Slogan O-Rapport Education 01
Slogan O-Rapport Education 01
Slogan O-Rapport Education 01
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« Ce qui me navre, c’est la conviction que nous allons entrer dans une ère stupide.
On sera utilitaire, militaire, américain et catholique. »
Gustave Flaubert Lettre du 27 nov. 1870 à George Sand
14 juillet 2009
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
I CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES
TROIS THÈMES
1. L’INSTRUCTION PUBLIQUE EST INDISSOCIABLE DE LA DÉMOCRATIE SUISSE ...................................... 3
L’instruction publique est fondée sur les valeurs humanistes ................................... 3
2. LA SUISSE EST UN PAYS CONSTITUTIONNELLEMENT MULTILINGUE ................................................ 4
3. A QUELLES CONDITIONS ENCOURAGER « L’INTERCULTURALITÉ » ?............................................... 5
Élitisme, populisme et diversité culturelle ............................................................... 5
Il n’est pas de société viable sans un contrat social qui l’unifie ............................... 5
Droits de l’homme, laïcité et respect des communautés linguistiques....................... 6
Les lieux d’éducation à l’interculturalité ou foyers d’intolérance ............................... 6
L’école, les institutions, les événements culturels, musiques et danses du monde ... 6
Des lieux ambivalents ........................................................................................... 6
Le voisinage et le champ politico-médiatique......................................................... 7
II TENDANCES ET PROPOSITIONS
TENDANCES
1. L’INSTRUCTION PUBLIQUE ............................................................................................. 10
Au vent mauvais de l’utilitarisme et des idéologies obscurantistes......................... 10
a. L’esprit des années 1960-80 a modifié en profondeur
et d’une façon durable le rôle et l’extension de l’école publique ...................... 11
b. Les transformations de la société de la fin du XXème siècle ont affecté
l’école et l’accès à la culture des nouvelles générations de différentes façons . 11
c. L’électrochoc PISA : la révélation de l’illettrisme................................................ 12
d. Relativisée dans sa fonction culturelle, l’école doit faire face à une
demande de prise en charge éducative pour laquelle elle n’est pas faite......... 13
e. Illettrisme, inappétence à l’étude, incivilités scolaires sont des signes ............. 13
f. Standardisation et bureaucratisation contre la diversité culturelle ..................... 13
I
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
II
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
ANNEXES
NOS EXPERTS EN QUELQUES MOTS .................................................................................... 28
POUR UN ÉRASME HELVÉTIQUE ........................................................................................... 30
IDEM VERSION ALLEMANDE ................................................................................................ 32
III
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
INTRODUCTION
Deux idées forces ont opposé les promoteurs de la Convention sur la protection et la promotion
de la diversité des expressions culturelles 2005 aux tenants du libre-échangisme intégral :
la culture n’est pas réductible à sa seule valeur marchande et
les ETATS sont légitimés à prendre les mesures appropriées de nature à encourager la
culture dans sa diversité.
Elles figurent dans les objectifs consignés à l’article premier (g) et (h) de la Convention « de re-
connaître la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs
d’identité, de valeurs et de sens »; et « de réaffirmer le droit souverain des Etats de conserver,
d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la
protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire ».
Partant du constat « que la culture prend diverses formes dans le temps et dans l’espace et
que cette diversité s’incarne dans l’originalité et la pluralité des identités » la Convention af-
firme que, loin de constituer un facteur de division, cette diversité est une richesse. Elle en ap-
pelle au « dialogue entre les cultures », à l’interculturalité « comme facteurs de paix » et de co-
hésion sociale. Face au dilemme souvent postulé entre économie et culture, elle « réaffirme
l’importance du lien entre culture et développement ».
-1-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
1
D’où le terme de « démocratisation des études » significatif de cette approche plus marquée dans la tradition latine.
-2-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
I. CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES
TROIS THÈMES
La journée du 31 mars 2009 à Soleure a été préparée par des contributions écrites des ex-
perts à leur libre appréciation et du responsable du secteur éducation. Nous avons consacré
une première partie de la journée à une discussion générale. De cette discussion, trois thèmes
ont été dégagés puis présentés à la plénière et cinq thèses que nous avons approfondies au
cours des ateliers du 1er mai et du 22 juin. Les trois thèmes sont :
L’instruction publique
Le multilinguisme helvétique
L’éducation à l’interculturalité : à quelles conditions ?
-3-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
dans la science que ses réalisations à valeur marchande. Quant à la science comme mode
de penser le monde débarrassé des superstitions, qui a propulsé l’Europe dès le XVIIème
siècle dans la Modernité, elle est de moins en moins perçue par les nouvelles générations.
La science a été la grande perdante des réformes scolaires des années 1990, de la maturité
en particulier, qui en n’attribuant qu’une note aux trois disciplines biologie, chimie et physi-
que, pêle-mêle détruisait leur spécificité abandonnant la cohérence des savoirs à l’arbitraire
des choix d’adolescents de 15 ans auxquels on prêtait des pouvoirs divinatoires sur le futur
marché de l’emploi.2
Quant aux arts, ils ont toujours été promus d’une manière ambigüe. Le rôle de la littérature
lié à la lecture est relativement peu contesté. Cependant, dans l’enseignement des langues,
les nouvelles approches préconisées par le Cadre européen de référence en font
l’économie ; la littérature, chassée du corpus de l’enseignement des langues de culture, est
reléguée comme un vague complément, une concession faite à ces « enseignants d’un autre
âge ». L’école continue à assurer la promotion de la musique, du théâtre et des arts visuels.
En revanche, les autres arts ont de la peine à se faire reconnaître autrement que comme ac-
tivités de loisirs, facultatives. Dans le contexte de récession économique des années 1990 et
d’hostilité croissante envers le secteur public, les coupes budgétaires sont à l’ordre du jour ;
et s’il faut économiser, ce sera au détriment des enseignements qui paraissent relever du
superflu, les disciplines « culturelles ».
2 Après plusieurs années de dysfonctionnement et à la demande expresse des associations d’enseignants et de directeurs,
cet état de fait a été corrigé en 2008 ; désormais, chaque science a retrouvé sa spécificité avec une note.
3
« Notre pays repose sur le principe de la diversité dans l’unicité, et la diversité est toujours préférable au simplisme.» B. G. joue sur
l’opposition Vielfalt (diversité) - Einfalt qui a le double sens de simplicité et de stupidité.
4 Les Suisses allemands emploient volontiers ce concept qu’on pourrait traduire par « nation découlant d’une volon-
té d’être ensemble » dans la mesure où notre pays n’est délimité ni par des frontières géographiques naturelles ni par une
unité culturelle.
-4-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
guistiques. » Les cantons ont la compétence de « déterminer leurs langues officielles » certes,
mais en préservant « l’harmonie entre les communautés linguistiques » et en prenant « en
considération les minorités linguistiques autochtones. » Dans les années 1980, le Conseil
des États a longuement débattu notamment du « principe de territorialité »5 Le multilinguisme
helvétique ce n’est pas le melting-pot. A chaque territoire correspond une des langues na-
tionales, appelée Langue première (L1).6 Cela concerne précisément l’éducation ; la L1 est la
langue de scolarisation. En revanche, un justiciable peut demander de recevoir les docu-
ments le concernant dans sa langue maternelle nationale. On notera enfin que ce principe
de territorialité strict prend « en considération les minorités linguistiques autochtones ».
5
« Les cantons déterminent leurs langues officielles. Afin de préserver l’harmonie entre les communautés linguistiques, ils
veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques au-
tochtones. » Constitution art. 70 al. 2, libellé adopté par votation populaire en 1996
6
On a pris l’habitude depuis quelques années de parler de « Langue 1 (L1) » au lieu de « langue maternelle » parceque ce
n’est pas nécessairement la langue maternelle de tous les habitants.
7
«On ne connaît la culture qu'à travers les cultures, le langage qu'à travers les langues, la musique qu'à travers les musiques. C'est-à-dire que la
relation entre l'unité et la diversité est inséparable. Ceux qui ne voient que la diversité occultent l'unité humaine, ceux qui ne voient que l'unité
occultent la diversité humaine. » «Le mot culture a un sens anthropologique (il concerne tout ce qui est acquis et non inné), un sens sociologique
(comme culture d'une société ou d’une ethnie donnée) et un sens élitiste («culture des cultivés», humanités, philosophie, arts, etc.) Et nous bascu-
lons inconsciemment en permanence d'un sens à l'autre.» Edgar Morin, préface à Culture &t cultures, dir. par R. Benkirane et E.
Deuber Ziegler, Musée d’ethnographie de Genève, 2007
-5-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
sur le territoire telles que les voient ceux qui s’en font les porte-paroles ? Certainement pas.
L’intolérance, le racisme ne sont pas des valeurs culturelles acceptables. Il y a un champ de
diversité à l’intérieur duquel l’expression de chacun est respectée, un contrat social qui unifie
toute société. La difficulté, c’est qu’il est rarement formulé en un catalogue, si ce n’est a
contrario au moment où l’un de ces implicites est mis en cause.
a. Le respect des droits de l’homme
Une énumération des différents principes définissant le contrat social qui unit notre pays
n’entre pas dans le cadre de cette réflexion. Une première réponse globale incontournable
toutefois consiste à dire que toute culture qui respecte les droits de l’homme en participe. En
outre, il faut tenir compte d’acquis historiques qui caractérisent la Suisse moderne.
b. La laïcité
C’est par la laïcité que les constituants de 1848 ont mis une fin durable aux guerres idéolo-
giques dites « de religion » qui ont ensanglanté notre pays durant deux siècles. La laïcité
n’est pas la négation des religions, mais la condition qui permet leur cohabitation dans le
respect mutuel acceptée et respectée par les trois religions historiques de la Suisse.
c. La reconnaissance de nos quatre communautés linguistiques
Sur ce point, voir le chapitre qui lui est consacré pp. 4-5
LES LIEUX D’ÉDUCATION À L’INTERCULTURALITÉ
a. L’école
On pense évidemment immédiatement à l’école. A juste titre puisqu’elle accueille l’ensemble
de la population d’un âge donné. Il est donc essentiel qu’elle transmette les valeurs de la
diversité culturelle. Elle peut être explicite – l’intégration à l’enseignement des valeurs qui la
fondent – et implicite par la conviction du corps enseignant et l’exigence scrupuleuse et cons-
ciente du respect mutuel des élèves. Car rien ne sert de prôner des valeurs de tolérance et
de respect si des enseignants manifestent le contraire ou si la cour de récréation est un lieu
de discrimination et de violences xénophobes ou raciales.
Mais tout ne peut pas reposer sur l’école.
b. Les institutions
Les centres culturels qui permettent la rencontre des cultures sont des lieux – trop rares - pri-
vilégiés. De même que les lieux publics qui familiarisent avec les cultures différentes : mu-
sées, expositions, cinémas, etc. On estime, en général, que la très grande diversité des mu-
siques et danses du monde a créé dans toute une partie de la jeunesse un préjugé favora-
ble à l’acceptation de populations « à signes extérieurs de différences ».
c. Les espaces permanents d’interculturalité
Dans la plupart des villes de Suisse existent des espaces permanents d’interculturalité qui
regroupent autour d’activités communes des populations diverses sans distinction de leur
origine. Gérés par des associations avec ou sans contribution des collectivités publiques, ces
lieux sont de puissants intégrateurs et leviers de tolérance.
d. Les événements culturels, musiques et danses du monde
Si le théâtre reste largement confiné par la langue, en revanche la musique et la danse don-
nent lieu à des manifestations interculturelles dont on peut dire qu’elles ont joué un rôle très
important de rapprochement ces deux dernières décennies.
DES LIEUX AMBIVALENTS
Des espaces regroupant des populations diverses peuvent stimuler la tolérance ou au
contraire attiser l’intolérance. Ceci est le cas en particulier dans des quartiers qui se dégra-
-6-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
dent soit en raison de la pauvreté soit par une absence de souci de leur aménagement de la
part des collectivités publiques.
a. Le voisinage
Le voisinage est important. L’architecture, l’aménagement du territoire sont des vecteurs de
transmission culturels. Ils peuvent favoriser la rencontre interculturelle ou au contraire engen-
drer les discriminations. Emmen avec une communauté kosovare et albanaise ghettoisée, a
largement contribué à exciter la xénophobie. Les Pâquis à Genève sont un quartier ou se
mêlent des populations diverses et ou fleurissent aussi des activités particulières comme la
prostitution. Mais c’est aussi un quartier vivant et riche en rencontres multiculturelles avec une
association qui veille à les animer et une maison de quartier active et ouverte aux associa-
tions d’une communauté très internationale. La récente confrontation dans la rue de popula-
tions visibles s’adonnant au trafic de drogue et au vol à la tire a fait la Une des journaux pi-
mentée par des opérations coup de poing de la police. Pourtant, il est difficile de dire que la
xénophobie y soit plus présente qu’ailleurs si ce n’est dans l’esprit des lecteurs d’autres
quartiers de la presse qui les met en évidence.
b. Le champ politico-médiatique
Enfin, les campagnes politiques – par exemple l’initiative anti-minarets, ou l’affiche des mou-
tons noirs – qui stigmatisent l’étranger ou celui qui est différent ne favorisent pas vraiment
l’interculturalité. Mais elles peuvent aussi être l’occasion de débats publics favorisant une
prise de conscience individuelle. Les médias peuvent servir en l’occurrence de caisse de ré-
sonnance de la xénophobie en attisant les peurs irraisonnées ou au contraire d’éducation à
l’acceptation des différences.
-7-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
-8-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
le monde entier depuis le XVIème siècle. Selon l’anthropologue Emmanuel Todd 8, « nous de-
vons admettre que l’accès général à la lecture, à l’écriture et à l’arithmétique de base, puis
le décollage des éducations secondaires et supérieures constituent ensemble l’un des axes
essentiels de l’Histoire. » « La faculté de lire et d’écrire est plus qu’une compétence, elle
suppose une transformation de l’homme (..) une transformation en profondeur de l‘activité
mentale. (…) L’alphabétisation, c’est évident, mène à la démocratie. [au moins à long
terme] Nous devons comprendre comment. Et nous demander si l’entrée en stagnation édu-
cative est responsable de l’ébranlement actuel des valeurs et des pratiques démocrati-
ques. »
8
Emmanuel Todd, Après la démocratie, © éditions Gallimard 2008, pp 65-66.
-9-
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
TENDANCES
La signature des Conventions UNESCO 2003 9 et 2005, leur ratification à ce jour par une cen-
taine de pays, marquent un changement de climat. L’échec économique de la globalisation pi-
lotée par le libre-échangisme intégral, la crise qui l’accompagne, ouvrent une ère nouvelle
avec un risque et une chance. Le risque c’est qu’aucune leçon ne soit tirée de ces vingt derniè-
res années et qu’on s’enfonce dans la régression sociale et culturelle ; la chance, c’est la pos-
sibilité de réunifier la société autour d’un nouveau contrat social comme celui qui a permis la
dynamique des années 1960-80. Ce qui en décidera, ce sera l’émergence ou non de nouvel-
les forces sociales qui concrétisent les valeurs consignées dans les Conventions UNESCO, les
traduisent, en l’occurrence, dans la réalité helvétique.
1. L’INSTRUCTION PUBLIQUE
On ne va pas refaire ici l’histoire de l’instruction publique en Suisse depuis ses origines.
Nous partons de la première grande rupture des années 1960-80 caractérisée par un opti-
misme et un large consensus social sur la valeur du savoir et l’importance de l’instruction à
l’origine d’un extraordinaire essor de l’école porté par la volonté de « démocratiser » l’accès
aux études. Il convenait d’assurer une promotion sociale par le savoir en éliminant les obs-
tacles financiers et aussi moraux ; contrairement à sa version étriquée plus tardive qui ne
voit plus que l’aspect économique de réussite individuelle à tout prix, la démocratisation
des études a été d’abord un formidable projet culturel d’une école qui s’ouvrait sur le
monde de la culture, tissait des liens avec les institutions comme les musées, les théâtres,
tous les domaines des arts et qui s’est conjugué avec un mouvement social puissant et très
créatif assurant l’émergence de formes nouvelles de culture portée par les jeunes généra-
tions (le rock, les cultures et les lieux alternatifs, Rote Fabrik, Rhino…), avec l’essor paral-
lèle de la culture des amateurs - en particulier du théâtre10 et de la musique - caractéristi-
que de la vigueur de la société civile.
La chute du mur de Berlin de 1989 matérialise un basculement brutal du monde vers un or-
dre nouveau unipolaire marqué par la domination de l’idéologie anglo-saxonne qui valorise
l’utilité et la réussite par la concurrence, s’oppose violemment au rôle re-distributeur et ré-
gulateur de l’ETAT. L’école devient dès lors une cible de toutes les critiques au même titre
que les autres institutions. On exige d’elle qu’elle se mette au service des individus pour
leur réussite personnelle, met en cause les valeurs humaines du savoir au profit de leur uti-
lité pour le futur marché de l’emploi.
AU VENT MAUVAIS DE L’UTILITARISME ET DES IDÉOLOGIES OBSCURANTISTES
Si le danger de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS/GATS) dans sa radi-
calité destructrice du savoir semble provisoirement écarté – et encore ! – l’illusion utilitariste
reste omniprésente et continue sur la lancée des années 1990 de dicter sa loi dans les ré-
9
Pour la sauvegarde du patrimoine immatériel
10
Par ex. le nb de troupes affiliées à la Fédération suisse (romande) des sociétés théâtrales d’amateurs (FSSTA) passe de
60 en 1960 à 184 en 2009. Les 4 fédérations suisses – 1 par langue – totalisent près de 1000 troupes
- 10 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
11
Le cas d’EVAMAR faisant le point sur la nouvelle maturité est un essai intéressant, mais très décevant dans les conclu-
sions qu’en tirent les autorités.
- 11 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
des apparences scientifiques. Leur utilisation exige donc des recoupements et de dis-
poser d’un haut degré de compétence pour démêler le vrai du faux.
Le culte de l’image et de l’immédiateté. L’avènement puis la généralisation de l’audio-
visuel ont propulsé à l’avant-scène l’information par l’image. Les nouvelles générations
sont non seulement gavées par la télévision, mais l’école elle-même, dans un souci de
« modernité », s’est laissée envahir. Dans les années 1960-80, on imaginait encore qu’il
fallait éduquer les jeunes à lire l’image d’une façon distanciée et critique ; désormais,
l’image sert à séduire et de raccourci dans l’acquisition des connaissances. La satisfac-
tion instantanée par l’image est un piège.12 Elle induit une substitution de l’émotion à la
réflexion, de la recherche de bien-être immédiat se contentant du vraisemblable au dé-
triment de la quête de sens par l’intelligence.
Le savoir en miettes par l’individualisation. L’individualisation des parcours scolaires ba-
sée sur des disciplines dissociées les unes des autres s’est présentée dans la foulée
des idées de 1968 comme une attention à l’individu, promettant à chacun satisfaction
selon sa motivation. Avec trois conséquences importantes : d’une part, la dissociation
des disciplines brouille la cohérence entre elles, leur hiérarchisation et consacre
l’abandon de la notion de culture générale au profit d’un panier de la ménagère des
savoirs; d’autre part, elle isole les élèves en autant de monades fermées sur elles-
mêmes, affaiblissant leur sentiment d’appartenir à une collectivité.
En poussant cette tendance à l’extrême, on aboutit à l’aberration de l’AGCS/GATS qui
se propose de traiter les savoirs et compétences comme autant de marchandises réduc-
tibles à leur valeur d’échange.
c. L’électrochoc PISA : la révélation de l’illettrisme
« La part des jeunes dont les compétences en lecture sont médiocres est particulièrement
élevée en Suisse (…) Les disparités entre élèves en fonction de leur origine y sont mani-
festes où le statut professionnel des parents influence le plus les compétences en lecture
des enfants». Le commentaire du 4 décembre 2001 de l’Office fédéral de statistiques est
brutal, à la mesure du constat de l’enquête PISA 2000 : 16% à 20% des jeunes de 15 ans
ne parviennent pas à lire un texte plus ou moins complexe et à le mettre en relation avec la
réalité. En d’autres termes, un élève sur cinq ou six est illettré en Suisse en fin de scolarité
obligatoire. Le landerneau pédagogique, frappé soudain de stupeur, découvre en même
temps la puissance de l’héritage familial. Même si l’école n’est pas toute puissante, on
peut s’étonner qu’un élève illettré sur cinq ou six ait pu passer inaperçu dans les classes.
Est-ce la faute à l’école ? Pas si simple. Les causes de l’illettrisme sont complexes, tributai-
res de facteurs extérieurs dans un contexte d’éclatement social qui met dans l’impossibilité
certaines familles d’encadrer ses enfants et de valoriser l’effort scolaire.
Ce qui est particulièrement inquiétant, en revanche, c’est l’attitude de déni des autorités
scolaires à tous les niveaux qui ont mis l’école en chantier permanent depuis deux décen-
nies. Le grand perdant de cette frénésie réformiste des années 1990 c’est la langue pre-
mière ; or, tout l’apprentissage scolaire, le développement des aptitudes intellectuelles re-
posent sur sa maîtrise. L’école se trouve soudain dans l’incapacité de reconnaître
l’importance de l’illettrisme et de créer les instruments pour y remédier.
12
« L’enfant qui tête encore le sein de sa mère ne fait pas de différence entre lui-même et ce sein qui lui procure le plaisir qu’est l’apaisement de
sa faim. Si sa mère lui retire le sein, il pleure, il crie, parce qu’il perd la partie de son propre tout qui lui donnait du plaisir. Il suffit que le
téton lui revienne en bouche pour qu’il se retrouve finalement tout entier. Il faudra beaucoup de temps pour qu’il apprenne à considérer le sein
et le corps de sa mère comme un Autre indépendant de lui-même mais quand même accessible dans un aller-retour permanent à l’intérieur
d’un univers où lui-même et l’Autre ont chacun leur espace. Nous nous trouvons souvent dans une situation semblable avec les écoliers ou les
étudiants qui sont envahis par et dans un monde d’images qu’ils reçoivent avec de moins en moins de distance. » (Contribution de Gérald
Morin).
- 12 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
d. Relativisée dans sa fonction culturelle, l’école doit paradoxalement faire face à une de-
mande de prise en charge éducative pour laquelle elle n’est pas faite
La grande surprise révélée par PISA, c’est, à l’encontre des espoirs de démocratisation des
études nourris durant les années d’expansion, que le rôle de la famille dans l’héritage
culturel et la réussite scolaire est et reste déterminant. Or, dans leurs conséquences, la
fracture sociale et la narcissisation, chacune dans un registre différent, contraignent
l’instruction publique - conçue pour apporter un complément à l’éducation de la famille et
non se substituer à elle - à prendre en charge des tâches éducatives qui ne sont pas les
siennes et pour lesquelles elle n’a pas les moyens.
La fracture sociale : L’augmentation d’une population précarisée par un taux de chô-
mage durable – pratiquement inexistant dans les décennies précédentes –, une éléva-
tion rapide du nombre de divorces avec tous les problèmes aussi bien affectifs
qu’économiques liés aux familles monoparentales fragilisent de nombreuses familles. A
quoi s’ajoute l’afflux de populations fuyant des pays sinistrés par des guerres, faillites
économiques ou conflits ethniques mal insérées socialement. Ces familles monoparenta-
les, de chômeurs ou d’immigrés de fraîche date ont de la difficulté à assurer un suivi
éducatif de leurs enfants. Il en découle une insécurité pour eux, une difficulté à se proje-
ter dans l’avenir ne serait-ce que pour nourrir des espoirs professionnels, qui paralysent
leur capacité d’apprentissage ou se traduit par des comportements problématiques.
La « narcissisation », décrite comme un phénomène tendanciel de notre époque, particu-
lièrement dans certaines couches plus favorisées, et une perception nouvelle des liber-
tés accordées à la jeunesse induisent aussi des comportements peu propices à l’étude.
e. Illettrisme, inappétence à l’étude, incivilités scolaires sont des signes d’un mal profond,
l’indice d’un sous-développement sectoriel à l’intérieur même des sociétés libérales avan-
cées. Ils concernent tout de même une partie importante – un cinquième par l’illettrisme - de
la population exclu de l’accès à la culture. Une immigration non-assimilée y a sa part, peut-
être ; elle n’est certainement pas celle que lui assigne la majorité de la classe politique –
répercutée complaisamment par les médias - fascinée par les scores de l’UDC, qui joue
avec l’idée d’exclure les étrangers des classes pour les traiter à part, préconise de punir
des parents en détresse au prétexte de les responsabiliser. De telles propositions relèvent
du cynisme de nantis qui se rassurent en culpabilisant les victimes d’une société à plusieurs
vitesses ; elles ne débouchent non seulement sur aucune amélioration, mais elles occultent
le vrai problème dont la solution est en amont, dans la recomposition d’un tissu d’aides aux
familles en détresse ou en difficulté. On observe par ailleurs en Suisse allemande une po-
larisation inverse sur « l’encouragement aux surdoués » (Begabtenförderung), voire
l’incitation aux bons résultats scolaires par l’argent (!). Sont-ce des épiphénomènes ou un
clivage entre sensibilités latine et alémanique qui se développe, il est difficile de le dire. La
très nette polarisation aux chambres fédérales sur la priorité aux langues nationales entre
une droite alémanique massivement favorable à l’anglais contre une majorité dans les can-
tons latins et bilingues serait peut-être indicative de tendances assez dangereuses.13
f. Standardisation et bureaucratisation contre la diversité culturelle
A la faveur des réformes en cascades des années 1990 de nombreuses structures, instan-
ces et postes administratifs ont été créés: une véritable bureaucratie scolaire au niveau tant
cantonal que fédéral va se substituer à l’initiative des maîtres et s’interposer entre eux et le
public. Au début des années 2000, la République fédérale allemande a commandé une
expertise à un groupe dirigé par le professeur Klieme qui a donné son nom à un volumi-
13
Voir plus loin le chapitre sur les langues pp. 14-15
- 13 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
neux rapport pour justifier puis imposer des standards de formation (Bildungsstandarde).
Forte de cette caution « européenne » encore caricaturalement sous l’influence de
l’idéologie OMC, la CDIP entend imposer des « normes européennes ». La diversité, voilà
l’ennemi à abattre ! Il semblerait que la Convention UNESCO y soit encore inconnue. Les jus-
tifications sont toujours les mêmes : la liberté pédagogique des maîtres y fait figure de li-
cence indue, la diversité des méthodes, adaptées aux situations concrètes les plus diver-
ses, passe pour un attentat à l’ordre et à l’harmonie. Désormais, on inversera la pyramide
pour soumettre la réalité scolaire à une logique administrative.
Il est utile de rappeler que l’enseignement c’est ce qui se passe entre des élèves et leurs
professeurs et que c’est là l’essentiel de l’acte pédagogique. En tant que corps constitué et
organisé, les maîtres sont au premier chef les spécialistes de l’enseignement. Ils y sont
formés sur le plan culturel, pédagogique et par l’expérience du terrain. Les conséquences
au niveau de la pertinence de l’enseignement sont doubles :
Traditionnellement, le maître est un ambassadeur auprès de ses élèves du monde de la
culture - auquel il est attaché par sa formation - et de la société démocratique.14 Comme
leurs concitoyens, les maîtres ont des options politiques et croyances très diverses ;
mais il y a un corpus commun de convictions caractéristiques qu’ils transmettent et aussi
des attentes à leur égard. Cette fonction est essentielle. Elle a permis dans les années
1980-90 d’absorber le premier choc de l’hétérogénéité sociale due à l’immigration de
pays lointains dans des quartiers, par exemple les Pâquis à Genève, où les élèves
étrangers et allophones étaient largement majoritaires. Neutralisé par des standards
vides de tout contenu culturel définis en termes de « situations », spolié de son inventivi-
té, l’enseignement ne les remplira plus.
Un enseignement « normalisé » deviendra ce qu’il est dans tous les pays totalitaires où
c’est le parti ou une caste de bureaucrates qui dicte ce qu’il faut dire et ne pas dire :
acratopège. On en voit déjà les premiers effets sur la nouvelle génération de maîtres
dans les régions où les réformes sont entrées dans le quotidien : désinvestissement par
rapport à l’institution, fragilité, qualunquisme, déculturation.
La standardisation de l’enseignement et la bureaucratisation de son organisation consti-
tuent sans doute le danger le plus grave pour l’école et l’éducation à la diversité culturelle
parce qu’elles paralysent l’institution irremplaçable de sa transmission.
- 14 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
tionales, la majorité alémanique du Conseil des États la conteste et menace de faire capo-
ter la Loi. Il sera amendé en faveur du libre choix des cantons entre anglais et français, les
cantons latins et bilingues maintenant dans leur région la priorité aux langues nationales.
Jusque dans les années 1990, l’école donnait aux élèves les bases d’une 2 ème langue na-
tionale dès le secondaire I (12 ans, 10 ans dans certains cantons) fixée par une directive
de la CDIP : français pour la Suisse allemande et allemand pour la Suisse latine plus fran-
çais au Tessin. L’anglais était introduit au secondaire II comme langue de culture bien dotée
en heures ; l’italien était enseigné dans les mêmes conditions en section moderne du gym-
nase qui a connu un essor important durant les années 1970 à 1995. Elle était devenue
une voie de promotion sociale et culturelle tant pour les jeunes issus de l’immigration du
Sud que pour certains camarades peu portés sur le latin et les sciences. Parent pauvre,
peut-être, l’italien était tout de même choisi par un bon tiers des bacheliers.
a. Introduction de l’enseignement précoce des langues nationales
Dès la fin des années 1980, est venue s’ajouter en amont – à partir de la 4ème année pri-
maire – une sensibilisation précoce aux langues (nationales) choisies selon la directive de
la CDIP. Il s’agissait de familiariser les enfants par le jeu et le chant aux sonorités de la lan-
gue voisine dans un but de cohésion nationale.
b. La CDIP légitime la fronde zurichoise contre le français : sa logique et ses conséquences
Une décennie plus tard, Zurich annonçait à grand fracas, par la voix de son chef du DIP Ern-
st Buschor, qu’il ne respecterait plus la directive de la CDIP. Désormais, les petits Zurichois
apprendraient dès le plus jeune âge ce qui est utile à l’économie : l’anglais et
l’informatique ! Zurich sera suivie par les cantons de Suisse centrale et de l’Est. La CDIP
commande alors une « expertise » au professeur bâlois Lüdi qui rend sa copie en juillet
1998 sous la forme d’un Gesamt-Sprachen-Konzept (GSK), concept global des langues.
Son originalité réside dans le traitement « global « de l’ensemble des langues parlées en
Suisse, qui relativise le rôle des langues nationales. L’anglais est promu au rang de « lin-
gua franca », passage obligé pour l’ouverture sur le monde, sans qu’il soit précisé si, doré-
navant, il servira de langue de communication nationale en alternative au multilinguisme
national. Le choix entre l’anglais et une langue nationale se fera par regroupement de can-
tons limitrophes. A part ça, pas un mot sur le rôle primordial de la première langue. Mis en
consultation entre le 15 juillet et fin septembre 1998 (durant les vacances), le GSK est
adopté par la CDIP malgré de nombreuses oppositions. En 2000, la CDIP oscille encore en-
tre une légitimation du coup de force zurichois et le statu quo. 13 chefs de DIP votent pour
la priorité à une 2ème langue nationale contre 12. En 2004, elle prend la tête de
l’opposition à la tendance majoritaire au Conseil national, propose en « compromis »
l’introduction de deux langues précoces à choix dès la 3 ème et la 5ème année. Aujourd’hui,
elle entend traduire ce choix dans les faits au pas de charge à l’horizon 2011. L’école pri-
maire a-t-elle les moyens de cette politique ? Certainement pas. Lehrer-CH, l’organisation
faîtière des enseignants suisses alémaniques, exprime des doutes dans un communiqué du
26 mars 2006 en termes sévères, parlant de « promesses de salut aventureuses de malfai-
teurs de bureau qui passent totalement à côté de la réalité de l’école suisse ». 15
c. L’enseignement des langues change de nature et de priorités
Les années 1990 marquent un tournant décisif dans l’enseignement des langues aux anti-
podes de la Convention UNESCO qui insiste sur leur fonction identitaire:
15
„Nur Kopfschütteln wecken bei erfahrenen Lehrpersonen die unglaublich abenteuerlichen Heilsversprechen vieler akademischer Schreibtischtä-
ter, welche völlig an der Schulrealität in der Schweiz vorbei argumentieren. Wer mehr Vertrauen von der Lehrerschaft will, soll aufhören sich
auf Experten zu berufen, welche aufgrund von Untersuchungen bei zweisprachig aufwachsenden Kleinkindern Erfolgsgarantien für Achtjäh-
rige mit zwei Lektionen Französisch oder Englisch pro Woche ausfertigen.“
- 15 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
Les objectifs civiques de cohésion nationale sont remplacés par une vision économiste
qui se veut « utile » ;
les contenus et supports culturels sont évacués au profit de « situations de communica-
tions » banalisées comme le sont les sitcoms TV ;
une majorité alémanique se détourne de la Suisse romande et ne voit plus pourquoi
elle en apprendrait la langue. L’anglais est jugé non seulement plus utile, mais plus at-
tractif. En adoptant les symboles dominants de l’american way of life on se rattache di-
rectement au grand ordre du monde sans passer par le reste de la Suisse ;
La Suisse latine et les cantons plurilingues (BE, FR, GR, VS), au contraire, résistent à
cette tendance en maintenant la priorité à l’apprentissage de l’allemand et du français.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la première vague d’enseignement précoce ne se
signale pas par ses résultats. On refuse de l’admettre, parle du plaisir des enfants à cet
enseignement sans contraintes. Puis fronce les sourcils : il faudra désormais passer à un
véritable enseignement avec notes, et tout et tout. Dans le même temps, on change ra-
dicalement d’objectif et de discours. On apprendra utile selon le Cadre européen de ré-
férence (CER) qui établit une sorte de norme DIN à l’attention des écoles de langues.
On fixera des niveaux à atteindre selon l’échelle définie par le CER... Dans une suren-
chère de promesses on évite soigneusement de poser la question des résultats et des
moyens financiers et horaire (au détriment de quelles tâches prioritaires ?).
Organe de coordination intercantonal, la CDIP a pris toutes les initiatives. Ce n’est qu’au
moment où elle a voulu imposer sa vision de l’harmonisation des langues au secondaire
II (dès 15 ans) 16 qu’elle s’est heurtée à une réaction vigoureuse de la Commission
suisse de maturité : Le gymnase n’est pas une école de langues ! Le Cadre européen
de référence n’est pas adéquat.17 D’ailleurs, la maturité n’est pas un titre intercantonal,
mais fédéral. De quoi se mêle la CDIP ? D’une manière générale, qui est compétent en
Suisse en matière de politique linguistique, les cantons ou la Confédération ? Or, le
multilinguisme helvétique est constitutif de notre identité, c’est un choix stratégique de
première importance qui ne saurait être laissé à un organe d’exécution et de coordina-
tion comme la CDIP. Et c’est précisément parce qu’elle rétablit la souveraineté des Etats
en matière culturelle et la légitimité du champ politique pour l’encourager que la
Convention UNESCO est si importante et qu’il faut la traduire dans la réalité suisse.
d. La Loi sur les langues nationales reconnaît l’importance des échanges intercommunautaires
Mais en Suisse le pire n’est jamais sûr. Dans ce contexte miné, la Loi sur les langues a
néanmoins été adoptée en octobre 2007. Même affaiblie sur la priorité aux langues natio-
16
Petite caricature de la « stratégie » de la CDIP par elle-même :
« Champ d’action de la stratégie CDIP:
Les niveaux : Au niveau du système : la CDIP entend promouvoir les compétences en langues étrangères de tout le secondaire II
Micro-niveau : des enseignants engagés et des méthodologues veulent établir « des règles claires » et même « l’objectivité » des exa-
mens et des notes. [car jusqu’à présent c’était le règne de l’arbitraire, évidemment !]
le marché : Le marché inter-écoles (pour la plupart du même type) crée une offre supplémentaire avec une plus-value
par rapport au produit standard.
Le marché exige la certification = la garantie de la valeur marchande du produit
La pression de la concurrence exige une quantification dans le but d’une rationalisation
la politique : Le secrétariat général estime que le moment est favorable et que le rapport est suffisamment concret pour passer à l’étape
suivante sans soumettre le document à consultation. » (Introduction au projet d’harmonisation des langues 2008)
17
« Du point de vue de la CSM il manque tout argument en faveur de la nécessité d’aligner l’enseignement gymnasial sur le CER. Elle estime
que ce n’est pas souhaitable et ceci pour diverses raisons (…) L’enseignement gymnasial des langues vivantes poursuit au moins 4 buts : une
maîtrise pratique de la langue, une réflexion sur la langue et son utilisation, une familiarisation avec l’histoire et la culture de la langue ensei-
gnée, et sa littérature. Le CER est un instrument visant exclusivement le premier objectif, c’est-à-dire la formation pratique. Or, le gymnase
n’est pas une école de langues et aujourd’hui déjà, l’enseignement des langues y est trop chargé. » Cité in extenso en allemand dans la
revue de la SSPES Gymnasium Helveticum N°1 2009
- 16 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
nales, elle ouvre dans sa section III un espace nouveau en reconnaissant le rôle important
des échanges intercommunautaires suisses aussi bien à l’école que dans les administra-
tions et la société civile. S’en dégagent deux idées-forces : il faut encourager la mobilité
des jeunes durant leur formation, notamment des jeunes maîtres, et favoriser toute initia-
tive qui crée des liens entre régions linguistiques.
e. Les langues de l’immigration et autres langues
Le Concept global des langues (GSK, 1998) mettait sur un plan d’égalité toutes les lan-
gues de la Suisse. Une manière de brouiller les cartes pour faire passer l’anglais comme
langue de communication universelle. Là encore, la CDIP démontre que sa politique des
langues n’est pas articulée sur des concepts clairs, confondant multilinguisme et melting-
pot, négoce et culture. Dans la foulée, des voix se sont fait entendre pour que les langues
de l’immigration soient enseignées dans les écoles publiques, voire que les étrangers
soient autorisés à faire leurs examens dans leur langue maternelle. Tout ça est fort sympa-
thique, mais est-ce raisonnable ? Ces revendications correspondent au modèle anglo-
saxon de société formées de communautés fermées sur elles-mêmes conservant leur lan-
gue, leurs rites.
Consultées, les organisations faîtières des enseignants secondaires donnent des réponses
circonstanciées. La prise en compte des langues de l’immigration pour les élèves se prépa-
rant à des formations du domaine social (Ecoles sociales, de culture générale) peut être
envisagée à certaines conditions précises, notamment en vue du travail social avec des
immigrés. Mais elle ne doit en aucun cas constituer une alternative aux langues nationales.
Sur le principe, l’enseignement public doit viser l’intégration sociale et non la balkanisa-
tion des populations locales. Les cantons (villes) accueillant une importante immigration
étrangère accordent depuis longtemps des facilités (mise à disposition de locaux, etc.)
aux communautés immigrées qui souhaitent transmettre leur langue voire préparer à
des titres du pays d’origine. C’est le cas des Italiens et des Espagnols en particulier.
Cette culture de la langue maternelle relève de l’initiative privée et ne s’est jamais pré-
sentée comme alternative identitaire à l’intégration. En revanche, la demande d’intégrer
à l’enseignement public les langues de l’immigration pour des raisons identitaires re-
lève du communautarisme et contribuerait à isoler les migrants et les stigmatiser en tant
qu’étrangers permanents. D’ailleurs de quelles langues s’agirait-il ? Selon le recense-
ment fédéral 2000, le serbo-croate et l’albanais sont les deux langues les plus parlées
par les immigrés avec le turc et le portugais. Quel intérêt y aurait-il pour les Suisses de
les apprendre ?
Langues continentales : Le russe, l’arabe, le chinois et le japonais sont des langues
continentales qui prennent de l’importance dans le monde. Le russe, langue euro-
péenne, a déjà trouvé sa place dans des cours facultatifs et comme discipline complé-
mentaire et langue de culture. Sous nos latitudes, le chinois ou le japonais correspon-
draient à l’enseignement de langues anciennes. Reste l’arabe classique, langue d’une
très grande culture, comme discipline complémentaire. Pour le moment, elle n’est guère
enseignée que dans des communautés musulmanes et au niveau universitaire.
Langues anciennes, grec, latin : Ce ne sont pas des « langues de communication ». En
revanche, elles font partie de notre patrimoine culturel immatériel et sont enseignées
comme telles au niveau gymnasial. Il est à noter que leur enseignement est en chute li-
bre actuellement.
- 17 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
LES 30 LANGUES LES PLUS PARLÉES EN SUISSE EN 2000 DANS L’ORDRE DÉCROISSANT
(source : Recensement fédéral 2000)
Population CH 7'288'010 100 %
- 18 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
On accordera donc une attention particulière à des lieux de rassemblement des popula-
tions qui peuvent jouer dans un sens ou dans l’autre : l’école, les manifestations culturelles
particulièrement celles qui donnent à entendre les musiques, danses, expositions du
monde, les mouvements de quartier qui regroupent des populations indépendamment de
leurs origines, etc.
- 19 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
L’ÉCOLE
1. Il faut rétablir le pouvoir pédagogique des enseignants
et simplifier une institution devenue illisible à force de réformes. C’est par les enseignants,
leur culture et leur professionnalisme que passe le savoir et non par les systèmes. Métho-
des et procédures sont de leur compétence et doivent rester les plus souples possibles
pour répondre à la très grande diversité de situations qui caractérise notre société.
La volonté de « standardiser » ne répond pas à des besoins pédagogiques légitimes.
2. Recentrer l’enseignement sur la culture générale
L’école n’est pas un supermarché où chacun se sert selon ses besoins individuels ; elle
n’est pas non plus à la botte de l’économie. L’école travaille sur un temps long et non sur
l’actualité. Elle ne peut répondre sans danger à toutes les modes éphémères.
a. L’école doit donner les connaissances et les outils pour lire le monde dans sa diversité,
Face à l’énorme profusion de moyens d’information (Internet, images, TV, médias), il faut,
sur un socle de connaissances solide, former les jeunes à maîtriser les sources
d’information, trier, ordonner et prendre une distance critique.
b. revaloriser notamment l’humanisme scientifique et l’enseignement artistique,
La démarche scientifique a souffert d’une double dévalorisation : rejetée par certains mi-
lieux à cause de retombées jugées néfastes (nucléaire, OGM…); ou réduite à ses réali-
sations porteuses de profit. La science comme méthode d’investigation du monde et ap-
proche critique de la réalité demande à être revalorisée dans une perspective humaniste.
Au moment de la survalorisation des branches prétendument «utiles » pour le marché du
travail, les disciplines artistiques ont souffert d’une certaine désaffection. Cependant, on
n’est pas revenu au stade antérieur et elles connaissent actuellement un regain d’intérêt.
c. actualiser prudemment les connaissances générales
Ces dernières décennies ont vu se développer une conscience des limites de nos ressour-
ces et des menaces qui pèsent sur notre environnement. L’école doit intégrer des connais-
sances fondées sur notre environnement et des clés pour démêler le vrai du faux.
d. L’adaptation au monde professionnel repose sur un socle de culture générale
Il est absurde de croire qu’en apprenant à 8 ans les 212 os du corps humain on deviendra
médecin. C’est en assurant une culture générale riche et articulée que l’école préparera le
mieux aux spécialisations débouchant sur le monde professionnel. La formation profession-
nelle se fera en temps voulu assise d’autant mieux sur les connaissances générales.
3. S’attaquer à l’illettrisme est une priorité absolue
Les civilisations modernes passent par l’écriture. Toute l’aptitude à étudier, s’informer et
penser repose sur elle. L’illettrisme est un facteur majeur d’exclusion sociale et culturelle :
- 20 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
19
Cf page 5 – définition.
- 21 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
danse, les ciné-clubs… Elles doivent être encouragées et les clauses discriminatoires inter-
disant leur subventionnement supprimées.
20
L’art. 15.3 de la Loi sur les langues donnant priorité à l’apprentissage précoce d’une langue nationale avait été adopté
par 112 voix contre 56 le 21 juin 2007 par le Conseil national soit une nette majorité des 2/3. Ce vote avait été défait
par le Conseil des Etats en octobre en faveur de la liberté de choix des cantons. Depuis, la CDIP s’est précipitée dans la
brèche.
21
Qui forment les maîtres primaires
22
Verein Schweizerischer Gymnasiallehrer. Regroupe les professeurs suisses d’enseignement secondaire.
23
« Recommandations visant à promouvoir la mobilité nationale et internationale » de la COHEP
- 22 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
sormais un an sur trois dans l’autre région linguistique du canton (Brigue et/ou Monthey).
Fribourg va également dans ce sens.
11. Pour un érasme helvétique
Le 12 mars 2008, la SSPES adoptait le projet ambitieux Pour un Érasme helvétique 24, Fruit
d’un travail de plusieurs années de sa Commission langues vivantes. Il s’agit d’encourager
par un ensemble de mesures incitatives les étudiants à passer une partie ou la totalité de
leurs études dans une autre région linguistique de sorte qu’à moyen terme cette mobilité
devienne un usage généralisé. Ce projet prend en compte ce qui a été mis en place dans
l’enseignement durant les années 1980-90 (enseignement précoce des langues, maturité
bilingue), s’inscrit dans la volonté politique exprimée dans la Loi sur les langues nationales
et la ratification des Conventions UNESCO 2003 et 2005.
Le moment le plus favorable pour la mobilité est au sortir de l’adolescence où les jeunes
sont à la fois assez mûrs pour l’autonomie en dehors de leur famille et le plus libre
d’attaches. L’immersion dans une autre communauté linguistique dans un cadre d’étude est
très efficace. L’expérience des francophones ayant poursuivi leurs études au poly de Zurich
et à l’école de vétérinaires de Berne, celui de la plupart des Tessinois qui vont dans une
haute école en Suisse allemande ou romande montre qu’avec les connaissances acquises
à la maturité, la progression pour suivre les cours et séminaires dans la langue locale est
très rapide. L’avantage qui en découle est considérable. En moins d’une génération on
pourrait créer un « standard de qualité » qui rendrait tout naturel de passer une partie de
ses études dans une deuxième langue nationale.
L’avantage pour le pays d’un parcours d’étude dans une 2 ème langue nationale est double :
former des élites familiarisées aussi bien avec une autre langue nationale qu’avec des
modes d’êtres de ceux qui la parlent.
12. Pour une stratégie globale des langues qui tienne compte de la réalité
a. Tout n’est pas joué à 12 ou à 15 ans !
Aujourd’hui, la scolarité s’est prolongée jusqu’à 18-20 ans pour plus de 80% des jeunes.
Tout n’est pas joué à 12 ans, ni à 15 ans ; c’est un fait dont il faudra tenir compte en pre-
nant en considération l’ensemble des étapes des parcours linguistiques de l’école primaire
à l’université afin de soulager l’école primaire d’une pression démesurée sur les langues et
de la rétablir dans ce qu’elle sait faire avec une priorité absolue sur la langue première et
la réduction de la « fracture pédagogique ».
b. Concevoir une politique globale par segment
En matière d’enseignement des langues, l’école doit réapprendre à faire ce qu’elle sait
faire à chaque étape :
Une sensibilisation légère aux langues nationales par le jeu à l’école primaire,
un enseignement exigeant structuré et bien doté en heures qui assure les bases au se-
condaire I (12-15 ans),
l’acquisition de langues de culture contenant des aspects culturels, en particulier la litté-
rature au gymnase ou pour les autres établissements du postobligatoire des objectifs
particuliers aux écoles professionnelles
des parcours d’étude aux hautes écoles incluant un passage dans une autre région lin-
guistique.
A chacune de ces étapes, les méthodes et la formation requise des maîtres ne sont pas les
mêmes. Avant de céder à l’emballement pour un enseignement précoce des langues
24
Pour un Erasme helvétique développe une argumentation circonstanciée et riche. Nous la mettons en annexe
- 23 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
étrangères plus médiatique que fondé, il serait temps d’en évaluer les résultats réels et
non la satisfaction des apprenants. Un PISA confié à des évaluateurs indépendants.
PAR L’ÉCOLE
13. L’école est le creuset de la diversité culturelle
L’école est le lieu central de socialisation des nouvelles générations. Il est bon de rappeler
que les enfants et les jeunes vivent dans l’immédiat et que leur immédiat c’est leur envi-
ronnement actuel. Leur vécu scolaire est donc absolument déterminant. Il peut être un creu-
set de la diversité culturelle à trois conditions :
a. Un corps enseignant formé à la diversité culturelle et à la tolérance
Il convient d’être extrêmement attentif à la formation culturelle et civique des enseignants
et des responsables scolaires en intégrant dans leur formation une connaissance de la
question et des mécanismes de dialogue désamorçant les conflits identitaires et de pro-
mouvoir une Éducation à l’interculturalité. Citons à ce propos les recommandations de la
COHEP sur la formation des enseignants aux approches interculturelles. 25
b. Un vécu scolaire respectueux de tous et exempt de stigmatisations
Le plus sûr vecteur de tolérance entre les cultures, c’est le vécu au sein de l’école d’une co-
habitation pacifique entre élèves avec leurs cultures, acceptant les différences sans les
stigmatiser. Cette cohabitation doit être garantie par une attention rigoureuse à toute mani-
festation d’intolérance et une délimitation claire des revendications identitaires qui
s’opposent aux valeurs humanistes. Ce n’est pas la promotion du n‘importe quoi, mais au
contraire une défense sans concession de la diversité culturelle fondée par la connais-
sance. L’école doit être un lieu de tolérance active, c’est-à-dire que tous ses acteurs doi-
vent y être formés et adhérer aux valeurs du « contrat social » qui unifie la société.
c. L’intégration dans l’enseignement des valeurs fondant le respect de la diversité
La biologie a pu être instrumentalisée pour étayer des hiérarchies raciales. Il en a été de
même de « l’anthropologie physique »26 Dans les années 1960, le manuel Cuvier de philo-
sophie en usage en France, par exemple, comportait encore une section sur la philosophie
des colonies… ! Or, les travaux récents de l’anthropologie, qui traitent de l’homme dans sa
diversité, amènent des éléments nouveaux réfutant les théories raciales ou génétique ; ses
connaissances méritent d’être intégrées à l’enseignement des « sciences humaines ». Une
évolution semblable a expurgé la biologie de ses relents détestables. Montrer l’homme
dans sa diversité tant culturelle que « physique » sans vouloir établir de hiérarchie est une
contribution non négligeable tant à la tolérance qu’à la perception de la diversité culturelle.
25
On trouvera les recommandations de la COHEP (Conférence des directeurs des Hautes écoles pédagogiques, chargées
de la formation des maîtres primaires) sur la mobilité et sur la formation à l’inter-culturalité sur le site
http://www.cohep.ch/fr/publications/recommandations/
26
Cf. Larousse : Anthropologie physique : étude des différentes caractéristiques des hommes du point de vue physique
(taille, couleur et réflectance de la peau, forme du nez, volume du crâne, forme des yeux, proportions de la bouche,
groupes sanguins, etc.).
- 24 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
rités urbaines et cantonales, de même que des associations de la société civile ont un de-
voir éducatif en créant les conditions de rapports de voisinage pacifiés.
a. Pour une écologie de l’habitat
La montée d’une sensibilité à l’écologie est un facteur favorable à une réflexion et des ré-
alisations tenant compte du rapport population-environnement et des besoins culturels.
L’habitat est un élément essentiel d’intégration ou de discrimination. Qu’on parque des mi-
norités ethniques dans un lieu, mal aménagé au surplus, et naît déjà l’enfermement idéo-
logique de la monoculture et des manifestations d’exclusion.
b. L’importance des associations de quartier dans les villes ou communales.
Centrés sur l’environnement immédiat, les associations de quartier ouvrent un espace
d’expression à la population telle qu’elle se présente indépendamment des origines.
- 25 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
Échéances et séances
Le groupe g s’est réuni trois fois : le 31 mars toute la journée à Soleure ; le 1er mai et le 23
juin 10h à 16h à Genève.
- 26 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
In fine
Les « considérations théoriques » que nous reproduisons dans la première partie nous ont
permis de dégager les trois thèmes principaux – comme demandé lors de la journée du 31
mars – et les thèses. Ce sont celles d’experts réunissant des compétences dans la culture et
sa promotion (muséographie, responsabilité des affaires culturelles d’une grande ville
suisse, cinéma, production de films, enseignement en général et des langues en particulier,
engagement dans la politique du multilinguisme helvétique…). En tout, quatre francopho-
nes et une germanophone mais tous multilingues, deux femmes et trois hommes. Elles ne
sont pas l’objet direct du rapport mais éclairent sur les présupposés de leurs auteurs qui ne
sont, bien évidemment, pas neutres dans un tel débat.
Enfin, les cinq personnes réunies pour cette réflexion ont beaucoup appris les unes des au-
tres et se proposent de poursuivre une réflexion et éventuellement une action dans les dif-
férents lieux de leurs activités.
On trouvera en annexe un bref CV de nos experts. Les documents préparatoires rédigés par
les uns et les autres seront conservés et sont consultables par le groupe pilote sur de-
mande. Ils ne font pas partie du rapport en tant que tels et s’ils devaient donner lieu à pu-
blication, il conviendrait de consulter leurs auteurs au préalable.
En annexe :
cv des experts, quelques références : institutions et documents
- 27 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
- 28 -
LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
Il a ensuite dirigé le musée de la Fondation Claude Verdan à Lausanne qu'il a créé, puis le Musée d'Histoire des
sciences de Genève où il a fondé la manifestation grand public « La Nuit de la Science ». Pendant sa direction du
Musée d’ethnographie de Genève, il a conçue l’exposition « Nous Autres » qui a également circulé dans différents
pays d’Europe.
Il s’intéresse depuis le début de sa carrière à la didactique des sciences et plus particulièrement à la didactique
de l’anthropologie, aussi bien culturelle que biologique. Il a publié de nombreux articles scientifiques sur ce sujet.
Il poursuit actuellement ces travaux en didactique de l'anthropologie et cherche à promouvoir l'enseignement de
ces disciplines, notamment dans les filières de l’école secondaire. Le site www.etrehumain.ch donne un aperçu
des réflexions qu’il mène.
Ninian van Blyenburgh est chargé de cours à l’Université de Genève où il enseigne l’histoire d’anthropologie et à
l'Université de Neuchâtel où il enseigne la muséologie.
GÉRALD MORIN
Cinéaste et professeur à l’ECAV de Sierre
av. Eglantine 5, 1006 Lausanne VD
021 312 04 04 / +4179 226 32 44
[email protected]
Gérald Morin a participé à la réalisation de 58 films dont « Amarcord » et « Casanova » de Federico Fellini, « Lady
Hawke » de Richard Donner, « Le Nom de la Rose » de Jean-Jacques Annaud, « Chronique d’une Mort annoncée »
de Francesco Rosi et « The Five Obstructions » de Lars von Trier & Jorgen Leth.
Après avoir travaillé pendant 23 ans à Cinecittà, Gérald Morin continue de produire des films depuis ALMAZ FILM
PRODUCTIONS à Lausanne.
Ancien président du Conseil de la Culture de l'Etat du Valais, directeur artistique de la Journée Cantonale Gene-
voise à EXPO 02 et délégué général du Festival du film de Genève « Stars de Demain », co-fondateur de « La
Fondation Fellini pour le Cinéma » à Sion, il est actuellement rédacteur responsable du magazine "CultureEnjeu" et
enseigne le cinéma à l’ECAV à Sierre.
MARCO POLLI
Prof retraité, comédien, linguiste, publiciste
37 Chabrey, 1202 Genève
022 734 07 94 / 079 745 44 89
[email protected]
Genevois de naissance de père Tessinois et de mère Suisse allemande a grandi dans l’idée que le multilinguisme
n’est pas un problème. Licencié en philosophie et ès lettres de l’Université de Genève (français, allemand, paléonto-
logie humaine) a enseigné de 1962 à 2005 le français, l’allemand, la philosophie et l’informatique. A présidé de
1975 à 1995 l’Union du corps enseignant secondaire genevois (UCESG), fait partie de nombreuses commissions ge-
nevoises et suisses sur l’enseignement des langues, la formation continue…
Devenu comédien amateur sur le tard, monte régulièrement sur les planches depuis 1994 (39 participations à des
pièces). Secrétaire général de la Fédération suisse des sociétés théâtrales d’amateurs. Juin 2005, obtient le diplôme
d’interprétation théâtrale du Conservatoire populaire de Genève.
Depuis sa retraite en juin 2005, partage son temps entre une activité de comédien et metteur en scènes, la participa-
tion à des associations culturelles (Coalition suisse pour la diversité culturelle, Culture enjeu), liées au théâtre - ch-
dramaturgie, Conseil international des fédérations de théâtre amateur d’expression latine - et de langue : Commission
langues vivantes de la SSPES.
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LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
Commission extraparlementaire
Département fédéral de l'intérieur : Commission suisse de maturité CSM
La Commission suisse de maturité (CSM) est un groupe d'experts mandaté par la Confédération et les cantons pour traiter
les questions de la maturité gymnasiale et de la reconnaissance des maturités à l'échelle nationale. (20 membres)
www.admin.ch/ch/f/cf/ko/index_10133.html
Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique CDIP
réunit les 26 conseillers et conseillères d'État responsables de l'éducation.
www.edk.ch/dyn/11926.php
La Conférence des directrices et directeurs de gymnases suisses CDGS rassemble les responsables de toutes les
écoles qui délivrent des certificats de maturité reconnus par la Confédération et les cantons
www.ksgr-cdgs.ch/
Conférence des rectrices et recteurs des hautes écoles pédagogiques COHEP,
Regroupe les directeurs de hautes écoles pédagogiques. Coordonne et soutient le développement de la formation
d’enseignants dans les domaines suivants: enseignement, recherche, formation continue et prestations de services.
Fédérations d’enseignants :
ENSEIGNEMENT GYMNASIAL DE TOUTE LA SUISSE
Regroupe les associations cantonales de maîtres d’écoles délivrant des maturités et les sociétés de branche.
Organe : Gymnasium Helveticum
http://www.vsg-sspes.ch/
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LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
LE CONTEXTE
2007-08 a vu l’adoption par les Chambres fédérales de la Loi sur les langues 27 et la ratification de la Convention
UNESCO sur la diversité culturelle. 28
Pour la première fois dans un traité international, la nature particulière de la culture comme porteuse d’identité et
de sens est reconnue comme une valeur fondamentale, un droit de l’homme.29 Sa ratification s’inscrit donc dans la
logique de notre pays qui a ancré la diversité culturelle à laquelle elle associe les langues dans sa Constitution. 30
Tout comme la culture, les langues sont par excellence porteuses de sens et d’identité. Leur maîtrise dans un pays
officiellement multilingue ne se limite donc pas à un avantage commercial ; elle est un facteur de cohésion.
La « compréhension entre les communautés linguistiques » passe par la connaissance des langues de notre pays.
C’est ce qu’exprime d’emblée l’intitulé de la Loi sur les langues, aboutissement de 7 ans de travaux parlementai-
res. La nature même de notre pays multilingue exige un effort particulier d’enseignement des langues nationales.
27 Intitulé complet : Loi fédérale sur les langues nationales et la compréhension entre les communautés linguistiques.
28 Intitulé complet : Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles 2005
29 « Les activités, biens et services culturels (…) sont porteurs d'identités, de valeurs et de sens et ne doivent donc pas être traités comme ayant ex-
clusivement une valeur commerciale ».
30 « Dans l’accomplissement de ses tâches, la Confédération tient compte de la diversité culturelle et linguistique du pays. » (Art. 69 al. 3
Culture)
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LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
La fin du XXème siècle a vu l’avènement de l’enseignement précoce des langues et de l’enseignement bilingue
au secondaire. Mais les propositions les plus prometteuses se heurtent au manque d’enseignants généralistes ou
non linguistes maîtrisant couramment la langue cible. Tant qu’ils ne seront pas en nombre suffisant dans toutes les
disciplines, la maturité bilingue, par exemple, restera très minoritaire. Il faut donc former de très nombreux maîtres
à la pratique d’une deuxième langue nationale. Or, tant au niveau primaire que secondaire, on atteint des limites
dans l’enseignement des langues qui paraissent indépassables.
L’expérience des élèves francophones ayant poursuivi leurs études à l’EPFZ ou à l’école de vétérinaires de Berne,
des Tessinois qui vont dans une haute école en Suisse allemande ou romande montre, qu’avec le niveau de
connaissances linguistiques de la maturité, la progression pour suivre les cours et séminaires dans la langue lo-
cale est très rapide. La maîtrise fluide de deux langues nationales qui en découle est un avantage important.
Pourquoi alors, ne pas inclure les hautes écoles dans un parcours linguistique qui doit amener les suisses à mieux
se comprendre ?
A ce stade, en effet, l’immersion dans une autre communauté linguistique dans un cadre de travail ou d’étude est
le vecteur le plus efficace de multilinguisme. Il demande à être organisé.
Ceci d’autant plus que l’application des accords de Bologne pousse à une redistribution dans tout le pays des en-
seignements supérieurs et ne permettra plus, à l’avenir, d’offrir certains types d’enseignement dans toutes les ré-
gions linguistiques. Un nombre croissant d’universitaires seront ainsi contraints à la mobilité.
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LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
2. Zweifellos braucht die Koordination zwischen Hochschulen einige Zeit, damit das Studium ohne Zeitverlust
fortgeführt werden kann. In weniger als einer Generation könnte ein „Qualitätsstandard“ geschaffen werden,
der es vollkommen normal machte, dass ein Teil des Studiums in einer zweiten Landessprache unternommen
würde. Das Land würde ausserordentlich dabei gewinnen, über eine Elite zu verfügen, die nicht nur eine an-
dere Landessprache spricht, sondern auch noch mit der Lebensart dieses anderen Landesteiles vertraut ist.
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Bundesgesetz über die Landessprachen und die Verständigung zwischen den Sprachgemeinschaften (Sprachengesetz, SpG)
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Übereinkommen über den Schutz und die Förderung der Vielfalt kultureller Ausdrucksformen 2005
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« Kulturelle Aktivitäten, Güter und Dienstleistungen (…) sind Träger von Identitäten, Werten und Sinn, und daher dürfen sie nicht so be-
handelt werden, als hätten sie nur einen kommerziellen Wert“
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« Der Bund nimmt bei der Erfüllung seiner Aufgaben Rücksicht auf die kulturelle und die sprachliche Vielfalt des Landes. (Art. 69
Abs. 3 Kultur)“
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LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS L’ÉDUCATION
Besonders für Studenten, die in der Sekundarstufe unterrichten und für Personen, die die Kenntnisse in einer
nationalen Zweitsprache vermitteln wollen, müssten mittelfristig Prioritäten gesetzt werden.
Ein Hochschulstudium in einer anderen Sprachregion der Schweiz könnte langfristig zum Standard des grössten
Teils der Studierenden werden.
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