Dissertation Rédigée

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Dissertation – Tartuffe ou l’Imposteur, Molière, 1669

« Le thème favori de Molière, (…) c’est l’impunité impunie : l’homme qui se croit hors
d’atteinte et tout-puissant et contre lequel se retournent pour l’écraser, les forces qu’il a
déchaînées. »
Ramon Fernandez, Molière ou l’essence du génie comique (1929)
Sujet réflexion : en quoi Tartuffe, d’une part, et Orgon, d’autre part, répondent-ils à la
définition de « l’homme qui se croit hors d’atteinte et tout-puissant » ?

Dissertation entièrement rédigée :

On dit de Molière qu'il a donné à la comédie ses lettres de noblesse. Le dramaturge


n'hésite pas en effet à faire rire ses spectateurs sur des sujets sérieux voire même tabous
comme par exemple, dans Tartuffe ou l'Imposteur (1669), celui de la fausse dévotion. Son
but : « corriger les mœurs par le rire » et faire ainsi, avec intransigeance, œuvre de
moraliste. Son « thème favori » : « l'impunité impunie : l'homme qui se croit hors d'atteinte
et tout puissant et contre lequel se retournent pour l'écraser, les forces qu'il a
déchaînées. » Nous serons amenés à nous demander en quoi Tartuffe d'une part et Orgon
d'autre part répondent à la définition de « l'homme qui se croit hors d'atteinte et tout-
puissant. » Nous verrons d'abord que Molière fait le portrait sans complaisance d'un père
de famille vaniteux et d'un imposteur sans foi ni loi. Nous montrerons ensuite comment,
après avoir peint leurs ridicules, il prépare leur châtiment.

Le Tartuffe de Molière est à n'en pas douter une comédie de mœurs. Le dramaturge
y prend pour cible « des homme(s) qui se croi(ent) hors d'atteinte et tout puissant(s) ». Il y
a d'abord Orgon que le spectateur a lieu de condamner quand il le voit négliger sans la
moindre délicatesse sa femme. Cette dernière souffrante, la dupe égoïste s'exclame, toute
à son obsession : « Le pauvre homme ! ». Défaillant autant comme mari que comme père,
il ne voit nul mal à avouer qu'il « verrai(t) mourir frère, enfants, mère et femme, /qu'(il ne
s'en soucierait) autant que de cela. ». C'est surtout avec ses enfants qu'il se montre
autoritaire et injuste. Mariane contrainte à renoncer à Valère pour épouser le parasite se
plaint : « contre un père absolu que veux-tu que je fasse ? » Quant à Damis, il est, à la
manière d'Hippolyte dans Phèdre de Racine, l'objet de la malédiction paternelle : « je te
prive, pendard, de ma succession, / Et te donne, de plus, ma malédiction. » On peut ainsi
établir que Molière a voulu faire d’Orgon l’incarnation du patriarche irréfléchi, excessif et
injuste.
Toutefois, c'est surtout à Tartuffe que l'on pense quand il s'agit de se représenter
l'homme qui se croit tout permis, inaccessible à la honte et aux scrupules. Il accepte de
devenir « l'héritier » illégitime d'Orgon qui lui fait « de (son bien) donation entière. » Il
« tâte (l')habit » de la maîtresse Elmire autant que la maîtresse elle-même en
ambitionnant toutefois d'épouser Mariane amoureuse de Valère. Jouant la comédie des
hommes chastes et demandant à Dorine de « couvrir (son) sein qu'il ne saurait voir », il
n'hésite pas à convoiter les femmes des autres ! Concupiscent et intéressé, il feint la
dévotion, bafouant ainsi les choses les plus sacrées pour servir ses intérêts personnels.
Dorine l'annonce avant l'entrée en scène du personnage éponyme : « Tout son fait (…)
n'est rien qu'hypocrisie. » Tartuffe personnifie donc le mal suprême, à savoir le mensonge
revêtu du manteau de la religion.
Mais toute comédie se doit de bien finir. Aussi, fort heureusement, ces deux
coupables sont-ils finalement punis.

Orgon est mis à l'épreuve de la réalité. Son protégé lui apparaît enfin sous son vrai
visage, à savoir comme un traitre ignoble. Enfin le père de famille aveugle et orgueilleux
est décillé et s'écrie avec douleur : « non rien de plus méchant n'est sorti de l'Enfer. » Son
châtiment est total puisque Tartuffe l'humilie en le chassant de sa propre maison et en le
présentant au Prince comme un criminel. Depuis le moment où Elmire a fait « poser le
masque à cette âme hypocrite », Orgon ne cesse de déchanter. De même qu'il ne voulait
entendre l'avis des siens, sa mère s'opposera à son rapport véritable, le mettant ainsi au
supplice : « je l'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, /ce que j'appelle vu : faut-il vous
le rebattre / Aux oreilles cent fois, et crier comme quatre ? » (…) / Allez. Je ne sais pas, si
vous n'étiez ma mère, / Ce que je vous dirais, tant je suis en colère. » Cléante, quant à lui,
est obligé de le sermonner pour lui enseigner la modération tant la dupe est prompte à
passer d'un excès à l'autre : « vous ne gardez en rien les doux tempéraments. / Dans la
droite raison, jamais n'entre la vôtre ; / Et toujours, d'un excès, vous vous jetez dans
l'autre. » Voilà donc le digne père de famille entièrement désavoué.
Vient à la toute fin le tour de Tartuffe qui est d'abord démasqué grâce au
stratagème d'Elmire puis in extremis jeté aux fers par un roi clairvoyant. L'exempt amène
dans l'assistance un grand soulagement en annonçant solennellement : « Nous vivons
sous un Prince ennemi de la fraude, /Un Prince dont les yeux se font jour dans les
cœurs, /Et que ne peut tromper tout l'art des imposteurs. /D'un fin discernement, sa
grande âme pourvue, /Sur les choses toujours jette une droite vue, /Chez elle jamais rien
ne surprend trop d'accès, /Et sa ferme raison ne tombe en nul excès. /Il donne aux gens
de bien une gloire immortelle, /Mais sans aveuglement il fait briller ce zèle, /Et l'amour
pour les vrais, ne ferme point son cœur /À tout ce que les faux doivent donner d'horreur. »
« L'homme qui se croit hors d'atteinte et tout puissant » voit « les forces qu'il a
déchaînées » se retourner contre lui « pour l'écraser. » Le spectateur peut rire de voir le
trompeur trompé.

Nous avons étudié les cas d'Orgon et de Tartuffe. Tous deux incarnent des fléaux
de la société : les abus de ceux qui détiennent l'autorité et la fausse dévotion d'hommes
ambitieux et sans scrupules. Afin de guider les spectateurs sur le chemin de la vertu,
Molière prive ces deux individus de l'impunité dont ils jouissaient et les jette à terre. Le
monde de la comédie est celui de la justice. Les buts que s'assigne l'auteur sont si élevés
et ses sujets finalement si tristes que nous sommes en droit de nous demander si ces
pièces comiques n'ont pas une dimension tragique.

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