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Université de de Matrouh

Faculté de Pédagogie
Département de la langue française

Littérature francaise au XVIIe siècle

Niveau : premier

Préparée et présentée par

Dr: Maher Saleh

Doctorat à la littérature françaises et


francophone

Université de Tanta

1
La structure de l’œuvre dramatique

Pour se rendre compte de l’organisation et de la structure de


l’œuvre dramatique, nous nous intéressons en premier lieu, à la définition
de quelques éléments qui contribuent à constituer cette structure. (1)

L’exposition : partie de la pièce qui sert à présenter les personnages,


le lieu et le temps de l’action et qui donne aux spectateurs/lecteurs toutes
les informations préalables nécessaires à la compréhension de la situation
dans laquelle se trouve les personnages.

La complication : premier moment où le personnage principal (le


protagoniste) se trouve en conflit avec les personnages ou les forces
antagonistes qui l’empêche d’obtenir ce qu’il désire.

La progression : partie de l’histoire qui montre par quels moyens le


personnage principal cherche à surmonter l’opposition et à obtenir ce qu’il
veut.

Le point culminant : plus haut sommet de l’action, moment où la


situation dans laquelle se trouve le personnage principal, se transforme si
radicalement que l’histoire ne peut plus qu’évoluer vers sa conclusion

La résolution : partie de l’histoire qui montre les suites du triomphe


ou de la défaite du personnage principal.

––––––––––––––––––––––––––––
1- Nous nous référons pour les définitions à : Ryngaert, Jean Pierre, Introduction à l’analyse du
théâtre, Paris, op.cit., p. 58

2
Théâtre au début du XVIIe siècle

A la fin du XVIe siècle, le théâtre décline en France. Les formes médiévales telles
que les farces ou les mystères ont disparu, et les troupes et salles modernes
n'existent pas encore. La comédie est un genre secondaire, délaissé par les auteurs
et les théoriciens.

Au début du XVIIe siècle, sous l'impulsion du succès littéraire grandissant de


textes principalement inspirés du théâtre du Siècle d'or espagnol, des troupes de
comédiens commencent à se constituer, notamment à Paris. La troupe Mondori,
spécialisée dans les farces et les jeux à effets spéciaux, décide de s'installer dans le
quartier branché du Marais.

En 1629, des comédiens interprètent Mélite, la première création de Corneille. La


comédie remporte un succès suffisant à Paris pour que son auteur décide de se
lancer dans une carrière dramatique. La troupe deviendra plus tard la Troupe des
Marais. Depuis les années 1630, le théâtre et ses protagonistes ont atteint un statut
social et économique acceptable grâce à Richelieu, grand amateur de théâtre et bon
politique, conscient de l'intérêt de la monarchie à contrôler ces moyens de
communication.

lexique du théâtre

ACTE

Division externe de la pièce en parties d'importance sensiblement égale, en


fonction du déroulement de l'action. Traditionnellement, une pièce se divise en
trois ou cinq actes, eux-mêmes découpés en scènes.

ACTION

3
1) Selon Aristote, détermination majeure et première de la création dramatique. Le
choix des actions conditionne toute l'œuvre, en particulier les caractères des
personnages.

2) L'action théâtrale est fondamentalement constituée d'une suite d'actes de


discours : parler, c'est agir (menacer, supplier, louer, condamner, pardonner, etc.).

3) Dernière partie de l'art oratoire, l'action (du latin actio) désigne la gestuelle, la
déclamation qui donnent force au discours. Extrêmement codifiée et non réaliste, la
déclamation est pratiquée aussi par les avocats, les prédicateurs, tandis que l'on
retrouve dans la peinture l'alphabet des gestes utilisés par les comédiens. Voir E.
Green, Littératures classiques n° 12, 1990 et La Parole baroque, 2001.

ALLITÉRATION

Répétition, dans une suite de mots (par exemple dans un vers), d'une ou de
plusieurs consonnes initiales ou intérieures.

ANTAGONISTE

Personnage en opposition ou en conflit.

APARTÉ

Réplique prononcée par un personnage à l'insu d'un autre, pour lui-même ou à


l'intention du public.

BIENSÉANCE INTERNE

Cohérence de l'œuvre dramatique, des caractères notamment. C'est au nom de la


bienséance interne que Jean Chapelain (1595-1674, un des fondateurs de
l'Académie française) critique l'attitude de Chimène.

COMÉDIE

4
Action scénique qui provoque le rire par la situation des personnages ou par la
description des mœurs et des caractères, et dont le dénouement est heureux.

DÉNOUEMENT

Renversement de l'action qui l'achève en précipitant le péril (catastrophe dans la


tragédie à fin malheureuse), en l'écartant (tragédie à fin heureuse). Pour Corneille,
le dénouement tragique ou comique doit être concentré le plus possible dans la
scène ultime afin de maintenir jusqu'au bout l'attention du spectateur : il doit avoir
été préparé dès l'exposition et tout au long de l'action.

DIDASCALIE

Indication scénique (souvent mise en italiques) qui est donnée par l'auteur, et qui
peut concerner les entrées ou sorties des personnages, le ton d'une réplique, les
gestes à accomplir, etc... Le texte théâtral se compose de deux éléments : les
didascalies et les dialogues.

HÉROS

1) Qui s'est illustré par de hauts faits d'armes.

2) « Principal acteur », c'est-à-dire personnage principal autour duquel l'action est


construite.

3) Héros tragique : « médiocre » au sens étymologique, c'est-à-dire ni parfaitement


vertueux, ni absolument méchant, mais tombé dans le malheur par faute, erreur ou
faiblesse.

4) Le héros classique peut être cependant absolument vertueux, parce qu'il est ainsi
plus susceptible de toucher le spectateur. La « générosité » est sa marque éthique
codifiée (comme qualité native et morale à la fois). Chez Corneille, le héros se
trouve souvent à la fois innocent et coupable : Rodrigue, Suréna par exemple.
5
MISE EN SCÈNE

Ensemble des moyens d'interprétation scénique (scénographie, musique, jeu...) ;


activité qui consiste à agencer ces moyens. Articulation entre le travail d'un maître
d'oeuvre et celui de chacun des artistes qui concourent à l'oeuvre ; transposition
d'une écriture dramatique en écriture scénique.

MODE OU STYLE DIRECT

Discours rapporté dans sa forme originale, sans terme de liaison, après un verbe
de parole.

MONOLOGUE

Scène parlée, discours adressé à soi-même, ou à un auditoire dont on n'attend pas


de réponse. Dans l'analyse du discours théâtral, il est considéré comme une variété
du dialogue.

NŒUD

L'essentiel de la pièce, où le personnage est en proie au péril. Une péripétie à la


fois surprenante et nécessaire modifie brutalement le cours de l'action et amène le
dénouement.

QUIPROQUO

Procédé dramatique essentiel, ressort du comique comme du pathétique, permet


divers coups de théâtre et fonde les reconnaissances (agnitions) typiques du
dénouement.

TRAGI-COMÉDIE

« Genre dramatique sérieux » moderne et irrégulier (environ 1580-1640), qui met


en scène des personnages de haut rang confrontés à un péril auquel ils échappent

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toujours. Ce péril est presque toujours de nature amoureuse et privée et souvent
inspiré par les romans « modernes » (Orlando Furioso). Déguisements,
enlèvements, poursuites, tempêtes et batailles marquent une action pleine de
rebondissements dans un espace multiple. Le genre domine absolument la scène
française entre 1628 et 1634.

Le Cid, « tragi-comédie », est rebaptisé « tragédie » en 1648, après que la victoire


des « réguliers » a empêché la tragi-comédie de s'élever au sommet de la hiérarchie
des genres dramatiques.

SCÈNE

Unité la plus courte de la pièce. En général, on change de scène lorsqu'un ou


plusieurs personnages entrent ou sortent.

TIRADE

Longue suite de phrases, de vers, récitée sans interruption par un personnage de


théâtre.

UNITÉ DE TEMPS

En 1630, Jean Chapelain justifie cette première règle (Lettre sur la règle des
vingt-quatre heures). Il s'agit, pour assurer la vraisemblance, de réduire l'écart
entre la durée supposée de l'action et celle de la représentation (entractes compris).
Cette règle oblige aussi à concentrer l'action représentée au moment de la crise.
Des récits rétrospectifs peuvent alors éclairer le spectateur sur les événements qui
ont précédé le début de la pièce, ou qui ont pris place pendant les entractes. L'unité
de temps impose enfin la liaison des scènes, afin que l'espace scénique ne soit
jamais laissé vide.

7
UNITÉ DE LIEU

Sa définition suit les mêmes principes que celle de l'unité de temps, à laquelle
elle est liée : elle vise à réduire l'écart entre la multiplicité de lieux d'action parfois
très éloignés les uns des autres et l'unicité du lieu de représentation qui est la scène.
Plus lente à s'imposer (en raison aussi des scènes en « compartiments »), elle paraît
à beaucoup moins nécessaire que l'unité de temps (c'est par elle, significativement,
que Victor Hugo attaquera l'édifice classique dans la Préface de Cromwell, 1827).
Le risque non négligeable de voir cette unité de lieu fabriquer de l'invraisemblance
conduit à faire de la scène un lieu de plus en plus composite, neutre ou indéterminé
: ville, antichambre, « palais à volonté ».

UNITÉ D'ACTION

Plus complexe, elle s'impose plus difficilement en raison du succès de la tragi-


comédie, fondée sur les personnages multiples et les rebondissements nombreux.
Corneille définit l'unité d'action dans la tragédie par l'unité de péril (qui jette le
héros dans l'action), dans son Discours des trois unités.

Les acteurs du théâtre classique sont :

Jean Racine (1639-1699)

Phèdre (1677) - une tragédie inspirée des drames antiques

Britannicus (création 1669, publication 1670)

La tragédie Britannicus fait entrer Racine sur le terrain cornélien de la tragédie


romaine. Aucun autre dramaturge de l’époque n’avait traité du règne de Néron et
la pièce témoigne d’une extrême familiarité avec les écrits de Tacite, que Racine
adolescent recopiait sur des dizaines de pages de cahiers.

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De nouveau, l’intrigue politique est entièrement liée à l’intrigue amoureuse.
La rivalité politique entre Néron et Britannicus et entre Néron et sa mère Agrippine
– c’est grâce à elle qu’il est empereur de Rome à la place de Britannicus, et elle
souhaite régner à travers lui – se double d’une rivalité amoureuse entre Néron et
son demi-frère.

Junie est promise depuis l’enfance à Britannicus et ils forment un couple


d’amants heureux, sans prétention au trône bien que tous deux descendants
d’Auguste. Néron décide pourtant de faire enlever Junie, et tombe subitement
amoureux d’elle. La pièce montre l’évolution de Néron, d’« empereur
parfait » (selon les dires d’Albine dans la scène d’exposition) en « monstre
naissant » (selon la formule de Racine dans sa préface). À plusieurs moments en
effet, Néron est tenté de faire le bien, mais sa pente naturelle l’amène à se libérer
de l’emprise insupportable de sa mère, au prix d’un assassinat.

Phèdre (1677) de Racine

Rsumé de la pièce

Phèdre, la seconde épouse de Tessie, roi d'Athéna, ressent l'amour criminel


d'Hippolyte, le fils de son mari. C'est le secret mortel qu'Owenoni, son infirmière,
lui a arraché après de nombreuses prières. Alors qu'elle venait de faire cette cruelle
confession, Thésée était absente et bientôt le bruit de sa mort se répandit à
Athènes. C'est Phèdre elle-même qui vient annoncer cette triste nouvelle à
Hippolyte. Dans cette interview, sa tête vagabonde et elle lui avoue ses sentiments
de culpabilité. Hippolyte, terrifié, la repousse avec horreur, et Phèdre, humiliée,
jure de venger cette insulte. Cependant, avant de le faire, vous tenterez à nouveau
de plier l’Hippolyte; Désormais veuve et libre, elle lui offrit la couronne comme

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prix de son amour. Tout à coup, le bruit se répandit que Thésée n'était pas mort ; Il
arrive donc et est accompagné d'Hippolyte. Que va faire la reine humiliante aux
yeux de son mari? Elle résolut de se suicider. Pendant ce temps, loin d'aller à sa
rencontre, elle échappe à la vue de celui qu'elle redoute. Surprise par cet accueil,
Tessie interpelle la reine, et la nourrice Phèdre ne trouve d'autre moyen de sauver
la vie de son amant que d'accuser Hippolyte. Jugez de la colère du malheureux père
quand, après cette révélation, son fils ose se présenter devant lui ! Il le couvre de
malédictions, le chasse de sa présence et même convoque Neptune pour punir le
jeune homme coupable. Il se tait et s'éloigne. La vengeance du père n'a pas duré
longtemps. Peu de temps après, Théramene s'empresse d'annoncer la mort
d'Hippolyte. Neptune a soulevé un monstre menaçant du sein de la mer; Les
chevaux effrayés s'enfuirent et le misérable jeune homme mourut de ses blessures
en signe de protestation de son innocence. En apprenant cette nouvelle, Vader,
trempé de remords, vint aussitôt tout révéler à Thésée; Mais elle s'était déjà fait
justice elle-même, car à peine avait-elle fini de parler qu'elle fut empoisonnée aux
pieds de son mari. Le personnage de Phèdre, tel que l’a créé Racine, est le plus
beau, le plus poétique, le plus complet qui soit au théâtre. Phèdre n’est point la
victime de cette fatalité aveugle et impitoyable du paganisme qui chargeait souvent
la plus rigide vertu d’un crime abominable dont elle n’avait pas plus la conscience
que la volonté. La fatalité qui pousse Phèdre au crime en lui laissant la conscience
da sa faute, et qui la punit de la mollesse de sa résistance et de l’insuffisance de sa
vertu, nous parait renfermer un enseignement dont il n’est personne qui ne puisse
saisir le sens. Aussi, après la lecture de Phèdre, les solitaires de Port-Royal, et
entre autres le célèbre Arnauld, pardonnèrent à leur ancien disciple la gloire qu’il
s’était acquise par ses œuvres théâtrales ; leur sévérité fut désarmée, ils ouvrirent
les bras au pécheur.

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Le thème de cette tragédie est tiré d'Euripide. "Alors que je ne devrais avoir,
comme le dit Racine, que la seule idée du personnage de Vador, je peux dire que je
lui dois ce que je pourrais raisonnablement mettre en scène." Il pourrait aussi
ajouter le rôle le plus beau et le plus rimant de tout ce qu'il a mis en scène. Il
utilisait avec beaucoup d'habileté l'idée du fatalisme qui constituait le sujet de la
plupart des tragédies chez les anciens, et qui chez les modernes, et surtout chez les
Français, qui attachent une grande importance à ce qu'on appelle la propriété
théâtrale, ne peut que paraître révoltante.

Racine est le seul à s'être risqué à un tel rôle sur la scène française, et le Macbeth
de Shakespeare est peut-être le seul théâtre moderne comparable à cette
magnifique production de la tragédie française. Ces deux êtres, poussés au crime
par un meurtre irrésistible, inspirent un intérêt plus fort parce qu'il est plus naturel,
et qu'il résulte non du crime qu'ils ont commis, mais du malheur qui les y a
poussés. Racine était fermement convaincu de ce fait, qu'il nota dans son
introduction: « J'ai pris soin de rendre Vador moins odieux que dans les tragédies
des anciens, qu'elle a décidé elle-même, voire d'accuser Hippolyte.

Racine a également apporté quelques modifications au personnage d'Hippolyte,


qui a été critiqué pour être un philosophe sans faille. Il doit l'idée du thème à
l'auteur grec, et la première moitié de cette belle scène à la distraction de Phèdre, la
scène de Thésée avec son fils, et le récit de la mort d'Hippolyte.

C'est d'après la Phèdre de Sénèque que notre auteur a conçu la scène


où Phèdre déclare son amour à Hippolyte, tandis que dans l'Euripide c'est la
nourrice qui se charge de parler pour la reine. C'est aussi au poète latin qu'il doit la
supposition que Thésée est descendu aux enfers pour suivre Pirithous, et l'idée de
faire servir l'épée d'Hippolyte, restée entre les mains de Phèdre, de témoignage
contre lui, idée bien supérieure à celle de la lettre calomnieuse inventée par
11
Euripide. C'est aussi à l'exemple de Sénèque que Racine amène Phèdre à la fin de
la pièce pour confesser son crime, et attester l'innocence d'Hippolyte en se donnant
la mort.

Le personnage d'Aricie n'est pas non plus de l'invention de Racine. Virgile dit
qu'Hippolyte l'épousa et en eut un fils.

On a écrit des volumes pour et contre le récit du cinquième acte où Théramène


annonce à Thésée la mort de son fils. Tel qu'il est, c'est un des plus beaux
morceaux de poésie descriptive qui soient dans notre langue. C'est la seule fois que
Racine s'est permis d'être plus poète qu'il ne fallait, et d'une faute il a fait un chef
d'œuvre.

Dans le rôle de Phèdre, le plus beau peut-être qu'on a jamais vu sur le scène, on
admire surtout l'art avec lequel Racine a évité les défauts de ses prédécesseurs.
Mais c'est surtout dans le quatrième acte, quand la honte et la rage d'avoir une
rivale jettent Phèdre dans le dernier excès du désespoir, c'est surtout alors que notre
poésie s'éleva sous la plume de Racine à des beautés vraiment sublimes, et c'est
après avoir déclamé cette scène avec tout l'enthousiasme que lui inspiraient les
beaux vers, que Voltaire s'écria un jour : "Non, je ne suis rien auprès de cet
homme-là."

Pierre Corneille (1606 – 1684 )

Le Grand Corneille est l'homme au centre de la querelle du Cid. La pièce, qui


remporta un vif succès, fut attaquée. On reproche au dramaturge de ne pas avoir
respecté les règles du théâtre classique et d'avoir traité un sujet espagnol alors que
la France est en guerre contre l'Espagne.

Le Cid (Résumé-analyse )

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Corneille n’a pas inventé les personnages, qui ont réellement existé dans l’Espagne
du 11e siècle !

Le Cid était un mercenaire chrétien, héros de la Reconquista. Réputé invaincu, il


devint rapidement une figure légendaire. C’est dans la Cathédrale Santa María de
Burgos, que vous pourrez voir son tombeau, et celui de son épouse Chimène.
Acte I

Scène 1
Nous sommes à Séville, dans la maison de Chimène, qui échange avec sa
confidente Elvire. Elle apprend avec joie que son père accepte de la marier avec
l'homme qu'elle aime, Don Rodrigue.

ELVIRE
Tous mes sens à moi-même en sont encor charmés :
Il estime Rodrigue autant que vous l’aimez,
Et si je ne m’abuse à lire dans son âme,
Il vous commandera de répondre à sa flamme.

Scène 2
Nous sommes maintenant chez L'infante, c'est-à dire la princesse d'Espagne, qui
avoue à sa confidente Léonor qu'elle est amoureuse de Rodrigue. Léonor s'insurge
car c'est un amour interdit par son rang !

LÉONOR
Pardonnez-moi, Madame,
Si je sors du respect pour blâmer cette flamme.
Une grande princesse à ce point s’oublier
Que d’admettre en son cœur un simple cavalier !
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C'est pour mieux l'oublier que l'infante hâte le mariage de Rodrigue avec Chimène
:
L’INFANTE
Quand je vis que mon cœur ne se pouvait défendre,
Moi-même je donnai ce que je n’osais prendre.
Je mis, au lieu de moi, Chimène en ses liens,
Et j’allumai leurs feux pour éteindre les miens.

Scène 3

Maintenant, nous sommes sur la place publique, en dehors du Palais, à Séville.


Don Gomès, le père de Chimène, est irrité contre Don Diègue le père de Rodrigue
qui a été nommé gouverneur du prince par le Roi lui-même.

LE COMTE
Ce que je méritais, vous l’avez emporté.

DON DIÈGUE
Qui l’a gagné sur vous l’avait mieux mérité.

LE COMTE
Vous l’avez eu par brigue, étant vieux courtisan.

DON DIÈGUE
L’éclat de mes hauts faits fut mon seul partisan.

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LE COMTE
Parlons-en mieux, le roi fait honneur à votre âge.

DON DIÈGUE
Le roi, quand il en fait, le mesure au courage.

LE COMTE
Et par là cet honneur n’était dû qu’à mon bras.

DON DIÈGUE
Qui n’a pu l’obtenir ne le méritait pas.

LE COMTE
Ne le méritait pas ! Moi ?
Ton impudence,
Téméraire vieillard, aura sa récompense.

Le Comte donne un soufflet à Don Diègue, et pour l'humilier complètement, il lui


prend son épée.

Scène 4

Don Diègue maudit sa vieillesse qui l'a laissé dans l'incapacité de se défendre, mais
il songe que son fil Rodrigue peut le venger :

DON DIÈGUE
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !

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N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
[...]
Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M’as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger, en de meilleures mains.

Pour en savoir plus sur ce passage, consultez mon analyse du monologue de Don
Diègue, Acte I, scène 4.

Scène 5

Don Diègue va trouver son fils et lui raconte son altercation avec le Comte :

DON DIÈGUE
Va contre un arrogant éprouver ton courage :
Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage ;
[...]
Ne réplique point, je connais ton amour ;
Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour.
[...]
Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi ;
Montre-toi digne fils d’un père tel que moi.
Accablé des malheurs où le destin me range,
Je vais les déplorer : va, cours, vole, et nous venge.

Scène 6
Rodrigue se retrouve seul et fait le point sur la situation : il n'a pas le choix, il doit
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venger son père.

RODRIGUE
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu, l’étrange peine !
En cet affront mon père est l’offensé,
Et l’offenseur le père de Chimène !
[...]
Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur,
Puisqu’après tout il faut perdre Chimène.

On parle souvent du dilemme cornélien pour une situation où l'amour s'oppose au


devoir. En réalité, Rodrigue n'a pas le choix, car Chimène est déjà perdue.
Pour en savoir plus, je vous invite à voir mon analyse sur les stances du Cid

, Acte I, scène 6.

Acte II

Scène 1

Don Arias demande à Don Gomès de reconnaître le choix du roi, qui veut mettre
fin à ce conflit entre deux familles nobles de sa cour :

DON ARIAS

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De trop d’emportement votre faute est suivie.
Le roi vous aime encore ; apaisez son courroux.
Il a dit : « Je le veux ; » désobéirez-vous ?

LE COMTE
Monsieur, pour conserver tout ce que j’ai d’estime,
Désobéir un peu n’est pas un si grand crime ;
Et quelque grand qu’il soit, mes services présents
Pour le faire abolir sont plus que suffisants.

Scène 2
Rodrigue vient provoquer le Comte en duel, bien résolu à venger son père :

DON RODRIGUE
Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu,
La vaillance et l’honneur de son temps ? le sais-tu ?

LE COMTE
Peut-être.

DON RODRIGUE
Cette ardeur que dans les yeux je porte,
Sais-tu que c’est son sang ? le sais-tu ?

LE COMTE
Que m’importe ?

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DON RODRIGUE
À quatre pas d’ici je te le fais savoir.

Ce duel est à la limite des règles de bienséance, mais le combat n'a pas lieu sur
scène. Pour en savoir plus, je vous invite à voir mon analyse sur la confrontation
entre Rodrigue et le Comte, Acte II, scène 2.

Scène 3 à 5

L'Infante essaye de rassurer Chimène et lui promet de retenir le bras de Rodrigue,


le temps que Don Gomès retire son offense.

L’INFANTE
Le saint nœud qui joindra don Rodrigue et Chimène
Des pères ennemis dissipera la haine ;
Et nous verrons bientôt votre amour le plus fort
Par un heureux hymen étouffer ce discord.

Mais un page arrive alors et leur annonce que Rodrigue est déjà sorti du palais avec
le Comte.

Scène 6

Pendant ce temps, le roi discute avec deux nobles, Don Arias et Don Sanche, de
l'attitude de Don Gomès :
DON ARIAS
Je l’ai de votre part longtemps entretenu ;

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J’ai fait mon pouvoir, Sire, et n’ai rien obtenu.
DON SANCHE
Peut-être un peu de temps le rendrait moins rebelle :
On l’a pris tout bouillant encor de sa querelle ;
Sire, dans la chaleur d’un premier mouvement,
Un cœur si généreux se rend malaisément.
DON FERNAND
S’attaquer à mon choix, c’est se prendre à moi-même,
Et faire un attentat sur le pouvoir suprême.

Scène 7
Alors qu'ils discutent d'une attaque probable des Maures, ils sont interrompus par
Don Alonse :

DON ALONSE
Sire, le comte est mort :
Don Diègue, par son fils, a vengé son offense.
Chimène à vos genoux apporte sa douleur ;
Elle vient toute en pleurs vous demander justice.
DON FERNAND
Bien qu’à ses déplaisirs mon âme compatisse,
Ce que le comte a fait semble avoir mérité
Ce digne châtiment de sa témérité.
Quelque juste pourtant que puisse être sa peine,
Je ne puis sans regret perdre un tel capitaine.

Scène 8
CHIMÈNE Arrivent alors Don Diègue et Chimène qui demande que soit vengée la

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mort de son père :

Sire, mon père est mort [...] j’en demande vengeance,


Plus pour votre intérêt que pour mon allégeance.
Vous perdez en la mort d’un homme de son rang :
Vengez-la par une autre, et le sang par le sang.

DON DIÈGUE
Si venger un soufflet mérite un châtiment,
Sur moi seul doit tomber l’éclat de la tempête :
Quand le bras a failli, l’on en punit la tête.
[...]
Immolez donc ce chef que les ans vont ravir,
Et conservez pour vous le bras qui peut servir.

Acte III

Scène 1

Rodrigue se rend chez Chimène, il est reçu par sa suivante Elvire :


ELVIRE
Où prends-tu cette audace et ce nouvel orgueil,
De paraître en des lieux que tu remplis de deuil ?
DON RODRIGUE

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Ne me regarde plus d’un visage étonné ;
Je cherche le trépas après l’avoir donné.
Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène :
Je mérite la mort de mériter sa haine,
Et j’en viens recevoir, comme un bien souverain,
Et l’arrêt de sa bouche, et le coup de sa main.

Mais Elvire lui fait comprendre que sa présence pourrait être interprétée comme
une faiblesse de Chimène, et elle parvient à le cacher.

Scène 2
Chimène arrive avec Don Sanche qui lui propose de la venger lui-même, mais
Chimène s'en remet d'abord à la justice du roi.

DON SANCHE
Employez mon épée à punir le coupable ;
Employez mon amour à venger cette mort :
Sous vos commandements mon bras sera trop fort.

CHIMÈNE
C’est le dernier remède ; et s’il y faut venir,
Et que de mes malheurs cette pitié vous dure,
Vous serez libre alors de venger mon injure.

Scène 3
Chimène est partagée entre son amour et son désir de vengeance :

CHIMÈNE

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Et que dois-je espérer qu’un tourment éternel,
Si je poursuis un crime, aimant le criminel ?
[...]
Ma passion s’oppose à mon ressentiment ;
Dedans mon ennemi je trouve mon amant ;
Je demande sa tête, et crains de l’obtenir :
Ma mort suivra la sienne, et je le veux punir !

Scène 4
Rodrigue apparaît alors, décidé à mourir :

DON RODRIGUE
Je t’ai fait une offense, et j’ai dû m’y porter
Pour effacer ma honte, et pour te mériter ;
Mais quitte envers l’honneur, et quitte envers mon père,
C’est maintenant à toi que je viens satisfaire :
C’est pour t’offrir mon sang qu’en ce lieu tu me vois.
J’ai fait ce que j’ai dû, je fais ce que je dois.

CHIMÈNE
Si tu m’offres ta tête, est-ce à moi de la prendre ?
Je la dois attaquer, mais tu dois la défendre ;
C’est d’un autre que toi qu’il me faut l’obtenir,
Et je dois te poursuivre, et non pas te punir.

DON RODRIGUE
Au nom d’un père mort, ou de notre amitié,

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Punis-moi par vengeance, ou du moins par pitié.
Ton malheureux amant aura bien moins de peine
À mourir par ta main qu’à vivre avec ta haine.

CHIMÈNE
Va, je ne te hais point.

Scène 5 et 6
Don Diègue retrouve son fils avec beaucoup de joie et beaucoup de fierté, mais
Rodrigue lui annonce son intention de mourir :
DON RODRIGUE
[...] Mon âme est ravie
Que mon coup d’essai plaise à qui je dois la vie ;
Mais parmi vos plaisirs ne soyez point jaloux
Si je m’ose à mon tour satisfaire après vous.
[...]
Mon bras pour vous venger, armé contre ma flamme,
Par ce coup glorieux m’a privé de mon âme ;
[...]
Et, ne pouvant quitter ni posséder Chimène,
Le trépas que je cherche est ma plus douce peine.

DON DIÈGUE
Il n’est pas temps encor de chercher le trépas :
Ton prince et ton pays ont besoin de ton bras.
[...]
Les Maures vont descendre, et le flux et la nuit

24
Dans une heure à nos murs les amène sans bruit.
[...]
De ces vieux ennemis va soutenir l’abord :
Là, si tu veux mourir, trouve une belle mort ;
[...]
Mais reviens-en plutôt les palmes sur le front.
Ne borne pas ta gloire à venger un affront ;
Porte-la plus avant : force par ta vaillance
Ce monarque au pardon, et Chimène au silence ;
Si tu l’aimes, apprends que revenir vainqueur
C’est l’unique moyen de regagner son cœur.

Acte IV

Scène 1

Elvire rapporte à Chimène les exploits de Rodrigue dont tout le monde parle.
Chimène essaye de raffermir sa volonté de vengeance :

CHIMÈNE
Silence, mon amour, laisse agir ma colère :
S’il a vaincu deux rois, il a tué mon père ;
Et quoi qu’on die ailleurs d’un cœur si magnanime,
Ici tous les objets me parlent de son crime.

Scène 2
L'infante vient consoler Chimène et essaye de la dissuader de se venger de
Rodrigue :
25
L’INFANTE
Ce qui fut juste alors ne l’est plus aujourd’hui.
Rodrigue maintenant est notre unique appui,
[...]
Quoi ! pour venger un père est-il jamais permis
De livrer sa patrie aux mains des ennemis ?
[...]
Ce n’est pas qu’après tout tu doives épouser
Celui qu’un père mort t’obligeait d’accuser :
[...]
Ôte-lui ton amour, mais laisse-nous sa vie.

Scène 3
Don Rodrigue vient de rentrer du combat avec deux rois prisonniers, Le roi lui
enjoint alors de raconter la bataille. C'est une tirade célèbre :
DON RODRIGUE
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !
[...]
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ;
L’onde s’enfle dessous, et d’un commun effort
Les Mores et la mer montent jusques au port.
[...]

26
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
[...]
Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
[...]
Cependant que leurs rois, engagés parmi nous,
Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups,
Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
À se rendre moi-même en vain je les convie :
Le cimeterre au poing ils ne m’écoutent pas ;
Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent,
Ils demandent le chef : je me nomme, ils se rendent.
Je vous les envoyai tous deux en même temps ;
Et le combat cessa faute de combattants.

Pour bien comprendre tous les enjeux de cette tirade, et tous ses effets dramatiques,
j’en ai réalisé une explication linéaire en vidéo et PDF sur mon site.

Scènes 4 et 5

Le roi fait d'abord croire à Chimène que Rodrigue est mort, puis, voyant qu'elle
manque de s'évanouir, il la détrompe. Chimène se reprend alors :

CHIMÈNE
Eh bien ! Sire, ajoutez ce comble à mon malheur,

27
Nommez ma pâmoison l’effet de ma douleur :
Une si belle fin m’est trop injurieuse.
Je demande sa mort, mais non pas glorieuse,
Qu’il meure pour mon père, et non pour la patrie ;
Que son nom soit taché, sa mémoire flétrie.

Comme le roi refuse d'exécuter Don Rodrigue, Chimène lui demande d'organiser
un duel : elle épousera celui qui parviendra à tuer Don Rodrigue.

CHIMÈNE
Puisque vous refusez la justice à mes larmes,
Sire, permettez-moi de recourir aux armes ;
À tous vos cavaliers je demande sa tête :
Oui, qu’un d’eux me l’apporte, et je suis sa conquête ;
Qu’ils le combattent, Sire ; et le combat fini,
J’épouse le vainqueur, si Rodrigue est puni.

Don Sanche, qui est amoureux de Chimène, se propose immédiatement :

DON SANCHE
Faites ouvrir le champ : vous voyez l’assaillant ;
Je suis ce téméraire , ou plutôt ce vaillant.
Accordez cette grâce à l’ardeur qui me presse.
Madame : vous savez quelle est votre promesse.

Le roi n'aime pas les duels, car ils affaiblissent l'état, (C'est l'avis de Richelieu que
Corneille fait transparaître ici).
28
Mais il y consent à condition que le vainqueur épouse Chimène, même si c'est
Rodrigue : c'est une manière, par l'exercice de son autorité, de mettre fin à ce cycle
meurtrier.
À travers les paroles de ce roi, toujours très sage et très respecté, Corneille donne
une conception de l'exercice du pouvoir, bienveillante et modérée.

Acte V

Scène 1
Rodrigue retourne en secret voir Chimène pour lui annoncer qu'il a l'intention de se
laisser tuer dans ce duel contre Don Sanche :
DON RODRIGUE
Je vais mourir, Madame, et vous viens en ce lieu,
Avant le coup mortel, dire un dernier adieu :
[...]
J’ai toujours même cœur ; mais je n’ai point de bras
Quand il faut conserver ce qui ne vous plaît pas ;
[...]
Vous demandez ma mort, j’en accepte l’arrêt.

Chimène essaye par tous les arguments de le dissuader de mourir, mais comme
rien n'y fait, elle est finalement obligée de lui avouer, à demi-mot, son amour :

CHIMÈNE
Puisque, pour t’empêcher de courir au trépas,
Ta vie et ton honneur sont de faibles appas,
Si jamais je t’aimai, cher Rodrigue, en revanche,
Défends-toi maintenant pour m’ôter à don Sanche ;

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[...]
Et si tu sens pour moi ton cœur encore épris,
Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix.

Scènes 2 et 3
L'infante réalise qu'elle ne peut plus espérer l'amour de Rodrigue :

L’INFANTE
Il est digne de moi, mais il est à Chimène ;
Le don que j’en ai fait me nuit.
Entre eux la mort d’un père a si peu mis de haine,
Que le devoir du sang à regret le poursuit :
Ainsi n’espérons aucun fruit
De son crime, ni de ma peine,
Puisque pour me punir le destin a permis
Que l’amour dure même entre deux ennemis.

C'est un très beau monologue sous forme de stances, qui est suivi dans la scène 3
par un échange avec sa confidente Léonor.

Dans notre pièce, l'amour de l'infante est comme une intrigue secondaire bloquée.
Pour cette raison, on a reproché à Racine de ne pas avoir respecté l'unité d'action.
Pourtant, les malheurs de l'infante créent pour ainsi dire un contrepoint musical
avec la partition de Chimène.

Scène 4

30
Tout semble s'arranger pour Chimène, et pourtant elle continue de se plaindre
auprès de sa confidente :

CHIMÈNE
Elvire, que je souffre, et que je suis à plaindre !
Je ne sais qu’espérer, et je vois tout à craindre ;
Et quoi qu’en ma faveur en ordonne le sort,
Mon père est sans vengeance, ou mon amant est mort.
[...]
Quand il sera vainqueur, crois-tu que je me rende ?
Mon devoir est trop fort, et ma perte trop grande ;
Et ce n’est pas assez pour leur faire la loi,
Que celle du combat et le vouloir du roi.

ELVIRE
Quoi ! vous voulez encor refuser le bonheur
De pouvoir maintenant vous taire avec honneur ?
Que prétend ce devoir, et qu’est-ce qu’il espère ?
La mort de votre amant vous rendra-t-elle un père ?
[...]
Allez, dans le caprice où votre humeur s’obstine,
Vous ne méritez pas l’amant qu’on vous destine ;
Et nous verrons du ciel l’équitable courroux
Vous laisser, par sa mort, don Sanche pour époux.

La confidente Elvire incarne le regard du spectateur sur scène, et relance tout

31
l'intérêt de la pièce ! En effet, on réalise avec cette scène que rien n'est gagné : ni le
duel, ni la réaction finale de Chimène.

Scène 5

Don Sanche vient rendre son épée à Chimène, celle-ci croit que Rodrigue est mort
et laisse alors éclater ses émotions :

CHIMÈNE
Perfide, oses-tu bien te montrer à mes yeux,
Après m’avoir ôté ce que j’aimais le mieux ?
Éclate, mon amour, tu n’as plus rien à craindre :
Mon père est satisfait, cesse de te contraindre.
Un même coup a mis ma gloire en sûreté,
Mon âme au désespoir, ma flamme en liberté.

Scène 6
Arrive alors le roi, Chimène avoue son amour pour Rodrigue, mais Don Fernand
lui annonce qu'il n'est pas mort :

DON FERNAND
Chimène, sors d’erreur, ton amant n’est pas mort,
Et don Sanche vaincu t’a fait un faux rapport. [...]
Ton père est satisfait, et c’était le venger
Que mettre tant de fois ton Rodrigue en danger. [...]
Et ne sois point rebelle à mon commandement,
Qui te donne un époux aimé si chèrement.

32
Scène 7

Rodrigue apparaît alors, prêt à se sacrifier à nouveau pour Chimène :

DON RODRIGUE
Madame ; mon amour n’emploiera point pour moi
Ni la loi du combat, ni le vouloir du roi.
Si tout ce qui s’est fait est trop peu pour un père,
Dites par quels moyens il vous faut satisfaire.
Faut-il combattre encor mille et mille rivaux ?
Aux deux bouts de la terre étendre mes travaux ?
[...]
Si mon crime par là se peut enfin laver,
J’ose tout entreprendre, et puis tout achever ;
Mais si ce fier honneur, toujours inexorable,
Ne se peut apaiser sans la mort du coupable,
N’armez plus contre moi le pouvoir des humains :
Ma tête est à vos pieds, vengez-vous par vos mains ;

CHIMÈNE
Relève-toi, Rodrigue. Il faut l’avouer, Sire,
Je vous en ai trop dit pour m’en pouvoir dédire.
Rodrigue a des vertus que je ne puis haïr ;
Et quand un roi commande, on lui doit obéir.

DON FERNAND
Le temps assez souvent a rendu légitime
33
Ce qui semblait d’abord ne se pouvoir sans crime : [...]
Prends un an, si tu veux, pour essuyer tes larmes.
Rodrigue, cependant il faut prendre les armes. [...]
Et par tes grands exploits fais-toi si bien priser,
Qu’il lui soit glorieux alors de t’épouser. [...]
Pour vaincre un point d’honneur qui combat contre toi,
Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi.
Au regard des règles de vraisemblance et de bienséance, à partir de quand
Rodrigue devient-il à nouveau acceptable par Chimène ? Avec intelligence,
Corneille donne au roi le dernier mot sur cette question.

L’histoire du Cid
Dans sa dédicace (à Madame de Combalet, nièce de Richelieu, protectrice de
l’écrivain) faite à l’occasion de la première édition (mars 1637), Pierre Corneille
affirme qu’il veut donner « un portrait vivant » dont la vie est « une suite
continuelle de victoires » . Corneille s’inspire d’un épisode légendaire de l’histoire
espagnole, mais apporte aussi certaines modifications : par exemple, même si Le
Cid (signifiant « maître ») a existé en réalité, il était seulement un petit chevalier de
Castille (de son vrai nom Rodrigo Diaz de Bivar). Il est né en 1043 et il est mort en
1099 à Valence.

L’Infante et Chimène sont deux personnages féminins caractérisés par leur passion
commune pour le Cid.

La pièce a cinq actes. La première scène se passe à Séville et nous donne


l’occasion de connaître Chimène, la fille de don Gomez, et Elvire, sa gouvernante,
qui sera la personne de confiance de Chimène, une sorte de « raisonneur » de la
pièce. Dès les premières pages du texte, on apprend que Rodrigue, « un simple
cavalier », est aimé de deux femmes : de Chimène et de l’Infante (qui croit
34
que dans les belles âmes / le seul mérite a droit de produire des flammes). En effet,
la fille du roi lutte contre ses sentiments et essaie d’encourager l’amour de
Chimène et de Rodrigue pour guérir le sien (Si Chimène a jamais Rodrigue pour
mari, / Mon espérance est morte, et mon esprit guéri.).
Par le personnage de l’Infante, Corneille peint une âme trouble, qui doit vaincre sa
passion pour un être issu d’une couche sociale modeste, puisque son honneur lui
interdit d’épouser un simple chevalier : Si mon courage est haut, mon coeur est
embrasé /.../ Ma plus douce espérance est de perdre l’espoir (à remarquer lejeu de
mot - « espoir-espérance »).
La scène 3 présente la rencontre du comte de Gormas, père de Chimène, et de
Don Diègue, père de Rodrigue. Entre les deux hommes se passe un incident très
grave, car don Gomez, le Comte, ayant un caractère vif, insolent, ironique, donne
un soufflet à l’autre. Le Comte croit qu’il avait perdu certains honneurs de la part
du Roi à cause de don Diègue (récompensé - pour ses exploits passés - avec la
fonction de gouverneur du prince). Le père de Rodrigue a donc la honte d’être
offensé et de ne pouvoir se venger, car il est vieux et impuissant. Alors, il faudra
que son fils fasse cela à sa place. Toute la scène 4 décrit le désespoir de don
Diègue, et Corneille offre un monologue très suggestif du vieillard qui regrette sa
gloire d’autrefois et son impossibilité de lutter encore pour défendre son honneur.
Par conséquent, il invite son fils Rodrigue à le venger s’il a « du cœur » (Viens,
mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte /.../ Meurs ou tue. /.../ va, cours,
vole, et nous venge). Le père demande cela à Rodrigue, même s’il connaît son
amour pour Chimène, la fille de celui qui l’a offensé.
La scène 6 présente la décision de Rodrigue de lutter contre le père de celle qu’il
aime ; finalement, après une hésitation qui n’est pas très longue, il choisit de
sacrifier son amour à l’honneur de sa famille, conformément aux mœurs de
l’époque (il faut lire la pièce de ce point de vue, pour bien comprendre l’attitude et
35
les actions des personnages). La scène est d’un grand intérêt psychologique, car
c’est l’une des rares occasions où nous voyons l’âme du héros, ses troubles ;
l’auteur crée un discours impressionnant par la perfection du vers, les constructions
symétriques, le choix des mots. Une tension extraordinaire est communiquée par
les strophes qui semblent marquer un arrêt dans l’action :
Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse :
Il faut venger un père et perdre une maîtresse :
L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini./.../

Mais il doit à son père aussi bien qu’à sa maîtresse, et ne pas venger son père
signifie, selon les normes sociales de son temps, attirer le mépris de Chimène. L’un
pourrait donc le considérer « infidèle», et l’autre « indigne d’elle ». Après ce
raisonnement assez bref, Rodrigue se décide pour le combat (Allons, mon bras,
sauvons du moins l’honneur, / Puisqu’après tout il faut perdre Chimène).
L’argument est clair et tout à fait logique : le fils doit à son père avant qu’à sa
maîtresse ! La scène se clôture sur la satisfaction du personnage d’avoir enfin pris
la juste décision (étant même « tout honteux d’avoir tant balancé »).

Le deuxième acte montre que la rencontre de Rodrigue et du Comte est imminente


car, malgré l’odre du Roi, le père de Chimène refuse de présenter des excuses à
don Diègue (scène 1) et Rodrigue le provoque fièrement. L’Infante promet à
Chimène de l’empêcher (scène 4), mais c’est trop tard : un page annonce que
Rodrigue a quitté le palais avec le Comte. L’Infante se confie à sa gouvernante
Léonor : elle a pitié de Chimène, mais ne peut se défendre de penser que la victoire

36
de Rodrigue le séparerait de celle qu’il aime et le rendrait digne d’une fille de roi
(scène 5). Le roi don Fernand donne l’ordre d’arrêter le Comte, malgré
l’intervention de don Sanche, un gentilhomme de la Cour, amoureux de Chimène.
Il annonce que les Maures menacent la ville (scène 6).
La rencontre a lieu : on vient d’apprendre au Roi que Rodrigue a tué le Comte
(7ème scène)... quand vient Chimène pour demander justice, tandis que don
Diègue défend son fils et réclame pour lui-même le châtiment (8ème scène). Il faut
préciser que dans la scène 2 de cet acte nous trouvons une réplique fameuse du
Cid, qui est la clé de voûte de toute la pièce : Je suis jeune, il est vrai ; mais aux
âmes bien nées / La valeur n’attend point le nombre des années. En effet, à
l’orgueil démesuré de son adversaire, Rodrigue oppose son ambition et la fierté de
sa cause, celle de venger son père. D’ailleurs, pour le lecteur c’est très intéressant
de remarquer les sentiments des personnages évoluant en fonction de la situation
présentée par l’auteur.
En outre, l’héroïne cornélienne gagne une grande profondeur dans les personnages
de Chimène et de l’Infante (la scène 4 et 5). Toutes les deux connaissent un état de
désarroi, chacune espère avoir un beau jour l’amour de Rodrigue. L’Infante croit
que Rodrigue est trop jeune, tandis que Chimène, elle, a de la confiance en lui
(Les hommes valeureux le sont du premier coup), en démontrant qu’elle le connaît
davantage. A remarquer dans la scène 8, la violence de Chimène, tout comme les
méandres du comportement de don Diègue, tandis que la figure du Roi est effacée.

Le dilemme du Cid est illustré par le vers : Père, maîtresse, honneur, amour.

Le troisième acte pourrait s’intituler « Chimène aime encore Rodrigue, mais exige
sa tête... » Rodrigue, venu voir Chimène pour remettre sa vie entre ses mains, se
cache à l’arrivée de la jeune fille. Elvire avertit même le chevalier :
Fuis plutôt de ses yeux, fuis de sa violence ;

37
A ses premiers transports dérobe ta présence :
Va, ne l’expose point aux premiers mouvements
Que poussera l’ardeur de ses ressentiments. (scène 1)

Rodrigue justifie son arrivée dans la maison de celui qu’il vient de tuer par les
mots : Je cherche le trépas après l’avoir donné. / Mon juge est mon amour, mon
juge est ma Chimène : Je mérite la mort de mériter sa haine. Les paroles du Cid
confirment à la fois sa lucidité et sa grandeur d’âme, car, même s’il a tué son père,
il ne cesse d’aimer la fille du Comte, il vient lui parler pour justifier son geste.
Don Sanche offre à Chimène l’occasion de la venger, proposition que la jeune fille
n’accepte pas. A Elvire elle reconnaît qu’elle aime toujours Rodrigue, mais qu’elle
veut sa mort pour mourir après lui (Pour conserver ma gloire et finir mon ennui, /
Le poursuivre, le perdre, et mourir après lui). L’âme de Chimène est déchirée
entre ses deux passions, comme le prouve aussi le vers Si je poursuis un crime,
aimant le criminel ?
Le généreux « immole » (sacrifie) celui qu’il aime.
La pièce continue par la présentation de Rodrigue, et c’est entre les deux jeunes
gens une belle scène où l’amour et l’honneur s’affrontent pour se confondre : il ne
saurait, lui, regretter un acte qui le rend digne d’elle ; elle proteste de son côté
qu’elle accomplira son devoir comme il a accompli le sien, mais que ce n’est pas à
elle de lui ôter la vie (scène 4). Don Diègue, qui était inquiet de ne pas trouver son
fils (scène 5), le rencontre enfin, lui dit sa joie et l’envoie lutter avec les Maures
(scène 5).

Le quatrième acte contient en essence un nouveau duel et pose encore une fois le
problème « à qui sera Chimène ? » Rodrigue gagne la lutte avec les Maures :
quand elle apprend qu’il est sain et sauf, Chimène cache son amour et essaie de
défendre son honneur (ce qu’elle appelle « son triste devoir »), malgré les conseils

38
de L’Infante (scène 2). Nous remarquons dans cet entretien avec la fille du Roi un
autre ton par rapport à celui du début de la pièce, l’Infante prouvant une attitude
sage, son pouvoir de réfléchir et de prendre de bonnes décisions.
La mise à l’épreuve de Chimène. Après avoir entendu, de la bouche même du
vainqueur, le récit de la bataille (scène 3), le Roi décide de mettre à l’épreuve
Chimène (scène 4). Il lui annonce que Rodrigue a été tué : elle s’évanouit et révèle
ainsi, malgré elle, son amour. Ensuite elle se voit obligée de promettre sa main à
celui qui lui apportera la tête de « l’assassin de son père » ; elle accorde à don
Sanche la faveur d’être son champion (scène 5).

Le cinquième et dernier acte est aussi celui où Chimène avoue son amour pour
Rodrigue.
La scène 1 nous présente la perspective d’un nouveau duel, proposé par
Chimène, entre Rodrigue et don Sanche. L’Infante, qui a renoncé à son amour pour
Rodrigue en faveur de Chimène (scène 2), avoue à Léonor qu’elle a le coeur
déchiré, mais qu’elle doit vaincre ses sentiments pour « ne pas troubler une si belle
flamme », donc pour ne pas nuire à un amour si beau comme celui qui unit
Rodrigue à Chimène (scène 3). Chimène déclare à sa gouvernante Elvire que, si
Rodrigue est vainqueur, elle va trouver d’autres occasions pour demander sa mort
(scène 4), quand don Sanche lui apporte son épée : persuadée que Rodrigue est
mort, elle lui reproche d’avoir tué « le héros » qu’elle « adore » (nous signalons de
nouveau le talent de Corneille de créer l’effet de surprise). Sur le point de défaillir
(scène 6), elle reconnaît devant le Roi qu’elle n’a cessé d’aimer Rodrigue et lui dit
sa décision de se retirer dans un monastère ; mais don Sanche explique que c’est
lui-même qui a été désarmé et que son vainqueur l’a chargé de remettre cette épée
à celle qu’il aime.
La scène 7 nous présente l’arrivée de Rodrigue : Chimène renonce à la vengeance,

39
mais refuse de l’épouser. Et lui, sur la promesse du Roi, s’en va pour mener
d’autres combats glorieux contre les Maures, avec l’espoir de conquérir sa Dame
par de nouvelles victoires. Pourtant, on peut entrevoir, dans les dernières paroles
du Roi, la possibilité d’un mariage entre Rodrigue et Chimène : Laisse faire le
temps, ta vaillance et ton roi.

L’amour de Chimène pour Rodrigue.

Conclusions sur le chef-d’oeuvre cornélien, Le Cid


Voltaire (1694-1778), philosophe et écrivain français, auteur de Candide ou
l’optimisme, 1759. Voltaire disait : Le théâtre de Corneille est une école de
grandeur d’âme. Cette phrase s’applique peut-être le mieux pour Le Cid, où
l’auteur pose des problèmes moraux avec une pertinence issue du commun:
l’amour est immolé (sacrifié) à l’honneur, au devoir. Le héros se trouve placé entre
le devoir et la passion ou entre deux devoirs, dont l’un (le vrai ou le plus
important) doit triompher de l’autre. Une fois accompli sa difficile tâche, le héros
ne regrette pas sa décision, tant il est pénétré de son devoir. Rodrigue dit à
Chimène : Je le ferais (le devoir) encore, si j’avais à le faire.
Corneille nous élève au-dessus des choses mesquines de la vie et nous donne
confiance dans la force de la nature humaine. La grandeur des héros cornéliens
nous entraîne et éveille en nous ce qu’il y a de meilleur... C’est pourquoi le théâtre
de ce dramaturge est d’un puissant effet moral, proposant des personnages
exemplaires, dont le pouvoir de décision est admirable.
Le style de l’écrivain est simple, sublime, plein d’éclat, de justesse, de logique,
mais il est inégal, rude et un peu négligé (par rapport à l’œuvre de Racine, qui est
un modèle de perfection de la langue française employée dans la littérature). Le
Cid (1636) reste aussi le premier chef-d’œuvre du théâtre français, l’origine de la
tragédie française. Corneille inaugure avec cette pièce le drame moral,

40
psychologique. Les auteurs avant Corneille avaient traduit servilement les textes de
l’antiquité ou bien copié le théâtre italien et espagnol.

L’originalité du Cid est certaine, même s’il y a eu des voix qui ont accusé
Corneille de plagiat (le mot « cid » est dérivé du mot « Sidi », signifiant « seigneur
», un titre que les Maures ont donné à un héros espagnol). Avec Le Cid, on vit pour
la première fois sur la scène une action forte, animée de grands et de beaux
caractères, présentant à merveille la lutte intérieure qui se donne dans l’âme des
personnages. Les détracteurs de Corneille n’ont pas eu raison, car il y a de grandes
différences entre la tragédie française et le drame espagnol. Ce dernier a une action
remplie d’incidents, afin de mettre en évidence les exploits (les combats glorieux)
du Cid. Corneille a choisi, de ce drame, un seul épisode, le mariage de Rodrigue, et
ne s’occupe que de l’analyse des sentiments. Par conséquent, même si le sujet est
emprunté à l’écrivain espagnol Guilhem de Castro, l’oeuvre de Corneille est
puissante et profondément originale.

Les personnages et le rapport dramatique

Rodrigue
Jeune guerrier courageux, Rodrigue est doué d’une âme noble, de hautes qualités
morales et d’un caractère chevaleresque. Il en fait preuve dans le combat avec le
comte :

Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées,


La valeur n’attend point le nombre des années.
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
A qui venge son père, il n’est rien d’impossible,
Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.

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Rodrigue est un général habile, courageux et rusé dans le combat avec les Maures.
Vis-à-vis de son père il se montre bon fils, dévoué. Pour Chimène, il est un fiancé
délicat et l’amour qu’il éprouve pour elle est constant, malgré tous les obstacles qui
s’y opposent. Son héroïsme ressort de l’attitude qu’il garde dans le conflit moral. Il
se trouve placé entre l’amour pour Chimène et le devoir de venger l’honneur de sa
famille gravement compromise par le père de sa fiancée, à cause de l’outrage fait à
Don Diègue. Dans une lutte terrible, qui se livre dans un coeur déchiré par la
douleur, il étouffe, avec un grand héroïsme, son amour, parce que cette passion
l’empêcherait de faire son devoir. Un tel effort de volonté de la part du héros, un
tel sacrifice provoque notre admiration. L’amour entre Rodrigue et Chimène est
basé sur l’estime, et Rodrigue serait méprisé par Chimène s’il négligeait son
devoir. Par conséquent, Rodrigue tue le comte pour faire son devoir, mais aussi
pour garder l’estime de Chimène.
Rodrigue inspire aux spectateurs des sentiments d’estime et de sympathie.

Gérard Philippe profita de l'enseignement de Georges le Roy au Conservatoire : "


Il m'apprit [...] à me tenir droit, le jarret tendu, face à la vie, comme un homme
bien portant. C'est sans doute grâce à lui que j'ai pu dire, plus tard, les stances
[du Cid]." [Claude Roy, Gérard Philippe, Souvenirs et témoignages recueillis par
Anne Philipe et présentés par C. Roy, coll. L'Air du temps, Paris, Gallimard, 1960,
p.36. Rééd. 1978.] Mais nul ne lui apprit à inventer dans la vie des amis
imaginaires dont il contait et mimait interminablement les aventures. Tous ceux
qui l'ont approché ont constaté qu'après de minutieuses répétitions, il semblait
improviser en scène, chaque soir différemment en certains endroits (récit du Cid ou
scène du prince de Hombourg en prison). Il "était" Rodrigue, il "était" l'Idiot et le
musicien Maurice Jarre qui dirigeait la partie musicale subissait chaque soir une
sensation inexplicable, supposées d'ordre magnétique. [Idem, ibidem, pp. 145-146.]

42
Chimène
Elle est un des plus beaux types de femmes du théâtre cornélien et classique en
général. Comme Rodrigue, elle est pleine d’énergie et d’amour, de jeunesse et de
fidélité, sentiments qu’elle démontre tout d’abord après la mort de son père. Le
devoir lui commande de demander la tête de Rodrigue au roi. Comme son fiancé,
elle étouffe l’amour profond qu’elle éprouve pour son bien aimé, avec le même
héroïsme que Rodrigue, étant fermement décidée à suivre la voie du devoir, pour
défendre l’honneur de son père tué et pour se rendre digne de l’amour de Rodrigue.
Son amour est basé sur l’estime qu’elle ressent pour les qualités morales de
Rodrigue, mais elle ne veut être inférieure à lui, elle veut rivaliser avec Rodrigue
en ce qui concerne la générosité, l’abnégation et la maîtrise d’elle-même :
De quoi qu’en ta faveur notre amour m’entretienne,
Ma générosité doit répondre à la tienne.

Sa fierté n’admet pas que Rodrigue se laisse vaincre dans le combat judiciaire avec
Don Sancho ; elle veut qu’il sorte vainqueur de la lutte dont Chimène est le prix,
car elle ne saurait pas supporter la honte de voir Rodrigue, son fiancé, vaincu par
Don Sancho. Comme fille, elle est digne de notre estime, parce qu’elle met toute sa
passion et son ardeur à venger son père et montre le même sentiment vigoureux
d’honneur que Rodrigue. Les deux âmes fortes, Rodrigue et Chimène, se valent
parfaitement.

Don Diègue
Il est un vieux général, blanchi sous le poids des années, qui a bien servi son roi et
sa patrie (Ses rides sur son front ont gravé ses exploits.) Il est paisible, calme,
raisonnable et ne veut pas se quereller avec le comte. Mis au comble du désespoir
de se voir incapable de réparer sa honte, il se sert du bras de son fils, pour lequel il
éprouve une tendre affection. Il est fanatique parce qu’il met le devoir au-dessus de

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l’amour paternel. Après la mort du comte, il défend Rodrigue devant le roi, et lui
offre son propre sang pour sauver celui de son fils. Par le combat avec les Maures,
il lui procure la possibilité de laver son crime et de se soustraire à la punition. Chez
Don Diègue, le sentiment vigoureux et hautain de l’honneur, s’empare de l’amour
paternel.

Don Gormas, le comte


Il a un caractère opposé à celui de Don Diègue. Un homme en pleine force,
vaniteux, irritable, se laisse entraîner par sa colère à gifler le vieillard, parce que ce
dernier a été choisi gouverneur et non lui. Il est orgueilleux, hautain dans le
dialogue avec Don Diègue et avec Rodrigue. Il insulte l’autorité du roi :
Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes,
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes.

Le roi Fernand
Il est un caractère faiblement représenté dans la pièce, parce qu’il ne joue pas un
grand rôle. Il fait l’impression d’un homme comme il faut et qui veut faire le bien.

1. « Maître, seigneur » Corneille insiste sur la dimension psychologique, sur le


combat intérieur des personnages (qui se divisent en « âmes fortes » et «
âmes faibles »).
2. Le Cid lutte avec les Maures.
3. Don Diègue, le père de Rodrigue a été nommé gouverneur et le père de
Chimène, le comte, en est jaloux. Rodrigue doit défendre l’honneur de sa
famille, en provoquant au duel le père de Chimène à la place de son vieux
père, qui ne peut plus lutter.
4. Le style de la pièce est logique, simple, éclatant.

44
Molière (1622-1673)

Le brillant auteur d'une comédie qui dépeint les mœurs de la société avec
amusement et pudeur. Certaines de ses pièces ont provoqué une vive réaction du
parti religieux, qui l'a attaquée en s'en prenant à l'église. Molière ne condamne pas
les principes religieux mais le fanatisme. Son travail appelle à la préservation de
l'ordre établi. Tout le monde reçoit une punition pour son erreur. La raison, qui
prévaut toujours, exige le respect de la condition originelle : le bourgeois reste
bourgeois, même enrichi ; Un serviteur ne quitte jamais sa condition.

L’Avare: résumé et analyse

Les personnages 👨👩👦👦


1-Les personnages principaux
📌 Harpagon : le fameux avare, papa de Cléante et Élise. Il aime Mariane.
📌 Cléante : le fils d’Harpagon et l’amant de Mariane.

📌 Élise : la fille d’Harpagon et l’amante de Valère


📌 Anselme : le père de Valère et de Mariane

📌 Mariane : l’amante de Cléante. Harpagon est son prétendant.

📌 Valère : l’amant d’Élise. Il travaille pour Harpagon.


Les personnages secondaires
📌 La Flèche : le valet de Cléante

📌 Frosine : une intrigante (en gros, une experte en manipulation)


📌 Maître Simon : un courtier (il s’occupe des transactions financières)

📌 Maître Jacques : le cuisinier et cocher

📌 Dame Claude : la servante


45
📌 Brindavoine et la Merluche : les laquais

📌 Le commissaire de police et son clerc


Une comédie de l’amour en 5 actes et en prose, L’Avare de Molière est un des
œuvres de la littérature française qui ont marqué l’histoire du classicisme au XVIIe
siècle. Elle comprend différentes scènes riches en péripéties et en figures de styles.
L’alternance d’un schéma dramatique et comique confère à cette œuvre un
caractère original et intéressant. Bref, il y a de quoi faire rire grâce à la force de ses
situations comiques. Pour mieux comprendre le message diffusé, voici le résumé
de cette œuvre de Molière.

L’action se déroule à Paris dans une famille. Haragon, homme avare, est le père
de Cléante et Elise. Ces deux personnages sont amants de Marianne et de Valère
mais Marianne est aimée d’Haragon. C’est avec cette histoire simple que Molière
va pouvoir faire passer des messages au public.

En effet, cette pièce burlesque traite de l’avarice par la caricature du personnage


d’Haragon mais également de la tyrannie domestique et du sexisme. Cette pièce
aura donné des répliques désormais célèbres tel que » Il faut manger pour vivre, et
non pas vivre pour manger ». C’est une oeuvre littéraire que l’on pourrait résumer
en l’histoire d’une passion égoïste et irraisonnée.

l’égoïsme démesuré et la cupidité d’Harpagon

Un homme cupide et avare, Harpagon ne fait confiance à personne, même à son


fils, Cléante et à sa fille Elise. Sans se soucier des besoins et de l’avenir de ses
enfants, il a même envisagé de faire marier sa fille avec un vieillard riche appelé
Anselme et son fils avec une veuve fortunée.

Mais, tous deux ont déjà leur choix : Elise a aimé secrètement Valère, un intendant
de son père. Afin d’avoir la bénédiction d’Harpagon pour son projet de mariage
46
avec Elise, Valère a fait son possible pour bien gérer et faire fructifier les fortunes
de son maître.

Il a réussi à atteindre son objectif en gagnant la confiance de l’avare.


Cléante, quant à lui, était amoureuse de Mariane, une jeune femme pauvre
qui vit avec sa mère. Le fils d’Harpagon a tant voulu aider son amante. Mais
il n’a pas eu la possibilité vu le caractère avare de son père. Il a de ce fait
décidé de demander à la Flèche, son valet, de lui trouver un prêteur.

Mais ce dernier a été très exigeant en imposant un taux très élevé et de


nombreuses conditions. Cet emprunteur n’était rien d’autres que son père. En
apprenant cela, Cléante était furieux et s’est disputé avec Harpagon.

L’argent et ses mauvaises influences, dans la comédie de Molière


Puis, après la persuasion de Frosine, une femme d’intrigue, qui voulait soutiré de
l’argent à l’avare, ce dernier a accepté l’idée de se marier avec Mariane, l’amante
de son fils Cléante. Il espérait qu’épouser une fille pauvre comme elle lui
permettrait d’économiser plus d’argent. Il pensait alors inviter Mariane manger
chez lui mais il demandait à son cuisinier, dont le Maître Jacques, de dépenser
moins d’argent possible pour le repas.

Le cuisinier s’est opposé à cet ordre de son maître, mais l’intendant Valère l’a
obligé de le faire pour soutenir l’avare. Puis, une grande querelle s’est produite et
Valère a donné des coups de bateau à Maître Jacques qui a voulu par la suite se
venger. Le jour du dîner, Mariane, dégoûté de son futur époux, a aperçu Cléante,
l’homme qu’il aime.

Elle a entretenu une discussion secrète avec son amant qui lui a offert une bague de
grande valeur de son père. Mais, hélas, Harpagon a vu son fils en train de baiser la

47
main de Mariane et l’a maudit. Pour interrompre le projet de mariage de son père
avec Mariane, Cléante a demandé à la Flèche de cacher la cassette des dix mille
écus d’or de l’avare pour le distraire.

Puis, la Flèche a apporté à l’avare l’objet qu’il a lui-même volé. Furieux, Harpagon
a demandé l’aide des commissaires, des archers, des prévôts, des juges et des
potences pour trouver le coupable afin qu’il soit châtié.

Par vengeance, Maître Jacques a dénoncé Valère. Dans son explication, il a avoué
à Harpagon son amour pour sa fille. Cela a empiré la colère de l’avare. Pendant
qu’il a raconté son histoire, Anselme, le prétendant d’Elise, est entré. Il était
convaincu que Valère et Mariane qu’il prétendait être morts dans un naufrage sont
ses enfants.

Le vrai amour finit toujours par triompher dans l’Avare

On se demande alors le sort du mariage entre Harpagon et Mariane, Cléante et


Mariane et Anselme et Elise ainsi que Valère et Elise parce que les deux pères et
fils sont amoureux de mêmes femmes. En sachant le désir de son fils Valère
d’épouser Elise, Anselme s’est renoncé à son mariage avec la jeune fille.

Cléante a également insisté de se marier avec Mariane. Harpagon a enfin accepté


mais il a refusé de payer les dépenses liées au mariage. C’est Anselme qui a pris
tout en charge. L’avare, lui, n’a pu que se consoler seul avec sa cassette.

acte I

👉 Valère et Élise se déclarent leur flamme. Pour se rapprocher d’elle, il s’est


fait embaucher par Harpagon comme intendant, en se gardant bien de lui dire qu’il
sort avec sa fille. Dans la scène suivante, c’est au tour de Cléante de faire une
grande déclaration à Mariane. Problème : celle-ci est loin de rouler sur l’or, alors

48
que la famille de Cléante est riche. Il donnerait volontiers de l’argent à son amante,
mais son père est le plus gros radin qui existe.

👉 Pendant ce temps, Harpagon botte hors de chez lui La Flèche, le valet, suite à
un de ses nombreux accès de paranoïa : il a cru que celui-ci voulait lui voler une
cassette enterrée dans son jardin, qui contient son trésor de 10 000 écus.

Il annonce ensuite à ses deux enfants qu’il leur a trouvé mari et femme : une
veuve âgée pour Cléante, et pour Élise… le vieil Anselme, un pote d’Harpagon
(qui est aussi le papa de Valère, mais ça, ils ne le savent pas encore). Harpagon,
quant à lui, se réserve Mariane, qui doit avoir la moitié de son âge 😱 Ses enfants
sont légitimement horrifiés. Valère essaie de le faire changer d’avis, mais il doit
faire attention à ne pas griller sa couverture.

acte II

👉 Comme Cléante ne peut pas demander un seul sou à son avare de géniteur, il
décide d’emprunter une grosse somme auprès d’un prêteur ; mais celui-ci se
révèle être un arnaqueur. C’est encore pire quand Cléante découvre que ce prêteur
escroc est… son père (qui découvre en même temps que son fils est l’emprunteur),
ce qui entraîne un gros clash entre les deux.

👉 L’intrigante Frosine cherche à rapprocher Mariane et Harpagon pour


faciliter leur mariage : elle raconte au vieillard que Mariane est très branchée
hommes mûrs. Le seul souci est que sa future femme ne pourra pas apporter de dot,
car elle est trop pauvre. Frosine argumente qu’au moins, elle ne sera pas
dépensière. Si l’intrigante fait autant d’efforts pour les caser tous les deux, c’est
qu’elle pense qu’Harpagon va la payer pour ses manigances : grave erreur.

acte III

49
👉 Pour fêter sa future union avec Mariane, Harpagon veut l’inviter à dîner.
Évidemment, en bon rat qui se respecte, il demande à ses domestiques de ne pas
trop gaspiller d’argent sur le repas. Valère, pour se faire bien voir, approuve, ce
qui ne plaît pas au cuisinier Maître Jacques. Harpagon réplique cette phrase célèbre
:

Maître Jacques reçoit des coups de bâton pour son comportement, ce qui va le
motiver à se venger.

👉 C’est Frosine qui amène Mariane à dîner : comme elle a bien joué les
entremetteuses, la mariée ne sait pas du tout à quoi ressemble son futur mari, et
espère que ce sera Cléante. Lorsque son fiancé ni jeune ni beau arrive, elle est
légitimement déçue.

Arrivent ensuite Élise puis Cléante. Il drague discrètement Mariane en faisant


semblant de parler au nom de son père, et va même jusqu’à lui offrir la bague en
diamant de ce dernier. Harpagon, qui n’a pas trop compris ce qui s’est passé,
est furieux de perdre de cette façon un précieux bien.

acte IV

👉 Frosine, qui ne perd pas le nord, décide d’aider Cléante et Mariane à faire
capoter ce mariage en casant Harpagon avec une vieille dame. Dans le jardin,
celui-ci surprend son fils en train de faire un baisemain à Mariane, et découvre
donc la vérité. Il le manipule pour lui faire avouer ses sentiments pour elle, ce
qui crée une nouvelle dispute entre eux.

👉 Maître Jacques, qui assiste à tout ça, raconte à chacun des deux hommes
que l’autre a renoncé à Mariane, ce qui amorce une
réconciliation. Malheureusement, son stratagème est découvert et provoque

50
ENCORE une dispute entre le père et le fils. Celui-ci demande alors à La Flèche de
voler la précieuse cassette.

La Flèche vient dire à son maître qu’il a volé le trésor. Lorsque l’Avare se rend
compte du vol, il pète les plombs au cours d’une tirade très connue.

“Hélas ! mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! On m’a privé
de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation,
ma joie ; tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde ! Sans toi, il
m’est impossible de vivre.”

acte V

👉 Harpagon demande au commissaire de police d’enquêter sur le vol, et veut


carrément placer tout Paris en interrogatoire. Le commissaire commence par
interroger Maître Jacques : celui-ci y voit une occasion de se venger de Valère et
en profite pour l’accuser.

Harpagon force donc son intendant à s’expliquer, sauf que ce dernier n’a pas bien
compris et croit qu’on lui demande d’avouer sa relation avec Élise, ce qu’il
finit par faire. Évidemment, ça ne donne qu’une raison de plus à l’Avare d’être
furieux : il veut tuer Valère et faire enfermer Élise.

👉 C’est alors que débarque le vieil Anselme, à qui Harpagon avait prévu de
donner la main de sa fille. Il reconnaît Valère et Mariane, ses deux enfants qu’il
avait cru morts dans un naufrage il y a des années. Eux-mêmes n’étaient pas au
courant qu’ils étaient frère et sœur. Tout contents de s’être tous retrouvés, ils
décident d’obliger Harpagon à accepter les deux mariages d’amour, s’il veut
espérer revoir son argent.

51
C’est finalement Anselme qui paie les deux mariages. Harpagon n’aura rien eu à
dépenser : il récupère ses sous, les couples peuvent se marier, et tout le monde
est content

Conclusion

On ne peut pas faire une analyse de L’Avare de Molière sans parler au moins
une fois de son aspect comique. Cette pièce est un modèle du genre, puisqu’elle
mixe à sa sauce tous les types de comique (et c’est pour ça que c’est fun) :

📌 Le comique de caractère : c’est le plus évident. Harpagon est un gros radin,


paranoïaque, colérique et amoureux de sa cassette, au point qu’il en devient
ridicule.

📌 Le comique de langage : le texte est truffé de gros mots, et on peut en observer


une belle collection dans la fameuse scène de l’acte I lorsque Harpagon renvoie La
Flèche.

“Allons, que l’on détale de chez moi, maître juré filou, vrai gibier de potence.”

📌 Le comique de geste : les actions sont aussi exagérées et rendues comiques :


Maître Jacques se prend des coups de bâton, Harpagon fouille la Flèche de fond en
comble et va jusqu’à lui demander de lui montrer ses « autres » mains (ce qui
signifie en fait juste le dos de ses mains).

📌 Le comique de situation : l’histoire est également riche en quiproquos. Par


exemple, Harpagon et son fils découvrent en même temps qu’ils se sont
mutuellement cachés leur identité au moment de l’emprunt d’argent. Vers la fin,
Valère croit devoir avouer sa relation avec Élise à Harpagon alors que celui-ci lui
parlait du vol de son argent. En bref, on voit le vieillard être plusieurs fois le
dindon de la farce, et ça régale (sans mauvais jeu de mots 😆)
52
Pour se rendre compte de l’organisation et de la structure de
l’œuvre dramatique, nous nous intéressons en premier lieu, à la définition
de quelques éléments qui contribuent à constituer cette structure. (1)

L’exposition : partie de la pièce qui sert à présenter les personnages,


le lieu et le temps de l’action et qui donne aux spectateurs/lecteurs toutes
les informations préalables nécessaires à la compréhension de la situation
dans laquelle se trouve les personnages.

La complication : premier moment où le personnage principal (le


protagoniste) se trouve en conflit avec les personnages ou les forces
antagonistes qui l’empêche d’obtenir ce qu’il désire.

La progression : partie de l’histoire qui montre par quels moyens le


personnage principal cherche à surmonter l’opposition et à obtenir ce qu’il
veut.

Le point culminant : plus haut sommet de l’action, moment où la


situation dans laquelle se trouve le personnage principal, se transforme si
radicalement que l’histoire ne peut plus qu’évoluer vers sa conclusion

––––––––––––––––––––––––––––
2- Nous nous référons pour les définitions à : Ryngaert, Jean Pierre, Introduction à l’analyse du
théâtre, Paris, op.cit., p. 58

53
La résolution : partie de l’histoire qui montre les suites du triomphe
ou de la défaite du personnage principal.
Nous exposerons, en deuxième lieu, les structures profondes de
l’œuvre dramatique et les appliquerons sur En attendant Godot et Fin de
partie déterminés comme suit :

- L’(les) intrigue (s)

- Le (les) schéma (s) actantiel (s)

Nous allons essayer d’étudier le texte de l'œuvre dramatique en


essayant de montrer ce qui sera énoncé par les acteurs ; ainsi que les
indications scéniques « que l'on appelle plus volontiers de nos jours les
didascalies »,(1) c’est-à-dire les informations relatives au lieu de l’action,
aux gestes ou déplacements des personnages, aux intonations, aux bruits,
aux costumes, etc.

Ce sont les marques concrètes qui organisent et structurent l’œuvre,


comme le fait remarquer Jean-Pierre Ryngaert dans son Introduction à
l’analyse du théâtre, auquel nous allons nous référer dans ce chapitre ;
bien que ces remarques paraissent superficielles, elles « correspondent à
un projet de l’auteur » (2)

–––––––––––––––––––––––––––––––
1-Larthomas, Pierre, Technique du théâtre, Paris, op.cit., p.17
2- Ryngaert, Jean Pierre, Introduction à l’analyse du théâtre, op.cit., p.87

54
Le texte théâtral présente donc une organisation dans laquelle on
distingue les principaux éléments structuraux qui façonnent une pièce :

1-A - Exposition :

Traditionnellement, les premières scènes de chaque pièce sont


consacrées à l'exposition. Le dramaturge y dispose les éléments
nécessaires au fonctionnement dramatique. Elle « apparaît comme la
structure spécifique de l’histoire racontée par la pièce »(1) et renvoie à la
façon personnelle dont l'auteur traite son sujet.

L'exposition est le « moment où l’action dramatique doit


commencer ».(2) Elle formule le cadre, les prémisses de l'action et prépare
la connaissance des personnages.

L’exposition doit répondre aussi à ces questions : à quelle époque le


dramaturge a – t- il choisi de situer son action ? Dans quel pays ? Qui sont
les acteurs du drame ? De quel milieu sont-ils ? Que font-ils ? Où sont-ils
? Quel est leur âge ? etc. Toutes ces interrogations dessinent la
configuration de l'aire où va se jouer l'intrigue. Elles sont le cadre
contraignant des règles d'un jeu, du conflit dont la pièce est l'histoire.
« Dans un théâtre

–––––––––––––––––––––––––––

1- Pruner, Michel, L’analyse du texte de théâtre, Paris, Nathan, 2001 P.25


2- Girard, Gilles- Ouellet, Real- Rigault, Claude, L’univers du théâtre, Paris, Presses Universitaires
de France, 1986, p.150

55
où l'action se présente selon un enchaînement de causes et d'effets »(1), il
s'agit du moment où le dramaturge livre l’exposition, c’est-à-dire les
éléments indispensables à la compréhension de la situation. Cette
exposition constitue une convention dramaturgique qui pose les bases de
l’action et précise les données du conflit : évocation du passé, présentation
des personnages, état de la situation. Plus l'intrigue est complexe, plus
l'exposition est développée. Détaillant toutes les informations utiles,
l’exposition ne doit pourtant pas s'étendre au-delà des premières scènes
de la pièce. Elle doit donc instruire du sujet et de ses principales
circonstances, du lieu de la scène et même de l'heure où commence
l'action, du nom, de l'état du caractère et des intérêts de tous les
protagonistes. Une bonne exposition doit être à la fois entière, courte,
claire, intéressante et vraisemblable.

Dans le même sens, Pruner exige que « l'exposition, se présente sous


une forme tantôt statique et tantôt dynamique »(2) Nous la trouvons
statique lorsqu'elle se réduit à une conversation entre les personnages
durant laquelle s'échangent des informations utiles à propos d'événements
antérieurs. La narration parfois très longue intervient, de façon
vraisemblable,

––––––––––––––––––––––––––

1- Pruner, Michel, L’analyse du texte de théâtre, op.cit., p. 32


2-Ibid. p. pp.32 ,33

56
sous forme de récits, qui multiplient les références à des événements
passés, au risque de retarder le commencement de l'action véritable. Alors
que l’exposition est dynamique, quand les informations sont transmises
en action, pour montrer la progression des événements. Il peut s'agir d'un
conflit engagé avant même le lever du rideau.

Nous tentons dans cette partie du chapitre premier d’étudier


l’exposition de En attendant Godot et Fin de Partie.

Dans En Attendant Godot : - Route à la campagne


- Arbre
-Soir (EAG.P.9)
Ce sont les seules indications relatives au lieu et à l'époque dans la pièce.

Nous voyons que la pièce, s'annonce dans le plus extrême dénuement


: à l'exception d'un seul arbre, et de deux personnages. « Tout dans la
pièce est fait pour plonger le lecteur ou spectateur dans le doute
l’incertitude l’instabilité » (1) : la scène est vide, les horizons déserts. Lieu,
époque, identité, ces trois repères que d'autres théâtres ont surchargés de
signes, sont réduits ici au minimum nécessaire au jeu dramatique.

–––––––––––––––––––––––

1-Quintallet, Jacques, Samuel Beckett EN ATTENDANT GODOT, Paris, BREAL, 1999, p.37

57
Les premiers échanges précisent néanmoins les deux personnages :
nous apprenons qu'Estragon a dormi dans un fossé, qu'il ne retire pas tous
les jours ses chaussures. Remarquons que les indications dans leur
dialogue les désignent comme vagabonds, ainsi qu'ils apparaissent sur
scène, démunis.
Par contre fin de partie, commence par de longues indications
scéniques qui présentent les personnages en précisant le lieu, le décor et
les accessoires. La présence de beaucoup d'indications scéniques en tête
du texte est régulière. Ces indications sont précises et concernent les
actions des personnages. Elles paraissent parfois redondantes par rapport
aux répliques et concernent aussi des détails de rythme.

1-B- la complication de l'action dramatique :


Les causes et les desseins d'une action dramatique entrent dans
l'exposition du sujet et en occupent le commencement. Ils ne peuvent
manquer d'être suivis d’obstacles, de les traverser, et par conséquent de
former une complication dans le centre ou le milieu de la pièce ; la
résolution de cette complication serait l'achèvement de l'action.

Toute situation dramatique repose sur la nature des relations existant


entre tous les personnages d'une pièce. Elle prend le plus souvent la forme
d'un conflit qui se caractérise par la rencontre des forces antagonistes du
drame. Les obstacles qui contrarient les désirs des personnages
constituent ce qu'on peut appeler La complication dramatique qui
58
« correspond à un bouleversement dans la logique des actions, un
changement de situation qui permet de valoriser le point de vue de
différents sujets ».(1) Cette complication dramatique comprend les
desseins des protagonistes et tous les obstacles propres ou étrangers qui
les traversent. Pruner constate que « Ces obstacles sont de plusieurs sortes
: ils peuvent être extérieurs, si la volonté du héros se heurte à celle
d’autres personnages. […] Ils sont intérieurs lorsque les malheurs du
personnage sont causés par un sentiment qu'il porte en lui. »(2)

A plusieurs reprises, nous trouvons les obstacles entre les personnages


d’En attendant Godot qui sont répartis à l’intérieur d’un système qui les
oppose en figures systématiques. Au premier plan, nous trouvons le
conflit dans les relations de Pozzo et Lucky ; un couple qui « se développe
en fonction des relations connues du maître et du valet, du dominant et du
dominé, du nanti et du misérable. ».(3)

–––––––––––––––––––––––––––––

1- Girard, Gilles- Ouellet, Real- Rigault, Claude, op. cit, p.140


2- Pruner, Michel, L’analyse du texte de théâtre, op.cit., p. p. 34
3- Ryngaert, Jean-Pierre, Lire EN ATTENDANT GODOT de Samuel Beckett, Paris, DUNOD ,1993, p.
119

59
Beckett accumule sur les personnages toutes les misères du monde. Ils
sont en conflit avec la faim et le froid. « Leurs corps subissent de petites
et de grandes misères, ils sentent de la bouche ou des pieds, ils se
déplacent avec difficulté (1)

Dans Fin de Partie, nous constatons qu’il y a une complication et


un conflit dans les relations entre les parents et les enfants qui prennent
« une allure nettement plus tranchée et violente. »(2) . Hamm injurie son
père à plusieurs reprises : « Maudit progéniteur ! » (FF.P. 21). Il ordonne à
Clov de le boucler dans sa poubelle. Plus loin, il envisage une solution
extrême qui achève de donner sens aux poubelles dans lesquelles se
retrouvent les parents : « Enlève-moi ces ordures ! Fous-les a la mer ! »
(FP.P.36)

Hamm se montre ingrat envers son père ; il se livre à un jeu cruel « lui
imposant un marché mesquin. ». En retour, Nagg ne peut que souhaiter
une impossible vengeance :

« J’espère que le jour viendra où tu auras vraiment besoin que je t’écoute,


et besoin d’entendre ma voix, une voix. (Un temps.) Oui, j’espère que je
vivrai jusque-là, pour t’entendre m’appeler comme lorsque tu étais tout
petit, et avais peur, dans la nuit, et que j’étais ton seul espoir. » (FP.P.75)

––––––––––––––––––––––––––––––
1- Ryngaert, Jean-Pierre, Introduction à l’analyse du théâtre, op.cit., p. 128
2-Bardet, Guillaume-Caron, Dominique, Fin de Partie Samuel Beckett, Paris, Ellipses, Edition 2009,
p. 72

60
Cette ingratitude, ne tient pas à une situation particulière, elle ne relève
pas de l’accident, ni de la perversion psychologique, elle est liée à la
relation filiale et au conflit entre les personnages. Nous trouvons aussi un
conflit entre le second couple père-fils qui est constitué par Hamm et
Clov. Hamm traite Clov en véritable tyran, au point que c’est une relation
filiale, une relation maître-esclave « qui ressortent bien plus qu’une
hypothétique paternité. » (1)

Enfin on peut estimer qu'Il y a un conflit quand un sujet est contrarié


dans son entreprise par un autre sujet (par un personnage) ou quand il
rencontre un obstacle, social, psychologique ou moral.

1 -C - Progression et point culminant dans les pièces-corpus :

Après l’intrigue, l'action dramatique avance par un enchaînement de


causes et d’effets, obéissant au principe de nécessité, et l'intérêt du
spectateur / lecteur demeure concentré sur le déroulement des événements
représentés.

–––––––––––––––––––––––––––––

1- Bardet, Guillaume, op.cit., p.74

61
Dans le théâtre de l'absurde le lecteur est invité à utiliser son
imagination pour tisser la progression de l'action et les relations possibles
entre les événements et la construction du sens.

En attendent Godot est une pièce où il ne se passe rien. Les


répliques des personnages donnent l’impression, « autour d’une
équivoque à propos du sens de rien faire. » (1) Ils attendent Godot mais ils
ne savent pas exactement ni le lieu, ni le moment du rendez-vous ; ils ne
savent pas ce qu’ils veulent de Godot, ni ce qu’ils peuvent en espérer.
C’est pourquoi tous les doutes possibles minent l’événement et le lecteur
doit imaginer la progression de l’action.

Pruner trouve que « La progression de fin de partie de Beckett n'est


pas le résultat d'une intrigue déterminée par une quelconque nécessité.
»(2) Elle procède seulement des frottements qui apparaissent à travers les
propos qu'échangent les personnages, paroles brèves et vaines qui sont
comme autant de témoignages d'une vie en voie d'épuisement.

–––––––––––––––––––––––––––––––

1- Ryngaert, Jean-Pierre, Lire EN ATTENDANT GODOT de Samuel Beckett, op.cit., P.49


3- Pruner, Michel, L’analyse du texte de théâtre, op.cit., p.4

62
1-D - Résolution ou Dénouement

Un renversement des dernières dispositions du théâtre, la dernière


péripétie, et un retour d'événement qui changent toutes les apparences des
intrigues. Le dénouement comprend la disparition du dernier obstacle, ou
la dernière péripétie et les événements qui peuvent en résulter. Le
dénouement est aussi l’élimination des obstacles qui formaient la
complication. Il amène la résolution du conflit. La résolution « apparaît
comme la sanction, la conséquence du processus. »(1) D’après Pruner
« Cette résolution s'accompagne du passage du malheur au bonheur ou
inversement du bonheur au malheur. »(2)

Quand les conflits sont annulés et que les différents niveaux de


l'intrigue sont enfin dénoués, la résolution, qui constitue le dernier
moment de la pièce peut survenir. Pour cela, le dénouement ne doit laisser
aucun obstacle posé par la pièce sans solution. Il ne tolère aucune
incertitude sur le sort de tous les personnages ; d’où la tradition que la
dernière scène rassemble le plus grand nombre des personnages.

En même temps le dénouement doit intervenir le plus tard possible,


afin de tenir l'intérêt du public en éveil.
––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1- Timbal-Duclaux, Louis, TECHNIQUE DU RECIT et composition dramatique, Paris, Ecrire


Aujourd’hui, p.81
2- Pruner, Michel, L’analyse du texte de théâtre, op.cit., p. 35

63
Il doit être rapide, car le lecteur est dans l'impatience de savoir la
fin des événements. « Ces impératifs concernant le dénouement
instaurent une dramaturgie de la clôture qui suppose que, la pièce
achevée, tout est réglé. »(1)

La dramaturgie ouverte de notre époque refuse cette conception d'un


dénouement apportant la résolution définitive d'une complication, et les
œuvres laissent pourtant subsister une incertitude, offrant le champ libre
à l'imaginaire du lecteur. C'est la mort qui clôture une vie, une pièce de
théâtre, une œuvre. Autrement dit, il n'y a pas de fin.

Noudelmann témoigne que « La fin du processus ne correspond


donc pas à la fin des pièces. La nécessité de finir n'intervient pas lorsque
les choses ont été dites »(2) . Avec En attendant Godot, la fin se présente
dans le cours de l'œuvre ; et d’après Fin de partie, elle en constitue le
préalable. Cette séparation du principe de fin, avec la réalité d'une fin de
spectacle, produit des effets très différents pour chacune des deux pièces
étudiées.

–––––––––––––––––––––––––––

1-Pruner, Michel, L’analyse du texte de théâtre, op.cit., p. 36

2- Noudelmann, François, Beckett ou la scène de pire, Etude sur En Attendent Godot et Fin de
Partie, Paris, Honoré Champion Editeur ,1998 p. 113

64
Dans En attendant Godot, Beckett présente une finalité sans fin, avec
une apparente direction vers un terme et selon une répétition continue des
mêmes éléments, des mêmes gestes et des mêmes actions. La fin de la
pièce se présente dans son inachèvement, comme une tension non
dramatique vers l’infini. Le processus demeure sans avoir atteint un but,
car son résultat se trouve en son cours. La fin du spectacle intervient au
bout d’un parcours, celui d'une duplication, un acte répétant l’autre, plutôt
qu'il ne le dépasse. Noudelmann le rend à une « Faute d'un nœud et d'un
dénouement, la structure n'installe que le mouvement de sa répétition sans
œuvrer à l'accomplissement d'une signification ».(1) Dès le début de la
pièce, Vladimir l’a déjà annoncé : « Maintenant il est trop tard » , (EAG,

p.11). La non-fin d' En attendant Godot se rapproche donc des


constructions en boucle.

Avec Fin de partie, la fin devient le sujet de toute la pièce. Beckett


déplace la question de la fin humaine, la mort des personnages, vers
l'énigme structurelle du comment finir. Peu importe de savoir si Hamm va
mourir à la fin de la pièce. De même le spectateur n'a pas à savoir si Nell
est effectivement morte au fond de sa poubelle. Seule compte la
combinaison qui doit permettre à Clov de quitter Hamm. Clov joue la fin,
joue inlassablement ce qui est supposé être la fin de l'histoire dans la pièce.

––––––––––––––––––––––––––––––
1- Noudelmann, François, op.cit., p. 113

65
Beckett met en place différentes possibilités, verbales et gestuelles,
pour arriver à cette sortie. Ainsi la position de Clov au début, près du
fauteuil de Hamm, constitue le point de départ d'une telle entreprise, pour
aboutir finalement à une place près de la porte, et non à une sortie qui
correspondrait à une issue dramatique.

Beckett a soigneusement compté et mis en scène ses différents


mouvements vers la sortie, selon la répétition d'un leitmotiv à la fois visuel
et auditif. « Il suit l'organisation sérielle des possibilités de fin, et le
manifeste dès le début, par la redondance de son discours ».(1)

Hamm l’a bien traduit en disant « Assez, il est temps que cela finisse, dans
le refuge aussi. (Un temps.) Et cependant j'hésite, j'hésite à … fini ... oui,
c'est bien ça, il est temps que cela finisse et cependant j'hésite encore à
(bâillements) – à finir » (FP.P.17)

La fin est donc à la fois une fin de non-recevoir à l'égard des issues
dramatiques et une nécessité programmatique qui dispose une série de
possibilités. L'enjeu réside dans la manière des personnages.

––––––––––––––––––––––––––––––––––––
1- Noudelmann, François, op.cit., p.114

66
A plusieurs reprises nous trouvons Clov poser cette question « Ça peut
finir », (FP.P.19) « comment veux-tu que ça finisse ? ». (Ibid.p.95) Aussi le
spectateur est-il amené à s'interroger sur les départs de Clov et se
demander quand il réalisera définitivement sa sortie.

Mais peu à peu s'installent le jeu et la répétition qui défendant


l'intérêt de telles questions. Hamm chasse Clov et Clov revient ; Clov s'en
va et Hamm le retient, la sortie n'a de sens que sur scène, au sens du va-
et-vient. C’est pourquoi Noudelmann voit que « La syllepse de sens
permet de contrecarrer doublement l'issue dramatique ».(1) Les
personnages ne gagent rien et cette sortie ponctue le parcours de Clov,
mais ne lui donne aucune perspective.

Beckett propose ainsi une fin inchoative, sans cesse ébauchée,


abandonnée, reprise. Elle commence et jamais ne se termine. « La fin est
dans le commencement et cependant on continue » (FP, P.91), dit Hamm qui
pose ainsi le double sens du mot. Dès le début tout est fini, et la fin peut
alors commencer l’œuvre.

––––––––––––––––––––––––––
1- Noudelmann, François, op.cit., p. 116

67
Le titre de Beckett suggère que la fin ne se termine pas elle – même ; elle
ne finit pas avec ce qu'elle a achevé ou elle est l’achèvement du rien.

2 - Les structures profondes de l’œuvre dramatique

Nous exposons ici ce qui nous semble construire les structures profondes
de chacune des deux pièces de Beckett, objet de notre étude.

2- A - L’(les) intrigue (s)

On entend par ce terme l'agencement des éléments et des


événements qui permettent à l'action d’avancer. C’est la Structure de
surface de la pièce.

Déterminer l'intrigue d'une pièce, c'est donc repérer les


mécanismes qui font progresser le conflit dramatique. Ryngaert la précise
en déclarant : « Le mot, avec son parfum de théâtralité un peu vieillotte,
nous place sur un terrain connu, celui de pièces machinées, littéralement
embrouillées par l'auteur pour capter l'intérêt du spectateur et le
conserver jusqu'au dénouement. » (1)

––––––––––––––––––––––––––––––

1- Ryngaert, Jean Pierre, Introduction à l’analyse du théâtre, op.cit., p.56

68
Dans les fables de En attendant Godot et Fin de partie, apparemment
« non-climaxiques ».(1) d’après le terme d’Emmanuel Jacquart. Il est
difficile de parler d’intrigue au sens classique du terme. A l’image de sa
fable, En attendant Godot ne témoigne d’aucune intrigue, c’est une œuvre
« où il ne se passe rien » (EAG.P.53), comme le constate à juste titre
Estragon. Vladimir ainsi qu’Estragon semblent attendre Godot sans
l’attendre réellement. Combien de fois ils ont oublié le but de leur attente,
ce qu’ils veulent exactement de Godot, et combien de fois, également, ils
ont oublié Godot lui-même. Les événements ne suivent aucun fil
conducteur, aucun cheminement ; car il n’y pas d’événement dans
l’ensemble de la pièce.

Ainsi, Pozzo et Lucky rencontrent Vladimir et Estragon par pur hasard.


Les premiers étaient sur la route vers le « marché du Saint-Sauveur »
(EAG.P.125), où Pozzo compte vendre Lucky, alors que les derniers étaient
à cet endroit en attente de Godot. Les deux couples suivent leurs sorts
différents, indépendamment l’un de l’autre, aucun lien logique entre eux,
aucun profit, aucune trame précise. De même pour Fin de Partie où
nous ne pouvons

––––––––––––––––––––

1- Jacquart, Emmanuel « l’archétype bourreau-victime dans Fin de Partie », Travaux de


Linguistique et de Littérature, Paris, Editions sociales, mai 1984, p. 67

69
déceler aucune intrigue au sens classique. Cependant, il existe, selon
l’expression de Jean-Pierre Ryngaert, « des germes de conflits ».(1) qui
s’éteignent aussitôt qu’ils commencent à germer.

Aucun germe n’aboutit réellement à un véritable conflit que l’on peut


situer dans un fil conducteur d’événements. Le plus important de ces
conflits est probablement celui qui se situe dans les rapports entre les
quatre personnages. À peine une tension monte, constituant le début d’un
conflit, elle se calme et le conflit se réduit à l’insignifiance. Ainsi, Clov,
conscient de l’importance du rôle qu’il joue pour Hamm ,n’arrête pas de
le menacer de partir.

Cette situation, qui peut constituer le début d’un conflit sérieux,


ne durera pas longtemps car, non seulement Clov est au fond conscient de
sa véritable dépendance vis-à-vis de Hamm, mais aussi, Hamm lui-même
n’a guère peur de ces menaces, d’abord parce qu’il sait parfaitement à son
tour qu’il n’est pas plus dépendant de Clov que Clov de lui ; surtout que
la mort elle-même ne lui fait pas peur, et il s’attend toujours à ce que Clov
puisse prendre, un jour, l’initiative de le tuer.

–––––––––––––––––––––––––––

1- Ryngaert, Jean Pierre, Introduction à l’analyse du théâtre, op.cit. p. 147

70
Aussi, les conflits que Hamm semble avoir avec ses géniteurs, ne
connaissent également aucune évolution. Hamm, maître de la maison,
possède tout le pouvoir de faire taire Nagg et Nell à leur réveil et de les
enfermer dans leurs poubelles s’ils commencent à l’ennuyer, de la même
manière qu’il peut les réveiller pour se faire écouter s’il a envie de
raconter son histoire.

Ces ordures, comme les traite Hamm, peuvent s’opposer autant


qu’elles le veulent à l’autorité de leur mauvais « progéniteur » (FP.P.23),

cela ne changera en rien la situation. Même quand Nell semble s’allier à


Clov pour l’inciter à partir en soufflant « (bas, à Clov). Déserte » (Ibid.p.39),
rien ne change. Ni Nell ne croit à ce qu’il propose, ni Clov, même si cela
le tente, ne croit à ce qu’il entend. Même chose aussi pour les amours de
ce vieux couple : ni les souvenirs, ni la bonne humeur et ni la bonne
volonté ne leur permettent réaliser leurs désirs, non seulement parce qu’ils
ne peuvent pas faire « la bagatelle » (Ibid.p.29), comme le souhaitait Nell,
mais parce qu’ils n’arrivent même pas à s’embrasser malgré cette
tentative « Les têtes avancent péniblement l’une vers l’autre, n’arrivent
pas à se toucher, s’écartent ». (Ibid.p.23)

Durant toute la pièce, toute situation est vouée à l’échec et tout


conflit à l’inaboutissement. Néanmoins, Beckett arrive à créer chez le
lecteur/spectateur la certitude de l’existence de quelque chose qui va se
passer d’un moment à l’autre et qui va changer le déroulement de la pièce.
Cette certitude illusoire devient du coup le vrai générateur de la pièce et
71
crée, chez le lecteur/spectateur, l’effet de ce que créaient, jadis,
l’exposition, le nœud et le dénouement dans les pièces classiques.

2-B- Le schéma actantiel

L'action dramatique est constituée par tous les changements


concernant les personnages, à partir d'une situation initiale et aboutissant
à une situation finale, selon la logique d'un enchaînement de cause à
effet.(1)

Pour constater la combinatoire des forces qui interviennent dans le


drame et leur fonction dans l'action et approcher de la structure profonde
d’une pièce, certains théoriciens se sont attachés à définir la construction
syntaxique de toute action dramatique à travers le modèle actantiel. Celui-
ci s'attache à déterminer dans la configuration narrative quelles seraient
les fonctions respectives d'actants, qui sont aussi bien des abstractions que
des personnages.

Selon Michel Pruner dans son ouvrage l’analyse du texte de théâtre,


le modèle actantiel établit « le rapport intrinsèque des Forces
structurant la situation dramatique selon une combinatoire invariable de
six actants qui assument une fonction syntaxique au sein de l'action,
envisagée comme une phrase ».(1)

–––––––––––––––––––––––––––––––––––

1- Cf. Pruner, Michel, L’analyse du texte de théâtre, op.cit., p. 27

72
D’après Pruner (2)
, ce modèle, qui s’articule selon six axes précis, est
schématisé comme suit :

Destinateur (D1) Destinataire (D2)

Sujet (S) Objet (O)

Adjuvant (Ad) Opposant (Op)

Selon ce schéma, un destinateur pousse un sujet, afin de l’inciter à


agir. Il oriente vers ce qui constitue l’objet de son désir. Cet objet est aidé
par un adjuvant qui l'aide à la réalisation de son désir. Il agit pour un
destinataire qui est le bénéficiaire de l'action, et se heurte à un opposant
qui contrarie son projet et l'empêche de se réaliser.

73
Bibliographie

- XVIIe siècle – Pensées définitoires », http://coinlitteraire.multimania.com/histoires/def17.html

- (Critique de l’école des femmes – 1663), « XVIIe siècle – Pensées définitoires »,


http://coinlitteraire.multimania.com/histoires/def17.html

- (Britannicus – 1670), « XVIIe siècle – Pensées définitoires »,


http://coinlitteraire.multimania.com/histoires/def17.html

1-La littérature française du XVIIe siècle est liée aux évolutions politiques,intellectuelles et artistique(√)
2-le XVIe siècle se préoccupait d’enrichir la langue française pour la faire concurrence d’autre langues
anciennes(√)
3-À la fin du XVIe siècle que parurent les premiers dictionnaires de la langue française (×)
4-le cartésianisme qui influencera le modèle classique par son souci d’ordre et de discipline(√)
5-À La fin dude XVIIe LA forte consolidation du pouvoir royal fait de La Cour et du roi à Versailles des
maîtres du bon goût(√)
6-Le XVIIe siècle est un siècle majeur pour la langue et la littérature françaises(√)
7-Le jansénisme exerce une influence directe et quelque peu morale avec son modèle strict (×) 8-Le
classicisme est fait de retenue d’ordre et d’ambition morale(√)
9-l’Académie française propose de codifier le vocabulaire la grammaire et la poésie(√)
10-Le goût humain des anciens reconnu comme modèle de beauté et de sagesse(√)
11-la culture souffre des conséquences de la centralisation politique
12-du xvIIe siécle les deux courants qui dominent les siécle sont le baroque et le classicime ( ) 13-le
classicime est le plus problématique ( ) le baroque
14-le baroque est reste longtemps cantonné au domaine de la joaillerie ( )
15- le terme baroque est d’origine française , il apparait au xvIe siècle dans l’inventaire de charles quint
(1531) ( )
16-les principes d’harmonie sont (ordre,régularité,symétrie) ( )
17-le classicime comme un style artisitique indépendant (x) le baroque
18-en ce qui concern le roman il en existe deux principaux un roman pastoral , roman à clef ( ) 19-le
courant précieux est courant esthétique de l’affirmation aristocration qui se caractérise par le désir de
se distinguer du goût commun ( )
20-La période classique en France est la période de la création littéraire et artistique

74
21-La période classique s’étend jusqu’au XVIIe siècle
22-Le classique est une littérature basee avant tout sur la sobriètè et la precision
23-Le roman Histoire comique de francion est l’une des œuvres les plus importantes du genre comique
satirique
24-La nouvelle partage une certaine brièveté avec le conte .( )
25-La nouvelle est met en scène un nombre limité de personnages.( )
26-La différence entre le roman et l’épopée reside dans le type de personnage évoqué.( )
27- L’épopée un genre littéraire méprisé du public et recherché par les savants ( )
28 – Au XIII e siècle le roman est attaqué mais gagné en popularité. ( )
29- L’art classique préconiser des conventions qui peuvent conduire au succès et à la grandeur d’une
œuvre théâtrale ( )
30- pour l’époque classique,l’art avait une fonction morale. ( )
31-A la fin du XVIIIe siècle,le théâtre décline en France
32-la comédie est un genre secondaire délaissé par les auteurs et les théoriciens
33-Grâce à Richelieu,le théâtre et ses protagonists ont atteint un staut social et économic acceptable
34-Action est Division externe de la pièce en parties d’importance sensiblement égale
35-selon Aristote,Action est la détermination majeure et première de la création dramatique
36-Allitération est Répétition,dans une suite de Mots
37-Antagoniste est personnage en opposition ou en conflict
38_ l’esthéti que classique est fondée sur trois. Principes essentiels : rationalisme, imitation de la nature
imitation de l’Antiquité (vrai).
39_ le classique établit la régle de la raison exercée par des regles (vrai)
40_ le théâtre classique est aujourd’hui le genre littéraire dominant, le genre le plus lu, (faux)
le roman classique Évite les distractions et les anecdotes en favorisant la cohésion c’est l’…….
*-Unité d’ Action -Unité de temps -Unité de Lieu
Accentue l’action et la rapproche du temps de l’acte c’est l’……
-Unité d’ Action *-Unité de temps -Unité de Lieu
Cherche à faire correspondre le lieu de l’événement et le lieu scénique : ce sera donc un lieu accessible à
tous les personnages (entrée, antichambre, salle du trône, etc.) C’est l’……
-Unité d’ Action -Unité de temps *-Unité de Lieu
A la fin du ……. Siècle, le théâtre décline en France . -XVII *-XVI -XII

75
Depuis les années 1630 ,le théâtre et ses protagonistes ont atteint un statut social et économique
acceptable grâce à ………
*- Richelieu -Étienne de La Boétie -Pierre Matthieu
Division externe de la pièce en parties d’importance sensiblement égale, en fonction du déroulement de
l’action. Traditionnellement, une pièce se divise en trois ou cinq actes, eux-mêmes découpés en scènes
c’est l’ …….. -Action *-Acte - Aparté

Répétition, dans une suite de mots (par exemple dans un vers), d’une ou de plusieurs consonnes initiales
ou intérieures
c’est l’……. *-ALLITÉRATION - APARTÉ –ANTAGONISTE
L’……. c’est la personnage en opposition ou en conflit .
*- ANTAGONISTE - Monologue - héros
Le ….. c’est la Scène parlée, discours adressé à soi-même, ou à un auditoire dont on n’attend pas de
réponse. Dans l’analyse du discours théâtral, il est considéré comme une variété du dialogue. - Acte *-
monologue -Action
Discours rapporté dans sa forme originale, sans terme de liaison, après un verbe de parole c’est le …….
*-mode -Monologue -acte
Procédé dramatique essentiel , ressort du comique comme du pathétique , permet divers coups de
théâtre et fonde les reconnaissances (agnitions) typiques du dénouement
A_ scéne. B_ tragi- comédie c*,quiproque
( Genre dramatique seriux )qui met en scène des personnages de haut rang confrontés à un péril auquel
ils échappent toujours. Ce péril est presque toujours de nature amoureuse et privée et souvent inspiré
par les romans modernes. A- Quiproque. B-*tragi_ comédie c_scéne .
Unité la plus courte de la pièce. En général, on change de scène lorsqu’un ou plusieurs personnages
entrent ou sortent. A_ quiproque. B_*scène c_tragi_comédi
Longue suite de phrases, de vers, récitée sans interruption par un personnage de théâtre.
a-scéne b_quiproquo c_* tirade
Qui sont mes fondateurs des Lettres sur la règle des vingt-quatre heures
A_ Moliére b_ *jean chapelain c_ Marivaux
L’un des siècles majeurs les plus importants de la littérature française ?
A_XVIe b_XIV. C_*XVIIe
Le Classicisme s’impose dans la seconde moitié du siècle sous…..

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A_* louis 13. B_louis14 c_ louis15
Le XVIIe siècle est marqué par la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV en 1685, qui met fin de la
tolérance envers les protestants et au poids des …….
A_athées. B. * Jésuites c_ Coptes

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