La Justice Et Le Pouvoir Politique - Entre Indépendance Et Influ
La Justice Et Le Pouvoir Politique - Entre Indépendance Et Influ
La Justice Et Le Pouvoir Politique - Entre Indépendance Et Influ
indépendance et influences
Pascal Jan
Dans Après-demain 2017/1 (N ° 41, NF), pages 20 à 22
Article
La justice entretient une relation étroite mais particulière avec le pouvoir
politique. Séparée de lui conformément au principe de la séparation des
pouvoirs, la Justice agit dans le cadre des lois. Son indépendance est
régulièrement questionnée comme l’est sa place au sein de l’échiquier
institutionnel. Il faut ici se rappeler que pour Locke et Montesquieu, la
puissance de juger est une puissance associée à la fonction exécutive mais
que compte tenu de sa fonction – la garantie de la propriété privée et de la
liberté – elle doit bénéficier d’un statut qui la protège d’interférences
extérieures. Si la justice a acquis une réelle indépendance, celle-ci n’est
certainement pas absolue. Cela tient à ce que la magistrature ne constitue
pas un « pouvoir » comparable au pouvoir exécutif et au pouvoir
parlementaire.
C’est le Parlement qui détermine les incriminations, les délits et les peines 10
qu’appliquent les juges. C’est surtout le Parlement qui fixe le statut des magistrats.
De ce point de vue, les magistrats judiciaires sont davantage protégés que leurs
homologues des juridictions administratives, leur statut relevant de la loi organique
obligatoirement examinée par le Conseil constitutionnel. Et le juge de la loi veille
scrupuleusement à cette occasion au respect du principe constitutionnel de la
séparation des pouvoirs consacré par l’article 16 de la Déclaration des droits de 1789.
Il conviendrait là encore d’amender le texte constitutionnel pour faire en sorte que le
statut des membres des juridictions administratives, Conseil d’État compris, relève
de la législation organique. L’organisation juridictionnelle n’en serait que plus
cohérente ; la réforme n’en est que plus urgente compte tenu de l’implication
grandissante des juges administratifs dans la protection des libertés individuelles.
C’est le Parlement qui est constitutionnellement compétent pour « casser » une 11
décision de justice et une interprétation judiciaire de la loi. Ce n’est pas pour autant
que l’indépendance de la justice est atteinte dès lors que le Conseil constitutionnel,
influencé par la Cour européenne des droits de l’homme, y met des bornes que seul le
constituant peut outrepasser. À savoir que si les lois de validation et interprétatives
produisent des effets rétroactifs, leur constitutionnalité est subordonnée à la
survenance d’un « impérieux » motif d’intérêt général. Par ailleurs, le législateur peut
défaire pour l’avenir une jurisprudence ou la neutraliser sans pour autant renier la
séparation des pouvoirs, l’indépendance des juridictions. Le cas de l’affaire Perruche
est souvent évoqué, avec raison, de ce pouvoir parlementaire de « défaire » une
jurisprudence. Alors que la Cour de cassation par deux arrêts rendus en 1996 et en
2000 avait consacré explicitement le droit pour l’enfant né handicapé d’être
indemnisé de son propre préjudice, le législateur décida en 2002 d’interdire une telle
indemnisation. Les propos du ministre de la Santé, B. Kouchner, sont éclairants :
« Pour la première fois, sans doute l’union s’est faite contre une décision de
justice… ». Cette hiérarchie entre pouvoir parlementaire et autorité judiciaire
garantit l’absence d’un gouvernement des juges.
Au-delà de la polémique, il est certain qu’une harmonie s’impose entre les ordres 14
juridictionnels. Il conviendrait de remettre à la Cour de cassation l’inspection des
juridictions placées sous son autorité, elle-même inspectée par une autorité
incontestable car garante de l’indépendance de l’autorité judiciaire : le CSM. Par
souci de cohérence, le Conseil supérieur des TA et CAA exercerait une compétence
similaire sur le Conseil d’État. L’emprise du gouvernement serait nulle et
l’indépendance juridictionnelle en sortirait renforcée.
Plan
L’indépendance de la justice, une assurance constitutionnelle
Auteur
Pascal Jan
Cairn.info