RONSARD Étude Du Sonnet 60
RONSARD Étude Du Sonnet 60
RONSARD Étude Du Sonnet 60
Le texte
Comme un Chevreuil, quand le printemps détruit
L’oiseux cristal de la morne gelée,
Pour mieux brouter la feuille emmiellée
Hors de son bois avec l’Aube s’enfuit,
Et seul, et sûr, loin de chien et de bruit,
Or sur un mont, or dans une vallée,
Or près d’une onde à l’écart recelée,
Libre folâtre où son pied le conduit :
Introduction
Présentation
Situation
Explicitation
• Rets
• Traits
• Oiseux
Mouvements
ANALYSE
Le discours littéral
Système comparatif
- à l’attaque « Comme un chevreuil »
- adverbe de comparaison le + courant « comme » (au lieu de « à l’image de » ; « semblable
à»
Le poète, d’emblée, casse l’illusion du tableau idéal, au profit d’une symbolique significative et
d’un projet démonstratif
La place du poète
- le poète absent pendant 11 vers apparait successivement 3x au dernier tercet : pronom
personnel sujet « j’allai », et le déterminant se rapportant à la 1e pers. du sing. « mon » (x2)
- dans le cadre d’une analogie « comme un chevreuil … ainsi je » avec disproportion étonnante
le comparé (l’enjeu, le but, Ronsard) tient 3 vers seulement < comparant (outil) le chevreuil
Le discours symbolique
Le paysage ; l’idéal
Surnombre des indices de lieu :
• « sur un mont »,
• « dans une vallée,
• « près d’une onde à l’écart recelée »,
• « où son pied le conduit »
→ Auquel il faut ajouter un lieu non pas réel mais un espace temporel : « sur l’avril de mon
âge » (le poème avait commencé par un indice de temps : « Quand le printemps »
Les personnages
Il y en a en vérité 4
- Le chevreuil
- Le chasseur qui se résume à son arme « trait meurtrier »
- La muse cause des douleurs de Ronsard « l’œil » sous forme de périphrase et même, de
synecdoque, résumée à son regard
- Enfin, le poète « j’allai » première personne du singulier « Je »
Les deux principaux protagonistes sont donc les deux victimes, le premier victime des flèches du
chasseur, le second victime des flèches de Cupidon, mais avec une disproportion dérangeante :
Le point de référence est donc minoré : différé à la fin, atrophié dans le texte.
Ce qui est déjà en soi un discours : l’amour fait peu de choses des êtres, il a ce pouvoir terrible de faire
disparaître les gens de leur propre histoire.
La violence du texte
Le traitement de la violence est ouvertement et à répétition hyperbolique :
Tout semble indiquer que le sort fait au poète est terrible : d’un trait, on passe à « mille », et tout se
fait dans la fulgurance (passé simple de « j’allai », marqueur de temps « d’un coup », accumulation des
termes monosyllabiques donnant un style haché au dernier vers « d’un coup/ mille/ traits/ dans/ mon/
flanc »
Et pourtant, le lecteur a été préparé par le système comparatif, avec la mise en évidence des adverbes
de comparaison « comme » (v.1), « ainsi » (v.12)
Nous sommes donc très choqués, mais très peu surpris en somme par cette violence extrême qu’on
voyait venir. Ce qui choque est moins l’irruption de la violence que son degré, extrême puisqu’après
une première victime, métaphorique, de la violence (le cerf, v.10-11), le lecteur entend qu’il y a une
seconde victime (le poète), réelle = c’est donc non pas une volta au sonnet mais une double volta, v.10-
11 puis vers 12-14.
Quelle démonstration sur l’amour ?
Que conclure donc de cette série de résultats ?
Le paradis, ici trop forcé, trop insistant, trop stéréotypé, est suspect.
Quant à l’amour, il, n’est pas nommé ; la seule allusion à Cassandre réside dans la mention de « l’œil »,
clé peut-être de l’énigme. L’œil ne donne lieu ici à aucun blason, pas même une description : désigne-
t-il vraiment Cassandre ? Ronsard enchaîne aussitôt sur une réflexion sur le temps qui passe et la
jeunesse, avec ses illusions : jeunesse fatale au cerf qui ne se méfie pas, fatale au poète aussi en ce
qu’elle lui fait commettre l’erreur de tomber amoureux.
L’œil, celui de Ronsard, l’a fait regarder l’être aimé et c’est cela qui a coûté un coup dans le flanc.
Considérant cela, la morale du poème est toute autre : il ne s’agit pas de se méfier d’une femme, ni de
quelque prédateur extérieur, mais de comprendre que nous sommes à nous-mêmes nos propres
bourreaux, comme dira Baudelaire.
CONCLUSION
Bilan
A laisser notre regard traîner, nous nous laissons prendre à l’amour ; dans ce sonnet, le poète est à la
fois le coupable et la victime. Et ironiquement, toute l’ambiguïté réside dans l’œil, à l’attention du
lecteur qui lui-même a pu se laisser avoir.
Le lecteur se retrouve à observer Ronsard dans son erreur, mais un Ronsard qui nous regarde en retour
nous tromper : l’amour n’a rien d’une prédation mais relève plutôt d’une auto-mutilation … et au
regard contemplatif de l’innamoramento, il faudrait substituer le regard critique, autocritique aussi.
Ouverture
La jeunesse rend décidément imprudent, au point de faire tomber dans la folâtrerie. Ce qui fait la
différence ici n’est pas le lieu, mais le temps en effet, trop précoce, trop inconscient ici. D’où
l’insistance sur les indices chronologiques (alors qu’on a erré dans des considérations sur les lieux
comme le chevreuil au bois) :
- « quand le printemps… »,
- « alors que sa vie est atteinte »,
- « le jour qu’un œil sur l’avril de mon âge… »
On peut lire ce sonnet non comme une célébration de la liberté perdue, mais plutôt comme le rappel
à l’ordre brutal de la valeur de l’expérience.
Mignonne, allons voir si la rose Las ! voyez comme en peu d'espace, Donc, si vous me croyez, mignonne,
Qui ce matin avait éclose Mignonne, elle a dessus la place Tandis que votre âge fleuronne
Sa robe de pourpre au Soleil, Las ! las ses beautés laissé choir ! En sa plus verte nouveauté,
N'a point perdu cette vêprée Ô vraiment marâtre Nature, Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Les plis de sa robe pourprée, Puisqu'une telle fleur ne dure Comme à cette fleur la vieillesse
Et son teint au votre pareil. Que du matin jusques au soir ! Fera ternir votre beauté.