Chapitre 15

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Chapitre 15 : Psychopathologie Intégrative-holistique :

La raison d’être de l’approche intégrative-holistique (d’après l’auteur Serban Ionescu) :


- L’histoire de la psychologie peut être conçue comme celle d’une série de paradigmes qui
ont échoué, parce qu’ils offraient des perspectives incomplètes, parcellaires, en se
centrant sur des parties de l’entier et ne réussissant pas à apporter des réponses
complètes aux questions que les chercheurs se posaient.

- Devereux (1985) écrivait qu’un « phénomène humain qui n’est expliqué que d’une seule
manière n’est, pour ainsi dire, pas expliqué du tout et n’est donc pas pleinement
exploitable… et cela même et surtout si sa première explication le rend parfaitement
compréhensible, contrôlable et prévisible dans le cadre de référence qui lui appartient en
propre ».

- Norcross et Grencavage (1989), deux spécialistes des psychothérapies intégratives-


éclectiques, distinguent l’intégration de l’éclectisme, ce dernier étant principalement
technique, athéorique, empirique et réaliste. L’intégration, quant à elle, serait une
démarche idéaliste, davantage théorique qu’empirique, visant la création d’une nouvelle
école par la fusion d’éléments dans un tout unifié.

- Cette approche est désignée comme intégrative3 parce qu’elle réunit l’ensemble des
informations pertinentes apportées par les autres approches de la psychopathologie,
informations qui permettent de formuler des réponses (partielles ou complètes) aux
questions que soulèvent, pour le chercheur et pour le praticien, les troubles mentaux.

- L’intégration proposée ici a comme objectif de réunir les contributions des différentes
approches, contributions obtenues dans des cadres théoriques différents, avec des
méthodes spécifiques à ces cadres théoriques, et ne vise pas une fusion des approches
pour créer un corpus théorique nouveau ou une méta-approche.

- Dans une perspective apportée par la théorie des systèmes, l’approche présentée dans ce
chapitre implique l’interaction des différentes données sur les troubles mentaux obtenues
grâce aux différentes autres approches utilisées qui, dans la production de connaissances,
gardent leur totale autonomie. Cela implique, aussi, le refus de toute hiérarchisation des
approches.

- L’approche utilisée dans ce chapitre est désignée, en même temps, comme holistique,
terme qui fait référence à une vision particulière de la personne humaine et de son
fonctionnement psychique.

Les critiques :
Conrad Lecomte (1987a, p. 31), connu pour ses travaux sur l’intégration des psychothérapies,
écrivait : « Le rêve d’une synthèse achevée semble presque conduire à une utopie ou à une
illusion narcissique de compréhension complète et parfaite de l’existence humaine. Les efforts
de synthèse récusant la dissidence risquent souvent d’aboutir à un syncrétisme nivelant sous des
atours trompeurs d’efficacité. »
Mise en garde :
Edgar Morin : distinguer, séparer, opposer les approches existantes, tout en les faisant
communiquer et en prenant soin de ne pas opérer des réductions.
Les précurseurs :
Dans leur étude sur l’unification de la psychologie, Sternberg et Grigorenko (2001) notent que
parmi les premiers à avoir de telles préoccupations se trouve, dès le début du XXe siècle,
Baldwin (1897/1906 ; 1902). Plus récemment, des propositions allant dans le sens de
l’unification ont été faites par des auteurs comme Bronfenbrenner (Bronfenbrenner, 1979 ;
Bronfenbrenner et Morris, 1998), Lerner (1998) ou Cairns (1998).

Les origines :

Pour unifier la psychologie, Sternberg et Grigorenko (2001) ont proposé le concept de


psychologie unifiée qui peut être défini comme une étude multiparadigmatique,
multidisciplinaire et intégrée des phénomènes psychologiques, en utilisant des démarches
convergentes.

Exemples de tentatives de rapprochement entre deux approches :

✓ Pour « revitaliser » la psychanalyse, Kandel propose le développement d’une relation plus


étroite avec la biologie en général et les neurosciences cognitives, en particulier. Le
lancement de la neuropsychanalyse (Mark Solms).

✓ Devereux propose l’ethnopsychanalyse complémentariste, en référence à la


complémentarité des discours de deux sciences « pures », l’ethnologie et la psychanalyse.

✓ En psychopathologie et en psychiatrie, le modèle bio-psycho-social qui intègre les


dimensions biologiques, psychologiques et sociales a occupé et occupe encore une place
importante. Il a été proposé, en 1977, par George Engel.

✓ Bergner (2004) propose d’articuler les explications fournies par les approches
behavioriste, cognitiviste, systémique, psychanalytique et biologique, en considérant la
pathologie comme une incapacité, une dysfonction qui se manifeste dans chacune des
approches psychologiques mentionnées.

Les spécificités de l’approche intégrative-holistique :

Une perspective intégrative visant l’étiologie des troubles mentaux nous est proposée par Barlow
et Durand. Dans la dernière édition de leur ouvrage (2015), ils présentent des modèles intégratifs
plus sophistiqués de certains troubles. Ainsi, les troubles des conduites alimentaires, présentent
de nombreux facteurs causals communs :

▪ Forte réactivité aux événements de vie stressants.


▪ Présence d’émotions négatives et incapacité à tolérer certains états émotionnels («
intolérance face aux humeurs »).
▪ Présence de certaines caractéristiques de personnalité (comme la tendance au
surcontrôle).
▪ Présence d’anxiété et de troubles de l’humeur dans leurs familles.
▪ Pressions sociales et culturelles en faveur de la minceur.
▪ L’importance accordée dans certaines familles à l’apparence physique pour assurer la
réussite sociale, certaines dispositions génétiques.
▪ Certaines dispositions génétiques.

L’approche intégrative, d’après cet exemple, vise, très souvent, une explication aussi complète
que possible au plan étiologique. Elle peut, aussi, avoir comme objectif la prédiction du risque
d’apparition des troubles et maladies et même aller plus loin et proposer un modèle intégré
d’intervention.

La perspective intégrative appliquée au sein d’une seule et même approche. Cicchetti (2000)
définissait la psychopathologie développementale comme un champ interdisciplinaire en
évolution qui cherche à élucider l’interaction entre les aspects biologiques, psychologiques et
socio-contextuels du développement normal et pathologique tout au long de la vie.

Un exemple : qu’apporte l’approche intégrative-holistique à la compréhension du TSA ?

1.quelle est la spécificité du tableau clinique d’un trouble particulier et comment pouvons-nous
le différencier d’autres tableaux cliniques ?
- Les critères diagnostiques du TSA sont fixés par des normes élaborées par l’Association
américaine de psychiatrie, présentées dans le DSM-5, conçu comme le continuateur de
l’approche dite athéorique.
- Pour le dépistage, le diagnostic, le suivi et le diagnostic différentiel des personnes présentant
un TSA ont été élaborés des instruments dont la grande majorité vise le repérage des
signes/symptômes du TSA et s’inscrivent, ainsi, dans une perspective behavioriste.
- Une grille de repérage a, cependant, été conçue à partir de l’approche psychanalytique. - - -
L’approche éthologique a permis l’élaboration d’un éthogramme qui facilite le diagnostic dans le
cas de la comorbidité avec le retard mental. Cette même approche a permis l’étude des intérêts
dans un milieu familial standardisé.
- Des recherches menées dans le cadre des perspectives structuraliste et
ethnopsychopathologique attirent l’attention sur la nécessité de l’individualisation de l’approche
des personnes avec TSA et respectivement, sur l’importance de la variabilité culturelle des
critères diagnostiques.
2. quelle est la prévalence de ce trouble et quelles en sont les conséquences pour l’organisation
de la prise en charge ?
3. quels sont les facteurs étiologiques impliqués dans l’apparition de ce trouble et quels sont
les mécanismes sous-jacents à son apparition ?
- Les approches biologique et cognitiviste confirment que l’autisme infantile est probablement
« plus fortement génétique ». En effet 25 % des cas a pu être élucidée.
- l’approche athéorique (APA) considère que jusqu’à 15 % des cas de TSA semble associés à une
mutation génétique.
L’hypothèse psychanalytique est prometteuse (Golse (1995)), il s’agirait de tester, dans le cas de
l’autisme, le modèle de la « spirale transactionnelle » selon lequel « le primum movens des
troubles pourrait bien revenir à l’enfant ». Les particularités de son fonctionnement psychique
désadapteraient, alors, la réponse des parents, laquelle en retour aggraverait le
dysfonctionnement de l’enfant (cercle vicieux).
4. comment évolue ce trouble au cours de la vie ?
5. quels sont les effets de ce trouble sur le fonctionnement socioprofessionnel de la personne
qui présente ce diagnostic ?
6. quels sont les effets de ce trouble sur la vie des personnes qui se trouvent dans
l’environnement d’une personne présentant ce diagnostic ?
7. comment vit son trouble la personne qui le présente ?
8. comment sont perçus le patient et ses troubles par les membres de la communauté, de la
société dans laquelle il vit ?

Résumé
• La psychopathologie intégrative-holistique est basée sur un paradigme de
complexité qui permet de distinguer et d’opposer les différentes approches
existantes, tout en les faisant communiquer et en prenant soin de ne pas opérer des
réductions.

• L’intégration est conçue comme pragmatique, évolutive-dynamique, ouverte aux


critiques constructives et au dialogue.

• Elle facilite l’articulation de l’ensemble des informations fournies par les autres
approches de la psychopathologie, informations qui permettent de formuler des
réponses aux questions que soulèvent, pour le chercheur et pour le praticien, les
troubles mentaux.

• Le fait de la qualifier d’holistique souligne l’adoption d’une vision particulière de la


personne humaine et de son fonctionnement psychique, conçus comme un tout.

• L’intérêt du chercheur et du praticien dépasse, ici, le seul trouble mental, pour se


porter aussi sur toutes les conséquences psychologiques (au sens large) et sociales
du diagnostic psychopathologique.
Comparaison avec l’approche psychanalytique

- L’approche psychanalytique se distingue principalement par :


• L’importance du passé personnel.
• L’importance de la sexualité.
• L’importance des expériences individuelles.
• Le fait de concevoir la maladie mentale dans une perspective fonctionnelle, comme
une tentative d’ajustement, et de résolution des problèmes qui n’ont pu être résolus
d’une autre manière, plus satisfaisante.
- Débats et opinions mitigés quant à La scientificité de l’approche psychanalytique. On peut
distinguer cinq points de vue :
▪ La psychanalyse est une science.
▪ La psychanalyse n’est qu’en partie une science.
▪ La psychanalyse est une science herméneutique (Science qui a pour objet
l'interprétation de textes philosophiques ou bibliques) en référence à l’association
libre.
▪ La psychanalyse n’est pas une science.
▪ La psychanalyse est autre chose.
- Trois positions concernant la validation des hypothèses psychanalytiques :

A- la validation doit se faire dans et par la cure ;


B- la validation et la vérification empirique sont nécessaires et doivent se faire par les
moyens traditionnels de la méthode expérimentale ;
C- l’étude empirique doit tenir compte de l’existence de plusieurs niveaux de
vérification (par exemple, le fait qu’au niveau de l’interaction patient-thérapeute, la
méthode expérimentale ne peut pas travailler avec efficacité). Cette partie du chapitre
contient aussi un bilan des recherches sur l’oralité. Ces recherches apportent, en
général, des arguments empiriques en faveur de la caractérologie freudienne.

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