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Chapitre 2

E.D.P. d’ordre un

Les équations aux dérivées partielles constituent le champ d’application le plus


important de la théorie des distributions. Elles en ont d’ailleurs été, historiquement,
la motivation première.
La théorie des équations aux dérivées partielles d’ordre un se ramène, dans une
certaine mesure, à celle des systèmes d’équations différentielles ordinaires.
C’est donc par l’étude de ces équations que nous commencerons, et nous verrons
sur plusieurs exemples qu’il est naturel d’avoir à considérer des solutions d’équations
aux dérivées partielles qui ne soient pas forcément différentiables. Cette constatation
fait sentir la nécessité de généraliser les notions usuelles du calcul différentiel.

2.1 L’équation de transport


L’équation de transport est le prototype des équations aux dérivées partielles
linéaires du premier ordre. Elle s’écrit

∂t f + v · ∇x f = 0 ,

où l’inconnue f : (t, x) 7→ f (t, x) est une fonction à valeurs réelles de classe C 1 définie
sur R × RN , et où v ∈ RN est un vecteur donné.
Il s’agit d’un modèle intervenant dans diverses branches de la physique (théorie
cinétique des gaz ou des plasmas, optique géométrique, neutronique. . .) L’inconnue
f (t, x) désignera, selon le contexte, une densité d’énergie ou de nombre de particules
au point x à l’instant t, dont le vecteur v est la vitesse de propagation.
La notation ∇x f désignera tout au long de ce chapitre le gradient de f par rapport
aux variables x = (x1 , . . . , xN ) :
 
∂x1 f (t, x)
∇x f (t, x) = 
 .. 
. 
∂xN f (t, x)

37
38 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

de sorte que
N
X
v · ∇x f (t, x) = vk ∂xk f (t, x) .
k=1

Soit y ∈ RN ; posons, pour tout t ∈ R, γ(t) = y + tv ; alors γ est une application


de classe C 1 de R dans RN vérifiant

(t) = v .
dt
Définition 2.1.1
L’ensemble {(t, γ(t)) | t ∈ R} est une droite de R×RN , appelée “courbe caractéristique
issue de y pour l’opérateur de transport ∂t + v · ∇x ”.

Soit f ∈ C 1 (R+ × RN ) solution de l’équation de transport. L’application t 7→


f (t, γ(t)) est de classe C 1 sur R+ (comme composée des applications f et t 7→ (t, γ(t)),
toutes deux de classe C 1 ), et on a
N
d X dγk
f (t, γ(t)) = ∂t f (t, γ(t)) + ∂xk f (t, γ(t)) (t)
dt dt
k=1
N
X
= ∂t f (t, γ(t)) + vk ∂xk f (t, γ(t))
k=1
= (∂t f + v · ∇x f )(t, γ(t)) = 0 .

Ainsi, toute solution de classe C 1 de l’équation de transport reste constante le long


de chaque courbe caractéristique.

Théorème 2.1.2
Soit f in ∈ C 1 (RN ). Le problème de Cauchy d’inconnue f

∂t f (t, x) + v · ∇x f (t, x) = 0 , x ∈ RN , t > 0 ,


f (0, x) = f in (x) , x ∈ RN ,

admet une unique solution f ∈ C 1 (R+ × RN ), donnée par la formule

f (t, x) = f in (x − tv) pour tout (t, x) ∈ R+ × RN .

Cette formule explicite pour la solution de l’équation de transport en justifie le


nom : le graphe de la donnée initiale f in est en effet transporté par la translation de
vecteur tv.
Démonstration. Si f est une solution de classe C 1 de l’équation de transport, elle
est constante le long des courbes caractéristiques, donc

f (t, y + tv) = f (0, y) = f in (y) , pour tout t > 0 , y ∈ RN .


2.1. L’ÉQUATION DE TRANSPORT 39

Figure 2.1 – Le graphe de la donnée initiale f in est translaté de t0 v pour fournir le


graphe de la fonction x 7→ f (t0 , x).

En posant y + tv = x, on trouve donc que

f (t, x) = f in (x − tv) pour tout t > 0 , x ∈ RN .

Réciproquement, pour f in ∈ C 1 (RN ), l’application (t, x) 7→ f in (x − tv) est de


classe C 1 sur R × RN (comme composée des applications f in et (t, x) 7→ x − tv qui
sont toutes deux de classe C 1 ). D’autre part on a

∇x (f in (x − tv)) = (∇f in )(x − tv) ,

tandis que
N
X
∂t (f in (x − tv)) = − vi (∂xi f in )(x − tv)
i=1
= −v · (∇f in )(x − tv) = −v · ∇x (f in (x − tv)) ,

ce qui montre que la fonction f : (t, x) 7→ f in (x − tv) est bien une solution de
l’équation de transport.
Même si f in n’est pas dérivable, la formule

f (t, x) = f in (x − tv)

garde un sens, et on souhaiterait pouvoir dire qu’elle définit encore une solution de
l’équation de transport.
40 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

Figure 2.2 – Solution de l’équation de transport présentant une discontinuité de


première espèce (saut).
2.2. LE CAS DES COEFFICIENTS VARIABLES 41

Exemple.
Pour N = 1, prendre f in en escalier, par exemple
f in (x) = 1 si x ≤ 0 , f (x) = 0 si x > 0 .
La solution de l’équation de transport modélise alors une onde de choc se propageant
à la vitesse v.
Pour l’analyse des équations aux dérivées partielles, il est donc souvent très naturel
de devoir “dériver des fonctions non dérivables”.
Le bon cadre pour cela, comme on le verra dans la suite de ce cours, est la théorie
des distributions.

2.2 Le cas des coefficients variables


Dans de nombreux contextes, la vitesse de propagation v n’est pas constante,
mais peut varier avec la position ou même avec le temps. (Pensons par exemple à la
propagation de la lumière dans un milieu d’indice variable : la vitesse de la lumière
est inversement proportionnelle à l’indice du milieu, et les rayons lumineux sont alors
courbés.)
On va donc étudier l’équation de transport
∂t f (t, x) + V (t, x) · ∇x f (t, x) = 0 , 0 < t < T , x ∈ RN ,
où V : [0, T ] × RN → RN est un champ de vecteurs admettant des dérivées partielles
d’ordre 1 par rapport aux variables xj pour j = 1, . . . , N et vérifiant les hypothèses
suivantes :
(H1) V et ∇x V sont continues sur [0, T ] × RN ,
et il existe κ > 0 tel que
(H2) |V (t, x)| ≤ κ(1 + |x|) , pour tout (t, x) ∈ [0, T ] × RN .
La notation ∇x V désigne, pour le champ de vecteurs V , la matrice
 
∂x1 V1 (t, x) . . . ∂xN V1 (t, x)
∇x V (t, x) =  .. ..
.
 
. .
∂x1 VN (t, x) . . . ∂xN VN (t, x)
Autrement dit, le j-ème vecteur colonne de la matrice ∇x V est ∂xj V , dérivée partielle
du champ de vecteurs V par rapport à la j-ième coordonnée de x, ce qui se traduit
encore par la formule
(∇x V (t, x))ij = ∂xj Vi (t, x) , i, j = 1, . . . , N .
Comme le champ de vecteurs V vérifie l’hypothèse (H1), le théorème de Cauchy-
Lipschitz entraı̂ne l’existence locale d’une unique courbe intégrale de V passant par le
point x à l’instant t. (Cf. [13], II §1.8, Théorème 1.8.1, ou bien [27], Theorem 1.2.2.)
42 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

Définition 2.2.1
Soit γ la courbe intégrale de V passant par x à l’instant t, c’est-à-dire la solution du
système différentiel

(s) = V (s, γ(s)) ,
ds
γ(t) = x .
On appellera la courbe de R × RN paramétrée par s et définie par

s 7→ (s, γ(s))

“courbe caractéristique de l’opérateur ∂t + V (t, x) · ∇x passant par x à l’instant t”.

On veut exploiter la notion de courbe caractéristique pour l’opérateur de transport


à coefficients variables ∂t + V (t, x) · ∇x afin d’aboutir à une formule semi-explicite
pour les solutions de l’équation

∂t f (t, x) + V (t, x) · ∇x f (t, x) = 0 ,

comme dans le cas où V = Const. étudié plus haut. Pour ce faire, on aura besoin de
quelques propriétés fondamentales de ces courbes caractéristiques, résumées dans la
proposition suivante. (Dans le cas où V = Const. ces propriétés sont vérifiées trivia-
lement car l’équation différentielle donnant les courbes caractéristiques est résolue de
manière explicite.)

Proposition 2.2.2 (Flot caractéristique)


Supposons que le champ de vecteurs V satisfait aux hypothèses (H1)-(H2).
Alors, pour tout (t, x) ∈ [0, T ] × RN , la courbe intégrale s 7→ γ(s) de V passant
par x à l’instant t est définie pour tout s ∈ [0, T ]. Dans toute la suite, on notera
s 7→ X(s, t, x) cette courbe intégrale, c’est-à-dire la solution de

∂s X(s, t, x) = V (s, X(s, t, x)) ,


X(t, t, x) = x .

L’application X : [0, T ]×[0, T ]×RN → RN ainsi définie, appelée “flot caractéristique


de l’opérateur ∂t + V · ∇x ”, vérifie les propriétés suivantes :
(a) pour tous t1 , t2 , t3 ∈ [0, T ] et x ∈ R3

X(t3 , t2 , X(t2 , t1 , x)) = X(t3 , t1 , x) ;

(b) pour tout j = 1, . . . , N , les dérivées partielles secondes ∂s ∂xj X(s, t, x) et


∂xj ∂s X(s, t, x) existent pour tout (s, t, x) ∈]0, T [×]0, T [×RN et se prolongent en des
fonctions continues sur [0, T ] × [0, T ] × RN ; de plus, pour tout j = 1, . . . , N , on a

∂s ∂xj X(s, t, x) = ∂xj ∂s X(s, t, x) pour tout (s, t, x) ∈ [0, T ] × [0, T ] × RN ;


2.2. LE CAS DES COEFFICIENTS VARIABLES 43

(c) pour tous s, t ∈ [0, T ], l’application

X(s, t, ·) : x 7→ X(s, t, x)

est un C 1 -difféomorphisme de RN sur lui-même préservant l’orientation ;


(d) le flot X appartient à C 1 ([0, T ] × [0, T ] × RN ; RN ).

Avant de donner la démonstration de cette proposition, expliquons le rôle de l’hy-


pothèse (H2). Considérons le cas où N = 1 et où V (t, x) = x2 : cet exemple ne vérifie
évidemment pas (H2). Alors le flot caractéristique X de ∂t + x2 ∂x vérifie

∂s X(s, t, x) = X(s, t, x)2 ,


X(t, t, x) = x .
Cette équation différentielle s’intègre explicitement : on trouve que
x
X(s, t, x) = .
1 − (s − t)x
Ainsi, lorsque x > 0, la fonction X(s, t, x) n’est définie que pour s < t + x1 , tandis
que, pour x < 0, elle n’est définie que pour s > t − x1 . Donc l’application (s, x) 7→
X(s, t, x) n’est définie sur aucun voisinage de (t, x) de la forme [a, b] × R. Autrement
dit, l’hypothèse (H2) sert à définir le flot X de façon globale — c’est-à-dire pour tout
t tel que le champ V (t, ·) soit défini et de classe C 1 .
Démonstration. Soit (t, x) ∈ [0, T ] × RN et soit γ la solution maximale du problème
de Cauchy

(s) = V (s, γ(s)) ,
ds
γ(t) = x .
On notera I ⊂ [0, T ] l’intervalle de définition de γ, qui est évidemment un voisinage
de t.
D’après l’hypothèse (H2), pour tous s, t ∈ [0, T ] et tout x ∈ RN ,
Z s
|γ(s)| ≤ |x| + |V (τ, γ(τ ))|dτ
t
Z s
≤ |x| + κT + κ |γ(τ )|dτ .
t
1
L’inégalité de Gronwall implique alors que

|γ(s)| ≤ (|x| + κT )eκ|s−t| ≤ (|x| + κT )eκT pour tout s ∈ I .


1. Inégalité de Gronwall. Soient A, B > 0 et φ : R+ → R+ continue telle que
Z t
φ(t) ≤ A + B φ(s)ds , pour tout t ≥ 0.
0
Alors
φ(t) ≤ AeBt , pour tout t ≥ 0.
44 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

Supposons que I 6= [0, T ] : d’après le “lemme des bouts” (voir le critère de pro-
longement dans [13], Partie II, §1.8, ou bien encore [17], énoncé 10.5.5), on aurait

|γ(s)| → +∞ pour s → inf(I)+ ou pour s → sup(I)− .

Or ceci est exclu par l’inégalité précédente : donc la solution maximale γ est définie
sur I = [0, T ].
(a) Remarquons que, pour tous t1 , t2 ∈ [0, T ] et tout x ∈ RN , les applications

t3 7→ X(t3 , t2 , X(t2 , t1 , x)) et t3 7→ X(t3 , t1 , x)

sont deux courbes intégrales de V passant par X(t2 , t1 , x) pour t3 = t2 . Par uni-
cité dans le théorème de Cauchy-Lipschitz, elles coı̈ncident donc sur leur intervalle
maximal de définition, c’est-à-dire pour tout t3 ∈ [0, T ], d’où l’égalité annoncée.
(b) D’après le théorème de dérivation des solutions d’équations différentielles par
rapport à la condition initiale (cf. [13], partie II, Théorème 3.4.2), pour tout instant
initial t ∈ [0, T ] fixé l’application (s, x) 7→ X(s, t, x) admet une dérivée partielle
∂xj X(s, t, x) pour tout (s, x) ∈ [0, T ]×RN et tout j = 1, . . . , N . De plus, cette dérivée
partielle est l’unique solution définie pour tout s ∈ [0, T ] de l’équation différentielle
linéaire
∂s ∂xj X(s, t, x) = ∇x V (s, X(s, t, x))∂xj X(s, t, x) ,
∂xj X(t, t, x) = ej
où ej est le j-ième vecteur de la base canonique de RN . Enfin la dérivée partielle
(s, x) 7→ ∂xj X(s, t, x) est continue sur [0, T ] × RN pour tout j = 1, . . . , N .
On déduit alors de l’équation différentielle linéaire ci-dessus que, pour tout j =
1, . . . , N , la dérivée partielle seconde

(s, x) 7→ ∂s ∂xj X(s, t, x) est continue sur [0, T ] × RN .

D’après (H1) l’application partielle V (s, ·) est de classe C 1 sur RN , ainsi que
l’application X(s, t, ·), dont on a vu qu’elle admet des dérivées partielles ∂xj X(s, t, ·)
Démonstration. La fonction ψ définie par
Z t
ψ(t) = A + B φ(s)ds , pour tout t ≥ 0
0

est de classe C 1 sur R+ et à valeurs dans [A, +∞[ puisque φ est continue et positive ou nulle sur
R+ . L’hypothèse faite sur φ s’écrit
ψ 0 (t) Bφ(t)
= ≤ B, t ≥ 0.
A + B 0t φ(s)ds
R
ψ(t)

En intégrant sur [0, t] chaque membre de cette inégalité, on trouve que


ln ψ(t) − ln ψ(0) = ln ψ(t) − ln A ≤ Bt
d’où
φ(t) ≤ ψ(t) ≤ AeBt , pour tout t ≥ 0.
2.2. LE CAS DES COEFFICIENTS VARIABLES 45

continues sur RN pour tout j = 1, . . . , N . Ainsi le membre de droite de l’équation

∂s X(s, t, x) = V (s, X(s, t, x)) , (s, x) ∈]0, T [×RN .

est-il de classe C 1 en la variable x et le théorème de dérivation des fonctions composées


entraı̂ne que, pour tout j = 1, . . . , N ,

∂xj ∂s X(s, t, x) = ∇x V (s, X(s, t, x))∂xj X(s, t, x) = ∂s ∂xj X(s, t, x)

pour tout (s, x) ∈ [0, T ] × RN — la deuxième égalité ci-dessus étant précisément


l’équation différentielle linéaire vérifiée par la dérivée partielle ∂xj X.
(c) D’après le (b), pour tous s, t ∈ [0, T ], l’application X(s, t, ·) admet des dérivées
partielles par rapport à toutes les variables xj pour j = 1, . . . , N , et ces dérivées
partielles sont continues en tout point x ∈ RN : donc l’application X(s, t, ·) est de
classe C 1 sur RN .
Appliquons d’autre part le (a) avec t3 = t1 = s et t2 = t, puis avec t3 = t1 = t et
t2 = s : on en déduit que

X(s, t, ·) est une bijection de RN sur RN d’inverse X(s, t, ·)−1 = X(t, s, ·) .

Comme la bijection X(s, t, ·) et son inverse X(t, s, ·) sont de classe C 1 sur RN , c’est
un C 1 -difféomorphisme de RN sur lui-même.
Considérons enfin le déterminant jacobien

J(s, t, x) = dét(∇x X(s, t, x)) .

Le point (b) entraı̂ne que l’application s 7→ J(s, t, x) est continue de [0, T ] dans R ;
d’autre part J(t, t, x) = 1 et J(s, t, x) 6= 0 pour tout s ∈ [0, T ], car c’est le déterminant
jacobien du difféomorphisme X(s, t, ·). Le théorème des valeurs intermédiaires im-
plique alors que J(s, t, x) > 0 pour tout s ∈ [0, T ], ce qui équivaut à dire que le
difféomorphisme X(s, t, ·) préserve l’orientation de RN .
(d) D’après le (b), l’application (s, t, x) 7→ X(s, t, x) admet des dérivées partielles
continues par rapport aux variables xj pour tout j = 1, . . . , N et tout (s, t, x) ∈
[0, T ] × [0, T ] × RN , ainsi évidemment que par rapport à la variable s puisque, par
définition, ∂s X(s, t, x) = V (s, X(s, t, x)).
Montrons que X admet aussi une dérivée partielle continue par rapport à la va-
riable t. Pour (s, x) ∈ [0, T ] × RN fixé, le point X(s, t, x) est l’unique solution y(t) de
l’équation
F (t, y(t)) = 0 ,
où on a posé
F (t, y) = X(t, s, y) − x .
L’application F : [0, T ] × R 7→ RN est de classe C 1 , et, pour tout temps t ∈
N

[0, T ], la matrice ∇y F (t, y) = ∇x X(t, s, y) est inversible — en effet, on a déjà vu que


dét(∇y F (t, y)) = J(t, s, y) 6= 0. D’après le théorème des fonctions implicites (voir [13]
46 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

partie I, Théorème 4.7.1, ou bien [26], Theorem 1.1.7), la solution t 7→ y(t) est donc
dérivable et on a
dy
(t) = −∇y F (t, y(t))−1 ∂t F (t, y(t))
dt
= −∇x X(t, s, X(s, t, x))−1 V (t, X(t, s, X(s, t, x)))
= −∇x X(t, s, X(s, t, x))−1 V (t, x) .

Cette dernière formule montre que l’application ∂t X est également continue sur
[0, T ] × [0, T ] × RN .
Comme l’application X admet des dérivées partielles continues en tout point de
[0, T ] × [0, T ] × RN , elle y est de classe C 1 .
Expliquons maintenant comment on résout le problème de Cauchy pour une
équation de transport à coefficients variables grâce à la connaissance de son flot
caractéristique. Ainsi, le Théorème 2.2.3 ci-dessous se spécialise en Théorème 2.1.2
lorsque V = Const.

Théorème 2.2.3
Soit V un champ de vecteurs vérifiant les hypothèses (H1) et (H2), et soit f in ∈
C 1 (RN ). Alors le problème de Cauchy pour l’équation de transport

∂t f (t, x) + V (t, x) · ∇x f (t, x) = 0 , 0 < t < T , x ∈ RN ,


f (0, x) = f in (x) , x ∈ RN ,

admet une unique solution f ∈ C 1 ([0, T ] × RN ). Cette solution f est donnée par la
formule
f (t, x) = f in (X(0, t, x)) ,
où X est le flot caractéristique du champ V — c’est-à-dire que s 7→ X(s, t, x) est la
courbe intégrale du champ V passant par x à l’instant t.

Démonstration. Commençons par l’unicité, et pour cela, procédons par condition


nécessaire.
Soient donc f ∈ C 1 ([0, T ] × RN ) et z ∈ RN fixés ; on va considérer la fonction
φ : s 7→ φ(s) = f (s, X(s, 0, z)). Cette fonction est de classe C 1 sur [0, T ] comme
composée de f et de l’application

s 7→ (s, X(s, 0, z))

qui est de classe C 1 d’après la Proposition 2.2.2 (d). Calculons sa dérivée


(s) = ∂t f (s, X(s, 0, z)) + ∇x f (s, X(s, 0, z)) · ∂s X(s, 0, z)
ds
= ∂t f (s, X(s, 0, z)) + V (s, X(s, 0, z)) · ∇x f (s, X(s, 0, z)) .
2.2. LE CAS DES COEFFICIENTS VARIABLES 47

Par conséquent, si f est solution de l’équation de transport

∂t f (t, x) + V (t, x) · ∇x f (t, x) = 0 , 0 < t < T , x ∈ RN ,

on a

(s) = 0 pour tout s ∈]0, T [ ,
ds
de sorte que la fonction φ est constante sur l’intervalle [0, T ]. En particulier, pour tout
s ∈ [0, T ],

φ(s) = f (s, X(s, 0, z)) = f (0, X(0, 0, z)) = f (0, z) = φ(0) = f in (z) .

Faisons le changement de variables x = X(s, 0, z) ce qui, d’après la Proposition 2.2.2


(a)-(c) équivaut à z = X(0, s, x). On trouve alors que

f (s, x) = f in (X(0, s, x)) pour tout (s, x) ∈ [0, T ] × RN .

Réciproquement, montrons que la formule

f (t, x) = f in (X(0, t, x))

définit une fonction de classe C 1 sur [0, T ] × RN , qui est solution du problème de
Cauchy pour l’équation de transport.
D’abord, f ∈ C 1 ([0, T ] × RN ) comme composée de f in qui est de classe C 1 sur
R , et de l’application (t, x) 7→ X(0, t, x), de classe C 1 sur [0, T ] × RN d’après la
N

Proposition 2.2.2 (d).


D’autre part, f (0, x) = f in (X(0, 0, x)) = f in (x) pour tout x ∈ RN .
Enfin
∂t f (t, x) = ∇f in (X(0, t, x)) · ∂t X(0, t, x) ,
∂xj f (t, x) = ∇f in (X(0, t, x)) · ∂xj X(0, t, x) ,
de sorte que

∂t f (t, x) + V (t, x) · ∇x f (t, x)


 
N
X
= ∇f in (X(0, t, x)) · ∂t X(0, t, x) + Vj (t, x)∂xj X(0, t, x) .
j=1

Le résultat annoncé découle alors du lemme suivant.

Lemme 2.2.4
Le flot caractéristique X vérifie
N
X
∂t X(0, t, x) + Vj (t, x)∂xj X(0, t, x) = 0
j=1

pour tout (t, x) ∈ [0, T ] × RN .


48 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

Démonstration. Partons de la relation (a) de la Proposition 2.2.2 :

X(t3 , t2 , X(t2 , t1 , x)) = X(t3 , t1 , x)

pour tous t1 , t2 , t3 ∈ [0, T ] et tout x ∈ RN .


Dérivons chaque membre de cette égalité par rapport à t2 : comme le flot ca-
ractéristique X est de classe C 1 sur [0, T ] × [0, T ] × RN , le théorème de dérivation
des fonctions composées entraı̂ne que 2
N
X
∂t X(t3 , t2 , X(t2 , t1 , x)) + ∂xj X(t3 , t2 , X(t2 , t1 , x))∂s Xj (t2 , t1 , x) = 0 ,
j=1

ou encore
N
X
∂t X(t3 , t2 , X(t2 , t1 , x)) + ∂xj X(t3 , t2 , X(t2 , t1 , x))Vj (t2 , X(t2 , t1 , x)) = 0 .
j=1

Posant t3 = 0 et t2 = t1 = t, on aboutit à la relation annoncée.


A nouveau, remarquons que la formule

f (t, x) = f in (X(0, t, x))

garde un sens même si f in n’est pas dérivable, et on aimerait pouvoir dire qu’elle
définit une solution en un sens généralisé de l’équation de transport

∂t f (t, x) + V (t, x) · ∇x f (t, x) = 0 .

Toutefois, pour donner un sens à un tel énoncé, on devra avoir recours à la théorie
des distributions, présentée dans la suite de ce cours.

2.3 Equations aux dérivées partielles non liné- aires


d’ordre un : étude d’un exemple
L’équation de Hopf — également appelée équation de Burgers sans viscosité —
intervient dans différents contextes, comme par exemple la dynamique des gaz sans
pression (cf. [10]), ou bien encore en tant que modèle (proposé par Ya. B. Zeldovich
[57]) pour l’évolution à grande échelle d’amas de galaxies.
L’équation de Hopf, d’inconnue u ≡ u(t, x) ∈ R, s’écrit

∂t u(t, x) + u(t, x)∂x u(t, x) = 0 , t > 0, x ∈ R.


2. Dans tout ce qui suit
∂s X désigne la dérivée de X par rapport à sa première variable,
∂t X désigne la dérivée de X par rapport à sa seconde variable.
2.3. E.D.P. NON LINÉAIRES D’ORDRE UN 49

Autrement dit, u est la solution d’une équation de transport dont la vitesse de pro-
pagation au point x et à l’instant t est la valeur u(t, x) de l’inconnue. Cette équation
est non linéaire à cause de la présence du terme u∂x u qui est quadratique en u.
Appliquons à cette équation la méthode des caractéristiques. Supposons donc que
u est une solution de l’équation de Hopf de classe C 1 sur [0, T [×R. Soit X ≡ X(s, t, x)
le flot caractéristique de l’opérateur de transport ∂t + u(t, x)∂x , c’est-à-dire que

∂s X(s, t, x) = u(s, X(s, t, x)) , 0<s<T,


X(t, t, x) = x .

(L’existence et l’unicité locales de X découlent du théorème de Cauchy-Lipschitz


puisque u est de classe C 1 .) Alors la fonction s 7→ u(s, X(s, t, z)) est de classe C 1
comme composée de fonctions de classe C 1 et on a
d
u(s, X(s, t, z)) = (∂t u + u∂x u)(s, X(s, t, z)) = 0 .
ds
La fonction s 7→ u(s, X(s, t, z)) est donc constante sur [0, T [, de sorte que

u(s, X(s, t, z)) = u(t, X(t, t, z)) = u(t, z) , 0<s<T.

Injectons cette information dans l’équation différentielle vérifiée par le flot X :

∂s X(s, t, z) = u(s, X(s, t, x)) = u(t, z) , 0<s<T,


X(t, t, z) = z ,

de sorte que
X(s, t, z) = z + (s − t)u(t, z) , 0≤s<T.
En particulier
X(s, 0, z) = z + su(0, z) , 0≤s<T.
Cette formule montre que le flot caractéristique X ≡ X(s, t, z) se prolonge à tout
R × R × R en une application de classe C 1 .
Ecrivant à nouveau que la solution u est constante le long des courbes ca-
ractéristiques de l’opérateur de transport ∂t + u∂x , on trouve donc que

u(s, z + su(0, z)) = u(0, z) , 0 ≤ s < T , z ∈ R.

En se basant sur cette égalité, on aboutit au résultat suivant :

Théorème 2.3.1
Soit uin ∈ C 1 (R), bornée sur R ainsi que sa dérivée (uin )0 .
(a) Le problème de Cauchy pour l’équation de Hopf

∂t u(t, x) + u(t, x)∂x u(t, x) = 0 , t > 0, x ∈ R


in
u(0, x) = u (x) , x ∈ R,
50 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

admet une unique solution de classe C 1 sur [0, T [×R, où

1
T = ,
supz∈R (max(0, −(uin )0 (z)))

avec la convention 1/0 = +∞. Cette solution est définie par la relation implicite

u(t, z + tuin (z)) = uin (z) , (t, z) ∈ [0, T [×R .

(b) Si u ∈ C 1 (R+ ×R) est solution de l’équation de Hopf sur R+ ×R, alors la donnée
initiale z 7→ u(0, z) est croissante sur R.

Démonstration. (a) Pour s ≥ 0, posons

φs (z) = z + suin (z) , z ∈ R.

La fonction φs est de classe C 1 sur RN et

φ0s (z) = 1 + s(uin )0 (z) > 0 pour tout (s, z) ∈ [0, T [×R ,

par définition de T . Comme uin (z) = O(1) pour |z| → +∞,

φs (z) → ±∞ pour z → ±∞ .

Par conséquent φs est une bijection croissante de R sur lui-même pour tout s ∈ [0, T [,
de classe C 1 ainsi que sa réciproque φ−1
s .
Enfin, appliquant le théorème des fonctions implicites (voir [13], partie I, Théorème
4.7.2, ou bien encore [26], Theorem 1.1.7) à l’équation

F (t, z) := z + tuin (z) − x = 0

dont l’unique solution est z = φ−1


t (x), on vérifie que l’application

Φ : (t, x) 7→ Φ(t, x) = φ−1


t (x)

est de classe C 1 sur [0, T [×R, avec

uin (Φ(t, x))


∂t Φ(t, x) = − ,
1 + t(uin )0 (Φ(t, x))
1
∂x Φ(t, x) = + .
1 + t(uin )0 (Φ(t, x))

Donc la fonction
u(t, x) = uin (Φ(t, x))
est de classe C 1 sur [0, T [×R comme composée de fonctions de classe C 1 .
2.3. E.D.P. NON LINÉAIRES D’ORDRE UN 51

Figure 2.3 – Apparition d’une onde de choc dans la solution de l’équation de Hopf.
Le graphe de la donnée initiale uin est transporté par les caractéristiques. Or les
caractéristiques issues de P et Q se coupent à l’instant T . Le graphe de uin transporté
par le flot caractéristique cesse donc, en temps fini, d’être le graphe d’une fonction. La
figure montre l’évolution d’une donnée initiale dont le graphe est une courbe croissante
puis décroissante. A l’instant t1 , le graphe de uin transporté par le flot caractéristique
est encore le graphe d’une fonction — précisément de x 7→ u(t, x). En revanche, à
l’instant t2 , le graphe de uin transporté par le flot caractéristique n’est plus le graphe
d’une fonction.
52 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

Enfin
(uin )0 (Φ(t, x))uin (Φ(t, x))
∂t u(t, x) = (uin )0 (Φ(t, x))∂t Φ(t, x) = − ,
1 + t(uin )0 (Φ(t, x))
(uin )0 (Φ(t, x))
∂x u(t, x) = (uin )0 (Φ(t, x))∂x Φ(t, x) = + ,
1 + t(uin )0 (Φ(t, x))

de sorte que
∂t u(t, x) + uin (Φ(t, x))∂x u(t, x) = 0 .
Comme uin (Φ(t, x)) = u(t, x), on en déduit que u est bien solution de l’équation de
Hopf (la condition initiale étant évidente, puisque Φ(0, x) = φ−10 (x) = x.)
L’unicité provient de l’application de la méthode des caractéristiques rappelée
avant l’énoncé du théorème. En effet, toute solution de l’équation de Hopf de classe
C 1 sur [0, T [×R vérifie

u(t, z + tu(0, z)) = u(0, z) , (t, z) ∈ [0, T [×R ,

c’est-à-dire
u(t, φt (z)) = uin (z) , (t, z) ∈ [0, T [×R .
En faisant le changement de variables φt (z) = x, c’est-à-dire

z = φ−1
t (z) = Φ(t, x) ,

on trouve que
u(t, x) = uin (Φ(t, x)) , (t, z) ∈ [0, T [×R .

(b) Si u est solution de classe C 1 de l’équation de Hopf sur R+ × R, elle vérifie la


relation
u(s, z + su(0, z)) = u(0, z) , pour tout (s, z) ∈ R+ × R ,
d’après la méthode des caractéristiques.
Supposons que z 7→ u(0, z) n’est pas croissante sur R : il existe donc z1 < z2 tel
que u(0, z1 ) > u(0, z2 ). Définissons
z2 − z1
s∗ = > 0.
u(0, z1 ) − u(0, z2 )

Alors
z1 + s∗ u(0, z1 ) = z2 + s∗ u(0, z2 ) ,
de sorte que

u(0, z1 ) = u(s∗ , z1 + s∗ u(0, z1 )) = u(s∗ , z2 + s∗ u(0, z2 )) = u(0, z2 ) .

On aboutit ainsi à une contradiction, ce qui infirme l’hypothèse de départ, à savoir


que z 7→ u(0, z) n’est pas croissante sur R.
2.4. NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 53

Ce résultat montre que, pour une équation de transport non linéaire, il se peut
(a) que le flot caractéristique soit défini globalement,
(b) que la donnée initiale soit globalement de classe C 1 ,
et pourtant que la solution ne soit pas définie et de classe C 1 globalement, c’est-à-dire
pour tout (t, x) ∈ R+ × R.
Ce type de comportement est caractéristique des équations différentielles non
linéaires, aux dérivées partielles ou non.
Nous avons déjà évoqué plus haut l’exemple de l’équation de Riccati

dy
= y2 , y(0) = y in ,
dt

dont la solution
y in
y(t) =
1 − ty in

n’est pas définie globalement, c’est-à-dire pour tout t ∈ R, si y in 6= 0.


L’exemple de l’équation de Hopf présenté ci-dessus est tout à fait analogue au cas
de l’équation de Riccati.
Toutefois, il est possible de prolonger la solution locale de classe C 1 de l’équation
de Hopf après le temps T donné dans le Théorème 2.3.1, en une fonction qui n’est
plus de classe C 1 , qui admet en général des discontinuités de première espèce, mais
qui est pourtant solution de l’équation de Hopf en un sens généralisé. On verra plus
loin comment réaliser ce prolongement au chapitre 9, dans la section 9.5.
L’apparition spontanée de singularités dans des solutions d’équations aux dérivées
partielles est encore une nouvelle motivation pour développer le formalisme des dis-
tributions.

2.4 Notes bibliographiques


La résolution des équations aux dérivées partielles linéaires d’ordre un par la
méthode des caractéristiques suit de près l’exposé qui en est fait dans le chapitre
1 de [9].
Pour aller un peu plus loin, notamment en abordant les problèmes aux limites
posés dans des domaines bornés pour l’équation de transport, on pourra consulter le
chapitre 2 de [3].
On trouvera une présentation légèrement différente de la résolution de l’équation
de Hopf dans la phase de régularité par la méthode des caractéristiques dans le §2.3
du chapitre II de [27].
54 CHAPITRE 2. E.D.P. D’ORDRE UN

2.5 Exercices
Exercice 1. Résoudre le problème de Cauchy

∂t f (t, x) + v · ∇x f (t, x) + a(t, x)f (t, x) = 0 , x ∈ RN , t > 0 ,


f (0, x) = f in (x) , x ∈ RN ,

où a ∈ C 1 (R+ × RN ). On appliquera la méthode des caractéristiques.


Exercice 2. Même question pour le problème de Cauchy avec second membre

∂t f (t, x) + v · ∇x f (t, x) + a(t, x)f (t, x) = S(t, x) , x ∈ RN , t > 0 ,


f (0, x) = f in (x) , x ∈ RN ,

où a et S ∈ C 1 (R+ × RN ).
Exercice 3. Soient λ > 0, a et S ∈ C 1 (RN ). Supposons qu’il existe M > 0 tel que

a(x) ≥ 0 et |S(x)| + |∇S(x)| + |∇a(x)| ≤ M pour tout x ∈ RN .

Montrer que l’équation de transport stationnaire

λf (x) + v · ∇x f (x) + a(x)f (x) = S(x) , x ∈ RN ,

admet une unique solution bornée f de classe C 1 sur RN , et que cette solution est
donnée par la formule
Z +∞ Rt
f (x) = e−λt− 0 a(x−sv)ds S(x − tv)dt .
0

Exercice 4. Soit f ∈ C 2 (R) telle que f 00 (U ) ≥ a > 0 pour tout U ∈ R. Considérons


le problème de Cauchy
∂t v + f (∂x v) = 0 ,
v t=0
= v in ,
où v in ∈ C 2 (R) est bornée sur R ainsi que ses deux premières dérivées.
1) Quelle est l’équation satisfaite par ∂x v ?
2) En déduire un résultat d’existence et unicité locale pour le problème de Cauchy
vérifié par v.

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