Chapitre 2 Anomalies Du Bilan Du Sodium Troubles de L'hydratation Extracellulaire
Chapitre 2 Anomalies Du Bilan Du Sodium Troubles de L'hydratation Extracellulaire
Chapitre 2 Anomalies Du Bilan Du Sodium Troubles de L'hydratation Extracellulaire
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Anomalies du bilan
du sodium : troubles
de l’hydratation
extracellulaire
PLAN DU CHAPITRE
j Généralités
j Homéostasie du sodium
� Bilan du sodium
� Transport rénal du sodium
� Régulation du bilan du sodium
j Hyperhydratation extracellulaire isolée
� Présentation clinique typique et physiopathologie
� Étiologie des syndromes œdémateux
� Traitement des syndromes œdémateux
j Déshydratation extracellulaire isolée
� Présentation clinique typique et physiopathologie
� Étiologie
� Traitement
Généralités
Tout trouble de l’hydratation correspond à une anomalie du bilan de l’eau et du
sodium.
j
L e trouble de l’hydratation est purement extracellulaire si les gains ou les
pertes de sodium et d’eau ne modifient pas l’osmolalité plasmatique
du secteur extracellulaire : ce chapitre.
j
Le trouble de l’hydratation est intracellulaire ou global si les gains ou
les pertes entraînent une modification de l’osmolalité plasmatique du
secteur extracellulaire : cf. chapitre 3.
Les résultats biologiques, en particulier les examens d’urines sur échantillon, doi-
vent être obtenus avant la mise en route du traitement pour analyser correcte-
ment le trouble de l’hydratation.
Homéostasie du sodium
Bilan du sodium
j Les entrées de sodium sont alimentaires :
elles varient entre 100 et 200 mmol par jour (soit 6 à 12 g par jour) ;
environ la moitié de ces apports est liée au sel de cuisine, mais le sodium est
présent dans de très nombreux aliments ;
un régime sans sel strict apporte au maximum 2 g de sel par jour, un régime
hyposodé 4 à 6 g par jour.
j L’absorption digestive de sodium :
a lieu dans l’intestin grêle et, à un moindre degré, dans le côlon ;
est couplée à celle du glucose grâce au transporteur SGLT1.
j Les sorties de sodium sont :
extrarénales : faibles et non régulées (concentration de sodium de 5 mmol/l
dans les selles et de 20 mmol/l dans la sueur) ;
rénales : importantes et régulées.
De ce fait, l’excrétion urinaire de Na+ est considérée comme égale aux
apports de Na+.
Le rein est donc le lieu de la régulation du bilan sodé et est capable de s’adapter
aux apports (figure 2.1).
Toutefois, ce dogme du rein comme seul organe impliqué dans la régulation du
bilan du sodium a été ébranlé par des travaux récents pointant le rôle des cellules
immunitaires et des vaisseaux lymphatiques dans le contrôle du volume extra-
cellulaire.
Facteurs de conversion
Sel :
1 g de sel de cuisine
= 400 mg de Na+ + 600 mg de Cl–
= 17 mmol de Na+ + 17 mmol de Cl–
Sodium :
j mg/l × 0,043 → mmol/l
j mmol/l × 23 → mg/l
Chlorure :
j mg/l × 0,028 → mmol/l
j mmol/l × 35,4 → mg/l
20 Les troubles hydro-électrolytiques faciles
Pour comprendre
Le mécanisme de la balance glomérulotubulaire
La filtration glomérulaire crée un filtrat dépourvu de protéines et, au
contraire, concentre les protéines dans l’artériole efférente, d’autant plus
que le DFG est élevé. La pression oncotique dans les capillaires péritubu-
laires qui dérivent de l’artériole efférente est donc élevée et liée directement
au DFG. La réabsorption hydrosodée dans le tube contourné proximal,
dépendant de la pression oncotique péritubulaire, augmente alors propor-
tionnellement au DFG.
Pour comprendre
Le rétrocontrôle tubuloglomérulaire par l’appareil
juxtaglomérulaire
Le rétrocontrôle tubuloglomérulaire est fondé sur le rapprochement spatial
du tube contourné distal avec son propre glomérule, créant l’appareil juxta-
glomérulaire (figure 2.4) : localement, un groupe d’une vingtaine de cellules
spécialisées de l’épithélium du tube contourné distal — dénommé macula
densa (« tache noire ») car ces cellules apparaissent plus sombres et denses
en histologie que les cellules voisines — détecte les variations de concen-
tration luminale distale en chlorure de sodium dues aux variations du DFG :
j
en cas d’augmentation du chlorure de sodium dans le tube contourné
distal, les cellules de la macula densa déclenchent des signaux para-
crines (diffusion d’adénosine) qui aboutissent à la vasoconstriction de
l’artériole afférente voisine, diminuant le DFG ;
j
inversement, une baisse de concentration en chlorure de sodium
entraîne une vasodilatation de l’artériole afférente, augmentant le
DFG ; si la situation d’hypovolémie et de faible DFG perdure, l’appareil
juxtaglomérulaire sécrète la rénine, ce qui déclenche le système rénine-
angiotensine-aldostérone et réduit l’excrétion hydrosodée, participant
au rétablissement de la volémie.
Systèmes hormonaux
L’hormone antinatriurétique : l’aldostérone
j L’aldostérone est une hormone stéroïde minéralocorticoïde synthétisée par la
glande surrénale.
j Sa sécrétion est stimulée par l’angiotensine II (système rénine-angiotensine-
aldostérone, cf. figure 1.7 au chapitre 1) et l’élévation de la kaliémie.
j Elle active un récepteur nucléaire.
j Elle agit au niveau du tube collecteur, dans les cellules épithéliales dites princi-
pales. Son mode d’action est schématisé dans la figure 2.3D.
j Ses rôles physiopathologiques sont nombreux :
balance sodée (elle augmente la réabsorption du sodium : effet antinatriu-
rétique) ;
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 25
Dans ce cas :
j le volume du secteur extracellulaire, principalement celui du secteur inter-
stitiel, est augmenté (HEC) ;
j le volume du secteur intracellulaire est ici normal, car la tonicité plasmatique
calculée est dans ce cas de : (140 × 2) + 5 = 285 mOsm/kg H2O, donc normale ;
dans cette situation, il n’y a pas de mouvements d’eau entre le milieu extracellu-
laire et le milieu intracellulaire.
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 27
Les anomalies ne concernent alors que le milieu extracellulaire : les gains en sel et
en eau (5 kg ici) sont isotoniques (figure 2.5B).
Le bilan sodé positif se traduit par :
j la prise de poids ;
j la présence d’œdèmes, blancs, mous, indolores, déclives, prenant le godet ;
j un œdème pulmonaire aigu, voire une anasarque.
Dans ce cas d’insuffisance cardiaque (figure 2.6), les œdèmes sont secondaires à :
j l’augmentation des pressions veineuses et capillaires (augmentation de la pré-
charge), parfois sans diminution du débit cardiaque (cardiopathies diastoliques) ;
j la diminution du débit cardiaque (diminution de la post-charge) avec dimi-
nution du volume circulant efficace.
Pour comprendre
L’hypovolémie efficace
L’hypovolémie absolue est définie comme la diminution du volume san-
guin circulant (hémorragie, déficit hydrosodée). Le terme d’hypovolémie
efficace (ou relative) désigne des situations où une expansion du lit vas-
culaire (artériel et/ou veineux) entraîne une diminution du retour veineux
sanguin au cœur. Par exemple :
j
dans les cardiopathies décompensées, le volume extracellulaire est aug-
menté mais il y a une hypovolémie efficace par la diminution du débit
cardiaque et des résistances vasculaires ;
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 29
j
dans la cirrhose décompensée, la vasodilatation splanchnique crée une
hypovolémie efficace en séquestrant une fraction du volume extracellulaire.
L’organisme, via les barorécepteurs, capte les variations de la volémie effi-
cace et les interprète comme des variations de l’hydratation extracellulaire :
dans ces cas d’hypovolémie efficace sans hypovolémie absolue, la compen-
sation par hydratation extracellulaire sera inadaptée.
Autres
Les autres causes d’œdèmes généralisés ne sont pas détaillées ici. On peut citer :
j les œdèmes de la prééclampsie ;
j les œdèmes de cause médicamenteuse (inhibiteur calcique, minoxidil) ;
j les hypoalbuminémies secondaires à une dénutrition ou à une malabsorption ;
j les œdèmes idiopathiques dont la physiopathologie est incertaine.
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 31
Traitement
Le traitement propre à chaque situation clinique n’est pas détaillé ici.
Le but du traitement symptomatique est de réduire ou de faire disparaître les
œdèmes tout en maintenant ou en restaurant une volémie normale, afin que le
rein puisse éliminer la surcharge hydrosodée.
Le traitement symptomatique repose sur :
j le régime désodé strict (apports < 2 g/24 heures) ;
j les diurétiques de l’anse, les diurétiques thiazidiques ou les diurétiques dits
« épargneurs de potassium », dont les indications respectives sont détaillées dans
le chapitre 12 « Les diurétiques ».
Cas clinique
Une femme de 68 ans (65 kg) sans antécédent consulte pour une diarrhée aqueuse
abondante depuis 3 jours, qu’elle attribue à un repas de fruits de mer. La perte
Anomalies du bilan du sodium : troubles de l’hydratation extracellulaire 33
Étiologie
Les principales causes de déshydratation extracellulaire, classées selon l’origine des
pertes, sont indiquées dans le tableau 2.2.
Traitement
Seul le traitement symptomatique est décrit ici.
Il repose sur l’apport de chlorure de sodium.
34 Les troubles hydro-électrolytiques faciles
Application
Le déficit extracellulaire en litres peut être estimé, en l’absence d’anémie, par la formule
suivante :
Déficit = 20 % × Poids actuel × [(Hématocrite actuel/0,45) – 1]
Entraînement
QCM 1
Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont exactes ?
A. Le volume plasmatique représente 20 % du poids du corps.
B. En cas de trouble isolé de l’hydratation extracellulaire, la natrémie est normale.
C. La réduction du calibre de la veine cave inférieure à l’échographie est un bon signe
de déshydratation extracellulaire.
D. Un patient de 65 kg qui a des pertes isotoniques de 3 kg a perdu plus de 20 % de
son volume extracellulaire.
E. Au cours des syndromes néphrotiques, la volémie est toujours augmentée.
QCM 2
Au cours des déshydratations extracellulaires pures :
A. Le capital sodé est diminué.
B. L’osmolalité plasmatique est diminuée.
C. L’ADH est stimulée.
D. La natriurèse est toujours < 20 mmol/l.
E. La quantité de NaCl 9 g/l à perfuser peut être estimée par la perte de poids.
Bibliographie
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