M Dpa 2022 002

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Mémoire de Master

Faculté de Droit et de Sciences économiques


Master Droit Public et Administration
Carrières Publiques
Option concours

2021/2022

Le droit au séjour des étrangers : un contentieux complexe


au service de quelles causes ?

Etienne PLENERT
Stage effectué du 4 avril au 30 juin 2022
Préfecture de la Corrèze

Mémoire dirigé par


Claudine LAFARGE
Stéphane VAVASSORI
Directrice de la Direction de la Citoyenneté de la Réglementation et de la Légalité
Chef du Bureau de l’Identité et des Etrangers
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Remerciements

Je remercie tout d’abord ma directrice de Master Madame Nadine Poulet-Gibot Leclerc, pour
sa disponibilité ainsi que la qualité de ses conseils,

Madame Claudine Lafarge, directrice de la direction de la citoyenneté, de la réglementation et


des collectivités locales, pour la première impression qu’elle m’a donnée de la préfecture, pour
ses conseils, ainsi que pour son aide dans la recherche du sujet de mon mémoire,

Monsieur Stéphane Vavassori, chef de bureau, pour son accueil qui m’a permis de m’habituer
et de m’intégrer rapidement sur le lieu de mon stage et pour son caractère calme, m’ayant
permis de m’essayer à des tâches que je ne connaissais pas et de m’améliorer,

Mes collègues ensuite, messieurs Philippe Juge et Stéphane Boucheron pour leur serviabilité,
leur patience et leur pédagogie, toujours prêts à m’expliquer certaines technicités du droit et à
combler mes lacunes,

Mesdames Elizabeth Azinheira et Manon Beaudet, pour leur présence sans laquelle je me
serais probablement senti seul au vu de la disposition des locaux de travail, pour leur
gentillesse et leur assistance,

Messieurs Marc Clicoteaux et Fabien Trostiansky pour leur humour rendant le cadre de travail
aussi agréable qu’il puisse l’être, et pour la solidarité dont ils ont fait preuve à mon égard,

Mesdames Violaine Diaz, Martine Baffet et Ema Achikhoussen pour la bonté avec laquelle
elles m’ont reçu puis traité tout au long de mon stage, m’ayant permis de me sentir plus
confiant et bien entouré.

Enfin, je remercie l’ensemble des agents de la préfecture pour leur accueil chaleureux et la
serviabilité dont ils ont fait preuve à chaque moment.

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Bilan du stage en termes d’inconvénients et d’avantages

Inconvénients :

- Un droit des étrangers multi source et très complexe à manier de prime abord,

- Plusieurs soucis informatiques,

- Un bureau et des locaux plutôt anciens, mal insonorisés,

- L’ergonomie de la ville de Tulle, la complexité de son réseau routier, et la rareté des


parkings gratuits, problématique pour un étudiant de passage.

Avantages :

- La qualité technique de l’accueil fourni, avec toutes les informations nécessaires au


travail sur le poste informatique, ou la communication avec les autres agents / services,

- Les qualités techniques et humaines de tous les agents, permettant de prendre des
marques et de permettre une entraide simple et efficace,

- L’ambiance de travail,

- La proximité et le management des supérieurs hiérarchiques avec les agents,

- La proximité du Restaurant Inter-Administratif, permettant de se nourrir à un prix très


avantageux.

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Droits d’auteurs

Cette création est mise à disposition selon le Contrat :


« Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de modification 3.0 France »
disponible en ligne : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

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Abréviations – ordre alphabétique

ADRI : Agence pour le développement des relations interculturelles

ANAEM : Organisation nationale pour l'accueil des étrangers immigrés

CAI : Convention d'accueil et d'intégration

CCRV : Commission de recours en cas de refus de visa

CESEDA : Code de l’entrée au séjour des étrangers et du droit d’asile

DSQ : Développement social des quartiers

HCI : Haut Conseil à l’Intégration

IRTF : Interdiction de retour sur le territoire français

JLD : Juge des Libertés et de la Détention

OMI : Autorité des migrations internationales

OQTF : Obligation de quitter le territoire

PISA : Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves

PACA : Provence Alpes Côtes d’Azur

RAEC : Régime d’asile européen commun

SSAE : Service d'accompagnement et d'aide sociale à l'immigration

UE : Union Européenne

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Table des matières

INTRODUCTION ................................................................................................................... 8
§ 1 - La France, terre d'accueil (1914-1975) ................................................................... 8
§ 2 - La fin des Trente Glorieuses : l'amorce d'une crise de l'immigration ....................... 9
a) Une diversification géographique des flux ...........................................................10
b) La question de l'intégration .................................................................................10
c) La problématique de l’accueil, l’intégration et le contrôle des flux .......................11
Chapitre 1 - LE DROIT AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS : UN CONTENTIEUX COMPLEXE
SOUMIS A DE MULTIPLES CONTRÔLES ..........................................................................13
Section 1 - Le droit au séjour des étrangers : un droit complexe provenant d’une multitude
de sources ........................................................................................................................13
§ 1 - Les sources nationales ..........................................................................................13
§ 2 - Les sources provenant du droit international .........................................................14
§ 3 - Les sources provenant du droit européen .............................................................15
§ 4 - Les accords bilatéraux ..........................................................................................16
Section 2 - Un contentieux impliquant l’intervention d’une multitude d’acteurs et protégeant
les droits des étrangers à plusieurs égards .......................................................................17
§ 1 - La délivrance de visas pour entrer en France : un large pouvoir d’appréciation des
autorités consulaires de plus en plus encadré ...............................................................18
§ 2 - Le rôle des services préfectoraux ..........................................................................19
§ 3 - Le juge administratif et le droit des étrangers (séjour, éloignement, expulsion) .....20
a) L’octroi de titres de séjour : un contrôle du juge prenant pleinement en compte les
exigences du droit européen ......................................................................................20
b) Les mesures d’éloignement du territoire français : une mesure de droit commun
prononcée sous le contrôle du juge ...........................................................................22
c) L’expulsion : un contrôle restreint assorti de règles de procédure et de fond
renforcées..................................................................................................................23
§ 4 - Le rôle du Juge des Libertés et de la Détention .....................................................24
Chapitre 2 - LA PROBLÉMATIQUE FRANÇAISE DE LA GESTION DE L’IMMIGRATION : LA
QUESTION DE L’INTÉGRATION .........................................................................................27
Section 1 - Constat et enjeux de l’intégration de l’immigration ..........................................27
§ 1 - Propos liminaires sur l’intégration ..........................................................................27
a) Politiques d’intégration et intégration ..................................................................27
b) L’intégration de la "démocratie providentielle" .....................................................29
§ 2 - Constats et problématiques relatifs à l’immigration ................................................31
a) Prise de conscience et études sur le sujet ..........................................................31
b) Une immigration très concentrée ........................................................................31
c) La politique de la ville .........................................................................................32
d) Une surexposition aux risques sociaux ...............................................................33
e) Une logique de « ghetto » ...................................................................................34
Section 2 - Prospectif et solutions à une intégration posant problème ..............................35
§ 1 - Des obstacles au processus d’intégration .............................................................35
a) La violence dans les quartiers regroupant les étrangers .....................................35
b) Les droit des femmes à l’épreuve des particularismes ........................................36
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c) Mariages forcés, polygamie, mutilations sexuelles : des situations numériquement
limitées mais intolérables ...........................................................................................37
§ 2 - Des obstacles au processus d’intégration qu’il convient de surmonter ..................38
a) La rénovation urbaine .........................................................................................38
b) Relever les défis de l'intégration scolaire ............................................................40
c) Des comportements culturels inconciliables avec la République à résoudre .......42
§ 3 - Vers un rôle tenu par l’Etat national assumé devant déboucher sur de nouveaux
modes de gestion du séjour des étrangers ....................................................................45
a) L’acceptation du rôle et de la responsabilité de l’Etat français ............................45
b) Vers une gestion mutuelle du droit au séjour des étrangers : la montée en
puissance de l’Union Européenne..............................................................................46
CONCLUSION .....................................................................................................................50
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................52

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INTRODUCTION

La France a été au XXe siècle une terre d’accueil propice à l’arrivée d’une population étrangère
émigrée (§1), phénomène qui s’est ensuite effrité à la fin des Trente Glorieuses pour amorcer
une crise de l’immigration qui perdure jusqu’à nos jours (§2).

§ 1 - La France, terre d'accueil (1914-1975)

On explique dès le début du XXe siècle que l'évolution démographique en France stagne :
après la guerre, les campagnes comme les villes manquent de bras. Le besoin de jeunes
ouvriers est en effet évident dans les années 1920, après la guerre, car le pays perd près de
10 % de sa population active dans le secteur agricole et près de 9 % dans le secteur industriel.
Cependant, les besoins liés à la reconstruction et à la croissance post-guerre sont multiples
et vont permettre de changer la donne.

Pour répondre à ces besoins, les entrepreneurs s'appuient sur des centres de recrutement tels
que la SGI, Société Générale d'Immigration. Mais à partir de 1914, l'Etat est le premier à
recruter des travailleurs étrangers.

Pour des raisons relatives au maintien de l'ordre public, dès la fin du xix e siècle, les étrangers
cherchant à s'installer en France furent soumis à l’obligation de déclarer à la mairie de leur
résidence leur identité et leur nationalité (selon un décret de 1888). Il leur était donné un
récépissé valable devant les autorités, leur permettant de posséder un certificat
d'immatriculation pour exercer toute profession industrielle ou commerciale. La Première
Guerre mondiale entraîna plusieurs restrictions des contrôles, comme la prise d’un décret du
21 avril 1917 créant une carte d'identité obligatoire payante pour tous les étrangers âgés de
plus de quinze ans résidant depuis plus de quinze jours, valable pendant trois ans.

Plus tard, l'ordonnance du 2 novembre 1945 a distingué précisément les cartes de séjour en
trois catégories : les « temporaires », les « ordinaires » et les « privilégiées » et les cartes de
travail « commerçant », « salarié » ou « agricole », nécessaires à tout étranger séjournant au-
delà de trois mois sur le territoire français.

La période de croissance des Trente Glorieuses au début des années 70 explique le début
d'un nouveau cycle d'arrivées. En 1975, la demande de main-d'œuvre a porté les arrivées à
3,4 millions. Les raisons de l'immigration sont aussi politiques. Dans l'héritage de la Révolution,
la France représente un refuge pour les victimes de la dictature.

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De plus, certains contextes politiques jouent sur ces arrivées. Les exilés politiques furent tour
à tour des Arméniens fuyant le génocide de 1915 en Turquie, des Italiens fuyant le fascisme,
ou des Allemands fuyant le nazisme. Dans le contexte de la guerre froide, à partir de 1947, la
France accepte également les exilés des pays communistes. Au début de ce siècle, les
immigrants venaient donc principalement des pays voisins.

Les années 1960 constituent un tournant important, car les sources de recrutement de main
d’œuvre étrangère se sont diversifiées. Les sources européennes existent toujours,
notamment en provenance de pays méditerranéens comme l'Espagne et le Portugal, mais
l'immigration maghrébine explose. Celle-ci s'est accélérée avec la décolonisation et les liens
privilégiés établis entre les anciennes colonies et les anciennes métropoles. Cela explique que
es Marocains, les Tunisiens et les Algériens sont venus en grand nombre après la guerre
(1954-1962).

Cependant, même si le pays a été ouvert aux flux de migrants, il faut souligner certaines
périodes de ralentissement de l'immigration. Ainsi, la crise économique des années 1930
contraint l'État à limiter le nombre de personnes entrant sur le territoire et une loi de 1932
établit des quotas professionnels. En 1934, la possibilité de renouveler les cartes d'identité est
limitée, ce qui rend l’immigration plus difficile. Le milieu des années 1930, frappé par la crise,
est marqué par le retour de la xénophobie et de la haine des étrangers.

En 1936, le nombre d'étrangers sur le territoire national a diminué de 20 %. Pendant la guerre,


l'occupation a servi à arrêter le flux de migrants. Le régime de Vichy a mené une politique de
retrait de l’immigration du territoire : selon la loi du 27 septembre 1940, les étrangers sont
soumis à une surveillance stricte. Ils ne jouissent plus du droit de circuler librement sur le
territoire et ne peuvent bénéficier de la législation du travail. Enfin, la loi du 4 octobre 1940
visait les « étrangers de race juive ». Cette loi antisémite autorise leur internement dans des
camps distincts par décision préfectorale.

§ 2 - La fin des Trente Glorieuses : l'amorce d'une crise de l'immigration

En 1975 du fait des effets du premier choc pétrolier et de l'éclatement de la crise, la France
adopte une politique plus stricte de contrôle des flux d'immigrés. L'augmentation progressive
du chômage rend également plus difficile l'intégration des groupes de population issus de
l'immigration. A partir de juillet 1975 les autorités décident de suspendre l'immigration de
travailleurs. À partir de ce moment-là, la main-d'œuvre étrangère sera considérablement
réduite. Entre 1975 et 1982, la proportion d'étrangers dans l'emploi est passée de 7,2 % à

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6,6%. Le mandat de sept ans de Valérie Giscard d’Estaing (1974-1981) a montré qu'il y avait
un contrôle plus systématique sur l'entrée sur son territoire et son lieu de résidence.

Durant cette période, le retour volontaire dans le pays d'origine est également encouragé. En
1977, un remboursement de 10 000 euros est accordé. Il s'agit de « Million Stoléru » du nom
du secrétaire d'État du ministre du Travail qui en est à l’origine. Seuls les étrangers concernés
par le regroupement familial et les réfugiés politiques ont le droit de s'installer. Plus tard, la
crise et le chômage rendront impossible le recours à des immigrés de masse. Néanmoins, le
vieillissement de la population et les besoins de main-d'œuvre dans certains secteurs
(bâtiments, services publics, hôtellerie) ont conduit les institutions publiques à s'appuyer sur
une immigration contrôlée.

Les années 1980 et le premier septennat de François Mitterrand marquent un retour à


l'assouplissement de la loi. En 1982, le nombre d'étrangers atteignait 3,6 millions. Cependant,
cet assouplissement a été remplacé par une série de lois plus restrictives qui ont commencé
dans les années 1990. Celles-ci montrent également les relations difficiles que le pays
entretient actuellement avec les immigrés. Ainsi, la loi sur la nationalité a été adoptée en 1993
imposant que les enfants nés de parents étrangers en France doivent demander leur
naturalisation entre 16 et 21 ans.

a) Une diversification géographique des flux


Le continent africain s'est imposé comme un important pourvoyeur d'étrangers à la fin du
siècle. Ces nationalités se diversifient et dépassent le simple cadre d'un empire colonial. C'est
le cas du Zaïre, du Ghana ou de l'Angola.

L'Asie contribue également à l'élargissement du périmètre géographique. C'est le seul


continent d’où la proportion d’immigrés n'a cessé d'augmenter depuis 1990.

Actuellement, plus de 100 nationalités vivent en France, mais la proportion d'étrangers est
toujours plus faible qu'en 1982. Plus récemment, ce sont les évènements au Moyen-Orient qui
ont amorcé l’émigration de millions d’individus.

b) La question de l'intégration
Essentiel pour elle au début du XXe siècle, la France est identifiée comme l'un des principaux
pays d'accueil des immigrés. La stagnation démographique et les besoins économiques
soutiennent principalement les arrivées d'Europe et du Maghreb. La fin des 30 glorieuses a
changé cette situation. Les politiques d'ouverture deviennent plus restrictives sans épuiser
complètement le volume de migrants, et leurs sources se diversifient. Cependant, l'intégration
dans cette situation difficile reste inachevée.

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Les crises économiques successives depuis le début du XXe siècle ont placé le pouvoir
d'achat, l'emploi et parallèlement l'immigration au centre de l'intérêt et du débat publics.

Depuis 1974, en réponse à la crise économique, la suspension des mouvements de main-


d'œuvre a entraîné une diminution des immigrés. Toutefois, les étrangers résidant sur le
territoire français peuvent faire venir leur famille au nom du droit de « vivre avec leur famille ».
Ces immigrés ne sont plus seulement des travailleurs, ils sont des résidents de la ville. De
nouvelles mesures sont prises pour répondre aux besoins de cette population qui a choisi de
rester en France.

Le droit des étrangers possède des origines dans la société française. Créé en 1984, un titre
de séjour et de travail uniforme sans restriction spatiale ni professionnelle garantit la sécurité
du séjour des migrants et leur donne ainsi la liberté d'établissement et de circulation,
notamment dans la recherche d'un emploi ou d'un logement. Le début des années 1980 est
aussi une période où les jeunes immigrés s'imposent dans le paysage urbain, revendiquent
leur appartenance à la société française et la reconnaissance de leurs droits de citoyens. Des
manifestations de grande envergure sont organisées comme la « Marche contre l'égalité et le
racisme » (dite « Marche des beurs ») en 1983 et « Convergence pour l'égalité » en 1984.

L’intégration devient un sujet primordial, la diffusion des droits électoraux du 10 avril 1991
rappelant par exemple la volonté du gouvernement de faire de l'intégration des populations
étrangères un élément important de la politique de la ville (accueil des populations étrangères
dans la fonction publique, dans les commissions non territoriales, vote pour les élections
locales…).

c) La problématique de l’accueil, l’intégration et le contrôle des flux


Au milieu des années 2000, la politique d'accueil devient un pilier de la politique intégrée. En
avril 2003, le comité des ministères intégrés a proposé un programme de 55 mesures, et un
contrat intégré pour les nouveaux entrants a été prévu comme mesure principale.

Créée en avril 2005, l'Organisation nationale pour l'accueil des étrangers immigrés (ANAEM)
remplace l'Autorité des migrations internationales (OMI) et le Service d'accompagnement et
d'aide sociale à l'immigration (SSAE). Il est un organisme d'accueil des nouveaux arrivants qui
deviendra un acteur majeur dans le domaine.

La loi du 24 juillet 2006 oblige tout nouvel arrivant à signer la convention d'accueil et
d'intégration (CAI) à compter du 1er janvier 2007. La Convention exige des formations
publiques sur le système français et les valeurs de la République (notamment la laïcité et
l'égalité entre les hommes et les femmes), des cours de langue et l'évaluation des
compétences professionnelles.
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Une loi de novembre 2007 crée un contrat d'accueil et d'intégration pour la famille. Cela
nécessite notamment que les parents veillent à la bonne intégration des enfants primo-
arrivants en France. En 2009, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été
créé, en tant qu’opérateur unique de la Direction générale des étrangers, il reprendra alors les
fonctions de l'ANAEM et du SSAE.

Enfin, selon un rapport de février 2018 du sous-secrétaire d'État Aurélien Taché sur les
politiques d'intégration des étrangers arrivant en France 1, le seul dispositif qui favorise
spécifiquement l'intégration des étrangers en France, à savoir le CIR, n'est pas suffisant. "Il
est temps de poursuivre la vraie politique publique d'intégration ambitieuse et exigeante", a-t-
il déclaré. Elle vise une approche globale de tous les modes d'intégration (langue, emploi,
logement, droits sociaux) permettant des parcours fluides. La prise en charge de l’immigration
en France reste donc le serpent de mer de nos politiques publiques.

Après avoir effectué ces quelques rappels historiques, il convient d’étudier plus en avant le
contentieux du séjour des étrangers en France avec ses tenants et ses aboutissants.

En effet, le contentieux du droit au séjour des étrangers est un contentieux complexe,


provenant d’une multitude de sources et impliquant l’intervention d’une grande variété
d’acteurs (Chapitre 1). Ce contentieux de masse veille à réglementer le séjour plus ou moins
long des étrangers en France, mais force est de constater qu’une vraie problématique s’est
nouée autour de la gestion de l’immigration en France : c’est la question de l’intégration
(Chapitre 2).

1 Aurélien Taché, Rapport « 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers », 20
février 2018
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Chapitre 1 - LE DROIT AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS : UN CONTENTIEUX
COMPLEXE SOUMIS A DE MULTIPLES CONTRÔLES

Le droit au séjour des étrangers est un droit complexe provenant d’une multitude de sources,
textuelles ou jurisprudentielles (Section 1), génère un contentieux impliquant l’intervention de
nombreux acteurs et fait l’objet de protections à plusieurs égards (Section 2).

Section 1 - Le droit au séjour des étrangers : un droit complexe provenant d’une


multitude de sources

Le droit des étrangers, et particulièrement le droit au séjour, trouve sa source dans de


nombreuses ramifications du droit et ce à plusieurs échelles, que ce soit des sources
provenant du droit interne national (§1), du droit international (§2), plus particulièrement du
droit européen ayant connu un fort développement récent (§3), ou encore de conventions
bilatérales spécifiques pouvant exclure l’application de toutes les autres sources (§4).

§ 1 - Les sources nationales

Les sources du droit interne sont nombreuses et diverses.

C'est tout d'abord l'article 11 du code civil concernant la jouissance des droits civils et privés
par les ressortissants étrangers, qui dispose que l'étranger jouira en France des mêmes droits
civils que ceux qui sont accordés aux Français par la nation à laquelle cet étranger appartient.

De plus, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après dénommé
CESEDA), fût institué par l'ordonnance du 24 novembre 2004, à l'initiative du ministre de
l'Intérieur de l’époque Dominique de Villepin et du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. Il
modernise les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France ainsi que des dispositions concernant le droit
d’asile de la loi du 25 juillet 1952. La partie législative est entrée en vigueur le 1er mars 2005,
la partie réglementaire en novembre 2006.

En effet, l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui avait posé la base concernant l'entrée et le
séjour des étrangers en France était devenue obsolète, et n’avait pas fait l’objet de
recodifications. Elle avait à la place subi plusieurs empilements successifs la rendant
complexe, peu lisible, et donc très maladroitement mise en œuvre.

De nouvelles recodifications sont entrées en vigueur par la loi du 7 mars 2016 puis le 1er mai
2021. Ces nouvelles modifications ont été mises en œuvre dans des objectifs toujours affichés

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de rendre le droit des étrangers plus lisible, de mettre un terme à la précarisation du séjour
des personnes étrangères en respectant leurs droits fondamentaux, tout en garantissant
l’efficacité et l’effectivité des procédures concernant le droit au séjour concernant l’entré ou la
sortie des étrangers.

La jurisprudence est également une source importante du droit des étrangers. Ainsi, la
jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État ont permis de vraies avancées
concernant la protection de leurs droits. Le Conseil constitutionnel par exemple a joué un
certain rôle dans l’élaboration d’un véritable statut des étrangers en reconnaissant les
principes suivants : les étrangers, qui ne sont pas forcément placés dans la même situation
que les nationaux doivent être distingués pour le bénéfice de certains droits entre ceux en
situation irrégulière et ceux qui ne le sont pas, tout en respectant le principe d'égalité devant
la loi (même traitement si même situation). De plus, certaines réponses à des questions
prioritaires de constitutionnalité ont pu conduire à écarter la condition de la nationalité en se
basant sur le principe d'égalité (DC 2010-1 QPC et DC 2010-18 QPC).

La jurisprudence administrative a permis quant à elle d’assurer aux étrangers un socle de


garanties et de protection minimal en s'efforçant de limiter leur précarité. Cette jurisprudence
principalement relative aux prestations sociales et au séjour de l'étranger fait une application
répétitive du principe d'égalité en écartant les conditions de nationalité (CE24 janvier 2007,
GISTI, no 243975 , AJDA 2007. 653 et CE 31 mai 2006, no 35).

§ 2 - Les sources provenant du droit international

Le droit international public a reconnu aux États la compétence de réglementer la condition


des étrangers présents sur leur territoire. La limite à cette compétence consistait
traditionnellement dans l'exercice de la protection du personnel diplomatique. Pour les autres
situations, les prescriptions du droit international public sont souvent demeurées assez floues
en se bornant à exiger de chaque État le respect de la personne et des biens de l'étranger sur
son territoire.

La pleine et entière compétence de l'État en matière d'entrée et de séjour des étrangers sur
son territoire a toujours été admise par la coutume internationale. Il était admis que l'étranger
en situation régulière devait bénéficier d’une protection minimale, appelé par la notion de
« standard minimum ».

Ce standard peut alors se constituer de deux composantes encore applicables aujourd’hui, à


savoir le droit à un traitement juste et équitable (lié à la prohibition des discriminations) et le

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droit à la sécurité et à la protection totale 2. De plus, les sources internationales concernant la
condition des étrangers se sont diversifiées avec l'essor de la mondialisation, des migrations,
et l’émergence des droits de l'homme qui amène à reconsidérer la distinction entre les
« nationaux » et les « étrangers ».

Ainsi la ratification par la France de la Convention européenne de sauvegarde des droits de


l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 en 1974 et de certains de ses
Protocoles, suivie de l'acceptation du droit de recours individuel devant la Commission par
décret du 9 octobre 1981, de l'entrée en vigueur de la Charte sociale européenne du
18 octobre 1961 en 1974 et surtout des deux Pactes des Nations unies du 19 décembre 1966,
contribuent à faire des règles internationales une source importante de la situation des
étrangers. La mise en œuvre de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du
26 janvier 1990 a encore amplifié ce mouvement.

§ 3 - Les sources provenant du droit européen

Le droit de l'Union européenne tient une place particulière parmi les autres sources du droit. Il
énonce, entre autres, un principe général de non-discrimination en raison de la nationalité. Les
exemples d'application de ce principe sont divers et variés (CJCE 20 mars 1997, Hayes, affaire
C-323/95 ou CJCE 2 oct. 1997, Saldanha, affaire n° C-122/96).

En effet, l'interdiction de la discrimination en raison de la nationalité est selon la Cour de justice


de l’Union européenne une expression propre du principe général d'égalité (posé par la
décision CJCE 19 mars 2002, Commission c/ Italie, affaire n°C-224/00).

Ce principe de non-discrimination défend non seulement les discriminations dites directes,


fondées sur la nationalité, mais encore toutes les formes indirectes de discrimination qui
aboutissent au même résultat par l’application d'autres critères de distinction (not.
CJCE,18 juillet 2007, Hartmann, affaire n°C-212/05). Les citoyens européens bénéficient en
conséquence d'un statut particulier.

Dans certains cas, l'égalité de traitement bénéficie aussi de manière indirecte à la famille des
ressortissants de l'Union européenne, quelle que soit leur nationalité (Directive no 2004/38/CE
du 29 avr. 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de
circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, JOUE, no L 158). De

2 Dominique CARREAU, « Répertoire de droit international » - Chapitre 2, 2010

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plus, le principe d'égalité doit potentiellement bénéficier à toutes les personnes résidant
régulièrement sur le territoire de l'Union européenne, ce qui a été affirmé au Conseil européen
de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, indiquant que tout ressortissant de pays tiers résidant
fermement dans un État membre devrait se voit reconnaître un ensemble de droits homogènes
aussi proches que possible de ceux qui sont reconnus aux citoyens de l'Union européenne 3.

En outre, la directive n°2003/109/CE du 25 novembre 2003 (JOUE, 23 janv. 2004) relative aux
ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (c'est-à-dire ceux qui ont résidé de
manière légale et ininterrompue sur le territoire pendant les cinq années), pose dans son article
11 un principe d'égalité de traitement entre ces résidents de longue durée et les nationaux
dans différents domaines.

De surcroît, l'accord créant l'Espace économique européen signé en 1992 et entré en vigueur
le 1er janvier 1994 interdit de manière identique les discriminations fondées sur la nationalité,
que ce soit pour la résidence ou l'accès à l'emploi des travailleurs ; il affirme la libre prestation
des services et le droit d'établissement pour les travailleurs indépendants et les sociétés tout
en facilitant l'exercice de ces libertés en particulier grâce à la reconnaissance mutuelle des
qualifications.

Enfin, l'Union européenne mène une politique de lutte contre les discriminations qui a conduit
à l'adoption de nombreuses dispositions dans des domaines plus variés que le seul droit des
étrangers.

§ 4 - Les accords bilatéraux

Si les conventions internationales sur les droits de l'homme sont devenues une source
importante du droit des étrangers, c'est traditionnellement d'abord par le biais des traités
bilatéraux que les étrangers se sont vu reconnaître des droits. La plupart de ces traités sont
anciens et découlent de la décolonisation française. Aussi, toutes les fois que se pose une
question de condition des étrangers , il faut savoir si c'est le droit commun, c’est-à-dire le
droit interne français (comme le CESEDA) qui s’applique ou si l’étranger peut se prévaloir
d'une convention bilatérale passée entre la France et le pays dont il possède la nationalité.

Il y a donc à côté des étrangers, qu'on peut appeler étrangers standards, des étrangers
privilégiés, dont la situation est améliorée par des traités. Il est à noter que les réfugiés et les

3 Conseil européen de Tampere, point 21, 15 et 16 octobre 1999


http://ue.eu.int/ueDocs/cmsData/docs/pressData/fr/ec/ 00200-r1.f9htm

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apatrides font également l'objet de règles singulières, du fait de leur situation particulière dues
aux raisons de leur émigration, si tant est que le statut de réfugié ou d’apatride leur soit délivré
par l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA).

Ainsi, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit la circulation, le séjour et le travail


des Algériens en France de manière complète. Ils relèvent ainsi d'un régime spécifique. Le
droit commun ne leur est donc pas appliqué, à l'exception des dispositions de procédure. De
plus, l'accord prévoit également les règles concernant la validité des titres de séjours
spécifiques qui leur sont délivrés. Ces titres de séjour portent le nom de « certificats de
résidence » et sont valables pour an soit ou dix ans.

Concernant les ressortissants tunisiens, leur droit au séjour comporte des spécificités par
rapport au droit commun prévues par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié par le
protocole relatif à la gestion unie de l’immigration, signé à Tunis le 28 avril 2008. L'accord
renvoie donc au droit commun pour tous les points dont il ne traite pas

Enfin, l’accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régit exclusivement la situation des


Marocains sollicitant une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » , et d’autres
traités bilatéraux ont été passés avec des pays d’Afrique subsaharienne comme le Niger, le
Congo, ou le Cameroun.

Le droit des étrangers, qui comporte le droit au séjour, comporte donc une grande variété de
sources, le rendant très complexe à mettre en œuvre. Mais la complexité de ce droit touche
également les acteurs de son contentieux, du fait de la diversité des droits mis en cause
(Section 2).

Section 2 - Un contentieux impliquant l’intervention d’une multitude d’acteurs et


protégeant les droits des étrangers à plusieurs égards

La délivrance des visas pour entrer en France relève d’un large pouvoir d’appréciation des
autorités consulaires même s’il est de plus en plus encadré (§1). Les services préfectoraux
tiennent un rôle clé dans le droit au séjour des étrangers (§2), dont le juge administratif détient
le contrôle, que ce soit pour les décisions préfectorales tenant au séjour, à l’éloignement ou à
l’expulsion (§3). Enfin, le juge des Libertés et de la Détention exerce un contrôle tenant aux
actes restreignant les libertés individuelles des individus (§4).

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§ 1 - La délivrance de visas pour entrer en France : un large pouvoir d’appréciation
des autorités consulaires de plus en plus encadré

En règle générale et conformément aux traités internationaux, les étrangers ont besoin d'un
visa pour entrer de manière régulière sur le territoire français (CESEDA L.211-1).

Il existe trois catégories de visas délivrés par le consulat : les visas de transit aéroportuaire de
moins de 5 jours, les visas de court séjour de moins de 3 mois par semestre et les visas de
longue durée. La délivrance de visas dans les deux premières catégories est soumise aux
dispositions du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, qui établit
un code communautaire des visas, mais pour les séjours de longue durée.

Les visas de court séjour sont surtout destinés aux étrangers qui souhaitent voyager moins de
trois mois, déplacements professionnels, visites familiales, stages et formations de courte
durée. En particulier, les conjoints, les étudiants, les stagiaires, les chercheurs scientifiques,
les travailleurs avec un contrat de travail d'un an ou plus et les visiteurs indépendants en
France peuvent bénéficier de visas de long séjour.

En cas de refus de délivrance par les autorités consulaires, selon les articles 211-5 à CESEDA
211-9, un recours pré-administratif obligatoire est d'abord introduit devant la Commission de
recours en cas de refus de visa (CRRV). Si cette commission confirme le refus, le demandeur
peut saisir le tribunal administratif.

Depuis le 1er avril 2010, le Tribunal Administratif de Nantes n'est plus le Conseil d'Etat et est
compétent pour connaître de tous les litiges relatifs à la décision de la Commission. Vous
pouvez saisir la Cour administrative d'appel de Nantes puis déposer une plainte auprès de la
Cour de cassation. Celle-ci reconnaît depuis longtemps le large pouvoir d'appréciation de la
diplomatie et des consulats dans la délivrance des visas (CE, 28 février 1986, Y, n° 41550,
coll.). Dans ce cas, le contrôle d'excès de pouvoir du juge se limite au contrôle des erreurs
manifestes d'appréciation (CE, 22 avril 1992, X, n. 118336, tableau à cet égard). Cependant,
le périmètre de cette gestion tend à s'élargir.

Dès lors, un juge sur-habilité aura un contrôle normal sur les appréciations faites par
l'administration si le visa est refusé en raison du manque d'éligibilité et d'expérience
professionnelle du demandeur dans le poste proposé. (CE Affaire n°335170, publié au recueil).

Afin d'harmoniser le pouvoir administratif avec la liberté individuelle, le Conseil d'Etat examine
également si une telle décision porterait indûment atteinte au droit à une vie familiale normale
tel qu'énoncé à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Liberté
fondamentale (CE, 10 avril 1992, X, n° 75006, au recueil ; CE, 17 décembre 1997, Préfet de
l’Isère c/ Y, n° 171201, au recueil).
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La délivrance des visas est également plus stricte pour les familles de réfugiés. Récemment,
les autorités consulaires ont décidé que les visas pour les conjoints et les enfants mineurs de
réfugiés légaux qui ont demandé une vie de famille normale ne peuvent être refusés que s’ils
portent atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs (CE, 3 février 2012, ministre de l'Intérieur,
Outre-mer, direction des Collectivités territoriales et de l'Immigration, n° 353952, dans le
Recueil). A l'inverse, le refus de visa à un conjoint a été jugé légal s'il amenait un étranger
vivant en France à une situation de polygamie (CE, 16 avril 2010, A, recueil).

§ 2 - Le rôle des services préfectoraux

Les services préfectoraux ont pour rôle de traiter les demandes de titre de séjour des
ressortissants étrangers. Après un examen approfondi du dossier de l’étranger, le Préfet peut
donner une suite positive à la demande de titre, où il s’ensuivra une prise de rendez-vous, une
remise de récépissé, puis une remise de titre. Si la demande de titre de séjour se voit refusée,
l’étranger pourra se voir soumis à une obligation de quitter le territoire.

En effet, le Préfet peut prendre une décision portant obligation de quitter le territoire pour
plusieurs raisons, listées à l’article 611-4 du CESEDA telles que suit :

« L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se


trouve dans les cas suivants :
1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est
maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;

2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant
pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu
sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans
demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ;

3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de


séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de
l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces
documents ;

4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été


définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire
français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire

de l'un des documents mentionnés au 3° ;

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5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de
trois mois constitue une menace pour l'ordre public ;

6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu
les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. Lorsque, dans le cas prévu à l'article
L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter
le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4°» 4.

Le délai de départ volontaire de droit commun laissé à la personne soumise à une OQTF est
de 30 jours.

Cependant, selon le comportement de la personne soumise à une OQTF, celle-ci pourra se


voir soumettre l’obligation de quitter le territoire sans délai par le préfet. En effet l’article L 612-
2 premièrement dispose que « si le comportement de l’étranger constitue une menace grave
pour l'ordre public, l'autorité administrative peut décider par décision motivée qu’il est obligé
de quitter sans délai le territoire français ».

De surcroît, si la personne devant quitter le territoire français représente une menace grave
pour l’ordre public, une mesure d’interdiction de retour sur le territoire peut être prononcée en
vertu de l’article L. 612-6 du CESEDA, qui mentionne qu’une interdiction de retour est
prononcée pour une durée allant jusqu’à 3 ans à l’encontre de l’étranger obligé de quitter sans
délai le territoire français.

Enfin, selon l’article L. 741-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
le Préfet peut placer en rétention administrative un étranger faisant l’objet d’une OQTF, IRTF,
d’une expulsion, sous plusieurs conditions cumulatives à savoir si celui-ci ne présente pas de
garanties de représentation effectives, de risque de se soustraire à l’obligation de quitter le
territoire. Ce placement ne pourra pas excéder la durée de quarante-huit heures, et ne pourra
être prolongé (par tranches de trente jours) que par une ordonnance motivée du Juge des
Libertés et de la Détention (JLD).

§ 3 - Le juge administratif et le droit des étrangers (séjour, éloignement, expulsion)

a) L’octroi de titres de séjour : un contrôle du juge prenant pleinement en compte


les exigences du droit européen
Après un séjour de 3 mois sur le territoire français, les étrangers sont tenus d'obtenir une carte
de séjour (L. 311-1 CESEDA). Il s'agit principalement d'une carte de séjour temporaire (L. 313-

4 Site internet Légifrance

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1 du CESEDA) valable un an et renouvelable ou d'une carte de séjour valable 10 ans et
renouvelable tacitement (L. 313-1 CESEDA) sauf exceptions.

Dans le cas d'une carte temporaire, cette carte de séjour temporaire comprend les « visiteurs»
(L. 313-6), les « étudiants » (L. 313-7), les « scientifiques » (L. 313-8), les «artistes et
professions » (L. 313-9), « Vie privée et familiale » (L. 313-9). 313-11) ou ils sont autorisés à
exercer des activités professionnelles (L.313-10). Il peut également s'agir d'une carte de séjour
valable 10 ans et renouvelable par tacite reconduction. Le Conseil d'Etat a longtemps cru que
les étrangers avaient le droit de demander le séjour et l'accès au travail, et que cette demande
devait faire l'objet d'une appréciation individuelle (CE, 24 février 1982, Ministre de l'Intérieur
c/X, n° 25289, dans le recueil).

Les juges de droit administratif ont également progressivement élargi leur contrôle dans ce
domaine et procèdent désormais à des contrôles réguliers, notamment pour déterminer si la
présence d'étrangers en France constitue une menace pour l'ordre public et les bonnes mœurs
(CE, 2003, n°249183 au recueil).

Aujourd'hui, la principale source de titres de séjour est la réintégration familiale. En effet, par
délibération parlementaire du 8 décembre 1978, le GISTI et les autres personnes mentionnées
dans la Constitution du 4 octobre 1958 sont des familles normales d'étrangers résidant
légalement en France, tels que les nationaux. Par conséquent, les familles des étrangers qui
s'installent en France relèvent des articles L.411-1 à L.441-1 du CESEDA (CE, 28 décembre
2009, Mme A, Mme B, n° 308231, Recueil).

De plus, le Conseil d'État a déclaré que les étrangers qui ne remplissent pas les conditions
dans lesquelles un permis de séjour est refusé par l'application de la loi sont protégés dans la
vie privée et familiale en vertu de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme (CE avril 10, 1992, Y, n° 120573).

Enfin, l'article L.313-11 7° du CESEDA traduit désormais l’exigence que, si l’étrangers ayant
des attaches personnelles et familiales, permettant son séjour se voit refuser son entrée, cela
revient à porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et vie
familiale, compte tenu des motifs du refus porte atteinte au droit de l’étranger au respect de sa
vie familiale, et impliquera de fait la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la
mention de « vie privée et familiale » (CE, 30 novembre 1998, X, n° 188350).

Le juge administratif est donc le garant à bien des égards de la protection des droits des
étrangers.

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b) Les mesures d’éloignement du territoire français : une mesure de droit
commun prononcée sous le contrôle du juge
Depuis l'adoption de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, l'obligation de quitter le territoire
français (OQTF) est une mesure de droit commun d'éloignement des étrangers en séjour
irrégulier ou refusés au séjour.

Conformément aux dispositions de l'article L.511-1, cette mesure vise notamment :

• Les étrangers ne pouvant justifier d'un séjour régulier en France.

• Les étrangers qui séjournent sur le territoire après l'expiration de leur visa sans titre de séjour.

• Les étrangers déjà soumis à l'OQTF non appliquée.

• Les étrangers qui restent sur le territoire même après le refus ou le renouvellement de leur
titre de séjour.

• Étrangers condamnés pour permis de séjour irréguliers.

Les étrangers contraints de quitter le territoire français peuvent saisir le tribunal administratif
dans les conditions prévues à l'article L.512-1 du CESEDA. Si le tribunal est saisi, l'obligation
de quitter son territoire ne peut être exécutée d'office avant qu'elle ne soit prononcée (CESEDA
article L512-3).

S'il dispose d'un délai de 30 jours pour exécuter les mesures d'éloignement qui lui sont
imposées, l'étranger disposera d'un délai de 30 jours pour contester. Après cela, le tribunal
doit rendre une décision dans les trois mois suivants. En revanche, si les parties n'ont pas le
temps de quitter volontairement le pays, elles doivent saisir le tribunal dans les 48 heures. Ce
dernier doit également décider dans les 3 mois.

Cependant, les mesures d'expulsion peuvent conduire à la détention administrative ou à


l'assignation à résidence des étrangers. Dans ce cas, le président du tribunal administratif ou
un juge de paix désigné par lui doit statuer dans les 72 heures sur la légalité du placement ou
de l'assignation à résidence et, le cas échéant, des mesures d'éloignement. Dans tous les cas,
la décision du tribunal administratif peut faire l'objet d'un recours devant la Cour administrative
d'appel et devant le Conseil d'État. Cependant, l'exercice de ces voies de recours n'a pas
d'effet temporaire. L'obligation de quitter le pays peut être exécutée d'office.

Le Conseil d`État a précisé les exigences qui s`imposent à l`autorité administrative lorsqu`elle
prend une mesure de ce type. L’obligation de quitter le territoire français est ainsi une mesure
de police qui doit, comme telle, être motivée en application de l`article 1er de la loi n° 79-587
du 11 juillet 1979, même si la motivation de cette mesure peut se confondre avec celle du

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refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement (CE, 19 octobre 2007,
B et A, n° 306821, au recueil).

Il a également été jugé que le droit d`être entendu, consacré par l`article 41 de la charte des
droits fondamentaux de l`Union européenne, impliquait que l`autorité préfectorale, avant de
prendre à l`encontre d`un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire
français, mette l`intéressé à même de ses observations écrites et lui permette, sur sa
demande, de faire valoir des observations orales. Dans le cas où la décision portant obligation
de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d`un titre de
séjour, le droit d`être entendu n`implique toutefois pas que l`administration ait l`obligation de
mettre l’intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision
l`obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu`il a pu être entendu avant que
n`intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour (CE, 4 juin 2014, M. B, n°
37051)

Le Conseil d'Etat prive les requérants de la possibilité de demander la suspension ou le refus


d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour au titre des articles L. 521-1 et L. 521-1.
Enfin, le Conseil d'Etat a considéré que la procédure dite « des 72 heures » prévue à l'article
L 512-1 III ci-dessus était applicable dans le cadre des décisions visées au présent III.

c) L’expulsion : un contrôle restreint assorti de règles de procédure et de fond


renforcées
L'article L.521-1 du CESEDA dispose que « si un étranger en France constitue une menace
grave pour l'ordre public et les bonnes mœurs, il peut être ordonné son expulsion ».
L'expulsion suit une logique différente des mesures d'expulsion frontalières ci-dessus en ce
sens qu'elle n'entraîne pas d'atteinte au droit de séjour. Son but est de maintenir l'ordre public
et la moralité en expulsant ceux dont les actions passées indiquent une menace future pour
les biens et la sécurité des personnes.

A cette fin, les juges administratifs exercent un contrôle limité sur les motifs de l'arrêté
d'expulsion (CE, 3 février 1975, Ministre de l'Intérieur c.X, n.94108, REC).

Du même point de vue, le juge exécutif exerce un contrôle limité sur la décision refusant
l'exécutif d'annuler l'arrêté d'expulsion (CE, 16 mars 1984, ministre d'État, ministère de
l'Intérieur et ministre de la Décentralisation c./X, n° 48570, recueil).

La seule exception à cette règle concerne les citoyens de l'Union européenne sous le plein
contrôle d'un juge exécutif (CE, 19 novembre 1990, X, numéro 94235, tableau). Selon la
jurisprudence constante, l'arrêté d'expulsion doit être motivé conformément aux dispositions
de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 (CE, 24 juillet 1981, X, n. 31488, Université).

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De même, l'avis de la commission d'exclusion pris en application des dispositions de l'article
L.522-1 et de l'article L. CESEDA 522-2 doit être entièrement déduit. Dans le cas contraire, la
législation issue de la consultation serait illégale (CE, 27 avril 1998, X, n. 165419). Si un
étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement est finalement retenu, il doit se faire
assister d'un avocat et, avec l'aide de son avocat, peut s'exprimer dans des conditions
garantissant la confidentialité (CE, 30 juillet 2003, Ordre des avocats français, n° publié).

A cet égard, on a longtemps supposé qu'un étranger pouvait effectivement invoquer les
dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme à l'appui d'une
conclusion visant à lever son arrêté d'expulsion. Dans ce cas, il appartient au juge de paix
d'opérer un contrôle proportionné entre la gravité de l'atteinte à la vie familiale et la nécessité
du maintien de l'ordre public (CE, 13 mars 1992, X, n. 124255, publié).

Cette mise en balance permanente entre le respect des droits humains des étrangers et la
nécessité de protéger l’ordre public est un processus extrêmement complexe, que le juge
administratif n’est pas le seul à pratiquer.

§ 4 - Le rôle du Juge des Libertés et de la Détention

L’article 33 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a modifié la
répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire en transférant le
contentieux de la rétention des étrangers au juge des libertés et de la détention.

Ce contentieux à caractère administratif est donc transféré au juge judiciaire qui va connaître
tous les aspects de la rétention administrative des étrangers, qui constitue une décision
préfectorale accompagnant une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Comme le
faisait le Juge administratif, le JLD devra donc examiner les moyens de légalité externe
(incompétence, vice de forme et de procédure) ainsi que les moyens de légalité interne (erreur
de fait, erreur de droit, de qualification juridique des faits).

La décision de placement en rétention peut être contestée devant le juge des libertés et de la
détention dans un délai de quarante-huit heures à partir de sa notification. L’article L.512-1
Code de l`entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile indique que la décision de
placement en rétention peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention et ce
dans un délai de quarante-huit heures suivant sa notification.

Par conséquent, le contrôle du JLD comprend la gestion des conditions de détention des
étrangers, des conditions de détention administrative (gestion des diligences administratives
d'éloignement notification des droits et respect du contradictoire).

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Le JLD possède un rôle clé, extrêmement lié à celui du juge administratif, qui contrôle la
légalité d’une multitude d’actes (décision portant obligation de quitter le territoire français et
des possibles décisions assorties, c’est-à-dire la décision interdisant le retour sur le territoire,
refusant d’accorder un délai de départ volontaire, ou encore d’autres décisions telles que
l’arrêté d’expulsion ou la décision de remise selon le règlement de Dublin).

Le juge administratif reste également compétent pour contrôler la légalité de la décision de


maintien en rétention (l’article L556-1 CESEDA). Par exemple, lorsque le requérant, en
rétention administrative a effectué une demande d’asile et que l’on peut estimer objectivement
qu’elle n’a comme seul but de faire échec à la mesure d’éloignement donc il fait objet.

Parallèlement, les étrangers incarcérés peuvent demander l'asile dans les cinq jours suivant
ce placement.

Le contrôle du Juge des Libertés et de la Détention sur cette rétention comprend :

• la gestion des conditions de rétention des étrangers

• la gestion des conditions de rétention administrative (notification des droits, gestion diligente
de l'administration des expulsions)

• la gestion de la légalité du mandat d'arrêt initial (pour tous les moyens de légalité).

Cette extension du contrôle judiciaire n'empêche pas le maintien de l'autorité traditionnelle de


l'exécutif sur tous les autres actes et doit s'effectuer dans le respect du principe constitutionnel
de séparation du pouvoir judiciaire et de l'administration.

Dans l'examen de cette décision, le JLD n'est pas familier des termes purement administratifs
liés à la légalité et à la proportion des mesures de placement, mais des moyens juridiques
externes (mauvaise conduite, vices de procédure) peuvent être pris en compte, tout comme
les moyens concernant la légalité interne (erreur de fait, erreur de droit, erreur de qualification
juridique des faits).

Le législateur maintient clairement la possibilité de saisir directement un juge administratif pour


toutes les actions antérieures à la décision de placement.

Ainsi, le contentieux des étrangers et de leur séjour est un contentieux extrêmement prolifique
et complexe, du fait de l’augmentation de la demande au droit au séjour et de la diversité des
sources du droit des étrangers, au croisement de diverses bases juridiques et
jurisprudentielles, impliquant l’intervention corrélative de multiples acteurs.

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Le droit au séjour est un droit spécifique aux étrangers qui vise à réguler leur entrée, leur
sortie, et surtout leur séjour sur le territoire. Ce contentieux est au service de la cause de
l’immigration, phénomène aussi massif qu’important, et extrêmement intéressant pour l’apport
de richesse culturelle qu’elle apporte avec elle.

Or, le séjour des étrangers pose particulièrement problème en France, en particulier le


phénomène d’intégration qui ne fonctionne pas assez, tout en étant de plus en plus pointé du
doigt par le débat public. Il conviendra donc d’étudier dans un second chapitre la question de
l’intégration de l’immigration (Chapitre 2).

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Chapitre 2 - LA PROBLÉMATIQUE FRANÇAISE DE LA GESTION DE
L’IMMIGRATION : LA QUESTION DE L’INTÉGRATION

Le contentieux du droit au séjour se pose au service de la cause des étrangers eux-mêmes.


Or, la situation des étrangers en France n’est pas idéale, ce qui est notamment dû à leur
intégration incomplète ou mal effectuée dans le pays. Ainsi, il semble nécessaire de dresser
le constat rétrospectif et les enjeux de cette intégration de l’immigration en France (Section
1), avant d’envisager sous un angle plus prospectif les solutions pouvant être données à cette
intégration posant problème (Section 2).

Section 1 - Constat et enjeux de l’intégration de l’immigration

L’intégration de l’immigration est un processus qu’il convient d’introduire (§1) avant de dresser
un constat de sa situation ainsi que de ses problématiques (§2).

§ 1 - Propos liminaires sur l’intégration

Le terme d'intégration est un terme flottant car il possède à la fois une signification politique et
sociologique.

L'intégration est un concept central du Suicide de Durkheim de 1897, et son usage est connu
de tous les sociologues. Il semble donc important de clarifier le sens de ce terme. Lorsqu'il
concerne les immigrés ou leurs descendants, l’intégration a généralement un sens négatif, car
les politiques d'intégration conçues spécifiquement pour eux vont les discriminer et donc les
stigmatiser aux yeux de la population.

a) Politiques d’intégration et intégration


Il faut donc distinguer la politique intégrée (au sens politique, c'est-à-dire l'ensemble des
précautions de détermination et de mise en œuvre des décisions politiques) des faits
sociologiques du processus intégré. Le premier a été adopté par tous les gouvernements
européens.

Au sens sociologique l’intégration est problématique. Elle doit faire l'objet d'un examen critique
et de connaissances tout au long de son étude. Il ne faut pas confondre l'intégration au sens
sociologique avec les prévisions chiffrées ou les conséquences déclarées des politiques
publiques, donnant des progrès par domaine, accompagnés de renversement, d’invention de
modalités, ou de renversement de tendance. Il ne faut donc pas confondre l'intégration au
sens politique avec le processus social sensible que le même terme désigne.
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L’intégration est un phénomène normal pour les populations destinées à s'installer
durablement dans un pays d'immigration. Notamment pour les populations issues des pays
pauvres et peu flexibles, il n'y a qu'une seule politique d'intégration possible.

Les politiques d'intégration sont nécessaires, mais pas spécifiquement le produit d'un choix :
est-il possible d’imaginer lancer une politique d'exclusion ou d'aliénation dans un Etat de droit
comme le nôtre ?

Dans les années 1980 et 1990, le concept de multiculturalisme a fait l'objet d'un débat
enthousiaste, avec des partis prônant la priorité à l'intégration des populations de toutes
origines ou de multiples affiliations culturelles et organisations politiques. La politique
d’intégration vise donc à donner aux immigrés la possibilité de participer à la vie du groupe le
plus équitablement possible.

La politique française de l'époque était opposé aux modèles allemands ou anglais, plus
proches du multiculturalisme.

Après un débat plus ou moins vigoureux sur le multiculturalisme au sein des pays d’Europe,
tous les gouvernements européens ont finalement adopté un politique dite d'intégration. Aucun
droit collectif n'a été accordé à certains groupes minoritaires, que ce soit en France, en
Allemagne ou au Royaume-Uni. En effet, le principe de démocratie prône l'égalité de tous les
citoyens de la Nation.

Du fait de la vigueur de l’attachement à la démocratie, les français qui souhaitent une politique
intégrée, souhaiteraient en conséquence une politique de discrimination plutôt agressive,
même si elle est justifiée par un débat de société sur les valeurs plutôt qu'un débat ethnique.

Il existe certaines particularités dans la méthode d'intégration. Par exemple, en comparaison


aux descendants d'immigrés britanniques ou allemands, les enfants d'immigrés français sont
les moins éduqués, les plus séparés de la culture d'origine de leurs parents, et ont le plus
intégré la culture locale ; à l’inverse, certaines communautés au Royaume-Uni ont une moins
bonne intégration sociale. En effet le communautarisme fort de certaines communautés au
Royaume-Uni entraîne une prise en charge des individus au sein de la communauté, dont un
meilleur rattachement aux valeurs d’origine, mais une moins bonne assimilation des valeurs
du pays d’accueil.

En effet certaines personnes sont désocialisées et ont peu de participation à la vie religieuse,
comme par exemple les communautés pakistanaise ou indienne au Royaume-Uni qui se
rassemblent principalement autour des lieux religieux et des pratiques collectives par leurs
dirigeants. Une situation similaire a lieu avec la communauté turque en Allemagne. Le lien
communautaire, présent dans les communautés d’immigrés britanniques et allemandes, est
Etienne PLENERT | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2021/2022 28
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plus protecteur à court terme que la politique française traditionnelle d'insertion scolaire et
professionnelle qui elle trouve de meilleurs résultats d’intégration sur le long terme. Cela
prouve que l’intégration de l’immigration semble être un casse-tête donc personne ne trouve
la clé.

b) L’intégration de la "démocratie providentielle"


C'est pourquoi on ne peut questionner l'intégration des immigrants sans questionner
l'intégration de la société dans son ensemble. Il est important de ne pas ignorer les
caractéristiques de la population elle-même, les difficultés et les contradictions objectives du
cadre de vie, mais aussi la volonté et la capacité de se construire une nouvelle vie pour un
individu immigré.

Or, le "problème immigré" perçu dans la vie publique réside avant tout dans la société
nationale elle-même, dans sa capacité à fédérer tous les groupes de population, et plus
généralement le peuple et les autres, dont les immigrés font partie.

De nombreuses caractéristiques des sociétés démocratiques d'aujourd'hui rendent


l'intégration des migrants et de leurs descendants plus difficile qu'auparavant.

En France, par exemple, plusieurs décisions collectives ont été prises en faveur du secteur
public au détriment du secteur privé. Dans toute démocratie, les personnes âgées sont
soutenues au détriment des jeunes. Ces choix sont doublement préjudiciables aux
descendants d'immigrés. Les États-providence sont « basés sur les prestations » plutôt que «
basés sur l'assurance », mais les prestations ont tendance à célébrer les échecs des
bénéficiaires et à compter sur leur situation de victimes. La séparation spatiale renforce les
effets d'aliénation et de dévalorisation des populations d'origine ethnique spécifique.

Le système politique offre peu de possibilités aux descendants d'immigrés de participer à la


vie publique.

Les critiques fondamentales des institutions s'adressent à toutes les autorités politiques, en
particulier celles chargées de l'intégration nationale, comme l'école, l'armée et la justice. Cette
autorité n'est pas respectée et doit être conquise tant à l'école qu'au tribunal. De plus, le
contrôle est affaibli. L'État central est désormais fragmenté, interférant avec trop de domaines
et ne réglementant pas correctement les acteurs agissant dans ce domaine. La critique du
système politique, ainsi que l'impact social des conditions économiques et la fin des
organisations qui garantissent le plein emploi, ont conduit à l'affaiblissement des liens
familiaux, à l'affaiblissement des solidarités familiales forcées et à l'affaiblissement des liens
sociaux.

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En conséquence, le mariage et même les liens familiaux peuvent être desserrés ou rompus.
Le risque d'exclusion est étroitement associé à la solitude 5. Plus de la moitié des personnes
aux revenus les plus faibles n'ont aucun lien familial. L'individualisme n'est pas en soi en conflit
avec l'intégration sociale. La soi-disant « crise du lien social » permet l'exercice de nouvelles
libertés. Mais toujours "inventer" et choisir des ancêtres, des identités, des qualifications, des
amis ou des habitudes n'est pas une capacité universellement distribuée. La classe moyenne
est particulièrement touchée. Les personnes les plus pauvres, qu'elles soient des travailleurs,
des soignants ou des descendants spécifiques d'immigrés, n'ont pas cette liberté.

L'individualisme a l'effet inverse et favorise l'adaptation de ceux qui ont hérité d'une forte
socialisation provenant de leur famille, avec des normes sociales préétablies. De l'école à
l'État, un système social fort et respecté élève et protège les personnes vulnérables. Les
immigrés sont les premières victimes de ces nouvelles formes d'intégration sociale 6.

Ces personnes vulnérables perdent leur capital économique, culturel et relationnel hérité et
sont surtout éprouvées par l'intégration sociale et la négligence morale. Les discussions sur la
liberté sexuelle, l’augmentation des parents et des enfants illégitimes et les partenariats
homosexuels sont autant de faits qui offensent ceux dont les traditions sont organisées autour
des valeurs familiales. Ils semblent avoir perdu les notions de frontières, d'interdits et de
morale.

Cependant, il y a un déclin du territoire et des valeurs de toutes les familles immigrées. Les
immigrés peuvent réagir à cette situation de deux manières également préjudiciables à la
socialisation de leurs enfants.

C'est l'abandon ou la décontextualisation des références qui conduit à l'effondrement et à la


désocialisation des liens familiaux 7. En effet, les enfants élevés par des parents dont les
normes morales ont été brisées ont contribué au pire, y compris l'abandon de toutes les
références, la chute dans la désocialisation ou le traditionalisme.

Lorsque l'intégration des immigrés est étroitement liée à la société, les politiques d'intégration
ne réussiront que si les sociétés démocratiques s'avèrent capables de se réformer tout en
revendiquant leur valeur sans tomber dans la démagogie, ce qui ne semble pas être le cas au
vue du débat public d’aujourd’hui.

5 Émile Durkheim, « Le suicide ». Etude de sociologie, Paris, Quadrige , 2007.

Heckmann, “Integration of Immigrants in European Societies, Differences and Trends of


6 Friedrich

Convergence”, Stuttgart, Lucius & Lucius, 2003.

7 Dominique Schnapper, « La démocratie providentielle », Paris, Gallimard, 2002

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La capacité de la société à intégrer les migrants et leurs descendants reflète ses tensions
internes et remet en cause sa capacité à véritablement intégrer tous ses membres, qu'ils soient
descendants de migrants ou non.

§ 2 - Constats et problématiques relatifs à l’immigration

a) Prise de conscience et études sur le sujet


A la demande du Premier ministre, le Haut Conseil de l’Intégration (HCI) a réalisé une
évaluation de l'efficacité des politiques intégrées mises en œuvre en France depuis 1989, date
de sa création. Il affirme que l'intégration, un processus complexe, continue de fonctionner
pour la majorité des migrants et leurs enfants.

Mais il souligne que cela devient de plus en plus difficile : avec des immigrés réguliers et
nombreux, des immigrés irréguliers de plus en plus nombreux, incapables ou désireux de
s'intégrer, se concentrer sur des zones géographiques telles que l'Ile de France et les zones
résidentielles dévastées, en défiant la société française, en particulier concernant la place
femmes et la pratique de l'intégrisme islamique.

Le HCI a passé en revue différents mécanismes de mise en œuvre des politiques d'insertion
sous l’angle des discriminations et de l'égalité, en association avec la Haute Autorité de lutte
contre les discrimination et pour l’égalité (HALDE). Sur la base de ces éléments, et en étudiant
d'autres modèles d'intégration, les études appellent à la promotion du modèle républicain et
à l'intégration de nouvelles politiques d'intégration.

b) Une immigration très concentrée


La cause de cette concentration est bien connue : c’est la forte attraction des villes et des
zones urbaines. Ce sont principalement l'Ile de France, Rhône-Alpes, PACA, qui peuvent
fournir des emplois du fait du dynamisme de l'activité économique.

De plus, il existe un rôle non négligeable dans la concentration de l’immigration des réseaux
ethniques développés par les immigrés, ou des logements privés qui fonctionnent parfois en
pratique comme des logements publics en raison de conditions de désolation.

Cet élément du logement social est très important pour la problématique de l’intégration. Au
niveau national, les ménages qui utilisent le plus le logement social sont l'Algérie (70 % des
ménages locataires en Algérie), le Maroc (64 %) et l'Afrique subsaharienne (60,5 %) d'après
l’INSEE. Parmi les immigrés d'Asie, seul un ménage locataire sur trois vit dans un logement
social. En 2013, selon l’enquête Logement menée par l’INSEE, plus de 2,7 millions de
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ménages immigrés vivent en France métropolitaine", dont 34% étaient locataires dans le
secteur social soit près d’un million de ménages (tableau statistique ci-après).

Les études réalisées révèlent une forte stabilité de ces concentrations. La même communauté
a accueilli des immigrants aujourd'hui et il y a près de 40 ans.

Aussi, ce phénomène de concentration se trouve accentué chez les nouveaux immigrants,


peu importe leur pays d'origine. Cette concentration a un impact direct sur les conditions de
logement, et la France connaît par euphémisme ce qu'on appelle depuis quelques années « la
crise des banlieues ».

Enfin, au lieu de solutionner les problèmes d’intégration de l’immigration, la politique


volontariste d'installation du promoteur social a renforcé de manière très durable la
concentration des migrants pauvres sur les logements sociaux des cités ce qui est bien
évidemment dû à des loyers plus bas.

La classe moyenne, y compris les immigrés, a d'abord accédé à la propriété puis a échappé
à la dégradation des conditions de vie dans les grands ensembles des cités, alors qu’un
sentiment d'abandon s'est développé parmi ceux qui sont restés.

c) La politique de la ville
La politique de la ville est née de la peur de ce qui est considéré comme une surconcentration
des immigrés, notamment de la confusion qui l'accompagne (et donc du thème de la mixité
sociale dans l'habitat qui s'est répété ces deux dernières décennies).

Il suffit par exemple de rappeler les émeutes des Minguettes 1981 et du Mirail 1998, et bien
sûr les émeutes municipales dans toute la France en novembre 2005 dans les zones urbaines
sensibles (ZUS) des agglomérations.

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Selon plusieurs rapports du Haut Conseil à l’Intégration la proportion d'immigrants y est 2,5
fois supérieure à la moyenne nationale (18,3 % contre 7,3 %). Bien entendu, ces chiffres ne
tiennent pas compte des enfants d'immigrés devenus français parce qu'ils sont nés en France.

Trois quarts des 4,6 millions d'habitants de ces quartiers en 2004 appartiennent à des
ménages avec des familles étrangères. 83 % des immigrés résidant en ZUS sont originaires
de pays autres que l'Union européenne. Les pays les plus représentatifs sont l'Algérie (21,5%)
et le Maroc (20,1%), ainsi que la Turquie (données provenant de l'Observatoire National des
Zones Urbaines Sensibles ou ONZUS).

Cette situation rejoint une réflexion plus globale, tenant à l’euphémisation par les pouvoirs
publics des faits ayant trait à l’immigration : on parle de jeunes pour désigner des personnes
jeunes ou pas issues de l’immigration, d’incivilités pour des actes de délinquance, de quartiers
ou de banlieues pour désigner des cités... Certains prônent parfois un déni des réalités
migratoires.

Ces obstacles au processus d'intégration jettent le doute sur la capacité de l’Etat à faire face.
Comment trouver une solution à un problème qui n’est pas nommé correctement ou qui ne
veut pas être connu ? La lutte contre l'aliénation des multiples formes d'immigrés et de
personnes issues de l'immigration, comme la promotion de la diversité sociale et ethnique,
passe inévitablement par la connaissance de ces groupes aux attentes très différentes.

d) Une surexposition aux risques sociaux


Au-delà du phénomène de concentration des migrants et de leurs enfants dans les quartiers
politiques de la ville, la situation dans ces quartiers s'est globalement détériorée, alors que leur
exposition aux risques sociaux (échecs scolaires, chômage, etc.) a fortement augmenté,
principalement sous l'influence du chômage de masse provoqué par les crises économiques
puis sanitaires.

Il apparaît en effet que la situation économique et sociale des populations des ZUS est
préoccupante.

D'après les données quantitatives, le taux de pauvreté en ZUS (60 % du revenu médian) en
2007 était de 33,1 % contre 12 % hors ZUS. Le taux de chômage est plus de deux fois plus
élevé qu'ailleurs, 7,7% hors ZUS, contre 16,9% (Rapport ONZUS 2009).

Les immigrants sont particulièrement vulnérables dans ces secteurs. Environ 24 % des
migrants qui travaillaient au milieu des années 2000 étaient au chômage. Le revenu par
habitant du ZUS est d'un peu plus de la moitié (56%) dans les autres comtés. Logique, il y a
un recours croissant à la relocalisation sociale et à la solidarité. Compte tenu du taux de

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couverture de la CMUC (Couverture Maladie Universelle Complémentaire), le taux de
bénéficiaires des ZUS est de 22,4 %, alors que celui des non-ZUS est de 9,5 % 8.

Selon le même rapport de l’ONZUS, le taux de réussite aux diplômes nationaux du brevet, qui
a augmenté sur l'ensemble de la région de 2007 à 2008, reste faible en ZUS (–12,1 points).
Les jeunes migrants sont particulièrement exposés au risque de quitter le système scolaire
sans qualification. En ZUS, 36,9 % des jeunes immigrés ne sont pas éligibles contre 19,8 %
des jeunes non immigrés.

Selon l'enquête auprès des victimes « Environnement et sécurité » de 2009 de l’INSEE9, les
principaux problèmes signalés par les habitants des ZUS sont toujours l'anxiété et la
délinquance. Cependant, les statistiques de gestion montrent que le nombre d'atteintes aux
biens et aux personnes a légèrement diminué, bien que la situation soit très variable d'une
ZUS à l'autre.

La population est plus jeune que la moyenne nationale et est composée de familles
nombreuses et d'étrangers. Les moins de 30 ans représentent 37,7 % de la population ZUS
et 31,2 % de la population hors ZUS. Le pourcentage d'immigrés est de 23,6 % pour les ZUS
et de 3,7 % pour les non-ZUS. Une étude menée par la démographe Michèle Tribalat indiquait
en 2005 que la proportion de jeunes dans les familles comprenant un parent étranger ou
immigré était inférieure à 20 % sur l'ensemble du territoire, mais dépassait les 60 % en d'Ile
de France 10.

Enfin, le rapport de l’ONZUS précité indique que les efforts pour combler le fossé entre les
ZUS et le reste de l'agglomération peuvent sembler vains, car la mixité sociale fait souvent
défaut et le turnover est important dans ces quartiers, notamment dans le logement social.
Seule une enquête sur les parcours scolaires, professionnels et résidentiels dans la cohorte
de la population devrait permettre de mesurer le résultat de la politique de la ville.

e) Une logique de « ghetto »


Ni les villes nouvelles construites pour la classe moyenne, ni les grands ensembles construits
pour réduire les bidonvilles ou répondre aux besoins de dépopulation n'avaient été
spécialement conçus pour accueillir les immigrés. Leur passage progressif au « ghetto » est

8 DARES, « Habiter en ZUS et être immigré : un double risque sur le marché du travail », synthèses, 2009

9 INSEE, enquête annuelle « Cadre de vie et sécurité », 2009

10 Michèle Tribalat, « Les populations d’origine étrangère en France », 2005

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le résultat de l'émergence de la classe moyenne dans les années 1970, accédant à la propriété
et au logement grâce à une augmentation de l'immigration familiale.

La crise économique des années 1980, le manque de logements sociaux pendant 20 ans et
le chômage de masse ont accéléré ce processus et ont été exacerbés par des modes de vie
contradictoires. En réponse à cette accumulation de ressentiment et de ségrégation urbaine,
la majorité des migrants, en particulier les jeunes hommes, ont de plus en plus rejeté ce qui
était identifié comme français et ont contribué à une séparation complète du reste de la
population. C’est une des raisons avancées pour expliquer cette autonomie et cette séparation
de l'extérieur d'une société qu'ils ne connaissent pas, avec des règles et des normes qu'ils ne
maîtrisent pas, même s'ils sont pour la plupart des citoyens français.

Ce rejet de la société française, parfois accompagné de violences, est aussi une remise en
cause de l'ordre social ou un effondrement radical, créant de violents conflits avec les forces
de l'ordre rapportés quasi quotidiennement par les médias. Il convient donc d’adopter une
démarche prospective pour trouver certaines solutions à ces problèmes empêchant le bon
déroulement du phénomène d’intégration de l’immigration (Section 2).

Section 2 - Prospectif et solutions à une intégration posant problème

Ainsi, il subsiste aujourd’hui des obstacles qui freinent l’intégration de la population immigrée
et menacent le droit au séjour des étrangers (§1), qu’il convient de surmonter (§2). Ainsi, l’Etat
doit reconnaître sa responsabilité, ce qui permettra de déboucher sur de nouveaux modes de
gestion du séjour des étrangers, notamment à une échelle plus vaste (§3).

§ 1 - Des obstacles au processus d’intégration

a) La violence dans les quartiers regroupant les étrangers


Ces actes de violence survenant dans les quartiers sont principalement dirigés contre la police,
mais aussi contre tout ce qui peut représenter l'autorité. Des embuscades appropriées sont
organisées selon des rituels bien établis. Certains agitateurs au sein des cités enflamment les
poubelles et les voitures, appellent les pompiers, puis la police, et attaquent parfois à balles
réelles.

De même, il devient de plus en plus difficile pour les facteurs et les agents d'EDF d'accéder à
certaines agglomérations car les habitants doivent récupérer eux-mêmes leurs colis.

Cette violence extrême s'attaque aux biens des habitants de la ville, mais dans les cas les plus
graves, elle s'attaque également aux équipements collectifs, gymnases, écoles et
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bibliothèques. Malheureusement, les auteurs de ces violences font rarement une distinction
publique des auteurs.

Cette volonté de contrôle des certains habitants dans les quartiers sociaux est souvent motivée
par l'importance de l'économie informelle liée au trafic de drogue. L'ampleur de ce phénomène
est une inversion des rôles (les enfants rendent l'argent aux parents) et des valeurs (l'argent
de la médecine paie indéfiniment), qui a longtemps eu un impact complet sur l'émergence de
sociétés alternatives dans lesquelles les patrons contrôlent les biens. travail qui a été sous-
estimé.
11
Selon une étude spécialisée sur le trafic des citées datant de 2010 , l'âge moyen des
trafiquants arrêtés est de 28 ans, et 85 % des trafiquants possèdent un emploi. Parmi les
étrangers interpellés pour trafic local de drogue, les communautés maghrébine et africaine
sont les plus représentées avec 3865 étrangers interpellés entre 2005 et 2009, soit 70,2 %.

Enfin, ces multiples sursauts de notre société et de ses valeurs ont entraîné une racisation
généralisée des rapports sociaux, une augmentation des revendications religieuses associées
ou se réclamant de l'islam, et des communautés et des quartiers issus de l'affirmation selon
laquelle l'antijudaïsme est un unité "culturelle" de divers immigrants islamiques.

Trop de ces rapports racisés font émerger l’idée que les pouvoirs publics font preuve d'une
grande complaisance envers ces jeunes criminels, relativisent leurs actions et les présentent
souvent comme des victimes de l'exclusion sociale et sociale. Ils ne peuvent certes pas nier,
mais ne peuvent pas expliquer ces actions qui marquent le véritable rejet de la société
française, encore moins revendiquer une causalité économique et sociale injustifiable 12.

b) Les droit des femmes à l’épreuve des particularismes


Tout le monde s'accorde sur l'importance du rôle des femmes dans l'intégration. Beaucoup a
été fait et de nombreuses recommandations ont été prises en compte depuis l’intervention
Haut Conseil. Ainsi en va-t-il pour l’interdiction les mariages polygamiques, la mutilation
sexuelle, y compris celles pratiquées dans le pays, ou bien les mariages non consentis, qu'ils
soient arrangés, forcés ou blancs.

Rappelons que les femmes étrangères jouissent exactement des mêmes droits sociaux et de
l'égalité juridique que les citoyens français, hommes et femmes. Dans de nombreux pays du
Maroc, d'Algérie ou d'Afrique sub-saharienne, les femmes issues de l'immigration des pays

11 Nacer Lalam et Franck Nadaud (CNRS), « Le profil socio-économique des trafiquants », 2010

12 Haut Conseil à l’Intégration, « La France sait-t-elle encore accueillir ses immigrés ? », Rapport, 2004

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africains le revendiquent parce qu'elles n'ont pas encore bénéficié de l'égalité. Cependant, si
cela n'est pas possible, elles resteront sous la protection ou le contrôle de leur père, mari ou
frère ou sœur.

La situation des femmes issues de l'immigration reste difficile. Exprimés en mots, les
messages de sensibilisation ne suffisent pas à modifier les comportements. Certains hommes
sont réticents à entendre ces discours et envisagent de mener une vie de famille à
prédominance masculine tout en vivant en France 13. Dans la laïcité, ce sont les seuls enjeux
qui interpellent l'éducation. C'est pourquoi ces discours sur l'égalité et la laïcité doivent être
avalisés à la fois par les associations et les organismes locaux en toutes circonstances.

De plus, comme mentionné lorsque les immigrants sont concentrés dans le voisinage de la
politique urbaine, les règles de la société d'origine finiront par être héritées et deviendront une
culture dominante dans une région particulière, même en France. Cette pression religieuse
particulière prend la forme d'un contrôle social sur les femmes et les filles.

Par conséquent, de grands efforts doivent être faits pour sensibiliser les garçons à l'égalité et
au respect de la liberté des filles. Les écoles sont un bon endroit pour cette éducation. Enfin,
des informations sur la contraception et son importance sont données. Bien que les problèmes
sexuels et physiques soient sensibles, les femmes migrantes ne devraient pas être privées de
leur droit de contrôler leur fécondité.

En ZUS, le nombre de parents isolés dans le quartier est bien plus élevé qu'en milieu urbain
(25% contre 15% selon le HCI). Cette surexpression, régulièrement présentée comme un
indicateur de pauvreté, est une cause au manque d'information sur la contraception. Ces
situations individuelles ne favorisent pas l'intégration de ces femmes et de leurs enfants. Non
seulement il convient de rappeler aux pères leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants,
mais il convient également de développer l'information dans les quartiers pauvres afin que
chacun ait un accès effectif aux contraceptifs.

c) Mariages forcés, polygamie, mutilations sexuelles : des situations


numériquement limitées mais intolérables
Tout d’abord il est possible de noter que ces situations ont été révélées par des associations
de défense des droits des femmes immigrées, alors que les associations plus générales de
soutien aux immigrés avaient l’habitude de passer ces faits sous silence par crainte d’être mis
de côté, ou pire, par respect pour des soi-disant différences culturelles. Ce qui prouve la
pression exercée par certains groupes sur la sphère familiale.

13 Cathy Sanchez, « La cité du mâle », documentaire, 2010

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S`agissant des mariages forcés, de nombreuses mesures ont été adoptées dont la première
sur l`âge nubile, porté de 16 à 18 ans par la loi du 4 avril 2006 14 ; ou encore sur le délai de la
communauté de vie nécessaire pour souscrire la déclaration de nationalité française porté de
deux à quatre ans, et de trois à cinq ans, si le conjoint étranger ne réside pas en France depuis
trois ans, par la loi du 24 juillet 2006 précitée, relative à l`immigration et à l`intégration, ou
l’obligation d’une audition préalable des futurs époux, en France comme à l`étranger, ou
encore la possibilité d`empêcher la transcription d`un état civil français des mariages effectués
l`étranger en cas d`opposition du Parquet. (transcription qui est une condition pour l`obtention
d`une carte de séjour, ou la naturalisation).

Ces mesures ont pour objectif de décourager les mariages forcés, blancs ou « gris » (c’est-à-
dire ceux où l`un des deux conjoints est de bonne foi). La fraude au mariage, pour obtenir un
titre de séjour ou la nationalité française, est bien entendu sanctionnée par le retrait de la carte
de résident en cas de rupture de la vie commune (dans les quatre ans qui suivent la célébration
du mariage).

§ 2 - Des obstacles au processus d’intégration qu’il convient de surmonter

a) La rénovation urbaine
Les fameux « HLM », « grands lotissements » ou « villes pendulaires », ont pour seul but
l’habitation. Elles sont donc souvent dépourvues de fonctions économiques, sociales, voire
culturelles.

Sans reprendre tout l'historique de la politique de la ville, rappelons brièvement qu'elle a


débuté avec le rapport Dubedout de 1983 « Ensemble, refaites la ville » 15, ayant pour objectif
de réaliser le « Développement Social des Quartiers » (DSQ). Le plan était de tirer parti du
potentiel démographique de ces quartiers et d’en favoriser la diversification.

Les échecs politiques passés ont été exacerbés par la sous-construction de logements publics
menant à des faits de violence urbaine. Ce constat a conduit les pouvoirs publics de tenter d'y
rétablir du lien social, d'une part, en mettant en place des politiques fondées sur la rénovation
urbaine par la création de l'Autorité de Réaménagement Urbain (ANRU), et, d'autre part, par
la mise en place de politiques fondées sur la volonté de réduire les disparités des populations.

14Loi N°2006-399 « renforçant la prévention et la prévention des violences au sein du couple ou


commises contre les mineurs », 2006

15Hubert Dudebout, « Ensemble refaites la ville », Commission nationale pour le développement social des
quartiers, 1983

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Le Programme National de Renouvellement Urbain (PNRU), créé par la loi du 1er août 2003,
a tout d’abord eu pour objectif de transformer durablement les quartiers les plus défavorisés
et d'améliorer radicalement les conditions de vie de ses habitants. Ce vaste programme inédit
avait été rendu possible par l'ANRU qui a mobilisé 42 milliards d'euros dans la construction,
dont 12 milliards d'euros engagés par l'État. Aujourd'hui, le bilan de ce programme est presque
positif. Selon un rapport de la Commission d'évaluation et de contrôle de l'ANRU de 2009 au
31 décembre 2008, en programmation quasi définitive, les deux tiers de l'objectif quantitatif
ont été atteints avec 885 000 interventions liées au bâtiment. les prévisions seront atteintes 16.

Cependant, il y a deux ombres dans ce tableau. C'est une question sur le retard de
reconstruction des logements sociaux et sur le financement pérenne du programme.
Premièrement, pour chaque logement public démantelé, la règle selon laquelle un logement
social sera reconstruit sera respectée, mais dix ans se sont écoulés. Au fil du temps, la tension
sur l'espace du logement social va s'aggraver dans la situation actuelle de crise du logement.
Deuxième point : la quasi-totalité de la capacité d'engagement de l'ANRU, soit près de 11
milliards d'euros ont déjà été alloués et le financement des projets ne cesse de croître. Le
PNRU avec un engagement annuel de 770 M€ sur trois ans (2009-2011), dépassant les 350
millions de crédits d'engagement supplémentaires alloués à l'ANRU en 2009 au titre de
l'incitation et de la participation du 1% pour le logement. Le financement n'est plus garanti
jusqu'à cette période. Du point de vue du processus d'intégration, la question de la mixité
sociale doit dépasser l'objectif principal d'amélioration du cadre et des conditions de vie du
voisinage 17.

Il est clair que les résultats doivent attendre. Cet objectif de mixité sociale peut être atteint plus
facilement dans le centre-ville, en usant du droit de premier refus de rénover un immeuble
cossu destiné à être vendu à la classe moyenne, que dans les banlieues étant essentiellement
défavorisées.

Pendant ce temps, d'autres politiques nationales qui affectent l'attribution de logements


sociaux, légalement motivées par l'urgence face aux pénuries, ont fixé des objectifs de mixité,
selon tous les élus locaux rencontrés, en prenant en compte le taux de 25% posé par la loi
SRU de l’an 2000.

Il a déjà été rappelé que les locataires dont les appartements sont en ZUS sont exonérés de
complément de loyer, justement pour cette raison de diversité. Outre la diversité sociale, la

16 « Loi de programmation de la cohésion sociale » du 18 janvier 2005

17 « Loi n°2009-233 de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion » du 25 mars 2009

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question de la diversité ethnique comme indicateur de mauvaise intégration des populations
voisines a été maintes fois évoquée.

Du point de vue de l`intégration, notre constat est donc mitigé : s`il y a un début mixité sociale
dans le parc résidentiel, il ne s’accompagne pas d`une progression de la mixité ethnique.
Comme nous l'avons vu, si le degré de diversité dans le quartier augmente quelque peu, il
reste très limité. C'est pourquoi, ces dernières années, la politique de la ville s'est recentrée
sur la circulation des personnes, notamment au travers des plans « espoir banlieue » porté
par Fadela Amara.

De surcroit, la modernisation du logement social a fait l’objet d’une attention toute particulière
dans le cadre de la loi ELAN, ayant pour objectif d’adapter le secteur du logement sociaux aux
mutations de la société pour répondre à ces nouveaux besoins. Il s’agit dans de permettre une
gestion plus fluide de ces ensemble et d’en prévoir la rénovation, matérielle, et thermique
notamment.

Malheureusement, bien que la rénovation urbaine puisse solutionner certains problèmes des
populations présentes sur place, elle ne règlera nullement la question du manque de mixité ni
de l’isolement. Mais ce regain d’attention est un début.

b) Relever les défis de l'intégration scolaire


Face aux disparités éducatives persistantes et aux efforts financiers, le Haut Conseil a conclu
dans le rapport sur l'éducation ci-dessus que l'éducation scolaire doit intervenir au plus vite.

De 1995 à 2007, l'écart entre les enfants immigrants et non immigrants ne s'est pas resserré
de manière significative. Par exemple, les parents d'origine maghrébine restent
majoritairement ouvriers et employés, et en 2007, 41,8 % des enfants de sixième étaient
scolarisés, contre 26,8 % des enfants d'ouvriers et d'employés des français de naissance.

En termes de comparaison internationale, enquête et le rapport du Programme International


18
pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA) de 2009 a évalué les pays sur la base de la
différence moyenne des performances en lecture de l'OCDE entre les élèves immigrés de
première et de deuxième génération et leurs camarades non immigrés. La France se situe en
dessous de la moyenne de l'OCDE, et des pays comme la Finlande, la Suède, la Belgique, le
Danemark et la Suisse ont des écarts identiques ou supérieurs à la France. En revanche, au
Canada, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, cette différence est très faible. Selon le
rapport du PISA rendu en 2009, les élèves immigrés de première génération sont plus

18Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA), « Learning outcome of students with an
immigrant background », Rapport, 2009.

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susceptibles d'échouer à l'école que les autres élèves, et le niveau d’échec baisse après
chaque génération.

Plusieurs programmes de réussite éducative ont été lancés, comme en 2010 concernant
l'Institution d'État pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE) disposant d'un
budget conséquent de 90 millions d'euros, mais dont les résultats ont été mitigés.

En France, comme en Belgique, en Italie, en Suisse, en Suède, en Autriche et en Norvège,


nous sommes dans le dernier quart de nos élèves en termes de performance en lecture. Il
n'en va pas de même pour les élèves immigrés de deuxième génération nés et scolarisés dans
le pays d'accueil, si le niveau d'instruction dans leur pays d'origine peut être un moyen
d'expliquer ces faibles acquis aux nouveaux arrivants. Cependant, même en France, il existe
un écart important avec les pairs non issus de l'immigration, avec une moyenne de 50 points
(moyenne OCDE : 33 points). En moyenne, 17 % des élèves non immigrés dans les pays de
l'OCDE ont au moins le niveau 2 de lecture professionnelle et socialement intégrée, contre 27
% des élèves immigrés de la deuxième génération et 36 % des nouveaux arrivants de la
deuxième génération. La France est ici en dessous de la moyenne de l'OCDE. En France, 42
% des nouveaux arrivants n'atteignent pas le niveau 2 en lecture (64 % en Autriche, 15 % au
Canada), toujours selon la Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves. Dès
lors, le Haut Conseil est convaincu que tout se fait dès l'école élémentaire, notamment en
maternelle. Les inégalités sociales doivent donc être fortement compensées à ce stade,
notamment par le droit commun.

S`agissant de l’emploi prenant place après le parcours scolaire, l’INSEE, dans son édition de
19
2010, France, portrait social , notait que le taux d`emploi des Français qui descendaient
d`immigrés du Maghreb est de 65 % pour les hommes et de 56 % pour les femmes, contre
respectivement 86 % et 74 % pour ceux dont les deux parents sont Français.

L’Institut souligne que les disparités d`expérience, de diplôme, de situation familiale et de lieu
de résidence entre les deux populations n`expliquent seulement que un tiers de cet écart, les
deux tiers restants provenant de discrimination, ou d’autres facteurs non mesurables
directement (réseaux professionnels, capital culturel, etc.).

La question de l'emploi et de l'évolution professionnelle des immigrés et des personnes issues


de l'immigration est un enjeu important pour l'intégration de ces personnes dans notre pays,

19 INSEE, « France, portrait social », Rapport, 2010, https://www.insee.fr/fr/information/2410093

Etienne PLENERT | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2021/2022 41


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comme dans les écoles, avait déclaré le Haut Conseil au Premier ministre en 2011. Il convient
donc de réformer l’éducation pour lui permettre d’être plus ouverte mais aussi plus efficace.

c) Des comportements culturels inconciliables avec la République à résoudre


La laïcité est remise en cause par la pratique de l'intégrisme islamique. Aujourd'hui, il arrive
que certains individus ou communautés d'immigrés défient notre société sécularisée à travers
certaines de leurs coutumes. Avec de nouvelles interrogations sur le rapport entre islam et
laïcité républicaine, il semble nécessaire de poser certaines limites tout en s’assurant de ne
pas être liberticide.

Des problèmes similaires surviennent au Royaume-Uni, qui possède une grande communauté
hindoue autorisant le rejet des cendres dans la Tamise des défunts. Transposé en France, il
serait probablement difficile pour la société française d'incinérer le corps du défunt et
d'autoriser le rejet des cendres dans le fleuve.

Depuis le début des années 1990, les gouvernants se sont interrogés sur la place de l'islam
en France, dont les chiffres précis sont difficiles à obtenir. On considère qu’il y a moins de 500
20.
000 protestants, moins de 150 000 bouddhistes et moins de 125 000 juifs Depuis son
premier rapport en 1991, le Sénat, et le Conseil de réflexion du l’Islam en France qui était en
répondait, s'est efforcée de réaffirmer les principes de la République devant servir de cadre à
une politique intégrée. Dans ce contexte, il a déjà évoqué la question de la clarification entre
laïcité et islam, car la France est une république laïque, c'est-à-dire qu'elle accepte tous les
faits religieux. En revanche, les intégristes, d'où qu'ils viennent, essaient de reconnaître leurs
droit et de mettre la pression sur la nation pour imposer sa façon de penser ainsi que son
mode de vie.

De plus, la question des mosquées avait déjà été abordée par le Haut Conseil à l’Intégration
au milieu des années 2000, qui recommandait aux institutions publiques de promouvoir la
construction de mosquées sans violer les principes de la loi de séparation de l'Église et de
l'État du 9 décembre 1905.

Sur ce sujet a récemment été promulguée la Loi du 24 août 2021 confortant le respect des
principes de la République. Elle tente d’assurer une intégration plus paisible et stable de
l’immigration, dans le respect des principes fondamentaux et des valeurs à la base de notre
société.

20 Haut Conseil à L’intégration, rapport, 2004, précité


Etienne PLENERT | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2021/2022 42
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Tout d’abord, cette loi modifie le contrôle des associations cultuelles et des lieux de culte, en
modifiant la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ainsi que
la loi de 1907 sur l’exercice cultuel.

Les conditions de création et de gestion des associations gérant un lieu de culte prévues par
la loi de 1905 ont été modifiées pour les protéger d’éventuelles prises de contrôle malveillantes
par des groupes radicaux. Ont donc été ajoutées aux contrats de création et de gestion des
clauses dites anti-putsch. De plus, les associations cultuelles devront effectuer une déclaration
auprès du Préfet tous les 5 ans. Les obligation de transparence comptables sont renforcées,
les associations devant déclarer tout don d’un montant de plus de dix mille euros, que le Préfet
aura la possibilité de refuser lorsqu’un risque est encouru pour la société (en cas de fonds
terroriste par exemple).

A l’ensemble de ces dispositions s’ajoute un amendement « mosquée de Strasbourg » porté


par le gouvernement, qui renforce encore la transparence sur les avantages octroyés par les
collectivités territoriales pour la construction de monument cultuel. Les collectivités devront
informer le préfet, avant toute garantie publique accordée pour un emprunt destiné à la
construction d’un lieu de culte.

Certaines dispositions traitent également des associations cultuelles en Alsace-Moselle,


soumises à un régime spécifique.

Ensuite, concernant les associations mixtes relevant de la loi du premier juillet 1901 et qui
exercent un culte, elles voient leurs obligations administratives et comptables alignées sur
celles des autres associations cultuelles. Ainsi, les associations mixtes devront certifier leurs
comptes, en faisant apparaître la distinction de leurs activités cultuelles du reste de leurs
activités sur leur budget et leurs comptes, tout en ayant l’obligation de déclarer des sommes
et dons obtenus de l’étranger. Le préfet pourra également ordonner à une association mixte
dont l'objet est dans les faits un culte religieux à se déclarer comme une association
cultuelle. A noter qu’aujourd'hui, plus de 90% des mosquées tombent sous le régime de loi de
1901 21.

La Loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République modifie également
la loi du 9 décembre 1905 sur la police des cultes.

Ainsi, en cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence commise par un


ministre des cultes une peine de cinq ans de prison sera requise. La répression de la tenue

21 Vie Publique, « Loi séparatisme, entrée en vigueur et premières dispositions », article, 25 août 2021,
https://www.vie-publique.fr

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de réunions politiques dans des lieux de culte est désormais bien plus sévère, et l’organisation
d’opérations de vote pour quelque élection que ce soit est formellement interdit. De plus, une
personne s’étant rendue coupable d'un délit à la police des cultes pourra se voir interdire de
paraître dans un lieu de cultes. Enfin, le préfet pourra fermer un lieu de culte de manière
temporaire en cas d'agissements recensés de provocation à la haine ou à la violence,
notamment pour lutter contre la radicalisation opérée par certains immams dans des
mosquées salafistes.

Un des apports les plus attendus de la Loi du 24 août 2021 est l’affirmation du respect des
principes républicains, en particulier le principe de laïcité. Malgré plusieurs imprécisions
juridiques, accompagnées de petites mesures génériques et superficielles telles que la
création d’un référent laïcité ou d’un jour dédié à la laïcité, le terme de laïcité en lui-même a
eu le mérite d’être spécifié, et son application précisée.

En effet, la neutralité du service public est renforcée. Un contrôle plus large est effectué sur
les actes des collectivité locales qui porteraient potentiellement une atteinte grave à la laïcité
ou à la neutralité dans un service public (dans les cantines, ou les équipement sportifs par
exemple). Le préfet aura la possibilité de déférer l'acte portant atteinte à ces principes pour en
demander la suspension devant le Juge administratif, qui devra statuer sous un délai
d’urgence de 48 heures.

Ce cas de figure a eu à s’appliquer récemment. En effet, l’actualité a reposé le débat sur la


laïcité, notamment dû à la délibération de la mairie de Grenoble autorisant la port du « burkini »
dans ses piscines municipales, délibération aussitôt annulée par le Juge administratif saisi par
le préfet en ce qu’elle attribuait une dérogation à une minorité qui s’était appuyée sur sa
spécificité pour déroger aux règles générales. Le 21 juin dernier, le Conseil d’Etat statuant en
référé liberté, a d’ailleurs confirmé la suspension du règlement intérieur des piscines de la ville
de Grenoble autorisant le port du « burkini ». Il a estimé que la dérogation très ciblée apportée
pour satisfaire une revendication religieuse, dérogeant aux règles de droit commun de port de
tenues de bain près du corps édictées pour des motifs d’hygiène et de sécurité, était de nature
à affecter le bon fonctionnement du service public et l’égalité de traitement des usagers dans
des conditions portant atteinte au principe de neutralité des services publics.

Ainsi, le respect des droits des minorités ne doit pas aboutir à des passe droits motivés par la
seule spécificité dont se prévaut la minorité en question. Néanmoins, cette situation prouve
que les lignes entre laïcité tolérance et dérive sont parfois très ténues.

Etienne PLENERT | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2021/2022 44


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Or, l’État tente de permettre une meilleure intégration des immigrés, tout en voulant contrôler
certains excès dus aux radicalismes religieux ou aux dérives de groupes minoritaires
souhaitant déroger aux règles et valeurs de vie communes en s’appuyant sur leur seule
spécificité.

Mais ce processus d’amélioration et de modernisation de l’intégration de l’immigration n’est


même pas encore satisfaisant, il est pour cela nécessaire que l’État accepte son rôle tout en
s’unissant à de nouveaux projets communs de gestion de l’immigration (§3).

§ 3 - Vers un rôle tenu par l’Etat national assumé devant déboucher sur de nouveaux
modes de gestion du séjour des étrangers

a) L’acceptation du rôle et de la responsabilité de l’Etat français


Il est possible de se rappeler la phrase choc prononcée par Michel Rocard alors Premier
Ministre en 1989, à savoir que «la France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais
elle doit prendre sa part». Son propos, tenu dans le contexte de l’époque, peut sembler aussi
vrai et pertinent aujourd’hui.

La pression migratoire a créé et crée encore des tensions particulièrement vives sur notre
dispositif d’accueil et d’intégration, dont quelques régions de France sont particulièrement
victimes. Tel est le cas pour les régions d’Île-de-France, Rhône-Alpes et dans le Nord.

Les dispositifs prévus, qu’ils soient juridictionnels, administratifs ou sociaux, sont


dangereusement surchargés.

S’il est un élément dont j’ai pu me rendre compte lors de mon stage au contentieux au sein du
Bureau de l’identité et des Etrangers de la Préfecture de Tulle, c’est que même en Corrèze, il
est complexe de prendre en charge tous les demandeurs d’asile, de discerner les demandes
qui méritent d’être acceptées, ou de renvoyer le plus effectivement et dignement possible ceux
qui ne remplissent pas ou plus les critères pour rester sur notre territoire.

Étant donné que les droits de la personne humaine, comme le droit à la vie ou de la prohibition
de la torture et des traitements inhumains, sont fondamentaux et ne sont ni négociables, ni
dérogeables, ils doivent être protégés de la meilleure manière possible, de la même manière
pour un national qu’un étranger.

Un problème peut résider dans le fait que le droit applicable ne peut être compris que par un
juriste. Ce droit des étrangers, par sa complexité et la multitude des sources du droit dont il
tire sa substance, peut créer un réel sentiment de faiblesse ou même d’aliénation, qui semble
difficilement compatible avec la protection des droits les plus vitaux par ce même droit.

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Il peut donc sembler bon de rappeler le préambule de Constitution affirmant que « tout homme
persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la
République », dont le Conseil constitutionnel a dégagé un droit constitutionnel à l’asile 22.

Enfin, lors du cycle de conférences organisé par l’Ordre des avocats au Barreau de Paris et le
Collège des Bernardins le 15 octobre 2014 ayant pour sujet « L’étranger et la frontière »,
Monsieur Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, est intervenu à l’écrit en
concluant son propos par le développement suivant : « Il faut aussi se souvenir que notre
société est notamment fondée sur cette parole du livre de l’Exode qui court tout au long de la
Bible : « Tu n’opprimeras pas l’étranger ; vous savez ce qu’éprouve l’étranger, car vous-
mêmes avez été étrangers au pays d’Égypte » ou encore dans le Deutéronome « Tu ne
porteras pas atteinte au droit de l’étranger… Souviens-toi que tu as été en servitude au pays
d’Égypte ». Dans ces versets, réside une part importante de notre héritage moral et spirituel,
de respect, qu’il semble nécessaire de ne point oublier » 23. Ses propos prônant la tolérance,
le courage et le respect, sont d’autant plus empreints d’actualité que plusieurs mouvements
politique populistes, prônant un rejet de l’immigration et la limitation du droit au séjour des
étrangers, touchent un public de plus en plus large.

Ainsi, alors que les partis d’extrême droite et les comportements xénophobes prennent de plus
en plus de place dans la société et ce jusque dans les plus hautes instances décisionnelles,
le temps semble devoir être accordé à la raison, et d’accepter la responsabilité de l’Etat
français dans l’accueil des populations dans le besoin, tout en contrôlant cette immigration
pour assurer la gestion saine et solide de nos frontières et de notre territoire.

Une gestion commune et solidaire de l’immigration des pays membres de l’UE peut également
sembler être une solution à une meilleure intégration des populations immigrées aujourd’hui.

b) Vers une gestion mutuelle du droit au séjour des étrangers : la montée en


puissance de l’Union Européenne
Pour affronter toutes les difficultés liées à l’immigration tout en restant cohérent avec nos
traditions d’accueil et de progrès sociaux, ainsi que pour promouvoir le modèle d’une société
tolérante mais forte et sereine, il semble nécessaire d’analyser les tensions naissant de

22Conseil constitutionnel, « Décision relative à la loi sur la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée,
d’accueil et de séjour des étrangers en France » n°93-325, 13 août 1993

23Jean-Marc Sauvé, « La frontière crée l’étranger – L’étranger crée la frontière », Intervention du à l'occasion du
cycle de conférences organisé par l’Ordre des avocats au Barreau de Paris et le Collège des Bernardins, 15
octobre 2014

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l’arrivée courants migratoires mettant à rude épreuve les capacités d’intégration des pays
européens.

Il appartient en effet à l’Union Européenne de trouver des compromis, sans tomber dans des
dérives telles que l’intolérance ou à l’opposé, un certain irénisme.

La plus grande pression migratoire prend incontestable place dans les pays frontaliers de l’UE,
notamment les pays méditerranéens, qui voient chaque année des milliers de migrants donner
leur vie en mer pour essayer de trouver l’asile sur leur territoire. Selon un rapport statistique
rendu en 2014 par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les migrants réfugiés, 2 200
d’entre eux sont décédés sur les mois de Juillet et août de la même année.

L’Europe doit nécessairement se préparer pour les potentielles futures vagues migratoires qui
pourraient survenir. Rappelons qu’en 2012, environ deux cent soixante mille demandeurs
d’asile avaient été enregistrés, pour un nombre dépassant les quatre cent trente mille en 2014,
soit une augmentation de 40%. Ce phénomène traduit en effet la situation d’extrême précarité
de la situation politique, économique et sociale dans plusieurs pays du Moyen-Orient et
d’Afrique, alors même que la guerre aux portes de l’Europe a fait venir des milliers d’immigrés
Ukrainiens sur le territoire de l’Union.

Face à cette forte demande d’asile et de séjour, l’Union Européenne a adopté un système de
gestion de l’asile et des migrations sur tout son territoire, c’est le célèbre règlement de Dublin.

Partant du principe que le niveau de protection et d’accueil des demandeurs d’asile est le
même dans tous les pays de l’UE, le système de Dublin permet de définir quel pays est le plus
à même d’accueillir une demande d’asile.

Ce système concerne toute l’Union européenne, ainsi que des pays tiers en ayant fait la
demande, à savoir la Suisse, la Norvège et le Liechtenstein.

Le système de Dublin fait partie du régime d’asile européen commun (RAEC), et se constitue
en réalité de deux règlements distincts mais complémentaires : le règlement de Dublin III
adopté en 2013 qui établit les critères et les procédures d’accueil pour les demandeurs d’asile,
et le règlement EURODAC qui organise la collecte des données biométriques des
demandeurs d’asile dès leur entrée sur le territoire de l’UE ainsi leur conservation dans une
base de donnée permettant le suivi de son dossier dans différents pays, permettant d’éviter
les fraudes et demandes multiples sous de fausses identités.

Ce règlement de Dublin III contraint un individu à déposer sa demande d’asile dans son pays
d’arrivée lorsqu’il arrive sur le territoire de l’UE. Si la demande est déposée dans un autre pays
il sera automatiquement renvoyé dans le pays d’arrivée pour qu’elle traite sa demande (par
exemple, un individu fait une demande d’asile une fois arrivé en Allemagne après être
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initialement arrivé en Espagne, sera reconduit en Espagne pour le traitement de sa demande),
on le désignera alors sous le terme de « dubliné ».

L’Etat qui sera responsable de la demande d’accueil sera, selon le règlement, celui qui a joué
le rôle le plus important dans l’entrée du demandeur d’asile sur le territoire de l’UE.

Ainsi, l’Etat responsable peut ainsi être un Etat de l’UE ou participant au système dans lequel
l’individu possède déjà de la famille (ou un adulte pouvant le prendre en charge s’il s’agit d’un
mineur), ou encore un Etat ayant déjà délivré au demandeur d’asile un titre de séjour ou un
visa, et prendra donc en charge la personne une fois les délais de validité dépassés. Si ces
deux cas de figure ne trouvent pas à s’appliquer, l’Etat responsable du traitement de la
demande d’asile de l’individu sera simplement l’Etat sur lequel ce dernier est arrivé en premier.

Ce dernier critère est celui qui est logiquement le plus souvent appliqué. Or, il rend le système
injuste car il fait reposer la majeure partie de la pression migratoire sur une quelques pays
seulement, frontaliers et proches des principaux points d’émigration, à savoir les pays
méditerranéens (l’Italie, la Grèce, ou encore Malte).

Cette situation explique qu’à l’occasion de son discours sur la situation de l’Union Européenne
prononcé à Bruxelles en 2020, la présidente de la Commission européenne Ursula Van der
Leyen a indiqué vouloir abolir le règlement de Dublin à cause de son système injuste. Car il a
été rendu limpide, notamment lors de périodes de crise migratoire comme celle survenue à
en 2015, que le système n’est pas viable. Reposant en effet en majorité sur un nombre réduit
d’Etats, il ne permet pas d’assurer un partage équitable et durable des responsabilités de l’UE
liées au droit d’asile. A l’époque, l’Italie et la Grèce, en première ligne face aux arrivées
massives de migrants provenant majoritairement de Syrie, ont dénoncé de manière virulente
le manque de solidarité des autres pays européens dû au système de Dublin..

Finalement le “Paquet asile et migrations” a été dévoilé le 23 septembre 2021 par la


Commission Européenne. Il s’agit de construire un consensus politique autour du principe de
solidarité entre Etats membres, ce qui n’a pas été le cas auparavant, certains pays vertueux
bug. Cette réforme prévoit un mécanisme de relocalisation de l’accueil des migrants pour les
Etats qui le souhaitent, accompagné de contreparties financières pour ceux qui refusent
d’accueillir des demandeurs d’asile.

Cette démarche, empreinte de l’influence de l’ex Chancelière Allemande Angela Merkel et de


son slogan « Wir schaffen das! » et porté par la Présidente de la Commission européenne
Mme Ursula Van Der Leyen, permettrait un système plus juste en allégeant le poids des
épaules des pays en première ligne face aux arrivées des migrants, ou du moins à leur verser
plus de moyens sur le principe de la solidarité européenne.

Etienne PLENERT | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2021/2022 48


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Ainsi, l’intégration de l’immigration en France et le désengorgement du contentieux du droit au
séjour passe aussi par une meilleure gestion de l’immigration à l’échelle européenne.

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CONCLUSION

Le statut d’étranger a toujours existé, depuis aussi longtemps que la notion d’appartenance à
un même groupe ou une même population a été admise. Plus récemment dans l’Histoire, c’est
la notion de nation (théorisée par Ernest Renan) et de frontière qui a créé un statut d’étranger
en tant qu’opposé au statut de national. Or, au sein de la même nation il existe bel et bien
d’autres démarcations internes créant des étrangers, telles que des démarcations
socioéconomiques ou culturelles, ou encore une exacerbation du sentiment d’appartenance
au même groupe pouvant entraîner une intolérance et un rejet des autres.

La condition des étrangers est un domaine pour lequel le droit autant civil qu’administratif a
participé à façonner nos représentations de nous-même ainsi que de ceux qui nous sont
étrangers.

Les questions des conditions d’accueil des étrangers, de la gestion de leur droit au séjour ainsi
que de leur intégration à la société française se sont posées dès les premières migrations au
XXème siècle. Alors que le premier code de la nationalité fût adopté en 1889, les ordonnances
de 1945, ont posé les bases de ce qui allait devenir le premier droit de l’immigration, en
instituant la délivrance d’une carte de séjour fixant le statut des étrangers selon des critères
dépendant de la durée et le raison de leur séjour sur le territoire. Ensuite, avec l’affirmation du
droit international, les sources du droit concernant la condition des étrangers se sont
grandement diversifiées, mettant à mal la cohérence de tout ce pan du droit ainsi que son
application pérenne et lisible. Ainsi aujourd’hui, le contentieux du droit au séjour des étrangers
est un contentieux complexe relevant d’une multitude de sources : nationales, internationales,
européennes, ou découlant de traités bilatéraux. De fait, les acteurs de ce contentieux sont
eux aussi divers, car liés à la protections de droits différents : le juge administratif est
compétent pour contrôler la légalité des actes pris par le Préfet concernant le séjour des
étrangers, alors que le juge des Libertés et de la Détention intervient dans le cadre du contrôle
des mesures restriction des libertés individuelles des individus, lord des placements en
rétention administrative notamment.

Le droit au séjour est donc un droit spécifique aux étrangers qui vise à réguler leur entrée, leur
sortie, et surtout leur séjour sur le territoire.

Le contentieux du droit au séjour se pose donc au service de plusieurs causes communes,


celle de la nation qui accueille, et celle des nouveaux arrivants, dont les buts se rejoignent
finalement dans le bon déroulement de leur séjour et l’intégration des étrangers souhaitant
rester de manière pérenne sur le territoire.
Etienne PLENERT | Mémoire de Master | Université de Limoges | 2021/2022 50
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Cependant, l’intégration des immigrés, phénomène aussi important que problématique
aujourd’hui, voit son fonctionnement défaillant être de plus en plus pointé du doigt par le débat
public. L’intégration est en effet freinée voire empêchée par de nombreux facteurs, tels que la
concentration des populations immigrées dans des quartiers, suivant parfois une logique de
ghetto, empêchant l’intégration scolaire de ses enfants et l’intégration de ses jeunes actifs au
marché du travail. Il en résulte un manque d’ouverture de ce milieu au monde, aboutissant à
certaines dérives communautaires religieuses ou traditionnalistes, entraînant un décalage
avec les valeurs et principes fondamentaux de la société. C’est ainsi que la criminalité et la
violence se sont installées dans les quartiers à fort taux de population immigrées, et que le
séjour de sa population s’en retrouve menacé.

Il semble en effet paradoxal que dans la société d’aujourd’hui, qui facilite la traversée de ses
frontières, et voit s’intensifier ses échanges et ses flux (dont ses flux migratoires) dans le cadre
de la mondialisation, n’ait pas fait disparaître la notion d’étranger mais ait au contraire accru
sa présence en exacerbant sa stigmatisation tout en renforçant certains de ses
comportements nationalistes.

C’est pourquoi il apparaît nécessaire que les Etats nationaux prennent leurs responsabilités
dans la conciliation du respect des droits de l’Homme et le particularisme des droits du citoyen
national, en repoussant les messages de peur et de rejet, tout en adoptant une démarche
prudente et optimiste.

Enfin, il existe aujourd’hui un large éventail d’instruments internationaux de protection des


droits fondamentaux, dont il convient de garantir la bonne application. En ce qui nous
intéresse, au niveau de l’Union Européenne a été réalisée l’adoption de programmes
communs de l’immigration faisant reposer la pression migratoire sur certains pays plus
exposés aux flux de migrants. La rénovation de ce système porté par la Présidente de la
Commission Européenne Mme Ursula Ven Der Leyen propose donc de construire un
consensus politique autour du principe de solidarité entre Etats membres.

La logique de solidarité avancée dans ce dispositif n’est pas sans rappeler l’adoption du plan
de relance NextgenerationUE de 750 milliards d’euros lancé pour amortir les dépenses
budgétaires réalisées par les pays membres pendant la crise sanitaire. Il est ainsi possible
d’observer un changement de paradigme européen caractérisé par une logique de solidarité
entre Etats membres plus prononcée, instituée afin de faire face aux crises que traverse
l’Union, qu’elles soient migratoires ou bien sanitaires.

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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Ouvrages

- SCHNAPPER Dominique, « La démocratie providentielle », Paris, Gallimard, 2002


- DURKHEIM Émile, « Le suicide ». Etude de sociologie, Paris, Alcan, 1897, nouvelle
édition, PUF, « Quadrige », 2007
- DURKHEIM Emile « Leçons de sociologie », éd. PUF, 1969
- Dictionnaire permanent du droit des étrangers, bulletin n°247-1 bulletin n°254-1,
bulletin n° n°311-1 et bulletins spéciaux 315/316
- BLANC-CHALÉARD Marie-Claude, « Histoire de l’immigration », éd. La Découverte,
coll. Repères, 2001
- RENAN Ernest, « Qu’est-ce qu’une nation » 1882, éd. Presses Pocket, 1992

Articles

- TRIBALAT Michèle, « Les populations d’origine étrangère en France », 2005


- LALAM Nacer et NADAUD Franck (CNRS), « Le profil socio-économique des
trafiquants », 2010
- SANCHEZ Cathy, « La cité du mâle », documentaire, 2010
- CARREAU Dominique , Répertoire de droit international - Chapitre 2, 2010
- HECKMANN Friedrich, “Integration of Immigrants in European Societies, Differences
and Trends of Convergence”, Stuttgart, Lucius & Lucius, 2003
- TACHÉ Aurélien, « 72 propositions pour une politique ambitieuse d’intégration des
étrangers », 20 février 2018

Rapports et enquêtes publiques

- INSEE, « France, portrait social », Rapport, 2010


- Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA), « Learning
outcome of students with an immigrant background », Rapport, 2009
- DARES, « Habiter en ZUS et être immigré : un double risque sur le marché du
travail»,Premières synthèses, novembre 2009
- Haut Conseil à l’Intégration, « La France sait-t-elle encore accueillir ses immigrés ? »,
Rapport, 2012

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Jurisprudence

- Conseil constitutionnel n°93-325 DC du 13 août 1993 « Loi relative à la maîtrise de


l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en
France »

- Conseil d’Etat, Monsieur Y, n° 120573, 10 avril 1992, sur le respect de la vie privée et
familiale en vertu de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme des étrangers dont le permis de séjour est refusé

- Cour de justice de l’Union européenne, CJCE 19 mars 2002, Commission c/ Italie,


affaire n°C-224/00, sur le principe de l'interdiction de la discrimination en raison de la
nationalité
- Cour de justice de l’Union européenne, CJCE,18 juillet 2007, Hartmann, affaire n°C-
212/05, sur la portée du principe de non-discrimination qui défend non seulement les
discriminations dites directes, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes
indirectes de discrimination qui aboutissent au même résultat
- Conseil d’Etat, CE, 28 février 1986, Monsieur Y, n° 41550, sur la reconnaissance du
large pouvoir d'appréciation de la diplomatie et des consulats dans la délivrance des
visas

- Conseil d’Etat, 3 février 1975, Ministre de l'Intérieur contre X, n.94108, sur la limite de
la portée exercée par le juge sur les motifs de l'arrêté d'expulsion

Textes juridiques

- Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme


- Constitution française de 1958 et son préambule
- Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999
- Directive n°2003/109/CE du 25 novembre 2003 (JOUE, no L 16, 23 janv. 2004) relative
aux ressortissants de pays tiers résidents de longue durée
- Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)
- Code Civil
- Loi N°2006-399 renforçant la prévention et la prévention des violences au sein du
couple ou commises contre les mineurs.
- Loi N°2006-399 renforçant la prévention et la prévention des violences au sein du
couple ou commises contre les mineurs.

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- Loi no 2007-290 du 5 mars 2007 créant un droit au logement opposable et portant
diverses mesures pour la cohésion sociale.
- La loi no 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration
- Code de la construction et de l’habitation

Discours

- SAUVÉ Jean-Marc, « La frontière crée l’étranger – L’étranger crée la frontière »,


Intervention du à l'occasion du cycle de conférences organisé par l’Ordre des avocats
au Barreau de Paris et le Collège des Bernardins, 15 octobre 2014

Sites internet

- Site officiel du Conseil d’État: https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-


justice/jurisprudence/dossiers-thematiques/le-juge-administratif-et-le-droit-des-
etrangers
- Site internet Légifrance
- Site officiel vie-publique.fr
- Dalloz - répertoire de droit international et droit des étrangers : https://www-dalloz-
fr.ezproxy.unilim.fr/documentation/Document?id=ENCY%2FINTR%2FRUB000238%2
F2004-08%2FPARA%2F3&scrll=ENCY%2FINTR%2FRUB000238%2F2004-
08%2FPARA%2F2&FromId=INTR_RUB000110_DOC
- Site officiel de l’INSEE : https://www.insee.fr/fr/information/2410093
- Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 :
http://ue.eu.int/ueDocs/cmSsData/docs/pressData/fr/ec/ 00200-r1.f9htm

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