Memoire Piratage

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École des hautes études en sciences de l'information et de la communication

MASTER 2ème année

Mention : Information et Communication


Spécialité : Communication, médias et médiatisation

Les usages pirates : une sémiologie de la légalité


Comment les dispositifs numériques de consommation illégale d'œuvres culturelles
déculpabilisent les utilisateurs.

Préparé sous la direction du Professeur Véronique RICHARD

Nom, Prénom : TAGOURTI Nawel


Promotion : 2007­2008
Option : Médias Informatisés et Stratégies de Communication
Soutenu le :
Note du mémoire :
Mention :
Quand vous distribuez des contenus protégés par copyright en ligne sans payer, ça s'appelle du « vol »;
quand je le fais, ça s'appelle du « business »

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 2|124
REMERCIEMENTS

Mes premiers remerciements vont à l'ensemble des pirates plus ou moins conscients et
responsables de leurs actes avec qui j'ai pu échanger en tout liberté sur les différentes tactiques pour
réussir à regarder mes séries préférées : Walid, Haykel, Amine, Marion, Olivia, Amélie et tous les
autres.

Je souhaiterais ensuite remercier Guillaume Champeau, mon rapporteur professionnel, qui m'a
apporté de très nombreux éclaircissements sur la sphère du Peer­To­Peer et de la culture à l'ère du
numérique. J'aimerais également dire le plus grand bien du site numerama.fr. La pluralité des sujets, la
richesse des sources ainsi que la pertinence des points de vue m'ont beaucoup aidé à former mes
idées, à penser d'une autre manière et à prendre du recul sur tous les discours qui nous entourent.

Enfin, un grand merci à Matthieu Quet, rapporteur pédagogique du CELSA, catapulté sur ce travail à
la dernière minute : merci pour son amabilité, sa disponibilité, sa curiosité intellectuelle et sa précieuse
rigueur méthodologique. Je n'oublierai pas Bertrand Horel, premier suiveur de ce travail qui m'a insufflé
les premières idées et pistes de réflexions.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 3|124
SOMMAIRE

REMERCIEMENTS....................................................................................................3
SOMMAIRE............................................................................................................4
INTRODUCTION.......................................................................................................5
VERS UNE BANALISATION DE L'ACTE DE PIRATAGE ?.......................................................11
Rappels : Le piratage selon la loi................................................................................................11
Copyright et droits d'auteurs..................................................................................................................11
Le piratage et la technologie Peer­To­Peer............................................................................................13
Des discours médiatiques confus...............................................................................................17
La loi « Création et Internet » : une guerre déclarée contre le piratage.................................................17
Les mots du piratage............................................................................................................................22
Doubles­discours et prises de positions ambiguës...............................................................................23
Schizophrénie du pirate.............................................................................................................28
Les « hackers » pionniers.....................................................................................................................28
Des « hackers » aux « pirates »............................................................................................................31
Le pirate : une diversité d'acteurs.........................................................................................................34
LES STRATÉGIES MÉDIATIQUES DES DISPOSITIFS PIRATES.................................................36
Attirer l'audience : promouvoir une offre légale, attractive et de qualité......................................36
Un service de communication efficace.................................................................................................36
Des interfaces simplifiées et épurées pour un large public...................................................................42
Une offre de contenus attractifs et de qualité........................................................................................44
Générer des revenus : monétiser l'audience..............................................................................53
Une audience élevée et qualifiée pour les annonceurs ........................................................................54
Faire appel à la générosité des utilisateurs...........................................................................................56
Se développer : partenariats stratégiques et diversification.......................................................56
LES MÉCANISMES DE DÉRESPONSABILISATION : LES « EFFETS DE LÉGAL »...........................60
La loupe médiatique sur le téléchargement illégal......................................................................61
Le streaming : une hybridation des genres.................................................................................61
Schématisation du processus de diffusion en streaming......................................................................62
Une sémiotique d' «effet de légal ».......................................................................................................64
Un patchwork d'usages de référence ...................................................................................................68
Le téléchargement direct et le piratage payant...........................................................................71
Schématisation du processus de diffusion en téléchargement direct....................................................71
Payer pour mieux pirater.......................................................................................................................73
La non­gratuité : l'illusion de l'achat ?...................................................................................................75
CONCLUSION.......................................................................................................79
LEXIQUE............................................................................................................83
BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................86
ANNEXES...........................................................................................................89
RÉSUMÉ...........................................................................................................124

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 4|124
INTRODUCTION

« Avec un milliard d'actes de piratage par an, la France détient le record mondial de
téléchargements illicites. »1
Le piratage a la cote en France. Films, séries, musique, jeux vidéos, livres... Presqu'aucun secteur
de l'industrie culturelle ne semble y échapper. La pratique illégale de la consommation d'œuvres et de
biens protégés par le droit d'auteur, via Internet, sans rémunération des ayants droit ne cesse de croître
et de s'étendre progressivement à toutes les couches de la société. Les chiffres sont là, tous aussi
approximatifs et invérifiables les uns que les autres, mais qui déclarent d'une même voix : le droit
d'auteur a de plus en plus de mal à se faire respecter sur Internet.

Le gouvernement français s'est lancé dans une lutte contre le piratage des œuvres culturelles sur
Internet. Le 18 juin 2008, Christine Albanel, Ministre de la Culture, présente sa proposition de loi anti­
piratage, la loi « Création et Internet ». Cette dernière prévoit un système de « riposte graduée »
orchestré par l'HADOPI, la nouvellement créée Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la
Protection des Droits sur l'Internet, en partenariat avec les fournisseurs d'accès à Internet. Dans un
premier temps, l'internaute contrevenant à la loi est averti d'une série d'emails d'avertissements et d'une
lettre recommandée. En cas de récidive, l'abonnement à Internet est suspendu, entre un et trois mois si
l'internaute s'engage à ne pas recommencer et de trois mois à un an dans le cas contraire.

L'annonce de cette loi a suscité de nombreuses critiques par la Commission Nationale Informatique
et Libertés (CNIL), les associations de consommateurs, les syndicats des fournisseurs d'accès et
encore d'autres groupes : loi liberticide, violation des données personnelles et de la vie privée, refus
des fournisseurs d'accès de « jouer aux gendarmes », difficultés d'application de la loi... Mais outre ces
critiques, il est intéressant de remarquer qu'il existe déjà une loi stipulant que le piratage d'œuvres
protégées par le droit d'auteur est sanctionné par des amendes, voire des peines de prison. Mais cette
loi n'est que très peu respectée et appliquée. Les chiffres du piratage en constante croissance nous
indiquent que malgré la loi déjà en vigueur, les usages illégaux de l'Internet continuent et que les
plaintes portées devant les tribunaux déclenchent de vives polémiques. Les abonnés ne semblent donc
pas conscient de l'illégalité de leurs actes et refusent d'en assumer les conséquences. C'est cette
attitude là que la loi tente de corriger en appliquant le système de « riposte graduée » : tenter de
responsabiliser l'abonné avant de lui infliger une sanction. Christine Albanel a déclaré à ce propos lors
d'un entretien accordé aux journalistes de Libération le 23 juin 20082 :

1 Propos tenus par Christine Albanel, Ministre de la Culture, et recueillis par [Paule GONZALES], La « loi Internet »
vise à réduire massivement le piratage, Le Figaro Économie, Paris, 2008.
2 Christophe ALIX et Erwan CARIO, «On sort d'une période de liberté totale.» Christine Albanel défend son projet de
loi «Création et Internet», critiqué par le Parlement européen, la Cnil et plusieurs associations., Libération, Paris,
2008.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 5|124
« Notre pari, c'est que ce système d'avertissements déclenche dans l'immense majorité des cas
une prise de conscience, une responsabilisation de l'abonné. »
Souvent ressentie intuitivement, la notion de responsabilité est dure à qualifier et encore plus à
quantifier. Attardons­nous un moment sur la notion de responsabilité. Si l'on se réfère aux dictionnaires
de la langue française nous trouvons les définitions suivantes de la « responsabilité » :

« Obligation faite à une personne de répondre de ses actes du fait du rôle, des charges qu'elle
doit assumer et d'en supporter toutes les conséquences.
Responsabilité morale. Nécessité pour quelqu'un de répondre de ses intentions et de ses actes
devant sa conscience.
DR. PÉNAL. Responsabilité pénale. « Obligation de répondre de ses actes délictueux en
subissant une sanction pénale dans les conditions et selon les formes prescrites par la loi »
(Jur. 1981). »3
La responsabilité recouvre deux notions bien distinctes pour un acteur social : être conscient de son
acte et assumer les conséquences de l'acte. En ce qui nous concerne, la responsabilisation de
l'abonné revient donc à faire en sorte que ce dernier soit conscient de l'usage qu'il fait de sa connexion
Internet qu'il a souscrit auprès d'un fournisseur d'accès. Cela nécessite que l'abonné comprenne la
portée de ses actes et anticipe ses conséquences afin qu'il puisse les assumer. Nous pouvons alors
supposer que si les actes illégaux persistent, c'est que doivent exister des mécanismes qui inhibent ces
responsabilités. Si l'on se penche sur les dispositifs accusés de favoriser le piratage, nous nous
apercevons qu'ont été mis en place des systèmes qui suscitent plus ou moins la responsabilisation de
l'utilisateur, la prise de conscience de la légalité ou de l'illégalité de son acte, lui­même inscrit dans un
environnement socio­économique particulier.

Cette capacité du dispositif à fabriquer une illusion ne va pas sans rappeler la notion d'« effet de
réel » théorisé en 1968 par Roland Barthes et défini comme la « carence même du signifié au profit du
seul référent »4. Barthes explique que l' « effet de réel » peut être atteint grâce à la production de
signes anodins, de « détails inutiles » dont la référence à l'objet concret (le signifié) est totalement
éliminée pour laisser la place à la connotation, à l'imaginaire convoqué par le signe (le référant) ; ces
signes « ne disent finalement rien d’autre que ceci : nous sommes le réel ». Si l'on transpose la théorie
de Barthes à notre sujet d'étude, il serait intéressant de voir quels sont les signes créés par les
dispositifs pour signifier ou donner l'illusion aux utilisateurs que leur acte est permis, autorisé et légal.
Ces signes peuvent aussi bien prendre la forme d'éléments graphiques, de texte, de discours que de
processus d'utilisation, de fonctionnalités techniques, de structure organisationnelle. Ils apportent au
dispositif une connotation de légalité ou d'illégalité qui fait que l'utilisateur est plus ou moins conscient
de ses droits, de la légalité ou non de son acte et des responsabilités qu'il doit assumer. C'est ce
mécanisme de responsabilisation et de déresponsabilisation de l'utilisateur qui va être étudié.

3 Le Trésor de la Langue Française


4 Roland BARTHES, L'Effet de réel, Communications, n° 11, Paris, 1968.

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La problématique de ce travail consiste donc à se poser la question suivante : dans quelles mesures
et par quels moyens, les dispositifs, qui offrent aux internautes la possibilité de consommer via Internet
des biens culturels en outrepassant le droit d'auteur, jouent sur la capacité de l'internaute à prendre
conscience de la légalité ou de l'illégalité de son acte, usent de l' « effet de légal »?

Je tenterai d'apporter une réponse à la problématique énoncée à travers l'analyse des hypothèses
suivantes :

− Une banalisation sociale de l'acte de piraterie : Les dispositifs étudiés sont avant tout inscrits
dans un discours social ambiant en leur faveur. Si le piratage a longtemps été critiqué, les différents
acteurs sociaux prennent aujourd'hui position de telle sorte que se crée un flou moral au sujet du
piratage des œuvres sur Internet. Nous assistons aujourd'hui à une diversification des discours
concernant le piratage, à une pluralité des prises de position : du « délit de piratage à combattre » à
l'« usage pirate à accepter et à concurrencer » en passant par « la revendication de l'acte pirate ».
Même si l'acte est clairement affiché comme illégal, la culpabilité tend à être atténuée et diluée.

− Une offre légale attractive pour un usage illégal massif : Les dispositifs étudiés sont légaux :
seuls les usages détournés consistent en une violation de la loi. Leur succès est dû à des efforts
portés sur l'ergonomie des interfaces qui attirent un public plus large et à l'intégration de stratégies
médiatiques et économiques efficaces. L'ensemble de ces éléments augmente la facilité avec
laquelle l'usage peut être détourné et favorise donc les usages « pirates ».

− Des dispositifs aseptisés de signes pirates : Les dispositifs étudiés jouent sur la capacité de
l'internaute à prendre conscience de la légalité ou de l'illégalité de son acte. Ils développent des
interfaces répondant à une esthétique de l' « apparemment légal » qui rassure l'utilisateur et inhibe
son sentiment d'enfreindre la loi.

L’objet de ce mémoire est de proposer une analyse des dispositifs construits autour des échanges
illégaux de contenus issus de l'industrie culturelle. Nous retiendrons donc la définition des industries
culturelles proposées par l'UNESCO qui est la suivante :

« Les industries culturelles produisent et distribuent des biens ou services culturels qui, dès lors
qu’ils sont considérés du point de vue de leur qualité, de leur usage ou de leur finalité
spécifiques, incarnent ou transmettent des expressions culturelles, indépendamment de la
valeur commerciale qu’ils peuvent avoir. Sont concernés : l’édition imprimée et musicale, la
production cinématographique et audiovisuelle ainsi que le multimédia. Même s’ils ne sont pas
à proprement parler des industries, l’artisanat et le design en font partie. La notion d’industrie
culturelle s’étend aussi aux industries « de la création » comme l’architecture et à différentes
catégories artistiques : arts plastiques, arts du spectacle... »5
Nous nous focaliserons en particulier sur les produits culturels qui suscitent le plus de polémiques à

5 Définition issue de la « Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles »
adoptée par l’UNESCO en 2005. http://www.unesco.org/bpi/pdf/memobpi25_culturalindustries_fr.pdf

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savoir l'édition musicale, la production cinématographique et audiovisuelle, les logiciels informatiques
(incluant les jeux vidéos) et certains courants de l'édition imprimée (livres, bandes dessinées, mangas).

L'analyse du dispositif médiatique revenant en quelque sorte à pointer les éléments qui font
« média », je m'appuierai pour cela sur la définition suivante du «média» :

« Un média est un support de médiation d'un public restreint vers un public large, que cette
médiation soit immédiate ou non. C'est un dispositif technique, économique (financier et
organisationnel) et social, qui procède de stratégies d'acteurs, notamment éditoriales, et produit
certains types d'usages. De ce point de vue, un site Internet est un média au même titre qu'un
journal de presse écrite. Un média est un objet investi par des stratégies de communication. »6
Le dispositif représente ici l'ensemble des substrats matériels de la communication. Cela induit que
la communication suppose une organisation, repose sur des ressources matérielles, engage des
savoir­faire techniques, définit des cadres pour l'intervention et l'expression. Afin de respecter cette
approche, j'ai eu recours à plusieurs méthodologies d'analyse qui m'ont permis de recouvrir un
ensemble d'angles d'approche (technique, social, médiatique, ergonomique, économique, politique...)
pour mieux déconstruire les dispositifs :

– l'expérimentation personnelle, l'usage direct des dispositifs étudiés et l'infiltration de forums


spécialisés dans les copies et leur diffusion illégale ;

– l'observation participative de groupes d'utilisateurs et des entretiens (semi­directifs ou libres)


effectués auprès d'utilisateurs fréquents des plateformes ;

– la recherche de documents dans le champ des théories de la communication (travaux de


recherches universitaires, résultats d'études, publications officielles etc.) pour une mise en
perspective des données brutes avec les schémas de pensée déjà construits autour du sujet
(théories de l'analyse des dispositifs médiatiques, sociologie des usages et du piratage, théories de
l'information et de la communication etc.) ;

– l'analyse d'articles d'actualité traitant du piratage extraits de médias généralistes

– la veille sur les sites spécialisés dans l'actualité Peer­To­Peer ou du piratage (Techcrunch.com,
Torrentfreak.com, JDNet, ZDNet, Numerama, P2P Blog etc.) ;

Le corpus d'étude se compose quant à lui de sites Internet et de logiciels que l'on peut classer de
cette manière:

– Les logiciels client Peer­To­Peer : Installés sur l'ordinateur de l'utilisateur, ils permettent de gérer le
téléchargement de contenus à travers les réseaux en utilisant la technologie Peer­To­Peer classique
(les protocoles informatiques de transfert de données Donkey, Gnutella 1&2...)

Exemples : eMule, Kazaa, Shareaza, LimeWire (réseau Gnutella),

6 Yves JEANNERET, Valérie PATRIN­LECLERE, Définition du "dispositif" in La société de l'information : glossaire


critique, La documentation française, 1995.

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– Les logiciels client spécialisés dans le protocole BitTorrent : Installés sur l'ordinateur de l'utilisateur,
ils permettent de gérer le téléchargement de contenus à travers les réseaux de Peer­To­Peer
utilisant le protocole BitTorrent, un protocole plus récent qui permet d'accélérer les vitesses de
téléchargement pour des contenus très populaires.

Exemples : BitTorrent, µtorrent, Shareaza, Azureus...

– Les sites de référencement des fichiers .torrent : Accessibles en ligne, ces sites proposent une liste
de liens (URL) pointant vers des fichiers « .torrent » correspondant à des contenus disponibles en
ligne. Le fichier « .torrent » est téléchargé très rapidement par l'utilisateur puis lu par le logiciel client
BitTorrent qui permet de télécharger le contenu correspondant sur l'ordinateur de l'utilisateur.

Exemples : Mininova, The Pirate Bay, TorrentReactor, ESPAL­PSP, EZTV, ShareMiner...

– Les sites de trackers : Ces sites permettent aux internautes voulant partager et diffuser un contenu
sur Internet via les réseaux Peer­To­Peer de mettre en ligne des fichiers « .torrent » dont le rôle sera
de fournir l'ensemble des éléments nécessaires pour qu'un contenu puisse être partagé
correctement. Le contenu en soi reste stocké sur l'ordinateur de l'internaute.

Exemples : Team­Titans.fr.cr, ESPAL­PSP, unlimited­tracker, Demonoid.com, Mininova, The Pirate


Bay (mais ces deux derniers sont beaucoup plus utilisés pour télécharger des contenus vers son
ordinateur).

– Les sites d’échanges de fichiers en téléchargement direct : Ces sites ont été développés pour
répondre à une demande croissante des utilisateurs en terme de stockage et d'envoi de fichiers
lourds (excédant les 10 Mo) de toutes sortes (photos, vidéos, documents d'entreprises etc..). Le
protocole de transfert de données est le téléchargement direct : un utilisateur A enregistre un fichier
sur l'espace de stockage fourni par le site pour qu'un utilisateur B le télécharge directement à partir
de ce même endroit. Le site agit comme une disque dur d'échange, un intermédiaire assurant un
stockage du contenu et une transmission de qualité des données.

Exemples : RapidShare, MegaUpload, EasyShare, FileFactory, MegaShare, Zshare, YouSendIt,


ShinyFeet, FileUpYours...

– Les sites de streaming : Ces sites offrent à leur utilisateurs la possibilité de visionner un contenu en
direct. Ces contenus peuvent prendre la forme de flux audio de musique comme les radios en ligne
ou bien de flux vidéo.

Exemples : Netbaza.net, Freefullmovies.net, Online­movies­free.com, Vid­Stream, YouTube, YouKu,


Megavideo.com, Vstream...

– Quelques autres sites de téléchargement de contenus issus de l'industrie culturelle : sites de sous­
titres de séries ou de films, sites de mangas...

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Exemples : Allsubs.org, Wikitle.com, WikiSubtitles, Aimanga scanlation...

La première partie de ce travail traitera de l'environnement social dans lequel s'inscrit le phénomène
du piratage. Elle tentera de rendre compte des différents discours qui participent de la construction
d'imaginaires et de représentations de l'acte de piratage mais aussi de la figure du pirate en tant
qu'acteur social. Nous verrons que la multiplication et la pluralité des discours déplacent le statut du
pirate d'accusé à celui de présumé coupable, jetant ainsi un doute sur la pertinence des mesures visant
à lutter contre le piratage.

La deuxième partie sera consacrée à l'analyse de dispositifs créés pour répondre à des usages de
piratage ou détournés par les utilisateurs afin de se procurer des œuvres issues de l'industrie culturelle
sans tenir compte du copyright ou du droit d'auteur. Nous nous apercevrons que ces dispositifs
témoignent d'une maturité systémique et d'une efficacité à attirer une large audience malgré l'usage
illégal des services proposés. La qualité de service et des produits, les rôles et statuts organisationnels
des acteurs ainsi que la propension de l'offre à répondre à une demande non satisfaite du marché par
le marché légal font que le piratage rencontre toujours un franc succès. Le piratage estompe par la
même occasion le caractère illégal de son offre.

Enfin, nous verrons dans une troisième et dernière partie que certains dispositifs développent une
sémiotique de la légalité afin de rassurer leur audience et de placer cette dernière dans une situation de
consommation a priori légale. Les responsabilités de l'acte sont redistribuées entre les différents
acteurs du dispositif afin de diluer le poids moral et la pression des autorités légales qui pourraient
s'exercer sur ces derniers.

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VERS UNE BANALISATION DE L'ACTE DE PIRATAGE ?

L'étude du phénomène du piratage ne peut se faire sans tenir compte de l'environnement dans
lequel s'inscrit cet usage. Nous tenterons de répondre à la question suivante : est­ce que nous
assistons à une banalisation de l'acte de piratage. Reprenons pour cela la définition du terme
« banaliser :

banaliser [banalize] v. tr.7


1♦ Rendre banal, ordinaire. Cette coiffure le banalise. ⇒ dépersonnaliser. Banaliser un thème.
P. p. adj. Idées banalisées. — Pronom. « Comme toute comparaison originale doit forcément, à
la longue, se banaliser, n'en jamais faire » (Renard).
◊ Rendre commun, faire entrer dans les habitudes sociales. On a banalisé l'avortement.
Nous considérerons ici la banalisation de l'acte de piratage à la manière de la banalisation de
l'avortement, c'est­à­dire le fait de « rendre commun, faire entrer dans les habitudes sociales ».

Nous étudierons dans cette première partie l'environnement dans lequel s'inscrivent les différents
dispositifs médiatiques étudiés afin de rendre compte des pressions ou influences sociales exercées
sur l'internaute. Nous verrons qu'un usage se construit à partir d'usages antérieurs, de discours tenus
par différents groupes d'acteurs sociaux, de contraintes techniques, de contraintes économiques et
d'autres facteurs encore. Loin de nous l'idée d'établir une typologie exhaustive des facteurs sociaux
impliqués dans l'acte de piratage, nous nous contenterons de donner des points de convergences
d'opinions, des sortes de courants d'idées qui participent de la perception du piratage et de la
représentation de la figure du pirate mais aussi de son évolution.

Rappels : Le piratage selon la loi

Mais avant de nous pencher sur l'analyse des discours, arrêtons­nous un moment sur le terme
« piratage » et sur ce qu'il recouvre du point de vue de la loi. Nous nous apercevrons que la notion de
responsabilité, ici pénale, est très prégnante.

Copyright et droits d'auteurs

Le terme « piratage » est généralement et couramment employé pour désigner un acte qui
outrepasse la loi en vigueur dans un domaine précis. Puisque ce travail porte avant tout sur le secteur
de l'industrie culturelle, le terme « piratage » sera très majoritairement employé pour désigner la
violation des lois relatives aux droits d'auteurs (en France) et au copyright (dans les pays anglo­
saxons). En France, l'auteur est l'objet central de toutes les protections; le simple fait de créer une

7 Définition extraite du dictionnaire Le Petit Robert, édition 2008.

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œuvre lui confère des droits moraux et patrimoniaux qualifiés de droits d'auteur. Au contraire, dans les
pays anglo­saxons, le principe est que toute création est, par nature, destinée à la diffusion au public;
l'auteur doit donc, pour bénéficier d'une protection limitée et interdire toute reproduction, accomplir
certaines formalités : c'est le système du copyright. Retenons les points suivants issus du Code de la
Propriété Intellectuelle8 selon la loi française:

– Toute œuvre est protégée par le droit d'auteur dès sa création.

« L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de
propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. » (Article L111­1)
– L'auteur dispose sur son œuvre de l'ensemble des droits de manière exclusive : les droits de
reproduction ainsi que les droits de représentation.

« Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de


l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction,
l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé
quelconque. » (Article L122­4 )
« Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre
production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs
à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. La contrefaçon
en France d'ouvrages publiés en France ou à l'étranger est punie de trois ans
d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Seront punis des mêmes peines le débit,
l'exportation et l'importation des ouvrages contrefaits. Lorsque les délits prévus par le présent
article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à cinq ans
d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende. » (Article L335­2 )
« Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par
quelque moyen que ce soit, d'une œuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils
sont définis et réglementés par la loi. Est également un délit de contrefaçon la violation de l'un
des droits de l'auteur d'un logiciel définis à l'article L. 122­6. » (Article L335­3 )
Le « piratage » revient le plus souvent à contourner l'obligation de rémunération de l'ayant droit. La
loi reconnaît ces actes comme des délits de contrefaçons. Or il est indispensable de rappeler que si
l'auteur est le seul exploitant légal de son œuvre, la loi prévoit également quelques exceptions pour
lesquelles les droits d'auteurs ne s'appliquent pas :

– lorsque l'œuvre passe dans le domaine public : les droits patrimoniaux expirent 70 ans après la
mort de l'auteur, ou 50 ans après fixation ou publication (droits voisins) ;

– lorsque l'œuvre fait l'objet des exceptions légales suivantes : (Art. L122­5 du CPI) représentation
privée et gratuite dans un cercle de famille, copie ou reproduction réservée à un usage strictement
privé du copiste, publication d'une citation ou d'une analyse de l'œuvre (dans la mesure où celle­ci
est brève et justifiée par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou
d'information, de l'œuvre) et enfin, parodie et la caricature, mises en cache, etc. ;

– si l'auteur cède ses licences d'exploitation.

8 Code de la Propriété Intellectuelle ­ URL : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?


cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20080519

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Ce sont principalement sur ces exceptions légales, notamment la copie privée, qui restent assez
vagues et floues à l'heure de la numérisation des contenus, que vont s'appuyer les différents acteurs
accusés de piratage pour défendre leur droit.

Rappelons par ailleurs que la numérisation des contenus et leur diffusion sur le réseau Internet pose
le problème des « litiges transfrontières ». En effet, chaque pays possède sa propre loi en matière de
propriété intellectuelle. Concernant la France, dans deux décisions du 16 mai 2008, le Tribunal de
Grande Instance de Paris réaffirme la compétence systématique des tribunaux français pour
reconnaître des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis depuis des sites Internet
hébergés à l’étranger.9 Il a été jugé que :

« lorsqu'une infraction aux droits de propriété intellectuelle a été commise par une diffusion sur
le réseau Internet, le fait dommageable se produit en tous lieux où les informations litigieuses
ont été mises à la disposition des utilisateurs du site ; (...) que les faits incriminés sont dès lors
susceptibles d'avoir un impact économique sur le public français ».
Pour que le juge français soit territorialement compétent il faut que la diffusion litigieuse ait une
possibilité d'impact économique sur le public français. Or l'évaluation de cet impact étant très compliqué
à calculer ...

La difficulté d'application de la loi réside particulièrement dans la désignation d'un responsable de


l'acte illégal dans un environnement technique complexe. En effet, avoir accès à une œuvre de manière
illégale est le résultat d'une suite d'actions menées par un ensemble très hétérogène d'acteurs jouant
chacun leur rôle, plus ou moins dans le respect des règles édictées par la loi et de manière plus ou
moins consciente.

Le piratage et la technologie Peer­To­Peer

La technologie Peer­To­Peer signifie littéralement « Pair à Pair ». Elle a marqué un tournant dans
l'histoire du partage de fichiers numériques : elle a redistribué les rôles entre les acteurs et apporté un
regard neuf sur les produits culturels et les nouvelles technologies de l'information. Si le concept de
partage de fichiers de pairs à pairs existe depuis les début des l'informatique, les plateformes
d'échange de fichiers à destination du grand public ne sont apparues que dans les années 90 avec les
débuts de l'Internet grand public. Avec l’augmentation des débits ADSL, les discours
d'accompagnement des fournisseurs d'accès à Internet qui vantaient la rapidité de téléchargement, la
facturation au forfait illimité ainsi que l'évolution du matériel informatique (l'augmentation de la
puissance des ordinateurs, la généralisation de l'équipement en graveurs, des périphériques de
stockage plus importants, la baisse des prix des supports de stockage), le Peer­To­Peer est
progressivement entré dans les usages quotidiens d'une partie des internautes.
9 Philippe TOUITOU, Litiges transfrontières sur le net : quelle est la compétence du juge français?, Le Journal du Net,
2008. http://www.journaldunet.com/expert/27913/litiges­transfrontieres­sur­le­net­quelle­est­la­competence­du­juge­
francais.shtml

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 13|124
D'une manière simplifiée, la technologie Peer­To­Peer peut être représentée par un réseau
décentralisé d'ordinateurs communicant entre eux. Elle se distingue de l'échange traditionnel de fichier
en réseau par cette règle suivante : tout ce qui est téléchargé doit être partagé. Cela signifie qu'un
utilisateur téléchargeant un fichier sur son ordinateur met simultanément en partage les «bouts» de
fichiers téléchargés à disposition du reste du réseau (upload10). Dans le jargon, celui qui télécharge est
surnommé « leecher », « leech » signifie « sangsue », et celui met à disposition (qui « uploade ») est
surnommé le « seed », « seeds » signifie « les graines », « les semences ». Pour un réseau Peer­To­
Peer, un utilisateur sera donc « leecher » et « seed » à la fois.

Ce travail se focalisera sur la technologie Peer­To­Peer basée sur le protocole d'échange


« BitTorrent ». Les principales améliorations apportées par le protocole BitTorrent au précédent
protocole sont des débits et délais de téléchargement plus efficaces.

« Avec BitTorrent, l’utilisateur qui télécharge un fichier le met lui­même à disposition des autres
utilisateurs, au fur et à mesure qu’il le télécharge, et dès qu’il cesse de le faire (en arrêtant le
“torrent”), il ne partage plus rien. Paradoxalement, le fichier étant recomposé par un nombre
important de sources (tous les utilisateurs qui le téléchargent eux­mêmes à un instant donné),
son téléchargement est d’autant plus rapide qu’un nombre important de gens son intéressés par
lui. En somme, avec BitTorrent, plus de gens téléchargent un fichier, et plus il est rapide de le
télécharger soi­même au même moment. »11
Le protocole BitTorrent repose notamment sur un système d'indexation de fichiers de métadonnées
intermédiaires que nous appelleront les fichiers « .torrent ». Pour partager et diffuser son contenu,
l'auteur de la copie (« release »), surnommé « rippeur » dans le jargon, devra donc créer, en même
temps que sa copie, un fichier « .torrent » correspondant. Le fichier « .torrent » peut être généré très
simplement grâce aux logiciels clients (tels que BitTorrent, µTorrent...).

10 La langue française a pour inconvénient d'utiliser le même terme « téléchargement » pour signifier deux actions
différentes distinguées en anglais par « upload » et « download ». C'est pourquoi nous utiliserons le mot anglais :
« upload » pour désigner le téléchargement d'un ordinateur vers le réseau et garderont le mot « téléchargement»
pour le téléchargement du réseau vers le terminal (usage le plus courant dans la langue).
11 Cyril FIEVET, BitTorrent : le peer­to­peer, un cran plus loin, Internet Actu.net, 2004.
http://www.internetactu.net/2004/06/30/bittorrent­le­peer­to­peer­un­cran­plus­loin/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 14|124
Création d'un fichier ".torrent" à l'aide d'un logiciel client BitTorrent

Le fichier « .torrent » peut être généré très simplement grâce aux logiciels clients (tels que BitTorrent,
µTorrent...). Il suffit juste de sélectionner le fichier à partager (localisé sur son disque dur), renseigner les
champs nécessaires comme l'URL d'annonce (fournie par le site du tracker) et le tour est joué.

L'étape suivante consiste à mettre en ligne ce fichier : l'« upload ». Ceci se fait par l'intermédiaire
d'un « tracker ». Ce dernier est un logiciel qui va permettre de guider et gérer le téléchargement du
contenu, grâce au logiciel de téléchargement installé sur l'ordinateur de l'internaute, en bénéficiant de
tous les avantages du protocole de transmission BitTorrent (téléchargement à partir de plusieurs
sources, mise à disposition des autres internautes des parties du contenu déjà téléchargées etc.). Les
administrateurs du tracker, qui sont regroupés en « team » (équipe), offrent la possibilité aux
internautes d'« uploader » des fichiers « .torrent » via l'interface de leur site Internet. Une fois
« uploadé », le fichier « .torrent » est référencé sur le réseau et apparaît comme un lien. Il est mis à la
disposition de quiconque souhaite télécharger le contenu correspondant.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 15|124
Schématisation du processus de diffusion de contenu en Peer­To­Peer via le protocole BitTorrent

Notons que le rippeur et le créateur du fichier « .torrent » peuvent être des personnes différentes
puisque qu'un internaute ayant par exemple téléchargé un contenu peut recréer à partir de ce dernier
un nouveau fichier « .torrent ». Il créera ainsi un doublon. De la même manière, le site de
référencement peut contenir une fonctionnalité de tracker, qui permet d' « uploader » les fichiers
« .torrent ».

L'illégalité réside ici dans les deux actions suivantes :

– diffuser publiquement une œuvre sans rémunérer les auteurs ;

– télécharger une œuvre protégée par le copyright alors que l'on n'a pas payé son prix.

En effet, la numérisation du contenu (« release ») peut être considérée comme une copie privée du
moment que le rippeur possède bien l'original de l'œuvre et ne la diffuse pas publiquement. Par la suite,
le tracker ne fait qu'héberger un fichier « .torrent », qui n'est pas l'œuvre. Enfin, le site de référencement
de lien « .torrent » ne fait qu'indiquer le chemin (URL) pour télécharger le fichier « .torrent ».

Dans ce dispositif, uniquement « seeds » et « leechers » sont coupables d'une infraction au droit
d'auteur. Une question s'est tout de même posée récemment suite à un procès intenté à un utilisateur
qui possédait des œuvres en partage sur les disques durs de son ordinateur mais bloquait
volontairement l'accès à son ordinateur pour ne pas saturer sa bande passante. Est­ce que le fait de
déclarer mettre à disposition un fichier sans jamais l'envoyer effectivement constitue bien une

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 16|124
contrefaçon ?12 Sur ce point la justice n'a pu trancher et pourtant le cas est loin d'être isolé. Notons
également que le piratage ne s'arrête pas à la technologie Peer­To­Peer, d'autres technologies ont été
détournées à des fins illégales comme le streaming (le visionnage en direct) et le téléchargement direct.
Nous les étudierons plus en détails par la suite.

La loi, qui semble plutôt bien border les délits de contrefaçon et de violation du droit d'auteur,
rencontre néanmoins quelques difficultés concernant son application à la sphère numérique, d'autant
plus que les technologies évoluent et exploitent toujours plus les brèches juridiques. Ainsi « pirater »
une œuvre issue de l'industrie culturelle via le réseau Internet, tel qu'on l'entendra tout au long de ce
travail, signifie enfreindre les règles du droit d'auteur pour se procurer une œuvre. Mais la
responsabilité de l'acte reste encore très dure à déterminer notamment du fait de la décentralisation du
réseau. Cette complexification de l'application d'une loi pourtant simple participe à former une
atmosphère propice au doute et au questionnement du bien fondé de la lutte contre le piratage.

Des discours médiatiques confus

Une des plus importantes sources des discours entourant la notion de piratage provient des médias
qui agrègent, combinent, simplifient, vulgarisent et relayent une diversité de prises de paroles
auxquelles n'a pas accès directement le grand public. C'est pourquoi, il semble nécessaire de faire le
point sur les messages véhiculés quotidiennement par les grands médias sur le piratage afin de cerner
les différentes prises de positions qui gravitent autour de l'internaute. Un corpus de textes issus des
médias d'actualités comportant le mot "piratage" sur la période de juin à septembre 2008 a été analysé
pour comprendre les différentes opinions qui circulent à travers la société. Parmi les 70 articles
répondant à la requête, environs 50 sont extraits des quotidiens nationaux français (Le Figaro, Le
Monde, Libération, Les Échos, Le Nouvel Observateur) et 20 extraits d'une sélection de sites Internet
traitant de l'actualité numérique (Le Journal du Net, 01net., ZDNet, Numerama). La requête a été
formulée sur l'outil Europresse pour les quotidiens nationaux français et sur les moteurs de recherche
internes de chacun des sites Internet (Le Journal du Net, 01net., ZDNet, Numerama). Ont été écartés
tous les sujets qui ne traitaient pas du piratage des œuvres culturelles comme par exemple les sujets
sur le piratage de boîte email ou encore les pirates ayant pris en otages des ressortissants français.

La loi « Création et Internet » : une guerre déclarée contre le piratage

L'analyse des textes a été très marquée par l'actualité concernant la loi « Internet et Création », qui
a suscité de vives polémiques de la part des différents acteurs sociaux. Il a semblé alors intéressant de
s'appuyer sur les avis et opinions émis au sujet de cette loi.

12 Guillaume CHAMPEAU, Est­ce que leecher c'est pirater ?, Numerama.com, Site web, 2008.
http://www.numerama.com/magazine/10284­Est­ce­que­leecher­c­est­pirater.html

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La loi « Création et Internet » a été élaborée dans le but de lutter contre le piratage des œuvres qui
sévit sur Internet et nuit à la créativité. Elle prévoit de « faire baisser le téléchargement illégal de 70 %
ou 80 %, grâce à un système de prévention et de répression. » et instaure pour cela une « riposte
graduée » contre le téléchargement illégal qui se présente de la manière suivante : un message
d'avertissement personnalisé serait d'abord envoyé par mail, puis une lettre recommandée serait
expédiée et, en dernier recours, l'abonnement à Internet pourrait être suspendu. Ce dispositif serait
géré, avec l'aide des fournisseurs d'accès à Internet, par une nouvelle autorité de régulation, la Haute
Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur l'Internet (HADOPI).

Voyons maintenant quels messages ont fait circuler les différents acteurs, leurs prises de position,
leurs stratégies sous­jacentes et l'impact de l'ensemble de ces messages sur l'opinion public. Certains
éléments tirés de l'analyse du corpus ont été étayés grâce à des éléments issus de recherches
supplémentaires.

Le discours belliqueux du gouvernement et des partisans de la loi

La loi a été présenté le 18 juin 2008 au Conseil des Ministres par Christine Albanel, Ministre de la
Culture puis a été proposée en juillet à la Commission européenne comme une mesure à appliquer par
tous les états membres de l'Union. Par la suite, l'Angleterre a décidé de reprendre la proposition de loi
française pour l'appliquer sur son territoire. L'enchaînement de ces événements politiques a fait que
l'ensemble des médias ont relayé l'information en reprenant abondamment les propos tenus par des
acteurs issus majoritairement du milieu politique tels que Christine Albanel, Nicolas Sarkozy, le Conseil
d'État, les tribunaux, l'UMP ou encore Viviane Reding, la commissaire européenne chargée de la
société de l'information et des médias, les députés européens et les ministres de la culture de l'Union
européenne.

Les articles traitant du sujet de manière factuelle ont donc donné à l'actualité une teinte « pro­loi »,
du côté de la lutte contre la piratage. Cette atmosphère s'est également nourrie des prises de positions
des industriels de la culture tels que les grands groupes de production, les majors et aussi les artistes
qui ont plus facilement accès aux médias. Mais la loi a surtout bénéficié de la sortie d'une étude menée
par l'ALPA13, l'Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle, très largement relayée dans tous
les médias, qui présentait les derniers chiffres du piratage de contenus audiovisuels en France. Il est
nécessaire de rappeler que cette étude doit une partie de son succès médiatique au fait qu'elle fournit
une source précieuse de chiffres pour les journalistes qui souhaitent illustrer leurs propos de données
quantifiées. En effet, le piratage étant très complexe à évaluer, les chiffres étaient jusque là très rares et
les journalistes devaient se contenter d'approximations et de « tendance à la hausse » pour parler du
piratage. L'expression phare de l'étude de l'ALPA « 450 000 films récents sont téléchargés chaque jour
13 Astrid GIRARDEAU, Le téléchargement illégal de films se porte bien en France, Ecrans.fr, Site Web, 2008.
http://www.ecrans.fr/450000­films,4799.html

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en France » a connu un grand succès ; une test rapide sur le moteur de recherche Google nous permet
de voir que pour la requête « 450 000 chaque jour en France », les 50 premières pages de résultats ne
parlent exclusivement que du piratage. Le nombre important, facile à retenir et la mise en forme du
calcul « par jour » rappellent les données de guerre, de drame ou de fléau mondial comme « Cent civils
meurent chaque jour en Irak »14 ou encore « Chaque jour en moyenne, plus de 26 000 enfants de
moins de cinq ans meurent dans le monde »15. Cette donnée percutante a donc été largement utilisée
en guise de titre d'article donnant ainsi l'impression d'une situation dramatique contre laquelle il faut
agir. À cela, la loi « Création et Internet » répond de manière très pragmatique : « la riposte graduée ».
L'expression « riposte graduée » a été reprise de la guerre froide lorsqu'en 1961, face à l’URSS de
Khrouchtchev, Kennedy met en place une nouvelle stratégie, celle de la "riposte graduée" : volonté de
négocier et de dissuader avant de menacer. La loi instaure, rien que par le vocabulaire employé, une
ambiance belliqueuse entre les différents acteurs concernés par le piratage. Les artistes supporters de
la loi ont lancé une pétition intitulée « Ne pillez pas nos œuvres » : ils se placent comme les victimes du
fléau.

Par ailleurs, le nom même de la loi « Création et Internet » semble signifier que ces deux notions
étaient contradictoires, voire conflictuelles, et nécessitaient une loi pour être mise en relation et
coexister. « Création » n'est ici qu'une métaphore pour désigner le copyright et le droit d'auteur. Le
terme « droit d'auteur » a l'inconvénient de désigner directement les bénéficiaires des mesures ce qui
rendrait la loi plus difficile à faire passer auprès des autres acteurs, tandis que le terme « création »
touche émotionnellement l'ensemble de la population.

Enfin, l'action coordonnée des différents états de l'Union Européenne redore le blason de le France
qui se place ici comme instigatrice d'une mission de service public à échelle européenne. Le soutien de
l'Europe renforce d'autant plus la loi que la France n'a jusque là fait que moyennement ses preuves en
accédant à la présidence de l'Europe. Cet ambiance politique fait que les médias nationaux
généralistes ont surtout communiqué sur la loi « Création et Internet » comme une action politique forte
qui permettrait à la France de se positionner en tant que défenseur de la création et de la culture, une
position qui rappelle l'étiquette d' « exception culturelle » si chère à la France.

L'entrée en résistance des opposants

Cependant, d'autres articles, issus à la fois de la presse quotidienne et des sites Internet spécialisés
dans l'actualité numérique rapportent des propos d'acteurs qui critiquent la loi. On apprend ainsi que les
fournisseurs d'accès à Internet ne sont pas d'accord pour jouer « le rôle du gendarme ». Xavier Niel,
PDG de FREE, est celui dont la portée médiatique est la plus forte, sans doute à cause de la force de
ces propos qui n'usent en rien de la langue de bois habituelle. Il dénonce le « flicage » des internautes,
14 Http://www.lemonde.fr/
15 Http://www.unicef.org/

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une loi « liberticide » qui viole la vie privée et il prône une retour à la licence globale, projet de loi qui
avait échoué en décembre 2007.

Par ailleurs, les études montrent que la majorité des internautes qui téléchargent illégalement des
œuvres sont des jeunes internautes adolescents et mineurs, utilisant la connexion du foyer familial,
connexion établie au nom de leurs parents. La loi est donc une manière de déléguer aux parents le soin
d'expliquer à leurs enfants que le piratage est illégal. Ce problème de multitude d'utilisateurs pour une
seule connexion menacée d'être coupée si elle utilisée à des fins illégales représente une faiblesse
supplémentaire de la loi. Certains journalistes accusent la loi de viser une fausse cible finale : la
connexion Internet. La sanction finale de coupure de la connexion a été elle­même critiquée par la
commission européenne car jugée comme disproportionnée. Xavier Niel déclare à ce propos
qu'« aujourd'hui on veut appliquer aux pirates des règles que l'on n'oserait pas appliquer aux terroristes
et aux pédophiles. […] Dans la musique, il y a quelques personnes qui vivent très bien, et beaucoup de
personnes qui vivent très mal. Pour favoriser l'intérêt de ces quelques personnes qui vivent très bien,
on va attenter à nos libertés d'une manière que l'on n'oserait pas pour notre sécurité intérieure
(terrorisme) ou notre intégrité (pédophilie, viol).»

D'autres articles nous apprennent que l'accord entre les six des plus importants fournisseurs
d'accès britanniques, l'Industrie phonographique (BPI) et l'Association cinématographique (MPA) pour
lutter contre le téléchargement illégal d'œuvres, s'est en fait établi à force de pressions exercées sur les
fournisseurs d'accès. D'après Reuters, « l'accord aurait été trouvé avant que le gouvernement ne mette
ses menaces de régulation de force à exécution». En effet, il est nécessaire de comprendre à quel point
la loi et la stratégie de « riposte graduée » place les fournisseurs d'accès dans un rapport très délicat
avec leurs clients. Désigné comme policier, juge et bourreau, un fournisseur d'accès risquera de perdre
bon nombre de ses clients si ces derniers sont pris en flagrant délit de téléchargement illicite. De plus
les fournisseurs d'accès font partie des bénéficiaires du piratage : ils font la promotion du haut débit afin
de vendre l'accès à Internet.

Les paroles de Xavier Niel sont également renforcées par les remarques formulées par la
Commission européenne lors de la première présentation de la loi. Ainsi le député européen socialiste
Guy Bono déclare que « ce projet de loi est contre­productif, politiquement dangereux et juridiquement
contraire au droit communautaire ». De la même manière, la Coordination européenne de l'Internet
Society juge que la loi est « une réponse disproportionnée à l'objectif de développement de contenus
créatifs en ligne. » Ce genre de propos met en exergue le déplacement de finalité de la loi, ici l'on
rappelle « le développement de contenus créatifs en ligne » alors que le gouvernement français et les
supporters de la loi parlent de « lutte contre le piratage ». D'autres voix dissonantes se font entendre au
sein même du parti UMP. Ce témoignage d'un militant UMP a été repris par les médias : « La loi
Création et Internet, ou un cadeau de plus aux majors. Je suis d'accord avec l'UMP dans beaucoup de

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 20|124
ses projets mais, du côté des nouvelles technologies, on a toujours été à la ramasse.»

Ces prises de positions contradictoires de la part de professionnels et de politiques viennent casser


l'aspect d'unanimité prônée par les défenseurs de la loi. Elles obscurcissent encore plus l'ambiance
dans laquelle essaye de naître la loi : sentiment de complot en faveur des majors, soupçons portés sur
la fiabilité des mesures, interrogations sur la réelle efficacité de la loi. Même si ses opposants ne se
posent pas en défenseurs du piratage, leur refus de la loi donne malgré tout un peu plus de légitimité à
la pratique du piratage.

Les internautes­téléchargeurs en ligne de mire

Enfin les internautes représentés par les associations de consommateurs pointent les défauts de la
loi. La CNIL, la Commission National Informatique et Libertés, qualifie la loi de « liberticide » et
s'inquiète de la confidentialité des données personnelles. L'ADA, l'Association Des Audionautes, juge le
projet de loi « dépassé » et «ridicule » et demande son retrait. L'UFC­Que choisir déplore que la loi soit
« un projet monstrueux conçu par les marchands de disques pour leur intérêt exclusif. » Certains
journalistes prennent aussi parti. Ainsi le journal Libération déclare que «la riposte graduée, le pire du
pire, [pointe] du doigt non seulement les dangers d'une surveillance généralisée des réseaux, mais
aussi l'inefficacité probable de telles mesures. »

La loi « Internet et Création » replace au centre du processus de piratage l'internaute­téléchargeur.


À la différence de la politique précédente de lutte contre le piratage qui visaient avant tout les
internautes qui mettaient à disposition un grand nombre d'œuvres à télécharger gratuitement sans tenir
compte du droit d'auteur et en tiraient un certain revenu, le gouvernement souhaite dorénavant
pénaliser quiconque télécharge illégalement des œuvres sur Internet. Or il s'avère que le
téléchargement illégal représente un usage tout de même massif. Cette loi s'attaque donc à une
habitude. Pour Philippe Escande, éditorialiste aux Échos, la loi « entend criminaliser une activité qu'une
grande partie des internautes et la quasi­totalité des jeunes pratiquent quotidiennement. ». Cette loi
sonne comme une mesure en retard d'une décennie, une répression qui vient combler un manque de
prévention. À ce propos, la coordination européenne de l'Internet Society juge que la loi est « Les
mesures et les sanctions proposées reflètent un manque de compréhension de ce qu'est internet. La
riposte graduée et le projet HADOPI apparaissent comme rétrogrades. » Dans ce discours émanant
d'une organisation européenne, l'internaute est mis en valeur au détriment des autorités françaises qui
passent pour archaïques et réactionnaires.

Le fait que la principale cible des peines soit les internautes présage des difficultés que pourrait
rencontrer le gouvernement pour faire accepter sa loi par l'opinion public. Attaqué dans ses usages les
plus habituels, l'internaute­téléchargeur ne peut adhérer immédiatement à la loi puisque cela
supposerait qu'il change ses habitudes d'utilisation d'Internet.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 21|124
En présentant les discours émanant des différents camps, les médias participent à la construction
d'un discours global très confus au sujet de la loi « Création et Internet » qui rappelle fortement la loi
polémique générée autour de la loi DADVSI16 ou encore les ratés du gouvernement lors du vote pour la
licence globale par la suite annulé. Le piratage dans ces discours apparaît tantôt comme un fléau à
combattre, tantôt comme une habitude à tolérer ou encore un adversaire à concurrencer par une offre
légale. D'un côté on exagère les pertes liées au piratage, d'un autre on prône la licence globale et le
téléchargement illimité. Ces prises de positions extrêmes, qui rencontrent le plus d'audience car
relayées en premier par les médias, ont tendance à vider de son contenu le terme « piratage ».

Les mots du piratage

Les discours sont construits de mots. Il est intéressant de remarquer que, de par son déterminisme
technique, le phénomène du piratage des œuvres sur Internet a très souvent été réduit, à tort, aux
termes « téléchargement », « Peer­To­Peer », « BitTorrent ». La complexité du problème du piratage
force les médias à vulgariser leurs propos pour toucher leur public. Cette vulgarisation conduit à des
raccourcis trop vite établis et construit des expressions circulantes vidées de leur sens premier.

Le piratage réduit au « téléchargement illégal »

L'analyse des articles montre que, aussi bien pour les textes traitant de la « Création et Internet »
que pour ceux traitant du piratage en général, le terme « piratage » est très souvent remplacé par
« téléchargement illégal » ou « téléchargement illicite ». Or, le piratage des contenus sur Internet ne
peut se restreindre à l'unique acte de téléchargement : les récentes polémiques au sujet des sites
accusés de proposer une diffusion en flux continu (streaming) d'œuvres dont ils ne détenaient pas les
droits de diffusion, recouvre un autre genre de piratage qui n'a aucun rapport avec l'acte de
téléchargement.

Un internaute peut visionner, écouter ou lire à sa guise de nombreuses œuvres sans s'acquitter du
coût et sans télécharger un seul contenu. Le déplacement du « piratage » vers l'acte de
« téléchargement illégal » exclu donc de nombreuses autres pratiques des internautes tout aussi peu
légales et favorise le développement de sites ne nécessitant pas de télécharger des contenus.

L'impression de restriction du piratage au seul téléchargement de fichier sur un ordinateur est


d'autant plus saisissante que ces propos sont tenus par les autorités gouvernementales, appuyées par
les instances juridiques.

16 La loi DADVSI « Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information » est une transposition en droit
français de la directive européenne 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits
voisins dans la société de l'information. Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat le 30 juin 2006.
La loi est officiellement applicable en France mais certaines dispositions devant être précisées par les décrets
d'application.

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Le champ lexical du piratage se légalise

Le Peer­To­Peer, le protocole BitTorrent, les streaming sont des technologies on ne peut plus
légales, efficaces et porteuses d'avenir pour le domaine de la diffusion de contenus en ligne. Hélas, les
logiciels Peer­To­Peer, longtemps stigmatisés comme des logiciels de piratage ont coloré ces mots
d'une teinte d'illégalité. Les affaires de piratage d'œuvres culturelles, largement médiatisées telles que
celles qui ont impliqué Napster, Kazaa, eMule, YouTube ou encore Deezer, ont malgré elles contribué à
noircir l'image de technologies d'échange de fichiers en ligne. La gratuité a été elle aussi longtemps
assimilée au vol des œuvres. Les majors et autres industries culturelles ont largement communiqué
pour faire comprendre qu'une œuvre a un coût.

Or il s'avère que les plus grands groupes de médias reprennent à leur tour les stratégies
technologiques Peer­To­Peer et streaming pour améliorer l'efficacité de leurs dispositifs. Ils reprennent
également les stratégies économiques fondées sur la distribution à très bas coûts de contenus, voire
gratuitement. Les partisans du Peer­To­Peer défendent depuis longtemps la légalité de leur technologie
et des acteurs indépendant tels que Jamendo diffusent légalement depuis un moment leur catalogue
musical gratuitement via les plateformes BitTorrent, mais ils n'ont pas pu bénéficier de l'aura médiatique
des grandes marques telles que Microsoft ou NBC. Il a fallut que des grands noms se lancent dans le
Peer­To­Peer pour que le grand public s'aperçoive qu'un usage légal de cette technologie soit possible.
Le public a donc pu assister au lancement de la plateforme Hulu.com 17 en partenariat avec la chaîne
américaine NBC pour diffuser de la Vidéo À la Demande, notamment les séries, sur Internet
gratuitement grâce au financement publicitaire. L'avantage de la diffusion en « streaming » est que la
publicité ne peut pas être zappée. Microsoft de son côté, a annoncé la création de Microsoft Live
FolderShare : un BitTorrent privé. Enfin, Google met en ligne un service gratuit de recherche de
musique en Chine. Les fichiers de musique correspondant pourront être téléchargé gratuitement et
légalement. Le service sera, en effet, entièrement financé par la publicité. Google reversera aux
sociétés d'exploitation des droits une partie des revenus ainsi générés.

La reprise des symboles du piratage par les grandes marques de l'industrie culturelle brouillent
encore plus les frontières des représentations. Peer­To­Peer et téléchargement légal, consommation
gratuite d'œuvres culturelles, rémunération de la culture par la publicité, vente de flux culturel... Les
repères lexicaux sont bouleversés. Ces notions mélangent des imaginaires, hybrident les formes et les
usages et font évoluer la perception que l'on peut avoir du piratage et du bien culturel.

Doubles­discours et prises de positions ambiguës

Au delà des mots, les stratégies d'acteurs nous montrent à quel point le piratage est un sujet
17 Guillaume CHAMPEAU, TF1 fait le plein de séries diffusées en VOD 24 heures après les USA, Numerama, 2008.
http://www.numerama.com/magazine/10624­TF1­fait­le­plein­de­series­diffusees­en­VOD­24­heures­apres­les­
USA.html

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mouvant et à manipuler avec précaution. Si l'on reprend les grandes lignes des discours des autorités
et des industriels de la culture, le piratage est l'ennemi de le création et tous les moyens doivent être
mis en œuvre pour lutter contre. Or, pendant que les fils d'actualités de Reuters reprennent les
communiqués officiels, certains journalistes profitent de la thématique pour divulguer quelques histoires
peu connues. On apprend ainsi que la piratage peut être une source de dynamique économique, qu'il
faut le concurrencer, qu'il ne nuirait pas toujours à la création et que certaines grandes maisons en
tirent même profit.

Le piratage est un modèle économique

Le 10 octobre 2006, Anne Sweeney, présidente du groupe Disney­ABC Télévision, déclarait lors de
son discours d'ouverture au MIPCOM (le marché international des contenus audiovisuels) : « Le
piratage est un modèle économique. » Ses propos sont venus briser un tabou dans le monde des
industries culturelles en reconnaissant sérieusement la concurrence posée par les plateformes de
téléchargement en ligne de contenus audiovisuels à partir desquelles les internautes peuvent avoir
accès aux œuvres sans que la rémunération des ayant droits ne soit assurée par aucun des acteurs.
Largement relayé aussi bien par les grands médias officiels que par les supporters desdites
plateformes, le discours de Anne Sweeney a permis de rendre compte d'une vérité : les industries de
contenus audiovisuels devraient dorénavant considérer ces plateformes non plus comme des ennemis
à combattre, mais comme des concurrents à « challenger ».

« Nous comprenons maintenant que le piratage est un modèle économique, il existe pour servir
un besoin dans le marché pour les consommateurs qui veulent du contenu de TV à la
demande. Les pirates se font concurrence de la même façon que nous : à travers la qualité, le
prix et la disponibilité. Deux années auparavant, Disney se félicitait des succès des saisons de
« Lost » et « Desperate Housewives ». Mais à la fin de cette cérémonie, le responsable
technique nous a présenté le dernier épisode de Desperate Housewives, une version de haute
qualité, sans publicité qui a été mise en ligne sur Internet 15 minutes après se diffusion TV. Ce
fut un moment primordial pour notre activité. Nous n'aimons pas le modèle mais nous réalisons
qu'il est assez concurrentiel pour en faire de plus en plus un concurrent majeur". »18
La prise en compte de ce mode de distribution en tant que modèle économique à part entière par
des institutions de la taille de Disney montre bien que les créateurs et utilisateurs de ces plateformes
ont dépassé le stade du « braconnage » libertaire comme l'entendrait Michel De Certeau19 et ont fait
que cet usage est arrivé à une phase de maturité qui lui permet de rivaliser avec les plus grands
acteurs du milieu. Ce n'est pas tant le volume des contenus distribués illégalement qui entre ici en ligne
de compte mais plus particulièrement la « professionnalisation » de l'activité. Cette idée a déjà été
reprise par Matt Mason, journaliste sympathisant des milieux dits « pirates » et auteur du livre Le
dilemme du pirate : comment les jeunes réinventent le capitalisme20. Ce dernier déclare :

18 Matt MASON, The Pirate's Dilemma : How youth culture Is reinventing capitalism, Free Press, 2008.
19 Michel DE CERTEAU, L'invention du quotidien, 1 arts de faire, Éditions Gallimard, Paris, 1990.
20 Matt MASON, The Pirate's Dilemma : How youth culture Is reinventing capitalism, Free Press, 2008.

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« (…) le piratage n’est pas le problème, mais la solution. En fait, le piratage est un signal pour le
marché, un avertissement précoce, qui reste trop souvent ignoré par les industries existantes.
Que nous soyons des pirates ou des professionnels, nous nous faisons concurrence dans le
même domaine. »
Nous retrouvons dans les deux camps les mêmes notions de prise de conscience, de réalités à
affirmer et à faire connaître, de changement, voire de « rupture »... On parle de concurrence saine et
féconde à soutenir alors que des procès entre ces mêmes acteurs sont en cours de procédure. Ces
prises de positions paradoxales sont caractéristiques des périodes de transition dans le domaine des
nouvelles technologies comme le furent celle des radios pirates ou encore de l'avènement du
magnétoscope : crainte du changement, remise en cause des lois, accélération des évolutions
technologiques et tentatives de canalisation des usages... Or aujourd'hui, le fait qu'une des plus
grandes industries culturelles comme Disney reconnaisse les pirates en tant que réels concurrents et
accepte la lutte, sur le même champ de bataille et à armes égales signifie bien qu'une étape a été
franchie.

Le piratage ne nuit pas toujours à la création

Le président de Pathé déclare au sujet du film français Les Ch'tis qui aurait été piraté 682 000 fois,
mais ce qui ne l’a pas empêché de dépasser les 20 millions d’entrées en salle :

« En imaginant que chaque téléchargement est visionné par trois personnes, on a l'équivalent
de 2 millions d'entrées. Or il va nous manquer environ 300 000 entrées pour battre Titanic. (...)
Le piratage nous a joué un petit tour. En 1998 [date de sortie de Titanic], il n'y avait pas
d'Internet à haut débit.»21
Il sous­entend que chaque fichier piraté correspondrait à une entrée en salle de perdue. Or,
paradoxalement, le nombre d’entrées en salles en France a augmenté de 2,5 % en un an, et que la
vente des DVD de films a augmenté de 2,1% entre les premiers semestres 2007 et 2008 (selon le
CNC). L'Observatoire de la Musique a publié en Septembre 2008 les chiffres du téléchargement légal
en France. Nous apprenons que les téléchargements sur ordinateurs ainsi que sur mobiles ont doublé
pendant les 6 premiers mois de l'année22 mais sans réussir à combler la baisse du chiffre d'affaire23 de
l'industrie de la musique durant l'année 2008.

Une étude, citée par une journaliste de Libération pour le site Écrans24, a été menée sur la sortie du
disque du groupe Radiohead25, disque distribué sur Internet en laissant la liberté aux fans de fixer le
montant qu'ils désiraient payer pour télécharger l'album. Elle a tenté d'évaluer la capacité de l'offre

21 Estelle DUMOUT, Le record d'entrées de Bienvenue chez les Ch'tis entravé par le piratage ?, ZDNet.fr, Site Web,
2008. http://www.ZDNet.fr/actualites/internet/0,39020774,39382795,00.htm
22 En France, une augmentation de 70 % avec un chiffre d'affaires de 30,2 millions d'euros.
23 En France, une baisse de 13 % au cours du premier semestre, tombant à 484,8 millions d'euros. Les ventes de CD
accusent notamment une baisse de 15,7 %.
24 Astrid GIRARDEAU, Le téléchargement illégal de films se porte bien en France, Ecrans.fr, Site Web, 2008.
http://www.ecrans.fr/450000­films,4799.html
25 Will PAGE, Eric GARLAND, In Rainbows,on Torrents, Economic Insight 10, 2008. http://www.mcps­prs­alliance.co.uk/
monline/research/Documents/Economic%20Insight%2010.pdf

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« quasi gratuite de l'album » à faire se déplacer l'audience des plateformes de téléchargement vers le
site des artistes. Les auteurs, Will Page et Eric Garland, tirent des conclusions très prudentes et
soulignent qu'il est erroné de penser que le nombre de téléchargements illégaux d'un contenu
correspondait au nombre de ventes légales perdues. Un contenu largement piraté a de grandes
chances d'être un contenu largement acheté : la popularité légale est proportionnelle à la popularité
illégale du fait de très nombreux facteurs comme la curiosité suscitée par les médias, la différence entre
les dispositifs de distribution mis en place, les habitudes d'usages et les imaginaires suscités. Pour une
même offre les gens auront tendance à garder leurs habitudes d'usage, ainsi les utilisateurs habitués
des plateformes Peer­To­Peer téléchargeront l'album de Radiohead sans passer par le site des artistes.

Ces prises de positions viennent contrebalancer une fois de plus les discours officiels. Serait­il donc
réducteur et erroné de penser que le piratage nuit à la création ? Alors que dans le même temps, la loi
« Création et Internet » nous est présentée comme la solution à tous les maux que cause le piratage à
la culture... Un public averti ou non aurait du mal à prendre position.

Le piratage bénéficie aussi aux ayants droit

Par ailleurs, n'oublions pas que les études qui évaluent l'impact du piratage sur l'économie de
l'industrie culturelle sont très majoritairement commandées par les associations de défenses des
auteurs. Par exemple, selon une étude de la Motion Pictures Association (MPA), association qui défend
les intérêts d'Hollywood en dehors des États­Unis, le nombre de films téléchargés illégalement à travers
le monde a été multiplié par 2,5 durant l'année 2007 pour atteindre 2,5 milliards. Cette dernière met en
cause le nombre d'utilisateurs des plateformes de téléchargement ainsi que la pratique
d'enregistrement de films en salle via camescope.

Lors d'un chat avec le site TorrentFreak, Jesse Alexander, co­producteur de Lost et Heroes, a
reconnu que la communauté utilisant BitTorrent, avait aidé à la popularité de ces séries.

« Le phénomène communautaire autour de ces contenus ­ et de BitTorrrent ­ est en effet une


vraie publicité selon Jesse Alexander. « Les chaînes de TV doivent reconnaître cette réalité,
donner la possibilité aux spectateurs d'accéder aux programmes à la demande et trouver des
moyens de générer des revenus ». Un discours qui tranche clairement avec celui de la plupart
des auteurs.»26
Les séries ont de plus en plus recours au placement de produit, technique publicitaire qui consiste à
filmer des produits utilisés par les acteurs dont les marques sont relativement bien mises en valeur
(voitures, boissons, ordinateurs...). Les séries touchent donc un revenu considérable généré par ce
système publicitaire puisqu'il dépend directement du nombre de fois où la série aura été regardée. La
diffusion des séries sur les réseaux Peer­To­Peer, leur téléchargement même illégal entre donc

26 Denis POILLERAT, Quand le téléchargement pirate aide à la popularité des œuvres, Le Monde Informatique, 2008.
http://numerique.lemondeinformatique.fr/internet/actualites/lire­quand­le­telechargement­pirate­aide­a­la­popularite­
des­œuvres­3078.html

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complètement dans la logique de monétisation du contenu. Les maisons de production de ces
fameuses séries utilisent également les chiffres du piratage pour revoir à la hausse les tarifs
publicitaires de leurs contenus ou pour réadapter les horaires de diffusion. Notons que les grandes
maisons de disques utilisent les données du piratage pour évaluer le risque pris à lancer un artiste dans
tel ou tel pays en se basant sur la popularité « illégale » de cet artiste avant même la sortie de son
album.27

L'audience des pirates est facilement monétisable grâce à la publicité. LimeWire, logiciel de
téléchargement en Peer­To­Peer détourné par des usages pirates, aurait pour projet de monétiser
l'espace offert par son logiciel grâce à la publicité28. Il serait question de partager 40 % des revenus
publicitaires générés grâce un service de publicités contextuelles intégrées aux recherches effectuées
sur LimeWire. Selon LimeWire, 80 millions de ses utilisateurs effectueraient 5 milliards de recherches
par mois sur le réseau Gnutella, une audience proche de celle de Google. La publicité pourrait prendre
la forme de liens pointant vers des produits dérivés de la requête, une sonnerie de portable pour le titre
d'une chanson par exemple. Cette plateforme publicitaire serait gérée par une entité tierce qui vendra
les mots clés aux annonceurs et gardera 20 % des revenus. 40 % iront à LimeWire, et les 40 % restants
iront aux ayants droits.

YouTube nous donne à son tour un exemple de bon usage du piratage. La célèbre plateforme de
partage de vidéo en ligne monétise son audience grâce au système Adwords de Google. Ainsi plus
l'audience est forte et plus les annonces publicitaires génèrent des revenus. Le problème est que
l'audience la plus forte se forme généralement autour des contenus protégés par le droit d'auteur
comme par exemple les films, les séries TV, des extraits d'événements sportifs, mis en ligne par des
internautes peu regardants de la loi. Les ayants droit peuvent contacter YouTube pour réclamer que le
site retire le contenu mais YouTube leur propose alors de partager avec eux les revenus générés par
ces contenus (illégalement diffusés).29 Nous remarquons donc que YouTube / Google mais aussi les
ayants droit profitent du piratage ; les ayants droits peuvent même payer pour voir leurs vidéos mises
en avant sur la page d'accueil du site pour engranger un peu plus d'argent.

Enfin, une stratégie bien connue de Microsoft grand défenseur du copyright, dont le produit phare le
système d'exploitation Windows est piraté à 90% en Chine, est de fermer les yeux sur le piratage le
temps que les utilisateurs s'habituent au produit. Les utilisateurs se retrouvent par la suite contraints de
payer les licences pour exercer une activité professionnelle en toute légalité. De la même façon,
Microsoft se protège de la concurrence des logiciels libres. En luttant trop fortement et efficacement
27 The Economist, Piracy Look for the silver lining, The Economist print edition, 2008.
http://www.economist.com/opinion/displaystory.cfm?story_id=11750492
28 Guillaume CHAMPEAU, LimeWire veut faire le Google Adsense du P2P avec les majors, , 2008.
http://www.numerama.com/magazine/9603­LimeWire­veut­faire­le­Google­Adsense­du­%22Peer­To­Peer%22­avec­
les­majors.html
29 Guillaume CHAMPEAU, YouTube profite du piratage à 90 % ... grâce aux ayants droit, Numerama, 2008.
http://www.numerama.com/magazine/10530­YouTube­profite­du­piratage­a­90­grace­aux­ayants droit.html

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contre le piratage, il verrait une grande partie de ces utilisateurs basculer sous Linux.

« It’s easier for our software to compete with Linux when there’s piracy than when there’s
not. »30
« Le piratage aide notre logiciel à concurrencer Linux. »
Ces stratégies d'acteurs, a priori fervents opposants au piratage, qui consistent à tirer profit du
mécanisme du piratage nous montrent à quel point le positionnement des acteurs est ambigu. D'un
côté on milite pour que des sanctions soient prises, d'un autre on profite de la manne d'audience pirate.
Même si ces dernières informations sont peut être moins connues du grand public, elles composent
avec les autres éléments du paysage médiatique et amènent une pluralité d'opinions et de points de
vue sur le piratage.

Schizophrénie du pirate

Nous avons vu que le discours médiatique, que l'on se représente le plus souvent comme un
discours unique, martelant un message fort, avait tendance à se déliter en un ensemble de sous­
discours, tenus par des acteurs plus ou moins influents et dont la voix portait plus ou moins loin selon
les publics. Le piratage, en tant qu'acte illégal et répressible, profite de ces agents édulcorants pour se
forger une nouvelle image. Mais qu'en est­il de l'acteur social, du pirate ?

Pour étudier l'évolution de la figure du pirate et des représentations construites autour du piratage,
nous nous appuierons sur de récentes recherches sur la sociologie du piratage. Ces recherches ont été
complétées par des entretiens avec des internautes, pirates ou non, et par l'expérimentation de ces
dispositifs.

Nous nous cantonnerons à étudier uniquement le pirate agissant dans la sphère de la culture en
ligne. Une étude commandée par le CNC en 2004 révélait que les motivations premières des
utilisateurs pour pirater des films étaient les suivantes : la quasi­gratuité (en tenant compte du coût de
la connexion Internet), le plaisir de la fraude et la pratique à la mode qui consiste à se soustraire du
système marchand et faire bénéficier son entourage des contenus piratés.31 Nous allons voir que la
diversité de ces motivations correspondent à une diversité de représentations de l'acteur­pirate.

Les « hackers » pionniers

Le terme « pirate » est devenu une notion tellement circulante qu'il convient de retourner aux
sources même du mot pour comprendre de quels imaginaires il s'habille, d'autant plus qu'à ses origines
anglo­saxonne, les pirates se surnomment des « hackers ».

30 Déclaration de Bill GATES au magazine Fortune en juillet 2007.


http://money.cnn.com/magazines/fortune/fortune_archive/2007/07/23/100134488/
31 CNC, La piraterie de films : Motivations et pratiques des Internautes, Analyse qualitative, Cabinet d'études
QualiQuanti, Paris, 2004.

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Les débuts de l'Internet et la libre circulation des œuvres

Le Oxford English Dictionary nous donne ces premières informations sur la signification de « hack. »
Le terme « hacker » tire son origine du verbe « to hack » employé dans l’anglais ancien, et fixé pour la
première fois en 1450 dans le sens de hacher, couper en morceaux. Le mot « hack » serait
originellement entré dans le vocabulaire des étudiants du MIT, Massachusetts Institute of Technology,
célèbre université qui a formé quelques uns des plus grands chercheurs et penseurs de l'Internet. On
dit qu'il y aurait acquis ses « lettre de noblesse »32. Le terme « hack » désignait alors un procédé
technique original mis au point par un des étudiants pour résoudre des problèmes. Ces inventeurs
informaticiens ont donc été nommés les « hackers » et leurs inventions les « hacks ».33 Mais le terme
« hacker » va très rapidement sortir de l'Université pour désigner les spécialistes de l'Internet qui
œuvrent au profit de l'ensemble des internautes.

À la fin des années 60, le département de la défense américaine lance le programme ARPA
(Advanced Research Project Agency). Les chercheurs qui y participent doivent se partager une
multitude de données entre des supercalculateurs, ancêtres des ordinateurs utilisés pour résoudre des
calculs complexes. En 1969, l'ARPA connecte ses supercalculateurs à ceux des universités de
Stanford, Los Angeles, Santa Barbara, et de l'Utah. L'ensemble de ces connections ont formé
l'"ARPANET" (contraction d'ARPA et Network : le "réseau de l'ARPA"). Ce dernier se développe
doucement durant 10 ans.

Les pionniers de ce réseau étaient des chercheurs et des scientifiques largement empreints de
l'idéologie du partage de l'information pour l'intérêt général. Cette idéologie de partage est restée et à
imprégné à son tour l'ensemble des communautés utilisant le réseau ARPANET. Naturellement, les
logiciels étaient construits sur le modèle de l'« open­source », c'est­à­dire que le code utilisé pour
élaborer le programme était public et disponible, prêt à être copié, réutilisé ou transformé pour que les
utilisateurs des programmes puissent apporter leurs propres améliorations et les partager avec
l'ensemble des autres utilisateurs.

Au milieu des années 80, le département de la défense autorise l'exploitation commerciale du


réseau : l'ARPANET quitte le domaine militaire. Des entreprises telles que Microsoft et Novell ont
commencé à fabriquer des logiciels sous des formats fermés (sous copyright) et à vendre ces logiciels.
Certains utilisateurs attachés au mode de l'« open­source » et des logiciels gratuits ont décidé de s'y
opposer et ont développé des mécanismes pour contourner le copyright des logiciels propriétaires : ils
ont été inconsciemment les premiers pirates. Selon leurs témoignages, la question de la légalité ou de
l'illégalité de leur action ne se posait pas ; il était davantage question d'éthique professionnelle. Cette

32 Jean­Marc MANACH, L’informatique ambiante piratée, Internet Actu.net, 2008.


http://www.internetactu.net/2008/02/19/linformatique­ambiante­piratee/
33 Irina BELIKOVA, La polysémie du terme hacker dans la littérature contemporaine, Université Technique d’Etat
d’Omsk, Russie, 2003. http://ressources­cla.univ­fcomte.fr/gerflint/Russie3/polysemie.pdf

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éthique professionnelle appelée « l’Éthique des Hackers » se fonde sur une première grande idée :
l’information doit être librement accessible en informatique, sur tout ce qui peut donner des
connaissances sur la structure du monde.

Avec l'avènement du World Wide Web (réseau Internet actuel) entre le milieu et la fin des années
90, le phénomène du « hacking » a continué de s'étendre et a touché des populations de moins en
moins technophiles. L'idéologie du partage s'est maintenue dans de nombreuses communautés qui ont
continué à produire des logiciels sous licence libre, dont le plus connu est le projet Linux34, tout à fait
légal, tandis que d'autres communautés ont poursuivi leurs actions illégales qui consistaient à détruire
les verrous des licences propriétaires pour copier et diffuser les logiciels vendus par les grandes
entreprises.

L'apprenti sorcier : le génie­clown du bricolage ludique

L'apprenti sorcier peut être considéré comme la figure originelle du pirate à la manière où l'entendait
les « hackers » du M.I.T. Férus de technologies, ces « hackers » exerçaient leur passion avant tout
dans un but d'innovation par l'amélioration de la technique. Patrice Flichy déclarait à ce propos :

« La figure de l’apprenti sorcier, c’est la bonne figure de l’innovateur »35


L'apprenti sorcier est en quête constante d'amélioration et de progression, sans se poser de limite
d'investigation, chaque problème rencontré devant être résolu, quitte à enfreindre la loi.

Le détournement des objets fait également parti de cette représentation. Le « hackerisme »


dépasse les frontières de la seule sphère informatique et devient une philosophie de recherche. Cette
dernière est motivée par la volonté d'améliorer l'environnement, d'apporter des solutions à des
problèmes grâce à la technique en convoquant de nouveaux schémas cognitifs. Pekka Himanen
déclare à ce propos :

« Seul le hackerisme consiste à proposer un esprit alternatif»36.


Sûrement radicale, cette pensée reflète tout de même la capacité du hacker à penser en dehors des
schémas classiques et à stimuler son imagination.

« Mini cas 1 : Améliorer par le détournement.


Avec un mélange de fierté rentrée et d’humilité, E. montre à ses collègues un effet réalisé avec
un logiciel graphique bien connu. « C’est un peu innovateur », admet­il devant les éloges de ses
pairs. Sous cette forme, cet effet ne fait pas partie des spécifications du logiciel. Il résulte d’une
manipulation originale des codes du logiciel, après en avoir contourné les éléments de sécurité.
Il s’agit littéralement d’un détournement, non dans l’esprit d’une piraterie, mais bien plutôt dans
une logique d’amélioration. Interrogé sur ses motivations, le graphiste s’explique : « (le logiciel)
ne me permettait pas de faire ce que je voulais. Alors j’ai cherché, j’ai fouillé. J’ai voulu

34 Projet coopératif de développement d'un système d'exploitation en open­source, initié par Linus Torvalds en 1991 et
développé en collaboration avec la communauté du système d'exploitation MINIX.
35 Patrice FLICHY, L'imaginaire d'Internet, La Découverte, Paris, 2001.
36 Pekka HIMANEN, L'Ethique Hacker et l'Esprit de l'ère de l'information, Exils, 2001.

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comprendre. J’y ai mis le temps qu’il faut pour trouver une solution. (...). Puis t’y prends goût. Là
j’ai d’autres idées encore ». (...) Ce désir de compréhension est un élément fort de motivation
intrinsèque qui incite à ne pas abdiquer devant la technique. On peut caractériser la position du
hacker face à l’objet technique à une situation problématique : les fonctionnalités de l’objet ne
sont pas à la hauteur des attentes du hacker/usager. L’objet présente donc un double obstacle :
pragmatique, en terme d’usage, puis cognitif et presque existentiel en terme d’intelligibilité. ».37
L'idée que le pirate a toujours un temps d'avance est directement liée à cette représentation du
« hacker », de sa capacité d'anticipation et à son expertise du détournement.

On pourrait croire que ce mouvement très déterminé par l'expertise technique ne trouve pas de
public en dehors du laboratoire, or, malgré la complexité des manipulations, les hackers ont réussi,
peut­être malgré eux, à se faire connaître du grand public en détournant de manière humoristique des
objets de la vie quotidienne. Ainsi le dôme de l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT) a été
rhabillé en R2D2 (le célèbre robot du film Star Wars), la façade d’un immeuble transformée en feu de
circulation géant et sauvage ou encore un panneau de signalisation lumineux « bidouillé » pour
annoncer que l’un des ponts de la ville va être fermé en hommage à Godzilla… Le magazine Dark
Reading a même consacré à ces chefs­d'œuvres un classement des « hacks les plus cools de
l'année ».

L'imaginaire de ce génie­clown qui mêle le personnage de l'expert informaticien à celui du


« hacker »38 a refait récemment surface dans la grande sphère publique néophyte avec l'entreprise
Google. Les valeurs et messages diffusés par Google ont beaucoup marqué les esprits car ils puisent
dans les origines profondes des univers de l'informatique. L'expertise, la passion et le génie personnel
sont valorisés, les diplômes et autres reconnaissances officielles sont passés au deuxième plan.
L'entreprise place également l'accent sur la communauté, l'importance de collaborer avec les autres, de
partager l'information et le savoir et de travailler dans la bonne humeur. Google a même choisi comme
slogan de sa marque « Don't do evil » (« Ne fais pas le mal »). Ces imaginaires remis au goût du jour
confèrent à l'image du « hacker » un aspect sympathique, attachant.

La figure du pirate va être largement empreinte de l'imaginaire convoqué par la figure plus
particulière du « hacker » qui agit gratuitement, de manière bénévole et passionnée, pour le bien de sa
communauté et pour le progrès de la technique.

Des « hackers » aux « pirates »

La numérisation des contenus issus de l'industrie culturelle va ouvrir une nouvel espace de jeu aux
« hackers ». Libéralisation des œuvres ou exploitation d'un système peu réfléchi par les grands groupes
industriels, les motivations sont nombreuses pour ceux que l'on nomme désormais les « pirates ».

37 Laurent SIMON, Éthique Hacker et Management, Cahier de recherche no 05­19 ­ HEC Montréal, Montréal, 2005.
38 Cf. Annexe L'imaginaire des hackers, des pirates et de l'Internet page 106

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Le piratage à l'assaut des industries culturelles

Le mot « piratage » fait son apparition dans la langue française en 1979 aux côtés du mot
« piraterie » dans le Petit Robert. Le terme anglophone « piracy » désigne à la fois « piratage » et
« piraterie » et recouvre une signification très différente du terme « hacking » : alors que le « hacking »
désigne une manipulation technique experte dans n'importe quel domaine (l'informatique étant bien sûr
le plus privilégié mais pas le seul), les termes « piratage » et « piracy » vont progressivement se teinter
d'une connotation bien plus péjorative et vont désigner un acte illégal lié aux œuvres de la culture et de
l'esprit, à la violation des droits d'auteurs. Le Trésor de la Langue Française nous propose cette
définition du « piratage » :

Piratage, subst. masc. Action de s'accaparer une production artistique ou intellectuelle pour en
faire son profit. Une armée d'avocats venait d'obtenir une injonction sur deux posters et une
statuette illicites d'Elvis (Presley), le fantôme du chanteur­roi était l'objet de «piratages»
innombrables (Le Point, 20 août 1979, p.62, col. 2).
Ce déplacement de sens vient illustrer le déplacement des usages qui a profité des nombreuses
avancées techniques et de la pénétration des usages de l'informatique et de l'Internet au sein des
populations peu expertes. En effet, jusqu'aux années 90, les dispositifs techniques ne permettaient pas
d'outrepasser facilement l'acte d'achat pour profiter du bien. Il fallait enregistrer la chanson de la radio
vers la cassette audio, le film de la télévision vers la cassette VHS, photocopier le livre et graver les
jeux vidéos (cette dernière manipulation nécessitait souvent l'usage de deux ordinateurs
simultanément). Le piratage était alors coûteux, complexe, réservé à un public averti, patient et équipé.

« À cette époque, [années 98­2000], je me rappelle qu'avec L. on branchait nos deux PC, on
téléchargeait pendant des heures les derniers tubes, films, on copiait aussi des CD ou DVD que
les copains avaient acheté... Après on se mettait à graver les CD : il fallait surveiller tout le
temps que le CD gravait et surtout ne pas bouger la table sinon le graveur plantait... Et au prix
auquel coûtait le CD vierge, fallait pas que ça plante ! On gravait de tout, de la musique, des
films, des jeux, des logiciels, même des photos… Et puis on revendait les CD gravés au moins
5 fois le prix du CD vierge, ça partait comme des petits pains mais honnêtement il fallait
reconnaître que ce qui partait le plus vite c'étaient les films de cul… et puis ceux­là, on les
vendait 10 fois le prix ... »39
Parallèlement aux habituels dispositifs de consommation des produits culturels, l'ordinateur
personnel a été de plus en plus utilisé pour écouter de la musique, regarder des films ou encore jouer
aux jeux vidéos (autrement que sur des consoles de jeux). C'est ainsi que convergent de nombreux
progrès technologiques, d'habitudes de consommations et d'évolution de la représentation de l'objet
culturel qui ont préparé le terreau des actes de piratage.

39 Propos recueillis au cours d'un entretien avec Amine B., ancien vendeur de CD gravés. Entretien du 13 mars 2008,
Paris.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 32|124
Le syndrome du Robin des Bois

« L'idée de piraterie est directement liée à celle pillage. (...) Le pirate ne peut donc exister sans
système social à piller ; il vit grâce à la société, tout en refusant d'en faire partie, d'être assujetti
à ses lois. Il parasite le système, en s'enrichissant au dépens d'autrui. »40
Il est évident que le piratage revient à enfreindre des règles ou des lois. Le pirate se positionne
volontairement comme un marginal et s'exclut du système social mais aussi du système pénal. Sa
connaissance de la technique lui permet de déjouer les pièges, d'échapper aux peines et de s'infiltrer
dans les brèches offertes par une loi pas encore très stabilisée. Le pirate assume ici pleinement la
responsabilité de ses actes, est conscient de l'illégalité de ses agissements.

Cependant, si l'on se replace dans le contexte de la consommation illégale d'œuvres culturelles sur
Internet, il est moins question de piratage pour s'enrichir aux dépens d'autrui que de piratage, au
dépens d'autrui, pour ne pas s'appauvrir. En effet, s'enrichir personnellement reviendrait à tirer des
revenus de biens acquis illégalement. Or il s'avère que ces agissements sont très lourdement punis par
la loi, sauf quand il s'agit d'entreprises légales qui profitent des revenus publicitaires générés par les
contenus piratés comme nous l'avons vu précédemment.41

Prenons quelques exemples d'acte de piratage évoqué dans les médias comme l’affaire anti­pirates
MediaDefender qui a tourné au sketch de « l’arroseur arrosé »42. La société MediaDefender agit au nom
de groupes média afin de saboter le processus de partage de films, musique et jeux sur des réseaux en
Peer­To­Peer en faisant, par exemple, circuler de faux fichiers sur BitTorrent. En Septembre 2007, un
pirate décide alors de mettre en partage et de diffuser sur ces mêmes réseaux des emails internes à la
société et des documents privés décrivant les pratiques de MediaDefender comme un fichier contenait
le code source du système anti­pirates de MediaDefender ou encore des extraits de conversation
téléphonique. Ethan, le pirate déclarait :

« Au début je n’avais rien contre eux ; je ne cherchais pas à hacker ces bâtards. Puis j’ai trouvé
quelque chose et je me suis dit: ces types ont tort, je vais les détruire. »
Voici un autre exemple proposé par le magazine Wired en 2002 : un utilisateur expert de la
plateforme de partage Morpheus, ancien consultant informatique de 44 ans, avait accumulé 2500 titres
de vidéos, de musique et de logiciels. Il déclarait que beaucoup de gens n'étaient pas au courant des
capacités de leurs machines et de leurs ordinateurs, et que pour tous ceux qui ne pouvaient s'offrir le
cinéma ou des jeux vidéos, il se sentait comme « chargé d'une mission de service public. »

Dans ces exemples, c'est la figure du Robin des Bois qui ressort : prendre aux riches pour donner
aux pauvres. Le pirate semble altruiste et décide d'outrepasser la loi pour agir contre les ennemis de sa
communauté ou encore pour acquérir des biens sans assurer la rémunération de leurs auteurs et d'en

40 Razmig KEUCHEYAN, Laurent TESSIER, Pirates!, Revue Critique, Paris, 2008.


41 Cf. Le piratage bénéficie aussi aux ayants droit page 26
42 Michael ARRINGTON, L’affaire anti­pirates MediaDefender ou l’arroseur arrosé, Techcrunch, 2008.
http://fr.techcrunch.com/2008/02/11/laffaire­anti­pirates­mediadefender­ou­larroseur­arrose/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 33|124
faire profiter son entourage.

Cette figure est renforcée par la mouvance de communiste libéral dans la sphère numérique et les
discours de remise en cause du droit d'auteur et du copyright. Ces groupes issus des milieux d'extrême
gauche militent paradoxalement pour une libéralisation des œuvres. L'union se forme contre les grands
groupes capitalistes représentés par les industries culturelles. Certains, aux discours plus modérés et
pragmatiques, arrivent à toucher plus facilement le grand public à travers les relais d'opinions offerts
par les grands médias. C'est par exemple les cas des partisans des licences libres, des « creative
commons »43 et du copyleft.

Le pirate : une diversité d'acteurs

Il serait erroné de penser qu'il n'existe qu'une seule figure du pirate qui aurait évolué au fil des
années. L'évolution des sentiments, des repères et des perceptions est bien réelle sauf qu'elle a permis
une démultiplication des statuts attribués au rôle du pirate. Ainsi ce qu'on appelle « pirate » recouvre en
fait un ensemble de profils d'acteurs, plus ou moins techniciens et experts de l'informatique, plus ou
moins proches des débats politico­idéologiques. Et c'est cette prolifération de repères qui va générer
une difficulté à prendre position vis­à­vis du pirate et du piratage.

« L'insistance sur l'histoire de la construction conjointe d'une éthique hacker et du monde de la


micro­informatique, des réseaux et d'Internet en particulier, conduit à prendre en compte la
variété des postures des hackers vis­à­vis de la question du piratage informatique. Ces postures
et des rôles, endossés par des passionnés d'informatique aux compétences variées, sont au
cœur de tensions profondes et toujours actives. »44
Le piratage sur Internet se nourrit d'une multitude d'imaginaires et de représentations issues des
origines même du piratage, de la sphère de l'informatique et de l'Internet mais aussi des courants
politico­culturels qui traversent les différents milieux sociaux. Il est nécessaire de rappeler que les
discours critiquant les pirates, pilleurs d'œuvres et irrespectueux de la créativité artistique, gardent
toujours leur place. Cependant, ils semblent perdre du terrain au profit des nouvelles prises de positions
émanant aussi bien des milieux dits de la contre­culture, qui refusent le pouvoir des grandes industries,
que des grands groupes eux­mêmes. La pluralité des messages modère et dilue l'idée initiale du
piratage comme un délit à combattre par tous les moyens.

La diversité des discours, qui traitent de la consommation illégale des œuvres culturelles sur
Internet et qui circulent au travers des médias, semble placer la thématique du piratage au centre d'un

43 Le Creative Commons (CC) est une organisation à but non lucratif consacrée à épandre le champ de travaux créatif
pour les autres, afin de construire dans la légalité et le partage. L’organisation a créé plusieurs licences, connues
sous le nom de Creative Commons licences. Ces licences, selon leur choix, restreignent seulement quelques droits
(ou aucun) des travaux, le droit d'auteur (copyright) étant plus restrictif.
44 Éric DAGIRAL, Pirates, hackers, hacktivistes : déplacements et dilution de la frontière électronique, Revue Critique
"Pirates!", Paris, 2008.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 34|124
débat d'idées. Peut­on dire pour autant que cette ambiance de débat et de remise en cause de la
pertinence de la lutte juridique contre le piratage engendre une banalisation de l'acte ? Est­ce que
pirater est devenu un acte commun, est entré dans les habitudes sociales ? Le terme « banalisation »
semble encore trop fort pour être appliqué au piratage. On ne peut affirmer que pirater une œuvre sur
Internet est devenu commun, une habitude. Il l'est peut­être pour une tranche de la population mais pas
pour l'ensemble. Il nécessite encore une certaine connaissance du dispositif, une réflexion personnelle
sur la valeur que l'on choisit de donner à l'œuvre en la piratant mais surtout, il nécessite de franchir un
pas important, celui d'enfreindre la loi. Ce que ne nécessite pas l'avortement... Préférons pour le
moment noter une ouverture du discours au sujet du piratage, une sorte de démocratisation du débat
qui pourrait mener vers un sentiment de banalisation de l'acte en fonction des décisions qui seront
prises par les différents acteurs sociaux.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 35|124
LES STRATÉGIES MÉDIATIQUES DES DISPOSITIFS PIRATES

Cette partie sera consacrée à l'analyse des dispositifs actuels mis en place permettant d'acquérir de
manière illégale des contenus sur Internet à travers le prisme des stratégies utilisées par les
plateformes légales. Cette stratégie marketing est consolidée par des stratégies économiques solides.
Les modèles économiques élaborés pour financer l'entreprise usent de diverses sources de
rémunération auprès de divers publics. Étudions les mécanismes et stratégies des dispositifs de
téléchargement illégal de fichiers en ligne pour attirer une audience, la fidéliser, promouvoir des
produits, positionner l'offre et générer des revenus.

Nous nous concentrerons sur un site particulier : The Pirate Bay. Fort d'un succès grandissant, ce
site de référencement de liens « .torrent » qui permet de télécharger des contenus à travers Internet, se
démarque des autres sites dans sa capacité à user des médias, de son image et de stratégies de
développement, à la manière des grandes marques légales, pour générer toujours plus d'audience.
Même si ce n'est qu'un cas isolé, il semble intéressant d'étudier de plus près l'efficacité et le
professionnalisme avec lesquels ce site communique sur sa marque et son service. Nous verrons que
pour attirer le public vers une offre illégale, le dispositif va faire appel l'ensemble des acteurs qui
gravitent autour du piratage.

Attirer l'audience : promouvoir une offre légale, attractive et de qualité

The Pirate Bay est un site de référencement de fichiers « .torrent »45. Accessible en ligne à l'adresse
http://thepiratebay.org/, le site propose une liste de liens (URL) pointant vers des fichiers « .torrent »
correspondant à des contenus disponibles en ligne. Le fichier « .torrent » est téléchargé très
rapidement par l'utilisateur puis lu par le logiciel client BitTorrent qui permet de télécharger le contenu
correspondant sur l'ordinateur de l'utilisateur.

Un service de communication efficace

The Pirate Bay est réputé pour sa capacité à jouer avec les médias, à les utiliser pour faire parler de
lui et pour faire entendre sa voix. Il a progressivement mis en place divers moyens pour faire valoir son
droit face aux plus grandes entreprises médiatiques mais aussi pour communiquer auprès de son
public et de ses utilisateurs. Nous verrons ici comment la marque The Pirate Bay se positionne dans les
discours médiatiques, grâce à quels moyens et dans quels buts.

45 Revoir l'explication du mécanisme technique dans la première partie du travail : Le piratage et la technologie Peer­To­
Peer page 13

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Des pirates dans leur juste droit

On ne peut parler de The Pirate Bay sans évoquer un moment son nom et son logo si particuliers.
Alors que le site milite activement pour que son service soit
reconnu comme légal, le site arbore une marque et un logo on ne
peut plus significatifs : le nom du site « The Pirate Bay » surmonté
d'une illustration d'un navire pirate. Cependant, le site ne fait que
référencer des liens qui pointent vers des fichiers « .torrent ». Il
n'héberge aucun contenu et insiste sur le fait qu'il n'est pas
responsable de l'usage dont sont fait les fichiers « .torrent ».
Comme nous l'avons vu précédemment46, l'illégalité réside dans
les deux actions suivantes : diffuser publiquement une œuvre
sans rémunérer les auteurs et télécharger une œuvre protégée
par le copyright alors que l'on n'a pas payé son prix. Un utilisateur
qui télécharge grâce à un fichier « .torrent » récupéré sur le site de The Pirate Bay, une copie d'un
contenu (film, musique, logiciel etc.) dont il détient l'original, est également considéré comme un acte
de piratage ; plusieurs jurisprudences en France ont montré que la copie privée n'est légale que si
effectuée à partir d'un support légal. Le fait de posséder l'original n'est pas en soi une exonération de
responsabilité pénale.

Rappelons tout de même que le site The Pirate Bay est une
initiative du groupe Piratbyrån. Le Piratbyrån (« Bureau du
piratage »), est une organisation suédoise et indépendante,
militant pour les droits du partage de fichiers en ligne. Il n'est pas
engagé dans des activités illégales et s'oppose aux lobbies des industries culturelles. Le nom
Piratbyrån est un jeu de mot sur Antipiratbyrån (« Le bureau anti­piratage »), une organisation non
gouvernementale suédoise supportée par les majors.

Le nom du site « The Pirate Bay » est tout d'abord en anglais (et non pas en suédois), ce qui
souligne la volonté initiale des créateur de donner une dimension internationale au site. De plus, The
Pirate Bay est décliné dans plus de 30 langues différentes. L'URL du site http://thepiratebay.org/ nous
renseigne également sur la vocation que veut se donner le site. En adoptant un nom de domaine en
« .org », The Pirate Bay se présente comme une organisation internationale. La signification, « la baie
pirate » (et non pas la « baie des pirates » qui aurait été traduit en « The Pirates' Bay »), concentre un
ensemble de signes qui vont donner une densité à la marque. La référence à un lieu géographique, « la
baie », est caractéristique du vocabulaire d'Internet ; or paradoxalement, ce lieu n'est situé dans aucun
pays. À ce propos, en janvier 2007, The Pirate Bay avait émis l'idée d'acheter l'île Sealand, une

46 Cf annexe Le piratage et la technologie Peer­To­Peer page 13

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 37|124
ancienne plateforme off­shore britannique située dans les eaux internationales qui pour cause
d’incendie en 2006 a été désertée et mise en vente. Ce projet insolite n'a pas abouti mais a permis de
faire connaître d'avantage le site. « La baie » ferait aussi référence au fait que les administrateurs de
The Pirate Bay sont initialement des hébergeurs. Or l'armoire dans laquelle sont rangés les serveurs
chez un hébergeur s'appelle une « baie ». Par ailleurs, le terme « pirate » aurait plutôt été inspiré du
site Piratbyrån, donc directement à la problématique du partage d'œuvres sur Internet et non pas de la
volonté de se placer en tant que pirates. Piratbyrån a été le premier à reprendre les références
graphiques des os croisés surmontés d'une tête de mort et les a réadaptées à leur message en
remplaçant la tête de mort par une cassette audio. La cassette audio est en effet un des symboles des
premiers mouvements revendiquant le droit à la copie privée. Ce symbole a été par la suite repris par
The Pirate Bay qui l'a apposé à la voile de son navire. La typographie utilisée pour le nom de la marque
rappelle également l'époque des pirates.

Avec cette symbolique si forte, le site The Pirate


Bay se permet d'adapter son logo à l'actualité à la
manière de Google et Yahoo!. C'est ainsi que, pour
protester contre le comité olympique qui a fait
pression sur le gouvernement suédois pour censurer
le site de The Pirate Bay pour éviter toute fuite de
vidéos des épreuves, le site a conçu un logo
spécialement pour les Jeux Olympiques. Le jeu sur un
symbole déjà puissant ne fait qu'accentuer la portée
Le logo spécial Jeux Olympiques de Pékin
du message.

Paradoxalement, The Pirate Bay joue sur l'ensemble des codes de la piraterie pour défendre son
juste droit. C'est une manière de réutiliser les stéréotypes déjà largement employés par les sites de
piratage de systèmes informatiques pour interpeller le public. Ce jeu sur les symboles peut aussi être
compris comme une stratégie de différenciation par rapport aux autres sites de liens « .torrents » qui
épurent au maximum leur identité visuelle pour affirmer leur légalité. Au contraire, The Pirate Bay
décide d'assumer le rôle « erroné » que lui attribuent les médias et les industries culturelles. Le site
revêt volontairement le « costume du pirate » mais montre qu'il peut jouer son rôle en toute légalité.
Cette contradiction entre le fond et la forme donne plus d'impact à l'image de marque que fait circuler
The Pirate Bay.

La communauté, Brokep et une médiatisation à grand spectacle

La première question est de savoir qui se cache derrière le site et la marque The Pirate Bay. Les
informations sur le site dans les rubriques « À propos de TPB » et « Contact » nous apprennent que le

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 38|124
site a été créé en 2003 par une organisation « anti­copyright » suédoise « Piratbyrån »47 puis a acquis
son indépendance en 2004 et est actuellement géré par des membres bénévoles. Lorsque la prise de
parole se fait au nom du site, elle se fait par l'intermédiaire du « crew », terme qui désigne
« l'équipage » (comme sur un bateau...). Les autres membres et utilisateurs du site sont mêmes
appelés les « pirates ». Cette prise de position polémique participe de l'image que veut se donner
l'entreprise de « The Pirate Bay » : des pirates agissant dans la légalité.

Un des premiers moyens de communication que nous pouvons considérer comme le plus officiel est
le blog de The Pirate Bay48. En effet, le blog sert aux membres de The Pirate Bay de réelle salle de
presse pour communiquer sur leur actualité. Il peut s'agir des nouveautés et améliorations apportées
au site, de billets d'humeurs relatifs aux pressions exercées sur le site, ou encore de messages
humoristiques tels que des billets « Joyeux anniversaire cher collègue ». Le format du blog présente
d'autres intérêts dans une stratégie de communication comme par exemple l'externalisation de son
contenu via les flux RSS ou encore la reprise des messages par le reste de la communauté de
bloggers. D'autres sites ont recours à la communication par blog tels que Mininova49 sur lequel la parole
est donnée aux administrateurs du site (« The admins speak... ») ou encore LimeWire50. Le ton y est
très varié, potache, polémique ou politique. Le format du blog se prête assez bien au style des sites qui
jouent de leur statut particulier. Les commentaires sur le blog sont les bienvenus. L'équipe de The
Pirate Bay invite également les internautes à les contacter via le canal IRC. C'est un dispositif
médiatique qui permet aux utilisateurs de converser entre eux par écrit via le réseau Internet. The
Pirate Bay y a créé sa propre « chaîne » de discussion « #thepiratebay.org »51. Héritée des anciennes
pratiques de communication entre les tous premiers utilisateurs du réseau, la discussion sur canal IRC
ajoute une touche techniciste et notalgiques au protocole pour entrer en contact avec les membres du
site.

Cependant, une figure émerge de l'équipage : Peter Sunde, alias Brokep, co­fondateur du site se
place en tant que porte­parole de The Pirate Bay. Il apparaît notamment pour l'annonce de nouvelles
importantes ou pour expliquer l'activité du site et le faire connaître. Il prend aussi bien la parole sur
Internet, via le blog, le site de l'organisation « Piratbyrån » ou sur d'autres sites qu'à la télévision. Peter
Sunde a également témoigné dans un film intitulé « Steal This Film ». Produit par Jamie King et son
équipe surnommée « The league of nobel peers » (La ligue des pairs nobles) , le film est sorti en deux
parties (Steal This Film Part I52 & Steal This Film Part II53) entre 2006 et 2007 et a été diffusé à travers
Internet gratuitement (à télécharger sur le site officiel, partagé sur les réseaux Peer­To­Peer à travers

47 http://www.piratbyran.org/
48 http://thepiratebay.org/blog
49 http://blog.mininova.org/articles/2008/08/30/new­statistics­improvements/
50 http://blog.LimeWire.org/
51 irc://irc.efnet.net/thepiratebay.org
52 http://www.stealthisfilm.com/Part1/
53 http://www.stealthisfilm.com/Part2/

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les plus grandes plateformes, mis en ligne sur Google Vidéo...). Il traite du partage de contenus et du
Peer­To­Peer dans sa très grande généralité. Prenant parti du côté des « réformistes » et autres
opposants au copyright, les auteurs ont interviewé de grands acteurs du milieu dont notamment Peter
Sunde co­créateur de The Pirate Bay. Ce dernier a particulièrement axé son discours sur les attaques
et accusations de la part des grandes entreprises médiatiques et sur la capacité du site à renaître de
ses cendres. Le message principal que The Pirate Bay souhaitait faire passer était que les solutions ne
se trouvaient pas dans l'interdiction et qu'il fallait accepter le changement et s'adapter. Ce message
hautement politico­économique a bénéficié du succès du film pour être largement diffusé. En effet, la
production du film a été pensée de telle manière à ce que les internautes soient invités à participer à
l'élaboration du film, à proposer des idées, à rédiger les sous­titres, etc. Le visionnage du film étant
gratuit, les auteurs du film ont fait appel la générosité de leur public pour rembourser les dépenses de
production. Pour cela, ils ont activé leur réseau pour diffuser leur message. Ainsi des blogs très
influents du milieu tels que TorrentFreak54 ont relayé l'information, ont fait connaître le film. Peter Sunde
entretien son image médiatique et joue un rôle de chef d'entreprise, ce qui donne encore plus de crédit
au site malgré toutes les accusations de piratage jetées à son égard.

The Pirate Bay joue un véritable rôle dans le milieu politique et essaye de peser de tout son poids
dans les décisions relatives aux évolutions de la législation du copyright en Suède. Il s'y prend aussi
bien de manière humoristique et décalée avec la Ste Béatrice que de manière plus forte en attaquant
en justice les grandes industries médiatiques telles que Warner Bros ou l'IFPI, le lobby du disque55.

Pour la Ste Béatrice, le 20 aôut 2008, le site a arboré un logo


invitant les internautes à envoyer un petit mot à la Ministre de la
justice suédoise, Béatrice Ask, pour lui souhaiter sa fête.

En février 2007, The Pirate Bay décide de refaire parler de lui et met en ligne le site
Oscartorrents.com, version des Oscars d’Hollywood, en déclarant que « ce sont les Oscars tels qu’ils
devraient être ». Le site ajoute même :

« Chacun peut télécharger les nominations de l’année en utilisant le service populaire de


54 Ernesto, Help Steal This Film Win $30K, TorrentFreak, 2008. http://torrentfreak.com/help­steal­this­film­080417/
55 Guillaume CHAMPEAU, The Pirate Bay porte plainte contre Warner Bros pour corruption, Numerama, 2008.
http://www.numerama.com/magazine/9618­The­Pirate­Bay­porte­plainte­contre­Warner­Bros­pour­corruption.html

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BitTorrent, voir les films, et utiliser notre système de notation pour choisir leurs favoris. Pourquoi
restreindre le vote à quelques jurés corrompus quand le monde entier peut prendre parole ? »
Déjà peu apprécié des grandes industries culturelles, le site assume ses prises de positions et
renchérit en accusant les grands groupes, censés être garants d'une richesse culturelle, de favoriser
leurs intérêts économiques. The Pirate Bay joue de son attitude impertinente pour le plus grand plaisir
des médias qui relayent facilement ces faits.

Un autre coup médiatique de The Pirate Bay a été de décerner, en février 2007, un diplôme au Roi
de Suède. Ce diplôme récompense les efforts conjoints (du Roi et de The Pirate Bay) pour rendre la
Suède globalement célèbre dans le domaine de la technologie et de la culture.

« We have in a great cooperation made remarkable progress in the fight for positioning Sweden
as a prosperous nation regarding technology and culture. »56
« Notre collaboration a permis de faire de fantastiques progrès dans la lutte pour positionner la
Suède comme une nation dans les domaines de la technologie et de la culture. »
Cette initiative a permis au site de se faire connaître du grand public en inscrivant son nom dans les
articles de grands quotidiens nationaux.

Enfin The Pirate Bay récapitule l'ensemble des procédures légales dans lesquelles a été impliqué le
nom du site. Pour chaque procès, The Pirate Bay a publié l'email reçu et la réponse du site. Les
internautes sont invités à télécharger ces différents message et à les faire circuler à travers le réseau
pour diffuser les prises de position du site.

The Pirate Bay parle pour lui, uniquement pour lui

Ces différentes prises de positions, ces actions médiatiques et cette volonté de maîtriser son
message témoigne d'une certaine maturité de la stratégie communication adoptée par The Pirate Bay.
Alors qu'il serait normal qu'un pirate cherche à se cacher et à agir en secret, le site The Pirate Bay brise
volontairement cette image, d'une part parce qu'il revendique sa légalité auprès des industriels, de la
justice mais aussi auprès d'un public qu'il cherche à séduire.

Véritables stratèges, les membres du site plaident bruyamment pour faire reconnaître leur droit. Ces
actions rassurent les utilisateurs voire même les convainquent et légitiment leurs usages. Or c'est là
que s'opère un dangereux glissement : les membres de The Pirate Bay défendent leur site, mais pas
leurs utilisateurs. C'est de toutes façons la limite que lui impose la loi, son principal outil de défense.
Sur ce point The Pirate Bay maintient la même position depuis la création du site : le site est légal et
The Pirate Bay n'est pas responsable de l'usage que font les utilisateurs de leur site.

Faire endosser la responsabilité de ses actes au seul utilisateur du site est l'unique défense sur
laquelle peut s'appuyer The Pirate Bay pour ne pas s'effondrer sous le poids des accusations. Mais

56 http://www.thelocal.se/6665/20070312/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 41|124
dans le même temps, s'il ne veut pas perdre son audience, le site doit modérer ses propos et faire
ressentir le moins possible cette lourde responsabilité à ses utilisateurs. Parler haut et fort fait partie
d'une stratégie de maîtrise rassurante de la situation. Mais parallèlement, le site s'appuie sur
l'attractivité de l'offre proposée par son dispositif pour gagner toujours plus d'audience et de notoriété.

Des interfaces simplifiées et épurées pour un large public

Les produits culturels sont ce que l'on appelle des biens d'expérience : un bien qui ne peut pas être
estimé (en qualité) par les consommateurs avant l'achat57. Un morceau de musique, un film, un livre ou
encore un jeu vidéo correspond à cette définition en ce sens qu'il comporte un risque à l'achat lié à
l'incertitude de la qualité du produit. Ce risque est intimement évalué par chaque consommateur et ce
dernier ne consentira à payer le produit que s'il estime que le prix est inférieur au risque pris. Dans les
cas des sites proposant de consommer gratuitement des œuvres, le risque réside uniquement dans la
complexité du processus d'acquisition et dans l'effort fourni par l'utilisateur. Longtemps le
téléchargement a été considéré comme une activité requérant de solides connaissances en
informatique, de la patience pour les délais de téléchargement et de l'attention pour éviter les contenus
corrompus. L'ergonomie des sites était négligée et peu d'aide y était proposée. De surcroît, les
communautés de téléchargeurs n'étaient pas très patients avec les utilisateurs non­avertis : ces
derniers recherchaient des renseignements sur les forums, souvent en commettant par ignorance
quelques entorses au règlement (poster un message dans la mauvaise rubrique, poser une question
qui a été déjà posée auparavant, oublier de saluer ou de dire « merci »...) ce qui provoquait quelques
coups de sang sur les forums.

Mais la particularité du système Peer­To­Peer est qu'il puise son efficacité et sa puissance dans le
nombre croissant d'utilisateurs. Grâce à la pénétration des usages d'Internet, l'amélioration des
contenus diffusés sur le réseau et l'appétence des sites à augmenter leur audience, une nouvelle
génération d'interfaces simples, fonctionnelles et agréables à utiliser s'est développée.

Le style moteur de recherche : une banale efficacité

Les sites ont opté pour des ergonomies familières de l'internaute moyen afin de ne pas dérouter ce
dernier. Très peu « d'interface riche » comme le voudrait la mode actuelle du web 2.0, The Pirate Bay,
en tant que site de référencement de liens « .torrent » joue le style épuré de Google58. En effet, il est
avant tout un moteur de recherche. La fonctionnalité principale du site réside donc dans la réponse à
une requête de recherche. Cet usage nourrit le site d'un sentiment d'exhaustivité du contenu. The Pirate
Bay en profite pour reprendre à son compte les codes de Google : recherche par requête de mots­clés,

57 Michel GENSOLLEN, Modèles économiques de l'Internet, Cours du CELSA Master 2 MISC, Paris, 2007/2008.
58 Cf. Annexe page 111

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 42|124
pertinence décroissante des résultats, impression que tout existe sur Internet, l'enjeu étant simplement
de le trouver. En reposant entièrement sur sa seule fonctionnalité de recherche, le site de The Pirate
Bay donne l'impression que derrière la nudité du champ dédié à la recherche se cachent toutes les
œuvres du monde disponibles.

Par ailleurs, le moteur de recherche fait sans doute partie des fonctionnalités les plus utilisées
d'Internet. La simplicité de l'action fait qu'un utilisateur même très peu averti peut accéder rapidement à
la principale fonctionnalité du site. De plus, avec les nouvelles versions des navigateurs Web comme
Internet Explorer, Firefox59 ou Opera, l'utilisateur n'a plus besoin d'installer sur son ordinateur un logiciel
particulier chargé d'assurer le rôle de client/serveur pour le protocole BitTorrent. Un simple clic sur le
lien correspondant au contenu recherché enclenche le téléchargement sur l'ordinateur.

Une accessibilité travaillée et contrôlée

La règle des 3 clics si chère aux ergonomes multimédia est très largement respectée ; si le lien
recherché, pour peu qu'il soit très demandé comme le dernier épisode d'une série qui a été diffusée la
veille, est mis en avant de par sa popularité du moment sur la première page du site, alors un seul clic
permet de lancer le téléchargement.

The Pirate Bay propose également une « toolbar », une barre d'outil à télécharger qui s'intègre au
navigateur Web (Internet Explorer ou Firefox). Cette barre d'outil permet de lancer des recherches
directement sur The Pirate Bay sans y être préalablement allé, de se rendre sur le site en cliquant
directement sur les boutons de raccourcis de la barre ou d'afficher les dernières actualités du site grâce
aux flux RSS.

La toolbar de The Pirate Bay

Les flux RSS60 sont très utilisés pour alerter les internautes de la sortie de nouveaux contenus,
d'autant plus que ces derniers sont très attendus comme par exemple les séries US. The Pirate Bay
propose aux internautes de s'abonner aux flux RSS de son site, correspondant à chacune des
rubriques, pour être informés en direct des nouveaux contenus disponibles au téléchargement. Certains
sites et logiciels agrégateurs de flux permettent de télécharger directement le fichier « .torrent »
correspondant au contenu souhaité, et donc de lancer le téléchargement sans même passer par le site
de The Pirate Bay. Notons que les internautes qui utilisent le site uniquement à travers les flux RSS

59 Allpeers, l'échange de fichiers BitTorrent depuis Firefox : plug­in gratuit qui transforme le navigateur open source en
client BitTorrent. Depuis Firefox, et sans autre application, l'utilisateur peut télécharger des fichiers mis à disposition
sur Internet grâce à ce protocole de partage.
60 Les flux RSS permettent d'obtenir les mises à jour d'information qui changent fréquemment. Il suffit d'indiquer
l'URL³du flux à un logiciel ou un site d'agrégateur de flux.

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sont évidemment comptabilisés dans l'audience générale du site.

Flux RSS du site The Pirate Bay – Rubrique « Télévision »

Pour des internautes non avertis, les délais de téléchargement peuvent paraître comme un réel frein
au téléchargement. En effet, si l'utilisateur ne cherche pas ou, tout simplement, ne trouve pas d'intérêt à
comprendre la complexité du système, il ne tolérera pas des délais trop long de téléchargement. Mais
d'un autre côté, avec les forfaits de connexion ADSL à durée illimitée, les utilisateurs sont plus enclins à
laisser leur ordinateur télécharger des contenus en fond ou pendant la nuit. Aujourd'hui, un contenu
populaire, c'est­à­dire simultanément téléchargé par un grand nombre d'internautes, peut être
téléchargé au mieux à une vitesse de 200Ko/s, soit pour un film de 700 Mo l'équivalent d'une heure de
téléchargement, ou 20 min pour une série. Il est fréquent alors de voir sur les sites des trackers des
messages d'encouragement envers les membres pour « augmenter leur ratio», cela signifie qu'ils sont
invité à paramétrer leur logiciel client de telle sorte que le débit d'envoi d'information soit au moins égal
à celui de réception, soit un ratio au moins égal à 1. C'est une des règles fondamentales qui assure un
bon fonctionnement du réseau Peer­To­Peer.

Exemple de signature des messages des forums utilisée par


les membres du site GuiKs.net. La signature indique que le
ratio du membre surnommé « leprince » est de 2,667

Enfin, The Pirate Bay propose à ses utilisateurs une rubrique d'aide très détaillée, écrite pour être
suivie à la lettre comme une recette de cuisine, à renfort de captures d'écran et de membres à
contacter en cas de problèmes. Cet effort porté sur la pédagogie guide et rassure l'internaute mais
surtout agit comme un prescripteur d'usage. En canalisant dès les départ les actions des internautes
sur son site, The Pirate Bay se construit sa défense face aux accusations de piratage dont il fait l'objet :
les utilisateurs sont prévenus, ils sont responsables de leurs actes.

Une offre de contenus attractifs et de qualité

Rappelons que le site The Pirate Bay ne fait que référencer des liens qui pointent vers des fichiers
donnant accès au téléchargement d'un contenu en ligne. Les contenus sont créés par les internautes

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« rippeurs ». Le succès de l'offre va donc être étroitement lié à la qualité des contenus proposés.

Le défaut généralement cité concernant le téléchargement de contenus issus de l'industrie culturelle


concernait, il y a encore 3 ans61, la mauvaise qualité des contenus, les fakes, c'est­à­dire des fichiers
dont le nom ne correspondait pas au contenu, la complexité des plateformes et des sites, la lenteur du
téléchargement et l'absence de contenus sous­titrés. Depuis 2005, les choses semblent avoir évolué.
L'apparition de nouveaux contenus tels que les séries TV ont particulièrement participé à l'amélioration
et à l'organisation du service proposé par ces différents dispositifs, améliorations qui ont été
parallèlement répercutées sur les autres contenus proposés au téléchargement.

Pour cela, nous étudierons le processus qui consiste à mettre en ligne des contenus pour les
diffuser de manière illégale.

Les « rippeurs », nouveaux moines copistes

La qualité des contenus est garantie avant tout par celui que l'on surnomme le « rippeur ».
« Ripper » est un anglicisme désignant l'action de convertir les informations contenues sur un support
tel qu'un CD ou un DVD pour les enregistrer sur un ordinateur.

Le rippeur est donc celui qui prend en charge la copie numérique du contenu original et sa
transformation en fichier prêt à être diffusé et téléchargé sur Internet. Internaute lambda, c'est un acteur
averti, passionné par les médias numériques et compétent dans le domaine de la numérisation des
contenus (encodage). Il a besoin d'outils performants pour produire des copies de bonne qualité
(ordinateurs puissants, logiciels d'encodage performants, camescope, scanner, TVHD etc.)

Me processus de distribution fait interagir par la suite de nombreux acteurs. C'est très souvent le site
du tracker qui va centraliser et gérer l'ensemble des actions. Le tracker permet aux internautes, voulant
partager et diffuser un contenu sur Internet via les réseaux Peer­To­Peer, d' « uploader » des fichiers
« .torrent », c'est­à­dire de télécharger de leur ordinateur vers le site un fichier « .torrent » dont le rôle
sera de fournir l'ensemble des éléments nécessaires pour que le contenu puisse être partagé
correctement. Le contenu en soi reste stocké sur l'ordinateur du rippeur. C'est donc le site du tracker qui
va imposer des règles d'usages et de déontologie afin d'assurer le meilleur service possible à ses
membres et utilisateurs. Si n'importe quel internaute peut avoir accès au contenu disponible au
téléchargement sur le site du tracker, l'action d'« upload » est réservée aux membres inscrits. Pour
garantir la qualité des contenus « uploadé », un certain nombre de règles sont établies.

Le site de The Pirate Bay joue également le rôle de tracker, il est possible d' « uploader » ses liens
directement à partir du site. Cependant, pour mieux rendre compte de l'organisation construite autour

61 CNC, La piraterie de films : Motivations et pratiques des Internautes, Analyse qualitative, Cabinet d'études
QualiQuanti, Paris, 2004.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 45|124
de la création du contenu, j'ai choisi de me pencher sur l'équipe « Titans­Team »62, dont la qualité des
contenus est largement reconnue par les habitués. En effet, l'équipe « Titans­Team » a mis en place
des règles très strictes d' « upload » de fichiers « .torrent ».

Les règles d' « upload » de « Titans­Team » :


– Toutes les descriptions doivent comporter une image
– Toutes les descriptions doivent avoir les infos du film et si possible les infos de la release63
– Tous les CAM/TS doivent avoir un sample64
– Vous devez mettre (TT) devant chaque nom d'upload
– Aucun doublon ne doit être mis sur le tracker
– Tout upload implique la création d'un titre détaillé
– Si vous n'êtes pas l'auteur de la release, veillez à le remercier dans la description ou en
laissant sont tag.
– Pour poster un film XXX, faite une demande par mp a M.Dorcel
– Les torrents non seedés65 seront retirés systématiquement
– Les Membres ne doivent pas poster plus de deux fichiers par jours (soit 1.5 Go)
– Les torrents non conformes à ces règles seront supprimés.
Vous devez être capable de fournir des releases qui:
– incluent un fichier NFO66
– sont authentiques. Si ce n’est pas vous qui les avez faites ou si elles ne sont pas listées à
NFOrce67 oubliez les! (excepté la musique).
– ne sont pas plus anciennes que (7) jours.
– ont tous les fichiers dans leur format original (généralement 14.3 MB RARs).
– vous devez être capable de seeder sans interruption, au minimum 24h sans arrêt. vous
devez avoir au moins 2MBit de bande passante en upload.
Ces règles jouent en quelque sorte le rôle de charte éditoriale. L'obligation de décrire son contenu
de manière précise, aussi bien sur le fond que sur la forme, de lui accoler une image garantissent une
richesse éditoriale et un bon référencement du lien sur les moteurs de recherche. Les fichiers
« .torrent » correspondant à des contenus « CAM/TS », c'est­à­dire les vidéos de films filmés en salle
dont la qualité laisse très souvent à désirer, doivent proposer un extrait en libre visionnage afin que
l'internaute puisse juger de lui­même de la qualité de contenu qu'il s'apprête à télécharger. La fraîcheur
du contenu, l'authenticité du master qui a servi à la copie, la qualité de la copie et la qualité du débit de
connexion sont tout autant de facteurs qui vont jouer dans le choix du fichier à télécharger.

62 http://www.titans­team.fr.cr/
63 Le terme « release » signifie la copie numérique du contenu.
64 Le terme « sample » signifie « échantillon », « extrait ».
65 Cela signifie les fichiers « .torrent » dont le contenu correspondant n'est plus disponible au téléchargement.
66 Cf. Annexe Exemple de fichiers NFO insérés dans les contenus page 111
67 NFOrce est une société néerlandaise qui offre des services d'hébergement de contenus. Elle héberge notamment
grands sites très connus du milieu pirate comme « Warez » ou l'ex « Oink » ou encore son propre site d'indexation de
liens « .torrent ». Voir ce site : http://www.nfohump.com/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 46|124
Le formulaire d' « upload »68 à compléter agit comme un véritable architexte69 structurant
l'information. Il permet d'assurer une rigueur dans la mise en forme de l'information puisque chaque
information correspond en fait à un champ renseigné dans une base de données. Des règles
déontologiques sont aussi instaurées comme celle de remercier l'auteur de la copie en faisant figurer
son nom ou encore de prévenir l'équipe en cas de référencement d'un contenu à caractère
pornographique. L'acronyme du site « TT » pour « Team­Titans » doit figurer dans le nom du fichier,
comme une signature.

En ce qui concerne les contenus eux­mêmes distribués et diffusés à travers ces dispositifs, il est
intéressant de remarquer qu'il s'est élaboré au cours des années un réel système de terminologies, une
nomenclature chargée d'identifier les contenus et leurs auteurs70. Voici deux exemples de nom de
fichier « .torrent » assez parlants :

Desperate Housewives S4E17 FRENCH LD DVDRip XViD­ASC[unlimited­tracker org]


Ce titre signifie que le fichier est l'épisode 17 de la saison 4 de la série Desparate Housewives.
Le format du fichier est une copie compressée en XviD­ASC à partir d'un DVD provenant des
États­Unis, sur lequel a été apposé une bande sonore française. L'URL du tracker à partir
duquel le fichier a été mis en ligne sur Internet est http://unlimited­tracker.org.
Wall.E.FRENCH.DVDSCR.PROPER.MD.XViD­SFF [TiTanS TeaM]
Ce titre signifie que le fichier est la deuxième version améliorée d'une copie d'un DVD
promotionnel du film Wall­e, avec un doublage français, encodé suivant le format de
compression XviD­SFF. Les auteurs de cette copie sont les membres de l'équipe TiTanS TeaM.
La non acceptation de ces règles créent des tensions et des rivalités entre les différentes équipes,
comme le montre cet extrait du forum du site du tracker de fichiers « .ed2k », Tribue­serie­ed2k.net71:

« A l'exception de la team des con : EPZ, l'ensemble des rippeurs se sont mis d'accord pour
l'emploi du terme LD.DVDRip en harmonisation avec les italiens ou allemand. De plus quand les
gens voient DVDRip ils ont plus confiance. (...) Depuis peu, les chaînes françaises émettent en
HD donc le termes FRENCH.HDTV (a part pour ces cons de chez EPZ) équivaut non pas à un
LD mais à un HDTV pure »
Cette rigueur et discipline que s'imposent les « rippeurs » permet de parfaire la qualité des
contenus. Si les sites permettent de générer quelques revenus grâce à la publicité, il semblerait que le
principale motivation de ces acteurs soit la quête de reconnaissance, à la manière où l'entend Maslow.
Ce dernier a élaboré une typologie des besoins qu'un individu cherche à satisfaire, dont le besoin de
reconnaissance et de l'appartenance sociale. Ici, « rippeur » est avant tout un statut dans une
organisation sociale qui implique un rôle à jouer dans le processus de production d'œuvres piratées.

68 Cf. annexe Formulaire d' « upload » d'un fichier « .torrent » page 113
69 Définition de l'architexte informatique : "logiciel considéré dans sa capacité à mettre en forme et conditionner
l’écriture. L’architexte (traitement de texte, navigateur, logiciel de présentation, etc.) procède à une écriture de
l’écriture : il relève de la production de formes qui se situent en amont de l’acte d’écriture­lecture et en déterminent les
conditions de possibilité (du grec archè, origine et pouvoir)."
JEANNERET Y., TARDY C., L’écriture des médias informatisés. Espaces de pratiques, Hermès Science Lavoisier,
2007.
70 Cf annexe Lexique page 83
71 http://www.tribue­serie­ed2k.net/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 47|124
Ces organisations étant nombreuses, la reconnaissance va donc passer par une quête de notoriété et
par une amélioration de la réputation du groupe et de la qualité de sa prestation.

Une éditorialisation des contenus

Intimement reliée aux règles précédemment vues, la richesse éditoriale des sites de téléchargement
amène une qualité de service depuis longtemps négligée par le milieu. L'architexte qui a dans un
premier temps aidé à organiser le contenu téléchargé par les rippeurs (éditeurs) va dans un deuxième
temps soutenir et fournir un cadre aux contenus générés par les visiteurs du site (le public).

Notons que la majorité des sites sont construits sur le modèle du forum ou du blog. Ainsi le site The
Pirate Bay est construit techniquement de manière à ce que chaque lien vers le fichier « .torrent » soit
présenté comme une sorte de « fiche produit ». Cette fiche produit est en fait générée grâce à un
formulaire à remplir lors de l'« upload » du fichier « .torrent » sur le site. Les utilisateurs doivent nommer
leurs fichiers, les intégrer dans une catégorie prédéfinie de contenus, leur attribuer des tags (mots clés
de recherche) et les décrire en illustrant par une image. Les utilisateurs rédigent ou copient un résumé
du contenu, l'illustre avec une image (jaquette de CD, affiche de film, couverture du livre ou
photographie de l'auteur) et ajoutent même un mode d'emploi du contenu si nécessaire. C'est par
exemple le cas des vidéos encodées sous le format « portable » pour la PSP (console de jeu), l'iPod
(lecteur mp3), le lecteur mp3 Zune ou encore le téléphone portable iPhone. L'utilisateur ayant
« uploadé » le lien de téléchargement du contenu vidéo a également détaillé l'ensemble des
manipulations à effectuer pour lire correctement la vidéo.

Une fois le fichier « uploadé », se crée donc sa « fiche produit » dans laquelle vont apparaître des
informations techniques supplémentaires relatives à la qualité de numérisation du fichier : taille du
fichier, format de compression, langue, qualité audio/vidéo, nom de l'auteur du contenu, URL du tracker
à partir duquel est téléchargé le contenu, le nombre d'utilisateurs partageant le contenu (les « seeds »
et « leechers »). Ensuite, ce sont les autres membres du site qui vont pouvoir enrichir le contenu
éditorial de chaque « fiche produit » en ajoutant des commentaires. Ces derniers renseignements
permettent de garantir la bonne qualité du contenu et amènent des précisions supplémentaires comme
les bugs ou problèmes. Certains utilisateurs vont par exemple faire remarquer qu'un logiciel, censé
fonctionner sous le système d'exploitation Windows, ne fonctionne pas sous Windows Vista ou au
contraire fonctionne bien sous Vista, que les sous­titres d'un film sont légèrement décalés, ou encore
de signaler qu'une meilleure version a été mise à disposition en donnant le nouveau lien. Le fil de
conversation peut également servir à poser des questions en cas de difficultés comme s'il s'agissait
d'un forum. L'ensemble de ces remarques amène une richesse informationnelle qui va permettre de
guider et de rassurer l'utilisateur voulant télécharger le contenu.

La richesse éditoriale amenée à la fois par les descriptions des contenus à télécharger, par les

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 48|124
messages laissés dans les forums ou dans les commentaires jouent un rôle stratégique dans la
fidélisation de l'audience du site , la notoriété de la marque mais aussi pour légitimer l'offre du site. Est­
ce qu'un pirate ne garderait pas plutôt son activité secrètement cachée l'abri des regards curieux ou
cryptée par de complexes algorithmes? Cette richesse informationnelle rappelle les plateformes légales
qui semblent perdent le monopole sur l'expertise éditoriale.

Une anticipation de la demande qui concurrence l'offre légale

L'atout majeur des sites de téléchargement en ligne reste tout de même leur capacité à outre­passer
la loi. Tandis que les entreprises de l'industrie culturelle sont tenues par des accords et délais de
distribution et de diffusion, les rippeurs encodent, les seeds sèment et les leechers en profitent. Les
sites de téléchargement gagnent ainsi l'avantage de proposer des contenus inédits pour certains
publics ou encore des contenus plus libres à consommer.

On aurait tendance à croire que les industries du film, de la musique ou encore du livre sont toujours
détentrices du privilège de l'inédit lors la sortie d'une nouvelle œuvre culturelle. Plusieurs faits
d'actualité nous ont prouvé le contraire, comme des extraits de manuscrits diffusés sur Internet avant
l'édition finale du livre, des films en version originale avant leur sortie dans les cinémas en France etc.
Outre ce faux­monopole des industries sur la primauté de diffusion du contenu, les pirates ont réussi à
proposer au public des contenus attractifs, de bonne qualité que les plateformes de téléchargement
légales ne pouvaient offrir.

Ce phénomène s'est amplifié avec le succès des séries télévisées produites aux États­Unis et
diffusées au mieux qu'un mois plus tard sur la télévision en France ou le lendemain en Vidéo à la
Demande payante sur Internet. Si des internautes acceptent de télécharger les versions originales des
séries, d'autres préfèrent attendre les sous­titres, d'autres la version française enfin les derniers
choisissent de payer pour ne pas attendre. Un décalage se crée donc entre les différents amateurs des
séries, certains suivant le rythme américain gratuitement ou en payant, d'autre le rythme français. De
cela est né un sentiment de frustration : les sites de téléchargement n'ont fait que répondre à une
demande non­satisfaite.

Pour satisfaire cette demande, des communautés d'éditeurs se sont créées pour traduire les textes
des œuvres et rédiger les sous­titres juste après que la série ne soit diffusée aux États­Unis. Elles
s'organisent autour de sites collaboratifs sous le format de wiki 72 dédiés à l'édition de sous­titres73. Ces
différentes entités construisent une sorte de réseau professionnel reliant les sites dédiés à la création
des sous­titres et ceux chargés de leur référencement et de leur diffusion. Le nombre de séries
grandissant, les groupes d'éditeurs se sont spécialisés en fonction de la langue ou en fonction des

72 Un wiki représente une plateforme de travail collaboratif accessible en ligne.


73 http://wikitle.com/ ou http://nosvospersos.blogspot.com/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 49|124
séries. Il est important de rappeler que retranscrire des paroles en sous­titres dans la même langue est
tout à fait légal. En revanche, le fait de traduire le script à travers des sous­titres est une adaptation qui
relève du droit exclusif ; la traduction libre représente donc une contrefaçon. De plus,, l'intégration de
ces sous­titres « faits maison » sur la vidéo du film représente une infraction supplémentaire à la loi
relative au droit d'auteur.

Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de


l'auteur ou de ses ayant droit ou ayant cause est illicite. Il en est de même pour la traduction,
l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé
quelconque. (Article L­122­4 du Code de la Propriété Intellectuelle selon la loi française.)
Le processus de traduction de déroule de cette manière : une fois l'œuvre diffusée, une équipe de
traduction se charge de traduire les textes et d'éditer des fichiers de sous­titres. Ces sous­titres peuvent
être diffusés séparément de l'œuvre à partir de sites spécialisés dans le sous­titrage. Mais ils peuvent
être également réintégrés dans l'œuvre qui une fois adaptée sera diffusée à son tour.

Schéma du processus d'adaptation des contenus vidéos

Les réseaux permettent de mettre en ligne très rapidement les fichiers et efficacement sous­titres
correspondant à la dernière série. Prenons l'exemple de la série Weeds – Saison 4 Épisode 13 :

– Lundi 15/09/08 – 10:30pm (US) / Mardi – 16/09/08 04:30 (FR): diffusion aux USA sur la chaîne
SHOWTIME HD.

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– Lundi 16/09/08 – 11:00pm (US) / – Mardi 16/09/08 05:00 (FR) soit juste à la fin de la série : upload
du fichier « .torrent » « Weeds S04E13 HDTV XviD­LOL [eztv] », correspondant à la série en
version originale, par le site tracker EZTV sur le site de The Pirate Bay.

– Mardi 16/09/08 – 18:00pm (FR) / – Mardi 16/09/08 – 12:00am (FR) : upload du fichier « .torrent »
« Weeds S04E13 HDTV Xvid VOSTFR­Guiks », correspondant à la série en version originale sous­
titrée en français, en mode privé sur le site The Pirate Bay. Le mode privé signifie que l'utilisateur
doit être membre du site du tracker pour avoir accès au fichier « .torrent » et donc à la série.

– Mercredi 17/09/08 – 02:51 am (FR) : Upload du fichier de sous­titres correspondant à la série en


téléchargement public.

Les sous­titres mis à disposition du public sur le site de référencement de TVSubtitles.net

La série a été mise en ligne en téléchargement libre dès la fin de sa diffusion à la télévision aux
États­Unis et 7h plus tard, une version sous­titrée en langue française est disponible sous réserve
d'inscription à un site et moins de 24h plus tard le fichier de sous­titres en langue française est
disponible.

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Tableau de bord des sous­titres en train d'être rédigés pour la série étudiée précédemment (auteur LOL) avec l'état
d'avancement de chaque dossier sur http://wikitle.com/. Ici, ce sont les italiens qui ont été les plus rapides...
Des sites comme Seriessub.com vont se charger de regrouper les sous­titres des différentes séries
et de les classer, comme un site de référencement. Ces sites suivent la même rigueur éditoriale que les
sites de référencement de fichiers « .torrent », les noms des fichiers de sous­titres reprennent la même
nomenclature que celles des fichiers « .torrent ». Certains sites vont même proposer aux internautes
une fonctionnalité de prévisualisation des sous­titres74. Alors que la synchronisation des sous­titres il y a
encore 2 ans nécessitait le recours à des logiciels supplémentaires, aujourd'hui avec la standardisation
et la normalisation des processus que s'impose l'ensemble de ces acteurs, regarder un film ou une
série en ajoutant les sous­titres se fait de manière quasi­automatique. À ce sujet, le récent format vidéo
MKV (Matroska Video), est un conteneur qui permet de regrouper dans un même fichier de la vidéo, du
son, ainsi que des sous­titres (d'où le nom Matroska, en référence aux poupées russes).

Cette pratique d'adaptation des contenus, aussi nommée le « fansub » (de la contraction de « fan »
et « subtitles »), ne consiste pas uniquement à rédiger, traduire et diffuser les sous­titres des vidéos.
Les livres et magazines sont également largement concernés. Des communautés se sont spécialisées,
par exemple, dans l'adaptation des bandes dessinées mangas japonaises. Le processus de traduction
est tout autre mais mérite que l'on y prête attention. Les BD mangas ont une périodicité souvent
hebdomadaire. A chaque parution, les traducteurs doivent numériser le contenu de la BD en scannant
chaque page, en résulte alors une série d'images numériques. S'en suit la traduction des textes,
souvent du japonais vers l'anglais et puis de l'anglais vers une autre langue. Les textes sont par la suite
modifiés un à un sur les images numérisées grâce à des logiciels de retouche d'image comme
Photoshop, le plus connu. La version traduite peut enfin être mise en ligne, toutes les images sont
regroupées dans un fichier d'archive qui est diffusé sur Internet en téléchargement direct 75. Une fois
l'ensemble des images récupéré, l'internaute peut imprimer son manga ou s'aider d'un logiciel comme
Comix pour faciliter sa lecture à l'écran. Certains sites proposent uniquement une lecture à l'écran sans
possibilité de télécharger le contenu76. Dans ce cas, les internautes doivent utiliser des logiciels comme
des aspirateurs de site pour pouvoir récupérer les images sur leur ordinateur. Cette pratique de
traduction des mangas a été surnommée la « scanlation » (contraction de « scan » et « translation »).
La standardisation du processus garantit d'une certaine manière la qualité du travail.

Enfin, un des atouts, non­négligeable, des sites de partages de fichiers face au plateformes légales
de téléchargement est le fait que les contenus proposés ne sont pas verrouillés par des systèmes
semblables aux DRM. Les contenus téléchargés sont compatibles avec l'ensemble des supports de
lecture sans limite d'utilisation. Rappelons, par exemple, que les plateformes de téléchargement de
VirginMega et de La Fnac ne fonctionnent pas sous un environnement MAC (Apple) ou Linux du fait
que la gestion des DRM est intimement lié au lecteur Windows Media qui n'a été développé jusqu'à

74 http://www.subtitlesource.org/subs/32063/Weeds.S04E12.HDTV.XviD­NoTV#
75 http://aimanga.scanlation.free.fr/index.php?titre=Projets&rub=Mixim
76 http://www.onemanga.com/Adarshan_Hanayome/3/01/

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maintenant que pour être utilisé sous Windows. La musique commencent à être distribuée légalement
sans verrou DRM, mais ce n'est pas le cas de la vidéo. Or, du côté des pirates, les contenus sont
diffusés sans verrous numériques ; les internautes peuvent en profiter librement.

Ce schéma organisationnel nous rappelle le modèle de la « co­création de valeur » proposé par


Alban Martin77. Ce modèle consiste à intégrer le consommateur au processus de production : les
consommateurs de biens culturels sont mis à contribution dans la production des œuvres. Ce modèle
permet de tirer bénéfice de l'expertise des amateurs, d'adapter les contenus en fonction de la demande
et de partager les coûts (temps, argent, énergie) entre les différents acteurs.

Tous les efforts faits par ces acteurs du téléchargement en ligne illégal pour offrir des contenus et
un service de qualité à leur public participent de la diffusion de l'usage des sites de téléchargement
mais aussi de la diffusion de l'habitude de téléchargement en ligne. En mettant en avant la
communauté qui participe à l'élaboration et la diffusion des contenus, le dispositif montre qu'il est d'une
certaine manière issue d'une construction sociale. Donner un visage humain, voire une multitude de
visages, à ce dispositif technique permet rassurer les utilisateurs potentiels : si eux l'utilisent, pourquoi
pas moi ? Olivier Bomsel78 appelle ce mécanisme l' « effet de réseau » : plus un dispositif est utilisé et
plus il devient utile. Le dispositif du Peer­To­Peer ne se fonde presque que sur ces effets de réseaux.
L'audience est une richesse qui permet de rendre le dispositif encore plus efficace et l'offre encore plus
attractive. Or l'usage le plus répandu étant illégal, le site a d'autant plus besoin de justifier d'une grande
qualité de service pour amener ses utilisateurs à outrepasser la loi.

Mais il serait naïf de croire que les efforts portés sur l'attractivité de l'offre, l'ergonomie de l'interface
et la pédagogie sont les seules raisons de la popularité et le succès que rencontrent ces plateformes.
L'atout le plus important d'un site tel que The Pirate Bay face aux plateformes légales reste la gratuité
du service.

Générer des revenus : monétiser l'audience

Pour assurer la viabilité de son site, The Pirate Bay a élaboré une stratégie économique pour tirer
des revenus de son audience. Le site a d'autant plus besoin de cette manne financière que le service
est gratuit et qu'il coûte en matériel, main­d'œuvre et procédures judiciaires. Par ailleurs, The Pirate Bay
ne peut profiter des mêmes leviers économiques que les entreprises légales comme par exemple les
levées de fond. La principale manne reste donc la publicité, une source efficace pour monétiser une
audience de masse, mais le site s'appuie également sur d'autres ressources telles que les dons.

77 Alban MARTIN, Tariq KRIM, L'âge de Peer : Quand le choix du gratuit rapporte gros, Village Mondial, Paris, 2006.
78 Olivier BOMSEL, Gratuit! Du déploiement de l'économie numérique, Éditions Gallimard, Paris, 2007.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 53|124
Une audience élevée et qualifiée pour les annonceurs

Maintenir la gratuité du service pour les utilisateurs en faisant payer les annonceurs : c'est ce
système du « marché à double versants » qu'a adopté le site The Pirate Bay pour tirer des revenus de
son dispositif. Cependant cela nécessite qu'il maintienne une audience élevée et qualifiée afin de
pouvoir la vendre à ses annonceurs. Cette audience est évaluée en fonction de différents critères
comme le nombre de pages vues du site, le nombre de visiteurs, le nombre de clics etc. L'ensemble de
ses mesures dépend très fortement de la notoriété du site, de son attractivité, de sa richesse éditoriale
et fonctionnelle.

Le système de rémunération le plus répandu est le coût par mille (CPM, pour mille impressions).
Cela signifie que les revenus publicitaires sont calculés en fonction de l'impression, c'est à dire le
nombre d'affichage d'un encart publicitaire sur une page. Ce nombre d'impressions est directement
corrélé au nombre de pages vues du site et donc au nombre de visiteurs. Le CPM est une sorte
d'adaptation de l'audimat aux contenus numériques : c'est l'audience qui génère les revenus. Le
dispositif en forme de moteur de recherche est relativement bien adapté à ce format puisque chaque
nouvelle requête donne lieu à une nouvelle page de résultats, tout autant de pages comptabilisées pour
les calculs des revenus publicitaires.

Il n'y a pas de publicité sur la page d'accueil de The Pirate Bay mais il y a en revanche en bas de
page le nombre d'utilisateurs :

3.021.090 registered users. Last updated 10:34:04.


13.063.431 peers (5.516.868 seeders + 7.546.563 leechers) in 1.351.073 torrents on tracker.
L'affichage des statistiques d'audiences constamment mises à jour est un message destiné à la fois
aux internautes pour leur montrer que ce site est largement fréquenté et donc les inviter à le visiter,
mais aussi aux annonceurs. Ces derniers voient ainsi que le site compte près de 3 millions d'utilisateurs
« membres » (« registered users ») qui se sont créés un compte sur le site. On peut considérer ces
internautes comme des utilisateurs fidèles d'autant plus que l'inscription est très peu mise en avant sur
le site, elle est réservée à ceux qui désirent référencer les liens de leurs contenus disponibles en ligne.
Le franchissement du seuil des 3 millions de membres a été fêté comme un événement et a même fait
l'objet d'un message posté sur le blog du site largement relayé par les autres sites Internet traitant de
l'actualité du téléchargement en ligne. De plus les annonceurs sont informés du nombre de personnes
utilisant le site (les pairs, « peers ») : plus de 13 millions d'utilisateurs. Même s'il ne sont pas
constamment sur le site ces utilisateurs représentent un potentiel d'audience non négligeable pour les
annonceurs.

L'analyse des contenus publicitaires présents sur le site nous montre la profusion d'emplacements
réservés à la publicité. La page d'accueil ne contient aucun emplacement publicitaire. Ce choix,

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 54|124
largement inspiré de Google, peut s'expliquer de cette manière : un visiteur tombe sur la page d'accueil
du site The Pirate Bay uniquement en tapant l'URL du site dans son navigateur ou à partir d'un lien sur
un site Internet (moteur de recherche ou autre). Or, il est plus probable que les internautes arrivent en
premier sur des pages intérieures du site comme les « fiches produits » ou des pages de résultats de
recherche (à la suite d'une requête formulée dans la toolbar par exemple). Ou s'ils arrivent
effectivement sur la page d'accueil, la principale action proposée est de rechercher un contenu, action
qui renvoie directement sur les pages de résultats de recherche. La page d'accueil n'est donc pas
essentielle, le site en profite donc pour l'épargner de contenus publicitaires, lui conférant ainsi un
aspect épuré.

Les pages de résultats de recherche ainsi que les pages


« fiche produit » comptent pas moins de 4 emplacements Logo +
Publicité
Champ de recherche
réservés uniquement à la publicité. Cette dernière est plus ou
moins contextualisée et localisée en fonction des requêtes
formulées et du pays de l'utilisateur. Les publicités changent à
Résultats
chaque rafraîchissement de page et utilisent une grande variété Publicité de la Publicité
recherche
de formats. Nous avons par exemple le site Shopping.com,
célèbre site de e­commerce, qui peut disposer des deux marges
de droite et de gauche de la page pour promouvoir des produits
disponibles sur son site. Des sites de rencontre en ligne Publicité
proposent également des petites annonces en fonction de la ville
Emplacements publicitaires
de l'internaute. Il y a des bannières en flash ou en vidéo.
Certaines publicités sont même sous un format « tag­cloud » (nuage de mots­clés) qui renvoie vers des
sites de e­commerce en fonction du mot­clé sur lequel on a cliqué. L'impression principale reste que les
annonceurs sont majoritairement des sites de rencontres ou des sites proposant des produits et
services en lien avec l'informatique, le téléchargement en ligne ou les jeux vidéos. Les annonces pour
les sites de rencontre sont aussi celles qui, souvent, rémunèrent le mieux. Elles sont plus faciles à
vendre à un site comme The Pirate Bay, qui ne cherche pas, à tous prix, une image de marque
respectable, qu'à un site qui a pignon sur rue. L'ensemble reflète bien la cible des annonceurs : un
public plutôt masculin jeune, proche de l'univers de l'informatique et de l'Internet, et apparemment
célibataire...

Les autres pages du site (catégories de l'annuaire, inscription, aide, contact, etc.) ne présentent pas
de publicité sur les marges de droite et de gauche, mais gardent tout de même les deux encarts en
haut et en bas de page. Grâce à la publicité, The Pirate Bay générerait, selon la justice suédoise, près
de 3 millions de dollars de revenus par an. Ce chiffre à prendre avec beaucoup de précautions, nous
donne une idée de la manne financière que peut représenter la publicité.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 55|124
Faire appel à la générosité des utilisateurs

Héritée des communautés des premiers ingénieurs puis hackers, la pratique du don est largement
répandue dans le monde du partage de fichiers en ligne. En effet, les sites, logiciels, plateformes
d'échange et autres wikis sont très souvent nés d'initiatives personnelles avec très peu de moyens. Les
membres administrateurs de ces dispositifs se qualifient de bénévoles et exercent leur activité par
plaisir. Ils ne rechercheraient donc pas, a priori, à gagner de l'argent via leur site ou logiciel mais plutôt
à faire en sorte de maintenir le site en ligne. L'appel au don est alors tout à fait légitime. De plus, la
gratuité du service pour l'internaute encourage ce dernier à récompenser ceux qui lui offrent le service.
Le don a aussi l'avantage de ne pas fixer de montant. Ce dernier est laissé à la libre appréciation de
l'utilisateur.

Voici l'exemple de message que l'on peut trouver sur le site d'un tracker géré quasi­artisanalement
par un petit groupe d'internautes:

« Appel à la générosité des utilisateurs pour récolter des fonds. Budget septembre 610 euros a
boucler avant le 31 septembre( récolté 345 euros ) merci a tous. Merci d envoyer un mp au staff
lorsque vous faites un don. Section vip dispo contactez le staff si vous n avez pas ou plus d
acces merci »79
Les membres du site affichent ici clairement leur objectif financier et le chiffre à l'euro près. Ce type
de message permet d'instaurer une image de transparence et de rassurer en montrant que des
comptes sont tenus. Le don est concret et clairement identifié : il sert à « boucler le budget ». C'est une
manière d'encourager les utilisateurs à financer le site à la hauteur de leurs moyens. The Pirate Bay,
quant à lui, formule sa demande plus formellement dans la rubrique chargée de présenter le site :

« The Pirate Bay was started by the swedish anti copyright organization Piratbyrån in the late
2003, but is since October 2004 separated and run by dedicated individuals. Using the site is
free of charge, but since running it costs money, donations are very much appreciated. »80
« The Pirate Bay a été créé par l'organisation suédoise anti­copyright, Piratbyrån, à la fin de
l'année 2003, mais depuis 2004, le site s'est séparé de Piratbyrån et est géré par des membres
bénévoles. L'utilisation de ce site est gratuite mais sa gestion est coûteuse. Les dons sont très
appréciés. »
Même si les revenus issus des dons doivent être dérisoires comparés à ceux générés par la
publicité, le fait de faire appel à la générosité de ses utilisateurs dédouane, en apparence, le site de
toute ambition mercantile.

Se développer : partenariats stratégiques et diversification

Le projet de The Pirate Bay est bien plus large qu'un simple site de référencement de lien
« .torrent ». Le positionnement politique et la volonté des créateurs de montrer qu'il existe des

79 http://tracker.all­series.com/account.php
80 http://thepiratebay.org/about

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alternatives au copyright et au droit d'auteur font que le nom The Pirate Bay va servir de marque
ombrelle à un processus de développement du groupe et de diversification.

Le site prône la liberté d'expression et c'est dans ce sens


qu'il crée en août 2008 une plateforme de blog appelée
Baywords81. Il qualifie ce service de « non­censuré » dans la
mesure où il garantit aux internautes que leur blog ne sera pas
fermé à cause des propos tenus dessus dans la limite de ce qu'autorise la loi. Ces actions sont un
moyen de communiquer auprès de leur public mais également auprès des médias et des politiques. La
communication par l'action est d'autant plus efficace qu'elle s'inscrit dans une période de transition et
de frilosité de la part des grands acteurs médiatiques. Le pragmatisme de The Pirate Bay dénote face à
l'immobilisme et aux tendances réactionnaires des grands groupes médiatiques. Par ailleurs, ces
nouveaux sites représentent des espaces de communication supplémentaires pour la marque. Ainsi le
message sur la page d'accueil de Baywords lors de sa sortie était le suivant :

« Many blogs are being shut down for uncomfortable thoughts and ideas. We will not do that.
Our goal is to protect freedom of speech and your thoughts. As long as you don’t break any
Swedish laws in your blog, we will defend it. »
« De nombreux blogs sont fermés à cause de la gêne qui suscite leur contenu. Nous n'agirons
pas de cette sorte. Notre but est de protéger la liberté d'expression et donc vos idées. Du
moment que vous n'entravez aucune loi suédoise dans votre blog, nous le défendrons. »
Poursuivant sa démarche polémique, le site The Pirate Bay a racheté le nom de domaine de
Suprnova.org. Cet ancien site qui proposait des liens « .torrent » a été fermé suite à un procès
l'accusant de favoriser les actes de piratage. En reprenant le nom de domaine, The Pirate Bay l'a remis
en ligne et lui a apposé son modèle, c'est­à­dire un service de référencement de liens « .torrent » tout à
fait légal. En reprenant à son compte une ancienne marque tombée sous le joug de la justice et en la
recyclant en entreprise légale, The Pirate Bay conforte sa position d'acteur « en action ». La stratégie
de développement du groupe participe de la construction de la marque et l'aide à se positionner sur le
marché des sites référençant des liens « .torrent ». En effet, la concurrence y est rude. D'autres sites
tels que Mininova, TorrentReactor ou SumoTorrent, proposent le même service que The Pirate Bay et
certains commentaires d'utilisateurs reprochent au site The Pirate Bay de ne pas fournir autant de liens
que ces concurrents. The Pirate Bay comble ses lacunes en jouant sur des actions de communications
qui font connaître son nom et crée un attachement du public à la marque.

Bayimg est une autre initiative du groupe. C'est un site qui


permet aux internautes de stocker et de partager des images
en ligne. Bayimg est notamment propulsé grâce au formulaire
d' « upload » du fichier « .torrent » du site The Pirate Bay qui

81 Ernesto, The Pirate Bay Launches Uncensored Blogging Service, TorrentFreak, 2008.
http://torrentfreak.com/baywords­pirate­bay­blog­080416/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 57|124
demande d'ajouter une image pour illustrer le contenu. Le service de Bayimg est entièrement gratuit et
The Pirate Bay a décidé de le lancer en l'accompagnant du même discours que Baywords : c'est un
serveur d'images « non­censuré ».

Par ailleurs, The Pirate Bay a comme projet de lancer son site de musique en ligne Playble.

"Ce site de musique innovant va permettre aux utilisateurs de télécharger la musique d'artistes
gratuitement tout en les soutenant financièrement."
Son modèle économique est fondé sur un marché à double versants mais aussi sur une stratégie de
fidélisation des clients en jouant sur la flexibilité des prix en fonction de leur consentement à payer : les
utilisateurs pourront payer un abonnement mensuel du montant de leur choix, en fonction de leur
capacité. Ainsi en toute légalité, The Pirate Bay assure une rémunération des auteurs et artistes par un
partage des revenus provenant de la publicité placée sur le site, du mécénat et du sponsoring, des
abonnements mensuels et des paiements à l'acte de téléchargement.

Ce modèle s'appuie en quelque sorte sur le volontariat et la bonne conscience, des techniques que
The Pirate Bay avaient déjà expérimentées auprès de leur public avec succès. Mais pour conquérir un
public de masse, le site est allé chercher sa crédibilité auprès de Kristopher S. Wilbur, qui dirigera la
société. Wilbur est un spécialiste diplômé de l'industrie culturelle et du marketing. Il est aussi le
manager du groupe rock suédois Lamont, qui sert de tête de gondole à Playble. The Pirate Bay jouent
sur leur notoriété et l'image de marque du pirate, comme une fleur qu'ils font au milieu légal. Non
seulement The Pirate Bay nargue les grands industries culturelles en renforçant les moyens mis en
œuvre pour faire connaître le téléchargement en ligne, mais il développe en plus tout seul les dispositifs
qu'auraient pu concevoir leurs concurrents.

Enfin, The Pirate Bay a annoncé que son équipe travaillait sur un projet de site de partage de vidéo
qui serait hébergé à cette adresse http://thevideobay.org/ . Le lancement de ce projet a été annoncé sur
blog de The Pirate Bay82 et a été présenté comme un clone de YouTube mais qui suivrait la philosophie
de The Pirate Bay : un site « non­censuré. » Rumeur ou pas, il n'en reste pas moins que la marque
poursuit sa stratégie de développement en suivant l'axe de la diffusion et le partage de contenus sur
Internet sans censure. Nous remarquerons que ces nouveaux services ne reprennent que le mot
« bay » de la marque « The Pirate Bay » ou rien comme pour « Playble ». Le logo du navire pirate n'est
pas conservé non plus. Cela marquerait peut­être un tournant dans la stratégie de positionnement de
The Pirate Bay : abandonner les signes des pirates pour être plus crédible vis à vis de la société et
attirer un plus large public ?

Grâce à ces nouveaux sites et services, The Pirate Bay accroît non seulement la notoriété de sa
marque mais aussi son territoire, en l'occurrence, publicitaire. Si l'on se place du point de vue des
annonceurs, les sites Baywords, Bayimg, Playble et surtout The Video Bay (s'il venait à se concrétiser)

82 http://thepiratebay.org/blog/69

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 58|124
représentent un potentiel d'audience non négligeable. Ces sites sont de très bons générateurs de
pages vues : blogs et moteurs de recherche d'image, de musique ou de vidéo. De plus, chacun de ces
sites est spécialisé dans un type de contenu, ce qui permet de mieux qualifier l'audience et donc de
mieux la monétiser.

L'analyse du site The Pirate Bay nous a permis de voir que le problème de la légalité ou de
l'illégalité des sites ne se posait pas : les dispositifs proposés aux internautes sont bel et bien légaux.
La responsabilité de l'acte revient donc à l'utilisateur. Cependant, les sites jouent d'une certaine
hypocrisie puisqu'ils mettent en place de nombreuses stratégies pour générer plus d'audience et donc
plus de revenus sachant pertinemment que les détournements d'usage pratiqués par les internautes
sont illégaux. Le site The Pirate Bay doit gérer une double contrainte paradoxale : celle de faire
reconnaître un service légal en s'appuyant sur une notoriété issue de l'usage illégal de son site. C'est le
dispositif dans son intégralité, c'est­à­dire le site The Pirate Bay, ses créateurs et administrateurs, ses
utilisateurs, ses partenaires, ses opposants, le marché, les discours ambiants et tous les autres
facteurs qui vont créer les conditions nécessaires pour attirer une audience. The Pirate Bay, en temps
qu'entreprise officielle, propose une représentation de l'internaute­téléchargeur comme acteur
responsable de ses actes, mais The Pirate Bay, en tant que dispositif global, détourne l'attention de
l'internaute­téléchargeur en redistribuant les responsabilités auprès de chacun des autres acteurs,
même auprès de ces opposants. Ce double discours est le résultat de stratégies médiatiques
complexes auxquelles les équipes de The Pirate Bay consacrent beaucoup de temps et d'énergie.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 59|124
LES MÉCANISMES DE DÉRESPONSABILISATION : LES « EFFETS DE LÉGAL »

L'analyse du dispositif précédent, utilisé pour télécharger un contenu sur son ordinateur sans
s'acquitter de la rémunération des ayants­droits, a montré qu'une très grande partie de la responsabilité
de l'acte était laissée à l'utilisateur. Nous allons étudier maintenant deux autres dispositifs utilisés à des
fins illégales pour avoir une autre approche des mécanismes d'inhibition des responsabilités.

Nous avons vu que la responsabilité recouvrait deux notions : l'utilisateur doit être conscient de son
acte et il doit en assumer les conséquences. La responsabilité de l'utilisateur peut donc être considérée
comme la capacité de celui­ci à comprendre l'usage qu'il fait du dispositif et à en anticiper les
conséquences. Or ceci nécessite que l'utilisateur fasse preuve d'une bonne connaissance et
compréhension du dispositif lui­même : compréhension des mécanismes techniques, conscience des
stratégies économiques sous­jacentes, connaissance de la loi en vigueur, capacité à inscrire l'usage
dans la loi... Par ailleurs, la responsabilité est également un ressenti personnel, propre à chaque
utilisateur qui s'inscrit dans un environnement social. La première partie de ce travail a conclu que le
discours social tendait à diluer les prises de positions traditionnelles, fortement marquées par la lutte
contre le piratage et la préservation des droits d'auteurs, dans un discours général polyphonique. Les
artistes qui encouragent le piratage, les critiques formulées contre les lois, les sanctions peu appliquées
sont des exemples qui participent à l'évaluation de la responsabilité de l'utilisateur des dispositifs mis en
cause. Nous devrons donc tenir compte de tous ces facteurs qui entrent dans la construction ou la
destruction du sentiment de responsabilité.

Dans le cas de The Pirate Bay, la légalité du service est dès le départ mis en doute du fait des
signes arborés par le site, de la technologie Peer­To­Peer BitTorrent dont l'usage final est trop souvent
illégal ou encore des discours tenus par les différents acteurs. La technologie Peer­To­Peer est
porteuse d'une connotation trop forte pour ne pas susciter un doute quant à la légalité de l'usage. De
plus ces sites sont majoritairement utilisés par un public averti qui prend en charge les conséquences
de ses actes. Notre attention se portera donc par la suite sur le phénomène relativement récent des
sites de streaming et des sites de partage de fichiers en téléchargement. Ces deux dispositifs dont les
usages légaux se propagent progressivement sont à leur tour détournés pour permettre la diffusion
d'œuvres protégées par le droit d'auteur. Il semble intéressant d'isoler, pour chacun d'entre eux, les
mécanismes qui jouent sur la responsabilité des utilisateurs pour amener ces derniers à utiliser les
services du site et à les fidéliser.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 60|124
La loupe médiatique sur le téléchargement illégal

Une des premières raisons qui pourrait entrer dans le mécanisme de déresponsabilisation de
l'utilisateur est le silence médiatique. En effet, comme nous l'avons précédemment évoqué, les médias
et les autorités focalisent sur le « téléchargement illégal », a fortiori, le téléchargement illégal en « Peer­
To­Peer ». Ceci est tout à fait compréhensible puisque la technologie Peer­To­Peer est la plus utilisée
pour des actes de piratage. Le streaming et le téléchargement direct n'en représentent encore qu'une
part très infime. Selon une étude menée par ipoque GmbH en 2007 sur les usages de l'Internet en
Allemagne : sur la totalité des données échangées par Internet, seulement 8,26% des transferts étaient
effectués en streaming et 4,57% en téléchargement direct (DDL, Direct Download). Donc les échanges
pirates en streaming ou téléchargement direct représentent une part encore plus infime. Il serait
maladroit de porter trop l'attention sur le Peer­To­Peer car cela reviendrait à exclure les sites de
streaming et de téléchargement direct de la problématique du piratage alors même que ces deux
dispositifs pourraient assurer la relève ou proposer une autre approche du piratage. Or, les médias
exagèrent les faits en ne relayant qu'une caricature des discours officiels. Cet effet de loupe médiatique
sur le téléchargement illégal fait dangereusement passer sous silence les autres pratiques illégales de
diffusion d'œuvres sur Internet. Des articles paraissent à ce sujet mais ne sont que très peu relayés par
les médias de masse car émanant de groupes plus restreints, moins connus, ou simplement parce que
ce phénomène ne touche qu'une petite partie des internautes et les médias qui choisiraient de traiter ce
sujet risqueraient de ne pas rencontrer leur public.

L'absence de communication et d'information au sujet de ces moyens encore peu connus font que
l'internaute va avoir des difficultés à comprendre l'usage qu'il fait des dispositifs basés sur le streaming
ou le téléchargement direct et à en évaluer la légalité. Le discours censé accompagner l'usage émane
presque uniquement des sites proposant ce type de service et des utilisateurs de ces sites. L'utilisateur
ne bénéficiera donc que d'une information unique et biaisée. Il ne pourra pas anticiper les
conséquences juridiques de l'usage qu'il fera du site. Cette situation va conduire l'utilisateur à penser
par défaut que le service proposé est légal, d'autant plus que nous verrons que les technologies sont
tout à fait légales, ou à rechercher des preuves de sa légalité en cas de doute.

Le streaming : une hybridation des genres

Si le streaming commence à faire parler de lui aujourd'hui, c'est que fleurissent des sites proposant
des contenus en flux, en streaming, mais dont les droits d'auteurs ne sont pas souvent respectés. Les
Jeux Olympiques de Pékin en 2008 nous ont permis d'avoir un éclairage nouveau sur les origines de
ces fichiers et leur hébergement83. En effet, pour les Jeux Olympiques, la NBC, chaîne de télévision

83 Janko ROETTGERS, Pirate Olympics: 5 Alternative Ways to Watch the Olympics Online, Newteevee.com, 2008.
http://newteevee.com/2008/08/05/pirate­olympics­5­alternative­ways­to­watch­the­olympic­games­online/

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américaine a décidé de diffuser en différé sur son site les épreuves. L'offre légale a compté 75,5
millions de contenus visionnés en streaming sur NBColympics.com, 40 millions sur la BBC, 130 millions
sur la “European Broadcasting Union” et 100 millions en Chine.84 Mais la diffusion en différé a suscité
de nombreuses frustrations. Pour regarder les épreuves en direct, les internautes ont dû ruser et se
sont tournés vers les sites de streaming vidéo chinois tels que PPStream, PPMate, Sopcast, TVUPlayer
ou encore TVKoo. Ces derniers sites ne devaient pas autoriser l'accès aux internautes résidant en
dehors de la Chine (on peut localiser un internaute grâce à l'adresse IP de son ordinateur). Les
internautes ont dû passer par des sites relais ou user de techniques pour contourner cette barrière. Or
en accédant à ses contenus, les internautes ont enfreint la loi.

Afin d'étudier les mécanismes qui entrent dans le processus de déresponsabilisation de l'utilisateur,
nous nous concentrerons sur les vidéos diffusées illégalement en streaming sur le site Megavideo et
sur quelques exemples de sites (Vid­stream), blogs (Le blog de Shimux85) et autres pages web
chargées du référencement des liens vers le site Megavideo. En effet, après une analyse de différents
sites proposant de visionner des contenus en streaming, il s'est avéré que Megavideo était très
fréquemment utilisé pour « uploader » et héberger des contenus de manière illégale. Megavideo est
une plateforme d'échange de contenu vidéo à la manière de YouTube. L'audience de ce site est en
nette croissance86 : il a dépassé en septembre 2008 le site Dailymotion et se place au même niveau
que YouKu.com, le YouTube chinois. YouTube reste loin devant, fort d'une notoriété mondiale et de
financements apportés par Google. Toutes ces indications nous montre que le streaming a le vent en
poupe et nécessite qu'on se penche un instant sur le rôle qu'il joue dans la diffusion illégale d'œuvres
culturelles sur Internet.

Nous nous restreindrons dans ce travail à l'étude du streaming de contenus vidéo qui est au cœur
de la problématique du piratage. Nous analyserons dans un premier temps le processus de diffusion en
streaming. Puis nous verrons que les sites qui proposent ce service jouent sur des codes sémiotiques
particuliers pour encourager discrètement les usages illégaux. Les acteurs du streaming illégal jouent la
carte de l'hybridation des genres et des usages pour se fondre dans la masse des acteurs du streaming
légal.

Schématisation du processus de diffusion en streaming

Le streaming permet à l'internaute de regarder ou d'écouter un contenu en direct sans besoin de le


télécharger sur son disque dur. Utilisé au départ par les webradios, son usage s'est par la suite
démocratisé avec les sites YouTube ou Dailymotion mais aussi avec les sites des grands groupes de

84 Michael ARRINGTON, Goodbye, BitTorrent. Hello, Streaming, Techcrunch, 2008. http://fr.techcrunch.com/2008/08/30/


goodbye­bittorrent­hello­streaming/
85 http://www.monblog.ch/shimux/?p=200801181708459
86 Cf annexe Audience des sites de streaming vidéo page 115

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 62|124
médias traditionnels (chaînes de TV en ligne etc.). Il a en effet fallu attendre que la technologie
streaming soit assez efficace et simple d'utilisation. Quelques années auparavant, il était inconcevable
de visionner un flux vidéo en direct du fait de la compression des données et de la bande passante : les
vidéos étaient soit de mauvaise qualité avec un flux continu, soit de bonne qualité avec des coupures.
Les contenus audio ont été les plus simples à diffuser en streaming et les radios ont beaucoup
contribué à la notoriété de ce mode de consommation sur Internet. Par la suite, des sites, notamment
YouTube, ont permis de populariser la vidéo en streaming. Les grandes industries média proposent à
leur tour des locations de films à la demande en streaming à un prix assez bas parmi un large
catalogue. Ont suivi également les fournisseurs d'accès à Internet et autres câble­opérateurs à travers
leurs offres triple­play (Internet – Télévision – Téléphone).

Au moment de sa diffusion en streaming sur Internet, le contenu est hébergé sur des ordinateurs
appelés « serveurs » qui servent d'unités de stockage. Le fait de stocker des contenus sur les serveurs
correspond à la phase d'« upload ». Cette dernière se fait à partir de sites spécialisés. YouTube,
Dailymotion ou Megavideo en sont des exemples. Une fois « uploadés », les contenus peuvent être
regardés à partir de ces mêmes sites ou à partir de sites tiers grâce à l' « embed » du lecteur vidéo.
Cette technique initiée par YouTube permet d'intégrer un lecteur vidéo diffusant une contenu précis
dans le corps d'un un site quelconque. La manipulation ne requiert presque pas de connaissance
technique : il suffit de copier une partie de code HTML proposé par le site de streaming (YouTube ou
autre) dans le code source du site tiers. Autrement, il existe des sites qui référencent les liens des
vidéos des sites de streaming. Ces derniers, le plus souvent spécialisés dans un genre particulier
(séries US, film en version originale sous­titrée en français, mangas etc.) se chargent de répertorier les
liens (URL) correspondant aux contenus.

Schématisation du processus de diffusion de contenu en streaming

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 63|124
La technologie du streaming est tout à fait légale87. Une fois encore c'est l'usage qui va être puni ou
non par la loi. Il convient alors de faire la différence entre les différents acteurs :

– l'internaute qui met en ligne des œuvres (vidéo, musique etc...), protégées par le droit d'auteur,
sans autorisation de l'auteur, commet un délit de contrefaçon de droit d'auteur Et ce même si
l'internaute a licitement acquis l'œuvre protégée, ou qu'il la met en ligne de façon gratuite..

– l'hébergeur est civilement et pénalement irresponsable, sauf à avoir été prévenu, et à ne pas avoir
promptement supprimé les contenus litigieux. C'est ce statut d'intermédiaire qui préserve des sites
tels que YouTube ou Dailymotion.

– l'internaute spectateur n'est pas jugé complice du délit de contrefaçon, car il n'en a pas facilité la
préparation ou la consommation. Par contre, il pourrait être considéré comme receleur par

« ... le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office


d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un
délit, [ou encore] le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit
d'un crime ou d'un délit » (Article 321­1 du Code pénal).
En effet, aussi bien le Peer­To­Peer que le streaming font qu'à un moment donné, l'utilisateur stocke
illégalement sur son ordinateur (disque dur ou mémoire cache) un contenu protégé par le droit d'auteur.
Mais pour le cas du streaming, se pose la question suivante : peut­on considérer comme un acte de
recel le fait de stocker temporairement des données dans la mémoire vive de l'ordinateur (qui est
effacée une fois l'ordinateur éteint). La question n'étant toujours pas tranchée, le doute persiste. Nous
considérerons par précaution que l'internaute qui consomme un contenu protégé par le droit d'auteur
sans assurer la rémunération des ayants droits commet une infraction.

Le détournement de l'usage des sites de streaming est loin d'être une nouveauté. Des sites comme
YouTube ou Dailymotion en ont fait les frais à leurs débuts et ont dû mettre en place de solides moyens
de modération pour tracer et supprimer les contenus illicites. Dans certains cas, les sites s'accordent
avec les ayants­droits pour partager les revenus générés par ces contenus protégés par le droit
d'auteur. Ces sites poursuivent une stratégie de partenariat avec les grands groupes de production
audiovisuelle pour enrichir leur contenu. Megavideo qui est toujours en quête de notoriété va profiter
des usages pirates de son site pour mieux se faire connaître. Son cas nous rappelle les débuts de
YouTube. Nous profiterons de ce référent pour prendre du recul sur l'analyse du site Megavideo.

Une sémiotique d' «effet de légal »

Nous verrons dans cette partie que le site Megavideo joue sur plusieurs plans pour donner l'illusion
de sa légalité. Il ne s'agit que d'illusion car si l'on pousse les recherches plus loin, nous nous rendons
bien compte que le site héberge un nombre important de contenus protégés par droit d'auteur. Ces
87 Arnaud DIMEGLIO, Martin­DaNiel GLEIZE, Le streaming, légal ou illégal ?, Le journal du Net, 2008.
http://www.journaldunet.com/expert/27623/le­streaming­legal­ou­illegal.shtml

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contenus sont « uploadés » par les internautes eux­mêmes. Même si nous avons vu que la
problématique du streaming est délaissée par les médias, il s'avère que le site Megavideo joue
particulièrement sur sa capacité à « faire légal » grâce à un travail sur son interface.

Un énième clone de YouTube

Voici la première phrase de présentation du site Megavideo :

Megavideo veut remplacer YouTube comme leader des vidéos en ligne.88


Megavideo se positionne comme un concurrent direct de YouTube. Ceci lui confère un statut de
« pair », d'égal de YouTube. Megavideo réactive ici les repères précédemment construits par le site
YouTube et s'appuie sur les représentations de chaque utilisateur pour imposer un usage de son site.
Cette référence à YouTube se retrouve également dans des encarts auto­promotionnels. Des vidéos
comme celle mise en avant sur la page d'accueil du site vantent les avantages de Megavideo comparé
à YouTube. L'architecture même du site rappelle très fortement celle de YouTube : les fonctionnalités du
site, la mise en avant des vidéos dès la page d'accueil, la catégorisation des vidéos etc. L'ensemble de
ces éléments invite l'utilisateur à considérer et à utiliser le site Megavideo à travers le prisme du site
YouTube. Les réflexes d'utilisation mis en place par ce dernier sont repris par Megavideo.

Si l'on reprend notre problématique, cette constante référence au site YouTube permet d'ancrer
Megavideo dans le même secteur d'activité que son concurrent : un service légal de partage de vidéo
en streaming. En effet, Megavideo ne fait pas que réutiliser les usages acquis par les internautes mais
aussi tout le processus de reconnaissance de ces plateformes en tant que service légal. YouTube a
investit des sommes colossales d'argent dans des procès pour assurer et faire reconnaître la légalité de
son service. En tant que concurrent direct de YouTube, Megavideo sous­entend qu'il assure le même
service avec le même niveau de légalité, ce qui est loin d'être vrai. Or pour un internaute de passage
sur le site, l'illusion est quasi­totale d'autant plus que les clones de YouTube continuent de pulluler sur
Internet.

Très peu de références à la loi en vigueur

Loin des symboles de pirates utilisés à la manière de The Pirate Bay ou d'autres sites qui affichent
clairement leur activité pirate, Megavideo présente une interface on ne peut plus banale. L'allusion à la
loi relative au droit d'auteur est présente de manière plutôt discrète. Nous la retrouvons notamment lors
de la phase d' « upload » des vidéos89. La première étape de cette phase ne présente à l'utilisateur
qu'une bannière l'avertissant qu'il ne doit pas « uploader » des contenus à caractère pornographiques
sur Megavideo ; la bannière l'invite à s'orienter vers un autre site dédié à ce genre de contenus,

88 http://www.Megavideo.com/?c=about
89 Cf annexe Processus d'upload d'une vidéo sur Megavideo page 116

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Megarotic. Jusque là, l'internaute peut donc choisir d'« uploader » n'importe quel contenu pourvu qu'il
ne soit pas à caractère pornographique. Lors de la deuxième étape, la mention « Taille max: 5 Go.
Aucun matériel protégé! » est affichée en dessous du champ de sélection du fichier à « uploader ». Le
site fait ici référence aux contenus protégés par le droit d'auteur. Cependant on peut émettre un doute
quant à la clarté de la formulation choisie. En effet, cette dernière ne fait aucunement référence à un
texte de loi ; « matériel protégé » peut recouvrir de nombreuses significations et en même temps ne rien
signifier pour un utilisateur non­averti. De plus, cette mention est mise en forme exactement de la
même manière que « Taille max: 5 Go. » ; un utilisateur pourrait croire que la protection du contenu
relève d'une contrainte technique, « matériel protégé » pourrait signifier que le contenu bénéficie d'une
protection par DRM par exemple. Enfin, les étapes suivantes de la phase d'upload ne font plus aucune
référence à la loi.

Pour retrouver une allusion à la loi relative au droit d'auteur, il faut lire les conditions générales
d'utilisation du site90. Il y est stipulé que chaque utilisateur s'engage à ne pas :

« soumettre du matériel protégé par droit d’auteur, secrets commerciaux, ou autrement sujets
aux droits propriétaires de tierces parties, incluant droits de confidentialité et de publicité, à
moins d’en être le propriétaire, ou d’avoir la permission de tous les propriétaires légaux pour
publier ce matériel et accorder toutes les licences et les droits à Megavideo y contenus »
Cette formulation obscure noyée dans le long texte des conditions générales d'utilisation du site
semble totalement inefficace pour mettre en garde l'utilisateur quant à la légalité de ses actes. On peut
comparer ce discours à celui de YouTube. YouTube qui a longtemps été accusé d'héberger des
contenus protégés par le droit d'auteur (et qui continue encore de l'être) a renforcé son système de
prévention du piratage. Le site avertit dès la deuxième étape de l'« upload » l'utilisateur :

« N'envoyez pas d'émissions TV, de clips musicaux, de concerts ou de publicités sans avoir
obtenu d'autorisation préalable, à moins que vous ne soyez vous­même titulaire de l’intégralité
des droits sur le contenu. La page Conseils sur les droits d'auteur et le Règlement de la
communauté peuvent vous aider à déterminer si votre vidéo porte atteinte aux droits d'auteur
d'un tiers.
En cliquant sur "Envoyer la vidéo", vous certifiez que cette vidéo respecte les Conditions
d'utilisation de YouTube et que vous êtes le titulaire des droits d'auteur de la vidéo, ou que vous
avez reçu l'autorisation expresse de mettre cette vidéo en ligne. »
Ce texte inséré dans un cartouche orange est très bien lisible. Il propose en plus les liens de
consultation des pages qui traitent du droit d'auteur. Cette problématique a même fait l'objet d'une page
spéciale du site « Conseils sur les droits d'auteur ». L'effort de pédagogie fait par YouTube vient
contraster avec le peu de mise en garde formulé par Megavideo. Même si l'on sait que YouTube joue
également sur les contenus piratés pour tirer d'avantage de revenus de son service, le site met tout de
même en place un environnement qui cherche à responsabiliser l'utilisateur, à lui rappeler ses droits et
ses devoirs. En minimisant les messages, Megavideo profite de l'ignorance de ses utilisateurs ou de

90 Cf annexe page

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 66|124
leur faible sentiment de responsabilité. Le silence de Megavideo sur la problématique du piratage
occulte le problème. L'utilisateur se sent alors dans son plein droit.

L'illusion du contrôle et de la surveillance

Megavideo, en tant qu'hébergeur de contenu a l'obligation de supprimer tout contenu signalé


comme illégal. Il arrive donc que suite à une plainte d'un ayant droit, un contenu ne soit plus accessible
en ligne. Si l'on parcourt le site Megavideo, il est évidemment impossible de tomber sur ces liens morts
appelés dans le jargon « dead links » puisqu'ils ont été « dé­référencés ». C'est à partir des sites
extérieurs que l'on peut s'apercevoir de cette manœuvre de modération. En effet, il existe de nombreux
sites dont l'activité consiste à répertorier certains types de vidéos mises en lignes sur Megavideo. Par
exemple, un blog peut proposer à ses visiteurs une liste de liens ou des vidéos en « embed » pour
visionner des films (protégés par le droit d'auteur) en streaming sur Megavideo. Or lorsque Megavideo
supprime, suite à une plainte, le contenu « uploadé » illégalement, les liens et vidéos en « embed » sur
le blog ne renvoient plus que vers une page de Megavideo stipulant que le contenu demandé a été
effacé pour cause d'infraction au droit d'auteur.

Cette information délivre ce message à l'internaute : le site prend en charge la suppression de


contenus enfreignant la loi relative au droit d'auteur. Si ce message sous­entend que des contenus sont
illégalement diffusés sur Megavideo, il fait surtout comprendre que des mesures sont prises pour faire
respecter la loi. Or il est nécessaire de rappeler ici que l'application de la loi se fait a posteriori. Cela
veut dire qu'une œuvre peut être diffusée sans tenir compte de la rémunération des ayants droits sur
Megavideo tant que l'ayant droit n'a pas manifesté sa volonté de retirer le contenu du site. Il existe donc
un nombre important de contenus illégalement diffusés sur ce site ; ce sont notamment :

– les vidéos récentes pas encore retirées comme les derniers films ou séries fraîchement mis en ligne
par les rippeurs ;

– les vidéos qui ne valent pas la peine d'être retirées car de trop basse qualité pour attirer une
audience ;

– les vidéos avec lesquelles Megavideo génère un revenu publicitaire si important qu'un accord est
trouvé pour maintenir le contenu en ligne et partager les revenus avec les ayants droits.

Cette illusion de contrôle et de surveillance du contenu participe du processus de réassurance de


l'utilisateur. Si certains contenus sont supprimés par le site car considérés comme illégalement diffusés,
alors le reste, les contenus non supprimés, donnent l'impression d'être mis à disposition des internautes
en toute légalité.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 67|124
Un patchwork d'usages de référence

Au delà de « faire légal », le site Megavideo va s'appuyer sur d'autres mécanismes pour encourager
les internautes à utiliser ses services. Le principal mécanisme auquel il va faire appel va être la
référence à un usage bien connu et ancré dans les habitudes des internautes, celui de la
consommation privée de contenus audiovisuels sur un écran, à la manière de la télévision. Pour étudier
ce mécanisme, nous allons nous concentrer sur les sites qui relaient les vidéos illégales diffusées sur
Megavideo. On se rend compte rapidement qu'il existe deux types de sites : ceux d'initiatives
d'amateurs et ceux plus élaborés. Nous analyserons ici les deux exemples suivants : le blog de
Shimux91 et le site Vid­Stream92. Ces deux exemples ont été choisis suite à des entretiens avec des
internautes.

L'esthétique de l'écran de télévision

Le blog de Shimux est un blog qui répertorie un ensemble de « bons plans » sur Internet. L'auteur a
choisi de consacrer une partie de son blog aux séries disponibles en streaming sur Internet. Le site
présente une interface plutôt médiocre et peu attractive mais cela importe peu puisque la valeur du site
réside avant tout dans sa capacité à regrouper des liens et des contenus qui permettent de visualiser
des vidéos en streaming. En effet, le travail de recherche des sources est fastidieux et requiert une
certaine expertise. Il faut connaître le calendrier des diffusions, rechercher les liens, les mettre à jour
régulièrement, s'assurer que les contenus n'ont pas été effacés etc. Certains liens renvoient vers
d'autres sites qui référencent également des liens, mais au bout du compte, on retombe très
fréquemment sur le lecteur de Megavideo. Les « rippeurs » qui auront « uploadé » leur vidéo sur le site
de Megavideo auront pris la précaution de nommer leur contenu de manière à ce qu'il ne soit pas
repéré par les ayants droits à partir du moteur de recherche du site. Par exemple, les rippeurs évitent
de mentionner les titres des films dans le descriptif du contenu. Ainsi, les fichiers correspondant à des
contenus protégés ne seront pas immédiatement signalés et effacés.

Une fois redirigé sur Megavideo, l'internaute clique sur le bouton « play » et un encart publicitaire
apparaît pour chaque vidéo. Il s'agit très majoritairement d'annonces pour des sites de rencontre, un
domaine qui rémunère assez gracieusement. Une fois la publicité passée, l'internaute peut librement
visionner sa série. Il n'est à aucun moment prévenu qu'il regarde gratuitement un contenu protégé par
le droit d'auteur et encore moins qu'il enfreint la loi.

Ce processus rappelle fortement l'usage que l'on peut avoir de la télévision ou de la vidéo à la
demande (VOD). En effet, le blog de Shimux agit comme une sorte de menu qui répertorie l'ensemble
des contenus disponibles en ligne, à la manière des menus des plateformes de VOD ou des mosaïques

91 http://www.monblog.ch/Shimux/
92 http://www.vid­stream.com/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 68|124
de chaînes de télévision. Une succession de liens amène l'internaute devant un écran publicitaire,
comme à la télévision avant chaque programme. Après avoir consommé sa publicité, l'internaute peut
finalement accéder à sa série. De nombreuses vidéos de séries TV « uploadées » sur le site
Megavideo présentent les traces d'enregistrement à partir de la télévision : logo de la chaîne dans un
coin de l'écran, bandeau promotionnel pour l'émission à venir et même coupure publicitaire. Ces
éléments renforcent le sentiment de visionner un contenu comme devant son poste de télévision, en
toute insouciance. Ce sont typiquement ce que l'on pourrait appeler des « effets de légal ». Le logo a
priori insignifiant semble signifier que la chaîne pourrait cautionner la diffusion illégale du contenu
concerné.

Un cinéma de mauvaise qualité mais gratuit

Le site Vid­stream est quant à lui spécialisé dans les films diffusés en streaming. A la différence des
séries dont le piratage semble être de plus en plus toléré voire discrètement encouragé par les ayants
droits pour générer des revenus publicitaires, les films sont immédiatement signalés et retirés en cas de
piratage. Les contrefaçons sont considérées par les ayants droits comme une concurrence directe et
déloyale face à la diffusion en salle ou la vente de DVD. Il arrive donc très fréquemment que le site Vid­
stream renvoie l'internaute vers des liens morts du site Megavideo. Pour pallier à cela, VIde­stream
encourage ses utilisateurs à signaler les liens morts afin qu'ils puissent rechercher de nouvelles
sources et mettre à jour les liens. Cependant, tant que le contenu pirate n'a pas été identifié, il est
possible de regarder un film récent en streaming gratuitement sur Vid­stream. C'est par exemple le cas
du film « Wall­e »93, sorti en salle le 30 juillet 2008, il a été filmé en salle grâce à une caméra puis
«diffusé sur le site Megavideo. Vid­stream se charge de référencer les liens de Megavideo. Une fois
encore, en deux clics, l'internaute accède au contenu en toute impunité et sans aucune mise en garde.

L'inconvénient des films diffusés en streaming sur Megavideo est qu'ils sont très majoritairement
des films populaires du box­office diffusés dans une qualité qui laisse à désirer.. En effet, les efforts des
ayants droit sont portés sur les contenus qui concurrencent le plus l'offre légale. Megavideo se plie
donc à la règle et supprime les copies pirates hébergées sur son site. Mais il existe d'autres sites de
streaming comme YouKu.com, Tudou.com ou 56.com, hébergés en Chine, qui servent également de
sources de contenus pour Vid­stream. Il est encore plus difficile pour les ayants droit de faire valoir leur
droit auprès de ces sites hébergés à l'étranger malgré la loi qui se place du côté des ayants droit. A part
les quelques perles de vidéos diffusées en très bonne qualité, Vid­stream en vient donc à proposer des
vidéos plutôt de mauvaises qualité mais gratuitement. Cette offre de « cinéma au rabais » rappelle les
témoignages des internautes qui téléchargeaient en 2004 des films en DivX de mauvaise qualité sur les
plateforme Peer­To­Peer :

93 Cf annexe Vid­stream : Film Wall­E page 118

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 69|124
Les pirates n’attendent plus la sortie des films. Ils veulent y accéder au moment qui leur
convient le mieux et disposent pour cela d’un stock de films qu’ils n’ont pas payés. Ils
développent une attitude très critique et sont prêts à « zapper » si le début du film ne les captive
pas. Ils réservent pour la salle ou le DVD les films auxquels ils accordent une plus grande
valeur. Le DivX leur permet une consommation de films au rabais . « Je le regarde sans
accorder grande importance au film qui est dessus. Ce sont la plupart du temps des super
productions américaines que je regarde juste pour me détendre. Un DVD original m'apporte plus
de plaisir, déjà du fait d'une bonne image et d'un bon son, mais aussi parce que c'est un original
et j'ai une âme de collectionneur. Si le film sur Divx me plaît, j'irai l'acheter en DVD et je le
redécouvrirai d'une autre façon. »94
On retrouve le même usage appliqué au streaming. On empreinte ici le même cheminement de
réflexion : la mauvaise qualité du contenu justifie sa gratuité. Cet argument est pourtant fragile puisque
les sites de streaming et les « rippeurs » font toujours plus d'efforts pour améliorer la qualité de leurs
contenus pour attirer plus d'internautes.

Le flux de la vidéo à la demande

Les sites de streaming nous suggèrent que s'opère une sorte déplacement de valeur : du stock au
flux. En effet, la focalisation des discours ambiants sur le téléchargement illégal de contenus sur un
ordinateur participe dangereusement du déplacement de la notion d'illégalité : l'illégalité de la
possession d'un stock de contenu prendrait le pas sur l'illégalité de l'acquisition de ce même contenu ou
de l'accès à un flux. Dans l'imaginaire de l'utilisateur, l'infraction à la loi résiderait dans le fait de
posséder, sur son disque dur, des enregistrements d'œuvres acquises illégalement. Dans le cas du
streaming, comme l'utilisateur n'enregistre aucun contenu sur son ordinateur (à l'exception des données
sauvegardées en mémoire vive), il n'aura donc pas conscience de commettre un délit. Le streaming
participe alors au changement progressif de comportement face au téléchargement mais encore plus
face au contenu même. Alors que le tendance globale était encore à vanter les capacité de stockage
des ordinateurs et les médiathèques construites au fil des heures de téléchargement, le streaming
donne à penser le contenu non plus comme un capital à sauvegarder et archiver mais plutôt comme un
flux, disponible en permanence (pourvu que l'on soit connecté à Internet...).

Cet usage ne va pas sans rappeler les dispositifs de vidéos à la demande que proposent
dorénavant les grands groupes de médias tels que CanalPlay, TF1Vision ou M6 Vidéo. L'intérêt réside
ici dans l'accès à un contenu physiquement situé en dehors de l'espace privé de l'internaute à n'importe
quel moment. Or les sites de streaming proposent exactement le même service. Ils bénéficient donc
des efforts de pédagogie et de promotion de ce type d'usage faits par les entreprises de VOD.
L'internaute peut alors faire appel à des usages de référence légaux pour utiliser les sites de streaming.
De la même manière que pour YouTube et Megavideo, l'offre légale de vidéo à la demande formate et
encourage malgré elle l'offre illégale de streaming.

94 CNC, La piraterie de films : Motivations et pratiques des Internautes, Analyse qualitative, Cabinet d'études
QualiQuanti, Paris, 2004.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 70|124
Les sites de streaming ont la particularité d'agréger une pluralité de références à des usages légaux
déjà connus et pratiqués des internautes. En convoquant ces représentations, ils parviennent à créer
un environnement de confiance, une interface familière. Ils s'hybrident entre télévision, cinéma et vidéo
à la demande et de la même manière se banalisent. En évitant tout effet de surprise ou nouveauté, le
streaming s'insère plus naturellement dans les pratiques, d'autant plus que le dispositif ne requiert
aucune compétence technique. La question de la légalité du service ne se pose plus autant que pour
un dispositif innovant, performant et complexe. L'internaute dilue ainsi ses responsabilités en faisant
référence à ses usages habituels de l'écran et de la consommation de contenus audiovisuels.

Le téléchargement direct et le piratage payant

Le téléchargement direct, (« DL » pour « Direct Download »), est un autre moyen de consommation
illicite d'œuvres culturelles. Le téléchargement direct traditionnel nécessite une bonne connaissance du
dispositif informatique pour s'échanger des données d'ordinateur à ordinateur. Pour faciliter ces
échanges, des sites proposent des services entièrement sécurisés pour stocker, partager et gérer les
contenus volumineux de leurs membres. Si ces services étaient avant tout pensés pour les
professionnels, les pirates se sont vite rappropriés leur dispositif pour diffuser leurs contenus en toute
discrétion. Pour mieux cerner la place que tient la responsabilité de l'utilisateur dans ce dispositif, nous
allons nous appuyer sur l'analyse du site RapidShare ainsi que sur l'observation d'un utilisateur abonné
aux services payant de RapidShare qui a bien voulu prendre part à ce travail de recherche.

Nous verrons dans cette partie que l'offre payante proposée par RapidShare à laquelle souscrivent
des internautes dans le but de pirater des contenus nous apporte un point de vue intéressant sur les
mécanismes de responsabilisation des acteurs. Même si cela correspond à un usage encore de niche,
l'analyse de cet usage enrichit la réflexion menée sur notre problématique.

Schématisation du processus de diffusion en téléchargement direct

Pour partager et diffuser son contenu, le « rippeur » procède, de la même manière que pour les
échanges Peer­To­Peer : il commence par créer une copie numérique de l'œuvre originale. L'étape
suivante consiste à « uploader » cette copie sur les serveurs du site, en l'occurrence RapidShare. Cette
action génère une URL de localisation, cryptée et confidentielle, du fichier copié. Cette URL indique
l'emplacement de stockage du contenu « uploadé » sur les serveurs de RapidShare. C'est une sorte
d'adresse qui permet de retrouver un contenu sur un disque dur. Elle est donnée uniquement à la
personne qui a « uploadé » le contenu sur le site. Le « rippeur » peut alors diffuser cette URL
« manuellement » en choisissant précisément les destinataires du contenu (usage initial des sites) ou
« publiquement » en la référençant sur un site spécialisé (usage détourné). Un utilisateur voulant
télécharger le contenu n'aura plus qu'à « cliquer » sur l'URL pour que le téléchargement démarre

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 71|124
automatiquement sans besoin d'installer quoique ce soit sur son ordinateur.

Des sites comme ShareMiner95 ou Katz.to96 se sont spécialisés dans la recherche de ces contenus
disponibles proposés en téléchargement direct. Si le « rippeur » veut diffuser publiquement son URL, il
lui suffit de la référencer sur un de ces sites. N'importe quel internaute pourra donc avoir accès aux
contenus stockés sur le serveur de RapidShare. Ces sites de référencement sont les pendants de The
Pirate Bay pour le téléchargement direct.

Schématisation du processus de diffusion de contenu en téléchargement direct

Cependant un des inconvénients est la limitation de poids des fichiers à « uploader » sur les
serveurs de RapidShare. Les « rippeurs » sont donc amenés à découper la copie de l'œuvre en une
dizaine de fichiers plus légers. Pour télécharger un fichier d’1Go, l'utilisateur devra donc télécharger 10
fichiers de 100 Mo. La répétition des actions de téléchargement et de sauvegarde de la totalité des
fichiers est lassante, complexe et peut générer des erreurs. Des logiciels ont donc été développés pour
faciliter et gérer les téléchargements. Ils proposent une interface de gestion simple d'usage.
RapidShare met à disposition des outils spécialement conçus pour son site mais d'autres logiciels tels
que « Orbit downloader » proposent des fonctionnalités supplémentaires97 qui épargnent à l'utilisateur
des manœuvres complexes.

Pareillement au dispositif Peer­To­Peer BitTorrent, l'illégalité réside ici dans les actions suivantes :

– diffuser publiquement une œuvre sans rémunérer les auteurs ;

95 http://www.shareminer.com/
96 Http://www.katz.to/
97 « Orbit downloader » reconnaît les fichiers « .torrent ». Il lance automatiquement une recherche pour récupérer
l'intégralité des fichiers correspondant au même contenu et démarre le téléchargement en optimisant les débits.
L'utilisateur se voit alors épargné d'effectuer 10 fois la même manœuvre.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 72|124
– télécharger une œuvre protégée par le copyright alors que l'on n'a pas payé son prix.

Le site se décharge de toute responsabilité en renvoyant la balle aux utilisateurs de son service.
Ces derniers acceptent les conditions d'utilisation du site : ils s'engagent à ne pas utiliser le service du
site pour « charger, afficher, transmettre par e­mail ou de toute autre manière tout contenu violant tout
brevet, marque déposée, secret de fabrication, droit de propriété intellectuelle ou tout autre droit de
propriété appartenant à un tiers » sous peine de suspension du compte de l'utilisateur. Le site se place
donc comme un hébergeur civilement et pénalement irresponsable, sauf à avoir été prévenu, et à ne
pas avoir promptement supprimé les contenus litigieux.

Payer pour mieux pirater

Le site RapidShare peut être utilisé gratuitement par les internautes pour échanger des contenus
mais les délais d'« upload » et de téléchargement sont long et ne présentent pas de réel intérêt face au
dispositif proposé par les sites tels que The Pirate Bay. En revanche, l'offre payante vient concurrencer
directement tous les autres dispositifs utilisés par les internautes pour se procurer illégalement des
œuvres protégées par le droit d'auteur. En effet, elle permet d'accéder à des fonctionnalités
supplémentaires qui optimisent l'efficacité du dispositif. Cette interface mi­gratuite mi­payante repose
sur un modèle économique surnommé « freemium ».

Le « freemium », un modèle économique d'une certaine banalité

Le modèle dit « freemium »98, contraction de « free » et « premium », consiste à proposer un accès
gratuit à une partie de l'offre et à faire payer les consommateurs pour des services supplémentaires. Ce
modèle se présente le plus souvent sous la forme d'un site dont la version gratuite grand public est
couplée à une version payante, plus chère et plus évoluée pour un marché de niche.

C'est un type de marché à « double­versants » dont les applications légales sont très nombreuses
et variées. En voici quelques exemples. Le site Deezer propose ainsi une écoute gratuite des morceaux
de musique, le téléchargement est quant à lui payant et passe par des sites partenaires comme iTunes
ou Amazon. La Fnac et VirginMega offre les extraits mais l'intégralité de l'œuvre est payante. Les
grands labels musicaux utilisent les plateformes telle que YouTube pour diffuser les clips de leurs
artistes en streaming uniquement. L'achat du titre est alors proposé sur la page avec un lien qui mène
vers le site de la boutique en ligne du label. Les “subventions croisées” sont une déclinaison de ce
modèle. Elles consistent en une offre gratuite d’un produit qui incite à en acheter un autre. C'est par
exemple le cas de l'iPod, baladeur mp3 de Apple, qui nécessite le téléchargement du logiciel iTunes, la
bibliothèque en ligne. Si ce téléchargement est gratuit, la bibliothèque iTunes reste un site marchand

98 Hubert GUILLAUD, La gratuité est­elle l’avenir de l’économie ?, Internet Actu.net, 2008.


http://www.internetactu.net/2008/03/10/la­gratuite­est­elle­lavenir­de­leconomie/

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 73|124
sur lequel il est possible d'acheter des titres de chansons.

Le modèle « freemium » a été fortement inspiré de la réflexion menée sur la rémunération des
contenus. Copier un fichier numérique a un coût marginal nul, « trop bon marché pour qu’il vaille la
peine de le compter” » (« too cheap to meter ») : il devient alors plus intéressant de l'offrir afin d'attirer
un public prêt à acheter un autre produit dérivé. Les sites de musique en ligne adoptent de plus en plus
ce positionnement en offrant les titres de musique et en proposant à la vente les tickets de concerts par
exemple. Kevin Kelly, ex­rédacteur en chef du magazine Wired, déclare à ce propos que « quand la
copie se généralise, vous avez besoin de vendre des choses qui ne peuvent pas être copiées. » Il fait
également remarquer que certains critères restent « vendables » et que les consommateurs sont prêts
à payer pour comme : l’immédiateté (éviter d'attendre la sortie en DVD d'un film), la personnalisation
(se fabriquer ses propres compilations musicales), l’interprétation (bénéficier d'une assistance, d'un
service après­vente), l’authenticité (acheter un produit fiable, de qualité garantie), l'accessibilité et la
trouvabilité (déléguer la sauvegarde, l'archivage et la gestion de ses contenus), ou encore l’incarnation
(graver, imprimer son produit sur un support physique). Ce sont tous ces critères qui vont
potentiellement former la partie « premium » de l'offre, la partie payante.

Le modèle « freemium » est fondé sur une capacité à faire adhérer les consommateurs aux
contenus payants. Des stratégies d'acquisition et de fidélisation de membres qualifiés doivent donc être
mises en place pour assurer la rentrée d'argent nécessaire au maintien de la partie gratuite du site. Or
ces moyens sont évidemment coûteux à mettre en œuvre. Ce sont alors les consommateurs à fort
consentement­à­payer qui assurent le paiement du différentiel. Dans le cas de RapidShare, nous
verrons que les internautes ayant pour objectif une utilisation illégale du dispositif vont être considérés
comme des consommateurs à fort consentement­à­payer. Ils auront la motivation et les raisons
suffisantes pour payer pour ce type de service.

Ce modèle « freemium » très fréquemment utilisé par les plateformes légales peut susciter le doute :
un site aurait­il le droit de tirer des revenus d'usages pirates d'une manière aussi clairement affichée ?
En effet, RapidShare est largement reconnu comme un site légal et le fait qu'il affiche à chaque
téléchargement le tarif de ses prestations99 peut le dédouaner de toute ambition illicite.

L'offre de RapidShare et son avantage pour les pirates

La partie gratuite de l'offre de RapidShare comporte certaines limitations :

– lors de l’envoi de fichiers sur les serveurs du site : la taille des fichiers est limitée à 200 Mb, les
fichiers envoyés sur le site sont effacés au bout de 90 jours s’ils sont inactifs durant cette période ;

– lors de la réception de fichiers : l’utilisateur ne peut recevoir qu’un seul fichier à la fois, une attente

99 Cf annexe RapidShare page 120

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de 40 secondes est imposée avant le téléchargement d’un fichier, le taux de transfert est limité à
50Ko/s (soit 1 minute pour télécharger un fichier de 3 Mo ou une chanson), l'impossibilité de
reprendre un téléchargement interrompu ou d'utiliser des logiciels accélérateurs de téléchargement.

Afin de convertir ses utilisateurs gratuits en clients payeurs, RapidShare diffuse des messages
promotionnels pendant les délais d'attente avant les téléchargements gratuits. Par ailleurs,
l'abonnement permet de fidéliser l'utilisateur. Des offres sont fréquemment proposées pour encourager
l'utilisateur à souscrire comme des « mois gratuits ». Il est en effet plus facile de réactiver un utilisateur
dont l'abonnement n'aura pas été renouvelé que de conquérir de nouveaux utilisateurs. L'offre payante
permet à l'utilisateur, devenu client, de profiter de plusieurs avantages :

– lors de l’envoi de fichiers sur les serveurs du site : il peut envoyer des fichiers faisant jusque 2 Giga
octets, gérer ses fichiers envoyés dans un ou plusieurs espaces personnels qui se comporteront
comme des disques durs en ligne d’une capacité de 500 Gb, conserver ses fichiers de façon
permanente sur les serveurs RapidShare ;

– lors de la réception de fichiers : il peut effectuer des téléchargements multiples simultanés, utiliser
des logiciels d’aide au téléchargement, reprendre un téléchargement précédemment arrêté,
bénéficier d'une utilisation complète de la bande passante disponible et échappe au temps d’attente
avant un téléchargement.

Un membre souscrivant à l'offre payante de RapidShare peut par exemple télécharger un épisode
d'une série en 3 minutes. Si l'on compare aux autres dispositifs, le Peer­To­Peer permet de télécharger
une série au mieux en 20 minutes et le streaming fait perdre de la qualité et le bénéfice d'avoir le
contenu enregistré sur son ordinateur.

« Ainsi pour quelques Euros par mois vous pouvez télécharger des quantités illimitées de
donnée à des débits défiants toute concurrence. Les services comme RapidShare sont la
plateforme de téléchargement ultime. »100
Même si l'accès au téléchargement direct à très très haut débit est payant, il offre une alternative de
choix aux internautes­pirates car il n'impose aucune limitation de quantité de contenu. En proposant
une approche simple et assistée du téléchargement en ligne, les site et logiciels gagnent un public
nouveau dont l'appétit pour les contenus disponibles en ligne est grand.

La question suivante qui se pose est celle de savoir comment le fait de payer un abonnement légal
pour faire un usage détourné et illégal du service va jouer dans la responsabilisation de l'abonné pirate.

La non­gratuité : l'illusion de l'achat ?

Le fait que les pirates détournent les services proposés par des sites comme RapidShare pour
diffuser des œuvres protégées de manière illégale nous montre que le piratage a ses propres limites
100Extrait d'un entretien avec Walid M., fervent utilisateur de RapidShare, mars 2008.

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qui peuvent être dépassées par une offre payante. Cela nous suggère également que la motivation du
piratage ne résiderait pas uniquement dans la gratuité de la consommation d'œuvres culturelles.

Piratage ne rime pas avec gratuité

Le piratage est associé à tort à la notion de gratuité. Le piratage payant n'est pas une nouveauté.
En effet, du temps des CD gravés, le pirate vendait ses produits à des « clients ». Ces derniers
choisissaient d'acheter une œuvre illégalement copiée pour économiser la différence de prix entre
l'offre légale et l'offre pirate. Par ailleurs, parmi les dispositifs que nous avons vu précédemment,
certains requerraient l'adresse email de l'internaute. Cela constitue un acte d'échange d'un bien contre
un autre. Nous ferons remarquer que les adresses email deviennent progressivement une sorte de
monnaie sur Internet. Regroupées en base de données de prospects, elles sont par la suite louées à
des organismes chargés de diffuser des messages publicitaires. La gratuité est intimement reliée à la
notion de marché à double versant comme nous avons pu le voir précédemment avec les modèles
fondés sur la rémunération par la publicité. L'économiste Olivier Bomsel déclare à ce propos que :

« Le gratuit est un investissement dont profite la firme qui sait lui associer d'autres utilités. (...)
S'agissant du consommateur, le gratuit est trompeur puisque, au final, ou bien d'autres paient
pour lui, ou bien il paie autre chose trop cher. »101
Rien n'est jamais gratuit. Bomsel parle ici de l'économie numérique dans sa globalité. Mais son
analyse peut très bien s'appliquer à l'économie « pirate ». Comme nous l'avons vu tout au long de ce
travail, chaque dispositif utilisé à des fins pirates repose sur un modèle économique qui lui assure une
certaine pérennité. Les « rippeurs » et autres membres de sites sont les premiers conscients de ce
facteur financier qui sert avant toute chose à maintenir le dispositif numérique en ligne (location des
serveurs et noms de domaines, maintenance technique...) Pour le consommateur pirate, l'acte illégal
n'a pas pour finalité la consommation gratuite mais plutôt la quête de l'offre qui fera correspondre le
mieux un besoin à une propension à payer. Dans le cas de la consommation d'œuvres culturelles, le
besoin est loin d'être essentiel, la propension à payer est donc très faible. C'est pour cela que les
internautes qui souscrivent à l'offre payante de RapidShare sont des fervents amateurs des contenus
échangés ou considèrent le confort du téléchargement comme essentiel à leur consommation de biens
culturels. Les serveurs de RapidShare recèlent une quantité extraordinaire de données et d'œuvres qui
ne sont pas verrouillées par des DRM et sont en plus déclinées en plusieurs langues. Certains fichiers
sont même des compilations de séries ou de musique, le succès de RapidShare puise énormément
dans la qualité des contenus créés par les « rippeurs » et « uploadés » par les membres du site.
Puisque les grandes plateformes légales ne lui proposent pas ce qu'il recherche, l'internaute va faire le
choix de payer pour une offre légale qu'il va détourner à des fins illégales.

101Olivier BOMSEL, Gratuit! Du déploiement de l'économie numérique, Éditions Gallimard, Paris, 2007.

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Partage de données et de responsabilités

Les entretiens passés avec les utilisateurs de ce dispositif ont montré que payer pour pirater ne
modifiait pas la sensation du piratage. La conscience de l'acte illégal est toujours présente mais est
atténuée par la sécurité et la confidentialité apportée par le site.

« Une autre raison de popularité est le sentiment de sécurité durant le téléchargement. En effet,
alors que les systèmes P2P sont basés sur la connexion de plusieurs ordinateurs entre eux et
donc des risques certains pour la sécurité de l’ordinateur et celle de l’utilisateur, RapidShare
propose un téléchargement direct qui à la réputation d’être dur à tracer ou à surveiller. »102
« Avec les offres internet française actuel, télécharger un film avec un abonnement RapidShare
peu prendre moins de 10min. Ceci est la principale raison de popularité des services comme
ceux de RapidShare ; ils remplaceraient presque la VOD tellement l’accès au contenu est
rapide et simple. »103
« Je suis plus satisfait de mon abonnement RapidShare que de mon abonnement UGC...
d'autant plus qu'il n'y a pas eu de bons films au cinéma cette année... »104
L'utilisateur en vient même à comparer spontanément l'offre de RapidShare à une offre de VOD
légale. Ceci montre que l'utilisateur a sacrifié son droit au profit du confort d'utilisation, de la rapidité du
téléchargement et de l'offre de contenus. On aurait pu supposer que le paiement de l'abonnement se
serait substitué au paiement d'une place de cinéma ou d'un DVD mais ce n'est pas la cas. L'utilisateur
est pleinement conscient de son infraction au droit d'auteur mais sa motivation puise dans le sentiment
de sécurité et de confidentialité que garantit le site à ses utilisateurs.

C'est exactement sur ce point que va jouer le site RapidShare,


de manière certes très hypocrite, pour attirer ces utilisateurs
pirates. Une rapide analyse du logo et de l'interface du site
montre bien que RapidShare mise sur la sécurité du dispositif et
l'expertise technique. La charte graphique du site reprend les
couleurs bleu et gris chères aux acteurs de la technologie.
L'emploi de terme tels que « filehosting » qui signifie
« hébergement de contenu » renforce le positionnement expert. La flèche fait référence à la vitesse, à
l'échange. Le site est dénué de toute fioriture décorative ce qui donne lui donne un air spartiate, froid,
techniciste. L'internaute a l'impression de travailler sur un « back­office », une interface de travail
professionnelle. Dès la page d'accueil, le site rappelle son objectif :

« FREE One­CLICK Web hosting:


With RapidShare you can send big files easy and secure:
Choose file, click on the "Upload" button and send the download link to family, friends and
business partners. »
« Hébergement gratuit en ligne en Un­CLIC.

102Extrait d'un entretien avec Walid M., fervent utilisateur de RapidShare, mars 2008.
103Extrait d'un entretien avec Walid M., fervent utilisateur de RapidShare, mars 2008.
104Extrait d'un entretien avec Walid M., fervent utilisateur de RapidShare, mars 2008.

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Avec RapidShare, vous pouvez envoyer des fichiers lourds en toute facilité et sécurité :
Choisissez un fichier, cliquez sur le bouton « Upload » et envoyez le lien de téléchargement à
votre famille, vos amis et vos collègues »
Le message principal est la facilité d'usage et la sécurité. Sur les pages d'authentification qui
donnent accès à l'espace premium, on peut lire : « SSL­encrypted page. This, and all other pages are
SSL encrypted! » ce qui signifie qu'un système de cryptage garantie la confidentialité des données
échangées et transmises une fois l'authentification effectuée. Lors de son inscription, l'utilisateur n'est
pas obligé de donner son nom, il se voit attribué un numéro de compte qui lui sert d'identifiant. Le site
rappelle également dans son descriptif de la société ses moyens qu'il met en œuvre pour assurer
l'efficacité de son service.

« With a storage capacity of several petabytes (a petabyte is a million gigabytes) and an internet
connection that transfers hundreds of gigabytes simultaneously, RapidShare has the
infrastructure required to meet high demands. »
« Avec une capacité de plusieurs petabytes (un petabyte équivaut à un million de gigabytes) and
une connexion Internet qui permet de transmettre des centaines de gigabytes simultanément,
RapidShare offre une infrastructure de choix pour les grands besoins. »
En insérant des signes de réassurance, initialement destinés aux utilisateurs qui souhaitent faire un
usage tout à fait légal du site, RapidShare délivre le message suivant à ceux dont les intentions sont
moins honnêtes : le dispositif vous garantit une entière discrétion sur les contenus échangés. Il ne s'agit
donc plus ici de déresponsabilisation mais plutôt de complicité et de partage des responsabilités entre
l'utilisateur et le site. D'une certaine manière, l'utilisateur pirate n'achèterait ni le contenu, ni le service
mais le droit de faire porter une part de sa responsabilité au site.

Les dispositifs étudiés présentent tous au moins un point commun : ils sont légaux. Le Peer­To­Peer,
le streaming aussi bien que le téléchargement direct sont avant tout des technologies de transmission
de données à travers Internet. Ce sont les usages détournés de ces technologies par les internautes
qui peuvent s'avérer comme illégaux. Or, dans certains cas c'est le dispositif qui va pousser l'utilisateur
à l'illégalité comme avec les sites de streaming et dans d'autres ce sont les utilisateurs qui vont
s'appuyer sur le dispositif pour enfreindre la loi comme pour les liens « .torrent » ou le téléchargement
direct. Loin de nous l'idée de vouloir établir une typologie exhaustive des pratiques de piratage ; ces
exemples nous montrent avant tout que l'usage pirate est la résultante d'un usage réfléchi d'un dispositif
inscrit dans un contexte particulier. La responsabilité de l'acte se partage entre les différents éléments
du dispositif dans des proportions variables en fonction de l'utilisateur, de ses habitudes, de ses
connaissances, des ses objectifs du dispositif, de son offre, de sa complexité, des discours, de
l'environnement et de nombreux autres facteurs. Même si se développe une esthétique de
l'« apparemment légal », un utilisateur peut rester conscient de l'illégalité de son acte et assume sa part
de responsabilité. Mais cette dernière sera calculée.

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CONCLUSION

Reprenons notre problématique ainsi que nos hypothèses de départ.

Dans quelles mesures et par quels moyens, les dispositifs, qui offrent aux internautes la possibilité
de consommer via Internet des biens culturels en outrepassant le copyright, jouent sur la capacité de
l'internaute à prendre conscience de la légalité ou de l'illégalité de son acte, usent de l' « effet de
légal »?

Nous avons vu qu'il serait maladroit de parler de banalisation sociale de l'acte de piraterie. Il
conviendrait mieux de parler de polyphonie discursive, voire de cacophonie. Les discours qui portent
sur le piratage s'entremêlent, se recoupent et se divisent pour laisser place à un trop plein d'idées et de
mots qui peinent à faire sens pour le grand public. Laissés à leur propre évaluation du problème, les
internautes vont avoir tendance à se laisser guider par leurs représentations de la légalité sur Internet et
par leur ressenti personnel de leur culpabilité ou de leur droit à consommer ces œuvres culturelles en
ligne. C'est sur ces repères cognitifs que vont donc jouer les différents dispositifs pour attirer leur
audience.

Par ailleurs, il s'avère que ces dispositifs sont légaux, du moins la technologie sur laquelle ils sont
construits et l'usage qu'ils proposent dans leurs conditions générales d'utilisation, conformément à la loi
en vigueur. Ainsi seuls les usages détournés consistent en fait une violation de la loi. Or dans la très
grande majorité des cas, ces dispositifs fonctionnent principalement sur les usages illégaux. Ces
dispositifs vont donc adopter un discours paradoxal : se dégager de toute responsabilité de l'usage dont
est fait le site pour dans le même temps offrir un environnement favorable à l'usage illégal. Les efforts
vont notamment porter sur la qualité du service offert par le dispositif. Pour cela, les sites vont chercher
à générer des revenus, à se développer et à se faire connaître tel que le ferait n'importe quelle
entreprise légale en quête de croissance.

Enfin cet environnement chargé de conditionner l'utilisateur va notamment s'habiller de signes, a


priori ordinaires, pour créer un « effet de légal », et ce afin de rassurer l'utilisateur et inhiber son
sentiment d'enfreindre la loi. Or il semblerait que la recherche de l'apparence de légalité n'est pas une
finalité en soi. Certains dispositifs jouent d'avantage sur le partage des responsabilités. Les deux
mécanismes menant à un même résultat : alléger l'internaute des responsabilités que font peser sur lui
les autorités et l'encourager à rejoindre la communauté des utilisateurs.

Ce travail nous amène à repenser les relations qui peuvent s'établir entre un internaute, un site
Internet et un bien culturel. Il semblerait que nous ne sommes toujours pas sorti de la phase de
transition et d'adaptation des entreprises culturelles à la numérisation des contenus. L'analyse des

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mécaniques, intérieures ou extérieures, qui font pressions sur l'utilisateur pour l'amener à pirater des
œuvres nous montre qu'il y a de nombreux déplacements de valeurs qui se sont opérés depuis
quelques années. Le terme déplacement est encore maladroit, il conviendrait mieux de parler
d'aplanissement de valeurs : le flux a rejoint le stock, le téléchargement légal progresse, le
téléchargement illégal aussi, le public remplit les salles de concert et de cinéma mais aussi les disques
durs... Rappelons­nous cette phrase de Page et Garland :

« that both torrents and legal downloads would appear to be complements, not competitors. »105
« Les téléchargements par protocole torrent et les téléchargements légaux apparaissent comme
complémentaires et non comme concurrents. »
En effet, le piratage proposera toujours une offre différente de celle des entreprises légales, pour la
simple raison que les deux entités chassent sur le même marché et que la différenciation est la
première stratégie à adopter.

Ce travail nous permet de formuler ces quelques recommandations pour les industries culturelles
légales confrontées au piratage de leurs œuvres. Nous avons vu que le secteur de l'industrie culturelle
est en proie à un aplanissement des valeurs, à une perte de repères. Le piratage dilue son statut de
délit au droit d'auteur dans une soupe de discours et d'usages. Certains acteurs légaux ont ouvert une
voie intéressante : reprendre les usages pirates à leur compte. La principale recommandation serait
d'inclure le piratage dans toute réflexion préalable à la conception d'un contenu.

En effet, les dispositifs pirates représentent une manne d'audience considérable. Il peut être
intéressant de les utiliser comme des médias pour faire connaître une œuvre. Il faut pour cela tenir
compte dès le départ des caractéristiques de médiation à travers les plateformes pirates et concevoir le
produit en fonction des différents dispositifs à travers lequel il sera diffusé. Il faudra donc anticiper le fait
que le contenu puisse être copié, réutilisé et transformé par les équipes de « rippeurs » ou d'éditeurs de
« sous­titres ». Le contenu sera également noyé dans une masse gigantesque et très hétérogène de
contenus. Pour peu que le contenu soit attendu par le public, il faut s'attendre à ce que la moindre fuite
soit immédiatement reprise par le réseau.

Prenons l'exemple d'un film, exploiter les dispositifs pirates peut se faire par exemple en diffusant
des contenus alternatifs qui vont assurer la promotion du film avant sa sortie en salle à travers les
dispositifs pirates. La conception de ces nouveaux genres de spots publicitaires devront suivre les
règles suivantes :

– Des contenus attractifs pour les internautes familiers des plateformes pirates : extraits du « making­
of » du film, vidéos humoristiques, des interviews des acteurs et réalisateurs etc. L'humour et l'effet
de coulisses représentent de bons leviers pour attirer une audience.

105Will PAGE, Eric GARLAND, In Rainbows,on Torrents, Economic Insight 10, 2008. http://www.mcps­prs­alliance.co.uk/
monline/research/Documents/Economic%20Insight%2010.pdf

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– Concevoir des contenus souples : les communautés évoluant dans la sphère pirate aiment à
détourner les objets, il faut donc offrir des contenus libres, destinées à être remodelées. Ce doivent
être des contenus courts, légers, prévoyant des espaces d'expressions (comme un espace réservé
aux sous­titres).

– Concevoir des contenus qui garantissent la diffusion d'un message initial : on veillera alors à ce que
le nom du fichier, son générique ou son logo soit intégrés dès le départ dans le contenu et suive
une règle éditoriale précise. On peut alors faire un clin d'œil aux séries en organisant une diffusion
hebdomadaire d'un série de contenus « bonus » pour promouvoir la sortie du film.

– User de l'effet d'avant­première : communiquer sur la prochaine diffusion de ces contenus


« bonus », créer une attente. C'est notamment le schéma que reprend l'éditeur de jeux vidéos
Blizzard pour promouvoir son dernier produit « Diablo III » ; des vidéos présentant chaque
personnage du jeu sont mises en lignes à intervalle de temps différents, suscitant ainsi une attente
auprès des fans.

– Mettre en avant ces contenus : user de stratégies de partenariats. Par exemple, la plateforme de
téléchargement par protocole torrent, Mininova, offre un service de liens sponsorisés sur la page
d'accueil de son site. Ceci permet de faire remonter le contenu à diffuser et de mieux le mettre en
avant sur ces dispositifs.

– Anticiper le piratage et en tirer des revenus : il ne faut pas avoir peur de se faire pirater un contenu.
Il faut au contraire considérer les avantages que l'on peut en tirer. Une fois le film sorti en salle (voir
même avant, lors des diffusion en avant­première), il aura de très grandes chances d'être copié et
diffusé sur les dispositifs que nous avons étudiés. Nous avons vu que le placement de produits
publicitaires peut être une manière de tirer bénéfice du piratage.

– Reconstruire des repères de consommation : on peut pousser le concept jusqu'au bout et prévoir
une version du film diffusée sur Internet en même temps que la sortie en cinéma. Cette version
gratuite pourrait être diffusée avec un contenu publicitaire enrichi (bandeau, coupures). Cependant,
il ne faudrait pas réitérer l'erreur de Radiohead et diffuser son œuvre uniquement sur un site dédié.
Il faut également exploiter les dispositifs Peer­To­Peer, le streaming et la téléchargement direct en
tenant compte des spécificités de chacun. Il ne s'agit surtout pas de se faire passer comme pirate
mais bien d'assumer son vrai rôle et d'exploiter précisément chaque terrain. Des nouveaux formats
doivent être créés, adaptés à chaque dispositif. On peut envisager la diffusion des bonus courts sur
les plateformes Peer­To­Peer pour une large diffusion et un temps de téléchargement convenable,
les formats longs seraient plus adaptés au streaming avec une qualité optimisée et des revenus
publicitaires, et enfin le téléchargement direct pourrait correspondre à une offre « premium ».

L'ensemble de ces mesures requiert évidemment un travail de production supplémentaire et donc

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coûteux. Il peut être intéressant de jouer sur le schéma de « co­création de contenu » pour externaliser
en quelque sorte les tâches tout en sachant que la délégation n'exclut pas la vérification. Il faudrait
peut­être mieux revoir l'approche que l'on a de la conception d'une œuvre et de la capacité de celle­ci à
rémunérer son auteur. Nous assistons à un déplacement de valeur du contenu vers les services et
produits satellites. L'œuvre en elle­même sert à attirer l'attention, à susciter un désir, mais sa
consommation n'est pas un fin en soit. Un internaute choisi de télécharger un morceau de musique en
format ouvert par confort d'utilisation, d'acheter le CD par plaisir de collection, d'aller au cinéma pour le
grand écran et de pirater un film par risque de déception.

Tirons également des leçons du passé : résister contre le progrès technologique à force de lois et
de sanctions n'a jamais été une stratégie ni gagnante ni payante sur le long terme. Dans le domaine de
l'industrie culturelle, le piratage perd progressivement son aura de d'acte illégal, rebelle et marginal. La
massification de l'usage le banalise et le fait entrer dans les habitudes d'utilisation des interfaces
numériques. La question n'est pas de céder face au piratage mais de s'organiser pour l'intégrer dans la
stratégie de diffusion des œuvres. Et une bonne intégration stratégique de ces dispositifs passe par
une excellente compréhension des usages, des motivations et des mécaniques sous­jacentes.

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LEXIQUE

AC3 : Son de qualité DVD. Format son


Dolby Digital (5.1 ou 2 canaux).

BivX : DivX avec deux bandes sonores


(version originale et une autre) que l'on peut
choisir. Pour conserver une qualité
acceptable de la vidéo, ils sont encodés sur
deux CD au moins.

Cracker : faire « sauter » ou contourner


les éventuels verrous et protections anti­
copie.

CAM : Camcorder, film enregistré au


cinéma avec un caméscope. Souvent
sombre, mal centré, une image qui bouge, la
bande son laissant entendre les spectateurs.
Assez mauvaise qualité généralement.

CBR : (pour les fichiers audio MP3)


Constant BitRate, débit constant.

CSO : Image de CD/DVD compressée. Les formats les plus populaires

DivX : algorithme de compression et de


décompression vidéo permettant de compresser un film pour, le cas échéant, le graver sur un support
de moindre contenance.

DRM : Digital Right Management ou gestion des droits numériques : ensemble des contraintes
d’utilisation liées aux fichiers téléchargés, comme par exemple le nombre de gravures ou de transferts
sur un baladeur autorisés.

DVB ou DVBRip : Digital Video Broadcast Rip, vient du câble ou du satellite (MPEG­2 et AC3).
Bonne qualité.

DVD­R : MPEG­2, taille d'un DVD de 4,7 Go. Un DVD­R possède moins de données qu'un DVD :
légère compression des images, pistes sonores, bonus… supprimés.

DVDRip : Encodage à partir d'un DVD. La meilleure qualité.

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DVTV : Resynchronisation de la bande son copiée de la télé sur un DVD, généralement US.

DVDSCR : DVD promotionnel : message de copyright ou passages noirs et blancs, voire les deux.
Très bonne qualité toutefois, bien que parfois la piste son soit enregistrée à partir d'un autre support.

EAC : (pour les fichiers audio MP3) Exact Audio Copy, nom du logiciel qui a été utilisé pour ripper le
CD audio. C'est le plus fidèle (copies certifiées à 100 % exactes) ; garantie d'une grande qualité.

Extreme/r3mix/... : (pour les fichiers audio MP3) Réglage de LAME utilisé pour encoder. « Extreme
» est le meilleur mode, (CBR 320 kb/s) « r3mix » correspond aux réglages préconisés par le site
Internet r3mix, spécialisé dans l'acoustique.

Fake : fichier contenant un faux film empruntant le nom d’un vrai film.

FTP : protocole internet de transfert de fichiers entre ordinateurs sans l’intervention d’un serveur.

H.264 : Format de compression vidéo basé sur le MPEG­4 (comme le DivX et le XviD), mais avec
une qualité bien supérieure. Compatibilité envisageable avec les platines HD.

HDTV : High Definition TV, DivX encodé à partir d'une télévision haute définition. Qualité
équivalente à un DVDRip (très bonne qualité). Depuis peu, les chaînes françaises émettent en HD donc
le termes FRENCH.HDTV équivaut non pas à un LD mais à un HDTV pure

ISO : image de CD/DVD pouvant être montée virtuellement, l'ordinateur ou la console de jeu
reconnaît le fichier comme un disque.

LD ou Line Dubbed : la bande son du fichier n'est pas le son original, il a été remixé, d'où les
formats LD.DVDRip et LD.HDTV

LD.DVDRip : Fichier de type DVDRip US avec la bande son française par dessus.

LD.HDTV : Fichier de type HDTV US avec la bande son française par dessus.

LAME : (pour les fichiers audio MP3) nom de l'actuel meilleur encodeur MP3 du marché.

LAN : réseau d’ordinateurs connectés au sein d’un espace physique privé.

Master : version numérique originale d’une œuvre (film, musique,...).

OGG : (pour les fichiers audio MP3) Format OGG Vorbis, concurrent sérieux du MP3, de meilleure
qualité à bitrate équivalent.

PDTV : Prise Direct de la télévision. Enregistrement du câble souvent numérique via un décodeur
numérique la qualité est proche du HD.

PROPER : Signifie que le problème du précédent fichier (du même contenu) a été résolu dans celui­
ci (image, décalage du son, coupure...).

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REMIX : Vidéo de source TV de meilleure qualité avec une bande son dans une autre langue
récupérée lors du passage dans le pays cible.

REPACK : Version reconditionnée prenant la meilleure vidéo disponible avec la meilleure piste son.
L'image est souvent améliorée et le film tient sur un seul CD.

Ripper : extraction d’un fichier numérique à partir d’un support physique de qualité DVD, VHS,....

RSS (Really Simple Syndication) : Flux d’information auquel l’internaute peut s’abonner pour
recevoir régulièrement la liste des nouveautés. La réception du flux se fait au moyen d’un logiciel, d’une
page Web ou d’un navigateur Internet approprié.

SUB : Sous­titrage incrusté dans l'image (ne pouvant être effacé), parfois dans deux langues à la
fois, ce qui peut prendre beaucoup de place et être gênant...

TC : TeleCine 35­mm Film, copie numérique de bobines haute qualité.

TNTRip : Release enregistré sur la TNT Française, équivalent à du PDTV ou HDTV

TrivX : Similaire au BivX, mais avec trois bandes sonores. Très rare.

TS : TeleSync Camcorder, film enregistré au cinéma avec une caméra haute définition sur trépied.
L'image ne bouge pas, mais cela reste un CAM...

TVRip : Copie du câble analogique qualité faible à moyenne suivant le « copieur »

VBR : (pour les fichiers audio MP3) Variable BitRate, débit variable. De meilleure qualité que le
CBR, à taux moyen équivalent ;

VHS­Rip : Enregistrement numérique par acquisition d'un film provenant d'une cassette vidéo VHS.

VO : Version originale, non sous­titrée.

VOST : Version originale sous­titrée dans la même langue que l'audio : pour les mal­entendants.

VOSTFR : Version originale sous­titrée en français.

WS : Wide Screen, format 16/9.

XviD : Format concurrent au DivX, lui aussi basé sur le MPEG­4. De très bonne qualité, à présent
lisible sur toutes les platines salon. Certaines options d'encodage rencontrent toutefois des problèmes
de compatibilité sur les équipements anciens.

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Steven LEVY, Hackers, Heroes of the Computer Revolution, Dell Book, New York, 1984.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 87|124
ANNEXES

ANNEXES...........................................................................................................89
Analyse du discours ambiant sur le piratage en France................................................90
L'imaginaire des hackers, des pirates et de l'Internet...................................................107
Les chartes des informaticiens.......................................................................................107
L'éthique des hackers.....................................................................................................107
Les valeurs de Google....................................................................................................107
Des marques, des logos, une identité marketing travaillée.........................................109
Exemple de fichiers NFO insérés dans les contenus....................................................112
Formulaire d' « upload » d'un fichier « .torrent »...........................................................114
La page d'accueil de The Pirate Bay...............................................................................115
Megavideo..........................................................................................................................116
Audience des sites de streaming vidéo..........................................................................116
Processus d'upload d'une vidéo.....................................................................................117
Vid­stream : Film Wall­E...................................................................................................119
RapidShare........................................................................................................................121
Recherche d'un contenu à télécharger sur un site de référencement de lien................121
Téléchargement du contenu correspondant au lien sous RapidShare..........................122
Délai d'attente en phase de téléchargement gratuit.......................................................123

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 88|124
Analyse du discours ambiant sur le piratage en France

Corpus :

– 50 textes issus de la presse quotidienne nationale française sur la période de juin 2008 à septembre 2008 sur la base d'une requête de recherche
définies par les mots clés suivants : « piratage » + « Internet ». (Le Figaro, Le Monde, Libération, Les Échos, Le Nouvel Observateur)

– 20 textes issus de site Internet traitant de l'actualité numérique sur la période de juin 2008 à septembre 2008 sur la base d'une requête de recherche
définies par les mots clés suivants : « piratage » + « Internet ». (Le Journal du Net, 01net., ZDNet, Numerama).

Méthodologie : analyse énonciative et discursive. Pour chaque texte, ont été définies les différentes prise en charge énonciatives et le discours énoncé
correspondant.

Titre de l'article Source Date Énonciateur Extrait Message


«L'internaute attaqué par la SCPP, abonné chez Free était accusé
d'avoir téléchargé, via le logiciel Direct Connect l'équivalent de 121 CD
La justice annule les
Le Journal du de fichiers musicaux, 255 DVD de films et 23 CD de clips musicaux. De le piratage massif grâce à des outils
condamnations de deux 09/06/08 Journaliste
Net son côté, l'internaute attaqué par la Sacem, abonné chez Neuf­Cegetel légaux
amateurs de P2P
était accusé d'avoir mis à disposition, via le logiciel Limewire près de 2
800 fichiers. Les deux internautes avaient reconnu les faits. »
La justice annule les « Le tribunal a en effet jugé que les agents assermentés de la Sacem et
Le Journal du Importance de la protection des
condamnations de deux 09/06/08 Journaliste de la SCPP avaient collecté les adresses IP des internautes soupçonnés
Net données privées
amateurs de P2P de piratage sans accord préalable de la Cnil. Donc de manière illégale.»
La justice annule les « La cour d'appel de Rennes a annulé deux condamnations
Le Journal du Importance de la protection des
condamnations de deux 09/06/08 Journaliste d'internautes téléchargeant sur des réseaux peer­to­peer. La Sacem et
Net données privées
amateurs de P2P la SCPP, à l'origine des plaintes, n'avaient pas obtenu l'aval de la Cnil.»
Christine
Internet : une loi pour Albanel, la « faire baisser le téléchargement illégal de 70 % ou 80 %, grâce à un Lutte contre le piratage et mise en
Le Figaro 19/06/08
lutter contre le piratage ministre de la système de prévention et de répression. » place de mesures
culture
La « loi Internet » vise à Christine « Avec un milliard d'actes de piratage par an, la France détient le record
réduire massivement le Le Figaro 19/06/08 Albanel, la mondial de téléchargements illicites. C'est la rançon du succès de Exception culturelle française ?
piratage ministre de la l'ADSL.»

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 89|124
culture
« Et puis cela fait tellement de bien de se venger de ces méchantes
La musique, c'est aussi Les majors, des industries capitalistes
Les Échos 19/06/08 Journaliste majors de la musique, hideux oligopoles qui durant des décennies se
de l'économie plus que des producteurs artistiques
sont engraissés sur le dos des consommateurs. »
« Ce projet [loi création et Internet] entend criminaliser une activité
La musique, c'est aussi Le piratage comme phénomène très
Les Échos 19/06/08 Journaliste qu'une grande partie des internautes et la quasi­totalité des jeunes
de l'économie répandu et usage banalisé
pratiquent quotidiennement. »
« opérateurs de téléphone mobile ou d'accès Internet, qui sont les
La musique, c'est aussi Le piratage qui profite aux FAI et aux
Les Échos 19/06/08 Journaliste grands gagnants du développement du haut débit, porté lui­même par le
de l'économie opérateurs mobiles
piratage. »
Puisque le piratage est souvent pratiqué par des adolescents et des
Le Conseil d'État précise mineurs, le projet de loi tient à mettre les points sur les « i » : le Responsabilité du piratage endossée
Le Monde 19/06/08 Journaliste
la loi antipiratage gouvernement déléguera aux parents le soin d'expliquer à leurs enfants par les parents
qu'en piratant ils commettent une faute.
Le gouvernement espère
Nicolas « Si rien n'est fait,un jour ou l'autre il n'y aura plus de création. Il n'y a Le piratage comme ennemi de la
réduire le piratage « de Les Échos 19/06/08
Sarkozy aucune raison qu'Internet soit une zone de non­droit» création
70 % à 80 % »
Les offres de
téléchargement légal se Denis Nécessité de concurrencer le piratage
Le Figaro 19/06/08 « Pas de lutte contre le piratage sans offre légale attractive. »
multiplient, leurs prix ne Olivennes avec des offres légales
cessent de baisser
Les offres de « Dans l'audiovisuel comme dans la musique, les lancements se
téléchargement légal se succèdent et les offres s'affinent. Toutes essaient de s'inspirer du Concurrence du piratage qui est illégal,
Le Figaro 19/06/08 Journaliste
multiplient, leurs prix ne comportement de ceux qui pratiquent le téléchargement illégal, gratuit et gratuit et sans limites.
cessent de baisser sans limites. »
Christine
Téléchargement illégal : « Pour mettre fin au piratage d'œuvres culturelles,des messages Lutte contre le piratage et mise en
Albanel, la
vers des sanctions Le Figaro 19/06/08 d'avertissement seront envoyés aux pirates. S'ils récidivent, leur accès place de mesures gouvernementales à
ministre de la
graduées Internet sera suspendu. » l'attention des internautes fraudeurs
culture
AFA,
association
des
fournisseurs
Une loi qui soulève plus Suspension de l'abonnement, Responsabilité de l'abonné, Critiques faites à la loi « Création et
Les Échos 19/06/08 d'accès, ASIC,
d'un problème Proportionnalité de la sanction, Double peine Internet »
association
des
hébergeurs,
CNIL

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 90|124
Faut­il sanctionner le Le piratage comme une continuation
Lili, « Avant on pouvait faire des enregistrements sur des cassettes audio ou
téléchargement pirate sur Le Figaro 20/06/08 de la copie privée autorisée sur les
témoignage vidéos, et personne n'y trouvait à redire. »
Internet ? anciens supports
Faut­il sanctionner le
Franck B. « S'approprier illégalement le bien d'autrui, intellectuel ou matériel, ça
téléchargement pirate sur Le Figaro 20/06/08 Le piratage comme un délit
témoignage s'appelle du vol. »
Internet ?
Faut­il sanctionner le
Flonflon, « Payer la musique et le cinéma aujourd'hui, c'est assurer qu'il en sera Le piratage nuit à la création et à la
téléchargement pirate sur Le Figaro 20/06/08
témoignage encore produit demain. » culture
Internet ?
Faut­il sanctionner le
« Ne pas pénaliser le piratage revient à le légaliser. J'espère que l'on
téléchargement pirate sur Le Figaro 20/06/08 Hervé84 Le piratage comme un délit
pourra aussi voler du pain, des pâtes et de l'essence en toute légalité. »
Internet ?
Le piratage assumé, revendiqué et
Faut­il sanctionner le
Bertrand, « Moi je télécharge et j'ai bien l'intention de continuer. De toute façon, ce encouragé. Distinction faite entre le
téléchargement pirate sur Le Figaro 20/06/08
témoignage que je télécharge, je l'aurai pas acheter. » piratage et la crise que connaît
Internet ?
l'industrie culturelle
Faut­il sanctionner le
Philipp, « Je ne suis pas pour sanctionner, je suis pour trouver une solution pour Le piratage doit initié une dynamique
téléchargement pirate sur Le Figaro 20/06/08
témoignage rémunérer les auteurs. Cette loi ne le fait aucunement. » pour développer des offres alternatives
Internet ?
Bernard Miyet,
président du
directoire de la
Société des « Orange a tiré un premier profit de la piraterie en tant que fournisseur Dénonciation des intérêts
La Sacem s'élève contre
Le Figaro 20/06/08 auteurs, d'accès à Internet. Va­t­il en tirer un second en tant que fournisseur de économiques qui lient es FAI au
les offres illimitées
compositeurs services, avec des niveaux de revenus qui dévalorisent la musique ? » phénomène du piratage
et éditeurs de
musique
(Sacem)
« les tarifs mis en place par les platesformes sont de plus en plus bas Réaction des plateformes légales pour
La Sacem s'élève contre
Le Figaro 20/06/08 Journaliste pour faire face au piratage, réduisant d'autant la part revenant aux concurrencer le piratage, la baisse des
les offres illimitées
sociétés d'auteurs. » prix
Christine
Mme Albanel veut
Albanel, la « ce projet n'est pas du « flicage », mais qu'il répond à une « situation Situation urgente à laquelle il faut
réduire le piratage de 80 Le Monde 20/06/08
ministre de la d'urgence ». » remédier
%
culture
Mme Albanel veut député
« ce projet de loi est contre­productif, politiquement dangereux et Critiques faites au projet de loi
réduire le piratage de 80 Le Monde 20/06/08 européen
juridiquement contraire au droit communautaire » « Création et Internet »
% socialiste Guy

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 91|124
Bono
L'Association
Mme Albanel veut
des « juge le projet de loi « dépassé » et « ridicule » et demande son Critiques faites au projet de loi
réduire le piratage de 80 Le Monde 20/06/08
audionautes retrait. » « Création et Internet »
%
(ADA)
Mme Albanel veut
UFC­ Que « un projet monstrueux conçu par les marchands de disques pour leur
réduire le piratage de 80 Le Monde 20/06/08 Diabolisation des maisons de disque
Choisir intérêt exclusif »
%
Christine Le projet de loi introduit l'obligation,pour chaque titulaire d'un
La responsabilité est portée par
«On sort d'une période Albanel, la abonnement à Internet, d'être responsable de l'utilisation qui est faite de
Libération 23/06/08 l'internaute mais problème de
de liberté totale» ministre de la sa ligne. Mais les abonnés ne sont pas tous, loin de là, férus
compréhension de l'internaute
culture d'informatique. Sont­ils vraiment en mesure d'en comprendre la portée ?
Christine « Quand vous vous abonnez à Internet, il est précisé noir sur blanc dans
«On sort d'une période Albanel, la le contrat que vous êtes responsable de votre connexion. Je concède Nécessité de faire prendre conscience
Libération 23/06/08
de liberté totale» ministre de la qu'aujourd'hui, cette mention est surtout théorique. Nous voulons que de l'illégalité de l'acte de piratage
culture chacun prenne conscience de la portée de son engagement. »
Christine
«On sort d'une période Albanel, la « l'effondrement du secteur de la musique et une réelle menace sur le Le piratage comme cause de la crise
Libération 23/06/08
de liberté totale» ministre de la cinéma. » de l'économie culturelle
culture
Christine
«On sort d'une période Albanel, la « plus on arrive à restreindre le téléchargement illégal, plus on donne Le piratage comme manque à gagner
Libération 23/06/08
de liberté totale» ministre de la ses chances au téléchargement légal me paraît logique. » face à l'offre légale
culture
«la riposte graduée, le pire du pire», en pointant du doigt non seulement Inefficacité des mesures
«On sort d'une période
Libération 23/06/08 Libération les dangers d'une surveillance généralisée des réseaux, mais aussi gouvernementales prises pour lutter
de liberté totale»
l'inefficacité probable de telles mesures. contre le piratage
Christine
« Notre pari, c'est que ce système d'avertissements déclenche dans
«On sort d'une période Albanel, la Nécessité de faire prendre conscience
Libération 23/06/08 l'immense majorité des cas une prise de conscience, une
de liberté totale» ministre de la de l'illégalité de l'acte de piratage
responsabilisation de l'abonné. »
culture
52 des artistes Loi surtout soutenue par les grands
«On sort d'une période
Libération 23/06/08 français les « Ne pillez pas nos œuvres » artistes qui tirent leur revenus de la
de liberté totale»
plus populaires vente CD
PIRATAGE. Cinquante­ « Cinquante­deux artistes « très inquiets » ont signé dans le « Journal
La piratage ennemi inquiétant des
deux artistes « très Les Échos 23/06/08 Journaliste du dimanche » un texte pour soutenir le projet de loi « création et
artistes
inquiets » ont Internet », qui prévoit de renforcer les sanctions contre le piratage

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 92|124
d'œuvres protégées. »
Le « Le gouvernement espère obtenir « une liberté d'expérimentation » Lutte contre le piratage et mise en
EN BREF – Internet Le Figaro 24/06/08 gouvernement européenne sur la lutte contre le piratage sur Internet à l'occasion de la place de mesures avec le soutien de
français présidence française de l'UE. » l'Europe
« Christine Albanel a rappelé le projet de loi « Création et Internet »,
Christine volet préventif du dispositif. « L'enjeu de la présidence française à
Lutte contre le piratage et mise en
La culture européenne Albanel, la l'Union n'est pas d'imposer une approche française à nos partenaires,
Le Figaro 24/06/08 place de mesures avec le soutien de
selon la France ministre de la mais il s'agit d'avancer dans une réflexion commune. On aimerait que
l'Europe
culture les conclusions présentant la défense du droit des créateurs soient une
évidence partagée par l'ensemble des pays. » »
Christine
Loi antipiratage : Paris « La France veut profiter de la présidence française pour faire « avancer Lutte contre le piratage et mise en
Albanel, la
prône « une liberté Les Échos 24/06/08 la réflexion » européenne sur la lutte contre le piratage sur Internet et place de mesures avec le soutien de
ministre de la
d'expérimentation » espère obtenir « une liberté d'expérimentation » dans ce domaine. » l'Europe
culture
Loi antipiratage : Paris
« un projet de loi pour dissuader les internautes de télécharger Le piratage, une responsabilité
prône « une liberté Les Échos 24/06/08 Journaliste
illégalement des œuvres » endossée par l'internaute
d'expérimentation »
En coopérant avec de grands groupes, MySpace réussit un coup
Rupert Murdoch défie Les accusations de piratage donnent
Le Figaro 24/06/08 Journaliste double : il respecte les droits d'auteur et ne peut plus être accusé de
Google une mauvaise image aux plateformes
piratage.
Christine Albanel veut
Le Parlement la coupure d'Internet est «en contradiction avec les libertés civiques et Caractère liberticide de la riposte
une riposte graduée de Libération 25/06/08
européen les droits de l'homme». graduée
l'Europe
Christine
Christine Albanel veut
Albanel, la chaque État membre sera libre de «définir le contenu d'une éventuelle La lutte contre le piratage, une action
une riposte graduée de Libération 25/06/08
ministre de la sanction». européenne
l'Europe
culture
Christine
Christine Albanel veut Lutte contre le piratage et mise en
Albanel, la favoriser les accords entre acteurs de la culture et d'Internet pour lutter
une riposte graduée de Libération 25/06/08 place de mesures avec le soutien de
ministre de la contre le piratage et améliorer l'offre légale.
l'Europe l'Europe
culture
Christine
Christine Albanel veut
Albanel, la mettre en place une réponse «préventive», notamment en envoyant des Cibler directement les internautes
une riposte graduée de Libération 25/06/08
ministre de la avertissements pirates
l'Europe
culture
Le jeu vidéo fait mieux « Tout le contraire du disque et du cinéma, qui ont subi de plein fouet la Crise de l'industrie culturelle à cause
Les Échos 25/06/08 Journaliste
que le cinéma et la révolution technologique et culturelle de la gratuité sur Internet » des contenus gratuits diffusés sur

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 93|124
musique réunis Internet
« L'industrie du jeu vidéo a enregistré un chiffre d'affaires global de 2,96
Le jeu vidéo fait mieux milliards d'euros en France l'an dernier. Elle surpasse désormais le
Le piratage ne concerne pas les jeux
que le cinéma et la Les Échos 25/06/08 Journaliste marché du cinéma et de la musique et devrait encore croître de 15 % en
vidéos.
musique réunis 2008. En plus de toucher de nouvelles cibles, le secteur reste surtout
quasi imperméable au phénomène du piratage. »
« Dans quelques mois le gouvernement s'apercevra que, même freiné Inefficacité des mesures
La méthode du Sapeur Le Nouvel Denis
26/06/08 grâce à la loi sur le téléchargement, le piratage sur internet se gouvernementales prises pour lutter
Camembert Observateur Olivennes
maintiendra à un haut niveau. » contre le piratage
Christine
Les priorités culturelles « la valorisation et l'accès au patrimoine européen, la lutte contre le
Albanel, la Lutte contre le piratage et mise en
de la présidence Le Monde 26/06/08 piratage sur Internet avec la promotion d'une « approche française » sur
ministre de la place de mesures
française la question et la promotion de la diversité culturelle. »
culture
« La Cnil (Commission nationale de l'Informatique et des Libertés) a
Piratage: la tactique du Le Nouvel publié un avis négatif. De nombreux internautes, les associations de Critiques faites à la loi « Création et
26/06/08 Journaliste
gendarme Observateur consommateurs, ainsi que des élus de gauche soulignent les dangers Internet »
du texte. »
« Enfin, cet arsenal ne sera pas forcément efficace: l'imagination des
Piratage: la tactique du Le Nouvel Réaction des internautes et des pirates
26/06/08 Journaliste pirates est telle qu'ils trouveront des parades légales (échanges de
gendarme Observateur à envisager
fichiers entre membres d'un club privé par exemple).»
« Les priorités culturelles de la présidence française Christine Albanel, la
Christine ministre de la culture a dégagé, le 23 juin, trois axes pour la présidence
Record battu à Londres Albanel, la française de l'UE qui commence le 1er juillet : la valorisation et l'accès Lutte contre le piratage et mise en
Le Monde 26/06/08
pour un Monet ministre de la au patrimoine européen, la lutte contre le piratage sur Internet avec la place de mesures
culture promotion d'une « approche française » sur la question et la promotion
de la diversité culturelle. »
«Oui, j'adore ça. Je trouve que c'est brillant et je vais vous dire pourquoi.
La musique devrait être partagée. La seule chose que je n'aime pas
Joss Stone : « le Les artistes qui encourage le piratages
Numerama 27/06/08 Joss Stone c'est le business qui y est attaché. Mais, si la musique est gratuite, il n'y
piratage, c'est brillant » et la diffusion des œuvres
a plus de business, il n'y a plus que la musique. Donc, oui, j'aime ça, je
pense que nous devrions partager »
« la plupart des artistes qui s'opposent aux fans qui téléchargent leur
Joss Stone : « le Dénonciation du lavage de cerveau
Numerama 27/06/08 Joss Stone musique sont subissent un "lavage de cerveau" de la part de leur
piratage, c'est brillant » orchestré par les maisons de disque
maison de disques. »
«Afin de lutter contre le piratage d'oeuvres protégées par le droit
Bientôt une liste de
d'auteur, une future réglementation européenne pourrait intégrer dans Restrictions au niveau des logiciels
logiciels autorisés sur ZDNet.fr 07/07/08 Journaliste
les contrats des fournisseurs d'accès une liste de logiciels que les utilisés par les internautes
internet ?
internautes seraient autorisés à utiliser. »

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 94|124
Benjamin
Henrion,
Bientôt une liste de Fondation pour «Les propositions inscrites en filigrane dans ces amendements Critiques faites au mesures de
logiciels autorisés sur ZDNet.fr 07/07/08 une mèneraient à un "internet soviétique" où les logiciels et services en ligne restrictions des logiciels > Internet
internet ? infrastructure seraient soumis à la permission des régulateurs » soviétique, régime totalitaire
informationelle
libre (FFII)
« La rémunération pour copie privée a pour unique objet de compenser,
Copie privée : le Conseil pour les auteurs, artistes­interprètes et producteurs, la perte de revenus
Le Conseil Le piratage considérés comme copies
d'État donne raison aux Le Monde 14/07/08 engendrée par l'usage qui est fait licitement (...) de copies d'œuvres. Or
d'État français illicites des œuvres.
industriels la décision de la commission avait tenu compte, à tort, du préjudice subi
du fait des copies illicites » (piratage)
« La création, avec l'instauration de règles communes garantissant un
La Méditerranée, une « Le piratage comme un frein à la
Le Figaro 15/07/08 Journaliste statut aux artistes, la protection de leurs œuvres contre le piratage, le
terre » de médias création.
respect de leurs droits d'auteur et de leur liberté d'expression. »
« la justice ni le législateur ne se posent la question. Ils acceptent les Problème de l'incompréhension
Est­ce que leecher c'est
Numerama 18/07/08 Journaliste relevés de preuve des sociétés de lutte contre le piratage comme étant technique et de la toute­confiance
pirater ?
immaculés de toute faille.» accordée à des acteurs prenant parti
« Or nous avons déjà vu l'extrême faiblesse des preuves sur lesquelles
Est­ce que leecher c'est travaillera la Haute Autorité que doit mettre en place la loi Création et
Numerama 18/07/08 Journaliste faiblesse des preuves d'accusation
pirater ? Internet, et la réponse absurde qu'y apporte le ministère de la
Culture... »
Est­ce que leecher c'est «Posez la question à un P2Piste chevronné, il vous répondra oui. Posez
Numerama 18/07/08 Journaliste Flou juridique
pirater ? la question à la Justice, elle aura un doute. »
«Il existe depuis les premiers jours des tricheurs, véritables pirates à
l'abordage des réseaux d'échange de fichiers, qui se contentent de piller
en téléchargeant sans jamais partager ce qu'ils téléchargent.(...)
Est­ce que leecher c'est Certains sont contraints de limiter le volume de leur upload mensuel par Le degré de piraterie pour les amateurs
Numerama 18/07/08 Journaliste
pirater ? leur fournisseur d'accès à Internet. D'autres sont purement égoïstes et du Peer­To­Peer
incivilisés. Et d'autres, enfin, sont des trouillards qui veulent continuer à
télécharger librement mais craignent de se faire prendre dans les mailles
du filet des chasseurs de P2Pistes.»
Viviane
Reding, la «les fournisseurs d'accès à Internet soient obligés, lorsqu'ils signent un
Les FAI doivent informer
Le Journal du commissaire contrat avec leurs clients, de les informer sur les obligations de respect Les FAI comme acteurs de la lutte
leurs clients des risques 23/07/08
Net européenne à du droit d'auteur et des conséquences du piratage. Cette proposition ne contre le piratage contre leurs intérêts
du piratage
la société de doit être ni "diluée, ni éliminée »
l'information

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 95|124
Les FAI doivent informer « La commission européenne et les Etats membres se sont accordés
Le Journal du Les FAI comme acteurs de la lutte
leurs clients des risques 23/07/08 Journaliste sur la nécessité pour les FAI d'informer leurs abonnés des risques qu'ils
Net contre le piratage
du piratage encourent à télécharger des contenus protégés par le droit d'auteur.»
Les ministres européens la commissaire
de la Culture opposés à européenne « J'ai eu, aujourd'hui,l'accord des ministres de la Culture pour que ce La lutte contre le piratage comme
Les Échos 23/07/08
la libéralisation des Viviane texte ne soit ni dilué ni éliminé » action européenne
fréquences Reding.
Les ministres européens Christine « Concernant le piratage sur Internet, Christine Albanel a réitéré, lors du
de la Culture opposés à Albanel, la sommet, son soutien à un amendement controversé de Bruxelles. Le Lutte contre le piratage et mise en
Les Échos 23/07/08
la libéralisation des ministre de la texte doit obliger les fournisseurs d'accès à Internet à rappeler à leurs place de mesures
fréquences culture clients la nécessité de respecter le droit d'auteur. »
La
France 5 modifie ses Commission La Commission européenne et les Etats membres sont tombés d'accord,
Les FAI comme acteurs de la lutte
programmes après Le Monde 24/07/08 européenne et mardi 22 juillet, sur la nécessité d'une « obligation d'information » sur les
contre le piratage
l'arrestation de Karadzic les États conséquences du piratage pour les fournisseurs d'accès à Internet.
membres
Viviane
Reding,
commissaire
France 5 modifie ses Les fournisseurs d'accès soient tenus, lorsqu'ils signent un contrat avec
européenne Les FAI comme acteurs de la lutte
programmes après Le Monde 24/07/08 leurs clients, de les informer sur les obligations de respect du droit
chargée de la contre le piratage
l'arrestation de Karadzic d'auteur et des conséquences du piratage.
société de
l'information et
des médias
Les FAI britanniques
« l'accord aurait été trouvé cette semaine, avant que le gouvernement ne « chantage » entre les FAI et le
acceptent de tester la Numerama 24/07/08 Reuters
mette ses menaces de régulation de force à exécution» gouvernement
riposte graduée
«Les six grands fournisseurs d'accès à Internet britanniques ont cédé
Les FAI britanniques Les pressions exercées sur les FAI
aux pressions conjointes de l'industrie du disque et du cinéma, et des
acceptent de tester la Numerama 24/07/08 Journaliste pour les faire adhérer à la loi
autorités, pour mettre à l'essai la première brique d'une solution de
riposte graduée « Création et Internet »
riposte graduée à la française. »
«Ce qui est drôle, c'est qu'à l'étranger tout le monde montre la France
comme le bon exemple à suivre en matière de riposte graduée (en
Les FAI britanniques oubliant de rappeler que la loi n'est pas encore passée)... et en France Des prises de positions paradoxales
acceptent de tester la Numerama 24/07/08 Journaliste l'industrie du disque affirme que des pays étrangers ont déjà mis en entre l'Europe et la France au sujet de
riposte graduée place la riposte graduée avec succès pour justifier qu'on suive leur la riposte graduée
exemple (en oubliant de dire que c'est un gros mensonge). Pratique
comme mascarade. »

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 96|124
Fédération
Les FAI britanniques Internationale «le processus mis en place l'an dernier en France pour faire participer
Encouragement de l'Europe à la
acceptent de tester la Numerama 24/07/08 de l'Industrie les FAI [à la lutte contre le piratage] bénéficie d'un réel élan
France dans sa lutte contre le piratage
riposte graduée Phonographiqu international »
e (IFPI)
Les ministres
Les fournisseurs d'accès « les fournisseurs d'accès à Internet soient obligés, lorsqu'ils signent un
de la culture de Les FAI comme acteurs de la lutte
à Internet doivent Le Monde 24/07/08 contrat avec leurs clients, de les informer sur les obligations de respect
l'Union contre le piratage
informer les pirates du droit d'auteur et des conséquences du piratage. »
européenne
Piratage : les Viviane
« les fournisseurs d'accès soient tenus, lorsqu'ils signent un contrat avec
fournisseurs d'accès Reeding, Les FAI comme acteurs de la lutte
Le Monde 24/07/08 leurs clients, de les informer sur les obligations de respect du droit
doivent informer leurs commissaire contre le piratage
d'auteur et des conséquences du piratage. »
clients européenne
Les fournisseurs d'accès enverront ainsi chaque semaine des messages
Avertissement aux « Les pirates se multiplient rapidement.
Les Échos 25/07/08 Journaliste aux pirates prolifiques les informant du fait qu'ils ont été placés sous
pirates » Les FAI participent à la lutte.
surveillance.
Les six plus grands fournisseurs d'accès à Internet ­ BT, Virgin,
Avertissement aux « FAI, BPI et Carphone Warehouse, Orange, Tiscali et BSkyB ­ ont signéun accord Le piratage à combattre de front et de
Les Échos 25/07/08
pirates » MPA anglais avec le gouvernement et les industries du film et de la musique pour manière solidaire en Angleterre
lutter contre le piratage.
Plus de 6 millions de Britanniques sont soupçonnés de partage illégal de
Avertissement aux « Le piratage comme cause de la crise
Les Échos 25/07/08 Journaliste fichiers chaque année, ce qui, comme partout, a provoqué
pirates » de l'économie culturelle
l'effondrement du marché des CD et DVD.
«Six des plus importants fournisseurs d'accès à Internet au Royaume­
Royaume­Uni : FAI et Uni ­ BSkyB, British Telecom, Carphone Warehouse, Orange, Tiscali,
Le Journal du Les FAI comme acteurs de la lutte
industriels s'unissent 25/07/08 Journaliste Virgin Media ­ont signé le 24 juillet un accord avec l'Industrie
Net contre le piratage
contre le piratage phonographique britannique (BPI) et l'Association cinématographique
(MPA) pour lutter contre le téléchargement illégal d'oeuvres en ligne. »
Royaume­Uni : FAI et
Le Journal du «Les fournisseurs d'accès se sont également engagés à développer un Les FAI comme acteurs de la lutte
industriels s'unissent 25/07/08 Journaliste
Net dispositif légal de partage de données. » contre le piratage
contre le piratage
Six des plus importants fournisseurs d'accès du pays se sont entendus
Accord sur le piratage au FAI, BPI et avec l'Industrie phonographique britannique (BPI) et l'Association Le piratage à combattre de front et de
Le Monde 26/07/08
Royaume­Uni MPA anglais cinématographique (MPA) pour lutter contre le téléchargement illégal manière solidaire en Angleterre
d'œuvres sur Internet.
P2P : le succès en salle
« il y a une corrélation évidente entre le succès populaire d'un film et le Le piratage touche les contenus
proportionnel au Numerama 28/07/08 Journaliste
nombre de téléchargements qu'il reçoit, ou inversement. » populaires
piratage, ou inversement

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 97|124
Le suivi longitudinal de
l'athlétisme français en Le Monde 29/07/08 Journaliste « le piratage de son adresse Internet fédérale » Piratage comme délit
question
Nintendo et 54 éditeurs «La plainte a été déposée au tribunal d'instance de Tokyo, non pas sur
en guerre contre le linker Numerama 31/07/08 Journaliste la base d'une violation de droit d'auteur, qui est difficile à prouver, mais Le piratage comme concurrent
R4 pour DS pour concurrence déloyale. »
Nintendo et 54 éditeurs «Même si tout va bien sur le plan financier pour Nintendo, la firme Réaction des industries du jeu vidéo
en guerre contre le linker Numerama 31/07/08 Journaliste japonaise n'est pas décidée à laisser le piratage lui grignoter son chiffre qui se trouvent confrontée de plus en
R4 pour DS d'affaires » plus au piratage
OVH donne quelques « il est strictement impossible de vérifier qu'un serveur propose bien un
précisions sur sa Numerama 04/08/08 Journaliste fichier sur BitTorrent... pour la bonne raison que le serveur d'un tracker Limites des actions
politique anti­piratage BitTorrent n'héberge en principe aucun fichier. »
« d'après nos estimations, seulement 300/400 serveurs dédiés sur
OVH donne quelques
hébergeur 40000 font de l'échange de fichiers sous différents formes». on souhaite initiatives de prévention avant que le
précisions sur sa Numerama 04/08/08
OVH casser cette tendance et réduire autant que possible le nombre de phénomène ne s'accroît
politique anti­piratage
serveurs qui font cette activité. »
OVH donne quelques
hébergeur «notre réseau n'a pas de vocation à devenir la poubelle de l'Internet où Initiatives des hébergeurs pour lutter
précisions sur sa Numerama 04/08/08
OVH on peut échanger librement tout sort de fichier illégaux» contre le piratage
politique anti­piratage
Frédéric
Delacroix,
« 450 000 téléchargements illégaux de films récents ont lieu chaque jour
Cinéma : autant de films Association de
en France. C'est autant que le nombre d'entrées vendues Le piratage comme cause de la crise
piratés que d'entrées Le Figaro 06/08/08 lutte contre la
quotidiennement dans l'Hexagone. «Un phénomène majeur qui peut de l'économie culturelle
payées piraterie
mettre en péril l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel» »
audiovisuelle
(Alpa)
Frédéric
Delacroix,
Cinéma : autant de films Association de « Le phénomène est même supérieur puisque nous n'avons mesuré que
Tendance à l'amalgame entre Peer­To­
piratés que d'entrées Le Figaro 06/08/08 lutte contre la la technique de piratage en peer­to­peer (P2P), alors qu'il existe d'autres
Peer et piratage
payées piraterie moyens de télécharger illégalement des contenus. »
audiovisuelle
(Alpa)
Frédéric
Cinéma : autant de films Delacroix, le « Le nombre important d'abonnés au haut débit en France est
Le piratage de films a profité du haut
piratés que d'entrées Le Figaro 06/08/08 délégué directement corrélé au phénomène de téléchargement illégal. Le haut
débit
payées général de débit facilite la copie de fichiers numériques lourds comme les films.» »
l'Association

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 98|124
de lutte contre
la piraterie
audiovisuelle
(Alpa)
«La société se targue ainsi d'offrir une solution légale face au piratage
Google lance un service de grande ampleur qui sévit en Chine. Il choisit aussi une position Google propose des solutions de lutte
de recherche de musique ZDNet.fr 06/08/08 Google opposée à celle de son grand rival sur le secteur de la recherche en contre le piratage en s'appuyant sur la
en Chine ligne en Chine, Baidu, qui est lui­même accusé de faciliter le rémunération par la publicité
téléchargement illégal. »
« C'est là que pointe la dualité du discours de l'industrie du cinéma : les
producteurs se montrent alarmistes avec des chiffres de piratage
Peer­to­peer : 450 000 astronomique, et soulignent l'urgence de la situation. Mais parallèlement
films téléchargés ils restent fidèles aux accords Olivennes, selon lesquels le Double prise de position contradictoire
ZDNet.fr 06/08/08 Journaliste
illégalement chaque jour développement d'une offre légale pouvant réellement concurrencer les des majors et industriels
en France réseaux illégaux (avec des délais raccourcis pour la vidéo à la demande,
par exemple), doit passer après la mise en place de mesures
répressives. »
« Les conclusions de l'association financée par le ministère de la Culture
Piratage : 450 000 films Étude financée par le gouvernement et
Le Journal du et les majors du cinéma font suite à huit mois d'observation, de
téléchargés par jour en 06/08/08 Journaliste les majors pour analyser l'impact des
Net novembre 2007 à juin 2008, du trafic depuis la Toile française vers les
France plateformes Peer­To­Peer
principaux réseaux peer­to­peer basés à l'étranger.»
Association de
Piratage : 450 000 films lutte contre la «impact massif des téléchargements illégaux sur le secteur du cinéma.
Le Journal du Piratage massif de contenus issus de
téléchargés par jour en 06/08/08 piraterie 450 000 films récents seraient ainsi téléchargés chaque jour en
Net l'industrie du cinéma
France audiovisuelle France. »
(Alpa)
YouTube offre
gratuitement les Jeux L'accord couvre « tous les territoires où les droits de vidéo à la demande diffusion gratuite massive pour limiter
Le Figaro 08/08/08 CIO
olympiques dans 77 pays numérique n'ont pas été vendus ou cédés sur une base d'exclusivité ». le piratage des contenus
d'Afrique et d'Asie
YouTube offre
gratuitement les Jeux « Pour la première fois, avec Pékin 2008, la couverture numérique des
Le Figaro 08/08/08 CIO Gratuité de la diffusion
olympiques dans 77 pays Jeux sera disponible gratuitement partout dans le monde »
d'Afrique et d'Asie
Piratage L'organisation
« Reporters sans frontières a piraté vendredi matin une fréquence FM à Le piratage comme moyen de
Reporters sans frontières
Libération 09/08/08 Journaliste Pékin pour évoquer la liberté d'expression en Chine, douze heures pile résistance, pour lutter contre le
a piraté vendredi matin
avant l'ouverture des Jeux olympiques. » totalitarisme
une fréquence FM à

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 99|124
Pékin
« Lancé en mai, cet outil permet aux internautes de revoir à la demande
Télévision : Le
les programmes des chaînes de la TNT qu'il enregistre. Le tribunal de
magnétoscope en ligne Des outils légaux et des usages
01net. 13/08/08 Journaliste grande instance de Paris lui a interdit de proposer des contenus de M6
Wizzgo n'a plus le droit illégaux
et de W9. Wizzgo a fait appel, estimant qu'il oeuvre légalement même
d'enregistrer M6 et W9
s'il n'a passé aucun accord avec les ayants droit. »
« Les procureurs de Rhénanie­du­Nord­Westphalie (Allemagne) ont
annoncé la semaine dernière qu'ils n'allaient plus poursuivre tous les cas
Presse La justice devra
Les procureurs de téléchargements de fichiers protégés par le droit d'auteur, en réaction
dire si la chronique qui a
de Rhénanie­ aux centaines de milliers d'actions judiciaires engagées par les ayants
valu à Siné son éviction Seul le piratage à but commercial sera
Libération 15/08/08 du­Nord­ droit. Le piratage à but commercial sera désormais leur seul cible. Ils ont
de Charlie Hebdo relève puni par la loi.
Westphalie défini deux critères : le nombre de fichiers partagés et leur valeur. En
de l'«incitation à la haine
(Allemagne) dessous d'une valeur globale de 3 000 euros (sur la base de 1 euro pour
raciale».
un morceau de musique, 15 euros pour un film), l'internaute fautif ne
sera plus poursuivi. »
Musique : U2 piraté à «Un fan du groupe a réussi à enregistrer quatre chansons de l'album à Des cas de piratage de contenu à
cause de son chanteur 01net. 19/08/08 Journaliste venir. Postées un temps sur YouTube, elles sont disponibles en peer­to­ cause de fuites provenant des artistes
Bono peer. Mais le chanteur n'y serait pas pour rien... » même
« Ouvert à la fin de juillet et enregistré aux Caraïbes, le site
Mygazines, le kiosque à
Mygazines.com propose aux internautes de scanner journaux et Nouveaux sites proposant des outils
journaux qui facilite le 01net. 19/08/08 Journaliste
magazines afin de les mettre à la disposition de tous au format PDF. pour des usages pirates
piratage
Gratuitement... et illégalement. »
« Plus de 7 000 Britanniques suspectés d'échanger illégalement des
Les internautes pirates tenus comme
fichiers audiovisuels sur Internet, risquent des poursuites judiciaires. Le
EN BREF – Piratage Le Figaro 21/08/08 Journaliste responsables de leurs actes et
cabinet d'avocat londonien Davenport Lyons veut réclamer des
pénalisés
dommages et intérêts devant la Haute Cour. »
« Avec 20, 3 millions d'entrées depuis sa sortie le 20 février, le film de
EN BREF « Les Ch'tis » Danny Boon ne parviendra pas à dépasser les 20,7 millions réalisés du
Le piratage comme un frein à
ne battront pas « Titanic Le Figaro 21/08/08 Journaliste long­métrage américain avant la sortie du DVD le 29 octobre. La faute
l'économie culturelle française.
» peut­être au piratage puisque Les Ch'tis ont été téléchargés entre 600
000 et 700 000 fois sur Internet. »
Le record d'entrées de
« En imaginant que chaque téléchargement est visionné par trois
Bienvenue chez les Le piratage comme cause de la crise
ZDNet.fr 21/08/08 Pathé personnes, on a l'équivalent de 2 millions d'entrées. Or il va nous
Ch'tis entravé par le de l'économie culturelle
manquer environ 300 000 entrées pour battre Titanic »
piratage ?
Le record d'entrées de
« Le piratage nous a joué un petit tour. En 1998 (date de sortie de Le piratage comme cause de la crise
Bienvenue chez les ZDNet.fr 21/08/08 Pathé
Titanic), il n'y avait pas d'internet à haut débit.» de l'économie culturelle
Ch'tis entravé par le

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 100|124
piratage ?
Le record d'entrées de
Bienvenue chez les « si le film de Dany Boon échoue d’un rien derrière Titanic au nombre Le piratage comme cause de la crise
ZDNet.fr 21/08/08 Pathé
Ch'tis entravé par le des entrées, il le doit au piratage » de l'économie culturelle
piratage ?
Le record d'entrées de Critique du raccourci rapide fait entre le
« comment affirmer que trois personnes visionnent une copie piratée et
Bienvenue chez les résultat des entrées d'un film et le
ZDNet.fr 21/08/08 Journaliste être certain qu'un utilisateur qui a téléchargé le film n'a pas ensuite (ou
Ch'tis entravé par le nombre de téléchargement : syndrome
avant) payé sa place de cinéma ?»
piratage ? « c'était mieux avant »
« Doroshow s'est particulièrement illustré en mettant en oeuvre le
L'industrie du jeu vidéo mécanisme de justice industrielle privée à l'encontre des P2Pistes
Mesures drastiques aux USA pour
embauche le monsieur Numerama 22/08/08 Journaliste américains, qui disposent désormais d'un site Internet pour régler en
lutter contre le piratage
procès de la RIAA ligne leurs amendes à prix soldé s'ils veulent éviter d'aller devant les
tribunaux.»
L'industrie du jeu vidéo « le piratage des jeux vidéo s'accentue en Grande­Bretagne, où une
embauche le monsieur Numerama 22/08/08 Journaliste mère de deux enfants au chômage a été condamnée à payer 20.000 des peines irraisonnées
procès de la RIAA euros pour avoir téléchargé un jeu de flipper pour ses enfants»
L'industrie du jeu vidéo «Faut­il s'attendre à voir l'industrie du jeu vidéo adopter les mêmes Critiques faites aux par l'industrie du
embauche le monsieur Numerama 22/08/08 Journaliste tactiques anti­piratage inefficaces et désastreuses pour leur image que disque au sujet des mesures prises
procès de la RIAA l'industrie du disque ? » pour lutter contre le piratage
MySpace se rêve « téléchargement MP3 sans DRM (les verrous numériques censés
Libération 25/08/08 Journaliste Doutes sur l'efficacité des DRM
concurrent d'iTunes protéger les droits d'auteurs et empêcher le piratage) »
Xavier Niel,
« Free ne mettra pas en œuvre le filtrage tant que cela ne lui sera pas
fondateur et
Free est déterminé à se imposé par un juge, a­t­il affirmé. Ce serait comme demander à La
principal
lancer dans le téléphone Le Figaro 29/08/08 Poste d'ouvrir toutes les lettres pour regarder ce qu'il y a dedans.
actionnaire du
mobile Pourquoi sacrifier la liberté de tous et l'intérêt collectif pour préserver les
fournisseur
intérêts de quelques artistes qui gagnent déjà beaucoup d'argent ? »
Internet Free
Le patron de Free «Ce qui se dessine, en dépit de l'opposition de la Commission nationale Critiques faites au projet de loi
patron de Free,
(re)flingue le projet de loi ZDNet.fr 29/08/08 de l'informatique et des libertés, du Conseil d'État et du parlement « Création et Internet » : flicage des
Xavier Niel
HADOPI européen, c'est bel et bien le flicage systématique de nos abonnés » abonnés
« HADOPI n'est pas aujourd'hui une bonne loi pour les Français. S'il FREE milite pour le retour à la licence
s'agit de préserver les intérêts de quelques artistes qui gagnent globale qui est dans l'intérêt des FAI
Le patron de Free
patron de Free, beaucoup d'argent, ça n'a peut­être pas grand sens. Redéfinissons un puisqu'elle leur permettrait de toucher
(re)flingue le projet de loi ZDNet.fr 29/08/08
Xavier Niel certain nombre de choses, reprenons la licence légale, étudions un une commission sur le forfait à payer
HADOPI
certain nombre de solutions alternatives, ne forçons pas le filtrage de pour profiter du téléchargement en
milliers de choses pour simplement rendre service à quelques­uns » ligne

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 101|124
«Le site de vidéo en streaming gratuit créé par l'industrie audiovisuelle
Des séries sur Internet
américaine Hulu, malheureusement réservé exclusivement aux Initiatives légales pour concurrencer le
avant leur diffusion TV Numerama 03/09/08 Journaliste
Américains, continue à tout faire pour séduire (avec succès) les piratage
avec Hulu
internautes pour les détourner des offres de piratage. »
Xavier Niel en remet une
Le Journal du patron de Free, « il qualifiait le projet de loi Création et Internet (ex­HADOPI) de Critiques faites au projet de loi
couche contre la loi anti­ 04/09/08
Net Xavier Niel "liberticide» « Création et Internet »
piratage
« aujourd'hui on veut appliquer aux pirates des règles que l'on n'oserait
Critiques faites au projet de loi
pas appliquer aux terroristes et aux pédophiles. […] Dans la musique, il
« Création et Internet » de la part des
Xavier Niel en remet une y a quelques personnes qui vivent très bien, et beaucoup de personnes
Le Journal du patron de Free, FAI pour préserver leurs intérêts.
couche contre la loi anti­ 04/09/08 qui vivent très mal. Pour favoriser l'intérêt de ces quelques personnes
Net Xavier Niel Arguments : des mesures
piratage qui vivent très bien, on va attenter à nos libertés d'une manière que l'on
disproportionnées, injustes, liberticides
n'oserait pas pour notre sécurité intérieure (terrorisme) ou notre intégrité
et difficiles d'application.
(pédophilie, viol)»
Xavier Niel en remet une
Le Journal du patron de Free, «notre été sera studieux. Nous avons d'abord envie de nous battre
couche contre la loi anti­ 04/09/08 FREE entre en résistance
Net Xavier Niel contre la loi HADOPI »
piratage
coordination
Isoc Europe dénonce la « une réponse disproportionnée à l'objectif de développement de
européenne de Manque de compréhension de ce
riposte graduée prônée contenus créatifs en ligne. Les mesures et les sanctions proposées
ZDNet.fr 08/09/08 l'Internet qu'est l'Internet pour les initiateurs de
par la loi Internet et reflètent un manque de compréhension de ce qu'est internet . La riposte
Society (Isoc la loi.
Création graduée et le projet HADOPI apparaissent comme rétrograde»
ECC)
«Ce processus « nécessiterait la collecte et la conservation de quantités
phénoménales de données personnelles dans le cadre d'une enquête
coordination
Isoc Europe dénonce la sur les internautes soupçonnés de piratage », dénonce l'Isoc. « De plus,
européenne de
riposte graduée prônée dans le cas français, les données relatives aux supposés pirates ne
ZDNet.fr 08/09/08 l'Internet Violation de la vie privée
par la loi Internet et correspondraient pas nécessairement à celles des véritables
Society (Isoc
Création "infracteurs". Une protection non adéquate, une perte ou un
ECC)
détournement de ces données causeraient un préjudice particulièrement
grave aux familles ou aux individus concernés »
coordination
Isoc Europe dénonce la
européenne de «riposte n'a rien de graduée, car « couper la connexion des foyers Critiques faites au projet de loi
riposte graduée prônée
ZDNet.fr 08/09/08 l'Internet empêche l'accès à de nombreux services aussi bien publics que privés : « Création et Internet », des mesures
par la loi Internet et
Society (Isoc déclaration d'impôts, banque à distance, mais aussi éducation » » injustes et trop approximatives.
Création
ECC)
Isoc Europe dénonce la coordination « Il est impossible d'affirmer que, si ces actes [de piraterie] étaient ISOC dénonce les raccourcis rapides
riposte graduée prônée ZDNet.fr 08/09/08 européenne de empêchés, les internautes concernés achèteraient les mêmes fichiers faits entre le piratage et la crise de
par la loi Internet et l'Internet multimédias (le plus souvent des morceaux de musique ou des films) au l'industrie culturelle

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 102|124
Society (Isoc
Création prix de détail actuel, par exemple sur CD ou DVD»
ECC)
Isoc Europe dénonce la coordination
« contre les projets français et européen de riposte graduée. Elle parle
riposte graduée prônée européenne de Critiques faites au projet de loi
ZDNet.fr 08/09/08 de réponse disproportionnée et rétrograde, et s'inquiète du cadre légal
par la loi Internet et l'Internet « Création et Internet »
autour de la collecte des données des pirates.»
Création Society
«Cher utilisateur ! Votre
Riposte graduée appliquée aux États­
récente activité sur Mais en fait non : il s'agit d'un spam et la pièce jointe est infectée par un
Libération 09/09/08 Journaliste Unis qui donne lieu l'envoi de spams &
Internet a été repérée sur virus.
virus aux utilisateurs
les sites suivants ».
MediaDefender
, société
américaine «Cher utilisateur ! Votre récente activité sur Internet a été repérée sur les
«Cher utilisateur ! Votre spécialisée sites suivants [...]. Nous avons mis en pièce jointe le constat des films,
récente activité sur dans la lutte musiques et logiciels que vous avez téléchargés ou cherchés sur ces Menaces dirigées directement vers
Libération 09/09/08
Internet a été repérée sur contre le pages web. Nous vous recommandons fortement d'arrêter dans le futur l'utilisateur
les sites suivants ». piratage des toute activité de téléchargement de contenus illégaux, sinon vous
médias pouvez vous attendre à une poursuite...»
protégés par
copyright.
internetmonam C'est un droit; nous désirons partager et être téléchargés, sans filtrage
Revendication et encouragement du
our.fr collectif aucun. C'est une nécessité; nous espérons que le principe démocratique
«Téléchargez­moi» Libération 10/09/08 téléchargement, refus du terme
d'artisans du selon lequel l'œuvre existe ou n'existe pas au travers du regard de l'autre
piratage
réseau. s'applique à cette multiplicité que d'autres nomment «piratage».
internetmonam
our.fr collectif « Très sérieusement et depuis longtemps, nous nous posons la question
«Téléchargez­moi» Libération 10/09/08 Remise en cause du droit d'auteur
d'artisans du du droit d'auteur »
réseau.
internetmonam « il met surtout en place la «riposte graduée» contre le téléchargement
our.fr collectif illégal, c'est­à­dire une surveillance sans précédent des faits et des Mise en garde contre les mesures
«Téléchargez­moi» Libération 10/09/08
d'artisans du gestes des internautes et leur exclusion en cas d'activités contraires à gouvernementales liberticides
réseau. cette loi. »
Christophe
« La consommation de musique explose, de manière légale ou illégale.
Les maisons de disques Lameignère, Relativisation du problème de
L'accès à la musique est excellent. Quand c'est illégal, bien sûr, cela fait
n'attendent pas la riposte 01net. 10/09/08 PDG de Sony piratage : l'essentiel est que les gens
mal, mais le problème pourrait être que les gens n'écoutent plus de
graduée avant Noël BMG en écoutent encore de la musique
musique. Ce qui n'est pas le cas. »
France
Quand l'UMP débat du 01net. 11/09/08 UMP « Piratage : attention, ça tue. » Prise de position politique

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 103|124
piratage, c'est sans
contradicteurs
« ce « grand débat » n'était ni plus ni moins qu'un « exercice de
Pour l'envoyé
communication » destiné à vendre le projet de loi. Le journaliste ironise
Quand l'UMP débat du spécial à La loi « Création et Internet » vue
sur le « faux duplex entre Luc Besson et des jeunes au visage flouté »,
piratage, c'est sans 01net. 11/09/08 Royan de comme une stratégie de
censés être des pirates. Et s'étonne que la salle applaudisse à l'idée de
contradicteurs l'hebdomadaire communication politque.
taxer les fournisseurs d'accès à Internet, c'est­à­dire à l'idée de créer un
Le Point,
nouvel impôt. »
Quand l'UMP débat du « La loi Création et Internet, ou un cadeau de plus aux majors. Je suis Certaines voix dissonantes au sein du
piratage, c'est sans 01net. 11/09/08 Militant UMP d'accord avec l'UMP dans beaucoup de ses projets mais, du côté des parti UMP concernant la loi « Création
contradicteurs nouvelles technologies, on a toujours été à la ramasse.» et Internet »
Pascal Nègre,
Quand l'UMP débat du
PDG de
piratage, c'est sans 01net. 11/09/08 «intervention contre le principe de la licence globale » Les majors contre la licence globale
Universal
contradicteurs
Music France
« Le marché des ventes de musique en France a baissé de 12,2 % par
rapport à l'année dernière, a annoncé le Syndicat national de l'édition
Le piratage comme un frein à
phonographique. En berne depuis 2002, l'industrie musicale a perdu
Variétés ­ Disque dur Libération 11/09/08 Journaliste l'économie culturelle française. Raison
plus de 52 % de sa valeur, en partie à cause du piratage sur Internet.
de la crise de l'industrie musicale
Les ventes numériques (Web et téléphonie mobile), en hausse de 56,9
%, ne compensent nullement l'effondrement du marché. »
« Le journaliste fait référence à un fichier BitTorrent sur lequel quelqu'un
Metallica contraint a modifié les chansons originales. Le journaliste explique précisément là
d'annuler une interview : où il faut aller pour télécharger le fichier qui viole totalement le droit Piratage comme une atteinte à
Numerama 15/09/08 Universal
le journaliste était un d'auteur. Ca n'est pas seulement un fichier illicite, c'est aussi un fichier l'intégrité de l'œuvre et au droit d'auteur
pirate modifié. Le critique écrit également que c'est comme cela que l'album
aurait dû sonner»
Metallica contraint « Le partage de fichiers musicaux est illégal, point barre. Il n'y a rien à
d'annuler une interview : débattre. Le fait que Sydsvenskan ait un auteur qui a téléchargé cette
Numerama 15/09/08 Universal Piratage comme délit, inacceptable
le journaliste était un musique illégalement et qui fait ensuite mention d'un site illégal dans sa
pirate critique est totalement inacceptable pour nous»
«Le groupe qui a contribué à faire chuter Napster se cherche désormais
une nouvelle virginité, en allant jusqu'à se féliciter de la diffusion de son
Metallica contraint
nouvel album sur BitTorrent, mais sa maison de disques européenne
d'annuler une interview : Dissonances entre les artistes et leur
Numerama 15/09/08 Journaliste Universal ne l'entend pas de la même oreille. La division suédoise du
le journaliste était un maisons de disque
label Universal Music a en effet décidé d'annuler une interview
pirate
programmée avec le journal Sydsvenskan après que l'un de ses
critiques musicaux a fait référence publiquement à une version qu'il avait

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 104|124
téléchargé sur The Pirate Bay. »
Christine Albanel veut « Ce séminaire, préparé par le ministère avait pour objectif de Lutte contre le piratage et mise en
Le Journal du
sensibiliser l'Europe au 19/09/08 Journaliste sensibiliser les acteurs européens à la lutte contre le piratage au sein de place de mesures avec le soutien de
Net
piratage l'UE.» l'Europe
Les jeux de la Wii piratés « C'est l'éternel paradoxe de la lutte contre le piratage. Plus les Inefficacité des mesures prises par les
sans l'installation d'une Numerama 19/09/08 Journaliste industriels tentent de le bloquer, plus les hackers trouvent le moyen de le industriels pour lutter contre le piratage
puce rendre encore plus simple. » et la longueur d'avance des pirates
Les jeux de la Wii piratés « Bravo ! Je me fiche de savoir qui a révélé le Backup­Loader, écrit le
Rivalités et susceptibilités dans la
sans l'installation d'une Numerama 19/09/08 Waninkoko hackeur, mais c'est désormais OFFICIELLEMENT un projet abandonné.
sphère pirate
puce Profitez­en.»
Les jeux de la Wii piratés «L'authenticité du Wii Backup Loader a été confirmée par Waninkoko,
sans l'installation d'une Numerama 19/09/08 Journaliste bien connu des amateurs de hacks pour avoir déjà sorti plusieurs Les stars du piratage
puce logiciels pour la Nintendo Wii. »
«Mais voilà, le Wii Backup Loader pourrait ne jamais voir le jour.
Les jeux de la Wii piratés
Mécontent que les vidéos aient filtré avant l'annonce officielle du hack, Rivalités et susceptibilités dans la
sans l'installation d'une Numerama 19/09/08 Journaliste
Waninkoko a annoncé ce vendredi sur son site qu'il ne serait pas sphère pirate
puce
publié. »
Christine
Projet de loi contre le
Albanel, la Urgence pour résoudre un phénomène
piratage : Albanel espère Les Échos 19/09/08 « Il y a urgence à faire cesser le pillage des œuvres en ligne »
ministre de la de l'ordre du délit massif
une adoption cette année
culture

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 105|124
L'imaginaire des hackers, des pirates et de l'Internet

Les chartes des informaticiens

Patrice FLICHY, L'imaginaire d'Internet, La Découverte, Paris, 2001.

« 1. L'échange et la coopération ont d'abord lieu entre spécialistes et entre personnes ayant les
mêmes intérêts.
2. C'est une communauté d'égaux où le statut de chacun repose essentiellement sur le mérite,
évalué par les pairs.
3. La coopération est centrale au cœur de cette activité scientifique.
4. C'est un monde à part séparé du reste de la société. »

L'éthique des hackers

Steven LEVY, Hackers, Heroes of the Computer Revolution, Dell Book, New York, 1984.

« 1. L'accès au ordinateurs devraient être totale et sans limite.


2. Toute information devrait être libre.
3. Il convient de se défier de l'autorité et de promouvoir la décentralisation.
4. Les hackers devraient être jugés sur leur production et non sur de faux critères comme le
diplôme l'âge, la race ou la situation sociale.
5. On peut créer de l'art et de la beauté avec un ordinateur.
6. Les ordinateurs peuvent transformer votre vie, pour le meilleur. »

Les valeurs de Google

Extrait des documents officiels de Google

« Why work for Google?


1. Lend a helping hand. With millions of visitors every month, Google has become an essential
part of everyday life – like a good friend – connecting people with the information they need to
live great lives.
2. Life is beautiful. Being a part of something that matters and working on products in which you
can believe is remarkably fulfilling.
3. Appreciation is the best motivation, so we've created a fun and inspiring workspace you'll be
glad to be a part of, including massage and yoga; professional development opportunities; and
plenty of snacks to get you through the day.
4. Work and play are not mutually exclusive. It is possible to code and pass the puck at the
same time.
5. We love our employees, and we want them to know it. Google offers a variety of benefits,
including a choice of medical programs, company­matched 401(k), stock options, maternity and
paternity leave, and much more.
6. Innovation is our bloodline. Even the best technology can be improved. We see endless
opportunity to create even more relevant, more useful, and faster products for our users. Google
is the technology leader in organizing the world’s information.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 106|124
7. Good company everywhere you look. Googlers range from former neurosurgeons, CEOs,
and U.S. Puzzle champions to alligator wrestlers and former­Marines. No matter what their
backgrounds Googlers make for interesting cube mates.
8. Uniting the world, one user at a time. People in every country and every language use our
products. As such we think, act, and work globally – just our little contribution to making the
world a better place.
9. Boldly go where no one has gone before. There are hundreds of challenges yet to solve.
Your creative ideas matter here and are worth exploring. You'll have the opportunity to develop
innovative new products that millions of people will find useful.
10. There is such a thing as a free lunch after all. In fact we have them every day: healthy,
yummy, and made with love. »

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 107|124
Des marques, des logos, une identité marketing travaillée

Les différents logos et noms de marques arborent des stéréotypes qui


permettent d'inscrire l'entreprise dans sa sphère d'activité à la fois
technique, économique, politique et sociale. Du point de vue des noms des
marques, nous pouvons remarquer que les acteurs se partagent en
« familles techniques ». Par exemple, le nom eMule est une adaptation
française du nom du logiciel client Peer­To­Peer eDonkey (Donkey signifiant
« âne » et « e », « electronic »). Le créateur d'eMule a voulu se positionner
en tant que successeur d'eDonkey, le logiciel eMule étant plus
performant et abouti que le précédent, mais sans rompre l'esprit
ludique du milieu. Le logo d’eMule est également parlant : le
« e » inscrit dans un schéma de réseau étoilé fait référence au
Peer­To­Peer, la mascotte de la « mule » tirant la langue donne
un côté moqueur et impertinent à la marque et le nom de
domaine www.emule­project.net rappelle le côté « projet » (tel
que les chercheurs en informatique de l’ARPNET) de l’entreprise.

Shareaza est également un eu de mot formé à partir du mot « share » en anglais qui signifie
partager et du prénom « Shéhérazade » qui rappelle le personnage du conte des Mille et Une Nuits. La
terminaison phonétique « aza » ne va pas sans rappeler un de ses concurrents, Kazaa : Shareaza se
voulait plus efficace et puissant, il était un des premiers logiciels à permettent une recherche
transversale entre les différents protocoles eDonkey2000, Gnutella, Gnutella 2 et BitTorrent.

Avec l'avènement du protocole de partage « torrent » mis en


place par l'entreprise BitTorrent (« Bit » représentant l'unité de
« poids » ou de stockage d'un fichier numérisé et « torrent »
signifiant littéralement « flot », « torrent »), de nombreux sites
fondés sur la même technologie se sont réapproprié le nom
« torrent » à leur manière. Quelques exemples : Torrentspy
(« l'espion torrent »), Torrentz (phonétisation du nom « torrent » au
pluriel), PizzaTorrent, NowTorrents, LookTorrent, Torrents.to,
Morrent, Torrent­Finder, TorrentScan ou encore Torrentreactor (« réacteur de torrent »).

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 108|124
Le logiciel µTorrent joue sur un subtil jeu de mots : il devrait être
prononcé « microtorrent » (c'est une version allégée de logiciel de
téléchargements basé sur le protocole « torrent », « a (very)
bittorrent client » ) mais tend à être prononcé « youtorrent ». En
effet, les URL des sites ne prennent pas en charge les caractères spéciaux tels que « µ » et l'adresse
du site devient http://www.utorrent.com/. Ainsi, « u » qui est l'acronyme de « you » en anglais, la
marque « µtorrent » fait parallèlement référence au site « YouTorrent » passé du côté de la légalité mais
aussi au site YouTube ; ici « utorrent » signifierait « toi torrent ».

Certaines marques sont plus axées sur la puissance comme


TorrentReactor ou Mininova. Plateforme très connue, cette
dernière tire son nom de Suprnova, le projet fondateur qui a du
mettre fin à son activité illégal sous la pression des tribunaux. Une
nova ou supernova représente en astronomie une augmentation
soudaine et importante de la brillance d’une étoile.

En ce qui concerne les plateformes de téléchargement direct de


fichiers lourds telles que RapidShare, MegaUpload, EasyShare,
FileFactory, MegaShare, ZShare, les logos font d'avantage allusion à la
puissance pour illustrer l’efficacité du réseau et des débits de
téléchargement. Les termes utilisés tels que « filehosting »
(« hébergement de fichier », un terme qui ne peut être encore considéré
comme « grand public »), « upload », « file » rappellent que les services sont fournis avant tout à
travers un dispositif technique.

Mais au delà de faire référence à la technologie « torrent » et de l'enrichir de termes liés aux
champs lexicaux de la puissance, du partage de données et de la technique, ces sites choisissent de
se nommer de cette manière afin de bénéficier par la même occasion d'un référencement naturel sur
les moteurs de recherche encore plus aisé.

D'un point de vue graphique, nous remarquons que certaines


formes sont fréquemment reprises, notamment celle symbolisant le
réseau. Utilisée dans le logo d'eMule puis dans celui de torrentspy,
la grenouille d'Azureus nous rappelle le réseau par la forme de ses
pattes. Les symboles de flèches et de vagues illustrent la rapidité,

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le mouvement, le transfert.

Le logo du site ImageShack qui propose un


service de stockage et de partage d'images
reprend à sa manière le logo de la grenouille.
Ce peut être une manière de signifier que le
site adhère à la mouvance Peer­To­Peer et
donc encourage le partage de fichier, quitte à fermer les yeux sur les droits... d'autant plus que l'URL du
site nous fournit un joli jeu de mot : imageshack.us qui peut être compris soit comme « image shack
.us », c'est­à­dire « la cabane d'image » et « .us » pour les états­unis, soit comme « images hack us »,
c'est­à­dire « images piratez­nous ». Ce site est notamment utilisé pour stocker les images de très
bonne qualité destinées à l'impression et donc très lourdes comme les jaquettes de DVD ou les séries
de BD mangas. Ce sont tout autant de signes qui amènent une consistance à des marques de services
qui n'existent qu'en ligne.

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Exemple de fichiers NFO insérés dans les contenus

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Formulaire d' « upload » d'un fichier « .torrent »

Le formulaire du site du tracker de la Titans­Team à remplir pour "uploader" un fichier ".torrent"

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La page d'accueil de The Pirate Bay

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Megavideo

Audience des sites de streaming vidéo

Comparaison des audiences des sites de YouKu, Dailymotion et Megavideo.

Comparaison des audiences des sites Youtube et Dailymotion

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Processus d'upload d'une vidéo

Étape 1 : formulaire d'"upload"

Bannière promortionnelle pour MegaRotic Bannière promortionnelle pour MegaRotic

Étape 1 : formulaire d'"upload"

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 116|124
Étape 2 : transfert de données en cours

Étape 2 : transfert de données terminé

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 117|124
Vid­stream : Film Wall­E

En cliquant sur les liens proposés par Vid­stream, l'internaute est redirigé vers le site Megavideo. En
septembre 2008, le film était disponible sur Megavideo en très bonne qualité CAM, c'est­à­dire, un
enregistrement en salle qui permettait d'obtenir une image et un son corrects. Suite à une plainte des
ayants droit, le contenu a été retiré, Vid­stream pointait alors vers un lien mort. En octobre 2008, le lien
a été réactivé. Il pointe désormais vers un autre enregistrement en salle de moins bonne qualité.
Toujours pas signalé, on peut supposer que les ayants droits estiment que la mauvaise qualité du
contenu ne nuit pas à la diffusion légale de l'œuvre.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 118|124
Le film Wall­E disponible en streaming sur Megaideo (qualité CAM) en septembre 2008

Le film Wall­E disponible en streaming sur Megavideo (qualité CAM) en octobre 2008

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RapidShare

Recherche d'un contenu à télécharger sur un site de référencement de lien

Liens de téléchargement de la série Heroes épisode 4 saison 3 à partir du site Katz.to

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Téléchargement du contenu correspondant au lien sous RapidShare

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Délai d'attente en phase de téléchargement gratuit

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 122|124
RÉSUMÉ

« Avec un milliard d'actes de piratage par an, la France détient le record mondial de
téléchargements illicites. »106
Le piratage a la cote en France. Films, séries, musique, jeux vidéos, livres... Presqu'aucun secteur
de l'industrie culturelle ne semble y échapper. La pratique illégale de la consommation d'œuvres et de
biens protégés par le copyright, via Internet, sans rémunération des ayants droit ne cesse de croître et
de s'étendre progressivement à toutes les couches de la société. Malgré la loi déjà en vigueur, les
usages illégaux de l'Internet continuent et que les plaintes portées devant les tribunaux déclenchent de
vives polémiques. Les abonnés ne semblent donc pas conscient de l'illégalité de leurs actes et refusent
d'en assumer les conséquences.

La problématique de ce travail est la suivante : dans quelles mesures et par quels moyens, les
dispositifs, qui offrent aux internautes la possibilité de consommer via Internet des biens culturels en
outrepassant le copyright, jouent sur la capacité de l'internaute à prendre conscience de la légalité ou
de l'illégalité de son acte, usent de l' « effet de légal »?

En s'appuyant sur de nombreuses analyses des dispositifs et des discours, des recherches
documentaires, des entretiens avec des acteurs de ces dispositifs, nous avons pu cerner différents
points clés des mécaniques de responsabilisation des internautes face à l'acte de piratage.

Les discours qui portent sur le piratage s'entremêlen pour laisser place à un trop plein d'idées et de
mots qui peinent à faire sens pour le grand public. Laissés à leur propre évaluation du problème, les
internautes vont avoir tendance à se laisser guider par leurs représentations de la légalité sur Internet et
par leur ressenti personnel de leur culpabilité ou de leur droit à consommer ces œuvres culturelles au
travers les dispositifs étudiés. Ces dispositifs vont de leur côté adopter un discours paradoxal : se
dégager de toute responsabilité de l'usage dont est fait le site pour dans le même temps offrir un
environnement favorable à l'usage illégal. Cet environnement chargé de conditionné l'utilisateur va
chercher à alléger l'internaute des responsabilités que font peser sur lui les autorités et l'encourager à
rejoindre la communauté des utilisateurs.

Ce travail nous amène à repenser les relations qui peuvent s'établir entre un internaute, un site
Internet et un bien culturel. Nous assistons à un phénomène d'aplanissement des valeurs : le flux a
rejoint le stock, le téléchargement légal progresse, le téléchargement illégal aussi, le public remplit les
salles de concert et de cinéma mais aussi les disques durs... Il serait alors intelligent pour une
entreprise médiatique de tirer partie au mieux de ces différents dispositifs comme le font déjà les

106Propos tenus par Christine Albanel, Ministre de la Culture, et recueillis par [Paule GONZALES], La « loi Internet »
vise à réduire massivement le piratage, Le Figaro Économie, Paris, 2008.

Nawel TAGOURTI – MASTER 2 MISC – CELSA Université Paris IV 2007 / 2008 page 123|124
maisons de production des séries américaines ou encore les sites indépendants de musique. Une
stratégie de diffusion de contenus culturels peut s'enrichir en exploitant les caractéristiques propre de
chaque dispositif de diffusion. La question n'est pas de céder face au piratage mais de s'organiser pour
l'intégrer dans la stratégie de diffusion des œuvres. Et une bonne intégration stratégique de ces
dispositifs passe par une excellente compréhension des usages, des motivations et des mécaniques
sous­jacentes.

Mots clés : piratage, industrie culturelle, peer­to­peer, streaming, téléchargement, responsabilités,


déresponsabilisation, conscience.

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