m1.4 - Sequence 2
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Sommaire
Introduction
L’analyse du processus de formulation des décisions stratégiques fait l’objet de débats controversés.
En effet, les réponses aux questions qui vont suivre ont été le plus souvent divergentes :
Ces approches nous paraissent complémentaires et la « vérité » est probablement entre les deux…et
en tout cas, la conception du PDG qui élabore tranquillement, à partir de son bureau, la stratégie de
son entreprise est dans une large mesure une déformation de la réalité. Le PDG et son équipe
constituent bien évidemment le moteur du processus mais pas le seul élément structurant. En effet,
la stratégie de l’entreprise prend forme dans un flux continu d’actions.
Certaines actions sont planifiées, recherchées et d’autres sont tout au contraire émergentes et
répondent le plus souvent à des situations et événements non prévus, voire imprévisibles et
auxquels l’organisation a été confrontée, situations dans lesquelles les dirigeants ont dû réagir pour
lui permettre d’adapter par exemple son offre face à la concurrence et cela, afin de ne pas rater des
occasions ou d’éviter carrément la dérive complète.
Principalement, deux courants de pensée illustrent ces approches radicalement opposées et que
nous examinons dans les deux sections ci-après :
1 - le courant rationaliste
Selon ce courant initié par Ansoff (voir Stratégie du développement de l’entreprise paru aux éditions
d’Organisation, 1988), la planification stratégique constitue une démarche, un mode de
raisonnement qui tend à favoriser une bonne analyse de la situation d’une organisation et partant,
une réalisation relativement satisfaisante de ses objectifs. Dans cette perspective, cette notion
couvre la phase de formulation de la stratégie et certains aspects de sa mise en œuvre. Elle implique
une analyse très fine de l’organisation sous trois dimensions :
- économique
- humaine
- et organisationnelle.
- la 1ère descendante : le processus est initié par la DG et descend par étape vers la base de
l’organisation ;
- la 2ème ascendante : elle agrège les choix opérés par les hiérarchies subalternes ;
- la 3ème combine les deux premières ; fondée sur la recherche du consensus elles est appelée «
planification à la japonaise ».
A) La dimension économique
1° la définition des CAS (Centres d’Activités Stratégiques) ou DAS (Domaines d’Activités stratégiques),
c’est-à-dire le triptyque PRODUIT/MARCHE/TECHNOLOGIE.
3° la fixation des objectifs quantitatifs et qualitatifs, par exemple, cela peut correspondre à la quête
d’un positionnement au 1er rang des firmes innovantes ou bien à une politique de réduction des
coûts de 10 ou 20% en 2 années.
4° Choix du portefeuille d’activité, c’est-à-dire choix des produits que l’organisation souhaite
fabriquer et/ou vendre et cela, dans une perspective à long terme.
5° Analyse de l’environnement : la démarche consiste à réaliser un audit stratégique pour repérer les
grandes tendances de l’environnement, en terme d’opportunités et de menaces.
6° Evaluation des ressources : établissement du bilan retraçant les moyens, les atouts, les points forts
et les points faibles de chacun des DAS projetés ; par exemple, une excellente image de marque des
produits, un bon réseau de distribution, un personnel jeune et bien formé, mais assise financière
précaire (analyse qui peut dans ce cas entraîner une augmentation des capitaux propres…).
7° Etude de l’écart de planification, c’est-à-dire du décalage existant entre ce que veut entreprendre
l’organisation d’une part, et ce à quoi elle devrait normalement aboutir compte tenu du diagnostic
mis en évidence dans les étapes précédentes, de l’autre.
9° Elaboration des stratégies correctives de croissance ou de contingence, comme par exemple, les
mesures tendant à améliorer les parts de marché de l’entreprise ou bien, les mesures destinées à
permettre une certaine adaptabilité localement face aux ruses des concurrents.
10° Définition des politiques d’orientation concernant les niveaux et les proportions des différentes
activités (au besoin suppression de certaines d’entre elles…) et définition des ajustements à adopter
par rapport à ces questions.
11° Evaluation des stratégies suivies. La démarche tend à savoir dans quelle mesure les stratégies
observées ont permis de réaliser les objectifs postulés ; le but de la manoeuvre est ici de tirer les
leçons pour l’avenir.
12° Choix stratégiques, c’est-à-dire sélection des stratégies et des politiques à mettre en œuvre en
fonction des priorités et des possibilités de l’organisation ; exemple : développement des activités
existantes, ou bien, au contraire, canalisation des efforts sur l’innovation.
13° Elaboration des programmes et des plans d’action en précisant un ordre de priorité et un
échéancier, en intégrant les différentes contraintes en particulier celles liées à la concurrence.
14° Evaluation en termes monétaires des décisions stratégiques et analyse financière des choix en
termes de faisabilité, de rentabilité et de risque.
15° Recherche d’un système gestionnaire adapté ; la démarche tend à trouver des réponses
pertinentes aux questions du type : quelle configuration structurelle adopter ? Quel système de
contrôle de gestion mobiliser ? Quels critères et quels paramètres de régulation des comportements
faut-il instaurer ? Par exemple, choisir entre la forme divisionnelle et la forme fonctionnelle ; un
système de régulation fondé sur des valeurs (c’est-à-dire une culture d’entreprise) ou bien sur règles
écrites (c’est-à-dire une système bureaucratique) ou encore un mixage des deux modes.
1 - Le contenu
Ces interrogations recouvrent les étapes élémentaires structurant le processus politique qui peut
être décrit comme suit :
2° Analyse des liens tissés avec ces acteurs, évaluation de leur influence respective sur la marche de
l’organisation et mise à jour des opportunités et des risques potentiels qui peuvent en découler.
3° Recherche d’une base politique et estimation de l’opposition, c’est-à-dire identification des alliés
et des ennemis potentiels compte tenu de la concordance ou de la divergence objective des intérêts
respectifs.
4° Analyse des influences internes et externes, c’est-à-dire identification des acteurs qui possèdent
un pouvoir de contrôle sur les processus décisionnels (contrôle sur l’accès aux ressources, pouvoir
syndical, pouvoir politique etc.)
5° Evaluation du système politique des acteurs, c’est-à-dire des réseaux de relation utilisés par ces
auteurs, cela pour en repérer les forces et les faiblesses.
7° Recherche de l’indépendance stratégique ; la question ici est de savoir ce que peut véritablement
faire l’organisation par elle-même ; et cela, dans le but de demeurer relativement libre de ses choix.
Il s’agit aussi de préciser – quand cela est nécessaire – les conditions dans lesquelles elle devrait ou
pourrait nouer des alliances.
8° Sélection des alliés potentiels, c’est-à-dire des acteurs susceptibles de l’aider dans la poursuite de
ses objectifs et dans ses luttes contre ses adversaires et contre toutes actions de nature à contrarier
ses intérêts et cela, en se fondant sur la stratégie du « donnant-donnant »
9° Négociation des coalitions ou choix des acteurs avec lesquels une alliance sera formée et cela, en
fonction de la contribution escomptée et du coût attendu.
10° Formation de la stratégie politique, c’est-à-dire identification des actions qui vont permettre de
tirer profit des forces et des compétences de la coalition ou de faiblesses des concurrents, tout en
repérant les mesures de nature à surmonter les insuffisances de l’alliance.
11° Prévision et anticipation des réactions des opposants, de leur contre - stratégies et des
ajustements susceptibles d’être développés par eux.
C) La dimension organisationnelle
3° détermination du type de division du travail, par exemple, des unités organisées autour de
fonctions spécialisées, avec des précisions sur les rôles assignés aux différentes fonctions, aux agents
de maîtrise et aux cadres.
4° définition des moyens de coordination, par exemple choix d’un système de règles formelles ou
d’un système de valeurs à faire partager par les membres de l’organisation.
a) Quel contrôle ?
Par rapport à cette présentation, on peut ajouter que les trois dimensions sont complémentaires. La
dimension organisationnelle constitue à la fois l’infrastructure d’aide à la formulation des objectifs et
le moyen nécessaire à leur mise en œuvre. Les processus économiques et humains sont encadrés par
les processus organisationnels qui les orientent en définissant des marges de liberté et des limites.
Mais de manière quasi irréductible, l’observation des pratiques gestionnaires met en évidence des
écarts entre les comportements postulés (prescrits par l’organisation) et les comportements réels
adoptés par les membres de l’organisation.
En outre, il convient de faire remarquer que lorsque les processus organisationnels prédominent au
détriment des processus économiques et humains, les organisations peuvent connaître des dérives,
des pathologies qui les transforment en « bureaucraties ronronnantes » ; ce qui signifie que la finalité
sociétale de l’organisation est négligée au profit des objectifs secondaires ou des intérêts personnels
des dirigeants. De plus, lorsque les dimensions économiques et organisationnelles prédominent, on
peut parler de « mécanique aveugle » et cela, dans la mesure où les objectifs humains et sociaux ne
sont pas suffisamment pris en considération. La notion de management stratégique avancée par
Ansoff (voir Stratégie du développement de l’entreprise paru aux Editions d’Organisation, 1988),
permet de conceptualiser la situation dans laquelle les trois dimensions sont prises en compte de
manière équilibrée.
Le courant rationaliste a subi de nombreuses critiques, les principales attaques viennent du courant
incrémentaliste et du courant heuristique.
A) Le courant incrémentaliste
Les principaux représentants de ce courant sont Cyert, March, Lindblom et Mintzberg (consulter à ce
sujet STRATEGOR, ouvrage collectif intitulé Stratégie, structure, décision, identité paru chez Inter
Edition en 1993). Ce courant critique l’aspect normatif de l’approche rationaliste et son manque de
réalisme quant aux difficultés de mise en œuvre pratique. En effet, la démarche rationaliste suppose
que toutes les solutions pour l’avenir puissent être envisagées afin de faire le choix optimal. En fait, il
n’est pas imaginable d’être totalement exhaustif dans les prévisions ni de pouvoir construire tous les
scénarios possibles, ceci en raison des capacités cognitives limitées de l’homme, des coûts et des
délais d’obtention de l’information, de l’indisponibilité de certains chiffres… Les choix sont donc
réduits par ces contraintes. Pour ce courant, l’approche rationaliste présente notamment les lacunes
suivantes :
1) Le formalisme des procédures et la sophistication des outils qui alourdissent la gestion des
organisations tout en réduisant leur capacité d’adaptation et leur aptitude à saisir de nouvelles
opportunités ;
2) La volonté de tout prévoir paralyse l’action et ne conduit donc pas à des décisions meilleures que
celles qui sont prises intuitivement ou après un examen rapide de la situation ; voir à ce propos
l’ouvrage de Patrice Bonareli intitulé Rationalité économique et culture d’entreprise, paru aux
éditions l’Harmattan
3) La réflexion stratégique formalisée génère peu d’idées nouvelles car elle est centrée surtout sur
l’évaluation des actions passées ;
4) Les outils disponibles poussent les dirigeants à choisir « mécaniquement » des options dans un
répertoire statique, ce qui a pour effet d’éliminer les solutions nouvelles tout en fragilisant la position
de leur organisation face à des concurrents n’adoptant pas la même perspective. Voir à ce sujet
l’ouvrage de Michel Berry intitulé Une technologie invisible ? L’impact des outils de gestion sur
l’évolution des systèmes humains. CRG Ecole polytechnique, Paris, 1983.
B) Le courant heuristique
Les principaux représentants de ce courant sont Peters et Waterman ( voir notamment Le prix de
l’excellence Inter Edition Paris 1983). Le nom de cette approche a été choisi en fonction de l’un de
ses préceptes fondamentaux : agir et s’instruire à partir de l’action ; ce qui pousse à procéder par
tâtonnement. Il s’agit tout d’abord de privilégier la mise en pratique des idées neuves, de les tester
et de les développer en cas de réussite ; par la suite, une autre priorité est apparue aux partisans de
ce courant : la quête du consensus en mobilisant les hommes autour d’un projet. Ainsi, les projets
d’entreprise sont une forme de formulation de la stratégie des organisations. L’attention qui doit
être accordée à l’environnement constitue une autre priorité soulignée par ces auteurs (notamment
les clients et les concurrents). Il s’agit d’être à l’écoute afin de pouvoir réagir rapidement et
d’anticiper face aux changements de la situation. Une autre piste mise en évidence par ce courant
recommande des organigrammes simples, avec peu de niveaux hiérarchiques (décentralisation
verticale et horizontale).
L’ouvrage de Waterman titré Les champions du renouveau Inter Editions Paris 1990 est représentatif
de l’évolution de cette école qui s’intéresse à la gestion du changement. Dans cette perspective,
l’adaptation des organisations doit être continue ; elle doit s’appuyer sur leur capital humain. Il s’agit
de diriger en responsabilisant. Des résultats de son enquête faite à ce sujet, Waterman retient huit
principes :
1) Le processus d’élaboration de la stratégie est plus important que le plan stratégique lui-même ; car
cela permet de recueillir des informations ; d’identifier les problèmes ; d’améliorer les
communications ; de renforcer une culture commune ; de rendre plus efficace le contrôle de gestion
et de mettre à jour les crises latentes ;
6) Evoluer dans la stabilité, préserver les emplois tout en évitant les habitudes, la routine
7) Manifester une attitude positive et prêter une attention soutenue à la qualité des produits ; des
services ;
Waterman propose une planification souple, centrée sur la recherche de compétences distinctives
prenant appui sur des atouts concurrentiels durables. Les règles énoncées par cet auteur font penser
aux pratiques des entreprises japonaise décrites par Ouchi (voir à ce sujet Théorie Z. face au défi
japonais Inter Edition 1982) ou Maury dans son ouvrage Les patrons japonais parlent, Seuil,
Paris,1900.
L’apparente simplicité de la démarche heuristique a contribué à susciter un certain intérêt
notamment des dirigeants de PME, assez vite déçus car les principes suggérés demeurent à un
niveau anecdotique
Conclusion
En conclusion à cette section, on peut dire que les méthodes d’élaboration classique des choix
stratégiques sont synonymes de lourdeur et de rigidité. Dans les organisations dynamiques, on peut
observer des méthodes pragmatiques, souples, dont la finalité et le rôle ont radicalement changé : il
s’agit de communiquer, de faire partager des objectifs et des orientations plutôt que de réaliser à
tout prix les performances projetées. Dans cette perspective, les méthodes d’élaboration suivies ne
sont plus fondées uniquement sur une conception rationnelle et économique de l’organisation ; ces
démarches ne sont pas linéaires et il est laissé une plus grande place à la créativité et à la réactivité
au niveau de l’action. La réalité humaine et organisationnelle est prise en compte dans toute sa
complexité et son ambiguïté. Ces démarches sont sous-tendues par une conceptualisation de
l’organisation en tant qu’entité mobilisant un cadre de représentation plus ouvert et moins rigide
que l’enchaînement mécanique des séquences des étapes caractérisant la conception classique dela
formulation stratégique ; formulation qui propose une vision synchronique d’une réalité figée. Elles
constituent plutôt une orientation générale et une volonté suffisamment forte pour s’y conformer.
La vision adoptée est dans ce nouveau cas uns vision diachronique, au sens où la formation de la
stratégie et sa mise en œuvre sont envisagées et mise en application suivant un processus continu au
cours duquel de nombreux choix stratégiques et de nouveaux objectifs apparaissent. On peut citer
dans ce sillage la méthode STRADIN (pour Stratégie Dynamique Inter relationnelle) développée par
Alain Thiétart. Cette méthode repose sur une vision en rupture avec la représentation linéaire du
processus de formalisation et de mise en œuvre de la stratégie. Elle fait place à la notion de logiques
d’action divergentes, de créativité et prend davantage en compte l’incertitude, l’ambiguïté des
situations de gestion et souligne la complexité des relations humaines et des problèmes d’inter face ;
par exemple, dans une entreprise, les objectifs contradictoires du fabricant (le Directeur de la
Production) et du vendeur (le Directeur Commercial) :
. Le 1er voudrait standardiser les processus de fabrication et les perpétuer, pour s’assurer une grande
maîtrise technologique et limiter l’incertitude sur le plan technique ;
Le 2ème (le vendeur) va pousser a contrario à l’innovation, à l’amélioration constante des produits
pour vendre toujours plus, ou du moins, continuer d’exister sur le marché… Et s’il ne parvient pas à
défendre ses parts de marché, il aura tendance à rejeter la responsabilité sur le fabricant, en
prétextant que ce sont les produits qui ne sont « bons » ou que c’est trop cher, le fabricant ne
sachant pas produire aussi bien (qualité des produits) et à moindres coûts que les concurrents.
La méthode Stradin suggère de faire interagir les différentes catégories d’acteurs au cours de
journées de réflexion mais aussi de façon permanente, en continu, sur toute l’année pour faciliter les
communications, décloisonner et mettre à jour les problèmes d’interface. Ces acteurs auront à se
parler, à se critiquer et finalement à prendre des décisions ensemble. Cette méthode peut aider à la
résolution des problèmes et présente l’avantage de mettre à jour les stratégies émergentes tout en
favorisant un meilleur climat social et partant, une meilleure adhésion aux objectifs organisationnels.
Version : 01/11/2013