Conflit D'intéret OHADA

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Master spécialisé juriste d’affaires

(M2)

Module : Droit de l’OHADA

Les conflits d’intérêts dans le droit de l’OHADA

Réalisé par : Encadré par :

CHELLAOUI Mohamed Amine Prof. SAIDA GUENBOUR

Année universitaire : 2022/2023

1
Sommaire

Chapitre 1 : Le dispositif de la prévention des conflits d’intérêts

Section 1 : Les mécanismes de la dissuasion des conflits d’intérêts

Section 2 : Le contrôle interne et le contrôle externe

Chapitre 2 : Le régime de la responsabilité dans les conflits d’intérêts

Section 1 : Les sanctions en matière civile

Section 2 : L’incrimination pénale

2
Introduction

La société durant sa vie peut fort probablement être marqué par le conflit
d’intérêts. Ces conflits d’intérêts omniprésents en droit des affaires au niveau
universel, y compris au sein de l’OHADA.

Le droit OHADA comme le droit marocain n’a pas proposé une définition légale
de la notion, Toutefois la doctrine française qui s’est déployée dans ce sens en
définissant la notion :

Selon Le Pr. Schmidt est conflit d’intérêt : « toute situation dans laquelle un
actionnaire ou un dirigeant choisit d’exercer ses droits et pouvoirs en violation de
l’intérêt commun, soit pour satisfaire un intérêt personnel extérieur à la société, soit
pour s’octroyer dans la société un avantage au préjudice des autres actionnaires » 1,
cette définition s’avère large puisque conformément à celle-ci seront intéressés les
actionnaires minoritaires et majoritaires ainsi que les dirigeants de la société.

Selon J. MORETBAILLY, le conflit d’intérêts renvoie aux « situations dans


lesquelles une personne en charge d’un intérêt autre que le sien n’agit pas, peut être
soupçonnée de ne pas agir, avec loyauté ou impartialité vis-à-vis de cet intérêt, mais
dans le but d’en avantager un autre, le sien ou celui d’un tiers »2.

Dans ce cadre il faut préciser que le conflit d’intérêt apparait lorsque


l’actionnaire ou le dirigeant, se trouve en situation de choisir entre la satisfaction de
l’intérêt commun des actionnaires et celle de son intérêt personnel opposé.

Légalement, c’est l’intérêt social qui doit primer, cet intérêt commun partagé par
tous les actionnaires réside dans l’objectif assigné à la société : la recherche et le
partage du profit social3. Œuvrer dans l’intérêt social commun se traduirait en pratique

1
Kougnontèma AWOKI, Le conflit d’intérêts dans l’administration des sociétés en droit Marocain et de l’OHADA : Thèse en
vue de l’obtention du doctorat de l’université Mohamed 5 de Rabat, spécialité sciences juridiques, sous la direction de Pr.
Rachid FILALI MEKNASSI, Soutenue le 10 Octobre 2017. p.35.
2
Kougnontèma AWOKI, op,cit, p.34.
3
Dominique SHMIDT, Les conflits d’intérêts dans la SA, Joly éditions, 2004, P.28

3
par la conciliation entre les différents intérêts en présence, voire à sacrifier les uns en
faveur des autres4.

Toutefois, le conflit d’intérêt nait lorsque l’utilisation des droits et pouvoirs


sociaux est guidée par la recherche d’un profit personnel ne résultant pas du partage.5

Cependant, on peut retenir d’après les définitions du conflit d’intérêts que ce


dernier repose sur l’existence d’une pluralité d’intérêts et la divergence de ces intérêts,
avec un troisième élément qui est la violation de l’intérêt supérieur objet de l’existence
de la société.

Et c’est ainsi que les enjeux majeurs corrélés à la notion du conflit d’intérêts,
nous invitent à nous interroger sur le cadre légal mis en place pour neutraliser ce
phénomène universel et pour remédier à ses répercussions. A ce titre, notons que le
droit OHADA comme le droit marocain, ont adhéré à un certain mouvement de réforme
initié par le législateur français dans une conjoncture où multiples scandales relevant
des conflits d’intérêts dans le monde des affaires ont éclaté.

Le régime de prévention des conflits d’intérêts repose aussi bien en droit de


l’OHADA qu’en droit marocain sur un certain nombre de dispositions éparses du droit
spécial des sociétés en vigueur dans chacun de ces deux ordres juridiques.

Ainsi une problématique majeure se pose : Dans quelle mesure le législateur


de l’OHADA a pu par le biais l’AUSCGIE prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts ?

Pour répondre à cette question on va aborder dans un premier lieu le dispositif de la


prévention des conflits d’intérêts, et dans un second lieu s’intéresser au régime de la
responsabilité.

4
Y. Guyon, Droit des affaires, tome 1 : Droit commercial général et sociétés, 2003, page 211.
5
Dominique SHMIDT, op,cit, p.29.

4
Chapitre 1 : Le dispositif de la prévention des conflits d’intérêts

Les conflits d’intérêts ne font pas l’objet d’une législation particulière dans le
droit de l’OHADA comme dans la plupart des systèmes juridiques.
Toutefois, un ensemble de dispositions éparpillées forme indirectement un
certain régime de prévention des conflits d’intérêts dans les sociétés.
Ainsi on va étudier dans une première section les mécanismes de la dissuasion
des conflits d’intérêts pour en deuxième lieu s’intéresser au dispositif du contrôle.

Section 1 : Les mécanismes de la dissuasion des conflits d’intérêts

On trouve dans L’AUSGIE des dispositions qui traitent la prévention des conflits
d’intérêts. Dont les incompatibilités, les interdictions professionnelles et l’obligation de
de révélation.

Paragraphe 1 : Les incompatibilités

Dans l’article 698 de l’AUSCGIE, on trouve que des incompatibilités dans la


mesure où les fondateurs, actionnaires, bénéficiaires d’avantages particuliers,
dirigeants sociaux de la société ou de ses filiales, ainsi que leurs conjoints, ne peuvent
être commissaire aux comptes de la société.

Toutefois, le droit marocain limite cette incompatibilité aux conjoints,


ascendants et descendants jusqu’au deuxième degré, le droit OHADA l’étend aux
parents alliés, jusqu’au quatrième degré.

Le droit OHADA se démarque du droit marocain en ce sens que l’article 698 de


l’AUSCGIE vise aussi les dirigeants sociaux de sociétés possédant le dixième du
capital de la société ou dont celle-ci possède le dixième du capital, ainsi que leurs
conjoints et les personnes qui, directement ou indirectement, ou par personne
interposée, reçoivent des personnes visées6, un salaire ou une rémunération

6
Les fondateurs, associés, bénéficiaires d’avantages particuliers et des dirigeants sociaux de la société, ainsi que
leurs conjoints, soit des dirigeants sociaux des sociétés possédant le dixième du capital de la société ou dont
celle-ci possède le dixième du capital, ainsi que de leurs conjoints.

5
quelconque en raison d’une activité permanente autre que celle de commissaire aux
comptes. Il en est de même de leurs conjoints.

Dans le même sens, le droit OHADA va encore plus loin que celui marocain,
puisque les personnes ayant été administrateurs, administrateurs généraux,
administrateurs généraux adjoints, directeurs généraux ou directeurs généraux
adjoints, gérants ou salariés d’une société ne peuvent être nommées commissaires
aux comptes de la société moins de cinq années après la cessation de leurs fonctions
dans ladite société 7.

L’article ajoute que pendant le même délai, elles ne peuvent être nommées
commissaires aux comptes dans les sociétés possédant dix pour cent du capital de la
société dans laquelle elles exerçaient leurs fonctions ou dont celles-ci possédaient dix
pour cent du capital lors de la cessation de leurs fonctions8.

Paragraphe 2 : Les interdictions

Dans la SARL, au terme de l’article 356 de l’AUSCGIE il est interdit aux


administrateurs autres que les personnes morales, aux directeurs généraux et aux
directeurs généraux adjoints ainsi qu’aux conjoints, ascendants et aux descendants
ou aux autres personnes interposées, de contracter, sous quelques formes que ce
soit, de se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi
que de faire cautionner ou avaliser par leurs engagements envers les tiers.

Cette interdiction est reprise également pour les sociétés anonymes par l’article
450 du même texte. L’article pose la même interdiction aux administrateurs, aux
directeurs généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu’à leurs conjoints,
ascendants ou descendants.

Toutefois il faut savoir que cette disposition ne s’applique pas aux personnes morales
membres du conseil d’administration.

7
Article 700, al. 1er, de l’AUSCGIE.
8
Article 700, al. 2eme, de l’AUSCGIE.

6
De plus, l’article 507 de l’AUSCGIE interdit à l’administrateur général ou à
l’administrateur général adjoint lorsqu’il en est nommé, ainsi qu’à leur conjoints,
ascendants, descendants et aux personnes interposées, de contracter, sous quelque
forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un
découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser
par elle leurs engagements envers les tiers.

De surcroit, lorsque la société est un établissement bancaire ou financier, elle


peut consentir à son administrateur général ou à son administrateur général adjoint,
sous quelque forme que ce soit, un prêt, un découvert-courant ou autrement, un aval,
un cautionnement ou toute autre garantie, si ces conventions portent sur des
opérations courantes conclues à des conditions normales.9

Paragraphe 3 : L’obligation de transparence et de révélation

La révélation du conflit d’intérêts est une mesure de prévention importante dont


l’objet est de déclarer l’existence d’un risque éventuel afin d’y réagir. Ainsi, pour
prévenir les conflits d’intérêts il faut les révéler. L’information des actionnaires est une
obligation.

Dans le droit des sociétés, le contrat de société est une forme de coopération,
ainsi la communication de l’information est une obligation qui se fonde sur la
communauté d’intérêts des associés et qui sert l’intérêt de tout y compris de celui qui
divulgue. Tout en partageant le risque social, chaque associé qui détient une
information utile doit la faire connaitre aux membres de l’organe délibérant. L’obligation
de révélation est considérée comme un préalable indispensable au traitement de ces
conflits.10

Cependant, tout change lorsqu’un actionnaire se trouve en conflit d’intérêts et


que son intérêt propre s’oppose à son intérêt en tant qu’actionnaire.

Par exemple celui qui détient en assemblée une majorité de voix ou une minorité
de blocage exerce une influence déterminante, car il peut imposer ou empêcher une

9
Article 507 de l’AUSCGIE.
10 Dominique SHMIDT, op,cit, p36.

7
décision. S’il exerce son influence dans son intérêt personnel opposé à son intérêt
d’actionnaire, il causera préjudice à ses associés. Alors l’exigence de révélation du
conflit d’intérêts devient absolue.11

En droit marocain et en droit de l’OHADA les actionnaires ont une obligation de


révélation des avantages particuliers conformément aux textes de lois prévu par les
articles 2412 et 1213 de la loi 17.95 et les articles 40014, 40115, 402, 621, 1316 de
l’AUSCGIE.

On définit les avantages particuliers comme un droit préférentiel sur le bénéfice,


un droit aux profits non partagés par ses associés, lorsqu’une personne souhaite en
bénéficier, elle doit en informer ses coassociés pour que ceux-ci puissent décider en
connaissance de cause. »17
À cette fin les dispositions de l’AUSCGIE de l’OHADA, organisent des
procédures destinées à révéler le nom du bénéficiaire, nature et l’importance de
l’avantage à consentir.

S’agissant du cumul de mandats de dirigeant social, l’article 141-3 de la loi 17-


95 prévoit que tout actionnaire a le droit de prendre connaissance au siège social,
avant la réunion de l’assemblée, lorsque l’ordre du jour comporte la nomination des
membres du conseil d’administration, du conseil de surveillance et du directoire, la liste

11 Dominique SHMIDT, op,cit, p46.


12
Art 24 de la loi 17.95 : « Les statuts contiennent la description et l’évaluation des apports en nature. Il y est procédé au vu
d’un rapport annexé aux statuts et établi sous leur responsabilité par un ou plusieurs commissaires aux apports désignés par
les fondateurs. Si des avantages particuliers sont stipulés au profit de personnes associées ou non, la même procédure est
suivie. ... Ces apports en nature et avantages particuliers peuvent également faire l’objet d’un acte séparé mais faisant corps
avec les statuts et signé dans les mêmes conditions. »
13
Art.12(5) de la loi 17.95 : « Outre les mentions énumérées à l’article 2, et sans préjudice de toutes autres mentions utiles,
les statuts de la société doivent contenir les mentions suivantes : […]5) l’identité des bénéficiaires d’avantages particuliers et
la nature de ceux-ci »
14
Article 400 de l’AUSCGIE : « Les statuts doivent nécessairement contenir l’évaluation de chaque apport en nature et la
description des avantages particuliers stipulés ainsi que, le cas échéant leur évaluation. La valeur des apports en nature et/ou
les avantages particuliers doivent être contrôlés par un commissaire aux apports … »
15
Article 401 de l’AUSCGIE : « Le commissaire aux apports élabore, sous sa responsabilité, un rapport qui décrit chacun des
apports et/ou des avantages particuliers, en indique la valeur, précise le mode d'évaluation retenu et les raisons de ce choix,
établit que la valeur des apports et/ou des av~ tes Particuliers correspond au moins à la valeur du nominal des actions à
émettre. En cas d'impossibilité d'établir la valeur des avantages particuliers, le commissaire aux apports en apprécie la
consistance et les incidences sur la situation des actionnaires »
16
Article 13 de l’AUSCGIE : Les statuts mentionnent : « […] 9°l'identite des bénéficiaires d'avantages particuliers et la nature
de ceux-ci »
17
Kougnontèma AWOKI, Le conflit d’intérêts dans l’administration des sociétés en droit Marocain et de l’OHADA : Thèse en
vue de l’obtention du doctorat de l’université Mohamed 5 de Rabat, spécialité sciences juridiques, sous la direction de Pr.
Rachid FILALI MEKNASSI, Soutenue le 10 Octobre 2017. p.54.

8
des candidats, ainsi que, le cas échéant, des renseignements sur les candidats à ces
organes.
Néanmoins, le droit marocain ne précise pas la nature des renseignements à fournir.

L’article 523 de l’AUSCGIE est par contre plus précis : « Lorsque l’ordre du jour
de l’assemblée générale porte sur la présentation de candidats au poste
d’administrateur ou d’administrateur général, selon le cas, il doit être fait mention de
leur identité, de leurs références professionnelles, de leurs activités professionnelles
et de leurs mandats sociaux au cours des cinq dernières années ». Ces
renseignements permettent de déceler les liens d’intérêts qui peuvent éventuellement
conduire à un conflit avec les intérêts et devoirs des mandataires sociaux.

Pour les conventions réglementées, le droit OHADA prévoit des mesures qui
contraignent les dirigeants sociaux et les actionnaires intéressés à la transparence et
à la révélation des conventions qu’ils concluent avec la société.

Ainsi, l’article 440 de l’AUSCGIE oblige l’administrateur, le directeur général, le


directeur général délégué ou l’actionnaire intéressé d’informer le conseil
d’administration dès qu’il a eu connaissance d’une convention soumise à
autorisation18.

Le droit OHADA est plus précis que le droit marocain ici et oblige même
l’intéressé « d’indiquer, en particulier, sa situation et son intérêt personnel au regard
de ladite convention, en précisant ses participations, son rôle et ses liens personnels
avec les autres parties à la convention et la mesure dans laquelle il pourrait en tirer un
avantage personnel »19.

18 Article 438 de l’AUSCGIE énonçant : « « Doivent être soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration : -
toute convention entre une société anonyme et l’un de ses administrateurs, directeurs généraux ou directeurs généraux
adjoints ; - toute convention entre une société et un actionnaire détenant une participation supérieure ou égale à dix pour
cent (10%) du capital de la société ; - toute convention à laquelle un administrateur, un directeur général, un directeur général
adjoint ou un actionnaire détenant une participation supérieure ou égale à dix pour cent (10%) du capital de la société est
indirectement intéressé ou dans laquelle il traite avec la société par personne interposée ; - toute convention intervenant
entre une société et une entreprise ou une personne morale, si l'un des administrateurs, le directeur général, le directeur
général adjoint ou un actionnaire détenant une participation supérieure ou égale à dix pour cent (10%) du capital de la société
est propriétaire de l’entreprise ou associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, administrateur général,
administrateur général adjoint, directeur général, directeur général adjoint ou autre dirigeant social de la personne morale
contractante ».
19 Article 440 de l’AUSCGIE.

9
Section 2 : Le contrôle interne et le contrôle externe

En général, le contrôle en droit des sociétés s’opère de deux façons : contrôle


interne et contrôle externe.

Paragraphe 1 : Le contrôle interne

La société anonyme est une structure organisée sur le type de la démocratie


libérale dont existe des organes de direction et des organes de contrôle. Cette
séparation de pouvoirs ordonnée par le législateur de l’OHADA répond évidemment
aux exigences de la bonne gouvernance, et constitue l’une des majeures innovations.

La législation20 nous montre une distinction entre les organes de gestion et de


contrôle. Les mandataires sociaux (Conseil d’administration, Conseil de surveillance
ou Administrateur Général) et l’assemblée générale des actionnaires sont les organes
de contrôle interne dans la société anonyme.

Ainsi, le contrôle interne intervient à travers : le contrôle des conventions


réglementées, le contrôle par l’assemblée générale des actionnaires, le contrôle par
le conseil d’administration.

a- Le contrôle des conventions règlementées

L’existence de conflit d’intérêts est au cœur de l’encadrement des conventions


règlementées. Le mécanisme des conventions règlementées est destiné à vérifier que
l’intérêt social n’est pas sacrifié au profit d’un autre intérêt à savoir l’intérêt personnel
d’un dirigeant ou d’un actionnaire.

Les conventions réglementées sont réglementées en droit OHADA par les


articles 438 à 450 (cas de la SA avec conseil d’administration) et des articles 502 à
505 (cas de la SA avec administrateur général) de l’AUSCGIE.

La mise en œuvre du contrôle visant les conventions règlementées se traduit


par le contrôle des commissaires aux comptes.

20
L’acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

10
L’AUSCGIE oblige les organes d’administration à aviser le commissaire aux
comptes de toutes les conventions conclues par l’intéressé avec la société, dans un
délai de trente jours à compter de la date de leur conclusion21.

Ensuite, le commissaire aux comptes est tenu de présenter, sur ces


conventions, un rapport spécial à l’assemblée qui statue sur ce rapport.

Le contrôle du commissaire aux comptes sur ces conventions pousse les


organes d’administration à plus de vigilance22. En effet, le fait de les faire connaitre
aux commissaires aux comptes va leur permettre de détecter les conventions
irrégulières.

b- Le contrôle de l’assemblée générale des actionnaires

Dans le droit de l’OHADA, les conventions autorisées par le conseil


d’administration doivent être soumises à l’approbation de la prochaine assemblée
générale ordinaire.

Les actionnaires ratifient les conventions autorisées au vu d’un rapport spécial


des commissaires aux comptes. Toutefois, l’approbation par l’assemblée générale des
conventions autorisées constitue un contrôle qui a pour objet d’empêcher les conflits
d’intérêts.

Ce contrôle a pour but d’éviter qu’un dirigeant puisse se trouver dans une
situation où il va choisir entre faire primer son propre intérêt ou celui de la société »23.
L’assemblée générale par le biais de l’information des actionnaires peut détecter les
conventions exposées à un risque de conflit d’intérêts24.

c- Le contrôle du conseil d’administration

En effet, les organes d’administration ou de surveillance, mandaté par les


actionnaires ont le pouvoir de contrôle au niveau de la gestion d’une société anonyme.

21
Article 440 de l’AUSCGIE.
22
AWOKI Koungnontèma, op.cit. p140.
23
V. Etienne Grosbois, « Responsabilité civile et contrôle de la société », Thèse de doctorat, Université de Caen,
France, 2012, p. 118.
24
AWOKI Koungnontèma, op.cit. p140.

11
Le rôle joué par ces organes en matière de contrôle est une délégation de
l’assemblée générale qui est en principe l’organe investi du contrôle interne de la
société25.

Le contrôle doit être fait dans l’intérêt commun des actionnaires. Car l’une de
ses missions est de préserver les intérêts des actionnaires.

D’autant plus, pour arriver à un contrôle efficace le conseil d’administration ou


de surveillance dispose d’un rôle de supervision et de surveillance des dirigeants.

Paragraphe 2 : Le contrôle externe

Le contrôle externe du commissaire aux comptes passe par la vérification des


comptes et la certification du rapport de gestion.

a- La veille sur les conflits d’intérêts à travers la vérification des comptes

D’après l’article 712 de l’AUSCGIE : « Le commissaire aux comptes a pour


mission permanente, à l’exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les
valeurs et les documents comptables de la société et de contrôler la conformité de sa
comptabilité aux règles de la comptabilité en vigueur »26.

Le commissaire aux comptes doit veiller au respect des principes ci-après :

- La régularité des comptes


Le commissaire aux comptes doit vérifier les valeurs, les livres, les documents
comptables de la société, ainsi que la conformité de sa comptabilité. La régularité
signifie la conformité aux lois en général et aux prescriptions réglementaires
applicables à la comptabilité 27.

Dans le même sens, le commissaire aux comptes doit s’assurer que les
comptes ont été dressés conformément aux dispositions de la législation applicable

25
Le mode de fonctionnement des sociétés anonymes est souvent assimilé à celui de la démocratie. Ainsi,
considère-t-on que les actionnaires sont le peuple et que les membres du conseil d’administration ou du conseil
de surveillance, selon le cas, sont les ministres que le peuple a choisis pour administrer la société et défendre ses
intérêts.
26
Article 712 de l’AUSCGIE.
27
K. AWOKI, op.cit. p.185.

12
aux SA et du plan comptable général, complétées ou modifiées, par les directives des
plans comptables professionnels et les dispositions fiscales en vigueur.

- La sincérité
C’est l’expression claire de la situation sociale de la société opérée avec bonne
foi et loyauté.

- L’image fidèle
Elle est un concept plus large que ceux de régularité et de sincérité. L’image fidèle est
celle qui ne dénature pas la situation de l’entreprise, qui en donne une représentation
cohérente et permet donc de bien mesurer les risques financiers courus par la société.

b- Vérification et certification du rapport de gestion

Après le contrôle et la vérification des comptes annuels, le commissaire aux


comptes doit certifier ceux-ci après qu’il soit assuré de leur régularité et de leur
sincérité.

Dans le droit de l’OHADA, l’obligation de certification des comptes à la charge


du commissaire aux comptes repose sur l’article 710 de l’AUSCGIE qui dispose que :

« Le commissaire aux comptes émet une opinion indiquant que les états financiers de
synthèse sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des
opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de
la société a la fin de cet exercice »28.

La certification des comptes faite par le commissaire aux comptes est un


engagement personnel donnant à tout tiers intéressé la certitude des comptes sociaux
ainsi leur régularité et leur sincérité. Cette certification est un procédé légal qui favorise
la prévention d’éventuels conflits d’intérêts découverts par le commissaire aux
comptes.

28
Article 710 de l’AUSCGIE.

13
En expriment son opinion lors de la certification des comptes en assemblée
générale, le commissaire aux comptes a trois alternatives en droit marocain29. Ainsi il
peut :

- Soit certifier les comptes ;


- Soit certifier avec réserves pour avertir les destinataires des états financiers que
certaines erreurs ou anomalies bénignes entachent les comptes qui n’en
continuent pas moins à refléter fidèlement la situation de l’entreprise ;
- Ou refuser de certifier lorsqu’il a constaté des irrégularités graves l’ayant
persuadé que les dirigeants veulent présenter à l’assemblée générale des
comptes qui donnent une image profondément altérée de la situation de
l’entreprise.

Dans les deux derniers cas, le commissaire est tenu d’indiquer les motifs qui l’ont
amené à certifier avec réserves ou à refuser de certifier30.

Le législateur de l’OHADA contrairement au droit marocain, donne quatre


alternatives au commissaire aux comptes qui peut :

- Soit conclure que les états financiers de synthèse sont réguliers et sincères et
donnent une image fidèle du résultat des opérations écoulées ainsi que de la
situation financière et du patrimoine de la société ;
- Soit exprimer une opinion avec réserves ;
- Soit exprimer une opinion défavorable ;
- Ou enfin indiquer qu’il est dans l’impossibilité d’exprimer une opinion.

Dans les trois dernières hypothèses, il doit motiver sa décision31.

29
Article 175 de la loi 17-95.
30
Article 175 de la loi 17-95.
31
Article 711 de l’AUSCGIE.

14
Chapitre 2 : Le régime de la responsabilité dans les conflits d’intérêts

Les mécanismes de prévention des conflits d’intérêts n’ont qu’un effet dissuasif,
l’échec de la prévention conduit à la réalisation concrète de ces conflits. Ainsi le
traitement à posteriori du conflit d’intérêt se fait par le biais de la sanction.

De cela, on va s’intéresser outils de responsabilité et de répression édictés par


le droit OHADA en la matière à travers en premier lieu le régime civil conçu pour
réparer le préjudice résultant du conflit d’intérêt et le régime pénal au niveau des délits
relatifs aux conflits d’intérêts.

Section 1 : Les sanctions en matière civile

Le régime répressif relatif aux conflits d’intérêts en droit de l’OHADA trouve sa


base légale dans différents textes, comme au droit marocain32.

En effet, selon la nature de l’acte incriminé, sa gravité et la qualité de son auteur, la


sanction s’y adapte et peut consister en conséquence soit à annuler ou résoudre l’acte
en question, soit à engager des poursuites contre leur auteur sur le fondement de la
responsabilité civile voire pénale s’il y a lieu33; la qualité de l’auteur et le domaine
juridique auquel il appartient décide en effet du régime applicable.

Il s’agit à ce titre de dispositions du droit commun des sociétés tendant principalement


à sanctionner, d’une part, la violation des règles formelles de prévention des conflits
d’intérêts et, d’autre part, l’abus de droit fondé sur le conflit d’intérêts.

Paragraphe 1 : La sanction de la violation des règles préventives des conflits d’intérêts

a- La nullité des conventions irrégulières passées avec la société

L’inobservation des dispositions relatives aux conventions dite est sanctionnée


par la nullité des actes.

32
Loi 17-95 et loi 5-96.
33
K. AWOKI, op.cit., p275.
15
Dans le droit de l’OHADA, l’article 444 de l’AUSCGIE édicte que sans préjudice
de l’intéressé, les conventions visées à l’article 438 ci-dessus et conclues sans
autorisation préalable du conseil d’administration peuvent être annulées si elles ont eu
des conséquences dommageables pour la société.

L’article 430 de l’AUSCGIE interdit le versement à un administrateur d’une


rémunération, permanente ou non, autre que celles prévues par la loi. Toute
disposition prise en violation de sa nulle.

De plus, l’article 450 de l’AUSCGIE institue la nullité du contrat par lequel un


dirigeant social obtient de la société un prêt, ou une caution de ses engagements
personnels. Tenant compte que l’argent de la société n’est pas destiné à servir les
besoins de ses dirigeants.

b- La mise en œuvre de la responsabilité civile pour violation des conventions


réglementées

Tout actionnaire lésé peut engager la responsabilité civile du dirigeant social ou


de l’actionnaire lorsqu’il fait l’objet d’un conflit d’intérêts lors de la conclusion des
conventions règlementées.

Pourtant, l’intéressé peut engager sa responsabilité civile sur la base de l’article


443 de l’AUSCGIE dans l’OHADA et l’article 60 de la loi 17-95 sur la société anonyme
dans le droit marocain34.

Paragraphe 2 : La sanction de l’abus de droit fondé sur un conflit d’intérêts

a- L’abus de majorité

34 Ces deux dispositions prévoient que les conséquences préjudiciables à la société des conventions désapprouvées par
l’assemblée générale peuvent être mises à la charge du dirigeant social (administrateur, directeur général, directeur général
délégué/adjoint) ou de l’actionnaire intéressés, et éventuellement des autres membres du conseil d’administration. Le
dirigeant social ou l’actionnaire intéressé est responsable car il tire profit personnel de la convention préjudiciable, alors que
les autres membres du conseil ou de l’assemblée engagent leur responsabilité pour avoir autorisé ou approuvé une telle
convention. Par ailleurs, le président du conseil qui omettrait de mettre en œuvre la procédure légale répond également de
sa faute, laquelle procède soit d’une négligence, soit d’une complaisance envers l’administrateur intéressé.

16
L’abus de majorité se définit comme étant une décision prise par un actionnaire
ou un groupe d’actionnaires représentant la majorité du capital social et donc la
majorité des voix, qui va à l’encontre de l’intérêt social, dans le but unique de le ou les
favoriser au détriment de la minorité35.

Il faut qu’il y ait intention de nuire aux associés ou actionnaires minoritaires outre
la violation de l’intérêt social. Cela implique donc que la majorité des actionnaires vote
sans prendre en compte l’intérêt social. Un préjudice est alors porté aux intérêts
légitimes des actionnaires ou associés minoritaires, ou l’auteur de l’abus favorise
exclusivement son intérêt propre.

Il faut noter que l’abus de majorité a une nature subjective. Ainsi, il incombe
souvent au juge de définir ce que constitue un abus de majorité au cas par cas.

A titre d’exemple, dans un arrêt du 25 mars 1998 de la 3ème Chambre civile 36,
la Cour de cassation a déterminé que le fait pour une assemblée générale d’approuver
le cautionnement hypothécaire d’un bien immobilier de la société dans le but de
permettre à un associé majoritaire d’obtenir un prêt constituait un abus de majorité.

Contrairement aux droits marocain et français, où l’abus de majorité n’a pas de


base légale, l’AUSCGIE de l’OHADA prévoit de façon explicite à l’article 130 qu’il y a
abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul
intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette décision ne
puisse être justifiée par l’intérêt de la société.

Ainsi, la responsabilité des associés ayant voté la décision constitutive de l’abus


peut être engagée par les associés minoritaires pour la réparation du préjudice en
résultant à leur égard 37.
Le plus souvent, la sanction de l’abus de majorité est la nullité de la décision
prise par l’assemblée générale. Au-delà, les minoritaires disposent de la possibilité

35 M. Cozian, op.cit., p500.


36
https://www.legalife.fr/guides-juridiques/abus-de-majorite-minorite/
37
Article 130 de l’AUSCGIE.

17
d’obtenir des dommages et intérêts des majoritaires. Ils devront être assignés
personnellement, puisque c’est leur responsabilité qui doit être engagée et non pas
celle de la société, comme fut confirmé par un arrêt de la chambre commerciale de la
cour de cassation française datant du 6 juin 1990.

b- L’abus de minorité

On sait bien que les actionnaires minoritaires ont un pouvoir restreint que les
majoritaires et sont donc moins susceptibles de commettre un abus en assemblée38.
Certes, la minorité de blocage du vote en assemblée générale de société dont ils
disposent dans certains cas peut constituer une manière d’abus dont l'intérêt des seuls
minoritaires est préféré au détriment des autres associés, et ainsi contraire à l'intérêt
social, ce qui peut empêcher la réalisation d'une opération essentielle pour la société39.
Selon les circonstances et les conséquences du blocage, les juges
reconnaissent au cas par cas l'existence d'un abus de minorité. En pratique, ce type
d’abus porte souvent sur le vote de l’augmentation du capital de la société40.

A titre d’illustration : dicté par des considérations personnelles, constitue un


abus de minorité le refus d'un actionnaire minoritaire de voter l'augmentation de capital
indispensable à la survie de la société uniquement afin d'entraver le fonctionnement
de celle-ci (Cass. com. 5 mai 1998, n° 96-15383).

Toutefois, le juge ne peut annuler la décision prise par l’assemblée générale


puisque par principe, aucune décision n’a été approuvée.
Ainsi, le principe est donné par l’arrêt Flandin du 9 mars 1993 de la Chambre
commerciale de la Cour de cassation. Dans ces cas, le juge ne va pas pouvoir prendre
de décision à la place des actionnaires minoritaires, mais il pourra désigner un
mandataire ad hoc chargé de voter à la place des minoritaires.

38
K. AWOKI, op.cit., p298.
39
M. Cozian, op.cit., p507.
40
https://droit-finances.commentcamarche.com/contents/1195-sarl-sa-abus-de-minorite-et-
abus-de-majorite
18
Ainsi, il en résulte que la responsabilité civile des minoritaires peut être engagée
par les majoritaires lors d’un abus de minorité.

Paragraphe 3 : Autres sanctions

a- La mise en œuvre de la responsabilité civile pour faute de gestion

La responsabilité du dirigeant pour faute de gestion peut être engagée dans le


droit OHADA sur la base des articles 740 et 741 de l’AUSCGIE et au Maroc sur le
fondement des articles 352 et 353 de la loi 17-95. Ces articles edictent que les
administrateurs sont responsables des fautes commises dans leur gestion.

La responsabilité civile des dirigeants sociaux se fonde sur le principe qu’ils


répondent des violations des lois et règlements, violation des statuts ou de leurs fautes
de gestion41.

b- La révocation du dirigeant

Le motif de la révocation serait le fait d’accomplir ou de laisser accomplir des


actes qui favorisent le dirigeant au détriment de la société.

En droit de l’OHADA, l’article 326 de l’AUSCGIE prévoit en que : « (…) le gérant


est révocable par la juridiction compétente, dans le ressort de laquelle est situé le siège
social, pour juste motif, à la demande de tout associé ».

En droit marocain, il s’agit de l’article 6942 de la Loi n° 5-96 sur la société en


nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions,
la société à responsabilité limitée et la société en participation, et de l’article 6743 de la
loi 17-95.

41
M. Germain, V. Magnier, Traité de droit des affaires, Lextenso, 2017, p231.
42 Article 69 de la loi 5-96 :« Le gérant est révocable par décision des associés représentant au moins trois quarts des parts
sociales. Toute clause contraire est réputée non écrite. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à
des dommages-intérêts. En outre, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
43 Article 67 de la loi 17-95 : Le directeur général est révocable à tout moment par le conseil d'administration. Il en est de

même, sur proposition du directeur général, des directeurs généraux délégués. Si la révocation est décidée sans juste motif,
elle peut donner lieu à dommages-intérêts, sauf lorsque le directeur général assume les fonctions du président du conseil
d'administration.

19
Section 2 : L’incrimination pénale

Ces dispositions pénales trouvent leur origine dans le droit pénal des affaires,
s’agissant du droit marocain, les dispositions se trouvent dans la loi 17-95 sur la
société anonyme et la loi 5-96, quant au droit de l’OHADA, il s’agit de l’acte uniforme
sur les sociétés commerciales44. Mais en ce qui concerne les sanctions encourues,
l’acte uniforme n’en dit rien.

En ce sens, la loi nationale est retenue par le souci de protéger la souveraineté


des Etats. L’article 5 du Traité de l’OHADA dispose : « Les actes uniformes peuvent
inclure des dispositions d’incrimination pénale. Les Etats Parties s’engagent à
déterminer les sanctions pénales encourues » s’est ainsi « (…) forgé un partage de
rôles entre l’OHADA qui définit les éléments matériels et moraux de l’infraction, et les
Etats parties qui déterminent les sanctions pénales que leurs auteurs encourent.

Alors, on va s’intéresser en premier lieu à un délit emblématique du conflit


d’intérêts qui est l’abus de biens sociaux, ensuite aborder La faute du commissaire
aux comptes.

Paragraphe 1 : L’abus de biens sociaux

Selon l’article 891 de l’AUSCGIE 45: « encourent une sanction pénale le gérant
de la société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président directeur
général, le directeur général, l'administrateur général ou l'administrateur général
adjoint qui, de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils
savaient contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou
morales, ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient
intéressés, directement ou indirectement. »

L’abus de biens sociaux représente une manifestation de conflit d’intérêts par


excellence, du fait que les dirigeants utilisent leur pouvoir sur les actifs sociaux pour
satisfaire leurs intérêts personnels au détriment de l’intérêt social.

44 http://revue.ersuma.org/numero-special-novembre-decembre/etudes/L-etat-de-droit-penal-des-affaires
45
Correspond à l’article 384 de la loi 17-95.

20
L’incrimination de l’infraction d’abus de biens sociaux dans l’AUSCGIE a pour
objectif de punir l’appropriation illégitime des biens du patrimoine de la société.

Toutefois, il s'agit d'une sanction d'ordre pénal mais rien n’empêche à ce que la
responsabilité civile soit dans le même temps retenu.

Comme déjà mentionné, Les Etats-parties s'engagent à déterminer les


sanctions pénales encourues46. Jusqu’à ce jour, aucune harmonisation n’existe
concernant le volet pénal.

Quant au droit marocain, l’auteur du délit d’abus de biens et du crédit de la


société est punit par l’article 384 de la loi 17-95 sur les SA, d’une peine
d’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 dirhams
ou de l’une de ces peines seulement. Ces sanctions sont portées au double en cas de
récidive.

Le régime français d’abus de biens sociaux est quant à lui quasi identique à son
homologue marocain.

A titre d’exemple de faits : c'est par exemple le cas d'un dirigeant qui fait
cautionner par la société une dette personnelle (Crim.10 mai 1955, B. n°234) ou qui
met en circulation sous le couvert de la société des effets de complaisance étrangers
à l'activité sociale (Crim.16 mars 1970, B. n°107).

La jurisprudence française sanctionne rarement l'abus de biens sociaux si celui-


ci intervient dans le cadre d'un concours financier donné à une société appartenant à
un même groupe si c'est dans l'intérêt du groupe, ce qui donne en quelque sorte une
place importante à l'intérêt social dans la mise en œuvre de la sanction de l'abus de
biens sociaux. Mais il est également à souligner que l'usage dont il est fait ne doit pas
dépasser de façon exagérée les fonds propres de la société (Cass.crim.4 février 1985).

46
A. Khaled, Réflexion sur l’abus en droit des sociétés dans l’espace OHADA : contribution du droit français, sous
la direction de - M. Franck MARMOZ. - Lyon : Université Jean Moulin (Lyon 3), 2013. p435.

21
Paragraphe 2 : La faute professionnelle du commissaire aux comptes

Le commissaire aux comptes peut commettre dans l’exercice de sa mission des


infractions qui tombent sous le coup de sanctions pénales : les informations
mensongères, la non révélation de faits délictueux, la violation des incompatibilités.

a- Les informations mensongères

Comme déjà prévu l’article 710 de l’AUSCGIE précise que « le commissaire aux
comptes certifie que les états financiers de synthèse sont réguliers et sincères et
donnent une image fidèle au résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de
la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice ».

Toutefois, l’article 899 de l’AUSCGIE prévoit une sanction pénale contre « tout
commissaire aux comptes qui, soit en son nom personnel, soit au titre d’associé dans
une société des commissaires aux comptes, aura sciemment donné ou confirmé des
informations mensongères sur la situation de la société (…) ».

Le contenu de l’information mensongère n’est pas précis par l’article précité47 .


Pour certains auteurs48, l’objet du mensonge doit intéresser la situation comptable et
financière de la société. Selon ces auteurs, l’information concerne celle qui doit être
donnée par le commissaire aux comptes de la situation de la société dans ses rapports
à l’assemblée générale sans que l’objet du rapport, c’est bien la situation comptable et
financière de la société.

La transmission l’information mensongère peut alors prendre toute forme, ainsi


elle peut être orale ou écrite, publique ou privée.

De plus, le délit de confirmation d’informations mensongères n’existe que si


l’auteur des informations a eu connaissance du caractère inexact de celles-ci.

47Article 899 de l’AUSCGIE.


48P.C. E. Motto. LA GOUVERNANCE DES SOCIETES COMMERCIALES EN DROIT DE L’OHADA. Droit. UNIVERSITE PARIS-EST,
2015. p104.

22
C’est ainsi que la nécessité de l’intention coupable est relevée par la
jurisprudence qui vérifie à chaque fois si le commissaire aux comptes savait que telles
informations étaient mensongères. L’article 899 de l’AUSC précise bien que ces
informations doivent avoir été données ou confirmées « sciemment ». Les juges
avaient conclu dans une affaire que le prévenu, en sa qualité de commissaire aux
comptes, a sciemment confirmé des informations mensongères en certifiant la
régularité et la sincérité du bilan dont il connaissait la fausseté 49(Cass.Crim. 12 Janvier
1981).

b- La non-révélation de faits délictueux

La loi impose au commissaire aux comptes l’obligation de révéler au ministère


public selon l’article 899 de l’AUSC les faits délictueux dont il a eu connaissance à
l’occasion de l’accomplissement de sa mission.

La révélation doit porter sur toutes les situations irrégulières. Néanmoins, la


question qui se pose est de savoir s’il faut entendre par fait délictueux toute infraction,
quelle que soit sa nature, dont le commissaire aurait connaissance dans l’exercice de
sa mission.

Selon, la doctrine dominante, celle-ci estime qu’il faut retenir la culpabilité sur la
base de tout délit de société qui n’aura pas été dénoncé. La formulation de l’article 899
semble inclure parmi les infractions à dénoncer tout autre délit ayant pour cadre la
société, ce qui englobe les infractions économiques.

Le commissaire aux comptes qui remarque tels faits devra mettre en demeure
les dirigeants de régulariser la situation avant de pouvoir saisir le ministère public.

La loi n’a pas imposé un délai dans lequel le commissaire aux comptes est tenu
de dénoncer les faits délictueux. Mais en tout état de cause, celle-ci ne doit pas être

49
https://www.legavox.fr/blog/gradi-mongay/responsabilite-penale-commissaires-comptes-
droit-12876.htm
23
tardive. La révélation doit intervenir dès que le commissaire aux comptes a
connaissance du caractère délictueux des faits.

En effet, l’infraction n’est consommée que lorsque la non-révélation de faits


délictueux dont le commissaire a eu connaissance a été faite « sciemment »50. Ce qui
suppose dès lors non seulement la connaissance des faits mais aussi de leur caractère
délictueux.

c- La violation des incompatibilités

En droit de l’OHADA comme en droit marocain, les commissaires aux comptes


encourent une responsabilité pénale s’ils exercent leur fonction en violation d’une
incompatibilité.

Le caractère d’intérêt général qui s’attache à la profession impose que le


commissaire aux comptes soit indépendant. Les incompatibilités liées à la fonction de
commissaire aux comptes servent à garantir l’indépendance des commissaires aux
comptes.
Pourtant, le commissaire aux comptes engage sa responsabilité pénale sur la
base l’article 898 de l’AUSCGIE et de l’article 404 de la loi 17-95. Ces deux textes,
condamnent, à l’instar du droit français « toute personne qui, soit en son nom
personnel, soit à titre d’associé dans une société de commissaires aux comptes, aura,
sciemment, accepté, exercé ou conservé les fonctions de commissaire aux comptes,
nonobstant les incompatibilités légales ».
L’infraction suppose que l’acceptation, l’exercice ou la conservation des
fonctions ait eu lieu en connaissance de cause.
S’agissant des peines encourues en cas de violation des incompatibilités, le droit
marocain l’article 404 de la loi 17-95 punit le professionnel comptable reconnu
coupable d’une telle infraction d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende
de 8000 à 40000 dirhams.51

En revanche, le droit pénal OHADA se contente d’incriminer l’infraction, laissant


le soin à chaque Etat-Partie de déterminer la nature et la gravité des peines.

50
D. A. T. KENFACK, op.cit.,p37.
51
Article 404 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.

24
Conclusion

Les conflits d’intérêts sont source de débat en droit des affaires au niveau
universel, y compris au sein de l’OHADA. L’objectif des règles édictées par le
législateur est d’éviter des conflits d’intérêts et de punir les auteurs en cas d’échec de
du dispositif de la prévention.

Dans ce contexte la notion de la bonne gouvernance intervient pour assurer le


développement de toute structure économique, ainsi afin d’arriver à une culture
d’entreprise où les dirigeants et actionnaires privilégient l’intérêt social sur leurs
intérêts personnels.

De ce qui ressort de l’étude comparative entre le droit de l’OHADA et le droit


marocain, on conclut que les similitudes et ressemblances entre les deux systèmes
sont plus fortes que les différences qui les séparent. Leur concordance prend racine
dans le double phénomène de la transplantation du droit français dans ces deux
systèmes et l'internationalisation du droit des affaires qui tend à s'unifier.

Pour en finir, on ajoute que le cadre normatif du Maroc et celui de l'OHADA,


offrent suffisamment de moyens d'action permettant aux actionnaires et associés de
se prémunir contre les effets des conflits d'intérêts dommageables pour l'entreprise.
Ainsi il revient au juge d'en assurer l'application effective.

25
Bibliographie

Ouvrages

- M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, 30e édition, LexisNexis


2017.
- M. Germain, V. Magnier, Traité de droit des affaires, Lextenso, 2017
- Y. Guyon, Droit des affaires, tome 1 : Droit commercial général et sociétés,
2003.
- Dominique SHMIDT, Les conflits d’intérêts dans la SA, Joly éditions, 2004.

Thèses

- AWOKI, Kougnontèma. « Le conflit d’intérêts dans l’administration des sociétés


en droit marocain et de l’OHADA. », Thèse de Doctorat en Sciences juridiques,
sous la direction de Rachid FILALI MEKNASSI, Rabat, Université Mohammed
V – Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales - Agdal,
soutenue le 10 octobre 2017.
- Didier Andy TAKAFO KENFACK « L'efficacité du contrôle des commissaires
aux comptes des sociétés anonymes » Université de Dschang - Diplôme
d'études approfondies (DEA) 2005.
- A. Khaled. Réflexion sur l’abus en droit des sociétés dans l’espace OHADA :
contribution du droit français, sous la direction de - M. Franck MARMOZ. - Lyon
: Université Jean Moulin (Lyon 3), 2013.
- V. Etienne Grosbois, « Responsabilité civile et contrôle de la société », Thèse
de doctorat, Université de Caen, France, 2012.
- Patrice Christian Ewane Motto. LA GOUVERNANCE DES SOCIETES
COMMERCIALES EN DROIT DE L’OHADA. Droit. UNIVERSITE PARIS-EST,
2015.

26
Textes de lois

- Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.

- Acte uniforme révisé relatif au Droit des sociétés commerciales et du


groupement d’intérêt économique OHADA.

- Loi 17-95 sur la société anonyme

- Loi 5-96 sur les sociétés commerciales

Webographie

- https://www.legalife.fr/guides-juridiques/abus-de-majorite-minorite/
- https://droit-finances.commentcamarche.com/contents/1195-sarl-sa-abus-de-
minorite-et-abus-de-majorite
- http://revue.ersuma.org/numero-special-novembre-decembre/etudes/L-etat-
de-droit-penal-des-affaires
- https://www.legavox.fr/blog/gradi-mongay/responsabilite-penale-
commissaires-comptes-droit-12876.htm

27
Table des matières
Sommaire ................................................................................................................................................ 2
Introduction............................................................................................................................................. 3
Chapitre 1 : Le dispositif de la prévention des conflits d’intérêts ........................................................... 5
Section 1 : Les mécanismes de la dissuasion des conflits d’intérêts ....................................................... 5
Paragraphe 1 : Les incompatibilités ........................................................................................................ 5
Paragraphe 2 : Les interdictions .............................................................................................................. 6
Paragraphe 3 : L’obligation de transparence et de révélation ................................................................ 7
Section 2 : Le contrôle interne et le contrôle externe .......................................................................... 10
Paragraphe 1 : Le contrôle interne........................................................................................................ 10
Paragraphe 2 : Le contrôle externe ....................................................................................................... 12
Chapitre 2 : Le régime de la responsabilité dans les conflits d’intérêts ................................................ 15
Section 1 : Les sanctions en matière civile ............................................................................................ 15
Paragraphe 1 : La sanction de la violation des règles préventives des conflits d’intérêts .................... 15
Paragraphe 2 : La sanction de l’abus de droit fondé sur un conflit d’intérêts ...................................... 16
Paragraphe 3 : Autres sanctions............................................................................................................ 19
Section 2 : L’incrimination pénale ......................................................................................................... 20
Paragraphe 1 : L’abus de biens sociaux ................................................................................................. 20
Paragraphe 2 : La faute professionnelle du commissaire aux comptes ................................................ 22
Conclusion ............................................................................................................................................. 25
Bibliographie.......................................................................................................................................... 26

28

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