Histoire de l’Ordre
Jean de
Villiers.
barqua fur (es vaiffeaux , & regagna fon Ifle.
Les Infidèles ne manquèrent pas le lendemain
de revenir à l’affaut -, les Mamelus, foldàts déter¬
minez montèrent fur la brèche , tuerent tout ce
qui leur réfifta, accablèrent par leur grand nom¬
bre les Teutoniques, & pénétrèrent juiqu au cœur
de la Ville. Ils s’en croyoient les maîtres, mais
aux cris &c aux bruits que faifoient les victorieux
ôc les vaincus , le Maréchal des Hofpitaliers de S.
Jean, par ordre du Grand Maître étant accouru à
la tête d’une troupe de Chevaliers de fon Ordre,
les chargea fi brulquement, qu’ils furent obligez
de reculer : il y en eut un grand nombre de tuez
dans cette retraite forcée , ôc les Hofpitaliers en
précipitèrent plufieurs du haut de la brèche dans
les foffez.
Sanut. L. s• Le Sultan qui comptoit pour rien la perte de
f.12.
quelques bataillons, en renvoya d’autres le fécond
jour pour renouveller l’attaque : jamais combat ne
fut plus opiniâtré ^ la brèche fut emportée ôc re-
prife plufieurs fois ; la nuit feule fépara les corn-
battans. Les Infidèles rebutez d’une réfiftance fi
courageufe, tournèrent tous leurs efforts du côté
de la Porte de S. Antoine ; ils trouvèrent en cet
endroit les deux Grands Maîtres dont la préfence
feule fembloit rendre invincibles leurs Chevaliers.
On y combattit long-tems. avec une ardeur égale :
les Mamelus & les Hofpitaliers fe prenoient corps
à corps , & fembloient d’un combat général avoir
fait autant de duels particuliers rperfonne ne con-
noiffoit le péril -y chaque foldat vouloit vaincre ou
mourir. Mais comme les Infidèles étoient fupe-
rieurs
de Malte. Livre IIÎ. 415 Jean »ï?

VlLLIERS.
rieurs en nombre aux Chrétiens, il refta à la fin
peu de monde pour la défenfe de ce porte , & le
Maréchafdes Hofpitaliers , Chevalier d’une haute
valeur , étant tombé de plufieurs coups qu’il reçut
en même tems, le Grand Maître des Templiers
adrefliant la parole à celui des Hofpitaliers: » Nous
«ne pouvons plus tenir, lui dit-il, & la Ville eft
» perdue, fi en attaquant le camp même des en-
«nemis, vous ne trouvez moyen de caufer une
» diverfionqui ralentifle leur ardeur, &: qui nous
» donne le tems de fortifier le porte que nous
» défendons.
Le Grand Maître des Hofpitaliers prit avec lui
ce qu’il trouva de fès Chevaliers en état de mon¬
ter a cheval, partit fur le champ, ôc étant forti
par une porte oppofée à l’attaque, il le flatta de
lurprendre le camp ennemi * mais on y faifbit trop
bonne garde. Le Sultan pendant l’aflaut avoit fait
monter achevai toute fa cavalerie} le Grand Maî¬
tre qui n’avoit pas cinq cens chevaux , fe vit bien¬
tôt chargé, & obligé de fe retirer ; ôc comme il
rentroit dans la ville, il apprit avec douleur que
le Grand Maître des Templiers venoit d’être tué
d’une flèche empoifonnée; que la plupart de fes
Templiers avoient été taillez en pièces, & que
l’ennemi maître de la Ville, y mettoit tout à feu
Sca. fang. Comme il ne lui reftoit plus d’autre parti
que de fauver au moins fa troupe , il tourna du J Z fl

côté du port, quoique toujours pourfuivi par les In¬


fidèles ayant jetté beaucoup d’arbalétriers dans
des barques, à la faveur des flèches qu’ils tiroient
continuellement fur la cavalerie du Soudan, il fit
Tome L H hK
416 Histoire de l’Ordre
Jean de embarquer ce qu’il avoit d’Hofpitaliers avec lui
Villiers.
dans une caraque qui appartenoit à l’Ordre, 6c
gagna Fille de Chypre. Trois cens Templiers qui
avoient échapé à la fureur des Infidèles ayant vou¬
lu fe rendre ïur le port furent coupez. Ces géné¬
reux foldats de Jefus-Chrift ne pouvant percer
cette foule innombrable d’Egyptiens qui rcmplifl
foient toutes les rues, fe jetterent dans la tour du
Temple pour s’y enfevelir, plufieurs femmes 6c
filles de la ville s’y étoient déjà réfugiées -, les Tem¬
pliers fe baricaderent aùflî-tôt, 6c tinrent plu¬
Idem S mut* fieurs jours. Le Sultan fit miner cette tour , 6c les
/• Templiers ayant reconnu quelle ne portoit plus
que fur des appuis de bois aufquels on pouvoit
mettre le feu a tous momens, ils convinrent d’en
fortir à condition qu’on leur laifferoit libre le paf-
fage du port, qu’on faciliteroit leur embarque¬
ment , 6c qu’on conferveroit l’honneur des fem¬
mes 6c des filles. La capitulation étant fignée, ils
ouvrirent les portes de la tour ; mais les premiers
foldats ennemis n’y furent pas plutôt entrez qu’ils
entreprirent de faire violence aux perfonnes du
fexe. Les Templiers indignez de leur brutalité 6c
de leur manque de parole, mirent l’épée à la main,
taillèrent en pièces ces infolens, fermèrent les por¬
tes 6c quoique leur perte fût inévitable , ils ne
voulurent plus entendre parler de capitulation.
Les Infidèles l’épée d’une main, 6c une échelle de
l’autre, fe prefenterent pour monter à l’efcalade.
Les murailles en un inftant furent couvertes de fol¬
dats qui tâchoient d’en gagner le haut ; mais com¬
me ces murailles étoient minées, ainfi que nous
de Malte. Livre III. 427
venons de le dire, les appuis manquèrent, la tour e
croula avec un bruit épouvantable, ôc enfevelit -
fous {es ruines l’Infidele comme le Templier. Les
femmes ôc les filles qui s’étoient enfermées dans
cette tour eurent le même fort, ôc elles préférè¬
rent une mort honorable au péril quelles auroient
couru, fi elles étoient tombées fous la puiffance
de ces barbares, encore plus odieux par leur bru¬
talité ôc par leur débauche que par leur cruauté.
Un couvent entier de Religieufes de l'Ordre de Idem Samu.
fainte Claire ne montra pas moins de courage.. L 3°
Ces faintes Vierges fe défigurèrent en differentes
maniérés avec plus de foin que les femmes de ce
fiecle n’en prennent à s’embellir par des couleurs
étrangères. Les unes fe coupèrent le nez, d’au¬
tres s’enfoncèrent des cifeaux dans les joues, tou¬
tes avoient le vifage couvert de fang-, ôc dans un
état fi affreux, les Infidèles ne voyant que des
objets qui faifoient horreur, les maffacrerent im¬
pitoyablement, ôc par leur mort mirent ces chaftes
époufes du* Sauveur du monde à couvert de leur
infolence. Plus de foixante mille perfonnes péri¬
rent dans faint Jean d’Acre , ou demeurèrent ef-
elaves des Infidèles. Le Soudan pour faire perdre
aux Chrétiens d’Occident l’efperance de fe réta¬
blir jamais dans cette Ville , la fitrazer avec Tyr, _
Sidon& toutes les Villes le long de la côte dont i2^xr
il fe rendit maître. Ce qui reftoit d’Hofpitaliers
de Templiers ôc de Teutoniques dans quelques
Châteaux qui leur appartenoient, ne pouvant s’y
maintenir contre une puiffance fi formidable, les.
abandonnèrent „ s’embarquèrent pour tâcher de
Hhhij
428 Histoire de l’Ordre
Jean de gagnerllfle de Chypre. On prétend que déplus
Villiers.
de cinq cens Templiers qui avoient foutenu fi
courageufement le fiege d’Acre, il n’en échapa
que dix, qui s’étant jettez dans une barque, abor¬
dèrent heureufement le long des côtes de l’Iflede
Chypre. Les Chevalier s Teutoniques ayant recou¬
vré quelques vaifleaux, & ne voulant plus relier
en Orient, retournèrent en Europe, & fe rendi-
rent en PmlTe &c dans la Livonie, dont leur Or¬
dre jouiflbit à titre de Souveraineté. Mais les Hos¬
pitaliers ôc le peu qui reftoit de Templiers, dans
î’efperance de pouvoir à la faveur de quelque Croi-
fade , rentrer dans la Terre Sainte , n’en voulu¬
rent point abandonner le voifinage-, & en atten¬
dant quelque nouveau fecours de l’Europe & des
Religieux de leur Ordre, leurs Députez obtinrent
du Roi de Chypre pour retraite la ville de Limiflo,
oii ils fe rendirent fucceflivement, & félon qu’ils
pouvoient échaper à la cruelle pourfuite des Sar-
rafins.
G etoit un Ipeétacle bien touchant de voir ces
braves Chevaliers tout couverts deblefliires, for-tir
de leurs vaifleaux avec une contenance conforme
à leur fortune, & pénétrez de douleur d’avoir
furyécu à la perte entière de la Terrç Sainte.

Fin du troifiême Livre*


de Malte. L i v. IV. 4Z9
Jean de
pify-fy•$■•$•$• •$•«$•<M>•$• •$> ■$••£ ■$• •£ <!■ ■$ •$■ •$ Jfy•$-•$ •$• •$• 00 Vil l i e rs.

LIVRE QUATRIEME
L ES Hospitaliers qui s’étoient réfugiez
dans l’Ifle de Chypre, incertains de leur defli-
ii 9 i.

née, fans biens, fans maifons, dépouillez de tout,


6c la plupart chargez de blefliires, fe regardoient
dans cette terre étrangère comme dans un exil :
tous fe reprochoient d’avoir lurvécu à leurs con¬
frères : l’efperance même, la derniere relfourcc
des malheureux leur manquoit, ôc la mort qui
emportoit tous les jours quelqu’un des plus bleC
fez, venoit trop tard au gré de leurs defirs.
Dans une fi grande défolation, le Grand Maître
pour éviterlentiereextinction de fon Ordre dans
le Levant, par une citation générale, rappella au¬
près de lui les Hofpitaliers qui étoient dilperfez
dans la plupart des Provinces de la Chrétienté, 6c
ils avoient ordre de fe rendre à Limilfo où ce
GrandMaître par la même citation avoit convoqué
lin Chapitre général pour y délibérer dans une fi
trille conjoncture fur le parti que la Religion de-
voit prendre au fujet de fon établiffement.
A peine fes ordres furent-ils arrivez en Europe,
qu on vit tous les Chevaliers en mouvement : tous
quittent avec zele leur patrie, leurs Commande-
ries ou les maifons de leurs parens ^ nulle excufe
fur le défaut d’argent ou de fanté, perfonne n’eut
recours à ces indignes prétextes ^ les vieux comme
les jeunes accourent le long des côtes de la mer,
les ports en font remplis j tous cherchent avec uu
Hhhiij
430 Histoire de l’Ordre
Jean d
Villiers,
E égal empreffement les occafions de s’embarquer.
■ Ceux qui partent les premiers 5 s’eftiment les plus
heureux ; & malgré l’éloignement des lieux d’où
ils partoient, on les vit arriver bien-tôt les uns
apres les autres dans les ports de Chypre..
Lille de Chypre, dont nous aurons lieu de par¬
ler encore plusieurs fois dans cet ouvrage y ôc une
des plus confiderables des Mes Afiatiques > eft fi-
tuée dans la mer Carpathienne vers le fond de la
mer Méditerannée devant les côtes de la Pamphi-
lie & de la Cilicie, qu’on nomme à préfent la Ca-
ramanie : le Golfe Iflique y appelle' par les Italiens
Golfo-di-Lajazzo, la baigne du côté de l'Orient; la
mer d’Egypte au Midi , celle de Pamphilie vers
l’Occident, &: cette Me fi célébré n’eft gueres à
plus de quarante lieues de la Paleftine ou de la.
Terre Sainte..
Des tyrans particuliers s’en firent les premiers
Souverains ; les Rois d’Egypte y établirent leur
domination ; ils en furent dépofîedez par les Ro¬
mains , les tyrans de prefque tout le monde con¬
nu ; les Grecs fuccederent aux Romains. L’Ille de
Chypre faifoit partie de l’Empire de Conftantino-
ple : les Arabes Mahometans fous le régné du Ca¬
life Otman, & l’Empire d’Hèraclius s’en rendirent
les maîtres ; les Grecs y rétablirent depuis leur auto*
rité. Richard cœur de lion , Roi d’Angleterre y à
fon palfage pour la Terre Saintey s’en empara, ôc
la prit fur Ifaac Comnene, qui de Gouverneur s’é-
toit érigé en Souverain ; èc on peut fe fouvenir
que nous avons rapporté que ce Prince Anglois
ü vendit d’abord aux Templiers dont l’Ordre étoit
de Malte. Livre IV. 431
alors aufïi riche Ôc auffi puifiant que beaucoup de Jean de
Villiers.
Sou verains ; mais que des différends entre l’Eglife
Grecque ôc l'Egide Latine ayant excite des iedi-
ditions continuelles , ils avoient cédé leurs droits
à Guy de Lufignan.
On ne peut fe diipenfer d’ajouter que cette Cou¬ LÎHfl. des
Royaumes de
ronne paffa depuis fucceffivement lur la tête d’A- ferufalem,
mauri Ion frere, qui la laiffa à Hugues I. Ton fils , Chypre& Ar.
meme par le
pere de Henri I. Ton fucceffeur ^ celui-ci fut pere P. EJrien??e
de Hugues II. qui mourut jeune Sc fans enfansj de Lufignan.
1604.
un autre Hugues fon coufin germain , ôc iffu de AJpfes &
ces braves Normans qui s’étoient emparez fur bons ufages
les Sarrafins de la Calabre, de la Pouille Ôc de l’Ifle du Royaume
de ferufalem
de Sicile, ôc dont le pere avoit époufé lafœur de par ÿean F,
JHenri, fut mis fur le trône} ôc pour fe rendre plus Ibelm,Comte
de fapha &
agréable aux Chypriots, prit le fur-nom de Lufi¬ d'Afcalon.
gnan ; Jean fon fils fut heritier de la Couronne,
ôc la laiffa à Henri II. qui venoit de recevoir les
Hofpitaliers ôc les Templiers dans fon Ifle.
Tel étoit l’état de Tlfle de Chypre , lorfque par
les citations du Grand Maître envoyées dans toute
la Chrétienté, on y apprit la prife de la ville de
S. Jean d’Acre par les Infidèles , l’expulfion en¬
tière des Chrétiens de la Paleftine, ôc les pertes
prefque irréparables que les Hofpitaliers ôc les
Templiers avoient faites à la défenfe de cette
Place.
Le Pape Nicolas IV. étoit alors fur la Chaire de S.
Pierre ; ce Pontife en apprenant de fi triftes nou¬
velles , en parut confterné ; il dépêcha des cou-
riers de tous cotez pour en faire part aux Princes
Chrétiens. Par fon ordre ôc de leur confènttment.
431 Histoire de l’Ordre
Jean de on tint differens Conciles provinciaux pour déli¬
V1LLIERS.
bérer fur les moyens les plus prompts 5c les plus
efficaces de recouvrer la Terre Sainte, 5c chaque
Métropolitain lui envoya enfuite le réfultat de
leurs affemblées.
Corio.part.
On voit dans les relations 5c les Aétes de ce s
* P- 3/3' Conciles, que la plupart des avis fe réduifirent à
prier le Pape d’interpofer Tes bons offices auprès
des Souverains de la Chrétienté qui étoient en
guerre les uns contre les autres pour les engager
à terminer leurs différends par une paix bolide 5t
Conc. gen. durable, ou du moins par une longue trêve qui
t.u.p, 1361. les mît en état d’unir leurs forces, 5c de tourner

leurs armes de concert contre les Infidèles. On


marquoit en particulier à ce Pontife qu’il devoit
fur-tout exhorter Philippe le Bel qui étoit alors
fur le trône de France, 5c le plus puiffant Roi de
la Chrétienté, à fe rendre le Chef d’une fi fainte
entreprife ; qu’il falloir en même tems renouveller
Rainaldi.
mn. izyi. les défenfes des Conciles de Latran & de Lyon,,
mm. 22. de porter des armes aux Infidèles. Enfin comme
l’experience faifbit craindre que l’antipathie ne fe
renouvellât entre les Hofpitaliers 5c les Templiers,
on propofoit au Pape d’unir ce s deux Ordres mi¬
Idem ibid. litaires, de n’en faire qu’un même corps, 5c fous le
num.2ç&3G.
même Chef j 5c que pour éviter les cabales 5c les
brigues fi ordinaires dans les élections, ce Grand
Maître ne fût plus choifi par les fufff âges de fes con¬
frères -, mais qu’en cas de vacance, le Pape feul 5c
fes fucceffeurs fufTent en droit de nommer eux- é

mêmes ce Supérieur.
Le Souverain Pontife en confequence de ces
differens
de Malte. Liv. IV. 433
differens avis, dépêcha aufii-tôt des Légats & des Jean de
VllLIfcRS.'
Nonces à la plupart des Princes d'Occident pour
les porter à terminer promptement leurs guerres
particulières, & à lever cet ob'ftacle qui empêchoit
une Croifade générale. Il fit reprefenter en par¬
ticulier à Philippe le Bel que les autres Souverains
de l’Europe avoient les yeux arrêtez fur lui pour
fe regler fur fa conduite j & que s’il prenoit la
Croix, il devoit être perfuadé que ces Princes, à
fon exemple , fe croiferoient , & qu’outre le mé¬
rite d’une fi fàinte entreprife, il auroit la gloire de
fe voir comme le Roi des Rois, & à la tête de la
plûpart des Souverains de la Chrétienté.
Mais ce Prince d?un efprit folide', & peu en prife
à ces fortes d’adulations , crut que les foins qu’il
devoit au gouvernement de fon Etat étoiènt fes pre¬
miers devoirs. Le Pape n’en ayant pas reçu de ré-
ponfe conforme à fes efperances , lui récrivit que
fi les affaires de fon Royaume le retenoient né-
ceffairement en Europe , il ne pouvoir au moins
fe difpenfer, pour fournir aux frais de l’armement,
de rendre les fommes que Philippe III. fon pere
avoit levées fur le Clergé de fon Royaume fou;s
prétexte d’une pareille Croifade, mais qui n’avoit
point eu d’execution; Le frlence que les Hiftoriens
ont gardé au fujet de cette fécondé Lettre, fait aE
fez connoître qu’elle n’eut point de fuccês.
Le Souverain Pontife ne termina pas fes offices
auprès des Princes feuls de fon obedience , & qui
étoient dans la Communion de l’Eglife Romaine.
Gomme dans ce projet d’une nouvelle Ligue il
s’agiflbit dm recouvrement des faints Lieux égale-
Tome IJ 1 i 11
434 Histoire de l’O r d r e
J EAN.DE ment rêverez de tous les Chrétiens Grecs & La¬
V IL LIE RS.
tins, & de lune & l’autre Communion, il en écri-
vit à Andronic Paleologue Empereur de Conftan-
Du Cange. tinople, à Jean Comnene Empereur de Trebifonde,
Famil.By- aux Rois d’Arménie , d’Iberie ôc de Géorgie ,
ZAnt. p. 192.
quoique Schifmatiques , 6c qui Envoient le rit
Grec. *
Le Pape pour fufciter de nouveaux ennemis aux
Sarrafins, porta fes vues jufques dans le fond de
la Perfe -, 6c ayant appris qu’un Tartare delcendu
de Gencliizcan appelle Argon, quoique payen 6c
Vading. n. idolâtre , n’avoit point d’éloignement pour les
4& f- Chrétiens, il lui envoya en ambaffade deux Freres
Mineurs pour travailler à fa conversion, & pour
tâcher en même tems de l’engager à porter fes
Hditon armes dans cette partie de la Syrie voiîine de la
Seigneur de Perfe, pendant que les Chrétiens attaqueroient
Churchij eh.
4D
la Paleftine.Mais les deux Francifcains trouvèrent
ce Prince mort dès l’année précédente.
Ce fut à quoi fe terminèrent alors tous les offi¬
ces de ce Pape , qui pendant le fiege de S. Jean
d.’ Acre, navoit jamais voulu contribuer de fes pro¬
pres fonds au fecours des affiegez. Les mefures
qu’il prit depuis, & même tant d’ambaffades, qui
avoientplus d’éclat que defolidité, furent encore
déconcertées par fa mort; 6c la difficulté d’unir
tant de Princes de differentes Religions, ou qui
avoient des intérêts oppofez , fit enfin échouer
fous fon fucceffeur le projet d’une Croifade. Aucun
Prince ne prit les armes , 6c tous les Chrétiens
d’Occident demeurèrent dans une trifte indiffé¬
rence pour le recouvrement de la Terre Sainte.
de Malte, L i v. IV. 435
Jean de
Il n’y eut que les Holpitaliers, qui, pour déférer VILL1ER5.
aux ordres du Grand Maître, s’étoient déjà rendus
à Limilfo dans Tille de Chypre.
Ce Grand Maître tint peu à prés un Chapitre
général. Depuis la fondation de l’Ordre on n’a-
voit point encore vû une aiïèmblée compofée d’un
fi grand nombre de Chevaliers de differentes na¬
tions : tout l’Ordre étoit palfé, pour ainfi dire, dans
Tille de Chypre. Le Grand Maître parut dans Taf-
femblée avec une contenance trille, mais qui ne
lui faifoit rien perdre de cet air de grandeur que
donne la vertu, ôc que les plus grands malheurs
ne peuvent abattre : ôc adrelïant particulière¬
ment la parole aux Chevaliers qui venoient d’ar¬
river d’Occident : » Votre diligence, leur dit-il,
» à vous rendre à nos ordres, ôc le courage dont
» vous paroiffez animez , me font voir , malgré
« toutes nos pertes, qu’il y a encore au monde de
** véritables Holpitaliers, capables de les réparer.
» Jerufalem, mes chers Freres reft tombée, comme
» vous fçavez, fous la tyrannie des Infidèles ; une
» puilfance barbare, mais formidable nous a for-
» cez d’abandonner pied à pied la Terre Sainte.
» Depuis plus d’un fiecle, il a fallu livrer autant
« de combats que nous avons défendu de Places.
» S. Jean d’Acre vient d’être témoin de nos der-
» niers efforts , ôc nous avons laide enfevelis fous
« fes ruines prefque tous nos Chevaliers. C’elf à
» vous à les remplacer-, c’eft de votre valeur que
» nous attendons notre retour dans la Terre Sainte,,
» ôc vous portez dans vos mains la vie, les biens
» ôc la liberté de vos Freres, ôc fur-tout de tant
lui ij
436 Histoire de l’Ordre
Jean d
VlLLIEKS-
» de Chrétiens qui gémiffent dans les fers des In-
« fideles.
Les plus anciens Commandeurs , au nom de
l’affemblée, ne répondirent à un difcours fi tou¬
chant que par une généreufe proteftation de fa-
crifier leurs vies pour délivrer la Terre Sainte de
la tyrannie de ces barbares ; & on voyoit couler
des yeux des plus jeunes Chevaliers des larmes de
fang, Ôc toutes brûlantes , que l'impatience de
fe venger des Sarrafins faifoit répandre à -cette
courageufe jeuneffe. Mais comme avant que de
recommencer la guerre il falloit donner une for¬
me confiante à ce nouvel établiffement, on exa^
mina d’abord dans quel endroit l’Ordre fixeroit fa
réfidence.
Nous avons dit que le Roi de Chypre leur.avoit
affigné pour retraite Limiflo, ancienne Ville, dé¬
corée d’un titre épifcopal 5 & fituée au côté méri¬
dional de rifle. Mais des Corlairps Arabes & Sar¬
rafins l’avoient ruinée depuis long-rems. Ce né-
toit plus alors qu’un grand Bourg ouvert de tous
cotez ; &: on voyoit feulement au milieu un Châ.
teau affez fortifié& afiez garni d artillerie5pour em¬
pêcher l’abord ôc les defcentes des Corfaires. -Quel¬
ques Chevaliers qui s’y trouvoient un peu trop à
1’etroit, proposaient qu’on fe retirât dans quelque
port d’Italie j mais le Grand Maître ôc les premiers
de l’Ordre rejetterent avec une généreufe in¬
dignation cet avis. Ils repréfenterent que leur
devoir Ôc l’efprit de leur Inftitut ne leur permet-
toit pas de s’éloigner du voifinage de la Terre
Sainte , ôc qu’ils dévoient toujours .être à portée
de Malte,. Liv. IV. 4J7
Jean d -e
de profiter des occafions qui fe préfenteroient VlLLIERS.
d’y porter de nouveau leurs armes. Cefentiment
fut reçu avec un applaudiflement général, 6c il
s’en fit même un Reglement, & comme un Statut
perpétuel. Quoique la Religion n’eût pas dans
cette Bourgade des logemens fuffifans, les pre¬
miers foins du Grand Maître furent de pourvoir
à celui des pauvres &des pèlerins: on reprit peu
de tems après toutes les fondrions de l’hofpitali-
té. Et à i’égard des Chevaliers & des Religieux
militaires, il fut arrête qu’on armeroit inceflam-
ment lesvaifieaux de l’Ordre, quiavoient paflfé les
Chevaliers, (oit de la Paleftine , ou de l’Europe
dans l’Ifle de Chypre- qu’ils s’en ferviroient pour
efcorter les pèlerins, qui, nonobftant la perte de
Jerufalem, ne laifloient pas de vifiter les Lieux
faints,comme celafe pratiquoit avant la première
Croifade, & en payant aux Infidèles le tribut or¬
dinaire, qu’ils exigeoient à l’entrée de cette Ville.
On ne fut pas long-tems fans voir fortir des
differens ports de l’Ifle plufieurs petits bâtimens
de differentes grandeurs, qui dans les tems de pafi
fage , c’efi-à-dire, vers la fin des mois de Mars ôc
d’Août s’avançoient le long des côtes de l’Europe
pour y recueillir les pèlerins, &tjui par le même
efprit de charité, les ramenoient dans leur patrie.
Des Corfairesinfidèles accoutumez à faire de ces
pèlerins leur proye ordinaire , tombèrent fur ces
premiers vaiffeaux de la Religion; mais ils y trou¬
vèrent des défenfeurs dont ils n’avoient pas encore
éprouvé la valeur & la réfiftance. Plufieurs de ces
armateurs furent enlevez par lesHofpitaliers,qui
Il 1 11J
43$ Histoire de l’Ordre
Jt AN DE
VlLLIERS.
revenoient fouvent en Chypre avec des prifes çon-
fiderables. Ils s’attachoient fur-tout aux v aideaux
du Soudan d’Egypte, l’ennemi déclare des Hofpi-
taliers. Ces priles augmentèrent infenfiblement les
armemens de l’Ordre. On bâtit depuis des galeres j
on conftruifit quelques vaiffeaux j bien-tôt il for-
tk des efcadres confiderables des ports de Chy¬
pre, & le pavillon de faint Jean à la fînfe fît ref
pe&er dans toutes ces mers.
Tel fut le commencement des armemens ma¬
ritimes dans l’Ordre de faint Jean de Jerufalem..
La perte d’Acre & la retraite forcée des Hofpita-
liers dans l’Ifle de Chypre, pour ne pas lai fier lan¬
guir leur courage , leur fît prendre le parti de la
mer: 6c je ne fçai fi les grands fuccés qu’ils y ont
eus depuis quatre cens ans , 6c fl ce nombre infini
de Chrétiens qu’ils ont préfervez d’un affreux ef-
clavage , ou dont ils ont rompu les chaînes, ne
dédommagent pas avantageufement cet Ordre
de la perte de tant de Chevaliers qui avoient péri
à la défenfe de faint Jean d’Acre.
Melec-Seraph, ce Soudan d’Egypte qui en avoir,
fait la conquête , irrité des prifes que les Hofpi-
caliers faifoient fur fes fujets, & de voir renaître,
pour ainfi dire, un Ordre qu’il croyoit avoir en¬
tièrement détruit, réfolut d’en pourfuivre les reftes*
jufques dans lTfle de Chypre, ôc de les en chaf-
fer. Il arma une puiffante flotte chargée de trou¬
pes de débarquement} mais des guerres civiles
qtfi furvinrent dans fes Etats, l'y retinrent malgré
lui , 6c: la mort de ce Prince qui fut tué dans
une bataille qu’il perdit contre des rebelles, dé-
de Malte. Liv. IV. 439
Jean de
livra les Hofpitaliers 6c les Templiers des périls Villiers.

dun fiege dans une Place ouverte de tous cotez,


6c qui,fi on en excepte le Château,navoitpoint
d’autres fortifications que le courage de ces Che¬
valiers.
Le Grand Maître pour prévenir de pareils defïeins
de la part de Melec-Nazér fuccefieur deSeraph,
demanda au Roi de Chypre la permiflion de forti¬
fier Limiflo, 6c i 1 l’obtint fans peine d’un Prince
à qui rien ne coutoit que l’argent. Les Hofpita¬
liers employèrent ce qu’ils enavoient pour élever
du côté de la mer quelques baftions de terre. Le
Grand Maître travailla depuis au rétablifiement
de la difcipline régulière, que l’exercice continuel
des armes, les combats, les courfes , ôcmême le
pillage 6c le butin avoient fort affoiblie.
La plupart des Chevaliers , enrichis des prifes
qu’ils failoient lur les Infidèles, au lieu d en por¬
ter le produit dans le tréfor de l’Ordre luivant
leur devoir, employoient fouvent dans le luxe ces
biens qu’ils s’aproprioient. Des riches étoffes qu’ils
trouvoient dans leurs prifes, ils commencèrent à
s’habiller plus magnifiquement qu’il ne conve-
noit à des Religieux. La délicateffe de leurs tables
étoit égale à la richeffe de leurs habits : la dépenfe
qu’ils faifoient en chevaux répondoit à cette pro-
fufion, 6c l’air dangereux d’une Ifle que l’aveugle
gentilité avoit confacrée à Venus, faifoit de fâ-
cheufes imprefiions parmi la jeuneffe de l'Ordre,
On s’apperçut bien-tôt que plufieurs Hofpitaliers
pourfoutenir une dépenfe fi odieufe, s’endettoient:
& par un autre abus qui s’étoit introduit dans les
440- Histoire de l’Ordre
Je A N DE
VlLLIERS.
Provinces en deçà de la mer , les Prieurs pendant
les dernieres guerres de la Terre Sainte ,s’étoient
mis comme en poffelfionde donner l’Habit Re¬
ligieux & la Croix à des Novices , fans en exami¬
ner alfez exactement la nailfance & même la vo¬
cation: ce qui auroit bien tôt avili un Ordre fi
illuftre.
Pour réformer ces abus, on tint' deux Chapi¬
rx 92.
tres generaux. Dans le premier il fut défendu à
tout Hofpitalier militaire d’avoir plus de trois
chevaux de fervice pour fa perfonne:, ni d’en mon¬
ter qui :euffent des harnois enrichis d’or ou d’ar¬
gent, ôc par une autre Ordonnance, il fut expref
lément défendu aux Prieurs de recevoir aucun
Novice, fans une commiffion. du Grand Maître.
Mais on excepta de cette défenfe les Bailliages des
Efpagnes, pu l’Ordre auroit été bien-tôt détruit,
fi pour remplacer lés pertes qu’on y faifoit tous
les . jours contre les Maures du Royaume de Gre*.
nade, il eût fallu pour recevoir, un nouveau Cheva¬
lier, attendre un brevet & une permiffionduGrand.
Maître, dont la réfidence étoit dans une contrée
fi éloignée, & qui même fe pouvoir trouver alors
en mer engagé dans quelque, entreprife coru
tre les Infidèles..
Ce fut dans le fécond Chapitre général qu’on
2193. fit un Reglement qui parut fort neceffaire par
rapport aux dettes particulières, que lesChevaliers
avoientlàiifées en mourant. Il fut ordonné quelles *
feroient acquittées de la vente de leurs équipages,
& que fi cette forte de biens:ne fuffifoit pas, le
réfte du payement fe prendroit fur les fonds que
chaque
de Malte. Liv. IV. 441
chaque Chevalier auroit confacré au lervice de Jean d e
VlLLIEllS.
* c W
la Religion , foit en encrant dans l’Ordre , foie des
donations particulières qu’on lui auroit faites,
dont pendant fa vie il auroit joui par ulufruit :
tous reglemens qui fuppofent les abus dont nous
venons de parler, &; aufquels on tâcha de remé¬
dier par des loix nouvelles.
Ce relâchement dans la difeipline régulière
avoit en partie fa fource dans l’état où fe trou-
voit alors l’Eglife univerfelle : il y avoit plus de
deux ans qu’elle étoit privée de fon Chef vifible.
Les fouverains Pontifes avoient toujours confervé
une inlpeébion particulière fur la conduite des
Hofpitaliers. Pendant la vacance du S. Siégé, on fut
obligé de diffimuler des abus que les richeffes in-
troduifoient dans l’Ordre. Enfin les Cardinaux qui
pendant vingt-fept mois, parune obftination peir
édifiante , n’avoient pu s’accorder fur le choix
d’un Pape, fe déterminèrent enfin en faveur d’un
reclus , appellé Pierre de Mourhon, recomman¬
juillet*
/»'
dable par fon éminente pieté, & depuis fondateur I2Ç4-
d’une Congrégation particulière de Moines,con¬
nus fous le nom de Celeftins. Les Cardinaux lui Rolland. to?n;
envoyèrent le Decret de fon éleélion par Berault &
de Goût Archevêque de Lyon, qui fut accom¬
pagné par quatre autres Députez , aufquels fe
joignit,de fon mouvement particulier, le Cardi¬
nal Pierre Colonne. Ces Députez trouvèrent ce S..
Religieux enfermé dans une cellule bâtie fur le-
haut d’une montagne proche de la ville de Sul-
mone dans le Royaume de Naples, d’où il ne par¬
lent que par une petite fenêtre grillée à tous ceux
Tome !. K kk
441 Histoire de l’Ordre
Jean de
Villiers.
qui, attirez par lodeur de fes vertus, l’alloient
confulter fur la conduite qu’il falloit tenir pour
arriver plus furement à la perfedlion chrétienne.
Les Députez du Conclave à travers de cette grille,
apperçûrent un venerable vieillard âgé d’environ
foixante douze ans ^ pâle , extenué par des aufte-
ritez continuelles, les cheveux hérifTez, une lon¬
gue barbe négligée , ôc les yeux enflez des larmes
qu’il répandoit continuellement dans fes prières.
L’Archevêque de Lyon en lui prefentant l’Aébede
fon élection , lui déclara qu’il avoit été choifitout
d’une voix dans le Conclave pour chef de l’Eglife,
ôc le conjura au nom de Dieu, d’acquiefcer à fa
vocation , & de donner un prompt confentement
à un choix fi neceflTaire à la Chrétienté, depuis
la longue vacance du faint Siégé. Le faint homme
fe profterna le front contre terre, Ôc après avoir
demeuré un tems confiderable en prières, il fe
releva * ôc craignant de réfifter à la volonté de
Dieu, il confentit à fon élection, Ôc fut depuis
facré à Aquila ville de l’Abruzze, fous le nom de
Celeftin V.
Le nouveau Pape ne fut pas plutôt fur la Chaire
de faint Pierre, qu’il donna à l’Ordre de faint Jean
des marques de fon attention fur leur conduite.
Il les exhorta en des termes également vifs Ôc tou-
chans, à fe fouvenir de la profeflion religieufe
qu’ils avoient embralfée , ôc des voeux folemnels
qu’ils avoient prononcez aux pieds des Autels.
Et pour joindre les fecours temporels aux fpirituels,
ce faint Pontife ayant appris que ces Cheva¬
liers avoient perdu en défendant la Terre Sainte
de Malte. Livre IV. 443
tous les biens que leur Ordre poffedoit dans la Î^uers*
Paleftine , adrelfa une Bulle au Grand Maître, par
laquelle , en confideration de ces pertes ôc de leurs
fervices , il les difpenfoit de payer à l’avenir leur
part de certaines contributions que les Papes, le
College des Cardinaux ôc les Légats fur-tout exi-
geoient avec rigueur ôc dîme maniéré purement
arbitraire dans letendue de leur légation,fouvent
même aux dépens des ornemens, ôc des vafes lacrez
des Eglifes.
Ce n’étoit pas le feul abus que le faint Pape eut
bien voulu réformer; mais il y trouva tant d’ob-
ftacles, joint au peu de capacité qu’il fe fentoit
pour le gouvernement, qu’il écouta volontiers les
îuggeftions de certains Cardinaux, qui abufant de
la délicateffe de fa conlcience, &dans l’efperance
de remplir fa place, lui en exageroient les obli¬
gations ôc les dangers.
On prétend même que le Cardinal Gaëtan qui
y afpiroit, n’épargna ni artifices, ni fourberies^
pour perfuader au faint homme qu’il devoit abdi¬
quer fa dignité, ôc qu’il apofla même un fcelerat,
qui, contrefaifant l’ange de lumière, lui ordonna
de la part de Dieu, ôc fous peine de damnation,
de retourner dans fa Cellule.
Celeftin homme Ample, prit la voix d’un four¬
be pour celle du ciel; ôc d’ailleurs, il aima mieux
rentrer dans la condition privée d’un Moine, que
de relier plus long-tems dans une dignité où il
ne lui étoit pas permis de faire le bien qu’il fou-
haictoit, ôc d’empêcher le mal qu’il ne pouvoir
fouffrir. Enfin, foit inlpiration, loit dégoût pour;
Kkk ijf
444 Histoire de l’Ordre
Jean de une Cour où la politique l’emportoit alors fur les
V1L L 1 ERS.
maximes de l’Evangile,avec un courage qui navoit
point encore eu d’exemple, de qui peut-être n’en
aura jamais , il propofa lui-même, & il fît Ton ab¬
dication * en plein Confiiloire. Le Cardinal
Gaëtan qui lui avoit procuré toutes les facilitez
poffibles pour faire accepter fa démiffion , en re¬
cueillit le fruit dans le prochain Conclave, de fe
vit, à la faveur de fa brigue, dans cette éminente
place de au comble de fes fouhaits. Il prit le nom
JZ94. de Boniface VIII. fçavant en l’un de l’autre Droit,
habile dans le Gouvernement, de confommé dans
les affaires d’Etat ; mais d’une ambition fans bor¬
nes ; avare, vindicatif, même cruel, &: qui pen¬
dant tout fon Pontificat, ne fut occupé que du
projet chimérique d’unir l’un de l’autre glaive ,
& à la faveur de l’autorité purement fpirituelle ,
dont il étoit revêtu, de s’emparer, fous differens
prétextes, d’une domination temporelle fur les '
Etats de tous les Princes Chrétiens; ambition dont
fon prédecefieur fut la première viéhme.
Geleftin par fon abdication , redevenu Frere
Pierre de Mourhon,feflattoit d’avoir rompu tous fes
pngagemens de recouvré fa liberté. Le faint homme
n’en vouloit faire d’ufage que pour le choix d’un
défer t, où inconnu à toute la terre , il pût ache¬
ver le refte de fes jours ; mais Boniface craignant
* Ego Cæleftinus Papa quintus motus ex legitimis caufis,ide(tJ caufâ
humilitatis, mêlions vitæ 8c c.pnfcientiæ îllæfæ , debilitate corporis, de-
feclu fcientiæ & malignitate populi, & infirmitate perfonæ \ &c ut pra>
terkæ çonfolationis vitæ poiïim repararequietem, fpontè ac libéré cedo
Papàtui, & expreffè renuntio loco, dignitati, oneri&r honori, dans
plenam liberam facultatem ex nunc facro Cœtui Cardinalium eligen-
di & providendi dumtaxat canonicè vniverfalt Ecclelîæ de paftorc.Bof, t. x«
l. i p. 7. Raindd. mm. z?.
de Malte. Livre IV. 445
que par un nouveau fcrupnle, il ne révoquât la Jean de
VlLLIERS.
démiffion, le fit arrêter • & pour reconnoître les
difpofitions les plus fecrettes de Ton priionnier,
l’obligea de Te confeffer à lui. Les déclarations les
plus fînceres du pieux Reclus 11e le raffurerent
point ; on prétend que pour fe tirer tout â fait d’in¬
quiétude, il le fit périr à force de mauvais traite-
mens. Il l’avoit fait enfermer comme un criminel
dans un cachot affreux, Sc fi petit, qu’il n’y avoit
pas affez de place pour y pouvoir mettre un mé¬
chant grabat. De barbares geôliers qui le gar-
doient à vue , fi-tôt qu’il fermoit les yeux pour
prendre un peu de repos, interrompoient fon'fom-
meil j & par ce cruel artifice on eut bien-tôt
éteint le peu de vie qui lui reftoit. Le Pape par
une conduite fi inhumaine devint odieux à tous
les gens de bien. Il courut alors dans le monde
une efpece de prophétie, où l’on faifoit dire à Cé-
leftin en parlant de fon fucceffeur, & des fourbe^
ries dont il s’étoit fervi pour parvenir à la Papauté:
»Tu es monté fur le trône de faint Pierre en
» renard ; tu régneras comme un lion, & tu mour-
« ras comme un chien. Mais il y a bien de l’appa¬
rence que cette prédi&ion, comme beaucoup d’au¬
tres , ne fut inventée qu’après les évenemens.
Quoi qu’il en foit, Boniface qui ne fe croyoït
pas moins le lucceffeur des Céfars que de S. Pierre,
ne fut pas plutôt en fa place, qu’il témoigna une
prédileéfion particulière pour les Hofpitaliers, &
pour les Chevaliers du Temple. Il n’ignoroit pas
que ces deux Corps étoient compofez au moins
pour la plupart de Gentilshommes & de braves
Kkk iij
r y.
446 Hisfoire de l’Ordre
Jean de
Milliers.
Guerriers, 8c il n’oublia, ni protection déclarée,
ni grâces, ni bienfaits pour les attacher plus étroi-
tement au faint Siégé, 8c à fes propres interets.
Les Hofpitaliers de faint Jean éprouvèrent les
premiers les effets de fa protection. Les Rois d’An¬
gleterre 8c de Portugal , depuis la perte de la T erre
Sainte, ne prétendoient point que les Hofpitaliers
qui avoient des Commanderies dans leurs Etats,,
en fiffent fortir les revenus, 8c les envoyaffent dans
le Levant j prétentions dun dangereux exemple ,
8c qui pouvoient avoir des fuites fâcheufes de la
part des autres Souverains de la Chrétienté.
Les deux Rois dont nous parlons , arrêtèrent
même ces deniers qui furent mis en fequeftre -,
8c pour juftifier leur conduite, ils publioient que
les Commanderies de l’Ordre n’ayant été fon¬
dées dans leurs Etats par les Rois leurs prédécef-
feurs, ou par leurs fujets, que pour la défenfe
de la Terre Sainte, on ne pouvoir, depuis fa perte
8c les conquêtes des Infidèles, faire un plus digne
ufage du revenu de ces grands Bénéficesqu’en
les employant en faveur des pauvres de chaque
nation, au lieu de faire paffer cet argent dans rifle:
de Chypre, où il ne fervoit qu’à entretenir le luxe
8c les plaifirs des Chevaliers de faint Jean.
Mais ces reproches qui n’étoient peut-être pas:
fans quelque fondement à l’égard de plufieurs
Commandeurs particuliers, ne firent aucune im-
preflion fur l’efprit de Boniface. Ce Pontife qui
ne connoifloit point d’autre maniéré de traiter avec
les Têtes couronnées que celle de hauteur, menaça
ces deux Princes des foudres de l’Eglife, s’ils ne
de Malte. Liv. IV. 447
révoquoient leurs Ordonnances. Il leur fit dire Jean de
VlLLlERS.
que les Hofpitaliers cherchoient moins un azile
dans Tlfle de Chypre, que pour être plus à portée,
s’ils en trouvoient l’occafion, de recommencer la
guerre, 3c de rentrer dans la Terre Sainte ^ qu’ils
remplifloient même également les obligations de
leur état dans cette Ifle comme dans la Paleftine ;
qu’ils y tenoient un Hôpital ouvert à tous les pau¬
vres, 3c des vaifleaux dans les ports pour l’efcorte
ôc la fureté des pelenns, 3c que cet Ordre militaire
fi utile à l’Eglile, étant fous la protection particu¬
lière des Papes, il ne pourroit pas fe ailpenier de
' fe fervir de l’autorité qu’il ne tenoit que de Dieu
feul contre les ufurpateurs des biens confacrez à
la défenfe de la Chrétienté. Les menaces de ce
Pontifie plus efficaces que fes raifons, firent plier
les deux Rois ; leurs Ordonnances furent révo¬
quées , 3c le fequeftre levé.
Le Pape traita encore avec plus de hauteur
Henri de Lufignan Roi de Chypre. Ce Prince,
comme on le vient de voir, avoit donné retraite
dans fon Ifle aux Hofpitaliers 3c aux Templiers ;
mais dans la crainte qu’ils ne s’y rendiflent aulîl
puiflans qu’ils l’avoient été dans la Paleftine , il
leur avoit défendu par un Edit folemnel d’y ac¬
quérir aucuns fonds, 3c le Pape par complaifance
pour ce Monarque, avoit autorifé cet Edit par des
Bulles particulières. Le Roi de Chypre les avoit
afliijettis à une efpece de capitation générale, Prbuvî
6c dans laquelle le Clergé de fon Royaume, 3c le I.
Corps de la Noblefle étoient compris comme le
{impie peuple. Le Pape en fut bien-tôt inftruit j il
448 Histoire de l'Ordre
Jean de ne falloit à ce Pontife que le moindre prétexte
Villiers. , i r ■ / r ■i 1
-- pour etendre ion autorité • ainii il ne manqua
pas d’éclater. Il traita cette impofition de pure
entreprife furies privilèges qu’il avoit plu au faine
Siégé d’accorder aux Ordres militaires, & il en
écrivit au Roi de Chypre en Souverain , & dans
les termes les plus fiers de les plus abfolus*
» Nous ordonnons, lui dit-il, & nous voulons
« que cette taille que le vulgaire appelle capita-
« non, & dont le nom eft horrible & déteftable,
« foit abfolument abolie, de que le Roi ne la puiffe
» pas même impofer fur fes fujets particuliers fans
» la permiffion du faint Siégé ^ & à l’égard des au-
53 très tributs, nous en déclarons pareillement les
» Freres Hofpitaliers de faint Jean de Jerufalem,
» & les Freres de la milice du Temple abfolument
« affranchis. Le Pape dans fes Lettres ajouta que
quoique le laint Siégé eût autorifé par une Bulle*
l’Edit qui interdifoit toute acquifition aux Reli¬
gieux militaires, le Roi ne devoit pas cependant
interpréter ce confentement du faint Siégé à la
rigueur, & empêcher ces Chevaliers d’agrandir du
moins leurs clôtures, & d’acheter des maifons voi-
fines de leur Maifon principale, & néceffaires pour
le logement d’un grand Ordre , & qui outre les
pèlerins & les pauvres, entretenoit en tout terns-
un corps de milice pour armer fes vaiffeaux.
Le Roi de Chypre qui par ces Lettres de l’im-
perieux Pontife , fe trouva bleffé par l’endroit le
plus fenfible aux Princes, & dansfon autorité fou-
veraine, n’oublia rien pour en faire fentir tout le
poids aux Religieux militaires. Il déclara haute¬
ment
de Malte. Liv. IV. 449
ment quil ne fouffriroit point au milieu de fes vill^rs^
Etats des gens qui fe prétendoient indépendans de--
toute autre puilfance que de celle des Papes. Ainfi
fes Miniftres, malgré la défenfe de ce Pontife, con-
traignoient les Chevaliers à payer leur capitation j
& ce Prince avare aflujettit le Clergé du Royau¬
me au même tribut. La Nobleffe n’en fut pas exem¬
pte, &: le peuple qui paye ordinairement plus que
les autres Ordres de l’Etat, ôc qui paye toujours
lepremier, fe trouva le plus maltraité.
L’avidité de ce Prince excita un mécontente¬
ment général. Les Templiers naturellement fiers
ôc hautains, ôc qui par le befoin que les Rois de
Jerufalem avoient eu de leurs fecours, avoient ac¬
quis une efpece d’indépendance, irritez contre
Henri, fomentoient le mécontentement de la Na¬
tion, qui à la fin dégénéra dans une révolte décla¬
rée. Amauri Prince titulaire de Tyr , ôc frere du
Roi, en étoit le chef muet. Ce Prince ambitieux
afpiroit à la Couronne ^ ôc quand par lui-même ôc
par fes émifiaires il fe fut afîuré des troupes ôc des
habitans de la Capitale, il leva le màfque, fe mit
à la tête des rebelles , fit arrêter le Roi ; ôc pour
éloigner ce Prince des yeux du peuple fufceptible
de compafïion , ôc naturellement inconftant, il
l’envoya chez Haiton Roi d’Armenie dont il avoi&
époufélafoeur, qui confina ce Prince infortuné dans
un Château fitué dans des montagnes voifines de
la Cilicie. Amauri fit enfuite déclarer le Roi fon
frere inhabile au gouvernement, ôc il fè difpofoit
à prendre fa Couronne, lorfqu’un valet de cham¬
bre duRoi détrôné, appellé Simonet, toujours fi-
Tome h Lil
450 Histoire de l*Ordre
Je AN D
dele à Ton premier maître, quoiqu'il eut pafle au
VlLLIERS»
fervice de l’ufurpateur, fe prévalant des entrées
quil avoit dans fon appartement , le poignarda
dans fon lit : ce qui caufa une nouvelle révolu¬
tion , & dans laquelle le Roi Henri recouvra fa
liberté ôc fa Couronne. Le Grand Maître des Hof*
pitaliers ne prit point de part dans tous ces mou-
vemens , ôc il mourut peu de tems après le retour
élu Roi de Chypre dans fes Etats..
Odon Les Hofpitaliers mirent en fa place Odon de
DE
Pins , de la Langue de Provence , originaire d’une
Pins.
Maifon illuftre, titrée en Catalogne, ôc dont la
Maifon de Pins en Languedoc, qui porte les mêmes
Libro i.de
la Coronica armes, prétend defcendre. Odon de Pins étoit un
de la Religion Chevalier très âgé , rempli de pieté, ôc recon¬
de S,, ÿuanp.
12-j.VorFray. nu pour exad obfervateur de la difcipline régu¬
Dom fuan lière. Tant qu’il ne fut que fim^le particulier,
jlugufi. n de
F une s en Va-
tous fes confrères le crurent digne de la grande
lencia. 1626c Maîtrife j mais à peine fut-il parvenu à cette émi¬
nente dignité, -qu’on s’apperçut qu’il lui manquoit
beaucoup des qualités propres pour le gouverne¬
ment , fur-tout dans un Ordre dont les fondions
ne regardoient pas moins l’exercice des armes que
la priere ôc les oeuvres de charité -y il croyoit avoir
rempli tous fes devoirs quand il avoit pafTé les jour¬
nées entières aux pieds des Autels. Peut-être étoit-
il plus dévot qu’il ne convenoit dans fa place ; Ôc
peut-être auflî que fes Religieux ne letoient pas
autant qu’ils dévoient l’être. Quoi qu’il en loit
de cet excès d’amour pour la retraite, on vit naître
une efpece de négligence pour tout ce qui regar-
doit les entreprilès militaires.
V3888
Mjg
IL/ —
-JT7-
de Malte. Liv. IV. 451
Les Chevaliers qui après avoir perdu tous les Odon
D E
Biens qu’ils poffedoient dans la Paleftine , ne Pins.
lubiiftoient prefque plus que des gains qu’ils fai-
foient par la courfe ,, murmurèrent hautement de
fon indifférence pour les armemens : la plupart en
portèrent leurs plaintes au Pape auquel ils deman¬
dèrent la permiflion de le dépofer. Boniface le
voulut entendre fur les griefs de fes Religieux,. ôc
le cita àRome. Odonqui fçavoit mieux obéir que
commander , fe mit aufli-tôt en chemin j mais *iï
mourut avant que d’avoir pû arriver dans cette
Capitale du monde chrétien. Les Hofpitaliers en
ayant reçu la nouvelle, lui donnèrent pour fuc-
ceffeur Frere Guillaume de Villaret, de la
Langue de Provence , Grand Prieur de faint Gilles,
ôc qui étoit actuellement dans fon Prieuré. Ce Guillaume
DE
Seigneur avoir alors un frere auflî Chevalier Ôc Villaret,
des premiers de l’Ordre ; ôc le Monaftere des Hof- j z 9 6.
pitalieres de S.Jean de Fieux en Querci,étoit gou¬
Cofmog. de
verné par Jourdaine de Villaret leur fœur. Belleforejt. t.
Quoique le nouveau Grand Maître eût reçu les 2..1116.
nouvelles de fon élection, il ne fe preffa point de
partir pour rifle de Chypre ^ il voulut vifiter par lui-
même tous les Prieurez des Langues de Provence
d’Auvergne ôc de France yôc par de fi dignes foins 1198.
il rétablit la difcipline reguliere qu’il affermit en¬
core par un Chapitre qu’il convoqua dans la Com-
manderie de la Tronquiere, membre dépendant du
Grand Prieuré de laint Gilles. Parmi plufieurs re-
glemens très utilès qu’il y fit, ce fut dans ce Cha¬
pitre qu’il fournit les Maifons Hofpitalieres de
Beaulieu, de Martel ôc de Fieux y occupées par des>
—>.. il H ■: » «
451 Histoire de l’Ordre
Guillaume
O E
Dames Religieufes de l’Ordre ,à la vifite du Grand
VlLLAïUT, Prieur de faint Gilles &: de fes fuccefleurs. La Su*
perieure de Beaulieu eft éleétive ôc perpétuelle,
prend le titre de grande Prieure, Ôc porte la grande
Croix.
La Maifon de Belver ou de Beaulieu dans fon
origine, n’étoit qu’un Hôpital fondé par les Sei¬
gneurs delà Maifon de Themines vers l’an 1110,
entre Figeac& Rocamadour, en faveur des pauvres
ôc des pèlerins qui y paffoient pour aller à la Terre
Sainte. En 1159, un Seigneur de Themines appelle
Guibert ôc Aigline fa femme, donnèrent à l'Ordre
de faint Jean de Jerufalem cette Maifon avec tous
les biens qui y étoient attachez. * Cette donation
fut acceptée de la part de l’Ordre par Frere Pierre
Gérard, Commandeur des Maifons de Qiiercy,
ôc Frere Geraud de Baras, Grand Commandeur des
Maifons du côté de la mer, ainfi que porte le titre
de cette donation : ce qui fe doit entendre appa¬
remment de la première dignité de l’Ordre apres
la Grande Maîtrife, ôc attachée par préférence à
la Langue de Provence. Ce fut dans le Chapitre
de la Tronquiere que Guillaume de Villaret de¬
venu Grand Maître , donna l’Habit ôc la Croix
de l’Ordre a plufieurs filles de qualité qui s’étoient
dévouées dans cet Hôpital au fervice des pau¬
vres , ôc il y établit pour Prieure , Aigline de
Themines fille des Fondateurs. Ce Grand Maître
fournit cette Maifon à la vifite du Grand Prieur
* L’ancienne Maifon de Themines après être fondue fucceffivementdans
celles de Cardaillac &r de Penne , eft paflee dans celle de Laufiere, d’où
eft forti à la fin du feiziém- fiecle Pons de Laufiere Themines, Chevalier
des Ordres du Roi, Maréchal de France, Sénéchal & Gouverneur de JLa
Province de Quercy.
de Malte. Liv. IV. 45$
de faint Gilles, ôc fie plufieurs autres reglemens Guillaume
d E
aufquels Aigline ôc quatre autres Dames députées Villaret.

de la Communauté , ôc qui s’étoient rendues à la


Tronquiere,fe fournirent: ce qui fut depuis ratifié
dans une allèmblée particulière de leur Chapitre.
On ignore le tems de la fondation de la Maifon
de Martel fituée dans la Ville de ce nom, Ôc qui
a porté long-tems celui d’Hôpital de la vraye
Croix. A l’égard d’une autre Maifon de l’Ordre
appellée Fieux, Jourdaine de V illaret fœur duGrand
Maître, ôc de Foulques de Villaret Chevalier de l’Or¬
dre, en étoit alors la première Prieure, comme on
le peut voir dans le catalogue des Supérieures de
cette Maifon. Mais comme elle a été depuis réunie
à celle de Beaulieu, nous ne nous y arrêterons pas;
il fuffit de remarquer que dans ces trois Maifons,
aufli-bien que dans celle de Touloufe, qui eft d’une
fondation moderne, ôc dans toutes celles de l’Or¬
dre , en quelque contrée quelles fuffent fituées ,
la naiïfance des dames Religieufes doit être três-
noble , Ôc qu’on éxigeoit à leur égard, les mêmes
preuves que pour les Chevaliers.
Leur habillement confiftoit dans une robe de
drap rouge avec un manteau de drap noir, ôc fur
lequel on attachoit une Croix de toile blanche
à huit pointes, ufage qui a varié en differentes
Provinces ôc en differens fiecles, ôc dont nous rap¬
porterons les motifs dans la fuite de cette Hiftoire.
Ce fut à la fin de ce même fiecle , ôc pendant
In xirch .
le Magiftere de Guillaume de Villaret, que le F'atic. ex re-
Pape Boniface VIII. confiderant la perte que cet gtft. cBon. 8.
t. 2. fol. 308.
Ordre militaire’ avoit faite de tous fes biens dans la
Paleftine , pour le mettre en état de continuer fes
Llliij
454 Histoire de l*Ordre
Guillaume arméniens, unie à la manfe magiitrale la célébré'
de
VlLLARET* Abbaye de la fainte Trinité de Venoufe dans le
Royaume de Naples.. Ce Pape par fa Bulle de
fan 3. de fon Pontificat, déclaré quil'a été.porté ai
fupprimer les moines qui occupoient cette Maifon
à caufe du déreglement de leurs mœurs, & que
par une raifon contraire , il a jugé à propos d’en
gratifier les Hofpitaliers qui expofoient tous les -
jours leurs vies pour conferver celles des pèlerins,,
& leur aflurer le chemin, de la Terre Sainte. Ce fut
prefque en même tems, & par un pareil motif,,
que Henry Marquis de Hochberg, de laMaifon
de Bade ,avant que d'entrer dans l’Ordre des Tem¬
pliers , donna aux Hofpitaliers fa Seigneurie de
Héïterfeïm fituée proche Fribourg ,réfidence des
Preuve
II. Grands Prieurs d’Allemagne. Cette donation
fut confirmée vingt* ans après par Henry & Ro¬
dolphe Marquis de Hochberg, comme on le peut
voir dans les Preuves..
Le Grand Maître fe rendit à Rome pour remer¬
cier le Pape de fes bien-faits ; & après avoir
reçu fa benediébion, il en partit pour Mie de
Chypre, & arrivaheureufement à LimilTo, & dans
la Maifon Chef-d’Ordre, réfidence du Couvent.
Il y étoit attendu avec impatience,non-feulement
par la prévention où l’on étoit de fa fageffe &de
fa capacité dans le gouvernement; mais encore
dans l’elperancequepar faprefence & par fes foins,',
il donneroit un nouveau degré de chaleur au pro¬
jet d’une ligue qu’on propofoit pour chaffer les
Sarrafins de la Terre Sainte..
1500. Gazan , fils d'Argun, dont nous avons parlé.
Khan des Tartares-Mogols, Roi de Perfe, & ui*
de Malte. Liv. IV. 455
des defcendans ou des fucceffeurs de Genchizcan, Guillavmb
étoit a la tête de cette ligue. Pachimere Hiftorien v^laret
grec Sc contemporain, nous fait un portrait de ce
Tartare qui eft trop beau, s’il eft fîdele, pour ne
pas trouver ici fa place : » Qu,and ce Prince, dit Pachim.t 2.
« cet Hiftorien, monta fur le Thrône , il jetta les
«yeux fur l’hiftoire de Cyrus &c d’Alexandre le
« Grand, pour en tirer le modèle de fa conduite. Il
« admiroit fur-tout les grandes qualitez du vain-
« queur de Darius. Dans les expéditions militaires,
« il fe fervoit volontiers des Yberiens, ôc c’étoit,
«dit cet Hiftorien, autant pour la pieté fincere de
« cette Nation, & pour fon attachement fîdele à la
33 Religion Chrétienne, que pour le courage intré¬

3 ) pide qu’ils faifoient paroître dans les combats.


« Comme il fçavoit que la Croix eft le trophée des
« Chrétiens , il la mit au haut de fes enfeignes,
« & ce fut fous la protection de ce figne de notre
35 falut, qu’il emporta de célébrés victoires fur le
« Sultan d’Egypte. Il entra dans la Paleftine ; &
« pour gratifier les Yberiens qui étoient dans fon
«armée, il attaqua même la ville de Jerufalem,
« & peu s’en fallut qu’il ne délivrât le tombeau du
« Sauveur de la tyrannie des Infidèles.
Il n’y a perfonne qui en lifant ce trait de l’hiC.
toire de Pachimere, ne fe perfuade que Gazan étoit ^ u g.
chrétien. Mais tous les autres Ecrivains de fa Na- blothequc
tion, Arabes, Perfans, Poètes & Hiftoriens fou- °nemale
tiennent que ce Prince étoit né Payen & Idolâtre,
comme la plupart des Tartares de ce tems-là-
qu’il fe fit depuis Mahometan pour s’accommo¬
der à la religion du plus grand nombre de fes fu-
'456 H istoire de l’Ordre
iiUILt AITME
DE
jets quif aifoient profefïion de cette feéte, Sc qua
VlLLARET. la ceremonie delà circoncifion ,il prit le nom de
Sultan Mahmoud. L’oriaine o de l’erreur des HiC-
toriens chrétiens peut venir de ce que ce Tartare
avoit époufé une Princeffe chrétienne, d’une rare
beauté, fille de Livronou de Leon Roi d’Arme-
nie, & que ce Prince, par complaifance pour la
Reine fa femme, lui avoit laiffé dans le Palais ,
l’exercice public de fa Religion: ce qui a pu faire
croire aux Miffionaires & aux voyageurs, que Ga^-
zan lui-même étoit chrétien. Quoi qu’il en foit, il
y avoit déjà quelque tems, & avant la difgrace
arrivée à Henry Roi de Chypre, qu’il s’étoit for¬
mé une ligue entre ce Prince Tartare, le Roi d’Ar¬
ménie , fon beau-pere &fon voifin, le Roi de Chy¬
pre , Amauri deLufignan fon frere, & les Ordres
des Hofpitaliers & des Templiers qu’on regardoic
en Orient comme la principale force & l’unique
refïource des Chrétiens.
Ch api 43* Haïton Seigneur de Curchy, neveu , d’autres
difent feulement parent du Roi d’Arménie, té¬
moin oculaire de ces guerres , nous en a laifié une
relation allez exaéte dans fonhiftoire deTartarie.
C’efl: de cet Auteur que nous apprenons tous les
avantages que les Princes liguez eurent furies Sar-
rafins. Ils défirent d’abord Nazér Sultan d'Egypte*
& lui enlevèrent, après cette victoire, la célébré
ville de Damas, & enfuite la meilleure partie de
la Syrie. Les Hofpitaliers, qui, dans cette ligue ,
n’avoient pour objet que de chaffer les Infidèles
de la Terre Sainte, y rentrèrent fans obftacleàla
tête d’un corps de cavalerie, que Gazan leur donna
pou|
de Malte. Liv. IV. 457
pour les foutenir. Ils trouvèrent le pays ouvert,
les Villes, ou pour mieux dire, de {impiesbour- laret.
gades, lans fortifications -, Jerufalem fans murailles
6c fans habitans chrétiens ; perfonne en apparence
qui s’opposât à leurs conquêtes : mais ce qui en
caufoit la facilité, produifit dans la luite l’impof-
fibilité de s’y maintenir. Les Sarrafins , apres la
prife de faint Jean d’Acre , avoient razé les forti¬
fications de toutes les Places de la Paleftine, en
forte que ce Royaume n’étoit plus qu’un grand
pays expofé à la domination du plus puiffant 6c
de celui qui pouvoit tenir la campagne.
Les Hofpitaliers charmez d’avoir pu pénétrer
jufques dans la Ville fainte , fongeoient pour s’y
maintenir à en relever les murailles. Mais le Khan
des Tartares ayant été obligé derepafferl’Eufrate ,
de rentrer en Perfe, 6c de marcher contre des re¬
belles qui s’étoient prévalus de (on abfence; ce
Prince rappella de la Paleftine les troupes qu’il
avoit foumifes aux ordres des Hofpitaliers • 6c
après leur retraite, il n’y eut pas moyen,avec les
feules forces de la Religion, de tenir la campagne
contre les armées des Sarrafins.
En effet leur Soudan, après la retraite des Tar¬
tares , rentra dans la Paleftine, 6c au bruit de fa
marche à la tête d’un puiffant corps de troupes,
6c fur les nouvelles qu’il s’avançoit droit vers Je¬
rufalem , les Hofpitaliers qui y étoient entrez en
conquerans, furent obligez d’en fortir prelqu’en
pèlerins.
Cependant Gazan ayant pacifié affez prompte- " "
ment les troubles qui s’étoient élevez en Ion ab-
Tome L Mmm
458 Histoire de l’Ordre
Guillau¬ fence dans la Perfe, reprit fes premiers deffeins
me de Vil*
LAR.ET. contre le Soudan d’Egypte. L’habile Tartare, en
rétabliffant les Chrétiens latins dans la Paleftine,
n’avoit en vue que de s en fervir dans la fuite,
comme dune barrière pour empêcher les Sarra-
fïns d’Egypte d’avoir déformais aucune commu¬
nication avec la Syrie. Mais ayant reconnu dans
la campagne précédente , le peu de forces des
Rois de Chypre ôc d’Arménie, ôc que les Ordres
militaires ne pourroient pas réfîfter feuls à la
puiffance du Soudan, il jugea bien que pour chat
fer également les Sarrafins de la Syrie ôc de la Pa¬
leftine , Ôc afin que les Chrétiens fe pufTent main¬
tenir dans ce dernier Royaume, il falloir intereffer
dans cette guerre les Princes d’occident, ôc attirer
dans le Levant quelque Croifade femblable à la
première ôc à celle de Godefroy de Bouillon, qui
les avoit chafTez de la Paleftine.
Tel fut le motif d’une célébré Ambaffade qu’il
envoya au Pape Boniface VIII. Ôc qui paffa depuis
en France. Il eft vrai qu’il y a des Hiftoriens qui
attribuent cette négociation à Mahomet Gayated-
din, appellé autrement Algiaptou, frere ôc fuc-
cefTeur de Gazan. Les Perfans, dans leur langue,
nommoient ce dernier Cbodabenda , c’eft à-dire.
Serviteur de Dieu : l’Hiftorien Haïton l’appelle
Carbaganda, il dit qu’il étoit né d’une mere chré¬
tienne , qu’il avoit été baptifé ôc nommé Nicolas,
mais qu’aprês la mort de fa mere, il fe fit Muful-
man. Quoi qu’il en foit de l’auteur de cette Am-
bafïade, celui qui en étoit chargé,étant arrivé à
Rome, pria le Pape de la part du Khan fon maître,
de Malte. IV.
Liv. 4j9
Guillau¬
d’engager les plus puiffans Princes de fa Commu¬ me DE VlL-
nion , à joindre une partie de leurs forces aux ar¬ LARLT.

mées qu’il avoit fur pied, pour chaffer de concert


les Sarrafins de la Syrie & de la Paleftine, & il of-
froit de lailfer.aux Chrétiens latins la poffeflion
entière de la Terre Sainte.
Cet Ambaffadeur, pour faire mieux goûter les
propofitions, infinuoit adroitement que le Khan
Spicil. t,
fon maître n’étoit pas éloigné d’embraffer la Re¬ 21. p. 6oy.
ligion chrétienne : * artifice peut-être nouveau en
ce tems-là^ ôc trop ufé en celui-ci, mais quifert
au moins de preuve que ce Prince étoit ou payen
ou Mahometan.
Malheureufement pour le fuccês d’une fi grande
entreprife, le Pape étoit alors dans les plus violens
accès de cette haine implacable qu’il portoit à
Philippe le Bel, Roi de France, qu’il comparoit
injurieufement à l’idole de Bel, ou de Baal, par
une allufion ridicule & pleine d’ignorance de ce
terme Phénicien. Le fujet de cette haine venoit
de ce que Philippe refufoit hautement de recon-
noître cet empire abfolu & defpotique, que Bo~
niface s’attribuoit fiir tous les Etats chrétiens. Il
convenoit à la vérité, que les Souverains dans leurs
Etats étoient maîtres du temporel mais il préten-
doit avoir droit de connoître des différends qui
naiffoient entr’eux, fous prétexte qu’il s’agiffoit,
difoit-il, de fçavoir s’ils pouvoient fans péché,,

* Parifius ipfa hebdomada Pafchas venerunt ad Regem Franciæ Nuntii


Tartarorumdicentes, quôd fi Rex&Baronesgentes filas in Terne Sanftæ
fubfidium dc(hnarent,!eorumDominusTartarorurn Rex Sarracenos totis
viribus expugnaret, Sc tam ipfe quàm populus fuus efficerentur libers-
anima Chriitiani. Cantin tibron. de Nantis ad an». 1505.
Mmm i|:
460 Histoire de l’Ordre
m^deVil- faite kl guerre en certaines conjonctures. A la
laret. faveur de cette diftinétion captieufe, le nouveau
Cafuifte vouloit attirer à fon tribunal la connoif-
fance & le jugement ablolu de tous leurs diffé¬
rends, &; il menaçoit ceux qui refuferoient de s'y
foumettre, de les excommunier, de mettre leurs
Etats en interdit, & d’abfoudre leurs fujets du fer¬
ment de fidelité. C’étoit le chemin le plus court
pour parvenir à une Monarchie univerlelle ; mal-
heureufement pour le fuccés de pareilles préten¬
tions , ce Pontife fe vit en tête , dans la perfonne
de Philippe le Bel, un Prince puiflant, naturelle¬
ment fier & impérieux, infiniment jaloux des droits
de fa Couronne, bien inftruit de ceux des Papes,
&c qui en leur rendant ce qui étoit dû au Chef vi-
fible de l’Eglife, foutenoit avec une fermeté in-
vincible, que ces Pontifes n’avoient, à l’égard
des Souverains de la Chrétienté, qu’une autorité
purement fpirituelle ; même que cette autorité
n’étoit que mimfterielle, & qu’ils dévoient gouver¬
ner l’Eglife de Jefus-Chrift fuivant les Canons
des Conciles généraux.
Boniface irrité de trouver cet obftacleà l’éta-
bliffement de fa chimere,avoit fufcité de tous cotez
des ennemis contre la.France, & contre la per¬
fonne même du Roi. C’efl: à ce Pontife qu’on at¬
tribue la révolte des Flamands,& la guerre des An-
glois. Ainfi,pendant que ces ennemis déclarez atta-
quoient la frontière de ce Royaume, le fouverain
Pontife n’oublioit rien pour exciter des feditions
dans l’interieur de l’Etat, & même pour diftraire le
Clergé feculier & régulier de l’obéiffance qu’ils dé¬
voient à leur Souverain.
de Malt e. Liv. IV. 461
Tel étoit la diipofition de Boniface, lorfque Guillau-
1> A 1 A' 1 1 ! T ME DE V IL-
1 Ambaliadeur du Khan desTartares arriva a Rome, laret.
L’imperieux Pontife laifit avec joye ce prétexte de
fignaler ion prétendu pouvoir iur la perionne du
Ro iôc fur les fujets.
Dans les premières Croifades, les Papes à l’é¬
gard des Souverains , ne s’étoient jamais lervis que
de la voye de priere & d’exhortation. Dans la fuite,
&: quand ils en trouvèrent l’occafion , pour fe\
débaraiferdes Princes qui faifoient ombrage à leur
puiffance, ils les y engagèrent par des motifs de
pénitence, ôc quelquefois fous peine d’excommu¬
nication. Par ces menaces des foudres de l’E-
glife, ils fe firent comme un droit de la Papauté,
d’exiler les plus grands Princes en Orient, quoi¬
que toujours fous le prétexte de délivrer la Terre
Sainte de la domination des Infidèles. Ce fut dans
ces vues que Boniface dépêcha l’Evêque de Pa-
miers au Roi. Ce Prélat animé de Tefprit & de la
fierté de fon maître, parla moins à ce Prince en am-
baifadeur & en ange de paix, que comme un Hé¬
rault envoyé pour lui déclarer la guerre.
Il lui dit que l’intention du Pape étoit qu’il fît
inceflamment le voyage d’outre-mer à la tête de
toutes les forces de la France, Ôc qu’il joignît les
troupes à celles du Roi de Perfe pour chafler les
Sarrafins de la Syrie & de la Paleftine. Boniface,
fous prétexte d’un motif fi pieux, ne cherchoit
qu’à éloigner le Roi de fes Etats pour pouvoir en
fon abfence y établir fa prétendue puiffance tem¬
porelle. Mais outre que la fierté & l’infolence
de fon Nonce , quoique François , n’étoit que
Mmm iij
461 Histoire de l’Ordre
Guillau¬
me de Vil¬
trop capable de lui faire rejetter les proportions
la ret. du Pape, ce Pontife avoit à faire à un Prince in¬
finiment jaloux , comme nous le venons de dire,
des droits fouverains de fa Couronne, très éclairé
fur fes véritables interefts, naturellement ménager,
ôc même fi avide d’argent, quon a reproché a fa
mémoire qu’il n’avoit pas toujours employé des
moyens juftes pour en amaffer. Ainfi bien loin
d etre d’humeur de faire la dépenfe nécefïairepour
une expédition de fi long cours, on prétend qu’il
manquoit même alors de fonds pour foutenir les
guerres que le Pape lui avoit fecretement fiif-
citées.
On foupçonnoit même Boniface de vouloir
armer contre la France. Il couroit des bruits que
les Templiers avoient offert leurs fervices à ce
Pontife, & qu’ils lui avoient même fourni des fom-
mes confiderables pour commencer la guerre.
Ainfi Philippe bien loin de fonger dans une pareille
conjoncture à s’éloigner de fes Etats, en fit fortir
le Nonce du Pape qui lui avoit parlé avec tant de
hauteur & d’infolence *, & par fa retraite, l’Am-
baffadeur du Khan qui étoit venu exprès en France,,
vit échouer fa négociations
Les Hofpitaliers n’apprirent qu’avec beaucoup
de douleur le mauvais fuccès de cette ambafTade ?
ils voyoient que l’efperance de rentrer dans
la Terre Sainte s’éloignoit de plus en plusv Us
étoient même defagréablement dans rifle de
Chypre par rapport au Roi, Prince avare & ombra¬
geux , éc qui les vouloir affujettir , comme nous
lavons dit,à des tributs, quoiqu’ils n’en euffent
de Malte. Livre IV. 465

jamais payé d’autres fous les Rois de Jerufalem,


que celui de leur fang qu’ils répandoient tous laret.
les jours fi généreufement pour la défenfe des
Chrétiens.
La mort furprenante de Boniface, qui mourut - —
de chagrin d’être tombé au pouvoir 6c entre les I}°5'
mains des François , fît efperer aux Hofpitaliers
qu’on verroit bien-tôt fur le faint Siégé un Pon¬
tife plus religieux , 6c qui au lieu d entretenir la
divifion entre les Princes chrétiens, comme avoit
fait Boniface, employeroit au contraire laconfide-
ration que lui donneroit fa dignité pour les porter
à le réunir, 6c à former une nouvelle Croifade.
En effet les Cardinaux, onze jours apres le décès
de Boniface, mirent en fa place Nicolas Bocaflini
de l’Ordre des Dominicains, Cardinal 6c Evêque
d’Oftie, Prélat d’une vie fainte, 6c d’un profond
fçavoir. Il prit le nom de Benoift XI. & il ne fut
pas plutôt fur le faint Siégé, qu’il témoigna un
grand empreffement de faire paffer de puiffans fe-
cours, 6c un armement confiderable dans l’Orient.
Mais de fi pieufes difpofitions n’eurent point de
fuite par la mort de ce Pontife, qui ne fut que
huit mois fur la Chaire de faint Pierre.
Le Conclave fut affemblé à Peroufe où il dura
près d'un an , & on avoit lieu de craindre qu’ii
ne finît pas fi-tôt par la mefintelligence des Car¬
dinaux divifez en deux faélions , 6c déterminez à
ne confentir jamais à leleétion d’aucun de ceux
qui étoient dans le Conclave. Le Cardinal Fran¬
çois Gaëtan neveu de Boniface, 6c qui en avoit
hérité la haine contre le Roi 6c contre les Cardi-
«
464 . Histoire de l’Ordre
^Guillau¬
me de Vil
naux Colonnes partifans de la France, étoit à la
la r et. tête de lune de ces factions. L’autre parti dé¬
voué au Roi , avoit pour chef le Cardinal Dupré
ami intime des deux Cardinaux Colonnes, que Bo-
niface pendant fon pontificat, 8c en haine de la
France, avoit cruellement perlecutez , aufh-bien
que toute leur Maifon.
Les Cardinaux qui étoient enfermez dans le
Conclave ? s’affembloient tous les jours , confie-
roient tantôt en public 8c tantôt en particulier,
8c les plus adroits tâchoient de gagner quelques
fufixages dans la faélion contraire.
Le Cardinal Dupré habile dans ce genre d’efi-
crime, 8c confommé dans la politique, s’adreffant
un jour au Cardinal Gaëtan : » Nous faifions un
f0. Villa?!:, » grand mal, lui dit-il avec une ingénuité apparen-
ïji ~o . 8. sh. 8•
» te,&nouscaufions un grand préjudice à FEglifie de
S. Amortir?,
p. 3. t. 21. » lapriverfi long-tems de fon Chef. Il ajouta que
Bern. Cloron. puifqu’ils nepouvoient convenir d’aucun Cardinal
Rom. Font.
Ram. tom.tf. pour en faire un Pape , il falloit néceflairement
Contin. ann. choifir hors du Conclave un fujet digne de rem¬
JEçcl.
plir cette grande place ; 8c que pour faciliter cette
éleélion, il étoit d’avis qu’une des deux faëfiions
nommât à fon choix trois Archevêques d’au de-là
des Monts , 8c que l’autre faélion ieroit en droit
dans le terme de quarante jours de choifir pour Pape
celui des trois qui lui conviendroit le mieux. Gaëtan
lui répondit que la partie n’étoit pas égale, 8c qu’il
n’y avoit perfonne qui 11e jugeât que la faélion
qui nommeroit les trois Candidats, n’eût beau¬
coup davantage• puifque par fa nomination , elle
ferait filre d’avoir pour Pape une de fes créatures,.
Le
de Malte. Liv. IV. 465
Le Cardinal Dupré en convint • mais il lui repartit Gu ILLAUME
DE
que pour lui faire voir combien lui ôc les Car¬ Vi LLARET.
dinaux de fon parti louhaitoient fincerement de
finir le fcandale que leurs divifions cauloient dans
l’Eglfe 5 ils étoient prêts de ceder cet avantage aux
Cardinaux de fa faébion ; que ceux de fon parti con-
fentiroient volontiers qu ils nommaffent les trois
fiijets papables, ôc que de leur côte, ils ne le ré-
ferveroient que le leul droit de choifir au moins
parmi trois de leurs créatures, celui quils croi-
roient le plus digne, & qui leur feroit moins défa-
gréable.
Le neveu de Boniface communiqua à fa fadlion
ce projet qu’il attribuoit à l’impatience que Dupré
ôc les vieux Cardinaux avoient de fortir du Con¬
clave*. & après l’avoir fait approuver par les Car¬
dinaux de fon parti, il s’en fit un traite folemnel
qui fut figné par tous les Cardinaux, Ôc en con-
fequence,. Gaëtan nomma trois Archevêques ul¬
tramontains, tous trois créatures de fon oncle, ôc
qui pendant le Pontificat dt ce Pape, avoient
époufé fes intérêts contre le Roi. Le premier de
ces trois Archevêques étoit celui de Bordeaux,
qui s’appelloit Bertrand de Cor, Prélat d’une grande
Maifon d’Aquitaine, mais attaché à fes plaifirs,
dévoré d’ambition, ami intime de Gaëtan1 dont il
avoit toute la confiance , ôc fujet du Roi d’An¬
gleterre , qui étoit alors Duc d’Aquitaine. D’ail¬
leurs ce Prélat étoit ennemi de Philippe le Bel, &
particulièrement de Charles de Valois, frere de
ce Prince, qui pendant les guerres entre les Fran¬
çois ôc les Anglois, avoit ravagé les Châteaux
Tome L Nna
466 Histoire de l’Ordre
Guillaume
d E
& les Terres defon frere & de Tes plus proches
VlLLARET. parens. Cependant ce fut fur ce Prélat que le Car¬
dinal Dupré jetta les yeux pour en faire un Pape,
Il le connoiffoit à fond , & il ne douta point qu’un
homme de fon caraétere ne facrifîât fans peine
à fon élévation fes anciens amis & fes premiers
bienfaiteurs. Il fe perfuada même qu’il ne feroit
peut-être pas difficile , pendant que lTtalie étoit
défolée par les faCtions & parles guerres des Guel-
phes fk des Gibelins, de retenir en France un hom¬
me ambitieux, vain, ôc qui feroit charmé de fe
montrer à fes parens & à fes compatriotes dans
ce haut degré de puiflance où la tiare l’alloit
élever. Le Cardinal Dupré fit part de ces vues au
Roi Philippe le Bel par un Courier qu’il lui dépê¬
cha fecretement, &: qui arriva de Peroufe a Paris
en onze jours. Il envoya à ce Prince le traité fait
entre les deux faCtions, & lui marquoit par fa
Lettre, qu’il n étoit queftion que de prendre bien
fes sùretez avec l’Archevêque de Bordeaux, qui
pour parvenir au fouverain Pontificat, fe foumet-
troit fans peine à toutes les conditions qu’il en
voudroit exiger.
Le Roi ayant lu ces dépêches &c le traité fait
entre les Cardinaux , fentit bien tout l’avantage
qu’il en pouvoit tirer. Il écrivit auffi-tôt à l’Ar¬
chevêque de Bordeaux, qu’il avoit des affaires de
confequence qui le regardoient directement, à lui
communiquer. Il lui marquoit en même tems qu’il
fe trouvât un certain jour qu'il lui défigna, dans
une Abbaye fituée au milieu d’une forêt proche
faint Jean d’Angeli, où il ne manqueroit pas de
de Malte. Liv. IV. 467
fon côté de fe rendre le même jour : mais qu'il exi- Guillaume
geoit fur-tout un profond fecret. Villaret.

L un & l’autre furent exaéte au rendez-vous; l’en-


trevûe fe fit le matin dans l’Eglife de l’Abbaye.
Philippe après avoir entendu la Meffe , exigea de
l’Archevêque un ferment, qu’il fit en mettant la
main fur l’Autel, de garder inviolablement le fe¬
cret qu’il alloit lui confier. Après cette précaution,
il lui déclara qu’il étoit maître de le faire Pape ,
èc pour l’en convaincre, il lui communiqua le traité
fait à Peroufe entre les Cardinaux, avec l’endroit
des Lettres de Dupré,où le Cardinal en fon nom,
& au nom des Cardinaux de la faétion de France,
remettoit au choix du Roi, celui des trois Ar¬
chevêques qu’il jugeroit digne de la tiare.
L’Archevêque de Bordeaux ayant lu avec éton¬
nement ces aétes, fe jetta aux pieds du Roi, &
les embraffant avec un tranfport qui fe comprent
mieux qu’on ne le peut exprimer, il lui demanda
pardon de fa conduite paffée. » Je vois bien, Sire,
5> lui dit-il, que vous voulez me rendre le bien
5? pour le mal; Si je fuis affez heureux pour parve¬
nir à la Papauté, je vous conjure d’être perfuadé
» que vous en partagerez toute l’autorité : & je fuis
» prêt de vous en donner toutes les affurances que
>>vous pourrez exiger pour un fi grand bien-fait.
Le Roi le releva avec bonté, & l’ayant embrafTé
en figne d’une parfaite réconciliation, il lui dit que
quand il feroit fur la Chaire de faint Pierre, il fou-
haitoit qu’il lui accordât fix grâces , toutes juftesy>
dit-il, de qui n’alloient qu’au bien de l’Eglife ôc de
fonEtat ^mais qu’il en vouloitêtre affuré avant que
Nnnij
%
468 Histoire de l’Ordre
Guillaume prendre avec lui des engagemens plus parti-
Villarei*. culiers. Les deux premières conditions que ce
--" Prince lui propofa ne regardoient que les diffé¬
rends qu’il avoit eus avec le Pape Boniface, & dont
il prétendoit qu’il caffat tous les aétes faits contre
lui,contre les Cardinaux Colonnes & fes principaux
fujets. Il demanda pour troifiéme condition qu’il
lui promît de condamner la mémoirecie Boniface,
& de faire brûler fes os, comme on en ufoit à le-
gard des athées ou des heretiques. Le quatrième
article concernoit les intérêts des Cardinaux Co¬
lonnes que Boniface , en haine de leur attache¬
ment pour la France, avoit dégradez de leur di¬
gnité : le Roi exigeoit qu’ils fuffent rétablis avec
une reftitution entière de tous leurs biens, Philippe
pour cinquième condition demanda la permiflion
de lever des décimes fur le Clergé de France pen¬
dant cinq ans confecutifs. La fixiéme condition
ne devoit être déclarée qu’après la cérémonie du
couronnement du futur Pape. » Mais je veux, dit
v le Roi, que pour fureté de vos promeffes, vous
» en faflîez des fermens folemnels fur le faint Sa-
» crement, & de plus que vous me donniez en
» otage votre frere & vos deux neveux, que je con-
» duirai à Paris fous prétexte de les réconcilier
v avec le Comte de Valois mon frere, & je les
« retiendrai jufqu a l’entiere execution de votre pa-
» rôle. C’eft à préfent à vous, ajouta le Roi, à voir
» fi ces conditions vous conviennent.
L’ambitieux Prélat yvre de joye & d’efperance,
promit tout, & en fit des fermens folemnels fur
le faint Sacrement. Il manda en même tems fon
de Malte. Liv. IV. 469.
frere &: fes neveux qu’ il remit au Roi. Ce Prince Guillaume
D .E
auili-tôt dépêcha un courier au Cardinal Dupré, VlLLARET.

& à ceux de fa faéfion pour leur donner avis qu’il


avoit pris avec l’Archevêque de Bordeaux toutes
les luretez néceffaires pour fes interets ôc pour
ceux de la Maifon Colonne } qu’il amenoit ac¬
tuellement à Paris le frere- ôc les deux neveux
de fArchevêque, ôc qu’ils pouvoient fans différer
plus long-tems l’élire pour Pape. Le Roi ôc ce Pré¬
lat fe féparerent également contens l’un de l’autre,
ôc le courier de ce Prince arriva à Peroufe cinq
jours avant l’expiration du terme dont on étoit
convenu par le traité. Le Cardinal Dupré inftruit
des intentions du Roi, les communiqua aux au¬
tres Cardinaux partifans de la France, ôc ils décla¬
rèrent enfuite à ceux de laffadlion contraire qu’ils
étoient prêts d’exécuter leur parole, ôc de choifir
pour Pape un des trois Archevêques qui leur
avoient été propofez. Il fe fit une affemblée fo-
lemnelle dans la Chapelle du Conclave : on com¬
mença après l’invocation du faint Efprit par rati¬
fier de nouveau le traité fait pour l’élediion. Le
Cardinal Dupré nomma enluite pour Vicaire de
Jefus-Chrift Bertrand de Got Archevêque de Bor¬
deaux : ce qui fut fuivi des acclamations de tout
le facré College, ôc fur-tout de la part du neveu
ôc des créatures de Boniface, qui ignoroient ce
qui s’étoit paffé entre le Roi ôc f Archevêque , Ôc
qui fe flattoient d’avoir un Pape de leur parti, ôc
ennemi de ce Prince.
Mais ce Prélat n’eut pas plutôt reçu le decret
de fon élection, que dans les tranfports de joye
Nnn iij
470 Histoire de l’Ordre
Guillaume que lui caufoit un bonheur fi inefperé , il laifla
i> E
VlLLARET. échaper le fecret de Ta réconciliation avec le Roi
de France. On n'en douta même plus quand on
vit qu’il avoit convoqué à Lion tout le College des
Cardinaux pour la cérémonie de Ton couronne¬
ment , que Philippe honora de fa preTence.
Ce fut à ce qu’on prétend* apres cette grande
cérémonie, que ce Prince déclara au Pape la fixié-
me des conditions qu’il avoit exigées de lui dans
leur entrevue , de qu’il s’étoit réiervée de lui ex¬
pliquer après fon couronnement. Ce Pontife fut
3ien furpris d’apprendre que cette condition ren-
fermoit l’extinétion & l’abolition de l’Ordre en¬
tier des Chevaliers du Temple. Le Roi pour auto-
rifer la juftice de fa demande, lui dit qu’ils étoient
coupables des crimes les plus affreux > de qu’il en
avoit de bonnes preuves. Clément pour fatisfaire
à fes engagemens > l’affura qu’il alloit travailler à
faire faire des informations fecretes r de qu’il le
prioit de lui faire communiquer de fon côté ce
qu’il avoit de preuves contre ces Chevaliers.
Le nouveau Pontife après fon couronnement,
déclara que tant que l’Italie feroit déchirée par
les faélions des Gibelins & des Guelphes vil refte-
roit en France. Il prit enfuite le chemin de Bor¬
deaux^ pafTa par Mâcon, Brives , Bourges de
Limoges. Le Continuateur de Nangis rapporte
fur r année 1305, que ce Pontife en traverfant ce s
Diocefes, pilla, foit par lui-même, foit par fes fa-
tellites tous les biens des Eglifes, & des Benefîciers
qui fe trouvèrent fur fon pafTage ; en forte que
l’Archevêque de Bourges fe vit réduit, pour vivre
de Malte. L i v. IV. 471
chaque jour, à lanécefiitéd’aflifter à tous les Of¬ Guillaume
d E
fices du Choeur , comme un fimple Chanoine, VlLLARET.

afin d’avoir part aux diftributions manuelles. *


Les Cardinaux Italiens ne furent pas long-tems
fans fe repentir d avoir élevé au Pontificat un
Prélat François, fi avide d’argent. Ils jugèrent bien
que fi la tiare reftoit long-tems en France, ils
n’auroientpas beaucoup de part au gouvernement,
& par coniequent aux tréfors de l’Eglife. Le Car¬
dinal Mattheo-Roffo des Urfins, Italien, & enne¬
mi des François , outré de fe voir la duppe du
Cardinal Dupré, le rencontrant un jour dans Fan-
ti-chambre du Pape : » Vous êtes venu à bout de
» vos deffeins, lui dit-il avec un fouris amer, ôc
» nous voilà tranfplantez au de-là des monts ; mais
»> oùjeconnois mal le caraétere des Gafcons, ou
» je ferai bien trompé fi on revoit de long-tems le
» faint Siégé à Rome.
Cette capitale du monde chrétien, autrefois la
maitrefle & la fouveraine des Nations , par l’é¬
loignement de la Cour Romaine perdoit le peu
qui lui étoit refté d’éclat de Ion ancien Empire.
Tous les Italiens gémifloient de cette tranflation
que la plupart, par rapport au tems qu elle a duré,
ont comparée à la Tr&nfmigrdtion de Babilone. Il
y a eu même des Hiftoriens qui n’ont point fait
de fcrupule d’attribuer cette tranflation à l’atta-
* PapaClemens circà Purifîcationem Beatæ Mariæ à Lugduno recedens
Burdegalis per Matifconem , Brivarum, Buuricas.... ôc Lemovicasîter
faciens, tam religioforum quàm fæcularium Ecclefîas ôc Monafèeria tain
per fe quàm per fuos fatellites deprædando, multa ôc gravia intulit eis
damna : ôc frater Ægidius, Bituricenfis Acchiepifcopus per hujufmodi
deprædationes ad tantam devenir mopiam, quoi! tanquam unus de fuis
lîmplicibus Canonicis, ad percipiendum quotidianas ddtribuuones pro
vit* neceffarüs Horas ecclelîalhcas frequencare coa&us lit.
47^. Histoire de l’Ordre
Guillaume chement que ce Pontife avoit pour la Comteffe
d E
VlLLARET. de Périgord 3 fille du Comte de Foix3 Princefie
d une rare beauté 3 6c dont apparemment il eut
de la peine à fe féparer. Les mêmes Auteurs l’ac-
Hijh de M. eufent, pour fatisfaire fon avarice 3 dun honteux
I Ab b e'Fleuri
Liv. Ç2. pdg‘ commerce des chofes faintes. *
239' Peut-être que le Leéteur trouvera que nous
fournies entrez dans un trop grand détail des in¬
trigues de ce Conclave • mais on a cru, par rap¬
port aux faits qui fuivent3 que nous ne pouvions
nous difpenfer de reprélenter le caradlere de ce
Pape, 6c de rapporter les caufes fecretes de la corn-
plaifance qu’il eut depuis pour la plupart des def-
leins de Philippe le Bel3 tant à l’égard des Tenu.
pliers que des Hofpitaliers de faint Jean.
Ce nouveau Pontife voulant fignaler fon zele
par quelque entreprise, d’éclat y 6c qui fût du goût
de fon fiecle 3 propofa de faire paffer une Croifade
en Orient pour le recouvrement de la Terre Sainte.
Dans cette vue * & pour être inftruit des forces
des Infidèles -, peut-être auflî pour être éclairci des
accufations que le Roi de France avoir intentées
contre les Templiers 3 il fit fçavoir aux deux Çrands
Maîtres qu’ils euffent à lé rendre inceffamment

* Quello Papa fue huomo molto cupido di moneta è fîmoniaco che


ogm Benefîtio per moneta in Tua corte fi vendea è fue lufuriofb, fi dix
cea che tenea per arnica la Contefla di Paragorgo belliffima donat figli-
Vola del Conte di Foy. Giovan Villani Liv. ç. ch.

Papa, ut chronïca référant, fuit nimis cupiditatibus deditus ; prop-


ter quod fcelus fïmoniæ maxime à canonibus deteltatum & punitum >
multùm viguit in curia fua circà Bénéficia. Quod autem quidam dicunt
in Papam non po/Te cadere fimoniam, beatus Thomas hos reprobat : in»
fuper ôc minus honeltæ vitæ fuit, &communiter dicebatur cum qua-
dam comitifla pulcherrima muliere contubermum habere. santtus Anto-
ninuS'Flor* Archie]). de Concilio Viennenfi, lit. u. §. 3,
de Malte. L i v, IV. 473
auprès de lui avec les principaux Chevaliers des Guillaume
D E
deux Ordres. V IL LA R ET,

» Les Rois de Chypre &: d’Armenie, dit-il dans


» fa Lettre au Grand Maître des Hofpitaliers, nous
» follicitent puiffamment de leur procurer quel-
» que fecours. Ceft pourquoi nous avons résolu P RIII. E UY &-

« d’en délibérer avec vous, & avec le Maître du


» Temple vu principalement que par la con~
» noilfance que vous avez du pays, vous pourrez
« mieux que tous les autres nous confeiller lut la:
» manière de condiiirecette encreprife ; outre qu*a-
«prés l’Egüfe Romaine perfonne n’eft plus inte-
» reifé que vous dans le luccés. Nous vous ordon-
« lions donc de vous préparer à venir ici le plus^
» fecrettement que vous pourrez, & avec le moins
«de fuite .4- puilque vous trouverez de-çà la mer
« un alfez grand nombre de vos Chevaliers pour
« vous accompagner. Mais ayez foin de laiffer dans
?> Lille de Chypre un bon Lieutenant yÔc des Che-
» valiers capables de défendre la Ville de votre
« rélidence y en forte que votre ablence qui ne
« fera pas longue, ne porte aucun préjudice aux
« affaires de votre Ordre. Cependant ne laiffez pas
» d’amener avec vous quelques Chevaliers, que
» Leur fageffe, leur expérience & leur zele rendent
« capables de nous donner conjointement avec
» vous d utiles confeils. Cette Lettre eft dattée de ï 3 O-
« Bordeaux le hx de Juin 1306'.*
Le Grand Maître des Holpitaliers étoit en mer
quand cette Lettre lui fut envoyée de Lille de
Chypre, où elle avoit été adreffée. Il récrivit aulïh
tôt au Pape pour s’exeufer s’il ne faifoit pas aulîh
Tome L Ooa
474 Histoire de l’Ordre
«Guillaume
D £
promptement ce voyage que Sa Sainteté fembloit
ViLLAKET. le fouhaitter : ôc il s’en difpenfa fur une entreprife
qu’il avoit formée, ôc à laquelle il étoit actuelle¬
ment attaché. Les Hofpitaliers rebutez des mau¬
vais traitemens qu’ils recevoient du Roi de Chypre,
de la dureté de fa domination, & fe voyant d’ail¬
leurs comme releguez dans un Bourg, ôc fans un
port (i néceflaire à leurs arméniens, étoient con¬
venus d’abandonner un féjour fi incommode, dans
le deffein de fe rendre maîtres dans le voifinage
de la Terre Sainte de quelque Ifle où l’Ordre, fans
avoir à répondre qu’à fes Supérieurs , pût aller à
la mer ? ôc remplir les obligations ôc les devoirs
de fon état.
Le Grand Maître, l’efprit rempli d’un aufli grand
deffein , ôç qu’il tenoit fort fecret, jetta les yeux
fur l’Ifle de Rhodes peu éloignée de la Paleftine,
ôc qui avoit un port excellent. Cette Ifle de la dé¬
pendance de l’Empire de Conftantinople , s’étoit
ïentie, comme la plupart de celles de l’Archipel,
de la révolution arrivée dans cette Capitale par
la conquête qu’en avoient fait les François ôc les
Vénitiens. Les Génois de leur côté s’étoient em¬
parez de la plupart des Cyclades Ôc des Sporades.
Rhodes Ôc les petites ïfles qui en dépendent étoient
tombées au pouvoir de ces Républicains pendant
l’abfence d’un Seigneur Grec appellé Jean de Ga-
bales, qui en étoit Gouverneur. Vatace dont nous
avons déjà parlé, ôc qui dans le démembrement
de l’Empire, s’en étoit érigé un particulier dont
Nicée étoit la Capitale *, chagrin de voir que les
Princes Latins emportaffent tous les jours queb
de Malte. Liv. IV. 475
Guiliaüme
ques morceaux de l’Empire Grec , avoir envoyé D E
en l'an 1149, JeanCatacuzéne Ton grand Echanfon VlLL AR-ETe

avec une puilfante flotte pour chaflèr les Génois


de l’Ille de Rhodes. Ce Général Grec aborda dans-
l’Ifle r & y débarqua fes troupes fans obftacle. Heu-
reufement pour les Génois , Guillaume de Ville-
hardouin Seigneur François & Prince de l’Achaye
êc Hugues Prince de la Maifon de Bourgogne,
paffant en ce rems-là par Rhodes pour fe rendre
auprès du Roi Paint Louis qui étoit dans fille de
Chypre ,. Iailferent aux Génois un corps de trou¬
pes qui leur aidèrent à chafler les Grecs, Vatace
le plus habile Prince de Ion fiecle , profitant depuis
de la confternation ou ils trouvèrent les Latins
par la prifon de faint Louis chef de la Croifade,
envoya à RhodesTheodore Protofebafte qui recon¬
quit cette Ifle fur les Génois. Les Grecs y rétabli¬
rent leur autorité -, mais cet Empire tombant en
décadence, des Seigneurs de la Maifon de Gualla,
Gouverneurs de Rhodes s’érigèrent
O
infenfiblement
en Princes de cette Ifle ; ôc pour le fortifier con¬
tre leurs Souverains, iis la peuplèrent d’un grand
nombre de Marchands ôc d’habitans Turcs ôc Sar-
rafins. On prétend même qu’ils admettaient dans
leurs ports des Corfaires infidèles, qui y troti--
voient toujours un azile sûr quand ils étaient pour-
fuivis par les Galeres des Hofpitaliers, ou par les
vailfeaux des autres Princes chrétiens.-
Le Grand Maître après avoir cotoyé fille de
Rhodes, reconnu fes ports, fesforterefles, &: infl
truit du nombre de fes habitans, ne fe trouva pas
de forces fuffifantes pour en tenter la conquête..
Ooo ij.
476 Histoire de l’Ordre
•Guillaume
d F.
Il s’attacha à differentes petites Ifles voifines, ôc
VlL LAR.ET, qui quoique habitées, ne font prefque que des
rochers. Mais n’y ayant point trouvé de Places
fortifiées où il pût fe maintenir, & dans la crainte
que s’il s’attachoit à quelqu’une de ces petites
iîles ,, cette entreprife 11e décelât fon deflèin fur
Rhodes , il reprit le chemin de Hile de Chypre,
revint à JLimiffo. Il le difpofoit apres cette ex¬
péditions partir pour aller rendre compte au Pape
<lu projet qu’il méditoit, ôc pour tâcher d'obtenir
de ce Pontife ôc des Princes d’Occident, les fecours
néceffaires pour cette entreprife. Mais il fut arrêté
par une longue maladie qui fe termina par la
mort.
Tous les Chevaliers furent fenfiblement affligez
de la perte de ce Grand Maître, fur-tout dans une
Foulques
d E
conjoncture fi importante â l’Ordre. Le Chapitre
Villaret. perfuadé que Foulques de Villaret fon frere n’i-
1308. gnoroit rien de fes delfeins les plus fecrets, Ôc que
par fa valeur, il étoit très capable de les faire réufi
fir, jugea à propos de le nommer pour fon fuc-
celfeur. Ce Grand Maître ne fe vit pas plutôt re¬
vêtu de cette dignité, qu’il s’embarqua fur les Ga¬
lères de fon Ordre, & palfaen France pour y con¬
férer avec le Pape ôc le Roi touchant l’entreprife
de Rhodes, dont le dernier Grand Maître lui avoit
Confié le deffein. Il y avoit plus d’un an que Jac¬
ques deMolay d’une Maifonilluftre dans le Comté
de Bourgogne , ôc grand Maître de l’Ordre des
Templiers , pour fatisfaire aux ordres du Pape
f étoit rendu dans la ville de Poitiers où étoit alors
la Cour de Rome,. Le Grand Maître dans ce voyage
de Malte. Liv. IV. 477
FOTTtQUES
âvoit été accompagné de la plupart de fes Che¬ D E
valiers , qui rebutez comme les Hofpitaliers des Villj» ret.

avanies qu’ils avoient à efluyer tous les jours de la


part du Roi de Chypre & de Tes Miniftres , avoient
abandonné cette Ifle. Ils s’étoient difperfez à leur
retour , dans les differents Etats de la Chrétienté
où ils avoient un grand nombre de riches Corn-
manderies, ôc il n’étoit refté dans Fille de Chypre
que le grand Maréchal de l’Ordre , & un certain
nombre de Commandeurs. Le Grand Maître, à
ce qu’on prétend, avoit apporté du Levant des
tréfors immenfes qu’il dépota depuis à Paris dans
fa Maifon du Temple.
Ce Seigneur en arrivant en France , avoit re¬
tenu auprès de lui les principaux Chevaliers de
fon Ordre -, &c ce fut en leur compagnie qu’il s’é-
toit préfenté devant le Pape. Ils en furent tous
bien reçus, fans que ce Pontife leur laiffât péné¬
trer le motif fecret qui l’avoit déterminé à les ap-
peller en France. Il parut même goûter l’efprit du
Grand Maître qu’il entretint plu heurs fois au fu-
jet d’une Croilade qu’il feignoit de vouloir pu¬
blier inceffamment. Il pouffa la diffîmulation juf
qu a lui délivrer un mémoire auquel il lui ordonna,
après qu’il feroit repofé , de vouloir bien répon¬
dre exaébement.
Parce mémoire, le Pape en fuppofant toujours
le projet d’une Croifade , lui demandoit quel fe-
çours les Latins pouvoient efperer du Roi de la
petite Arménie j quels étoient les ports, les rades
&: les plages de la Paleftine où les Croifez pour,,
roient plus facilement aborder -, & h on feroit par-
O00 iij
47$ Histoire de l’Ordre
FOUIQTTES tir les troupes de l’Europe dans le grand ou le
DE
VlLLARET- petit paflage, c’eft-à-dire dans les mois de Mai ou
de Septembre : faifons aufquelles les Caravanes
de pèlerins partoient ordinairement pour la Terre
Sainte : 6c on appelloitces embarquemens, grands
ou petits paflages , félon le nombre des vaifleaux „
6c des troupes qu’on envoyoit au Levant..
Le Pape par un mémoire féparé, ajouta que læ
diffention qui ne fe renouvelloit que trop fouvent
entre les Templiers 6c les Hofpitaliers ,. n’ayant
pas peu contribué à la perte de la Terre Sainte,
on lui avoit confeillé pour le bien commun des,
deux Ordres, 6c pour l’édification des Fideles, du-
nir pour toujours les Templiers 6c les Hofpitaliers
fous un même habit, fous une même réglé, 6c:
fous un feul Grand Maître.. Le fouverain Pontife
luiordonnoit de lui en dire fonfentimentavec une
fincerité entière. Peut-être que le Pape par cette
union des Templiers avec les Hofpitaliers dont
la réputation étoit entière, n’auroit pas été fâché
de fouftraire les Templiers aux inftances que le
Roi de France faifoit contre cet Ordre, dont il de-
mandoit l’extinclion.-
Fr e u v e L’Hiftoire nous a confervé la réponfe que le
IV.
Grand Maître des Templiers fit à ces deux Mé¬
moires du Pape. Il dit premièrement que dans
une bataille 6c une aélion décifive, il n’y avoit pas
grand fond à faire fur les Arméniens plus difpo-
lez à fuir qu a combattre de pied ferme, 6c que fi,,
fans tenter d’autre conquête, onrenfermoit le fe-
cours qu’on vouloit faire paTer en Orient à la feule
défenfe de la petite Arménie , Sa Sainteté dévoie
de Malte. Liv. IV. 479
fçavoir que les Arméniens, fchifmatiques ôc enne¬ Foulcives
D E
mis de tous les Chrétiens Latins, ne les admet- VlLLARET.
troient jamais dans leurs Châteaux ôc dans leurs
Placer fortes, quoiqu’ils ne fuifent partez en Orient
que pour les fecourir ; ôc que les Croifez réduits
à tenir la campagne, feroient fouvent furpris ôc
maflacrez par les Turcomans ôc par les Beduins,
qui occupoient les montagnes frontières de l’Ar-
menie, d ou ils faifoient continuellement des cour-
fes dans le plat pays.
Par ces raifons ôc par beaucoup d’autres , qui
font fort étendues dans ce Mémoire , le Grand
Maître fait voir l’inutilité du petit partage, ôc d’un
foible fecours qui ne ferviroit, dit-il, qu a faire
périr ceux qui le compoferoient, ôc qui rendroit
les Chrétiens Latins méprifables. Il conclut que
pour pouvoir fe flater d’un heureux fuccés, il ne
falloit rien négliger pour rendre ce partage le plus
nombreux ôc le plus puilfant qu’on pourroit.
Dans cette vue, il exhorte le Pape à commu¬
Philippe le
niquer fon Mémoire aux Rois de France , d’An¬ Bel, Edouard
gleterre, d’Allemagne, de Sicile, dArragon, de 11 . Henry
de Luxem¬
Caftille, Ôc à tous les Princes fouverains de la chré¬ bourg, D011»
Fadrique
tienté, dont Dieu, dit-il, par fa grâce, puifle tou¬ d’Arragon,
Dom J aime»
cher les coeurs, ôcles déterminer à charter les Infi¬ Ferdinand,
dèles d’une Terre teinte du fang adorable de Jefus- IV.
Chrift.
Il propofe enfuite d’engager les Génois, 6c les
Yenitiens ôc les autres Puiflances qui ont des ports
dans la Mediterranée, à fournir les galeres ôc les
vaifleaux neceffaires pour le grand partage, ôc pour
le tranfport des troupes de la Croiade II repre-
480 Histoire de l'Ordre
FoviQtai fente encore que les Chrétiens ne poffedant plus
D E
VlLLARET. un pouce de terre dans le Royaume, de Jerufa-
lem, ni dans la Principauté' d’Antioche ; l’armée
chrétienne, fi on prétendoit en. chaffer les Infi¬
dèles , devoit être compofée au moins de quin¬
ze mille hommes d’armes, &: de cinq mille hom¬
mes d’infanterie.
A l’égard du débarquement,.il confeille pour
rafraîchir L’armée Chrétienne, qu’ilfe faffe d’abord
dans Lille de Chypre, d’où elle pourrait palier:
enfuite facilement dans la Paleftine. Mais à l’égard
de la plage & défendrait de ce Royaume, où it
faudrait aborder, il prie le Pape de le difpenfer
de mettre fon avis par écrit, & de fouffrir qu’il
ne s’en explique que de vive voix, fait à lui, oui
au Roi de France -, de peur qu’un deffein fi impor¬
tant, & d’où dépendoit toutlefuccèsde la Croilade,.
ne fut pénétré & enfuite traverfépar les Infidèles..
Il infinue qu’il ferait fort à propos d’envoyerr
au Printems dix galeres vers Lille de Chypre pour
tenir la mer, & pour arrêter les navires de quel¬
ques marchands chrétiens, qui préférant un gain-
lordide à Linterêt de la Religion, entretenoient»
des intelligences criminelles avec le Sarrafins , ôc
leur portoient contre les défenfes de LEglife, des
armes, & même du bois travaillé ôc tout préparé
en forte qu’il ne reftoit plûs pour en compofer des
galeres qu’à affembler& à joindre ces differentes
pièces.
Il ajoute que cependant on ne doit pas donner
le commandement de ces dix galeres Chrétiennes-
ni aux Templiers, ni aux Holpitaliers ; de peur
de Malte. Liv. IV, 481
que fi ces Chevaliers furprenoient en fraude, ôc Foulques
d E
arrêtoient quelques vaifleaux qui appartinrent à VlLLARET.

des marchands Vénitiens ou Génois, ils n’attiraf.


fent (ur ces Ordres militaires , la haine ôc le reffenti-
ment de ces deux puiflantes Républiques.
Le fécond Mémoire contient une réponfe au
deflein que le Pape faifoit d’unir fous un même
Chef3 ôc fous une même Réglé, les Templiers ôc
les Hoipitaliers. Le Grand Maître lui reprefente.
que fous le pontificat de Grégoire IX. & le régné
de faint Louis, on avoit propofé au Concile de
Lyon, un pareil projet, ôc même beaucoup plus
étendu, ôc qui comprenoit l’union de tous les Or¬
dres militaires qui (è trouvoient dans l’Eglife. Que
le Pape & le Roi qui affilièrent ace Concile, vou¬
lurent entendre là-deffus, l’avis de Frere Guillau¬
me de Beaujeu, Grand Maître des Templiers,
Ôc de Frere Guillaume de Courcelles un des prin¬
cipaux Chevaliers de l’Ordre de faint Jean , qui fe
rencontrèrent dans le même tems à Lyon. Que
le Grand Maître des Templiers remontra que les

re continuelle contre les Maures, Ôc qui tiroient


leurs principales forces des Ordres militaires éta¬
blis dans leurs Etats, neconfentiroient jamais que
ces Chevaliers Efpagnols quidépendoient de leurs
Souverains, palfalfent fous l’autorité d’un Chef
étranger, ni qu’on les unît avec d’autres Ordres
militaires qui avoient differens objets ôc differens
ftatuts ^ ôc que fur ces remontrances du Grand
Maître, on fe défifta de ce deffein.
Ilconvenoitquaprèslaperte de S. Jean d’Acre,
Tome I. Ppp
482, Histoire de l’Ordre
Foulques
d E
on avoit encore agité cette queftion ; que le Pape
VlLLARET. Nicolas IV. pour couvrir la honte de n’avoir pas
fourni le moindre fecours aux afliegez , s’étoit dé¬
chaîné en plufieurs Confiftoires contre les Tem¬
pliers & contre les Hofpitaliers : comme fi par leurs
prétendues diffenfions , ils euffent caufé la perte
d une Ville fi importante. Que perfonne dans la
Chrétienté, & même parmi les Infidèles, n’igno-
roit que le Grand Maître des Templiers, le Ma¬
réchal des Hofpitaliers, & plus de quatre cens Che¬
valiers des deux Ordres, avoient péri à la défenfe
de cette Place, d’où il n’étoit fortique dix Tem¬
pliers ; mais que tous les projets & les difcours de ce
Pontife au fujet de la neceffité de l’union, n’avoient
point eu de fuite. Que le Pape Boniface VIII.
affeétioné particulièrement aux Ordres militaires,
ôc qui ne les vouloir unir que pour les rendre plus
puiffans, avoit à fon tour abandonné ce deffein^
qu’aprêsbien des raifonnemens, on étoit convenu
à la fin de laiffer fubfifter chaque Ordre en fon par¬
ticulier, & félon fes réglés ôc fa forme de gouver¬
nement.
Le Grand Maître, apres avoir rapporté ces exem¬
ples , entre enfuite dans le fond de l’affaire, & il
repréfente au Pape premièrement le péril où il
expofe le falut des Religieux militaires en les obli¬
geant de quitter leur première réglé, & en les af-
fujettiffant d’en pratiquer une autre pour laquelle
ils n’avoient pas reçu la grâce de la vocation.
Secondement il lui remontre que fuppofé cette ,
union, ces Chevaliers, quoique originairement
fie differens Ordres, étant obligez de vivre dans
de Malte. Liv. IV. 483
la même Communauté, ne manqueroient jamais Foulques
DE
d’avoir des dilputes fur la préférence de leurs pre¬ VlLLARET»

mières profeflions , & que ces difputes entre des


gens pleins de courage , & armez, pourroient dé¬
générer dans des combats, au grand fcandale de
toute la Chrétienté.
Troifiémement, que dans chaque Maifon des
Templiers , on faifoit trois fois la femaine une
aumône générale, ôc qu’on donnoit tous les jours
aux pauvres toute la defferte du Réfectoire • que
pareillement les Hofpitaliers fondez originaire¬
ment fur 1 exercice continuel de la charité , tour¬
noient principalement leurs aumônes dans les dif-
ferens fecours qu’ils donnoient aux malades & aux.
pèlerins. Et que fi de deux Maifons de differens
Ordres,, on n’en faifoit plus qu’une, il ne s’y feroit,
au préjudice des pauvres, qu’une feule aumône ;
ce qui devoir s’entendre également de l’Office
divin & de tous les exercices de pieté, qui fepra-
tiquoient, quoique différemment, dans les Com-
manderies des deux Ordres.
Quatrièmement, dit-il, chaque Ordre a un Chef
ôc un Grand Maître, & plufieurs hauts Officiers
comme font les Prieurs, les Baillis, le Maréchal, le
Grand Commandeur , le Drapier , l’Hofpitaher
& le Turcopelier. Que fi dans l’union qu’on pro¬
jette, on conferve ces mêmes Charges, il fe trou¬
vera dans chaque Prieuré deux titulaires : fi on en
fupprime un, fur lequel des deux Ordres tombera
cette réforme ? Eft-il jufte fous prétexte de cetre
union de dépouiller de leurs emplois d’anciens
Chevaliers , qui n’y font parvenus que par leurs:
Ppp ij
484 Histoire de l’Ordre
lervices, ôc en répandant leur fang pour la défenfè
de la Chrétienté ?
Je fçai bien, continue ce Grand Maître , que
l’objet de cette union eft de faire ceffer cette ja-
loufie d’honneur qui ne fe rencontre que trop fou-
vent entre des Guerriers qui afpirent tous à la
même gloire. Mais je réponds, dit-il, que c’eftde
cette émulation que les Chevaliers latins ont tiré
de plus grands avantages} que rien n’a plus élevé
le courage d’un Ordre que la valeur qu’il remar-
quoit dans un autre • & qu’on a toujours obfervé
que fi les Hofpitaliers faifoient venir de leurs
Commanderies , ôc pour le fecours de la Terre
Sainte, des vaiffeaux , des troupes , des armes ôc
des vivres, les Templiers, à leur exemple, &pour
les furpaffer , s’ils pouvoient, faifoient encore de
plus puiffans arméniens.
» Ce n’eft pas, très S. Pere, continue le Grand
« Maître, que je ne convienne que dans un tems
» comme celui - ci, ou tout le monde, Princes ,
» Prélats, Eccléfiaftiques Ôc Religieux envient les
» grands biens des deux Ordres , ôc tâchent fous
« differens prétextes de s’en emparer, ce ne fut
» un grand avantage de nous réunir pour réfifter
« plus facilement aux entreprifes des ulurpateurs.
» Mais c’eft à votre Sainteté à balancer cet avan-
» tage contre les raifons que je vous ai expofées ;
» ôc fi vous l’avez agréable, je ferai tenir en votre
» préfence un Chapitre des Prieurs, des Baillis, ôc
» des principaux Commandeurs qui fe trouveront
» en de-çà de la mer. Vous pourrez par vous-mê-
» me, très S. Pere, apprendre ce qu’ils penfent
de Malte. Liv. IV. 485
» de cette union, & dans quelles difpofïtions tout Foulques
d E
» l’Ordre eft à ce fujet. Apres les avoir entendus, VlLLARET.

» Votre Sainteté , fuivant Tes lumières & la pléni-


« tude de puiflance quelle aura reçue de Dieu,
» décidera fouverainement de ce qui lui aura paru
» de plus convenable au bien commun de toute
» la Chrétienté.
L’Hiltoire ne nous a point inftruit de l’ufage
que le Pape fît de ces deux Mémoires. Ce ne fut
même que deux ans apres qu’on reprit le projet
de la Croifade.
A l’égard de l’union des deux Ordres, apparem¬
ment que le Pape en fentit les inconvemens, &
qu’il fut touché de la folidité des raifons du Grand
Maître, &c des fentimens de religion & de pieté,
répandus dans fon dernier Mémoire. Peut-être
même que ce Pontife n’avoit propofé cette union
des Templiers avec les Hofpitaliers, que comme
une efpece de réforme à l’égard des premiers, &c
pour s’épargner la difcuffion des crimes dont Phi¬
lippe le Bel lui avoit fait des plaintes fecretes, &
dont fes Ambafladeurs pourfuivoient vivement
l’éclairciffement & la punition. Pour ne pas inter¬
rompre la narration de ce qui fe paffa alors au
fujet de l’Ille de Rhodes , je différerai à donner
le détail de cet événement il fmgulier, tk de tout
le procès des Templiers, jufqu’à ce que je fois par¬
venu à l’année où il fut terminé.
Le deffein des Hofpitaliers, comme nous l’a¬
vons dit, étoit d’abandonner l’Ifle de Chypre, &c
de tâcher de fe rendre maîtres de celle de Rhodes.
Mais un projet de cette importance exigeoit des
Ppp iij
486 Histoire de l’Ordre
Fouiqufs forces fuperieures à celles de l’Ordre. Le Grand
Villaret. Maître dans l’efperance de tirer des fecours du

Pape ôc du Roi de France, pafla dans ce Royaume,


Ôc fe rendit à Poitiers où l’un ôc l’autre de concert
étoient déjà arrivez pour traiter de l’afFaire des
Templiers. Foulques de Villaret leur fit deman¬
der une audience fecrete. Il leur repreTenta d’a¬
bord les avanies que les Holpitaliers avoient con¬
tinuellement à effuyer de la part du Roi de Chypre^
ôc de fes Miniltres ^ l'humeur défiante ôc ombra-
geufe de ce Prince, qui dans la crainte de s’attirer
le refïentiment‘ôc les armes du Soudan d’Egypte
ôc des autres Princes infidèles, traverfoit les ar¬
méniens de l’Ordre, Ôc empêchoit les Chevaliers
de fortir de fes ports. Ce Grand Maître apres leur
avoir fait voir l’impoffibilité pour fon Ordre ,, de
relier plus long-tems dans les Etats d’un Prince
fi plein d’une timide politique, leur communi¬
qua le projet de l’entreprife fur l’Ille de Rhodes.
Il leur en fit envifager toute l’utilité , ôc il leur
repreTenta que ce feroit un entrepôt pour: toutes
les Croifadesy ôc pour les flottes chrétiennes qui
palferoient en Orient ; qu’on deyoit même regar¬
der la conquête de cette Ifle comme un gage afi
furé de celle de laTerre Sainte, par le grand nom¬
bre de vaifTeaux que les Chevaliers mettroient en
mer, ôc qui empêcheroient les Corfaires Turcs ôc
Sarrafins de porter du fecours aux Infidèles qui
occupoient la Judée. Mais il ajouta que les forces
de fon Ordre n’étoient pas- fulïîfantes pour une fi
haute entreprife, ôc qu’il ne s’y engageroit pas s’il
n’étoit alluré du fecours du pere commun des Fir
de Malte. Liv. IV. 487
Foulques
deles, 8c de celui du plus puiflant Roi de l’Europe. d E
Le Pape 8c le Roi perluadez, comme onletoit VlLLARET.

encore en ce tems-là dans toute la Chrétienté, qu’il


n’y avoit point d’aéhon plus méritoire pour par¬
venir au ciel, que de prendre part, 8c de contri¬
buer à ces guerres faintes , donnèrent de grandes
louanges au Grand Maître , 8c à tous les Cheva¬
liers de l’Ordre de Paint Jean : 8c pour les encou¬
rager à luivre un fi noble projet, ils leur promi¬
rent de puiflans fecours. Le Pape dans la vûe que
la conquête de Pille de Rhodes feroit beaucoup
d’honneur à fon Pontificat, avança de fes propres
deniers quatre-vingt dix mille florins à l’Ordre ,
pour lever des troupes.
Afin de ne pas laifler pénétrer le fecret de cette
entreprife, on publia une Croifade générale pour
le recouvrement de la Terre Sainte. Le Pape y
attacha des Indulgences plenieres avec tous les
privilèges que (es prédécefleurs avoient accordez
dans de pareilles expéditions. On comprit même
* Pro pa/l'a¬
dans le bénéfice de ces grâces Apoftoliques ceux gio congre-
?qui contribueroient aux frais de cet armement. Un gata fuit pe-
cunia, &: ar-
grand nombre de perfonnes de toutes conditions, morum ac
aliarum re-
fur-tout du côté de l’Allemagne, abandonnèrent rum copia ,
offerentibus
leur pays, 8c s’enrôlèrent pour cette fainte milice. ddelibus vi-
Les femmes mêmes voulurent prendre part à cette ris ac mulie-
ribus jocalia»
Croifade : plufieurs donnèrent jufqu’à leurs bagues &quæ habe-
bant cariiîi-
8c à leurs joyaux, 8c un Hiftorien prétend que les ma,Hofpita~
Chevaliers de faint Jean , faute d’en connoître la lariis ad hoc
midis, qui vi-
valeur, les vendirent à vil prix. * De tout cet ar¬ li pretio dif-
trahebant.Ex
gent , on acheta des vaiffeaux, des armes 8c des quint aritaCle-
mcntù V. J3af.
vivres.
488 Histoire de l’Ordre
Foulques
Charles IL Roi de Sicile , 8c la République de
d E
VlLL ARET. Genes, quoiqu’ils ignoraffent le deffein fecret de
cette entreprife, fournirent des Galeres pour le
tranfport des Croilez. Le rendez-vous étoit dans
le port de Brindes à l’extrémité du Royaume de
Naples. Il y accourut un fi grand nombre de Croi-
fez, que les Chevaliers de faint Jean n’ayant pas
affez de vaiffeaux de tranfport, 8c craignant d’être
embarrafiez de cette multitude de gens de toutes
conditions, fe contentèrent de choifir les plus no¬
bles 8c les mieux armez. On prétend qu’il y eut un
grand nombre de Gentilshommes des premières
Maifons de l’Allemagne, qui dans cette occafion,
prirent l’Habit 8c la Croix de faint Jean , 8c ces
illuftres Chevaliers furent préfentez au Grand Maî¬
fantal. Hifi. tre par le Frere Heltwig de Randerfack, Grand
p oh an, B a.fi¬ Prieur d’Allemagne, qui à la tête de cette géné-
les..
reufe Nobleffe, acquit beaucoup de gloire dans
i j 81. cette entreprife.
Le Grand Maître prit enfuite congé du Pape,
qui le combla 8c tout l’Ordre de grâces 8c de bé-
nédiétions. Il leur accorda particulièrement, en
cas que leur entreprife réulsît, le droit dans le
tems de vacance de nommer l’Archevêque de
Rhodes. De gros tems ne permirent de mettre à
la voile qu’au commencement du printemps. La
flotte chrétienne cotoya l’Albanie, paffa la Morée
8c Fille de Candie ; 8c laiffant Rhodes à gauche,
8c affez loin pour ne pas donner de foupçon aux
Grecs 8c aux Infidèles, on alla débarquer dans l’Ifle
de Chypre, 8c dans le port de Limiffo.
Le Grand Maître n’y refta qu’autant de tems
qu'il
de Malte. Liv. IV. 489
qu’il lui en fallut pour prendre fur fes vaiffeaux Fou^<lues
les Chevaliers qui étoient dans rifle avec tous les Vularet.
effets de la Religion:il fe rembarquaenfuite. Le
Roi de Chypre, les Princes voifins , & même les
Chevaliers & les Croifez qui étoient fur la flotte,
etoient également perfuadez que cet armement
regardoit la Paleftine & la Terre Sainte. Mais le
Grand Maître, après avoir tenu la mer pendant
quelques jours, s’arrêta à Macri fur les côtes de
la Licie, foit pour y faire de Peau & fe rafraîchir ,
foitpour y attendre des nouvelles des efpions qu’il
avoit envoyez pour reconnoître l’Ifle & la ville
de Rhodes, & prendre fur leurs avis, les dernieres
mefures pour le débarquement.
Ce fut apparemment de cet endroit d’où, au Liv.7.0
rapport de l’Hiftoricti Pachimere, il dépêcha des 3°'^ Sl*
Ambafladeurs au nom de tout l’Ordre, à l'Em¬
pereur Andronic pour lui faire part de fon entre-
prife, &pour lui demander linveftiture de Rho¬
des, qui relevoit à la vérité de l’Empire, mais
dont des Grecs rebelles , de concert avec des Sar-
rafins, s’étoient emparez, & qui pour fe fortifier
dans leur ufurpation , y avoient appellé des Cor-
fàires.
Ces Ambaffadeurs lui reprefenterent que l’Ordre
s’engageoit à en chaffer ces pirates, qui infeftoient
toutes les mers de l’Empire, Ôc qu’en reconnoif-
fance de l’inveftiture, ôc à titre de feudataire, il
lui fourniroit tous les ans trois cens Chevaliers,
la plupart gens de commandement, & qu’il pour-
roit mettre à la tête des troupes qu’il entretenoit
fur les frontières de la Perfe,
Tome L Qjqq
490 Histoire de l*Ordre
Foulques Mais Andronic , naturellement ennemi des La¬
de
VlLLARET. tins, comme la plûpart des Princes Grecs, rejetta
avec hauteur ces proportions. Un Château quil
pofledoit encore dans cette Ifle, au rapport de
l’Hiftorien grec , & quelque ombre de fouve-
raineté , quoique bien équivoque a que lui laif-
foient lesGualla, lui faifoient croire qu’il lui fe-
roit plus aifé d’y rétablir entièrement fon autorité,
que fi les Hofpitaliers, foutenus des Princes d'Oc-
cident,en étoient les maîtres. Pendant que cette
négociation fe pafioit à Conftantinople, le Grand
Maître qui en avoit bien prévu le fuccès, avoit
mis à la voile : & après avoir déclaré publiquement
ion deifein , il avoit abordé à l’Ifle de Rhodes,
furppris les habitans Grecs Ôc Infidèles^ &fans trou¬
ver d’abord qu’une foible réfiftance , il avoit dé¬
barqué fes troupes, fes vivres & fes machines de
guerre. *
Parmi les differens noms qu’on a donnez en dit
ferens tems à l’Iile de Rhodes , les Grecs l’avoient
nommée Ophieufeyou l’Ifle des Serpens, à caufe
de la multitude des ferpens dont elleétoit infeétée.
D’autres prétendent quelle prit le nom de Rhodes,
d’un bouton de Rofe fait d’airain qu’on trouva dans
les fondemens de Lindo, Une de fes principales
Villes , ôc que les habitans en firent mettre la fi¬
gure dans leurs monnoyes. Mais un habile Anti-

* Anno eodem 130^. Hofpitalarii cum exercitu Chriftianorum oppu-


■gnare cœperunt infulam Rhodi cum circumadjacentibus infulis circi-
ter quinque, quæ ab infidelibus Turcis ifihabitabantur fub dominio Im-
peratoris Conftantinopolitani: ceperunt autem ftatim ab initio aliquasln-
îulas& Caftella îlîeteruntque in pugnâ &c confli&u obfidentes pariter
<k obfejïïannis quatuor contra Turcos, de obtinuerunt fïnaliter Chri£
ïiani. Ex quand vit à Clementis quint t, au tore Bernardo Guidonis Epifcopo LodovenJtj
de Malt e. Liv. IV. 491
«paire a fait voir que ceux qui s’attachent à ce Fo^)LEQ^Ei
fentiment, ont pris pour une Rofe , une fleur de Villaret.
Grenadier, dont les Rhodiens fe fervoient ordi¬
nairement dans leurs teintures, par lamêmeraifon
que lesTyriens avoient fait mettre anciennement
dans leurs monnoyes, la coquille de ce riche petit
poiflfon qu’on appelloit Pourpre. L’opinion la plus
commune & la plus vraifemblable attribue l’ori¬
gine du nom de Rhodes, à la quantité de Rofes
dont cette Ifle étoit remplie pendant prefque toute
l’année.
L’Ifle de Rhodes eft fituée dans cette partie de
la Mediterranée qu’on appelle Carpathienne. Elle
regarde au Levant Fille de Chypre, celle de Can¬
die au Couchant, au Midi l’Egypte, & au Septen¬
trion la Carie ôc la Lycie, qui font partie de î’Afie
Mineure, appellée aujourd’hui Natolie, dont elle
n’eft feparée que par un Canal qui n’a pas plus de
vingt milles de largeur ; fon circuit eft d’environ
fix-vingt milles. L’air y eft pur &: temperé: le cli¬
mat doux , le terroir prefque par tout fertile : le
pays abonde fur-tout en arbres fruitiers de toute
efpece. On y trouvoit anciennement des mines de
fer & d’airain. Les habitans célébrés par la per¬
fection où ils avoient porté tous les arts, faifoient
de ces métaux des armes, des inftrumens de-guerre,
ôc fur-tout des ftatues.On en comptoit dans F an¬
cienne ville de Rhodes jufquà trois mille de dif¬
ferentes grandeurs, toutes d’excellens ouvriers,
ôc qui reprefentoient des Divinitez, des Princes ôc
des hommes illuftres. Cette Ville en étoit pour
ainfl dire ^peuplée ^ mais de tous ces fimulacres ,1e
fLVL V
4$z Histoire de l’Ordre
to^« plus remarquable Sc le plus furprenant, étoit un
ViLLARET. Colofle qu’on avoit confacré au foleil, la divinité
tutelaire de l’Ifle. On apprend de Pline qu’il avoic
foixante-dix coudées de hauteur. C’étoit l’ouvrage
de Charés de Lindo , difciple de Lifippe. Un trem¬
blement de terre renverla cette énorme Statue.
Il y avoit peu de perfonnes , ajoute cet Hiftorien,
qui puifent embraffer Ion pouce : les doigts étoient
plus gros queplufieurs ftatues, & d’amples cavitez
s’étant découvertes parfachute, on trouva dedans
de grofles pierres avec lefquelles l’habile ouvrier
fçût contrebalancer fi bien lapefanteur duColoffe,
qu’il l’affermit fur fes pieds. Je ne parle point des
peintures & des tableaux dont les Temples étoient
remplis , chefs-d’ceuvres de l’art, & les ouvrages
des Parrhafius 5 des Protogenes, des Zeuxis, & des
Appelles. JL’Iile de Rhodes n’étoit pas moins célé¬
bré par Tes fç avant es Académies, ôc par des hom¬
mes confommez en tout genre de littérature, qui
en font fortis. On fçait que c’étoit l’école des Ro¬
mains fur-tout pour l’éloquence où ils alloient
fe perfectionner dans le talent de la parole fi ne-
ceffaire dans cette Républiques tous ceux quife
mêloient du gouvernement.
Ce qui paroîtra de plus furprenant dans un
peuple fi appliqué aux arts &aux fciences, & qui
ne femblent fleurir qu’à l’ombre de la paix, c’eft que
les Rbodiens n’en étoient pas moins fameux par
leurs armes, par leurs conquêtes & par leurs Co¬
lonies. Ils excelloient fur-tout dans l’art de la na¬
vigation : leurs ports étoient remplis de vaiflfeaux ;
on y trouvoit des arfenaux & des magafins capa-
de Malte. Liv. IV. 493
Foulques
blés d’armer des flottes entières, ôc ils s’étoient D E
rendus fi puiffans fur mer, qu’il n’y avoit point VlLLARET.

dans toute l’Afie de Souverains qui ne recherchât


fient leur alliance. Mais ils n’employoient jamais
plus volontiers leurs forces que contre les pirates.
Cetoitpar leur capacité'dans la conduite de leurs
vaiffeaux, &par une fige difcipline, dit Strabon,
qu’ils s’étoient maintenus fi long-tems en poffiefi-
fion de l’empire de la mer.
Mais tous ces talens qui, du tems des Grecs
8c des Romains avoient rendu cette lfle fi célébré,
furent négligez par les Grecs du bas empire. Les
révolutions arrivées dans leur gouvernement le
changement de Souverains de differentes Nations,
aufiquels ils fie trouvèrent depuis affujettis, 11e con¬
tribuèrent pas moins à la décadence de cet empire
maritime j l’ignorance &c lamolleffe des Sarrafins
Rhodiens, qui, à l’exception de quelques Cor~
fiaires,alloient rarement en mer, leur fit perdre
leur puiïfance 8c leur ancienne réputation.
Tel étoit alors l’état de cette lfle, lorfque le
Grand Maître y entra à la tête de fion armée. Les
Infidèles qui en faifoient la principale force , réu¬
nis avec les Grecs anciens habitans de 1 lfle, en
vinrent fiouvent* aux mains avec les Hofpitahers
& les Croifiez, que le Grand Maître avoit amenez
de l’Europe. Il fie donnoit prefque tous les jours
des combats, dont il eft furprenant que les Hifi-
toriens anciens ne nous ayent pas confervé le dé¬
tail. Il paroît que le fiuccês en fut different par la
longueur de cette guerre, qui dura prés de quatre
ans. L’Empereur Grec qui fe flattoit, en chaffant
Qc[q iij
494 Histoire de l’Ordre-
Foulques
d E
les Latins de cette Ifle , d’en relier le maître , y fît
Vil laret. paifer contre eux un puilTant corps de troupes. Le
Grand Maître de Ton côté, jugeant bien que le
fuccés de fon entreprifedépendoit de la conquête
de la ville de Rhodes, malgré ce fecours en forma
le fiege 3 ôc fes Chevaliers,à Ion exemple , le pré-
cipitoient dans les plus grands périls pour en avan¬
cer la prife. Mais, comme la plûpart des Croifez
fe retiroient les uns après les autres, & que l’ar¬
mée fe vit à la fin réduite aux feules troupes de
la Religion , le fiege fe tourna en blocus. Les Af-
fiegans fe trouvèrent bien-tôt eux-mêmes alfiegez
par les Grecs ôc les Sarrafins, qui leur fermoient
les palfages pour recouvrer des vivres , ou pour
aller au fourrage. Les Holpitaliers manquèrent àla
fin de troupes, de vivres ôc d’argent • mais le Grand
Maître trouva toutes ces chofes dans fon habileté
ôc dans fon courage ; jes difficultez ne firent que
l’augmenter.Il emprunta desBanquiers de Florence
des fommes confiderables, ôc avec ce fecours ôc
l’argent qu’il tira desCommanderies d’au-delà de la
mer, il leva de nouvelles troupes,paya les ancien¬
nes j ôc après les avoir laiffées fe rafraîchir pendant
quelques jours ,déteminéà vaincre ou à mourir, il
fortit de fes retranchemens, marcha droit aux en¬
nemis, & leur prefenta la bataille.
Le combat fut fanglant, ôc on fe battit de
part ôc d’autre avec cette animofité qui fe ren¬
contre entre des troupes étrangères, qui veulent
s’emparer d’un pays, ôc des habitans qui défen¬
dent leurs maifons, leurs terres, leurs femmes ôc
leurs enfans j tous motifs les plus puiffans pour

\
Malte. Liv. IV.
de 495
animer les peuples mêmes les moins guerriers. Foulques
de
Les Hiftoriens fe font contentez de rapporter cjue VlLLARET.

de part & d autre il y eut beaucoup de fang ré¬


pandu ^ que le Grand Maître y perdit fes plus bra¬
ves Chevaliers -, mais que les Grecs &les Infidèles
ne pouvant réfifter aune valeur fi opiniâtre, aban¬
donnèrent le champ de bataille ; & que plufieurs
Sarrafins deTefperant de réfifter aux Latins, gagnè¬
rent le bord de la mer, s’embarquèrent ôc por¬
tèrent les premiers dans les Mes de l’Archipel ôc
le long des Côtes de la Lycie, les nouvelles de
leur défaite.
Le Grand Maître ramena fes troupes vi&orieu-
fes dans fes lignes, ôc continua le fiege avec une
nouvelle ardeur. Après qu’il eut gagné les prin¬
cipales fortifications de la Place, les Chevaliers à
la tête des troupes, montèrent à l’aflaut, ôc malgré
une grêle de fléchés ôc de pierres que les afliegez
lançoient contre les aflaillans, le Grand Maître
vit fes étendarts arborez fur le haut de la brèche,
Sc fes Chevaliers maitres de la Place. * O11 don¬ //. Aouj}

na la vie ôc la liberté aux habitans Chrétiens ; ruais


les Infidèles furent taillez en pièces : c’eft au moins
ce qui refulte de la narration abrégée des Hifto¬
riens du tems. La conquête de la Capitale fut
fuivie de la prife du Château de Lindo, fitué au
côté Oriental de l’Ifle. Proche de ce Château il y a
un port Ôc deux bayes au Septentrion, dont l’une
fe nomme encore aujourd’hui la baye des Serpcns.

* Anno Domini 1510, in Fefto AfTumptionis Beatæ Mariæ} exsrcitus


Chriftianorum cum Hofpitalariis obtinuerunt civitatem Rhodi quæ eft
^aput 5c Metropolis torius regionis 5c infularum vicinarum. Ex vit* clt-
wentii V. 72,
I

496 Histoire de l’Ordre


Foulques Les autres fortereflfes fubirent là même dellinée :
Vjllaret. toute Tille en moins de quatre ans fe fournit à la
domination des Hofpitaliers • & pour un monu-
ment éternel d’une conquête fi utile à la Chré¬
tienté, & fi glorieufe à 1 Ordre de faint Jean, tou¬
tes les Nations de concert donnèrent à ces Hof¬
pitaliers le nom de Chevaliers de Rhodes.
C’eft fous ce nom que nous parlerons déformais
d’un corps de Noblefle qui continua de fe rendre
aufïî utile aux Princes Chrétiens, que formidable
aux Mahometans..
Les premiers foins du Grand Maître furent de
rétablir les murailles & les fortifications de la
ville de Rhodes, qu’il avoit ruinées pendant le fie-
ge : il fit enfuite entrer tous les vaifleaux de la Reli¬
gion dans le port j on les arma aufli-tot, ôc on les
chargea de troupes ôc de munitions de guerre ôc
de bouche : le Grand Maître monta lui-même la
flotte ôc mit à la voile. De toutes les conquêtes
que les anciens Rhodiens avoient faites , ou des
colonies qu’ils avoient établies en differentes con¬
trées, il ne leur étoit relié jufqu’alors dans leur
dépendance ôc fous leur domination que huit ou
neuf petites Ifles voifines, ou pour mieux dire,
des rochers ôc des écueils qu’on appelloit en ce
tems-là , les Ifles des Rhodiens : telles étoient les
Mes de Nifara, de Leros, de Calamo, d’Epifcopia,
deCalchy,deSimia,deTilo ôc de Cosou de Lango,
Il nen coûta au Grand Maître , pour y faire re-
connoîtrelon autorité, que de fe prefenter devant
ces Mes. Nifara, appelléepar les anciens Nifyros,
était fituée dans l’Archipel à deux lieues de l’Me
de Malte. Liv. IV. 497
de Cos ou de Lango, & dans la même diftance Fo^L^J£S
de la Province de Carie. Cette Iile avoit une ville Villaret,
du même nom -, on y trouvoit anciennement um
Temple dédié à Neptune,.des bains chauds & fa-
lutaires , & un bon port. Le Grand Maître, de
concert avec le fouverain Confeilde l’Ordre, donna
en fief cette Ifle à Jean & à Bonaville Afiatiers,,
deux freres qui s’étoient fignalezà la conquête de
Rhodes cette inféodation fe fit à.:condition.’
qu’ils conftruiroient inceffamment une Galere à
fix-vingt rames,chargée de foldats & de munitions*
qu’ils feroient obligez de la monter eux-mêmes,,
& de fe rendre dans les endroits qui leur feroient :
indiquez par. les Ordres du Grand Maître. -
Ce Prince paffa de-là à l’Ifle de Lero qui a en¬
viron dix-huit milles d’Italie de circuit. Il en trou¬
va le terroir rempli de carrières de marbre. Toute
Pille n’eft qu’un rocher ou une montagne, au fom-
met de. laquelle il y avoit un Château qui défen-
doit l’entrée du port contre les entreprifes des
Corfaires; Quoique l’Ifle de Calamo ait plus d’é¬
tendue, & quelle, contienne au moins quarante
milles de circuity elle n’eft ni plus fertile, ni plus
riche que Lero* ce ne font que montagnes &*■ ro¬
chers. Le terroir en parut lec & aride au Grandi
Maître,qui ne laiflapas d’être furpris de voir pro¬
che du port lés ruines d’une grande Ville dont les
liabitans ne= fubfiftoient apparemment que par le
commerce.
Les Ifles d’Epifcopia, de Calchi , de Tilo- ne
préfenterent pas aux Chevaliers des conquêtes
plus difficiles, ni auffi plus utiles que les préce-
Tome lé Rrj,
Histoire de l'Ordre
'f O'ULCVUES
D E
cedentes. Celle de Symeou de Simie lui parut plus
VlXLARET. importante par l’excellence de fes vins, ôc par la
quantité de chevres qu’on y nourifldit. On élevoit
les enfans dans cette Ille à nager & à plonger dans
la mer, pour aller pêcher au fond de l’eau des épon¬
ges dont les environs de cette Me étoient remplis.
Il y avoir même une loi parmi ces Infulaires,‘qui
ne permet toit point anciennement aux jeunes
hommes de fe marier qu’ils ne puflent plonger
fefpaee de vingt brafles dans l’eau, Ôc même d’y
demeurer quelque tems. Cette Me étoit encore
célébré parmi celles de l’Archipel par l’adrelTe de
les charpentiers, qui conftruifoient des flûtes &: de
petites frégates fi legeres ôc fi vîtes à la voile ôc à
la rame, qu’il n’y avoir point de vaiffeau qui les
pût atteindre. On prétend que le Grand Maître y
fit bâtir fur le fommet d’une montagne une tour
fort exhauflfée, d’ou l’on découvroit fort loin tous
les vaifleaux qui étoient en mer, ôc qu’il ordonna
aux habitans, quand ils en verroient paroître, d’en
donner avis à Rhodes par des barques legeres , ou
de faire les fignaux ordinaires en allumant des feux
la nuit, ôc par une épaiffe fumée le jour.
De toutes ces Mes, fi on leur peut donner ce
nom, il n’y a que celle de Cos ou de Lango cé¬
lébré par la naiflance d’Hypocrate ôc d’Appelles,
qui foit plus confiderable : elle a près de quarante
milles d’Italie de longueur, ôc environ foixante ôc
dix milles de circuit.
Cette Me a celle de Rhodes à l’Orient d’hy-1
ver. Elle eft éloignée de cent milles de l’Afie mi-
Heure ou de l’Anatolie à l’Orient équinoéfial. Elle
/
de Malte. Liv. IV. 499
a Tlfle de Calamo vers l’Occident 8c celle de Scar- ïoviQpïs-
D E
panto du côte du Midi ; fon terroir eft fertile , 8c VlLLARET.

produit en abondance des fruits de toute efpece.


Il excelle en vins qui paflent pour les plus déli¬
cats de ces contrées. Le Grand Maître y trouva
une petite ville appelfée Lango comme fille, fïtuée
au bord de la mer au fond d’un grand Golfe, 8c
au pied d’une montagne qui fe termine par une
plaine. Le port en étoit alors grand 8c commode-
mais depuis quelque temsla tempête 8c les houles
y ont pouffé une fi grande quantité de fable à fon
entrée, qu’il n’y aborde plus que de petits bâti-
mens. Les grands vaifleaux& les Galeres font obli¬
gez de demeurer à la rade voifine, dont le fond
eft net, ferme, fabloneux, 8c propre à l’ancrage.
Le Grand Maître ayant reconnu l’importance
de cette Ifle, y fit tracer le plan d’un Château for¬
tifié de plufieurs tours quarrées , 8c qui par fes
foins fut achevé en peu de tems : il laifla un Che¬
valier pour y commander. Ceux qui lui fuccederent
dans cet emploi, firent fleurir le commerce dans
toute l’ifle, ornèrent la ville de maifons magnifi¬
ques où le marbre étoit prodigué dans les colonnes
8c dans des ftatues : 8c cette Ifle fous le gouverne¬
ment de l’Ordre , 8c par la fuite des tems y devint
fi puifïante , quon la règardoit comme une fé¬
condé Rhodes , 8c qu’oir én fit dans la fuite um
Bailliage, 8c un Siégé Epifcopal, fous la Métro¬
pole de Rhodes.
Le Grand Maître après avoir établi fon autorité,
8c un bon ordre dans toutes ces Ifles, revint avec
joye à celle de Rhodes, Il efperoit y goûter dans
' Rrr ij:
500 Histoire de l'Ordre
-Foulques
P E
un doux repos, les premiers fruits de fa victoire,'
I L L A R. E T.lorfqu’il.fe vit attaqué par un ennemi redoutable,
.6c qui lui fut fufcité par les Corlâires 6c les autres
Mahometans, qui, de concert avec les habkans
(Grecs de l’Iflede Rhodes,Tavoient défendue con¬
tre les Chevaliers. Ces Infidelles apres leur défaite,
6c pour éviter la première fureur du foldat victo¬
rieux, s’étaient jettez , comme nous l’avons dit,
dans des barques • 6c à la faveur de la nuit, ils
avoiemt gagné les cotes de Lycie d’où ils fe dil-
perferent en differens endroits, 6c une partie fe
réfugia dans les Etats d’Ottoman, ou ils portèrent
leur plainte 6c leur mifere.
Obfervit- Oiman ou Ottoman tige des Empereurs Turcs
fiions fur l'o¬ ,de ce nom, régnoit alors dans une partie de la
rigine des
Xdrcs. Liv* $• Bithynie, province de l’Afie mineure ou de la Na-
.:ch. $, rolie. Ce Prince, foit par zele pour fa Religion,
doit par ambition 6c pour s’agrandir, foit auffi peut-
itre pour empêcher .qui-l ne s’élevât fi prés de fes
Etats des voifins hardis 6c entreprenans, prit en
main la protection de ces réfugiez, 6c réfolut de
chaffer les Chevaliers, de llfle de Rhodes avant
qu’ils euffent eu le tems d’y affermir leur domi¬
nation c’eff ce que nous allons raconter. Mais
peut-être que le lecteur ne fera pas fâché qu’on
lui faffe connoître un, peu plus particulièrement
l’origine, la fortune, les; deffeins 6c les conquêtes
d’un Prince .& d’une Maifon qui des plus foibles
commencemens, s’eft étendue depuis avec une ra¬
pidité furprenante dans les trois parties de notre
continent, 6c qui jetta les fondemens de ce nou¬
vel Empire prefque dans le même tems que
de Malte. Lrv. IV. fer¬
les Chevaliers de Saint Jean s’emparèrent de
Tlfle de Rhodes , comme fi la Providence les y Villaret.
eut conduits pour arrêter, par leur valeur , le ~~
progrès des armes d’Ottoman , & de fés fuccef-
leurs.
On rapporte differentes opinions de l’origine
de cette Maifon ; les uns la fontfortir d’un Paftre
Tartareou Nomade, qui ayant quitte' le foin de
fes troupeaux pour porter les armes, s’érigea en
Duellifte,& ayant vaincu dans un combat fingulier
un cavalier Grec de l’armée de l’Empereur Jean
Comnéne, en obtint d’Aladin Sultan d’Iconium
pour récompenfe la Bourgade d'Ottoman^ich y qui
donna le nom à fa pofterité.
Quoique les Turcs en general laiffent ordinai¬
rement à la vanité des Chrétiens l’illufion des gé¬
néalogies contrefaites ; cependant les Princes de
cette Maifon, depuis qu’ils furent parvenus à cette
élévation & à ce haut degré de puiflfance , qui
les rendoit formidables à tous leurs voifins, ne
purent fe réfoudre à reconnoître une fi bafle
origine: & au défaut de la vérité, ils eurent re¬
cours, comme beaucoup d’autres, à la chimere
êc au roman. Ils firent duTartare dont nous ve¬
nons de parler, un Prince de la Maifon illuftre
des Comnénes, & neveu de l’Empereur Jean
Comnéne, qui ayant reçu de mauvais traitemens,
Sc pour s’en venger, fe retira auprès d’Aladin, fe
fit Mahometan, époufa la fille du Sultan, qui lui
apporta pour dot la Bourgade d’Ottomanzich,
avec plufieurs villages qui en dépendoient, d’ou
leur pofterité avoit emprunté fonfurnom jufqu’au
Rrriij
jo£ Histoire de l’Ordre
Sultan Ottoman, qui s’étant diftingué de toutë
Yillaret. fa race par fa valeur, avoit jette les fondemens
~ de la nouvelle Monarchie des Turcs, Ôc laiffé le
nom d’Ottoman aux fameux defcendans de ce
Comnéne, neveu de l’Empereur.
mfioire de Voilà le roman j mais pour fubftituer la vérité'
de l’hiftoire à une fi flateufe impofturc, il paroît
gûlietierrc. par tous les Ecrivains decetems-là, que fur l’ori¬
gine de cette Maifon, on ne peut point remon¬
ter plus haut qu’à un certain Soliman qui vivoit
l’an de notre falut 1214, & de l’Hégire 611, ôc qui
étoit Chef d’une de ce s tribus de Nomades, qui,;
fans avoir de patrie particulière, s’arrêtoient fuc-
ceffivement dans tous les endroits où ils étoient
foufferts, ôc ou ils trouvoient de bons pâturages
pour leurs troupeaux* on prétend que ce Tartare
ou ce Turc, chaffé de la Perfe avec fa tribu,
fe noya en voulant paffer à cheval le fleuve de
l’Euphrate.
OrthoguI ou Orthogrul un de fes enfans ,prit la
conduite delà tribu, demanda une retraite à Alaé-
din troifiéme du nom, de la race des Tiuxomans
Segeucides, ôc Sultan de Coni. Ce Prince le prit
à Ion fervice ôc aflîgna à fa tribu dans l’Armenie
mineure, des terres pour habiter. Ottoman fils
d’Orthogul, par fon courage ôc fa valeur , porta
S )lus loin fes efperances ôc fa fortune. Sa tribu ôc
es troupes augmentèrent confiderablement par
un grand nombre d’avanturiersaui fe joignirent
à lui, & qui attirez par l’éclat de fa valeur & par fa
libéralité, voulurent combattre fous fes enfeignes.
Il en fît de braves foldats ôc d’excellens guerriers^
de Malte. Liv. IV. 503
le fuccès de fes armes répondit à fon courage. FOTTtQTTES
D E
Alaédin charmé de la réputation, lui envoya une VlLLARET.

vefte, un labre, un étendart &c une paire de tim¬


bales. On dit que toutes les fois qu’ Ottoman en-
tendoit le fon de cet infiniment de guerre, pour
témoigner le refpedt quil portoit au Sultan, il ne
manquoit jamais, s’il étoit aflîs, de fe lever, com¬
me pour marquer qu’il étoit toujours prêt de mar¬
cher pour fon lervice. Mais, malgré ces témoigna¬
ges extérieurs de zele & de fourmilion,leSultan fort
âgé & fans enfans, redoutant fon courage & fon
ambition, l’engagea à faire la guerre aux Grecs,
de peur qu’il ne tournât fes armes contre lui-même.
Ottoman enleva des Provinces entières ôc des
Places confiderables aux Empereurs Grecs^ ce qui
II99.
le rendit fi puilTant, que du confentement même & ciel’He-
gire 65)?,
d’Alaédin, il prit la qualité de Sultan. D’autres pré¬
tendent qu’il ne fe revêtit de ce titre fouverain,
qu’apre's la mort de fon maître.
Ce Prince , le dernier des Selgeucides, étant
décédé, fes Generaux, comme autrefois les Ca¬
pitaines du grand Alexandre , partagèrent entre
eux fes Etats. Une partie de la Bithynie & de la
Cappadoce échurent à Ottoman. Ce Prince fçut
conlerver cet Empire naifiant par de nouvelles
conquêtes qu’il fit du côté de la Lycie, & de la Ca¬
rie, êcfiir-tout par la fagefle de fon gouvernement,
par une bonté finguliere -, vertu rare dans un
Prince belliqueux & dans un Conquérant. La
réputation de fon affabilité eft palfée par tradition
chez les Turcs, & s’y eft confervée jufqu’à ce jour.
Quand leurs Empereurs montent fur le Trône,
504 Histoire de l Ordre
Foi/t^T/ES
D £
au milieu des acclamations publiques &* parmi
VI3LL ARET. les vertus dignes d’un Souverain.,, on ne manque
jamais de leur fouhaiter la bonté d’Ottoman : ce
qui fait voir que ce font des Héros ôc des Princes
vertueux, qui fondent & augmentent lesEmpires,,
ôc des Tyrans & des lâciies qui les perdent;.
Le Princedont nous parlons, follicité par les
Mahometans que les Chevaliers avoient chafiez
de Rhodes, chargea une flotte de fes troupes, dér
barqua dans Mie , s’avança du côté de la Capi¬
tale, 6e en forma lefiege. A peine le Grand Maître
avoit-il eule tems d’en.relever les murailles * mais
les battions & les fortifications n’éroient pas en¬
core rétablies. L’experience fit voir en cette oc-
cafion, qu’il n’y a point de.fortifications plus sûres ;
pour une Place.de guerre que la valeur & le cou¬
rage de ceux qui la défendent. Les Chevaliers fou-
tinrent: plufieurs aflauts. Les Turcs dans ces atta¬
ques perdirent beaucoup de monde j & Ottoman
fi heureux dans toutes fes entreprifes, échoua dans
celle-ci.-,. fut. obligé d’en lever de.fiege & de
Il 310-
s’embarquer...
Plufieurs Hiftoriens prétendent que. lés Cheva¬
liers de Rhodes durent leur falut & la conferva^
tion deleur nouvelle conquête à Amedée V. dit
le Grand , Comte de Savoye. Ils rapportent que
ce Prince étant venu à leur fecours avec une puitt
fante flotte, débarqua fes troupes , marcha aux
ennemis, les défit; dans une bataille, & qu’Ottof-
man fut contraint de lever le fiege 8c de fe rem¬
barquer. Ces Ecrivains ajoutent qu’Amedée, pour
conlerver la mémoire de ce grand événement,
8c
ds Malte. Liv. IV. .505
& dune viétoire 11 célébré, prit alors pour Ci de- f°uiques>
vife ces quatre lettres majulcules, ôcféparées par Vuèa-ret*
une pon&uation, F. E. R. T. quon a expliquées
depuis par ces mots latins, Fortitudo ejus Rhodum
tenait : ce qui veut dire que la valeur de ce Prince
a confervé la ville de Rhodes. On veut même qu’A-
medée, depuis cette bataille, ôta de Tes armes
l’Aigle de Savoye, & qu’il prit en fa place la Croix
de faint Jean..
Quoiqu’un événement fi fingulier & fi hono¬
rable pour la Maifon de Savoye ait été rapporte
par un nombre infini d’Ecrivains, &c qu’il fe trouve
même dans les Hiftoriens de l’Ordre, cependant
l'attachement que nous devons à la vérité, nous
oblige de dire que nous croyons cette relation
fauffe, & dans le fond r & dans toutes les circonf-
tances. Il 11’eft point vrai qu’Amedée foit entré
dans l-’Ifle de Rhodes, & qu’il y ait porté les armes
en 15 lo , ni dans les années qui précédèrent,.ou qui
fuivirent immédiatement la conquête qu’en firent
les Chevaliers de S. Jean.
Ce Prince en 1309 étoit en Angleterre , & le Ghicheïïojï
trouva à la cérémonie du couronnement d’Edouard t» 1•

XI. & l’année fuivante 13.10 , au mois de Septembre y


il reçut dans Chamberry Henri VIL Comte de
Luxembourg élu Empereur,, qu’il accompagna
enluite dans Ion voyage d’Italie &: à Rome , ou
ce Prince alla prendre la Couronne Impériale : 5c
on voit par les Hiftoriens contemporains qu’il ne
quitta point l’Empereur cette année, ni même la“
fuivante..
A l’égard de la devife myfterieufe fur laquelle
Tome L v S ss
Histoire de l’Ordre
Foulques on fonde cette prétendue expédition dans l’Ifle de
Vïllaret. Rhodes, Louis de Savoye, Baron de Vaud mort
— — en I^QI ^ ja poj-toir dans (a monnoye plus de dix
ans avant qu’Ottoman eût attaqué les Chevaliers.
El on voit encore aujourd’hui lur le tombeau de
Thomas de Savoye, pere d’Amedée V. dont nous
parlons, la représentation d’un chien qui eft à Tes
pieds avec un coller, au tour duquel on lit ce mot
fort fans ponéfuation.
il n’y a pas plus de fondement dans la preuve
qu on veut tirer de la Croix de l’Ordre de faint Jean,
qu’on fuppofe qu’Amedée prit le premier de fa
Maifon dans l’écu de fes armes. Car outre que
long-tems auparavant les Princes de Piémont por~
toient la même Croix, on la trouve de's l’an 1304
dans un (ceau de Thomas de Savoye, attaché à un
traité que ce Prince avoit fait la même année avec
Etienne de Coligni, Seigneur d’Andelot : ce qui
fait voir que tout ce qu’on a inventé pour expli¬
quer ces quatre lettres myfterieufes, n’eft qu’une
fable, ôc que les Chevaliers de Rhodes ne durent
• qu a leurs armes feules & à leur propre valeur, la
première défenfe de Rhodes.
Le Grand Maître ne vit pas plutôt les Turcs rem¬
barquez , que pour mettre à l’avenir la ville de
Rhodes hors d inlulte, il en fit terraffer les mu¬
railles , y ajouta de nouvelles fortifications. Il don¬
na enfuite tous fes foins à y rétablir le commerce,
qui avant la guerre, & même de tout tems l’avoir
rendue une des plus floriflantes villes de l’Afie. Son
port fut ouvert cà toutes les nations : un grand
nombre de Chrétiens, <Sc fur-tout de Latins qui
dé Malte. Liv. IV. 507
depuis la perte de la Terre Sainte s’étoient dii- F°pL^TÉÎ>
perlez en differens endroits de la Grece , accou- Vjilarït.
rurent pour s’y établir , 6c pour y vivre lotis l e- ~~
tendart de faint Jean , dont ils avoient éprouve tant
de fois la protection. De ce mélange des Cheva¬
liers 6c des habitans tant Grecs que Latins, il fe
forma un nouvel Etat, qui étoit tout enfembîe
guerrier 6c marchand, 6c qui devint aulîi puiffimt
par fes riche fies, que redoutable par le courage
6c la valeur de (es nouveaux Souverains.
L’éclat de cette conquête,
x J
6c la nouvc lie de la
levée de ce fiege paflerent bien-tôt en Occident :
ce fut le fujet d’une joye univerfelle dans tous les
Etats Chrétiens. Elle fut fuivie d’une comparaifon
qu’011 faifoit entre les deux Ordres militaires, qui
n etoit pas à l’avantage des Templiers. On difoit
que les Hofpitaliers n’avoient jamais voulu aban¬
donner l’elperance de chalfer un jour les Infidèles
de la Terre Sainte ; qu’ils étoient reftez pour cela
dans l’Orient ; que la conquête qu’ils venoient de
faire d’une I(le aufii confiderable que celle de
Rhodes, afluroit un port commode à toutes les
Croifades } au lieu que les Templiers par leur re¬
traite précipitée en Europe 6c dans leurs Com-
nianderies , 6c par la vie molle 6c délicieufe qu’ils
y menoient, fembloient avoir renoncé à leur vo¬
cation, 6c laiffé pour toujours les faints Lieux en
proye aux Turcs 6c aux Sarrafins. Ces difcoursqui
n’étoient pas deftituez de venté, d’autres encore
plus odieux, 6c qu’on répandoit lourdement, en
gagèrent le Roi de France à pourfuivre l’extinction
de cet Ordre.
On ne fçait point dans quelle année ce Prince
Sss ij
508 Histoire de l’Ordre
•Foulques
d F.
avoir pris une fi terrible réfolution contre les
VlLLARET. Templiers : il paroît feulement par l’Hiftoire qu’un
Bourgeois de Beziers, nommé Squin de Florian ,
&: un Templier apoftat de Ton Ordre, ayant été
arrêtez pour des crimes énormes , & mis dans le
même cachot , ces deux fcelerats défefperant de
Preuve leur vie, fe confefTerent l’un l’autre, au défaut du
y. Sacrement de pénitence qu’on n’adminiffroit point
en ce tems-là aux criminels, quand ils alloient au
fupplice. C’étoit auffi l’ufage des gens qui voya-
geoient par mer, fi par la tempête ils fe trouvoient
en danger de périr, ôc qu’il n’y eût point de Prêtre
dans leur vaifTeau.
Squin ayant entendu la confefïion du Templier,
fit appeller un des Officiers du Roi auquel il dit
qu’il étoit prêt de révéler à ce Prince un fecret fi
important, qu’il tireroit plus d’utilité de fa con-
noiflance, que de la conquête d’un Royaume en¬
tier ; mais qu’il ne s’en ouvriroit jamais qu’au Roi
feul. D’autres Hiftoriens attribuent ce fait à un
Templier Prieur de Montfaucon, & à un autre
Religieux du même Ordre, appellé Noffodei, tous
deux condamnez par le Grand Maître, & par le
Confeil de fon Ordre pour leurs impietez, & pour
avoir mené une vie infâme, à finir leurs jours en¬
tre quatre murailles.
Quoi qu’il en foit du nom de ces fcelerats l
Philippe le Bel fur les inftances de celui qui de-
mandoit à lui parler, & peut - être dans l’impa¬
tience de découvrir ce fecret qui de voit lui pro¬
curer de fi grandes richeffes , le fit venir à Paris.
1.1 voulut l’entendre lui - même ; ôc apres lui avoir
promis une impunité entière , & même des ré-
de Malte, Li v, IV. 509
c-ompenfes, s’il difoit la vérité , le criminel qui Foulqjjes
D E
avoit dreffé le plan de Ton accufation, chargea tout VlLLARET.

le corps des Templiers, de vol, d’homicide, d’ido-


latrie & de fodomie. Il ajouta que, quand un Tem¬
plier étoit reçu dans l’Ordre, on l’obligeoit de re¬
noncer à Jefus-Chiift, de cracher fur la Croix en
figne de déteftation; que ces Chevaliers devenus»
en fecret Mahometans, par une infâme trahifon,
avoient vendu la Terre Sainte aux Sultans & aux
Princes de cette Secffe. On peut voir plus en dé¬
tail dans le recueil de Pierre Dupuy, toutes les
abominations ôc toutes les faletez~xlont le délateur
tâcha de noircir fes confrères, & que la bien-
féance ne permet pas de rapporter ici.
Le Roi avoit fait part de ces accufations au
Pape dans leur entrevue à Lyon, & il lui en parla
encore plus preffamment l’année fuivante à Poi¬
tiers, où ils s’étoient rendus de concert pour
traiter de cette grande affaire. Mais il ne paroît
point que le Pape eût encore pris d’autre parti que
celui d’une information fecrete. Comme les Am-
baffadeurs que le Roi avoit laiffez auprès de ce
Pontife, le (ollicitoient inceffamment de condam¬
ner cet Ordre,nous avons une Lettre de Clement Preuve
au Roi, en datte du neuf Juillet, où il lui déclare VI.

nettement que fi la corruption dont on accufoit


les Templiers étoit aufïî générale qu’il le préten-
doit, & qu’il fallût abolir l’Ordre entier, il vou-
loit que tous fes biens fuffent employez pour le
recouvrement de la Terre Sainte, & qu’il ne fouf-
friroit point qu’il en fût détourné la moindre par¬
tie à d’autres ufages: ce qui pourroit faire préfu¬
mer que le Pape ioupçonnoit que dans le procès
Sss iij
po> Histoire de l'Ordre
Foulques qu’on intentoit aux Templiers, on en vouloit au-'
Villaret. tant à leurs grands biens , qu’au déreglement de

“ “ leurs mœurs.
Il paroît même que ce Pontife , foit par rap¬
port à cette affaire,, ou à celle de Boniface, dont
le Roi vouloin qu’on condamnât la mémoire com¬
me d’un impie ôc d’un heretique ,1e trouvant trop
obfedé parles miniftres de ce Prince, eut bien vou¬
lu depuis Ijong-tems être hors de fes terres-, qu’il
fè déguila même pour forcir de Poitiers, ôc que
des l an 1.306, il prit avec quelques Cardinaux, le
chemin de Bordeaux, fans autre efeorte que de
quelques mulets qui portoient Ion or ôc ion ar¬
gent. Mais ayantr été reconnu en chemin par des
cm iffair.es du Roi, il crut devoir retourner dans
la Ville d’où il étoit parti. *
Philippe.,qui étoit vif ôc impatient, ôc qui ne
s’accommodoit pas des lenteurs du Pape, par un
ordre fecret, ôc qui fut exécuté un Vendredi 13
d’Oélobre , fit arrêter en un fçul jour, le Grand
Maître ôc tous les Templiers, qui fe trouvèrent à
Paris , ôc dans les differentes Provinces de Ion
Royaume : on faifit en même teins tous leurs biens,
qui furent mis à la main du Roi. **-.
Une conduite fi extraordinaire eau fa une furprife
^ Tune Papa ôc Cardinales- venerunt PiClavim , ubi lorgiorem mo*.
ram uodicitur j>quàm voluiflent fecerunt,Rege Francorum &c cjus-Com-
piieibus-& minidris illic eos quafi detinentibus violenter. Nam Papa,
ut dicirur, fub alterius fiCtione perfonæ aljquando centavit cum paucis,
fummàriis tamen oneratis argento 5<auro pra^cedentibus, verfus Burde-
galàrn profitifci-, fed. à qiubufdam qui, pro rege erant agnitus > cum rebus
quas îlluc volebat transferre cumpulfuselt Piétavim remeare Frima vita
Ciementis V. ex Balttzio. p.-jr- - - • • ‘

* * Eodem an no in OCtobri capti faerunt omnes Templarii una die in


tôto regno Françiæ , accufati de hærefi petfimâ, unde confifcata 007.
funt omnia bona eorum , qua? nunc tenetürdo Hofpitalariorum ,&ipfî
in carcere duro deanentur. Secunda Vita démentis V. auÜore Fiolomv Lhcenji
Or Unis Fr&dicworum. ) •- *
de Malte. Liv. IV. jn
générale dans toute la Chrétienté. Les uns l’attri- Pour. QUE $
D £

buoient au reflentiment fecret que ce Prince na^ Viilaret. " * .2 . ..

turellement vindicatif confervoit, difoit-on , con¬


tre les Templiers , qui pendant fes différends avec
le Pape Bonifiace VIII. s’étoient déclarez en fa¬
veur de ce Pontife. Onprétendoit même qu’ils lui
avoient fourni des fommes confiderables • ôc pour
aigrir le Roi , on ajoutoit qu’un Templier, Tre-
iorier de Philippe, avoit été affez mfidele à fon
maître, pour tirer cet argent des coffres mêmes du
Roi, afin d’en aider fon ennemi, ainfi qu’on le
voit dans le fixiéme article des acculations inten¬
tées contre eux , & rapportées dans les grandes
Chroniques de faint Denis fous le régné de Phi¬

,
lippe le Bel- Queux reconnurent du Trefbr du Roi
à aucuns avoir donné qui au Roi avoient fait con¬
trariété, laquelle chofe étoit moult domageable au Ccfmog. L
Royaume : & en ceci, dit Bellelorêt, entendoit-on 3. Tra té des
Templiers,
Boniface VIII. ennemi mortel de ce Roi, & avec p. /tof.
lequel il avoit querelle ordinaire.
D’autresHifloriens,fans remonter ju(qu’audif¬
férend de Boniface,ont prétendu que ce Prince,
pour foutenir la guerre contre les Flamands, ayant
affoibli la monnoye fans en réduire la valeur, les
Templiers qui s’y trouvoient interreffez, avoient
été les auteurs fecrets d’une (édition qui s’étoit
élevée à ce fujet à Paris, ou du moins qu’ils l’avoient
fomentée par des difcours trop libres contre la
perfonneduRoi. Le peuple, toujours peuple, c’eft-
à-dire , toujours mécontent du gouvernement
quel qu’il foit, foutenoit qu’il ne falloir point cher¬
cher d’autre motif de l’arrêt des Templiers, que
51Z Histoire de l’Ordre
FoT7LQT7E$ l'avarice de ce Prince & de fes miniftres, & l*avî-
DE
VïLLARET* dite qu’ils avoient d’envahir les biens immenfes
de cet Ordre. Là-defluson citoit l’exemple récent
des Juifs tolerez dans le Royaume y mais que
Philippe l’année précédente avoit fait arrêter en un
feul jour , comme il venoit d’enufer à l’égard des
Templiers ôc qu’aprês les avoir dépouillez de tous
leurs biens, on les avoit obligez de forcir du Royau¬
me avec leurs familles, demi-nus, ôc feulement
avec un médiocre viatique pour leur fubfiftance
pendant le chemin.
Des gens pafiionnez rappelloient encore ce qui
s’étoit paifé en Italie ôc a Anagnie, patrie & ré-
fidence de Boniface VIIL dont le trefor avoit
été pillé par des avanturiers François &c Italiens,,
que le Roi tenoit fecretement au-delà des monts
fous les ordres de Nogaret ôc de Colonne. On
prétendoit que ce Prince s’étoit approprié la meil¬
leure partie de ce trefor, le plus riche qui fut dans
la Chrétienté, foit en or, en argent, ou en dia-
ma ns & en pierreries
Fr e u v e Il nous eft refté de ces tems-là un Mémoire
VIL anonyme, quipourroit faire foupçonner que dans
les motifs qu’on propofoit a ce Prince pour l’en¬
gager à pourfuivre la condamnation, des Terru-
pliers, il y en avoir qui n’étoient pas tout-à-fait
defintereflez. Comme depuis que les Templiers
avoient été arrêtez, on ne failoit plus myftere en
France du deffein qu’on avoit formé d’abolir en¬
tièrement leur Ordre, un de ces hommes qui ne
fondent leur fortune que fur la ruine de celle des
autres, propofa au Roi Philippe le Bel, de créer
ôc
D E M A L T E. Ll V. I V. 513
Foulques
ôc de fonder un nouvel Ordre fous le nom d'Ordre d E
Royal, d’obtenir du Pape qu’il y attachât les grands VlLLARET.

biens des Templiers ; qu’on incorporât dans cet


Ordre les Chevaliers de Rhodes, & les Chevaliers
de tous les autres Ordres militaires de la Chré¬
tienté • qu’on les obligeât tous de prendre l’habit
de ce nouvel Ordre, ôc de reconnoître l’autorité
d’un Grand Maître général, qui feroit à cet effet
nommé par le Souverain Pontife. Pour intéref-
fer le Roi dans ce projet , l’auteur du Mémoire
prétendoit que* ce Prince traitât avec tous les
autres Souverains qui fe difoient titulaires du
Royaume de Jerufalem ; qu’on fît pafler ce titre
fur la tête du Roi de Chypre, qui n’avoit ni fem¬
me ni enfans ; que ce Prince devenu Grand Maî¬
tre de l’Ordre , en prît l’habit , fît profeflion, ôc
reconnût pour fon fucceffeur à la Grande Maîtrife
ôc à ces deux Couronnes, Philippe, fécond fils du
Roi de France, qui par cette union de deux Cou¬
ronnes , jointe aux revenus immenfes de tous
les Ordres militaires, feroit devenu un des plus
puilfans Princes de l’Orient. L’appas étoit fédui-
l ouis, dit
fant pour un Prince qui fe voyoit trois enfans depuis leHu'
tin; Philippe
mâles. le Long ;
Quoi qu’il en foit des differens motifs qui dé¬ Charles le
Bel.
terminèrent Philippe le Bel à pourluivre la con¬
damnation des Templiers,nous laiffons volontiers
aux leéteurs à décider s’il n’agit dans cette grande
affaire que par un pur zele pour la confervation
de la Religion , fuivant le témoignage que lui en
rendit depuis par fes Bulles le Pape Clément V. ou
fi ce Prince ne fe porta avec tant de chaleur con-
Tome /. Ttt
514 Histoire de l’Ordre
Foulques
d E
tre les Templiers, que par le fentiment d’une ven¬
VlLLARET. geance utile, & mêlée d avarice, ainfi que le pu¬
blièrent des Ecrivains étrangers, prévenus, & peut-
être ennemis de la France. Et je ne fçai fi ce n’eft
pas à cette jaloufie de nation qu’on doit attribuer
les lettres d’Edouard II. Roi d’Angleterre , qui
n’eut pas plutôt appris la détention des Templiers
en France , qu’il écrivit autfi-tôt au Pape ôc à la
plupart des Souverains de l’Europe pour les prier
de fermer l’oreille aux calomnies qu’on répandoit
contre ces Chevaliers, dont toute l Angleterre, dit-
il , révéré lu pureté de lu foi, les bonnes mœurs , &
le %ele pour lu défenfe de lu Religion.
Mais malgré cette apologie, on ne peut difcon-
venir que dès le fécond fiecle de l’inftitution des
Templiers, l’efprit du monde , le luxe , & même
les plaifirs de la table n’eulfent commencé à in-
feéfer differens particuliers de cet Ordre. Le pro¬
verbe ancien de boire comme un Templier, ôc qui
dure encore après tant de tems, fait voir quelle
étoit leur réputation fur cet article. Il eft vrai que
la première valeur & le même zele des anciens
Templiers contre les Infidèles , éclatoit toujours
dans le corps de l’Ordre *, mais on ne retrouvoit
plus dans la plûpart des particuliers cet efprit de
religion , animé d’une foi vive, tant vanté par
faint Bernard, ni ce defintereffement, & même
cette modération chrétienne, que leurs prédécefi
feurs confervoient au milieu même des victoires
les plus éclatantes. Depuis cet heureux fiecle, l’or¬
gueil qu infpire une haute naiflance, la fierté que
leur donnoit leur valeur, & certain elprit de do-

*
de Malte. Liv. IV. 515
mination que produifent toujours de grandes ri- Foulques d E
cheffes, les avoir fait paffer pour les plus fuperbes VlLLARET.

de tous les hommes.


On reprochoit aux Templiers leur ambition,
paflion funefte qui leur attira depuis la feverité,
6c fij’ofe le dire, la dureté de la plupart des Evê¬
ques leurs Juges, avec lefquels ils avoient eu au¬
paravant de grands différends, aufïi-bien que les
Hofpitaliers, au fujet de leur indépendance, Ôc
des privilèges de leur Ordre.
Ce furent ces Prélats qui à f inflance du Roi, 6c
affiliez de Guillaume de Paris Frere Prêcheur, In-
quifiteur 6c Confeffeur de ce Prince, firent fubir
aux prifonniers leur premier interrogatoire : 6c le
fameux Guillaume de Nogaret, fi connu par lahar-
diefTe de fes entreprifes contre Boniface VIII.
conduifoit encore cette terrible affaire.
Le Pape n apprit laprifon du Grand Maître , 6c
de tous les Templiers qu’avec beaucoup du fur-
prife ^ 6c il regarda fur-tout la procedure des Evê¬
ques 6c de flnquifiteur,. comme une entreprife
fur fon autorité. Dans la première chaleur de fon
reffentiment, il fufpendit les pouvoirs de Guil¬
laume de Paris, 6c interdit aux Evêques de France
la connoiffance de cette affaire qui! fe rélerva. Il
écrivit, en même tems au Roi pour fe plaindre
qu’il eût fait emprifonner des Religieux qui ne
relevoient, dit-il, que du S. Siégé : 6c il lui mar-
quoit par une Lettre affez vive, qu’il lui envoyoit
les Cardinaux Bérenger de Frédole, 6c Etienne
de Sufy aufquels il fouhaittoit qu’il remît incef-
famment, ou à l’Evêque de Preneûe fon Nonce,
Ttt i;
5i6 Histoire de l Ordre
Fo^« les perfonnes de les biens des Templiers.
Villaret. Philippe lui répondit qu’il ne les avoit fait ar¬
rêter que lur le réquifitoire de l’Inquifiteur, Offi-
Hift. de la cier ja Qom Rome, de député par le Pape
condamn.des A « r i r r r i
Tcmpiers meme dans ion Royaume -, que la iuipeniion des
par'Z)upuy,p. pouvoirs de ce Religieux, de de ceux des Evêques,
Juges nez en matière de doârine , était fort pre¬
judiciable à la Religion • que les Templiers ne
manqueroient pas de s’en prévaloir, de qu’ils pour-
roienc même fe dater de trouver de l’appui à fa
Cour. Il fe plaignoit enfuite de ce que le Pape ap¬
portait trop de lenteur à le féconder dans une fi
jufte pourfuite, de il lui repréfentoit dans des ter¬
mes qui avoient affez l’air d’un reproche, que Dieu
ne déteftoit rien tant que les tiedes -, que c’était
même, lui difoit-il, apporter une efpece de con*
fentement aux crimes des acculez, que de ne les
pas punir promptement ; que bien loin d’inter¬
dire aux Evêques, comme il avoit fait, les fonce¬
rions efTentielîes de leur dignité, il devoit au con¬
traire exciter leur zele pour l’extirpation d’un Or¬
dre fi corrompu : qu’après tout ces Prélats étoient
appeliez avec lui pour partager les foins de l’Eglife
de Dieu. Ce Prince jaloux des droits de l’Epifcopat,
ajoute: » On feroit, três-Saint Pere, une cruelle
*> injuftice à ces Prélats, ce que Dieu ne permette,
» fi on leur interdifoit l’exercice d’un miniftere
» qu’ils ont reçu immédiatement de Dieu, de fi
?> on les privoit du droit qu’ils ont de défendre la
» foi. Ni ils n’ont mérité un fi injulte traitement,
» ni ils ne le pourroient fouffrir , de nous-mêmes
.»? nous ne le pourrions diflimuler, fans violer le
de Malte. Liv. IV. 517
» ferment que nous avons fait à notre Sacre. Foulques de
»Ce feroit même un tre's- grand péché de mépri- VlLLARET.
« fer à ce point, ceux que Dieu nous à envoyez.
» Car le Seigneur dit : Celui qui vous méprife, me
» méprile. Quel eft donc, Pere Saint, continue ce
» Prince , le facrilege affez téméraire pour vous
«confeiller de méprifer ces Prélats, ou plutôt Je-
» fus-Chrift qui les a envoyez? Le Roi finit une
Lettre fi vive par des maximes & des exprefiions
encore plus dures. Il prétend que le Pape eft fujet Dupuy. tbid.
aux loix de ceux qui font précédé , jufques-là,
ajoute-t-il, que quelques-uns ont foutenu que le
Pape peut le trouver compris ipfo facto, dans le
Canon d’une Sentence prononcée fur une matière
de Foi.
Cette Lettre tirée du trefor des Chartres par
Pierre Dupuy, nous apprend avec quelle impatien¬ Preuve
VIII.
ce le Roi lupportoit le moindre retardement dans
cette affaire. La conduite qu’il avoit tenue con¬
tre le Pape Boniface, faifant appréhender à ion
fucceffeur d’avoir pour ennemi, un Prince ferme
& incapable de fe défifter de fes entreprifes , Clé¬
ment vit bien qu’il feroit obligé de relâcher en fa
faveur quelque chofe des formalitez de la juftice.
L’affaire s’accommoda par les foins des deuxCardi-
naux, & la bonne intelligence fe rétablit entre le
Sacerdoce & 1 Empire. On convint que le Roi re-
mettroit au Nonce du Pape, la perfonne & les
biens des Templiers: ce qui fut aufli-tôt exécuté,
quoiqu’ils fuffent toujours gardez par des fiijets
. du Roi.
Mais, pour fauver les apparences, & appaifer le
T11 iij

1
é

518 Histoire de l’Ordre


Foulques Pape, il fut dit qu’ils étoient gardez en fon nom
D E '
Vjllaret. & au nom de l’Eglife. On en ula à peu près de la
même maniéré à i’égard de leurs biens & des gar¬
diens qu’on y prêpofa. Tout étoit à la vérité admi-
niftré au nom du Pape • mais parmi ces adminiftra-
teurs, on compte Guillaume Pifdoue , & René
*Dupuy p. //. Bourdon, Valets de Chambre du Roi: ce qui fait

voir qu’en tout cela, il n’y eut que le ftile& la forme


du dépôt de changez. Le Roi de fon côté, & en
retour d’une fi legere fatisfaébion, exigea du Pape
qu’il levât la fufpenfion qu’il avoit faite des pou¬
voirs de fon Confeffeur,& que ceReligieux pût con¬
tinuer d’affifter au procès des Templiers. Bien que
Dupuy p. 77. ce /dit contre mon autorité, dit Clement dans une
,
de fes Bulles, je promets au Roi puifquil le (veut ,
que V Inquifiteurpourra procéder avec les Ordinaires s
mais a condition, ajoute le Pape, que chaque Eve-
que ne pourra examiner que les Templiers particuliers
de fon Diocefe j que ces Religieux ne feront même
,
juge% que par des Métropolitains pg) dans un Con¬
cile de chaque Province j qu aucun de ces Prélats ne
prendra connoijfance de T état général de tout lOrdre,
& de ce qui concernera la perjonne du Grand Maître ,
,
& des principaux Officiers de 1Ordre dont il Je re-
ferve, dit-il, (djr a,u Saint Siégé, l examen & le
jugement.
Le Pape & le Roi étant d’accord, on commen¬
ça à travailler de concert à l’inftruétion du procès
des Templiers. Les prifons étoient remplies de
ces Chevaliers, qui tous, excepté ceux qui volon¬
tairement fe reconnurent pour criminels, furent
expofez à la queftion la plus rude. On n’enten-
de Malte. Liv. IV. 519
doit que cris , que gémiffiemens de ceux qu’on Foulques
d E
tenailloit, qu’on bri(oit& qu’on démembroit dans Villa P-et.

la torture. Un grand nombre , pour éviter des


tourmens fi cruels , pafierent d’abord toutes les
déclarations quon exigea d’eux • mais il fe trouva
auffi un grand nombre de ces Templiers, qui , au
milieu des plus affreux fupplices, foutinrent avec
une fermeté ou une opinâtreté invincible, qu’ils
ctoient innocens. La maniéré differente 8c toute
oppofée dont plufieurs Auteurs ont rapporté ces
faits, a laiffe à la pofterité la plus impénétrable
Hiftoire que la malice ou la négligence des Hif- 1

toriens ayent jamais oblcurcie.


Le Pape voulant prendre connoiffance de cette
affaire, interrogea lui-même foixante-douzeTem¬
pliers , qui fe reconnurent criminelsj & un Che¬
valier de cet Ordre, qui étoit Officier de ce Pon¬
tife, lui avoua, dit-il, ingenuement tout le mal
qu’il avoit découvert parmi fes confrères. Le Pape
ordonna depuis qu’on lui amenât le Grand Maître,
les grands Prieurs, & les principaux Commandeurs
de France , d’outre-mer,de Normandie, d’Aqui¬
taine &de Poitou. Nous avons ordonné, dit-il dans
,
une de fes Bulles quon les traduisît a Poitiers ,
mais quelques-uns d eux étant demeure% malades a
,
Chinon en Touraine en forte quilsne pouvaient aller
achevafni être amené% en quelque maniéré que ce
,
fût: Nous avons commis pour faire cette information
, 6
les Cardinaux Bérenger Ejlienne ? Landulfe. Il y
a bien de l’apparence que ces Chevaliers, qu’on
ne put amener à Poitiers à cheval, ni en aucune
autre maniéré, étoient de ceux qu’on avoit brifez
à la torture.
520 Histoire de l’Ordre
Foulques Le Grand Maître, à ce qu’on prétend, convint
d E
VlLLARET. à Poitiers de la plupart des crimes qui étoient im¬
putez à fon Ordre. Il y a des Hiftoriens qui rap¬
portent quil avoit déjà fait le même aveu à Paris,
ôc quen confequence il avoit même écrit une Let¬
tre circulaire à tous fes Religieux pour les exhor¬
ter à l’imiter dans fa confeffion ôc dans fa péni¬
tence. Les Commiffaires Apoftoliques à leur re¬
tour de Chinon rapportèrent le procès verbal de
cette confelfion au Pape ôc au Roi. Ce Prince,
pour preffer la condamnation de tout le corps des
Templiers, & obtenir de Clementl’extinéHon en¬
tier de cet Ordre, étoit revenu à Poitiers auprès
de ce Pontife.
Mais, dans le tems qu’on prenoit pour cela des
mefures fondées principalement fur les confeffions
d’un grand nombre de Templiers, on fut bien
furpris d’apprendre que la plus grande partie de
ces Chevaliers avoient révoqué ces confeffions 5
qu’ils foutenoient qu’on les avoit arrachées à force
de tourmens ^ qu’ils déteftoient hautement l’am-
niftie que les Officiers du Roi leur avoient offer¬
te , ôc qu’ils la regardoient comme le prix de l’in-,
fidelité, ôc là honteufe récompenfe d’une préva¬
rication , auffi préjudiciable à leur honneur qu’à
leur confcience.
Cependant les Rois d’Angleterre, de Caftille,
d’Arragon, celui de Sicile, le Comte de Provence,
Ôc la plûpart des Princes Chrétiens, ôc même les
Archevêques d’Italie, fur les inftances que leur
faifoit le Pape, avoient fait arrêter tous les Tem¬
pliers qui fe trouvèrent dans leurs Etats. On avoit
mis
s

de Malte. Liv. IV. 521


mis en même tems des garnilons dans leurs Com- Fo^qu£s
manderies, faifi tous leurs biens, & on travailloit Villaret,
fans relâche de tous cotez à leur proce's.
Les Templiers d’Arragon fe réfugièrent d’abord
dans des forterelfes qu’ils avoient fait conftruire S'CÛ'72'

à leurs dépens pour défendre le pays contre les in¬


curvons des Maures, d’où ils écrivirentau Pape
pour leur juftification. Ils lui remontrèrent que
leur foi étoit pure, 6c n’avoit jamais été foup-
çonnée ; qu’ils en avoient fouvent fcellé la con-
feffion par l’effufion de leur fang ; qu’un grand
nombre de leurs confrères, dans le tems-même
qu’on les perfécutoit le plus cruellement, gémif-
foient actuellement dans une dure fervitude, 6c
dans les priions des Maures , dont on leur offroiü
tous les jours de leur ouvrir les portes , s’ils vou-
loient changer de Religion ren forte, difoient- ils
an Souverain Pontife, que les Templiers efclaves
des Infidèles étoient expofez aux plus cruels fup-
plices comme Chrétiens, 6c que cependant les
Princes Chrétiens les faifoient brûler comme In¬
fidèles. Que fi quelques-uns de leur Ordre s’é-
toient déclarez coupables de grands crimes-, foit
qu’ils eufTent commis ces excès y ou feulement
pour fe délivrer des tourmens de la quellion , il
étoit jufte de les punir, ou comme criminels, ou
comme des hommes allez lâches pour avoir trahi
leur confcience, l’honneur de leur Religion, 6c la
vérité. Mais qu’un grand Ordre, 6c qui depuis
deux fiécles avoit fi bien mérité de l’Egüfe , ne
devoir pas fouffrir des crimes de quelques parti¬
culiers , 6c de la foiblelTe ou de la prévarication:
Tome /,- V uu
ai

Histoire de l’Ordre
fOTl(^£S des autres. Ils ajoutoient que leurs grands biens
Villaret. écoient la véritable caufe de la perfécution qu’ils
louffroient , 6c ils demandoient au Pape , qu’à
l'exemple de Tes prédecefleurs, il daignât les ho¬
norer de fa protection, ou qu’il leur fût permis de
défendre eux-mêmes leur innocence les armes
à la main, fuivant l’ufage de ce tems-là, contre
des méchans 6c des calomniateurs.
On ne fçait point la réponfe que fît le Pape à
leur Requête : on voit feulement dans l’Hiltoire
que Jacques II. qui regnoit alors dans lArragon,
les aflîegea dans les Châteaux où ils s’étoient reti¬
rez ; qu’il fe rendit maître de ces Places, quil fe
les appropria, 6c qu'il envoya ces Templiers en
differentes priions où l’Evêque de Valence eut or¬
dre du Pape de leur faire leur procès.
On fe difpofoit à Paris à continuer contre eux
de femblables procedures. On y traduifit * la plu¬
part des prifonniers ; mais la révocation qu’ils
avoient faite de leur première confefïion qu’ils
attribuoient à la rigueur de la torture, ou à la
crainte de ces tourmens, embarrafToit les Juges.
Il fe tint là-deffus un grand confeil * on y délibéra
long-tems fi on devoit avoir égard à leurs protêt
tâtions. Enfin par une Jurifprudence allez fogu-
here, il fut arrêté qu’on traiteroit comme relaps,
6c comme s’ils avoient renoncé à Jefus-Chrift,
ceux qui révoqueroient leur première confefïion.
En confequence de cette délibération, on fît com-
* Eodem anno Templarii omnes qui erant in Regno Franciæ mittun-
tur Parifïus. Multi eorum revocant quod dixerant. Movetur quæftio
contra cos utrum talis revocatio poflet dici relapfio , &c judicatur con¬
tra eos quod fie. Undè Parilîus comburuntur quinquaginta quatuor ,
ftantibus eis in propofîto quod yen Catholici eifent, Ex faunda vit a CU-

rnsnt s quintt, fag, 3?.


DE Maite. Liv. IV,
paroître de nouveau le Grand Maître de Molay Foülqt?es
devant les CommiiTaires : ils lui demandèrent s’il Villaret,
avoit quelque chofe à dire pour la défenfe de Tes ~' “
Religieux. Il leur répondit qu’il l’entreprendroit
volontiers, &: qu’il feroit ravi de pouvoir faire
connoître à la face de l’univers l’innocence de fon
Ordre ^ mais qu’il étoit Chevalier non lettré, c’efL
à-dire, qui ne fçavoit ni lire ni écrire, comme la
plupart de la Noblefle de ce tems-là. Il demanda
qu’il lui fût permis de prendre un Confeil : Quoi¬
que on ne ni ait pas laijfe > ajouta-t’il, quatre deniers
pourfournir aux frais d un fi grand procès.
Les CommiiTaires lui repartirent qu’en matière
d’héréfie, on n’accordoit aux prévenus ni con~
feil ni fecours d’Avocat ^ qu’avant même de s’en¬
gager dans une pareille entreprife, il devoit y faire
de férieules réflexions -, qu’il fe fouvînt fur-tout de
l’aveu qu’il avoit fait lui-même à Chinon de fes
propres crimes, & de ceux de fon Ordre : & on
lui lut fur le champ cette dépofition. Jamais éton¬
nement ne fut pareil à celui du Grand Maître,
Quand il en entendit la leéture, il fît le Signe de
la Croix, & s’écria que fi les trois Cardinaux de¬
vant lefquels il avoit comparu à Chinon , tk qui
avoient fouferit à fon interrogatoire, étoient d’une
autre qualité, il fçauroit bien ce qu’il auroit à dire.
Comme les Commiflaires le prefloient de s’expli¬
quer plus ouvertement, il ajouta, n’étant pas maî¬
tre de fon refTentiment, qu’ils méritoient le mê¬
me fupplice dont les Sarrafins ôc les Tartares pu-
niflent les menteurs &c les fauflaires, aufquels , dit- Dii?nk?'42
il, ils font fendre le ventre, & trancher la tête.
Vuu ij
514 Histoire de l’Ordre
Foulques
Cependant il eft confiant par les aéfes du procès,
d E
V1LLARST. qu’avant l’affemblée de Cliinon, 6c fur l’efperance
de l’impunité que le Pape 6c le Roi lui avoient pro-
mife, il avoit confeffé en deux occafîons une par¬
tie des crimes qui lui étoient impoféz. Mais appa¬
remment que le Greffier qui avoit rédigé fa con-
fcffion à Chinon, pour le charger davantage , 6c
le rendre plus criminel, y avoit ajouté des cir-
conflances aggravantes : peut-être même qu’il
avoit augmenté fa confefïion de tous les crimes
qu’on imputoit en général à tout l’Ordre ; 6c que
pour lui cacher fa lupercherie, il ne lui en avoit
point fait de leéhire.
Quoi qu’il en foir, le Grand Maître fans s’ex¬
pliquer plus ouvertement fur fa confeffion, fe con¬
tenta de dire que le Pape s’étant réfervé la con-
noiffance de ce qui le regardoit, il demandoit de
lui être renvoyé. Il ajouta qu’il n’avoit que trois
çhofes à leur repréfenter en faveur de fon Ordre.
i°. ,
Qu'excepté les Eglifes Cathédrales il ri y en avoit
point dans toute la Chrétienté où le Service divin Je
,
célébrât avec plus de dévotion où il fe trouvât un
plus grand nombre de Reliques f) de plus riches or-
,
nemens. 10. Qu en toutes les Commanderies on fai-
. .
foitune aumône générale trois fois la femaine 30 Qu il
,
riy avoit aucun Ordre ni aucune nation où les Che¬
valiers & les Gentilshommes expofaffent plus géné-
reufement leur vie pour la défenfè de la Religion Chré¬
,
tienne que ï avoient faitjufque s-la les Templiers. Les
Commiliaires lui dirent que tout cela étoit inutile
(ans la foi. Mais il leur répliqua que les Templiers
p'oyoient fermement tout ce que croyoit l’Ëglife
de Malte. Liv. IV. /15
Catholique, ôc que c’étoit pour maintenir une fi Foulques
d E
lainte croyance,qu’un fi grand nombre de ces Che¬ VlLLARET*

valiers avoient répandu leur fang contre les Sarra-


fins, contre les Turcs ôc contre les Maures.
Frere Pierre de Bologne , Prêtre ôc Procureur
Général de l’Ordre, repréfenta de fon côté aux
Commiffaires que pour tirer l’aveu des crimes
qu’on imputoit à Tes confrères , on avoir égale¬
ment employé la promeffe de l’impunité , ôc les
menaces des fupplices • qu’on leur avoit dit que
leur Ordre étoit tacitement profcrit, ôc que le
Pape le devoit abolir folemnellement dans le Con¬
cile. Qu’on avoit montré à plufieurs prifonniers
des Lettres Patentes où étoit le fceau du Roi , par
lefquelles moyennant leur confeflïon , on leur pro-
mettoit la vie, la liberté ôc une penfion viagère;
ôc que pour ceux qu’on n’avoit pû féduire par ces
promeffes, on les avoit preffez par de violentes
tortures. Qu’il étoit bien moins furprenant que
des hommes foibles, pour fe délivrer des fupplices,
euffent parlé conformément à l’intention de ceux
qui les tourmentoient, que de voir un fi grand
nombre de Templiers fupporter courageufement
les plus affreux tourmens, plutôt que de trahir la
vérité. Que plufieurs de ces Chevaliers étoient
morts dans le fond des cachots, des douleurs qu’ils
avoient fouffertes à la gêne , ôc qu’il deman-
doit que leurs boureaux ôc leurs géoliers fuflent
interrogez pour fçavoir dans quels fentimens ils
étoient morts, ôc s’il n’étoit pas vrai que dans ces
derniers momens où les hommes n’ont plus rien
a efperer ni à craindre, ils avoient perfifté jufqu’au
dernier foupjr à loutenir leur innocence, ôc celle
Vuu iij
jlé HISTOIRE DE l’O R D R E
Fo dLe^ES ^eur Ordre en général. Il pria enfuite les Corn-
Villaret. miffaires de faire venir en leur préfence un Tem¬
plier appelle Frere Adam de Valincourt, que le
défir d’une plus grande perfe&ion avoit faic en¬
trer depuis parmi les Chartreux , mais qui n’en
ayant pu foutenir les aufteritez , avoit demandé à
rentrer dans l’Ordre des Templiers. Il ajouta que les
fuperieurs ôc les confrères de ce Religieux avoient
regardé fon premier changement comme une apo-
ftafie -, qu’on F avoit obligé , avant que de le rece¬
voir, de fe préfenter à la porte du Temple enche-
mife ; qu’apres avoir repris l’habit de l’Ordre , on
l’avoit condamné à manger à terre pendant un an
entier, à jeûner au pain ôc à l’eau les mercredis Ôc
les vendredis de chaque femaine, ôc à recevoir la
difeipline tous les Dimanches de la main du Prêtre
qui officioit. Ce Procureur demandoit s’il étoit
vrai-Iemblable que ce Templier venu de l’Ordre
des Chartreux , fût rentré parmi eux, Ôc qu’il fe
fût fournis à une corre&ion ôc une pénitence ft
longue ôc fi auftere, s’il avoit reconnu parmi fes
confrères toutes les abominations dont on les vou¬
loir noircir : ôc là-delfus il infiftoit à être entendu
en plein Concile avec fes Supérieurs y ôc des dé¬
putez de tout l’Ordre : Afin, difoit-il, de faire con¬
naître leur innocence d la face de toute la Chrétienté
Nonoblfant toutes ces défenfes, on procéda à.
leur jugement. Quelques-uns furent abfous pure¬
ment ôc Amplement ^ d’autres condamnez à une
pénitence canonique, pour être enfuite mis en
liberté. Ce furent ceux qui perfévérérent dans la
confefïion de leurs fautes , ôc qui pour marquer
Thorreur qu’ils avoient de leur Ordre, en avoient
de Malte. Liv. IV. $17

quitté l’habit & fait rafer les longues barbes qu’ils Foulques
d E
portoient, fuivant l’ufage des Orientaux. Les Tem¬ VlLLARET.
pliers au contraire qui avoient révoqué leur pre¬
mière confeiïion, & qui perfifterent dans les pro-
teftations qu’ils avoient faites de leur innocence,
furent traitez avec toute forte de rigueur. Cin¬
quante-neuf, parmi lefquels il y avoir un Aumô¬
nier du Roi, furent dégradez comme relaps, par
l’Evêque de Paris , & livrez au bras féculier. On
les conduifit hors la porte S. Antoine où ils fu¬
rent brûlez tout vifs ôc à petit feu. Au milieu des
flammes, tous invoquoient le faint nom de Dieu;
& ce qui efl: de plus furprenant, il n’y eut aucun
de ces cinquante-neuf, qui, pour fe délivrer d’un
fi affreux fupplice , voulût profiter de l’amniftie

que leurs parens & leurs amis leur offroient de la


part du Roi, pourvû qu’ils renonçaffent à leurs pro-
teftations.
Il y en eut un grand nombre en differens au¬
tres endroits de la France, qui au milieu des flam¬
mes , firent paroître la même fermeté ; on les brûla,
mais on ne put jamais leur arracher l’aveu des cri¬
mes qu’on leur imputoit. Chofe étonnante, dit l’E¬
vêque de Lodève Hiftorien contemporain, que ces
infortune^ qu'on livroït *ux plus cruels fupplice s,
ne rendoientpoint d'autre raifon de leur rétraclation,
que la honte (dp* le remors d'avoir parla violence de la
quefilon, avoué des crimes dont ils fe prétendoient très~
innoce ns. *
* Unum autem mirandum fuit quôd omnes & fînguli eorum confetfïo-
nes fuas quas priùs jurati fecerant, in judicio recraélarunt, dicentes fe
falfafuifle confelTos, nullam fuper hoc reddentes caufam aliam mfî vim
aut metum tormentorum quùd de fe talia faterentur. ExfeemdavitsGe-
mtnùi ejiintu
528 Histoire de l’Ordre
FoUTQtTES Le Roi qui avoit extrêmement à cœur l’affaire
D E
VlLLARET. des Templiers, comme s’en explique le Pape de
les Hiftoriensdu tems, Te rendit à Vienne en Dau-
finé au terme marqué par la Bulle du Pontife,. de
il y vint accompagné de Louis fon fils aîné , Roi
de Navarre du chef de fa mere, de Philippe , de
de Charles , freres de ce jeune Prince , de Char¬
les de Valois, de de Louis Comte d’Evreux leurs
oncles, de freres du Roi. Ce Prince parut dans cette
augufle affemblée avec une greffe Cour, d’autres
3a7uz.iusin chient ave une nombreufe milice, qui faifoit con-
vitis Papa-
noître fa puiffance, de qui fervoit à la faire refpec-
mm Ave-
moru ter. Il s’y trouva plus de trois cens Evêques, fans
compter les Abbez, les Prieurs & les plus célébrés
Doéteurs de la Chrétienté.
La première feffion fut tenue le 16 d’Oétobre
de l’année 1311. Le Pape y propofa les trois caufes
de la convocation du Concile • 10. L’affaire des
T empliers • 20. Le recouvrement de la T erre Sainte^
3°. La réformation des mœurs de de la difeipline de
l'Eglife. Nous ne nous arrêterons qu’à ce qui-re-
gardoit particulièrement les Templiers , & à la
part qu’on donna depuis dans cette grande affaire
aux Chevaliers de Rhodes.
Le Pape fit lire d’abord en plein Concile les
procès qu’on avoit faits en plufieurs Provinces,
contre differens Chevaliers du Temple, de il de¬
manda enfuite à chacun des Peres, de tour à tour,,
s’ils ne trouvoient pas à propos de fupprimer
un Ordre où il s’étoit découvert de fi grands
"Pierre Dm-
abus, de des crimes fi énormes. Un Prélat Ita¬
fuj.
lien s’adreffant au Pape y. l’exhorta a abolir fur
DE Maltë. Liv. IV. 519
le champ, & fans autre formalité , un Ordre contre Foulques-
D £
lequel , dit-il, on avoit entendu plus de 1000 té¬ VlLLARET.-

moins en differens endroits de la Chrétienté. Mais


tous les Evêques tk Archevêques du Concile, & les:
plus célébrés Dodeurs reprefenterent unanime¬
ment au Pape , quavant que d’éteindre un Ordre
fi illuftre, ôc qui depuis fon inftitution avoit rendu
des fer.vices importans à la Chrétienté, ils étoient
d’avis qu’on devoit entendre le GrandMaître & les
principaux de cet Ordre en leurs défenfes, comme
la juftice le requéroit, ôc luivant qu’ils lavoient
demandé eux-mêmes avec tant d’inftance par diffe¬
rentes. requêtes^
Les Hiltoriens du tems nous apprennent que
tous les Evêques d’Italie, hors un leul, furent de
ce fentiment, aufquels le conformèrent ceux d’Ef
pagne, d-Allemagne , de Dannemarc, d’Angle¬
terre, d’Ecoffe, & d’Irlande; que tous les Prélats de
France avoient été du même avis, à l'exception
des Archevêques de Reims, de Sens &c de Rouen: en
forte que dans un Concile général, compolé de plus
dé trois cens Prélats, il n’y en eut que quatre qui opi-
nerenrdifféremment;,& fi oirofe le dire, contre les
premiers principes de l’équité naturelle. *
L’audience qu’on demandoit hautement ai fa¬
veur des prévenus, ne lailfoit pas d’embaraffer le
Pape, par les fuites qu’il enprévoyoit. De quelque
* Intérim autem voc-antur Pradati cum Cardinalibus ad conferendum •
deTemplatiis : leguntur adta ipforum mter Prælatos ; & in hoc couve-
niunt requifitià Pontifice fïgillatim,.urdet’Templariis audientiam, five
deienfionem. In hac fententiâ concordant omnes Prælati Italix prærer
anum, Hifpaniæ » Theutoniæ , Daniæ, Anglhr-, Scotrsr & Hyhermæ'j
Item Galliei præter très Metroplitanos3 videlicet,ftemenfem , Senonen-
&ni j & Rotomagenfem. Hoc autem adlum eït five adlitatum in princh
giQ Decembris. Ex fecitndâ viiâ Cltmentii y, p. AMoreEtolom&oLucenfii-'
Tome h X xx<

/
530 Histoire de l’Ordre
Foulques autorité dont il fût revêtu,il fentoit bien qu’il feroit
D h
ViLLARET. difficile de fe difpenfer de les entendre lur les dif¬
ferentes caufesderécufation,ni de refufer aux pré¬
venus la confrontation contre leurs accufateurs 3c
& les témoins ; toutes procedures qui emporte-
roient beaucoup de tems, 3c lailferoient le luccés
de ce grand procès incertain.
L'affaire traîna près de fix mois,qui furent ap¬
paremment employez en conférences, 3c peut-être
en négociations fecretes, pour obtenir des Prélats
que dans une affaire qui paroiffoit aufli éclaircie,
Les Médi¬ onpaffàtpar-deffus les formes ordinaires .Du moins
tations de
Camerarius, Alberic de Rofate, célébré Jurifconfulte, rapporte
5. v. /. /. c. 4. que fur ce que les Peres du Concile foutenoient
qu’on ne pouvoit jamais condamner les accufez
Et fiviâjuf-
tttiA Ordo illc fans les avoir entendus, le Pape s’écria que fi par
defirai non le défaut de quelque formalité, on ne pouvoit pas
pojfit ,fiat ta-
men ztà ex¬ prononcer judiciairement contre les Templiers,
pédient. œ, ne la plénitude de la puiffance Pontificale fuppléeroit
fçandalifetur
cants fil: hs
à tout, & qu’il les condamneroit par voye d’cx-
no fier R ex pedient, plutôt que de chagriner Ion cher fils le
Gail. £,
Roi de France.
En effet ce Pontife, le zz du mois de Mai de
l’année fuivante, après s’être affuré auparavant dans
unConfiftoire fecret des Cardinaux 3c de plufieurs
131 z. Evêques, que lacomplaifance ramena à Ion avis ,
tint folemnellement la fécondé Seffion du Con¬
Preuve
cile , dans laquelle il caffa 3c annulla l’Ordre mi¬
IX. litaire des Templiers. * Et quoique nous riayonspû>
dit-il dans fa Sentence, prononcer félon les for-
* Summus Pontifex multis Prælatiscum Cardinalibus coram fe in pri-
vato Confiftorio convocatis, per provifïonem potiufquam condemnationis
viam, Ordinem Templariorum caffavit, &: penitus annulavir. vit*
ÇU/nentif V. p, 8j. Autore quodam Veneto cottaneo.
de Malte. Liv. IV. 531
mes de droit, nous les condamnons par prowifion, Foulques
d E
(efr par l autorité Apofiolique , réferwam à Nous VlLL ARET.

à la Jainte Eglifè Romaine , la dijpofetion des per-


fonnes (dp des biens des Templiers.
Il ne reftoit plus qu’à décider dans le Concile
r
de emploi qu’ on feroit de ces grands biens. Le
Pape qui craignoit que la plupart des Souverains
ne s’emparaflfent dans leurs Etats de ce qui feroit
à leur bienféance, reprefenta que ces biens ayant
été confacrez pour la défenfe des Saints Lieux ,
& des pèlerins qui les vifitoient , on ne pourroit en
faire un meilleur ufage qu’en les remettant aux
Chevaliers de Rhodes, dévouez à de fi faintes fonc¬
tions , & qui venoient de donner de nouvelles preu-
vesdeleur zele &de leur courage par la conquête
de l’Ifle de Rhodes. * Mais les partifans de la France
opinoient hautement à la création d’un Ordre
nouveau,& même à y réunir tout l’Ordre de laint
Jean. Ils difoient que l’augmentation qu’on vou-
loit faire des biens de ces Chevaliers, ne fervi-
roit qu’à les précipiter dans les mêmes délordres
qui venoient d’attirer la condamation des Tem¬
pliers • que fous prétexte d’en prendre pofléflion,
on les verroit inceflamment répandus dans l’Eu¬
rope , & qu’il étoit bien à craindre qu’ils n’y fîflTenc
renaître l’orgueil, le fafte, le luxe & la mole (Te
des Templiers.
* PrmfquamConcilium folveretur^poft habitos tra&atus varios de bonis
Templariorum , quitus vel ad quos ufiis efltnt poilus applicanda, qui-
bufdam confentientibus quôd novaReligio ad quam applicarentur effet
fundanda, ahis alia dicentibus, tandem providit Apoftolica S’edes , Rc-
gibus, & Pradatis afientientibus, eadem in favorem Terræ S’andiæ inte-
graliter ad fratres Hofpitales devolvi, ut ad ejufdem Terræ récupération
nem five fubfidium poffent efïici fortiores ex ipfîs:fedut apparuit prç*
ceiïu temporis fadti font détériorés. Comin.GuiU, de Nantis, p. 646.
Xxx i)
531 Histoire de l’Ordrï
FOULQUES Le Pape, qui par cette création d’un Ordre royal,
1) E
VîiLLAKE^C. ôcpar la fuppreffion de tous les autresOrdres,voyoit
" ,quon allait fmiftraire de fonautorité.ce qu’il y avoit
«de Religieux militaires dans l'Europe^ dans l’Afie,
rejettaavec fermeté cette propofitionyôc pour dé¬
truire les raifonsde ceux quilaloutenoient, il dé¬
clara qu’il s’engageoit à réformer l'Ordrede S. Jean
dans Ion chef & dans fes membres, fi onjugeoitque
cette réforme fût nécelfaire ^ qu’il ne fouffriroit au¬
cun Chevalier en Occident, excepté les vieillards,
les infirmes, ôc ceux qui étoient chargea du foin des
Commanderies 5 qu il feroit meme faire une éva¬
luation exaéré des revenus de l’Ordre pour regler
le nombre des Chevaliers, ôc la dépenie qu’ils dé¬
voient faire pour leur fubliftance, ôc que tout le
refte feroit employé au fecours des pèlerins ôc à
la défenfe des Etats-Chrétiens *. tous projets admira-
_ , blés, mais quin’eurent pas .d’execution.
Voyt-L U ’ r 7 , r
LatredePh.- Les limples promeiles de ce Pontife ramenèrent
ifpsie Beik à fon avis la plupart des Peres du Concile. Mais
\en datte de d parut que le Roi de France ne fe prêta qu’avec ré-
fan *2, Le pugnance à cette difpofmon. Ce Prince prévenu
.24
JDupuy contre les Hofpitaliers, exigea du Pape qu’on tra¬
damnation vaillât àcetteréforme,qui devoir comprendre le
des Temr
f’d rs.p. ip8,
Grand Maître ôc tous fes Chevaliers, ôc qu’on les
#779f obligeât à fe rendre aulïi agréables au corps Epifco-
pal, qu’ils lui avoient été jufqu’alors oppofez^ ce
qui pourroit faire préfumer que laconnoifTance de
leurs anciens différends avec les Evêques de laPa-
leftine avoit paffe jufqu’en France.On ajugea aux
Chevaliers de Rhodes tous les biens desTempliers,
à l’exception de ceux qui fe trouvoient dans les
•rv»~4

de Mal ïe, Liv. IV.


Ifpagnes, &cqui par une deftination particulière, Voulus
dévoient être appliquez à la défenfe du pays con- villaret^
tre les Maures, qui occupoient encore le Royau-
me de Grenade.
Enfin l’année fuivante, & après la dilTolution _
du Concile, il fut queftion du dernier aéte de cette 131E
tragédie, & de décider du fort du Grand Maître,
& des hauts Officiers de l’Ordre, appeliez les grands
Précepteurs, ou les grands Commandeurs. Le Pape
s’en etoit réfervé la connoiflance, & en conle-
quence de leur aveu, leur avoit promis une im¬
punité entière. Mais à fon retour du Concile, foit
qu’il eût changé de fentiment, ou qu’il ne voulût
pas les condamner lui-même , il en remit le ju- .
gement à deux Cardinaux, qui par fon ordre fé
tranfporterent à Paris, ôc y prirent pour adjoints
l’Archevêque de Sens, & quelques autres Prélats de
l’Eglife Gallicane. Ces Commiffaires apoftoliques
fe firent amener par le Prévôt de Paris Jacques de
Molay Grand Maître des Templiers, dignité, dit
Moniteur Dupuy, qui l’égaloit aux Princes, ayant
même en cette qualité eû l’honneur de tenir fur
les fonds un des enfans du Roi. Le fécond de ces
- w*

prifonniers s’appelloit Guy ,& étoitfrere du Dau¬


phin de Viennois, Prince fouverain du Dauphiné.
Le troifiéme fe nommoit Hugues de Peralde,
Grand Prieur ou Vifiteur du Prieuré de France j
& le quatrième étoit Grand Prieur d’Aquitaine ,
qui avant' fa détention, avoit la direction des fi¬
nances du Roi.
Il ne paroît point par les aétes de ce fameux
procès , que ces Prélats les euflent de nou-
Xxx iij
Histoire d e l’Ordre
foutQTJtS veau interrogez, ni quon les eût confrontez con¬
DE
Vil LAREr tre dés témoins. Quoique cette procedure fût dans
la forme ordinaire de lajuftice, apparemment que
ce s Commiffaires voulurent fé conformer à la con¬
duite qu’àvoient tenu lePape &le Concile. On fe
t1 contenta de l’aveii qu’ils avoient fait devant le Pape
& le Roi, des crimes qu on leur imputoit : ôc ce fut
fur cet aveu, & fuivant les intentions du fouverain
Pontife, que ces Juges convinrent entr’eux, s’ils per-
fiftoient dans leur première confeflion, de ne les
condahiner qu’à une prifon perpetuelle.Mais com¬
me il étoit important de calmer les elprits effrayez
de tant de feux qu’on avoir allumez en differentes
Provinces du Roy aumé,& qu’il falloit fur-tout con¬
vaincre le peuple de Paris,que c’étoit avec juftice
qu’on avoit fait brûler tout vifs un fi grand nom¬
bre de Templiers, on exigea de ces quatre derniers
qui en étoient les chefs, que s’ils vouloient qu’on
lèur fauvât la vie , & qu’oit leur tînt la parole
que le Pape ôc le Roi leur avoient donnée, ils fiffent
en public une déclaration fincere des abus ôc des
crimes qui fe commettoient dans leur Ordre. Pour
cet effet, on dréfla dans le Parvis de l’Eglife Ca¬
thédrale un échafaut, fur lequel des archers ôc des.
foldats amenèrent les accufez. Un des Légats mon¬
ta eh chaire, Ôc ouvrit cette trifte ceremonie par
un difeours, où il expofa fort au long toutes les
impietez & les abominations dont les Templiers,
difôit-il, avoient été convaincus par leur propre
aveu. Et pour n’en laiffer aucun doute à l’affem-
bléè ,il fohima le Grand Maître ôc fes compagnons
de renouveller devant le peuple, la confeflion
de Malte. Liv. IV.
qu'ils avoient faite devant le Pape, de leurs cri¬ Foulques
mes & de leurs erreurs. de
ViLLARET.
Ce fut apparemment pour les déterminer à faire
cette déclaration, que dun côté il les afiiira d’une
pleine amniftie, Ôc que de l'autre, pour les intimi¬
der, des boureaux dreffoientun bûcher, comme fi
on eut dû fur le champ les y brûler en cas qu’ils
révoquaient leur première confeflion.
Les Prieurs de France & d’Aquitaine y perfifte-
rent,foit de bonne foi, loit par frayeur, à l’alpeét
d’un fi rigoureux fupplice. Mais, quand ce fut le
tour du Grand Maître de s’expliquer, on fut bien
furpris lorfque ce prifonnier fecouant les chaînes Villani 1,8. A
dont il étoit chargé, d’une contenance affinée, Ç2.
s’avança jufqu’au bord de lechafaut-,puis élevant Pap. Majf.
inPhilp.pulc.
fa voix pour être mieux entendu : Il efl bienjufte, Sa.beII.
s’écria-t*il,que dans un fi terriblejour, (df dans les der¬ zÆnead. y. L
niers momens de ma vie, je découvre toute Iiniquité 7•
du menfonge, (djr que jefaffe triompher la vérité, fie
déclare donc a laface du ciel (dfi de la terre, (djrj'avoue,
quoiqua ma honte éternelle, que j'ai commis le plus
grand de tous les crimes j mais ce ri a été qu'en con¬
venant de ceux qu'on impute avec tant de noirceur
a un Ordre que la vérité m'oblige de reconnoître au¬
jourd'hui pour innocent. fie n'ai même pajfé la décla¬
ration qu'on exigoit de moi, que pour Jufpendre les
douleurs excejfives de la torture, (efi pour fléchir ceux
qui me les faifoientfouffrir. fiefiai les fupplice s qu on
a fait fubir a tous ceux qui ont eu le courage de révo-
quer une pareille confie(fion j mais l'affreux fpeclacle
qu'on me préfente, ri efl pas capable de me faire con¬
firmer un premier menfonge par un fécond. A une con-
j36 Histo iR e de l’Ordre
FotnQUEs dition fi infâme je renonce de bon cœur a la me ^ qu'me

Villaret. meft déjà que trop odieufe. Et que me fermroit de


prolonger de triftes jours , que je ne décroîs qu a la
calomnie l *
Ce Seigneur en eût dit davantage, mais on
f obligea de fe taire. Le frere du Prince Dauphin
qui vint après, tint à peu près le même langage,
6c protefta hautement de rinnocence de fon Or¬
dre. Le Légat ne fut pas celui qui dans cette fcene’
remporta îapplaudiflement du peuple rmais il eut
bien-tot fa revanche. On fit defcendre le Grand
Maître ôc fes compagnons de deffus 1 échafaut, 6c
le Prévôt de Paris les remena en prifon. Le Roi ,
naturellement vindicatif, 6c qui regardoit la def-
truétion des Templiers comme fon ouvrage , ir¬
rité de la rétractation des Chefs de cet Ordre., le
même jour les fit brûler tout vifs 6c à petit feu
dans une petite Ifle de la Seine, qui étoit entre
Le jardin de ce Prince , & le Couvent des Auguf*
tins. Le Grand Maître, au milieu de ce cruelTüp*
plice, y montra la même fermeté, qu’il avoit fait
* Suntaudtoresnon obfcuri Jacobum Burgundionem ©rdinis prinripenr,
cùm produdtus ad fupplicium, circumfufâ ingenti multitudine , durn
pyra extruitiHyftaret, propofitâ vitæ fpe ac impunitate 3fi qu-æ in cufto-^
diâ faffus' de fe fuifque effet, nunc quoque confeflus , veniam publicè
peteret, hujufmodi verba feciffe:» Ego nnnc fupremis rebus meis,cùm lo-
»cum mendacio dari nefas fit, ex animo verèque fateor me ingens in
»me,meofquefcelufrconlciffe ,ultimaque fupplicia cum fummo cruciatir
»promeritum,qui.in gratiam quorum minime decuir,dulcedi«equevitæ,
flagitia impia , fceleraque , ad tormenta ementitus fum in Ordinem
»meum, de religione chriftianâ optimè meritum. Ncc m-ihi nunc vira.
•*opus eft precariâ, & novo fuper vêtus'mendacio retenta. Paul, Emil.
in Philip, fui ch.
\ Exinrogo impofitum ac admoto paulatim primoribus pedibus adex>
primendam fcelerum confeffîonem ,ne- tune quidem cùm reliquo cor-
pore depafto vitalia fœdo nidore torrerentur, ab hujus orationis confi.
tantiâ defeiviffe, aut mutatæ mentis ullam fignificationem præbuifie,
neque ipfum, neque duos cum ipfo fupplicio afredtos nobiliifimos ejus
©rdirûs YÎros^ quorum altei effet Delphini Allobrogis frater. Paul. Emil.
paroître
de Malte. Liv. IV.;t 537
Foulqxus
paroître dans le Parvis de la Cathédrale, 8c y tint DE
à peu prés les mêmes difcours. Il protefta de nou¬ VlLLARET.

veau de l’innocence de fon Ordre ; mais que pour


lui il meritoit la mort, pour être con venu du con¬
traire en prefence du Pape & du Roi. Mezerai pré¬
tend avoir lu une Relation dans laquelle on rap¬
porte que ce Grand Maître n ayant plus que la
langue de libre , & prefque étouffé de fumée,
s’écria à haute voix : Clement, juge inique, ft) cruel
bouveau 3 je t ajourne a comparoître dans quarante
jours devant le tribunal du Jouverain Juge. Quel¬
ques-uns écrivent qu’il ajourna pareillement le Roi \

à y comparoître dans un an. Peut-être que la mort


de ce Prince, & celle du Pape, qui arrivèrent préci-
lément dans les mêmes termes,. ont donné lieu de¬
puis à l’hiftoire de cet ajournement.LesdeuxGrands
Prieurs de France 8c d’Aquitaine finirent leurs
jours en prifon. Mais félon Paul Emile , l’un des
deux fut brûlé avec le Grand Maître 8c le frere
du Dauphin de Viennois : apparemment pour s’être
rétraélé à leur exemple.
Tout le peuple donna des larmes à un fi tra¬
LiV'$.p>f93r
gique fpeélacle de faints Religieux, 8c plufieurs
perfonnes dévotes, au rapport dePapire Maffon ,
recueillirent leurs cendres qu’ilsconferverent com¬
me de précieufes Reliques. Al’égard des deux fce-
lerats, auteurs d’une fifuneftecataftrophe,. ils pé¬
rirent peu après malheureufement. L’un fut pen¬
du pour de nouveaux crimes, 8c l’autre fut afTafliné
par fes ennemis.
Nous ne prétendons point tirer aucune indue,
cion de ces faits. Il y a trop de variété dans les
anciens H iftoriens, 8c trop de p artialitéentre les
Tome L Yyy
538 Histoire de l’Ordre
7° d^71* mo<^ernes y pour pouvoir prendre aucun parti avec
Viilaret. fureté. Parmi ces derniers, les uns fe plaignent

qu’on a accufé les Templiers, & qu'on leur a fait


leur procès fur des intelligences criminelles avec
Saladin, & ils oppofent à cette accufation, qu’a-
près la perte de la bataille de Tyberiade, ce Prince
vi&orieux fit couper la tête à tous les Templiers
fes prifonniers de guerre , comme on l’a pu voir
dans cette Hiftoire j ce qui ne s’accorde gueres
avec cette prétendue intelligence.
On ne trouve pas plus de vrai-femblance dans lac-
cufation qu’on leur intenta d’avoir vendu la ville de
S. Jean d’Acre à un des fucceffeurs de Saladin ; puif-
qu’il eff confiant par tous les Ecrivains contem¬
porains, que trois cens Templiers périrent à la dé-
fenfe de cette Place -, que leur Grand Maître de
Beaujeu fut tué fur la brèche , & qu’il n’échapa
de ce malfacre que dix de fes Chevaliers qui fè
jetterent dans une barque^, &; gagnèrent l’Ifle de
Chypre.
A l’égard des crimes contre la chafteté , & de
ceux que la nature même ne fouffre qu’avec hor¬
reur , ces Ecrivains prétendent qu’on ne doit point
fe prévaloir de leur confelfion y qu’on leur pré-
fentoit d’un côté une amniftie avec la promelfe
de la vie, de la liberté , Ôc d’une bonne penfion ;
Sc que de l’autre ils voy oient les feux allumez pour
les brûler. Qu”il n’eft pas furprenant que des hom¬
mes foibles fe foient laiflfé intimider par la crainte
Raimldiad d’un fi affreux fupplice.
<mn. tus. D’autres Hiftoriens d’un fentiment oppofé, fou-
tiennent au contraire qu’on ne peut réfléchir fur
la fuite des procédures , fur le nombre infini de
de Malte. Liv. IV. 539
témoins, tant Templiers qu’autres, fur la qualité Fox^UES
des Juges, fur la conformité des accufations faites Vu.iab.et.
contre ces Chevaliers dans tous les Royaumes de
la Chrétienté, fur la qualité même des coupables,
fur le témoignage de plufieurs Ecrivains étrangers,
fur le peu de penchant que le Pape avoit d’abord
aies condamner, &: fur ce qui fe paffa au Concile
de Vienney qu’on ne peut, difent-t’ils , réfléchir
fur la nature ôc lamas de ces differentes circonf-
tances > fans être perfuadé de la juftice de leur con¬
damnation. Il y a bien de l’apparence, dit Mariana
Jéfuite, qu’ils n’étoient pas tous innocens, ni aufïi
tous coupables. C’eft le fentiment de cet Ecrivain
fage ôc judicieux, qui dit que ces fupplices paru- Mariana,
1 v t 1 1 1 1 o 1 >-i »/Liv»if,c.n*

rent cruels a beaucoup de monde , ôc qu il n etoit
gueres vrai-femblable que ces defordres eulfent
infeété tous tes particuliers d’un fi grand Corps,
répandu dans toutes les provinces de la Chrétienté v
mais que l'extinction d’un Ordre fi célébré doir
fervir de leçon à leurs femblables ; ôc que pour
éviter dé tomber dans de pareils malheurs, ils doi¬
vent moins fo nder leur confervation fur leurs ri-
cheffes y que fur la pratique des vertus confor¬
mes à leur état.
Quoique les Chevaliers de Rhodes n’eu fient au¬
cune part dans une fi furprenante révolution ,, le
Grand Maître ne crut pas devoir rejetter la dif-
pofition que l’Epjife univerfelle afferabléeau Con-
r T o 1 r • c r
elle de Vienne, venoit de faire en faveur de lou
Ordre, de tous les biens des Templiers.. Il affem-
bladonc le Confeil • on y délibéra de la maniéré
la plus convenable dont on devoir ufer pour s’en
Yy y ÿi
540 Histoire de l’Ordre
Four, cutis
D E
mettre en pofTefhon ; 6c il fut réfolu d’envoyer aux
VlLLARET. principaux Commandeurs qui étoient dans l’Oc¬
cident , 6c dont on connoiffoit l’habileté 6ç la pru¬
dence, d’amples pouvoirs pour traiter avec diffe-
rens Souverains de l’Europe d’une affaire de cette
importance, & qui peut-être dans l’execution fe
trouveroit fujette à de grandes difficultez. A cet
effet, le Grand Maître 6c le Conleil dreflerent un
aéte lolemnel en forme de procuration, dans la¬
quelle ils déclaroient qu’ayant appris la difpofition
que le Pape &: le faint Concile avoient faite en
faveur de l’Ordre de faint Jean de tous les biens
des Templiers , 6c que l’intention de l’Eglife étoit
que ces biens fuffent employez, foit à la conduite
6c à la défenfe des pèlerins, foit au recouvrement
de la Terre Sainte , ils avoient d’un mutuel avis
çhoifi pour Procureur Général, 6c pour Lieutenant
du Magiftere en Europe la perfonne de Frere Al¬
bert Lallemand de Château-Noir , Grand Pré-
cepteur ou Grand Commandeur, 6c dont l’Ordre
depuis long-tems avoir éprouvé la fageife 6c la
capacité • que le Confeil avoit jugé à propos de
lui donner pour Adjoints Frere Richard de Rave-
link, Drapier; Frere Philippe de Grangana, Prieur
de Rome -, Frere Leonard de Tibertis Prieur de
Venife 6c Procureur Général en Cour de Rome*,
Frere Henri de Mainieres, Frere Arnaud de Soliers,
Frere Artaud de Chavaneuf, tous deux compa¬
gnons ou affiftans du Grand Maître ; Frere Durand
de la Prévôté, Précepteur de Montchalix, 6c Frere
Sauveur d’Aurillac ; 6c que le Grand Commandeur
pourvoit fe fervir de tous ces Chevaliers conjoin-
DE M ALT E. Ll V. IV. ^41
tement ou féparément pour aller prendre poflellion Foulques
D E
des biens cedez à l’Ordre , les recevoir des mains VlLLARET.

des Adminiftrateurs, ôc leur en donner bonne ôc


valable déchargé.
Il étoit porté expreflement par le même aéte que
les revenus de l’Ordre de faint Jean étant confi-
derablement diminuez, &: les Commanderies tom¬
bées la plupart en décadence par la négligence
des Précepteurs &c des ceconomes ; ce qui exigeoit
une prompte vifite & une exaéte réforme , tant
dans les Maifons Prieurales que dans leurs dépen¬
dances, le Confeil établiffoit le même Frere Lal¬
lemand Viiiteur, Inquifiteur, Correéteur, Réfor¬
mateur , Administrateur & Oeconome Général de
toutes les Maifons Situées en de-çà de la mer,
tant des anciennes Commanderies de l’Ordre de
faint Jean , que de celles des Templiers, qu’on
devoit leur remettre. Que ce Commandeur le fe-
roit rendre un compte exaét des revenus de l’Or¬
dre & de leur emploi par les Précepteurs qui en
avoient été chargez ; qu’il pourroit faire le procès
à tous les fujets compris dans fa commilhon, de
quelque dignité qu’ils fulfent revêtus, priver les
coupables de leurs Commanderies, fubftituer en
leurs places des Chevaliers plus dignes de les rem-
plir, transférer les Chevaliers & les Freres fervans
d’une Maifon à une autre , même les envoyer à
Rhodes, s’il le jugeoit à propos. Il étoit encore auto¬
rité par la même commilhon de recevoir dans
l’Ordre des perfonnes nobles & même les rotu¬
riers , c’eft-à-dire les Chevaliers & les Freres fer¬
vans -, de les revêtir de l’habit de la Religion, &:
Yyy lij
54* Histoire de l’Ordre
Foulques donner en particulier aux Chevaliers la cein-
DE 1
Villaret. ture militaire j ce qui établit nettement la diftinc-
tion qui avoit toujours été entre les differens
membres de ce Corps ; &c il feroit à fouhaiter
qu’on ne confondît jamais cette jufte différence
en permettant aux-Freres fervans de porter la
Croix d'or -, ce qui ne peut fervir qu’à avilir la plus,
noble portion d’un Ordre fi illuftre..
Cet a£te eft daté de Rhodes de l’an 1311 le 17-
d’Oélobre, & on voit à la tête la fignature du
Grand Maître, qui prend la qualité de Frere Foul¬
ques de VilUret > par la, grâce de Dieu (djr du S. Siégé
Apoftolique humble Maître de la fainte Maijon (dj
Hôpital de Jaint Jeun de Jerufalem y (djr Gardien
des pauvres de Jefus - Chrift : ôc au-deffous de fa
fignature, on trouve celles des Freres Thierri le
Lorgne, Maréchal; Frere Pierre de Clermont, re-
préfentant l’Holpitalier -, Frere Richard de Rave-
linck,Drapier j Frere René de Dieu, Tréforier •
Frere Philippe de Grangana, Prieur de Rome ^
Frere Martin-Pierre de Ros,. Prieur de Meiîine,
& Pierre de faint Jean, Précepteur d’Achaye.
Le Grand Commandeur & les autres Commif-
faires, en vertu de ces pouvoirs, fe tranfporterent
en France pour fe mettre en poffeflion des biens,
des Templiers. Mais ils trouvèrent de grandes
difficultez^ dit Rainaldi,, pour arracher ces biens
des mains avides de quelques courtifans, qui s’en
écoient déjà emparez. Le Pape informé des dif¬
ferens obftacles qu’on apportoit à l’execution des
decrets du Concile, en écrivit à Philippe le Bel
dans les termes les plus preffans. Ce Prince lui
de Malte. Liv. IV. 54;
répondit féchement, qu’il n’avoit confenti à cette FoT^^JES
ceflion des biens des Templiers en faveur des Hof Villaret.
pitaliers, que fur la parole que Sa Sainteté avoit ~~
donnée de travailler à une réforme néceffaire de
cet Ordre, tant dans le chef que dans les mem¬
bres ^ d’ailleurs qu’il étoit jufte qu’on prît au-préa¬
lable fur ces biens les frais qu’il avoit fallu faire à
la pourfuite d’uneii grande affaire, &c qu’il faifoit
monter à la fomme de deux cens mille livres : fom¬
me immcnfe pour ces tems-là. *
Ce ne fut qu’avec bien du tems & des peines
infinies que les Commiffaires de l’Ordre vinrent
à bout de faire lâcher prife aux Adminiffrateurs
féculiers, qui n’oublioient rien pour tourner en
propriété le dépôt qu’on leur avoit confié. Il fal¬
lut pour retirer les Commanderies des mains de
ces fang-fiies, leur donner de groffes fommes d’ar-p
gent 5 ce qui épuifa le tréfor de l’Ordre , dit S»
Antonin. **
Le Roi Philippe le Bd étant venu à mourir après
avoir donné aux Chevaliers de Rhodes l’inveftiture
des biens des Templiers , Louis le Hutin ion fils Roi & les
aîné & fon fucceffeur, demanda foixante mille li-
vres plus que n’avoit fait fon prédéceffeur -, & pour
acquitter cette fomme, Frere Leonard de Tibertis,
un des Commiffaires qui traita avec lui, confentit
w Cùm ad huiufmodi confenfum impartiendum unà cum Prælatis in Con-
ciliocongregatisfuerimus per vos mdudti,quia Sandlitas veftra difpo-
fuerat & ordinavcrat quôd per Sedeni Apoltolicam fie didtorum Hof-
pitalariorum Ordo regularetur 6c reformaretur, tam in capite 3 qucàm in
membris. Dupuy , />. 17^.
** Quia jam fuerat occupata à diverfis Dominis laïcis, oportuit quôd
illi de Hofpitali magnum thefaurum exponerent in dando Régi 6c aliis
qui occupaverant didla bona *, undè depauperata e(t manfio Hofpitalis*
quæ fe exütimabat indè opulentam fieri. Ant 3. p, t, 21. ch, 3.
544 Histoire de lOrdre
Foulques
de,
qu’il retînt par (es mains les deux tiers de l’argent des
VlLLARET. Templiers, les ornemens de leurs Eglifes , les meu¬

bles des Maifons, tous les fruits & revenus des ter¬
res, en un mot tous les effets mobiliers jufqu’au jour
que les Hofpitaliers en avoient pris poffemon. Mais
ni ce Prince ni le Roi fon pere ne profitèrent pas
feuls d’une fi riche dépouille : & il y a des Hifto-
Ü/. Dupuy,
pag. fp.
riens qui rapportent que le Pape en eut fa bonne
part.
Charles II. Roi de Naples &c de Sicile, & Comte
de Provence & de Forcalquier en ufa à peu près
de la même maniéré dans les Etats qu’i^ avoit en
France. On y brûla un grand nombre de Tem¬
pliers qui ne voulurent pas convenir des crimes
qu’on leur imputoit. A l’égard de leurs biens, M.
Dupuy nous apprend qu’on laiffa les immeubles
Nofirada- aux Hofpitaliers jmais que pour l’argent & les effets
mus Htfioire
de Prorence,
mobiliers , ils furent confifquez Ôc partagez entre
Ann. 1307. le Pape & ce Prince. Mais il paroît que le Roi de
Naples différa pendant fk vie à mettre les Hof¬
pitaliers en poffefïion des Châteaux qui fe trou>
voient dans les Royaumes de Naples éc de Sicile.
Car l’Hiftoire nous a confervé une Lettre de Clé¬
ment qui exhorte le Roi Robert fon fuccefîeur à
imiter la conduite de Philippe le Bel, &àfedé£ii-
fir promptement des biens en fond des Templiers :
d’ou on doit conclure que Philippe les avoit remis
avant fa mort auxCommiffaires. Mais le différend
au fujet des frais ne fut terminé que fous le régné
de fon fucceffeur, comme nous le venons de rap¬
porter.
Quoique le Pape, à l’inftance des Rois d’Arragon,
de
DE M ALTI, Liv, IV. 545
Foulques
de Caftille, de Portugal & de Majorque eût par d E
faBulle excepté du tranfport& de la celfion que le VlLLARET.

Concileavoit faite de tous lesbiens des Templiers


auxHofpitaliers,eeuxqui fe trouvoient dans lesEtats
de ces Princes -, cependant comme il craignoit que
fous differens prétextes ces Souverains ne s’empa-
raffentdeces biens, il excommunia par une nou¬
velle Bulle tous ceux du Royaume de Majorque,
qui dans l’efpace d’un mois ne remettroient pas
aux Chevaliers de Rhodes les Commanderies des
Templiers. En confequence de cette Bulle, pour
ne pas s’attirer les foudres de l’Eglife, Sanche Jac-
ques,fouveraindesl£lesBaleares,mit les Hofpita-
liers en poffeflionde tous les biens des Templiers.
Mais foit que cette Bulle ne regardât que ce Prince
auquel vraifemblablement le Pape l’avoit adreffée>
comme au plus foible,ou que les autres Souverains
ne paruffent pas difpofez à y déférer Roi d’Ar-
ragon n’y fit aucune attention, 8c iîchargea fes
Ambaffadeurs de dire au Pape qu’il le prioit de
ne pas étendre jufques dans fes Etats, cette union
des biens des Templiers à l’Ordre des Hofpita-
liers, 8c quil étoit obligé, pour la défenfe, 8c
pour le falut de fes fujets y infeftez tous les jours
par les Maures, de s’emparer de dix-fept Com¬
manderies des Templiers, qui étoient autant de
Places fortes -rd’y mettre des troupes pour leur dé¬
fenfe , ^de fe rendre maître en même tems des
revenus, qui y étoient affedtez pour fournir à la
fubfiftance 8c à la folde de ces garnifons.
Ce n’eft pas que les Chevaliers de Rhodes ne
fuffent aufli capables de fe maintenir dans ces pla¬
ces 8c de défendre la frontière, que l’avoient été
Tome h Zzz
j4 6 Histoire de l’Ordre
Foulques
d je"
les Templiers. Mais il paroît par toute la conduite
VlLLARET. que tinrent dans cette grande affaire les Souve¬
rains des Efpagnes, que leur vue fecrete étoit de
profiter de la dépouille des Templiers au préju¬
dice des Hofpitaliers, & de ne point fouffrir fur-
tout que leurs grands biens paffaffent à un Ordre
qui avoir un Chef 8c un Grand Maître étranger,
8c qui prétendoit même ne relever que du laint
Siégé.
Quoi qu’il en foit, après beaucoup de négocia^
tions ôc de conférences qui durèrent près de 5 ans 9
par l’intervention du Pape Jean XXII. fucceffeur
de Clement V. il fe fit un traité entre Frere Leonard
de Tibertis, Procureur général de l’Ordre, ôc Vital
de Villeneuve, Miniftre du Roi d’Arragon, par
lequel les Chevaliers de Rhodes , non-feulement
fe défifterent de leurs prétentions fur les biens des
Templiers difuez dans le Royaume de Valence,’
dépendans du Roi d’Arragon j mais ils remirent
encore au Pape toutes les Commanderies parti¬
culières de leurOrdre,qui fe trouvoie-nt fituées dans
ce Royaume, à l’exception de la feule Commande-
rie qui étoit dans la ville de Valence, 8c le Château
appellé le Torrent, que l’Ordre de faint Jean fe
réferva. Toutes les autres Commanderies, tant
celles des Hofpitaliers que des Templiers, 8c tous
les biens de cesdeux Ordres fituez dans le Royau¬
me de Valence, à la priere & fur les inijjpices du
Roi d’Arragon, furent enfuite donnez par le Pape
à l’Ordre, 8c aux Chevaliers de Calatrave , qui
établirentleur chef-lieu à Monteze • 8c en échange,
il fut dit par ce traité, que les Chevaliersd e Rho¬
des , à l’exception des dix-fept fortereffes que les
de Malte. Liv. IV. 547

Templiers poffedoient fur la frontière, &c dont f°ui.ques


le Roi s’étoit emparé, feroient mis en poffeflion Villaret.
des autres Commanderies,„ fk de tous les biens,
qui avoient appartenu aux Templiers, tant dans.
l’Arragon, que dans la Catalogne. Ce qui rendit
les Chevaliers de Rhodes fi puiflans dans ce Royau¬
me dedans la Catalogne ,.que le Châtelain d’Em-
pofte ne fuffifant pas pour en avoir la direc¬
tion, le Grand Maître de le Confeil furent obligez
de créer un grand Prieur pour cette Principautés
Si on veut felouvenir de ce que nous avons dit au
commencement de cet Ouvrage, des droits de des
juftes prétentions que les Hofpitaliers de les Tem¬
pliers avoient fur la Couronne d’Arragon en cas.
quelle vînt à vaquer par le défaut d’heritiers lé¬
gitimés,on ne peut trop admirer l’habileté de Frere:
Leonard de Tibertis, qui par ce traité , de en réu¬
nifiant les droits des deux Ordres dans l’Ordre feui
de S. Jean, fçut encore y joindre des forces capables
de les faire valoir, fi Foccafion s’enprefentoit..
Comme, la: difpofition que le Pape vouloit faire
des biens des Templiers, en faveur des Hofpita¬
liers , ne convenoit point aux vues fecretes-
de Denys Roi de Portugal ; ce Prince fe fervit
d’un prétexte honnête pour prévenir ce Pon--*
tife. Il inftitua un Ordre militaire qu’il appella 131 8°
/’Ordre de Chrifi, & il y annexa les biens que les
Templiers poffedoient dans fes Etats. Apres cet
établiflement, Renvoya des Ambafladeurs à Rome,
pour demander au Pape JeanX XII. la confirma¬
tion de ce nouvel Ordre de Chevalerie : ce que le^
Pape lui accorda..
ZZZ ip
548 H istoire de l’Ordre
Foulque s Ferdinand IV. Roi de Caftille ne prit point tant
d E
V ILLARET. de précaution : 8c quoique dans un Concile tenu

à Salamanque, les Templiers du pays euflent été


Zurita A/* déclarez innocens, ce Prince ne le fit point fcru-
C. 10U pule desemparer de leurs biens, 8c appliqua à fon
domaine des Villes confiderables, qui leuravoient
appartenu, & que le Pape avoit données aux Che¬
valiers de Rhodes.
La conduite que les Rois de Caftille, d’Arragon
8c de Portugal tinrent depuis à l’égard de tous
ces nouveaux Ordres militaires, la plupart fon¬
dez des débris de celui des Templiers, fit voir que
les preflentimens des Papes Clement V. 8c Jean
XXII. n’avoient pas été fans fondement. Car les
fucceffeurs de cesPrinces trouvèrent enfuite moïen
d’annexer à leurs perfonnes, fous le titre d’admi-
niftrateurs perpétuels, les quatre grandes Maîtrifes
des Ordres de faint Jacques, de Calatrave, d’Al-
cantara 8c de Chrift: ce qui leur produifit des re¬
venus immenfes. Pour dédommager en quelque
maniéré les Religieux Chevaliers de ces Ordres
d’Efpagne, ils obtinrent en leur faveur de la Cour
de Rome,la permiftion de fe marier,8c de fubfti-
tuer à l’habit régulier qu’ils dévoient porter, une
fimple Croix d’or avec des émaux, conformes à
l’ancienne couleur de leurs habits religieux.
Edouard 11. Roi d’Angleterre en ufa d’une ma¬
Pr e u v e
X. niéré plus noble 8c plus défintéreffée à legard de
l’Ordre de S. Jean. Les Templiers, outre une Com-
manderie confiderable qu’ils avoient dansLondres,
poftedoient encore des biens immenfes dans toutes
les contrées de ce Royaume, 8c le Prieur de Lon-
de Malte. Liv. IV. ^49

dres avoit entrée dans le Parlement en qualité de Foulques,


d E
premier Baron d’Angleterre. Edouard ayant appris VlLLARET.

que le Pape &le Concile avoient fubilituéles Che¬


valiers de Rhodes aux Templiers, ordonna à fes Walfîng. in
in Edouard
Officiers par fes Lettres, dont l’original fe confer- IL p. yy.
ve encore aujourd’hui à la Tour de Londres, de
mettre enpoffeffionde tous ces biens Frere Albert
de Château-noir, ou l’Allemand, grand Com¬
mandeur, & chef de laCommiffion que le Grand
Maître ôc le Confeil avoient établie pour les re¬
cevoir, conjointement avec Frere Leonard de Ti-
bertis, Prieur de Venife, & Procureur général de
l’Ordre en Cour de Rome. Ce Prince par d’autres
Lettres qui fe confervent au même endroit, ôc
& dont on trouvera la copie à la fin de ce Livre,
ordonne à tous les Vicomtes de preffer l’execution
de fes ordres, d’employer toute l’autorité de leur
miniftere pour protéger les Procureurs de faint
Jean, & pour leur faire remettre non-feulement
les fonds de terre, mais encore les fruits & le bled
qui en feroient provenus : ce qui fait voir que ce
Prince n’y voulut prendre aucune part au préju¬
dice des Chevaliers de Rhodes.
A l’égard de l’Allemagne, les Hiftoriens de cette
Nation rapportent que le Pape Clement V. ayant
envoyé à l’Archevêque de Mayence , la Bulle qui
profcrivoit l’Ordre des Templiers, pour la publier,
ce Prélat convoqua tout ion Clergé pour faire
cette publication plus folemnellement, & qu’on
fut bien furpris de voir paroître dans cette anem-
blée, le Waltgraff, ou Comte Sauvage, un des pre¬
miers de cet Ordre, accompagné de vingt autres
Z z z iij
550 Histoire de l’Ordre
Foulques
d E
Templiers armez fous leurs habits réguliers, &que
VjLLARET. l’Archevêque, (oit par efprit de charité, ou par
un fèntiment naturel de crainte, les reçut avec des
maniérés honnêtes. Ils ajou tent que le Prélat invita
même le Comte à prendre féance dans l’affemblée*
que le Comte de ion côté lui déclara quil n’étoit
point venu pour faire violence à qui que ce fût *
mais qu’ayant appris qu’il étoit chargé de publier
une Bulle du Pape contre leur Ordre, il requeroit.
qu’on eût à recevoir, lire 6c publier l’appel qu’il?
faifoient de cette Ordonnance au futur Concile,,
6c au fucceffeur de Clement.,L’Archevêque, pour
éluder (a demande, répondit qu’il y aviferoit ^ mais
les Templiers le prefferent fi vivement , que ce
Prélat ne jugeant pas à propos de refufer des gens\
qu’il voyoit armez 6c en colere , fit lire publique¬
ment leur appel. Il l’envoya enfuite au Pape, qui.
lui manda de le faire examiner dans un Concile
de fa Métropole. Ce Synode fut affemblé, 6c apres'
Mutins in differentes formalitez qui s y obferverent, les Tem¬
chron. I. 22. pliers de cette Province furent déclarez innocens
p. 211.
des crimes qu’on leur imputoit.
Serrarius in Cependant, comme tout ce grand Ordre fut.
chron. Mo-
gunt. I. s. p.
éteint dans la fuite, on n’eft point inftruit de ce
8jo. ■ que devinrent fes ,biens en Allemagne. Il paroîr
feulement par des Hiftoriens de cette Nation
que les Chevaliers de Rhodes 6c les Chevaliers
Teutoniques les partagèrent. Il eft affez vraifcm-
blable que ces deux Ordres militaires firent depuis,
entr’eux des échanges de quelques-unes de leurs*'
anciennes Commanderies, apparemment à titre:
de compenfationj car les Teutoniques font ac~-
de Malte. Liv. IV. jji
tuellement en poffeflion de la Commanderie de Foulques
DE
Marga , que les Allemands appellent Mergen- VlLLARET

■theim, & les François, Mariendal, quoiqu’il foit


confiant par l’Hiltoire que les Hofpitaliers en
etoient les fondateurs j qu après la perte de l’an¬
cienne Margat fitue'e dans la PalelFine, des Hof¬
pitaliers Allemands l’avoient fait construire fur le
même modèle , -& qu’ils lui donnèrent ce nom Tantaleon
de Margat ou de Mergentheim, qui veut dire, hift. foaa.

Maifon de Marie, pour conferver la mémoire


d’une Place qui depuis la perte de Jerufalem êtoit
devenue le Chef-lieu de tout l’Ordre,

Fin du quatrième Livre.


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DISCOURS
SUR LA LC O R AN,
"Prononcé dans t Academie des belles Lettres le Mardi
14 Novembre 17x4, d toauerture de t Academie^
par Monjteur b Abbé de Vertot.

D E toutes les fcienees qui occupent le loilTr des hom¬


mes, il n’y en a point de plus agréable, ni de plus
utile que la connoilTance de l’hiîloire. Quelle fatisfa&ion
pour un leffeur de voir palier fous fes yeux, 6c comme
fur un grand théâtre, la fuite de tous les fiecles, les ré¬
volutions des plus grands Empires, des Législateurs, des
Conquerans, les auteurs mêmes de differentes Religions,
autre efpece de Conquerans ^ enfin tous ces hommes fa¬
meux, qui par leur valeur, ou par leur fcience 6c leurs
talens, {emploient avoir entrepris de changer la face en¬
tière de l’Univers !
Malgré tous leurs manifeftes , 6c de quelques couleurs
dont ces hommes vains 6c ambitieux, ou leurs partifans
ayent mafqué leurs projets, le temps en a fait tomber le
fard, la vérité enfin fe découvre ^ l’hiftoire. dégagée des
préjugez de parti pénétré dans les motifs les plus cachez.
On y voit que le defir d’une injufte domination dans
les uns, l’amour déréglé des richeffes ou des plaifirs dans
les autres , quelquefois dans les Sçavans un fentiment de
vanité 6c l’efperance de fe faire un grand nom, ont prefi-
que toujours été les refforts fecrets qui les ont remuez :
6c c’eft de la plupart de ces grands exemples, 6c qui tien¬
nent lieu d’une expérience anticipée, qu’on peut appren¬
dre que les entreprifes injuftes, même les plus heureufes .
6c que les opinions nouvelles 6c erronées attirent à la fin
le mépris des fiecles fuivans, 6c que la vérité feule mérité
Tom. Z. A aaa
55:4 Discours sur l’Alcoràn.
d’être célébrée dans tous les climats 6c par tous les Hî-
ftoriens.
Cependant avant que d’abandonner entièrement notre
créance fur la foi de ces Ecrivains, il eft bien jufte d’exa¬
miner leurs ouvrages par les réglés d’une fage critique ,
efpece de flambeau qui nous conduit furement dans les
routes obfcures de l’antiquité, 6c qui nous fert à diftin-
guer le vrai du faux , 6c la noble flmplicité de l’hiftoire ,
du merveilleux de la fable , 6c de ces vains ornemens dont
on pare le menfonge 6c l’erreur.
Pour s’afliirer de la vérité des faits que rapportent les
Hiftoriens, 6c fur-tout les plus anciens, il faut examiner
avec foin le texte de leurs ouvrages, s’il n’a point été in¬
terpolé , les differentes leçons des manuferits , l’unifor¬
mité , ou la différence du ftile, de quel pays l’Auteur étoic
originaire, le fiecle auquel il a vécu, l’ordre qu’il a ob-
fervé dans la chronologie. On fçait qu’il ne faut qu’une
date anticipée ou reculée, pour changer de nature les mê¬
mes faits, ou du moins les conféquences qu’on en peut ti¬
rer : enfin on doit s’inftruire du nom , de la Religion 6c
des mœurs d’un Ecrivain. Et quand il feroit anonyme, ou
pfeudonyme, la plupart de ces Auteurs fe decelent eux-
mêmes dans leurs ouvrages * ils s’y font peints fans s’en
appercevoir, 6c il échappe à leur plume des traits qui les
découvrent, 6c qui repréfentent leur caraétere plus fidè¬
lement que toutes les Critiques ou les Apologies que l’on
a compofées contre leurs ouvrages , ou en leur faveur.
C’eft par le fecours de ces differentes réglés de la cri¬
tique , que j’entreprens d’examiner quel eft le véritable
Auteur de l’Alcoran, les motifs qui ont pu le déterminer
à le publier • fï c’eft l’effet d’une infpiration , ou l’ouvra¬
ge d’un homme feul aidé du fecours de plufieurs Sçavans j
enfin les differentes fortunes de ce livre, 6c s’il n’a pas
efliiyé par la fuite des temps differentes variations , 6c
changé plus d’une fois de principes 6c de maximes.
Il y a trois opinions differentes au fujet de l’Auteur de
l’Alcoran. Mahomet 6c fes Sectateurs l’attribuent à Dieu feul:
quelques Ecrivains Chrétiens en font auteur le prince des té¬
nèbres, transformé en Ange de lumière, 6c qui prit le nom de
Discours sur l* A l c o r a n. y^f
Gabriel 5 d’autres prétendent que ce livre compofé de dif-
ferens padages de l’ancien 6c du nouveau Teftament, a été
compilé par Mahomet, qui dans l’execution de Ton pro¬
jet fut aidé par un Rabin, 6c par plulîeurs Chrétiens de
differentes Se&es : c’eft ce qu’il faut examiner.
La première fyllabe du mot Alcoran n’eft qu’un arti¬
cle , 6c on pourroit aufii-bien dire le Coran, terme Ara¬ Voyez. Ma-
racci, p. 33,
be , qui lignifie ledure ou écriture. Il n’y a perfonne qui
ne fçache que c’eft un livre dans lequel la Religion des
Mufulmans eft comprife & qui eft révéré parmi eux,
comme l’Ecriture fainte l’eft parmi les Chrétiens. Les Turcs
appellent aufii ce livre el forcan 3 c’eft-à-dire, qui diftingue
le bien d’avec le mal ; c’eft une prétendue conférence de
Mahomet avec Dieu 6c les Anges, dont il dit qu’il a re¬
çu fa loi. Ali coufin germain 6c gendre de Mahomet ,
pour relever le mérité de ce livre divin, publioit que les
Fidèles y trouvoient l’hiftoire des fiecles précedens , des
loix pour la conduite de la vie prefente, 6c des predidions
fures pour l’avenir. Leurs Prédicateurs le portent en chai¬
re avec eux -, ils le tiennent ouvert Stenlifent de temps en
temps quelque verfet pour leur Servir de texte. Leur
Théologie poiïtive 6c la fcholaftique ne font appuyées
que fur des paftages de l’Alcoran, qui leur fert encore de
prières, 6c dont leurs prêtres recitent chaque jour un cha¬
pitre dans la Mofquée.
Ce livre fi merveilleux ne parut que vers le commen¬
cement du feptiéme fiecle. Mais ceux qui en ont embrafle
la dodrine, fondez fur le chapitre 97 du même ouvrage, Laus Deo 3,
ait MahmucL
foutiennent qu’il eft de la mémo date que la création du fîlius Omar ,
monde ; que l’original de ce livre fut détaché du grand qui demi fit è
livre des decrets éternels $ qu’il fut mis en dépôt dans le cœlo Alcora-
num.
ciel de la lune, 6c que c’eft de cette planette 6c de ce ciel, Maracci, pag»
que dans des temps marquez par la Providence , il fut 34.
apporté par l’Ange Gabriel à Mahomet, qui ne fçavoit
ni lire ni écrire.
On croiroit volontiers qu’on n’a pas pu pouiïèr la fable
plus loin. Cependant des Théologiens Sonnites 3 6c qui
parmi ces Infidèles fe regardent comme les feuls orthodo¬
xes , ont par de nouvelles vifions renchéri fur cette origi-
A aaa ij
$<;6 Discours sur l’Alcoran.
gine fabuleufe , 6c ils enfeign oient hautement que î’Alco-
ran étoit incréé, éternel, 6c qu’il faifoit partie de l’eflen-
Algxzel ïn ce divine : Si quis dixerit Alcoranu?n cjfe creatum, eft infi-
^MahmneÜel* ^elis, ainfi que le rapporte le Traducteur latin de l’arabe
profit et ur Al- Alga^el ; opinion qui fut corcibattue depuis 6c fous le re-
coraimm efe gne des Çalifes Ab b affidé s par d’autres Théologiens Mu-
fiftentemejjtfr. fulmans, appeliez Mort axiales , qui ojjpofoient à cette ef-
ttdiki. pece d’anathême , un femblable conçu prefque dans les
v. Maracci , mêmes termes : Infidelis eft qui dicit Altoranum effe ster¬
num feu increatum. Cette dilpute produilit un grand fchif.
me 6c des guerres civiles qui coûtèrent la vie à plufieurs
partifans des deux opinions.
La feule chofe en quoi ils convenoient, c’efl que ce li¬
vre, foit créé , foit éternel, mais toujours émané du trô¬
ne de Dieu, 6c plein de fon efprit, meritoit le refped 6c
la vénération de tous les hommes. Et on lit encore au¬
jourd’hui à la tête de Ja plupart des exemplaires, ces mots
en forme d’avertifiTement : Qu’il n’y ait que les purs qui
ofent toucher à ce livre : car c’eft un prefent defcendu du
Ciel 6c envoyé de la part du Roy des fiecies ; ne attingant
eum ni fi purificati.
Voilà donc les hommes, au fentiment des Mahometans,
bien nettement exclus de la qualité d’auteurs de cette loi
nouvelle. Mahomet fondé fur l’excellence de cet ouvra¬
ge, avoir publié que ni les démons, ni les hommes, quand
même ils joindroient leurs talens, n’étoient pas capables
de faire rien qui approchât de la perfe&ion de l’Alcoran :
Si fimul congregarentur hommes & dœmones ut facerent ali-
quid fimile huic Alcorano 0 nunquam id ejficcre po.fjint ^ ctiam-
fe mutu'o fe fie ad hoc adjuvaretit. Sura 17.
La plupart des Ecrivains Chrétiens prétendent au con¬
traire que le diable efl le vrai auteur du Mahometifme ,
6c qu’il ne s’eft fervi de Mahomet que comme d’un infini¬

ment pour fonder une faufle Religion fur les ruines du


Chriftianifme. Ce fut,à les en croire,le démon qui lé prefénta
à Mahomet fous le nom 6c fous la figure de l’Ange Ga¬
briel j ou fi l’on veut fous la figure d’un pigeon, que Ma¬
homet avoir drefié à lui venir becqueter l’oreille : preuve
que ce faux Prophète étoit un impofteur, qui 11e fe fer-
D I S C O Ü RS SUR i’Alcoran. 515:7
voit de la Religion que comme d’un expédient pour s’a¬
grandir. Son deflein étoit de réunir toutes les Religions
qui avoient cours dans l’Arabie en un feul corps, &: de fe
faire de fes Se&ateurs, des fujets qui fe foumiflent à fa do¬
mination. Il y avoit de fon temps dans l’Arabie trois for¬
tes de Religions, des Idolâtres, des juifs&; des Chrétiens $
& parmi ces derniers les uns étoient Catholiques , & les
autres Schifmatiques. Dès le temps de l’Empereur Juflin
le Chriflianifme étoit établi dans l'Hyemen 3 & cette Egli-
fe dependoit de la jurifdiélion du Patriarche d’Alexandrie,
aufli -bien que celle des Abiffins,
L’Arabie Petrée depuis la Palefline jufqu’au Golphe
d’A-yala , ôc tout le refte de la côte jufqu’aux confins de
l’Egypte, étoit foumife à la domination des Romains. L’Ara¬
bie deferte reconnoifToit le même Empire , du moins pour
la partie qui avoifînoit la Syrie & la Palefline, & dont Boftra
étoit alors la capitale. On prétend que l’Empereur Philippe
en étoit né. Ce n’étoit anciennement qu’un Château bâti
par quelque Prince Arabe : l’Empereur Severe en fit une
Ville où il mit une Colonie: il fe tint à Boftra un Concile
au fujet de Bercellus fon Evêque , qui étoit tombé dans
l’herefie de ceux qui nioient l’Incarnation du Verbe : ce fut
vers l’an 149.
La plupart des habitans des trois Arabies étoient Ido¬
lâtres , êc fe difoient tous iflus d’Abraham par Cedar fils
d’Ifmaël. Le do&e Levinus Warner us dans un ouvrage
qu’il avoit compofé fur les mœurs des Arabes avant le Maho-
metifme,a prétendu que 1 esCoriftens ou Corrifchites la plus no¬
ble Tribu de cette grande prefqu’Ifle, s’étoient prefervez de
l’Idolâtrie 5 que depuis Ifmaël ils avoient obfervé conflam-
mentla circoncifion j qu’ils faifoient de frequentes prières,
d’abondantes aumônes, & que les plus dévots ne buvoient
point de vin. La Ville de laMecquepar rapport à la Reli¬
gion étoit confiderée comme la Métropole des Arabes
Payens. Un ancien Temple appellé 1 zCaaba^ que la tradi¬
tion faifoit croire bâti par Abraham , y attiroit de toutes
les Provinces une foule de Pèlerins. Ils faifoient ces pieufes
courfes en mémoire des voyages de ce Patriarche, & facri-
fioient fur les montagnes voifines de la Mecque le premier*
Aaaaiij
5SB Discours sur l’Alcoran.
ne d’un chameau. C’étoit peut-être la partie Ja plus eiïen-
tielle de leur culte, 8c il ne leur étoit guéres relié qu’une
idée confufe du Dieu d’Abraham. On trouve dans la mu¬
raille du Caaba une pierre noire que l’Ange Gabriel, difent
les Mahometans, apporta du Ciel toute blanche au com¬
mencement du monde, mais que les péchez des hommes
ont noircie. Les Turcs dans leurs pèlerinages révèrent avec
beaucoup de fuperftition cette pierre myfterieufe. Mais il
ne faut pas croire que Mahomet ait inventé ces ceremo¬
nies: elles étoient avant lui h anciennes parmi les Arabes,,
qu’il n’y auroit pas eu moyen de les guérir de cette fuper¬
ftition , quand même Pimpofteitr en eut formé le deiïein.
Les Arabes Idolâtres reconnoiftoient à la vérité un pre¬
mier Etre, unique 8c fouverain créateur de toutes chofes 5:
mais ils en faifoient pour ainfi dire unedivinité oifive fans pro¬
vidence : 8c dans leurs befoins ils s’adrefloient à des genies
fubalternes 8c à des efpeces de déeffes : telles étoient parmi
ces Ifmaelites modernes Allath Menach 8cAluzga> qu’ils
réveroient comme les filles du grand Dieu.
Quelques Arabes fujetsdes Perfesenfuivoient là Religion
^ adoroient feu. Il y avoir encore d’autres efpecesd’Ido-
"g. 5 3.Æ lâtres appeliez Sabiens, qu’il faut diftinguer des anciens Sa-
bécns 3 8c qui réveroient certains genies qu’ils plaçoient dans
les planettes 8c dans les étoiles. D’autres bornoient leur
culte aux aftres mêmes qu’ils adoroient* 8c quelques-uns
plus grofîiers, fans s’élever fi haut, s’attachoientà desfîmu-
lacres qui repréfentoient les differens attributs de ces aftres :
8c le Caaba ou le grand Temple fe trouva infenfiblement
rempli de cette foule d’idoles, dont Mahomet par la fuite
des temps le purgea.
A l’égard des Juifs, depuis que les Empereurs Tite &
Adrien les eurent chafTez de Jerufàlem , un grand nombre
de cette malheureufe nation s’étoient réfugiez dans l’Ara¬
bie , contrée voifine de la Paleftine. Ils s’y étoient multi¬
pliez confiderablement : mais la plupart étoient moins at¬
tachez à la Loi de Moyfè 8c au texte facré de la Bible,
qu’aux rêveries de leurs Rabins 8c des Talmudiftes.
Les Arabes Chrétiens Envoient le rit grec. Il y en avoir
peu de Catholiques : la plupart étoient devenus Eutichiens
Discours sur l’Alcoran y 5-9
ou Jacobites. On trouvoit encore parmi eux d’anciens
Sedaires de la dodrine d'Ebion & de Cerinthe , Herefiarques
qui vivoient dans le premier lîecle de l’Eglife, 6c du temps
de l’Apôtre faint Jean.
Il y avoit aulîî des Arriens, des Neftoriens 6c des Cophtes,
efpece d’Eutichiens : mais indépendamment du culte exté¬
rieur de ces differentes Religions, une corruption prefque
générale, êc une égale ignorance regnoient parmi tous ces
Arabes 3 6c le Juif 6c le Chrétien n’étoient guéres diflin-
guez que par la circoncifion ou par le baptême.
Si on examine le gouvernement civil, on trouvera qu’ou¬
tre certaines contrées qui relevoienc fbiu-de l’Empire des
Grecs, foit de la domination des Rois de Perfe , l’Arabie
avoit eu autrefois fes Souvèrains particuliers, pokoke dans
fes notes fur A bul-farœge Auteur Arabe, 6c Jacob ite de Re¬
ligion , nous a confervé les noms de ces Princes, mais fans
avoir marqué ni les lieux où ils commandoient, ni la durée
de leur régné. Et dans le feptiéme fiecle, 6c du temps de
Mahomet, on ne trouve dans l’Arabie Petrée pour Souve¬
rains , 6c foit à la Mecque, foit à Medine, les deux prin¬
cipales Villes de cette Province, que les Chefs de chaque
Tribu , qui étoient en même temps les Capitaines 6c les
Magiftrats de ces petites Republiques.
Cette pluralité de Chefs independans les uns des autres,
6c la diverfité de culte 6c de Religion , parurent à Maho¬
met des conjondures favorables pour l’établifTement 6c le
fuccès de fes defleins. On a pu voir au commencement de
cet Ouvrage le portrait qu’Elmacin nous a laifTé de Ma¬
.
pag. 4 & 9}
homet. Sa conduite, le peint encore mieux. C’étoit un hom¬
me avide de la domination 6c des plaifirs, d’un genie fupe-
rieur, 6c qui foit par fon éducation, ou par la force deîbn
raifonnement , connut tout le ridicule de cette foule de
Divinitez que le peuple avoit confacrées : 6c s’iln’avoit pas
eu la vanité de faire croire qu’il entretenoit un commerce
étroit avec Dieu par le miniftere de l’Ange Gabriel, il n’au-
roitpasétéchafféde la Mecqueparle Magiftrat. Mais comme
il vouloit jouer un rôle extraordinaire , 6c qu’il n’avoic ni
million ni miracles pour s’autorifer, il fut obligé à la fin
de joindre à la force du raifonnement celle des armes, 6c
56o Discours sur l’Aecoran;
a établir fon fyftême l’épée à la main , 6c fur des révéla¬
tions dont il fe faifoit lui-même le miniftre 6c le héraut.
Pour y parvenir il aiïocia d’abord à fon dellein un fçavant
Juif, Rabin dans fa fe&e , appelle par Elmacin, Salman.,
Aldieti Ben-
Perfan de nation. Mais celui dont il tira plus de fecours,
Salon. Cantat.
Orat. i. con¬ fut un Moine Neftorien appeilé par les Hiftoriens d’Occi-
tra Mahome- dent Scrgzus 3 6c par les Orientaux Bahira, Apoftat de fa
tem. Tracl.
Fr. Rie. c. 6. Religion , 6c qui avoit été chafle de fon Monaftere pour la
&l-$.Theoph. mauvaife conduite. Tels furent les Archite&es que Maho¬
Zonaras For-
t ali tint» fi dsi..
met employa pour fabriquer le nouveau fyftême qu’il mi-
I. 4. nutoit. Le Juif lui fournilfoit differentes hiftoires de l’ancien
Teftament mêlées avec les chimères 6c les rêveries du T al-
mud3 6c aufquelles Mahomet, pour en rehauffer le merveil¬
leux, ajouta encore de fon invention des circonftances tou¬
tes fabuleufes, 6c telles qu’on les peut voir dans l’Alcorarr.
Il tira en même temps du Moine Neftorien la connoiffance
du nouveau Teftament, 6c de la discipline de l’Eglife : tout
cela altéré 6c corrompu par des fables qu’on trouvoit dans
des Evangiles fuppofez , 6c dans des Livres apocriphes^ 6c
il paroît par l’Alcoran que l’hiftoire de l’enfance de J e s u s
6c de la race de Marie, ne lui avoit pas été inconnue.
Quoiqu’il en foit du nom des Juifs 6c des Chrétiens qui
ont travaillé conjointement avec Mahomet à forger l’AL
coran , il eft certain que ce livre contient tant de particu-
laritez de l’ancien 6c du nouveau Teftamentqu’il faut
nécefiairement que Mahomet né Payenqui avoit vécu,
dans l’Idolâtrie jufqu’à lage de quarante ans , d’ailleurs
homme fans aucune littérature, 6c qui ne fçavoit ni lire ni
écrire, ait été conduit dans la compofition de l’Alcoran
par quelque Juif, 6c par un Chrétien , l’un 6c l’autre fçavans
dans leur Religion, 6c qui fur le plan qu’il s’étoit formé
lui ayent fourni ce nombre infini de faits hiftoriques 6c de
pafiages, dont fon livre eft rempli:
Bien.tôt foutenu par quelques difciples , il ne fit plus
myftere de fa doctrine. Il s’érigea publiquement en prédi¬
cateur } il preféntoit au peuple l’Alcoran comme un livre
divin j 6c qui lui étoit venu du Ciel : 6c quoique fans aucune
littérature, comme nous l’avons dit,il fe faifoit fuivrepar
la pureté de fon langage, par le tour 6c la noblefle de fes
> exprelfions
w

Discours sur u’Alcoran, $6i


expreffions, de par le foin qu’il affe&oit d’imicer dans l’Al-
coran, tantôt le fublime qui fe trouve au commencement
de la Genefe , 6c tantôt le pathétique des Prophètes de
l’ancien Teftament.
Si Moyfe rapporte que Dieu dit : Que la lumière fe faffe,
& la lumière fe fit ; que la terre fe faffe 3 & la terre fut faite '•>
paroles qu’un Philofophe Payen appelle Longin, a pro-
pofées comme un modèle du fublime , de qui marquent fi
bien la puiflance du Créateur de l’obéiiïance de la créature,
Mahomet à l’exemple du Legiflareur des Juifs, parlant dans
le Chapitre Houd de la ceifation du déluge , fait dire à
Dieu : T erre engloutis ‘les eaux, > Ciel reprens celles que tu
as verfèes. L’eau s’écoula auffi-tôt, continue le faux Pro¬
phète 5 le commandement de Dieu fut accompli ; l’arche
s’arrêta fur la montagne, de on entendit une voix qui crioic
du haut des Cieux : Malheur aux mcchans. Ceux qui en¬
tendent la Langue Arabe , conviennent que Mahomet ne
s’eft pas beaucoup éloigné dans fon expreffion de la beauté
de l’original qu’il tâchoit d’imiter, de que lès termes fur-
tout font bien choihs de heureufement placez. Prideaux
Auteur Anglois avoue qu’à l’égard du Hile de de la pureté
du langage, l’Alcoran eft le modèle le plus parfait que nous
ayons de l’élegance dans la langue des Arabes. Le faux
Prophète excelloit dans des penfées brillantes, de fur-tout
dans des peintures de des deferiptions très-vives qu’il fait
des récompenfes de des peines de l’autre vie. De tous les
motifs qui peuvent remuer les hommes ^ il n’employoit gué-
res que l’efperance de la crainte.
S’il s’agiiïoit du paradis, comme il parloit à des peuples ^ e 4;
brûlez de l’ardeur du foleil, de qui habitoient fous la Zone 36. 37. 43•
torride, il leur repréfente ce lieu de félicité comme un jar- 47> 78*
din où couloient des fontaines de des liqueurs rafraîchiflàn-
tes, planté d’arbres toujours verds, de qui porteraient en
tous temps des fruits délicieux. Et pour la fatisfaclion des
hommes fenfuels de voluptueux , dans un pays où au rap¬
port d’Ammien Marcellin, il n’eft pas croyable avec quel
emportement les hommes & les femmes s’abandonnoient à
l’impudicité , lncredibile eft quo ardore apud eos in venerem jr, I4t c ^
uterque folvitur fexus j Mahomet pour les féduire promet
Tome I. Bbbb

%
562 Dis co tf R s sur l’Al coran.
aux hommes que les pépins des fruits qu’ils mangeront dans
le paradis, fe changeront en autant de jeunes filles d’une
beauté divine, créées exprès pour leur félicité, fi douces
6c fi complaifantes, que fi une goûte de leur falive tomboit
dans la mer, elle feroit capable d’en enlever toute l'amer¬
tume; 8c quoique dans un ufage frequent du mariage toujours
vierges 8c jamais meres.
Uotting. Hijl. Si cette dodrine flatoit des hommes fenfuëls, des femmes
Orient. I. l.
âgées au contraire, 8c qui par - là le croyoient exclues de
c. 4.
ce lieu de délices , en furent allarmées. Une d’entre-elles*
à ce qu’en dit Lamay dans fon Lathaif, en porta des plain¬
tes au Prophète , qui pour les rafiurer lui dit, qu’elles
reflufeiteroient toutes à l’âge de quinze ans, 6c avec une
beauté parfaite 5 ce qui confola 8c réjouit les vieilles 8c
les laides.
Par oppofition au paradis, Mahomet repréfente l'enfer
Aie. c. 7. comme une fournaife ardente , couverte 6c environnée en
37* 43. 44- tout temps de nuages épais, 8c d’une fumée chaude 6cfalée.
47
» 5®* 74.
77. 78. 90. Pour rafraîchifiement il fait avaler aux damnez une liqueur
noirâtre toujours brûlante femblable à de la poix fondue ,
qui circulera dans leurs veines : 6c il ne laifie à ces mal¬
heureux pour ombrage qu’un certain arbre qu’il appelle
Zacowm , dont les fruits, dit-il, repréfentent des têtes de
diables.
Il effc aifé de voir au travers de toutes ces fables , que
ces fontaines du paradis de Mahomet, font empruntées de
ces paroles de l’Ecriture,qui dit: Que les élus feront abreuvez
d’un torrent de délices , de torrente voluptatis potabis cos :
8c à l’égard de ces jeunes perfonnes deftinées à leurs plai-
firs, tout cela a été formé fur le plan du paradis terreftre
de Cerinthe, qui afiiiroit qu’après la réfurredion générale,
il y auroit à Jerufalem 8c dans la Paleftine un régné tenu
porel de Jésus-Christ ; que les hommes alors jouiroienc
pleinement des mêmes plaifirs dont ils fe feroient privez
pendant leur vie , 8c que le jour de leurs noces dureroit
pendant mille ans entiers.
A ne confulter fimplement que le texte de l’Alcoran, 8c
à le prendre à la lettre, rien n’efl: plus greffier que ces pro-
mefîes ? qui n’ont pour objet que la fatisfadion des fens.
Discours sur l’Alcoran. 563
Aufli Mahomet voyant bien que cette forte de béatitude
ne fatisferoit pas les efprits éclairez , pour contenter les
uns 8c les autres, il ajoute dans le chapitre intitulé Jonas}
Que dans ces jardins de délices les bienheureux répéteront
fans cédé ces paroles : Vous êtes Saint 3 Seigneur , notre
Dieu 3 & louan te éternelle au Maître de toutes les créatures.
Et le Schéikb Alalem s’écrie : Le paradis 3 Seigneur, nef
fouhaitable que pareequon vous y voit ; car fans l'éclat de
votre beauté il nous feroit ennuyeux j ce qui peut faire croire
que ces differentes peintures des plaifîrs fenfuels 8c des peines
corporelles de l’autre vie n’étoient que des allégories dont
Mahomet envelopoit fes difeours ^ figure familière aux
Orientaux , 8c qu’il ne faut pas toujours prendre à la lettre
félon certains do&eurs de cette Sede. Ce qui a fait dire à
un Mufulman fpirituel ôc dévot : O vous qui me conviez^ à
jouir des délices du paradis, ce nef pas le paradis que je cher¬
che , mais feulement la face de celui qui a fait le paradis.
Quelque foin que prît Mahomet d’ajufter le plan de fon
paradis aux goûts differens des hommes , entreprife qui
n’étoit pas aifée, 8c comme d’ailleurs il n’ignoroit pas qu’en
matière de Religion, tout ce qui porte le caradere de nou¬
veauté efi: juftement fufped , il déclare dans l’Alcoran
qu’il prétend moins annoncer une nouvelle loi, que de faire
revivre celle que Dieu avoir donnée à Adam 8c aux pre¬
miers hommes, 8c qui par Noé 8c fes defeendans étoit paffée
à Abraham 8c à Ifmaël leurs ancêtres : Loi, dit-il, plus
ancienne que ni celle des Juifs, ni celle des Chrétiens,
Il ajoute que cette loi quoique divine avoir été altérée 8c
corrompue par les fuccefleurs des Patriarches , qui avoient
fubftitué au culte du vrai Dieu des Simulacres 8c des/ldoles,
dont ils avoient fait l’objet de leur Religion 5 que Dieu
pour ramener les hommes de leurs égaremens leur avoir
envoyé d’abord un grand Prophète appellé Moyfe, qui
leur avoir donné de fa part une nouvelle loi, 8c que ce
Prophète avoit autorifé fa miflîon par des miracles écla-
tans j mais que le peuple d’Ifraël auquel il étoit envoyé,
avoit dans la fuite des temps préféré à une loi fi fainte des
traditions humaines, 8c que plufieurs fois cette nation étoit
retombée dans l’Idolâtrie..
B b b b ij
564 Discours sur t’AtcoRAï.
Que le Souverain Créateur des hommes dans des temps
marquez par fes décrets éternels avoit fufeité un fécond
Prophète plus grand que Moyfe, appellé J e s u s , fils de
Marie , conçu, dit-il, par un foufle divin, fanspere comme
Adam, 6c d’une mere toujours vierge : mais que quoique
ce nouveau Prophète n’eût publié qu’une loi remplie de
douceur 6c de charité, 6c que pour la faire recevoir il eût
fait à la face de toute la Judée des miracles furprenans,
cependant que fa million malgré tous ces miracles n’avoic
pas eu un fuccès plus heureux que celle de Moyfe $ que les
Prêtres 6c les Pharifiens l’avoient voulu fait mourir ; mais
que dans le moment de fon fupplice 6c de fa paillon Dieu
l’avoit enlevé au Ciel 6c dérobé à la fureur de (es enne¬
mis : autre fable encore empruntée en partie de la doctri¬
ne de Cerinthe. Mahomet ajoute que les Chrétiens
depuis fon Afcenfion avoient altéré fa loi, qui s’étoit per¬
due par de faulTes interprétations, 6c qu’elle n’étoit plus
canonique. Qu’enfin Dieu l’avoit envoyé comme fon der¬
nier Prophète, 6c plus grand que Moyfe 6c que J e s u s ,
pour purifier la Religion des fables que les hommes fous
le nom de traditions 6c de myfteres y avoient introduites,
6c pour les réduire tous dans l’unité de creance 6c dans
l’obfervance de la même loi , dont il n’étoit que le mi-
niltre 6c le porteur des ordres du Ciel.
C’eft de ces difFerens principes que l’habile impofteur
avoit bâti fon fyftême. Le Juif lui avoit fourni celui de
Ne confie! e- l’exiftence d’un feul Dieu, mais fans multiplication de per-
rerez - vous
fonnes : il défend expreflèment dans l’Alcoran qu’on at¬
jamais que
Dieu eft feul tribue à Dieu ni fils ni filles j 6c par cette défenfe il don¬
& fans pofte- ne l’exclufion aux trois prétendues Déefîès des Arabes
rité . . .
Joué Toit Dieu
Idolâtres, 6c il ruine en même temps le myftere de la Tri¬
il n’a ni fils ni nité 6c le mérité de la pafiion de J e s u s-C hrist.
filles autres Il paroît qu’il avoit tiré ce premier axiome de l’unité
que les gens
de bien qui de Dieu , des paroles du Deuteronome où. il eft dit : Ecou¬
l’adorent, & te 3 Ifraël, notre Dieu efi un j ce qu’il a parodié par ces
qui obfervent
les Coramati-
paroles arabes la illach, illalach , il n’y a point d’autre
demens. uilc. Dieu que Dieu ^ 6c pour recommander en même temps fa.
c- 37- vers la million, il ajoute dans la même langue, ou, Mahammeâ
fin.
refont, 6c Mahomet eft l’envoyé de Dieu : autres paroles
Discours sur l’Alcoran. 56;
vifiblement copiées d’après celles qu’on lit dans l’Evan¬
gile de faine Jean : C’eft-là la vie éternelle, qu’ils vous re-
connoilîent feul vrai Dieu 6c J e s u s-C hrist que vous
avez envoyé, & quem mifîfti filium. Mahomet pour le
concilier les Juifs 6c les Chrétiens , empruntoit également
des faits 6c. des pallages de l’ancien 6c du nouveau Tefta*
ment.
Ce fut par complaifance pour fes compatriotes, 6c fur-
tout pour les Juifs Arabes, qu’il retint l’ufage de la cir¬
concilion , quoique dans i’Alcoran il n’en foit fait aucune
mention • mais depuis plufieurs fiecles cette pratique étoit
déjà établie indifféremment parmi la plupart des Arabes.
Dans fesPht-
Origéne qui n’étoit pas éloigné de l’Arabie, rapporte localies ch. zj.
que tous les îfmaelites qui habitent, dit ce fçavant hom¬ Hijl. Eccl. f>.
103,
me , cette région , fe font circoncire dès qu’ils font parve¬
nus à leur treiziéme année. Saint Jerome confirme la mê¬ Ch*f. le.

me chofe dans fon Commentaire fur Jeremie : La plus


grande partie de ces peuples, dit-il , qui environnent la
Paleftine, obfervent la circoncilion 3 mais principalement
les Egyptiens, les Iduméens, les Ammonites, les Moabi-
tes, 6c tout le pays des Sarrazins qui habitent dans les fo-
litudes, c’eft-à-dire dans les deferts de l’Arabie. Ce qui
pourroit faire préfumer que la Religion feule n’étoit pas
le motif de l’établiffement de cet ufage.
Cependant il eft affez vraifemblable que Mahomet n’a
recommandé la circoncilion, l’abftinence de la chair de
pourceau 6c des viandes fuffoquées, que par complaifan¬
ce pour les Juifs qu’il vouloir attirer dans la Secte 3 mais
quelques dodeurs de la même Religion ont depuis enfei-
gné qu’il n’a adopté la circoncifion que pour mieux obfer-
ver le précepte de la propreté, par lequel il eft défendu
de laifter tomber de l’urine fur la partie de la peau qu’on
retranche exprès.
A l’égard de l’ufage du vin, apparemment que Maho¬
met ne l’interdit que pour relever la perfection de fa nou¬ De I'Jnc tenue
Loi Jerm. c,
velle loi, 6c peut-être qu’il voulut que les difciples euffent
3Ï-
cela de commun avec les Recabites 6c les Nazaréens qui
ne buvoient aucune liqueur qui pût enyvrer. D’autres pré¬
tendent qu’il ne défendoit l’ufage du vin que pour éviter
B b b b iij
<66 Discours sur l* Al Coran.
les querelles qui naiflent fouvent au milieu des plaifirs de
la table : outre que dans un pays auffl brûlant que l’Ara¬
bie , l’eau 6c les liqueurs rafraichiffantes étoient peut-être
plus agréables que le vin. Mais je doute que cet article de
fa loi eût fait fortune, fi Mahomet eût commencé fa million
par les peuples du Nord. « Abllenez-vous,dit ce Legiflateur
53 à fes difciples , du vin, de jouer aux jeux de liazard 6c
33 aux échecs : ce font des inventions du démon pour répan-
>3 dre la haine 6c la divifion parmi les hommes, pour les-
>3 éloigner de la priere , 6c pour les empêcher d’invoquer le-
53 nom de Dieu.
Ce fut des Chrétiens que Mahomet emprunta l’iifage
frequent de la priere qu’il fixa à cinq fois par jour, la
pratique du jeûne du Carême , 6c le payement de la dix-
me de fes biens 3 mais qu’il détermina en faveur des pauvres.
Quoiqu’il eût condamné févérement tout culte qui ne
s’adreïïoit pas dire&ement à un feul Dieu, cependant pour ne
pas aliéner tout-à-fait l’efprit desMecquois,& afin de les pren¬
dre par leur interet, il fit un précepte particulier pour ceux
qui en auroient la force 6c le moyen, du pellerinage au
grand Temple de la Mecque, après, dit-il,, qu’il feroic
purgé d’idoles, 3 6c il fit cette ordonnnance, parceque
l’affluence des Pellerins produifoit beaucoup d’argent dans
un pays d’ailleurs fterile. Il admit depuis en faveur des
Payens certaine efpece de prédeftination mal entendue 6c
peu differente de ce que les Anciens appelaient leDeftin*
6c il enfeignoit que fi le moment fatal de la mort d’un
homme n’étoit pas arrivé, il feroit auffl en fureté au mi¬
lieu de mille épées nues tournées contre lui, que s’il étoit
feul dans fa maifon 6c dans fon lit : principe dont fes Suc-
ceiïeurs dans leurs guerres ont tiré depuis de grands avan¬
tages 3 & on a vu plufieurs fois malgré l’impreflion que
fait naturellement le péril, des foldats Mahometans le
précipiter gayement dans les armes de leurs ennemis, per-
fuadez qu’ils n’avoient rien à craindre dans cette occafion,
s’ils n’étoient pas prédeftinez à y mourir. Il n efi pas pojjî-
ble , dit Mahomet dans le Chapitre Amram, quune 'perfori¬
ne meure pnon dans le temps prefcrit & déterminé par le de¬
cret immuable de Dieu,
^ Discours sur l’Alcoran, $6j
Ce mêlang^adroit de differentes Religions, ÔC où cha<
cun croyoit entrevoir des traces de fa première créance,
iëduifit plufieurs perfonnes, 6c l’habile impofleur pour éta¬
blir fes erreurs, emprunta des Juifs 6c des Chrétiens de
grandes veritez, 6c quelquefois même la pratique de gran¬
des vertus.
Si notre divin Sauveur nous a recommandé en termes ex¬
près de faire du bien à ceux mêmes qui nous perfecutent :
Mahomet à fon imitation à la fin du chapitre Aaraf s’ex¬
prime ainfi • Faites du bien a tous : 6c l’Auteur du Kefchef
un de fes Commentateurs, rapporte que Mahomet ayant
reçù de l’Ange Gabriel ce Verfet, 6c lui en ayant deman¬
dé l’explication, l’Ange y fit ce Commentaire: Recherchez^
celui qui -vous chajfe j donnez^ à celui qui vous a btè ’> par-
donnezjl celui qui vous offenfe ; car Dieu veut que vous jettiez^
dans vos âmes les femenccs des plus grandes vertus.
La poligamie 6c la pluralité des femmes fut l’article où
il s’éloigna le plus de la pureté du Chriflianifme j mais ii
avoit trouvé les Juifs 6c les Arabes Idolâtres en pofleffion
de cet ufage. Ainfi il permit à fes difciples de pouvoir épou-
fer en même temps jufqu’à quatre femmes légitimés ^ 6c Ale.

comme le Legiflateur ne fe croyoit pas obligé de plier fous


la loi qui étoit fon ouvrage, il prit au moins quinze fem¬
mes 3 d’autres difent vingt 6c une. C’étoit fa paflion favo¬
rite , il en fait lui-même l’aveu, 6c il déclare que de tous
les plaifirs il n’étoit touché que des odeurs agréables 6c du
commerce des belles femmes. Deus pofuit deleftationem lAg.
meam in fuavibus odoribus & in mulieribus \ ainfi que le
le rapporte le fçavant Maraccy ConfefTeur du Pape Inno¬
cent X I. le dernier 6c le plus fidèle Traducteur que nous
ayons de l’Alcoran.
Cependant malgré fa complaifance pour fa propre incli¬
nation 6c pour celle de fes Concitoyens , Mahomet éprouva
une grande réfiflance de la part du Magiflrat de la Mecque
6c des principaux de fa Tribu. On voit dans le chapitre
vingt-cinq de l’Alcoran, qu’on le traitoit publiquement Aie.
d’impofteur, 6C que la plupart des Corifiens difoient haute¬ 37• Si.
ment que fon Livre n’étoit qu’un tifïu de fables, foit de fon
invention ou forgé par le feconrs d’autres impofteurs * 6c
568 Discours sur l’Alcoran,
dans le chapitre 16 , il défigne particulièrement celui qui
étoit foupçonné d’en être l’Auteur. >3 Je fqai, dit-il en par-
>3 lant de lui - même,qu’on dira qu’un homme m’a enfeigné
33 l’Alcoran -, mais, ajoute-t’il,celui qu’ils prétendent en être
>3 l’Auteur fecret ,eft Perfan de naiflance, 6c parle le langage
33 de la Perfe,au lieu que l’Alcoran eft écrit en Arabe ôcrem-
33 pli d’inftru&ion ôc d’éloquence. L’habile impofteurpour ne
33 pas perdre le mérité de fon ouvrage , ne le fervit dans la
compofition que de deux étrangers, l’un Grec Ôc l’autre
Perfan, qui à peine entendoient l’Arabe -, ôc encore pour fe
défaire d’un témoin incommode, on prétend qu’il fit depuis
périr le premier, qui y avoiteule plus départ.
Ce qui l’embarafToit le plus, c’eft que les habitans les
Theophanes. plus fenfez de la Mecque lui demandoient pour caution de
Zonaras Ri- fa nouvelle do&rine, qu’il l’autorifât par des miracles : les
chardi Confu-
tatio Mahom.
lettres de créance les plus certaines pour un Prophète.
c. Ij. Moyfe , Jefus ôc les autres Prophètes , lui difoient-ils de
Cmtacuze- ton propre aveu, pour prouver leur million ont fait des mi¬
nis Orat. i.
contra Maho¬ racles éclatans -, pourquoi fi tu es Prophète ôc plus grand
met ern. qu’eux ne fais^tu pas de femblables merveilles?
Pour fe débaralTer d’une objedion li prelîànte, il fe tour-
noit de tous cotez. Tantôt il leur difoit que les miracles
venant de la main Toute -puifTante de Dieu , les hommes
ne pouvoient pas fçavoir le temps qu’il avoir déterminé
Mc. c. 6.
pour les faire paroître ; tantôt il leur reprochoit que quand
ils verroient des miracles, ils ne fe convertiroient pas :
d’ailleurs que fa milfion n’étoit que pour leur annoncer la
parole de Dieu telle qu’il l’avoit reçue de l’Ange Gabriel,
Tocock. Spee. ôc il ajoutoit que le plus grand de tous les miracles étoit
Jiifl. Arab. p.
l’Alcoran même, fi parfait dans toutes fes parties , qu’il ne
191. 192.
Aie. c. 2. 10. pouvoit être l’ouvrage des hommes les plus fçavans, ni
& 17. même des démons, ôc encore moins d’un fimple particulier
Aie. c. 7.
comme lui, qui n’avoit jamais fçu lire ni écrire.
Rlmacit), l. Mais le Magiftrat de la Mecque ne s’étant point payé
- .1. c, j. de fi foibles raifôns, ôc où l’impofleur apportoit pouf preuve
ce qui étoit en queftion 5 ôc d’ailleurs le foupçonnant de
plus hauts deffeins, ôc de fe vouloir faire le Tiran de fon
pays, le proferivit comme un fédicieux , ôc l’obligea de for-
îir de la Mecque.
Mahomet
Discours sur l’Alcoran.
Mahomet vit bien que par la voye feule de la perfualion
il ne viendroit pas à bout de fes projets ambitieux 3 ainfl
il réfolut d’avoir recours aux armes 3 6c pour autorifer cette
démarche il ne manqua pas à Ion ordinaire d’appeller le
ciel à fon fecours. Et auflî-tôt il publia parmi fes difciples Aie. c. 4.
que l’Ange Gabriel lui avoir apporté une épée de la part
de Dieu, avec ordre de foumettre par la force des armes>
ceux qui refuferoient d’em brader fa do&rine.
Il commença cette guerre de religion par piller des
caravanes : le butin qui a tant de charmes pour les Arabes,
en attira un grand nombre ious les enfeignes : avec leur
fecours il ravageat la campagne , furprit des Châteaux ,
emporta même des Villes 3 6c en faifant d’abord le metier
de brigand , il apprit infenfiblement celui de conquérant.
Il ne faut point chercher ailleurs la caufe des progrès
étonnans que cette fede fit en peu de temps dans l’Arabie, 6c
apparemment que fî Mahomet l’eut pu prévoir, il feferoit
épargné la peine de forger tant de révélations,êcderajufler
enfemble plufieurs pièces détachées du Judaïfme 6c du Chri-
ûianifme. On fçait qu’en moins d’onze ansil fe rendit maître
de la plus grande partie des trois Arabies3 le fuccès de fes
armes pafîa fes premiers projets 3 la fortune le mena plus
loin qu’il n’avoit ofé efperer. Mais comme fes guerres, fes
conquêtes 6c celles de fes Succefïeurs ne font point de mon
fujet, je me contenterai de dire qu’il unit le Sacerdoce avec
l’empire 3 que fes difciples furent fes premiers fujets 3 qu’il
força les autres à fe foumettre à fa domination 3 que fes
armes furent les fondemens de fa nouvelle Religion, 6c qu’iL
ne les prit en apparence que pour l’établir plus prompte-
ment. C’eft fous ce même prétexte que fes SuCcefleurs fe
font emparez del’Afie, de l’Afrique 6c d’une partie de l’Eu¬
rope 3 &qufqu’où n’auroient-ils point étendu leurs conquêtes,
Il Dieu n^avoit oppofé à leurs armes le courage intrépide
des Chevaliers de faint Jean de Jerufalem , qui depuis plu¬
fieurs flecles fervent de boulevard à toute la Chrétienté ?
Les Arabes furent les premiers peuples de l’Afie qui embraf-
ferent la Religion de Mahomet, les uns par la crainte de
fapuillànce, d’autres entraînez par la contagion de l’exem¬
ple, quelques-uns féduits par l’appas des voluptez 3 & il y
en eut qui fe laiflerenc toucher à fon éloquence, 6c à cer-
TorneX. Cccc
£70 Discours sur l’Alcorak.
raines exprcffions pathétiques répandues foit dans fes Ser¬
mons , foit en difFerens endroits de TAlcoran.
On y trouve à la vérité de grands lieux communs fur la
nlajefté de Dieu, fur fa puilïance, fur fa bonté & fur Tin-
gratitude des hommes ^ mais les difcours qu’il en fait font
fans preuves, fans liaifon, fans ordre & fans fuite , &c on n’a
pas de peine à s’appercevoir que ce qu’on appelle TAlcoran
ou le Livre par excellence , comme parlent les Arabes,
n’eft que l’ouvrage d’un fophifle, ôcd’un déclamateur.
On ne peut pas même dire que cet Ouvrage foit un
contexte fuivi 6e fait en même temps 5 on y trouve des va¬
riations &: des changemens félon que l’Auteur étoit agité
par de nouvelles pallions, ou entraîné par de nouveaux in¬
térêts. Dans le chapitre quatre, il eft expreflement défendu
qu’aucun homme époufe la femme d’un autre homme vi¬
vant ; malheureufement il jetta les yeux fur Zaïnab femme
de Zaïb fon Affranchi ^ elle lui plût, 6c pour Tépoufer il
obligea fon domeffique par des bienfaits extraordinaires
de la répudier, 6c il l’époufa aulîi-tôt. Ce marché 6c ce
commerce indigne entre le maître êc fon domeltique fcan-
dalifa la plupart de fes Sedateurs : pour calmer leurs mur¬
mures , & au préjudice de la loi qu’il avoit lui-même an¬
noncée , il paroît une addition au 33. chapitre de TAlcoran,
où Dieu déclare qu’il a marié Zaïnab avec Mahomet j 6c
cette femme fïere de cette révélation infultoit aux autres
femmes du Prophète , ôc prétendoit la préférence fur ce
qu’elle avoit été, difoit-dle, mariée par un ordre exprès
du ciel, au lieu que ce n’étoient que des hommes qui avoient
fait le mariage de fes rivales.
Outre toutes ces femmes qui compofoient le Serrai! du
Prophète, il avoit dans fa maifon une jeune Efclave d’une
rare beauté, appellée Marie, âgée de quinze ans, Egyptienne
de naiffance, êc Chrétienne de Religion : on prétend que
le Gouverneur d’Egypte en avoit fait prefent à Mahomet.
Le faux Prophète en devint amoureux, &il fut furprispar
deux de fes femmes dans un commerce criminel j elles
firent beaucoup de bruit ^ cet éclat pouvoit nuire à la ré¬
putation du Prophète ^ le ciel vient aulîi-tôt à fon fecours,
6c par une nouvelle révélation qu’on trouve au chapitre 66.
Dieu permet à Mahomet ôc à tous les Mufulmans d’habiter
Discours sur l’ A-l coran. y 7r
avec leurs Efclaves malgré leurs femmes. O Prophète! fait
dire Mahomet à Dieu, pourquoi 3 de peur de déplaire d tes
f emmes > teprives-tu duplaifir que Dieu t’a accordé / Le fcelerat Mc. c. ce.
commença par commettre le crime : 6e il en lit venir depuis De la Proln“
la difpenlè du ciel. binon-
Je n’ai rapporté ces deux exemples parmi un grand nom¬
bre d’autres, que pour faire voir qu’il le trouve dans l’Alco-
ran 6e dans ce Livre émané du Trône de Dieu, à ce que
difent les Mahometans , des articles oppoléz 6e contradi¬
ctoires , 6e on en compte près de cent cinquante. Les Ma-
hometans tâchent d’échaper à cette objedion , en difant
que Dieu ayant jugé à propos d’abroger certains articles,
y en avoit depuis fubftitué d’autres -, mais on peut remar¬
quer dans le texte, que non-feulement l’un & l’autre arti¬
cles y font confervez, mais encore que le fubftitué cft fou-
vent placé devant celui même qui doit être abrogé 5 ce
qui caufe une étrange confulîon , à moins que pour fauver
cette tranfpofîtion, on ne veuille dire que cela eft arrivé par
la maniéré dont l’Alcoran avoit été écrit fur des feuilles
fèparées, 6s qu’on fe contentoit anciennement de rouler
les unes fur les autres fans les coudre enlèmble 6c de fuite :
ce qui a pucaufer le dérangement de difFerens chapitres.
Après la mort de Mahomet , Abubekre fon beau-pere
êcfon fuccefteur ,ramafla ces difFerentes feuilles feparées,
les rétablit dans l’ordre qu’il crut y convenir , 6s fuivant
l’avis de ceux des difciples de Mahomet qui avoient été
les plus affidus à fès difeours , il en fît un recueil, 6c en
confia le dépôt àHaphfa fille d’Omar, 6s une des femmes
veuves du Prophète.
Cela n’empêcha pas qu’il ne fe répandît dans les Pro¬
vinces des Exemplaires de ce Livre, très-difterens les uns
des autres. Les peuples de l’Hye^ak-Arafy, qui eft l’ancien¬
ne Chaldée, 6c les Syriens, foutenoient que leurs Exemplaires
quoique oppofez en plufieurs articles, étoient les feuls au-
tentiques. Ces difputes obligèrent le Calife Otman troi-
lîéme fuccefteur de Mahomet , de confulter l’original
d’Abubekre , fi on peut donner le nom d’original à un
Livre qu’il avoit compilé lui-même, auquel il avoit ajouté,
ou dont il avoit retranché ce qu’il jugeoit à propos , 6c
fuivant l’avis de ceux qui fe vantoient d’avoir retenu des
572 D I S C O U R s sur l’A l cohan.
difcours de Mahomet, par le fecours de leur mémoire, la
plupart des pafiages de l’Alcoran. Otman ne laifia pas d’en
faire faire plufieurs copies qu’il diftribua dans les Provinces
Mahometanes, de il fit brûler comme apocrifes Les autres
Exemplaires qui lui tombèrent entre les mains.
Cependant malgré cette révifion de l’Alcoran, Sc quoi¬
qu’il eût pafié par tant demains appliquées à le corriger,
il y eut encore des nations entières -qui ne purent fe réfou¬
dre à admettre comme canoniques quelques furats ou
chapitres qu’ils foupçonnoient detre interpolez parles re-
vifeurs. Les Perfans , les Indiens , 6c ceux de la côte de
Coromandel, de les autres Sectateurs d’Aly réjettent comme
apocrifes plufieurs Verfets que les Turcs admettent dans
leur canon 3 ce qui leur a fait donner le nom de Scbittes >
au lieu que les Turcs, les Mogolois, les Arabes êcles Afri¬
cains qui fuivent la doctrine ou le commentaire d’Abu-
bekre, de qui fe regardent comme les feuls Orthodoxes ,
prennent le nom de Sonnius. Mais à cela près les uns de
les autres ont pour ce Livre un refpeét fi profond, qu’il
approche de l’idolâtrie 3 il y en a qui en portent toujours
fur eux des Verfets, de même des chapitres entiers comme
de furs prefervatifs contre tous les accidens de la vie 3 les
Princes de les Grands enrichifient la couverture de leur
Alcoran de perles de de diamans.
Tavernier dans la Relation de fes Voyages, rapporte
Tome 6. que le Grand Mogol de fon temps en envoya un Exem¬
plaire à la Mecque, dont la couverture étoit eftimée douze
cens mille livres, de qu’au milieu il y avoit un diamant qui
pefoit feul cent trois Karats. Telle eft la vénération que
les Infidèles ont pour ce Livre, quoique rempli de fables :
tant il efb vrai que le faux merveilleux a de grands attraits
pour l’efprit humain, pendant qu’on néglige la lecture de
nos Livres faints, le dépôt facré des veritez révélées, de
dans lefquels bien plus Purement que dans l’Alcoran , on
trouve l’hiftoire certaine des premiers fiecles du monde,
de Pages maximes pour la conduite de la vie prePente, de
des promelTes infaillibles de des gages affurez pour l’éternité.

Fin du Difcours fur d Alcoran.


573

PREUVES DU I LIVRE
D E

L’HISTOIRE DES CHEVALIERS HOSPITALIERS


DE S JEAN DE JERUSALEM-
^ 1.. ' ■" ... ■ 11 ■ ■■

PREMIERE PREUVE,
Q& répond à la page 15. de l'Pïiftoire.

R Egno Hierofolymorum cum univerfa Syria & Ægypto, cum


adjacentibus Provinciis , peccatis noftris exigentibus, in manus
hoftium nominis & fîdei Chriftianæ, fecundùm quod antiquæ tradunt
hiftoriæ, devolutis: quod tempore domini Eradii Romanorum Impe-
ratoris, invalefcentibus contra eum Arabiæ populis , certum eft ac-
cidiiïe : non defuerunt de Occidentalibus multi, qui loca fanda, li-
cèt in hoftium poteftate redada, aut devotionis, aut commerciorum,
aut utriufque gratiâ , vifitarent aiiquoties. Inter eos autem qui nego-
tiationis obtentu, de Occidentalibus per ilia fecula, loca prædida
adiré tentaverunt, fuerunt viri de Italia, qui ab urbe quam incolunt,
dicuntur Awalfitani. Eft autem Amalfia civitas inter mare & montes
eminentiftimos conftituta, ah Oriente habens urbem nobiliflimam
Salernum, vix feptem miliaribus marino ab ea diftantem itinere ; ab
Occidente vero Surrentum, ôc Neapolim Vergilianam ; ab Auftro vero
Siciliam , ducentis miliaribus, plus minufve modico , remotam, Tyr-
fheno mari interjacente. Hujus regionis habitatores, ut prædiximus,
primi merces peregrinas & quas Oriens prius non noverat, ad fupra
nominatas partes lucri faciendi gratiâ inferre tentaverunt : unde ôc
optimas conditiones apud illarum partium præfides, pra rebus necef-
fariis quas inferebant, ôc line difficultate accefliim, & populi nihilo-
minus gratiam merebantur. Poflidebat illis diebus pnnccps aÆgyptius
univerfas maritimas régiones, à Gabulo civitate , fita in littore maris
juxta Laodiciam Syriæ , ufque in Alexandriam , quæ eft noviftima ci¬
vitas Ægypti. Et per præfides fingulis civitatibus deputatos, impe¬
rium fuum latè reddebat formidabile. Prædidi vero Amalfitani tam
Regis quàm principum iiiorum plenam habentes gratiam, loca uni-
verfa, quali negotiatores & tradatores utilium , tanquam merces cir-
cumferendo, confidenter poterant circumire : unde ôc traditionum
paterrrarum non immemores ôc fîdei Chriftianæ, loca fanda , quoties
opportunitas dabatur, vifitabant : non habentes autem in eadem urbe
familiare domicilium, ubi moram pofîqnt facere aliquantulam, ficut
C ccc iij
574 Preuves du I. Livre
in urbibus habebant maritimis : congregatis de fuo populo, quotquot
ad opus conceptumpoterant convocare, CalyphamÆgyptium adeunt,
6c obtentâ familiarium ejus gratiâ, petitionem fuam fcripto porrigunt,
6c votis confonè recipiunt imperratum.
Scribitur ergo Hierofolymorum præfidi, ut viris Amalfitanis, ami-
cis , 6c utilium introdudoribus, locus Hierofolymis juxta eorum de-
fiderium, in ea parte quam Chriftiani habitant, ad conftruendum ibi
domicilium, quale voluerint, defignetur ampliffimus. Erat autem ci-
vitas, ficut 6c hodie eft, in quatuor partes penè divifa æqualiter, ex
quibus fola quarta, in qua Sepulchrum Dominicain litum eft, fidelibus
concéda erat ad habitandum j reliquas autem cum Templo Dommi, foli.
infidèles habebant domefticas. Delignatur ergo eis de mandato Prin-
cipis, qui fufficiens videbatur ad conftruenda neceffaria locus , fum-
ptâque à negotiatoribus quafi per fymbolum pecuniâ, ante januam
Ecclefiæ Dominiez Rejurreüioms, quantum vix lapidis jadus eft, mona-
fterium erigunt in honore fandæ 8c gloriofæ Dei genitricis, perpe-
tuæque Virginis Mariæ , fimul cum 8>c iis officinis , quæ ad ufus rao-
nachorum & fuæ gentis hofpitum fufceptionem , poterant aliquam
præftare commoditatem. Quo fado de partibus fuis, tam Monachos
quàm Abbatem transferentes, locum regulariter inftituunt, & Domi¬
no converfatione fandâ reddunt placabilem. Et quoniam viri Latini
erant, 8c qui locum fundaverant, & qui in religione confervabant,
idcirco ab ea die ufque in præfens , locus ille monasïeriutn de Latina di-
citur. Accedebant etiam per ilia nihilominus tempora, ut loca deof-
cularentur venerabilia, fandæ viduæ & continentes, quæ timoris obli-
tæ foeminei, 8c periculorum quæ multiplieia occurrebant, non ha-
bentes formidinem : quibus advenientibus, cùm non effet intra fepta
monafterii ubi colligerentur honeftè, congruâ fatis provifione procu-
ratum eft ab eifdem fandis viris, qui locum fundaverunt, ut adve¬
nientibus devotis foeminis , non deeffet feorfum oratorium, domus
familiaris 6c locus in diverforio^ Tandemque divinâ favente clemen-
tiâ, ordinatum eft ibi monafteriolum in honore piæ peccatricis, Ma¬
riæ videlicet Magdalenæ ; 6c forores fub certo numéro ad obfequium
adventantium mulierum conftitutæ.. Confluebant etiam per illaperi-
culofa tempora nonnulh ex aliis gentibus., tam nobiles quàm fecun-
dæ claflis homines , quibus quoniam ad fandam civitatem non nifi per.
terras hoftium erat acceffus, de fuis viaticulis cùm ad urbem perve-
niffent, omnino non fiebat refiduum : fed miferos 6c inopes ante civi-
tatis portam , tam diu cum fummo labore, famé , fiti 6c nuditate expe-
dare oportebat, quoufque dato aureo numifmate urbem eis licebat
introire. Ingreftis autem, 6c locis fandis, ex ordine peragratis, non
erat eis vel ad unum diem refedionis fpes ulla , nifi quantum eis de
prædido monafterio fraternè miniftrabatur : nam omnes alii civitatis
habitatores Sarraceni erant 6c Infidèles, excepto domino Patriarchâ ,
6c clero 6c popello mifero Surianorum ; qui diebusfingulis tôt angariis,
parangariis, 6c fordidorum numerum præftationibus vexabantur, ut
de l’ Histoire de Malte. 5-75:
vix fibi, in fuprema paupertate conftitutis, in continuo timoré mortis
liceret refpirare. Noitris ergo miferis, 6c ad fupremum afflidis 6c egen-
tibus, cùm non effet qui tedum præberet, procuratum eft à beatiffimis
viris, qui monafterium Latinorum incolebant, ut mifericorditer vidui
6c tegumento detrahentes, ad opustalium, intraambitum libi deligna-
tum, Xenodochium erigerent, ubi taies fanos vel ægrotantes colligè¬
rent , ne de node per vias reperd jugularentur ; 6c in eodem loco con-
gregatis, de reliquiis fragmentorum utriufque monafterii, tam viro-
rum quàm mulierum , ad quotidianam fuffentationem qualem qualem,
aliquid miniftraretur. Erexerunt etiam in eodem loco altare in honore
beati Joannis Lleymon. Hic vir Deo placens, 6c per omnia commenda-
bilis, natione fuit Cyprius : tandem fuffragandbus meritis, fadus eft
Alexandrinus Patriarcha, vir in operibus pietatis fingulariter excellens,
cujus pia ftudia 6c liberales eleemofynas in perpCtuum enarrabit om-
nis ecclefia fandorum. Unde 6c à Tandis Patribus vocatus eft Eleymon,
quod interpretatur mifencors. Huic autemloco venerabili, quodita ca-
ritativè fe porrigebat ad homines, neque reditus erant, neque poffef-
fiones ; fed prædidi Amalpram annis lingulis , tam qui domi erant,
quàm qui negotiationes fequebantur, colleda inter fe quali per fym-
bolum pecuniâ, per eos qui Hierofolymam proficifcebantur, Abbati
qui pro tempore ibi erat, offerebant, ut inde fratribus 6c fororibus ad
vidum 6c tegumen provideretur , 6c de refiduo fieret advenientibus
Chrifticolis in Xenodochio aliqua mifericordia. Ita ergo per multorum
annorum curricula, quoufque placuit fummo rerum Opifici, civita-
tem illam , quant proprio cruore mundaverat, à fuperftitionibus gen-
tilium purgare, fub iis conditionibus manfit locus die. Adveniente
namque Chriftiano populo 6c Principibus à Deo protedis, quibus re-
gnum illud Salvator tradi voluit, in monafterio fœminarum inventa
eft Abbatiffæ fungens officio quædam Deo devota 6c fanda mulier ,
Agnes nomine, nobilis fecundùm carnem, natione Romana : quæ etiam
poftquam civitas reftituta eft fidei Chriftianæ, per aliquot vixit annos.
Et in Xenodochio fimiliter repertus eft quidam Geralaus, vir probatæ
converfationis, qui pauperibus in eodem loco tempore hoftilitatis,
de mandato Abbatis 6c monachorum, multo tempore devotè fervierat:
cui poftea fuceeflït ?ai ’//• H ndus. Ex libro décima o'ctduo histonœ Willelmi Ty-
nenjis Archiepijcopi. Cap. 4. Page 933.

DEUXIFME PREUVE. Hiji. p. 39.

R Ober tus Wifchardi de Normania exiens, vir pauper, miles


tamen , ingenio 6c probitate fuâ Apuliam , Calabriam luæ ditioni
fubmilit , 6c Infulam Siciliam de manu Ifmaelitarum liberavit, Rot-
geriumque fratrem fuum ejufdem Infulæ Comitem appellavit. Demum
mare tranliens, Durachium urbem nobilem cepit, Dalmatiamque 6c
Bulgariam fuper Alexium Imperatorem acquilivit : infuper eum ter
bello fugavit, 6c RomanumHenricumfemel ab urbe fugerecompulit,
57^ Preuves d ü I. Livre
PontificemqueRomanum, quem ceperat, ab eo liberavit. Quidam
innumerabilia penè feciffet probitatis indicia, hoc de illo conftans ha-
betur, quod nili morte præoccupatus fuiffet, filium fuum Boamundum
Imperatorem faceret, fe vero Regem Perfarum, ut fæpè dicebat, con-
ffitueret, viamque Hierofolymorum deftrudâ paganitate Francis ape-
riret. Nunquam vidus eff, quanquam læpèpugnaverit. Venetos,qui-
contra eum omni virtute l'uâ convénérant cum ftolo fuo ita-profliga-
vit, ut nec fuga, nec pelagus illis effet auxilio. Nec fuit terrarum lo¬
cus ita remotus, in quo rumor, fama , timor Wifchardi per omnium
ferèora non volitaret. Et ut verius de eo dicipotefl, nulli Regum aut
Imperatorum Wifchardus fecundus extitit.
Reliquit Robertus Wifchardi moriens filios duos : Boamundum r
quem adhuc privatus de privata uxore genuerat, 6c Robertum ducem.
Apuliæ, quem de fàlia Principis Salerni fufceperat : quibus terram fi~
bi acquifitam dimifït. Robertus autem dux filium Willelmum genuit, 6c
ducem poil fe Apuliæ reliquit qui fine herede mortuus eff. Boamun-
dus vero, dum poil mortempatris fuiFrancorum Proceres Hierofoly-
mam tenderent, eis, relidis omnibus ut didumeff, fefociavit, 6c con¬
fortent laboris fefe fîeri rogavit. Qui poftea captâ à Francis Antiochiâ
Princeps ejufdem urbis fadus magnum ob fuæ probitatis meritum de-
dit pofferis documentum. Mélanges Curieux du Pere Lsîbbe., tome 2.

TROISIEME PREUVE.. Hift. p. 40.


L O eut 1 funt igitur ad invicemChriilianorum duces, 6c fpontefuâ
Boamundo fubintulerunt : Vides quo in articulo res noltra pofîta
ht. Si civitatem ergo iffam vel prece.vel pretio, nobis etiam juvantir
bus poteris obtinere, nos eam tibi unanimiter concedimus : falvo in
omnibus quod Imperatori, te collaudante., fecimus facramento. Si
ergo Imperator nobis adjutor advenerit, juratafque padiones. eufto-
dierit, perjuri vivere nolumus : fed quodpace tuâ didum fit, nos illi
eam concedimus : fin autem , tuæ femper fit fubdita poteffati. Ex hi-
ïlona hierofo ly mit an a Ealdnct, Epifcopt Doienjh..

Q U ATRI F ME PREUVE. Hift. p. 42.

P O s t qu am autem divinæ placuit pietati, ut civitatem redemptio-


nis nollræ per ducem Godefridum 6c alios Chrifti fideles ab impio-
rum dominio liberaret, 6c eam cultui reflitueret Chrifliano, vir qui¬
dam fandæ vitæ, 6c probatæ Religionis nomine Gerardus, qui longo
tempore de mandato Abbatis in prædido hofpitali pauperibus devotè
miniffraverat, adjundis fibi quibufdam honeffis 6c religiofis viris ha-
bitum regularem fufeepit, 6c veftibus fuis albam crucem exterius affi-
gens in pedore, regulæ falutari 6c honeffis inilitutionibus fadâ folem-
niter profeffione, feipfum obligavit. Cui etiam mulier quædam Agnes
nomine 3 Romananatione, nobilis came, fed nobüior fanditate, quæ
in
de l’Histoire de Malte, 577
in monaflerio mulierum vicem gefferat Abbatiffæ, in minifterio pau-
perum adjunda eandemregulam 6c humilitatis habitum votivèfufcepit.
Prædidi igitur fratres humiliter 6c devotè Domino fervientes , 8c infir-
mis pauperibus de paupertate fuâ diligenter miniflrantes , in agro , qui
dicitur Acheldemach , mortuos fuos fepeliebant. Hic eft ager ille figuii,
qui emptus efl à Judæis in fepulturam peregrinorum ex triginta ar-
genteis, quos Judas inTemplo projeeit. Abbati autem l'andæ Mariæ
de Latina, qui prædidi Hofpitalis principium extiterat , 8c tam ipfos
quàm- infirmos eorum de propriâ menfâ diu fuftentaverat, obedien-
tiam & reverentiam quandiu pauperes fuerunt, non negaverunt :pri-
mum paupertatis fuæ patronum 6c coadjutorem eorum,6clociapud Do-
minum protedorem beatum Joannem üleemona devotiffimè vénéran¬
tes, 6c ipfum dominum 6c advocatum fuüm confitentes 3 domino etiam
Patriarchæ Hierofolymitano devotè obedientes, de bonis fuis décimas
fecundùm facros Canones 6c utriufque Tellamenti præcepta ablque
contradidione reddebant. Orationi autem vacantes, vigiliis 6c jeju-
niis fe-ipfos alHigentes, operibus mifericordiæ affluentes , parci fibi 6c
aufteri, pauperibus autem 6cinfirmis, quos dominos fuos appellabant,
largi 6c mifericordes exiftebant. Panem de pura fimila largiebantur in¬
firmis , reliduum veto cum furfure, ad ufus proprios refervabant. Si
quis autem inter ipfos in aliquo delinquebat , nullo modo relinqueba-
tur impunitum , ne facilitas veniæ præberet incentivum delinquendi.
Secundum enim quod culpæ reatus exigebat, quidam figno Crucis à
veflimentis avulfo tanquam membraputrida prorfus ejiciebantur 3 alios
vinculis 6c carceri mancipabaht 3 alios ad pedes fratrum in terra cibum
parciliimum ufque ad condignam fatisfadionem fumere decernebant.
Et quoniam Deus eratcum eis , ab omnibus amabantur. Unde fadum
efl quod in omnem terram Chriftianorum exivit fonus eorum , 8c in
fines orbisterræ forma fanditatis eorum. Et quoniam ex amni'natione-,
tribu 6c linguâ poil Terræ fandæ liber'ationem Chrifti fideles Sepul-
chrura Domini vifitaturi Hierofolymis conliuebant, largitione Frinci-
pum, 6c eleemofynis fidelium modico tempore adeô ditati funt, quod
ab univerfis Occidentalibus Provinciis redditus copioios colligentes ,
cafalia fibi 6c oppida tanquam cerrœ Principes comparantes , ditioni fuæ
fubjecerunt,. E: Hijtoriu tiierofolymitana fûcoln Vi.ychck Chap. 74.

CIN QUI E’ME PREUVE Hifi ?. 45.

HA c miferandâ flrage Sarracenorum. compléta ,


in proximo die
dominico fideles 6c primores Chriflianorum inito confilio, do-
imiüum urbis 6c cuflodiam Dominici Scpulchri comiti date
decreverunt. Quo renuente, 6c cæteris univerfis Capitaneis ad id of¬
ficie m eledtis , odefndm dux tandem, licet invitus , ad tuendum urbis
pris cipatum promovetur. .Ex Alberto Aquen\. pa;-. 2.S3
Poitquam regnum obtinuit, paucis diebus interpofitis, fient vir re-
li^iofus erat, in his quæ ad decorem domus Dei habebant refpedum-,
Tome /. “ D ddd
£78 Preuves du I. Livre
foiicitudinis fuæ Domino coepit offerre primitias. Nam protinus i a
Ecclefiâ Dominici Sepulchri, & Templi Domini, Canonicos inftituit,
eifque ampla bénéficia, quæ Prœbendas vocant, fimuLquc 6c honefta
domicilia circa prædidas Deo amabiles Ecclefias aflignavit : ordinem
6c inftitutionem fervans, quas magnæ 6c ampliifimæ à piis Prinçipibus
fundatæ ultra montes fervant Eccleiiæ : plura etiam , nifi mors jeuru
præveniffet, collaturus. Adduxerat etiam prædidus vir Deo amabilis
peregrinationem ingreffurus, de clauftris bene difciplinatis monachos,
viros religiofos, 6c landâ converfatione infignes, qui toto itinere, ho-
ris diurnis 6c nodurnis, eeclefiaftiço more, divina illi miniftrabant of¬
ficia. Quos, poftquam Regnum adeptus eft, juxta eorum poftulatio-
nem, in va/le ÿofaphat locavit, ,ampliflimumque loco , eorum gratiâ ,
contulit patrimonium. Quæ autem 6c quanta fint, quæ Eccleliis Del
piâ liberalitate concefiit, longum effet enumerare : ex tenore tamea
privilegiorum Ecclefiis indultorum, colligere eft, quot 6c quantafunt,
quæ vir Deo plenus, pro animæ fuæ remediolocis venerabilibus ero-
gavit. Promotus autem, humilitatis çaufâ, coronâ aureâ, regum mo¬
re, infandâ civitate noluit infigniri : eâ contenais, 6cilli reveren.tiam
exhibens, quam humani generis Reparator in eodem loco ufque acj
Crucis patibulum pro noftrâ falute fpineam deportavit. Ex Guillelmo
Tynenfi, pag. 767.
■■■ JW

SIXIEME PREUVE.# p. 48,


P Aschalis Epifcopus%vusfervorumDei , venerabilifilio Gérai-
do inftitutori ac præpoiito Hierofolimitani Xenodochii, ejufque
legitimis Succefforibus in perpetuum. Piæ poftulatio voluntatis, effe-
du debet profequenti compleri. Poftulavit fiquidem Diledio tua Xe-
nodochium, quod in civitate Hierufalem , juxta beati Joannis Bapti-
ftæ Ecclefiam inftituifti, Apoftolicæ Sedis audoritate muniri, 6c beati
Pétri Apoftolipatrocinio confoveri. Nos itaque piis hofpitalitatis tuæ
ftudiis deledati, petitionem tuam paternâ benlgnitate fufcipimus, 6c il-
lam Dei domum, illud Xenodochium, fub Apoftolicæ Sedis tutelâ
femper, 6c fub beati Pétri protedione perfiftere, Decreti præfentis au¬
doritate fancimus. Omnia ergo quæ ad fuftentandas peregrinorum 6c
pauperum neceffitates, vel in Hierofolymitanæ Ecclefiæ, vel aliarum
Ecclefiarum parochiis, 6c civitatum territoriis , per tuæ follicitudinis
inftantiameidemXenodochio acquifita, vel àquibuflibetfidelibusnunc
oblata funt, aut in futurum largiente Deo offerri, vel aliis juftis modis
acquiri contigerit ; quæque à venerabilibus Fratribus Hierofolymitanæ
Sedis Epifcopis conceffa, tamtibi, quàm Succefforibus tuis 6c Fratri¬
bus , peregrinorum illic curamgerentibus, quieta femper 6c integra fer-
vari præcipimus. Sanè fruduum veftrorum décimas quos ubilibet ve-
ftris fumptibus laboribufque colligitis, præter Epifcopi, 6c Epifcopa-
lium Miniftrorum contradidionem, Xenodochio veftr© habendas pof-
fidendafque fancimus.

1
de l’Histoire de Malte. 5-79
Donationes etiam quas religiofi Principes de tributis, feu vedigali-
bus fuis, eidem Xenodochio délibéraverint, ratas haberi decernimus,
Obeunte autem te, ut ejus loci Provifor atque Præpofitus ,nullus quâli-
bet fubreptionis allutiâ, feu violentiâ præponatur, nifi quem Fratres
ibidem profeffi, fecundùm Deum providerint eligendum. Præterea
honores omnes, five poffeffiones quas idem Xenodochium ultra, feu
eitra mare, in Aliâ videlicet, vel in Europâ, aut in præfenti habet, aut
in futurum, largiente domino poterie adipifei, tamtibi, quàm Succef-
foribus tuis, hofpitalitati pio ltudio incumbentibus, 6t per vos eidem
Xenodochio in perpetuum confirmamus. Adhæc adjicientes decerni¬
mus, ut nulli omnino hominum liceat idem Xenodochium temerè per-
turbare, aut ejus poffelîiones auferre, vel ablatas retinere, minuere ,
vel temerariis vexationibus fatigare. Sed omnia integra conferventur,
eorum , pro quorum fuftentatione 6c gubernatione conceffa funt, uli-
bus omnino profutura. Sanè Xenodochia, five Ptochia in Ocçidentis
partibus, penesBurgiun fandi Ægidii, Allen, Lifan, Barum, Hifpa-
lum, Tarentum 6c Meffanam, Hierofolymitani nominis titulo celebra-
ta , in tuâ 6c Succefforum tuorum fubjedione ac difpolitione, licutho-
die funt, in perpetuum manere fiatuimus. Si qua igitur in futurum Ec-
clefialtica, fecularifve perfona, hanc noltræ conftitutionis paginam
feiens, contra eam venire tentaverit, fecundo tertiove commonita, Il
non fatisfadione congrua emendaverit, potellatis honorifque fui di-
gnitatecareat, eaque fe Divino judicio obnoxiam exiftere de perpetra-
ta iniquitate cognofcat, 6c à Sacratiffimo Corpore 6c Sanguine Dei, 8c
Domini Redemptoris noftri Jefu Chrilti aliéna fiat, atque in extremo
examine dillridæ ultioni fubjaceat. Cundis autem eidem loco julta
fervantibus, fit pax Domini noftri Jefu Chrilti , quatenus 8c hic fru-
dum bonæ adionis percipiant, 8c apud diltridum Judicem, præmia
æternæ pacis inveniant. Amen, Amen.

Ego Pafchalis CatholicæEccle- Ego Calixrus Catholicæ Eccle-


£æ Epifcopus. liæ Epifcopus.
Ego RichardusAlbanenüsEpif- Ego Landulphus Benevent. E-
çopus, fubfcripli. pife. legi, 6c fubfcripfi, 6cc.

Datum Beneventi permanumJoannisRomanæEcclefiæCardina-


lis ac Bibliothecarii, xv. calendas Mardi, indidione vj. Incarnationis
Dominicæ anno M. C. XIII. Pontificatûs autem DominiPafchalisPapæ
fecundi, anno xi.ii j, Regijîrata in Cmcellano hujus Ordims. Ex Bojio, l. i.pa/\.j.

S E P T I F M E PREUVE. Hifi. p. 54-


B Onifacius Epifcopus fervus fervorum Dei, diledis fîliis Ma-
giltro 6cFratribus Hofpitalis fandi Joannis Hierofolymitani, fa*-
hitem 6c Apoftolicam benedidionem. Culminis Apoltolici lolio, lu^
pemâ difponente clemexida præfidentes 3 dum folerter attendimus *
D ddd i'i
$8o Preuves du T. Livre
quod vosmundanis contemptis illecebris, quæ cùm blandiuntur, illu-
dunt, divinis obfequiis falubriter adhæfiRis, vos Sc veflra totaliter pro
illis exponere non verentes : Dum etiam confideramus attendus quod
vos fummæ devotionis aRedum, magnæque reverendæ zelum erga
nos & Romanam Ecclefiam Matrem veRram geiïiRis hadenus, Sc ge-
rere non celfatis, dignum duximus & rationi confonum arbkramur, ut
vos Sc Hofpitale veltrum favoribus profequentes uberibus, petitiones
veflras, quantum cum Deo poiïumus, ad exauditionis gratiam admit-
tamus. Exhibita liquidera nobis veRra petitio continebat, quod olira
in captione civitatis Acconenfis, ApoRolicas litteras Regulæveflræfe-
riem continentes, cum aliis rebus non modicis amifiRis : quare fup-
pliciter petebatis à nobis, ut cùm vos nullas litteras quondam Fratris
Raimundi tune ejufdem Hofpitaiis CuRodis , qui prædidam regulam
condidit, ejus p-lumbeo figillo fignatas, in quibus Régula ipla conti-
netur exprefle, prout aiïeritis, habeatis , vobis præfatam regulam ad
majoris cautelæ prælidium , fub Bullâ noftrâ concedere dignaremur.
Nos igitur ad veftrum Sc ejufdem Hofpitaiis Ratura profperum, Sc
tranquillum paternis fludiis intendentes , vellris devotis fupplicatioini-
bus inclinati, prædictam regulam , prout in ejufdem Fratris Raimundî
litteris contineri confpicitur , quibufdam verbis, de raandato noflro
amotis Sc correétis in eâ , præfentibus fecimus annotari. Eamque nihi-
lominus ex certâ feientiâ confirmamus Sc innovamus degratiâ lpeciali.
Ténor autem litterarum ipfarum talis eR.
In nomineDomini, Amen. Ego Raimundus fervus pauperum Chri^
Ri, Sc CuRos Hofpitaiis Hierulàlem, de concdio totius Capituli, Ôç
Clericorum, Sc Laicorum Fratrum , Ratuihæc Præcepta Sc Statuta in
Domo Hofpitaiis Hierufalem. In prirais jubeo quod omnes Fratres ad
fervitium venientes pauperum, tria quæ promittunt Deo , teneant cum
Dei auxilio ; fcilicet, caRitatem Sc obedientiam, hoc eR, quodeun-
que præcipitur eis à MagiRris fuis ; Sc fine proprio vivere , quia hæc
tria requir-et D-eus ab eis in ultimo examine. Et non quærant amplius
ex debito, nifi panera & aquam , atque veftitum , quæ eispromittuntur:
Sc veflit-us fit humilis , quia Domini noRri pauperes, quorum fervos
nos elfe fatemur, nudi Sc fordidi incedunt^ét turpe eRiervo ut fit fu-
perbus, Sc Dominus ejus humilis.
Conflitutum eR etiam ut in EcclefiâhoneRus fit eorum inceffus , ÔC
converlatio idonea j fcilicet, ut Clerici ad altare cum albis veRibus
deferviant : Presbytero Diaconus vel Subdiaconus ; Sc fi neceffitas fue-
rit, alius Clericus hoc idem exerceat officium : Sc lumen die noduque
in Ecelefiâ femper -fit. Et ad infirmorum vilitationem Presbyter cum
albis veRibus incedat, religiosèportans CorpusDomini, Sc Diaconus
præcedat, vel Subdiaconus, vel faltem Acolytus, ferens lanternam
cum candelâ accensâ, & fpongiam cum aquâ benedidâ. lterum cùm
ierint Fratres per civitates Sc caRella, non eant foli, fed duo vel très,
nec cum quibus voluerint, fed cum quibus MagiRer jufferit, ire de-
bebunt. Sedcùm venerint quo voluerint, limulfient. In inceffu , in
de l’Histoire de Malte. fSr
liabitu , in omnibus motibus eorum nihil fiat quod cujurquam ofren-
dat afpedum, fed quod fuain deceat fan&itatem. Quando etiain fue-
rint in domo , vel in Ecclefiâ, aut ubicunque fuerint fœminæ, invicem
fuam pudicitiam cullodiant. Nec fœminæ capita eorum lavent, nec
pedes, vel eorum ledum faciant : Deus enim. qui habitat in Tandis ,
ifto modo cuftodiat eos. Amen.
Et fandorum pauperum quærendo eleemofinas, religiofæ perfonæ
Fratrum de Clericis 6c de Laicis incedant. Et cùm hofpitium quæfie-
xint, ad Ecclefiam vel aliquam honeftam perfonam veniant, 6c ex ca-
ritate âb eâ vidum pétant, 6c nihil aliud emant. Si vero non invene-
rint qui tribuant eis, menfuratè emant unum folum cibum , unde vi-
vere poflint. Et ex inquifitione eleemofinarum, nec terrain, nec pi-
gnus recipiant ; fed fuo Magiltro per fcriptum reddant, ac etiam Ma-
gifler cum fuo fcripto pauperibus ad Hofpitale tranfinittat. Et de om¬
nibus O bedientiis, tertiam partem de pane 6c vino, 6c de omni nutri-
mento Magifter fufcipiat ; 6c fi fuperaverit, hoc quod amplius fuerit,
adeleemofinam conjungat, 6c Jerofolymam cum fcripto fuo, paupe¬
ribus mittat.
Et non eant de ullis obedientiis ad colledas , nifi folum illi, quos
Capitulum , 6c Magiller Ecclefiæ miferit 5 6c ipfi Fratres, qui exierint
ad colledas colligendas, in quamcunque obedientiam venerint, reci-
piantur ; 8c accipianttalem vidum, qualem Fratres inter fe difpenfave-
rint j 8c aliam vexationem ibi non faciant. Lumen fecum portent ; 8c
in quacunque domo hofpitati fuerint, ante fe lumen ardere faciant.
Deindepannos Keligioni noftræ non congruos , & pelles filveftres om-
nino prohibemus, ne ammodo induant fratres : 6c non comedant nilî
bis in die. Et quarta feria , 6c die Sabbati, 6c à Septuagefima ufque in
Pafcha, carnem non comedant, præter eos qui funt infirmi, 6c imbe-
cilles i 6c numquam nudi incedant, fed velliti camifeis laneis, vel li-
neis -, aut aliis quibuflibet veliimentis. Àt fi aliquis fratrum , quod uti-
nam nunquam eveniat, peccatis exigentibus, ceciderit in laplum car-
nis, fi occulte peccaverit, occulté pœniteat j 8c injungatur libi poeni-
tentia congrua : fi autem publicatus, 6c comprehenlus pro certo fue¬
rit j in eadem Villa , in qua facinus perpetraverit, Dominica die poil
Miffas, quando Populus ab Ecclefiâ egreflus fuerit, videntibus cun-
dis exuatur, 6c à Magiltro fuo, velab aliis Fratribus, quibus Magifter
præceperit, corrigiis, veivirgis durilfiinèflagelletur, 6c verberetur; ac
de omni Societate noltra expellatur.
Poftea vero, fi Deus cor iliiusilluftraverit, 6cad domum pauperum
reverfus fuerit, atque le reum , 6c peccatorem, atque legis Dei tranf-
grelforem profelfus fuerit ; 8c emendationem promiferit,, recipiatur j 8c
pœnitentia fibi digna imponatur ; 6cperannumintegrum, in loco Ex-
tranei teneatur ; 8c in hoc fpatio, videant Fratres fatisfadionem luam;
poltea faciant quod melius fibi videbitur. Aut fi Frater altercatus fuerit
cum aliquo Fratre, 8c clamorem Procurator Domus hahuerit, talis fit
pœnitentia : feptem diebus jejunet, quarta, 6c fexta feria in pane , 6c
D ddd iij
Preuves du I. Livre
aqua, comedens in terra, fine menfa, 6c manutergio :&fi percuflerit,
quadraginta : 8c fi recefferit à Domo , vel à Magiltro , cui commifius
fuerit, propria voluntate, fine voluntate ejus, 8c poltea reverfus fue-
rit 5 quadraginta diebus manducet in terra, jejunans. quarta „ 8c fexta fe-
ria in pane, 8c aqua ; 8c per tantum tempus permaneat in loco Extra-
nei, quantum foris extiterit ; nifi tam prolixum fuerit tempus, ut Capi-
tulo conveniat temperari. Ad menfam etiam, ficut Apoltolus dicit :
unufquifque panem fuum cum filentio manducet ; 8c polt Completo-
rium non bibat, 8c in ledis Fratres filentium teneant.
Atfialiquis Fratrumnon benefehabens, à Magiltro fuo, vel ab aliis
Fratribus , bis, atque ter corredus 8c admonitus fuerit j & Diabolo in-
lfigante , fe emendare, 8c obedire noluerit ; nobis mittatur pedeftris ,
6c cum charta continente fuum delidum j tamen procuratio rata ei do-
fietur ; ut ad nos pervenire poflit, eumque corrigemus. Et nullus Ser-
vientes fibi commifibs, pro aliquo facinore percutiat : fed MagifterDo-
raus, 8c Fratrum, coram omnibus vindidam accipiat ; tamen juftitia
Domus omnino teneatur. Et fi aliquis Fratrum demiffus in morte fua-
proprietatem habuerit ; 8c Magiltro fuo celaverit, ac poftea fuper eun>
inventa fuerit -, ipfa pecunia ad collumejus ligetur 8c ab aliquo Fratre
durifiimè aliis Fratribus Domus præfentibus verberetur^ôc quadraginta
diebus poeniteat, jejunans quarta, 6cfexta feria in pane, 6c aqua.
Quando etiam valde necefiarium elt omnibus vobis fieri Statutum^
præcipiens,6cpræcipiendomandamus,utdeomnibusFratribusviamuni<-
verfæ carnis ingredientibus, in omnibus obedientiis quibufcunque obie-
rit, triginta Mifîæ pro ejus anima cantentur. In prima Mifla unufquif¬
que Fratrum qui aderit, candelam cum nummo offerat qui videlicet
nummi, quoticumque fuerint, pauperibuserogentur. Et Prefbyterqui
Mifias cantaverit, fi non elt de Domo, procurationemin Obedientia
his diebus habeat ; 6c perado officio, Magilter, fibi charitatem faciat;
6c omnia indumenta Fratris defundi pauperibus dentur. Fratres vero
Sacerdotes, qui Milfas cantaverint, pro ejus anima orationem fundant
ad Dominum Jefum Chriflum; 6c Clericorum unufquifque cantetPfal-
terium ^ Laicorum autem, 150 Pater nolter,.
Et de omnibus aliis peccatis, 6c rebus, 6c clamoribus, in Capitulo
judicent, 6c difcernant judicium redum. Et hæc omnia, ex parte Dei
Omnipotentis, 6c Beatæ Mariæ, 6c beati Joannis, 6c pauperum præ-
cipimus, 6c ex imperio imponimus ; ut cum fummo Itudio, itaper om^
nia teneantur. Et in obedientia, ubi Magilter, 6c Capitulum Hofpita-
lis concelferint ; cum venerit ibi Infirmus, ita recipiatur : primum pec-
cata fua Presbytero confelfus , communicetur ; 8c poltea ad ledum
deportetur; 6c ibi tamquam Dominus, fecundumpofie Domus, omnî
die antequam Fratres eant pranfum, charitativè reficiatur. Et in cun-
dis Dominicis diebus, Epiltola, 6c Evangelium in eaDomo cantetur,
6c cum procelfione , aqua benedida afpergatur. Item fi qui Fratrum ,
qui obedientias per diverfas Terras tenent, ad quamlibet Secularem
Perfonam venientes, rebellando, pecunias pauperumdederint, uteo$
de l’Histoire de Malte. 5:83
perfuamvlm, contra Magiftrum fuum regnare faciat; abunîverfaSo-
^cietate Fratrum projiciantur. Et û duo, vel pluresFratresinfimul fue-
rint; 6c unus eorum nequiter malè vivendo fe habuerit ; alter Fratrum
noneum diffamare debet, neque Populo, neque Priori ; fed primum
per le ipfum caftiget eum ; ôc fi fe noluerit caftigare ; adhibeat fecum
duos Fratres, vel très ad eum caftigandum. Etliemendaverit, indegau-
dere debet -, fi autem emendare noluerit, tune culpam fuam feribens *
mittat Magiftro ; ôc fecundum quod MagilFer, 6c Capitulum juiferit,
dp eo fiat ; atque nullus Frater alium Fratrem fuum accufet, nifi benè
poffit probare -, fi autem fecerit, ipfe Frater non eft.
Item omnes Fratres omnium Obedientiarum, quinunc, vel in antea
offerunt leDeo, 6c Sando Hofpitali Hierufalem -, Crucesadhonorem
Dei, ôc ejufdem Sandæ Crucis, in cappis ôc mantellis fecum déférant
ante pedus -, utDeus per ipfum Vexillum, fidem, operationem 6c obe-
dientiam, noseuftodiat, 6c à Diabolipoteftatein hoc, 6c in futuro fe-
culodefendat, in anima, 6cincorpore, fimulcumomnibusBenefado-
ribus noltris Chriftianis, Amen. Nulli ergo omnino hominum liceat
hancpaginamnoftræ annotationis, confirmationis, 6c innovationis in-
fringere, vel ei aufu temerario contraire. Si quis autem hoc attenta-
xe præfumpferit, indignationem omnipotentis Dei, 6c beatorum Apo-
Itolorum Pétri 6c Pauli ejus, fe noverit incurfurum. Datum Laterani ,
feptimo Idus Aprilis Pontificatus noltri anno fexto. Collationata & correcla
fuit cumiofo codice V~aticano, diejovis 4. Adaiiyanno Domini 1617. Ex B0(10,1.2.p.6S.

HUITIEME PREUVE. Hijt.p. 59.

A Lexander Papa quartus , diledis Filiis, Magiftro 6c FratrL


bus Hofpitalis fandi Joannis Hierofolymitani, falutem 6c apo-
ftolicam benedidionem. Cùm Ordinem veftrum omnipotens Do-
minus in Eçclefia fua velut columnam immobilem fuper obedientiae
bafim erexerit, ad fulcimentum Terræ fandæ , cujus eftis Athletae
inclyti, robufti , pugiles 6c propugnatores eledi ; ôc pro cujus de-
fenfione ad præliandum prælia Domini, contra fui blafphemos no-
minis ; falvificæ Crucis vos armis infignibus accinxiftis ; cùm etiam
vos fitis populus Dei egregius, gens magnifica 6c ftrenua multitudo
Juftorum ; confilium Ôc congregatio fortium Regis Regum ; in quo¬
rum re vera manibus gladii funt ancipites 6c ardentes lueernæ, ad fa-
ciendam vindidam in nationibus 6c fervandam Domini civitatem :
digne ipfum Ordinem 6c vos tanquam Chrifti milites , in quibus fuf-
,citavit Dominus in illis partibus fortium Machabæorum fpiritum 6c
aliorum veterum earumdem partium bellatorum ; congruis intendi-
mus roborare favoribus, 6c condignis gratiis adaagere^ iliaque vobis
concedere quæ ad incrementum veftræ Religionis, didæque Terræ
fandæ fubfidium redundare nofeuntur.
Sanè quia intelleximus, quod inter Fratres veftri Ordinis milites 6c
alios, nulla eft diftindio per aliquam jndumentorura diverfitatem 3
584 Preuves bu I. Livre
licut in plerifque aliis coqfimilibus efb Religionibus obfervatum pro-
pter quod contingit quod multorum nobilium , qui mundi reliétis
îiiecebris , lub ejuidem veltræ Religionis habitu , elegerant infilterc
prædi&æ Terræ landæ prælidio , erga præfatum Ordinem Charitas
refrigefcit. Nos cupientes ut idem Ordo continuis , aurore Domino,
amplificetur commodis , 8c votivis crefcat augmentis j præfentium
vobis autoritate Goncedimus, ut unanimiter flatuere , ac deinceps
inviolabiliter obfervare polfitis , quod Fratres milites ejufdem Or-
dinis Chlamides nigras déférant , ut ab aliis ejufdem Ordinis Fra-
tribus difcernantur : in bellis autem , live in præliis, utantur Jupellis,.
& alus juper infigmbus militaribus, qua Jint colons rubri , & in quibus etiam
crux albi coloris fit, in vefiri vexilli modum affûta ; ut in liujufmodi uni-
formitate fignorum, animorum identitas evidenter appareat , & ex
hoc per confequens , falus proveniat perfonarum. Nulh ergo ommno
hominum hceat nanc noflrœ conceflïonis paginam mfnngere. Si quis autem ict
attentare præfumpferit, indignationem Omnipotentis Dei, ac bea-
torum Pétri & Pauli Apoftolorum ejus, fe noverit incurfurum. Da-
tum Anagniæ , tertio idus Augufti, Pontificatus noltri anno quinto..
Ex Bojio , hvt lo.pag. 671.

Extrait des Statuts de lOrdre de J'aint Jean de Jèrujalem..


Titre Jccond de la Réception des Freres, Article de la.
Divijion de leurs Grades ou Qualité

Il y a trois Grades ou Qualitez de nos Freresj car les uns font'


Chevaliers, les autres Prêtres, 8c les autres Freres fer vans. De plus.
l'Ordre des Prêtres 8c des Servans fe divife en deux: à fçavoir celui
des Prêtres en Conventuels, & d’obedience : & celui de Servans,
en Servans d’armes, c’elt-à-dire qui font reçus au Couventen.
ces autres qu’on appelle Servans d’Office. Or quiconque fe connoif-
fant enclin 8c propre à notre Ordre , demande d’être reçû à la Pro-
felhon en. qualité de Chevalier > fuivant la forme portée par nos Ré-
glemens 8c par nos Coutumes, il faut nécelfairement qu’avant que
prendre l’Habit 8c faire Profellion , ilfoit honore du Cordon.de l Ordre
ou de la Milice ; c’eftpourquoi, s’il n’a reçu l’Ordre de Chevalier de
quelque Prince Catholique,.ou d’un autre Grand qui ait pouvoir de
le donner , il faut qu’en tel cas il en reçoive les Ornemens de la
main de celui des Freres Chevaliers de notre Ordre, devant qui il
fera profelfion , ou bien de quelque autre qui loit Chevalier du
même Ordre, fuivant la coutume qu’on obferve à faire des Che¬
valiers , 8c qu’enfin il falfe Profelfion avec l’Ordre lufdit. Mais quant
aux Chapelains & aux Servans dArmes & d Ojjice , il ne fl point a propos
qu'ils portent pour ornement cette marque de Chevalier ; joint que cela n’effc
ni en ufage ni ainfi ordonné , & que c’ell l’ordinaire de les recevoir
à la Profelfion, félon leur Grade tant feulement. Baudoin & Naberat,
page 8 des Statuts..
Extraits
De l’ H ï s oïre de Malte. ’S*f
Extrait des Ordonnances du Chapitre (général tenu en 1603*
Titre dix - feptiéme des défenfes & peines. Article 23.

Item, D’autant que par quelques rôles & cayers des Langues, il a,
cté demandé qu’on eût à mettre quelque différence entre les Freres Cheva¬
liers & les Servans d'Armes, Meilleurs les Révérends feize ont pour cet
effet enjoint & ordonné qu'aucun de nos Freres Servans d'Armes ne puiffe
porter a l'avenir fur fon habit la Croix de notre Ordre, faite de toile de lin *
plus grande que la moitié d'un demi pied de Canne de Sicile, & que celle de
nos Freres d'Offce ne foit plus grande que le quart d’un pied, fans que pas um
d’eux fe doive hcentier de porter la Croix d’or, ou dorée. Qui fera le contrai-*
re , qu'a chaque fois qu’il en fera convaincu , s’il eft Commandeur, il
perde tout le revenu d’un an de fa Commanderie, applicable au commun
tréfor. Si c’eft un Frere conventuel , qu’il perde un an d’ancien¬
neté , 8c fi un Frere d’office ou d’état, qu’il en foit privé de même:
F autorité toujours réfervée au Grand-Maître d’en difpenfer qui bon,
lui femblera. Enjoignant & commandant aufdits Freres Servans d’Ar¬
mes & d’Office, que toutes les fois qu’il fera queltion de faire ftipuler
quelque A de ou Contrat pour eux, ils [oient obligez, dy faire fpecifer leur
qualité. Que fi quelque Frere de notre Ordre en peut découvrir on
furprendre quelques - uns contrevenans à ce Réglement ^ qu’en tel
cas il lui foit permis d’en lever l’information de fa propre autorité ,
8c d’avertir le Grand-Maître & le Confeil de ladite contravention,
afin d’en ordonner la punition comme bon leur fembleta. Baudoin ou
Naberat, page 160 des Statuts & Ordonnances„

Extrait des Ordonnances du Chapitre général tenu en 1631.


Titres des prohibitions & peines.

Item , Sur la Requête qui a été préfentée dans quelques cayers 8c


rôles des Langues , de rendre remarquable la différence qu'il y a entre les
Ireres Chevaliers & les Servans d’Armes, les R. S. feize ont enjoint 8c or¬
donné , que nul Servant d’Armes n’ait à porter déformais l'Habit ou
la Croix de lin de notre Ordre, plus grande que la moitié dé un pan ou palme
d’une Canne de Sicile, ni meme la Croix dor, ou dorée. Que fi quelqu’un y
contrevient, s’il efr Commandeur , autant de fois quil en fera convaincu,
il perdra deux ans du revenu de fa Commanderie, applicables âU commun
tréfor. Que s’il eft Frere Conventuel, il perdra deux ans d’ancienneté
en faveur de fes Fiarnaulds : Enjoignant & commandant aux fufdits,
que toutes les fois qu’ils feront, pafferont, ou ftipuleront quelque
Ade, Contrat, OU Inftrument, ils y mettent expreffément la qualité : 8c
qu’il foit permis à tout Frere de notre Ordre, qui trouvera lefdits
Contrevenans, d’informer contre eux de fa propre autorité , & de
donner avis de ladite contravention à Monfeigneur l’Eminentifiime
Grand-Maître & à fon Confeil, afin d’en faire la punition comme
Tome I» E e^e
Preuves du T. Livre
il leur plaira. Àjoûtant que le Grand-Maître ( vû le confenteroenfc
qu’en a donné fon Eminence ) ne pourra jufqu’au prochain Chapi¬
tre général, donner permiiïion aux Freres Servans de porter la Croix
d’or. Baudoin ou Naberat , page 327 des Statuts & Ordonnances.

NEUVIEME PREUVE. Hifi. pag. Ci.

I NnoCentius Epifcopus, Servus ServorumDei: VenerabilibuS


Fratribus Archiepifcopis, Epifcopis, ac diledis Filiis Abbatibus <5c
Prioribus & univerfis Eccleliarum Prælatis, ad quos Litteræ iltæ perve-
nerint, falutem & Apoltolicam benedidionem. Quàm amabilis Deo,
Ôc quàm venerandus hominibus locus exiltat, quàm etiam commodunx
& utile receptaculumperegrinis écpauperibus præbeat Hierofolymita-
numXenodochium, hi qui per diverfa maris &terræ pericula, piæde-
votionis intuitu, Sandam Civitatem Hierufalem & Sepulchrum Do-
mini vifitant, afhduè recognofcunt. Ibi enim indigentes & pauperes-
reficiuntur , infirmis multimoda humanitatis obfequia exhibentur ; ôc
diverfis laboribus, atque periculis fatigati, refumptis viribus recrean-
tur. Atque ut ipfi ad Sacrofanda Loca Domini noltri Jefu Chrilti cor-
porali præfentia dicata valeant proficifciiEr^/m ejufdem Dornas, nonfor-
midantes pro Fratribus fuis animas ponere $ cum fervientibus & eqmtaturis ad hoc
ojfcium ffecialiter deputatis & propriis fumptibus retentis , tam in eundo, quam
redeundo, ab incurfibus Vaganorum defenfant.
Illi funtj per quos Deus Orientalem Ecclefîam à Paganorum fpur-
citia libérât, & Chriftiani nominis inimicos expugnat. Et quoniam ad
tam fandum & pium opus explendum, eis propriæ non fuppetunt fa-
cultatesÿ charitatem veltram per Apoltolica fcripta exhort^mur in Do¬
mino , quatenus de veitra abundantia eorum inopiam fuppleatis, Ôc
populum vobis commiffum, ipforum Fraternitatem afïumere j & ad
pauperum ôc peregrinorum fuftentationem colledas facere inremiffio-
nempeccatorum fuorum, frequentibusexhortationibus moneatis. Hoc
feientes, quod eamdem Hofpitalitatis Domum, cum omnibus ad ip-
fam pertinentibus, fubBeati Pétri ôc noltra protedione fufeepimus, ôc
feripti noltri pagina communivimus. Et quicumque de facultatibus fibi
à Deo collatis , eis fubvenerit, ôc in tam fanda Fraternitate , fe colle-
gam ftatuerit, eifque perfolverit bénéficia annuatim 3 feptimam injun-
dæ poenitentiæ» confifi de beatorum Pétri ôc Pauli Apoltolorum me¬
ntis, indulgemus. Ob reverentiam quoque ipfius venerabilis Domus,
audoritate Apollolicaconltituimus, ut hi qui eorum fraternitatem af*
fumpferint, ii fortè Ecclefiæ ad quos pertinent, à divinisofficiis fue-
rint interdidæ, eofquemori contigerit, eifdem fepultura ecclefialtica
non denegetur : niü fortè excommunicati, vel nominatim fuerint in-
terdidi.
Volumusautem, utliceateis confratres fuos, quos Eccleliarum Præ-
lati, apud Ecclefias fuas non permiferint fepeliri, nifi fortè excommu-
micati, vel nominatkafuerint interdidi ? ad Ecclefias Hofpitalis tumu-
de l’Histoire de Malte. 587
iandos deferre, & oblationes tam pro eis, quàm pro aliis, qui in fuis
Coemeteriis requiefcunt exhibitas, fine alieni juris præjudicio, retine-
re. Hoc etiam addito, ut receptatores ejufdem fraternitatis, five col-
ledæ, falvo jure Dominorum fuorum, fub beati Pétri & noltra pro-
tedione confiflant. Adjicientes infuper, ut fi quieorundem Fratrum,
qui ad eafdem Fraternitates, vèl colledas mifii fuerint, in quamlibet
civitatem , caftellum vel vicum advenerint, fi fortè locus ipfe à di-
vinis Officiis fuerit interdidus, in eorum jucundo adventu, femel in
anno aperiantur Ecclefiæ, & excommunicatis ejedis, Divina Officia
celebrentur. Admajorem quoque eorum & veftræ mercedis cumulum
nihilominus, vobis mandando præcipimus, quatenus hanc noftram
Conftitutionem per Parochos veltros nunciaripropriislitterisfaciatis:
mandamus etiam, ut fi qui de Clericis Ecciefiarum veltrarum, præfa-
ti Hofpitalis Fratribus, cum licentia Prælati fui, fpontè, ac gratis peç
annum , vel biennium fer vire decreverint; nequaquam impediantur ?
Si intérim, fua Bénéficia, vel Ecclefiallicos redditus non amittant.

Ego Innocentius Catholicæ Ecclefiæ Epifcopus, fubfcripfi.


Ego Joannes Epifcopus Cardinalis Ollienfis, fubfcripfi.
Ego Chunradus Epifcopus Cardinalis Sabinen. fubfcripfi.
Ego Guillelmus Epifcopus Cardinalis Prænéftin. fubfcripfi.
Ego Frater Matthæus Epifcopus Cardinalis Albanen. fubfcripfi.
Ego Joannes Presbyter Cardinalis Tit. Sandi Crifogoni, fubfcripfi.
Ego Petrus Presbyter Card. Tit. Sti. Martini in Montibus, iubfcripfi.
Ego Gerardus Presbyter Card Tit. Stæ Crucis in Hierufalem , fubfcr.
Ego Petrus Presbyter Cardinalis Tit. Sandæ Anaftafiæ, fubfcripfi.
Ego Jofephus Presbyter Cardinalis Tit. Sandæ Cæciliæ, fubfcripfi.
Ego Anfelmus Presbyter Card.Tit. StiLaurentiiin Lucina, fubfcripfi.:
Ego Komanus Diaconus Card. Sandæ Mariæ in Porticu, fubfcripfi.
Ego Gregorius Diaconus Cardinalis SS. Sergii dcBacchi, fubfcripfi.
Ego Guido Diaconus Cardinalis Sandæ Mariæ in via Lata, fubfcripfi.
Ego Albertus Diaconus Cardinalis Sandi Theodori, fubfcripfi.

Datum Laterani, per manusHaymerici, Sandæ Mariæ novæ, San¬


dæ Romanæ Ecclefiæ Diaconi Cardinalis Cancellarii, decimo Calen-
das Mardi, Indidione odava, Pontificatus vero Domini Innocentai
Papæ Secundi, anno primo. Ex Bofio Tom. 1. L. 3. pag. 108.

DIXIEME PREUVE. Hifi. pag. 69-

I N nomine fandæ & individuæ Trinitatis, Patris & Filii <Sc Spiritus
Sandi. Tempore quo Calixtus Papa fecundus, & quartus Henricus
Romanorum Imperator Augulluspace eodem anno inter Regnum
& Sacerdotium luper annuli & baculi controverfia , celebrato Romæ
Concilio, Deo auxiliante, peradâ, alter Romanam Ecclefiam, al-
îprque Regnum xegebat, Dominions Michaelis Venefiæ Dux, Dalmatias
Eeee ij
^ 89 Preuves du I* Livre
atque Cfoatîse Regni Princeps, innumerâ claflium militiæque multi-
tudine, priùs tamen ante importuofas Afcalonis ripas, Paganorum
claflium Regis Babyloniæ graviflimâ flrage fa&â , demum in Hierufa-
lem partes , ad neceflarium Chriftianorum patrocinium vi&oriofus
advenit. Rex quippe Bdduinm Hierufalem fecundus, tune temporis,
peccatis noftris exigentibus, fub Balac Principe Parthorum, Pagano¬
rum laqueo cum pluribus aliis captivus tenebatur. Propterea nos-qui—
dem Gormundtts, Dei gratiâ fan&æ civitatis Hierufalem Patriarcha 4
cum noftræ Ecclefiæ Fratribus fuffraganeis, Domino Wilelmo de Bnn»
Conftabulario , 6c Pagano Cancellario, nobis cum totius regni Hiero-
folymitani fociâ Baronum militiâ conjundâ , Achonein Ecclefia.
Fandæ Crucis convenientes : ejufdem Regis Balduini promiflion.es
fecundùm literarum fuarum 6c nunciorum prolocutiones, quas eideny
Veneticorum Duci fuosper nuncios, ufque Venetiam, Rex ipfeman-»
daverat, propriâ manu,, 6c Epifcoporum flve Cancellarii manu pa*
cifque ofeulo , prout Ordo nofler exigirdatis : Omnes vero Baro*
nés, quorum nomina fubfcripta funt, fuper fanda Evangelia fubferi-*-
ptas depadionum conventiones, fandiflimo Evangeliftæ Marco , præ-
dido Duci fuifque fuccefforibus, atque genti Veneticorum limul fta-
luentes affirmavimus, quatenus fine aliqua contradidone, quæ dida
6c quemadmodum inferiùs fubfcripta funt, ita 6c rata , 6c in futurunx
allibata, flbi fuæque genti in perpetuum permaneant. Amen. In om¬
nibus feilicet fupradidi Regis, ejufque fucceflorum fub dominiov
atque omnium fuorum Baronum civitatibus, ipfl Venetici Ecclefiam
%& intégrant rugam , unamque plateam flve balneum, nec non 6c fur*
num habeant, jure hereditario in perpetuum poflidenda , ab omnj
exadione libéra , fleut funt Regis propria. Verùm in platea Hierufar-
iem tantum ad proprium habeant, quantum Rex habere folitus efh-
Quod fi apud Accon, furnum, molendinum , balneum , ftateram ,
modios 6c buzas ad vinum, oleum, vel mel menfurandum in vico
|Cuo Venetifacere voluerint, omnibus inibi habitantibus abfque contra-
didione quicunque voluerit coquere, molere, balneare, ficut ad prer-
pria Regis libéré liceat. Sed modiorum , ftateræ atque buzæ menfuris,.
hoc modo uti liceat. Nam quando Venetici inter fenegotiantur, cum
propriis, id eft, Veneticorum menfuris menfurare debent : cum ver6'
Venetici res fuas aliis gentibus vendunt, cum fuis , id efl:, Veneti¬
corum menfuris propriis vendere debent. Quando autem Venetici ab
aliquibus gentibus extraneis quàm Veneticis, commercio aliquid ac-
cipientes comparant, cum Regiis menfuris datoque pretio accipere
licet. Ad hæc Venetici nullam dationem, vel fecundùm ufum , vel
fecundùm ullam rationem, nullo modo, intrando ,Itando, vendendo,
comparando vel morando, aut exeundo , de nulla.penitùs caufa ali-
quam dationem perfolvere debent, nifi folum quando veniunt, aut
exeunt cum fuis navibus peregrinos portantes: tune quippe fecundùm.
Regis confuetudinem, tertiam partem ipfi Régi dare debent. Unde
jpfe Rex Hierufalem , 6c nos omnes , Duci Veneticorum de fundo
r>E l’Histoire de Malte. ygp
Tyrl, èx parte Régis, fefto Apoflolorum Pétri & Pauli, trecentos in
unoquoque anno bizantios Sarracenatos, ex debiti conditione per-
folvere debemus. Vobis quoque, Duci Venetiæ, 8c veftræ gcnti pro-
mittimus, quod nihil plus accipiemus ab illis gentibus , quæ vobif-
cum negociantur , nifi quantum foliti funt date, & quanta accipimus
ab îilis qui cum aliis negotiantur gentibus. Præterea illa-rn ejufdem
plateæ, rugæque Achon partem unum caputin manlione ?etnZanniy
aliud vero in fandi Dimitri Monafterio firmantem -, 8c ejufdem rugæ
tdiam partem , unam materiariam 8c duas lapideas manfioneshaben-
tes, quæ quondam cafulæ de cannis elfe folebant, quam Rex Bal~
duims Hierufalem primitus beato Marco , dominoque Duci Ordolœfi,
fuifque fuccefforibus in Sydonis acquifitione dédit -, ipfas inquam par¬
tes , beato Marco , vobifque Domimco Michaëh , Venetiæ Duci, veftris
quoque fuccefforibus per præfentem paginam confîrmamus : vobifque
poteflatem concedimus, tenendi, pofiidendi, 8c quicquid vobis inde
placuerit, in perpetuum faciendi. Super ejufdem autem rugæ alia par¬
te, à domo hemurdi de novo Caftello , quæ quondam Johanms fuerat
fnham> ufque ad domum Guibem de Joppen generis Laudæ , redo
tramite procedente ,. vobis eandem quam Rex habuerit poteflatem pe-
rûtùs damus. Quin etiam nullus Veneticorüm in totius terræ Regis,
fuorumque.Baronum dominio , aliquam dotionem in ingrediendo ,
vel ibi morando , aut exeundo per ullum ingenium dare debeat : fed
lie liber ficut in ipfa Venetia fit. Si vero aliquod placitum, vel ali-
cujus negotii litigationem, Veneticus erga Veneticum habuerit, in
curia Veneticorüm diffniatur. Vel fi aliquis adverfus Veneticum que-
ïelam aut litigationem fe habere crediderit, in eadem curia Veneti-
corum determinetur. Verùm fi Veneticus fuper quemlibet alium ho-
fninem, quàm Veneticum , clamorem fecerit, in curia Regis emen-
detur. Infuper ubi Veneticus ordinatus vel inordinatus, quod nos
fine Imgua dicimus, obierit , res fuæ in poteflatem Veneticorüm re-
ducantur. Si vero aliquis Veneticorüm naufragium paffus fuerit, nul-
lum de fuis rebus patiatur damnum. Si naufragio mortuus fuerit, fuis
Jheredibus aut aliis Veneticis res fuæ rémanentes reddantur. Præterea
iuper cujus gentis Burgenfes in vico 8c domibus Veneticorüm habi¬
tantes, eandem juflitiam 8c confuetudines quas Rex fuper fuos , Ve-
Detici habeant. Denique duarum civitatum Tyn 8c sîjcs.loms tertiam.
partem , cum fuis pertinentiis, 8c tertiam partem terrarum omnium
libi pertinentium, à die fandi Pétri, Sarracenis tantum fervientium,
quæ non funt in Francorum manibus , alteram quarum, vel fi, Deo
auxiliante , utramque per eomm auxilium , aut aliquod ingenium in
Chriftianorum poteflatem Spiritus S an dus tradere voluerit : illam ,
inquam , tertiam partem , ficut didum eft, libéré 8c regaliter , ficut
Rex duas, Venetici habituri in perpetuum , fine alicujus contradi-
dionis impeditione , jure hereditario poflideant. Univerfaliter igitur
fiipradidas conventiones ipfum Regem, Deo auxiliante, fi aliquando
fjgreffurus de captivitate eft, nos G or mm dus Hierufalem Patriarche
E eee iij
ypo Preuves du I. Livre
confirmârê per Evangelium faciemus. Si verô alter ad Hierofolyml-
ranum regnum , in Regem promovendus advenerit, aut fup'eriùs or-
dinatas promifiiones antequam promoveatur , ficut antè didum efl ,
ipfum confirmare faciemus ; alioquin ipfum nullo modo ad regnum.
provehi affentiemus. Similiter eafdem & eodem modo confirmationes,
Baronum fuccelfones, & novi futuri Barones facient. De cauffa verà
Antiochena, quam vobis RegemBaLdumumfecundunijfub eadem confti-
tutionis depadione promififîe benè fcimus, in Antiocheno Principatu.
ie vobis Veneticis daturum : videlicet lie in Antiochia, ficut in cse*
teris Regis civitatibus , fi quidem Antiocheni Regalia promilFtonum
foedera vobis attendere voluerint : nos idem Gormundus Hierufalem.
Patriarcha , cum noftris Epifcopis, Clero , Baronibus, populoques
Hierufalem, confilium 8c auxilium vobis dantes} quod nobis Domi-
nus Papa inde feripferit, bonâ fide totum adimplere 3 8c hæç omnia
fuperiora , ad honorem Veneticorum promittimus.
Ego Gormundus Dei gratiâ Hierofolymorum Patriarcha, propriâ no^
ftrâ manu fupradida confirmo;
Ego Ebremarus Cæfarienfis Archiepif. hæc eadem fimiliter confirma*
Ego Bernardus Nazarenus Epifcopus fimiliter confirmo.
Ego Afquitinus Bethleemita Epifcopus fimiliter confirmo.
Ego Rogerius Liddenfis fandi Georgii Epifcopus fimiliter confirme),.
Ego Gildoinus Abbasfandæ Mariæ val’is Jofaphat fimiliter confirmo*
Ego Gerardus Prior fandi Sepulchri fimiliter confirmo.
Ego Ricardus Prior Templi Domini fimiliter .affirmo.
Ego Arnaldus Prior montis Sion fimiliter affirmo.
Ego Wilelmus de Buris 3 Regis Conftabularius3 fimiliter affirmo.
Data apud<^^»> per maniis Pagani, Regis Hierufalem Cancel^.
larii, anno millejïmo cemejïmo vigefimo •tertio , indiUione fecundâ*
Ex Gmllelmo Tyr. lib. iz. pag. 830,

ONZIEME PREUVE, Hijh pag. 71.

E Odem anno, quidam nobiles viri de equeflrî ordine, Deodevoti,


religiofi 8c timentes Deum, in manu domini Patriarchæ, Chrifti
fervitio fe mancipantes , more Canonicorum regularium , m cajtitate,
& obedientia, & jme propno velle perpetuô vivere profeffi funt. Inter
quos primi 8c præcipui fuerunt, viri venerabiles, Hugo de Paganis, 8c
Garfuedus de fiwbto Aldanaro. Quibus , quoniam neque Ecclefia erat ,
neque certum habebant domiciiium, Rex in palatio quod fecus tem-
Eîum Domini, ad auftralem habet partem, eis ad tempus conceffit
abitaculum. Cunomci verô Templi Domini, plateam quam circa præ-
didum habebant palatium, ad opus officinarum , certis quibufdam
conditionibus conceflerunt. Dominus autem Rex cum fuis proceri*
bus , dominus quoque Patriarcha cum Prælatis Ecclefiarum, depro-
priis dominigalibus çerta eis pro vidu 8c amidu bénéficia 3 quædam ad
dë l’Histoïj! de Malte j'pi
tcmpuSj quædam inperpetuum contulerunt. Prima autem eorum pro-
feflio, quodque eis à domino Patriacha, & reliquis Epifcopis , in re-
miflionem peccatorum injundum eit ; ut vias & ttinera, ad jalutem Pe-
regrinorum > contra latronum <y incurfantium tnfidtas y pro viribus confervarent.
Novem autem annis poft eorum inftitutionem in habitu fuerunt fecu-
lari j talibus utentes veftimentis , quales pro remediis animarum fua-
rum populus largiebatur. Tandem nono anno , Concilio in Francia
apud /recas habito , cui interfuerunt Dominus Remenjîs , 8c Dominus
Senonenfis Archiepifcopi , cum Sufiraganeis fuis; Albanenfis quoque
Epifcopus, Apoftolicæ Sedis Legatus ; Abbates quoque Ciftercien/is >
8c Clarevadenfis, 8c "Pont imac en fis , cum aliis pluribus , inftituta eft eis ré¬
gula, 8c habitus affignatus, albus videlicet, de mandato domini Ho~
nom Papæ, 8c Domini Stepham Hierofolymitani Patriarchæ. Cumque
jam annis novemin eodem fuilfent propofito, non nifi novem erant:
ex tune coepit eorum numerus augeri, 8c poffefliones multiplicaban-
tur. Poftmodum vero , tempore D. Eugenu Papæ , ut dicitur, cruces
de panno rubeo , ut inter cæteros efient notabiliores, mantellis fuis
eoeperunt affuere, tam équités quàm eorum fratres inferiores, qui di-
cuntur Ser vient es. Quorum res adeo crevit in immenfum, ut hodie tre-
centos plus minufve in conventu habeant Equités , albis chlamydi-
bus indutos : exceptis fratribus, quorum penè infinitus eft numerus.
Pofleiïiones autem tam ultra, quàm citra mare adeo dicuntur im-
menfas habere , ut jam non fit in orbe Chriftiano Provincia , quæ
prædidis Fratribus bonorum fuorum portionem non contulerit ; 8c,
regiis opulentiis pares hodie dicantur habere copias. Qui, quoniam
juxta Templum Domini, ut prædiximus, in palatio Regio manfionem
habent, Praires mi lit U Templi dicuntur. Qui cùm in honeflo fe confer-
vaflent propofito , profeflioni fuæ fatis prudenter fatisfacientes, ne-
g le et â kumihtate ( qu<z omnium vmutum cujïos ejfe dinofeitur ; & m imo fpente
Jedens , non habet un de cafum patiatur ) D. Patriarchæ Hierofolymitano ,
à quo 8c Ordinis inlütutionem , 8c prima bénéficia fufceperant, fe
fubftraxerunt, ooedientiam ei, quam eorum prædecelTores eidem ex-
hibuerant, denegantes : fed 8c Ecclefiis Dei, eis décimas 8c primitias
fubtrahentes, 8c eorum indebitè turbando pofieffiones fadi funt valdc
jnolefli. Ex Guillelmo Tyr. Ub. n. pag. 814.. c. 7. hb. 1. p. 50.

DOUZIEME PREUVE. Htfi. pag. 86.

A D feptimum ïdus Septembris, anno millefimo centefimo trigefi-


mo-quarto infignis ea clades ad Sarinienam Oppidum accepta eft.
Magnus Imperator, animi vigore præftanti, arque eo feculo Chriftia-
ni no minis decus 8c gloria , cum hofte novies 6c vicies ligna contulit 5
ut vetuftus audor arfirmat, plerumque vidor , regnavit annis triginta»
Reliquit teftamentum ante très annos nuncupatum in ipla obfidione
Baionæ urbis, quam in extrema ora Galliæ expugnaffe, etiam noftra-
îes Sçriptores fufpicantur. Petrus Tara Cornes, ab ÀifoniQ Jordano
5:92 PreüVe£ où I. Livre
Tololate, ex provocatione in fmgulari certamine, in eaobfidioneper-
emptus efl. In eo teltamento TempÜs 6c Monafteriis tota Hifpania,
milita oppida 6c arces legata : 6c cum proie careret, Templarii 6c HoE
pitalarii milites, prærerea cultodes Sepulcri Hierofolimitani ex afle
omnes, linguli extriente ordines, regnijræredes fcripti : exemplolibe-
ralitatis, quod admirarentur pofteri, improbarent æquales. Sedtantî
erat religioném chriitianam bello amplificare, partumque in Syriaim¬
perium armis tueri,ut certatim viri, fæminæ, Principes6cprivatipræ-
dia, arces, oppida infumptus bellicos fuppeditarent.
Milites Hierofolymitani, qui regni jura ex Alfonli Aragonii Regis
non ita pridem defundi teltamento repetebant, aliqua ratione conci-
liandi erant: Veneratque ea de caufa Raymundus militiæ Divi J.oannis
Magilter,quo agente convenit tandem, ut Cæfarauguftæ,Calatayubæ,
Ofcæ, Barbaftri 6c Darocæ aliilque oppidis, quæcunque Mauris eri-
perentur, Hierofolymitani milites ex lingulis regionibus Chriflianis ,
Mauris, Judæis fingulis familias fubjedas haberent : eæque ipforum
aufpiciis julfuque militaient, alii præterea reditus , opimaque prædia
totaditione data, unde magno quamvis numéro milites vitam militiam-
que fullentarent. Jaccæ aliifque locis domiciliis conltituendis defcri-
ptæ defignatæque areæ. Illud in primis elt cautum, ut Raymundo ipfo
fine proie defundo , regnum rediret ad Milites, iis conditionibus paf-
cifcendis, retradandifque , aliquot anni elapû : quas Gyiilelmus Pa-
marcha Hierofolymitanus cæterique Milites divi Joannis fuo diplo¬
mate ratas Hierofolymæ habuerunt, ad quartum Kalend. Septembris
falutis anno millelimo centelimo quadragefiino -primo, AccelTit Fui-"
conis Hierofolymitani Regis confenfus, ac Hadriani tandem quart!,
qui poft aliquot annos Romanam Eccleliam regendam fulcepit, ap-
probatio. Eo fœdere Templarii etiam Milites comprehenli ; quibus
quod æquior effet Raymundus cum recenti memoria Raymundus
Berengarius ejus pater eam miiitiam effet profeffus , plura attributs
funt. Montio aliaque oppida 6c arces magno numéro donata : déci¬
ma Regiorum vedigalium : quinta eorum quæ bello Maurorum qnæfita
client : immunitate Milites omnes donati : neque niü eorum ;confenfu »
pacem genti cum Mauris fore conceptis verbispromiffum juratumque.
Hæcgerundæ pada conventaque , Guidone Cardinale Pontifîcis Ro¬
mani Legato præfente , dilceptanteque vigefimo-feptimo Novembris,
die , *anno millelimo centelimo quadragefimo-tertio, Mmana lib. io,
capite ij.

TREIZIEME PREUVE. Hifi. pag. ii$.

A Nastasius Epifcopus fervus fervorum Dei , diledo fïiliQ


Raymundo Magiftro Xenodochii civitatis Hierofolymitanæ, 6cc,
Decernimusutreceptores veftrarum fraternitatum, five colledarum,
falvo jure Dominorum fuorum, in B. Pétri 6c noftra protedione confi-
llant, 6c per terras i,n quibus fuerint pa.cem habeaut.
de l’Histoire de Malte. ypj
Quia vero omnia veltra fuilentationibus peregrinorum , 6c paupe-
rum debent cedere , ac per hoc nullatenus aliis iffibus ea convenit
applicari, conltituimus , ut de laboribus, quos veltris fumptibus co-
litis , nullus omnino Clericus , vel laïcus décimas à vobis exigere
præfumat.
Statuimus ut nulli Epifcopo , in Eccleliis à vobis fubditis , inter-
didi, furpenfionis, vel excommunicationis fententiam liceat promul-
gare. Verumtamen li generale interdidum fuerit in loçis illis prola¬
tum , exclulis excommunicatis, 8c nominatim interdidis, claulis januis,
abfque campanarum pulfatione, plané divina Officia celebrentur.
Fratribus veltris lemel . in facro veltro Collegio re-
ceptis , polt fadam Profeffionem , 6c habitum Religionis aflum-
ptum , revertendi ad fæculum interdicimus facultatem. Nec alicui
eorum fas fit, polt fadam Profeffionem , femel affumptam Crucem
Dominicain , 6c Habitum veltræ Profeffionis abjicere, vel ad alium
locum , feu etiam Monalterium, majoris feu minoris Religionis ob-
tentu, invitis five inconfultis Fratribus , aut eo qui Magilter extite-
rit, licentia tranfmigrare , nullique ecclefialticæ fecularique perfonæ
ipfos fufcipiendi aut retinendi licentia pateat.
Præterea honores omnes, live poffeffiones, quas idem Xenodo-
chium ultra feu citra mare, in Afia, vel in Europa , aut in præfenti
jultè habet, vel in futurum rationabilibus modis Deo propitio po-
terit adipifci, vobis pro holpitalitatis Itudio enitentibus , 6c per vos
jam dido Xenodochio connrmamus. Nulli ergo , 6cc.
Pat, Lateran. per manum Rolandi S. R. E. Presbyteri Cardinalis
6c Cancellarii 12. Kalend. Novembris, indidione quarta , incarna-
tionis Dominicæ 1154, Pontificatus Doxnini Analtafii quarti anno
fecundo. Ex magno Bullano t. 1.

I N nomine Domini Dei æterni, ac Salvatoris noltri Jefu-Chrilti, an¬


no incarnationis ejufdem millefimo centelimo trigeiimo - feptimo,
indidione undecima , Rogerius divina favente clementia, Rex Si-
ciliæ , Ducatus Apuliæ , 6c Principatus Capuæ. Quoniam in multis
offendimus omnes non tam meritis noltris, quàm fandorum Reli-
gioforum Virorum precibus, Chrilti mifericordiam affequi confidi-
xnus. Scriptum nam que elt : Multum valet deprecatio julti affidua ;
ideo pium elt 6c rationabile, omnium Creatori quatenus de bonis,
quæ nobis omnipotentis Dei mifericordia habere conceffit, paupe-
rum Chrilti, 6c fervientium Deo ufui , dum in præfenti verfamur
naufragio , manu adjutrice fubveniamus, qui pro nobis orationibus
affiduis interpellant Regem Coelorum, 6c ut nobis janua Paradifi ape^-
riatur , pulfare affiduis precibus non defiltunt, Hac igitur dudi com-
pundione laudabili, confiderantçs, Magiftri Raymundt de Podio, 6c Fra-
trum Hofpitali§ fandi Joannis Hierofoïymitani honeltam vitam , 6c
eleemofynarum largitionem pio nomine approbatam , quam facit
fandum Xenodochium de Hierufalem 3 in receptione 6c recreatione
Tome I, Ffff
5'<?4 PRîuvïi t>tr I. Livre
pauperum 6c infîrmorum undique confluentium, pro honore & re-
verentia Jefu-Chrifti, qui fe in paupere recipi profitetur.. Nos igitur
quem Deus in Regni Siciliæ primo folio voluit præfidere , pro falute
animæ Patris noltri gloriofæ mémorisé Rogerii Comitis, matrifque
noliræ Adelartæ Reginæ , 6c mei , noftrorumque exinde parentum;
Magiftrum & Fratres Hofpitalis Hierufalem , omnefque DomosHof-
pitalis, quæ in Regno noltro funt, cum Confratribus, hominibus ,
pofifefîionibus, ac omnibus juftitiis, 6c rationibus fuis fub fpeciali pro-
tedione 6c defenfione noftra , noflrorumque hæredum recipimus 6c
habemus. Et quicquid per totum Regnum ubique, aut intra civitates,
live extra, à dido Holpitali, præfenti noftro tempore effc obtentum,
6c in futurum conceflione Pontificum, liberalitate Principum , obla-
tione Fidelium Hofpitali fuerit attributum , concedimus 6c robore
perpetuo confirmamus.
Volumus infuper, ut hofpitale præfatum habeat libertatem herba-
rum , aquarum pro animalibus fuis, 6c ufum ficcorum lignorum
ac viridum pro Domibus reparandis , 6c aliis neceflitatibus fuis
quæ ab omnibus Domibus Hofpitalis præfati , 6c hominibus fuis-
per Regnum noftrum , tàm in terra , quàm in mari, penitus indul-
gemus ÿ 6c ut libéré vendere , 6c emere poflint ubicumque, five ex-
trahefe undecumque voluerint , pro utilitate Plofpitalis ejufdem-
Concedimus etiam , quod Dominus nos, 6c noltros hære-des manu
teneat 6c confervet, ut Redores 6c Fratres iplius Hofpitalis ubicum¬
que facere voluerint Hofpitale vel Receptaculum infirmorum, libéré
inde habeant poteftatem. Et quicquid in eleemofynam à Chrifti Fi-
delibus, five indigenis , aut alienigenis, de univerfis Provinciis ye-
nientibus fuerit elargitum fine contradidione noftra, noflrorumque
Fidelium, pro infirmis confortandis, pauperibus fuflentandis , reci-
piat abfolutè ficut fuerit legatum. Nec aliquis magnus , vel minor ,
nobilis, vel ignobilis, Fidelium aut Baillirorum noflrorum 3 Fratri-
bus vel Domibus Hofpitalis prædidi, aliquam violentiam inférât, vel
jaduram j nec de aliquibus rebus, vel pofleflionibus, quas didum
Elofpitale Hierufalem in Regno noflro poflidet , fine juris ordine ,
diftrahere præfumat. Si quis autem, quod abfit, hujüs noflræ dona-*-
tionis, vel conceflionis paginam temerario aufu , in aliquo inter-
rumpere, vel violare præfumpferit, indignationem. omnipotentis
Dei, 6c noftri culminis fciat fe incurfurum. Ad hujus autem noflræ
donationis 6c conceflionis indicium, per manum. videlicet noftri
Notarii, Scribæ , noftrique Tiparii, Bulla plumbea infigniri præ-
cepimus. Datum Panormi , per manus Guarini Cancellarii, lexto
idus Odobris, anno vero Regni Rogerii gloriofiflimi Regis Siciliæ,
Ducatus Apuliæ 6c Principatus Capuæ, undecimo féliciter. Amen*-
.
Ex Archiv. Paticano in %egiflro Innocenta quant, t. 3 Ep. 253.
de l5Histoire de Malte.
S9 S
QUATORZIEME PREUVE. Hift. p. uS.

F O st hæc autem , antequam cætera profequatur autor, digre-


ditur ad profedionem Patriarchæ Hierofolymitani in Italiam, ad
conveniendum Hadrianum Pontificem , dum in his bellicis occupa-
tionibus occupatus detineretur. Caufam autem ejus profedionis’fuiffe
narrat controverfiam inter ipfum & milites hofpitalarios ratione de-
çimarum obortam, cujus caufa fuit ipfî cum fuis fummus Pontifex
conveniendus, eo quod ( ut præmifit ) iidem Hofpitalarii privilegio
Pontificio exempti efifent à juribus Patriarchæ, ôc fubjedi tantum-
modo Romano Pontifici, qui de ipfis & in ipfos jus diceret : poft-
quam ergo ( pergit Tyrius ) læpe ac fæpius tàm D. Patriarcha, quàm
reliqui Ëcclefiarum Prælati apud eofdem Fratres fua jura repofcen-
do non proficiebant ( ut præmifimus ) ad Romani Pontificis hinc inde
proceffum eft auditorium. Aflumens ergo D. Patriarcha fibi, licèt
longævus elfet ôc ferè centenarius, de Ëcclefiarum Prælatis D. Ty-
rienfem Archiepifcopum , ôc de Suffraganeis ejus D. Fridericum Ac-
conenfem Epifcopum, Almaricum Sidonienfem Epifcopum, D. Bal-
-duinum Cælarienfem Epifcopum , Dominum Renerum Sebaftenum
Epifcopum , D, Hebertum Tiberiaclenfem Epifcopum, vernalistem-
poris gratia refpirante , cum primum mare flatibus exagitatum hybernis,
fpirante Favonio , coepit fe reddere placabilius , iter aggrelh, autore
Domino , Hydruntum Apuliæ urbem maritimam profpero curfu at-
.tigerunt,
Interea dum Pontifices Orientis una cum D. Patriarcha fines atti-
giflent Apuliæ ( ut præmifimus ) Conftantinopolitanus Imperator ver-
bum Domini Papæ profecutus, immififts de Principibus fuis cum infi-
nita pecunia , confentientibus eis illarum partium proceribus, regio-
ném violenter invaferant, ita ut poltquam D. Patriarcha cum fuis
ab Hydrunte ufque Brundufîum pqrvenilfet, D. Imperatoris familia
urbem prædi&am , tradentibus eam civibus, jam recepififet in fuam,
folo præfidio civitatis, in quo pauci erant, in fidelitate D. Regis per-
feverante. Cornes quoque Robertus de quo fuperiùs fecimus mentio-
nem, cum iis qui partes fuas tam Regis odio , quàm ejus gratiâ fe-
quebantur, Tarentum, Barum , egregias Métropoles , ôc omnem.
maritimam regionem ufque ad Regni terminos violenter occupaverat.
Prædicti vero magni <5c incliti viri, Robertus , Princeps Capuanus,
Ôc Cornes Andræas univerfam Campaniam, quæ vulgari appellatione
dicitur, Terra laboris, ufque ad Salernum, ôc ufque Neapolim , ôc
ufque fandum Germanum fibi vendicaverant ; eratque tota regio in
tanto motu, ut nufquam quies, nufquam fecuritas efiet tranfire vo-
lentibus. Romanorum etiam Imperator D. Fridericus circa partes.
Anconitanas cum exercitibus fuis moram faciens, tam in legionibus,
, quas in Itaham introduxerat, çladem patiebatur, ut deficientibus ma-
joribus $ç nobilioribus ImperiiPrincipibus, vix decimus quifque fu-
Ffffij
Preuves du I. Livre
perelfet. Unde eos qui fupererant, ad propria redire volentes, co-
hibere non valens, ipfe quoque ad reditum, licèt invitus accingeba-
tur. Multa enim fupererant negotia, 6c maxime contra eundem Sicu-
lumRegem, quæ ejus exigebant præfentiam. ) Hoc ipfum erat tem-
pus quo Willelmus deprecabatur quam inltantilftmè pacem, nec au-
diebatur , ut didum elt fuperiùs. Preffus enim tôt tantifque undique
hoftibus iifdem potentibus , refpirandi fibi neque dabatur locus. Quæ
autem poil hæc fequuta Tint, fuo loco fequenti anno dicentur.
Modo autem una cum Willelmo Tyrio profequamur res geltas à
Patriarcha Hierofolymitano , cum pluribus Epifcopis ab Hierofoly-
mis ad Hadrianum Pontificem properante : D. porro Patriarcha ( in-
quit Tyrius ) cum fuis confortibus itineris anxie deliberabat, quâ via
ad D. Papam in tanto tumitltu poffet accedere : undique enim prælia,
undique l'editiones omnem videbantur aditum præclufilfe. Anfqueti-
nus quoque quidam Regis Siciliæ Cancellarius urbem obfedit Bene-
ventanam , nuntiifque D. Patriarchæ qui ad hæc milîi fuerant, ut ei
à prædido Cancellario ducatum implorarent, omnino negavit per
partes illas tranfitum, quæ tamen via multo cæteris erat compendio-
lior. Tandemque habito quorumdam prudentum confilio, viam ma-
ritimam fecutus, cum omni comitatu fuo Anconam pervenit : milfis
inde ex latere fuo quibufdam Epifcopis, qui D. Imperatorem Roma-
norum, jam , ut diximus, ad propria redeuntem , verbis ejus faluta-
rent, 6c pro negotiis ejus adD. Papam litteras obtinerent impériales.
Quod & fadum elt, licèt ipfe Imperator urbem Senogallias, 6c Pi-
faurum jam pertanliilfet pro redeundo follicitus.
At vero D. Patriarcha cum fuo comitatu Romam verfus iter diri-
gens, D. Papam à civitate Narnienfi egreflum, quafi fugientem pro-
fequebatur. Tandem Romam veniens, ibique per dies aliquot fada
mora -, cùm ei nuntiatum elfet, apud urbem Ferentinum Û. Papam
greffum fixiffe , illuc incundanter properat, ut de negotio pro re
qua venerat, experiri tentaret. Dicebant quidam ( nempe Papæ ad-
verfarii, à quorum ipfe ore pendebat ) D. Papam , ut eum tædio
afficeret, & gravaret fumptibus, eum ftudio fe declinare : nam mu-
neribus infinitis corruptus, in partem Hofpitalariorum dicebatur fe
dediffe proclivem , qui jam ad eum multo ante prævenerant. Alii di¬
cebant urbis Beneventanæ gratiâ, quæ obfidione claudebatur, ut di¬
ximus , eum tamen maturato adveniffe itinere. Illud tamen erat evi-
dens, favorem fuum <Sc familiarium fuorum Hofpitalariis nimisindul-
iiffe y D. vero Patriarcham cum fuis quafi adulterinos filios fallu quon-
dam & indignatione à fe repellere quali indignos. Poltquam igitur
Patriarcha ad prædidam urbem pervenit , obtulit fe de more Apo-
llolicis afpedibus : ubi & male receptus, & pejus habitus , invitis ex
plurima parte Cardinalibus, certum de D. Papæ mentis conceptu ^ 6c
habitatione reportant argumentum. Ille tamen quorumdam pruden¬
tum amicorum fuorum fretus conhlio , totum hoc dilfimulans, ficut
homo feverus erat, D. Papam ffequentabat, diebus fedis alfiduus erat
de l’Histoire de Malte. 5*97
in Confiftorio, Epifcoporum fuorum coetu venerabiliter circumreptus:
cui etiam Stolvocatorum turba , quoties opus erat, jugis affiltebat,
officium adimplere parata.
Data igitur utrifque partibus audientia, cum jam per multos dies
utrimque inutiliter effet decertatum ; videns D. Patriarcha , 6c per
quofdam familiares amicos fuos intelligens , quod non proficcret :
lumpta licentia , conditionem referens deteriorem, confulione indu-
tus 6c reverentia , aggreffus eff ad propria redire. De tanta autem
Cardinalium turba vix reperd funt duo vel très, D. videlicet 06ta-
vianus, D. Joannes de fando Martino, qui ejufdem D. Patriarchæ ,
dum effet Tyrenfis Archiepifcopus , Archidiaconus fuerat, qui Chn-
ftum fequentes , ejus miniltrum in caufa fua pie vellent fovere. Alii
omnes abeuntes poft munera fecuti funt vias Balaam filii Bofor.
En vides Ledor, quàm fuerit Patriarcha deceptus , qui nefarios
homines , fadiofos , Pontifici adveriarios prædicat fandos , reliquos
vero magni nominis Cardinales ex vitæ finceritate 8c litteris undique
confpicuos ita infamiæ nota reliquerit fcriptis inuffos. Sed qui boni,
qui vero mali fuerint, adeo luis ipforum fadis univerfo Chriftiano
orbi declaratum elt, ut illi non indigeant commendatione , îltis inu-
tilis fit prorfus omnis defenlio. Pergit vero Tyrius : D. vero Papa ,
urgentibus eum curis domefticis, tranfcurfa Campania, Bencventum
pervenit. Bar. t. II. an. n^.p. z$i.

QUINZIEME PREUVE. Hijh p. m.

C Um præcipua Philofophia Chriffianorum fit cogitatio mortis ;


prudentium eft, diem mortis prævenire j 8c fie luper bonis fuis
difponere, ut poffint de immortalitate fperare. Idcirco, ego in Dei
nomine , Guio Furcarquerienfis Cornes, temporalibus æterna, tran-
fitoriis permanentia cupiens comparare ; pro l'alute animæ meæ , &
Parentum meorum, dono Deo , 8c HolpitaLi Hierofolymitano , 6c
Pauperibus, in perpetuum , Manoafcam , Burgum, & Caftellum ,
8c totas auras, cum toto territorio , 8c omnibus ad Manoafcam per-
tinentibus ; hoc elt, ufque ad territorium montis Furonis > 8c nique
ad territorium fandi Martini, 8c ufque ad territorium Dalnni, 8c ni¬
que ad territorium de Vols , 8c ufque ad flumen , quod vocatur Du-
rencia : Et me ipfum eidem Hofpitali * 8c Pauperibus in perpetuum
ad ferviendum contrado. Reliqua bona mea ubicumque fint, filiis
fratris mei relinquo : Et eos per fidem fuam rogo , ut hanc donatio-
nem , hoc falubre relidum , quod pro redemptione animæ meæ in
Pauperes confero hrmum, illibatumque confirment. Quod fi violare
vel perturbare præfumpferint 5 eis omnia quæ reliqui aufero; 6c Gui-
nanno , 6c Bertranno Raimbaldi omnia bona mea relinquo 3 ut quod
reliqui Hofpitali 6c Pauperibus, firmum manere faciant, 6c tam ipfi,
quàm hæredes eorum , perpetuo défendant. Sciendum tamen elt,
quod inhis omnibus, quæ filiis fratris mei relinquo , matrem iueam*
5*pg Preuves du II. Livre
cium vixerit, ufum fruduum habere volo. Præterea matrî meæ, jure
proprietatis relinquo idtotum , quod ejus induftria, Caftro quod vo^
catur Pertus accrevit. Fada efl: hæc difpofitio anno ab Incarnatione
Domini, millefimo centefimo quadragefimo-nono, tertio kalendas Ju-
nii, luna vicefima-prima, régnante Imperatore Conrado , in præ~
fentia D. Pétri Siftercienfis Epifcopi, autoritate eu jus , & teftimonio
efl: confirmata. Præterea , ifti omnes tefles exiftunt : Garfendis Co-
mitrfla mater ipfius Guionis Comitis, Bertrannus Raimbaldi, Hugo
Bofo, Aicardus de Segnone , Ifiiardus de Mota, Feraldus de Feirol,
Wilelmus Raimundi de Beilomonte , Wilelmus Raimundi de Cade-
rachia, Wilelmus Cornutus, & Wilelmus Cornutus filius ejus j Ben-
mundus Leotaudus, & Wilelmus Bermundi filius ejus ; Raimundus
de Bona Villa, Bertrannus Nigrellus , Wilelmus Nigrellus, Petrus
Adam, Hugo de Aufonigas, Wilelmus de Climans, Wilelmus Rai-
noardus, Aicardus de Manoafcha, Raimundus de fando Martino ,
Raimundus Rqflagnus , Aicardus de Roca fandi Pétri Siftercienfis
Epifcopi. Bo/io Lib. y p. ijf.ad ann. 1149.

PREUVE S DU II LIVRE
P £
L’HISTOIRE DES CHEVALIERS HOSPITALIERS
IDE s JEAN DE JERUSALEM-
■>. --- . ' , ,j ■■ jh1 '-*r

PREMIERE PREUVE,

Qui. répond d la page 147. de l'EEifioire.

S Al ah ad inus primitus quidem leno gentilis apud Damafcum >


poft ab Eufrido de Turone illuftri Paleftinæ Principe Chriftiano
miles fadus, cùm apudÆgyptum militaret, MolanumRegem Ægypti
proditiosè perimens totius Ægypti obtinuit Principatum. Unde fi re-
rum pretia judicio non opinione metimur, quantalibet terrenx felicf-
tatis potentia vilis efl æflimanda, quam pefîimi & indigni foepius
naneifeuntur ; nam leno ille cujus vita in proftibulis , militia in tâber-
nis, ftudium in aleis eSc aliis, fubito fublimatus fedet cum Principibus,
immo major Principibus folium gloriæ Ægypti tenons toti ferè Oriem-
ti poflea imperavit. Ex Chromco Guillelmi de Nangis, five Nangiaci mo~
nàchi Saniïi Dionijîi in Francia ordinis Sanüi Benedicli. Tome 11,. Page
44Æ
de l’Histoire de Malte. $9 9

DEUXIEME PREUVE. Htft. p. i53.

I L lus tris s im o atque excellentifîlmo domino Ludovico,Dei gra¬


tta Régi Francorum benigniffimo , Gilbertus eâdem gratiâ fancti
H ofpitahs Hierufalem cuftos , licèt indignus, cum omni fratrum con-
ventu, falutem, 6c facrarum orationum Hierufalem æternam partici-
pationem. Inter cætera caritatis opéra quibus ad Régna fit afcenfus
cœleftia, eleemofyna præcipuè fummum locum obtinet, omni tam
veteris quàm novi Teftamenti pagina verum fuper hoc perhibente te-
ftimonium. Hujusitaque devotionis intuitu } regalis veftræ Majeftatis
inagnificentia Spiritu Sando divinitùs illufîrata, fandiffimam domum
pauperum Hofpitalis Hierufalem, placentem Deo 6c per omnia acce-
ptabilem, de voté diligere, manu tenere, veftrarumque beneficiis eiee-
mofynarum largâ manu ditare ac recreare femper confuevit. Super
quo non effc dubium quin propter fincerum veltræ benignitatis alfe-
dum, quem fpecialiter pro regno coelorum adipifcendo erga Deum ,
6c erga omnia quæfibi pertinent, in toto regno veftro confiftentia, ca-
ritativè exhibetis. Tôt barbaræ gentes, tantæque diverforum populo-
rum nationes, veftræ de die in diem fubjunguntur ditioni. Dignum
eniim6c juftum elfe judicamus, ut qui Deum diligit, ejufque manda¬
ts pure corde obtemperare nititur , in bonis 6c de bonis Domini gau-
deat, teneat, atque vidoriosè pofïideat. Si enim protoplaftus Adam ,
quia inobediens fuit voci dominicæ, mundum. cum- omnibus in eo
creaturis adverfarium atque contrarium fibi habere promeruit : ita fi
aliquis fidelis voluntati Domini bene obediens aliquando invenitur,
quod raro contingit, tam mundum quàm omnia mundana beneplaci-
tofuo debet habere fubjeda , 6c fine omni obftaculo invenire parata»
Ut igitur divinæ bonitatis clementia, fine cujus nutu nihil boni fieii
poteft, hæc prædida , Rex illuftriffime , juxtaveflri affedum animi,
concedere dignetur, Deum femper præ oculis habete, 6c ea quæ Del
funt, in regno veftro falva 6c l'ecura euftodite : 6c præcipuè 6c fpeciali¬
ter prædidam domum fandorum pauperum Hofpitalis Hierufalem ,
in qua verè Chriftus in membris fuis fufeipitur , ficut veftris afpexiftis
©culis, diverfisque modis fervitur, folitæ veftræ pietatis more diligi-
te , manutenete, 6c ab omni hoftili manu , tanquam bonus patronus ,
protegendo deffendite, ut beatorum precibus 6c interceffione paupe-
tum, quibus regnum coelorum à Chrifto traditum eft, in præfenti
profperitatem mentis 6c corporis, pacem in regno veftro 6c tranquilli--
tatem , de hoftibus triumphum j 6c poft hujus vitæ tranfitum, ftolam
immortalitatis cum eifdem pauperibus in regno coelorum féliciter adi^
pifei inereamifli. Amen, Ex geftis La per Çrenços, Rag, 11?,?»-
6oo Preuves du II. Livre

TROISIEME PREUVE. Hifi, p. 160.

C Aussam porro 6c incentivum hujus mali, ut aiunt, miniftra-


bat Gerbertus cognomento Aiïalit, Magifter Domûs Hofpitalis
quæ eit Hierofolymis, vir rnagnanimus 6c quadam liberalitate do-
nandi profufus, tamen inftabilis 6c mente vagus. Hic omnes ejuf-
dem Domûs thefauros exponens , infuper 6c infinitæ quantitatis pecu-
niam mutuam fumens , omnia militibus erogavit, quofcumque inve-
nire potuit fibi allicieiis, unde prædidam domum tanta æris alieni
mole gravavit quod non erat fpes folutuin iri. Ipfe etiam poil: mo-
dum defperans, officium fuum deferens 6c adminiftrationi renuncians,
in centum millibus aureorum dimifit domum obligatani; ea tamen
confideratione tôt 6c tantas mififfe dicitur expenfas, quod capta 6c
fubjugata Ægypto , Belbeïs quæ olim dida eft Pelufium cum uni-
verfo territorio fuo juri ejufdem domûs ex pado priùs eum Rege ini-
to cederet in perpetuum. Ex Guilldmo Tynenjï p. 978.

QUATRIEME PREUVE. Hifi, p. 160.

E Odem anno Gilbertus didus Alfailly fummus Afagi/hr Hofpitalis


Hierufalem vcnit in Normaniam ad Henricum Regem à quo ho-
norificè fufceptus elt, 6c accepta à Domino Rege liçentia transfre-
tandi in Angliam , venit ufque ad Depé, 6c ante feftum fandi Mi-
chaëlis navem quamdam quæ jam ferè per annum in arena maris fra-
da 6c deficcata confederat, 6c jam aliquantulum dealbata 6c refeda
6c in altum deduda fuerat, cum multis tam clericis quàm laicis, qui
jam longa expedatione fatigati fuerant intravit, fed mox navis ilia
extra portum in altum duda velut lapis in profundum defcendit com-
pagibus diffolutis, 6c ipfe Gilbertus 6c cæteri univerfi qui in ea erant
præter odo tantum qui beneficio naviculæ evaferunt , fubmerfi funt
decimo - tertio kalendas Qdobris, Rogej de Hopeden fub ann. 11S3. in
Henrico fecundo fol. 6zi.

CINQUIEME PREUVE. Hifi, p. i8z.

A Lexander Epifcopus, fervus fervorum Dei, diledis filiis,


Magiftro 6c Fratribus militiæ Templi falutem 6c apoftolicam
benedidionem.
Quanto religio veftra 6cFratrum Hierofolymitanorum Hofpitalis
Deo 6c hominibus creditur magis grata exiftere, 6c terræ Orientali
amplius neceflaria 6c opportuna probatur, tanto de veftra 6c ipforum
unitate majus debemus gaudium lætitiamque çoncipere, 6c, ut fem-
per inter vos vinculum diledionis fervetur , toto ftudio laborare ;
bac itaque ratione indudi, pacem 6c concordiam, quam cum dile¬
dis filiis noftris , Magiftro 6c Fratribus Hofpitalis de omnibus que-
de ljHistoire de MaitI1 '601
relis , quæ inter domum veftram 6c ipforum à longo tempore fuerant
agitatæ , tam de terris 6c pofîeflionibus , quàm etiam de pecuniis,
vel quibuflibet aliis rebus, de illorum aflenfu feciftis, non folum gra-
tam , verùm etiam ratam habentes , autoritate Apoftolica confirina-
mus, 6c perpetuis temporibus firmam illibatamque manere cenfemusj
quam utique de verbo ’ad verbum liis litteris duximus annotandam.
In nomine Patris, 8c Filii, 6c Spiritûs Sandi, Amen. Notum fie
omnibus , tam futuris , quàm præfentibus, quôd per voluntatem
omnipotentis Dei, 6c per D. Papæ Alexandri, cui foli , poft Do-
minum , obedire tenemur, præceptum 6c ammonitionem , ego Fra-
ter O do fandi Amantis , humilis Magifter militiæ Templi, 6c ego
Kogerius de Mulinis Magifter Domûs Holpitalis Jer , confilio 6c vo-
luntate Capitulorum noftrorum , firmam pacem 6c gratam concor-
diam fecimus de omnibus querelis, quæ inter domum Templi 6c do-
mura Hofpitalis fuerant ufque adhanc diem ventilatæ, tam de terris
6c pofifeflionibus , quàm etiam de pecuniis, vel quibüfiibet aliis re¬
bus ; fopitis ita cundis querelis, tam citra , quàm ultra, quod nulla
deinceps fufeitari poflit vel repeti.
Hanc autem pacem 6c concordiam , univerfarum querelarum ter-
minationem , nec non 6c ad invicem fraternam diledionem , univer-
fis Fratribus Templi 6c Hofpitalis tenere , confervare 6c fovere fta-
tuimus 6c præcipimus , falvis abhincin perpetuum, quietèque ac pa¬
cifiée remanfuris utrique domui rebus 6c polTefiionibus, quas hodie
domus utraque , tam ultra mare, quàm citra, nofeitur tenere.
Si qua vero querela deinceps inter nos, vel fucceffores noftros
feu etiam inter Fratres noftros , citra mare, vel ultra furrexerit, per
utriufque partis Fratres , ficut in mandatis à D. Papa præcepimus ,
eam ftatuimus terminari.3 taliter videlicet, quod præceptores illarum
domorum vel provinciarum , inter quas orta fuerit quæftio , alfum-
ptis quifque diferetioribus Fratribus , querelam illam dilfolvere , 8c
pacem inter fe ftudeant confervare , line fraude 6c fine gravamine
alterutrius partis , quantum poterunt, cavere.
Si vero per fe nequiverint Fratres illi querelæ finem imponere ,
afeifeant fibi de fuis amicis communiter , quorum confilio 6c media-
tione quæftio valeat terminari -, fie feifteet, quod , in quo major pars
Fratrum illorum convenerit vel amicorum, in ea finis querelæ impo-
Datur, 6c inter fratres pax femper integra 6c diledio firma confiftat.
Si autem nec ad id pacis adhuc poterint pervenire, querelam ad
nos feriptam tranfmittant, 6c nos illam, Deo volente, terminabimus;
ipfi vero Fratres nibilominus pacem 6c benevolentiam inter fe teneant.
Si quis vero Fratrum, quod abfit, ab hac pace pacifque ac diledio-
nis confervatione diftiluerit, fe contra Magiftri fui præceptum 6c Ca-
pituli Hierofolymitani conftitutionem fçiat egifle ; reatumque fuum
hujus modi nullatenus poterit expiare , quoufque Magiftri fui 6c Ca-
pituli Hierofolymitani confpedui fe præîentet.
His autem duximus adnedendum, quod Fratres utriufque Domus
Tome /. G ggg
éoz Preuves b u IL Livrîe
fe ubique diligant 6c honorent, 6c alter commodum alterius mutua
caritate, 6c unanimitate fraterna perquirant 6c obfervent j ut, duaruni
domorum exiftentes per profeflionem , unius elfe paetant per dile-
dionem.
Decernimus ergo ut nulli omnino hominum liceat hanc paginam
noftræ confirmationis infringere , vel ei aufu temerario contraire.
Si quis autem hoc attentare præfumferit, iudignationem omni-
potentis Dei, 6cbeatorum Pétri 6c Pauli Apoftolorum ejus fe noverit
incurfurum. Dat. Sign. iv. Non. Auguft. Rymer Tom.. i. pag. 6i,ad
<mn. 11S2.. lib. 2. p. 149.

S I X I F M E PREUVE. Hiju p. iM.

L U c 1 u s Epifcopus fervus fervorum Dei Henrico iiluflri An-


glorum Régi Salutem ôc Apoftolicam Benedidionera.
Cùm cundi Prædeceffores tui præ coeteris terræ Principibus ar-
morum gloria , ôc animi nobilitate longé rétro claruerint, eofque
fidelium populus habere in fua didicerit adverfitate patronos , me-
rito ad te non tantum regni , fed paternarum virtutum hoeredem,
quadam fecuritate pæfumpta, recurritur,. ubi populo chriftiano im-
minere periculum, immo exterminium formidatur, ut per brachium
regiæ magnitudinis, membris ejus impendatur præfidium, qui te, ut
ad tantæ gloriæ, ôc prælationis apicem perveniret , fua pietate con-
celfit, ôc te contra fui nominis impugnatores nefarios murum inex-
pugnabilem ordinavit. Primum noverit ferenitas tua jam crebris , 6c.
moleltis fuper hæc pulfatæ querelis, qualiter terra Jerofolymitana ,
fpecialis hæreditas Crucifixi ; in qua noftræ faluti fiant prænunciata
myfteriaôc iplius rei exhibitione compléta, quam ille, qui cunda
condidit in fuam fortem peculiari privilegio deputavit : perfidæ 6c
fpurciffimæ gentis attrita , 6c convallata prefluris , nifi ei celeri re-
mediofuccurratur, prona fit ad ruinam; 6c inde , quod ablit, fufti-
neat irreparabilem. Religio Chriftiana jaduram.. Ille enim Saladinus
fandi6ctremendi nominis immanilîimus "perfecutor, ita fpiritu furo-
ris incanduit, 6c totius nequitiæ fuæ vires ad internecionem populi
fîdelis exercet, ut nih immanitatis ejus vehemens impetus, quali ob-
jedis obicibus reprimatur, certain fpem* liduciamque fufcipiat, quod
Jordanis influât in os ejus, 6c terra afperlione vivifici fanguinis con-
fecrata fpurciflimæ fuperftitionis iplius contagio polluatur, ôc quam.
gloriofi , 6c nobiles Prædeceflores tui à dominio gentis incredulæ
multis laboribus, 6c periculis exemerunt , rurfus nefando tyranni
nequiflimi dominio fubjugetur. Ob hanc itaque neceflitatis, 6c im-
minentis doloris inflantiam, magnificentiam tuam Apollolicis Litte-
ris duximus exorandam, imo dilatatis præcordiis fumma acclama-
tiône pulfandam , quatenus ad honorem iplius refpiciens , qui te
conftituit in fublimi, 6c juxta nomen magnorum, qui funt in terris,
îiomea tibi contulit gloriofum, ad defolationem præfatæ terræ pie-
de l’Histoire de Malte; 603
tatis ftudio te convertas, & ut ejus confufio in hac parte tollatur,
qui pro te in ipfa terra voluit haberi ludibrio, operam adhibeas ef-
ücacem ; quatenus Prædecefforum tuorum veftigia fubfecutus, quam
ipfi de principis tenebrarum faucibus eripuerunt, in cultu magni Dei
per tuam diligentiam, auxiliante Domino , confervetur. Eo autem
curiofius celfitudinem tuam in tanta oppreiïionis anguftia convenit
laborare, quod terrain ipfam Regis intelligis præfidio deftitutam, &
totam fpem defenfionis fuæ ipfius proceres in tuæ magnitudinis du-
xerunt patrocinio collocandam. Quod inde clarius tua ferenitas po-
teft agnofcere, quod fummos terræ illius, 6c magnificos Defenfores
venerabilem fratrem noftrum Eraclium Patriarcham, 6c diledum fi-
lium noftrum Magiftrum Hofpitalis ad tuam êxcellentiam deftina-
runt , ut ex ipforum præfentia confiderata dignitate perpenderes ,
quanta fuerit neceflitatis anguftia, pro qua eorum fuftinent tam diu
carere præfidio, ut per ipfos facilius ad vota fua tuam devotionem
inclinent. Yiros igitur præfatos , tanquam ab ipfo Domino tibi de-
ftinatos benigne fufcipias , & débita charitate pertrades, eorumque
poftulationibus tanto facilius acquiefcas, quanto gravitatis, 6c hone-
ftatis intuitu favor eft eis 6c gratia exhibenda. Sane recolat pruden-
tia tua, 6c follicita fecum meditatione revolvat promiftionem illam ,
qua de impendendo fæpe didæ terræ præfidio tuam celfitudinem,
obligafti 1 6c ita in hac parte te cautum , 6c ftudiofum exhibeas , ut
te in tremendo judicio tua confcientia non accufet, 6c ejus, qui non
fallitur, diftridi judicii interrogatio non condemnet. Roger de Hove-
den page 628.

H U IT IFM E PREUVE. Hifi. p. 214.

Epiftola Terrici Prœceptoris T empli de captione Terra


Jerofolymitana.

F R A T e r Terricus pauperrimæ domus Templi didus magnus Præ-


ceptor, omnifque fratrum pauperrimus , 6c fere omnino adnihi-
latus conventus univerfis præceptoribus, &fratribus Templi, ad quos
litteræiftæ pervenerint, Salutem, 6c in ilium fufpirare, in quo Sol
6c luna mirantur. Quot quantifque calamitatibus ira Dei, noftris pec-
catis exigentibus, nos in præfenti flagellare permiferit, nec litteris ,
nec flebili voce, proh dolor, explicare valemus. Turci enfin immen-
fam fuarum gcntium multitudinem congregantçs, Chriftianorum no-
ftrorum fines acriter invadere cœperunt^ contra quos nos noftrarum
gentium phalanges coadunantes, infra odavas beatorum Apoftolo-
rum Pétri 6c Pauli in eos congredi, 6c verfus Tyberiadem ( quam
violenter, caftrofolo relido, ceperant) iter arripere præfumpfimus.
Cum nos in fcopulis peiïimis impuliffent, nos ita acriter impugnave-
runt ( quod Sanda Cruce 6c Rege noftro captis , 6c omni multitu-
dine noftra interfeda » 6c fratrum noftrorum ( ut in veritate credi-
G ggg ij
66% Preuves du IL Livre
mus ) eodem die ducentis , & tricenis decollatis, exceptis illis fexa-
genis qui prima die Maii interempti funt) vix Dominus Cornes Tri-
polis, 6c Dominus Reginaldus Sidonis, Dominufque Ballovius, 6c nos
de illo miferabili campo vix evadere potuimus. Deinde Pagani Chri-
ftianorum noflrorum fanguine debacchati, verfus civitatem Accon,
cum omni fua multitudine venire non diftulerunt j quam violenter
capientes, totam terram fere invaferunt; Jerufalem, 6c Afcalon , 6c
Tiro, 6c Beriton nobis, 6c Cbriflianitati folis adhuc relidis. Mas
etiam civitates omnibus earum fere civibus interfedis, nifi divinuin
6c veftrum præfto fit auxilium, nullo modo retinere poterimus. Ci¬
vitatem etiam Tyrum in præfentiarum acriter obfidentes, violenter
die, noduque expugnare non ceffant, 6c tanta efl eorum copia-, quod
totam terræ faciem à Tyro ufque ad Jerufalem, 6c ufque ad Gazam
velut formicæ cooperuerunt. Nobis ergo, 6c Chriflianitati Orientis>
ad præfens omnino deperditæ quantocius fuccurrere dignemini , ut
per Deum, 6c veflræ fraternitatis eminentium, refiduas civitates ve-
îlro fulti adminiculo falvare pofftmus. Valete. In eodem prælio quo
captus fuit Rex Guido Hierufalem , captus fuit Rogerus de Mulbrai,
quem in anno fequenti Fratres Hofpitalis 6c Templi redemerunt de
manu Paganorum, qui paulo poil obiit, 6c in eodem prælio Hugo
de bello campo interfedus eft. R> Hoveden 1187. üb. 2. pag, 637.

NEUVIE’ME PREUVE* Hifi* p.. 119-

Epijlola Terrici Prœccptoris T empli ad JrLenricum Regem Angliœ,

C Harissimo Domino Henrico Dei gratiâ illuflri Anglorura


Régi ; Duci Normaniæ , 6c Aquitaniæ , 6c Comiti Andegaviæ,
Frater Terriens y quondam magnus Præceptor domûs Templi Hie¬
rufalem , Salutem in eo qui dat falutem Regibus.
Sciatis quod Hierufalem cum arce David reddita efl: S'aladino. Sy-
xii autem habent euftodiam fepulcri ufque ad quartum diem poft
feflum fandi Michaelis: 6c ipfe Saladinus in domo Hofpitalis per-
raifit remanere decem de Fratribus Hofpitalis ad euftodiendum infir-
mos ufque in unum annum. Fratres vero Hofpitalis de Belliverio
optimè refiflunt Sarracenis adhuc, 6c duas jam carvanas Sarraeeno-
rum expugnaverunt r in quorum alterius captione , omnia arma 6c
utenfiliav& viduaria quæ erantin caftro Fabæ, quod Sarraceni de-
flruxerant , viriliter lucrati funt ; adhuc etiam refiflunt Saladino
Gracchus montis regalis, 6c mons regalis, 6c Saphet Templi, 6c Grac-
chus Hofpitalis, 6c Margatum , 6c Caflellum Blancum 6c terra Tri-
polis , 6c terra Antiochiæ. Capta autem Hierofolyma, Saiadmus Cru-
cem de Templo Domini deponi fecit, 6c eam per duos dies per civi¬
tatem in oftentum fufligando portari fecit : Deinde fecit Templum
Domini aqua.rofata intus 6c exterius furfum, 6c deorfum lavari , 6c
legem fuam deAiper illud per quatuor partes miro tumultu acclamarh
b E L*H ÎSTOIRB bï MAtTE, tfof
A fefto Vero fandi Martini ufque ad Circumcifionem Dotnini obfe-
dit Tyrum, tredecim perrariis die noduque lapides in eam inceflanter
jadantibus in yigilia fandi Silvefiri D. Conradus Marchio milites , 6c
pedites per murum civitatis difpofuit, 6c armatis feptendecim galeis,
6c decem aliis naviculis , cum auxilio Domûs Hofpitalis, 6c Fratrum
Templi, adverfus galeas Saladini dimicavit, eafque expugnans un-
decim ex eis retinuit , 6c magnum Alexandriæ Amiraldum cum odo
aliis Amiraldis-cepit, Sarracenorum mukitudine interfeda. Reliquæ
vero galeæ Saladim Chriftianorum manus evadentes ad Saladim exer-
citurn confugerunt ; quibus præcepto illius ad terrain extrâdis, ipfe
Saladinus igné appolito in cinerem 6c faviliam fecit redigi : nimioque
dolore commotus , equi fui auriculas, 6c caudam amputans, equum
ilium per totum exercitum videntibus omnibus, equitavit. Valete,
Ex Rog. Hoveden, ann* 1187. Lib. 2. pag. 64y*

DIXIEME PREUVE. Hifi. p. 22if.


\

Cantuarienfi Archiepifcopo Cunradus filius Marcbionis


de Monte ferrario , Salutem.
T Urbantur elementa, 6c catholicæ fidei derogatur, cum Hiero-
folymitana Sedes Apoftolicæ Sedi fubtrahitur. INlam licut ex qua¬
tuor mundi machina creditur elementis conltare, fie à quatuor fedi-
bus Apoftolicafulgente Orthodoxorum fides ferebatur gubernari. Sed
cecidit Ahxandna, 6c flos ejus penitus deficcatur. Periit Hierofolyma
6c Chriftianorum inertia à Sarracems vilifilme pertradatur, quialoca
facra fada funt prophana. Foedatur namque Dominicum fepulcrum,
deftruunt Calvariæ locum, nativitatem contemnunt, 6c Virginis Ma-
ru fepulchrum de valle pofaphat eradicarunt. Am 10 ch en a quidem Sedes
in extremis laborare dinofeitur. Confiantmopolitana quippe Roman a Sedi
nuüam exhibet reverentiam : maximam quippe capitis diminutionem
Sedes patitur Apoftolica , cum civitates 6c libcrtates amittit , 6c fuo
jure privatur. Amifit quippe ramos, quomodo frudus portabit ? Hæc
autem omnia Chriftianorum defidia nofeuntur evenifle. Sed eminen-
tia mala Chriftianorum cordium debent penetrare arcana.
Lugenda 6c lamentanda eft Hierufalem eivitas fanda quæ fuis eft ex-
poliata cultoribusv Habitatores ejus peccatis exigentibus fub tributo
Satadim redudi cenfu capitis foluto longe à regno funt ejedi. Mûri
Hierufalem viduati funt de heremitis habitatoribus fuis. Deus quafi
malorum noftrorum pullulatione feceftit, 6c Machumct fuccefiSt, 6c
ubi Chriftus per conftitutas diei 6c nodis horas deprecabatur, nunc
Machumet excelfa voce laudatur. Quæ autem 6c quanta pro Chri¬
ftianorum falute in Tyro fuftinuerim , faus ciementiæ veftræ credo
propalatum. Et quia Tyrum confervavi 6c conlervo Gmdom de Lifigmaco
quondam Régi 6c Magiftro Templi , 6c cifmarinis magnatibus mole-
eü 6c inpoxtabile 5 6c meo invidenî 6c dexogant nomini, 6c pex
Ggggüj
Co6 Preuves du IL Livre
fe, & fuos juvamina omnia fubtrahere , 6c quod gravius eft , elemo-
finam Regis Angliæ Templi MagiRer fubtraxit; unde6cDeo 6c vo¬
bis conqueri cum lacrimis non defiRo. De Hofpitalariis vero Deo 6c
vobis gratias uberes expono , qui bene incipientes in eadera perfeve-
rant, 6c ultra elemolinam Régis Anglut, de propriis plufquam odo
milia *2irab. in obfequio 7)ri expendidere. YeRræ igitur non defifto
fupplicare paternitati quatenus calamitatum Hiemfalem mifereri digne-
mini, ut Reges confortetis, populos commoneatis, ut patrimonium
ÿefu-Ckrifti vendicetur , expulîi 6c exhæreditati in integrum reRituan-
tur , captivorum vincula folvantur, 6c terra facratiiïima Salvatoris
pedibus calcata, veflra potentia veRroque pio eloquio de Pagano-
rum poteRate liberetur. Præfentium quidem latores Magiflrum Ban-
damim nomine providum Cancellarium meum 6c Secretarium ac fî-
delem, 6c fohannem probum militem, ac mihi familiarem ad vos
tranfmitto, quos fpeciales meos legatos cognofcatis, quibus in his
quæ pro me vobis dixerint tanquam præfens loquerer credere non
dubitetis. Exoro etiam , ut auxilia 6c confilia veRra pietatis intuitu,
6c mei contemplatione eis tribuere dignemini. Data Tyro xii kal.*
Odobris. Radulf. de Dicet. Lib. 2. pag. 642.

O N Z I F M E PREUVE. Hifip. 223.

C Elestinus Epifcopus fer vus fervorumDei. Diledis in Chrifio


Filiabus, Prioriffæ 6c Sororibus de Sixena, tampræfentibus, quàm
futuris, regularem vitam profeffantibus, I. N. P. P. M. prudentibus
Virginibus, quæ fub habitu religionis, accenfis lampadibus , jugiter
fe præparant ire obviam Sponfo , ApoRolica Sedes fuum debetpatroci-
nium impertiri, nefortè cujuflibet temeritatis incurfus, aut easàpro-
pofito revocet, aut robur ( quod abfit ) facræ religionis infringat. Ea
propter, diledæ nobis in Chriflo Filiæ , veRris juRis poRulationi-
bus clementer annuimus 3 6c MonaRerium veRrum, in quo eflis Di-
vino obfequio mancipatæ , fub beati Pétri, 6c noRra protedione
fufcipimus , 6c præfenti fcripto privilegio communim\is. Imprimis R-
quidem Ratuentes, ut ordo canonicus, qui fecundumDeum 6cBea¬
ti Auguflini Regulam, in eodem loco nofcitur inRitutus , perpetuis
ibi temporibus, inviolabiliter obfervetur. Præterea, quafcunque pof*
felfiones, quæcunque bona, idem MonaRerium juRè 6c canonicè
poflidet, aut in futurum , concefiione Pontificum , largitione Re-
gum, vel Principum, oblatione Fidelium, feu aliis juRis modis, Deo
propitio, poterit adipifci, firma vobis, veRrifque Succefloribus illi-
bata permaneant : In quibus hæc propriis duximus exprimenda vo-
cabulis : Villam novam, Prefinenam, Senam,.... Novalium, ve¬
Rrifque propriis manibus, vel fumptibus, colitis 3 five de nutrimen-
tis animalium veflrorum, nullus à vobis Decimam exigere , vel ex-
torquere præfumat. Lieeat quoque vobis Perfonas libéras 6c abfolu-
tas, èfeculo fugientesj ad çonverfationem veftram xecipere;
de l’ Histoire de Malte. 607
abfque contradidione aliqua retincre. Prohibemus infupef, ut nulü
Sororum veftrarum , poft fadam in veftro Monafterio profeiïionem,
fas fit, abfque Prioriflæ licentia, nifi ardioris Religionis obtentu ,
de eo difcedere j difcedentem veto, abfque communium litterarum
cautione , nullus audeat retinere. Cùm autem generale interdidum
Terræfuerit, liceat vobis, claufis januis, exclufis Excommunicatis,
de Interdidis , non pulfatis campanis, fupprefla voce divina Officia
celebrare. Adhæcaudoritate Apoftolica prohibemus, utnulli liceat
in vos, vel Monafterium , fine manifefta de rationabili caufa excom-
municationis, vel interdidi fententiam promulgare. Præterea Infti-
tutiones à venerabili Fratre noftro Ofcen. Epifcopo, de diledo Fi-
lio Magiftro Hofpitalis Empoftæ de aliis Viris religiofis, de affenfu
chariflimæ Filiæ noftræ Sanche llluftris Reginæ Aragonum, in ipfo
Monafterio rationabiliter fadas j audoritate Apoftolica confirmamus.
Obeunte vero te nunc ejufdem loci Priorifia, vel earum aliqua, quæ
tibi fuccelferit, nulla ibi qualibet fubreptionis aftutia, feu violentia
præponatur, nifi quam Sorores communi confenfu, vel Sororum
major pars confilii fanioris, fecundum Dei timorem de Beati Augu-
ftini Regulam, providerint eligendam.
Decernimus ergo, ut nulli omnino hominum liceat præfatum Mo¬
nafterium temerè perturbare , aut ejus poflefifiones auferre, oblata
retinere , minuere , feu quibufiibet vexationibus perturbare. Sed om*
nia integra conferventur, eorum pro quorum fullentatione concefia
funt, ufibus omnino profutura falva Sedis Apoftolicæ audoritate
de Magiftri Hofpitalis Empoftæ débita reverentia. Si qua igitur in
futurum Ecclefiaftica, fecularifve Perfona, hanc noflræ conllitutio-
nis paginant feiens , contra eam. temerè venire tentaverit ; fecun*
do , tertiove commonita ; talis, nifi reatum fuum digna l'atisfadione
eorrexerit, poteftate, honoribufque, ac fui careat dignitate ; reum-
que fe divino judicio aftiftere, de perpetrata iniquitate cognofcat,
de à facratiflimo corpore, ac-fanguine Dei de Domini Redemptoris
noftri Jefu Chrifti aliéna fiat, atque in extremo agmine , diliridæ
ultioni fubjaceat. Cundis autem, fuo loco jura fervantibus, fit pax
Domini noftri Jefu Chrifti, quatenus de hic frudum bonæ adionis
percipiat, de apud diftridumJudicem præmia æternæ pacis inventât,.
Amen.
Datum Laterani, per manus Egidii SandiNicolai in Carcere Tul-
liano Diaconi Cardinalis, iij Nonas Junii, Indidione xj, Incarna-
tionis Dominicæ anno MCXCIII, Pontificatus Y^ro Domini Cs~
leftini Papæ Tertii, anno tertio.
6oS Preuves bü III. Livre

PREUVES DU III LIVRE


D E

L’HISTOIRE DES CHEVALIERS HOSPITALIERS

DE S JEAN DE JERUSALEM-
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PREMIERE PREUVE, #7. %6u


jMagifter Jtïofpitalis Hierufuient Priori Anqiiœ falutem.

P Ercussit Deus virga potentiæ fuæ Babylonicas regiones , in


Rumine illo Paradifi, quod aggeres hoftium irrigabat, ne flueret,
nec anno præterito fluctus emifit. Propter quod, in famé pereunt, &
eorum animalia perdiderunt j neç plures eorum veriti funt patres
fïlium vendere, dives pauperem, potens debilem j ut fie vitam fuam
à famé confervent. Quam ficcitatem fluminis, fi nutu Dei, præfenti
anno non fluxerit, arva non irrigaverit , in magno diferimine vitæ
fuæ erunt. Quorum jam infinita multitudo , necefiitate compulfa, &
famis aufleritate ; terram noflram, ficut locuflarum agmina replevit,
pro fuflinendis corporibus fuis ; ubi quidam terras Ecclefiæ inofiun-
tur ; quidam more beftiarum , fylveftribus herbis vefeuntur : quidam
famé necati, per ioca fylyeftria mirativè reperiuntur , vermibus ôç
avibus comedendi.
Nos igitur in Domino ponentes fpem noflram, qui quando vulf,
præliis finem ponit, fperamus quod populo Chriftiano dat initinm
miferendi , cùm ipforum conterit inimicos. Datur etiam gentibus
materies admirandi , quod quidam Sarracenus , ætate juvenis, ori¬
gine vilis , inter paftores à pueritia fimpliciter nutritus qui novus
fie omnibus penitus apparet, ut omnes fapientiam ejus admirentur ; 6c
nomen JefuChriflj publicèprædicet. Ita quod ipfi jamduomiilia jPa-
ganorum , 6c eo amplius concredentes j ejus exhortationibus, fidem
noflram fufeeperunt , 6c fonte facri Baptilmatis funt renati 3 6c Cir-
cumpifionis fuæ condolent fuftinuiffe dblorem. ïmmenfo tamen ini-
micinoftri exultant gaudio,quia nos paucos fciirnt, 6c pecuniapau-
peres, 6c armatorum copia fentiunt dereli&os.
Quapropter ad vos voce lamentabili clamamus, 6c mifericorditer
exoramus5 quatenusnobis tam apud majores, quàm minores, çonfi-
lio 6c auxilio veftro fubvenire dignemini ; 6c Dominum Regem An-
gliæ, 6c quofcunque poteritis, ad fubventionem noflram efficaciter
inducere , 6c diligenter monere procuretis. Nos enim infinitas tre-
mentes divitias, cùm fibi propter opes multprum fubveniant mer-
cimonia
de l’Histoire de Malte.
eîmoma Mcrcatorum, non minus folito more conterimur univerfi ;
êc cùm de uno tantum Regno Babylonis , aut Damafci , univerfus
terræ promiffionis populus vix bene fe tueri folebat ; nunc duo Ré¬
gna uni Domino conjugata, nobis tantilli refidui numeri, terrorem
pariunt, 6c minantur.- Hic eR certè verus Ratus Terræ promiffionis,
6c inimicorum Chrifti : quo taliter permanente , fi bonum ChriRia-
norum haberemus auxilium, gratia propitiante coelefti^-& ChriRi
injurias , 6c dedecus ChriRianorum crederemus vindicare.
Propterea, bone Frater, quia pauca dicere Rifficit ; fatis noviRis
quæ 8c quanta nobis incumbunt neceffaria. Et nunc audite quid ultra
modum nos affligit. Terra Regni Siciliæ , jugiter deftruitur à Teuto-
nicis , 6c Longobardis : Domus noflra Baruli relida fuit : Fratres
intus in civitate manent ; domus extrinfecæ, à quibus auxilium no-
ftrum procedebat, ad nihilum dedudæ funt y nullus in civitate per-
fiftit.Poffquam autem à Terra recefliRis, nihil de Regno Siciliæ no¬
bis fubvenit ; ad præfens jam , 6c per annum, frumentum, vinum
6c hordeum , carnes 6c caleum , 6c quæque neceffaria emimus, pro
univerfis Domibus 6cCaRris noflrisj in quibus omnibus, fine numéro
neceffaria efl expenfa. Pecuniam nifi ab ultramarinis domibus rece-
perimus ; aliunde aliter habere nequimus , 6c jam diu eR, quod nihiL
ferè recepimus ad comparationem expenfæ. Noveritis quod in debitis*
plurimis fubjacemus; expedantes auxilium veRrum, & aliorum bo~
norum Fratrum noflrorum. Amore divino, & noRro vos monemus,
ut quantumeunque poteritis , in primo Martii paffagio fubveniatis.
Valete. Ex Roger. de Hoveden Annahbus , part. pofr. de Roanne R^ege 3
pag. 827,.

DEUXIEME PREUVE. Hift. pag. 166,

I N N OC EN TIV S PAPA T £ RT IV S.

M Agi steo 6c Fratribus Hierofolymitani Hofpitalis falutem 6e


apoRolicam benedidionem.
In totius Chriflianitatis difpendium, ApoRolicæ Sedis opprobrium,
8c animarum vefirarum periculum controverfia quæ inter vos 8c dile-
dos filios noflros Fratres militiæ Templi, fuper quibufdam poffeffio-
nibus conRitutis in tenimento Margati 8c Valeniæ , vertebatur , no-
cendi magnitudine ferè univerfas hujus temporis controverfias exce-
debat-: ut pote quæ toti erat ChriRianitati damnofa, injuriofa nobis,
mortifera partibus , utilis inimicis fidei ChriRianæ, quibus 6c nocendi
audaciam 6c detrahendi materiam miniRrabat. Armaverat in fe invi-
çem Chriflianos, Religiofos (#fi Religioli tamen dici debeant qui ni-
mis injuriosè proprias injurias perfequuntur ) in gravem Religioforum
perniciem excitarat, 6c manus contulerat in feipfas, quæ in Chri-
üianorum defenfionem acies confueverant farracenicas expugnare».
Non enim fufficiebat; partibus difeeptare judicio} fed fibi in propria :
TomeL H hhh
6io Preuves du III. Livre
caufa jus dicentes, violentiam fibi mutuo irrogare & vim vi repellere*
non folùm non fervato moderamine inculpatæ tutelæ, fed etiam tranf-
grelfæ ultionis exceflli, temerè contendebant ; 6c qui confuev.erant in
holtes fidei Chriftianæ communes copias communiter congregare t
terga vertenres hoftibus, non folùm verbis , fed 6c fadis, 6c fcriptis,
fe invicem graviter offendebant. Cùm autem propter controverliara
ipfam diledi filii Digiiius Prior Baroli 6c Og. Præceptor Jtaliæ Fra-
très veftri, 6c ex parte adverfa Petrus de Villaplana 6c Teriicus Fra-
très militiæ Templi, ad noltram præfentiam accefiilfent, prælentato
nobis arbitrio quod inter partes protulerant peregrini cum ultra ma-
rinæ terræ Prælatis ; licèt plenè nobis de jure liqueret, maluimus ta-
men etiam perfonaliter ad pacem intendere , ac caufam ipfam ami-
cabili compofitione fopire , quàm judicio terminare. Fratres igitur
tam eorum quàm veltros convocantes in unum , ac de compofitione
traçantes, de voluntate ipforum , præfente ac confentiente Seguino
milite , didas polfelïiones cum frudibus inde perceptis plenè reftitui
de Fratrum nolïrorum confilio Fratribus militiæ Templi mandavimus:
ita tamen ut poftquam ipü per mentem pacilicam poireirionem ha-
buerint, eidem militi} qui proponit ad fe poiTelTiones illas de jure
fpedare, vel filiis ejus poil citationem veitram teneantur in veftra
curia refpondere^ fie fcilicet quod vos de Principatu Antiocheno , 6c
de Comitatu Tripolitano viros idoneos ad judicium eonvocetis, qui
Fratribus militiæ Templi elfe non debeant de ratione fufpedi. Quod
fi forfitan eorum aliquos de jure fufpedos habuerint, ipioseis liceat
.fine malitia reeufare , ut judicium penitùs fine fufpicione procédât j
præfertim cùm ipfis fub obtentu gratiæ noltræ dederimus in mandatis
ut nullum fine certa ratione reeufent. Quod li, prout diximus, citati
venire contempferint, ex tune militem ipfum vel filios ejus in pofi'ef-
fionem caula rei fervandæ mittatis. Viri autem voçati jura.men.to ür-
mabunt quod odio , gratiâ, 6c timoré pollpolitis , fine aliqua perfo-
narum acceptione, çaufam audient, 6c fecundùm approbata.m terræ
confuetudinem terminabunt. Quod fi fortè noluerint, venerabilibus
Fratribus noflris Patriarchæ Antiocheno, ArchiepifcopoNazareno,
Valenienfi Epifcopo dedimus in mandatis ut eos ad præltandum hu-
jufmodi juramentum per cenfuram Ecclefialficam appellatione remota
compellant, nec liceat partibus ab eis ante fententiam appellare. Si
vero poil fententiam alterutra partium duxerit appellandum , cùm ap-
pellationem fuerit interpofitam profecuta , nos, ut per eos caufa ea-
dem meliùs terminetur, quibus meliùs poterunt ejus mérita ex loeorum
vicinitate liquere, ipfam aliquibus de provincia , appellatione poft-
pofita , committemus ; qui, penfata confuetudine , caulam ipfam ju-
liitia mediante décident. Quorum fententiam faciemus audore Do¬
mino inviolabiliter obfervari. Per hoc autem quod pro bono pacis
hac vice mandavimus, nullum alterutri partium volumus præjudiciu.m
generari. Ceteræ vero quas habetis vel habituri eflis ad invicem quæ?*
Itiones} fecundùm compofitionem inter vos 6c eos antiquitus initam 9
de UHistoire de Malte. 6jï
$c à bonæ memoriæ Alexandre) Papa prædecefibre noltro de à nobis
poil modum confirmatam , tradentur , concordia vel judicio termi-
nandæ. Ideoque diferetioni veftræ per apoftolica feripta mandamus,
de fub obtentu gratiæ noftræ excommunicationis interminatione, in
virtute Spiritûs Sandi, defub obteftatione divini judiciidiftridè præ-
cipimus quatenus vos ad invicem diligentes, tam caufam ipfam quàm
alias honeftè , ficut condecet, pertradetis, non per violentiain, vel
injuriam, contendentes ; fed quæ pro utraque parte videntur facere ,
in judicium rationabiliter deducentes. Scituri quôd fi qua partium
contra tam expreiïam inhibitionem venire præfumpferit, nos fuper
eam duriflimè manus noftras curabimus aggravare. Datum ut fiuprà».
Ex Epifiold 567. Innocentn terni. Lib, 1. pag, 32q.

Pour la troijle'me Preuve qui a rapport a la: page 18$ de l’Hiftoire, voyez, la
citation qui ejl a la marge de la meme page.

QUATRIEME PREUVE. Hifi. pag. 287.

R Everendissimo in Chrifto Patri 8c Domino Innocentio


Dei gratia , Sandæ 8c univerfalis Ecclefiæ fummo Pontifiai :
Livonus per eandem 8c Romani Imperii gratiam, Rex Armeniæ,
Sanditatis fuæ fervus , Sandæque Romanæ Ecclefiæ nova devota
8c obediens Planta cum omnimoda reverentia , grata fervitia de
pedum ofcula preverendæ, ac recolendæ dominationi veftræ cupi-
mus innotefeat , venerabiles Magiftrum 8c Conventum Sandæ Do-
mus Hofpitalis} præterita æftate, menfe videlicet Auguüo , Sandæ
Sedis Apoftolicæ amore atque reverentia, non folum nobis, verum
etiam univerfæ Chriftianitati, magnum 8c necefifarium contuliile fuc-
curfum , conrra infinitam Paganorum barbanem, fupra nos 8c Re-
gnum noftrum aggregatam, quàm Deus difperdat. Pro quo, à Bea-
titudine veftra, tanquam viri ftrenui, vicem Machabæorum geren-
tes, promeruerunt dignius commendari. Ea propter, Reverende Pa¬
ter 8c Domine celeberrime, pro tam fortunato ac neceffario fuc-
curfu, nobis de Chriftianitati ab eifdem collato ; Deo, à quo bona
cunda procedunt, Sandæ Romanæ Ecclefiæ 8c vobis, iplius vices
digne gerenti, copias exolvimus gratiarum adiones, 8c à Beatitudine
veftra illos petimus inde regratiari.
Unde quia dignus eft operarius mercede , ex regalis largitatis no-
flræ munificentia, pro falute animæ noltræ, noftrorumque omnium
Progemtorum , habentes præ oculis cordis ,.quia ficut aqua extin-
guit ignem , ita eleemofyna extinguit peccatumg donamus de conce-
dimus Sandæ Domui Hofpitalis, à modo in perpetuum , refpedu
& reverentia Sandæ Sedis Apoftolicæ atque bonorum meritorum fuo-
xum exigentia ; Civitatem Saleph, Caftellum novum de Camard
cum omnibus pertinentiis ipforum de divifionibus fignatis , de cum
omni jure per terram de per mare fibi pertinente ; fecundum com>
H h h h ij
tfii' Preuves du III. Livre
tinentiam fcripti inde privilegii figillo noftro regali munitî 8c cof-
roborati. Infuper , de Sanditate, ac Religione eorum plenam ha-
bentes fpem 6c fiduciam, venerabilibus Fratribus Guarino de Mon¬
te acuto Magiftro 6c Conventui Sandæ Domus Hofpitalis, fpecia-
liter Perfonam noftram 6c Perfonam Nepotis noftri Raimundi Rup-
pini legitimi hæredis noftri, 6c totam terrain noftram quam modo
habemus 6c quam Domino dante acquilituri fumus ; poft Deum 6c
Dominum veftrum, in vita noftra 6c poft deceflum noftrum atten¬
tais recommendamus. Cujus donationis 8c conceftionis noftræ be-
neficium 8c recommendationem fadam v.enerabilibus prædidis Fra¬
tribus , à circumfpeda Dominatione veftra iîagitamus, per Apofto-
lica Privilégia confirmari 8c corrobari, ut ne quis fteinceps, çogni-
to hujus noftræ conationis 6c recommendationis tenore , Apofto-
lica audoritate confirmato, in aliquo aufu temerario contraire præ-
fumat. Datum Tharli Ciliciæ, medio menlis Àpriiis. Nulli ergo om-
nino hominum liceat hanc paginam noftræ confirmationis infringe-
re, vel ei aufu temerario contraire. Si quis autem hoc attemptare
præfumpferit, indignationis Omnipotentis Dei éc Beat arum Pétri 8ç
Pauli Apoftolorum ejus, fe noverit incurfurum. Datum Laterani,
tertio Nonas Augufti , Pontihcatus noftri, Anno decimo tertio,.
Ex Regifiro Innocenti tenus tom. 4, fol. verf. 2.8.

Tour U cinquième Preuve , qui a raport k la page pie voje^la citation


qui esï au bas de la même page.

SIXIEME PREUVE, H>fi. pag. 344,

G Regorius Papa Nonus , Diledo Filio noftro Friderieo Ro-


manorum Imperatori femper Augufto ; falutem, 6c Apoftolicam
benedidionem. Si verè defideras , licut decet, ut Terræ Sandæ ne-
gotium non turbetur, fed potius dirigatur; expedit ut Hofpitalarios,
6c Templarios, per quos terra ilia eft inter multas anguftias hadenus
gubernata, 6c fine quibus nequaquam polfe creditur gnbernari ; nulla
moleftatione fatiges; fed potius benehcentiæ gratta proiëquaris; Sic
agens proprium intereffe , ut apud Deum imcomparabile tibi me-
ritum compares, 6c apud liomines nomen bonum. Sanè ut taceamus
quod nobis mordaciter exprobatur, quod quali momentanea videtur
fuiffe polfeftio de illis quæ per nos libi reliituta fuerunt , nunc illo-
rum gravamen, 6c amaritudine plenam-, non polfumus obaudirequæ-
relam; lamentantium quod nuper funt 6c aliis fpoliati, cùm nec vel-
lent, nec valerent juris ordinem declinare. Quare non eft dubium,
quin exinde gravia polfint Terræ Sandæ difpeudia imrninere 3 cùm
indigentia laborantes, non habeant unde Terram iplam valeant mo¬
re folito defenfare. Ut igitur cor.fcientiæ propriæ, nec non famæ
tam noftræ, quàm tuæ providë confulas; Imperialem Celfitudmcm
- rogamus, monemus, 6c horjamur in Domino, quatenus eligejuspQ-
de l’Histoire de Mai te, 615’
tius yinci mifericordiæ pietate, cui cæteræ virtutes cederô minimè
dedignantur quàm juftitia exafperata notari; didis Hofpitalariis, 6c
Templariis , ablata reftitui facias univerfa; Ita quod divinam évités
ofFenfam , 6c nos manfuetudinem tuam polFunus merito commendare:
cùm alias patientiam noflram variis detradionibus exponere videreris.
Ut autem fuper hoc plenius tibi noltrum infinuemus affedum, in ore
DilediFilii Abbatis Calemariipofuimus verbanoftraj quibuste crede-
re volumus incundanter. Datum Laterani, quarto kalendas Mardi
Pontificatus noltri, anno quarto. Ex Regijbro Gregoni nom t. 2 fol. 3 1.

S E P T I £’ M E PREUVE. Hiji. pag. 3^8.


G regorius , ,
Papa Nonus DiledisFiliis Magiflro 6c Fratribus
Hofpitalis Sandi Joannis Hierofolymitani, falutem, 6c Apo-
ftolicam benedidionem. Rogamus Univerlitatem veftram , 6c
hortamur attenté , per Apollolica vobis fcripta , in virtute fandæ
obedientiæ præcipiendo mandantes ; quatenus provida meditatione
penfantes , quod charilFimo in Chrilto Filio noltro Friderico R0-1
manorum Imperatori, 6cc. Ex eo favoribus debeamus 6c præmii,
«quod in obfequiis Matris Ecclefiæ, ficut fuam Excellentiam decuit,
promptus, 6c eificax ltuduit inveniri, Bajulo, 6c Legato fuo in præ-
didis partibus conftituto, omne quod poteritis , in Imperalium con-
fervatione jurium ; conlilium, 6c auxilium, lublato difficultatis ob-
flaculo , præbeatis. Studiurn, 6c curam habituri ; ut fi fortè nobilis
•Vir Joannes de Hibelimo , ac Populus Acconenlis, ejufdem fug—
geflionibus inlligatus, ad oblidendum Civitatem Tyri, vel aliquam
Terrarum ad dominium Impériale fpedantium, procedere ullatenus
attentaverit 3 efhcacem opem, 6c operam apponatis ; ut ipfi à fuo
conatu corruant , 6c adverfus Imperatorem eundem fe ulterius eri-
gere non præl'umant. Ex Regtftro Gregoni nom t. 5. fol. 58.

HUITIEME PREUVE#, .
pag 35z.

I nnoce N tius Epifcopus, Servus fervorum Dei venerabilibus


Fratribus Archiepifcopis , Epifcopis 6c Diledis Filiiis Archidia-
conis ad quos litteræ iltæ pervenerint, Salutem 6c Apoftolicam be¬
nedidionem.
Cum Diledi Filii Fratres hofpitalis Jerofolymitani, nullum ha-
beant Epifcopum vel Prælatum, præter Romanum Pontifîcem , 6c
fpeciali prerogativa gaudeant libertatis , non decet vos in eos,
vel Clericos aut Ecclelias ,eorum, in quibus poteftatem Ecclelia-
fiicam non habetis, abfque mandato noltro, excomunicationis vel
jnterdidi Sententiam promulgare. Sedli quando, vos, vel Subditos
vellros injultè gravaverint, per vos aut nuntios vellros id Romano
Pontifici fignificare debetis, ac per ipfum de memoratis Fratribus
juftitiam obtinexe, Inde efl quod univerfitati veltræ per Apollolica
^ U h'hh iij
6i4 Preuves du III. Livre
fcripta præcipiendo mandamus , quatenus in prædidos Fratres fîve
Glericos aut Eccefias eorum in quibus audoritatem nequaquam ha-
betis, excomunicationis vel interdidi Sententiam promulgare nulla-
tenus præfumatis : nec eos, aliàs , indebita vexatione gravetis ?
Sed erga ipfos vos taliter habeatis, quod non habeant adverfus vos.
materiam querelandi. Scituri quod fi Mandatum noftrum neglexe-
ritis in hac parte, dimittere non poterimus cum iifdem Fratribus
in fua juftitia. Si apud nos querelam iterum depofuerint , effica-
citer providere curemus. Datum Lugduni Septimo idus Decembris
Pontificatus noftri anno feptimo. Ex Raynald. ad ann. 1140.

NEUVIEME PREUVE. Bift.p. 4.

Gregorius noms Magifiro & 'Fratribus Fïojpitalis


S an ci i Joannis, &c.

D O L E m u s 6c turbati referimus quod , ficut intelleximus , vos


meretrices in veftris eafalibus îfub certis appadionibus retinentes
incontinenter vivitis, ôc proprium præfumentes improprie poffidere'
eorum , qui confratariam veftram affumunt, datis in anno quatuor
aut pluribus denariis defenfores vos facitis , ac latrones ôc interfe-
dores peregrinorum , ôc hæreticos in veftris domibus 6c eafalibus-.
receptatis. Vatacio Dei 6c Ecclefiæ inimico in equis 6c armis, terris,
propter hoc 6c eafalibus ab ipfo receptis præbere contra Latinos.
auxilium non veremini^ confuetas pauperum eleemofynas diminui-
tis , teltamenta 6c alias ultimas voluntates in Hofpitali veftro dece-
dentium non fine falfitatis vitio immutatis, ac infirmantes ibidem aliis
Sacerdotibus quam Fratribus vellris 6c Capellanis conduditiis, quos
habetis , non permittitis fine veltra fpeciali licentia confiteri, alia
plura committentes enormia, per quæ Deus offenditur, 6c feandalum
m populo generatur. Cæterum plures ex Fratribus veltris de hæreli;
probabili haberi dicuntur ratione fufpedi : propter quod quia exmo-
dico fermento multa malfa corrumpitur , ne peftis^ hæc latius ferpat
in alios, non immerito formidatur. Ideoque mandamus quatenus infra
très menfes à receptione præfentium vitam veftram in melius refor->
mantes præmilfa 6c alia quæ in eodem Hofpitali fuerunt corrigenda».
fecundùm Deum 6c veftri Ordinisinftituta corrigerepenitus, 6c emen—
dare curetis. Alioquin venerabili Fratri noftro Archiepifcopo Tyrenfil,
noftris damus. literis in mandatis,, ut ex tune, nifi ei de hujulmodi
corredione légitimé conftitexit, perfonaliter accedens ad locum, Ôc
habens præ oculis foLum Deum, inquifita fuper præmiftis 6c aliis pie--
nius veritate, corrigat 6c reformet ibidem tam in capite quam in mem-
bris , quæ corredionis 6c reformationis officio noverit indigere. Dat.
Later. III. idus Mart-Pontif. noftri ann. XL.
Cùm eorundem Hofpitalariorum tum etiam Tempfariorum, ac
Theutonicorum Equitum domus , quæ ecclefiaftica immunitate po-
De l’Histoire de Malte; 6iç
tiebantur, fceleratis hominibus impunè patrandorum fcelerum occafio-
nem darent, hæc decrevit Pontifex milfis Patriarchæ Hierofolymitano,
acfuffraganeisliteris : Mandamus quatenus ne cqnfugientes ad loca Re-
ligioforum Regni Hierofolymitani, nifi fmt conventualia, vel Eccle-
fiæ, ullam immunitatem debeant reportare, nec ad illam confugien-
tes recipiantur in ipfis, fi dolo vel infidiis homicidia perpetrantur ,
audoritate apoftolica finguli in propriis dioecefibus publicè interdi-
cere procuretis. Datum Later. VII. idus Mardi ann. XI. Impofuit
eidem Patriarchæ provinciam, ut Canonicos Sepulchri Hierofolymi¬
tani , qui avaritia perciti, ad corradendas fimplicioribus pecunias, mi-
racula , ac nonnulla aliâ afperfa religioni graviori labe confingebant,
coerceret : Intelleximus, inquit, quod Canonici Sepulchri Hierofo¬
lymitani ignem in idem Sepulchrum de coelo in vigilia Pafchæ def-
cendere, & Redemptorem noftrum Dominum Jefum-Chrillum inibi
incarceratum fuilfe dicentes, locum confidi carceris fub certo pre-
tio non line ignominia divini nominis venalem exponunt. Verum quia
Dominus , ut pro ipfo loquamur, mendacio noltro non indiget, man¬
damus quatenus præfumptiones hujufmodi de cætero ibidem audo-
xitate noltra prohibeas attentari, &c. Dat. Lateran. VII. idus Mardi
ann. XI. Præterea tum ipfi tum Antiocheno Patriarchæ præcepit, ut:
cruce fignatos qui abjurata hærefi in Ecclefiæ gratiam admilh fuerant,
atqueinpoenamcriminisarmainSarracenosadilludeluendumferre julïi
erant, fignum quo ab aliis cruce fignatis difcernerentur, circumferre
juberent ; præterea curarent ut Sarraceni in vinculis tend ab audien-
dis concionibus, ampledendifque facris Chriftianis non arcerentur*
Ex %aynaido, Tom. 15 ad ann. 1238. pag. 514.

DIXIEME PREUVE. Hift. pag. tfè.

E G re s s A de finibus Orientis crudelitas beltialis , in Hierofolymita-


nam provinciam ell converfa. Quæ etfi diverfis temporibus à cir-
cumftantibus Saracews multipliciter vexaretur, his tamen diebus, fo-
pitis vicinis holtibus, in flatu pacifico refpirabat utcunqué. Excita-
verunt autem in ejus excidium peccata populi Chrijtiam gentem inco-
gnitam, 6c ultorem gladium à longinquo defævientem. Si quidem ra-
bies Tanaromm totam Orientalem plagam flagello multiplici &terro-
tre concuflit. Qui dum perfequentes æqualiter univerfos, nullam dif-
ferentiam facerent inter incredulos 6c fideles, prædam ab extremis fi¬
nibus fugaverunt, Chriftianxm populum prædaturam. Ipfi etenim Tar¬
tan univerfalem Perjidem deltruentes, in nequiores fe fpiritus prælium
•converterunt, venantescrudeliffimoshominumChorofmmos quosquaû
draconesde cavernis edudos, de propriis partibus expulerunt. Qui
cum certum habitaculum non habentes , non poffent propter eorum
nequitias ab aliquibus Saraccnis receptaculum adipifci, folus SoLdanus
Babyloma , Ckrifh fidei perfecutor , eifdem Chorojmims liofpitium in ter¬
ra propria denegans, obtulit alienum, eofdern incredulos adinhof*
t Preuves dû III. Livre
pitandâttl xVel inhabitandam terram promifiionis advocans & învitafts,1
quam in fe credentibus Altiflimuspromiferat & donavit. Illivero , de
Soldant præfidio confidentes , in hæreditatem Domini, quam, didus
Soldantes, prout dicitur , illis contulerat, advenerunt cum.uxoribus
8c familiis, 8c multis millibus Equitum armatorum : quorum fie exiftir
adventus repentinus, quod nec à nobis, nec à. vicinis partibus potuit
prævideri, ut præcognita jacula vitarentur, ufque dum Hierofolymi-
tanam provinciam per partes Saphet &.Tiberiadis intraverunt. Et cùm
follicitudinem multipliciter appofuerimus &laborem, qualités Terra,
fanclœ pax 8c tranquillitas priftina redderetur , novis holtibus pertur^
bata, nec ad eorum expulfionem Chrijhanorum vires fufficerent, præ—
fati Chorofmini totam terram à Turone militum, quod eft prope Hie-
rafalem ufque Ga\aram occuparunt. Ex communi itaque confilio , 8c
unanimi voluntate, unà cum Magiftris Religioforum Domorum, fcE
licet militiæ Templi, Hofpitalis fandi fohannu, 8c præceptoris fandæ
Maria Theufonicoram, Sc Nobilium Regni, Soldanos Damafci ôt Cha’*
melæ, qui erant cum Cknfttanis pacis foedere colligati, 8c contra Cho—
rofminos habent inimicitias fpeciales, reputantes fe etiam per illorunv
adventum fore confufos , 8c terram quam habebant Cmftiani, juxta
formant treuguarum , tenebantur defendere contra omnes alios Sara-
cenos 3 ad Chnftianontm fubfidium duximus advocandos. Qui etfi firmi^
ter promiferint 8c juraverint fe nobis auxilium præftaturos, illorum
tamen fuccurfu valdè dilato 8c Chriftianis, in refpedu paucilfimis»
folis contra illos perfidos dubitantibus dimicare, didi Chorofmini civi-
tatem Hierufalem propugnaculis penitus immunitam fæpiùs invade^
bant. At Chriftiani qui erant in ilia, prædidorum fævitiam metuen-
tes, ad veniendüm in terram Chnftianontm ultra fex millia hominum
congregati, paucis in civitate relidis, confifi de treugis,quas cum
Soldant) de Graco 8c rufticis Saracems de montants habebant , iter
cum omnibus familiis 8c rebus fuis per ipfa montana cepe*
runt, Egrelfi vero ruftici, partim illos gladio crudeliter occiderunt,'
partim miferabiliter captivarunt, exponentes vénales Chriftianos utriuf-
que fexus 8c etiam Moniales, aliis Saracems. Ex quibus cùm ali qui
evadentes, in Ramenfem planitiem defcendilfent, Chorofmini irruen-
tes in illos, trucidarunt eoîdem, ita quod ex tanto populo, vixeva-*
ferunt trecentifemivivi relidi. Tandem prænominati perfidiflimi Jfrae-
litanam civitatem intrantes quafi populo deflitutam ,. Chriftianos qui
ibi remanferant, feque infra Ecclefiam Sepulchri Dominici recepta-
runt, ante ipfum Sepulchrum evifeerarunt univerfos.Et décapitant
tes Sacerdotes qui in altaribus celebrabant, dicebant ad invicem :
Hiceffundamus fanguinem populi Chriftiani, ubi vinum libaverunt
ad honorem Dei fui , quem hîc dicunt fuilfe fufpenfum. Infuper
cum dolore dicimus 8c cum fufpiriis intimamus, quod in Sepulchrum
refurredionis Dominicæ manus facrilegas extendentes, illud multE
phcitër detürparunt. Tabulatum marmoreum r quod circumcirca erat
pofitum* fuüdiui§ çyeitentes^ 8c niontem Calvam, ubiCbuftusextb*
de l’Histoire de Malte; 6iy
tit crucifixus & totam Ecclefiam, ultra quam dici valeat, in omni
turpitudine , quantum in fe fuerat , foedaverunt. Columnas vero
fculptas, quæ ante Sepulcrum Domini erant ad decorem pofitæ ,
fufhilerunt : lilas in Chrifiianorum contumeliam ad fepulcrum fcelera-
tidimi Machometi, in fignum vidoriæ, tranfmittentes. Et violatis fe-
pulchris foelicium Regum in eadem Ecclefia collocatis, eorum ofla
in Chrifiianorum injuriam difperferunt. Montemque Syon reverendidi-
mum fine reverentia prophanantes, Templum Domini, Ecclefiam
vallis Jofaphat ubi Virginie!! fepulcrum , Ecclefiam Bethleem&locum
Nativitatis Domini, indignis relatu enormitatibus polluerunt , om¬
nium Saracenorum nequitiam excedentes , qui licet terrain Cknïhano-
mm fæpius occupallent, loca fanda utcunque veneranter conferva-
bant. Verùm cùm his omnibus non contenti, ad captionem & de-
ftrudionem totius terræ fæpe fati Chorofmini multipliciter afpirarent,
nec poifent tanta mala ulteriùs tolerari quæ cujuflibet catholicæ fi-
dei zelatoris animum merito poterant in mærorem & amaritudinem
irritafle , tôt injuriis & enormitatibus lacefliti, populus Chnfitanus ad
refiftendum eifdem , prædidorum Soldanorum potentiam, una cum
Chrtfnanorum viribus, de communi confilio duximus congregandam.
Cum quibus omnibus contra illos die quarto menfis Odobris exer-
citus Chnfiianus de maritima Acon movere incepit, per C&faream &
alia loca maritima cedendo. Ipfi vero Chorofmini, noftrum præ-
fentientes adventum & per diverfa loca retrocedentes, demùm ante
Ga\aram cadra fïxerunt, expedantes ibidem fuccurfum , quem SoL
danus BabylonU caput facrilegii, erat tranfmifTurus eifdem. Recepta ve¬
ro ab eodem Soldano maxima multitudine armatorum & Chrifiianorum
& præfatorum Soldanorum exercitibus appropinquantibus contra illos,
eos in vigilia fandi Luc a ante Gafiaram invenimus cum multitudine
infinita , habentes acies ordinatas ad prælium : noflris per duces
exercitus acies difponentibus , qualiter progrederentur ad bellum.
Nobis etiam Patriarcha & aliis Prælatis audoritate omnipotentis Dei
& fedis Apoftolicæ remiffionem indulgentibus, de poenitentibus fum-
ma contritio & effuho lacrymarum fingulis cælitus e!t effufa, uc
mortemcorporis pro nihilo reputantes, 8c fparantes præmium fempi-
ternum, moripro Chrifio, vivere reputarent. Undeetli fortè corpora-
liscalamitas, peccatis noflris exigentibus, fupervenit, credendum ed
Altüfimum, qui ed fcrutator cordiüm & cognitor fecretorum , ani-
marum lucrum potiùs quàm corporum acceptafle. Pod hæc autem
concurrentibus nodris unà cum illis, Saraceni qui nobifcum ade-
rant, ab hodibus fuperati, fe univerfaliter converterunt in fugam,
captis pluribus & interfedis ex illis. Et fie Chnfiiani foli in prælio re-
manferunt. Cùmque in eos Chorofmini cum Babylonien infimul irruif-
fent, eis invicem dimicantibus, Chrifiiani tanquam Athletæ Domini
& fidei catholicæ defenfores, quos eadem fides 8c palfio vere fecit
germanos, fortidimè rediterunt. Et cùm eflent refpedu inimicorum
pauciifimi, proh dolor, fuccubuerunt inbello, hodibus præliorum
Terne 1, I iii
618 Preuves du III. Livre
adverfïtate cedentes. Ita quod de Conventibus domus militiæ Templi,
Holjpitalis S, foanms 8c fandæ Maria Tneutonicorum, tantummodo trigin-
ta très Templaru, viginri fex Hoffyiitalarn 8c très fratres Ttceuromct eva-
ferunt, aliis peremptis 8c captis. Optimates etiam terrfe & milites,
pro mojori parte capti 8c inter fedi fuerunt, præter ftragem balilla-
riorum & peditum infinitam. De Archiepifcopo vero lyrenfi, Epif-
copo Georgti, Abbate fandæ Maria de Jofaphat, Magiltro Tempn&c
Præceptore fandæA^m: Theutonicorum, 8c quam pluribus aliis religio¬
ns 8c clericis, cùm non apparuerint, plurimum: dubitatur utrum
adhuc in bello obierint, vel lint in captivitate detenti : nec de iplis
fcire adhuc potuimus veritatem. Magifter verù Hoïfitahs 8c Cornes
Gu ait crus de Brejna, cum multis aliis, capti in. Babyloniam funt dedu-
di. Nos vero Patriarcha, in quos, noltris peccatis exigentibus, om-
nis calamitas fupervenit, indigni à Domino martyrio deputati, eva-
limus lemivivi, apud Afcalonam cum Nobilibus viris, Conftabulario
Aconenjî, Phihppo de Aï orne font, militibus 8c peditibus, qui evafe-
runt de bello, receptaculum capientes. Et licèt nobis, qui cunda
perdidimus in bello prædido, nulla lit confolatio in tôt adverlita-
tibus 8c ærumnis, illud tamen quod ad praefens potuimus facien--
tes, illultribus Régi Cypri 8c Principi Antiocheno noltras literas 8c
nuncios milimus fpeciales : eos cum omni devotione rogando 8c
exhortando ut in tantæ neceflitatis articulo , ad Terra SarTla defen-
lionem mittere debeant milites 8c armatos. Sed quid fuper hoc lint
faduri nefeimus.. Demum apud Acon civitatem reverli, 8c morantes
in ilia, ipfam civitatem cum tôt a ultramarina provincia invenimus
plenam doloribus, ululatibus, miferiis 8c variis alflidionibus ac in-
iinitis : nec erat domus vel anima quæ mortuum proprium non de-
ploraret. Et quamvis fit dolor magnus 8c gravis de præteritis, timor
tamen imminet adhuc præcipuus de futuris. Cùm enim tota terra
Chnfianitatis gladiis acquilita, lit privata 8c dellituta omni humano aut
terreno præfidio ac futfragio,,& defenforumpropugnatorumque fuffi-
cientiain nihilum. plané redada extindaque, fuperltites vero non tan¬
tum pauci, fed etiam ad exanimationem dedudi, nihil aliud relia-
re præterea aut fuperelfe videtur, quàm ut crucis holtibus reliqua
omnia ad votum defiderata fuccedant, qui in maximam audaciam
8c intolerabilem infolentiam prodeuntes , cadra fua pofuerunt in pla-
nitie Acon prope civitatem per miliaria duo. Et per totam terram.
ufque ad partes Nazareth 8c Saphet libéré, nullo relillente , aut obi-
cem ponente, longé latèque difeurrunt, occupantes eandem 8c in¬
ter fe quali propriam dividentes , per villas 8c cazalia ChnjHajtorum
Legatos 8c Bajuîos præfïciunt arque conllituunt, fufeipientes à ru-
fticis 8c aliis incolis redditus 8c tributa, quæ antè à Chnfiiams prælta-
re 8c exfolvere lolebant. Qui jam rultici incolæque Chriftianis hoftes
effedi 8c rebelles , didis Chorofminis univerfaliter adhæferunt. Ita
quod omnes Hierofolymitanæ Eccleliæ limul ac provinciæ Chrillia-
aliam terram non habeant ad præfens, nili raunitiones qua£
d e l’Histoire de Malte.' 619
dam , quas etiam cum maxima difficultate & laboredefendunt. Di-
dtux etiam, quod Babylomci apud Ga&aram exiflentes, in multitudine
infinita venturi funt ad partes Acon, ut fimul cum Chorofnnms obfi-
deant civitatem. Recepimus etiam nuncios & literas vicefjmo fe-
cundo die menfis Novembris, à Caftellano 8c fratribus Ho.ïfitahs,
qui funt in caftro Scalone , quod exercitus Saracenorum de Babylonia
jam obfederant caftrum ipfum & tenebant obfeffum, implorantibus
à nobis & Chriftianitate fubfîdium 8c auxilium feftinatum. Ut au-
tem Charitatem veftram moveat pietas , in compafhonis affedum
fuper excidio Terra Santla, eo quod communibus humeris hoc onus
incumbat, caufam Chrijh vobis duximus intimandam, fuppliciter de-
precantes quatenus apud Altiffimum precibus 8c devotis orationibus
pro Terra eadem mifericordiam imploretis: ut ipfe qui Terram SanÜam
in redemptionem omnium proprio fanguine confecravit, in ejus fub-
fidium miferatus intendat, ipfam profpiciens 8c defendens. Vofque,
patres chariflimi, fuper hoc falutare confîlium 8c auxilium quod po-
teritis , apponetis, ut vobis exinde coelefte præmium comparetis.
Scituri pro certo , nifi per manum Altilfimi 8c fidelium fublidium
ultramarinæ in hoc proximo paffagio Mardi fuccurratur, ejus pro certo
perditio imminet 8c ruina. E‘t quia cæteras neceffitates 8c univerfalem
ilatum Terra, longum effet vobis per litteras explicare, mittimus ad præ-
fentiam veflram venerabilem patrçm Biritenfem Epifcopum 8c Religio-
fum virum ïArmlpbum ordinis Prædicatorum, quiferiem veritatis fideli-
ter&plenarièTeferentfraternitativeflræ, Univerfitatem veftramhumi-
liter implorantes, ut veftræ benignitati placeat prædidos nuncios qui
fe pro Ecclefia Dei magnis expofuerunt periculis, navigando tem-
pore hiemali, recipere liberaliter 8c audire. Datum apud Acon vi-
cefimo quinto die menfis Novembris, anno Domini millefimo du-
centefimo quadragefimo quarto. Matt. Fans pag. 631. Ann. 1244.

O N Z I E5 M E PREUVE.//#, p. 3S6.
O Donis Epifcopi Tufculani ad Innocentium IV. Papam.
Magifter Militum Templi 8c Marefcallus Hofpitalis fcripfe^
runt Régi, quod Soldanus Babyloniæ cum magno exercitu ad par¬
tes Gazæ venerat ad concihandum fibi Soldanos Halapiæ 8c Da-
mafci, &timebantne fortè Joppen vel Cæfaream intenderet obfi-
dere. Poftea etiam fcripfit Régi idem Magifter, quod quidam Admi-
raldus Soldani Babyloniæ ad ipfum venerat, nec tamen ex parte
.Soldani veniebat, ut dicebat, nec litteras ejus habebat, fed vene¬
rat ad in quirendum voluntatem Regis Franciæ, quia dominus fuus
libenter cum eo pacem haberet : 8c ut dicitur à quibufdam, ad re-
quifitionem didi Magiltri Soldanus ad ipfum miferat didum Admi-
raldum, quod fadum valde Régi difplicuit 8c omnibus Baronibus :
8>c incontinenti Rex per litteras fuas inhibuit dido Magiftro , ne de
cetero taies nuncios recipiat, vel cundis colloquium habere præfu-
Iiii ij

/
620 Preuves du III. Livre
mat fine mandato fpeciali ipfius. Ex S; te. Tome 7. nage 2 rq.

DOUXIE’ME PREUVE. Hijt. p. 5.9z.

Ie failli Kenelmi , videlicet Calendas Augufti, Comité Rt-


XJ chardo exiftente Londim 6c ad fcaccarium fedente , venit ad ipfum
nuncius quidam feftinus 6c trifbis , rumorum 6c litterarum bajulus
teterrimarum, hujus fententiæ tenorem continentium. Rex franco-
rum ChrijiianiJJïmus, inito confilio univerfali, animatus rumoribus cu-
jufdam tribuni cuftodis Nayn, de quo prædidum elt, cadra movit
de Damiata verfùs Katrum, 6c quofdam in via. potenter adverfantes,
fortiter trucidavit. Et cùm profperè faviïïet ei Mars per omnia, 6c
fada quadam impetuofa congrefiione,. Ci.nfHam de Saracenis, poft
longum hinc inde durififimum 6c diriiïïmum confiidum, gloriosè
triumpharunt. Tranfito igitur quodam magno flumine , ex alveo
Nili prodeunte , nomine Tafnem, circa claufum Pafcha per fcaphas
planas colligatas 6c per occultum vadum , quod ei manifeftaverat
quidam converfus quondam Saracenus, multi tranfierunt. Robertus
autem frater Regis, Cornes videlicet Atrebatenjis, afilimptis fecum
multis nobilibus, quorum unus erat Wilielmus longa ffata, nefciente
Rege fratre fuo , ad ulteriora litoris fe contulit. Cujus erat inten-
tio, pro omnibus folus triumphare 6c titulos afportare, ut ei fo-
11 vidoria afcriberetur. Erat namque fuperbus nimis 6c arrogans ,
atque vanæ gloriæ appetivus. Et invenientes quofdam. Saracenos, ip-
fos in ore gladii trucidarunt. Robertus igitur audader progrediens,
fed inconfultè , quoddam cabale, quod ante ipfos erat, nomine.
Manfor, propofuit violenter occupare, 6ctrucidatis omnibus quos in
eodem inveniret, illud fubruere : 6c intrans violenter, ferè lâpidi-
bus obrutus., confufus exivit, multis tamen ipfius habitatoribus in-
terfedis. Et cùm congîomerati tradatum haberent quid agendum.
Cornes ‘Robertus fperans ultima primis féliciter refpondere, omnes
ad progrediendum perfuafit 6c animavit, 6c dixit magiftro militiæ
Templi, qui tune cum ipfo fuerat, præfente Willtelmo longa ffata : In-
fequamur hoftes qui propè funt, ut dicitur,. fugitives, dum res in
manibus noftris profperatur , dum vidimus noltros ferventes 6c ho-
lîium cruorem fitientes 6c inimicos fidei de falute propria defperan-
tes , ut omnes conterendo beilum noltrum fine beato citiùs con-
cludamus. Confidenter aga-mus, quia fequitur nos tertia pars exer-
citus G allie uni : 6c fi aliquid nobis liniftri,. quod abfit contingat, fub-
veniet nobis ad nutum mandati, fratris ac domini mei Regis exer-
citus infuperabilis. Cui magifter militiæ Templi, vir quidem difere-
tus 6c circumfpedus , in negotiis quoque bellicis , peritus 6c exper-
tus, refpondit : O domine Cornes magnifice , veltram fatis ftrenui-
tatem, 6c innatam magnanimitatem 6c audaciam commendamus, vo-
luntariam ad honorera Domini 6c Ecclefiæ l’uæ univerfalis, quamno-
vimus 6cfæpè lùmus expertû. Veruntamen, optamus dcfalubritercon-?
DE L5 H I S T O I R E DE MâLTE. 6 21
fulitnus fupplicantes, quatenus fræno modeftiæ ac difcretionis hune
fervorem velitis cohibere , ut poft hune , quem nobis Dominus con-
tulit y triumphumoc honoreraaliquantulum refpiremus. Pofthos enim
bellorum æltus 6c labores fatigamur , fauciamur , efurimus 6c fitimus,
6c fi nos honor 6c gloria obtentæ vidoriæ confoletur , nullus tamen
equos noftros jam déficientes & vulneratoshonos velgaudiumrefocil-
lat. Revertamur igitur confultius, ut exercitui domini Regis noftri uniti,
tam confilio quàra auxilio ipfius roboremur , 6ctamequi noftri, quàm
nos j aiiqua quiete recreemur. Quod cùm viderint hottes noftri, mo-
deftam, prudentiam noftram pluslaudabunt, &amplius formidabunt.
Communicato enim cumnoftratibus ampliori confilioaadincoepta cùm
omnes congregabimur, fortiores refurgemus, 6c collatis viribus con-
fidentius roborabimur. Jam enim afeendit clamor. fugitivorum, qui
velocifTimis equis rapti ipfum Soldannm 6c alios inimicos noftros , de
viribus fuis 6c numerofitate confidentes , excitabunt, 6cdenoftra pau-
eitate & totius exercitus , quam femper defideraverunt r præmunient,
6c confortabunt divifione, 6c nos , fuper his certificati r proterviùs 8c
confidentiùs aggredientur , vires fuas nunc effundentes in noftram per-
niciem 6c confufionem. Norunt enim quod fi nunc conterantur , ex-
hæredati penitus cum uxoribus 6c liberis, irreftaurabiliter ad Nilum re-
digentur.*
Hæc autem cùm Cornes audiffetAtrebatenfis, indignatus vehemen-
ter j irâque 6cfuperbiâ turgidus 6c inflatus , refpondit : O antiqua Tem-
pli proditio ! O vêtus Hojpitalariorum feditio î O fraus diu occultata,
quàm manifeftè nunc prorupit in medium ! Hoc eft quod diu vero
præcinimus augurio, 6c veracitereftprædidum, hæc tota terra Orien-
talis jam diu fuiffet adquifîta , nifî Temph 6c Hofpitalis, 6c aliorum, qui
fe proclamant religiofos, fraudibus nos fæculares impedirent, Ecce
patet ad manum captio Soldant 6c totius confufîo Paganijmi> 6c legisper¬
pétua exaltatio Chnftiana, quam fuis fîùtis 6c fallacibus fermocinatio-
nibus præfens Templanus conatur impedire. Timentenim Terrifiant, 8c
formidant Hofpitalarii, 6c eorum complices , quod fi terra viribus
fubdatur Cbr.ïhams, ipforum exfpirabit, qui amplis redditibusfaginan-
tur j dominatio. Hinc eft quodfideles hue adventantes, 6ç ad negotium
crucis accindos , variis inficiunt potionibus , 6c Saracems confoede-
rati , divertis interficiunt perditionibus. Nonne fuper his Fredencus
eorum expertus mufeiputas, teftis eft certifïimus ?
His igitur verbis fatyricis 6c mordacibus, magifter militiæ memora-
tus cum Fratribus, 6c Magifter Hofpitalis cum fuis fimiliter confratri-
bus, ufque ad fpiritus amai'itudinem contriftati , unanimiter refpon-
derunt : Ut quiaCornes generofe , habitum fufeiperemus religionis ?
nunquid ut ecclefîam Chtijh everteremus , 6c proditionibus intenden-
tes animas'noftras perderemus ?Abfit, abfit hoc à nobis , imoab omni
Cbn;, ■.Et iratus magifter rempli vehementer, aita voce exclama-
vit, dicens fignifero : Explica 6c eleva fignum noftruni , 6c procéda-
mus bellaturi, ut hodie tam mortis quàm Martis ambigua fata coex^
1 iii üj •
622 Preuves du ÎIT. Livre
periamur : infuperabiles eflemus, fi infeparabilespermaneremus. Sed
infeliciter-dividimur, fimiles harenæ fine calce , unde inepti ædificio
fpirituali, & cæmento charitatis expertes, materiæ depulfæ çonfimiles
erimus profe&ô ruinofi.
Talia igitur audiens WilUe'mus longa fpata , fchifma inexercitu jamfuf-
citatum vehementer formidans , impetuofum momm animi Comitis
sîtrebatenfu fedare cupiens, & maginri Templi iram mitigare , refpon-
dit dicens : Talem fcifliiram & divifionem fecundum verbum Domi-
nicum fequitur defolatio. Credamus igitur huic viro fanéto ôc auten-
tico, ô Cornes Serenidime. Incola hujus terræ exiltit diuturnus, no-
vitque vires &verfutias Saracenorum, experimento edodus multiplici.
Nos novi, juvenes ôc advenue, quid mirum fi Qrientali.um fimus nef-
cii periculorum ? Quantum diffcat Oriens ab Occidente, tantum dif*
crêpant Occidentales ab his Orientalibus. Et verfafacie admagidrum
T empli, cum ferenitate Ôc verbis blandis ipfum allocutus , conabatur
motum animi ejus mitigare , cùm ecce Cornes Atrcbatenjis rapiens ver¬
bum ab ore ejus, more Gallico reboans &indecenrer jurans, audienti-
bus multis os in hæç convitia refolvit, dicens : O timidorum cauda-
torum formidololitas, quàm beatus, quàm mundus præfens foret exer-
citus, li à caudis purgâretur & caudatis ! Quod audiens W. verepun-
datus , ôc de verbi olfendiculo laceffitus ôc commotus refpondit ; O
Cornes Roberte, certè procedam'imperterritus ad quæque imminentia
mortis pericula. Erimus, credo , hodie, ubi non audebis caudam equi
mei attingere, ôc apponentes galeas ôc explicatis fignisprogrçfluin con¬
tra holtes, qui fpaciofamplaniciem, montes Ôc valles undique eoope-
ruerunt, continuabant. Sic igitur volens Cornes Rebertus omnia fibi,
ii Cbnjhanos contingeret triunr, hare , afcribere, dedignabatur fratri fuo
dominio Francorum Régi, hæc præfumpta pericula nunciare, Matth*
Farts} ann. 1250. p. 789,

PREUVES DU IV LIVRE
de, . ; | ’

L’HISTOIRE DES CHEVALIERS HOSPITALIERS


DE S JEAN DE JERUSALEM-
.. " ■■ . 11 r- *- '«W

PREMIERE PREUVE, Hifi. p. 447,

I N Cypro graves ardebant difcordiæ inter Henricum Regem &


Templarios, qui Syria à Saracenis ejedi, ad tutandumid regnum
fê reçeperant ; ac ne ob ea diffidia Chridiana res in periculvun con-
de l’Histoire de Malte. 623
jiceretur, folicitus Bonifacius, tum Jacobum de Molai Templa-
riorum equitum fupremum magiftrum, ut cum Rege pacem iniret j
tum Henricum , ut débita benevolentia équités complederetur ,
ne deftituta eorum ope infula barbaricis irruptionibus pateret, cil
adhortatus : Fili chanilime , Henricum Regem alioquitur, tuam volu-
îdus confiderare prudentiam, quanta oÜm ipfis Magiftris & Fratri-
bus, nempe Tempiarus, in dida Terra Sanda pericula contigerunt,
quantis eos afüixere pericula ipfa languoribus, quanto eos fiducia
duxerit ad confugiendum ad tui regni præfidia3 & quibus ipfi, lie
mihi fiducialiter refpirantes , Tint alliciendi favoribus & manfuetu-
dinibus confovendi. Nec minus advertendum infpicimus , quod mo-
ra eorum in dido regno fecuritatem maximam contra boites fidei
tibi & ipii regno producit, & ii, quob abfit, five per eorum five
tuæ gentis injuriam recefius ipforum inde contingeret, magnam fu¬
mèrent ex hoc didi hoites audaciam, & grandia tibi ac regno præ-
fato , ac irreparabilia , forfitan propterea poffent pericula prove¬
nue , quorum Sanda Mater Ecciefia & univerfus Fidelium Chriftia-
norum populus non redderentur expertes, fed hujufmodi vitanda
procella percelleret univerfos , &c. Dat. Romæ xiv. kal. Aprilis
anno iv. Exafperarat inter cætera Templarios vedigalia fuis fami-
liaribus & mancipiis duorum byfantiorum in fingula capita pendi,
ac privilégia quibus hadenus erant potiti, labefadari : ad quæ tem-
peranda latam à Bonifacio conilitutionem inferius vifuri fumus»
£x Tomo iq. Raynaldi ad ann. 1 29 8. paragh. 21.

Bonifacius, &c. ad futuram rei memoriam.

ORdinamus, providemus ôc volumus quod quædam taillia feu


colleda , quæ vulgariter teitagium nuncupatur , ôc nonnullis
annis præteritis proxime fuerat in regno ipfo ( nempe Cypri ) re-
eepta per regem, quantumeumque pro defenfione regni pofita di-
ceretur, cujus etiam ipfum nomen aliquibus abominabile ac hor-
rendum, celfet, nec amplius exigatur à perfonis non folum eccle-
baiticis, religiofis ôc fecularibus, Ôc nihilominus vel advenis didi
regni ; fed nec in poiterum etiam perfonis ipfi Régi fubjedis fine
Apoitolicæ fedis licentia imponatur : difpendium namque inde fe-
eutum non expedit, quod habeat recidivum. Et nihilominus ad arn-
putandum omnis dubietatis fcrupulum declaramus, quod tailliæ 3
exadiones, tributa , indida , quocumque nomine cenfeantur im-
ponenda per Regem, ad Prælatos, Magiitros Hofpitalis Sandi Joan-
nis Hierofolymitani ôc domus militiæ Templi ôc religiofas ôc alias
ecclefiaiticas perfonas , cujufcumque fuerint Ordinis , conditionis
aut Itatus, ôc eorum bona, fervos, fclavos, homines de corpore3
feu Angarios eorundem , nullatenus extendantur : fed prælatis ôc
perfonis ipfis libertates Ôc immunitates, privilégia competentia eis
de jure vel de confuetudine rationabili ôc præfcripta in regno eo-
dem, & præfertim privilégia fedis ejufdem ipfis ierventur illtçfa.
6 24 Preuves du IV. Livre
Quin potîus volumus quod didus Rex qui nunc régnât in Cypro ;
6c alii j qui in eodem in polterum regnabunt, confideratis præla-
tionum dignitatibus 6c conditionibus perfonarum ecclefialticarum re-
gni ejufdem ipfas prout regiæ dignitati congruit, honorare Itudeant
6c benignè tradare : ex hoc enim non folum à Deo primum 6c ab
hominibus bonam famam conquirent, fed 6c regnum ipfum cor-
roborabitur atque firmabitur contra fidei inimicos, in pacis dulce-
dine requiefcet, 6c robultior exinde Terræ Sandæ poterit provenire
fuccurfus, 6cc. Rex 6c Templarii jurare julfi fe invicem non læfu-
ros. Dat. Anagniæ m .Id. Januarifi Idem ad ann.. i&yp.paragh. 37.

C Um porro antea lege vetitum effet Hofpitalariis 6c Templa-


riis, quorum potentiam ne in regno nimis affurgeret, vereba-
tur, Rex immobilia bona fine Regis 6c fedis Apoitolicæ confenfu
adipifci, monuit Cyprium Regem Bonifacius, ne legem feverè adeo
interpretaretur, ut non aliquas iis domos, quo habitarent commo-
dius , extruere liceret : tum hortatus effc, ut benevolentiam erga
eos explicaret} quorum in bello peritiam magno fibi émoluments
effe cognofceret. Idem ad ann. 1199. parag. 38.
Henrico Régi Cypri illujhi.

P Ro bono 6c pacifico Itatu regni tui 6c pro majori 6c efficaciori


defenfione ipfius, 6c impugnatione holtium 6c depreffione falfo-
rum Chriltianorum, qui arma , ferrum 6c alia prohibita deferunt
Saracenis, nupcr in te venerabiles fratres noltros Arçhiepifcopum
Nicoiienfem 6c Suffraganeos ejus, 6c diledos Magiftros Conventus
6c Fratres Domorum Hofpitalis Sandi Joannis Hierofolymitani 6ç
militiæ Templi in Regno ipfo morantes ? provifionem 6c ordinatio-
nem quandam duximus faciendam. Quare ferenitatem regiam roga-
mus 6c hortamur attenté , per Apoltolica tibi fcripta mandantes ,
quatenus pro divina 6c Apoitolicæ fedis ac noltra reverentia, tuifi*
que honore, decentia 6c llatu profpero nollris in hac parte bene-
placitis acquiefcens, provifionem 6c ordinationem eandem , velue
tibi 6c regno prædido 6c per confequens Terræ Sandæ neceffa-
riam 6c perutilem æquanimiter feras, 6c inviolabiliter lludeas obfer-^
vare,
Verum licèt acquifitio bonorum ftabilium regno prædido fit per
provifionem hujulmodi eifdem Magiltris, Conventibus 6c Fratribus
interdida abfque Apoitolicæ fedis confenfu vel tuo ; non tamen fie
Itridè fumât regia liberahtatis circumfpeda , quin gratiosè 6c beni¬
gnè permittat, quod eofdem Magiltros, Conventus 6c Fratres ali¬
quas modicas, leu minutas acquifitiones 6c ædificia non ad æmu-
lationem facere, ut poffint in regno ipfo morari commodiùs, præ-
didi Magiltri, Conventus 6c Fratres alias quoque ipfos quorum mo-
ra in regno prædido potelt effe valde perutilis, ficut nolti, fie fa-
yorabiliter & benignè 3 fie placabiliter, gratiosè ac manfuet'è per-*
tractes 1
de l’Histoire de Malte; 62$
trades, quod ipfi de hujufmodi eorum mora in affabilitate regia 6c
regii vultus ferenitate lætentnr, & efficiantur non immerito prom-
ptiores in tuis 6c regni tui honoribus 6c profedibus profequendis >
nofque magnificentiam regiam amplioribus propterea in Domino
laudibus attollamus. Dat. Anagniæ iv. Id. Junii anno v. Idem ad
arm. 1199. parag. 158.

SECONDE PREUVE. Hifi. p. 4,54.


I N nomine Domini. Amen.
Noverint univerfi, præfentes litteras infpeduri, Quod nos Pïen-
ricus 6c Rodulphus Marchiones de Hochberg , recognofeimus &
præfentibus profitemur, Reverendum Dominum 6c Patrem noftrum
Henricum quondam Marchionem de Hochberg, cùm adhuc effet fui
juris , haberetque jurium 6c rerum fuarum plenam 6c liberam admi-
niftrationem, ob amorem Dei, 6c pro remedio animæ fuæ, favoreque
Religionis , 6c perpetuo conceffiffe, donaffe, ceffiffe 6c tradidiffe Re-
ligiohs Viris Commendatori 8c Fratribus Domus Hpfpkalis Sandi
Joannis Hierofolymitani in Friiburg , omne Bannum , Advocatiam ,
feu Jurifdidionem, five conftiterit in mero imperio, vel mixto , in
caufis criminalibus, vel civilibus , quæ fibi competant, vel compe-
tere poterant, ex quacunque caufa, jure , feu titulo qualicunque , in
villa dida Haiterfeum, ejufqueBanno , feu diftridu, fuper hominibus,
Advenis , feu Indigenis ibidem cum fervitutibus , angariis, feu peran-
gariis quibufcunque , fibi in dida villa debitis. In quorum fi quidem
Banni, Advocatiæ, Jurifdidionis 6c fervitutum libéra, Ôc quieta pof-
fefîione , vel quafi , didi Commendator ôc fratres , præfente fupra-
dido Pâtre noilro in Provincia, eoque fciente , ôc volente , fuerunt
per xx. annos, 6c ultra ; nobifque fupradidis H. ôc R. fcientibus, Ôc
confentientibus , àtempore quo didus Pater nofler hæreditatem fuam
v reliquit, ac Religionem intravit.
Quam Conceffionem Dônationem , Ceffionem 8c Tradkionem ,
nosprædidi FI. & R. Marchiones, ratifi camus -p ræfentibus, 8c appro-
jbamus. Et fi fortè prædida Concelho, Donatio, Ceffio ôc Traditio ex
cliqua caufa , vel occafione effet imperfeda, invalida , feu nulla; nos
prædidi H. ôc R. Marchiones , omne jus , ôc beneficium, quod nobis
competit , vel competere potuit, vel poterit in futunim , in Banno,
Advocatia , jurifdidione , meri, vel midi imperii, criminalium cau-
farum 6c civihum, fervitutibus, angariis, vel perangariis fuper homi-
nés , vel in hominibus Advenis, feu Indigenis prænominatæ viilæ , 8c
ejus Banno feu diffridu , de novo, ôc ex certa fcientia, Paternam vo-
luntatem imitari volentes , ôc quieti didorum fratrum providere eu-
•pientes precuperando 6c. fatisfaciendo de darrinis Commendatori 6c
Fratribus per noffros fatellites datis , feu illatis ; concedimus , :dona-
raus , cedimus , 6c perpetualiter tradimüs, prout melius valere poteff,
didis Commendatori 6c Fratribus j five competerit nobis ex utili do-
Totne I. Kkkk
P R E Ü V E~S Dû IV. L IVR !
minio , vel diredo , vel quacunque ex caufa , feutitulo ad nos perti-
jieret. Promittentes eifdem, nomine eorum , 6c eorumdem fucceffo-
rum, per folemnem ftipulationem , pro nobis noftrifque fucceffori-
bus, 6c hæredibus, nos numquam eifdem fuper juribus prænominatis,
in partem , vel in totum , per nos , vel aliquem nomine noltro, quæ-
ftionem movere , vel moventi confentire. Renunciantes etiam omni
juri fcripto , vel bon fcripto beneficio rellitutionis in integrum , 6c
omni alio auxilio , vel beneficio, quibus contra aliquam didarum
Conceflionum , Donationum, Ceffionum, Traditionum venirepoffe-
mus, vel aliquo modo jurari.
Infuper, fi quæ ada funt fuperius non valerent, vel jure (tare non
polïent ; nos prædidi Marchiones , omnia jura fuprafcripta , in fpe-
ciale beneficium, 6c feudum concedimus, 6c conceffimus voluntariè,
6c ex certa fcientia Commendatori, 6c Fratribusprædidis -, inveftiendo
eos, 6c quemlibet ipforum , de juribus, 6c jurifdidione fupralcriptis.
Et remittimus eis perpetualiter juramenta homagii. Et pro univerfis
ratione feudi debitis , volumus elfe contenti rationibus didorum Fra-
trum. Adum , 6c datum in Caflro noftro Sufembert, anno Domini
millefimo ducentefimo nonagefimo feptimo , indidione décima $ pro-
ximafexta feriapoft feflum Beati Matthiæ Apoftoli, præfercibustefli-
bus infra fcriptis, videlicet, Fratre Henricode Hochberg Pâtre noftro
prædido, nunc de Ordine Fratrum de Domo Theutonica , 6c Fratre
Gotbaldo de Blumenberg de Ordine Hofpitali fupradidi , Domino
Jacobo dido Sernizer, Domino Joanne Scultett, Domino Joanne de
Endigen Militibus Civibus in Nevenburg, 6c aliis pluribus fide dignis
tçlfibusj ad hoc vocatis 6c rogatis. Incujus reiteîtimonium , 6c per¬
pétuant firmitatem, nos H. 6c R. Marchiones prædidi, figilla noltra
præfentibus dtiximus apponenda. B.... itb. 5.p.iy. ad ann. 1197.

TROISIEME PREUVE. Hifi.p. 473.

N O s igitur movent non modicum ad prædida , quam citius com-


modè poterimus, exequenda, illuftriflimorum Regum Armeniæ
atque Cypri, quibus compatimur toto corde , præfidia poftulata :
propter quod confiderare compellimur aliquas certas vias ad ipfum
negotium promovendum , fuper quibus tecum 6c cum diledo filio
magiftro domus militiæ Templi ; de quorum circumfpeda probitate,
6c probata cirçumfpedione, ac vulgata fidelitate fiduciam obtinemus ;
deîiberandum de Fratrum noltrorum confilio decrevimus 6c tradan-
dum : præfertim quod tu 6c ipfede præmiflis viis,negotiis, atque fadis,
oc cundis circumilantiis eorumdem propter locorum vicinitatem, lon-
gam experientiam, 6c meditationem diutinam melius quàm cæteri con-
iulere poteritis quid agendum : 6c quia negotium ipfum principaliter
quàm cæteros polt nos 6c Romanam Ecclefiam vos contingit, El infra:
Mandamus quod ad veniendum tepares quantbfecretiuspoterisbono
mpdo, 6c quod quanto paucioxes potexis tecum adducas, de iis, qui
de l’Histoire de Malte, 627
ad pugnandum 6c refiftendum inimicis , terramque illam funt habiles
gubernandi, cùm citra mare poteris tuiOrdinis îocios invenire, atque
ficprovidos, fie probatos 6c probos, pro te 6c terræ defenfione, ac
gubernationc vicarium , militefque tui Ordinis, 6c alios utiles 6c ne-
ceffarios pro te in terra ilia dimittas, quod terræ illi ex abfentia tua,
quæ non longaerit, Domino concedente , nullum poffit periculum
imminere. Aliquos tamen tecum adducas , qui experientia , difere-
tione, ac fidelitate pollentes tecum nos dirigere vaieant in agendis.
Dat. Burdegalæ id. Junii.. . .
Conjunxiffe adverfus Infidèles arma nonnullos Templarios ex Pon-
tificiis literis encyclicis adReges, præfulefque datis, idibus Aprilis, col-
ligitur , quibus fignificavit Clemens Hymbertum Blanco equitum
Templariorum in Arvernia præceptorem, ac Petrum de Leugres Maffi-
lienfem patritiumr zelo defendendi Chriftiani nominis incitatos, ge-
rendi in Saracenos belli provinciaux ab Sede Apoftolica accepiffe ;
quos propterea, ut ftudiis fuis complederentur , hortatus eft : quibus
etiam conceptum animo reflituendæ Chrifti cultui Paleffinæardorera.
his verbis aperuit : Terrain fandam , quam unigenitus Dei filius Do-
minus. Jefus Chriftus , patrimonium filii 6c hereditatem elegit, confpi-
cientes feritate infidelium immaniter lacerari, 6c coinquinatorum pe-
dibus conculcari, acerbas fentimusin corde punduras , quafi noilris
vifceribuslaceffitis : ideoque vias 6c modos folerter exquirimus, quû-
bus eidem terræ noftro coopérante minifterio, poffint opportuna iub-
fidia, donec tempora feliciora fuccefferint, provenire. Confirmavit
aliis literis Hymbertum Blanco Templariorum præceptorem ac Pe¬
trum de Leugres prænobilem Mafiilienfem in fufeepto confilio, quos.
fortiter adverfus Saracenos bellum aggredi follicitavit.. Ex RaynAom. iy.
armo /306.

QUATRIFME PREUVE, Hifi. p. 47&


I N nomine Domini. Amen. Paterfande, Quæritis quid mihi vi*
dçtur melius faciendum, five grande paffagium, five parvum. Ad
quod refpondeo quod parvum. paffagium fecundùm Ratum in quo
terra confiflit ad præfens non effet proficuum, fed damnofum 6c
vituperofum chriftianitati6c effet perditio illorum omnium qui tran-
firent in parvo paffagio : quia chriffiani hodie non tenent in terra
ilia, hoc eft, in regno Hierofolymitano comitatu Tripolitano ,
6c principaux Antiocheno, civitatem , caftrum, vel fortaiitiam ali-
quam, in qua fe recolligere poffent vel guarentire , fi opus effet.
Et fi paffagium reperiretur in aliquo loco didarum partium , nec
effet ita forte quod poffet præliari cum exexcitu Soldanitotalitec
perderetur.
kem fi aliquis vellet dicere quod parvum paffagium effet utile
ad eundum in Armeniam ad euftodiam illius terræ,. 6c pro faciendo
guerram Sarracenis per partes illas 3 refpondeo quod hoc effet pe^
Kkkk 1}
/
62S «Preuves du IV.? Livre
riculum de perditio omnium quæ reperirentur ibidem, fi didum paf-
iagium in îocietate Armenorum non effet tam forte quod poffec
præiiariM.contra exercitum de Sceam , hoc cil de Hieiulalem & om¬
nibus finibus? ejus , qui poteft effe numéro xi i. velxv. millia equi-
tum aut circa, de de xl. vel. l. millia fervientum archariorum ;
& pofito quod poffint refillere fùpradidis , quod non credo pluri-
bus rationibus quæ poffent dici, reliât adhuc exercitus Soldani Ba-
byloniæ * qui facilè poffet illuc venire quandocunque placeret.
Item li parvum paffagium iret in Armeniam, licèt Sarraceni non.
facerentfibidamnumvel guerram, cumterraàfe ipfa ita infirma effc
de mala quod fi quatuor millia equitum tranfirent illuc, quantum-
cunque fortes de fani , mirabile effet fi in fine anni reperirentur
quingenti.
Item eft aliud periculumquod fi Franei fe reperirent in bello
cum equitibus vel militibus Armeniæ, ex quibus pauci reperiuntur
qui non fint femper parati ad fugam dum vident inimicos ad pu-
gnam contra fe venire, quod non relinquerent eos; de hoc effet maxima
confufio probis viris fe in tali focietate fentire dum effent in exerci-
cio armorum , quia illi qui noverunt de nofeunt eos libenter, évitant
jn talibus locis effe cum eis.
Item fi Franei effent in Armenia , de indigerent refugio, Armeni
non receptarent eos in aliquo caltro vel fortalitia fua , quia femper
dubitaverunt de dubitant ne Franei offerant eis terram. Et hoc divi-
nant Armeni continué , fcilicet quod Franei debent eis regnum au-
ferre.
Item in marchia Armeniæ funt tôt genres .de Beria , Turchimanni,
Cordommi, Beduini, quod etfi aliæ gentes Sarracenorum nonintro-
nfitterent fe , fortiter fe defenderent, de tenerent marchiam illam cum
illis qui feffent in Armenia , quia montana funt magna , de paffus
fortiffimi. Quare prædidis rationibus de aliis multis quæ poffent dici,
nullo modo confulo parvum paffagium fieri debere , imô contradica
quantum poffum, ac reprobo omninopro evitando vituperio de damna
chriliianitatis.
In nomine Domini. Amen. De magno paffagio generali faciendo
omnino concordo pro deltrudione inimicorum fidei chriltianæde pro
reffauratione terræ fandæ Chrifli fanguine refperfæ. Et fi placeret
fanditati veltræ de Dominis Cardinalibus quod ex nunc quàm citiùs
poffetis bono modo , de hujufmodi paffagio tradaretis cum Dominis
Regibus Franciæ, Angliæ, Alamanniæ, Siciliæ, Aragoniæ, Hifpa-
niæ, de aliis terrarum Dominis majoribusde minoribus, quorum cordai
Deus illuminetadnegociumilludtam pium delaudabile; valdebonum
de utile crederem.
Item quod ordinaretur ex nunc Januæ , Venetiis , de in aliis terris
maritimis quod fièrent naves de alia magna vafa ad portandum equos
de vidualia, de quàm citiùs fieri poffet inciperet quifibet proYidere fij?j
de rebus peeeffariis ad didum paffagium,»
de l’Histoire de Malte. 629
Item non laudo galeas in fado paflagii, fed naves 8c alia magna
vafa; 8c hocideo quia naves funt magisproficuæ6claudabiliores quàm
galeæ. Namuna navis portabit plus quàm quatuor galeæ, 8c una ga-
lea conftabit plus quàm très naves. Et non oportebit paflagium præ-
liari in mari, quia inimici non poflent in mari.refiftere , cùm habeanc
inodicum armamenti.
Item fi placer audire confilium de quantitate gentium , refpondeo
quod Bochendar olim Soldanus Babyloniæ , qui fuit potentior 6c fa-
pientior in fadis armorum quàm unquam fuiflet aliquis in feda fua 6c
magis famofus, multotiensdixit quod cum exercitu fuo obviaret x xx.
millibusTartarorum; fed fi plures venirent, relinqueret eis campum.
Item dixit quod fi in terra fua venirent xv. millia equitum Franco-
rum, obviaret eis 6c præliaretur cum eis , fed fi plures venirent, rece-
deret 6c dimitteret eis campum. Propter quodreducens admemoriam
dida ipfius 6c alia plurima quæ audivi, limiliter audiendo ab eis qui
fuerunt in Damiata cum Sando Ludovico de quantitate militum 6c
.equitum ac peditum quant habuit fecum , auderem 6c audeo dicere,
nifi meliùs audirem. Quod fi generale paflagium habet à xi 1. ufque
ad xv. millia equitum armatorum, 6c v. millia peditum, cum auxilio
Dei, in cujus fervitio fe difponent, fpero in Domino quod tôt gentes
volentes bono confilio credere totam terrain fandam acquirent 6c
recuperabunt omnino. Sed de prædidis equitibus confulo quod eflfent
duo millia baliftariorum.
De loco ubi paflagium recolligatur nihil dico , quia hoc efl: in vo-
luntate Dominorum Regum. Sed de applicando portu in partibus illis,
modis omnibus confulo pro meliori quod primo applicetur in regno
Cypri , 6c ibi refrigeret 6c recrêet fe paflagium totum. Sed difcedendo
,à regno Cypri, 6c eundo versùs terrain landam , nullus debet palam
confulere de loco feu de patria in quafitportusaccipiendus velpafla-
gium defcendere debeat , quia ex hoc oriretur prævifio Sarracenis.
Sed fi placer vobis 6c Domino Régi Franciæ , dicam fecreto tôt bonas
6c utiles caufas quod credo verè quod acquiefcetis confilio meo, quia
■clarè morfltrabo quæ funt loca bona ad hoc, ita quôdvefira difcretio
Panda bene agnofcet.
Item, Pater fande , ad hoc ut nullus pofiit dicere quod non con-
fulam libenter fieri bona, fi vobis placet mittere in Regnum Cypri
aliquem fuccurfum equitum vel peditum , poteftis facere, 6chocefiet
.confolatio in Regno Cypri, pluribus rationibus quæ poflent dici.
Item confulo 6c laudo pro meliori modis omnibus quod ordinetis
quàm citiùs poteritis decem galeas 6c quæ præparentur hac hyeme, ita
quod in primo vere poflint tranfire ad defenfionem Regni Cypri 6c ad
cuftodiendum mare, ne per malos chriflianos portentur vetita Sarra¬
cenis. Et quod didæ galeæ teneantur continué ufque ad paflagium ge¬
nerale , 6c de pecunia percipiunda pro didis galeis tenendis, fi place-
bit , fecundùm quod mihi videbitur fecreto confulam. Tamen confia
lium iüud non ficribo, quia non elt ponendum in fcriptis. Sed fper©
Kkkkiij
630 Preuves du IV. Livre
in Domino quod taliter lucrabuntur didæ galeæ quod fatis facilè po-
terunt teneri.
Et confulo quod ponatur in didis galeis talis capitaneus qui non
dubitet perdere temporalia bona per potentiam civitatum maritima-
rum. Credo quod Rogeronus filius quondam Domini Rogerii de Lo-
ria effet bonus capitaneus didarum galearum , fi vobis placeret. Non
confulo quod ponatis hominem religiofum , præcipuè Templarium
vel Hofpitalarium ; quia fi didæ galeæ damnificarent Januenfes vel Ve-
netos, ipli recurrerent ad naves vel bona eorum, & fie religiones pof-
fent incurrere magnum damnum.
Item confulo, Paterfande,, pro bono & honore veftro & totius
chriftianitatis quod placeret vobis mandare Januenfibus, Venetis , 6c
Pifanis, 6c aliis portum babentibus fupra mare & exprefsè præcipere
quod non portent vel mittant bona aliqua Sarracenis, quia Sarraceni
nimis ditantur ex hoc. Namfecundùm quod audivi, de omnibus quæ
contrahuntur cum eis five dando , five recipiendo , tertiam partem
largo modo recipiunt à chriftianis pro dacio feu theloneo , ita quod
de tribus navibus five de onere trium navium bene recipiunt feu toR
lunt unam, 6c multa damna recipiunt ex hoc chriftiani propter lanceas
6c alia arma quæ mali chriftiani deferunt 6c portaverunt eis. Unde
credo quod effet bonum fîponeretis ad hoc fortifîimam prohibitionem
6c ftridam fententiam, 6c quod ita facilè non abfolverentur à dida fen-
tentia in eorum reverfione ficut aliquando fieri confuev t. Nam quan»-
doque deferunt eis. galeas ita paratas quod nihil reftat nifi componere
6c clavare ipfas. Undefuper hoc faciet veftra fanditas quod videbitur
effe bonum.
Nofcat igitur veftra fanditas, Pater fande, quod vobis melius êc
clariùs ore proprio exponerem prædida quàm per aUquafcripta.Rogo
itaque Deum omnipotentem ut vobis donet gratiam. ordinandi fuper
iis quod fuerit melius 6c potentiam recuperandi tempore veftro loca
fanda in quibus.Dominus nofter Jefus Chriftus nafci .& mori dignatus-
eft pro generis humani faluce.
Super unione ordimm, videlicet TempUriorum & Ho[pitalariorutn.

P Ater fandifïime , Quæftioni quam facitis fuper fado unionis re~


ligionum Templi 6c Hofpitalis, egomagifter Templi refpondeofîc.
Certè recolo quod Papa Gregorius,.dum effet in ConcilioLugdunenfi,
6c fandus Ludovicus cum eo, 6c alii multi ecclefiaftici 6l feculares,
fuit etiam ibi frater Guillelmusde Bellojoco tunemagitier Templi, &
multi alii antiqui Fratres noftri Ordinis cum eo. Fuit etiam de Ordine
Hofpitalis S. Joannis Frater Guillelmus de Corcellis cumpluribus aliis
Fratribus[& diferetis ejufdem Ordinis. Et didus Papa Gregorius 6c S. Lu¬
dovicus voluerunt habere confilium fuper fado unionis piædidæ , 6c
eorum intentio erat de omnibus religionibus armorum fac.ere unam.
Sed fuit refponfum quod Reges Hifpaniæ nullatenus confentirent prop¬
ter très religiones armorum quæ funt in patria fuaftabilitæ. Quare de-
de l’Ordre de Malte. . 63f.
Hberatum fuit pro meliori quôd unaquæque religio defideret in ftatu
fuo. Item tempore Nicolai Papæ IV. propter perditionem terræ
fandæ quæ tune fuit, quia Romani clamabant fortiter Ôc alii populi eô
quôd fuccurfus fufficiens ad defenfionem ipfius terræ non fuerat mifliis
per eum , ad exeufationem quodam modo fui, & ut appareretfevelle
remedium apponere circa négocia terræ fandæ, refricavit feu reaflump-
fit verba unionis prædi&æ, & tandem nihil fecit. Deinde Bonifacius
Papa fuper hoc fecit plurima verba , ôc tamen omnibus confideratis,
omnin.o pro meliori ceflavit, prout feire poteritis per aliquos Cardi-
nalium qui fuerunt tempore fuo.
Item , Pater fande, in fado unionis animadvertenda funt commoeîa
& damna, honores & fcandala quæ pofliint exhujufmodi negocio pro-
venire.
Primo quidem videtur mihi quod non effet honor tam antiquas reli-
giones , & quæ tanta bona fecerunt tam in terra fandaquàm alibi, nunc
unire : quia timendum elt ne contrarium accidat eorumquæhuc ufque
fecerunt, quia numquam vel rarô fit novitas quæ non pariat pericula
magna.
Item fuper omnia timenda funt animarum pericula. Et hoc dico
quia diverliflimum eft & gravilfunum hominem qui fponte Deo fe vo-
vit in habitu Ôc profelfione unius religionis compellere vitam ôc mores
mutare vél aliam religionem affumere nifi velit.
Item & aliud grave perîculum effet, fi unio fieret, propter divifio-
nem hominum, ne inftigante diabolo concertarent ad invicem dicen-
tes : Nos melius valebamus, Ôc plura facie'bamus bona. Et per talem
concertationem poffent multa pericula pro venire , quia Templarii Ôc
Hofpitalarii habent arma. Et fie facile, fi rumor infurgeret inter ipfos,
poffet grave fcandalum fufeitari.
Item fi unio fieret, multùm oporteret quôd Templarii largarentur,
vel Hofpitalarii reftringerentur in pluribus, <Sc ex hoc poflent anima¬
rum pericula provenire : quia p au ci funt, prout credo, qui vellent vi¬
tam & mores afliietos mutare.
Item fi unio fieret, maxima diminutio effet eleemofynarum &bono-
rum quæ fiunt in qualibet religionum. Nam religio Hofpitalariorum
fuper holpitalitatc fundata eft, ôc ultra hoc exercent militias, ôc mili¬
tas faciunt eleemofynas. Templarii verô fuper militiaproprièfunt fun-
dati ôc in omnibus eorum Baliviis ter in feptimana faciunt omnibus re-
cipere volentibus eleemofynam generalem, ôc donant continué paupe-
ribus decimam totius panis.
Item donant in conventu inter duos fratres tantum de carnibus quôd
de refiduo poflent duo pauperes fatiari. Undefireligiones eflentunitæ,
non facerent fimul nifi quantum una facit ad præfens, Et hoc idem
dicere pofliim de fervitio Dei ôc divinis ofliciis.
Item in civitatibus ôc aliis locis uhi didæ religiones habent plures
domos , fi unio fieret, una vaftaretur , ôc alia remaneret in ftatu , ôc
quilibet veliet quôd fua ftatum haberet. Unde fæpe difeordia poflet
4^3. Preuves du IV. Livre
oriri. Etubî duæ religiones habent plares præceptores, oporteretquod
unus effet præceptor 6c alii fubeffent. Unde quia malè contentaren-
tur, facilèpoffet incurri difcordia.
Item conventus Hofpitalis habet Marifcalcum , Commendatorem,
Draparium , 6c alios plures officiales. Et hoc idem eh: in conventu
Templi. Unde ex hoc poffet briga maxima 6c difcordia inter ipfos
oriri, quiaquilibetvellet tenere fuos officiales in hatu.
Item h aliquis vellet objicere quod pro extinguenda invidiaquæ in¬
fer Templarios 6c Hofpitalarios effe dicitur effet unio facienda, ref-
pondeo quod maximum damnum effet terræ fandæ tollere talem in--
vidiam, & ex hoc proveniret magnum commodum Sarracenis. Nam
talis invidia femper attuÜt 6c honorem 6c commodum chrihianis, 6c
contrarium Sarracenis : quia fi Hofpitalarii faciebant aliquod bonunx
exercitium armorum contra Sarracenos, Templarii numquam ceffa-
bant nifi feciffent tantundem vel plus., 6c è conyerfo.
-.Item fi Templarii faciebant magnum paffagium fratrum , equorum,
6c aliarum behiarum , Hofpitalarii non ceffabant donec fimilem fecif¬
fent vel plus. Et iha talis invidia, quæ femper viguit 6c viget inter eos, -
omnitempore fuit 6c eh honorabilis 6c proficua chrihianis, Sarracenis .
vero damnofa.
Item fi una religio habuit bonos milites 6c famofos marinis 6c aliis
bonis operibus, alia femper huduittotopoffe melioreshabere. Et per
talem invidiam utraque religio taies fecit expenfas continué quod fem-
pet gravatæ fuerunt maximis oneribus debitorum. Unde fi duæ reli¬
giones fuiffentin unum, non credo quod fuper prædidis tantum conati
fuiffent.
Item quod per invidiam vel controverfiam quæ inter ipfos aliquo
tempore fuiffet, numquam ceffavit fîeri cavalcata contra Sarracenos
vel aliquod armorum officium , quin imo propter prædi&am invidiam.
majora 6c meliora fiebant. Præterea numquam auditum fuit quod ex
aliqua caufa ullus ipforum apponeret manum violentam in alium.
Item apparet exemplum inter fratres Prædicatores 6c Minores , qui
multos habent meliores clericos 6c magis famofos quàm fi ambæ reli¬
giones effent in unura : quia quælibet religio hudet excellentioresviros
habere, 6c magis exercitat fuos tam ad divinum officium quàm etiam
ad fermocinationem 6c prædicationem verbiDei, quod totum redun-
dat in honorem 6c commodum populi chrihiani.
Item quando Reges, Duces, Comités, ac etiam alii Barones popu^
lares peregrini, quicunque vadunt adterram fandam, 6cequitantmanu
armata contra Sarracenos, femper confuevit hoc fieri inter ipfos quod
una religio præcedit 6c facit cuhodiam quæ dicitur avangarda , reli-
qua vero facit cuhodiam quæ dicitur reregarda, 6c fie extraneos inter
ipfos cooperiunt 6c involvunt ficut mater infantem. Et bene oportet
hoc fieri, quia agnofcünt modum Sarracenorum,6c Sarracenicognof-
cunt eos, 6cquandocunque aliqui fecerunt cavalcatamfine ipfis, malè
fuccefüt eis, fecundùm quod fanditau vehræ referam cùm audire pla-
cuerit*
de l’Ordre de Malte. 633
citerit. Et fi duæ religiones effent in unum, oporteret quôd alii quàm
ipfi facerent five avangardiam, five reregardiam.
Item quicumque peregrini majores Domini vel minores venerunt
ad terram fandam , l'emper invenerunt refrigerium, recreationem, au-
xilium, & fuecurfum five ab una, five ab altéra religionum. Et fi non
fuiffet nifi fola religio , forfitan non inveniffent ita largum remedium
& fuecurfum tam liberum. Et hoc idem dico de minimis fervientibus,
qui femper vel in una vel in altéra religionum habuerunt bonum re-
fugium.
Commoda vero vel profedus quæ de unione cognofco funt hæc.
Notorium elt quôd omnes genres confueverunt habere multam devo-
tionem ad religiofos. Quod totum vid-etur elfe converfum 3 quia plu-
rimi reperiuntur velle auferre religiofis quàm dare , & quafi omnes li-
bentiùs accipiunt quàm donent eifdem, & multa gravamina continué
eis inferuntur per mundum tam à Prælatis quàm ab aliis viris poten-
tibus &c minoribus, five clerieis, five laicis. Sed fi talis unio fiat, re-
ligio erit tam fortis & potens quod bene defendet & poterit defendere
jura fua à quibufeunque perfonis.
Item alium profedum cognofco , quia facerent minores expenfas.
Nam ubi modo tenentur duo holpitia , nonnifi unum teneretur 3 & ubi
font duo præceptores , vel duo Ballivi, non effet nifi unus , five in
conventu ultramarino , five in provinciis & domibus cifmarinis ; &
hæc effet maxima alleviato expenfarum. Unde , Pater fande, in præ-
didis omnibus eontinentur profedus & damna , honores &inhonores,
vel pericula , quæ in fado unionis fentio Sc cognofco.
De confilio vero noflri convenais ac veterum proborum virorum
ordinis noffri exiftentium citra mare & provincias Sc ballivias , quan-
docunque veffræ fanditate placuerit audire , faciam ipfos ad invicem
congregari etiam, fi volueritis , coram vobis.- Et tune audire poteriti-s
confilium Sc voluntatem didi noffri convenais Fratrum prædidorum,
Sc poffmodum facere eirca prædida prout lànditati veffræ rnelius ôc
utilius apparebit.
Infuper , fande Pater, audivivobiseffe. narratum quôd religiofi qui
fubfunt obedientiæ effent magis apti Sc proficui ad recuperationem Sc
euftodiam terræ fandæ quàm aliæ gentes. Quod quidem verum eff ,
quia faciunt minores expenfas , Sc in domibus , campis, &fadisarmo~
rüm funt magis obedientes. Sed 11 intenditis redditus affignare taxatos,
annuos Sc continuos , ad fuftinendum tôt équités Sc armigeros quot
viderentur polie teneri, rnelius reputarem quôd talcs redditus affigna-
rentur utrique religioni divifim , fcilicet Templi Sc Hofpitalis , quàm
ipfos unire , quia quilibet conantur etiam ultra poffe fuum debitum
exersere. Bai.L)ap.Avçn>'\Qïùt^, p, 17^,

'Tome //• 1111


634 Preuves du IV. Livre

CINQ U IF ME PREUVE. Hijt p. 508.

I Tem quod tempore hujus Clementis Papæ contigit, ut fertur,


quod in quodam caltro regio diœcefis Tolofanæ per officiales
didi Regis Franciæ quidam nomine Squinus de Floriano, civis Bi-
terrenfis cum quodam fratre militiæ Templi apollata pro fuis ma-
leficiis capti fuerunt 6c in, forti carcere ambo infimul pofiti extite-
runt. Cùmque didus Squinus 6c ejus focius Templarius propter ma-
leficia quæ perpetraverant de die in diem de fua vita more navi-
gantium fe defperarent, adinvicem peccata fua confeffi fuerunt. Qui
quidem Templarius fibi extitit confeffus multos errores contra Deum
6c periculum animæ fuæ atque unitatem fidei catholicæ , quod in
ingreffu fui ordinis 6c poltea pluribus vicibus fe communicaffet ;
quorum maleficiorum fpeciem per ordinem enarravit. Quibus audi-
tis, à cancellaria fequenti die majorent officialem alterius caltri re-
gii ad fe fecit convocari 6c ad eum adduci qui quidem obtulit
unum magnum fadum Régi Franciæ revelare, de quo plures ütili-
tates ipfe Rex habere poterat quàm fi de novo acquireret unum re-
gnum. Et ideo me bene captum 6c vinculatum ad eum perduci fa-
ciatis, ut dixit, quia nulli de rnundo niii dido régi revelaret a eüo
quod ipfe mortem fubiret temporalem.
Item quod cum ipfe officialis regius vidiiTet ut cum blandimen-
tis, promiffionibus, oblationibus & demum quod ipfe cum com-
minationibus præfatura Squinum inducere non poterat quod præ-
didum fadum fibi revelaret , ideo omnia præmiffa per ordinem
dido Philippo Régi Franciæ fcripfit 6c fignificavit. Qui quidem fta-
tim fibi refcripüt 6c injunxit ut ipfum Squinum fub fideli cuftodia
.ad eum Parilius mitteret,.
Item quod cum poltea iplis Squinus juxta mandatum Régis ei-
dem Régi Parilius fuilfet præfentatus, Itatim ipfum traxit ad par-
tem ob fcire veritatem de præmiffis, promittens fibi fecuritatem
corporis 6c commodum, li ilia quæ dicebat veritatem continerent,
Cùmque Squinus confellionem didi Templarii apoftatæ per ordi¬
nem libi explicaffet, confeltim ipfe Rex aliquos Templarios capi
iecit j 6c fuper hoc cum eis informationem fieri fecit. Qua fada ,
6c fuper præmiffis veritate reperta , ipfe Rex Franciæ fcripfit mul-
tùm cautè 6c fecretè omnibus officialibus fuis in toto regno fuo in-
llitutis 6c cuilibet ipforum ut certa die ipfi cum bona focietate bene
armati elfent parati, 6c deinde in fequenti node quafdam litteras
fuas fecretas quilibet ipforum officialium aperire deberet, 6c non an¬
te fub pœna capitis, quas cum aliis prædidis Rex prædidus mife-
rat eifdem.
Item quod cum didi officiales Regis litteras fuas recepilfent, Ita¬
tim ilia die omnes bene armati 6c alfociati fuerunt, videlicet 111,
Idus Odobris, qui fuit dies Veneris. Et tune in fequenti node aper-
r) e l’H i s t o r r E de Malte. 633
tis litteris regiis fupradidis , datim quilibet ipforum officiaîium per
omnia loca eis commifla accefiferunt 6c omnes Templarios qui in-
veniri poruerunt ceperunt , 6c eos fub fideli cudodia in fortalitiis
fuis pofuerunt. Et deinde quilibet officialis captiones ipforum Tem-
plariorum di&o Régi Franciæ fignificaverunt, prout ab ipfo hoc ha-
buerunt in mandatis. De quorum captione totus mundus fuit admi-
ratus.
Item quod cum poJftea magider militiæ Templariorum cum rnultis
militibus 6c viris magnis fui ordinis captus apud Parifius coram Rege
produdus fuifiet, tune quidam ipforum propter verecundiam verita-
rem de præmifiis denegaverunt, 6c quidam alii ultra ipfam fibi confefih
fuerunt. Sed podea illi qui denegabant, cum tormentis ipfam tune li~
benter confitebantur, 6c aliqui ipforum in tormentis fine confefifione
moriebantur vel comburebantur. Et tune de confitentibus ultra verita-
tem ipfe mitiùs fe habebat.
Item quod cum poftmodum didus Rex Franciæ de præmifiis légitimé
informatus fuifiet, datim omnia bona tam mobilia [ quàm immobilia]
didorum Templariorum quæ in fuo regno reperta fuerunt confifcari
fecit, & ipfa tanquam rite confifcata fibi applicari pronuntiavit. Et
deinde copiam omnium proceduum quos fecerat contra ordinem Tem¬
plariorum 6c perfonas ipforum 6c confifcationes eorum fub figillo fuo
ad ipfum Clementem Papam , qui apud civitatem Pidavenfem tune
cum fua curia refidebat , per folemnes nuncios tranfmifit. De quibus
fuit valde gavifus. Nam antea ipfe 6c cardinales 6c plures alii6c univerd
fuper hoc dubitabant, cùmille ordo fuifiet tam à fedeapodolica quàm
ab omnibus Principibus mundi fummè privilegiatus & pluribus6cdiver-
fis fpiritualibus 6c temporalibus efiet ditatus.
Item quod cum deinde didus Clemens cum fuis Cardiflâlibusdidos
procefius Regis Franciæ bene examinafiet, 6c nihilominusTemplarios
quofdam 6c eorum confefiiones audiviflet, videlicet quod omnes didi
ordinis Templariorum in eorum ingreflfu Dei filium abnegabant 6c fu¬
per crucem in vituperium ipfius fpuebant, 6c podeahomagium diabolo
faciebantut majorera fortunam 6c bonorum temporalium multiplica-
tionem ipfi haberent, 6c fi aliquis de ingredientibus ordinem eorum
prædida facere reeufaret, podea ab ipfis interficiebatur, 6cdeindepro
didimulando nephandam 6c dedabilem vitam atque converfationem-
ipforum magnas eleemofynas Chridipauperibus erogabant, 6c in eorum
Ecclefiis valde de voté perfidebant, 6c multa facrificia ibi celebrari fa-
ciebant, 6c infra 6c extra valde honedè incedebant.- Et ulterius contræ
ipfos extitit repertum quod ipfi magnum confilium;, auxilium, 6c favo-
rem , communionem 6c confoederationem cum perfidis Sarracenis ultra
mare contra Chridianos habebanf, 6c quod ipfi , ut fertur , fuerunt
eaufa perditionis civitatis Achon 6c totius terræ fibi conjundæ, quam
antea Chridiani crucefignati proChridi fide 6c cum eorum'magna fan-
guinis edufione acquifiverant 6c eam longo tempore pofiederant paci¬
fiée 6c quietè, Cùmque idem Clemens de præmifiis bene fuifiet in for-
LUI ij
6^6) .Preuves du IV. Livre
niatus, ftatim ipfe fcripfit per univerfum mundum omnibus Patriar-
chis, Archicpifcopis 6c Epifcopis, ôz fub Buüa eis mandavit atquecom-
miiit ut omnes Templarios quos in eorum civitatibus 6c dioecefibus in-
venire poffent, ipfos caperent ôz contra ipfos juxta articulos per ipfum
Papam eis tranfmiffos inquirere 6cprocedere deberent cum magno con-
iilio ôz deliberatione , ut ipfe in proximo fuo Concilio generali provi.-
dere poffet, ôz ifte ordo Templariorum reformari vel potiùs annullari
deberet.
Item anno quo fupra quinto Idus Maii Archiepifcopus Senonenfis
cum fuis fuffraganeis ôz eorum Prælatis Concilium Provinciale apud
Parifius folemniter celebravit. In quo quidem Concilio inter alia .cum
magna deliberatione quinquaginta ôz quatuor Templarii ex propriis
eorum confeffionibus vpluntariis, fed poltea ab ipfis denegatis, fenten-
tiati ôz canonicè judicati fuerunt, ôz poftea juxta juris formam feculari
curiæ ipfi traditi extiterunt -, Ôz deinde per iplam ïecularem potellaterqi
igné combuili extiterunt. Et deinde poil paucos dies alii quatuor Tem¬
plarii eodem modo condemnati extiterunt ôz combufti. Et poltea alii
novem Templarii in Concilio Remenli infra menfem per Archiepifco-
pum Remenfem ôz fuos fuffraganeos cum fuis Prælatis in Silvaneâo fo¬
lemniter celebrato eodem modo ôz caufa condemnati fuerunt ôz fecu¬
lari curiæ traditi. Et deinde per ipfam curiam extiterunt combufti.
Item quod anno quo fupra , tertia die menfis Aprilis 3 præfatus Cler
mens Papa in conlilforio publico , præfente Philippo Rege Franciæ
cum tribus fijiis fuis, videlicet Ludovico} Philippo 3 Carolo, ac etiam
alio Carolo fratre didi Regis, cum magna militia , quibus hujufmo^i
negotium erat fummè cordiale 3 ôz præfente gentium multitudine co-
piofa, caifationem ordinis didorum Templariorum folemniter publi-
çavit. Qui quidem ordo jam duraverat per centum ôz oduaginta annos
vel circa. Qui licet ipfi vixerint cum multis bonis temporalibus ôz Sedis
Apoftolicæ ôz Principum fecularium, tamen ipfi çum bonis fuis univer-
lis una die perierunt.
Item quod in dido Concilio generali fuper Itatu perfonarum Ôç
temporalium bonorum lie falubriter fuit ordinatum ut omniabonadido-
vum Templariorum pro defenlione fidei catholicæ ôz infidelium perfe-
cutione elfent 6c elfe deberent cum fuis privilegiis 6c libertatibusdiver-
lis temporibus militiæ Hofpitalis fandi JoannisHierufaJem, cum certis
tamen padis 6c conditionibus fuper hoc folemniter impplitis 6c à dida
militia gratis receptis 6c approbatis.
Item quod aliquæperfonænotabiles6cmajoresdidorumTemplario-
mm fub ordinatione 6c refervatione Romani Pontificis refervatæ fue¬
runt , 6c quod de cæteris aliis Templariis per Metropolitanos 6c fuos
fuffraganeos in Conciliis eorum Provinciaiibus ,proutde ipfis ad quem-
Jibet eorum pertinebit, difponere debeant 6c poffmt atque ordinare, ôz
quod etiam de illis Templariis qui ultra errores fuos confefli fuerunt
corde contriti ponentur in aliis religionibus à Sede Apoftolica appro-
haüs juxta ipforum eledionem ut ibi Deo ferviant 6c de bonis plim
de l’Histoire de Malte. 637
Tempîariorum fua vidualia habere debeant 5 de illis Templariis qui
fugerunt 6c légitimé non comparuerunt, juxta Concilia Provincialia
contra ipfos canonicè procédèrent. Super autem ftatu Eccleliæ 6c
libertate iplius in dido Concilio plura llatuta falubria llatuta 6c fada
fuerunt, quæ hodie Clementinæ nuncupantuf. Sed ipfe Clemens in
multis aliis negotiis arduis impeditus, 6cpoftea mortepræventus, iftas
conflitutiones publicare nequivit.
Item quod poftea anno quo fuprà, in vigilia beati Gregorii Papæ,
magifter militiæ Templariorum cum uno alio magno de fuo ordine
Parifius pubiicè de mandato Regis Franciæ extitit combuftus, qui ta-
men cum conlilio Prælatorum 6c peritorum ad aliam poenitentiam
peragendam priùs fuerant condemnati. Nam Philippus Rex Franciæ
cum conlilio fuo noluitpati quod propter revocationem confelïionis
fuæ, quam priùs fecerat didus magifter militiæ Templi 6cmulti alii fui
ordinis, evaderent mortem temporalem, nullo tarnen fuper hoc judi-
cio eccleliaftico convocato , neque ipfo expedato , quamvis tune
apud Parifius duo Cardinales Apoftoiicæ Sedis Legati client præ-
fentes. 2? al. P ap. Av en. Tom. 1. pag. pp.

PAPÆ PRO TEMPLARIIS.


t

Papæ Rcx } devota fedum ofcula beatorum.

G Ravissimus, hiis diebus, apud nos de Magiftro 6c Fratribus Or¬


dinis militiæ Templi rumor ebulivit infamiæ, rumor quippe ama-
ritudine plenus j cogitatu terribilis , horribilis auditu , 6c fcelerede-
teftabilis , cujus qualitate , li veritate niteretur, penfata eo graviori
poenâ forent pledendi, quo profundior reatûs immenfitas eftà cundis
Chrifti lidelibus reputanda.
Et quia prædidi Magifter 6c Fratres, in Fidei Catholicæ puritate
confiantes, à nobis, 6c ab omnibus de Regno noftra tam vitâ, quàm
moribus habentur multipliciter commendati, non poffumus hujufmodi
fufpedis relatibus dare fidem, donec fuper hiis nobis plenior innotue-
rit certitudo. '
Nos itaque, prædidorumMagiftri 6c Fratrum affîidionibus 6c jadu-
ris, quas occaiione hujufmodi infamiæ patiuntur, compatientes ex
animo, fanditati veftræ affeduofilïimè fupplicamus quatenus eorum-
dem , Magiftri 6c Fratrum bonæ famæ oportunis, liplacet, favoribus
ponfulentes , finiftris detradionibus, 6c calumniis, ac criminibus , per
aliquos æmulos 6c reprobæ voluntatis, qui illorum mérita ad perver-
litatis opéra, cultui divino oppolita, reducere moliuntur, iplis impo¬
li tis , dignemini clementiùs obviare , quo ufque hujufmodi crimina,
ut prædicitur , eis impofita, li quæ fuerint, in forma juris coram vobis,
feu vices noftras gerentibus.inhacparte, clariùs lint deteda.
Confervet, 6cc.
Dat. apud Weft. 10, dieDecembri, anno Regni noftri primo. Idem
pag. }j.ad (wn. 1307.
638 Preuves du IV. Livre

Ad Rcges Portugaliœ > Cafteüa Sic ilia j & Arragonœ y de non-


credendo fuggcflionibus contra Templarios.

M r *

Agnifico Principi, Domino Dionifio , Deigratiâ, RegiPor-


tugalliæ illudri, amico fuo Cariffimo, Edwardus , eadem gratiâ,
Rex Angliæ, 6cc. Salutem 6c felicesad vota fuccefïus.
Iilos, quos , pro defenfione Fidei Catholicæ, ac impugnatione ho-
dium Crucis Chridi , adus drenui laborifque prolixitas recommen-
- dant, decet 6c convenit, prout ad honorent Dei 6c exaltationem Fidei
congruerit, profequi cum favore.
Sanè nuper, ad nodram accedens præfentiam, quidam Clericus,
qui ad fubvertendum Ordinem Fratrum militiæ Templi Hierofolimi-
tani appofuit, ut videbatur , omni drudio, quo potuit, vires fuas.
Nonnullæ horrenda, & detedabilia, ac Fidei Catholicæ repugnan-
tia coram nobis, in Conûlio nodro, in diffamationem Fratrum Præ-
dicatorum, proponere tune præfumpfit ; cupiens nos inducere, tùm
per ea quæ lie propofuit, tùm etiam per litteras quorumdam , quas
nobis dirigi procuraverat ex hac causa, ut Fratres ordinis prædidi, in¬
fra noftrum Dominium commorantes, occafione præmidbrum , fine:
débita caufæ cognitione, carcerali cudodiæ traderemus*.
Confiderantes autem quod ordo prædidus, qui religione 6c hone-
date præclarus, 6c abolim à Catholicis Patribus extitit, ut didicimus,.
inditutus, devotionem debitam exhibet, 6c, à tempore fuæ fundatio-
nis ; exhibuet Deo 6c Ecclefiæ fuæ fandæ: neenon magnum hue ufque»,
pro falvatione fidei Catholicæ , in ultra marinis partibus, fubfidium
præditit 6c tutelam ;
Hujufmodi fùggedioni, de Fratribus ordinis prædidi propofitæ, 6c
hadenus inauditæ , fidem credulam adhibendam fuiffe'nobis minimè
videbatur,
Vedram igitur Regiam, majedatem affeduofe requirimus 6c roga-
mus, quatenus , præmiflis cum diligentiâ debitâ ponderatis , aures
vedras à perverforum detradionibus , qui, ut credimus , non zelo-
reditudims, fed cupiditatis 6c invidiæ fpiritibus excitantur, advertere
yelitis;
Nullam indeliberate Fratribus ordinis prædidi, in Regno vedro-
eommorantibus, ad cujufquam fuggedionem, fi placet, in perfonis,
aut rebus eorum molediam inferendo, feuab aliisinferripermittendo,
quo ufque eos fuper fibi impetitis legaliter convinci, feu aliud contra
eos ordinari contigerit in hac parte. Dat. apudRedyngq. die Decem-
bris. Confimiles litteræ diriguntur fubfcriptisj videlicet, Domino Fe-
rando, Régi Cadellæ 6c Ligionis , confanguineo Regis. Domino Ca-
rolo, RegiSiciliæ, confanguineo Regis, Jacobo Régi Arragoniæ, amico
Regis, Kjmertom. 3.ad anno. 1307.
De l*Histoire de Malte;

S 1 X I FM E PREUVE. Hifi. p. 50;.


Lit fera P âpre direct a Pc y. F ranci œ profiter faBum Temfilariorum,

C Lemens Epifcopus fervus fervorumDei cariflimo in Chrifto filio


PhilippoRegi Franciæiiluftri, Salutem& apoftolicam benedi&io-
nem. Propter fervens defiderium quod ad recuperationem terræ fan&æ
& ejus defenfionem novimus te habere, ad gaudium tuum & exulta-
tionem tibi tenore præfentium intimamus quod fl oporteat ordinem
Templariorum fuis exigentibus demeritis dillolvi, caffari, vel tolli,
omnia bona ôc jura, redditus & provenais , in quibufcunque juribus
vel rebus confiftant, quæ habet in præfenti vel habere reperietur in
futurum , terræ fandæ fubfldio volumus deputari , nec ad aliquem
alium ufum converti, nec nos velfucceffores noftri ab illis qui prædi-
cta bonacuftodient veltenebuntin aiiquo alio cafuvelad aliquem ufum
repetemus. Datum Pidavisp. dieJulii,Pontificatus noftri anno tertio.

SEPTIEME PREUVE. Hijl.'p. $n.

Opinio ejufdem fuadentis Régi Philippo ut regrmm Hierofolymitanum & ’Cypri


acquirent pro altéra filiorum fuorum. Ac de tnvajione regni zÆgypti, &
de difpofitione bonorum ordinis Templariorum.

Q U o N1 A m , ut ait Apoftolus, omnis Chrifti adio noftra debeC


effe inftrudio , 6c omnia quæcunque fcripta funt ad noftram do-
drinam fcripta funt, confiderato quod in primo libro Regum legi-
mus quod cum populus Ifraeliticus præ ceteris Deo carus Regem
ab ipfo fibi dari poftulaffet, ipfe Deus dédit eis Regem Saulem , qui
ab humeris dcfupra totipopulofupereminebat, quem fciebat Dominus
futurum elfe non obedientem flbi, ôc idcirco regimen ejus durare nos
poffe, motus figuraliter, ut videtur, ad ipfum eligendum ut exem-
plum fie faciendi nobis daret, videlicet quod nos futuros hominum
eventus ignorantes, bonitatem eminentem conflderantes , ôc laten¬
tes bonitates piè præfumentes, ubi Rex eft eligendus, fimilem ad ma¬
gnum Babylonis ôc Ægypti, quod Affyriorum dicitur, regnum eli-
gamus denominemus, refiduum4'difpofitioni creatoris, quiab æterno
novit omnia , relinquentes , videlicet Dominum Philippum fecundo-
genitum illuftrifflmi Principis Domini Regis Francorum , quoniam
durum effet ad aliquem de majoribus mundi hujus honoribusnon vo-
cari. Sed quoniam ut in canone feriptum eft , Nemo fibi honorera ajfu-
mat, fed qui vocatur a Domino (icut Aaron, præmiffa 6c alia plurima mun¬
di hujus expendenda honefta, perquàm utilia , naturaliter ac verifl-
militer poflibilia confiderans amator falutis totius reipublicæ chrifti-
colarum, eamque propriæ faluti ôc utilitati præponens, ut ex multis
fuis operibus poteft veriflmilitex apparere, intra fe conferendo 6c ra-
640 Preuves du IV. LitRE
tiocinando , per hanc fcripturam breviter voluit explicare, ob prædl-
di Domini Regis follicitudines, prout poteft, prolixitatem vitando ,
breviter adpræfensfcribere voluit & probare contra renitentes de pro-
bando plemfifimè, proteftando videlicet quod Dominus Rex de faciH
poteft fuum nobiliflimum filium fecundogenitum honorare & præ oin-
nibus viventibus ditare fine cujufquam injuria, declinando , prout
oportet in monibus agendis facere, quodcunque mortale peccatum...
Rex Cypri inducatur ad dandum ordini fe cum omnibus bonis fuis,
& maxime jus, fi quod habet, inregno Hierufalem, & fubrogetur loco'
didorum ordinum militiæ refaits ordo, cui præferatur Rex Cypri, ut in
dida epiftola cavetur, & fuccedant alii catholici religiofi Reges Hie¬
rufalem poft ipfum , qui Rex ordinis Reges Babylonis, Acon & alios
catholicos pro fuis viribus juxt-a difpofitionem Papæ Regifque Fran-
corum contra fingulos infidèles & fchifmaticos juvare pro totis fuis vi-
TÎbus teneatur 8c de fmgulis thefauris refiduis rationem pro quolibet
anno reddere, videlicet quatenus fupererit ultra impenfas ordinis re-
galis, ut fratres ordinis ad inftar Judæ furis loculos habentes non
poffint ordinem prægravare nec in præjudicium reipublicæ chrifticolar-
mm Regumque -pi-ædidorum bona fumere faluti reipublicæ dedicata.
De bonis vero quæ Templariorum fuiffe dicuntur, videlicet de mo-
jbilibus extantibus, <5c de frudibus ac leveiis futuri temporis ufque ad
quinque vel fex annos , expediret juvare didum ordinem ut centum
galeas feu plures habens , cum pugnatoribus idoneis mare cuftodien-
do Soldanum gravare, & terram mari proximam, quæ dicitur durare
per xxx. dietas, gravaret ac depauperaret in tantum quod Soldanus &
fui generali paffagio veniente non pofifent refiftere, imo intérim fubfi-
dio maris & bonorum quæ per ipfum confueverunt habere carentes,
dante Domino poffent de facili fuperari & devinci , prout hoc fore
poffibile teflantur prudentes & experti milites de partibus illis nati,
quiBabylonem 8c Ægyptum cum eorum habitatoribus profitentur Te
vidiffe & ob hune finem diligenter confiderafie.
Apparere liquido poteft cuilibet futuros eventus rerum probabiles
intuenti quod dida ordinatio bonorum, quæ data fuit Templariis ob
catifam quæ non fuit fubfecuta, 8c ob hoc eft revocanda donatio, non
ut ad profanos ufus revertatur , fed ut convertatur in finem debitum^
quacunque dubitatione ceffante proderit Prælatis 8c toti populo in re-
compenfationem impenfarum quas Tecerunt negotium demolitionis
ordinis & punitionis perfonarum profequendo. Nam fubfidium terræ
fandæ , ceffante decimarum exadione, eleemofynarum 8c crucefigna-
^tionis folita petitione , munitionem habebit pro ftipendiis feu gagiis
pugnatorum qui neceffarii erunt perfolvendis , nec oportebit Princi¬
pes catholicos de locis remotis illuc ire, terrarum fuarum regimina
dimittendo , vitas fuas abbreviando ficut hiftoriæ multotiens conti-
giffe teftantur. Ex talibus itineribus , quæ parum profuerunt, quo-
niam non durarunt partiales conqueltus , liquet præfertim regno
F rin ciæplurimadifpendia çontigiffe. Proderunt etiam ahquandothe-
fauri
de l’Histoire de Malte. 641
fauri pro Terra Sanda fie congregati Principibus locorum ; quia fi
iubito venientc guerra tanta egeant pecunia , poterunt eam paratam
petere 6c habere , de reddendo cùm petetur caventes, 6c per mifliones
pugnatorum exonerabuntur regiones dejuvenibus fine euftu fuorum
proximorum , qui non haberentunde honeftè viverent in locis fuarum
nationum. Per viam prædidam totus populus Ægyptiacus ad fideni
catholicam de facili convertetur , ut de fervitute in libertatem eriga-
tur. Pharao per providentiam 6c promifiionem Jofeph , qui feptem
annis fertilibus granum collegit, in fequentibus feptem fterilibus an-
nis mediante grano repofito patres 6c filios comparavit 6c ex tune in
fervitutem redegit. Propter quod populus de omnibus frudibus terræ,
quæmultùm fertiliseft, folùm percipit pauperem vidum 6c veftitum.
Ft idcirco dicunt qui illuc fuerunt, quod Soldanus anno quolibet per-
cipit à populo plus quàm fexies centum millia bifantiorum auri, quo¬
libet valente fex florenos. Et fie , cùm terra promifiionis à catholicis
poffeffa 6c fufficienter gubernata erit, cùm hoftes aliunde nullo modo
poffent Ægyptum intrare nifi per mare prope Babylonem , videlicet
propter fortiiîimas claufuras deferti, liquet quod abfente Domino terra
poflet per paucos Ôc cum fumptibus modicis euftodiri , 8c prout in
dida epiftola cavetur, pace firmata inter Principes catholicos , pro-
miffifque fub bonis cautiombus ab eifdem fibi invicem fublidiis 8c fuc-
curfibus opportunis, non effet qui contra quemquam eorum guerram
movere auderet 5 8c fi moveret, qui non confunderetur per tôt 8c tan-
tos circumdatus brevimanu. Sic Rex Ægypti cum auxilio Ordinis re-
galis 8c aliorum Principum ac multitudinis fortium pugnatorum ad
eum confluentium propter lucra captanda, quoniam in terris natio¬
num fuarum ociofi, cefiantibus ibi guerris, honeftè fine penuria vi-
vere non poffent, poffet cum Dei adjutorio omnes populos Orienta¬
les 8c etiam Occidentales ultra mare Mediterraneum habitantes fibi
fubjugare3& adfidem attrahere chriftianam, plurimùm adjuvante pro-
vifione fcholariuin fada in epiftola fupradida, Quoniam difponente
caufante cæleftis harmoniæbenevolentia, generati, nati, &nutriti
in regno Francorum, præfertim propè Parifius, in moribus, conftan-
tia, fortitudine, 8c pulchritudine natos in aliis regionibus naturaliter
plurimùm præceilunt, ficut naturaliter probavit experientia , quæ eft
iùmma rerum magiftra, expediret quod prædidus filius naturaliter præ
omnibus fummèdifpofitus tantum in Francia remaneret, quod ibi an-
tequam recederet plures filios dimitteret ibidem nutriendos 8c erudien-
dos, 6c antequàm recederent fimiliter faduros ; ut omnes Reges Ægypti,
Acon, 6c Imperatores Conllantinopolitani, fi heredes Imperatoris,
Ut expediret, fie facerent in Francia generati 3 nati, nutriti 6c eruditi,
bonitatem domus Domini Regis Franciæ, pulchritudinem 6c fortitu-
dinem incolarum loci perpetuo fortirentur , regnum ejus , fummura
Principem, ac ejus liberos, totumque genus, Barones 6c populum
perpetuo difigerent, 6c toti regno depretiofis rebus Orientalibus façe-
rent 6c curarent, prout effet poffibile, provideri. Sic filius fùpradidus
Tome /. Mmoim
642 . PrettVes lu IV. Livre
ad Dominum patrem fuum ceffante quolibet periculo redire poflet*,
cùm ejus filius militans ad ipfum accederet. Sic populus Orientalis
Dominum fuum femper videret in flore juventutis & pulchritudinis
naturalis , & ipfum videre fuper omnia delideraret, ipfumque timeret,,
cùm juvenem fulgentem ut virum fortiter obftagiare videret^
Si aliquis dicit: Fortè Rex Cypri præmifla facerere cufabit, refpon-
deri potelf quod non eft verifimile ; quoniam ipfe uxorem & liberos
non habens, in domibus fuis jamdiu efl religiosè, ac in comtempla-
tione vivere confuevit, & frater fuus ab inteifato fibi fuccefllirus ab-
ftulit ab eo 8c rapuit thefauros per ipfum Regem ob recuperationem
Terræ fandæ congregatos , & ipfum regnum injuftè vifus eü&nititur
invadcre 8c auferre , feloniam committendo , ab ejus fucceflione fe
indignum faciendo, in mortem ipfius Regis pluries machin ando , & ad
ipfum occidendum mittendo. Super quo expediret ipfum Regem Cy-
pri ex parte Domini Papæ 8c fecretè 8c cito interpellari per aliquem
fapientem, cum procuratore quem habet idem Rex in curia Romana,.
videlicet B omundo dicto Bonin Milite. Et ut omnia de confenfu fiè¬
rent, pofl ingreiïiim religionis 8c fadam donationem , ut brigua tota-
liter tolleretur, expediret fratri didi Regis in terra promiflionis vel alibi
dare bonum comitatum ut taceret. Et fi Rex Cypri hoc recufaret,
Dominus Rex Siciliæ jure fuo uti vel ipfum in alium transferre poflfet,.
Et Cornes de Brienne profequi poflet jus quod haberedicitur in régna-
Cypri , fi adhuc extat, ut fore creditur, hominum memoria de tem-
pore quo idem Cornes regnum Cypri habuiflet, fi illuc accedere po-
tuiflfet. Régi verô Siciliæ ultra precium pro regno Hierufalem folutum
promitti poflet regnum Tunicii, Siciliæ tam proximum quod de unater—
rarum alia videtur , videlicet poil conquæftum regni Hierufalem cum-
ipfius Regis Siciliæ auxilio per Regem Hierufalem. 6c alios catholicos^
favente Domino conquæftandum. * * *
Et quia Papa fe proponit à Domino Rege elongare, placeat eidem
Domino Régi præmifla cito videre, ut fi expediensvideat, cum ipfo
Papa fuper eis tam fecretum quàm publicum habeat colloquium ôc
tradatum, juxtaverbumDomini Jefu , qui ait: Ambulatedum Lucent ha-
betis. Bal. Pap. Aven. tom. II. pag. 186.

HUITIEME PREUVE. Hifi. pag. 517.

L E Roy fe plaignoit en premier lieu de ce que le Pape étoit froid


aie féconder en cette jufte pourfuite , la chofe étant fans diffi¬
culté, que Dieu ne dételle rien tant que les tiedes: que c’étoit appor¬
ter du confentement aux crimes des accufez, & leur donner aflfurance
de ne reconnoître leurs fautes : qu'il faudroit plutôt que le Pape exci¬
tât les Prélats ordinaires des lieux d'y faire leur devoir pour l'extirpa¬
tion de cet Ordre , étant appeliez avec lui in partent Jolicitudtms , qui
peuvent beaucoup mieux faire 8c inftruire une telle affaire dans leurs
diocefes x que ceux qui n’y ont point d’habitude j il ajoute : Gravis»
de l’Histoire de Malte. 643
quod abfit y fieret injuria ,Ji fine jufra cauja miniferium a Deo fibi ira i'num ,
defenfiontsfidet meritum auferretur Epifcopisnec Prklati talem injurtam merue-
runt ,nec hanc ferre pojjcnt, nec ( [cthcet Rex j falvo fuo juramento pojfet hoc
tolerare , ejfetque peccatum graviffimum fpernere eos quos Deus mifit : qui vos
enim fpermt , me fpemit, ait Dominus. Quis ergo facnlegus vobis , cPateri
prdfumet confulere quod vos eos fpernitisyimo poti'us fefum Chnfium eos mittentem ?
Que le Pape eftfujetaux loixdefesprédéceffeurs, jufques-là que quel¬
ques-uns ont dit que le Pape in canonem lata [ententut poteji wcidere , ma¬
xime m caufafidet tpjofatto. Que la fufpenfion qu’avoit fait le Pape du
pouvoir des Inquifiteurs étoit fort préjudiciable à cette affaire , don¬
nant efperance aux Templiers de trouver de la faveur près de lui , où
l’affaire ne prendra jamais fin 3 que depuis cela quelques-uns ont va¬
rié en leurs dépolitions. Sur la fin ayant exagéré les méchancetez des
Templiers , il remarque , que jamais Roy , ni Prince, ni aucun autre
particulier, ffnon ceux de f Ordre, ontpû voir la réception d’un des
Freres de l’Ordre, 6c qu’elles font toutes clandeftines : Que le Roy de
France, Rex Cathode us, non ut accu fat or, non ut denuntiator, vel partiaiis pro-
motor r.&ï fifcçpit, fed ut Dei mintfler, pugtl fidei Catnohca , legis divin a "gela-
tor, ad defsnfionem Ecclefid juxta traditiones SS. Patrum , de qua tenetur Deo
reddere ration em. Condamnation des Templiers, Tréfor des Chartes
Layette 1 « n. 34. pag. 11. ann. 13 07.

E N l'an de l’incarnation 130p. les Templiers tant à Paris comme


vers le moulin de S. Antoine pies du chemin de Senlis, après les
Conciles prononcez furies chofesillec célébrées, furent arz , 6c la chair
6c les os ramenez en poudre , defquels Templiers deffufdits l’unie
Mardi après la fête S. Nicolas en Mai vers celui moulin fut ars , ainfi
comme deffus eff: dit. Mais ils eurent moult à fouffrir de peine 6c de
douleur, 6c ne voulurent onc rien recognoitre en leur deftru&ion,
pour laquelle chofe ils effimoient que leurs âmes enpeurent avoir per¬
pétuel damnement j car ils mirent le menu peuple en grand erreur 3 6c
pour ce après ce enfuivant la veille de l’Afcenfion Nôtre Seigneur,
les autres Templiers furent ars, 6c la chair 6c les os ramenez en pou¬
dre, defquels l’un étoit Aumônier du Roy qui tant d’honneur avoit eu
en ce monde : mais oneques de fes meffaits n’eut aucune cognoiffance.

NEUVIE’ME PREUVE, tnjt.p. 530.

Lemens Epifcopus Servus Servorum Dei ad perpetuam rei


memoriam :
Ad providam Chriffi Vicarii præffdentis in fpecula, Apoffolicæ
dignitatis circunfpedionem pertinet, vices penfare temporum, emer-
gentium negotiorum caufas difeutere, ac perfonarum attendere qua-
litates, ut ad fingula debitum dirigens neceffariæ confiderationis in-
tuitum 6c opportunæ manum operationis apponens, de agro Do-
mini fie vitiorum tribulos eruat, 6c virtutes amplificet, fie prævari-
Mmmm ij
644 Preuves du IV. Livre
cantium fpinas tollat, 6c evellendo plus plantet, quàm deftruat, 6c
in loca vacua per eradïcationem nocentium tribulorum, dévora Deo
plantariatransferendo, potiorem præbeat, de provifa 6c utili eorum-
dem locorum unione 6c tranflatione lætitiam quam vera juftitia,
quæ compaflionem habet, dolorem intulerit demerentium perfona-
rum locorumhujufmodi per ruinam : lie enim fufferendo quod officit,
6c fubrogando quod proficit, virtutum profedus amplificat, fublata 6c
de medio meliori fubrogatione reftaurat : dudum li quidam ordinem
domus militiæ Templi Hierofolymitani propter Magiftrum 6c Fra-
tres, cæterafque perfonas didi Ordinis in quibuflibet mundi partibus
confidentes variis Sc diverfis , non tam nefandis quàm infandis, proh
dolor ! errorum Sc feelerum obcænitatibus, pravitatibus, maculis, 6c
labe reperfos, quæ propter triftem Sc fpurcidam eorum memoriam,
noftris litteris fubticemus, ejufdemque Ordinis ftatum habitum , at-
que nomen non fine cordis amaritudine Sc dolore, facro approban-
te Conlilio non per modurn définitive fententU ; cùm eam fuper hoc fe-
cundum inquifitiones , Sc proceffus fuper iis habitos, non poffemus
ferre de jure, fedper viam provifionis 3 feu Ordmationis yipofioltce, irrefraga-
bili Sc perpetuo valitura fûbftulimus fandlione , ipfum prohibitioni
perpetuæ iupponentes, diftridiùs inhibendo ne quis di&um Ordi¬
nem de cætero intrare, vel ejus habitum fufeipere, vel portare, aut
pro Templario gerere fe præfumeret. Quod fi quis contra faceret,
exçommunicationis incurreret fententiam ipfo fado. Univerfa etiam
bona Ordinis prælibati Apoftolicæ fedis ordinationi & difpofitioni
authoritate Apoftolica duximus] refervanda : inhibentes diftridiùs ne
quis cujufcumque conditionis, vel ftatus exifteret, fe de perfonis,
vel bonis hujufmodi aliquatenus intromitteret, vel circa eainpræ-
judicium ordinationis, feu difpofitionis Apoftolicæ per fedem ean-
dem , ut præmittitur j faciendæ, aliquid faceret, innovaret vel etiam
attemptaret, decernentes ex tune irritum &inane fifecusà quoquam
feienter vel ignoranter contingeret attemptari , ac poftmodum ne
dida bona quæ dudum ad fublidium Terræ Sandæ, Sc impugnatio-
nem inimicorum fidei chriftianæ à Chrifti cultoribus data, legata,
concelfa Sc acquifita fuerint, débita gubernatione carentia tanquam
vacantia deperirent, vel converterentur in ufus alios , quàm in il-
los ad quos fuerant pia devotione hdelium deputata , vel propter
tarditatem ordinationis, 6c difpofitionis hujufmodi eorum deltru-
dio , vel dilapidatio fequeretur, cum fratribus noftris, Sandæ Ro-
manæ Ecclefiæ Cardinalibus , nec non Patriarchis, Archiepifcopis,
Epifcopis 6c Prælatis, ac etiam cum non nuliis excellentibus 6c illu-
ftribus perfonis, cum reliquorum quoque abfentium Prælatorum ,
ac etiam Capitulorum 6c conventuum Ecclefiarum, 6c Monafteriorum
Procuratoribus, in dido confilio conltitutis,habuimus ardua morofa 6c
diverfa confilia,6ctradatus,utper hujufmodi confiliorum,6c tradatuum
dcliberationempræhabitamdiligentem,didorumbonorum ordinatio6c
difpoütio ad honoremDei,augmentum fidei, exaltationemEcçlefiæ,di-
de l’Histoire de Malte. 64$
dæTerræfubfidium,falutem quoque fidelium 6c quietem,falubris6cuu-
lis proveniret. Poftutiquelongapræmeditataprovifa 6cmatura confi-
lia, fuadentibus plurimis juftis caufis, noftra 6c didorum Fratrum ncc
non Patriarcharum, Archiepifcoporum, Epifcoporum 6c aliorum Præ-
latorum, ac excellentium 6c illuftrium perfonarum prædidorum, in
dido Concilio tune præfentium deliberationes 6c confilia in hoc fi-
naliter reciderunt , ut prædida bona Ordini Hofpitalis fandi Joan-
nis Hierofolymitani 6c ipfi Hofpitali ac diledis Filiis Magiftro 6c
Fratribus Hofpitalis ejufdem, nomine Hofpitalis 6c Ordinis eorum-
dem, qui tanquam athletæ Dornini pro defenfione fidei, fe pericu-
lis mortis jugiter exponentes, onerofa nimis 6c periculofa diipendia
continué perferunt in partibus tranfmarinis, in perpetuum unirentur.
Nos igicur inter cætera mundi loca, in quibus vigere dignofeitur ob-
fervantia regularis, didum Ordinem Hofpitalis, 6c ipfum Hofpita-
le finceræ charitatis plenitudine profequentes', ac attendentes quod
ficut evidentia fadi docet, ineodivinis obfequiis ferventer infiftitur,
pietatis 6c mifericordiæ opéra vigilantibus ftudiis exercentur, Fratres
Hofpitalis iplius mundanis fpretis illecebris devotum impendentes
Altiftimo famulatum, ac pro recuperatione Terræ prædidæ tanquam
intrepidi Chrilti pugiles ferventibus ftudiis 6c defideriis intendentes,
quælibet ducunt humana pericula in contemptum j conliderantes quo-
que quod ex hoc tanto eorumdem Magiftri 6c Fratrum didorum or-
dine 6c Hofpitalis crefcet ftrenuitas, animorum fervor augebitur,
6c ipforum roborabitur fortitudo ad propulfandas noftri Redempto-
ris injurias 6c hoftes ejufdem fidei conterendos , quanto ipforum po-
tentia in opulentioribus facultatibus augmentata onera quæ profecu-
tionis tanti negotii neceftitas exigit, levius 6c facilius poterunt fup-
portare, aepropterea non indiget vigiles reddere, ftudiifque follici-
tis, excitare, ut ad fui ftatus augmentum opem 6c operam impenda-
mus, eodem facro approbante Concilio, iplamDomum militiæ Tem-
pli cæterafque domos, Ecclefias, Cappellas , Oratoria, Civitates,
Caftra, Villas, Terras, Grangias 6c loca, poffeftïones, jurifdidiones,
redditus atque jura, omniaque alia bona immobilia 6c mobilia vel fe
moventia cum omnibus membris juribus 6c pertinentiis fuis ultra 6c
citra mare ac in univerfis 6c quibuflibet mundi partibus confiften-
tia, quæ ipfeOrdo 6c didi Magifter 6c Fratres ipfius Ordinis militiæ
Templi, tempore quo ipfe Magifter 6c nonnulli ex eifdem Fratribus
militiæ Templi in regno Franciæ communiter capti fuerunt, videli-
cetanno Dorninimillefimo trecentefimo odavo,menfe Odobris,per
fe vel quofeumque alios habebant, tenebant 6c poflidebant : vel ad
eofdem domum 6c ordinem militiæ Templi, 6c didos Magiftrum
6c Fratres ipfius Ordinis militiæ Templi quomodo libet pertinebant,
neenon] nomina , adiones 6c \ jura quæ prædido tempore captionis
ipforum eifdem Domui , Ordini vel perfonis ipfius Ordinis mili¬
tiæ Templi, quocumque modo competebant, vel competere pote-'
rant, contraquofcunque, cujufcumquedignitatis , ftatus, velcondi-
M m m m iij
6^.6 Preuves dü IV. Livre
tionis extiterant, cum onmibusprivilegiis,indulgentiis,immunkatlbus
6c libertatibus quibus præfati Magifter 6c Fratres didorum Domus 6c
Ordinis militiæ Templi 6c ipia Domus & Ordo , per fedem Apofto-
licam , vel per Catholicos Imperatores, Reges, Ôc Principes, 8c fi¬
dèles alios, vel quocunque alio modo erant légitimé communiti,
eidem Ordini Hofpitalis fandi Joannis Hierofolymitani, 6c ipfi Hof-
pitali donamus, concedimus, univimus , incorporavimus, applicamus
8c annedimus inperpetuum de Apoftolicæ plenitudine poteftatis. Ex-
ceptis bonis quondam didi Ordinis militiæ Templi confiflentibus in
regnis 6c terris charifîimorum in Chrilto filiorum noftrorum, Ca-
ftellæ , Aragoniæ, Portugaliæ 6c Majoricationum Regum illuflrium
extra regnum Franciæ, quæ à donatione, concefTione, unione, ap-
plicatione, incorporatione 6c annedione prædidis., fpecialiter exci-
pienda duximus ac etiam excludenda3 ea mhilominus difpqfitioni 6c
ordinationi fedis Apoltoliçæ refermantes, inhibitionem dudum per
alios proceffus noftros fadam, ne quis videlicet cujufcunque con-
ditioms vel flatus exi.fleret fe de perforiis 6c bonis hujujfmodi aliqua-
tenus intromitteret,vel cirea ea in præjudicium otdinationis , feu dif-
pofitionis fedis ejufdem faciendæ de illis, nec non decreti noftri in-
terpofitionem quoad perfonas, 6c bona in didis regnis 6c terris eo-
rumdem regum proximè exprefîorum conkflentia omnino inanere
volentes in pleno robore firmitatis, quoulque de perfonis ,6c rebus
prædidis in eifdem regnis 6c terris coniiflentibus per difpofitionem
îcdis ejufdem fuerit aliter ordinatum. Qcçupatores quoque didorum
bonorum, aut illicitos detemptores, cujufcunique flatus, çonditioj-
nis, excellentiæ vel dignitatis extiterint, etiamfi pontiücali, iinpn-
riali, vel regali præfulgeant dignkate, niû intra unius menfis ,fpa?-
tium, poftquam fuper hoc per didos Magiftrum 6c Fratres ipfius
Hofpitalis vel ipforum quemlibet aut procuratorem, feu procura.-
tores eorum fuerint requifiti djda bona diviferint, iliaque plenè &
licitè reflituerint Ordini iplius Hofpitalis 6c eidem Hofpitâk , aut
Magiflro, feu Prioribus vel Præceptoribus, aut Fratribus Hofpita-^
lis ejufdem in quibufcumque partibus 6c provinciis conflitutis., eo-
rumque fingulis , vel procuratori , feu procuratoribus eorurndera.
ejufdem Ordinis ipfius Hofpitalis nomme, etiamfi di6ti Priores, Præ¬
ceptores 6c Fratres ipfius Hofpitalis, 6c Procuratoresipforum 6c eo¬
rum quilibet, à dido Magiflro ipfius Hofpitalis, mandatum fuper
hoc fpecialiter non haberent, duminodo Procuratores prædidi, à,
didis Prioribus 6c Præceptoribus, vel aliorum fingulis in Provinciis
6c partibus in quibus hujufmodi Priores, Præceptores extiterint de-
putati, mandatum luper hoc habuerint, vel oflenderint fpeciale. Qui
omnes 6c fmguli videlicet Priores 6c Præceptores 6c Fratres dido Ma-
giftro, Procuratores vero prædidi eifdem Prioribus 6c Præceptoribus
eorumquefingulis, à quibus fuper hæc fuerint deputati, plénum fu¬
per omnibus geftis, adis receptis 6c procuratis per eos quomodo li¬
ber in hac parte computum 6c rationem ponere 6c reddere tenean-
de l’Histoire de Malte. 6 47
ttir : necnon omnes qui fcienter occupatoribus & detemptoribus
prælibatisin occupatione, vel detemptione hujufmodi dederint con-
iilium, auxilium, vel favorem publicè , vel occulté, excommunica-
mus capitula veto, collegia feu conventus Ecclefiarum & Mona-
fteriorum , nec non univerfitates, civitatum, caltrorum , villarum ôc
aliorum locorum, ipfas civitates, caftra, villas & loca quæ in eis cul-
pabilia extiterint, ac etiam civitates, caftra & loca in quibus de-
temptores & occupatores hujufmodi dominium obtinuerint tempo¬
rale , ft hujufmodi Domini temporales in dimittendo bona prædi-
da & reftituendo ilia Magiftro ôc Fratribus Ordinis & Hofpitalis
ejufdem, nomine Hofpitalis ipfius, obftaculum adhibebunt, & intra
didum menfem ab hujufmodi præmiflis non deftiterint, poftquam fu-
perhoc, ut præmittitur, fuerint requifiti, ipfo fado interdidi fen-
tentiis decrevimus fubjacere , à quibus abfolvi non poflint donec
fuper iis plenam ôc debitam fatisfadionem curaverint adhibere ; Ôc
nihilominus occupatores & detemptores hujufmodivel præftantes
eifde A, ut præmittitur, auxilium, confilium vel favorem , fiveiingu-
lares perfonæ , five Capitula, Collegia feu Conventus Ecclefiarum
ôc Monafteriorum, aut univerfitates civitatum, caftrorum, terrarum,
vel aliorum locorum extiterint, præter poenas perfcriptas omnibus
quæ ad Romanam vel aliis Ecclefiis quibufcunque tenent interdum
ipfo fado decernimus fore privatos, five privata, ita quod adEc-
olefias , ad quas- fpedant ilia libéré fine contradidione aliqua rever-
tantur , earumque Ecclefiarum Prælati , five redores de ipfis pro
lua voluntate difponant, ficut utilitati Ecclefiarum ipfarum viderint
expedire. Nulli ergo hominum liceat hanc paginam noftrarum do-
nationis, conceftionis runionis, incorporationis^ applicationis, an-
nexionis, refervationis ,.inhibitionis, voluntatis, conftitutionum in-
fringere , vel ei aufu temerario contraire ; fi quis autem hoc attem-
ptare præfumpferit, indignationem omnipotentis Dei & beatorum
Pétri Ôc Pauli Apoftolorum ejus fe noverit incurfurum. Datum Vien-
næ, fexto NonasMaii, Pontificatus noftri anno feptimo , & in Bul-
la plumbea fandus Paulus, fandus Petrus, Clemens Papa quintus.

Consentement prêté par le Roy Philippe le Bel ( comme ayant la


garde & droit de Patronage J à la tranflation des biens des Tem¬
pliers en r Ordre de l'Hôpital S. Jean , à la charge qu il fait réglé
& réformé tant au chef qu en [es membres, pour fervir au fecours
de la T erre Sainte. Hift. p, 532..
S Anctissimo Fatri in Domino C, divina providentia faero-
landæ Romanæ ac univerfalis Ecclefiæ fummo Pontifici, Philip-
pus eademgratiaFrancorum Rex pedum ofcula beatorum, Pater fan-
diffime, cùm nuper in Concilio generali Viennenfi propter hærefes,
enormitates, ôc fcelera reperta in Fratribus tune Ordinis militiæ Tem-
pü, tanquam infruduofum , odiofum ôc abominabilem, per ordina*
648 Preuves du IV. Livre
tionem feu difpofitionem Apoftolicam , vcftra fanditas Ordinem cun-
dem , ftatum & nomen ipiius tollere curaverit abEccldiafanda Dei;
nofque Beatitudini veftræ affenfum præbuerimus, quod de bonis quon-
dam Templi in regno nottro conlittentibus eadem transferendo in
novum Ordinem, vei antiquum militarem, ordinaretis prout fecun-
dùm Deum, pro fubfidio Terræ Sandæ videret veftra fanditas expe-
dire ; fanditatifque veftræ finalis deliberatio nobis aflentientibus in
hoc refedit, quod bona Ordinis præfati cum fuis honoribus , & onc-
ribus in Fratres, & Ordinem Hofpitalis fandi Joannis Hierofolymitani
per ordinationem Apoftolicam transferrçntur pro Terræ Sandæ fervi-
tio, cui priùs fuerant deputata, ficut & bona Ordinis Hofpitalis ejuf-
dem : Nos itaque quorum intereft, cùm bona prædida quatenus in
regno noftro funt, iub noltra gardia fpeciali & protedionç confiftant,
& eis ad nos jus Patronatus mediatè vel immediatè plenariè pertinere
nofcatur, ad hujufmodi confenfum impertiendum una cum Prælatis
in Concilio congregatis fuerimus per vos indudi, quia Jànttitas veftra
difpojuerat & ordmaverat quod per Sedem slpojiehcam fie diclorum Hofpiyilario-
r/m Ordo reguUretur & reformaretur tam in capite qudm in membris, quod Deo,
Ecclcfiafticis perfonis & feculanbus ejfet acceptabilis, non autem wfefius, fed fiib-
fidio Terra Sembla quant plurimumfrucluofus ; fie etiam provideretur, & dijponere-
mr de bonis prafatis omnibus , quod revocatis bonis omnibus alienatis utriiifque
Ordinis, faillit s , provent us} & redditus eorumdem bonorum utriufque Ordinis,
ded.uüis expenfis necejfariis pro eufiodia & admimftratione bonorum ipforum , fide-
hter ne intégré converterentur in fervitium,& fubfidtum fupradiclum : ficque
veltra fanditas facro approbante Concilioordinavit,&ordinationem
hujufmodi in dido Concilio folemniter publicavit. Nos igitur difpo-
Jfitionem, ordinationem, & tranflationem hujufmodi acceptamus , &
ei noftrumpræbemus aflenfum , juribus omnibus nobis, & Prælatis,
Baronibus, Nobilibus, & aliis quibufeunque regni noftri ante præ-
dida competentibus in bonis prædidis, Salvis perpetuo nobis & eis.
In quorum teftimonium, & munimen figillum noftrum præfentibus
litteris duximus apponendum. Datum Parifius die 24. Augulti, anno
Domini rrÿllefimo treçentefimo duodecimo. Et font lefdites Lettres
fcellées fur double quçuç çle parchemin d’un grand fceau de cira
jaune. Idemp. 17$. anno 1311.

Jïtife en fojj'ejjion du bien des Temfliers fiçtfr les Hofpitaliers, 1312.

Extrait d’un Regiftre ohm des Arrêts depuis l’an 1299. jufques
en 1318. Hifi. p. 543.
Arrefia fier Curiam data in Parlam. Oftavar. hyem.fefii B.Martini
anno 1312./à/. 140. verf

C Um propter abominationes , & errores Templariorum contra


fidem Catholicam in eis repertos, eorum Ordo, nomen & habi¬
tus fueiint in perpetuum nuper ingenerali Concilio Viennæ per App*
ftolicîUrt
fn e l’H ï s T o ï r ï de Malte; 64?
ftolicaffl. Sedem omnino fublati, ôc domino Rege præfente, indante ac
requirente, bonadidorumTemplariorum , feu eorum Ordinis, quæ
pia devotione fidelium pro Terræ fandæ obfequio dedinata fuere , per
eandem Sedem Apodolicam Magidro ôcFratribus Hofpital. S. Joani-
nis Hierofolymitani , ac eorum Ordini pro prædidæ Terræ Sandæ
fubfidio concéda fuerint in perpetuum , ôc in eos trandata , per eos
habenda, tenenda, ôcperpetuô podidenda eo datu , ôc jure , quibus
prædidiTemplarii ea poiîederant, cum omnibus honoribus, «5c one-
ribus , juribus ac pertinentiis bonorum ipforum , falvis ipfi domino
Régi, Prælatis, Baronibus, Nobilibus,ôc perfonis aliis regni Franciæ,
juribus quibufcunque , quæ in bonis prædidis quomodo libet ipfi, ôc
æorum quilibet habebant, tempore quo ipfa bona præfati Templarii
podidebant.
Didus infuper dominus RexFrancorum Leonardum deThibertis,
Fratrem Ordinis didi Hofpitalis, ProcuratoremGeneralemMagidri,
Fratrum, 6c Ordinis ejufdem, ac ad nancifcendum poffedionem dido-
xum Bonorum Templariorum quondam fpecialiter conditutum., pe-
tentem Ôc fupplicantem invedivit de bonis eifdem in regno Franciæ
exidentibus, ôc eum in poffedionem mifit eorumdem nomine Ordinis
Hofpitalis prædidi, cum omnibus honoribus , ôc omnibus juribus ôc
pertinentiis bonorum ipforum, ôc falvis ipfiD. Régi,Prælatis,Baroni¬
bus, nobilibus,ôc perfonis aliis regni Franc, juribus quibufcumque, quæ
ipfi D. Régi,Prælatis,Baronibus,Nobilibus,ôc perfonis aliis regni Franc.,
tempore quo didiTemplariieapodederunt,quomodolibet pertinebant:
utbonaipfa Magider,Fratres ôcOrdo prædidi habeant, teneantôcpodi-
deant,ôceisfruantureo datuôcjure quantum adfeôcaliosattinet,quibus
didiTemplariihabuerant,Ôcpodederant bona ipfa,tempore quopropter
errores prædidos in regno Franciæ capti fuerunt, ôc per Eccleliam
cæptum fuit contra eos procedi. Invedituram verô , midionem in
poffedionem, traditionemque bonorum prædidas modo ôc forma præ¬
didis didus D. Rex fecit, per eum expredo Procur. prædido , quôd
de bonis prædidis, üant ôc minidrentur expenfæTemplariorum, qui
r.atione didorum errorum per difpofitionem Eçclefiæ capti tenentur,
feu tenebuntur, ac fimiliter expenfæ quæ fient ratione procediium didi
negotii fidei contra perfonas fingulares Templariorum audoritate
Apodolica faciendorum. Et quod mobiiia, frudus ,obventiones, ôc
redditus bonorum prædidorum dedudis fuis oneribus , ôc etiam ex-
penfis quas oportebit fieri pro eifdem regendis , adminidrandis, coi-
ligendis ôc cullodiendis ad obfequiumTerræ Sandæ negotii fideliter
committantur. Forma igitur, ôc modo fuprà fcriptis , ôc prout dom.
Rex fuprà expredit, Procurator prædidus,præmiffaacceptans nomine
Magidri, Fratrum ôc Ordinis prædidorum, invedituram , midionem
in poffefTionem , traditionem ôc deliberationem bonorum prædido-
jum à domino Rege recepit. Quare didus dominus Rex præcepit,
;quôd bona prædidaôc eorum poffedionem realem Senefchalli , Bail-
,livi ; cæteriqueJuditiarii ipfius dom. Regis, quibuflibet prout ia fuis
Tome 1. N naa
6$o Preuves du IV. Livre
diltriêtibus feu refiortisexifluntbonaipfaplenariètradant, deliberent,-
tradi & deliberari faciant diêtis Magiltro , Fratribus, feu Prioribus,.
Provincialibus, Adminiflratoribus, feu procuratoribus eorundem , &
eos bonis prædiêtis & eorum poffeffione quantum ad eos pertinet
gaudere faciant plenariè , eo ftatu, modo & jure , quantum ad fe &
alios, quibus , ut didum eft, olim Templarii prædicti tempore præ-
dido eifdem bonis gaudebant. Quibuilibet injultis occupatoribus-
feu de.entatoribus bonorum ipforum de piano dotatis partibus , &.
auditis inde prout ratio fuadebit amotis : dando Prælatis, Baronibus,
Nobilibus & perfonis quibuilibet regni Franciæ per litteras quæ didis
juilitiariis fuper hoc dirigentur , in mandatis, ut ipii inpræmiilis , &
ea tangentibus eifdem jullitiariis domini Regis pareant efficaciter, &-
intendant. Mercur. poil Annunciationem Dominicain. Dupinp.j8o.
Traitè entre les Gens du Roi & les Hospitaliers touchant
le bien des Templiers.
L E Roi Philippes le Long dit que le Roi fou pere ayant traité avec*
les Holpitaliers, auroit été trouvé qu’il lui étoit deu deux cens
miiie livres tournois fur les biens des Templiers ; & depuis du tems
de Louis Hutin, il auroit été arrellé qu’il lui étoit deu foixante mille
livres pour la même caufe : Surquoi feroit intervenu accord entre
ledit Roi Louis, & ceux de Jerufalem, par lequel le Roi devoit avoir
les deux parts de tous les biens-meubles > & des joyaux & des orne-
mens des maifons & chapelles : & depuis par Arrêt de la Cour donné*
contre les Freres dudit Flôpital, avoit été dit, que les deux parts de
tous les biens, les fruits des terres & des vignes de toutes les maifons
qui avoient été baillées pleines,comme de terres femées, vignes , la¬
bourage baillé aux Curateurs,furent adjugez au Roi. Enfin pour ce qui
pouvoit relier , il elt accordé que ceux de l’Hôpital quittent au Roi
tout ce qu’ils pourroient prétendre defdits Curateurs jufques à leur
entrée en polfelfion du bien defdits Templiers quittent au Roi toutes
les dettes , deubs par lettres ce qui a été receu de part & d’autre,
demeurera. Fait à Paris le 6. Mars 1317» Regiltre du Trefor, Let¬
tre 142. Dupnip.i^^.adann.i^ij..

DIXIEME PREUVE.//#, pag. 548.


De T erris quondam T emplariorum Hojpitalariis liber an dis,

R Ex Cullodi quarumdam Terrarum&Tenementorum, quæ quon¬


dam fuerunt Templariorum in Civitate nollrâ Londoniarum, Ôc
fuburbio ejufdem Civitatis, Salutem..
Cùm Dominus Clemens, drvinaprovidentiâ , Papa quintus, nuper
in generali Concilio, Rienn. Congrcgato , Ordinem quondam Domûs
militiæTempli, pnpter varias caufas, fullulerit, & perpetuô fuppofuerit
interdido, & eandemDomum, cæterafqueDomos,Ecclefias; CapeF*
de l’Histoire dr Malte. 65*1
îas, Oratoria , Civitates, Caftra, Villas, Grangias, Loca, PofTefîio-
nés , Jurifdidiones, redditus, atque jura , omniaque alia bona , im-
mobilia ôc mobilia , ac fe moventia, cum omnibus juribus, membris,
Sc pertinentiis fuis , in univerfis ôc quibullibet mundi partibus con-
fiflentia , quæ olim fuerunt Magiftri ôc Fratrum Ordinis (hujufmodi
bonis,. in Regnis ôc Terris Regum, Caftellæ , Aragoniæ, Portugaliæ,
ôc Majoricarum exiftentibus, ex certis caulis , exceptis , ôc prædidi
Domini Papæ , ac Apoftolicæ Sedis ordinationi refervatis) Ordini
Hofpitalis fandi Johannis Hierofolimitani duxerit concedenda, appli-
canda , ôc unienda , memoratoque Ordini Hofpitalis prædidi, vel ip-*
fius Procuratoribus, ejus nomine , infra certum tempus reftituenda*
Contra detentores didorum bonorum , ôc reflitutionem eorumdem
impedientes, graves cenfuras Ecclefiafticas ftatuendo;
Et per litteras fuas bullatas,nobis inde diredas, nos rogaverit exhor-
tando, quod bona hujufmodi, infra Regnum ôc Dominium noftrum,
præfato Ordini Hofpitalis prædidi, vel ipfius Procuratoribus, ejus no»
mine, reftitui facere curaremus :
Nos, confiderantes diverfa damna ôc pericula quæ , per detentio-
nem bonorum prædidorum, in Regno ôc Dominio noflris, fi fieret,
nobis , ôceidem Regno, ac fubditis noflris poffent multipliciter eve-
nire ; quæ, propter brevitatem temporis , infra quod hujufmodi refti-
tutio fieri petebatur, non polfent ea vice alias præcaveri, volentefque
damna Ôc pericula hujufmodi evitare , Domos, Ecclefias , Villas,
Maneria,Terras, Redditus, Loca, ôc alias pofTeffiones quafcumque,
cum omnibus fuis juribus, ôc pertinentiis, quæ olim fuerunt didorum
Magiftri ôc Fratrum prædidæ militiæ Templi, in prædidis Regno ôc
Dominio noflris ( fadâ priùs per nos quadam Proteflatione, pro con-
fervatione juris noflri ôc fubditorumnoflrorum , in hac parte) Fratri-
bus, Alberto de Nigro Caftro, Magno PræceptoriDomûs Hofpitalis
fandi Johannis Hierofolimitani prædidi, ôc locum tenenti, citra Mare
Mediterraneum, Magni Magiftri Hofpitalis ejufdem , ôc Leonardo de
Tibercis PrioriVenetiarum, Procuratori generali Hofpitalis prædidi,
nomine Hofpitalis ejufdem, duximus liberanda , falvo jure noftro, ôc
fubditorum noflrorum quorumcumque, juxta vim ôceffedumProtefla»
lionis noftræ fupradidæ.
Et ideo vobis mandamus quod præfatis Alberto ôc Leonardo , vel
illi , aut illis , quem, vel quos , ipfi ad hoc per fuas patentes litteras
deputaverint loco fui, Domos, Ecclefias, Maneria,Terras,Redditus,
Loca , ôc alias pofTeffiones quafcumque, cum fuis juribus ôc pertinen¬
tes univerfis, quæ fuerunt didorum Magiftri ôc Fratrum militiæ præ¬
didæ, in Civitate ôc Suburbio prædidis, ôcquæ in cuftodiâ veftrâ ex
commiflione noftra exiflunt , una cum bladis in terris feminatis , ôc
ornamentis Ecclefiarum illarum , fine dilatione aliquâ liberetis, falvo
jure noftro ôc fubditorum noflrorum quorumcumque juxta vim ÔC
effedum Proteflationis noftræ prædidæ, ficutprædidum eft : Volumus
£nim vos indè ex nunc erga nos exonerari,
Nnnn ij
Preuves du IV. Livre
Telle Rege apud Weltm. 28. die Novembris
Peripfum Regem.
Confimiles litteræ diriguntur Cultodibus fubfcriptis, de Domibus,
Ecclefiis , Villis, Maneriis, Terris, Redditibus-, Locis, polïelfionibus*
quibufcunque , cum luis juribus, 6c pertinentiis univerlis , quæ fue-
runt didorum Magiltri 6c Fratrum militiæ prædidæ , in Comitatibus,
fubfcriptis, præfatis Alberto 6c Leonardo , in formâprædidâ liberan-
dis videlicet,
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-
plariorum, in Comitatu ElTexiæ ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem*
plariorum, in Comitatu Surriæ,
Cullodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Leyceltriæ ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-;
plariorum, in Comitatu Derbiæ;
Cullodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tern—
plariorum, in Comitatu Dorfettiæj
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem*
plariorum , in Comitatu Salopiæ
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Oxoniæ 3
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem*
plariorum, in ComitatuRedfordiæ ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem*
plariorum, in Comitatu Lancaliriæy
Cultodi quorumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Somerfettiæ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-
plariorum, in Comitatu Rotelandiæ ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-
plariorum, in Comitatu Suffolciæ ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem*
plariorum, in Comitatu Wiltes*-
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Ton--
plariorum, in Comitatu Norfolciæ j
Cultodi quorumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Lincolniæ;.
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Cumbriæ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem*
plariorum, in ComitatuHerefordiæ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem~
plariorum, in Comitatu Cantebrigiæ ;
Cultodi quarumdam Terrarum 6c Tenementorum quondam Tem*
plariorum; in Comitatu Glouceltriæ y
r> 1 l’Histoire de Malte. 65$
Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tem¬
plariorum , in Comitatu N ottinghamiæ,
Cuftodi quarumdam Terrarum 3c Tenementorum quondam Tem¬
plariorum, in Comitatu Stailor’diæ;
Cuftodi quarumdam Terrarum 3c Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Warwick3
Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tenu
plariorum, in Comitatu Weftmerlandiæ ;
Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tem-
plariorum, in Comitatu Wygorniæ;
Cuftodi quarumdam Terrarum tic Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Northumbriæ;
Cuftodi quarumdam Terrarum- 6c Tenementorum quondam Tem¬
plariorum , in Comitatu Cornubiæ ;
Cuftodi quorumdam Terrarum ôc Tenementorum quondam Tem-
plariorum-, in Comitatu Bucksj
Cuftodi quarumdam Terrarum & Tenementorum quondam-Tenu-
plariorum, in Comitatu Middlefexiæ3
Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Devoniæ;
Cuftodi quarumdam Terrarum -ôc Tenementorum quondam Tern-
plariorum , 111 Comitatu Huntingdoniæ ;
Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tem-
plariorum, in Comitatu Rerksj
Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tem¬
plariorum , in Comitatu Kan ciæ ;
Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tem-
plariorum, in Comitatu Hertfordiæ ÿ
Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tem¬
plariorum , in Comitatu SufTexiæ ;
Alexandro de Cave de Rcberto de Amcotes, Cuftodi quarumdam
Terrarum de Tenementorum quondam Templariorum , in Civitate
Eborum ;
Cuftodi quorumdam Terrarum de Tenementorum quondam Tem-
plariorum , in Comitatu Northamptoniæ;
Cuftodi Terrarum de Tenementorum, ôcc. inCrauford^
Cuftodi Tertarum de Tenementorum, dec. in Lillefton ;
Cuftodi Terrarum de Tenementorum, dec. inHendon,
Johanni de Grey, Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenementorum'
quondam Templariorum, in ComitatuBedfordiæj
Johanni de la Haye, Cuftodi quarumdam Terrarum de Tenemento-
ÿum quondam Templariorum , in Comitatu Herefordiæ;
Johanni de Wylburnham , Cuftodi quarumdam Terrarum deTene-
jsientorum quondam Templariorum, in Comitatu Cantebrigiæ;
Johanni deButecourte, Cuftodi quarumdam Terraium de Tenemen*
torum quondam Templariorunijin Comitatibus Cantebrigiæ deMiddle-
texiæy. N nnn iij.
6$4 - Preuves du IV. Ltvre
ThomædeGrey, Cuftodi quarumdamTerrarum5cTenementorum
quondamTemplariorum, in Comitatu N orthumbriæ;
Alexandro de Campton, Cuftodi quarumdamTerrarum 5cTene-
mentorum quondam Templariorum , in Comitatu Leyceftriæ ôc
Warric ;
Johanni de Argaill, Cuftodi quarumdam Terrarum 5cTenemento-
rum quondamTemplariorum, in ComitatuEborum;
Johanni de Bloxham , Cuftodi quarumdamTerrarum 5cTenemen-
torum quondam Templariorum , in Comitatu Oxon , 5c aliis Com,
Regni Regis ;
Roberto filio Pagani, Cuftodi quarumdam Terrarum 5c Tenemen-
torum quondamTemplariorum, in Comitatu Southamptoniæ;
Hawys , quæ fuit Üxor Johannis de Ferar , Cuftodi quarumdam
Terrarum 5c Tenementorum quondam Templariorum , in Comitatu
Glouceftriæ, 5calibi;
Willielmo de Spanneby , Cuftodi quarumdam Terrarum 5c Tene¬
mentorum 5cEccleftarum quondamTemplariorum, in Comitatu Lin-
colniæ ;
Edmundo Haxelut, Cuftodi quarumdam Terrarum 5c Tenemento¬
rum quondamTemplariorum , in Comitatu Herefordiæ;
Henrico de Cobeham Juniori, deDomibus, Ecclefiis, 5cc. in Comi¬
tatu Kaneiæ, liberandis utfupra;
Ebuloni deMontibus, de Domibus,Eçclefiis, 5cc. in Comitatu Lin-
colniæ, liberandis ut fupra;
Eodem modo mandatum eft Alexandro de Abernithi , de Manerio
de Wylughton, cum pertinentiis , 5cc. unà cum bladis in terris l'emi-
natis, fine dilatione aliqua liberandis, ut fupra. ^
Eodem modo mandatum eft Willielmo de Ferar, de Manerio de
Rotheleie, cum pertinentiis, liberandis in forma prædida.
Eodem modo mandatum eft Willielmo Marmyon , de Manerio de
Aftakby in Comitatu Line, liberandis in forma prædida.
Eodem modo mandatum eft Johanni de Comyn , de Manerio de
Faxflete, in Comitatu Eborum, liberandis in forma prædid^
Eodem modo mandatum eft Cuftodi Manerii de Ribbleftayn.
Eodem modo mandatum eft Johanni de Sandale de Ecclefia de
Reynham , 5cc.
Eodem modo mandatum eft Gilberto de Stapelton, Cuftodi Eccle-
liæ de Kelington de eadem Ecclefia, 5cc.
Eodem modo mandatum eft Adomaro de Valencia Comiti Pemb.ro-
chiæ , de novo Templo London, ac omnibus Terris 5c Tenementis,
cum pertinentiis , quæ fuerunt Templariorum prædidorum in Civi-
tate London» 5c Suburbio ejufdem, nec non in ComitatuMiddlefexiæ,
5c quæ tenet, 5cc. Ry mer page 45 4. ad arm. 1515.
Rex Venerabili in Chrifto Patri R. eadem gratiâ, Epifcopo Dunel-
menft, Salutem,
Cùm Dominus Clemens , 5cc. Et ideo vobis mandamus quod
præfatis AJberto 5c Leonardo, 5cç, Domos, Eccielias, Villas, Scc*
de l’Histoire de Malte.
quæ fuerunt didorum Magiftri & Fratrum militiæ prædidæ , infra
febertatem Epifcopatûs vefîri, & quæ in Cuftodiâ veftrâ exiftunt,
fine diiatione aliqua liberari faciatis falvo jure noftro , &c. & tune
tfia claujitla , 8c, ut liberationem prædidam confultiùs facere valea-
tis , tranferiptum brévium noftrorum, inde in Regno noftro diredo-
r-um, vobis mitthnus præfentibus interclufum. Tefte ut fupra.
Eodem modo mandatum eft Edwardo , Comiti Ceftriæ filio Régis
Kariftimo, vel Jufticiario fuo ibidem.
Eodem modo mandatum eft Jufticiario, Cancellario , 8c Tbefaura-
rio Regis Hiberniæ, vel eorum loca tenentibus.
Eodem modo mandatum eft Cancellario 8c Camerario Scotiæ vel
eorum loca tenentibus.
Eodem modo mandatum eft Rogerio de Mortuo Mari, Jufticiario
Walliæ. Idem page 457. ad ann. 1313.
Mandatum Vicecontitibus de protegendo Hofpitalanos in ajfecuîione pramif
forum.
Rex Vicecomiti Huntingdoniæ, Salutem,
Cum Dominus Clemens &c.- ufque proteftationis rroftra fupra-
dich : Mandaverimuique Cuftodibus Terrarum, Ecclefiarum8c Te-
nementorum prædidorum in Comitatu tuo , quod præfatis Alberto
ôc Leonardo, ëcc. Domos, Ecclefias, &c. quæ fuerunt didorum, Ma¬
giftri 8c Fratrum militiæ prædidæ , in Comitatu prædido , 8c quæ in=
Cuftodiâ fuâ ex commiffione noftrâ exiftunt, unà cum bladis*
Nos, volentes mandata noftra in hac parte effedui debito manci-
pari, tibi præcipimus quod, fi prædidi Cuftodes in præmiftis fe reddi-
derint tepidos aut remiiïos , tune præfati Fratribus, Alberto & Leo¬
nardo, vel hujufmodi Attornatis fuis , prædidas Domos , Ecclefias,
Villas, Maneria , Terras, Redditus, Loca, 8c alias poffeftiones quaf-
cumque cum fuis juribus , 8c pertinentiis univerfis , in Ballivâ tuâ, in
formâ prædidâ habenda, libérés indilatè :
Et ipfa ab injuriis 8c violentiis indebitis, fuper aftecutione præmif-
forum , in formâ prædidâ, quantum in te eft , protegas ôc defendas,,-
.Tefte ut fupra.
Eodem modo mandatum eft fubfcriptis ; videlicet.
Vicecomiti Cornubriæ Vicecomiti Lincolniæ, Salopiæ,
Vicecomiti Eborum, Vicecomiti Kanciæ, Lancaftriæ,
Vicecomiti Suffolciæ, Vicecomiti Devoniæ, Rucks,
Vicecomiti Suththamptoniæ, Vicecomiti Flertfordiæ, Weftmeriandiær>
Vicecomiti Somerfettiæ, Vicecomiti Staffordiæ, Derbiæ,
Vicecomiti Effexiæ, Vicecomiti Dorfettiæ. Glouceftriæ,
Vicecomiti Nottinghamiæ, Cantebrigiæ,
Vicecomiti Herefordiæ,. Middlefexiæ-, Leyceftriæ,
Vicecomiti Oxoniæ, Warrick,, Surnæ,
Vicecomiti Northumbriæ, Wiltes, Wygorniæ,
Vicecomiti Rotelandiæ, Berks, Bedfordiæ,
'Vicecomiti Cumbxiæ, Suffexiæ ^ N orfFolciæ..
656 Preü.vës d tf IV. Livre
Eodem modo mandatum ell Vicecomit. London, de Domibus*
Ecclefiis, Maneriis, Terris, Kedditibus, Locis, 6c aliis poffefFionibus
quibufcumque , cum fuis juribus 6c pertinentiis univerüs , in eifdem.
Civitate 6c Suburbio , iiberandis, ut fupra. Idem page ad

Vicecomiti Northamptoniæ.

Xitterœ Vrocuratoriœ & plenæ potcntiæ Mavijtri & Conventus


IJ Itramarini Ordinis JDomus S an ci i Johannis Jcrufalem 3 Alberto
de Cafiro IVigro conceffæ,.

N O verint univerfi, præfentes ütteras infpeduri, qupd nos


FraterFulco de Vilareto, Dei6cSedisApoltolicæ gratiâ, Sandæ
Domûs Hofpitalis Sandi Johannis Jerufalem Magifter humilis 6cpau-
perum Chrilli Çuflos.,
Frater Tertitius le Lorgne Marefcallus ,
Frater Petrus deClaromonte, tenens locumHpfpitalarii.,
Frater Richardus deRavelino Draperius,
Frater Ren. de DeoThefaurarius ,
Frater Philippus de Gragnana, Urbis:,
Frater Martinus Pétri de Ros, Melfanæ, Priores,
Frater Petrus de Sando Johanne, Præceptor Achayæ;
Cæterique omnes 6c finguli Fratres 6c Conventus Domûs ejufdem ^
ad fonum Campanæ Rliodi, ut moris eft, in loco folito congregati,
internâ rneditatione penfantes beneficiorum largitionem immemora-
bilium , per fandiffimum in Ghriito Patrem , Dominum noftrum,
Clementem quintum , Diyinâ providente clementia , Sacræ 'Sandæ
Romanæ ac univerfalis Ecclehæ fummum Pontificem , facrum ejus
Dominorum Cardinalium Collegium , 6c totum generale Concilium,
Viennæ proximè celebratum } nobis 6c Domui, liberalitate maxima,
lamitorum :
v iafque 6c modos, cum fummâ diligentiâ exquirentes, per quos
poffint in noftris manibus reparari, emendari, augmentari, ac pro-
vidè gubernari dida immenla bénéficia , 6c frudus uberes , cum Dei
benedidione, ex ipfis, 6c aliis bonis nofiris, 6cDomûs prædidæhaberi,,
perçipi, 6c colligi : quibus Terra Sanda de Mahometicolarum infider
lium manibus poffit, Deo faciente, celeriter liberari :
Attendentefque etiam Domos noftras , partium tranfmarinarum,
înproj/idâ adminiflratione Præfidentmm , attritas multipliciter 6c af-
flidas, vifitatione , corredione, ac reformatione celeri, tàm in eapi-
te^ quàm in membris , valde admodum indigere :
Acj, de difcretione, probitate , legalitate, bonâ adminiflratione,
diligentiâ 6c induftriâ Religiofi in Chrifto , nobis carifFimi, Fratris Al-
;berti Alamani, ejufdem Domûs Magni Præceptoris, in partibus cifma-
xinis ( quas in maguis 6c a>rduis,quæ nos 6c Domûs hadenùs ûbi commi-
fimus *
de l’Histoire de Malte. 6$7
tous , fru&uofas 5c utiles invenimus ) plenam in Domino gerentes
fiduciam , eundem Fratrem Albertum communi omnium tradatu ,
concordiâ , conciiio, voluntate, ac confenfu expreffo, adRomanam
Curiam, 5c Curias illudrium Regum, 5c aliorum Principum Ortho-
doxorum, 5c ad univerfas 5c fingulas partes tranfmarinas, cum Religio-
fis in Chrido, nobis cariüimis, diledis (Fratre Richardo de Ravie-
linoDraperio , Fratre Philippo de Gragnana Priore Urbis, Fratre Léo-
nardo de Tibercis Priore V enetiarum, 5c Procuratore in Romanâ Curiâ
generali, Fratre Henrico de Mayneriis,Fratre Arnaldo de Solerio, Fra¬
tre Artando de Chavanono, noftri Magidri Sociis, 5c Fratre Duranto
de Præpofitura, Præceptore Montis Chalini 5c Salvitatis deAuriliaco
(quos ei donamus 5caflignamus inSocios, confiliarios 5c coadjutores)
difponimus dedinanduffi
Ipfumque in omnibus 5cfingulisPrioratibus, Præceptoriis, Cadef-
laniis,Bajuliis, Domrbus, Civitatibus, Cadris, Villis, Locis, 5c qui¬
bufcumque aliis bonis , Juribus , & Rationibus noftris , 5C Domûs
nodræ antiquis , ac nobis 5c Domui noviter quoquomodo conceffrs,
5c impoderùm concedendis, in didis tranfmarinis partibus exidenti-
bus , quæeumque fint, ubicumque, 5c in quibufcumque confrdant, 5c
quocumque cenfeantur nomine, Viütatorem,Inquidtorem, Corredo-
rem , Reformatorem, ^dminidratorem cum libéra , locuni nodrum
tenentem , verum, certum ôc indubitatum Procuratorem, Syndicum,
Yconomum, Adorem,5c ad prædidas Curias , nodrum, 5c Domûs
fpecialem nuncium facimus, condituimus, audoritate præfentium, 3c
creanius :
Dantes 3c concedentes eidem Vifitatori * Inquifitori , Corredori,
Reformatori, Adminidratori cum libéra , locum nodrum tenenti,
Procuratori, Syndico, Yconomo, Adori, 6c Nuncio nodro , & Do¬
mûs , in tranfmarinis partibus, 5c curiis ante didis, plenam 5c libérant
facultatem, autoritatem 5c licentiam, ac etiam fpeciale mandatum, fe
ad ipfas partes tranfmarinas 6c Curias, 5cipfarum quamlibetperfona-
liter transferendi :
Ac in eis , 5c in univerfis , 5c fingulis Prioratibus , Præceptoriis r
Cadellaniis , Bajuliis ,. Domibus, Civitatibus, Cadris, Villis, 5c aliis
quibufcumque'locis, 5cBonis, Juribus, 5c Rationibus nodris, 5c Do¬
mûs nodræ antiquis, noviterque nobis 5c Domui , in præfato Sacro
generali Conciiio, de bonis Domûs Militiæ Templi , quondam,vel
aliundè, quomodo libet elargitis , 5c deinde largiendis, de confilio,
voluntate , ac expreffo affenfu prædidorum Sociorum fuorum, vel
majoris partis eorum , fibi tune affidentium, per fe, vel alium, feu
alios , vifitandi, inquirendi, corrigendi, reformandi , adminidrandi,
procurandi, nunciandi, reparandi, emendandi, exeufandi, fupplican-
di in didis curiis, 5c aliis quibufcumque,. nomine nodro, 5cDomûs, 5&
lutteras gratiæ atque juditiæ impetrandi :
Dedargitione didorum bonorum, 5c aliorum quam plurium Benefi—
çiorum, dido Domino nodxofummoPontifici, ejus Sacro Collegio^
Tomt O 000
6$-8 Preuves du IV. Livre
Illuftriffimis Regibus , «ScaliisPrincipibus Orthodoxes, gratesdevotifïî-
mas referendi : Vifitatoris, Inquifitoris, Corredoris, Reformatons,
Adininiftratoris cum libéra , Nunciatoris , Procuratoris , ôc locum
noftrum tenentis, in Capite ac in Membris , & in quafcumque perfo-
nas Domûs noftræ , cujufcumque ftatûs , gradûs, dignitatis, autori-
tatis, & conditionis, &quocumque exemptionis, generalis velfpecia-
lis, munitas privilegio, vel litteris, fub quacumque formâ verborum,
eis conceftis ;
Officium feu officia conjundim vel feparatim, plenè & libéré exer-
cendi $ contra ipfas perfonas & ipfarum quamlibet, per modum inqui-
fitionis , denunciationis Ôc accuîationis (pro ut difcretioni fuæ vifum
fuerit) procedendi :
Eas ôc quamlibet earum ad fui præfentiam , quando & quotiens
voluerit evocandi :
Plantam feu plantas Fratrum , Efgardium feu Efgardia faciendi, Sc
tenendi de eis ; ôc eafdem de fuis exceflibus , juxta Domûs noftræ fta^
tuta ac bonas confuetudines, puniendi :
Removendi eas à fuisBajuliis , Domibus , Officiis , & Adminiftra**
tionibus , Ôc, fi neceffe fuerit , carceribus mancipandi ; vel nobis ,
citra mare , judicandas, puniendas, corrigendas , aut in carceres re-
cludendas , cum plenâ informatione fuorum exceffium , tranfmit-
tendi :
De eis , ôc earum qualibet poflulanti cuilibet, complementum jufti-
tiæ faciendi, «Scfibi fieri de iplis, coram quibufcumqne Judicibus, Ec-
clefiafticis, vel Secularibus, noftro ôc Domus noftræ nomine, poftu-
landi :
Domos, Bajulias, Officia, &Adminiftrationes, fie eis ablatas, per-
fonis aliis fufficientibus tenendas ôc regendas libéré committendi :
Univerfas & fingulasDomus, Ecclefias, Capellas,Oratoria, Civi-
tates, Caftra , Villas, Terras , Grangias, &loca , Poffefîiones , Jurif-
didiones, Redditus atqueJura, omniaque aliabona, mobilia ôc immo-
bilia, vel fe moventia , cum omnibus membris, Juribus , ôc pertinen-
tiis fuis, in diftis partibus tranfmarinis confiftentia , Domûs ôc Ordinis
militiæ Templi, quondam nobis, ac Domui in dido fando Concilio
collata, ôc in pofterum conferenda ubilibet ; immo nomina, adiones
& jura, quæ tempore captionis Magiltri, ôc quorumdam Fratrum ipfîus
Ordinis Templi in Regno Franciæ, communiter fadæ, eidem Domui
Ôc Ordini , vel perfonis ipfius Ordinis Militiæ Templi, quocumque
modo competebant, vel competerepoterant, contra quofeumque pe-
tendi,requirendi, exigendi, recipiendià quibufeumqueperfonis , Ec-
clefiafticis vel Secularibus, ôc ea ad nos, ôc proprietatem Domus noftræ,
ac noftri Ordinis adducendi :
Corporaliter poffeffionem , vel quafi eorumdem, noftro Ôc Domûs
noftræ nomine, per fe, vel alium, feu alios, adipifeendi :
Ipfamque regnandi, gubernandi, ôc adminiftrandij de voluntate ÔÇ
beneplacito Sedis Apoftolicæ :
de l’Histoire de Malte. 659
Eadem bona etiam antiqua , fru&us de proventus eorum, taxandi,
vel tâxari faciendi : de ea perDomos, feuBajulias determinatas de limi-
tatas, ut utilius fibi, de aftantibus ei vifum fuerit, dividendi :
Bajuliis , feu Domibus , per eum, vel alium , feu alios , limitatis
taliter, refponfiones certas de pingues > ad utilitatemTerræ fan&æ ne-
gotii, imponendi :
Ipfas Bajulias & Domos, regendas de adminiftrandas ad vitam, vel
aliis ipfis , quibus expedire noverit, committendi de conferendi j de
eos ab eifdem removendi, quum de quotiens fibi expedire videbitur.
Nobiles homines de innobiles , Clericos <5e Seculares, pro fervitio
deregimine didarum Bajuliarum de Domorum, adDomûs noftræ con-
fortium, fi necefle fuerit, admittendij & ipfis admilfis noftræ religionis
habitum, deNobilibusMilitiæ cingulum tribuendi :
Fratres de Donatos, de unâ Domo in aliam,. de de uno Prioratu in
alium transferendi : de citra mare etiam Fratres , Donatos, homines,
Vaffallos , de fubditos quofeumque Domûs noftræ , cujufvis ftatûs ,
gradûs, dignitatis, audoritatis, de condidonis, pro Terræ fandæ fervi¬
tio , vel quacumque aliâ ratione, feu causâ tranfmittendi : aut, fi ma-
luerint, fecum ducendi : de, ut citra mare veniant, eis de fingulis eo¬
rum effedualiter injungendi, eofque fi non venerint, tanquam rebel¬
les de inobedientes, de quofeumque mandatis nollris rebelles de inobe-
dientes, invenerint per juftitiam Domus noftræ ducendi : vel ipfos
aliter puniendi : ac vocatos per nos ad partes tranfmarinas, in tranfma-
rinis partibus retinendi : de eis ipforum paifagium,. feu palfagia re-
laxandi de remittendi ; numerum Fratrum fuorum , Donatorum , de
aliorum fervitorum , in didis Bajuliis , feu Domibus noftris quibuf-
cumque fiftentium, diminuendi, de, fi fibi expediens videbitur, aug-
mentandi ;
Pro univerfis de fingulis didis bonis noftris, deDomûs antiquis , ac
noviter concefîis , de in futurum concedendis , in didis tranfmarinis
partibus conftitutis de pofitis, in judicio, vel extra, coram quibufeum-
que Judicibus , Ecclefiafticis Secularibufve , de in quacumque Curiâ,
Ecclefiafticâ vel mundanâ, agendi, defendendi, petendi, proponen-
di, excipiendi, libellum vel libellos olferendi , oblato vel oblatis
refpondendi, litem conteftandi, jurandi de calumnia, de de veritate
dicendi in animas noftras, de feribendi cujufiibet alterius generis jura-
mentum :
Teftes, de inftrumenta, de alia quæcumque documenta légitima pro-
ducendi, de produ&is objiciendi, concludendi de renunciandi :
In caufis de jure de de fadto, lèntentiam, de fententias diffinitivas, &
înterlocutoria vacuandi de audiendi, de ab ipfis, arque gravaminibus,
illatis de inferendis, femel vel pluries appellandi, Apoftolos petendi,
appellationemdcappellationes profequendi :
Ad exequendum procelfus , de quafeumque fententias , fuper recu~
peratione dictorum bonorum , nobis de Domui de novo datorum*
juxta mandatum ApoftoJicum, Prælatos, Executores, Commiflarios*
P o o o ij
660 Preuves du IV. Livre
& quofcunque alios , ad executionem deputatos hujufmodi, requi-
rendi : i-
Computa 6c ratio-nes ab his, quæ dida bona , vel aliqua de præ-
didis, aut etiam denoftris antiquis, dudum quoquomodo tenuerint, 6c
habuerint, 6ctenuerunt, 6c receperunt, 6c adminiftrarunt
Et à Procuratoribus noftris, locanoftra tenentibus , Præceptoribus
Camerarum noftrarum, Prioribus, Præceptoribus 6c Ballivis, vel eo¬
rum loca tenentibus, 6c quibufcumque aliisFratribus noftris 6cfubditis,
ad quorum manus refponfiones, talliæ, fubventiones, promiffiones »
bona defundorum , pecuniæ , jocalia, arnefia, procadia noftra , in-
dulgentiarum, legatorum, 6c relidorum pecuniæ, vel aliqua ex præ-
didis quomodolibet pervenerint , aut pervenient , ipfo in partibus
tranfmarinis agente, ac poteftate fibi durante hujufmodi, petendi»
audiendi, exigendi, 6c recipiendi de his, qui récipient ab eis , vel à
quibufcumque aliis, 6c pro quibufcumque caufis 6c rationibus , cum
effedu quittandi, abfolvendi, defîniendi, 6c padum de ulterius non
petendi, dandi, & faciendi :
Pro neceflitatibus noftris 6c Domûs, mutuum feu mutua , à quibus
voluerit, 6c invenerit , accipienda, 6c contrahendi pro pecuniis, mu-
tuo fufceptis , aut fufcipiendis, 6c aliis quibullibet caufis 6c rationibus,
nos, Domum nodram , 6c bona omnia nodra 6c Domus , præfentia 6c
futura, generaliter vel fpecialiter, effedualiter obligandi, atqueypo-
rhecandi:
Bona ipfa , vel quæ voluerit ex prædidïs in perpetuum , ad vitam ,
vel aliud tempus, piirè , conditionaliter , aut in emphiteofim, fub
certo annuo cenfu , vel precarii, commodati, depofiti, donationis ,
venditionis, permutationis, infeudationis, pignationis , 6c cujuflibet
alterius contradûs titulo, perfonis, quibus voluerit, donandi, conce-*
dendi, trahendi 6c adignandi :
Et hos, cum quibus contrahent, vel procuratores eorum, in podef-
fionem corporalem , vel quafi didorum bonorum inducendi , 6c in-
dudos defendendi :
Et podedionem corporalem, vel quafi, horum, quæ contrahendo
velquocumque alio modo, fibi, vel aliis, ejus nomine, atqueDomûs,
donata 6c concéda fuerint, per fe, vel per alium, feu alios apprehen»
dendi 6c adipifcendi.
Er de his, 6c aliis bonis noftris, 6cDomûs, prout nobis 6c domui ex*
pedire noverit, ordinandi :
Priores, Præceptores, Ballivos, noftri Magiftri, vel eorum loca te-*
rientium , Fratres, donatos, 6c quofcumque alios fubditos noftros , 6c
domûs in fæpe didis partibus tranfmarinis conftitutos, cujufcumquer
ftatûs, audoritatis, dignitatis, aut conditionis exiftant, ad congrega-
tiones, 6c capitula provincialia , per eum , de concilie didorum fo-
ciorum fuorum , 6c aliorum Fratrum 6c procerum domûs, ei adiften-»
tium , vel majoris partis eorum , ordinandas, 6c demandandas, quum
k quotiens diferetioni -fuæ faciendum noverit 9 perfonaliter evocand^
i> e l’Histoire ce Malte. 66r
& didas congregationes, atque Capitula celebrandi, ôdn eis dicendi,
ordinandi, concedendi, ftatuendi, deftituendi, ôc quæque alja fa- -
ciendi, quæ refpicere cognoverit honorem Ôc commodum domûs
noftræ :
Compromittendi , opponendi , pacifcendi , tranligendi, conve-
niendi, fubftituendi procuratores , unum vel plures, ante litem con-
teilatum vel poft, ôc eofdem revocandi, qûando ôc quotiens fibi vide-
bitur expedire ; ; ;
Et demùm univerfa alia Ôc fingula dicendi, faciendi,tradandi ôc or-
dinandi in præmiiïis, & præmilforum quolibet, quæ nos in generali
CapitulojVel extra,in noftris congregationibus dicere, facere, tradare,
ac ordinare poflemus, fi præfentes eflemus, ôc quæ talium contraduum
& negotiorum mérita defiderant ôc requirunt etiam fi mandatum exir
gant Ipeciale :
Ratum, gratum, firmum, ôc ftabile habituri perpetuo quicquid pec
eundem Vilitatorem , Inquifitorem , Corredorem , Reformatorem,
Adminillratorem cum libéra, locum noftrum tenentem, Procuratorem,
Syndicum , Yconomum , Adorem, ôc noftrum , ac Domûs noftræ
Nuncium fpecialem, vel fubftituendum , aut fubftituendo ab eo in
prædidis , ôc prædida quoquo modo tangentibus , de conlilio cum
voluntate ac confenfu didorum fociorum, vel majorum partis eorum,
tune ei afliftentium , adum , didum , vifitatum , inquifitum , cor-
redum , reformatum, adminiftratum, donatum, concefliim, petitum,
exaduni , receptum, folutum, quittatum, procuratum , tradatumque
fuerit, vel aliter ordinatum y \ .ootb^bot/b .. ..
Promittentes rem ratam haberi, Ôc judicatum folvi, cum omnibus
fuis claufulis, fub ypotheca ôc obligatione bonorum omnium Domûs
noftræ , præfentium ac etiam futurorum ; nofque fidejuflores confti-
tuentes pro eodem procuratore noftro, fyndico, yconomo, ôc adore,
ôc fubftituendo ac fubftituendis ab eo : ipfos Ôcipforum quemlibet rele-
vare vol entes ab omni ouçïe fatisdandi.
Et, ne forfan , aliquo cafu interveniente , qüod abfit , poflet exe-
cutio poteftatis atque audoritatis hujufmodi , per nos eidem Fratri
Albeyto attributarum præfentibus, in detrimentum noftrum ôc Domûs,
annullari, aut in aliquo retardari ;
Volumus ôc concedimus, tenore præfentium, didoFratriPhilippo
de Gragnana , Priori Urbis, quod, in defedu didi Fratris Alberti, ali¬
quo cafu interveniente , poteftatem ôc audoritatem noftras præmiifas
perficere nequiuntis, pofîit, de confilio, voluntate, ac exprelfo affen-
fu didorum aliorum fociorum fuorum , vel majoris partis , tune fibi
afliftentium , prædida omnia Ôc fingula fibi afîumere, ipfaque facere,
dicere , procurare , exequi, tradare ordinare , incipere , mediare,
complere, ac incepta per eundem FratremAlbertum in omnibus & pec
omnia effedui mancipare ;
EundemPrioremUrbis, in cafuprædido , vel fimililoco didi Fra¬
tris Alberti exnunc , ut extunc, fupet univerfis ôc fingulis, fuperiùs
O o o o iij
662 Preuves, du IV. Livre de l’Histoire de Malte.
expreflatis , de ea tangentibus , per præfentes , cum omni poteflatis
plenitudine fubrogantes » de fibi vices noftras totaliter committentes.
Quo circa, diitridè præcipiendo > raandamus , in virtute fandæ
Obedientiæ, nichilominus injungentes , Religiofis , in Chrifto nobis
carififimis, univerfis de fingulis Prioribus , Viceprioribus , Præcepto-
ribus , de Baylivis , de eorum, aut noflriMagiftri loca tenenti, Fratri-
bus , Sororibus, Donatis, Hominibus ,.VaJÛfalis, defubditis quibufcum-
que noftris, de Domûs ac Ordinis, &Domus quondam MilitiæTempli,
in prædidis tranfmarinis partibus conftitutis , quatenus prædidum
Fratrem Albertum , vifitatorem de locum noftrum tenentem , vel, in
defedu ejufdem, ut præmittitur, didum Fratrem Philippum Priorem
Urbis , benignè admittant, caritativéque tradent, de fibi, ac familiis
fuis, in omnibus fuis neceflariis, eundo , ftando, de redeundo, libera-
liter provideant, ac ei, tanquam nobis , in omnibus , fpiritualitatem
& temporalitatem quoquo modb tangentibus, intendant de pareant
re ver enter ; fibi impertire ftudentes in his , quæ ad curam , de regi-
men, de adminiftrationem didorum bonorum, ac expeditionem feli-
cem de celerem negotiorum noftrorum, de Domûs, fuum fideliter con-
filium , auxilium , de favorem j fie tanquam filii obedientiæ , fe ha-
bentes in prædidis-, quôd devationis eorum promptitudinem condignis
in Domino laudibus attollere valeamus.
In quorum omnium teflimonium de certitudinem, Bulla noitra com**
munis plumbea, præfentibus eft appenfa.
Data Rodi , die feptimâ décima menfis Odobris , Anno Dominé
milleümo trecentefiniQ duodecimo. Rejmer pag.

Fin du premier Volume,

< h U
Carte Particulière de la Syrie et de l’Isle de Chypre Dressée pour t In tel(uj en t r de L'Histoire deMalte
Par Guillaume Delisle Premier Geoqraphc du Roi , de LAccademie Roy aile des Sciences.! 726-
1 5i, 5 2, 531 CÎsjfc 5t< 55, 56, ' 57, 58,
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DES ISLES RHOD IENES . Dressas pourlïntAlymxx de L'Histoire de Malte .
., - Par Guillaume Delisle Premier Géographe du Roi de l’Academie Ru. des Sciences .
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TABLE
Des Matières contenues dans ce premier Volume.
a " :

^ro#Rafched (leCalife) puiflant vient pour en former le lîege, 104.


Prince d’Orienc , permet aux Les Grands - Maîtres des Hofpita-
François, à la confideration de liers & des Templiers , à qui le Roi
Charlemagne, d’avoir un Hôpital en avoit confié la défenfe, viennent à
pour leurs Pèlerins, 13. Il lui envoyé fa rencontre, lui préfentent la bataille
les clefs du S. Sépulchre & de l’E- où il y a beaucoup de fang répandu de
glife du Calvaire avec un étendart, part & d’autre, & l’obligent à fe re¬
14. Pourquoi fes fuccelleurs n’ont tirer , ibid. & feq. La Place fe rend à
pas la meme confideration pour les Saladin après la bataille de Tiberiade,
François en Paleftine, ibid. 215. Guy de Lufignan aiïifté des Hos¬
AbbaJJides. ( les Califes ) Leur origine, pitaliers, des Templiers & de quel¬
141. Ils s’établiffent à Bagdat, 142. : ques Croifades particulières, y met le
font reconnus par tous les Maho- fiege, 233. Saladin vient en vain au
metans d’Afie , & principalement fecours des afïïegez, 236. Le Duc de
par les Turcomans Selgeucides , Suabe fils de l’Empereur Frédéric I.
pour les fuccelleurs légitimes de amene par terre des troupes aux affie-
Mahomet, tbid. Leur fchifme avec geans, mais bien affaiblies , 239. Phi¬
les Califes Fathimites , ibid. font lippe 11. Roi de France, y arrive aufll
aulïï reconnus en Egypte par l’ex- avec une flotte confiderable, 243. Il
tin&ion des Fatimites, i6z:&Sa- différé l’aifaut jufqu’à l’arrivée de
ladin, qui s’étoit emparé de toute Richard I. Roi d’Angleterre, ibid.
l’autorité dans le Gouvernement, Celui-ci s’y rend,246. Differentes cau-
en reçoit l’inveftiture, 163. fes retardent encore la prife de la Ville,
Abubekre, beau-pere de Mahomet, le 247. qui capitule enfin, 248. Les Chré¬
fécondé dans fes guerres, 10. Il eft tiens en font leur Place d’armes, 8c
élu pour lui fucceder, au préjudice les Hofpitaliers leur principale réfi-
d’Aly gendre du faux Prophète, & dence, 249. Tous les Chrétiens s’y
défigné par lui pour fon fuccefleur, réfugient après la perte des autres
11. Suites de cette éle&ion, ibid & Places de la Terre fainte, 417. C’efl: ce
141. qui caufe fa ruine , ib:d. Quels étoient
A^re > ou Ptolemaïde, Ville & Port fes habitans, 419. & feq. Ils rejettent U
fameux , dont Baudouin I. fe rend propofition faite par les trois Grands-
maître ,53. Saladin de concert avec Maîtres de donner fatisfa&ion au Sul¬
Raimond III. Comte de Tripoli, tan d’Egypte fur les plaintes qu’il fai-
TABLE DES MATIERES..
foie de la rupture de la trêve, 421. Albano.( le Cardinal d’) Son cara&ere,
Melec-Seraf fils & fuccefieur de ce 3iy. Le Pape Innocent III. le fait
Sultan l’affiege avec une armée pro- fion Légat & chef de la Croifade,
digieùfie, ibid. La plupart des Habi- ibid. Il empêche dans le Confeii de
tans s’embarquent avec leurs meil¬ guerre d’accepter les proposition^
leurs effets, 411. Henri 11. Roi de avantageufes des Infidèles, 317. &
Chypre vient à Ton fecours, 8c con¬ feq. Le fuccès fiemble d’abord jufti-
fient que le Grand-Maître des Tem¬ fier fion avis , 318. Il expofie par fia
pliers Pierre de Beaujeu en fioit fiait témérité l’armée à une perte cer¬
Gouverneur, ibid. & Çeq. Le Sultan taine , 8c oblige d’avoir recours à
tente inutilement la fidelité de ce une trêve defavantageufe, 319.
Grand-Maître, 413, Le Roi de Albigeois, Hérétiques. Leurs erreurs,
Chypre défend Ton porte avec cou¬ 291. Croifade publiée contre eux ,
rage , 8c profité de la nuit pour fie ibid.
retirer dans Ton Ifle, ibid &Jeq. Les Alcantara. ( l’Ordre d’) Son inftitutiorr,
Infidèles par le moyen d’une brèche 126. La Grande Maîtrife eft an¬
pénètrent jufqu’au coeur de laVille, nexée à la perfonne des Rois d’Ef-
&fiont contraints par lesHofpitaliers pagne,548. Il eft permis à ces Che¬
de reculer après une grande perte y valiers de fe marier, ibid,
424. Le Grand-Maître des Hofpi- Alboran , comment compofié par Ma¬
taliers fait diverfion , & va attaquer homet , 8. Ses differentes inter¬
le camp des ennemis , 425. Obligé prétations font naître differentes-
de fie retirer, 8c averti de la mort Seétes, 141. Motifs des Princes qui
de Beaujeu Grand-Maître des Tem¬ inventoient ces explications, 142.
pliers , il tourne du côté du Port, Alexandre 11/. envoyé un Légat dans
lait embarquer ce qu’il avoitd’Hof- là Terre Sainte pour être reconnu
pitaliers, 8c gagne l’ifle de Chypre, par l’Eglifie Latine de l’Orient, 134.
425. & feejj. Une tour où s’étoient Il s’aftemble à ce fiujet un Concle ài
retirezle refte des Templiers avec Nazaret, où plufieurs fie déclarent
les femmes 8c les filles pour confer- d’abord pour l’Antipape Viétor IIU
ver leur honneur, croule 8c les en- ibid. Le Roi Baudouin 111. propofe
fevelit fous fies ruines avec les Infi¬ une fufpenfion, 135. Son éle&ion eft
dèles qui les y attaquoient, 426. & enfin approuvée, 8c l’Antipape ex¬
feq. Un Couvent entier deReligieu- communié. Les Hofipitaliers y ont
fies fie défigure affreufement pour là grande part, 136. & feq. Il convo¬
même raifion , & eft maflacré, ibid’. que un Concile à Rome, & y apelle
Plus de fioixante mille perfionnes les Prélats de Faleftine, 177. Il re¬
périlTent dans ce fiege , ou demeu¬ concilie les Hofipitaliers avec les
rent efclaves des Infidèles, ibid. Le Templiers, 182.
Soudan fiait razer la Place,.ibid. Alexandre iy. établit une diftinélion
\Adrien IV. approuve'le traité conclu entre les Freres Hofipitaliers Ser-
entre Raimond Berenger 8c les vans, 8c les Chevaliers ,. 59.
Templiers, au fiujet dë l’exeeution Alexandrie enEgypte prifie parAmaury
du teftament d’Alphonfè F. 91. Il Roi de Jerufialem , 147.
xefufie db révoquer les privilèges des Alexis Comnené. V'oyez., Comnene.
Hofipitaliers, i*8. &Jef. Son défin- Akxis Lange. Voyez, Lange.
tereffement, 120, Alix,
TABLE DES M A T î E R E S.
1$U\‘, fécondé fille de Baudouin I T. caradtere 13s , & feq. Auger de Bai-
«poule Boemond 11. Prince d’An¬ ben,Grand Maître des Hofpitaliers,
tioche , 72. Elle y -caufe de grands 11e contribue pas peu à le faire re-
troubles après la mort defôn mari, connoîfre, 139. Il marche contre !ô
7 6. Baudouin fon pere lui alïigne Soudan d'Egypte , 141,144. Fait
Laodkée pour douaire & pour re¬ avec lui un traité avantageux, 34y ,
traite, 77. Elle y remue encore après 146. Remporte de gtand's avanta¬
'3a mort de Baudouin , y trouve ges fur farinée de No radin Sultan
des parti fans, 79. Le mariage de fa d’Alep , 147. Prend Alexandrie -
fille Confiance encore fort jeune, jb d. Sa pafïion dominante 149.
avec Raimond , rompt toutes des Fait un traité avec Manuel Cotn-
intrigues, 81. nene pour la conquête de l’Egypte.,
Alix j fécondé fille dTfabelle & du tbid. & 150. Et fait approuver fon
Comte de Champagne fon troifiéme projet à Gilbert d’Aftalif, Grand
mari, 385 , époufe Hugues de Lu- Maître des Hofpitaliers, aufquela
fignan Roi de Chypre, tbid. Prétend il cede la ville de Belbers, fi l'en-
à la Couronne de Jerufalem , 347. treprife réuffit, tbid. & feq. Il part
Ses defeendans font valoir fes droits avec une armée nombreufe , 154»
prétendus , 385. 411. 413. Prend BelbeïS qu'il remet aux Elbf-
.Alix , fille unique de Rupin Roi d’Ar- pitaliers, 159.Fait prifonniers lefils
menie, époufe Boemond IV; fils & le neveux du Soudan*, ët marche
aînéde Boemond III. Prince d’An¬ droit au Caire, tbid. Il accepte deur
tioche , 259. Ce qui caufe de grands millions d’or pour la rançon de fes
démêlez , 260. 286. prifonniers, & accorde une fufpen- -
'Ahnoumenim , titre que prennent les lion, 157, 158. H eft forcé de rega¬
fuccelfeurs de Mahomet : ce qu’il gner la Paleftine , & de retirer la
lignifie, 11. garnifon de Belbeïs, 139.II follidte
AIphonfe I. Roi de Navarre & d’Arra- une Croifade contre Saladin,i5j.
gon fait les Hofpitaliers & les Tem¬ Il'va lui-même demander du fecoûrs
pliers fes héritiers, 86. Il périt dans à Manuel Comnene fon oncle, Sc
un combat contre les Infidèles. lailfe la Régence aux deux Grands
Troubles aufujet de l’execution de Maîtres,tbid. Il en reçoit plus d'hon¬
fon teftament, tbid. & feq. neurs que de fecours, 168. Il meürt
„Aiphdnfe Comte de Poitiers, Frere de & lai fie deux filles & un garçon de
Saint Louis ,lui amene à Damiette deux mariages, 173. Celui ci lui füc-
un puiiïant fecours, 388. cede fous le nom de Baudouin 1 Y»
Aly, Apôtre de Mahomet, 10. époufe
fa fille Fatime, &eft défigné par lui Amaury de Lufignan , voyez. Lufignân,
fon fuccelîeur, 11. Eli chef des Ca- Amaury, hérétique. Ses erreurs 289.
lifead’Egypteou Fatimites, 38.141» Sa feéle eft détruite par les foins du '
Amalphy ( des Marchands d? ) jettent Frere Guérin Hofpitalier, 290. lies
les premiers fondemens de l’Ordre reftes fe joignent aux Albigeois,.29 ia
• des Hofpitaliers & des Hofpitalie- Afhede'e V. dit le Grand, Comte "de
res, 13. 16- Savoye. Il n’eft pas vrai qu’ii ait
Ammry fuccede au Royaume deje- fait lever le ftege de Rhodes.à Ofe- -
sufalem après Baudouin I II. -Son tomatij 4jo» •
Tome A
66(j T A B L E D S MATIERES.
Anafiafe IV. confirme & augmente les femme dont il étoit l'auteur, ibid.
privilèges des Hofpitaliers, 113. & Son fils eft rétabli fur le thrône par
feq. les Hofpitaliers aufquels il donne
'Anjou, ( Charles Comte d* ) Frere de differentes terres, 374.
S. Louis, s’embarque avec lui pour Antioche, ville de Syrie, prife par les
la Croifade, 384. Il prend encore la Croifez , à la faveur d’une intelli¬
Croix, 411. Ses prétentions fur le gence pratiquée par Bocmond 1.40.
Royaume de Jerufalem, ibid. Il en¬ Ce Prince en conferve la Principau¬
voyé un Lieutenant dans la Terre té , ibid. Son fils Bocmond 11. lui
fainte, ibid. Il fait faifir les biens des fuccede fous la tutelle de Tancrede
Hofpitaliers qui s’étoient excufez 8c enfuite de Roger, £3. Les Tur-
de prendre parti dans ce démêlé,4i3. comans en ravagent les environs, 8c
Les Vêpres Siciliennes terminent défont Roger, 64. Le Roi Baudouin
fes pourfuites ,417. II. y rétablit le bon ordre, 65. Il s’y
Andronic ComneiiQ^Foyez. Comnene. excite de grands troubles apres la
Andronic, Empereur de Conftantino- mort de Bocmond 11. par les intri¬
ple, refufe l’inveftiture de l’Ifle de gues de la Princeffe Douairière fille
Rhodes au Grand Maître des Hof¬ de Baudouin 11. 76. & /<?y. Ils font
pitaliers, 4S9. Il envoyé contre les appaifez par Baudouin , ibid. Ils fe
Latins une puilfante armée, qui eft renouvellent à la mort de ce Prince,
défaite ,493. 79. Foulques Roi de Jerufalem y
Andrés Roi de Hongrie , chef de la met fin en faifant époufer à Rai¬
Croifade. Ses bonnes qualitez, 303, mond , Confiance heritiçre de cette
Sa confiance en la valeur 8c en la ca¬ Principauté, 80. Cr/^y.Noradin Sul¬
pacité du Grand Maître des Hofpi¬ tan d’A’lep en ravage les environs ,
taliers , Guérin de Montaigu , ibid. 8c défait Raimond ,102. Baudouin
Il féjourne à Conftantinople, où il III. vient au fecours ,103. La paf-
aprend le trille accident arrivé dans fion de Boémond III, penfe y ex¬
fa maifon pendant fon abfence , citer une guerre civile, 184, 185.Il
304. Il arrive dans l’Ifie de Chypre, confent que la Principauté de cette
y conféré avec le Grand Maître des Ville releve dans la fuite de celle
Hofpitaliers , 308. En part avec le d’Armenie , 259. Bendocdar Sultan
Roi de cette Ifie, Hugues de Lufi- d’Egypte s’en rend Maître par trahi-
gnan , 8c aborde à Acre, ibid. Il eft ' fon , 8c y exerce de grandes cruau-
édifié 8c étonné de la conduite cha¬ tez, 407.
ritable des Hofpitaliers, 509. Antioche ( le Patriarche d’) eft regardé
H vifite quelques Places, rbid. Il de¬ comme le premier Prélat d’Orient :
mande d’être affocié dans l'Ordre de étendue de fa Jurifdiélion , 184. Il
S. Jean , 8c lui donne à perpétuité excommunie le PrinceBoemond III,
fept cens marcs d’argent, 310. Il & jette un interdit fur fes Etats, ibid.
met en fuite Coradio Sultan de Da¬ Suite de ce démêlé , 185. •
mas , 311. Il fe baigne dans le Jour¬ Arabie. Etat de la Religion en ce pays ,
dain , & retourne en Hongrie mal- lorfque Mahomet s’y érigea en Pro¬
gré l’excommunication du Patriar¬ phète, y.
che de Jerufalem, 312, Il abfout le Armement,Chrétiens de Religion mais
Régent de la mort de la Reine fa Schématiques ; leurs erreurs, 166,
TABLE DES MATIERES.
Révolutions dans le gouvernement aAJfaJJifjs 3 efpece de bandits dans les
civil, 16 7, 258. Ils reconnoiflenten montagnes de Phéniciedeurs moeurs
apparence l’autorité duPape,z86. Ils 169. Pourquoi ainfi appeliez, 170.
font fecourus par les Hofpitaliers Titre que prend leur Commandant,
contre Soliman Sultan de Cogni qui ibid. Marque finguliere de leur dé¬
mettoit tout à feu ôc à fang, 287. vouement à fes ordres, 171. Ils
Artois ( Robert Comte d’) s’embarque payent un tribut auxTempliers, 172.
avec le Roi S. Louis fon frere pour Leur confiance dans les fupplices,
la Croifade , 584. Il fe déclare pour 248. Pourquoi ils n’attentent point
le fiege du grand Caire : fon avis à la vie des Grands Maîtres des
l’emporte , 389. Il obtient la per- Hofpitaliers & des Templiers r 172 ,
miflîon de palier le premier le Tha- 397*
nis , accompagné des Templiers Ôc Ajjajfm, meurtrier : d’où nous vient
des Hofpitaliers, 391. Il prometavec ce mot, 170.
ferment de ne rien entreprendre que AJfalit ( Gilbert d’) quatrième Grand
toute l’armée ne foit paifée , ibid. Il Maître des Hofpitaliers $ fon carac¬
oublie fa parole après être forti de tère, 150 , iyi. Il fait approuver à
l’eau, ôc force les retranthemens fon Confeil l’entreprife d’Amaury
des Sarrafins, 39 2. Il n’écoute point fur l’Egypte , ibid. & feq. Il fait de
les remontrances des deux Grands gros emprunts aux banques de Flo¬
Maîtres , aufquelsil fait des repro¬ rence ôc de Genes pour lever des
ches fanglans,393. ni celles duCom- troupes & les frais de la guerre, 153.
te de Saliiberi qu’il maltraite auffi a honte du mauvais fuccès que l’on
de paroles, 394. Il eft ehveloppé par rejette fur lui, lui fait abdiquer le
les ennemis, fe jette aans la Maf- Magiftere, 159. Il s’embarque à
foure, ôc y périt, 39J. Jaffa, ôc repalfe en France, 160.Il
Afcalon ( la garnifon d’) fait des cour- périt en paflant en Angleterre, 161.
fes fur les terres des Chrétiens, 71. AJJïfes de Jerufalem , recueil des Loix
Les Hofpitaliers les arrêtent, 84. établies par Godefroy, 51.
ôc les Templiers, 102. Defcription AJfur , Forterelfe appartenante aux
de cette Place qui eft affiegée par Hofpitaliers, eft prife par Bendoc-
Baudouin III. 105,106. Le fuccès dar, 404.
paroît d’abord fort incertain , 107. Avoue, qualité que prend Godefroy
L’avarice du Grand Maître desTem- après fon élection, 46,
pliers en retarde la prife, 109., Elle
fe rend enfin par capitulation 112. B
Joye que cette nouvelle caufe en
Europe, 113. Vi&oire de Baudouin T) Agdat eft pris par Togrulbeg Prince
IV. auprès de cette Ville fur Sala- ^ Turcoman, 18. C’eft la réfidence
din, 175 : elle eft cedée à Saladin ordinaire des Califes Abbafiidesj,
pour la liberté de Guy de Lufignan, 142.
221 : elle eft reprife par Richard Roi Balac y un des plus puifîans Emirs des
d’Angleterre, 250. Turcomans,faitprifonniersJoflelin
Afie. Etat où elle fe trouvoit lors de deCourtenay,& Baudouin II. 66. Il
l’inûitution des Hofpitaliers * 2. & eft tué de la main du premier qui s’é-
feq> toitfauvé de fa prifon, 77. Sa veuve
PEp£ij
T A B JL E D E S M AT î ER E S.
met Baudouin en liberté, moyen¬ ques , Comte d’Anjou fion gendre.»
nant une rançon, ibid. lui fuccede, ibid.
JBancbannus, Palatin de Hongrie, eft Baudouin,1 IL fuccede à Foulques Roi
fait Régent de ce Royaume, par le de Jerufalem fon pere, 91. Il folii-
Roi André, partant pour la Croi- cite une fécondé Croifade , 94. re-
fade, 304. Vengeance cruelle qu’il leve les murs de Gara , 102. va au
sire de l’adultere de fa femme avec fecours d’Antioche, 103. prend Afi-
le frere de la Reine, en poignardant calon après un fiege opiniâtre, 105.
celle ci, 3 c6. Il va en porter la nou¬ & feq. fecourt Paneas, & donne peu
velle à Conftantinople au Roi, qui après témérairement dans une em-
le renvoyé en Hongrie,.307. Il eft bufcade de Noradin, 12.9. Il fait le¬
abfous ,312* ver le fiege de devant Suete , 130.
Baudouin 1. frere de Godefroi de Bouil¬ & feq. Il reconnoît après quelques
lon , prend la Croix , 28. Il fe rend difficultez Alexandre III. dans un
maître dp. Comté d’Eddie , 40. s’y Concile tenu à Nazaret, 133 &fcq.
xetke après la prife de Jerufalem , Il eft empoifonné, 138. Troubles au
49. fuCcede,à Godefroi, fk prend le fujet de fon fuccelfeur, ibid. Amauri
-titre de Roi j fon caradere, 52.^5-5. fon frere eft reconnu par l’entre-
Ilaffiege & prend Acre & toutes les mife du Grand Maître des Hofpi-
Places le Long de la côte de Phéni¬ taliers, 140.
cie, à l'exception de Tyr, ibid. Il !'Baudouin IV. fils d’Amauri , encore
meurt de dilîenterie, ibid. Baudouin mineur, lui fuccede, 173. Son tem¬
du Bourg fon coufin à qui il avoir pérament infirme, 174. Il défait Sa-
remis la Seigneurie d’Edeflè, lui liic- ladin auprès d’Afcalon, P75. Il eft en-,
cede, ibid. veloppé dans une embufeade , 176».
Baudouin 11. coufin & fucçelfieur de Son infirmité dégénéré en lepre ,
Baudouin I. au Comté d’Eddie, & .177. Il donne la foeur en mariage à
ênfuite au Royaume de Jerufalem, Guy de Lufignan , & fie Taifiocie »
53. Il défait deux Princes Turco- 1,87. Il eft obligé de changer cette
mans réunis avec les Arabes, 64. Il difipofition , 190. & feq. Il défigne
metnne forte garnifon dans Antio¬ pour fon fuccelfeur fon neveu Bau¬
che, éj. Il marche contre Balac, douin V..fous laRégence du Comte
PràfiCe Turcoman, qui venoit de de Tripoly : il meurt, 199..
•faire prifonpier JoÇelip ,de Çour- Baudouin V. fils de la Princdfe Sybille,
tenay, 65. Il eft enveloppé, & fait 6c du Marquis de Montferrat, eft
lui-même prifonnier, 66. Il eft dé¬ .alfioeié par Baudouin I V. fon oncle,
livré , 70. Il défait encore les deux 19. Il meurt fiept mois après lui :
•Princes Turco.mans, & reprime les fuites de cette mort .attribuée au
coprfes de la garnifon d’Afcalon, 71. poifon, 199.
iiutçe viétoire fur Doldekuvin, fui- Baudouin I. Comte de Flandres , eft
yie de la prife de Rapha ,71. Il.prp- élu par les Croifez Empereur de
îpetfa fille aînée & fa Couronne à •Conftantinople, 279. Il établit les
Foulques Cqmte d’Anjou , 72. Il Hofpitaliers dans fes Etats, 180. Il
pourvoit à la confiervation de la .alficge Andrinople, 360. Il eft fait:
Principauté d’Antioche , 7{>■',&fe,q* prifonnier par Joanille, Roi des Bul¬
$1 pigur; fort regretté 77. JpnU gares , qui le fait mourir crueil^
ment, 3 6u
T A-B LE DES MATIERES. 6Gp
Baudouin 11. troifiéme fils de Pierre Maîtres , 409. Il meurt, 415.
de Courtenay, Empereur de Conf- Bernard ( Saint ) preferit une réglé
tantinopie, vcye\ Courtenay. 8c une forme d’habit régulier aux
Balben{ Auger de ) fécond Grand Maî¬ Templiers , 74. Il prêche par or¬
tre des Hofpitaliers, i$$. Il aiïifte dre du Pape Eugene III. en Fran¬
nu Concile de Nazaret, 8c contri¬ ce & en Allemagne une Croifa¬
bue beaucoup à faire reconnoître de , 95. Il refufe le commande¬
Alexandre III. pour légitime Pape, ment général des troupes, qui lui
-124. & feef. Et Amaury pour Roi, eft déféré au Concile de Chartres,
i^.&fey. Il meurt fort vieux, 140. y6. Succès de fes exhortations fur
Beaulieu, ou Belver , Maifon de Da¬ les femmes même , 97. Il eft obli¬
mes Hofpitalieres foumife à la vifite gé de fe juftifier des mauvais fuccès
du Grand Prieur de S.Giles, 451.Son de cette Çroifade, qu’on lui impu-
origine , 452. La Supérieure prend toit, 100. Il décrit la conduite édi¬
la qualité de Grande Prieure , ibid. fiante des Hofpitaliers, 123..
Bec ( Manteau à ) forte de vêtement Berfabée. La Reine Melifende fait ré¬
- pour les Hofpitaliers, 59. parer cette Place pour arrêter les
Bêla fils 8c fuccelfeur d’André Roi de eourfes de la garnifon d’Afcalon,
Hongrie , eft rétabli fur le throne -S 4*
par les Hofpitaliers , à qui il donne Blois ( Pierre de ) prétend que le Cler¬
differentes Seigneuries, J74. gé féculier ne doit pas être alïujetti
Belbeis , autrefois Pelufe, eft pris par à la dîme Saladine, 228.
•Siracon Général de Noradin fur Boemondl. fils de Robert Guifcard,Duc
Sannar Sultan d’Egypte, 146. La de la Calabre , ravage avec lui les
-Souveraineté en eft promife aux terres de l’Empereur Alexis , 22. Il
Hofpitaliers par Amaury , 151. La prend la croix 8c va joindre l’armée
Ville eft afïïegée, 154. emportée &: des croifez à Conftantinople ,30,
faccagée, 156. Le Roi la remet aux Il entre dans Antioche à la faveur
Hofpitaliers, ibid. Ils en font rap¬ d’une intelligence qu’il y avoir pra¬
peliez , 159. tiquée^ en obtient la fouveraineté i
B&idocdar, Officier Sarrafin défait le fon portrait, 40. Il défait Quer-
Comte d’Artois auprès de la Maf- bourca , Général de Berearuc Sul¬
foure, 39$. Il devient Sultan d’E- tan de Perfe , 41. Après la prife de
gyte, & fait une cruelle guerre aux Jerufalem par les Chrétiens , il fe
^Chrétiens , 404. Il prend fur les retire à Antioche , 8c y fixe fon fé-
Hofpitaliers la forterelfe d’Alïur, jour , 49.
Sc celle de Sephet fur les Templiers B-oemond 11. fuccede à fon pere Boè*-
•par capitulation , ibid. Sa perfidie mond I. à la Principauté d’Antioche
barbare à l’égard de ces derniers 8c fous la tutelle de Tancrede, 8c en-
• de deux Religieux Francifcains, fuite de Roger, 63. Il époufe Alix
405. Il entre dans Antioche par fécondé fille de Baudouin 11. 72, Il
itrahifon , 8c y exerce de grandes eft tué dans un combat contre les
xruautez, 407. Il fe rend maître de Infidèles , 76. Troubles dans An¬
4a forterelfe de Crac, 408. Il fait tioche après fa mort , ibid. & feq*
treve avec les deux Grands Ils fin-ilïent par le mariage de faillît
ffPt ‘‘i
é70 T A B L E D E S. MATIERES.
Confiance avec Raimond frere de même détrôné par Alexis Comnene,
Guillaume dernier Comte de Poi¬ 22 .
tiers, 81. Brienne ( Jean de ) Son caraétere, 283.
Boémond III. fils de Raimond de PhilipeAugufle prié par lesChrétiens
Poitiers & de Confiance héritière de la Palefline de leur donner un Roi
de la Principauté d’Antioche , fe lui fait époufer Marie Reine de Je-
joint aux Hofpitaliers contre l’A- rufalem, ibid. Il arrive à Acre avec
poflat Melier , 168. Il efl excom¬ trois cens Chevaliers,x91. Il ravage
munié par le Patriarche pour avoir la frontière du Pays, & efl obligé
abandonné Ton époufe légitime : il de fe retirer, ibid. Il demande du
ufe de reprefailles, 184. L’affaire fecours au Pape Innocent III. 292*
s’accommode par la médiation des Il empêche le fiege d’Acre, accom¬
deux Grands Maîtres, 185. Il veut pagné des Rois de Hongrie & de
furprendre le Prince d’Armenie , Chypre. 311. Il rétablit le Château
25S. Il efl furpris lui-même & obli¬ de Cefarée ,312. Soutenu des Croi-
gé de faire un traité defavantageux, fez, il va mettre le fiege devant
259. 16o. Il avantage le Prince Damiette, 313. Il fefépare des affie-
Raimond fon fécond fils ; ce qui geans, piqué contre le Légat ,318. Il
caufe de grands démêlez, 260, allifle à rAlfembléedeFerentino^j.
2 8<j. Il donne en mariage Yolante fa fille
Boemond V. Prince d’Antioche & de unique à l’Empereur Frédéric 11. ÔC
Tripoli : Saint Louis termine fes abdique en fa faveur j les auteurs,
différends avec Hagton Roi de la de la négociation, 325.326. Il par¬
petite Arménie, 385. court l’Europe pour animer à la
Boniface VIII. La part qu’il a à l’ab¬ Croifade, ibid. Il commande l’ar¬
dication de Celeflin V. 443. Son mée du Pape Honoré III. contre
caraétere , 444. Sa conduite inhu¬ Frédéric fon gendre, 339. Il efl ap-
maine à l’égard de fon prédecefTeur, pellé à (ponflantinople pour pren¬
443. Il s’attache les Hofpitaliers & dre la régence fous la minorité de
les Templiers par differens bien¬ Baudouin de Courtenay : fes beaux
faits , 446. Il unit à la Manfe Ma- exploits malgré fon grand âge, 364.
giflrale desHofpitaliers l’Abbaye de
la Sainte Trinité de Venoufe , 453. c
Origine de fes démêlez avec Phi¬
lippe le Bel, auquel ilfufcite des CAlatrave ( l’Ordre de ) Son origine*
ennemis au dedans Sc au dehors de 125. Differentes Commanderies
fon Royaume , 459. & feej. Il reçoit des Hofpitaliers & des Templiers-
une ambalfade du Khan des Tarta- dans le Royaume de Valence, lui
res au fujet d’une Croifade, 461. Il font unies : fon Chef.lieu, 545. La
entreprend inutilement d’obliger Grande Maîtrife efl annexée à la
Philippe le Bel à quitter la France, perfonne des Rois d’Efpagne, 548.
ibid. Il meurt de chagrin d’être tom¬ Ils obtiennent la permiflion de fe
bé entre les mains des François. 163. marier, ibid.
'Botoniate ( Nicephore) détrône l’Em¬ Cal fes y nom des fuccefleurs de Maho¬
pereur Michel Ducas, & efl lui- met , 11. Leurs conquêtes furpre^
TABLE DES MATIERES. 67i
liantes, ibid & feq. La divifion fe Charlemagne. Marques de confidera-
mec entre eux : ils tombent dans la tion du CalifeAaron pour ce Prince,
mollelfe, il. fieq.
Camel ( Melic-&- ) Sultan d’Egypte, Chateauneuf ( Guillaume de ) dix-hui¬
appelle à Ton fecours le Sultan de tième Grand Maître des Hofpita¬
Damas Ton Frere, 314. Propofedes liers, 399. Fait- fortifier quelques
conditions avantageufes aux Chré¬ Châteaux & y met des garnifons s
tiens , 317. Inonde leur armée par 401. Sa mort, 402.
l’ouverture des digues du Nil, 319. Chatillon ( Renaud de ) fameux parti-
fait avec eux une treve de huit ans, fan , époufe la Princelfe d’Antio¬
ibid. Sa génerofité à l’égard de Fré¬ che, 188. Eft fait prifonnier à la
déric II. avec qui il fait une treve bataille deTiberiade, 210. Meurt
de dix ans, 341. 342. pour la foi dans les tourmens ,212.
Captivité de Babilone, nom donné par Chanoines Latins ( Chapitre de) fondé
quelques Italiens à la tranflation de par Godefroi de Bouillon dans les
laCour Romaine en deçà des monts, Eglifes du Saint Sépulchre & du
471- Temple, 46. 86.
Carac, fortereile fituée à l’entrée de Chnfi ( l’Ordre de ) établi en Portugal
l’Arabie, 317. Pourquoi les Sultans par le Roi Denis, & enrichi des
d’Egypte refufent de la rendre aux dépouilles des Templiers , 547. Eft
Chrétiens, tbid. confirmé par Jean XXII. ibid.
Cardinaux, II? promettent des mer¬ Chypre. Richard I. Roi d’Angleterre
veilles touchant la Croifade, & ne en fait la conquête, 244. Les Tem¬
tiennent rien ,226. pliers l’achctent, 245. Et en remet¬
Catalogne. Etabliftement d’un Grand tent la fouveraineté au Roi d’An¬
Prieur en cette Principauté, 547. gleterre, qui la donne à Guy de
Catholique, furnom que les Arméniens Lufignan , 220. Situation de cette
donnent à leur Patriarche, 166. Ifle,& fes difFerens Souverains,430.
Celefiin III. approuve l’Ordre des & Jeq.
Chevaliers Teutoniques, 241. Pu¬ Chevaliers de Saint Jean de Jerufalem,
blie une nouvelle Croifade malgré Voyez, Hofpitaliers. Ils lont diftin-
la treve, 251, Ses fuites, 252. guez des Freres Servans, 59.342.
Celefiin /Adonne au Supérieur Géné¬ Chevaliers, ou Chanoines du Saint Sé¬
ral des Hofpitaliers la qualité de pulchre, Voye^, Sépulchre.
Grand Maître, 406. Autre Bulle Chevaliers du Temple, V. Templiers.
du même Pape, honorable à tout Chevaliers Efpagnols, ^ôy^Calatrave,
l’Ordre , ibid. Jacques de l’Epée & Alcantara.
Celefiin V. palïe d’une cellule fur la Chevaliers Teutoniques, Voyez., Teu«
Chaire de Saint Pierre, 441. Son toniques.
attention fur l’Ordre des Hofpita¬ Chevaliers Portugais, Voyez, Chrift.
liers, 442. Les fuggeftions & les Clement V. eft élu Pape par les intri¬
artifices de quelques Cardinaux le gues des Cardinaux de la faéHon
portent à abdiquer, 443. Il périt Françoife, 463. Son caraétere, 465.
miferablement par l’inhumanité de Ses conventions avec Philippe le
Boniface VIII. fon fuccefleur, Bel, 466. & feq. Son couronnement
à Lyon. Défauts qui lui fontrepro-
444»
6ji TABLE DES MATIERES;
chez , ibid. Il forme le projet d’une Lafcaris, 358. donne les premiers
•Croifadc,8c mande auprès de fa per- commencemens à Ottoman , tige
fonne les deuxGrands-Maîtres,472, desEmpereursTurcs de ce nom^oz.
Communique deux Mémoires ira - Commanderiez Origine des premières „•
portans au Grand Maître des Tem¬ •5-0. Elles croient d’abord commu¬
pliers, 476. Publie une Croifade nes à tous ies Chevaliers, 38. Doù
pour laconquêtede l’iïle deRhodés; vient ce nom, 403,
mais fous un autre prétexte, 4S7. Commandeurs. Leur origine 8c leurs *
accorde plufteurs faveurs au Grand- fondions, 402.
Maître des Hofpitaliers , 488. Se Comnene ( Alexis) s’empare de l’Em¬
plaint à Philippe le Bel de l’empri- pire d’Orient, après avoir détrôné
îbnnement desTemplicrs, 8c les fait Botoniate, 22. eft attaqué par le Duc
remettre à fes Officiers ,515. Tem¬ de la Calabre, 8c pourquoi, ibid..
pérament qu’il prend avec ce Prince implore le fecours des Latins con--
pour leur jugement ; il en interroge tre les Turcomans, 26. trahit les
lui-même quelques-uns ,5 t8.519* Il Croifez , 8c fait un traité avec So¬
engage les autresPrinces de la Chré¬ liman, 35. & feq.
tienté à ies faire arrêter, 520. Il Comnene ( Émanuel ou Manuel ) beau-*
convoque le Concile de Vienne, où frere de l’Empereur Conrard , fait
après quelques difficultez , il pro¬ périr fon armée de concert avec les
nonce l’extinéHonde l’Ordre, 528. Infidèles, 98, 272. fait un traité avec
& feq. Tl en fait adjuger les biens Amauri Roi de Jerufalem pour la'
aux Chevaliers de Rhodes , qu’il conquête de l’Egypte, 150. fournit
fe charge de réformer ,552. Il re¬ de l’argent pour le même fujet, 153,
met le Jugement du Grand-Maî. * Sa flotte périt, 159. Son afFe&ioïi»
•tre 8c des hauts Officiers à deux pour les Latins caufede grands-trou¬
Cardinaux, 533. Il ufe de diflferens bles, 1S6.
moyens pour l’execution du décret Comnene .( Alexis II. ) fils de Manuel,
du Concile, au fujet de leurs biens, eft étranglé par Andronie fon oncle,'
5.42. & /<?y. Meurt quarante jours 272.
après le fupplice des Templiers , Comnene ( Andronie) frere de Manuel,
y 37. Le Clergé Séculier eft alïujetti à fait étrangler fon neveu Alexis II.
la dîme Saladine, 229V 8c s^empare de l’Empire, 272. Ifaac*
C'qgni ou Icon'mm ( Le Sultan de ) dé¬ Lange le fait mourir cruellement ,
fend la ville de Nicée contre les ibid.
Croifez, 37. traiteavec Alexis Com- Comnene (Théodore) s’empare de PE-
nene qui lui renvoyé fa femme 8c pire 8c de l’Albanie , 358. arrête
fes enfans, qui avoient été faits pri- Pierre de Courtenay-j 8c le fait mou--»'
lonniers à la prife de cette Place, rir, j6i, enleve plufteurs Places'à
ibid. taille en pièces l’armée des Robert fon fils, 362.'
Chrétiens, 8c implore lefecours des Comps ( Arnaud de ) Gentilhomme de
Sultans voifins, 38. ravageleComté Dauphiné , eft élû troiftéme Grand
. d’Edelfe, 8c fait prifonnier le jeune Maître des Hofpitaliers, 140. Sa
Courtenay., 102,103. eft battu par mort glorieufe, 37 iv .
les 'Hofpitaliers, 287. eft tué dans Comps ( Bertrand' de<) feiziéme Grand
üne bataille de la main de Théodore Maître des Hofpitaliers, 3 7 2. meurt
.des ,
TABLE DES MATIERES. 673
des blellures qu'il reçoit dans un fait reconnoître Seigneur, m. en
combat contre les Turcomans, 375. refufe les portes à Guy de Lufignan,
Concile de Plaifance, au füjet de la 213, fe joint à lui pour former le
Croifade, zfo fieged’Acre, Z36. époufe Ifabelle,
Concile de Clermont en Auvergne où & le porte pour R oi de Jerufalem,
la première Croifade eft réfolue, 16. Z37.eft foutenu par le Roi de France
Concile de Latran ('Troifiéme) convo¬ & les Templiers1, Z47. eft poignardé
qué par Alexandre I II. pour la dé- par deux Aifailîns, z<j,8. Marie fa
fenfe de la Terre Sainte, 177. Les fille époufe depuis Jean de Brienne,
Prélats de Paleftine y afliftent, & y Z83.
renouvellent leurs plaintes contre Conrard, fils de l’Empereur Frédéric If*
les privilèges des Hofpitaliers & des 8c d’Yolante fille unique de Jean dy
Templiers, ibid. & feej. Réglement Brienne , eft maintenu dans la fuc-
à ce fujet, 179. Conftitution en fa¬ ceflion au Royaume de Jerufalem ,,
veur des Lepreux, 180. malgré les prétentions d’Alix, 347,-
Concile de Nazaret, où Alexandre Illi 348. dont le fils Henri I„- de Lufi¬
eft reconnu, & l’Antipape Viélor gnan , reçoit du Pape Honoré III)
excommunié , 134. le titre de Roi à fon préjudice, 3^85.-
Concile de Latran (Quatrième ) convo¬ Confiant impie. Sédition en cette Ville
qué par Innocent I II. où l’on con¬ contre les Latins, 186. Les Croifez
vient unanimement de prendre la s’en rendent maîtres, & yTétablif-
Croix, 301,301. fent Ifaac> Lange détrôné par Alexis
Concile de- Lion convoqué par Inno¬ fon frere, 27 3. &feq. Ils s’en empa¬
cent I V. pour la délivrance de la rent une fécondé fois fur le traître
Terre Sainte, 376. Grégoire X. y Murfulphe, & le même Alexis, 17 6„
en convoque un fecond pour le mê¬ &■ feij. Si en font Empereur Bau¬
me fujet, 411. douin Comte de Flandres, 179.
Concile de Vienne en Dauphiné convo¬ Gorafm.ns. Leur origine, 368; Leurs
qué par Cleraent V. où l’Ordre des moeurs , ibd. Ils inondent la Pales¬
Templiers eft éceinr, fiS.&fey. tine^ 69. exercent de grandes cruau*
Confefiion. Ufage de fe confeftér l’un tez dans Jerufalem, 37CVrempor¬
l'autre en cas d^néceffité , 508.- tent Une grande viéloirefur lesChré-
Confiance, fille de Boémond II. Prince tiens , 371. fe tuent les uns les au¬
d’Antioche & d’Alix, époufe R'ai- tres, 375.’ Relation de leurs cruau-
mond frété dtrÇomte de Poitiers, > tez, 376.
81. Coradin, Sultan de Damas ,11^0fe attaà
Conrard IT I. - Empereur d’Occidéht quer lés Chrétiens ,311» Son carac¬
prend la Croix, fxî. arrive àConf- tère, 315. U ruine les fortifications
tantinople,. 98. L'Empereur Em¬ de Jerufalem , 316. marche au fe-
manuel Comnene fon beau frere fait" cours du Sultan d’Egypte fon frere ,
périr fon armée, Conrard joint ibid.
le Roi de France à jerufalem, for- Corbeil, Ptieuréde ^Chapelains Hof»
meavec lui le- fiege de Damas pitaliers, fondé en cette Ville, 324»
repaiîe en Europe, 100. Cos ou Lango y petite Ille voifine de
Conrard, fils du Marquis de Montfer- celle de Rhodes j quelques particu-
iat, défepd la ville de Tyr, 8i s^en ■ lari-tez qui U concernent, 4.98. Elle
Tome / Qim
674 TABLE DES MATIERES,
eft fortifiée par les Hofpitaliers, 8c 37. font trahis par Alexis Comnene,
devient conîfderable dans la fuite. 38. fe liguent avec le Calife d’E¬
gypte yibid. foumeteent la Natolie
Courtenay ( Joffelin I. de ) fuccede à &c la Cilieie, 40. prennent Antio¬
Baudouin I ï. fon parent, au Comté che à la faveur d’une intelligence
d’Edelle, 53. eft fait prifonnier par pratiquée par Boemond , tbtd. ar¬
Balac , Prince Turcoman , fe rivent en allez petit nombre à Je-
fauve de fa prifon, & remporte une rufalem , &ien forment le fiege, 47.
victoire complété fur Balac qu’il & feq. emportent la Place, & y font
tue de fa main, 70.. Eloge de fa va¬ un grand carnage, 44. témoignent
leur, 92. bien-tôt des fentimens plus-Chré¬
Courtenay ( Jolfelin 11. de ) fils de Jof¬ tiens , tbtdremettent la fouverai-
felin I. perd par fa moleffe une par¬ neté de cette conquête à Godefroi*
tie de fes Etats, 513. eft fait prifon¬ qui refufe le titre de Roi , 45,46*
nier par le Sultan de Cogny , 8c repalfent la plupart en Europe, 49.
meurt en prifon , 103. Croifade ( Seconde ) follicitée par Bau-
Courtenay ( Pierre de ) Prince du Sang douin 111. 94,. Louis V 11. en de¬
Royal de France, parvient à l’Em- mande la publication à Eugene 11 R
pirede Conftantinople, 31. eft arrê¬ 95. S, Bernard la prêche par ordre?
té perfidement par Théodore Com- du Pape ; fuccès die fes exhortations
nene qui le fait mourir, ibid. Ro¬ aecompagnées de miracles, 9.6. &
bert fon fécond fils lui fuccede au. Jear Ce qui l’a fait échouer, 98,1! y
refus de fon aîné, 362- périt plus de deux cens mille hom¬
Courtenay (Robert de ) fuccede à Pierre mes, 100*
fon pere , au refus de Philippe fon Cro fade( Autre) follicitée par Amauri^
aîné , 360. Les ennemis qu’il a à 16$, 8c enfuite par Baudouin 1 Y.
combattre, tbid.Sa. paillon pour une 192. La conduite bifarre 8c empor¬
jeune Demoifelle eft caufe de fa tée du Patriarche Héraclias charge
perce, 3.61, 361* de la négocier, en empêche le fuc¬
Courtenay ( Baudouin de ) fuccede à cès , ibid. & fey.
l’âge de dix ans à Robert fon frere, Croifade ( Autre) follicitée contre Sa-
fous la régence de Jean de Brienne, ladin après la bataille de Tiberiade*
364* parcourt les differens Royau¬ 2.16. Philippe IL Roi de France,
mes de la Chrétienté pour en im¬ 8c Henrill. Roi d’Angleterre pren¬
plorer le fe.cours , ibid. nent la Croix, ny. 8c l’Empereur
Çro'fade(Première)projettée par Pierre Frédéric I. 231. Ce qui empêche
rHermite,n.&réfolue auxConciles l’Efpagne d'imiter ces Princes, ibid.
de Plaifance & de Clermont en Au- Des Croifades particulières pren¬
Fergne,t6. Differens motifs dont les nent les devants, 8c afflegent Acre a
Croifez étoient animez , 27. Noms 235. La famine & b contagion affli¬
des principaux , 2.8. Ce qui empê¬ gent 1 armée des afliegeans , 237*
che plufieurs Princes de le joindre Frédéric arrive glorieufement en
à eux, 29. Leur rendez-vous géné¬ Cilieie 011 il meurt, 239. Son fils
ral , 30. Revue de toutes les troupes conduit fon armée bien affaiblie de¬
dans les plaines de Conftantinople, vant Acre, tbtd. Le Roi de France
îhafïjegent prennent ^Iicée? y arrive auflï 3 8c attend Richard ffli
TABLE DES MATIERES. c75
<Ie Henri, Roi d’Anglererre pour geufe , 315). Elle fe diiîïpe , ibid.
«donner l’affaut , 243. Celui-ci s’y Croifade ( Autre ) réfolue au premier
xend après la conquête de l’iifle de Concile de Lion con voqué par In¬
Chypre , 344, La j al o u fie fe met nocent IV, 375. Louis I X. en eft
entre les François éc les Anglais, le chef, voyez, Louis ( Saint )
3.47, La Place capitule après un ‘Croifade ( Autre) réfolue au fécond
ifiege de trois ans , 149, Richard Concile de Lion, 411. Les princi¬
prend Jaffa ôc Afcalon, fait une paux Croifez, 412.
trêve avec les Infidèles, & repallè CroifadeAutre) publiée par Clément
en Europe oi\ le Roi de France étoit V. pour la conquête de l’Ifle de
revenu bien auparavant250. Rhodes, 487. Rendez- vous géné¬
Crofade ( Autre) publiée parCeleftin ral à Brindes, 488. Les Croife-z dé¬
1 ï I malgré la trêve conclue par barquent dans le port de Limifto *
•Richard Roi d’Angleterre, 251. Elle ibid. Ils abordent à l’Ifle de Rhodes,
n’eft ptefque compofée que d’Alle- 490. Ils fe diffipent pendant les
mans f fies fuites , 252* •quatre ans que dura la conquête de
Crofade ( Autre ) formée par les dif- ■Rhodes, 493r& jee/*
cours de Foulques, Curé de Neuilly, Croifade contre les Albigeois publiée
i'&S* Les Croifez font tranfportez par Innocent 111. préjudicie à celle
-par les Vénitiens en Dalmatie, 269, de la Terre Sainte , 291.
■& prennent Zara , fuivant la Croix ( La vraye ) étoit portée dans
con vention faite avec eux , 271. ré- les combats, 210. eft prife à la ba¬
ttabiilFent îfaac Lange par la prife taille de Tiberiade, ibid.Yieft. point-
■de Conftantinople , 275. s’en em¬ rendue par Melic-el-Camel Sultan
parent une fécondé fois furie traitre d’Egypte, fuivant le traité, 3x9.
•Murfulphe , 276. & en choifilTent Croix rouge fur l’épaule droite, ordon¬
pour Empereur Baudouin , Comte née par leConcile deClermont,pour
de Flandres , 279. & fec/. diftinguer les Croifez, 27,
Croifade ( Autre ) follicitée par Jean Croix rouge àl’endroit du cœur, ajouté
<de B t ienne à fon avenement à la par Eugene 111. à l'habit des Tem¬
Couronne, 2.92. & réfolue au qua¬ pliers , 74.
trième Concile de Latran fous In¬ Croix de toile blanche à 8 pointes, at¬
nocent II I. 3 o r. Les principaux tachée fur l’habit régulier des Hof-
Croifez , 301. qui de concert avec pitaliers, du côté du cœur, 4S.
le Roi de Jerufalem , affiegent Da¬ Damas aflîegé inutilement par l’Empe¬
miette , 313. tTn nouveau renfort reur Conrard & Louis VII. 100,
arrive d’Italie, ayant à fa tête leCar- Damiette affiegée par les Croifez , 313.
dinal d’Albano Légat du Pape , 315. Et prife après un long fiege, 318. Efi:
Les Infidèles propofent des condi¬ remife aux Infidèles, 319. S. Louis
tions avanrageufes que le Légat fait s’en rend maître ,387. Elle eft en¬
rejettera 17. Le Roi dejerufalem fe core remife aux Infidèles. 396.
fépare des Croifez', 318. Prife de Dandol (Henry) Doge de Venife : fes-
Damiette , ibid. L’armée s’avance belles qualitez, 269. & /^.Négocie
dans le cœur de l’Egypte ; eft inon¬ le tranfport des Croifez en Dalma¬
dée par l’ouverture des digues du tie, 270. Reprend Zara, 271, Son
Nil, & fait une trêve defavanta- habileté dans la prife de Confiant
Qjm <1 >j
ÿ76 TABLE D E S MATIERES.
tinople , 27$. Le rétablifîement particuliers pour fon Ordre: il le
d’Ifaac Lange, 276. Et l’éle&ionde rend en même-tems militaire, ibid.
Baudouin Comte de Flandres pour & feq,. Le parcage en -trois claffes,
Empereur, 179. •57.6c en fept Langues, y 8. Offre jfes
Daps ( Ermengard ) neuvième Grand- Services au Roi de Jerufalem, 61.6c
Maître , dans des circonftances bien fignale.fon courage, Eft député
tri (les, ni Sa mort, 249. en Efpagne pour -y négocier l’exe¬
fartai ( Dom Pedro ) donne aux Hof- cution du teftament du Grand Al-
pitaliers la Cité de Borgia, 122, phonfe, 89. & feej. Accompagne
Echange qui s’en fait dans la fuite, Baudouin I II. au fiege d’Afcalon
tbid. 6c s’y diflingue, 10-$. & fe<j. Meurt
Décrétales ( les faufles fleur Auteur , dans un grand âge : fon éloge ,152.
264. Innocent II I. prévenuen leur Efi: révéré comme un Bien-heureu*,
faveur, ibid. ,ibtd
jDefhtoiilins ( Roger ) feptiéme Grand-
Maître, 181. Paffe en Europe pour
m
folliciter une Croifade, 193. Meurt p Dejfe ("le Comté d’) conquis pat
glorieufement au (iege d’Acre, 205. -*£' Baudouin, 40. La Ville tombe
Denis-Roi de Portugal établit l’Ordre •fous la puilîànce de Zerghy Prince
de Chrift, éfc défait confirmer par Turcoman, 9$. Le Sultan de Cogny
jean XXII. 547. ravage tout le Pays, 105.
Dettes particulières que les Hofpita- Edouard //.Roi d’Angleterre fait re¬
liers laifient en-mourant,-comment mettre aux Chevaliers de Rhodes
acquittées, 440. les biens immenfes des Templiers
Dimanche.Ces François-ne combattent dans fon Royaume, 548.
point ce jour-là ,25)7. Epypte «( le Calife d') fouffre que les
£)îm_e Saladwe, dmpofition générale Chrétiens s’établifîent dans Jerufa¬
en France pour *fubvenir aux frais lem,& leur yafTigne un quartier, 15.
de la guerre contre Saladin, 228. •Se ligue avec les Croifez contre lès
Ordres qui en font exempts , ibid. Turcomans, 38. Eftchef delà fe&e
J)Heas{Michel) Empereur de Confi- d’Aly ou des Fatimites, ibid. & 142.
•tantinople détrôné par Nicephare .Reprend Jerufalem fur les Turco¬
Botoniate, 2 2. mans ybc fe prépare à en Soutenir le
D tic as ( Jean ) Voyez., Vatace. fiege contre les Croifez , 41. & fecj.
>P#f//0»{Godefroi de) dixiéme Grand- Afïiege Jaffe ^ 66. Mollelle de fes
Maître , 249. Sollicite les Croifez fuccefTeurs, -143. L’un d’eux refufe
de marcher droit à Jerufalem après de donner fa main nue à un Am -
la prife d’Acre , tbid. .Négocie le bafïadeur Chrétien, 147. Saladin en
mariage d’Yfabelle Reine de Jéru¬ -éteint la fede, 162.
salem avecAmaury de LufignanRoi Eleonore, femme de Louis V I I. Prin-
de Chypre, 252. Sa mort, 2J3. cefie d’une rare beauté, mais d’une
Pourquoi l’on eonnoît peu de chofe .vertu équivoque, fuit le Roi à la
de fon gouvernement, ibid. Croifàde, 97. Le follicite en fa¬
ipHpuy ( Raimond ) Gentilhomme de veur de Raimond Prince d’Antio¬
Daufiné, premier Grand-Maître des che fon oncle paternel, 99. Oblige
^dofprtaliers, ^4. -Drefië des Statut? le Roi .par fa conduite à fortir b.r.ufe
T ABLE DE S MATIERES. 677
qnement de cette Ville, ibid. accompagné d’un de fes Moines ,
Emirs ou Soudans. Leur autorité 8c fait lever aux Maures le fiege de
l’abus qu’ils en font, iz. 145. To- Calatrave , 116.
grulbeg s’en déclare le Chef ou. Forcalquier (Guy Comte de) apporte
Sultan, 18, de grands biens dans l’Ordre des
Empire Roma n. Il commence à dé- Hospitaliers, ni.
cheoir de fa puilFanceaprcs-lamort Foulques Comte d’Anjou palfe à la
du Grand Theodofe, 8c pourquoi, Terre Sainte, 8c s’y diftingue , 71.
3. Les Mufulmans lui portent les Baudouin lui promet fa fille Meli-
derniers coups , 4. fende en mariage 8c fa Couronne,
Empire Grec. Trille état où il étoit 7_z. Il fuccedeà fon beau-pere, 76.
xéduit à la fin de l’onzième fiecle, Emre.çoic les complimens du Pape
zi, 11. Grande révolution en cette Innocent 11.78. Remedie fagemenc
.Monarchie, iji & feq. Elle eft dé¬ aux troubles d’Antioche, en mariant
membrée par lesCroifez, 180. Et Confiance héritière de cette Prin¬
par quelques Princes Grecs, 558. cipauté avec Raimond , 80. & feq*
Empofie> Châtellenie & Grand Prieuré Approuve le traité conclu entre
de la Langue d’Arragon 1 $z. Le Raimond Berenger Roi d’Arragon^
Châtelain admet à la pofièftïon les & les Dépurez des Hofpitaliers
poftulantes dans les maifons qui ,en des Templiers, 91. Tombe de che¬
dépendent, 408, val à la chalfe, & meurt de fa blef-
Efpagne reoonquife fur les Maures, fure ; ibid. Baudouin I II, fon fils lui
114. Origine de fes difFerens Royau¬ fuccede. ibid.
mes , ibid. üL’execution du decretdu Foulques, Curé de Neuiîly en Nor¬
<Concile de Vienne, touchant le mandie reprend avec libertéRichard
tranfport des hiens des Templiers I. Roi d’Angleterre,,z3o. Prêche en-
,aux Chevaliers de Rhodes, y foufFre xore une Croifade , z6S.
beaucoup de difficultez, 545. Frédéric I. Empereur d’Occident ; fes
Engene. III. fait prêcher par Saint démêlez avec le Pape Luce III.
Bernard la fécondé Croifade, 9$» l’empêchent de fecourir les Chré¬
tiens d’Orient, 194. Il prend laCrois.
F dans un grand âge, zji. Après quel¬
ques exploits allez heureux il meurt
f u4tmit.es ( les Califes.) ou d'Egypte, en Cilicie, Z59. Le Duc de Suabe
J* leur origine, 38.141. Leur fchif- fon fils conduit fon armée bien af¬
me avec les Califes AbbalFides, 14Z. faiblie devant Acre , ibid.
Ils tombent dans la mollelfe, 8c fout Frédéric //. Empereur d’Allemagne &
gouvernez par les Soudans, 143. Roi de Sicile afïiCte à l’Alfemblée
font éteints par Saladin, i6z. de Ferentino, 31.5. Epoufe Yolante
Eercntino Ville de la Campanie, on fe fille unique de Jean de Brienne,
tient tpe AlFemblée célébré pour qu’il force d’abdiquer en fa faveur,
la délivrance de la Terre Sainte, 315. ibid. Ses démêlez avec Honoré III,
fieux tu. Quercy, maifon de Dames qui l’excommunie par deux fois,
Hofpitalieres, réunie depuis à celle 318. & feq. Il s’embarque enfin 8c
de Beaulieu, 453. arrive à Acre, 336. Conduite des
fmm daus la Navarre (l’Abbé de) .Hofpitaiiçrs 8: des Templiers à fon
'Q^nv’i
é7 8 TABLE DES MATIERES.
égard ,357. Renaud DucdeSpolette Gerland de Pologne, F rere Hofpitalier,
Regent de l’Empire continue fesre- illuftre par fa pieté 8c par fa valeur,
prefailles contre le Pape qui fe dé¬ 357»
fend, 338. & feq. Frédéric le difpofe Cerand Fondateur de l’Ordre des Frè¬
à repaifer enïtàlie fousquelques pré¬ res Hofpitaliers, fe dévoue au fer-
textes , 340. Fait une trêve de dix vice des Pèlerins dans l’Hopitaï de
ans avec le Sultan d’Egypte, 341, S, Jean , 42. Eft arrêté par ordre du
Eft excommunié de nouveau 8c fe Calife d’Egypte, ibid. Eft eftirné gé¬
foumet enfin fans réferve,343. Per- néralement dans Jerufalem , 43*
fecute les Hofpitaliers 8c les Tem¬ fonde rinftitut des Freres Hofpita¬
pliers, 344, Dont il reçoit de grands liers 8c le fait approuver par le Pape
tervices dans la Paleftine, 347. Pafcal 11. 48. Meurt dans une gran¬
de vieilleftè , 54.
G Gilles (laMaifon de Saint) en Pro¬
vence, un des premiers Hôpitaux
Alliée conquifs prefque entière¬ ou Commanderies de l’Ordre de S*.
ment par Godefroy, 51. Tan- Jean, 51.
crede en eft fait Gouverneur, ibid. Godefroi de Bouillon Duc de la bafte
Xjnmier, huitiérpe Grand Maître, 206. Lorraine , prend la Croix , 18. En¬
fe fîgnaleà la bataille de Tiberiade, tre le premier dans Jerufalem, 44*.
8c meurt de fes bleftures, 210. En eft élû Roi , mais en refufe le
Garne-r (Etienne) Seigneur de Sydon titre, 4y.. Y fonde deux Chapitres-
8c de Cefarée, 8c Connétable delà de Chanoines, 46. Vifite l’Hôpital
Paleftine, fait lever le fiege de JafFa, de Saint Jean , ibid. 8c l’enrichit,.
’JS6. Charge la garnifon d’Afcalon 47. Aftemble les Etats 8c établitdes
difper'fée pour piller 67. Loix, 51. Se rend maître de Tibe¬
Gafius, cinquième Grand-Maître, 160. riade 8c de la plus grande pairie de
Ga\a réparée par les Templiers, à qui la Galilée, 52. Meurt d’une maladie
de gouvernement en eft donné en contagieufe,îé/V. Baudouin fon frere
propriété, 101. lui fuecede , 52»
Ga\an Khan des Tartares 8c Roi de Grand-Maître , nom donne au Supé¬
Perfet beau portrait de ce Prince, rieur des Hofpitaliers par le Pape
4jj. Ce qu’il en faut penfer, ibid. Clement IV. 406. Il écoit en ufage
Il entre dans le projet d’une ligue dès le douzième fiecler ibid. Le-
contre Nazer Sultan d’Egypte, 456. Grand-Maître eft à vie 8c éleélif*
Suites heureufes de cette ligue dans 48. La forme de fon Sceau , 419.
la Paleftine, ibid. & feq. Quelques Projet fans fuite d’en accorder la
ifoulevemens le rappellent en Perfe, nomination au Pape * 432, Il peur
4^7. Il reprend fes premiers defleins être dépofé avec la permiftion du
contre le Sultan d’Egypte, 8c y in- Pape, 451. -
terdfe les Princes Chrétiens en en¬ Grégoire l X. fe plaint au Grand-Maître
voyant une ambaftade au Pape, 458, des Hofpitaliers des défordres dont
Il paroît n’être pas éloigné d’em- fon Ordre étoit accufé 8c lui donné
^brader le Chriftianifme, 459. Ce trois mois- pour y remedier , 543.
qui empêche îe (accès de ces pro¬ Çregoire X. prend des mefures pour
jets, ibid. fecourir la Terre Sainte, 410, Cou-
TABLE DES MAT.IE ilE s. 679
voque le fécond Concile de Lyon Philippe U. Roi de France après la
pour le même fujet, 411. bataille de Tibériade, 6c prend la
Guérin, quinziéme Grand-Maître, Croix, 227. & Çeq*
56$. Eli tué dans une bataille contre Henry, Comte de Champagne, époufe
les Corafmkis , 371. en troifiémes noces Ifabelle, Reine
Guérin ( le Frere) Miniftre de Philipe de Jerufalem ,,250. tombe d!une fe¬
Augufte Ôi de Louis V il I. Son élo¬ nêtre 6c fe tue, 252.
ge, 290. Arrête les progrès delà Henry , frere de Baudouin, Empereur:
Seàe d’Amaury, ibid. Hit élû Evê¬ de Conftantinople, lui fuccede : fà
que de Senlis,, 296. A beaucoup de mort, 371»,
part à la vidoire de Fouvines t:bid* Henry de Lnlîgnan , Roi de Chypre a
&feq* voyez. Lufignan.
Guillaume de Tyr Hiftorien, remplit Heraclius, Patriarche de Jerufalem,
differentes places , 1 $0. Eft envoyé pafte en Europe pour folüciter une
par Amaury Ambaftadeur à Conf- Croifade, 192. Sa conduite bifarre,
tantinople, ibid. Pâlie en Europe 6c emportée , empêche le fuccès
pour folliciter une Croifade, 12.6* de fa négociation , 197. Reproches
Eft fait Légat du S. Siégé , 227. qui lui font faits, 199.
Guifcard (Robert) Prince Normand* Héréjîes, origine des principales dans
Duc de la Calabre ravage l’Empire l’Orient, 3.
Grec, 6c pourquoi, 22. D’oft lui Honoré III. écrit à André Roi de Hon¬
vient ce furnom, 34. grie, & au Grand-Maître des Hof¬
pitaliers touchant la Croifade, 303».
H fait le Cardinal d’Albano chef de
l’armée envoyée en Paleftine, 315*
Argon (d’) ufurpe en Egypte la Suites fâcheufes de ce choix, 318»
dignité de Soudan, ôc eft défait & feq. informe de la conduite des
par Amauri Roi de Jerufalem, 144, Hofpitaliers, 5c rend publique leur
a recours à l’ouverture des digues juftification, 32e. aftifte à i'affeaw
du Nil pour s’en débaralfer , ibid* blée de Ferentino, 323. détermine
traite avec ce Prince, pour fe met¬ Jean de Brienne à abdiquer en fa¬
tre en état de réftfter auxTurcomans veur de Frédéric II. fon gendre,
par lefquels il eft défait, 145. 326. Par quels motifs, ibid. excom¬
Heg. re ; lignification 6c ufage de ce munie le Comte deTripoly, 6c per-,
mot chez les Mahometans, 9. met au Grand-Maître des Hofpita¬
Heiterfeim , Seigneurie proche Fri¬ liers de fe faire juftice, 327. Ses pro*
bourg , donnée aux Hofpitaliers par cedez violcns contre Frédéric, qu’il
le Marquis de Hochberg, 454. C’eft excommunie plufieurs fois, 32S. &
la rélidence des grands Prieurs d’Al¬ feq. eft obligé de fortir de Rome,
lemagne , ibid* Ôc de fe retirer à Peroufe, 334. &
Henri IL Roi d’Angleterre promet de feq. défend aux Chevaliers des trois
prendre la Croix , pour expier le Ordres de communiquer avec Fré¬
meurtre de S. Thomas de Cantor- déric en Paleftine, 336. refufe de
beri, *92. s’en défend enfuite fous traiter de la paix, & fe défend, 33S*
difterens prétextes, 196. Marques de &feq. excommunie de nouveau Fré¬
fa modération, 197» Il conféré avec déric à fon retour de Paleftine
Cîo TABLE DÉS MATIERES.
le foumet fans réfetve , 345. écrit teftament d’Alphonfe , & fety
en Ta faveur aux Hofpitaliers dans défendent Jerufalem pendant l’ab-
laTerre Sainte, 34$. fence de Baudouin I II. 104. fe difi.
Hojpices établis à Jerufalem par des tinguentau fiege d’Afcalon, 105. &
Marchands Italiens, 15. Berceau de feq. Anaftafe IV. confirme & aug¬
l’Ordre des Hofpitaliers, 16. mente leurs privilèges, 113. &fe<j>
Hofpitaliers (les Freres) leur origine , Les Evêques de Paleftine en mur¬
15. On bâtit dans leur hofpice une murent, 11 j. & feqï &c en deman¬
Chapelle de S. Jean l’Aumônier, 16. dent inutilement là révocation au
Comment les pèlerins & les mala¬ Pape Adrien IV. 11S» &feq. DifFe-
des y étoient traitez, ibtd. 50. & rens Seigneurs leur apportent de
les Infidèles même, 43. Ils reçoi¬ gros biens , ni. Tableau de leur
vent la vifite de Godefroi, 46. Plu- conduite d’après S. Bernard , 113*
fieurs Croifez en prennent l’habit, Il s’établit difFerens Ordres en Ef-
4,7. Donations qui leur font faites , pagne à leur exemple , 124; Le re¬
48. Ils prennent l’habit régulier , & lâchement s’y introduit , 127. Ils
font les trois vœux de Religion, échouent à Paneas,i28. contribuent
*é*^.Pafchal II approuve leur infti- à faire reconnoître en Paleftine Ale¬
tut, & leur accorde plufieurs pri¬ xandre I II. 137. accompagnent
vilèges , ibid. Ils bâtilfent à Jerufa- Amauri à l’expedition d’Egypte ,
lem l’Eglife de S. Jean Baptifte, & contre l’avis des plus (âges , 151.
en Europe plufieurs Hôpitaux, 50, font mis en poffeflion de Belbeïs , .
& feq. Statuts particuliers de cet fuivant la convention, 156. en font-
Ordre, qui devienten même tems rappeliez, 159. rendent de grands-
militaire , 54. & feq. & eft partagé fervices à Amauri contre Saladin,..
en trois dalles> 57. & en fept Lan¬ 16ji &feq.perdent beaucoup de l’ef-
gues ,58. L’habit régulier, ibid. Dif- time qu’on avoit pour eux, 169. fis
•tin&ion entre les Chevaliers ce les lignaient dans une bataille contre
Freres Servans, 39,. Leurs armes^ Saladin ,176* Reglement touchant
ibid. Punition des Chevaliers qui leurs privilèges, fait auConcile de
prennent la fuite, ibid. Forme du Latran, 178. Ladivifion femet en¬
gouvernement, ibid.. Adminiftra- tre eux & les Templiers, & pour¬
tion des biens , 6o. Ils rendent de quoi, 181,182. Le Pape Alexandre
grands fervices au Roi de Jerufa¬ MI. y remedie, ibid. Ils font mal¬
lem, 61. & fecj. Première victoire à traitez à Conftantinoplfr, 186. fe
laquelle ils ont part, 64. Ils contri¬ diftinguent au fiege d’Afcre, 204^
buent à faire lever le fiege de JafFa, 240,246. font prefque tous maf-
66. & à la prife de Tyr69. fui— facrez à la bataille de Tiberiade ou
vent Baudouin II. dans toutes fes après, 209. reftent encore un an à
expéditions , 71. Bulle du Pape In¬ Jerufalem après fa prife -,-2184 em¬
nocent IJ. honorable à cet Ordre,,. pêchent la pertede Tyr, 224. Beaux
78. La part qu’ils ont à l’établilfe- coup de Croifez embralfent leur
ment de l’Ordre des Templiers, 73, Ordre par préférence à- celui des
182. La défenfe de Berfabée leur eft Templiers , 247. Ils transfèrent leur
confiée,84. Ils envoient des députez principale réfidence-à/ Acre, 249.
«n Elpagnexouchant l’exécution du Leurs grands biens, 161. Leursdi-
vifions
TABLE DES MATIERES.
Valions avec les Templiers fe renou¬ réunion avec les Templiers,ména¬
vellent, 2*5$. Ils font faits Gouver¬ gée par S. Louis, 385. Ils accompa¬
neurs del’Hlede Chypre, 268. font gnent le Comte d’Artois au palftge
établis dans l'Empire Crée par Bau¬ du Thanis, & font .défaits à laMaf-
douin, Sc en Italiej 28©, i£u Leurs foure par la témérité, 392. •& Jcq*
-grands (ervicesen Arménie, où ils Quelques particularitez de ladifoi-
font bien xécompenfez , 287. en pline qui.s’abfervoit dans leurs re¬
Efpagne., 2U8. en France ,189, Leur pas , 35)9. Innocent L. leur donne le
-conduite édifie .André .Roi de Hon¬ Monaftere du Mant-Xhabor ;avec
grie , qui demande d'être affocié le Château de Bethanie, 400. Leur
■dans leur Ordre , & leux fait une animofité contre les Templiers're¬
•^donation confiderable , 309. & feq. commence:: Ces fuites ,.40t. /Nou¬
leur valeur au fiege de Damiette , veaux réglemens touchant Üadmi-
.314,316. Us font accu fez de détour- nifixation des biens : ils nepeuvent
mer les deniers deftinez à la Groi- tefter , 402.-, 403. Ils défendent juf-
•iade leur juftification , 31D. Le -qu’à l'extrémité la forierelie d’Af-
.Comte deTouloufe meurt avec l’ha- fur, 404. & celle de Crac, 40*7.
Eit de cet Ordre en ligne de fa ca- Qualitez pour être reçû Chevalier.,
-îhalicité , 323,. Philippe 11. Roi de 408. Ceux qui auroient fait prafef-
’Erance leur fait un legs,& la Reine fion dans un autre, en font exclus,
après la mort fonde à Corbeil un 409. llsdemeurent neutres dans la
^Prieuré de .13 Chapelains de leur eonteftation entre Charles Comte
.Ordre, 324. Ils fe font juftice, avec d’Anjou , Hugues 111. Roi de
la permilïion du Pape, descruautez Chypre, 412. Le premier fait faifir.
du Comte de Tripoly, 3,17. & feq. leurs biens dans (es Etats, 413. Us
..font maltraitez par l’hmpereur Fre- .rendent par capitulation la Forte-
tderic 11. avec lequel ils refufent refte de Margat, 414. foutiennent
.de communiquer , 337.font accufez jufqu’à l’extrémité le fiege d’Acre ,
.de perfidie àfon-égard, 341. en font &.(e retirent à Limifto , 424
perfecutez de nouveau., 344. & ren¬ tiennent en refpeét les Armateurs
dent de grands fervices en Paleftine, des Infidèles, 437. Commencement
■347 .&àDomJaimeenEfpagne,dont de leurs arméniens maritimes ,438,
ils font bien récompenfez , 350. Les •Ils fortifient Limifto ,439..Réfor« .
■Evêques d’Efpagne & de Paleftine me des abus introduits par les guer¬
•renouvellent leurs plaintes contre res , tbid. & /<?y. 'Réglement tou-*
leurs privilèges , 352» & feqA\s font chant la réception des Novices ,/&
accufez de grands defordres auprès les dettes particulières, 440. Ge-
du Pape Grégoire LX, 353. Exem¬ leftin Y. & Bonifaïe V 111. fe les at¬
ples d’une Sainteté éminente en ce tachent par differens fervices, 442,
même teins parmi eux, 355. &feq. & feq. Ils ne .prennent point de .part
•Motifs des mefures .qu’ils gardent -à la révolte des Chipriots contre
avec Vatace Empereur Grec , 358* Henri de Lufignan.* 4.^0. deman¬
Us. refufent d’être compris dans la dent permiflîon au Pape de dépofex
jréve avec l’Emir de Carac,, 3 66» .Odon de Pins leur Grand-Maître,
périftènt prefque tous dans unicom- 451. Boniface V U I.’unit à Iqüf
bateontre.les Corafmins , 371. Leur Manfc :Magiftrale l’Abbaye de la
Tome I. R rrr
TABLE DES MATIERES.
Sainte Trinité de Venoufe, 453. Ils d’en lever le fiege, 66. Safedin s’en
forment une ligue contre les Sarra- rend maître, 215.
fins, 8c rentrent dans laTerreSainte, y aime ( Dom) Roi d’Arragon chafleles
456. & feq, font obligez de l’aban¬ Maures düRoyaume deValence par
donner, 437. Leurs hauts Officiers, le fecours dés Hofpitaliers, 350. auf.
483. Ils font la conquête de Rhodes, quels il donne de grands biens, 351.
493. & feq. D’où ils font appeliez Iconidm, t'oy^Ccigni.
Chevaliers de Rhodes, 496. fou- fean de fîrienné, voye7 Bricnne.
mettent les Iffes voifines 8c en for¬ fean -‘Baptijle, ( l’Eglife de Saint) à
tifient quelques-unes, ibid.font le¬ Jerufalem , bâtie par les Hofpita¬
ver à Ottoman le fiege de Rhodes , liers, 50.
504. font préferez aux Templiers, pean de jerufalem ( Ordre de Saint )
507. dont les biens leur font aju- voyez. Hofpitaliers.
gez, 35 z. Mefures fages qu’ils pren¬ jerufalem prife par les Mufulmans, 12.
nent pour s’en mettre enpoffeffion, Les Soudâns d’Egypte permettent
& conferver ceux de leurOrdre,^ 9. aux Chrétiens Grecs d’y avoir un
Difficultez qu’ils rencontrent à ce quartier, 13. Le Calife Aaron y ac¬
fujetenFrance ,143. en Italie, 544. corde une maifon particulière aux
en Efpagne &en Portugal, 544. & pèlerins François , ibuL Des Mar¬
/<?y.EnAngleterre,Edouard II. en ufe chands d’Amalphy en Italie y jet¬
plus noblement, 548, En Allema¬ tent les premiers foademensde l’Or¬
gne, ils les partagent avec les Che¬ dre des Hofpitaliers, 15, 16. Les
valiers Teutoniques, .549. Turcomans s’en rendent maîtres, &
Hofpitalieres ( les Sœurs ) leur origine, y exercent de grandes cruautez, 19.
15,16. Elles prennent l’habit régu¬ Ils en font chaffez par le Calife d’E¬
lier , 8c font les trois vœux de Re¬ gypte , 41. qui fe prépare à en fou-
ligion , 48, fe retirent en Europe tenir le fiege contre les Croifez ,
apres la prife de Jerufalem par Sa- 42. Differentes révolutions de cette
ladin , 21S. où on leur bâtit diffe¬ Ville, 43, Les Croifez l’emportent
rentes Maifons, 131.^^^81,451. au bout de cinq femaines, & y font
jQualitez requifes pour les Novices , lin grand carnage, 44. Cette fureur
453. Leur habillement, tbid. eft fuiviè de fentimens plus chré¬
jHugues III. Roi de Chypre , voyez. tiens , 45. Godefroi en eft élu Roi,
fufignan. mais en refufe le titre, tbid. La Place
jHugues Frere Hofpitalier, Comman¬ court un grand danger fous Bau¬
deur de Gennes : abrégé de la vie, douin III. 104. elle eft prife par
3/d* capitulation, 215. Triftes circonf.
I tancés de cet événement, 219. &

7 u4cqaes de l'Epée ( Ordre de Saint )


Soninftitution , 126. La Grande
feq. Elle eft remife aux Chrétiens ,
à l’exception du Temple, 342. Tous
les Mahometans en forcent, $66,
Maitrife en eft annexée à la per- On en rebâtit les fortifications> 567.
fônne des Rois d’Efpagne, 548. Il Les Corafminsla défolent, 568. Les
eft permis à çesCheyaliers de fe ma¬ Hofpitaliers y entrent 8c en forcent
rier, ibid» peu de terns après, 456. & feq.
Le Calife d'Egypte eft obligé jerufalem (l’Eglife Patriarchalede}fo
TABLE DES MATIERES. 685
principale Mofquée des Infidèles,eft cie avec fageffe le mariage deConf-
changée en Eglifeavec un Chapitre tance avec Raimond , 82. Eft élû
par Godefroi, 46. avoit été bâtie fixiéme Grand Maître, & fait Re-
par le Calife Omar fur les ruines du gent de Royaume, 165. Eft percé
Temple de Salomon, 218. Saladin de coups dans un combat contre Sa¬
en fait une Mofquée avec de gran¬ ladin , où il eft fait prifonnier, 176.
des cérémonies , ibid. eft exceptée Ne veut point être racheté, ibid.
par le traité de Frédéric II. avec le Défend courageufement une Place
Sultan d’Egypte , 541. afîiegée par Saladin: fon éloge,i8o.
Innocent 11. ( Bulle d’) honororable Eft pris & meurt de faim dans un
aux Hofpitaliers , 61, 78. cachot, 1S1.
Innocent ///.Ses bonnes qualitez,2Cf. Jourdain, neveu de Raimond de Saint
Ses préventions en faveur des fauf- Gilles, prend Tripoly, 53.
fes decretales, ibid» Il termine les Italie ( la batfe ) conquile par les Nor¬
différends des Hofpitaliers & des mands,& à quelle occahon^ i.&fey»
Templiers,. 265. & feq. écrit en fa¬
veur d’Àmauri Roi de Chypre , 267. L,
& aux Evêques de France touchant T Jlnge ( Ifaac ) fe fait reconnoître
les malheurs desChrétiens d’Orient, pour Empereur après la mort
iS^.interefîe les Hofpitaliers pour cruelle de l’ufurpateur Andronic
Leon Prince d’Arménie contre le Comnene, 271.Eft lui-même détrô¬
Comte de Tripoly, 287. fait con- né par fon Frere Alexis , qui lui
fentir les deux Parties à une trêve, arrache les yeux, ibid» Eft rétabli par
288. ordonne de prêcher une Croi- les Croifez, 275. S’alfocie fon fils
fade contre les Albigeois ,191. con¬ Alexis , 27 G.
voque le quatrième Concile de La- Lange (Alexis) fils d’Ifaac , implore
tran où la Croifadeeft réfolue, 30 j. le fecours du Duc de Suabe ôc des
Innocent IK fait prendre les armes aux Croifez , contre l’ufurpateur Alexis
Chevaliers de Hongrie contre les ion oncle , 273. & fey. Rétablit par
Tartares , 374. Convoque le pre¬ leur moyen fon pere qui l’afiocie,
mier Concile de Lyon pour la déli¬ 276. Eft trahi par Murfulphc,& pé¬
vrance de la Terre Sainte de l’op- rit miferablement par la trahifon
prefïion des Corafmins, 373. & feq. & la cruauté d’Alçxis fon oncle,
Ecrit pour le même fujet aux Evê¬ ibid» & fecj.
ques de France , 38©. Donne aux Lange { Alexis ) frere d’îfaac, lui arra¬
Hofpitaliers le Monaftere du Mont. che les yeux avec la Couronne, 272.
Thabor avec le Château de Bétha¬ S’enfuit de peur d’être livré aux
nie, 400. Croifez , 275. Profite d’une émeute
Joachim { l’Abbé ) prétendu Prophète, contre fon neveu Alexis, pour ren¬
d’une réputation fort équivoque, trer dans Conftantinople, 277. Tra¬
238. Eft confulté par Richard I. Roi hit ce jeune Prince & l’étrangle
d’Angleterre fur ie fuccès delaCroi- ibid» & fecj. Abandonne encore la
fade : fa réponfe , ibid» Ville & la Couronne qui eft donnée
ÿoubert Frere Hofpitaiier , confident par les Croifez à Baudouin Comte
de Foulques Roi de Jerufalem , l’ac- dé Flandres , 278. 2*79.
4»mpagne à Antioche, 80. Négo- Langues. Sorte de divifion dans l’Or»
Rrrr ij'
T A B L E DES MATIERES.
dre des Hofpitaliers, 58. Les digni- retour de fon voyage, qui n’a voit
tez n’y écoient point encore atta¬ pas réulïf, 418. Réglemens faits
chées en 1187, 106. pendant fonMagiftcre,^^.
Lafcaris ( Théodore ) monte par fon Louis VIL Son caraétere , 94. Il de¬
courage fur le trône Impérial qu?il mande au Pape Eugene III. la pu¬
lailfe à fon gendre Vatace, 358. blication d’une féconde Croifade,
Latran (Concilesde) VoyeT^ Concile.. 95. Prend la Croix & eft fuivi de la
Leon ou Livron Frere de Rupin Roi Reine Eleonore, 97. Défait les In¬
d’Armenie furprend Boemond I I I. fidèles au palïage du fleuve Méan¬
Prince d’Antioche, 258. 259. Et l’o¬ dre, 99. Arrive à Antioche, d’où
blige à foufcrire à un traité, defa- la conduite de la Reine le fait partir
vantageux, 160. Ce qui caufe de brufquement, ibtd. Joint l’Empe¬
grands démêlez, 285. &Jeq. Leon reur Conrardà Jerulalem, 100. Us
a recours au Pape, dont H recon- allîegent inutilement Damas, & re-
Boî-t l’aueorité, 286. Eft fecourupar palfent en Europe , ibid.
les Hofpitaliers contre le Comte de LouisIX. ( Saint ) prend la Croix, 379.
Tripoly, affidé du Sultan de Cogny,, Envoie d’abord en Paleftine des fe¬
287. Donne aux Hofpitaliers la ville cours de troupes & d’argent, 380.
de Saleph & quelques forterelfes, Part deux ans après & laifTe la Ré¬
288. Innocent III. ménage une gence à la Reine Blanche, 384. Eft
trêve entre les deux Parties, ibid. reçu dans fille de Chypre par le Roi
Lepreux. Conftitution du troifiéme Henry de Lulignan, ibid. Il emploie
Concile de Latran à leur fujet, 179. fon féjour à afloupir quelques divi-
L ’Henn it e (Pierre) entreprend de dé¬ fions, 385. Refufe d’entrer dans au¬
livrer la Terre Sainte de l’oppref- cun accommodement avec le Sultan
fion des Turcomans ,21. S’en ou¬ d’Egypte, 386. Met à la voile &
vre au Patriarche de Jerufalem qui aborde glorieufement à Damiette
propofe pour cela une Croifade des qu’il trouve abandonnée, 387. Al-
Princes Latins, ibid. & feq.En re¬ phonfe fon frere lui amene un gros
çoit des lettres pour le Pape Urbain renfort de troupes, 388. U fe réfout
11. 23. 24. Parcourt fuivant les ex-s à aller aflîeger le Caire, 389. Arrive
hortations du Pape toute l’Europe, après quelques efcarmouches à la
25.Succès de fa million, ibid. & feq. Malfoure , de fe fortifie auprès de
JLimiffo ( la ville de ) dans l’Ille de Thunis, 390. Confient après de fa-
Chypre fertde retraite aux Hofpi- ges précautions que le Comte d’Ar¬
ta-liers après la prife d’Acre, 428. tois fon Frere en tente le pairage r
•état où elle étoit pour lors, 43G. 391. La défaite de celui-ciTe fait
Pourquoi elle eft choifie pour leur tomber entre les mains des Sarra-
félidence, ibid. & feq. fins, 396. aufquels il rend Damiette
Lyon { Conciles de) L'oyez, Concile* avec une grolfe rançon pour fa dé¬
Lorgne (Nicolas) vingtième Grand- livrance, ibid. Il féjourne à Acre,,
Maître, 413, Travaille à éteindre où il reçoit des prefens du vieux de
les divîfions de fon Ordre avec les 4 Montagne, 397, 39S. Eft rappellé
Templiers , ibid. Pâlie en Occident en France par la mort de la Reine
pour en tirer quelque fecours, 417. Blanche, & s’embarque après avoir
Meurt peu de tems apres être pourvu à ce qui étoit néedtaire^c q,
T ABLE DE S MATIERES. 6
Lufignan f Guy de ) eft aftociè par Bau¬ & aborde à Acre, 308. Dontils em¬
douin IV. dont il époufe la fœur, pêchent le fiege, 311. Sa mort à Tri-
187. Cette diTpofition eft changée poly , ibid. Henry I. fon fils lui füc-
pour des raifons peu honorables à cede , ibid.
Lufignan , 1 9-0-. I'l eft cependant Lufignan ( Henry I. de ) fils ôc fuccef-
couronné par Ta politique de Ta fem¬ leur de Hugues I. reçoit Saint Louis
me Sybilte , 199. & fecj. Le Comte dans fon Ifle, 385. Le Pape Honoré
de Tripoly le trahit, roi. & /%. Il 111. lui conféré le titre de Roi de
pert la bataille de Tiberiade ou il Jerufalem , ibid. Il s’embarque avec
eft fait prilonnier, 2o8.Triftes fuites Saint Louis , 387.
de cette défaite , no. Il eft mis en Lufignan ( Hugues II. de ) fils ôc fuc-
liberté ôc renonce au titre de Roi, ceifeur de Henry I. 431.
211. Tyr refufe de le reconnoître, Lufignan ( Hugues III. de ) coufin ger¬
223. Il alîiege Acre avec le fecours main ôc fuccefteur deHugues IL 431.
des Croifez, 2 jy.Corrrard lui difpu*- Difpute la Couronne dejerufalenvà
te la Couronne après la mort de fa Charles Roi de Sicile, ôc à quel ti¬
femme , 237. Il eft foutenu par Ri¬ tre , 412. Eft délivré des pourfuites
chard I. Roi d’Angleterre ôc les- de fon Concurrent par la cataftro-
Hofpitaliers, 247. U fait un traité phedes Vêpres Siciliennes, 417.
avec fon concurrent, 248. Epoufe Lufignan (Henry 11. de ) fils ôc fue-
la Princellè de Chypre, ôc en eft fait celfeur de Hugues III. fait une
Roi par Richard, 250. Sa mort, trcve avec Melec-Meftor, 417. Qui
252. Amaury fon Frere lui fuccede eft violée, 419,Secourt Acre, 412.
à la Couronne de Chypre, ibid. Et à Confient à l’éleélion du Grand Maî¬
celle de Jerufalem en époufant Yfa- tre des Templiers pour Comman¬
belle fœur de Sybille, 255. dant de la Place , 422. S’én retire
Lufignan ( Amaury de ) Frere de Guy, fecrettement, 423. Donne Limifto
lui fuccede au Royaume de Chypre, aux Hofpitaliers pour leur fervir do
251. Epoufe Yfabelle Reine de Je¬ retraite, 428. Permet de la forti¬
rufalem , 253. Ecrit au Pape Inno¬ fier , 439. Apres de grandes précau-»
cent III. au fujet de fon Royaume tions, 447. Ses démêlez avec Bo-
de Chypre , 167. Dont il confie le niface V 111. Eft détrôné par Amau¬
Gouvernement aux Hofpitaliers, ry fon Frere dans une émeute,& re¬
268. Meurt fans avoir eu d’enfans légué en Arménie , 449. Recouvre
d’Yfabelle , 283. La Couronne de laCouronne par le meurtre d’Amau-
Chypre pafte à Hugues fon fils d’un fy J 45°*
premier mariage, ibid. Et celle de
Jerufalem à Marie fille d’Yfabelle M
d’un autre lit, ibid. Marie époufe xhib 1» oh . / I I*w: /> ’
Jean de Brienne , ibid. Ahomet, le plus habile & le plus
Lufignan ( Hugues I. de ) fils d’Amau-ry dangereux impofteur qui ait
ôc fon fuccdfeur au Royaume de paru dans P A fie , 4. Sa nailfance&
Chypre, 283. Epoufe Alix fœur fon éducation , ibid. Il afpire à la
uterine de Marie héritière de la fouveraineté de fon pays, 5. Entre¬
Couronne de Jerufalem, ibid. S’em¬ prend pour cela d’établir une nou¬
barque avec André Roi de Hongrie velle Religion , ibid. Comment il
Rrrr iij
686 TABLE DES MATIERES.'
s’y prend, ib.&feq. Son cara<5tere,<j. tre &y périt enfuite, 394.
Il fe donne pour le dernier Prophète Meandre. Viétoire de Louis VII.
ôc plus grand que Moyfe & Jefus fur les Infidèles au paxïage de ce
fils de Marie, 7. Dont il loue la doc¬ fleuve, 99.
trine & prétend feulement l’épurer, Mécah fie bienheureux Gérard ) Frere
ibid. Se fait inftruire par un Moine Hofpitalier ; fes vertus , 356. Il fe
& un Juif renégats, S. Points prin^ retire dans undéfert, 337.
cipaux de fa do&rine , ibid. Il eft Melier y Templier Apoftat, s’empare
chaifé de la Meque & prend la fuite, • de la petite Arménie fur fon neveu
9. A recours aux armes & fait de Thomas , 167. Exerce de grandes
grandes conquêtes dans l’Arabie : cruautez , fur tout contre les Hof-
Ses Apôtres & fes Capitaines, ibid. pitaliers & les Templiers, ibid. Li¬
10. Réunit en fa perfonne le Sacer¬ gue contre lui, 168. Il eft tué, 1S6.
doce avec l’Empirej ibid. Défigne Suites de fa mort, 258.
pour fon fuccelfeur Aly fon gendre, Melifende fille de Baudouin II. & fem¬
n. Abubekre fon beau-pere lui eft me de Foulques fon fuccelfeur , 72.
préféré par le crédit d’Omar , ibid. 77. Gouverne pendant fon abfence
D’où naillent les deux Sedtes , des & arrête les courfes des Infidèles,.
AbbalTides ou d’Omar à Bagdat : & 84. Ses prétentions après la mort de
des Fatimites ou d’Aly en Egypte, fon mari, 92.
■ibid. 141. Nom de fes fuccelîeurs , Meque ( la ) Ville de l’Arabie Petrée ^
11. ôc patrie de Mahomet, 4. Ignoran¬
Mahomet ans 3 Voyez. > Mufulmans. ce générale de fes habitans tous
Mamelus3 corps de troupes inftitué Idolâtres, 5.
par Saleçh Sultan d’Egypte 3S1. Ce Mejfor ( Melec-el- ) Sultan d’Egypte ,•
que fignifie ce mot, ibid. Il fournit emporte & fait ra?erTripoly , 417.
plufieurs Sultans, 404. fait une treve avec Henry I J. Roi
Margaty Château fur les confins de la de Chypre, ibid. Se difpofe à aille-
Judée donné aux Hofpitaliers qui ger Acre & meurt , 411;
le fortifient, 180. Eft alîiegé par Miehieli (HenryJ Doge de Venife
Melec-Sais Sultan d’Egypte, 414. remporte de grands avantages fur
eft rendu par capitulation après une les Infidèles, & en profite, 67. &
vigoureufe réfiftance, & rafé, 415, feq. ;-
416. Molay (Jacques de) Grand-Maître
Marie Reine de Jèrufalem, fille d’Yfa- des • Templiers,, conféré avec le?
belle ôc de Conrard de Montferrat, Pape à Poitiers, 4.76. Répond au
époufe Jean de Brienne , 183. premier mémoire qui lui avoitété
Marie Princelfe d’Antioche, fille de donné, touchant une Croifade ,478.
Boemond I Y. cede fes droits à la & feq. & à un fécond touchant
Couronne de Jerufalem à Charles l’union de fon* Ordre à celui des
Comte d’Anjou, 412. Hofpitaliers, 481; & feq. Eft arrêté
Martel {motion de ) aux Dames Hof- par ordre de Philippe le Bel, 510,-
pitalieres, 453.. A veu prétendu qu’il fait de* crimes
MaJJèure, Place fituée à moitié chemin impucezvà fon Ordre, 520. Il com-
de Damiette au Grand Caire, 389* paroît devant lès Commilfaires, 8c
Le Comte d’Artois s’en rend mai. demande perraillion de prendrem
TABLE DES M A T I E R E S. 6*7
Confeil, ne fçaohant ni lire ni écri¬ Moravie ( le Comte de ) frère de la
re, 523* Défavoue avec étonnement Reine de Hongrie, deshonore la
& menaces la confefïion qu’on lui femme de Bancbannus Régent du
attribuoic , 525. Demande detre Royaume 3 fuites de cette infulte ,
renvoyé au Pape, 514. Parole de¬ 304. & feq*
vant lesCômmiiraires Apoftoliques, Mnrfulphe, Prince de la famille Ducas,
533. Perfide avec fermeté, à l’afpeéfc féduit Alexis Lange, 276. fait élire
du bûcher, dans le defaveü de fà en fa place Nicolas Canabe, 277.
première confeflïon, 535.536* & au Mufitlmans, ce que fîgnifie ce nom s
milieu des fiâmes même, ibid.ftf. 10. Leurs premières conquêtes n.
‘4Montagne ( Vieux ou Seigneur de la ) & feq. Ils fe rendent maîtres des
titre duchefdesAfTafïtns, 170.Mar¬ Saints Lieux, 6c impofent un tribut
que finguliere du dévouement de fur tous les pèlerins étrangers ,12,
les fujets à Tes ordres, 171* La plu¬ 13.font dépouillez d’une grande par¬
part des Souverains lui envoyent tie de leurs Provinces par les Tür-
des préfens,& pourquoi,ibidi^ÿj. Il comans, 18. & feq. fe joignent à eux v
paye un tribut aux Templiers, 172, contre les Chrétiens, 63.
Il offre à Amauri de fe faire bapti-
fer, ibid. Son Envoyé eft tüé en s’en N
retournant, par un Templier, ibid.
Il envoyé des préfens à S. Louis* Icee allîegée 6c prife par les Crob
-au lieu de ceux qu’il lui avoit de¬ fet qui la remettent à l’Empe¬
mandés , 397,398.. reur Alexis, 37.
Montaigu (Guérin de)treiziéme Grand Nicolas /n accorde un foible fecours
Maître, 285. fecourt Leon Prince au Grand-Maître des Hofpitaliers,
d’Arménie par ordre du Pape Inno¬ 418. fe donne de grands mouve-
cent T 11. 287. reçoit un bref d’Ho- mens après la prife d’Acre auprès
noré 111. au fujet de la Croifade, des Princes Chrétiens, Grecs , 6c
305. conféré avec André, Roi de même Infidèles, 431 .& feq. Toutes
Hongrie dans ITfle de Chypre, 308. fes mefureséchouent, 434.
afllfte à l’affemblée de Ferentino , Noradin, Sultan d'Alep j fon caraéfere,
325. parcourt l’Europe pour en ani¬ 93. Il défait Raimond Prince d’An¬
mer les Princes à la Croifade, 326. tioche, 102. prend de reprend Pa-
refufe en Paleftine de communiquer neas , 1283129. afïiege inutilement
avec Frédéric 11. excommunié par Suete,i3o. 131. ne veut point fe pré¬
le Pape, 337. Sa mort, 345. valoir de la mort de Baudouin pouç
Montferrat (Conrard de) voyez Con- attaquer les Chrétiens, 138.échoue
rard. . ; j , ) h après quelques fucccs dans une en¬
Montferrat ( le Marquis de ) chef de treprise contre l’Egypte, 145. fe¬
la Croifade formée par les difeours court à propos le Soudan d’Egypte
de Foulques Curé deNeuilly, 269. contre Amaüry , 158. confirme Sa-
obtient en partage le Royaume de ladin dans la qualité de Soudan qu’il
Theflfalonique, 280. n - avoit prife à l’exemple de Siracon,
/Montreal, ForterelTe fituée à l’entrée 162. éteint la feéle des Califes Fati-
de l’Arabie , importante pour les; mites, ibid. Politique de Sajadin *
infidèles, 317. -iv. ;i A : envers lui & envers fon fils4 qutf
6SS T A B L E. D ES- MATIERES.
•dépouille enfin d’une bonne partie Pafchalll approuve l’inftitut des Hof-
de Tes Etats, 163, 164. pitaliers , & leur accorde plafieucs
Normans ( quelques Gentilshommes ) privilèges, 48.
conquerent la baffe Italie , & à Payens ( Hugues de .) Inftituteur des
quelle occafion , $1. & fec/, . Templiers, 72. fait -approuver fcm
No vices dans l’Ordre des Hofpitaliers, inftitut au Concile de Troyes, &
réglement touchant leur réception , enfuire au Pape, 73. tâ feq. repafle
440. dans la Terre Sainte, 74, Son.ava¬
o rice retarde laprife d’Afcalon, 109.»
Il répare fa faute,
s\Mar, codfin, apôtre & capitaine Pelage commence à délivrerTEfpagne
^ de Mahomet, io. fait élire Abu- de la domination des Maures, >124*,
-bekre pour lui fucceder, au préju- Pèlerinages : Je plus célébré de tous,
•dice d’Àly defigné par le faux Pro¬ Le fuccès de la première Croifade
phète pour remplir fa place, 11. les rend plus fréquents, 49. C’écoit
Otken de Saxe, quatrième compétiteur -l’objet d’une partie du culte des
de PhilippeDûc de Suabe, 273. for¬ Chrétiens, comme des Infidèles à
me une ligue formidable contre Phi¬ l’égard de la Mecque, 317-
lippe Augufte, ify eft défait hon- Philippe II. Roi de France reçoit une
teufement à la bataille de Bouvines, efpece d’in veftiture des Lieux iaints,
296. abdique l’Empire, 301. a95. prend la Croix , 227. hvyverne
Ottoman, tige des Empereurs Turcs de ùMeiïine avec Richard KRoid’An-
ce nom j fon origine , 500. Ton ca- gleterre, 238. en part brufquement,
iraéfere, ibid. Il afliege Rhodes inu¬ arrive à Acre dont il diffère l’af-
tilement, 504. -faut jufqu’à l’arrivée de Richard y
243, fe déclare pour Conrard con¬
1D- tre Guy de Lufignan, 247. tomba
malade , &c repalïe en France, 349,
)Aneas/ Ville de Phénicie, prife & *50. nomme Jean de Brienne pour
reprife par Noradin, 128 , 129* mari de i’heritiere de la'Couronne
Papes, leurs prétentions fur le tempo¬ de Jerufalem , 283. gagne Ia;bataille
rel des Rois,-odieufes , 24. Leurs de Bouvines contre Othon W. & y
démêlez avec des ‘Empereurs d’Al¬ fiait des prodiges de valeur :.fa con¬
lemagne au Tu jet des inveftitures-, fiance dans le Frété Guérin., 2-9 3. &
29. Leurs motifs dans la conceffion feq. légué cent mille livres aux Hofi.
des privilèges des Hofpitaliers , 123. pitaliers, dont la Reine fa-veuve
Leurs maximes touchant les con¬ fonde un Prieuré de 14 Chapelains
quêtes fur les Infidèles, P37. Ils font à Corbeil, 314,329,
appelletSeigneurs fpirituels& tem- Philippe-le Bel. Origine de Tes ffême—
porels de la'terre Sainte, en pré lez avec Bonifaco V LIL 459. Son
ferice mêmeffu Roi, ibid. Ils fe re¬ caraélere, 460,462.- Le Pape lui
gardent comme les chefs fouve- fiifcite des ennemis au dedans & au
rains dans les Croilades, 292. Ils fe dehors de fon Royaume., parmi les¬
fervent du prétexte des Croifades quels ©n meïto&les Templiers, ibid.
pour leursihte-rêts particuliers, 316> lLtefufè de-prendre daf Croix, fui-
V,*., 461* vaut les intentions du Pape & du
Kan
TABLE DES MATIERES. 689
Khan des Tartares, ^6u& Jeq. Po¬ Touloufe, prend la Croix, 28.
litique avec laquelle il conduit l’é- Raimond JL ilîu de mâle en mâle du
leétion de Clement Y. avec lequel précèdent, époufe la fille de Bau¬
il prend toutes fes furetez ,466. & douin II. veuve de Tancrede, 174.
feq. 11 honore de fa préfence la cé¬ Raimond III. fils de Raimond II.
rémonie de fon couronnement à : Comte de Tripoly, & Régent dü
Lion, 470. lui propofe l'extinction Royaume fous Baudouin IV, 174.
entière de l’Ordre des Templiers, affiege Damas, ibid, reçoit de l’ar¬
ibid. renouvelle fes pourfuitcs, & gent pour fe retirer, 173. s’oppofe à
les fait tous arrêter, 509., 510. pa¬ l’affociation de Guy de Lufignan ,
role très jaloux des droits de l’Epif- & eft encore fait Régent, 188. eft
copat, 516. permet pour la forme, foupçonné de la mort de Baudouin
que les Templiers foient remis aux V. 199. traite avec Saladm contre
Officiers du Pape, 517, fe rend au Guy de Lufignan & les Templiers ,
Concile de Vienne avec une Cour 202. Suites de fon apoftafie & de
nombreufe, 518. confent avec peine fes trahifons , 203. & feq. fournie
àd’union des biens des Templiers à Saladin en exécution du traité dont
ceux des Chevaliers de Rhodes , celui-ci fe mocque, 225 meurt Ma-
j 32. fait brûler vif le Grand-Maître hometan dans une efpece de frené-
& quelques Officiers, 536. meurt fie, ibid.
dans l’an , 537. Raimond Berenger, Comte de Barce¬
Pins (Odonde ) vingt-deuxième Grand lone & de Provence , prend l’habit
Maître : fon caraétere , 450. Plain¬ de-Templier, 85.
tes portées à Boniface VIII. de fon Raimond Berenger I I. époufe l’héri-
indifférence pour les armemens , tiere d’Arragon, &: en gouverne5les
4ji. Il eft cité à Rome , .& meurt en* ■ Etats, 88.entre en compofition tou¬
chemin, tbid. chant l’exécution du tefiament d’Al-
Portugal(Alphonfe de )onziéme Grand phonfe I. 90.
Maître j fes bonnes & mauvaifes Raimond, frere de Guillaume , Comte
qualitez, 255. Il entreprend de ré¬ de Poitiers,époufe Confiance héri¬
former fon Ordre, en commençant tière de la Principauté d’Antioche ,
par lui-même, ibid.&feq. ne réuffit 81. &feq. y faitune réception con¬
pas & abdique , 258. périt dans une * venable à Louis V 11. & à la Reine
guerre civile en Portugal, tbid. fa nièce, 99. qui demande pour lui'
Précepteur ; commiffion dans l’Ordre du feceurs au Roi fon mari, ibid. Il
des Hofpitaliers, 60 Les Comman¬ périt dans un combat contre Nora--
deurs leur font fubftituez, 403. din Sultan d’Alep. 102.
Prieurs ; leur origine & leurs fondions, Raimond, Comte de Tripoly eft avan¬
403. Ils repréfentent l’Evêque , 8£ tagé par Boemond 111.; fon pere,
en ont les ornemens en officiant, au préjudice de fôn aîné', z6o. at¬
409. taque Leon Roi d’Arménie, 28*. eft
Pt demande ou Acre, voyez Acre» défait avec fes alliez par les Hofpi¬
taliers , 287. Trêve entre les deuX
R Partis, ménagée par le Pape, 288.
j4imond Dupuy, ^aye^Dupuy. Ses violences à l’égard des Hof¬
Raimond de S. Gilles , Comte* de pitaliers 3 aufquels il eft obligé de
Tome h
690 TABLE DES MATIERE S.
faire fatisfaclion327 , 3 zS. tilement par Ottoman, 504. S’il eft
Ramre, frere d’Alphonfe L de Moine, vrai qu’Amedée V. en ait fait le¬
Abbé Sc Evêque, devient R'pid’Ar- ver le fiege , tbid. & feq. Elle eftr
ragoto , 87.: épouife Agnès, fceur des fortifiée Sc devient flonffante, 506.
Comtes de Poitiers & d’Afitioche, Richard./. Rot d’Angleterre prend la
88. marie Pétronille fa fille à Rai¬ Croix, i,o. eft repris par Foulques
mond Berenger* Sc retourne à fon -Curé de Neuilly, 130. & confulte
Couvent, ib.tl. l’AbbéJoachinsv i^S.hyverne en,Si->
Rat ( Geotroi le ) douzième Grand- ■/j çileavecPhilippe11.23,8 ..s'emparede
Maître ‘y fon-caraélere, 258. Il fe l’ifle deChypre qu’iil vend auxTe m-
plaint au Prieur d’Angleterre du pliers en.arrivant à Acre,244. fe dif-
trille état des affaires de hOrdte , ;thrgue àla prifedeoettePlace, 24^
161. confie de concert aveçAmÆuri prend aufiî Jaffa Sc Afcalon, Sc fait
Rbi de Chypre le go u.vdrn fendent de i. une trêve avec les Infidèles, zjo.
cette iJdeàdesChevaliers dfe (en Or¬ •u, fa/it.époufer la.Princeffc de Chypre
dre, 168. cil d’avis depmbnger la à GuydcLufignan, Sc lui en donne
t r é v èav e c S al ad i n, 284;.,Sa rmorit, d 8 5. la fouvetaineté, ibsd. repalfe en Eu¬
Refponjïons, contributions ordinaires rope, ibil.
de.chaque Cnmmandbria, 4®^ ■Rtfhard , .Comte de Cornuailles, Sc
Revel ( Hugues de ) dix ^neuvième . frere*^ Roi d'Angleterre, conclut
; jGrand - Mafccfc.,; 401; établit une une trêve alfez avantageufe avec le
•; .'nouvelle fiûCfoajdaus. i’adfpinjffra- 1 : Soudan ,d’Egy-pte ,,; 3 66. 'Quelques
tion des biens , -,@c les dri-fpo fit ions FJ4c.es fonueftitnées aux Chié riens,
. ; en cas de mort, 402, 40^. tient en- Sc Jçtufalem déparée , 367.
,core plulîems ,Çhapitçes généraux Rtg&.i-parent, de Bqcuwtnd, eft fait
. >où il fait divers, tégk>ni*8i#34<ïS , [• Régent cfe-.la Principauté d’Antio¬
. 409. conclu,d une r,cév.èayé«4e Sou¬ che, 63. eft battu parles T.urco-
dan d’Egypte, Sc paiîqenitàlief/é/d. :,ri£?2R$ réunis avec les Arabes,
affifte au fécond Concile, de LioA Rupin, Roi de la petite Arménie, après
dans une place dillinguée,4ti» Con¬ .. i’Apoftat Meher dont il s’éroit dé-
duite fa,ge qu’il tient daolsda contef- •j; fuit , 186. eft xrahi par Boémondllî.
. ration du Comte d’AujquUveç (Hu¬ -,. Pripce d’Antioche, 2,59. A-lix fa fiile
gues dç L ufignanSWilde- Chypre. .... Unique-époufe P aîné de Bo-èmond ;
Rhodes j fes diffèi-emes révolutions, ce qui caule de grands démêlez,26oa
A 474., Guillaume de Vil la re r, G ran d- ; 186.
.. Maître des Hofpitaliers , forme le S
delfein de da, capquerin, ibiR &feq.
Clément Y. fait .publier, une Groi* ç jfadin , -frere de Saladin lemparè
t ..fade à. ce fujet, mais fous un ^urre D de fes Etats après-fa mort, 451.
prétexte, 487. Ee Grand Maîtr.een alîtege Jaffa après la rupture dut
/îesxande l’inveftiture à l’Empereur iraité par les Chrétiens , 252, re¬
Aijdronie qui la lui refufe, 489. Les nouvelle la trêve pour fix ans , ib.d*
• Æîroifez y abordent, 49 0. .Quelques offre encore de faire des conditions
.< 'partieularitez touchant rc^tte Ille , avantageufes ahx Chrétiens , rejet-
.. .491. feq, La conquête en dure tées par les Templiers, 2S4. partage
' quatréons, 49$. elle eh afflegée itru- fes Etats entre fes quinze enfana p
ir4*
T A B l e: d e s . MAT t E: R E S. (9x
Sotâ ( Melcc ) Sultan d Egypte rompt Salee'i y Sultan d Egypte ne veut en¬
la trêve Elite par Bendocdar fon tendre à aucunes propofitions tou¬
prédécdfeur, 414. eft battu par les chant le rachat de plufieurs Cheva¬
. Hofpitaliers , ibtd. affiege &c rafé liers , 381. Beaux prétextes dont il
Margat, 415. s’empare du Château fe fert, z8z , 383.
de Laodicée , & efl tué à la veille Saleph, Ville d’Aimenie donnée par le
de plus grandes conquêtes , 417. Prince Leon aux Hofpitaliers avec
Salade, jeune avantrurier : Tes premiers quelques Châteaux, zSS.
commencemens,. 147. Il défend vif Salgue7g, Turcoman dont la mémoire
goureufement Alexandrie , & eft étoit en finguliere vénération par¬
fait Chevalier par Onfri de Tho- mi les Barbares de ce nom , 18. C’eft
ron , 148. eft fait Soudan d’Egypte le chef des Princes Selgeucides ,
après la mort de Siracon fon oncle, 19.
161. Sa politique à l’égard de No- SahJberji ( le Comte dç ) Seigneur An-
radin dont il n’étoit que Général. glois, s’oppofe inutilement à la té¬
tb>d. &feq. Il éteint la feéfce des Ca¬ mérité du Comte d’Artois, 394. pé¬
lifes Farimites, 162. s’arroge toute rit avec lui, 396.
l’autorité , foit pour le fpirituel , Sanche III. Roi de Caftilie confie le
foit pour le temporel,163. Son ca- gouvernement de Calatrave aur-
radlere, tbid. dépouille le fils de No- Templiers, 125. en offre la pro¬
radin dont il avoitépoufé la veuve, priété à qui en fera lever le fiege :
de la meilleure partie de fes Etats , fuites de cette offre , izj &feq.
164. ravage la Paleftine , ibtd. eft Sanche} Reine d’Arragon fonde le fa¬
battu par Baudouin I V. 175. le fur- meux MonafteredeSixene, 251. s’y
prend dans une embufcade , 176. retire, 234.
arrête les courfes de Renaud deChâ- Sannar, Soudan d’Egypte eft dépouillé
tillon , \88.&Jq. attaque les Chré¬ de fa dignité par d’Hargan ,144. eft
tiens de concert avec le Comte de rétabli par Siracon Général de No-
Tripoly , 102.. gagne la bataille de radin , 145 , 146. eft fecouru par
Tiberiade , où Guy de Lufignan eft Amauri contre celui-ci, 147. &
fait prifonnier, 108. poulfe fa vic¬ Ay-
toire, 115. prend Jerufalem par ca¬ Santon ( l’Hôpital de S. ) à ConftanU-
pitulation , 216. Marques de fa clé¬ nople , donné aux Hofpitaliers par
mence, 2.17. Il met en liberté Guy Manuel Comnene , a86.
de Lufignan qui renonce au titre de Seigneur ; étimologie de ce nom , 170.-
Roi, 221. afïïege Tyr, dont Con- Le chef des Alfaffins prend cette
rard fait lever le fiege , ibtd. & fsq. qualité, tbid.
ravage la Principauté d’Antioche , Sephet, fortereiTe des Templiers prîfe
& fe mocque du traité fait avec le par Bendocdar , par capitulation ,
Comte de Tripoly , 225. perd la 405. La garnifon fe laiftè égorger
ville d Acre ap: ès un fiege de trois plutôt que d apoftafier , tbid. Le
ans, 249. meurt à Damas, 250. Par- Prieur 6: deux Religieux de Saint:
ticularitez & fuites de fa mort, 251. François font écorchez vifs, ibtd.
Safadin fon freie s’empare de pres¬ Sepulchre ( le Saint ) tribut impofé par
que tous fes Etats , au préjudice de les Mahometans fur les pèlerins que
Les enfans, ibtd. la dévotion y conduit, 13. Le Calife-
S ss s ij
é9i TABLE DES MATIERES.
Aaroneti envoya les clefs àCharle- 234. Le Châtelain d’Empofte re~
magne , 14. pourquoi épargné par çoit la permiffion d’y admettre les
les Turcomans , 19. Les Croifez Poftulantes, 408.
vont s’y profterner après le fac de Soliman,Sultan. deCogni, voye^Gogai.
Jerufalem, 45. Godefroi y eft cou¬ Soudans, voyez. Emirs.
ronné , 4G. Ce Prince y fonde un Suc te ( le Château de ) eft aftiegé par
Chapitre de Chanoines Latins yib:d. Noradin, 150. Baudouin III. en fait
8c y dépofe les Aflifes, ji. Les clefs lever le fiege , tbid.
en font préfentées à Philippe I L Sultan y ou Chef des Emirs j titre pris
Roi de France ,195. Tout le monde par Togrulbeg, 18.
y accourt la veille de laprifede Je¬ Sybille, fille d’Amauri époufe Guil¬
rufalem , h 6. Les Chrétiens Sy¬ laume , Marquis de Montferrat ,
riens en confervent la garde pour 173. & en fécondés noces Guy de
quelque tems, 219. La dévotion à Lufignan, 187. eft foupçonnée de la
ce S. lieu, caufe des guerres avec mort de Baudouin V. Ion fils du pre¬
les Infidèles * 517. Les Corafmins y mier lit, 199. réuilit à faire recon-
exercent des cruautez abominable», noître fon mari pour Roi, 200. &
570. LesSarrafins l’avoient toujours fecj. Sort de Jerufalem prife par Sa¬
refpeété, 57S. ladin , qui lui donne des marques de
Sépulchre ( les Chevaliers du S. ) éta¬ •clémence, 216. abandonne Afcalon
blis par Godefroi IV. font faits hé¬ pour la liberté du Roi , 221. meurt
ritiers d’Alphonfe, 86. de contagion j fuites de fa mort 9
Seruf ( Melec- ) fils & fuccelfeur de 237 .& .
Jeq
Melec-Meifor, ailiege Acre avec T
une armée prodigieufe, 421. prend
la Place après une vigoureufe réfif- dncrede, neveu de Boè’mond l’ac¬
tançe , 8c la fait ra fer aulïï-bien que compagne à la Croifade, 3 t. Ses
les autres de Paleftine , 427. enfans , 33. Son attachement à Go¬
jServans ( Freres ) troifiéme claiTe des defroi , 49. Il eft fait Gouverneur
Hofpitaliers, 58. font diftinguez des de la Galilée, 52. Et Régeiat de la
Chevaliers , 59 , 542. Principauté d’Antioche, 63.
Siracon confident & Général de Nora- Temple ( l’Eglifedu ) voye^ Jerufalem
din, fecourt & rétablit le Soudan ( l’Eglife Patriarchale de )
d’Egypte, , 146. fe venge de Templiers;leur origine,72. Leurinftitut
fon ingratitude par la prife de Bel- eft aprouvé au Concile deTroyes,73„
beïs, ibid. eft battu par Amauri , 8c confirmé par le Pape Honoré 11.
147. fecourt encore le Soudan d’E- 74. avec leur régie drelfée par S.
.gypte , 159. le fait poignarder , 8c Bernard, ibid. Leur habit, ibid. Leur
prend la qualité de Soudan, 161, Ordre devient nombreux 8c riche; il
meurt peu après ; Saladin fon neveu eft préféré à celui des Hofpitaliers >
lui fuccede, ibid. yj.RaimondBerengerComte deBar-
gixene, Monaftere magnifique d’Hof- celone en prend l’habit,8y.Alphon(e
pitalieres, fondé par Sanche Reine Roi de Navarre & d’Arragon les
'«TArragon , 251. & feq. Quelques fait fes héritiers î fuites de cette
particularitez qui le concernentÿ difpofition , 86. & fetj. Ils relèvent
jjtbidf Ça Reine Sanqhe s’y retire ? les murs de Gaza dont ils font faits
TABLE DES MATIERES. %
'Gouverneurs ,ioz. défendent Jeru- Ils engagent leurs terres à Philippe
falem pendant Tabfence de Bau¬ le Hardi, 410. Leur Grand-Maître
douin III. 104.. fe diftinguent au alîîfte au Concile de Lion dans une
fiege d’Afcalon dont ils avoient re¬ place djftinguêe , 411. & eft él$
tardé la prife, 105. & feej. Leur Commandant d’Acre pendant le fie-
Grand Maître eft fait prifonnier par ge, 412. Marque de fa fidelité, 423.
Noradin, 119. Us ne prennent point Il eft tué , 8c le peu de Chevaliers
de patt à la tentative d’Amaury fur qui échapent , fe retire dans Tille
l’Egypte, 153. Leur Grand Maître de Chypre, 425.^ feq.Ils y fomen¬
eft fait Régent du Royaume , 16$. tent la révolte contre Henri de Lu-
eft pris dans une bataille , 8c refufe fignan, 449. font accufez d’avoir
d’être échangé , 176. La divifion fe offert à Boniface VIII. de l’argent
met entre eux & les Hofpitaliers , contre Philippe le Bel ,462. qui
181. Le Pape y remedie, 182. Ils oblige Clément V. de prendre des
contribuent à Taffermilfement de mefures pour leur extinéüon, 470.
Guy de Lufignan fur le thrône, 200. Ils font chargez de crimes énormes,
fe diftinguent contre Saladin, 204, j o 8. & feq. 8c arrêtez par ordre du
205. font prefque tous tuez dans la Roi : par quels motifs, 510. & feq.
bataille de Tiberiade ou après, 209. Le Pape en fait grand bruit d’abord,
& feq. achètent Tille de Chypre , 513. Leur procès s’inftruit par toute
24j. fe lignaient au liege d’Acre , l’Europe, èy. Leur jugement
246. remettent Tille de Chypre &: leur fuppiiee , 526. L’Ordre eft
au Roi d’Angleterre , 250. Leurs ■éteint au Concile de Vienne , 8c
différends avec les Hofpitaliers fe leurs biens adjugez aux Chevaliers
renouvellent, 26$. Ils foutiennent de Rhodes, 528. & fcq> Jugement
le Comte deTripoly contre Leon , 8c fuppiiee du Grand. Maître & des
Prince d’Armenie, 285. font accu- hauts Officiers, 533 ,&feq. Difficulté
fez de perfidie envers l’Empereur de tirer aucune rnduétion de ces
Frédéric, 341. refufent d’être com¬ faits, 537. Plulîeurs Princes profi¬
pris dans un traité avec le Soudan tent de leurs dépouilles , 5 44. &
d’Egypte ,367. périlTent prefque feq.
tous dans une bataille contre les Terre Sainte ( la ) conquife par les Ma-
Corafmins, 371. S. Louis les réunit hometans, 12. & [ecj. Énfuite par
avec les Hofpitaliers, 3S5. Leur les Turcomans, 17. Les Croifez s’y
Grand Maître eft accufé d’intelli¬ établilfent, 40. Pourquoi les affai¬
gence avec les Infidèles , 386. Ils res commencent à décliner, 97. Le
font défaits à la Malfoure par la té¬ Pape en eft appellé Seigneur tem-
mérité du Comte d’Artois , 390. & Î)orel en prefence du Roi, 137.Phi-
fecj. Les Hofpitaliers en taillent en ippe 11. en reçoit une efpece d’in-
pièces un grand nombre , 401. La veftiture, 195. 8c lui donne un Roi,
Forterelle de Sephet leur eft enlevée 283. Elle retombe en grande partie
par Bendocdar qui fait écorcher vif fous la puilfance des Infidèles, 223.
le Prieur 8c quelques Religieux de Eft entièrement perdue, 428. Les
S. François, 405. Leur Grand Maî¬ Chrétiens y rentrent,& en rel'onent
tre fait une trêve avec le Soudan peu de tems après, 456.
d’Egypte , de paife en Italie , 409. TwtomyHes Jçs Chevaliers ) leur ori-
S s s s iij
6ç> 4 TABLE DES MATIERES.
gine, 240. Leur Inftitut eft approu¬ Traitez.. Cérémonie dont ufoient les
vé par Celeftin 111. 241. Qualitez Barbares dans les traitez de paix 8c
pour y être reçû : leur habit, 242. d’alliance, 1S6.
LeurGrand-Maître a (lifte à l’Aflem- Treve conclue par Joflelin deCourtenay
blée de Ferentino, 325. Ils commu¬ avec la veuve de Balac, 70. Par Ri¬
niquent avec Frédéric 11. en Palef- chard L Roi d’Angleterre, avec les
tine, 357. Paffent pour la plupart en Infidèles,250. Par Henry Comte de
Prulle où ils font de grands étabüf- Champagne avec Saladin, 252.Par
femens, 346. Le refte les y fuit Raimond Comte de Ttipoly avec
après l’expulfion des Chrétiens de Leon Prince d’Armenie, 28S. Par
la Terre Sainte , 42S. Frédéric II. avec le Sultan d’Egypte,
Texis ( Bertrand de ) quatorzième 242. Parles Croifez avec le Sultan
Grand-Maître, 345. d’Egypte ,319 Par Thibaud Comte
Tamis, Canal tiré du Nil, auprès du¬ deChampagne avec l’Emir deCarac,
quel Saint Louis fe fortifie , 390. 366. Par Richard Comte de Cor-
Le Comte d’Artois le pâlie le pre¬ nuailles avec le Soudan d’Egypte,
mier, 391. 367. Par les Grands-Maîtres des
Thibatd Comte de Champagne 8c Roi Hofpitaliers 8c des Templiers avec
de Navarre pafïe en Paleftine, 8c le Soudan d’Egypte, 409. Par Hen-*
perd la bataille de Gaza , 365. Con¬ ry II. Roi de Chypre avec Melec-
clut une treve avec l’Emir de Carac Meftor , 417.
& repalFeen Europe, 366. Trebifond■*, Capitale de l’Empire de ce
Thomas eft privé de la fucce/ïïon au nom, fondé par lfaac Comnene,
Royaume d’Armenie par l’apoftat après la prife de Conftantinople par
Melier fon oncle , 167. les Croifez ,358.
Thcron ( Onfroy de ) Connétable du Trifoly pris par les Chrétiens après un
Royaume de Jerufalem, fait Cheva¬ fiege de quatre ans, 53. Emporté
lier le jeune Saladin, 148. Fait le¬ 8c rafé par Melec-Meftor, 417.
ver le fiege de Carac, 169. Son pe¬ Tronquiere (la Commanderie de la)
tit fils du même nom époufe Yfa- dépendante du Grand.Prieuré de S.
belle fécondé fille d’Amaury, 174. Gilles -, il s’y tient un Chapitre gé¬
Ce mariage eft calfé, 357. néral, 451.
Tibériade prife par Godefroi , yi.Et Turcomans. Leur origine 8c leur Reli¬
par Saladin, 207. Qui remporte au¬ gion , 17. Ils fe partagent en trois
près de cette Ville une grande vic¬ corps d’armées, 18. Leurs conquê¬
toire fur Guy de Lufignan, 208. & tes fur les Mufulmans , ibid. & feq.
Çeq. Ils épargnent le Saint Sépulchre par
Togr.dbeg^ Prince Turcoman ; fon ca- avarice, 19. Ils fe réunifient contre
raârere , iP. fe rend maître de Bag- les Croifez , 38. Le Calife d’Egypte
dat, fous le titre de Sultan , ibid. leur enleve Jerufalem , 41. Ils dé¬
Touloufe fie Comte de) Crimes dont font Roger Regent de la Princi¬
il eft foupçonné, 321. Il va à Rome pauté d’Antioche , 65. Sont bactus
pour fe jul'tifier 8c fe plaindre des par Baudouin 11. 64. Font prifon-
Légats ,522. S’engage de prendre niers le Comte d’Edefte 8c Baudouin
1 habit 8c la Cro x des Hofpitaliers, II. 65. & feq. Le premier fauvé de
323, avec lefquels il meurt, ibid. fa prifon tue leur Chef dans uneba-
TABLE DES MATIERES. 695
taille : Baudouin fe rachette, 70. Ils la Manfe magiftrale des Hofpita¬
prennent Eddie , 95. Reconnoilïent liers, 453.
les Califes Abbaffides pour les fuc- Veux de l.a Montagne, V. Montagne.
cetfeurs légitimes de Mahomet, 142. Villaret ( Guillaume de ) vingt-troifié-
Sont défaits par IesHofpita’iers,37j. me Grand-Maître, 451. Tient un
Turcopoles, origine de ce mot, 206. Chapitre général à la Tronquiere,
Ce qu’il défigne parmi les Hofpi- où il fait divers Réglemens, ibid.
taliers, ibid. Remercie Boniface VIII. de fes
Turcopolter, titre d’une dignité mili¬ bienfaits, & pâlie à Limilfo , 454.
taire dans l’Ordre des Hofpitaliers, s’excufe de ne fe rendre point aux
106. ordres de Clement V. fur le projet
Tyr réfifle feul de toute la côte de qu’il avoit formé de conquérir l’Ifle
Phenicie, aux armes de Baudouin I. de Rhodes, 8c des Ules Rhodiennes,
53. Affiegé 6c pris ,69, Saladin y que Foulques de Villaret fon frere
met le Gege 6c dt obligé de le lever 6c fon fuccefl'eur exécute : Meurt
2 zi* & feq. dans le projet de la conquête de
V Rhodes, 473. 476.
Villaret ( Foulques de ) vingt-quatriè¬
sîtace, fiarnom de Jean Ducas , me Grand-Maître, 476. Se rend en
gendre de Théodore Lafcaris; France auprès du Pape pour la con,
Ton caraébete , 359, îl empêche les quête de Rhodes, ibid. obtient une
Papes de fecourir les Empereurs cro-ifade pour cela , mais fous le
Latins de Conflantinople , ibid. prétexte du recouvrement de la
combien il étoit eftimé, fur-tout Terre fainte, 487. Le Pape lui don¬
des Hofpitaliers, ?6o. $65. ne des fecours temporels 6c fpiri-
*Vbddme y Hofpiraliere venerée àPife tuels, ibid.& feq. Il demande l’in—
6c dans tout fou Ordre ; abrégé de . véftiture de Rhodes à l’Empereur
fa vie, 281. Andronic qui la lui refufe, 489. &
Velafquez. (Diego) Moine de Fitero, feq. Aborde en cette Ifle dont il fait
fecourt Calatrave, 126. la conquête au bout de quatre ans,
Vénitiens. Leur flotte tranfporte une 493. & feq. Soumet les Ifles voifi-
partie des Croifez dans la Grece , nes 6c fortifie celle de Cos, 496,
30. Défait celle du Calife d’Egypte, Fait lever à Ottoman le fiege de
67. Contribue à la prife de Tyr Rhodes,} 04. La rendflori(îante,jo6.
après un Traité avantageux, 68. & accepte l’adjudication des biens des
feq. Tranfporte encore une autre Templiers en faveur de fon Ordre,
Croifade , qui lui aide à reprendre 539. Prend des mefures fages pour
Zara , 169. & feq. A grande part s’en mettre en polfeflïon , 340. &
au rétabliflement d’Ifaac 6c d’Alexis feq.
Lange, 272. & feq. Et à l’établifle- Vtllebride (Pierre de) dix-feptiém©
ment de Baudouin Comte de Flan¬ Grand-Maître, 375.Fait venir d Oc¬
dres fur leTrône de Conftantinople, cident des troupes 6c de l’argent s
279. Acquiert la plupart des Ifles de 380. Fait traiter inutilement avec le
l’Archipel, 280. Sultan d’Egypte, de ia liberté de
Veno’rfe ( l’Abbaye de la Sainte Tri¬ plufieurs Chevaliers, 381. Se rend
nité de ) unie par Boniface VIII. à devant Damiette auprès de Sainç
TABLE DE S MATIERES.
Louis, 3 87. Accompagne le Comte à l’Empereur Alexis pour l’engager
d’Artois au palTage d’une branche à pourvoir à la fubfiftance desCroi-
du Nil, 35? 1. Fait à ce Prince des fez, 35.
remontrances, qui lûi attirent des
reproches fanglans, 391. Eft fait Y
prifonnier avec S. Louis, 396. Ré¬
pond fierement de fa part aux En¬ Olante fille unique de Jean de
voyez du Vieux de la Montagne, Brienne apporte à Frédéric II.
397. Sa mort, 399. qu’elle époufe, la Couronne de Je-
Milliers (Jean de ) vingt-uniéme Grand rufalem,3Zj.
Maître, 419. Se diftingue au fiege Tfabelle, fceur de Baudouin IV. époufe
i
d’Acre, 415. D’ou il fe retire à la en premières noces Onfroi de Tho-
derniere extrémité à Limilfo , 416. ron , 173. Ce mariage eft cafte , &
Y aftemble un Chapitre général où elle eft mariée à Conrard , 137.
il fait divers Réglemens, 43*7. For¬ Dont elle a Marie, mariée depuis à
tifie Limifto& reforme fon Ordre , Jean de Brienne , Z83. Elle époufe
439. Ne prend point de part dans en troifiémes noces Henry Comte
la révolte des Chypriots contre de Champagne ,zjo, dont elle a une
leur Roi j fa mort, 450. fille nommée Alix, mariée depuis à
'ZJrbaw II. approuve le projet d’une Hugues de Lufignan , Z83. Et enfin
Croifade des Princes Latins , pro- elle époufe Amaury deLufignanRoi
pofé par Pierre l’Hermitte , 14. deChypre, z;z.
qu’il exhorte à parcourir les prin¬ Z
cipales Provinces de la Chrétienté
à ce fuiet, zj. Il convoque les Con- Ara Ville de Dalmatie, eft remife
r ciles de Plaifance & de Clermont, par les Croifez fous l’obéilfaa»
t>ù la Croifade eft réfolue, 16, Ecrk ce des Vénitiens, Z71.
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