Reyne 1977

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Valeur alimentaire chez le Mouton

de l’ensilage de marc de raisin épuisé


Y. REYNE X. GARAMBOIS

D. FABRE J. L. GAUBERT

Station de
Physiologie animale LN.R.A.
E.N.S.A., Place 1%iala
o6o Montpellier Cedex (France)
34

Résumé

des constituants de divers échantillons de marc de raisin épuisé entier et


La digestibilité
les ont été mesurées sur des lots de 6 moutons Mérinos d’Arles adultes main-
quantités ingérées
tenus en cages à métabolisme. I,e marc vapeur est le mieux utilisé, mais les coefficients de diges-
tibilité sont cependant très faibles, soit, selon les échantillons : 25 à z8 p. 100 pour la matière
organique, i6 à 26 p. ioo pour la cellulose brute, 8 à r3 p. ioo pour les matières azotées, 4
8 p. 100
pour les matières grasses.
Les animaux sont capables d’ingérer des quantités considérables de matière sèche, de l’ordre
de iio g par kg de poids métabolique (j!!·!S) avec le marc vapeur seul. Par contre, le marc diffu-
sion n’a pas permis une ingestibilité aussi forte et les animaux ont perdu du poids.
L’addition d’une quantité d’environ 6 00 g de foin de luzerne au marc vapeur distribué
ad libitum a entraîné une légère augmentation des coefficients de digestibilité du marc (+ p. 100
pour la cellulose brute, -!- 14 p. 100 pour les matières grasses), sauf pour les matières azotées.
La consommation totale de matière sèche est également augmentée de 14 5 p. 100 par rapport
,
à celle mesurée pour la ration marc seul et de 55
5 p. roo par rapport à celle mesurée pour la ration
,
foin de luzerne seul.

Introduction

Depuisde nombreuses années, le marc de raisin ensilé a été utilisé de manière


plus oumoins régulière comme fourrage d’appoint ou de secours par les éleveurs
de moutons des régions méditerranéennes. Les références dont on dispose sur la
valeur nutritive de ce type de produit (DECxAMBR!, igo6; E, ABR igog; HoN-
F
CAMP et BI,A
, I
K
C
N g; JO
g ER
R ’
D
C E,A I953 , Ic!65) indiquent notamment
, PICCIO
NI
une très faible digestibilité de la matière sèche (environ 30 p. I oo). La digestibi-
lité des matières azotées est encore plus faible et semble plus variable (6 à 20 p. I
oo
selon les marcs étudiés).
La composition chimique et la valeur nutritive des marcs de raisin dépendent
de nombreux facteurs parmi lesquels il faut citer : le cépage, le rendement, le modee
de vinification, le procédé de distillation, les proportions de rafles, pellicules et
pépins, le mode de conservation.
A l’heure actuelle, les marcs de raisins les plus fréquemment disponibles
sous forme humide sont les marcs épuisés entiers, c’est-à-dire des marcs contenant

pépins, pulpes et rafles et ayant subi la distillation. Schématiquement, sur le plan


technologique, les marcs sont épuisés selon deux procédés permettant d’extraire
l’alcool et les éléments fermentescibles : extraction à la vapeur (marc vapeur)
ou lessivage à l’eau (marc diffusion). En fonction des circonstances climatiques,
les éleveurs se posent périodiquement le problème de l’utilisation de ce type de
produit. Il convenait donc de préciser davantage sa valeur alimentaire (digesti-
bilité, quantités ingérées) en particulier lorsqu’il est associé à d’autres fourrages
dans la ration et compte tenu du fait que son acceptabilité par le Mouton apparaît
extrêmement variable selon le mode de distillation.

Matériel et méthodes

Dans un premier essai, nous avons étudié la digestibilité et les quantités


ingérées par des ovins pour deux échantillons de marc de raisin (un échantillon
de marc vapeur un échantillon de marc diffusion) utilisés comme seul consti-
-

tuant de la ration.
Les mesures de digestibilité ont été réalisées selon un protocole analogue à
RQ et WE
celui de umr,
a
M
DE
y ISS ) 1970 dans leur étude de la valeur alimentaire
(
des fourrages. Nous avons utilisé des lots deq moutons Mérinos d’Arles adultes
maintenus en cages à métabolisme; deux autres animaux en cases individuelles
permettaient de mesurer les quantités ingérées sur 6 animaux. Le marc de raisin
était distribué ad tibituna en deux repas journaliers, les refus n’excédant pas 1
10
0p.
0
de la quantité distribuée. La période d’adaptation au régime était de 15 jours et
était suivie de deux périodes de mesure d’une semaine chacune, soit 15 jours de
contrôle (8 données par aliment). Nous avons calculé les coefficients de digesti-
bilité apparents de la matière organique, des matières azotées et de la cellulose
brute.
-

Dans un deuxième essai, nous avons mesuré successivement et avec les


mêmes animaux la digestibilité d’un bon foin de luzerne, celle d’un nouvel échan-
tillon de marc vapeur, puis celle de la ration marc vapeur ad libitum plus une quan-
tité constante de 6 00 g du foin de luzerne précédemment étudié. Les périodes de
transition entre les divers régimes étaient de 3 semaines et les périodes de mesure dee
4 données par aliment). Les coefficients de diges-
la digestibilité duraient 7 jours (
tibilité apparents de la matière organique, des matières azotées, de la cellulose
brute et des matières grasses ont été calculés pour les différentes rations. Dans
le cas de la ration marc plus foin, les coefficients de digestibilité du marc de raisin
ont été estimés par différence en supposant qu’il n’y avait pas de phénomène de
digestibilité associative.
-

Les marcs de raisin utilisés au cours des deux séries d’essais étaient ensilés
dans des fûts enmatière plastique de i o litres hermétiquement clos. Ce procédé
5
nous a permis de disposer continuellement d’un produit bien conservé. Un condi-
ment minéral vitaminisé adapté était mélangé chaque jour à la ration à raison de
20 à 30 g par animal. Le tableau i donne la composition chimique des différents
aliments utilisés au cours des deux séries d’essais. I,es marcs étudiés ont une compo-
sition chimique très voisine de celle des marcs le plus souvent produits dans la
région Languedoc-Roussillon et analysés par le Service interdépartemental d’Éle-
vage (1975).

Analyses
-

La teneur en matière sèche des aliments distribués, des refus et des fèces
a été déterminée journalièrement par séchage à l’étuve à 8 0°C jusqu’à poids cons-
tant. Des échantillons représentatifs ont été constitués pour chaque période de
mesure à partir de prélèvements journaliers des produits distribués, des refus et des
fèces correspondantes. Ces échantillons ont été analysés pour déterminer leur teneur
en matières minérales (calcination au four à 6 0 0 en matières azotées (azote
°C),
) et en cellulose brute (méthode de Weende).
Isjeldahl X 6,
25
Résultats

Essai I
Digestibilité
L’utilisation digestive apparente des principaux constituants des deux échan-
tillons de marc de raisin est très faible, surtout dans le cas du marc diffusion
(tabl. 2
). Pour ce dernier, on peut même considérer que la totalité des matières
azotées est irdigestible; certains animaux ont d’ailleurs présenté des CUD négatifs,
ce qui correspond probablement à une utilisation de leurs réserves.

Ingestibilité
Les quantités de matière sèche ingérées sont très importantes dans le cas du
marc ) et permettent aux animaux d’en compenser la faible diges-
vapeur (tabl. 3
tibilité puisqu’ils sont restés à poids constant durant toute la durée de l’essai.
En ce qui concerne le marc diffusion, les quantités de matière sèche ingérées sont
par contre très faibles et les animaux perdent du poids.
Que ce soit pour la digestibilité ou les quantités ingérées, les résultats sont
beaucoup plus variables avec le marc diffusion.

Essai II
Digestibilité
Bien que l’échantillon de marc vapeur utilisé ait une composition chimique
très voisine de celle du premier échantillon, sa digestibilité lorsqu’il est distribué
comme seul constituant de la ration est encore plus faible que précédemment.
Seul le CUD des matières grasses est relativement élevé et voisin de 5 0 p. 100
(tabl. )
2 . L’addition d’une quantité constante de foin de luzerne a pour effet

d’augmenter, légèrement, chez tous les animaux en expérience la digestibilité de


l’ensemble des constituants du marc étudié, particulièrement celle de la fraction
). Par contre le
) et celle des matières grasses (+ 14 p. 100
cellulosique (-!- 7 p. 100
CUD des matières azotées n’est pas modifié en moyenne. Par ailleurs, chez cer-
tains animaux, le marc de raisin a même pour effet de diminuer la digestibilité
des matières azotées de la luzerne.

Ingesti bilité
Pour la ration de marc seul, les quantités de matière sèche ingérées sont encore
plus importantes qu’avec marc vapeur précédemment étudié. L’addition du
le
foin de luzerne à la ration stimule encore la consommation totale de matière sèche
par les animaux (tabl. 3). Ainsi la quantité totale de matière sèche ingérée mesurée
en gramme par kg de poids métabolique ) 75 est augmentée de zq,5 p. 100 par
,
O
(P
rapport à celle mesurée pour la ration marc seul et de 55,5 p. 100 par rapport à
celle mesurée pour la ration luzerne seule.
Discussion

Les valeurs obtenues pour les coefficients de digestibilité des divers consti-
tuants du marc de raisin sont très voisines de celles signalées par d.’autres auteurs
pour des marcs frais entiers, des marcs épuisés entiers (F E, 1909
ABR ; IONICC
I
P
,
65) ou des marcs séchés égrappés (F
19 , 1940
R
GE
OL ; T AR 197
S
,
I 0; HADjI
-
Y
N
A
P
u et ,
10TO OUCA ig
L 6). La très faible digestibilité de la fraction azotée du marc de
7
raisin paraît être un phénomène analogue à celui constaté par CHnxr,!T-L!RV,
ROY et R
LE TE (r
L
ZE ) pour les marcs de pomme. Ces auteurs constatent que la
955
fraction azotée du marc est strictement indigestible chez les moutons et les porcs
et que la présence de marc dans un régime mixte semble même déprimer légère-
ment l’utilisation digestive de l’azote de la ration. T HERIEZ et BOULE ) 1970
(
observent le même phénomène dans leur étude de la valeur alimentaire du tour-
teau d’olive. Ces divers auteurs attribuent les effets observés aux tannins présents
dans ces produits et qui pourraient agir de deux manières, d’une part en réduisant
l’activité de la flore du rumen, d’autre part en insolubilisant les matières azotées
de la ration. On peut penser à un mécanisme analogue dans le cas du marc de rai-
sin qui est assez riche en tannins pyrocatechiques.
En ce qui concerne les quantités ingérées, les résultats obtenus confirment
la meilleure appétibilité du marc vapeur par rapport au marc diffusion. Ce fait a été
signalé à un degré moindre lors des essais sur ovins et bovins réalisés en statioi
par le service interdépartemental d’élevage Languedoc-Roussillon en collaboration
avec l’ITEB et l’ITOVIC (rg 6). Dans ces essais, le marc vapeur permet générale-
7
ment un niveau de consommation volontaire d’environ 25 à 30 p. 100 supérieur
à celui permis par le marc diffusion. Les résultats de l’essai de digestibilité laissent
supposer qu’il existe pour les marcs diffusion une grande variabilité des consomma-
tions sans que l’on en connaisse pour l’instant le facteur responsable. Une analyse
critique de conservation d’ensilage a été effectuée dans le cas du marc diffusion
et ne permet pas de trouver une explication à cette mauvaise consommation.
En effet, le pH et les teneurs en acides acétique, propionique, butyrique et lactique
correspondent à un bon ensilage correctement conservé. La consommation du
marc vapeur est par contre remarquable, qu’il soit distribué seul ou associé à du
foin de luzerne. Les moutons sont capables de compenser la très faible valeur nutri-
tive du produit par une ingestion beaucoup plus forte que dans le cas des fourrages
classiques. Un tel mécanisme de compensation est en accord avec les résultats
de TG
OY
M
R
E
OM N et BnuMGnxDT 65) 19 qui montrent que les ruminants sont
(
capables d’ajuster leur consommation de matière sèche de façon à maintenir les
apports en énergie métabolisable.
Dans certains cas, il est possible, d’après les performances observées, de
fixer la valeur énergétique du marc à o,20-0,25 UP par kg de matière sèche, chiffre
supérieur à celui obtenu par le calcul, dans d’autres cas, la valeur alimentaire
peut être nulle sans que l’on puisse pour l’instant le prévoir autrement que par
un essai d’alimentation, un marc de bonne qualité étant généralement bien
consommé. La teneur en matières azotées digestibles, voisine de 17 g par kg de
matière sèche pour le meilleur des marcs vapeurs étudiés (valeurs extrêmes 13 à
22 g) est très faible compte tenu de la teneur relativement élevée en matières
azotées totales du produit.
Enfin, si certains types de marcs peuvent constituer un aliment intéressant
du fait de leur faible coût, il semble que le procédé d’épuisement par diffusion
aboutisse à des marcs mal consommés par les animaux. Il reste à con-
parfois
naître les causesde cette mauvaise consommation et éventuellement à trouver
un moyen de l’améliorer.
Accepté pour publication en juillet 19
77.

Remerciements

UREJAC et Bnr,MEr,zE du Service


Nous remercions Messieurs A interdépartemental de l’Éle-
vage Languedoc-Roussillon pour l’aide qu’ils nous ont apportée en nous fournissant une partie
des produits utilisés.

Summary
Nutritive value of rohole grape marc silage for sheep

Six mature « Merinos d’Arles » sheep were used to measure the intake and digestibility of
the components of several types of whole grape marc silage. The steam washed grape marc
8 per cent for
was the best utilised, nevertheless, the digestibility coefficients were low: 25 to 2

organic matter, 1
6 to 2 6 per cent for crude fibre, 8 to 13 per cent for crude protein, 4
8 per cent
for ether extract.
The steam washed grape marc dry matter intake was high ( 1 75 The contrary
10 g/kg ).
,
O
W
was true for water washed grape marc and therefore the animals lost in weight.
The addition of 6 00 g lucerne hay to the steam washed grape marc ration increased the
digestibility of several components (+per cent for crude fiber and + 14 per cent for ether
extract) but did not increase the digestibility of crude protein. The dry matter intake also
increased by 145 per cent in relation to whole steam washed grape marc ration and 55
. 5 per cent
.
to whole lucerne hay ration.

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