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Les tontines favorisent-elles la performance des

entreprises au Cameroun ?
Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier
Dans Revue d'économie du développement 2012/1 (Vol. 20), pages 5 à 39
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1245-4060
ISBN 9782804172015
DOI 10.3917/edd.261.0005
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 30/06/2024 sur www.cairn.info (IP: 89.39.107.205)

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Les tontines favorisent-elles
la performance des entreprises
au Cameroun ?
Do Tontines Improve Entrepreneurial
Performance in Cameroon?
Sonia Tello Rozas *
HEC Montréal
Bernard Gauthier **
Institut d’économie appliquée
HEC Montréal
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Les Associations d’épargne et de crédit rotatif (AECR), connues aussi sous le nom de tontines au
Cameroun et en Afrique francophone, constituent l’une des formes d’organisation les plus popu-
laires pour financer des projets dans les pays où l’accès au crédit est restreint. Dans cette étude,
nous analysons l’effet de la participation aux tontines entrepreneuriales sur la performance des
entreprises. À l’aide de données du secteur manufacturier, nous examinons, en particulier,
l’hypothèse selon laquelle les réseaux sociaux auxquels les tontines sont associées permettent
d’avoir accès à des fonds financiers, de surmonter les défaillances du marché formel ainsi que
d’améliorer la performance entrepreneuriale. Nous observons que les tontines ont un effet positif
et significatif sur la croissance de l’emploi et des ventes au sein des entreprises. De plus, les résul-
tats étayent l’hypothèse selon laquelle les ressources tontinières servent principalement à finan-
cer les flux de trésorerie plutôt qu’à augmenter le capital ou qu’à réaliser des investissements.

Mots clés : Financement informel, réseaux sociaux, performance entrepreneuriale,


Cameroun.
Classification JEL : 012, O17, G21

* Chercheuse postdoctorale, Service de l’enseignement des affaires internationales.


Courriel : [email protected]
** Professeur titulaire. Courriel : [email protected]

5
6 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

Rotating Savings and Credit Associations known as tontines in Cameroon and elsewhere in
French-speaking Africa are one of the most popular mechanisms to finance projects in countries
where access to credit markets is constrained. In this study, we analyze the effect of participation
to business tontines on the performance of firms. Using a data set on manufacturing firms, we
examine in particular the hypothesis that social networks associated to tontines allow to gain
access to credit, to surmount deficiencies in the formal credit market and improve performance.
We observe that tontines positively affect firms’ growth and employment. Moreover, our results
support the hypothesis that tontines’ resources are used to finance cash flow instead of increasing
capital or investments.

Key words: Informal finance, social networks, entrepreneurial performance, Came-


roon.

1 INTRODUCTION

Les Associations d’épargne et de crédit rotatif (AECR), connues également


sous le nom de tontines au Cameroun et en Afrique francophone 1, constituent
une des formes d’organisation les plus populaires pour financer des projets
dans les pays où l’accès au crédit est restreint. D’après Besley et al. (1993) et
Callier (1990), une AECR est une association constituée par un groupe d’indi-
vidus qui décident, d’un commun accord, de contribuer périodiquement à une
caisse commune (cagnotte). Les fonds de la cagnotte sont alloués à tour de rôle
à chacun des membres du groupe ; lorsque tous les participants ont reçu la
cagnotte, l’AECR recommence ou est dissoute.
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Les AECR existent dans plusieurs pays et, dans la plupart des cas, sont
pratique courante. Ainsi, près de 50 % des adultes au Congo et 76 % des com-
merçants du Zimbabwe font partie d’un tel type d’association (Gugerty,
2005). À Taiwan, Levenson et Besley (1996) rapportent que 20,5 % des ména-
ges participent à des AECR.
Shirley Ardener (1964) a été une chercheuse parmi les premiers scientifi-
ques à étudier le fonctionnement des AECR à l’aide d’une approche anthropo-
logique. Par la suite, le sujet a été davantage traité en science économique

1 Dans la littérature, ces associations sont souvent connues sous le nom de ROSCA
(« Rotating Saving and Credit Associations »). Ce terme, utilisé pour la première fois par
Geertz (1962), varie selon la région (voir annexe 1). Quant au terme utilisé en Afrique
francophone (tontines), il aurait émergé en 1653 du nom de son initiateur, un banquier
napolitain, Lorenzo Tonti, qui voulait « vendre » son invention au cardinal Mazarin. Il
s’agissait d’une opération financière consistant à la formation d’une cagnotte consti-
tuée de plusieurs personnes versant des cotisations (Desroche, 1990).
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 7

(par exemple, Besley et al., 1993; Callier, 1990; Calomiris et al.1998; Kovsted
et al.1999).
En ce qui a trait aux AECR constituées par des entrepreneurs (AECR
entrepreneuriales), peu d’études existent sur celles-ci malgré leur intérêt. La
plupart des travaux sur les AECR analysent en effet les associations formées
par des ménages (AECR personnelles). Ces études montrent que la participa-
tion à ces groupes permet d’accroître la consommation de biens durables (Bes-
ley, 1993), le rendement de l’épargne (Levenson et al., 1996) et la protection
contre les imprévus (Calomiris et al., 1998). Par ailleurs, en raison de la diffi-
culté d’accès à des données sur la participation des entreprises aux AECR, les
études empiriques sont encore peu nombreuses. Ainsi, le rôle et les effets des
AECR sur la performance des entreprises sont encore méconnus. 2
Dans cette étude, nous analysons les AECR entrepreneuriales au Came-
roun. De par leurs caractéristiques, nous considérons que ces associations
sont essentiellement des réseaux sociaux. En effet, la participation aux AECR
est fonction de la capacité des agents à s’organiser collectivement (Levenson
et al, 1996). Les objectifs de notre article sont doubles. Premièrement, nous
cherchons à caractériser les Associations d’épargne et de crédit rotatif for-
mées par des entreprises et à identifier les particularités des entreprises y par-
ticipant. En effet, en profitant de l’accès à une riche base de données sur les
tontines entrepreneuriales, nous souhaitons contribuer à la littérature avec
une analyse détaillée de ce type de réseaux financiers et des agents qui en font
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partie. Deuxièmement, nous voulons mesurer l’effet de la participation aux
tontines sur la performance des entreprises et constater leur présumée impor-
tance économique au Cameroun (Nzemen, 1998 ; Bigsten et al. 2003a).
Nous examinons en particulier l’hypothèse selon laquelle les réseaux
sociaux, auxquels sont associées les tontines, permettent de surmonter en
partie les défaillances du marché formel, d’avoir accès à des ressources finan-
cières ainsi que d’améliorer la performance entrepreneuriale. À cette fin, nous
utilisons des données provenant d’enquêtes sur le secteur manufacturier
camerounais réalisées dans le cadre du Programme régional de développe-
ment des entreprises (PRDE) de la Banque mondiale.
Pour notre analyse, quatre méthodes économétriques sont employées.
Nous étudions d’abord les facteurs qui favorisent la participation aux tontines
à l’aide des modèles probit et tobit. Nous analysons ensuite l’effet des tontines

2 Citons, entre autres, quelques auteurs qui ont traité le sujet, sans l’approfondir :
Levenson et al. (1996), Handa et al .(1999) et Akoten et al. (2006).
8 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

sur la performance des entreprises au moyen de la méthode des moindres car-


rés ordinaires (MCO) et des doubles moindres carrés (DMC).
Nos résultats mettent en évidence le rôle des réseaux sociaux dans des
contextes où le marché et l’État sont relativement inefficaces dans l’allocation
des ressources. Dans le cas du Cameroun, l’étude fait ressortir deux situations
intéressantes. D’une part, les analyses économétriques montrent l’impor-
tance des sources financières formelles sur les résultats des entreprises.
D’autre part, nos résultats suggèrent aussi que la participation aux réseaux
tontiniers a un effet positif sur certaines variables de performance. L’hypo-
thèse mise de l’avant est que les ressources tontinières servent principale-
ment à financer les flux de trésorerie plutôt qu’à réaliser des investissements
en capital.
L’article est organisé comme suit : dans la section 2, nous analysons la lit-
térature sur les AECR afin de retracer leur origine et leur fondement, particu-
lièrement dans le cas du Cameroun ; dans la section 3, nous présentons le
cadre de l’analyse empirique et les statistiques descriptives ; dans la section 4,
nous discutons des résultats de l’analyse économétrique et, finalement, nous
formulons nos conclusions dans la section 5.

2 LITTÉRATURE ET CADRE D’ANALYSE


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Deux principales approches concernant les AECR peuvent être distinguées
dans la littérature : d’une part, les études qualitatives qui décrivent et inter-
prètent le fonctionnement et le rôle socio-économique des AECR et d’autre
part, les travaux qui formalisent différents aspects de ces associations au sein
de la théorie économique.
Associés au premier groupe, les travaux en anthropologie de Shirley Arde-
ner constituent un jalon important dans l’étude des AECR. En s’appuyant sur
l’information provenant de sources documentaires et d’entrevues et à l’aide
d’une étude historique comparative, Ardener (1964) décrit les principales
caractéristiques et les formes de fonctionnement des AECR en Asie, en Afri-
que, en Europe et chez les autochtones en Amérique. Alors que les travaux
précédents se limitaient à étudier ces associations comme étant des mécanis-
mes de transition du système agraire traditionnel à l’économie de marché (par
exemple, Geertz, 1962), Ardener met en évidence le rôle économique et social
de ces institutions dans des milieux ruraux ainsi que parmi les habitants des
grandes villes. Certaines études descriptives plus récentes (Velez-Ibanez,
1983; Adams et al., 1989) reprennent des éléments discutés par Ardener en les
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 9

appliquant aux contextes de la Bolivie et des Mexicains résidant aux États-


Unis.
Le deuxième groupe de travaux explore la rationalité économique de ce
type d’associations. L’étude de Besley et al. (1993), qui constitue l’amorce
d’une nouvelle approche pour analyser les AECR, présente ces dernières
comme étant une réponse rationnelle des agents aux contraintes d’accès au
marché du crédit. Les auteurs proposent un modèle pour formaliser les méca-
nismes de fonctionnement et les effets économiques des AECR. Pour ce faire,
ils émettent trois hypothèses : 1) les agents y participent dans le but d’acheter
un bien indivisible ; 2) ces individus n’ont aucun accès au marché du crédit et,
ainsi « the Roscas can be understood as a response by a socially connected
group to credit – market exclusion » (Besley, et al., 1993 : 807 ; 3) les fonds
acquis à grâce à la participation à une AECR sont entièrement dépensés dans
l’achat d’un bien durable. Leur modèle permet de démontrer que l’épargne en
autarcie est inefficiente par rapport à celle réalisée au moyen des AECR. Par
ailleurs, ces associations ont pour effet d’augmenter le bien-être des individus
qui n’ont pas accès au marché formel du crédit.
Certaines des hypothèses formulées par Besley et al. ont par la suite été
remises en question. Ainsi, Calomiris et Rajaraman (1998), après avoir ana-
lysé les AECR par enchères, sont d’avis que les raisons motivant la participa-
tion à ce type d’association sont surtout liées à des mécanismes d’assurance
plutôt que de consommation. Selon eux, la cagnotte sert à se protéger des évé-
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nements imprévus (maladies, désastres naturels, etc.) plutôt qu’à acheter des
biens durables. En ce qui a trait à l’accès au marché du crédit, certains
auteurs (par exemple., Ardener, 1964; Adams et. al., 1989; Handa et al., 1999)
avancent que les participants aux AECR ne sont pas uniquement les individus
exclus du marché formel du crédit, mais sont également constitués d’agents y
ayant accès : certains y font ainsi appel parallèlement à des marchés de crédit
formels et informels.
Bien que les contraintes de crédit soient un élément indispensable pour
expliquer les AECR, ce serait principalement la possibilité de former des
réseaux qui déterminerait leur existence (Fafchamps, 2000; Akoten et al.,
2006). D’une manière générale, dans les contextes où le marché et les grandes
organisations hiérarchiques sont inefficaces pour l’allocation des ressources,
les réseaux sociaux peuvent constituer des mécanismes efficaces pour accroî-
tre le bien-être.
Signalons que les liens entre les AECR, en tant que réseaux, et la perfor-
mance économique, ont été très peu étudiés jusqu’à présent. Fafchamps
(2000) traite brièvement de ces liens en analysant le rôle de l’ethnicité et des
10 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

réseaux sur l’accès au crédit 3. L’auteur indique que ces associations consti-
tuent la réponse de certains agents (par exemple, des femmes) au manque de
liens avec la communauté d’affaires (business establishment). Pour leur part,
Akoten et al. (2006), en analysant l’impact des contraintes du crédit sur les
performances des entreprises dans l’industrie de l’habillement au Kenya,
indiquent que les AECR constituent la forme la plus importante de crédit
dans ce pays, mais ils n’approfondissent pas le sujet.
Finalement, afin de comprendre la dynamique des AECR, il est utile
d’examiner leur typologie. La littérature fait état de deux façons de les classer.
Tout d’abord, si l’attribution de la cagnotte est observée, certaines AECR ont
recours au tirage au sort et d’autres, à un système d’enchères. 4 Le choix entre
l’un et l’autre de ces deux types dépend des objectifs poursuivis par les parti-
cipants. Les AECR par tirage au sort sont souvent utilisées comme mécanis-
mes d’épargne pour la consommation d’un bien spécifique (Besley et al.,
1993), alors que celles par enchères serviraient particulièrement d’instru-
ments d’assurance pour se protéger contre les chocs exogènes (Calomiris et
al., 1998). Ensuite, si l’utilisation de la cagnotte est prise en compte, les AECR
personnelles se distinguent des AECR entrepreneuriales. Dans les premières,
les ménages utilisent l’argent pour satisfaire leurs besoins individuels ou
familiaux (Besley et al., 1993; Calomiris et al., 1998; Armendariz de Aghion et
al., 2005). Dans les secondes, qui regroupent des responsables d’entreprises
(Geertz, 1962; Ardener, 1964), les fonds seraient généralement orientés vers
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un investissement (Kovsted et al.,1999).

3 LE CONTEXTE CAMEROUNAIS, LES DONNÉES


ET LES STATISTIQUES DESCRIPTIVES

Dans cette section, nous présentons les tontines entrepreneuriales au


Cameroun 5. Dans un premier temps, nous décrivons le contexte camerounais
et, par la suite, la banque de données d’entreprises. Puis, nous examinons cer-
taines motivations qui expliquent la participation des entreprises à ces asso-
ciations. Nous comparons également certaines variables de productivité des

3 Dans cet article, les réseaux sont instrumentalisés par des mécanismes de socialisation.
4 Dans les AECR par enchères, la personne proposant l’offre la plus élevée reçoit la
cagnotte correspondant à la période, moins sa mise, c’est-à-dire qu’elle doit payer pour
avoir la priorité d’attribution.
5 Rappelons que les Associations d’épargne et de crédit rotatif sont connues au Came-
roun sous le nom de tontines, appellation que nous utiliserons tout au long de l’article.
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 11

entreprises tontinières à celles des entreprises qui ont des caractéristiques


similaires, mais qui ne participent pas à une tontine.

3.1 Le contexte camerounais


Jusqu’au milieu des années 1980, le Cameroun a été l’une des économies les
plus prospères du continent africain. Toutefois, à partir du milieu des années
1980, la chute des prix des exportations camerounaises et la dépréciation du
dollar américain dans lequel ces exportations étaient libellées ont provoqué
une crise économique sévère qui a fait fortement diminuer les revenus et a
influencé négativement la performance économique du pays (Bigsten et al.,
1999). Durant les années 1990, différentes mesures furent mises en place
pour réformer l’État, diminuer les distorsions de prix et libéraliser les mar-
chés avec le soutien, en particulier, de la Banque mondiale et du FMI. Deux
événements majeurs marquèrent cette période : la dévaluation du franc CFA
en janvier 1994 et la mise en place d’une réforme fiscale et douanière.
La situation économique fut aggravée par une crise du secteur financier,
par l’incapacité du gouvernement à adopter des mesures de stabilisation et
par le faible développement du secteur privé (Gauthier, 1997). Quant à la
crise financière, elle a contribué à accentuer les défaillances des marchés for-
mels. Notons que ces défaillances ne sont pas exclusives au marché camerou-
nais, elles sont observées aussi dans de nombreux pays africains. Par exemple,
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Bigsten et al. (2003a), tout en étudiant la situation du Cameroun, du Ghana,
du Zimbabwe, du Kenya, de la Côte d’Ivoire et celle du Burundi entre 1992 et
1996 à l’aide des données du PRDE, ont observé que le pourcentage des entre-
prises recevant des prêts du secteur financier formel était faible, que beau-
coup d’entreprises obtenaient davantage de découverts bancaires que de prêts
et que les autres sources de crédit étaient limitées. A l’aide également des don-
nées du PRDE, Van Biesebroeck (2005) constate que moins de la moitié des
micro-entreprises avait accès à toute forme de crédit et que des prêts infor-
mels ou des groupes de crédit étaient de loin les sources les plus fréquemment
mises à leur disposition. C’est dans ce contexte économique difficile qu’est
analysé le rôle des tontines entrepreneuriales au Cameroun.
Ces tontines sont, selon Nzemen (1988), des organisations très populaires
parmi les Camerounais : 47 % de la population en fait partie. L’auteur indique
aussi que ces associations se retrouvent parmi les structures d’organisation
des sociétés traditionnelles camerounaises. Elles ont commencé à opérer dans
les milieux ruraux sous la forme de « tontines de travail ». En effet, dans le
but d’accroître la productivité du travail, les agriculteurs constituaient des
12 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

groupes afin de mettre à la disposition de chaque membre, de manière rota-


tive, l’ensemble de leur force de travail. L’introduction de la monnaie aurait
motivé le développement des tontines actuelles. Quant aux tontines entrepre-
neuriales, leur naissance se situe, d’après l’auteur, vers les années 1970, épo-
que durant laquelle le pays affichait un taux de croissance réel moyen
supérieur à 7 % par année.
Concernant les données servant à l’analyse empirique, elles proviennent
d’enquêtes sur le secteur manufacturier camerounais menées par le Centre
d’études en administration internationale (CETAI) à HEC Montréal, dans le
cadre du Programme régional de développement des entreprises (PRDE) coor-
donné par la Banque mondiale. Les entrevues auprès des responsables des
entreprises furent réalisées, entre 1993 et 1995, lors de trois enquêtes dans la
capitale Yaoundé et dans les villes de Douala, Limbé et Édéa. Ces données ont
été employées par divers auteurs dans des publications précédentes (par
exemple, Bigsten et al., 1999 ; Bigsten et al., 2000a, 2000b ; Bigsten et al.,
2003a, 2003b ; Gauthier, 1995a, 1996 ; Van Biesebroeck, 2005 ; Hafsi et Gau-
thier, 2010).

3.2 L’échantillon
Afin d’analyser les caractéristiques des tontines entrepreneuriales au Came-
roun, nous utilisons les informations de la première étape de l’enquête du
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PRDE effectuée en 1993 auprès de 210 entreprises œuvrant dans quatre sec-
teurs manufacturiers (bois et meubles, aliments et boissons, métal et petite
machinerie, textile et confection). Pour étudier l’évolution temporelle de cer-
taines des variables, nous employons également les données de la deuxième et
de la troisième étape de l’enquête, réalisées en 1994 et 1995.
Les entreprises étudiées sont classées en quatre catégories selon le nombre
total d’employés : micro-entreprise (1 à 4 employés), petite (5 à 29 employés),
moyenne (30 à 99 employés) et grande (plus de 100 employés). En l’absence
d’un recensement officiel des entreprises au Cameroun au moment de
l’enquête, le répertoire des sociétés de la Chambre de commerce du Cameroun
a constitué la principale source d’information pour établir l’échantillon des
entreprises formelles (Gauthier, 1996) 6. Des entreprises informelles 7 ont
également été incluses à l’enquête, la majorité d’entre elles étant des microso-

6 Le répertoire de la Chambre de commerce couvrait 1613 sociétés dont 590 œuvrent


dans le secteur manufacturier (Gauthier, 1995b).
7 Une entreprise est considérée informelle lorsqu’elle est enregistrée comme une société
personnelle et ne réalise pas de comptabilité annuelle.
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 13

ciétés et des petites sociétés. En l’absence d’un recensement, la liste d’entrepri-


ses a été constituée par l’identification sur le terrain des entreprises informelles
et des micro-entreprises réalisée avec l’aide d’associations locales et de coopé-
ratives (Hafsi et Gauthier, 2010).
Les données recueillies pendant la première étape du PRDE constituent
une riche source d’information sur les entreprises tontinières. 8 On observe
que plus d’un tiers des sociétés interviewées en 1993 (77 sociétés sur les 206
ayant répondu, soit 37,4 %) participent à ces associations. Ce pourcentage
augmente dans les enquêtes de 1994 et 1995 où respectivement 56,4 % et
40,25 % des entreprises affirment qu’elles font partie d’une tontine.
Quant à la répartition selon la taille des entreprises tontinières de
l’échantillon, on note que le nombre d’entreprises participant aux tontines est
plus élevé au sein des petites firmes. Dans la catégorie micro, on observe que
41,7 % des entreprises sont membres d’une tontine alors que ces pourcenta-
ges sont respectivement de 47,6 % et 34,8 % parmi les firmes de petite et de
moyenne taille. Aucune grande entreprise au sein de l’échantillon ne participe
à une tontine.

3.3 Caractéristiques des tontines entrepreneuriales


au Cameroun
Parmi les entreprises tontinières, la méthode la plus populaire pour allouer la
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cagnotte est l’enchère (70,7 %), suivie du tirage (24,1 %). Comme on l’observe
dans le tableau 1, le nombre de participants à ces associations varie de 10 à
150 membres (35 en moyenne). Les entreprises concernées y participent en
moyenne depuis 3,6 ans (43,5 mois) et 25,97 % de celles-ci, depuis 5 ans ou
plus.
L’importance des tontines dans l’activité des entreprises n’est pas homo-
gène selon les types d’entreprises. Il est donc intéressant de décrire les carac-
téristiques de ces associations selon la taille des firmes qui en font partie.
Comme indiqué au tableau 1, le nombre moyen de participants à une tontine
décroît avec la taille des entreprises. Notons également que la contribution indi-
viduelle et la cagnotte augmentent avec la taille des firmes. De plus, le ratio
entre la cagnotte et le chiffre d’affaires de l’entreprise indique que les tontines
constituent une source appréciable de financement pour les micro-entreprises
et les petites entreprises.

8 Nous considérons que l’entreprise est tontinière si elle a répondu affirmativement à la


question : « l’entreprise ou l’entrepreneur fait-il des dépôts dans des tontines ? ».
14 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

Tableau 1 : Caractéristiques des tontines entrepreneuriales


selon la taille de l’entreprise
Valeurs moyennes Micro Petite Moyenne Ensemble
Nombre de membres 38,6 35,69 29,82 35,66
Fréquence de la contribution 1,4 1,5 1,27 1,48
(par mois)
Durée de participation 62,6 40,96 40 43,5
(en mois)
Contribution individuelle
($US) 239,6 1 034,99 2 648,31 1 209,6
Contribution 0,83 1,07 0,34 0,89
(en % du chiffre d’affaires)
Cagnotte ($US) 4 374,8 38 617,52 86 723, 7 42 542,7
Cagnotte (en % du chiffre
d’affaires) 1 18,1 23,99 8,58 19,9

(1) Moyenne excluant deux valeurs extrêmes dont le pourcentage est supérieur
à 126,05 %.

3.4 Caractéristiques des entreprises tontinières


Dans cette section, nous examinons les informations sur les entreprises tonti-
nières selon quatre thèmes : les caractéristiques générales de l’entreprise, la
propriété et la structure de la firme, l’accès au marché financier et les effets de
réseau. Les entreprises tontinières sont comparées avec celles qui ont des
caractéristiques similaires, mais qui ne participent pas aux tontines. Par
ailleurs, étant donné qu’aucune entreprise de grande taille ne participe aux
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tontines, nous restreignons notre analyse aux entreprises de taille micro,
petite et moyenne. L’annexe 2 présente les statistiques descriptives des prin-
cipales variables.

Caractéristiques générales
L’examen de l’âge des entreprises nous permet de constater que les firmes
tontinières sont plus jeunes par rapport à l’âge moyen des entreprises de
l’échantillon, ainsi qu’à celui des entreprises non tontinières de taille micro,
petite et moyenne. En effet, alors que la moyenne d’années de fonctionnement
des entreprises dans l’échantillon est d’environ 11,3 ans, celle d’une entre-
prise non tontinière de micro, petite et moyenne taille est de 9,7 ans alors que
celle d’une entreprise tontinière est de 7,4 ans.
Soulignons que l’échantillon se compose d’entreprises formelles et infor-
melles. Étant donné les nombreuses définitions utilisées pour déterminer le
statut formel ou informel d’une entreprise (Bigsten et al., 2004), deux caracté-
ristiques ont été retenues pour définir cet état : l’existence d’une comptabilité
annuelle et le statut juridique (Gauthier, 1995a, 1996). Une entreprise sera
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 15

considérée informelle si elle ne tient pas de comptabilité annuelle et si elle est


enregistrée comme une société personnelle. Lors de l’examen des micro-entre-
prises, des petites et des moyennes entreprises ayant répondu à la question
relative à la participation aux tontines, nous notons que 27,3 % (21 sur 77) des
firmes tontinières et 15,4 % (14 sur 91) des non tontinières sont informelles.

Propriété et structure de l’entreprise


Le tableau A2.1 (annexe 2) présente un aperçu de la structure du capital :
presque toutes les firmes tontinières (93,5 % ou 72 sur 77 entreprises) appar-
tiennent à des actionnaires camerounais. Parmi les entreprises privées non
tontinières, la présence des actionnaires camerounais se réduit à 64,8 % (59
sur 91). De plus, le partage de la propriété avec des actionnaires étrangers
s’observe davantage au sein des entreprises non tontinières (19,8 % ou 18 sur
91 entreprises comparativement à 2,6 % dans le cas des entreprises tontiniè-
res). Nous pouvons ainsi présumer que les entreprises ayant du capital étran-
ger ne participent pas aux tontines parce qu’elles ont accès à des sources de
financement formelles et/ou parce que les restrictions d’accès aux réseaux
locaux sont plus nombreuses pour des actionnaires étrangers. En ce qui con-
cerne les caractéristiques des actionnaires (tableau A2.2 de l’annexe 2), la
grande majorité des actionnaires des entreprises tontinières sont d’origine
africaine (dans 74 sur 77 de cas ou 96,1 %), ce qui augmenterait la possibilité
de développer des réseaux locaux avec des gens de la même origine ethnique.
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Le même tableau présente des informations sur le propriétaire de l’entre-
prise. Notons tout d’abord qu’il s’agit en moyenne de personnes d’une qua-
rantaine d’années dont la plupart (entre 80 % et 90 %) sont des hommes. Par
contre, un fait intéressant relatif aux entreprises tontinières ressort de cette
analyse : le pourcentage de femmes propriétaires d’une entreprise manufactu-
rière est plus élevé parmi les entreprises tontinières que parmi les non tonti-
nières (18,6 % et 8,1 % respectivement). Finalement, en examinant le niveau
de scolarité du propriétaire, notons que moins de la moitié des propriétaires
des entreprises tontinières (43,6 %) ont poursuivi des études postsecondaires,
une proportion nettement moindre que celle des sociétés non tontinières
(64,4 %). De plus, parmi les entreprises tontinières, le nombre de propriétai-
res ayant seulement un niveau d’éducation primaire est assez élevé (21 %).
Ainsi, les propriétaires des entreprises tontinières sont donc ceux disposant
d’un niveau d’éducation le plus faible.
16 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

Accès aux marchés financiers


Les informations sur les emprunts demandés et obtenus dans une institution
financière formelle nous permettent de mesurer l’accès aux marchés financiers.
Nous évaluons l’accès au financement formel en considérant la demande réelle
de crédit bancaire. Autrement dit, une entreprise a accès au marché financier
si elle a demandé un prêt bancaire et que cette demande a été acceptée. Cette
approche tient compte du constat de Bigsten et al. (2003a) selon lequel les res-
trictions d’accès aux sources de financement peuvent être surestimées si on
ne tient compte que de la quantité de crédits obtenus, sans considérer la
demande réelle. En effet, ces auteurs ont constaté, après avoir étudié les res-
trictions de crédit des entreprises manufacturières en Afrique, que certaines
entreprises ne reçoivent pas de crédits, simplement parce qu’elles n’ont pas
intérêt à emprunter de ressources externes.
Les statistiques montrent que le pourcentage de firmes ayant accès au
crédit formel est semblable parmi les micro-entreprises, petites et moyennes
entreprises tontinières et non tontinières (46 % et 43 % respectivement).
Elles mettent également en évidence la difficulté des entreprises tontinières à
obtenir des facilités de caisse : l’année précédant l’enquête, 70 % des entrepri-
ses tontinières de notre échantillon ne disposaient pas d’autorisation de
découvert dans les banques. Le pourcentage se réduit à 50 % chez les non ton-
tinières. La différence de moyenne entre ces deux catégories est statistique-
ment significative au seuil de confiance de 99 % (voir le tableau A2.3 en
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annexes)

Effets de réseau
Nous explorons, dans cette partie, le fonctionnement des réseaux à l’aide des
données relatives à l’accès des entreprises aux mécanismes de financement
informel. En tenant compte que les marchés financiers informels se coordon-
nent par l’entremise d’interactions personnelles et de partage d’information,
nous analysons les relations établies par les entreprises avec d’autres agents
économiques tels que la famille, les fournisseurs et les clients (voir les
tableaux A2.4 et A2.5 en annexes).
Parmi les sources de financement informel, on observe que l’épargne per-
sonnelle constitue la source la plus importante pour démarrer une activité
commerciale (environ 60 % du coût de démarrage). Pour leur part, les prêts
provenant de sources bancaires financent peu le démarrage d’entreprises.
Notons aussi que le financement provenant de la famille et d’amis, bien que
nettement moins important que les sources de financement personnel, n’est
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 17

pas négligeable, particulièrement pour les entreprises tontinières. Celles-ci


ont droit également à plus de prêts de la part de leurs fournisseurs.
En ce qui a trait aux relations établies entre les entreprises, leurs fournis-
seurs et leurs clients, les données mettent en évidence que l’appartenance
ethnique des fournisseurs est plus importante dans le cas des entreprises ton-
tinières que dans celui des entreprises non tontinières. En effet, 12 % des
entreprises tontinières font affaires avec des fournisseurs du groupe ethnique
du propriétaire, alors que seulement 3,6 % des non tontinières agissent de la
sorte.
Quant à l’origine ethnique des clients, précisons qu’un important pour-
centage des entreprises tontinières traite avec des clients du même groupe
ethnique que celui du propriétaire (30 % contre seulement 10 % pour les
sociétés non tontinières).
Ces comportements suggèrent que les entreprises tontinières peuvent
ainsi faire diminuer les risques liés à l’asymétrie d’information grâce à la con-
naissance de leurs partenaires d’affaires. Comme le soulignent Bigsten et al.
(2000a), dans des contextes où les relations contractuelles sont risquées, les
entreprises privilégient les échanges qui ne sont pas anonymes. Toutefois, ce
type de relations entraîne aussi des désavantages puisqu’il tend à restreindre
la possibilité d’accroître le nombre d’échanges commerciaux.
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3.5 La productivité des entreprises
Après avoir présenté les caractéristiques des entreprises tontinières, nous
décrivons maintenant certaines variables de productivité. Afin d’avoir un
aperçu plus précis de la nature des entreprises tontinières, nous présentons
certaines caractéristiques des sociétés tontinières et non tontinières à l’aide
de sept mesures de productivité : l’emploi, le niveau des exportations, les pro-
fits, la valeur ajoutée du capital, le capital par employé, l’investissement par
employé et la productivité du travail (valeur ajoutée par employé). Finale-
ment, pour évaluer l’évolution de la productivité des entreprises, nous présen-
tons également le taux de croissance de certaines variables.
Tel qu’illustré dans le tableau 2, des différences sont présentes en faveur des
sociétés non tontinières pour plusieurs mesures de productivité, par exemple, les
entreprises non tontinières emploient un plus grand nombre de travailleurs que
les entreprises tontinières (29 versus 19, en moyenne), exportent davantage et
exhibent une intensité du capital (mesurée par le capital par employé) plus
élevée. Toutefois, si nous examinons l’investissement par employé, on note
que les entreprises participant aux tontines réalisent des investissements plus
18 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

Tableau 2 : Variables de productivité selon la participation aux tontines


Entreprises tontinières Entreprises non tontinières
Emploi
Moyenne 19,33 ** 28,8**
Médiane 14 a 21
Écart type 17,95 23,27
Pourcentage de la
production exportée
Moyenne 2,62** 5,51**
Médiane 0a 0
Écart type 12,07 19,32
Profits
Moyenne 214 331,6 354 742,6
Médiane 75 031,13 127 611,1
Écart type 289 279 589 979
Valeur ajoutée par unité
de capital
Moyenne 1,94 1,64
Médiane 1,07 0,76
Écart type 2,31 2,29
Capital par employé
Moyenne 14 888 ** 19 286,36 **
Médiane 5 584 a 11 319,04
Écart type 34 602,76 27 597,19
Investissement par employé
Moyenne 4 520,46** 4 047**
Médiane 2 235 2 191
Écart type 5 510,45 5 585,13
Productivité de l’emploi
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Moyenne 12 314,19 17 610,12
Médiane 7 848,29 11 941,51
Écart type 13 037,65 17 911,45
Taux de croissance des ventes
Moyenne -6.66 -11.55
Médiane -16.67 -18.33
Écart type 61.86 63.45
Taux de croissance de la
valeur ajoutée par employé
Moyenne 4.64 -15.995
Médiane -30.73 -32.43
Écart type 114.16 72.73
La description des variables de productivité est présentée à l’annexe 3.
Notes : Les statistiques ont été calculées en employant la moyenne et la
médiane. Pour tester la différence entre les deux groupes, le test Two-sample
Wilcoxon rank-sum (ou Mann-Whitney) a été appliqué. (a) indique que la diffé-
rence entre les deux groupes est significative au niveau de 5 %. L’application
de l’Analyse de Variance (ANOVA) pour comparer les moyennes des deux grou-
pes donne les mêmes résultats sauf pour les variables « profits » et « valeur
ajoutée par employé ».
* Statistiquement significatif au niveau de 10 % ;
** Statistiquement significatif au niveau de 5 % ;
***Statistiquement significatif au niveau de 1 %.
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 19

importants. De plus, l’évolution de certaines des variables entre 1993 et 1995


indique que les entreprises tontinières possèdent un taux de croissance plus
élevé, en particulier au niveau des ventes et de la productivité du capital. En
effet, durant la période étudiée, les entreprises tontinières accrurent leur pro-
ductivité par employé de près de 5 % contre une baisse de près de 16 % en
moyenne pour les non tontinières.
Les statistiques descriptives relatives à la productivité sont, en partie,
expliquées par certains constats réalisés dans la littérature. En ce qui a trait à
la valeur négative de certaines variables chez les entreprises non tontinières,
Biggs et Srivastava (1997) soulignent que, pendant la période des enquêtes, le
Cameroun traversait une crise économique majeure pendant laquelle les
entreprises comportant un plus grand nombre d’employés présentaient cer-
tains des indicateurs de productivité négative (par exemple, la croissance de
l’emploi). Gauthier (1997) corrobore ce constat et relève que durant les
années 1990, le Cameroun mettait en place un programme d’ajustement
structurel caractérisé par une importante dévaluation du franc CFA et par
une réforme fiscale et commerciale. Dans ce processus, les entreprises ayant
un plus grand nombre d’employés qui, auparavant, bénéficiaient de privilèges
fiscaux, ont perdu du terrain tandis que celles de petite taille ont progressé.
Quant à l’investissement par employé (plus élevé chez les entreprises tonti-
nières), Bigsten et al. (2000c), au cours de leurs études sur les entreprises
informelles dans le contexte africain, remarquent qu’elles sont plus petites,
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plus jeunes, et qu’elles investissent plus que les entreprises formelles. Rappe-
lons que selon les statistiques descriptives présentées tout au long de cette
section, il y a un nombre plus important d’entreprises informelles parmi les
entreprises tontinières que parmi les sociétés non tontinières.
Enfin, les statistiques descriptives nous montrent que les entreprises ton-
tinières ont pu surmonter mieux les problèmes économiques pendant la
période étudiée : leur décroissance des ventes est moindre et le taux de crois-
sance de la valeur ajoutée par employé est positif. À la suite de ces constats,
nous nous demandons quel est l’effet des sources de financement « informel »,
notamment celles des tontines, sur les résultats des entreprises.

4 ANALYSE ÉCONOMÉTRIQUE

Afin d’approfondir l’analyse sur les caractéristiques des tontines, nous étu-
dions d’abord dans cette section les facteurs qui favorisent la probabilité de
participation à ces réseaux financiers à l’égard de deux modèles économétri-
20 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

ques : probit et tobit. Puis, nous examinons les effets des tontines sur la per-
formance des entreprises au moyen de la méthode des moindres carrés
ordinaires (MCO) et des doubles moindres carrés (DMC). La description des
variables utilisées dans les régressions est présentée à l’annexe 3.

4.1 Participation aux tontines


Deux modèles économétriques qui visent à expliquer la participation à une
tontine entrepreneuriale sont construits à l’aide des données disponibles. Le
premier modèle analyse la probabilité de participer à une tontine et le
deuxième évalue le temps pendant lequel l’entreprise y participait.
Pour le premier modèle, nous employons une équation de la forme :
(1) t i* = x i b + e i

où t i* est une variable latente (observable) qui correspond à l’entreprise qui


participe aux tontines ; x est un vecteur de caractéristiques observables des
agents et des entreprises. Ce vecteur est formé de quatre groupes de variables.
Le premier tient compte des caractéristiques des entreprises et contient le
logarithme de l’âge de l’entreprise (lâge), la taille (petite, moyenne) et le sec-
teur de production, si le secteur est métal et petite machinerie (métal). Celui-ci
est considéré dans le modèle en prenant en compte son importance dans l’éco-
nomie camerounaise (Gauthier, 1995a). Le second tient compte de la structure
du capital. Il est formé des variables capcameroun et ethnie indiquant respecti-
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vement si le capital est détenu par des actionnaires privés uniquement came-
rounais et si l’entreprise entretient des relations commerciales avec des
fournisseurs du groupe ethnique du propriétaire (c’est-à-dire, le principal
fournisseur de la principale matière première appartient au même groupe
ethnique que le propriétaire). Le troisième groupe, l’accès au marché du cré-
dit formel, comprend accèsprêt et découvert. La première variable indique si
l’entreprise dispose d’un accès réel à des prêts auprès d’institutions financiè-
res (par exemple, si l’entreprise a demandé des prêts et si cette demande a été
acceptée) et l’autre détermine si l’entreprise possède des autorisations de
découvert bancaire. Nous tenons compte de ces deux formes de crédit parce
qu’elles répondent à des besoins différents pour l’entreprise : alors que les
découverts bancaires aident généralement à financer des dépenses à court
terme, les prêts servent en général à réaliser des investissements. Finale-
ment, le quatrième groupe de variables inclut les caractéristiques du proprié-
taire, plus précisément si celui-ci est une femme (femme) et s’il possède des
biens autres que l’entreprise (bien ferme, bien maison). Cette dernière varia-
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 21

ble est incluse en considérant l’importance de la possession des biens offerts


en garantie pour l’obtention de crédits dans le contexte camerounais.
Étant donné que la variable latente t i* fournit de l’information uniquement
pour les entreprises participant aux tontines au moment de l’enquête, il faut
donc estimer la probabilité de participation :
(2) P(t = 1 x ) = G(t i* = x i b + e i )

où t est une variable dépendante binaire dont la valeur est 1 quand l’entre-
prise fait partie des tontines et 0 si elle n’y participe pas. Donc :
(3) t = 1 si t i* = x i b + e i > 0
t = 0 autrement.
En supposant une distribution normale standard cumulative, nous esti-
mons l’expression (2), c’est-à-dire, la probabilité de participation aux tontines,
à l’aide d’un modèle probit. Le tableau 3 présente les effets marginaux de la
régression. En considérant d’abord les caractéristiques de l’entreprise et son
accès au marché financier formel (colonne 1), nous constatons que la probabi-
lité de participation aux tontines diminue avec l’âge de l’entreprise. Ceci est
conforme au résultat d’Akoten et al. (2006) selon lequel les jeunes entreprises
profitent davantage de sources informelles pour financer leurs activités. Dans
le même sens, Bigsten et al. (2003a) ont étudié les contraintes de crédit des
entreprises manufacturières en Afrique et ils ont constaté que la possession
de dettes auprès des banques était positivement liée à l’obtention de prêts
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supplémentaires. De ce fait, une jeune entreprise ayant un court historique de
crédit aurait moins d’accès aux marchés de crédit formel et elle se tournerait
davantage vers des prêts informels, dont les tontines.
En ce qui a trait au crédit formel, nous notons que l’accès à des prêts ban-
caires ne modifie pas significativement la probabilité de participation à une
tontine. Cependant, la probabilité que l’entrepreneur ait recours au finance-
ment tontinier est plus faible lorsque l’entreprise dispose d’autorisations de
découvert bancaire. Ce résultat renforce l’hypothèse selon laquelle les tonti-
nes constituent une réponse aux restrictions d’accès à certaines sources de
crédit bancaire (plus le découvert bancaire est accessible, moins l’utilisation
de la tontine est importante). Si nous supposons que les découverts bancaires
donnent accès à des montants inférieurs que les prêts, les résultats suggèrent
que les tontines serviraient principalement à financer des opérations couran-
tes (les flux de trésorerie) plutôt qu’à accroître le capital ou à réaliser des
investissements.
22 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

Tableau 3 : Participation aux tontines au Cameroun (effets marginaux) - Probit


(1) (2)
-0.079** 0.001
Lâge
(2.01) (0.02)
0.014 0.181*
Métal
(0.18) (1.69)
0.272*** 0.138
Petite (2.83) (1.00)
0.197* 0.012
Moyenne
(1.76) (0.08)
0.085 0.079
Accèsprêt
(1.09) (0.73)
Découvert -0.263*** -0.067
(3.52) (0.61)
0.345**
Capcameroun
(2.31)
0.237*
Ethnie
(1.46)
Femme 0.335**
(2.30)
0.093
Bien maison (0.69)
Bien ferme -0.137
(0.98)
Nombre d’observations 187 122
Pourcentage classifié correctement 67.38 % 70.49 %
Valeur log vraisemblance -107.96 -71.96
Pseudo R2 0.1269 0.1483
Notes : La variable dépendante est la probabilité de participer à une tontine
entrepreneuriale. Les valeurs absolues des z – statistiques figurent entre
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parenthèses.
*Statistiquement significatif au niveau 10 % ; ** Statistiquement significatif
au niveau 5 % ; ***Statistiquement significatif au niveau 1 %.

Ensuite, en incluant l’ensemble des variables explicatives (colonne 2), il


ressort de l’analyse que la probabilité de participer à une tontine entrepreneu-
riale augmente lorsque l’entreprise est privée et les propriétaires, camerou-
nais. Par ailleurs, l’effet marginal de cette variable (capcameroun) est le plus
élevé du modèle. La régression met également en évidence le fait que la varia-
ble ethnie est positive et statistiquement significative (c’est-à-dire, il est plus
probable que l’entreprise fasse partie d’un réseau tontinier lorsque le princi-
pal fournisseur de la principale matière première appartient au même groupe
ethnique que le propriétaire). Ces résultats ne sont pas surprenants si nous
prenons en compte que les tontines sont des réseaux basés essentiellement
sur la confiance mutuelle entre ses membres et sur l’information partagée.
Par ailleurs, ils suggèrent l’importance de l’ethnicité dans le contexte écono-
mique camerounais : une entreprise ayant des contraintes d’accès aux sources
de financement formelles aurait davantage la possibilité d’avoir recours à des
fonds provenant des sources informelles grâce à l’origine ethnique de son pro-
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 23

priétaire. Dans le même sens de nos résultats, Bigsten et al. (2000c) font res-
sortir les implications économiques de l’ethnicité en Afrique. Ces auteurs ont
étudié le cas des entreprises manufacturières au Kenya et ils ont montré
l’existence d’un lien entre l’origine ethnique, le statut de l’entreprise (formel
ou informel) et sa productivité.
Toujours en ce qui concerne les caractéristiques des propriétaires, la pro-
babilité de faire partie d’une tontine augmente lorsque le propriétaire est de
sexe féminin. Ce résultat corrobore les résultats d’autres auteurs (Akoten et
al., 2006 ; Handa et al., 1999 ; Kimuyu, 1999 ; Fafchamps, 2000). Par exem-
ple, Fafchamps (2000) indique que les AECR deviennent des alternatives de
second rang, utilisées principalement par des femmes pour réaliser des opéra-
tions contractuelles. Cette proposition est corroborée en partie par Handa et
al. (1999). Ces auteurs montrent, au moyen d’analyses empiriques, que les
femmes participent davantage aux AECR et que, le plus souvent, elles pren-
nent des responsabilités dans leur organisation.
Finalement, les coefficients des variables bien maison et bien ferme, qui ne
sont pas statistiquement significatifs, suggèrent que la propriété de biens
offerts en garantie ne perturbe pas l’accès au crédit tontinier. Comme nous
l’avons souligné dans la section précédente, les défaillances des marchés
financiers formels, telles que l’exigence de biens offerts en garantie ou des
coûts de transaction dans l’obtention des prêts, sont observées dans plusieurs
pays africains. Bigsten et al. (2003a) indiquent, par exemple, que la plupart
des prêts formels sont garantis par la possession de biens et que la valeur des
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garanties est en général élevée, en moyenne, plus de deux fois la valeur de
l’emprunt. En contrepartie, pour les prêts informels, dont les tontines, les
agents doivent principalement être dotés d’un capital social élevé (Akoten et
al., 2006), constat qui émerge aussi de nos résultats.
En ce qui concerne le modèle qui analyse la période de temps pendant
laquelle une entreprise participait à une tontine, nous disposons de données
où la variable observable (le temps de participation) prend la valeur zéro avec
une probabilité positive, mais elle est une variable continue ayant des valeurs
strictement positives. Il s’agit donc d’un cas pour lequel il est suggéré d’utili-
ser un modèle Tobit type I ou « standard censored Tobit model » (Wooldridge,
2002) et d’estimer les équations :
(4) y * = xb + u, u x ∼ Normal(0, σ 2 )
(5) y = max ( 0, y * )
où y * est une variable dépendante observable (temps de participation à une
tontine entrepreneuriale), x représente l’ensemble de variables explicatives, y
est une variable continue lorsque y>0, et le seuil inférieur est zéro.
24 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

Le tableau 4 présente les résultats de la régression en utilisant les mêmes


variables explicatives que le modèle précédent. Pour cette estimation, rappe-
lons que la durée de participation à une tontine varie de 1 à 324 mois (43,5
mois en moyenne).

Tableau 4 : Temps de participation aux tontines (en mois) - Tobit


0.026
Lâge
(0.01)
13.955*
Métal (1.72)
12.201
Petite
(1.15)
-2.105
Moyenne
(0.16)
Accèsprêt 9.689
(1.18)
10.878
Découvert
(1.31)
38.765***
Capcameroun
(2.87)
Ethnie 16.131
(1.30)
24.195**
Femme
(2.28)
5.781
Bien maison
(0.58)
Bien ferme -21.299*
(1.89)
-64.909***
Constante (3.27)
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Nombre d’observations 116
Valeur log vraisemblance -293.97
Pseudo R2 0.0436
Notes : La variable dépendante est le temps de participation (en mois) à une
tontine entrepreneuriale. Les valeurs absolues des t – statistiques figurent
entre parenthèses.
* Statistiquement significatif au niveau 10 % ; ** Statistiquement significatif
au niveau 5 % ; ***Statistiquement significatif au niveau 1 %.

Les résultats sont cohérents avec ceux du modèle probit. En effet, les
variables capcameroun (l’entreprise est privée et leurs propriétaires sont des
Camerounais) et femme (la propriétaire est une femme) ont un effet positif et
statistiquement significatif sur le temps de participation aux tontines au seuil
de confiance de 1 % et 5 % respectivement. L’effet est aussi positif et significa-
tif pour les entreprises œuvrant dans le secteur des métaux, négatif et statis-
tiquement significatif dans le cas où les propriétaires possèdent une ferme.
Autrement dit, le temps de participation à une tontine est plus faible lorsque
le propriétaire possède un bien (par exemple, une ferme) qui peut être utilisé
comme garantie pour obtenir un prêt bancaire.
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 25

En analysant certaines des caractéristiques des entreprises et de leurs


propriétaires, nous constatons, en résumé, que les tontines sont des organisa-
tions mises sur pied pour surmonter les restrictions d’accès au crédit formel.
En effet, la probabilité de participation diminue lorsque les entreprises dispo-
sent de mécanismes de financement formel tels que le découvert bancaire. Les
régressions montrent également que l’information partagée et les contrepar-
ties sociales sont des éléments essentiels au fonctionnement de la tontine : la
probabilité et le temps de participation à ces associations augmentent lorsque
les actionnaires de l’entreprise sont des Camerounais. Par ailleurs, ce sont les
propriétaires des entreprises privilégiant les transactions avec des fournis-
seurs de leur groupe ethnique qui participent le plus aux tontines. Enfin, la
faible significativité statistique des coefficients correspondant aux contrepar-
ties physiques (possessions de biens autres que l’entreprise) confirme que la
participation aux tontines exige l’existence d’un capital social solide plutôt
que la possession de biens offerts en garantie.

4.2 Tontines et performance entrepreneuriale


Après avoir analysé les caractéristiques des entreprises tontinières et les varia-
bles qui influencent la participation aux tontines, nous nous attardons mainte-
nant à l’effet des tontines sur les résultats instrumentalisés au moyen de certains
indicateurs de performance. En considérant que la performance est une notion
relative et difficile à évaluer avec exactitude, nous procédons en deux temps. Tout
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d’abord, la performance est étudiée à l’aide de trois variables reflétant le niveau
de productivité : la productivité de l’emploi, l’investissement par employé et le
capital par employé. Quant aux deux dernières variables, soit le capital (par
employé) dont l’entreprise dispose et sa capacité de réaliser des investissements,
nous considérons qu’elles sont une expression de la solidité de l’entreprise, donc
une représentation de ses résultats. Nous mesurons ensuite l’effet des tontines
sur les taux de croissance de l’emploi, des ventes, de la productivité des tra-
vailleurs et du capital par employé. Ces variables ont été choisies en prenant en
compte des publications qui portent sur le contexte africain (par exemple, Bigs-
ten et al., 2000b ; Akoten et al., 2006 ; Ramachandran et Shah, 1999).
Pour les régressions qui visent à expliquer les niveaux de performance, les
variables explicatives comprennent les caractéristiques de l’entreprise, les
caractéristiques du propriétaire, l’accès à des mécanismes de crédit formel et
l’appartenance à des réseaux. Signalons à ce propos que, comme les tontines
constituent des réseaux en soi, nous utilisons la variable tontine pour mesurer
l’effet des réseaux sociaux sur la performance entrepreneuriale.
26 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

Il faut noter que la présence de la variable explicative tontine dans le modèle


peut créer un problème d’endogénéité : la participation aux tontines pourrait
influer sur la performance de l’entreprise, mais simultanément, la performance
de l’entreprise pourrait déterminer la décision de participer aux tontines. Afin
de vérifier cette hypothèse, nous nous servons du test de Hausman. 9 Ce test
indique que la variable tontine est endogène dans l’équation du capital par
employé. Autrement dit, la participation au réseau tontinier peut compromet-
tre le stock de capital par employé (par exemple, les ressources de la tontine
pourraient être utilisées pour acquérir un terrain ou un bâtiment pour
l’entreprise). Néanmoins, en même temps, le capital que l’entreprise possède
peut déterminer la décision de faire partie d’une tontine (par exemple, puis-
que l’entreprise ne possède pas un ensemble de biens garantissant un crédit
formel, elle profite de son appartenance à un réseau pour avoir accès au crédit
tontinier). Pour les autres équations, la méthode des MCO paraît consistante.
Afin de corriger ce problème d’endogénéité dans la régression sur le capital
par employé, nous estimons un système d’équations simultanées de la forme :
(6) ν = t δ + x 1 β 1 + e 1

(7) P ( t = 1 x 2, z ) = G ( t * = x 2 β 2 + z φ + e 2 > 0 )

où ν représente la variable de performance, x 1 est l’ensemble des variables


strictement exogènes qui expliquent le capital par employé ; t * est une varia-
ble latente et t une variable binaire indiquant si l’entreprise participe ou non
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aux tontines ; x 2 représente les variables indépendantes expliquant la participa-
tion à ce type d’association et z contient les variables exogènes instrumentales
partiellement corrélées avec t , pour lesquelles la Cov ( z, e 2 ) = 0. Ainsi,
l’ensemble des variables exogènes ( x 1 ) dans l’équation (6) est formé par les
variables : métal, aliments, lprâge, découvert, accèsprêt. Dans le cas de l’expres-
sion (7), les variables exogènes, x 2 et z, sont lâge, métal, découvert, ethnie, cap-
cameroun, femme, bien maison, bien ferme. Quant aux termes d’erreur, e 1 et
e 2 sont corrélés avec ν et t * respectivement, d’où le problème d’endogénéité.
Comme notre variable d’intérêt est la performance, nous estimons l’équa-
tion (6) en utilisant une méthode à deux étapes. 10 En supposant que le terme
d’erreur e 2 suit une distribution normale, nous appliquons, dans un premier
temps, le modèle probit pour estimer la probabilité de l’entreprise à participer

9 Voir Wooldridge (2002 : 118-122).


10 L’estimation du système peut se réaliser en utilisant un « treatement effect model ». Les
hypothèses sur la distribution des erreurs sont cependant plus restrictives. Voir
Wooldridge (2002) pour plus de détails.
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 27

aux tontines. Cette régression est effectuée sur toutes les variables exogènes
(x), ainsi que sur les variables instrumentales (z). En d’autres termes, nous
estimons P ( t = 1 x, z ) = G ( xb, z φ ) pour obtenir les probabilités Ĝ i . Ensuite,
l’équation (6) est estimée à l’aide du modèle des doubles moindres carrés
(DMC). Dans celui-ci, nous utilisons Ĝ i comme instrument de la variable
tontine.
Le tableau 5 présente les résultats des régressions sur les trois premiers
indicateurs de performance, soit le niveau de la productivité de l’emploi
(valeur ajoutée par employé), de l’investissement par employé et du capital
par employé. Les résultats des régressions font ressortir l’importance de
l’accès aux sources de financement formel. Comme l’indique le tableau 5, les
entreprises disposant d’une autorisation de découvert bancaire présentent un
niveau significativement plus élevé de productivité des travailleurs. De plus,
les estimations présentées dans les colonnes 2 et 3 montrent que l’accès aux
prêts bancaires a un effet positif et statistiquement significatif autant sur
l’investissement par employé que sur le capital par employé.

Tableau 5 : Régressions sur le niveau de la performance


Productivité de Investissement par
Capital par employé
l’emploi employé
(3)
(1) (2)

Constante 7.285*** 8.510*** -25258.87


(3.83) (3.20) (1.20)
1.202*** 0.1890 -1430.708
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Métal
(4.96) (0.52) (0.57)
0.8565** 0.3192 -1185.107
Aliments
(2.03) (0.91) (0.38)
Lprâge 0.2174 1.0299 10741.08*
(0.42) (1.46) (1.96)
0.9399*** .3356 2240.213
Découvert (3.40) (1.15) (0.91)
0.1879 1.165*** 5396.72**
Accèsprêt (0.71) (3.51) (2.25)
Tontine -0.7121*** .2710 -13785.8**
(2.90) (0.93) (2.53)
Observations 78 103 103
F – statistique 9.12*** 5.14*** 4.94***
R2 0.3914 0.2152 0.003
Notes : Les variables dépendantes sont : le logarithme de la valeur ajoutée en
ppp par employé ; le logarithme de l’investissement par employé ; le niveau du
capital en ppp par employé.
Les estimations dans les colonnes 1 et 2 ont été réalisées par la méthode des
MCO où les valeurs absolues des t – statistiques robustes sont entre parenthèses.
Le test Durbin-Wu-Hausman a été utilisé pour tester l’endogénéité de la varia-
ble tontine. La méthode des DMC a été employée pour l’estimation du capital
par employé (colonne 3). Les valeurs absolues des t – statistiques sont entre
parenthèses.
* Statistiquement significatif au niveau 10 % ; ** Statistiquement significatif
au niveau 5 % ; ***Statistiquement significatif au niveau 1 %.
28 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

Ces résultats corroborent l’intuition selon laquelle une entreprise qui a


accès aux sources de financement formel (comportant en général des mon-
tants plus importants que les sources informelles), peut acquérir et accumuler
plus de capital, et ainsi investir davantage. Autrement dit, si on considère
l’accumulation de capital comme un indicateur de performance, une entre-
prise de petite taille ayant un accès restreint aux marchés de crédit formel serait
conséquemment moins performante.
Finalement, examinons les effets des tontines sur la croissance de
l’emploi, des ventes par employé, de la productivité des travailleurs et du capi-
tal par employé. Pour ce faire, nous considérons la période s’échelonnant de
1993 à 1995 et nous prenons en compte les entreprises ayant été enquêtées
durant les trois années d’enquête. Étant donné la présence possible d’un pro-
blème d’endogénéité, nous employons le test de Hausman. Pour la variable
tontine, ce test indique qu’elle n’est pas endogène et que les estimations par la
méthode des MCO sont robustes.
La première colonne du tableau 6 présente les coefficients de la régression
sur la croissance de l’emploi.
Tableau 6 : Régressions sur l’évolution des variables de performance
Croissance Croissance Croissance
Croissance
ventes par productivité capital
Emploi
employé de l’emploi par employé
(1) (2) (3) (4)
59.873 2.387 -29.695*** 2.549
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Constante
(0.78) (0.18) (9.41) (0.99)
Métal 3.536 -0.641 -3.259 4.587
(0.35) (0.41) (1.23) (1.49)
Bois -14.092 .583 -.9287 -4.798*
(1.44) (0.42) (0.30) (1.87)
-17.306 5.735*** 10.139*** 1.784
Petite (1.63) (3.83) (3.21) (0.53)
Moyenne -40.189*** 6.876*** 1.936 -4.989*
(3.61) (3.19) (0.88) (1.78)
14.958* 2.254* .0044 -7.407**
Tontine
(1.69) (1.89) (0.00) (2.25)
-10.962 -2.977
Lprâge
(0.55) (0.82)
.815 -3.370 -1.537
Découvert
(0.57) (1.26) (0.65)
Observations 108 80 82 98
F – statistique 2.81*** 3.94*** 3.95*** 1.99*
R2 0.1278 0.2428 0.2438 0.1489
Notes : Les variables dépendantes sont le taux de croissance de l’emploi, le
taux de croissance du chiffre d’affaires par employé, le taux de croissance de la
valeur ajoutée par emploi et le taux de croissance du capital par employé. Esti-
mations par la méthode des MCO où les valeurs absolues des t – statistiques
robustes sont entre parenthèses. Le test Durbin-Wu-Hausman a été utilisé
pour tester l’endogénéité de la variable tontine.
* Statistiquement significatif au niveau 10 % ; ** Statistiquement significatif
au niveau 5 % ; ***Statistiquement significatif au niveau 1 %.
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 29

L’accès au réseau tontinier a un effet positif et significatif sur la crois-


sance du nombre d’employés durant la période étudiée 11. Ces résultats suggè-
rent que l’accès à des ressources financières informelles contribuerait à la
survie et à la croissance des entreprises ayant des restrictions d’accès à des
sources bancaires. Nous notons également que le fait d’être une entreprise de
taille moyenne influe négativement sur la croissance de l’emploi. Il faut souli-
gner que ce résultat peut être influencé par la période durant laquelle les don-
nées ont été recueillies. Comme on l’indique précédemment, pendant les années
1990, le Cameroun a suivi des réformes dans lesquelles les entreprises bénéfi-
ciaient de privilèges fiscaux (les grandes et moyennes entreprises, pour la plu-
part) ont été affectées négativement, pendant que celles de petite taille ont
enregistré des taux de croissance importants (Gauthier, 1997).
Les résultats de la seconde colonne confirment le constat précédent : la
participation à une tontine est liée à un effet positif et significatif sur la crois-
sance des ventes par employé. En revanche, l’accès au découvert bancaire ne
présente pas d’effet significatif.
Les colonnes 3 et 4 indiquent, entre autres, l’effet de la participation aux
tontines sur la croissance de la productivité de l’emploi et sur le taux de crois-
sance du capital par employé. On remarque que le coefficient de la variable
tontine n’est pas significatif pour la première (colonne 3). Par contre, il est
négatif et significativement différent de zéro sur l’évolution du capital par
employé. Cette régression suggère que la capitalisation chez les entreprises
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tontinières n’est pas élevée. Le résultat n’est pas surprenant si nous considé-
rons que la tontine est un mécanisme utilisé davantage chez les petites entre-
prises (par exemple, autour de 48 % de petites entreprises de notre échantillon
font partie d’une tontine) et que celles-ci ont, dans le contexte africain, des
restrictions d’accès notables aux marchés formels (Bigsten, 2003 ; Akoten et
al., 2006). Par ailleurs, les résultats de la régression sont également en con-
cordance avec l’hypothèse d’utilisation des ressources tontinières à des fins de
flux de trésorerie et non d’investissement.
Bref, au niveau des indicateurs de performance, nous observons l’influence
de l’accès aux sources de financement bancaire sur la performance. L’analyse
en coupe transversale pour 1993 suggère que les mécanismes de financement
formel ont un effet important sur les résultats de l’entreprise : le coefficient
de la variable découvert est positif et significatif dans la régression sur la pro-

11 Lorsque nous ajoutons l’information relative au découvert bancaire à la régression, le


coefficient de la variable tontine demeure positif, mais n’est pas significativement dif-
férent de zéro.
30 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

ductivité de l’emploi, celui d’accèsprêt a un effet positif et statistiquement


significatif sur l’investissement par employé et sur le capital par employé.
Cependant, lorsque nous étudions l’évolution de la performance en lien avec
la croissance de l’emploi et la croissance des ventes, ces premiers résultats
sont remis en question. En fait, nous constatons que l’accès à une source de
financement informel (la tontine) a un effet positif et significatif sur la crois-
sance de l’entreprise. Il faut noter que ces résultats peuvent avoir un lien avec
la période d’étude. Si l’on considère que la crise économique nuit aussi au sys-
tème financier et que la performance des microfinances (par exemple, les tonti-
nières) dépend du contexte macroéconomique et macro-institutionnel (Ahlin et
al. 2011), nous pouvons supposer que : 1) pendant la période de l’enquête, les
restrictions d’accès aux prêts bancaires étaient encore plus importantes ; et
donc que 2) l’accès à des fonds « informels » (dont la tontine) a permis à cer-
taines entreprises de financer leurs activités et ainsi d’évoluer. Enfin, nos
résultats corroborent le constat d’Akoten et al. (2006). D’après ces auteurs, le
capital social (instrumentalisé dans leur article par la présence de parents dans
la même ligne de négoce) altère de manière positive et significative la perfor-
mance, représentée par la « profitabilité » (le profit courant sur la valeur de
revente des machines et autres équipements) et par la croissance de l’emploi.

5 CONCLUSION
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Bien que la littérature mette en évidence l’ampleur et l’actualité des AECR
dans les pays en développement, elle se concentre surtout sur celles qui ont
pour but d’augmenter la consommation des agents individuels (les AECR per-
sonnelles). En revanche, à partir de données d’enquêtes sur le secteur manu-
facturier au Cameroun, nous avons analysé l’effet de la participation aux
tontines sur la performance des entreprises au Cameroun.
Les objectifs de cet article étaient doubles. En premier lieu, nous cher-
chions à caractériser les entreprises qui participent aux tontines et à identifier
les différences avec celles qui, faisant partie du même groupe d’entreprises (de
micro, petite et moyenne taille), n’ont pas recours à ces associations financiè-
res. Pour ce faire, nous avons utilisé des statistiques descriptives ainsi que
deux modèles économétriques (le probit et le tobit).
Les statistiques descriptives montrent que ces organisations sont utilisées
davantage par les jeunes entreprises de petite taille afin d’avoir accès à des
ressources financières. Notamment, nous observons que les entreprises tonti-
nières ont plus de difficultés à obtenir des facilités de caisse afin de financer
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 31

les flux de trésorerie : environ 70 % parmi celles-ci ne disposent d’aucune


autorisation de découvert dans les banques. Les statistiques mettent aussi en
évidence que le nombre d’entreprises informelles est plus important chez les
sociétés tontinières. Nous présumons que ce constat répond à la nature de ce
type de sociétés : il s’agit d’organisations qui doivent surmonter certaines
défaillances du système formel (par exemple, restrictions d’accès au marché
bancaire), qui connaissaient davantage le système et les possibilités offertes
pour des sources « non formelles » et qui comptent sur un réseau social solide.
Enfin, les données statistiques laissent voir que les réseaux tontiniers se
basent sur des liens sociaux assez étroits. Par exemple, en comparant les rela-
tions des entreprises tontinières et non tontinières avec leurs fournisseurs et
clients, nous constatons que les propriétaires des entreprises faisant partie
d’une tontine privilégient la réalisation des affaires avec des agents de leur
groupe ethnique
Deux faits importants de l’analyse économétrique doivent être soulignés :
1) Les régressions confirment que les tontines sont des organisations qui fonc-
tionnent principalement au moyen de l’information partagée et la confiance
mutuelle entre ses membres : la probabilité de participation augmente lors-
que les entrepreneurs sont des Camerounais et qu’ils travaillent avec des
fournisseurs de même origine ethnique. 2) Nos résultats suggèrent que ces
associations constituent une réponse aux restrictions d’accès au marché
financier formel et qu’elles servent principalement à financer les flux de tré-
sorerie plutôt qu’à augmenter le capital ou à effectuer des investissements.
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En effet, la participation est moins probable pour les entreprises ayant des
autorisations de découvert bancaire (qui donnent accès à des montants moins
importants que les prêts) et lorsque le propriétaire possède des biens qui peu-
vent être utilisés comme garantie pour l’obtention de prêts formels.
Le deuxième objectif de l’article était d’évaluer l’importance des tontines
sur la performance des entreprises. Parmi les nombreuses possibilités pour
mesurer les résultats et le dynamisme des entreprises, nous avons sélectionné
sept indicateurs : la productivité de l’emploi, l’investissement par employé, le
capital par employé, les taux de croissance de l’emploi, des ventes, de la pro-
ductivité des travailleurs et du capital par employé. Les analyses économétri-
ques mettent en évidence le rôle des mécanismes de financement formel : ils
influencent positivement la performance entrepreneuriale. Néanmoins,
l’appartenance à des réseaux sociaux, instrumentalisée ici par les réseaux ton-
tiniers, a un effet positif sur la croissance de l’entreprise, notamment sur
l’évolution des ventes et le taux de croissance de l’emploi. Rappelons que les
entreprises tontinières sont de jeunes et petites entreprises dont 27 % d’entre
elles possèdent le statut informel. Ce constat peut expliquer en partie nos
32 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

résultats. Pendant la période d’étude, caractérisée par une crise économique


et financière, ce sont les entreprises de petite taille qui ont enregistré des taux
de croissance importants. La croissance a été encore plus prononcée pour les
entreprises du secteur informel : œuvrant dans l’informalité, elles ont pu sup-
porter l’augmentation des coûts plus facilement que les entreprises formelles.
Par ailleurs, la demande pour les biens et les services offerts par des entrepri-
ses informelles aurait augmenté, car dans des périodes de crise, les consom-
mateurs recherchent des prix plus bas (Gauthier, 1995b). Nous présumons
donc que les fonds provenant des tontines ont contribué à accroître les ventes
et à consolider les activités commerciales des entreprises qui en faisaient partie.
Enfin, notre analyse révèle l’importance et l’utilité du système informel
de crédit, particulièrement celui de la tontine dans le contexte camerounais.
Cependant, nos résultats suggèrent aussi que ces organisations ne peuvent
pas assumer le rôle du système formel : les tontines sont des associations qui
donnent accès à des montants d’argent insuffisants pour répondre aux
besoins de grandes entreprises et qui sont fondées sur la confiance mutuelle
entre leurs membres. Autrement dit, ces deux systèmes sont complémentaires,
mais ils ne peuvent pas se substituer l’un à l’autre. Nous soupçonnons que la
participation aux tontines permet aux entreprises de taille micro, petite et
moyenne de subsister sur le marché, hypothèse qui mériterait d’être vérifiée
dans des recherches futures.
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Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 35

ANNEXE 1. DIFFÉRENTES APPELLATIONS


DES AECR SELON LES RÉGIONS

Région Appellation
Afrique Chilemba (Zambia)
Bakary, dambele, nath, piye (Senegal)
Djanggi, mandjoun, ntsuia (Cameroun)
Esusu (Nigéria, Bénin, Liberia)
Gamya (Égypte)
Kitimo, ikilemba (Congo)
Mahodisana, stokfel (Afrique du sud)
Ndjonu (Sierra Leone)
Oha (Niger)
Setuk, khatta (Soudan)
Susu, osusu, adashi, dashi (Nigeria)
Tontine (Cameroun, Togo, Rwanda et ailleurs en Afrique francophone)
Upatu (Tanzanie)
Asie Arisan, paketan (Indonésie)
Bisi (Pakistan)
Cheetu (Sri Lanka)
Chit (Singapour)
Dhiku, dhikuti (Népal)
Hui, kongsi, hui (China)
Isu (Taiwan)
Ho, hui (Vietnam)
Kameti, chit, found groups, kuri, chita, chitu (république de l’Inde)
Ko, kou, mujin (Japon)
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Kye, mujin (Corée)
Paluwagan (Philippines)
Pia-share, pia-huey (Thailande)
Tonti (Malaysia)
Amérique Cadena (Colombie)
Meting, box money (Barbade et Guyana)
Partners (Jamaïque)
Pasanakus (Bolivie)
Pandero, junta (Pérou).
Polla (Chili)
Susu (Trinité)
Tanda (Mexique)
Europe Menages (nord de l’Angleterre et l’Écosse)
36 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

ANNEXE 2. STATISTIQUES DESCRIPTIVES


Tableau A2.1 : Structure du capital
Entreprises Entreprises non
Actionnaires
tontinières (nombre, %) tontinières (nombre, %)
Privés camerounais 72 (93,5 %) 59 (64,8 %)
Privés étrangers 2 (2,6 %) 11 (12,1 %)
Privés camerounais et étrangers 2 (2,6 %) 18 (19,8 %)
Publics et privés camerounais 1 (1,3 %) 0 (0,0 %)
Publics et privés étrangers 0 (0,0 %) 2 (2,2 %)
Publics et privés camerounais
étrangers 0 (0,0 %) 1 (1,1 %)
Actionnaires publics 0 (0,0 %) 0 (0,0 %)
Total d’observations 77 (100 %) 91 (100 %)

Tableau A2.2 : Caractéristiques des actionnaires et des propriétaires


Entreprises Entreprises
tontinières non tontinières
Origine ethnique des actionnaires
camerounais (nombre, %)
Afrique 74 (96,1 %) 72 (84,7 %)
Asie 0 (0 %) 3 (3,5 %)
Europe 2 (2,6 %) 8 (9,4 %)
Moyen-Orient 0 (0 %) 1 (1,2 %)
Autre 0 (0 %) 1 (1,2%)
Total 77 (100 %) 85 (100%)
Âge du propriétaire (en moyenne) 41,22 ans 42,46 ans
Sexe du propriétaire (nombre, %)
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Masculin 57 (81,4 %) 57 (91,9 %)
Féminin 12 (18,6 %) 5 (8,1 %)
Total 70 (100 %) 62 (100 %)
Niveau de scolarité officiel le plus élevé
du propriétaire (nombre, %)
Aucun 1 (1,6 %) 0 (0 %)
Primaire 13 (21,0 %) 8 (13,6 %)
Collège 9 (14,5 %) 3 (5,1 %)
Secondaire 12 (19,4 %) 10 (17,0 %)
Lycée 4 (6,5 %) 6 (10,2 %)
Lycée technique 8 (12,9 %) 7 (11,9 %)
Institut universitaire de technologie 2 (3,2 %) 3 (5,1 %)
Université 13 (21,0 %) 22 (37,3 %)
Total 62 (100%) 59 (100 %)
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 37

Tableau A2.3 : Emprunts formels parmi les entreprises de taille micro,


petite et moyenne
Entreprises Entreprises
tontinières non tontinières
Pourcentage d’entreprises ayant sollicité une 63,5 % 55,1 %
institution financière pour un prêt
Pourcentage d’entreprises qui ont déjà 46,0 % 43,0 %
emprunté dans une institution formelle
(banque, crédit coopératif, projet
gouvernemental)
Si l’entreprise a déjà emprunté : nombre 1,1 1,4
d’emprunts à la banque (en moyenne)
Pourcentage d’entreprises ayant une 32 % 52,8 %
autorisation de découvert bancaire
l’année précédant l’enquête
Pourcentage d’entreprises ayant sollicité un 28,6 % 20,8
prêt l’année précédant l’enquête
Pourcentage d’entreprises ayant emprunté 65 % 35,3 %
dans une institution formelle l’année
précédant l’enquête*
Pourcentage d’entreprises participant aux 44 % -
tontines d’affaires qui ont l’autorisation
de découvert
(*) Ce pourcentage est celui des entreprises ayant fait une demande de prêt.

Tableau A2.4 : Moyens utilisés pour financer le démarrage de l’entreprise


Entreprises Entreprises
Sources de financement
tontinières non tontinières
% d’épargne personnelle 60,99 62,11
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% des prêts d’amis ou de parents 9,25 4,38
% de prêt d’un fournisseur 6,07 2,92
% de prêt d’une banque locale 5,64 4,04
% de prêt d’une banque étrangère ou
d’une agence d’aide 0,67 1,62
% de prêt d’un prêteur d’argent 0,20 1,17
% d’autres sources 21,59 25,09

Tableau A2.5 : Relation avec les fournisseurs principaux et les clients


Entreprises Entreprises
tontinières non tontinières
Pourcentage d’entreprises dont le fournisseur
principal appartient à la même tribu ou le même 12,00 % 3,57 %
groupe ethnique que le propriétaire
Lien établi avec l’utilisateur final
(pour la dernière vente importante à crédit) :
Parent 2,86 % 3,33 %
Ami 14,29 % 16,67 %
Affaire uniquement 82,86 % 80 %
Pourcentage d’entreprises dont l’utilisateur final
(personne avec laquelle on traite) appartient au
30,30 % 10 %
même groupe ethnique que le propriétaire
38 Sonia Tello Rozas, Bernard Gauthier

ANNEXE 3. DESCRIPTION DES VARIABLES


Nom de la variable Définition
Variable binaire dont la valeur est 1 si l’entreprise a sollicité une
Accèsprêt institution pour un prêt et si la demande d’emprunt a été acceptée
et 0 autrement
Aliments Variable binaire dont la valeur est 1 si le secteur est aliments et
boissons et 0 autrement
Pourcentage du financement du démarrage de l’entreprise à l’aide
Banque locale
d’un prêt auprès d’une banque locale
Variable binaire dont la valeur est 1 si le propriétaire possède une
Bien ferme ferme et 0 autrement
Bien maison Variable binaire dont la valeur est 1 si le propriétaire possède une
maison et 0 autrement
Variable binaire dont la valeur est 1 si le secteur est bois et meubles,
Bois et 0 autrement
Structure du capital formé par des actionnaires privés uniquement,
Capcameroun
actionnaires camerounais
Somme de la valeur de revente « actuelle » ou valeur locative par
Capital année des terrains, des bâtiments et la valeur de remplacement des
équipements
Valeurs en US PPP$(tableau 2) ; logarithme du capital par employé
Capital par employé (régressions)
Découvert Variable binaire dont la valeur est 1 si l’entreprise a des autorisa-
tions de découvert bancaire et 0 autrement
Emploi Nombre de travailleurs
Variable binaire dont la valeur est 1 si le principal fournisseur de la
Ethnie matière première la plus importante appartient à la même tribu ou
groupe ethnique du propriétaire, et 0 autrement
Femme Variable binaire dont la valeur est 1 si le propriétaire de l’entreprise
est de sexe féminin et 0 autrement
Variable binaire dont la valeur est 1 si le statut juridique indique
Formel qu’elle n’est pas une entreprise personnelle et en même temps
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qu’elle tient une comptabilité sur une base annuelle, et 0 autrement
Investissement Montant investi au cours des 5 dernières années dans l’acquisition
de terrains, bâtiments et d’équipement.
Investissement par Valeur en US$ (tableau 2) ; logarithme de l’investissement par
employé employé (régressions).
Lâge Logarithme naturel de l’âge de l’entreprise
Lprâge Logarithme naturel de l’âge du propriétaire
Variable binaire dont la valeur est 1 si le secteur est métal et petite
Métal machinerie et 0 autrement
Micro Variable binaire dont la valeur est 1 s’il s’agit d’une
micro-entreprise (1 à 4 employés) et 0 autrement
Moyenne Variable binaire dont la valeur est 1 s’il s’agit d’une entreprise
de moyenne taille (29 à 99 employés) et 0 autrement
Variable binaire dont la valeur est 1 s’il s’agit d’une
Petite micro-entreprise (5 à 29 employés) et 0 autrement
Nombre de prêts obtenus à la banque durant les cinq années
Pretbanque
précédant l’enquête
Productivité de Valeur ajoutée par employé = Valeur de l’output (mesuré par les
ventes), moins les coûts des matières premières et le total des coûts
l’emploi
indirects par employé en US PPP$
Valeur ajoutée moins masse salariale où valeur ajoutée = output –
Profits
coûts indirects – coûts de matières premières. Valeurs en US PPP$
Scoprim Variable binaire dont la valeur est 1 si le niveau de scolarité du
propriétaire est le primaire et 0 autrement
Les tontines favorisent-elles la performance des entreprises au Cameroun ? 39

Nom de la variable Définition


Variable binaire dont la valeur est 1 le niveau de scolarité du
Scouniv
propriétaire est le secondaire et 0 autrement
Taille de l’entreprise mesurée par le logarithme naturel du nombre
Taille d’employés
Taux de croissance de
la valeur ajoutée par Croissance de 1993 à 1995, en US PPP$
employé
Taux de croissance
Croissance de 1993 à 1995, en CFAF
des ventes
Variable binaire dont la valeur est 1 si l’entreprise fait des dépôts
Tontine
dans des tontines et 0 autrement
Valeur ajoutée Valeur de l’output (mesuré par les ventes) moins les coûts des
matières premières et le total des coûts indirects
Ventes par employé Valeur du chiffre d’affaires divisé entre le nombre total d’employés.
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