2012 Pa 030030
2012 Pa 030030
2012 Pa 030030
Shih-Lung Lo
Shih-Lung LO
Jury :
M. Yvan DANIEL (Professeur des universités, Université de La Rochelle)
Mme Martine de ROUGEMONT (Professeur émérite, Université Paris III)
Mme Catherine NAUGRETTE (Professeur des universités, Université Paris III)
Mme Françoise QUILLET (Maître de conférences HDR, Université de Franche-
Comté)
M. Jean-Claude YON (Maître de conférences HDR, Université de Versailles
Saint-Quentin-en-Yvelines)
UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE - PARIS 3
Shih-Lung LO
1
Résumé
De 1789 à 1905, la Chine fait partie des sujets exotiques les plus représentés dans le
théâtre français. Cette Chine imaginaire est l’héritière du répertoire théâtral du XVIIIe siècle,
époque marquée par le goût pour les « chinoiseries ». Elle fait aussi écho à l’actualité franco-
chinoise du XIXe siècle, empreinte d’un nouveau colonialisme voire d’ « orientalisme ».
En nous appuyant sur le répertoire du théâtre de thème chinois en France au XIXe
siècle, que nous nous sommes attaché à reconstituer, nous analysons dans ce travail la
production et la réception des images de la Chine sur la scène théâtrale à cette époque. Le
corpus des œuvres est divisé en trois catégories : les pièces de thème chinois, les œuvres
traduites ou adaptées du chinois et les spectacles donnés par les Chinois.
En ce qui concerne la périodisation historique, nous avons choisi de suivre celle des
grands événements ayant marqué les relations entre la France et la Chine au XIXe siècle. Les
trois premiers chapitres se focalisent sur l’emploi des éléments chinois et orientaux tels qu’ils
ont été mis en place au siècle précédent, ainsi que sur leur révision sous l’influence de la
sinologie, discipline scientifique nouvelle. Quant aux trois derniers chapitres, ils se
développent autour des deux guerres de l’Opium, de la guerre franco-chinoise du Vietnam, de
la révolte des Boxers ainsi que la germination de la peur du « péril jaune ».
Pour les dramaturges et les artistes de théâtre du XIXe siècle, cette « Chine » est un
sujet à la fois familier et étranger, proche et éloigné, cliché et varié, épuisé et exploitable.
Tous ces paradoxes concourent à créer dans le théâtre français une Chine kaléidoscopique.
3
4
Abstract
From 1789 to 1905, China is one of the most exotic topics represented on the French
theater stage. This China can evoke the imagination inherited from the eighteenth-century
“chinoiseries” taste. And moreover, it witnesses the nineteenth-century Sino-French socio-
political events, which are never detached from the rising colonialism or even the
Orientalism.
This work attempts to build up a repertoire of Chinese-subject plays, and to analyze
the production and the reception of the Chinese image on the French theatre stage during the
nineteenth century. The corpus of the entire repertoire can be divided into three categories: the
French playwright’s creation, the plays translated or adapted from Chinese literary works, and
the performances given by Chinese actors.
Chronologically organized, each chapter in this work follows the decisive Sino-French
bilateral events. The first three chapters examine the Chinese and Oriental elements which
have been applied to the French theatre in the previous centuries, and which are reinvented
and appropriated under the influence of Sinology, a new scientific discipline institutionalized
in the first half of the nineteenth century. The last three chapters develop with the two Opium
Wars, the Sino-French War in Vietnam, the Boxer’s rebellion, as well as the birth of the
concept of the “yellow peril.”
For the playwrights and the artists, this “China” is therefore familiar but strange,
approachable but intangible, cliché but ever-changing, exhausted but exploitable. All these
contradictions contribute to create a kaleidoscopic China on the French theatre stage.
5
6
Remerciements
Que tous ceux qui, par leur savoir, leurs conseils ou leurs encouragements, ont
contribué à la réalisation de ce travail, trouvent ici l’expression de ma vive gratitude.
Mes remerciements s’adressent tout spécialement à ma directrice de thèse, Martine de
Rougemont, pour son accompagnement attentif et bienveillant, pour ses recommandations
précieuses et pour la confiance qu’elle m’a accordée tout au long de mes études.
J’adresse également ma gratitude à l’École Doctorale Arts et Médias (ED 267), à
l’Institut de Recherches en Études Théâtrales (EA 3959), ainsi qu’à la Bibliothèque Gaston
Baty pour leur accueil chaleureux et la qualité de leurs renseignements.
Ma reconnaissance va aussi à Mlle Stéphanie Lahache et M. Cyril Mignot dont la
relecture rigoureuse et les propositions m’ont permis de clarifier mes idées et d’améliorer les
détails.
Je tiens à remercier mes parents pour leur soutien moral depuis toujours.
Enfin, merci au Ministère de l’Éducation nationale (Taïwan) et à la Chiang Ching-kuo
Foundation for International Scholarly Exchange (Taïwan) (numéro du projet : DF019-U-08)
pour la bourse d’études et l’allocation qu’ils m’ont octroyées.
7
8
SOMMAIRE
TOME I
Résumé..................................................................................................................................3
Abstract.................................................................................................................................5
Remerciements .....................................................................................................................7
Introduction ........................................................................................................................11
TOME II
Annexes ............................................................................................................................477
Illustrations ......................................................................................................................693
9
10
Introduction
1
Le terme « Seres » (les « soyeux » ou le « peuple de la soie ») était utilisé par les Grecs et les Romains anciens
pour désigner les habitants de la Chine, qui pouvaient vivre jusqu’à 200 ans (voir Strabon, Géographie, XV. i) et
portaient l’étoffe transparente (voir Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VI. xx). Turandot, la princesse cruelle, est
le personnage principal de l’opéra homonyme de Giacomo Puccini. Kubilaï Khan, selon le récit de voyage de
Marco Polo, est le chef du plus grand empire du monde dont la capitale est Pékin. Gengis Khan, conquérant
héroïque, est également un dirigeant magnanime dans la tragédie L’Orphelin de la Chine, de Voltaire.
2
Voir la présentation de Muriel Détrie : (1) France-Chine : quand deux mondes se rencontrent, Paris,
Gallimard, 2004 ; (2) [En coll. avec Ninette Boothroyd] Le Voyage en Chine : anthologie des voyageurs
occidentaux, du Moyen âge à la chute de l’Empire chinois, Paris, Robert Laffont, 1992.
11
la scène de l’esprit et à la fugacité d’images mentales »3. On ne prend donc pas beaucoup de
risques à représenter une Chine inconnue des spectateurs lorsque la création théâtrale du XIXe
siècle est étroitement associée au divertissement, indispensable pour le grand public. Face à la
circulation des informations et à la réaction des spectateurs, la Chine théâtrale s’inscrit à la
fois dans la nouveauté et le cliché. La nouveauté, parce que la concurrence dans le monde du
théâtre exige une Chine extraordinaire qui survit à l’affiche. Le cliché, parce qu’une Chine
sans objet identifiable (pagode, lanterne, bouddha, etc.) ne saurait guère convaincre les
spectateurs qui ne connaissent que superficiellement la Chine. Louis Becq de Fouquières a
signalé dans L’Art de la mise en scène (1884) que : « La couleur locale n’a de prix que
lorsque c’est celle-là même que peut imaginer le spectateur ». Les objets du « plus pur
caractère chinois », poursuit cet auteur, sont indispensables dans la mise en scène d’une pièce
au sujet chinois4. Au contraire de la Chine dans d’autres genres littéraires, la Chine théâtrale
est une image qui s’offre même à la vie quotidienne des illettrés. Et en même temps, c’est une
Chine qui ne permet pas de se livrer à l’imagination sans limites.
Nous ne cherchons pas à signaler telle ou telle « erreur » dans la Chine qu’on monte
alors sur scène. En revanche, nous nous focalisons sur la fabrication et la réception de cette
Chine afin de reconstituer l’un des « pays » les plus reconnus dans le théâtre du XIXe siècle.
3
Michel Jeanneret, Introduction du Voyage en Orient, de Gérard de Nerval, Paris, Garnier-Flammarion, 1980, p.
27.
4
Louis Becq de Fouquières, L’Art de la mise en scène : essai d’esthétique théâtrale, Paris, G. Charpentier, 1884,
pp. 99-100.
5
Journal du 2 janvier au 7 janvier 1794, in Sir John Barrow et Earl George Macartney, Some account of the
public life, and a selection from the unpublished writings, of the Earl of Macartney, Vol. 2, Londres, T. Cadell et
W. Davies, 1807, p. 398.
12
à la manière européenne par les missionnaires jésuites. De 1881 à 1885, l’armée envoyée par
le gouvernement de la Troisième République affronte les soldats chinois au Vietnam.
L’ancien protectorat chinois se nomme désormais l’Indochine française. Enfin, suite à
l’affaire des Boxeurs, l’alliance de huit nations (dont la France) entre dans la Cité interdite en
1900. Le « Fils du ciel » du Céleste Empire, quant à lui, s’enfuit en province.
Comparée à l’adoration dont elle faisait l’objet et à la popularité du style
« chinoiserie » au XVIIIe siècle6, la Chine du XIXe siècle s’avère trouée et dévastée. On ne
retrouve plus la splendeur de la Chine. Il s’agit au contraire d’une période de traumatisme, où
elle vit sous les canons. Pourtant, il ne faut pas négliger le fait que c’est à cette même époque
que les Français établissent la discipline de la « sinologie » : en 1795, l’École des Langues
orientales vivantes est créée par la Convention nationale ; en 1814, la première chaire de
chinois en Europe est créée au Collège de France sous la direction de Jean-Pierre Abel-
Rémusat. Tout au long du XIXe siècle, l’intérêt des Français pour la Chine ne cesse de grandir.
On croit parfois, à tort, que le rayonnement de la Chine est éclipsé par les études japonaises et
par le japonisme à partir des années 1870. Et il faut signaler que le musée Cernuschi, dont la
collection est principalement chinoise, est inauguré en 1898. Des cours de chinois sont
également crées à l’Université de Lyon en 1900. Michel Cartier nous a rappelé l’impossibilité
de séparer la « sinophilie » de la « sinophobie » (et vice versa) lorsqu’on entame une
recherche autour de la Chine 7. De même, sur la scène du théâtre, l’image de la Chine n’est
jamais figée. Bien que la Chine théâtrale du XVIIIe siècle témoigne de la sinophilie de
l’époque, la Chine figurant dans le théâtre du XIXe siècle n’est pas le reflet d’une simple
sinophobie.
13
ainsi que la fable française. Parfois reprise régulièrement mais parfois également éphémère, la
Chine envahit la création des écrivains et des musiciens, tels qu’Emmanuel Théaulon, les
frères Cogniard, Adolphe Dennery, etc. Certains noms sont toujours célèbres de nos jours :
d’Eugène Labiche à Jacques Offenbach, en passant par Paul Verlaine et Pierre Loti, la Chine
laisse incontestablement son empreinte dans leur œuvre. Elle répond aux besoins et aux
courants variés de la création théâtrale : elle s’applique aux expériences de la « mise en
scène » qui naissent aux alentours de 1830 et elle s’incorpore dans la « revue de l’année »
sous le Second Empire. La Chine est donc dynamique sur la scène.
Les travaux des sinologues contribuent au paysage chinois du théâtre. Le père Du
Halde avait présenté pour la première fois la tragédie chinoise aux Français, mais sa
traduction de L’Orphelin de la Chine supprime en fait la partie composée de chants. C’est en
1832 que Stanislas Julien publie la première traduction complète d’une œuvre théâtrale
chinoise. Intitulé L’Histoire du cercle de craie, ce drame permet aux contemporains de
connaître les mœurs des Chinois et il inspirera même, au XXe siècle, la création du Cercle de
craie caucasien de Bertolt Brecht. Un autre sinologue, Bazin aîné, publie en 1838 le recueil
du Théâtre chinois, dont la comédie Les Intrigues d’une soubrette évoque chez les lecteurs
l’esprit de Marivaux. De 1880 à 1908, les « comédies chinoises » de Judith Gautier sont, pour
la plupart, écrites d’après les œuvres traduites et présentées par Bazin aîné. Fascinée à la fois
par la culture chinoise et par la culture japonaise, Judith Gautier remanie le drame chinois et
le fait « japoniser » en termes de mœurs et d’effets visuels sur scène. La Chine dans le théâtre
français est ainsi fabriquée de manière « interculturelle».
Les artistes particuliers chinois et les troupes itinérantes chinoises, quant à eux,
donnent leurs numéros véritablement chinois au théâtre français. Les anciens missionnaires du
XVIIe et du XVIIIe siècles avaient ramené en France des élèves chinois en vue de
l’interprétation de la langue chinoise. Mais la présence du vrai Chinois dans le théâtre débute
au milieu du XIXe siècle, grâce à l’ouverture de la Chine et surtout aux « Expositions
universelles » en Europe. Si les acrobates français comme les Franconi ont souvent imité les
jeux des Chinois, ce sont les acrobates, les jongleurs et les comédiens provenant de la Chine
qui permettent aux spectateurs de découvrir un autre aspect de l’art théâtral chinois. En raison
du succès de ces véritables Chinois, les Européens finissent même par se déguiser en Chinois
afin d’exhiber leur jonglerie chinoise/à la chinoise.
14
les pièces traduites du répertoire du théâtre chinois ; (3) les spectacles donnés par les Chinois
dans le théâtre français.
En fait, ces trois catégories participent toutes à constituer la « Chine » dans le théâtre
français. Mais elles ne sont pas toujours nettement séparées. Dans certains spectacles
présentés durant les années 1850, par exemple, des comédiens français se déguisent en
Chinois et présentent un vaudeville relatif au Chinois afin d’introduire les spectacles des
jongleurs venant véritablement de la Chine : le spectacle des véritables Chinois est ainsi
encadré par un autre spectacle de « faux » Chinois. Ou encore, le Nouveau Théâtre, fondé
vers la fin du XIXe siècle, invite des Chinois non-francophones à « jouer » dans une scène du
tribunal chinois avec les comédiens français. Cette Chine comprend ainsi plusieurs degrés
d’éléments chinois qui parfois se mélangent.
En ce qui concerne la délimitation de l’espace et la périodisation, nous nous focalisons
sur les spectacles présentés en France entre 1789 et 1905, bien que Jean-Marc Moura nous
rappelle le risque de tels découpages d’espace-temps. Selon Moura, le courant de l’exotisme
ne répond pas aux découpages usuels de l’histoire de la littérature. « Envisagé au niveau
national, indique-t-il, l’exotisme serait l’inspiration ayant pour objet le pittoresque non-
national. […], l’exotisme chinois des Français au XVIIIe siècle, se comprend dans un cadre
européen […]. Le japonisme, artistique et littéraire, doit également être étudié à l’échelle
européenne voire occidentale plutôt que nationale » 8 . Pour nous, la Chine théâtrale de la
France du XIXe siècle n’est pas seulement le fruit de cette aspiration exotique européenne.
Parfois, elle fait écho à l’actualité française ou franco-chinoise sans rien à voir avec d’autres
pays ou époques. Parfois, elle est issue de la réécriture qui renvoie à l’héritage de la littérature
française ou à la recherche des sinologues français. Même s’il existe potentiellement des cas
de collaboration internationale (et interculturelle) qui permettent d’aborder la réflexion sur le
plan européen, nous ne pouvons que momentanément reporter cette approche en raison de
l’accessibilité des documents concernés. Notre travail se termine en 1905, année où la Russie
est défaite par le Japon dans la guerre russo-japonaise (1904-1905). Cette année-là naît aussi
l’expression péjorative du « péril jaune ». Jamais auparavant on n’avait utilisé un seul terme
par lequel on concrétise tous les sentiments de la sinophobie.
8
Jean-Marc Moura, La Littérature des lointains : histoire de l’exotisme européen au XXe siècle, Paris, Honoré
Champion, 1998, pp. 26-27.
15
littérature française 9 . Des études ultérieures épuisent le même sujet dans le cadre d’une
époque spécifique. Nicholas Dew, parmi d’autres 10 , dédie une bibliographie à l’Orient en
France sous le règne de Louis XIV11. En ce qui concerne les études de la même catégorie,
celle de Michèle Longino mérite notre attention puisqu’elle se concentre sur l’Orient dans le
théâtre classique français12.
À l’échelle « Chine-France » (et non plus « Orient-France »), la plupart des chercheurs
se penchent sur la création littéraire et artistique du XVIIIe siècle. En effet, c’était une époque
où les Lumières s’inspiraient de la philosophie chinoise et où la mode de la chinoiserie
envahissait la vie quotidienne des Européens. Sous prétexte que le « goût chinois » était alors
présent dans tous les domaines culturels (décoration, architecture, peinture, littérature, etc.),
peu de recherches se focalisent sur le théâtre uniquement.
L’intérêt des chercheurs pour la « Chine » dans la littérature française remonte à la fin
du XIXe siècle. Émile Deschanel a essayé d’explorer les sources de la tragédie chinoise de
Voltaire et ses adaptations13. Au XXe siècle, le sinologue Henri Cordier est le pionnier qui
éclaircit la représentation de la Chine dans le théâtre français et qui développe cette
thématique dans La Chine en France au XVIIIe siècle (1910)14. Cordier ne se contente pas de
faire la louange de la tragédie chinoise de Voltaire. Il explore également les petits spectacles
donnés sur les tréteaux de la foire et les pièces comiques des Comédiens-Italiens. À l’instar de
Cordier, les chercheurs ultérieurs considèreront le théâtre comme l’un des éléments qui
soulignent l’influence chinoise au XVIIIe siècle15. En raison du statut littéraire de Voltaire,
quelques travaux sont consacrés à L’Orphelin de la Chine et s’étendent à la littérature
classique chinoise16. Dans tous les cas, deux ouvrages publiés durant la seconde moitié du
XXe siècle sont représentatifs : The French Image of China Before and After Voltaire (1963)
9
Donald F. Lach, Asia in the making of Europe, vol. 2, book 2, Chicago et Londres, University of Chicago
Press, 1977, pp. 253-323. La bibliographie concernant l’ « Asie dans la littérature française » se trouve dans vol.
2, book 3, pp. 642-656.
10
Pierre Martino, L’Orient dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1906 ;
Philippe van Tieghem, « La littérature orientale », in Les Influences étrangères sur la littérature française (1550-
1880), 2e éd, Paris, PUF, 1967 ; Marie-Louise Dufrenoy, « L’Orient et le Théâtre en France », in L’Orient
romanesque en France, 1704-1789, tome 3, Amsterdam, Rodopi N. V., 1975 ; Claude Gerthoffert, Mythe,
décadence et Orient dans la littérature française et allemande de 1880 à 1930, thèse de doctorat, Université
Paris-Sorbonne, 1986.
11
Nicolas Dew, Orientalism in Louis XIV’s France, Oxford, Oxford University Press, 2009.
12
Michèle Longino, Orientalism in French Classical Drama, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.
13
Émile Deschanel, Le théâtre de Voltaire, Paris, Calmann Lévy, collection « Le romantisme des classiques »,
cinquième série, 1886. Cet ouvrage réunit en fait les extraits précédés du Discours du centenaire, prononcé par
Deschanel, le 30 mai 1878.
14
Henri Cordier, La Chine en France au XVIIIe siècle, Paris, H. Laurens, 1910.
15
Nous citons quelques ouvrages du domaine littéraire : Ting Tchao-Ts’ing, Les Descriptions de la Chine par
les Français (1650-1750), Paris, Paul Geuthner, 1928 ; Marie-Françoise Milsky, L’Intérêt pour la Chine en
France au XVIIIe siècle, thèse doctorale, Université Paris VII, 1978 ; Frédérique Balliot, « Chinoiseries »
littéraires : La Chine et la littérature d'imagination en France de 1704 à 1789, thèse doctorale, Université Lyon
II, 1996.
16
Lee-You Ya-Oui, Le Théâtre classique en Chine et en France d’après l’Orphelin de la Chine et l’Orphelin de
la Famille Tchao, Paris, les Presses modernes, 1937 ; Young-Hai Park, L’Orphelin de la Chine de
Voltaire : étude d’ensemble, thèse doctorale, Université de Paris-Sorbonne, 1971.
16
de Basil Guy, et L’Europe chinoise (1988-1989) de René Étiemble17. Le premier réexamine
les documents historiques et élargit le potentiel de la recherche sur l’image chinoise, mais la
réflexion sur le théâtre reste concise. Le second présente soigneusement les sources,
l’évolution, la diffusion et les adaptations de L’Orphelin de la Chine. De plus, il nous fournit
une liste relativement complète des petits spectacles français portant sur la Chine. Plus
récemment, Tian Luo a consacré sa thèse au sujet de la « Chine théâtrale » du XVIIIe siècle18.
La valeur du travail de Luo réside dans le répertoire composé de 61 pièces (dont un tiers sont
en fait inaccessibles). Pour la première fois, néanmoins, nous avons une idée globale des
pièces « chinoises » présentées au long du XVIIIe siècle.
En revanche, à l’exception du théâtre de Paul Claudel, le sujet de la « Chine » dans le
théâtre français du XIXe siècle ne semble pas tant retenir l'attention des chercheurs. Dans le
cadre de l’ « imagination de l’Extrême-Orient », William Leonard Schwartz nous amène à
réfléchir sur l’interdépendance de la chinoiserie et du japonisme dans la littérature française19.
Pourtant, alors que Schwartz met en valeur la création dramatique de Paul Claudel, Judith
Gautier et Pierre Loti au début du XXe siècle, il n’aborde que peu de pièces de théâtre écrites
avant 1900. Mary Gertrude Mason constate l’influence du théâtre chinois traduit au XIXe
siècle mais elle ne traite pas de la création des dramaturges français sur le sujet de la Chine20.
Le sinologue Jonathan Spence étudie la Chine imaginaire dans la littérature occidentale. Dans
le chapitre consacré à la littérature française du XIXe siècle, le seul dramaturge français qu’il
aborde est Paul Claudel21. Plus récemment, les ouvrages d’Yvan Daniel nous rappellent la
présence de la Chine chez Paul Claudel et Judith Gautier22. Mis à part des ouvrages, nous
rencontrons des articles sur l’image de la Chine au XIXe siècle. Dans les actes du colloque La
Chine entre amour et haine (1998), Muriel Détrie analyse les personnages chinois dans les
romans européens23. Quant à Elisabeth Eide, elle se penche essentiellement sur les spectacles
du XVIIIe siècle, bien qu’elle signale quelques titres de spectacles du XIXe siècle24.
Nous citons par ailleurs quelques études consacrées à l’image de l’ « Autre » dans le
théâtre français du XIXe siècle. Elles ne sont pas directement liées à la Chine mais nous nous
inspirons de leurs perspectives et de leurs méthodologies : The Orient of the Boulevards :
Exoticism, Empire, and Nineteenth-Century French Theater, d’Angela Pao 25 , Le Japon à
17
Basil Guy, The French Image of China Before and After Voltaire, Genève, Institut et Musée Voltaire, 1963 ;
Étiemble, L’Europe chinoise, 2 tomes, Paris, Gallimard, 1988-1989.
18
Tian Luo, La Chine théâtrale en France au XVIIIe siècle, thèse doctorale, Université de Paris-Sorbonne, 2004.
19
William Leonard Schwartz, The Imaginative Interpretation of the Far East in Modern French Literature
1800-1925, Paris, Champion, 1927.
20
Mary Gertrude Mason, Western Concepts of China and the Chinese 1840-1876, thèse de la Columbia
University, New York, Seeman Printery, 1939.
21
Jonathan D. Spence, La Chine imaginaire : les Chinois vus par les Occidentaux de Marco Polo à nos jours.
Traduit de l’anglais par Bernard Olivier. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal, 2000.
22
Voir Yvan Daniel, Paul Claudel et l’Empire du milieu, Paris, Les Indes savantes, 2003 ; Littérature française
et culture chinoise, Paris, Les Indes savantes, 2010.
23
Muriel Détrie, « L’Image du Chinois dans la littérature occidentale au XIXe siècle », in Michel Cartier, La
Chine entre amour et haine, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, pp. 403-429.
24
Elisabeth Eide, « The Chinese as “the other” in European Plays of the Eighteenth Century », ibid., pp. 61-87.
25
Angela Chia-Yi Pao, The Orient of the Boulevards : Exoticism, Empire, and Nineteenth-Century French
Theater, University of Pennsylvania Press, 1998.
17
travers le théâtre en France 1860-1930, de Hiroko Aoki26, ainsi que Le Japonisme sur scène
en France de 1870 à 1914, de Tomoko Okada27. Le travail de Pao se focalise sur deux pièces
orientales, à savoir Les Ruines de Babylone (Gaîté, 1810) et Les Massacres de la Syrie
(Cirque, 1860). La thèse d’Aoki nous permet de découvrir quelques pièces qui témoignent du
mélange du japonisme et de la chinoiserie du XIXe siècle. Okada, quant à elle, se focalise sur
les genres lyriques (opéra, opéra-comique et café-concert). Le corpus de son travail contient
non seulement la représentation sur scène mais aussi la visualisation du Japon dans les
imprimés.
Selon l’état des lieux que nous effectuons plus haut, aucun travail n’a encore été
entièrement consacré à l’image de la Chine dans le théâtre français du XIXe siècle. Nous
entreprenons par conséquent d’approfondir ce sujet jusqu’à présent très peu exploité.
Perspectives et enjeux
Au long de notre travail, deux notions nous inspirent notamment : iconographie
théâtrale et « imagologie »28. Cette première approche, dont Martine de Rougemont était la
pionnière29, nous aide à reconstituer les images (au sens littéral) de la Chine et des Chinois à
travers des documents iconographiques, et nous permet de conduire une réflexion sur leur
image (au sens figuré) dans la représentation au théâtre. Signalons que l’étymologie du théâtre,
« Theatron » (θέατρον), désigne le lieu où l’on regarde. Une étude sur l’image de la Chine
théâtrale n’est jamais complète si on néglige les images produites d’après des représentations
de spectacles. Du point de vue de l’imagologie, les œuvres littéraires offrent « une variante de
l’image au sens large » qui est « particulièrement visible au théâtre » 30 . Si l’image de la
Chine nous intéresse en raison de son influence dans les échanges littéraires et interculturels,
l’étude de la Chine théâtrale est indispensable, voire obligatoire. Cette Chine théâtrale traduit
26
Hiroko Aoki, Le Japon à travers le théâtre en France 1860-1930 : étude de réception, thèse doctorale,
Université Paris X, 1998.
27
Tomoko Okada, Le japonisme sur scène en France de 1870 à 1914, thèse doctorale, Université Paris Sorbonne,
2005 ; Keiko Niiro, L’Image du Japon en France entre 1860 et 1915, thèse doctorale, Université Amiens, 1997.
Sur la présence du japonisme dans les expositions universelles et les arts plastiques, voir Midori Honda-Ishii, Le
Japonisme en France dans la seconde moitié du XIXe siècle : la rencontre de l’Occident avec l’Orient, thèse
doctorale, Université Paris V-René Descartes, 2007.
28
Nous devons la notion d’« imagologie » à Daniel-Henri Pageaux, qui travaille depuis des décennies sur ce
sujet. Sur la définition du terme « imagologie » et l’application de cette théorie à la littérature, nous ne citons
qu’une publication récente : Daniel-Henri Pageaux, Le Séminaire de ‘Ain Chams : Une introduction à la
littérature générale et comparée, Paris, L’Harmattan, 2008, pp. 53-58, 88-96. Plusieurs colloques sont organisés
à partir de ce sujet. Voir, par exemple, Bertrand Westphal (dir.), La Géocritique mode d’emploi, Limoges,
PULIM, 2000 ; Juliette Vion-Dury, Jean-Marie Grassin et Bertrand Westphal (dir.), Littérature & Espaces,
Limoges, PULIM, 2003.
29
Nous ne citons que deux articles récents sur la méthodologie de l’iconographie théâtrale : (1) Martine de
Rougemont, « Situation de l’iconographie théâtrale », in Jean-Marie Thomasseau (dir.), Le Théâtre au plus près :
pour André Veinstein, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2005, pp. 169-182 ; (2) Maria Inès
Aliverti, « Chercheur d’images », in Gilles Declercq et Jean de Guardia (dir.), Iconographie théâtrale et genres
dramatiques : mélanges offerts à Martine de Rougemont, Paris, Presse Sorbonne Nouvelle, 2008, pp. 17-38.
Pour les ressources disponibles des documents iconographiques, nous avons consulté Thomas F. Heck (dir.),
Picturing Performance : The Iconography of the Performing Arts in Concept and Practice, Rochester (États-
Unis), University of Rochester Press, 1999.
30
Daniel-Henri Pageaux, op. cit., p. 57.
18
l’esprit de l’imagologie. Elle permet surtout d’entrevoir les ressources collectives de
l’imaginaire des Français pensant la Chine. Cet imaginaire offert sur scène par les
dramaturges, artistes de théâtre et comédiens répond à celui des spectateurs autant qu’il en est
le témoin.
Pour étudier l’image de la Chine dans le théâtre, il faut toujours revenir au répertoire
des spectacles. On risque de répéter les idées préconçues si l’on n’essaie jamais d’examiner
les spectacles qui nous sont inconnus mais qui étaient populaires. Autrement dit, une réflexion
sur la Chine dans le théâtre français du XIXe siècle est impossible si aucun répertoire n’est
disponible. Avant de procéder à une étude approfondie sur la Chine théâtrale, nous nous
consacrons, dans ce travail, à l’établissement d’un répertoire raisonné.
Dans le projet d’établir le répertoire des pièces « chinoises » du XIXe siècle, il faut
tenir compte du fait que l’image chinoise dans le théâtre du XIXe siècle se fonde,
partiellement ou entièrement, sur les créations antérieures. En effet, les écrits des
missionnaires jésuites ne cessent d’être la référence des auteurs jusque dans les dernières
décennies du XIXe siècle 31 . Certains clichés continuent à être utilisés pour assurer la
« vraisemblance » du Chinois imaginée par les spectateurs. Ainsi, nous revisitons le répertoire
chinois du XVIIIe siècle afin de suivre son passage vers le répertoire chinois produit au XIXe
siècle. Nous commençons par mettre à jour le répertoire établi par nos prédécesseurs. Au total,
91 titres figurent dans notre répertoire (annexe 1.1).
En ce qui concerne le répertoire des spectacles du XIXe siècle, nous avons recours au
catalogue de Charles Beaumont Wicks afin de discerner les pièces susceptibles d’être
relatives à la Chine et aux Chinois32. En nous appuyant sur les titres provisoires, nous les
vérifions dans les collections de la Bibliothèque Gaston Baty, de la Bibliothèque historique de
la ville de Paris et de la Bibliothèque nationale de France. Nous avons également consulté les
manuscrits conservés aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale pour découvrir
les pièces qui n’étaient pas publiées. À quoi s’ajoute la consultation systématique du bulletin
de spectacles publié dans les principaux journaux du XIXe siècle. Nous proposons un
répertoire de 244 titres de représentations (annexe 1.2) ainsi que 31 titres de spectacles donnés
par les comédiens et jongleurs chinois (annexe 1.3). Pour les documents iconographiques,
nous avons recours aux catalogues établis par Nicole Wild et surtout au catalogue de la
Bibliothèque de l’Opéra de Paris.
Une frise chronologique d’événements franco-chinois et théâtraux peut aider à
comparer la « Chine » sur la scène théâtrale et la Chine sur la scène internationale (annexe 2).
Pour ceux qui s’intéressent à la réception du théâtre chinois en France, nous proposons un
tableau des pièces traduites du chinois avant 1900 (annexe 3).
Au cours de notre travail, nous rencontrons régulièrement des titres qui évoquent des
éléments chinois mais qui n’ont aucun rapport avec la Chine. Nous en présentons un tableau
31
Muriel Détrie, « Où en est le dialogue entre l’Occident et l’Extrême-Orient ? », in Muriel Détrie et Jean-Marc
Moura (dir.), « Penser et représenter l’Extrême-Orient », Revue de littérature comparée, n° 297, Janvier-Mars
2001, p. 155.
32
Charles Beaumont Wicks, The Parisian Stage (1800-1900), 5 tomes, Alabama, University of Alabama Press,
1950-1979.
19
explicatif pour épargner aux chercheurs ultérieurs des recherches inutiles (annexe 4). Puisque
les « pièges » sont souvent issus des mots suggestifs, nous présentons également un glossaire
(annexe 5) et un tableau de calembours (annexe 6) par lesquels nous saisissons mieux leurs
connotations.
Organisation de l’étude
Nous divisons notre travail en six chapitres, correspondant aux grands événements
historiques franco-chinois. Le premier chapitre résume les éléments chinois hérités
de l’Ancien Régime. Le chapitre II traverse l’époque allant du lendemain de la Révolution à
la fondation de la sinologie en France. Le chapitre III traite des spectacles présentés à la veille
de la Première Guerre de l’Opium. Puis, les guerres qui opposent l’empire chinois à l’État
français dessinent les trois derniers chapitres : le chapitre IV examine la période entre les deux
Guerres de l’Opium, et le chapitre V analyse les spectacles présentés entre la Seconde Guerre
de l’Opium et la Guerre franco-chinoise au Vietnam. Le dernier chapitre se termine aux
alentours de 1905, moment où les spectateurs français découvrent plusieurs spectacles sur le
« péril jaune ». Dans chaque chapitre nous classons les pièces concernées en fonction de leurs
différentes thématiques ou de leur genre.
Précisons enfin qu’en raison de l’immensité du sujet traité, nous ne résumons pas
toutes les pièces mentionnées – notamment les pièces dans lesquelles la « Chine » est
simplement une « scène » insérée. En outre, pour faciliter l’accès aux pièces qui n’ont jamais
été publiées, nous en présentons une version dactylographiée (annexes 7.1 et 7.2). En ce qui
concerne les pièces créées avant le XIXe siècle, nous choisissons une pantomime « orientale »
(7.1.(a)), une pantomime « chinoise » (7.1.(b)) et une comédie dont le compositeur, Gluck,
reste célèbre jusqu’à nos jours (7.1.(c)). En ce qui concerne les pièces créées au XIXe siècle,
nous transcrivons uniquement celles dont la date et le lieu de représentation nous sont connus.
Certaines pièces ont été transcrites par les précédents chercheurs. Nous les indiquons dans les
chapitres concernés.
20
Chapitre I – La Chine dans le théâtre de l’Ancien Régime
(1616-1789)
À la fin du XVIIe siècle, le public français rencontre pour la première fois un spectacle
qualifié de « chinois » avec une pièce nommée Les Chinois, présentée par les Comédiens-
Italiens en 1692. À la même époque, l’Académie royale de Musique introduit également dans
ses ballets des personnages nommés « Chinois ». En 1700, la mascarade chinoise organisée à
la cour de Louis XIV inaugure en France un courant de sinophilie durable, dont l’apogée est
la tragédie L’Orphelin de la Chine, de Voltaire, jouée à la Comédie-Française en 1755. Tout
au long du XVIIIe siècle, les « chinoiseries » sont à la mode dans le théâtre français.
Avant d’étudier le théâtre de thème chinois au XIXe siècle, il est nécessaire de
remonter aux pièces dites « chinoises » créées au XVIIIe siècle. En effet, parmi les créations
théâtrales de thème chinois du XIXe siècle, nous rencontrons régulièrement des éléments issus
du répertoire du siècle précédent. Dans ce chapitre, nous essayerons de définir le profil du
Chinois tel qu’il est montré sur la scène du théâtre de l’Ancien Régime, et de déterminer ainsi
les éléments chinois auxquels les spectacles du XIXe siècle auront souvent recours. Cette
recherche nous a en outre permis de redécouvrir des pièces qui jusqu’à présent sont moins
connues des chercheurs, et donc de compléter le répertoire précédemment établi par les
historiens.
Des salles officielles aux foires temporaires, la Chine est présente au théâtre aussi bien
dans le genre sérieux que dans le genre léger. Parfois elle s’impose dans les dialogues et
constitue le sujet du débat. Parfois, le mot « Chine » n’est qu’un nom de pays choisi de façon
aléatoire, sans lien avec l’intrigue, et qui pourrait être sans problème remplacé par un autre.
Dans ce chapitre, nous allons procéder à une classification des spectacles « chinois » en
quatre groupes : la Chine légendaire, la Chine décorative, la Chine comique et la Chine
dramatique.
1
Étiemble, L’Europe chinoise, tome II, « De la sinophilie à la sinophobie », Paris, Gallimard, 1989, p. 132.
21
Chine demande à Don Quichotte de lancer une attaque contre le Khan des Tartares2. Corneille,
quant à lui, songe à « placer en Chine l’action d’une de ses tragédies »3 . Et dans sa pièce
L’Illusion comique (1635), le capitaine Matamore se vante ainsi : « lorsqu’en la Chine, en ce
fameux tournoi, / Je donnai dans la vue aux deux filles du Roi. » (Acte II, sc. 4).
Sur la scène de théâtre de l’époque, la Chine est souvent assimilée à la « Tartarie ».
Cette association d’idées est certainement due à la place importante qu’occupe le conflit sino-
tartare-manchou dans l’Histoire de la Chine. En 1368, les Chinois renversent le règne des
Tartares-Mongols (1271-1368) et fondent la dynastie Ming (1368-1644). En 1644, les
Mandchous remplacent à leur tour les Ming et fondent la dynastie Qing (1644-1912). Le
peuple tartare-mongol est d’ailleurs uni aux Mandchous par le biais de différentes alliances
matrimoniales. Cependant, les pièces portant le titre de « Tartare » ne font pas toutes allusion
à la Chine. Ainsi, l’intrigue des Tartares convertis (1657), par exemple, met en scène un roi
musulman, Cassan, qui, grâce au témoignage de la reine d’Arménie, se convertit avec son
peuple tartare au christianisme. Les personnages chinois y sont absolument absents4.
Un autre terme mérite notre attention : le « Cathay » (ou Catay, Kathai)5. Selon le récit
de voyage de Marco Polo, l’empire chinois est divisé en deux parties : le pays septentrional
s’appelle « Cathay » et le pays méridional « Manzi »6. Dans les œuvres de Shakespeare telles
que La Nuit des rois (Acte II, sc. 3) ou Les Joyeuses commères de Windsor (Acte II, sc. 1), le
terme anglais « Cathayan » désigne un menteur ou un escroc (et non un peuple !)7. Sur la
scène française, il faut attendre 1685 pour qu’on découvre le personnage cathayien.
2
Voir : (1) Danièle Becker, « Images de l’Europe, de la France et de l’Espagne dans le ballet de cour français et
dans le théâtre espagnol de la première moitié du dix-septième siècle », in Irène Mamczarz (dir.), Le théâtre et
l’opéra sous le signe de l’histoire, Paris, Klincksieck, 1994, p. 64 ; (2) José-Manuel Losada-Goya (dir.),
Bibliographie critique de la littérature espagnole en France au XVIIe siècle : présence et influence, Genève,
Droz, 1999, pp. 166-167.
3
Pierre Martino, L’Orient dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1906, p. 35.
4
Tian Luo a présumé que Les Tartares convertis était la première pièce du théâtre français du thème chinois
(voir La Chine théâtrale en France au XVIIIe siècle, thèse doctorale, Université de Paris-Sorbonne, 2004). Elle a
modifié ce point de vue dans son article, « Huo Baota, Jianghu Daifu yu Xiju Zhongguo » (« Pagode, charlatan
et la Chine théâtrale »), in Foreign Literature (publié par l’Université de Pékin), n° 1, 2007, pp. 37-44.
5
Sur l’apparition du « Cathay » dans les écrits de l’époque médiévale, voir la présentation concise de Hugh
Honour dans Chinoiserie : The Vision of Cathay, Londres, John Murray, 1961, pp. 8-15.
6
Philippe Ménard (dir.), Le Devisement du monde, tome IV : « Voyages à travers la Chine », édité par Joël
Blanchard Michel Quereuil, Genève, Droz, 2005, p. 56.
7
T. W. Craik (dir.), The Merry Wives of Windsor, Oxford, Oxford University Press, 1990, p. 120.
8
Sur les premiers spectacles français d’après la fable de Roland, voir Georgie Durosoir, « Roland dans les
représentations théâtrales et musicales françaises du XVIIe siècle », Figures de Roland, Klincksieck, Centre de
Recherches des Lettres et Langues de l’Université de Corse, 1998, pp. 135-159.
22
recours à son anneau magique pour se rendre invisible et s’enfuir avec Médor. À la fin du
livret, les gens du Cathay chantent, dansent et rendent hommage à Médor, à savoir l’époux de
leur reine Angélique et le nouveau chef du Cathay. Dans les documents iconographiques
qu’on peut trouver aujourd’hui, le personnage cathayien de Roland est figuré sous les traits
d’un chasseur (fig. 1.01). La reine Angélique, élégante et noble, porte peu de traits orientaux
(fig. 1.02).
Le personnage du prince cathayien est aussi présent dans le théâtre français de
l’époque. Dans Le Prince de Cathay (1704) de Nicolas de Malézieu, le trône d’un prince
cathayien est usurpé par la fée malfaisante Marâtre. La grande divinité Ludovise héberge cet
exilé en France, chasse Marâtre et revendique le trône du prince. Mais à la fin le prince
renonce à son royaume et se dédie au service du palais divin. En dépit du titre de la pièce, ce
prince est désigné dans les répliques comme le « prince de Samarcand » (sc. 7), « chassé avec
son confident du palais de Samarcand » (sc. 1). Cette ville de Samarcand, située dans l’actuel
Ouzbékistan, est décrite par Marco Polo comme une cité fondée à l’ouest de la Route de soie
et où l’on peut apercevoir une église supportée par une colonne reposant sur le vide 9 . Le
« prince du Cathay » de Nicolas de Malézieu est donc considérablement loin de la Chine. La
confusion géographique reflète le caractère légendaire des spectacles « chinois » à la
charnière du XVIIe et du XVIIIe siècle.
Le terme « Cathay » disparaît rapidement des spectacles « chinois ». Parmi toutes les
parodies de Roland, peu d’entre elles concernent les gens du Cathay. En 1778, Jean-François
Marmontel modifie le livret de Quinault pour la reprise de Roland à l’Opéra. Tandis que
Témire, la confidente d’Angélique, garde quelques traits féeriques (fig. 1.03a), l’esquisse du
personnage « Matelot » accentue ses caractéristiques chinoises, telles que les fines
moustaches, la tête rasée et le comportement gai (fig. 1.03b).
Cette reprise de Roland inspire elle-même une parodie intitulée La Rage d’amour,
mise en vers par Louis-Archambault Dorvigny. Lors de l’intermède de la représentation, des
personnages nommés « mariniers » effectuent la danse des « pantins en Chinois ». Ces
« pantins chinois » changent de pas, « se retournent et paraissent en bergers galants ». Le mot
« Cathay » n’apparaît plus dans la pièce inspirée de la légende de Roland : il est
complètement remplacé par le terme « chinois ».
9
Philippe Ménard (dir.), Le Devisement du monde, tome II : « Traversée de l’Afghanistan et entrée en Chine »,
Genève, Droz, 2003, p. XLII.
10
André Chauvière, Parfums et senteurs du Grand Siècle, Lausanne et Paris, Favre, 1999, p. 148.
23
La présence des objets chinois dans le théâtre reflète la mode de l’époque. Le statut
social et le bon goût des personnages sont souvent traduits par ces décorations précieuses.
Dans son ouvrage, Henri Cordier cite La Maison de campagne de Dancourt (1688) où se
trouve de la porcelaine imitée du style chinois 11. Ces marchandises « chinoises » sont souvent
présentes dans les pièces de Dancourt. Par exemple, au lever de rideau de La Foire Saint
Germain (1696), Mlle Mousset montre aux passagers « des étoffes de la Chine ». Dans La
Loterie (1697), le « coffre de la Chine » suscite la curiosité des gens (sc. 27). Enfin, le
charlatan nommé Melchisedech, dans L’Opérateur Barry (1702), se vante du remède
miraculeux qu’il ramène de Chine.
Les marchandises chinoises se retrouvent également dans les pièces jouées par les
Comédiens-Italiens. Dans Le Phénix (1691), Colombine refuse de prêter des « tables de la
Chine » (Acte II, sc. 1). Dans La Fausse coquette (1694), les Comédiens-Italiens présentent
au roi un jeu de « paravent chinois ».
La mode de la marchandise chinoise continue au milieu du XVIIIe siècle : dans Le
Tambour nocturne (1762) de Destouches, la famille du marquis insiste pour utiliser les
assiettes de Chine au lieu des couverts de vermeil doré. Jusqu’aux dernières années de
l’Ancien Régime, on trouve mention de l’utilisation de l’encre de Chine dans des pièces
comme Les Deux porteurs de chaise (1781).
11
Henri Cordier, La Chine en France au XVIIIe siècle, Paris, H. Laurens, 1910, p. 25.
12
Charles Mazouer, Le Théâtre d’Arlequin : comédies et Comédiens-Italiens en France au XVIIe siècle, Fasano
et Paris, Schena editore et Presse de l’Université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 282.
24
l’« ambassadeur chinois » apparaît dans d’autres comédies associées à Arlequin13. En effet, les
personnages chinois se développent souvent à partir du concept du « grotesque ». Un
dictionnaire paru au début du XIXe siècle signale que les Chinois ont « une espèce de
grotesque encore plus bizarre que celles des artistes anciens et modernes » 14 . Dans Le
Mandarin Hoang-Pouf (1821), par exemple, les personnages des eunuques chinois exercent
des danses « grotesques ».
Le terme « magot » apparaît avec le grotesque. Toujours dans Le Divorce, Mezzetin
donne à Arlequin « un coup de pied au cul » et l’appelle « vilain magot » (Acte II, sc. 1). Pour
la première fois on associe la figurine trapue à un rôle chinois au théâtre. Il faut signaler qu’à
ce moment-là de la pièce Arlequin n’a pas fini de se vêtir en ambassadeur chinois. Le terme
de « magot » désigne donc certainement plus l’Arlequin rusé que le personnage chinois.
13
Nous faisons ici allusion à la comédie d’un auteur anonyme, intitulée Arlequin reviseur et médiateur, ou
l’Europe pacifiée pour ne rompre jamais [sic], Londres, Aux dépens de la Compagnie, 1749 [BnF-Arsenal : GD-
5519]. Nous ignorons cependant les détails de la représentation.
14
Aubin-Louis Millin, « Grotesque », Dictionnaire des beaux-arts, tome 1, Paris, Crapelet-Desray, 1806, p. 792.
15
A.-P.-F. Ménégault, Annales dramatiques, ou Dictionnaire général des théâtres, [Paris, 1808-1812,] Genève,
Slatkine Reprints, 1967, tome II, p. 319.
16
Charles Mazouer, op. cit., p. 106 ; François Moureau, De Gherardi à Watteau : présence d’Arlequin sous
Louis XIV, Paris, Klincksieck, 1992, p. 47.
25
un officier ou un docteur (Acte II, scène 4-5). Alors que l’omnis homo Arlequin se travestit
sous diverses formes, Mezzetin joue de la « pagode » mobile congolaise. Les personnages
sortent d’un cabinet chinois et exécutent leurs numéros « chinois ». Rappelons qu’à l’époque
le terme « pagode » ne désigne pas forcément le bâtiment consacré au culte chinois. Il se dit
aussi de « l’idole qu’on adore dans le temple »17. La « pagode » peut donc être une figure
personnifiée.
Dans la gravure des éditions A. Braakman (Amsterdam, 1701) (fig. 1.05a), les quatre
équilibristes sortant du cabinet se caractérisent par leurs jupes à long pans triangulaires, la
fraise autour du cou, leurs moustaches fines et leurs crânes rasés. Arlequin et Mezzetin portent
chacun une robe large, qui s’inspire des habits des missionnaires jésuites en Chine18. Pour que
la maison à l’arrière-plan évoque la Chine, l’auteur lui a dessiné un toit en forme de parapluie
octogonal. Les cocotiers ajoutent une touche tropicale à l’ambiance générale (fig. 1.06, 1.07).
Ces arbres sont récurrents dans les décors végétaux des chinoiseries, car comme les activités
commerciales entre Chinois et Occidentaux sont à l’époque bornées à Canton, le paysage
méridional de cette région était la première impression que les Européens recevaient du
Céleste Empire. Un objet marginal suscite notre attention : le tam-tam. D’origine africaine,
cette percussion complète souvent l’attirail du personnage chinois, qui l’utilise sur scène.
Cette confusion sino-africaine du tam-tam n’est pas surprenante dans la pièce, puisque
Mezzetin-Pagode est censé venir du Congo.
Les éditions Pierre Witte (Paris, 1717) publient une autre gravure des Chinois. Les
éléments chinois y sont moins présents. Au premier plan, de gauche à droite, les noms des
trois personnages sont indiqués : « M. Roquillard », « Mezzetin Pagode » et « Arlequin
docteur chinois » (fig. 1.05b). Cette gravure est reprise par les éditions Briasson (Paris, 1741),
cette fois sans la mention des noms des personnages (fig. 1.05c).
L’image de la pagode telle qu’on la voit se retrouve également dans une autre pièce
des Comédiens-Italiens : Les Bains de la Porte Saint-Bernard (1696). Il n’y a aucun
personnage chinois, mais une pagode chante « sur un trône à la chinoise » (Acte II, sc. 5) (fig.
1.08).
Toutefois, les éditions du Théâtre Italien parues au XIXe siècle s’intéressent peu au
travestissement en faux Chinois : Mezzetin se présente comme un chasseur qui traîne un bouc
par les cornes (éd. Lefèvre, Paris, 1810) (fig. 1.09), et le sujet devient le flirt d’Apollon et de
Thalie, scène auparavant présente seulement dans le prologue (éd. Crapelet Paris, 1822) (fig.
1.10). Au XIXe siècle, la pagode et le docteur chinois, jadis créés par les Comédiens-Italiens,
s’intègrent dans de nouvelles pièces.
17
Dictionnaire de l’Académie Française, première édition, 1694.
18
Pierre Martino, op. cit., p. 231. Martino juge ainsi que le rôle d’Arlequin parodie les missionnaires jésuites en
Chine. Cette opinion est partagée par Adrienne Ward, in Pagodas in Play : China on the Eighteenth-Century
Italian Opera Stage, Lewisburg (États-Unis), Bucknell University Press, 2010, p. 60.
26
I. 3 La Chine décorative
19
Ysia Tchen, La Musique chinoise en France au XVIIIe siècle, Paris, Publications orientales de France,
Association Langues et civilisation, 1975, pp. 10-11. Tchen n’indique pas dans quelle édition elle retrouve cet air
chinois.
20
J.-P.-R Cuisin, Les Bains de Paris et des principales villes des quatre parties du monde, ou le Neptune des
dames, tome 1, Paris, Verdière, 1822, pp. 105-106.
21
Émile Magne, Le Château de Marly, Paris, Calmann-Lévy, 1934, p. 142.
22
Le catalogue de Soleinne indique deux sources du livret (voir Paul Lacroix, Bibliothèque dramatique de M. de
Soleinne, 1969) : (1) Paris, éd. Christophe Ballard, 1700, in-4° ; (2) Manuscrit Bibliothèque de la Ville de Paris,
FG ms 773. Ni l’un ni l’autre n’est disponible. Tian Luo indique que les auteurs doivent être Lenobre et Babrou
(La Chine théâtrale, p. 304). La source électronique qu’elle fournit n’est plus accessible. Sur la partition
composée par Philidor, consulter l’album intitulé Musiques à la cour du Roi Soleil (Calliope, 2002), dont quatre
titres sont disponibles : « Marche », « Entrée d’une pagode », « Chaconne » et « Gigue ».
23
Bérain père (1640-1711) et fils (1674-1726) sont tous deux des dessinateurs au service de la cour. La plupart
des dessins que nous citons ici appartient aux travaux du père.
24
[Journal du 7 janvier 1700,] Journal du Marquis de Dangeau, tome 7 (1699-1700), Paris, Firmin-Didot frères,
1856, pp. 226-227.
25
Jean-Pierre Leroy, « Introduction », Pichou : Les Folies de Cardenio, tragédie-comédie suivie des autres
œuvres poétiques, Paris-Genève, Droz, 1989, p. XVI.
27
diffusent cette mode de la mascarade chinoise jusqu’à Rome (fig. 1.15a-b).
Les Français s’intéressent également à la musicalité de la langue chinoise. La mode est
à l’imitation de la façon de parler des Chinois. Dans une soirée chez la Duchesse du Maine, en
1703, M. de Dampierre joue le rôle d’Arlequin dans le programme organisé par Nicolas de
Malézieu. Cet Arlequin chinois « qui ne sa[it] pas un mot de français », parle « en mots
barbares termin[ant] en Xin, Xu, Xa ». Effrayé par les effets du médicament d’un opérateur,
Arlequin « s’enfuit en faisant mille grimaces et en marmottant son chinois »26. Cette mode de
la parodie de la langue chinoise n’est pas apparue par hasard. En effet, Francisco Varo publie,
en 1703, une grammaire chinoise de référence, sous le titre Arte de la lengua mandarina.
Tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, les sonorités chinoises (musique ou langue)
sont toujours aussi présentes sur les scènes de théâtre. Elles sont parfois polyphoniques : si les
véritables Chinois présentent aux Français le concert chinois (Variétés, 1851), Ludovic
Halévy et Jacques Offenbach composeront les bataclans chinois (Bouffes-Parisiens, 1855)
afin d’ironiser sur le charivari de la politique française.
26
Mercure galant, août 1703, pp. 297-298, 304-305.
27
Réalisé par Jean Mariette (d’après Berain). Voir Jérôme de La Gorce, Berain, dessinateur du Roi Soleil, Paris,
Herscher, 1986, p. 25.
28
H. Belevitch-Stankevitch, Le Goût chinois en France, Paris, thèse doctorale, 1909, p. 246.
28
moustache d’un léopard ou d’un chat29. Les gravures populaires traduisent cette description en
image (fig. 1.21, 1.22). Jusqu’au XIXe siècle, les personnages chinois dans le théâtre français
gardent toujours cet usage.
29
Jean de Mandeville, chapitre XXII, Livres des merveilles du monde, édition critique par Christiane Deluz,
Paris, CNRS, 2000, pp. 359-360. Voir aussi Xavier Walter, Avant les grandes découvertes : une image de la terre
au XIVe siècle : le voyage de Mandeville, Roissy-en-France, Alban, 1997, p. 480.
30
Voir : (1) J.M.B. Clément et Abbé de Laporte, article « La **** », in Anecdotes dramatiques, tome I, [Paris,
Vve Duchesne, 1775,] Genève, Slaktine Reprints, 1971, p. 491 ; (2) Abbé Joseph de La Porte et Sébastien-Roch-
Nicolas de Chamfort, article « Italie galante (L’) » et « La **** », in Dictionnaire dramatique, tome II, Paris,
Lacombe, 1776, pp. 105 et 133.
31
Nathalie Lecomte, L’Orientalisme dans le ballet aux XVIIe et XVIIIe siècle, thèse doctorale, Université
Sorbonne-Panthéon-Paris I, 1981, pp. 92, 94, 101, 104, 121. Le répertoire de Lecomte est complété par Tian
Luo, op. cit., pp. 265-266, 275. Il nous faut pourtant préciser que dans Alcindor le dramaturge emploie le terme
« Asiatiques » et « Tartares » au lieu de « Chinois ».
32
Cette pièce est représentée pour la première fois au Trianon, par l’Académie royale de Musique (Opéra), le 17
décembre 1697. Selon Lecomte et Luo, la scène chinoise est insérée pour la reprise de l’année 1741. Cependant,
dans le livret de l’édition de 1703 nous trouvons déjà des didascalies sur les Chinois, dans la pastorale finale
(Acte III, sc. 8). Les éditions Ballard, parues en 1724, indiquent aussi l’utilisation de l’ « air des Chinois
(ballet) ». Le Victoria and Albert Museum, à Londres, conserve une maquette de costume de Chinois, qui est
susceptible d’être utilisé pour le final d’Issé. Sur cette maquette, voir Jérôme de La Gorce, Féeries d’opéra :
décors, machines et costumes en France : 1645-1765, Paris, éditions du Patrimoine, 1997, p.138.
33
Martine de Rougemont, La Vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, Paris et Genève, Champion-Slatkine,
1988, p. 40 ; Catherine Kintzler, Poétique de l’opéra français de Corneille à Rousseau, Paris, Minerve, 1991, p.
343.
34
Le même problème se trouve aussi chez d’autres rôles orientaux. Un air est destiné à l’Egyptienne, même s’il
n’y a aucun personnage égyptien. Voir Ahmed Youssef, L’Image de l’Egypte dans l’imaginaire français (1750-
1850), thèse doctorale, Université Paris-Sorbonne, 1993, p. 96.
35
Étiemble, Europe chinoise, tome II, Paris, Gallimard, 1989, p. 135.
36
Jackie Assayag, « L’Aventurier divin et la bayadère immolée : l’Inde dans l’opéra », in Catherine Weinberger-
Thomas (dir.), L’Inde et l’imaginaire, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1988, p. 205.
29
l’Asie portent dans leurs coiffures et sur leurs habits, les fleurs les plus belles » (IIIe entrée, sc.
5). Il convient de signaler que, jusqu’au milieu du XIXe siècle, la Chine est souvent désignée
comme l’ « Empire des Fleurs » dans les récits de voyage37. Les Chinois des Indes galantes,
s’il y en a, doivent certainement être présents à cette « fête des fleurs ».
En 1751, les Comédiens-Italiens montent une parodie des Indes galantes intitulée Les
Indes dansantes. Les Chinois ne sont pas présents dans la distribution, mais Madame Favart y
prépare un intermède « à la manière chinoise »38.
Deux gravures conservées à l’Opéra suggèrent la présence de personnages chinois
dans Les Indes galantes. La première porte le titre explicite « Chinois dans les Indes galantes
et autres ballets » (fig. 1.23a). Les indications de Paul Cornu soulignent la forme de la pagode
du costume du Chinois :
Cette gravure est suivie d’une autre, « La Chinoise », qui évoque également le profil de la
pagode (fig. 1.23b) :
La robe s’ouvre sur un jupon que soulèvent de vastes paniers. Les pans triangulaires sont,
comme à la planche précédente, relevés par des rosettes de rubans […]. Les larges manches
rappellent les « manches en pagodes », vastes, plates et retroussées dont les vêtements des
hommes comme ceux des femmes, étaient ornés au début du règne de Louis XV […]40.
Le sens donné au terme « pagode » dans le théâtre a bien évolué depuis le XVIIe
siècle. Si la grosse « pagode » des Chinois des Comédiens-Italiens était un concept vague mi-
objet mi-personnage, dans Les Indes galantes elle désigne le chapeau et la manche dont la
forme se réfère au bâtiment chinois. Toutefois, la confusion entre l’architecture et la figure ne
disparaît pas, même chez Rameau lui-même. En 1760, Rameau compose la partition des
37
Charles Hubert Lavollée, par exemple, remarque qu’« en un mot, le nom d’empire des fleurs, que l’on donne
souvent à la Chine, d’après les Chinois eux-mêmes, est très bien mérité. » Voir Voyage en Chine, Paris, Just
Rouvier, 1852, p. 344.
38
J.M.B. Clément et Abbé de Laporte, Anecdotes dramatiques, Paris, chez la Veuve Duchesne, 1775, tome II,
p.337. Voir aussi Lord Pilgrimm [pseudonyme de Gérard de Nerval], « Histoire de M. et Madame Favart », in
Œuvres de M. et Mme Favart, Paris, Eugène Didier, 1853, p. 8.
39
Galerie des modes et costumes français dessinés d’après nature 1778-1787. J.-B. Martin Inv. et Sculp.
Réimpression accompagnée d’une préface, par M. Paul Cornu [préfacier, 1881-1914]. Paris, Librairie centrale
des beaux-arts.
40
Ibid.
30
Paladins, sur un livret de Monticourt. La représentation sera « sans succès »41 car elle est une
imitation médiocre des Chinois de retour (1756) de Favart 42 . Dans le palais chinois des
Paladins, les pagodes remuent leurs têtes (Acte III, sc. 2), alors que les suivants du dieu
chinois se métamorphosent en formes grotesques. Ces pagodes ambulantes reprennent
apparemment l’esprit du Mezzetin des Chinois. Mais si l’on trouve des pagodes
« corporelles » dans les spectacles du XVIIIe siècle, cet emploi sera très rare au XIXe siècle :
la pagode aura seulement un rôle décoratif et sera intégrée sur scène au décor du paysage
chinois.
Le geste des Chinois dans ces deux gravures des Indes galantes mérite l’attention. Ce
geste des « mains en l’air » serait apparu dans la danse allemande au sujet chinois au début du
XVIIIe siècle43. Les documents iconographiques des Indes galantes attestent de l’utilisation de
ce geste chinois sur la scène française au milieu du XVIIIe siècle. Il se retrouvera
régulièrement dans les acrobaties des Franconi (voir chapitre II), et aussi dans les esquisses
des metteurs en scène de la fin du XIXe siècle (voir chapitre IV) lorsque les arts du spectacle
cherchent à imiter les Chinois. Rappelons que c’est dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
que l’on commence à théoriser la fonction du geste de l’acteur. Johann Jacob Engel, dans son
ouvrage Idées sur le geste et l’action théâtrale (publié en allemand en 1785-1786, et traduit
en français dès 1788), compare les gestes d’un occidental à ceux d’un « talmudiste » oriental
quand ils impliquent le même message. Engel constate la difficulté de décrire les gestes à
cause de la pauvreté du langage44. Le geste « chinois » n’échappe pas à cette difficulté. Mais,
s’il faut attendre 1806 pour que Pixérécourt « décrive » le geste chinois des « mains en l’air »
dans le livret de Koulouf, les gravures des Indes galantes ont déjà démontré comment avoir
l’air chinois grâce à ce geste.
Jusqu’où s’aventure l’Opéra dans la mise en scène du rêve exotique ? Martine de
Rougemont nous rappelle qu’« on ne l’invente plus, mais [il] vit », et étaye son propos en
citant Panurge dans l’île des lanternes (1785) monté à la veille de la Révolution45 . Cette
aventure « insulaire » 46 , écrite par Étienne Morel de Chédeville, s’inspire de l’œuvre de
François Rabelais 47 . Au regard des diverses éditions de la pièce dont nous avons
connaissance, la scène pourrait se passer sur l’île des lanternes au-delà de la Chine (éd. P. de
Lormel, 1785), ou dans un pays asiatique indistinct (éd. Marchands des nouveautés, 1785). Il
41
Georges d’Heylli, Foyers et coulisses, huitième livraison, « Opéra », tome I, Paris, Tresse, 1875, p. 120.
42
Paul-Marie Masson, L’Opéra de Rameau, Paris, Henri Laurens, 1930, p. 130.
43
Edmund Fairfax, The Styles of Eighteenth-Century Ballet, Lanham, Maryland (États-Unis), Scarecrow Press,
2003, pp. 23, 141-142. Il s’agit de la pièce Theatralische Zwergen Tantz-Schul (1720) et du ballet Das Fest des
porzellanenen Turms zu Peking (date inconnue) dans lequel les danseurs croisent également leurs jambes comme
une « pagode ».
44
Johann Jacob Engel, « lettre vi », Idées sur le geste et l'action théâtrale, traduction de Ideen zu einer Mimik,
avec une présentation de Martine de Rougemont, Paris et Genève, Slatkine Reprints, 1979.
45
Martine de Rougemont, op. cit., pp. 67-68.
46
Sur la représentation de l’île dans le théâtre, voir Myung-Eun Lee, L’Insularité théâtrale au XVIIIe siècle,
thèse doctorale, Université Paris-Sorbonne, 2004. La comédie Panurge dans l’île des lanternes n’est pourtant
pas étudiée dans la recherche de Lee.
47
Voir chapitre XLVII du « Tiers livre » de Gargantua et Pantagruel, intitulé « Comment Pantagruel et Panurge
délibèrent visiter l’oracle de la dive bouteille » ; l’avertissement de l’auteur du « Quart livre » ; chapitre XXXIV
du cinquième livre.
31
existe des variantes du texte, mais dans toutes les versions on sait que les habitants de cette île
ne sont « jamais pressés » (éd. Lormel, Acte I, sc. 3) et sont souvent « portés sur un palanquin
avec des parasols » (éd. Nouveautés, Acte II, sc. 6). Les intrigues regroupent deux couples,
l’un français et l’autre asiatique, qui, au terme de leur aventure au lointain, finissent par se
réconcilier. La scène la plus éclatante est la fête des lanternes. Selon la note du dramaturge,
celui-ci aurait découvert cette coutume des Chinois en consultant les recherches du Père Du
Halde48, et il en tire parti pour créer un opéra riche en effets décoratifs49. Un bal est ainsi
donné dans une salle magnifiquement ornée (Acte II), où l’on consacre une cérémonie
lumineuse à la déesse de la lanterne (fin de la pièce). C’est probablement la première fois
qu’on utilise des lanternes dans un spectacle au sujet chinois. À partir de cette date, les effets
de lanternes seront perfectionnés tout au long du développement de la technique théâtrale : la
fête des lanternes dans Chao-Kang (1834) devient ainsi un bel exemple de cette utilisation, et
est souvent citée par les historiens pour expliquer l’emploi de la lumière scénique (voir
chapitre III).
48
Dernière scène, éditions P. de Lormel. L’ouvrage du Père Du Halde cité est sans doute la Description de
l’empire de la Chine (1735), recueil encyclopédique des connaissances de l’époque sur la Chine.
49
Avertissement de l’auteur, éditions P. de Lormel.
50
Rebecca Harris-Warrick et Carol G. Marsh, « The French Connection », The Grotesque Dancer on the
Eighteenth-Century Stage : Gennaro Magri and His World. Madison, University of Wisconsin Press, 2005, p.
180.
51
Émile Campardon, Madame de Pompadour et la cour de Louis XV au milieu du dix-huitième siècle, Paris,
Henri Plon, 1867, pp. 107-108, 402.
32
particulier52.
Les créations iconographiques des XVIIIe et XIXe siècles démontrent l’influence de
L’Opérateur chinois. Une gravure intitulée « L’Opérateur chinois » est reproduite dans La
Comédie à la cour (1885), ouvrage de l’historien Adolphe Jullien53. Dans cette image, les
plantes tropicales et le style d’architecture sont typiques des chinoiseries, mais, à part le titre,
la gravure n’a pas de rapport avec le ballet L’Opérateur chinois. En fait, elle est la
reproduction d’un travail de François Boucher (1703-1770) (fig. 1.24a). Bien que Boucher
soit célèbre pour sa prédilection pour le style de la chinoiserie, ses œuvres ne portent jamais le
titre de « L’Opérateur chinois ». La gravure de Jean-Baptiste Pillement (1728-1808) intitulée
« La Scène de marché dans un port oriental imaginaire »54 (fig. 1.24b) n’est qu’une version
coloriée de ce même « Opérateur chinois ».
Outre le Théâtre-Italien, le Théâtre-Français monte aussi des spectacles qui font écho à
la mode du ballet chinois des années 1750. L’été 1753, Mlle Hus, Mlle Bugiani et M.
Maranesi dansent un « pas de trois » dans Les Mendiants chinois, pièce composée par le père
de Mlle Bugiani55.
La mode du ballet chinois va de pair avec celle du feu d’artifice. En 1747, Ruggieri
met en scène, à l’Hôtel de Bourgogne des Comédiens-Italiens, un spectacle de feux d’artifice
intitulé Le Chinois. Le dessin de Charles Germain de Saint-Aubin nous permet d’apercevoir
ce genre de spectacle composé au Théâtre-Italien en 1749 (fig. 1.25).
Notons que certaines pièces portent des titres faisant allusion à la Chine mais ne
comportent pas vraiment d’éléments chinois. Un exemple en est le Ballet des porcelaines, ou
le prince Pot-à-thé (1739-1740), écrit par le Comte de Caylus et destiné à la soirée organisée
par sa propre société de théâtre (annexe 7.1.(a)). Il s’agit de l’histoire d’une princesse
intelligente qui arrive à contrer un maléfice de magie noire et sauver ainsi un prince
métamorphosé en porcelaine. Comme la Chine est reconnue pour l’exportation de porcelaine
et de thé, on s’attendrait à ce que la pièce évoque cette région, mais rien ne fait directement
référence à la Chine dans le texte de Caylus. En fait, l’intérêt de la représentation s’inscrit
dans la sensation féminine à la fois fantastique et érotique56, et le titre au teint oriental n’est
qu’un témoignage de l’ambition de l’auteur pour « un agencement spectaculaire plus ou
moins hétéroclite »57.
52
Germain Bapst, Essai sur l’histoire du théâtre, Paris, Hachette, 1893, p. 428.
53
Adolphe Jullien, La Comédie à la cour : les théâtres de société royale pendant le siècle dernier, Paris, Firmin-
Didot, 1885, pp. 196-197.
54
Collection de J. Paul Getty Museum, Los Angeles, États-Unis.
55
Les Frères François et Claude Parfaict et Godin d’Abguerbe, Dictionnaire des théâtres de Paris, tome 7
(additions et corrections), Paris, Rozet, 1767, p. 574.
56
David Joseph Buch, Magic Flutes and Enchanted Forests : The Supernatural in Eighteenth-Century Musical
Theatre, Chicago, The University of Chicago Press, 2008, p. 111.
57
Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, « Caylus et le théâtre de société Morville 1739-1740 », in Nicolas Cronk
et Kris Peeters (dir.), Le Comte de Caylus : les arts et les lettres, Amsterdam, Rodopi, 2004, p. 183.
33
I. 3. (4). (b) Le ballet chinois donné à la Foire
Le ballet chinois n’est pas absent des foires. En 1741, l’opéra-comique intitulé La
Chercheuse d’esprit, présenté à la foire Saint-Germain par M. Favart, remporte un « succès
prestigieux »58. L’année suivante, cette pièce est reprise à la foire Saint-Laurent et terminée
par un ballet chinois « fort bien exécuté »59.
En 1752, Jean Monnet consolide sa troupe afin de créer la « comédie mêlée
d’ariettes » accompagnée de la partition originale. Les Fêtes chinoises de Jean-Georges
Noverre s’inscrivent dans cette rénovation. En 1754, cette création de Noverre est présentée à
la salle de Monnet (Opéra-Comique). On y découvre l’« originalité des costumes de Boquet »,
la « nouveauté de la chorégraphie » et la « beauté des décors de Boucher » 60 . Selon la
description de Desboulmiers, la représentation rassemble tous les éléments chinois populaires
contemporains, tels que les jeux sur les gradins, les défilés des mandarins et les mouvements
de chariots, les métamorphoses des Chinois en porcelaines (et vice versa), la musique de
couleur locale, et cetera61. Charles Collé, malgré son « aversion » pour le théâtre « infecté »
de ballets, avoue l’effet « singulier » des Fêtes chinoises et reconnaît la « nouveauté » et le
« pittoresque » de la représentation62.
Dans le spectacle des Fêtes chinoises, les artistes essaient en fait d’intégrer dans la
représentation une Chine « totale », à la fois au niveau du costume, de la musique, de la
danse, du décor et du sujet. Cette expérience est donc une sorte de « mise en scène », en terme
de coordination entre tous les créateurs de la représentation, dont tous les thèmes sont adoptés
et théâtralisés à travers un langage corporel63. Sous cet aspect, nous pourrions même dire que
c’est la première fois qu’une « Chine » est complètement « théâtralisée » sur la scène du
théâtre français. Cependant, entre 1755 et 1775, Noverre change d’orientation et poursuit sa
carrière en province et à l’étranger. Pendant le reste de sa vie professionnelle, Noverre crée un
autre ballet intitulé Les Métamorphoses chinoises, mais aucun détail n’est disponible à ce
sujet64.
58
Parfaict (frères), Mémoires pour servir à l’histoire des spectacles de la foire, tome 2, Paris, Briasson, 1743, pp.
148-149.
59
Ibid., p. 159. Cité aussi par Maurice Barthélemy, « L’Opéra-comique des origines à la Querelle des
Bouffons », in Philippe Vendrix (dir.), L’Opéra-comique en France au XVIIe siècle, Liège, Pierre Mardaga, 1992,
p. 63.
60
Raphaëlle Legrand et Nicole Wild, Regards sur l’opéra-comique : Trois siècles de vie théâtrale, Paris, CNRS,
2002, p. 33.
61
Desboulmiers, Histoire du théâtre de l’Opéra-Comique, tome II, Paris, Lacombe, 1769, p. 323.
62
Charles Collé, Journal et mémoires, tome I, Paris, Firmin Didot Frères, 1868, p. 428.
63
Martine de Rougemont, op. cit., pp. 133, 148.
64
Certains chercheurs considèrent que les trois ballets chinois de Noverre, à savoir Les Fêtes chinoises (1754),
Le Ballet chinois (1778) et Les Métamorphoses chinoises (sans date), sont en fait la même pièce sous des titres
différents. Voir Deryck Lynham, The Chevalier Noverre, Father of Modern Ballet, Londres, Dance Books, 1972,
pp. 53 et 165.
34
Entre 1771 et 1772, les spectateurs y découvrent Le Ballet chinois et La Fête chinoise. Ce
dernier est un spectacle d’escrime (fig. 1.26), dont le sujet est la ridicule réception d’un
ambassadeur chinois 65 . Une pantomime intitulée L’Entrée de l’ambassadeur de la Chine,
représentée en juillet 1777, semble s’inspirer du même sujet.
Dans les années 1770, l’intérêt pour les spectacles chinois se développe dans
l’aristocratie. À l’occasion de la fête du mariage du Dauphin et Marie-Antoinette, en 1770, le
canal de Versailles est « garni de barques en lanternes et baldaquins chinois »66. En avril 1775,
les Menus-Plaisirs du roi organisent une fête chinoise à Marly67. En ce qui concerne les pièces
dramatiques, le 17 novembre 1773, pour la fête du mariage du Comte d’Artois (futur Charles
X), on donne à Versailles Isménor de Desfontaines. Ce spectacle féerique et chevaleresque
raconte les aventures de trois personnages, Zulim, Isménor et Zémire. À la fin de l’Acte I, des
Chinois et des Chinoises apparaissent pour rendre hommage à Zulim. Ils exécutent un ballet
chinois en guise d’intermède entre la scène du palais et l’acte suivant qui se passe dans les
jardins des fées.
Les invités du Comte d’Artois peuvent également assister à la reprise d’Ernelinde,
princesse de Norvège68. Tragédie-lyrique écrite par Antoine-Henri Poinsinet, Ernelinde avait
été montée à l’Opéra en 1767. Bien que des « Tartares » soient indiqués dans le livret publié
en 1767, aucune réplique ni danse n’est attribuée à ces figurants. Sedaine remanie le livret
pour la reprise de 1773 et y ajoute un passage de ballet chinois. Deux planches conservées à
l’Opéra permettent de découvrir les détails des costumes (fig. 1.27a-b) 69 . Féeriques et
folkloriques, ces deux sans-souci chinois ont peu de rapport avec les intrigues des pièces de
tragédie.
D’ailleurs, le ballet chinois des années 1770 n’est plus une œuvre autonome comme
Les Fêtes chinoises de Noverre. Ainsi, Le Ballet chinois, présenté par Noverre lors de la
reprise de Roland, en 1778, n’est qu’un intermède de la pièce. La même année, un opéra
burlesque intitulé Momie est présenté devant le roi, à Choisy. Le ballet chinois (Acte II, sc. 3)
fait partie des divertissements au même titre que les combats d’ours, les numéros de sauteurs
et de pirouettes, etc. Tout au long du XIXe siècle, la Chine continue de jouer un rôle décoratif
sur la scène du théâtre français. À la fin du siècle le public assiste encore à l’Opéra à des
défilés de Chinoises, comme dans la pièce La Burgonde jouée en 1898, dont le sujet principal
est la conquête d’Attila et ses histoires d’amour.
65
Auguste Wahlen, Nouveau dictionnaire de la conversation, tome 7, Bruxelles, Librairie Historique-Artistique,
1844, p. 134 ; William Duckett (dir.), Dictionnaire de la conversation et de la lecture inventaire raisonné des
notions générales les plus indispensables à tous, 2e éd., tome 6, Paris, Aux comptoirs de la direction et chez
Michel Lévy frères, 1853, p. 27.
66
Alain-Charles Gruber, Les Grandes fêtes et leurs décors à l’époque de Louis XVI, Genève, Droz, 1972, p. 73.
67
Ibid., p. 170.
68
L’Avantcoureur, feuille hebdomadaire, Paris, Lacombe, 1773, p. 698.
69
« Mariage de M. le Comte d’Artois, 1773 » : « Ballet chinois. Doliman blanc, a priori d’argent, frange rouge,
vêtements dessous bleus, à frange et ornements d’argent, ceinture et culotte jaune. » Les costumes du Chinois
sont « pareils au[x] femmes ».
35
I. 4 La Chine comique
70
Nous avons consulté : (1) Xu Minglong, Ouzhou Shiba Shiji Zhongguore (« La mode chinoise en Europe au
XVIIIe siècle »), Taiyuan, Shanxi Jiaoyu, 1999 ; (2) Xu Minglong, Huang Jianlue yu Zaoqi Faguo Hanxue
(« Arcade Huang et le début de la sinologie française »), Pékin, Zhonghua, 2003 ; (3) Meng Hua, Voltaire et la
Chine, thèse doctorale, Université Paris-Sorbonne, 1988, pp. 52-65.
71
Le Mercure galant, septembre 1684, cité par Tian Luo, op. cit., p. 295.
72
Voir Joseph Dehergne, « Voyageurs chinois venus à Paris au temps de la marine à voiles et l’influence de la
Chine sur la littérature française du XVIIIe siècle », Monumenta Serica, vol. 23, 1964, pp. 372-397.
73
Sur la vie d’Arcade Huang, voir les ouvrages de Danielle Elisseff-Poisle : (1) Moi, Arcade, interprète chinois
du Roi Soleil, Paris, Arthaud, 1985 ; (2) Nicolas Fréret (1688-1749), réflexions d’un humaniste du XVIIIe siècle
sur la Chine, Paris, Institut des hautes études chinoises, 1978.
74
Émile Campardon, Les Spectacles de la Foire, tome 2, Paris, Berger-Levrault, 1877, p. 391.
75
Elisabeth Eide signale une pièce intitulée Le Chinois au salon, présentée à la foire Saint-Laurent, en 1769,
dont nous ignorons l’histoire et les détails. (Voir Elisabeth Eide, « The Chinese as “the other” in European Plays
of the Eighteenth Century », in Michel Cartier (dir.), La Chine entre amour et haine, Paris, Desclée de Brouwer,
1998, p. 71.
36
qu’en 1716. Entre-temps, les acteurs forains prennent de l’assurance et s’emparent du
répertoire des Comédiens-Italiens. Si ce sont les Comédiens-Italiens qui ont inventé les
personnages nommés « Chinois », durant cette période les « Chinois » s’introduisent dans le
monde de la foire. Sous la plume d’Alain-René Lesage, le Chinois est fortement lié à
Arlequin.
Dans Arlequin invisible chez le roi de Chine (1713), Asmodée, diable boiteux, montre
à Arlequin l’illusion d’un harem chinois, avec « mille choses précieuses » et « trois pagodes
qui sont sur une longue table assises les jambes croisées » (sc. 1). À l’aide de son chapeau
diabolique, Arlequin se rend invisible, se glisse dans la cour et se moque du roi chinois. C’est
donc l’ « invisibilité » du diable qui permet aux spectateurs de « voir » la scène chinoise. Mais
dans la gravure du Théâtre de la Foire (éd. Ganeau, Paris, 1721), on voit d’après ses habits
que le roi en question est plutôt turc que chinois (fig. 1.28). Ce type d’« Arlequin chinois » se
retrouve sur scène jusqu’à la Restauration : dans Paris à Pékin (1817), ce sera Arlequin de
Pékin qui demande à Lucifer d’exposer la ville chinoise aux yeux des Parisiens.
Une autre pièce foraine, intitulée Arlequin barbet, pagode et médecin (1723), aborde
aussi le sujet de l’invisibilité, cette fois au niveau de l’identité76. Arlequin, valet japonais, se
déguise en médecin chinois77 afin d’accomplir le mariage de son maître, à savoir le prince
japonais qui est épris de la princesse chinoise. Les stratagèmes d’Arlequin sont découverts
suite à l’arrivée de l’ambassadeur japonais. Heureusement, le roi chinois pardonne leurs
fourberies. Arlequin est chargé d’organiser la fête de la noce, qui se termine par des
divertissements d’esclaves chinois et par le défilé de la suite de l’ambassadeur japonais.
Notons que c’est un des rares spectacles où des personnages asiatiques autres que
chinois apparaissent sur scène78. Dans Don Quichotte chez la Duchesse (Opéra, 1743), un
chœur composé de « Japonais » est convoqué par Altisidore mais il ne paraît jamais sur scène.
Quant aux Coréens, ils n’existent que dans les répliques de Gengis Khan, dans L’Orphelin de
la Chine (Comédie-Française, 1755)79. Autrement dit, le peuple chinois est quasiment le seul
peuple d’Extrême-Orient à être régulièrement représenté dans le théâtre français du XVIIIe
siècle.
76
La pièce n’est pas publiée. Deux manuscrits sont conservés à la BnF, sous les cotes ms. f. fr. 9314 et ms. f. fr.
25471. Sur l’analyse des manuscrits, voir Ling-Ling Sheu, « Confrontation de séquences des manuscrits
d’Arlequin barbet, pagode et médecin, ‘pièce chinoise’ jouée à la foire Saint-Germain », in Brigitte d’Hainaut-
Zveny et Jacques Marx (dir.), Formes et figures du goût chinois dans les anciens Pays-Bas, éd. Université de
Bruxelles, 2009, pp. 101-121.
77
Sur le personnage « Arlequin-médecin », voir Christine Eleanor Petersen, The Doctor in French Drama, 1700-
1775. New York, Columbia University Press, 1938, p. 79.
78
Pierre Peyronnet, « ‘C’est pour rire…’ ou la Chine sur le théâtre français au dix-huitième siècle », Dalhousie
French Studies n° 43, 1998, p. 120.
79
Sur la Corée dans L’Orphelin de la Chine, voir Frédéric Boulesteix, D’un Orient autrement extrême : Images
françaises de la Corée (XIIIe-XXe siècle), thèse doctorale, Université Sorbonne Nouvelle-Paris III, 1999, pp. 216-
220.
37
prince persan Nourredin est épris de l’héroïne de la Princesse de la Chine (1729), pièce écrite
par Alain-René Lesage et Jacques-Philippe d’Orneval.
À la source de la Princesse de la Chine se trouve l’archétype créé par Nezâmi, en
langue persane, à la fin du XIIe siècle80. Lesage a traduit pour le compte de François Pétis de
La Croix, auteur de l’Histoire du Grand Genghizcan parue en 1710, une série de contes
intitulés Les Mille et un jours 81 . C’est à partir de ces contes orientaux qu’il conçoit sa
princesse chinoise. Les Mille et un jours étant un recueil de contes à l’instar des Mille et une
nuits, il est possible de trouver dans ce dernier ouvrage des éléments qui constituent le
personnage de la princesse chinoise82.
Au contraire de la reine élégante du Cathay dans Roland, la princesse chinoise tirée
des contes orientaux incarne la cruauté d’une beauté irrésistible. Tous ceux qui adorent cette
princesse Diamantine sont invités à participer à un jeu mortel : celui qui n’arrive pas à
déchiffrer les trois énigmes inventées par la princesse sera exécuté le lendemain. Mais Lesage
adoucit le ton dans son adaptation dramatique, « pour la mettre au goût du public des foires,
plaçant dans la bouche d’Orientaux des allusions à la mythologie grecque et des adages en
latin de cuisine et multipliant les anachronismes, les trivialités et les grivoiseries » 83 . La
représentation est un succès, même si certains critiques contemporains jugent qu’on y met
« un peu trop de semences froides »84.
Pour que La Princesse de la Chine soit vraiment « à la chinoise », les dramaturges
rassemblent dans les didascalies tout l’imaginaire chinois de l’époque. En suivant les pas du
valet Pierrot, on aperçoit la cour intérieure chinoise (Acte I, sc. 3-4) et on entend le charivari
des clochettes et des tambours chinois accompagnant l’exécution de la peine de mort. Au
cours du défilé, les soldats portent une tête de dragon, des tambours, des enseignes, des
meubles vernissés, etc. La cérémonie de sacrifice démarre dans les bruits de clochettes (Acte
I, sc. 10). Les bonzes portent « un petit autel enrichi de guirlandes et de têtes de pourceaux ».
Le grand prêtre, lors de la danse des bonzes, « brûle des parfums avec des papiers dorés et
argentés sur l’autel » (Acte I, sc. 11). La scène s’ouvre ensuite sur un jardin chinois
agréablement aménagé (Acte II, sc. 1). C’est la première fois qu’une ambiance chinoise à la
fois païenne, mystérieuse et amusante est décrite en détails dans une pièce de théâtre.
Mais les illustrations correspondant à la pièce montrent que ces éléments chimériques
80
Pierre Vidal, « Turandot de Puccini : une héroïne parmi d’autres, de Nezâmi à Brecht », Autour de Turandot,
cahier de l’exposition synonyme à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra, Paris, BnF, 1997, p. 13.
81
Basil Guy, The French Image of China Before and After Voltaire, Genève, Institut et Musée Voltaire, 1963,
pp. 179-180.
82
Edith Guedj, Figures mythiques d’assassines : d’Agrippine à Turandot, thèse doctorale, Université Sorbonne
Nouvelle-Paris III, 1995, p. 274. Sur les sources de Turandot, voir Robert Aubaniac, « La Légende de la
princesse cruelle, des origines à Puccini », L’Avant-scène, Opéra, n° 33, mai/juin 1981, pp. 4-9. Selon Aubaniac,
les sources tirées des Mille et une nuits sont les « Paroles sous les 99 têtes coupées » (884e nuit) et « Histoire
splendide du prince diamant » (904e nuit).
83
Paul Sebag, Histoire du prince Calaf et de la princesse de la Chine, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 133.
84
Voir Spectacles malades (Opéra-Comique, le 29 août 1729) : « J’ai pris certaine médecine, / Faite de Simples
de la Chine. / Elle m’a bien fait, je le sens ; / Mais les critiques toujours roides, / Ont dit qu’on avait mis dedans /
Un peu trop de semences froides. » (sc. 5). Les Frères Parfaict remarquent qu’il s’agit de La Princesse de la
Chine (voir Mémoires pour servir à l’histoire des spectacles de la foire, tome 2, Paris, Briasson, 1743, pp. 254-
255).
38
ne constituent pas une image de la Chine à proprement parler. Les éditions Pierre Gandouin
(1731) publient une gravure d’après la scène du déchiffrement des trois énigmes (fig. 1.29)
dans laquelle le roi chinois a le même type de costume que le prince persan Nourredin tandis
que les gants et le gilet serré de la princesse évoquent les personnages féminins de La Statue
merveilleuse ou Le Jeune Vieillard, dont l’action se passe respectivement au Cachemire et à
Surate (en Inde) 85 . En fait, tous ces Chinois sont conçus de la même manière que les
personnages orientaux qu’on découvre dans les gravures du Théâtre de la Foire, dont celles
illustrant La Reine du Barostan (fig. 1.30), Le Corsaire de Salé, Arlequin Hulla, ou encore La
Princesse de Carisme.
Ce métissage « sino-oriental » rappelle encore une fois que la Princesse de la Chine a
été écrite d’après des contes orientaux. Jusqu’aux années 1830, il y a toujours un certain
nombre d’ingrédients issus des contes orientaux dans les pièces de théâtre portant sur des
sujets chinois (voir chapitre II, III). Ce n’est qu’après l’ouverture de la Chine et l’arrivée en
France de spectacles donnés par de véritables Chinois que la « Chine » théâtrale arrive à se
dégager des influences de l’Orient (pris au sens de « Levant ») (voir chapitre IV). L’histoire
de la princesse Diamantine sera remaniée par Gozzi en 1772 et reprise à l’Odéon en 1897
sous le titre de Turandot (voir chapitre VI). Au cours du XIXe siècle, la Chine imaginée au
théâtre s’émancipe peu à peu du discours associé à l’Orient. Cependant, à partir des années
1860, la confusion entre la Chine et le Japon prend le relais, en particulier dans l’image des
femmes chinoises sur la scène du théâtre.
85
Les deux pièces sont recueillies, avec gravures, dans Le Théâtre de la Foire, tome 4, Paris, Étienne Ganeau,
1724.
39
Grâce à la « liberté du théâtre » en 179186 et la croissance des entreprises théâtrales,
les personnages chinois mis en scène boulevard du Temple constitueront un nouveau
répertoire qui étendra son influence dans tous les genres populaires. Que ce soit dans le
mélodrame, l’opéra-comique ou le vaudeville, les personnages chinois sont présents dans le
théâtre tout au long du XIXe siècle.
86
Selon le décret du 13 janvier 1791 de l’Assemblé nationale, chacun a la liberté d’ouvrir un théâtre partout en
France, par simple déclaration auprès des autorités municipales. Le monopole des trois théâtres privilégiés est
aboli.
87
Henri Coulet, préface de L’Île des Esclaves, de Marivaux, Paris, Gallimard, coll. « folio classique », 2000, p.
14.
88
« Mélange », Journal de Paris, le 10 prairial, an VIII (30 mai 1800), et le 27 prairial, an VIII (16 juin 1800). Il
s’agit d’un « A-Sam » qui est invité au théâtre pour le spectacle intitulé Le Chinois (voir chapitre II).
40
I. 4. (4) Les enjeux de l’Opéra, les Italiens et la Foire
I. 4. (4). (a) « Le Chinois rapatrié » face à la Querelle des bouffons
Entre le retour des Italiens en 1716 et leur fusion avec l’Opéra-Comique de la Foire en
1762, l’événement qui a le plus marqué le monde du théâtre lyrique est la « Querelle des
bouffons » qui a lieu de 1752 à 1754 et qui oppose les défenseurs de la musique française et
les partisans de l’italianisation de l’opéra français. Dans ce contexte de débats agités,
l’Académie royale de Musique présente, en 1753, l’opéra de Goldoni et Ciampi intitulé
Bertoldo in corte (« Bertolde à la cour »). Ayant remporté un succès extraordinaire et
inattendu, cet opéra entraîne dans un premier temps un « mouvement de réutilisation et
traduction qui se déclenche dans les deux autres théâtres musicaux de la capitale », et ouvre
ensuite « une grande saison de parodies-traduction »89. Selon Andrea Fabiano, Le Chinois poli
en France (1754) de la foire Saint-Laurent et Les Chinois, ou les Chinois de retour (1756) du
Théâtre-Italien sont tous deux issus de cette vogue des parodies-traductions.
L’origine de ces deux parodies remonte à une « scène lyrique », intitulée Il Cinese
rimpatriato (« Le Chinois rapatrié »), montée à l’Opéra le 19 juin 175390. Il s’agit de l’histoire
d’un noble Chinois nommé Véxorin qui, après avoir réalisé un grand voyage en France,
retourne en Chine. À son arrivée à Pékin, Véxorin s’introduit dans le cabinet d’Argèse,
accompagnée de sa confidente Æglé. Véxorin montre les bijoux à Argèse et lui raconte la
coquetterie des Européens. Argèse, éprise d’abord de la galanterie de ce jeune voyageur,
refuse finalement son amour. Destinée à être jouée au mariage du Dauphin91, la représentation
ne soulève guère d’enthousiasme92.
La différence dans les attitudes esthétiques des deux personnages de cette pièce peut
être mise en parallèle avec la Querelle des bouffons : d’un côté Véxorin défend un style
raffiné et importé de l’étranger (le côté « italien ») et de l’autre Argèse est fidèle au style local
qui est authentique et qui est donc la vraie beauté (le côté « français »). Selon Irène
Mamczarz, en opposant la fraîcheur des sentiments d’Argèse à l’expérience de Véroxin, Il
Cinese rimpatriato se caractérise par « un charme de simplicité et de délicatesse » : la
« subtilité psychologique » et le « lyrisme » de la pièce se rapproche ainsi du théâtre français
et marque « une nouvelle étape dans l’évolution de l’intermède »93. En ce qui concerne la
forme dramatique, la mention « scène lyrique », au lieu d’ « intermède » permet d’insister sur
89
Andrea Fabiano, Histoire de l’opéra italien en France (1752-1815) : Héros et héroïnes d’un roman théâtral.
Paris, CNRS, 2006, p. 35.
90
Sans date précise de la représentation dans la publication bilingue (Paris, éd. Veuve Delormel et Fils, 1753 et
1754). Sur cette date, nous nous référons à Castil-Blaze, Théâtre lyrique de Paris : l’opéra-italien de 1548 à
1856, Paris, Castil-Blaze, p. 146 ; Nérée Desarbres, Deux siècles à l’Opéra (1669-1868), Paris, E. Dentu, 1868,
p. 180.
91
Corinne Pré, « Une décennie de parodie : 1752-1762 », in Sylvain Menant et Dominique Quéro (dir.), Séries
parodiques au siècle des Lumières, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2005, p. 99.
92
Anna Laura Bellina, « Considérations sur les genres », traduit de l’italien par Michelle Nota, in Andrea
Fabiano (dir.), La « Querelle des Bouffons » dans la vie culturelle française du XVIIIe siècle », Paris, CNRS,
2005, p. 81.
93
Irène Mamczarz, Les Intermèdes comiques italiens au XVIIIe siècle : en France et en Italie, Paris, CNRS,
1972, p. 265.
41
la brièveté et la qualité lyrique de cette pièce94.
Par son intrigue, Il Cinese rimpatriato fournit un nouveau sujet aux pièces chinoises
données au théâtre français : le voyage. Ce sujet constituera une partie importante de notre
recherche consacrée au répertoire du XIXe siècle. Si les garçons et les filles des Trois cousines
(1700), de Dancourt, envisageaient un voyage en Chine 95 , dans Il Cinese rimpatriato on
découvre le « retour » d’un Chinois qui a voyagé en France. La comparaison des mœurs de
ces deux régions si éloignées l’une de l’autre devient le motif de la pièce. Dans son ouvrage,
Adrienne Ward analyse Il Cinese rimpatriato du point de vue de l’ « observateur-voyageur ».
Elle remarque que la comparaison des mœurs amuse la haute société qui aime qu’on lui
dépeigne sa propre image. La pièce est donc faite avant tout pour divertir, et l’observation du
voyageur n’est sérieuse à aucun moment96.
Avec ce même point de vue de l’ « observateur-voyageur », Tian Luo s’intéresse à la
question de la persécution des femmes en Chine. D’après elle, le librettiste laisse entendre que
les Chinois éduqués en France transformeront les Chinoises qui ont été élevées pour être
chastes mais qui au fond d’elles-mêmes désirent un amour libre. Autrement dit, le librettiste et
les spectateurs « se plaisent à libérer les Chinoises de la dictature masculine »97. La réflexion
de Tian Luo ouvre la voie à un autre champ d’analyse : dans la parodie des Comédiens-
Italiens que nous allons analyser ci-après, le spectateur découvre le voyageur Tamtam qui
s’apprête à réveiller le désir des femmes chinoises.
I. 4. (4). (b) Deux parodies : Le Chinois poli en France et Les Chinois, ou les Chinois de
retour
La scène lyrique Il Cinese rimpatriato a inspiré deux parodies : Le Chinois poli en
France de Louis Anseaume (foire Saint-Laurent, 1754), et Les Chinois, ou les Chinois de
retour de Charles-Simon Favart et Jacques-André Naigeon (Théâtre-Italien, 1756).
Dans Le Chinois poli en France, deux personnages, Zaïde et sa sœur Eglé,
s’interrogent sur la nature et l’art. La première apprécie la simplicité, tandis que la seconde
préfère la beauté artificielle. Leur père leur choisit à chacune un jeune époux : pour Zaïde,
c’est Nourredin, qui connaît bien la rhétorique ; pour Eglé, Hamsi, un homme taciturne,
sincère mais avec peu d’humour. Le choix du père ne correspond pas à l’espérance des filles.
Finalement, le père change d’avis et décide de destiner Zaïde à Hamsi et de confier Eglé à
Nourredin.
Nous avons indiqué que le charme d’Il Cinese rimpatriato vient en grande partie de sa
simplicité qui le rapproche du théâtre français. L’intrigue du Chinois poli en France est
94
Ibid.
95
Dancourt, Les Trois cousines, troisième intermède. Les répliques sur la Chine sont attribuées à un personnage
« Mlle Hortense ».
96
Adrienne Ward, Pagodas in Play: China on the Eighteenth-Century Italian Opera Stage, Lewisburg,
Pennsylvania (États-Unis), Bucknell University Press, 2010, p. 56.
97
Tian Luo, La Chine théâtrale en France au XVIIIe siècle, thèse doctorale, Université de Paris-Sorbonne, 2004,
p. 193.
42
toutefois d’une autre qualité : selon Irène Mamczarz, les « artifices de toutes sortes » qui
abondent dans la pièce font du Chinois poli en France une « parodie de l’intermède
italien »98.
Dans la perspective chinoise qui nous occupe, le personnage de Nourredin mérite une
attention particulière. Comme Véxorin d’Il Cinese rimpatriato, Nourredin a voyagé en
France, où le peuple « connaît mieux le plaisir » et « sait mieux l’art d’en jouir » (sc. 4). Il
rapporte que paradoxalement, la mode en France est tout à fait chinoise. Nourredin énumère
les objets chinois qui gagnent leur popularité en France, comme les laques, les vernis, les
fleurs et les fruits. Même les bijoux des Français « ont pris nos goûts ». Le théâtre ne fait pas
exception, puisque les Français « dans[ent] nos ballets [Chinois] » pour « s’y met[tent] en
frais ». Cette scène est un beau témoignage de la mode des chinoiseries qui se développe en
France de 1660 à 177099.
Jean Weisgerber remarque que le choix de la scène chinoise accentue à la fois le
sentiment d’éloignement extrême et d’extrême raffinement. Autrement dit, « les lointains dont
ils[les Chinois] proviennent sont aux antipodes ; cependant, ils demeurent dans l’orbite de la
civilisation, contrairement aux sauvages »100. Ainsi, est-ce le Chinois qui s’est amélioré en
vivant en France ou plutôt les Français qui se sont améliorés au contact des idées chinoises ?
Le rôle du voyageur Nourredin est donc double. D’une part, il présente aux filles chinoises les
privilèges des Français. D’autre part, il affirme devant les spectateurs l’existence d’une
importante culture raffinée nommée la Chine. C’est une époque où les deux peuples
s’apprécient.
L’intrigue des Chinois, ou les Chinois de retour reprend la forme simple d’Il Cinese
rimpatriato. Le personnage central est le mandarin Xiao qui arrange le mariage de sa seule
fille Agésie avec le voyageur chinois nommé Tamtam. Le rôle de la sœur est remplacé par la
confidente Chimca. Le titre de la pièce est ambigu, parce qu’il n’y a qu’un seul Chinois de
retour, à savoir Tamtam. C’est pourquoi certaines publications ultérieures changent le titre en
Le Chinois de retour101.
Le rôle de Tamtam paraît assez audacieux, parce qu’il ne se contente pas de paroles
galantes. Il propose à la fille de pratiquer l’« art » qu’il a appris en France, à savoir « l’art de
filer l’amour, l’art d’occuper son cœur, / et de préparer le bonheur » (sc. 5). Cet « art » fait
pourtant partie de la nature humaine, puisqu’il s’agit du sens charnel. D’après Tamtam, « en
France, où j’ai fait un voyage, / Le sexe n’est pas si sauvage. » L’interrogation d’Agésie est
directe et incisive. Elle demande à ce don juan chinois, « comment fait-on l’amour à la
française ? » Les deux amoureux se mettent ensuite à pratiquer l’ « art » français.
Cet « art » charnel français est pratiqué dans une chambre conçue en vertu de la mode
98
Irène Mamczarz, op. cit., p. 267.
99
Muriel Dodds, Les Récits de voyages : sources de L’esprit des lois de Montesquieu, [Paris, H. Champion,
1929,] Genève, Slatkine Reprints, 1980, pp. 25-27.
100
Jean Weisgerber, Les Masques fragiles : esthétique et formes de la littérature rococo, Paris, l’Âge d’homme,
1991, pp. 114-115.
101
Les éditions J. Van den Berghen, à Bruxelles, 1758 [BnF-ASP : 8-RF-9981]. Cette édition ne garde que le
nom de Naigeon comme auteur. Elle publie la distribution des personnages.
43
chinoise. Les didascalies expliquent : « le théâtre représente un appartement décoré et meublé
à la chinoise ; on voit dans le fond du théâtre l’horizon à travers une jalousie brisée ». Pour les
spectateurs contemporains, non seulement les costumes sont faits et procurés par la Chine,
mais les acteurs sont « vêtus exactement, selon l’usage de la Chine » 102 . Grâce au décor
exotique, le rapport du jeune couple sur scène nous invite à une fantaisie sensuelle, voire une
volupté, qu’on ne peut pas réaliser dans la norme quotidienne. La recherche d’Étiemble nous
apprend que plusieurs titres littéraires sont associés à cet érotisme exotique de l’époque103. La
scène entre Tamtam et Agésie appartient à ce courant de l’érotisme exotique. Il ne s’agit donc
pas simplement d’un Chinois s’étant instruit en France qui libère une Chinoise persécutée en
Chine : les deux Chinois invitent les spectateurs français à exploiter avec eux une sensation
enfouie loin de la scène quotidienne.
Toutes les chinoiseries des Chinois de retour sont conçues par Mme Favart. Elle
prépare également un intermède intitulé Les Noces chinoises104. Celui-ci, purement décoratif,
impressionne les spectateurs grâce à la « variété de figures », les costumes et les
décorations105.
102
J.M.B. Clément et Abbé de Laporte, op. cit., p. 337.
103
Étiemble, « La Chine au secours de l’érotisme européen », op. cit., pp. 87-113.
104
Desboulmiers, Histoire anecdotique et raisonnée du théâtre italien, depuis son rétablissement en France
jusqu’à l'année 1769, Paris, Lacombe, 1769, tome 6, p. 248.
105
Antoine d’Origny, Annales du théâtre italien : depuis son origine jusqu'à ce jour, [Paris, 1788,] Genève,
Slatkine Reprints, 1970, tome I, pp. 267-268.
106
Bruce Alan Brown, « Le Mandarin: An Unknown Gluck Opera? » The Musical Times, vol. 128, n° 1737,
« Gluck Bicentenary Issue », novembre 1987, pp. 619-623.
44
Sélim, amant de Mirza, se déguise en père de Mirza afin d’organiser de fausses fiançailles et
abuser Zama. Par ailleurs, ce dernier est suivi par son ancienne amante Daphné jusqu’à la
maison de Mirza. L’esclave de Zama regrette l’infidélité de son maître et se déguise en Mirza.
Trop laide, cette fausse Mirza effraye le jeune mandarin. Zama renonce alors aux fiançailles et
à la dot. La vraie Mirza, jusqu’alors déguisée en esclave du foyer, arrive finalement à s’unir
avec son amant Sélim.
Dans cette pièce, l’héroïne Mirza se retrouve face à un dilemme cornélien : elle doit
choisir entre ses émotions personnelles et le devoir familial (sc. 2). Le père-mandarin et le
fiancé-mandarin doublent la domination masculine que Moline attribue aux mœurs chinoises.
Selon les notes de cette scène : « les lois des Chinois donnent aux pères le droit de vie et mort
sur leurs enfants ». Même si le père-mandarin est absent de la scène, son hégémonie est
omniprésente.
Pour les lecteurs français, le comique du Mandarin s’inscrit non seulement dans
l’étrangeté des mœurs chinoises mais aussi dans le jeu des déguisements pour changer
d’identité et de sexe. Ce type de travestissement sera repris régulièrement dans les pièces de
thème chinois au XIXe siècle. Par exemple dans la folie-vaudeville Gengiskan, ou l’Aimable
Tartare (1824) un Chinois, Assouf, se déguise en femme afin de sauver sa bien-aimée enlevée
par Gengis Khan.
Les titres des officiers chinois varient parfois mais leurs personnalités restent
similaires. Dans la comédie intitulée La Jeune Chinoise 107 (écrite vers 1789), un capitaine
français nommé Rosnay est amoureux d’une jeune Chinoise, Giska. Il lui propose de
l’emmener en France. Souikoing, père de Giska et vice-roi de Canton, empêche par tous les
moyens sa jeune fille de poursuivre son bonheur. Grâce à l’armée française qui seconde
Rosnay, Souikoing est obligé de céder sa fille à ce capitaine. La jeune fille chinoise se dégage
finalement de la domination de son père.
Mis à part le personnage mandarin, la nouveauté de La Jeune Chinoise est le recours
aux armes. En fait, jusqu’ici nous n’avons jamais rencontré de pièces de théâtre qui oppose la
Chine à l’Occident dans un cadre militaire. L’utilisation des armes dans La jeune Chinoise est
polyphonique : d’une part, elle marque le déclin de la vogue chinoise chez certains Français et
d’autre part, elle envisage la nécessité d’ouvrir par la force les portes vers la Chine. Pour
légitimer leur entrée dans l’empire chinois, les Européens se donnent pour excuse la mission
morale de libérer un peuple persécuté.
Mais le personnage du mandarin dans cette pièce peut être vu sous un angle différent.
En effet, utiliser les armes contre un persécuteur est une situation universelle qui évoque
l’esprit révolutionnaire. Le mandarin n’est pas seulement un Chinois, il représente tous les
persécuteurs. En 1795, une pièce intitulée Plus de mandarins, ou la Chine sauvée est publiée
à Paris. Dans cette pièce, qualifiée de « bagatelle civico-parade », le mandarin est clairement
synonyme de la dictature jacobine. Il faut attendre 1821 pour que le théâtre de la porte Saint-
Martin reprenne le sujet du mandarin comique. C’est aussi à cette date qu’on monte pour la
première fois sur scène une pièce ayant le mot « mandarin » dans son titre (voir chapitre II).
107
La pièce n’a peut-être pas été représentée. Brenner indique qu’elle a été rédigée vers 1789.
45
I. 5 Les mœurs chinoises au théâtre
108
Les activités des Jésuites en Chine remontent au XVIe siècle. En 1601, après un séjour de 18 ans en Chine
méridionale, Matteo Ricci arrive à Pékin et se met au service de la cour. Dès lors, jusqu’en 1773, date à laquelle
le pape Clément XIV supprime la Compagnie de Jésus, les Jésuites se consacrent aux échanges scientifiques et
culturels dans le monde chinois. Bien que les catholiques soient interdits à partir de 1723 par l’empereur
Yongzheng, les missionnaires jésuites sont autorisés à rester à la cour et continuent à rendre service à l’empereur.
109
Sur les écrits des jésuites sur la Chine, nous nous référons à Virgile Pinot, La Chine et la formation de l’esprit
philosophique en France : 1640-1740, [Paris, 1932,] Genève, Slatkine reprints, 1971, pp. 141-185.
110
J.A.G. Roberts, « L’Image de la Chine, dans l’Encyclopédie », in Recherches sur Diderot et sur
l’Encyclopédie, n° 22, avril 1997, p. 92.
111
Père Du Halde, Description de l’empire de la Chine, tome II, Paris, P.-G. Le Mercier, 1735, pp. 95-97, 112-
116.
112
Trois nouvelles chinoises ont été traduites en français, par le Père d’Entrecolle, et publiées dans La
Description de l’empire chinois du Père Du Halde.
46
annexe de l’« Argument d’une comédie chinoise » 113 . Malheureusement, la découverte de
Percy n’intéresse guère les Français. Une seule traduction française de Hau Kiou Choaan fait
état de ce document sur le théâtre chinois114.
113
Sur la source de Percy et sa traduction, voir James Watt, « Thomas Percy, China, and the Gothic », in The
Eighteenth Century, vol. 48, n° 2, publié par Texas Tech University Press, 2007, pp. 95-109.
114
Hau Kiou Choaan, histoire chinoise, traduite de l’anglais par M.***, tome III, Lyon, chez Benoît Duplain,
1766. Ce roman chinois a été traduit en plusieurs langues et pour chaque langue dans plusieurs versions
différentes.
115
Jacques Gernet, Chine et christianisme : la première confrontation, Paris, Gallimard, 1982, pp. 247-253.
47
I. 5. (2). (b) L’enseignement de l’école confucéenne
Le culte de Confucius est l’objet d’une « tragédie chinoise » intitulée Télésis (1751,
sans représentation)116. Contrairement au culte des ancêtres dans Les Superstitieux, ici le culte
de Confucius n’est pas parodié. Selon le prologue de cette pièce, le sujet en est le « système
surnaturel des Orientaux ». La scène se situe à Satafuma, capitale de l’empire de Jesso,
surnom donné au Japon à l’époque117. Le choix de ce lieu rappelle la « rivalité amusante »
dont parle Pierre Martino dans son ouvrage : tandis que le Père Du Halde vante la vertu des
Chinois, le Père Charlevoix s’empresse de faire connaître les Japonais qui, d’après lui, sont de
beaucoup supérieurs. Le résultat est que les contemporains pensent que « les Japonais [sont]
plus Chinois encore que les Chinois de Chine »118.
En effet, il n’y a ni scènes chinoises ni personnages chinois dans Télésis. Un prince
coréen, Darising, fils du roi d’Ossima, a été envoyé à la cour de l’empereur de Chine, « pour y
être élevé par les disciples du fameux Confucius, la gloire de l’Orient » (Acte II, sc. 3). On
connaît son histoire grâce au récit de Zarada, princesse coréenne de la même famille. Celle-ci
raconte à Télésis, princesse japonaise fille du roi de Jesso et amante de Darising, la situation
de la Chine, où les sages confucéens « n’enseignent que l’art de connaître le poison de la
flatterie, la honte de l’ignorance, et l’horrible danger de la soumission à la tyrannie des
préjugés, la raison qui ne nous est donnée que pour connaître la vérité. » (Acte II, sc. 3).
Dans Télésis, les Japonais et les Coréens font de nombreux efforts pour acquérir les
vertus enseignées par l’école confucéenne. Or, pour les missionnaires depuis le XVIIe siècle,
les classiques du confucianisme sont assimilables à la révélation biblique 119 . Pour ces
« figuristes », le décodage des ouvrages classiques chinois est un travail obligatoire puisqu’il
mène à la révélation du Messie. Cette pensée témoigne d’une sinophilie absolue, également à
la base d’œuvres comme L’Orphelin de la Chine de Voltaire. Si les missionnaires et les
dramaturges du XVIIIe siècle s’inspirent librement de l’école confucéenne, à la fin du XIXe
siècle les « lettrés-dramaturges » seront à nouveau en quête de philosophie chinoise. De Paul
Claudel à Georges Clemenceau, ils intègreront à leurs créations les idées du confucianisme et
du taoïsme.
116
Tian Luo résume les versions diverses – imprimées et manuscrites – qu’on peut trouver en France. Luo appuie
sa recherche sur le manuscrit de la BnF (cote : BN ff 25513). Notre analyse s’établit sur le texte imprimé en 1751
(BnF-ASP : 8-RE-2017).
117
Jacques-Philibert Rousselot de Surgy, chapitre de la « Terre de Jesso », Mélanges intéressants et curieux, ou
abrégé d’histoire naturelle (1763-1765), seconde édition, tome 3, [Paris, Durand (Panckoucke),] 1765, p. 155 ;
Frédéric-Constant de Rougemont, Précis d’ethnographie, de statistique et de géographie historique, première
partie. Neuchâtel, J.-P. Michaud, 1835-1837, p. 76.
118
Pierre Martino, op. cit., p. 108.
119
Étiemble, op. cit., p. 230.
48
s’est inspiré Voltaire pour écrire cette pièce, c’est-à-dire non seulement les ouvrages
historiques chinois mais aussi le roman anglais120. Dans L’Europe chinoise, Étiemble a aussi
étudié la réception de la pièce, sa production et sa transmission121. Un bilan de toutes ces
recherches est disponible dans le travail de Tian Luo122.
L’intrigue de L’Orphelin de la Chine est inspirée de la traduction du Père de
Prémare123. La tragédie de Voltaire se développe autour du mandarin Zamti et de sa femme
Idamé qui, considérant les massacres perpétrés par Gengis Khan en Chine, décident de
remplacer le petit prince chinois par leur propre fils afin que l’empire envahi ne perde pas son
héritier au trône. Le chef des Tartares, converti aux mœurs confucéennes, abandonne
finalement la barbarie et fait preuve de générosité envers les Chinois.
Le nom « Zamti » est issu de la transcription du mot « Dieu » en chinois124. L’intention
de Voltaire est explicite : « représenter Zamti comme un de ses descendants [de Confucius], et
de faire parler Confucius en lui »125. Cependant, ce n’est pas l’incarnation du dieu-Confucius
qui préside l’intrigue, mais bien son épouse Idamé. Contrairement à une Angélique ou une
Diamantine, Idamé ne se livre pas au jeu de l’amour : elle cristallise la quête d’un idéal. Cette
qualité la distingue des autres Chinoises représentées dans le théâtre français.
En 1772 Carlo Gozzi adapte l’histoire de Diamantine pour son opéra Turandot et en
1802 Schiller fait également une adaptation de cette pièce qui remporte un grand succès (voir
chapitre VI). Au contraire de Diamantine, Idamé n’est jamais remplacée par quiconque dans
le théâtre français. Vertueuse, courageuse et prête à se sacrifier pour son peuple, Idamé
devient le modèle de la Chinoise dans les œuvres dramatiques tout au long du XIXe siècle. Si
les hommes chinois se caractérisent par des défauts comme la superstition, la lâcheté et la
trahison, les femmes chinoises, elles, nous montrent la noblesse et la pureté. Dans Dgenguiz-
Kan (1837), pendant que la reine chinoise Elmaï dirige son peuple contre l’invasion tartare, la
princesse Idamé se sacrifie pour le royaume. Sur le même modèle, l’orpheline Yang-Fo de La
Prise de Pékin (1861), convertie au christianisme, tente de sauver les Français emprisonnés
par les mandarins indignes.
120
Virgile Pinot, « Les Sources de L’Orphelin de la Chine », Revue d’Histoire littéraire de la France, juillet-
septembre 1907, pp. 462-471 ; Souéo Gotô, « L’Orphelin de la Chine et son original chinois », Revue de
littérature comparée, n° 12, 1932, pp. 712-728 ; Meng Hua, Voltaire et la Chine, thèse doctorale, Université
Paris-Sorbonne, 1988, pp. 219-240 et 487-501.
121
Étiemble, op. cit., pp. 132-204.
122
Tian Luo, op. cit., pp. 9, 98-102.
123
Voltaire, « À Monseigneur le Maréchal Duc de Richelieu », publiée dans L’Orphelin de la Chine. La
traduction du Père de Prémare supprime les passages chantés dans l’original chinois et ne garde que les paroles.
124
Jacques Gernet, Chine et christianisme : la première confrontation, Paris, Gallimard, 1982, p. 48, 213 ;
Étiemble, op. cit., p. 182.
125
Lettre de Voltaire à Elie Bertrand le 30 septembre 1755. D 6522 dans Correspondances de Voltaire, éd.
Besterman. Cité par Song Shun-Ching, Voltaire et la Chine, Université de Provence, 1989, p. 270.
49
Chine. Montesquieu qualifie les tirades sur la morale chinoise d’ « audience »126, et Rousseau
considère que la délicatesse artificielle des Chinois contribue à corrompre les mœurs des
Tartares 127 . De telles remarques sont parfois des jugements sur la Chine et non sur la
représentation en elle-même. Malgré ces critiques, cette tragédie de Voltaire sera montée
régulièrement à la Comédie-Française jusqu’en 1834, date à laquelle Stanislas Julien publie sa
traduction complète de Tchao-chi-kou-eul, ou L’Orphelin de la Chine. La création de Voltaire
marque l’apogée de la sinophilie. Sa disparition de la scène coïncide avec la maturité de la
sinologie. Nous y reviendrons dans le chapitre II.
Ce qui fait toute la valeur et l’originalité de L’Orphelin de la Chine au XVIIIe siècle,
c’est le souci de vraisemblance qui préside à la représentation. Cela se traduit tout d’abord
dans la création des costumes128. Mlle Clairon, qui joue le rôle d’Idamé, abandonne l’emploi
du panier et des manchettes, même si sa rivale, Mlle Dumesnil, qui devait « plus à la nature
qu’à l’étude et à l’art », en porte encore129. En outre, Mlle Clairon tente d’incarner la Chinoise
d’esprit noble avec une déclamation et des gestes « étrangers », mettant les mains sur les
hanches, tenant son front et fermant le poing130.
Néanmoins, cette tentative d’ « imitation » des gestuelles chinoises n’est pas suivie par
les autres comédiennes. En outre, dans une gravure célèbre représentant le couronnement du
buste de Voltaire (1778), on peut voir que les comédiennes sont équipées de paniers.
En ce qui concerne le rôle de Gengis Khan, il est dévolu à l’acteur Lekain. Au début,
Voltaire regrette qu’on n’entende pas les paroles de Lekain131. Mais l’interprétation de Lekain
est tout de même saluée, et ce « grand acteur » de Voltaire devient une référence pour le rôle
de Gengis Khan. Pour l’académicien Arnault, Lekain a su parfaitement exprimer les conflits
psychologiques d’un conquérant civilisé malgré lui par la beauté et la vertu132.
Après Lekain, c’est Larive qui prend le rôle de Gengis Khan le 1er octobre 1777. Mais
il souffre de pertes de mémoire et se voit bientôt sifflé et bafoué lors d’une représentation133.
En 1810, Larive publie un livre au sujet de la formation du comédien, dans lequel il oppose la
pompe d’après lui nécessaire à l’interprétation de L’Orphelin de la Chine à la simplicité
qu’exigerait Œdipe134. Cependant, la flamboyance de son Gengis Khan n’est pas appréciée.
Selon Alexandre Ricord, la diction de Larive est « plus éblouissante que profonde ». Larive
126
Germain Bapst, op. cit., p. 425.
127
Étiemble, op. cit., pp. 165-166.
128
Martine de Rougemont, op. cit., p. 138.
129
Victor Fournel, Curiosités théâtrales anciennes et modernes : françaises et étrangères, Paris, Adolphe
Delahays, 1859, p. 42.
130
Charles Collé, Journal historique, ou Mémoires critiques et littéraires, tome II, Paris, Imprimerie
bibliographique, 1807, pp. 116-117.
131
Voltaire, la lettre au Comte Argental, le 2 avril 1755. Voir aussi l’analyse de Laurent Versini, « De Silvia à
Talma : la mémoire du théâtre au XVIIIe siècle », in Anne Bouvier Cavoret (dir.), Théâtre et Mémoire, actes du
colloque à Avignon, 1999, Paris, Ophrys, 2002, pp. 189-190.
132
Antoine Vincent Arnault, Les Souvenirs et les regrets du vieil amateur dramatique, ou Lettres d’un oncle à
son neveu sur l’ancien Théâtre Français, Paris, Ch. Froment, 1829, p. 19.
133
Jacques Hérissay, Le Monde des théâtres pendant la Révolution 1789-1800, d’après des documents inédits,
Paris, Perrin et Cie, 1922, p. 389.
134
Larive, Cours de déclamation: divisé en douze séances, tome II, seconde partie, Paris, Delaunay, 1810, p.
356.
50
est d’ailleurs trop ambitieux, au point qu’il prend des libertés avec le texte : il sacrifie des
scènes entières « pour en produire de surprenant[e]s aux endroits qu’il avait marqués »135.
Pendant la dernière décennie de l’Ancien Régime, aucun comédien n’arrive à égaler
Lekain ou Mlle Clairon. L’Idamé de Mlle Thénard, par exemple, possède une « taille
avantageuse, un bel organe, de l’intelligence » mais « peu de sensibilité »136. Il faut cependant
prendre en compte le contexte de concurrence entre les Comédiens-Français : une fois qu’un
comédien s’est « réservé » un répertoire, si un autre comédien tente d’interpréter à son tour ce
répertoire, il a peu de chances d’être bien accueilli par les admirateurs de son rival. C’est
pourquoi Ponteuil est hué tout au long de la représentation de L’Orphelin de la Chine le 14
novembre 1779137.
135
Alexandre Ricord, Les fastes de la Comédie française, volume 1, Paris, chez Alexandre, 1821, p. 145.
136
Louis Petit de Bachaumont, Mémoires historiques, littéraires et critiques de Bachaumont, depuis l’année
1762 jusque 1788, par J. T. M. [Jean Toussaint Merle], 2e éd., Paris, Léopold Collin, 1809, p. 147.
137
Louis Petit de Bachaumont, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France
depuis 1762 jusqu’à nos jours, tome 14, Londres, chez John Adamson, 1784, p. 266.
138
Jean-Jacques Olivier, Voltaire et les comédiens interprètes de son théâtre, Paris, Société française
d’imprimerie et de libraire, 1899, p. 124
139
Paul Cornu, explication de la planche Galerie des modes et costumes français dessinés d’après nature 1778-
1787.
140
Les Arts du théâtre de Watteau à Fragonard, catalogue d’exposition, 1980, p. 134.
51
personnage « Tartare » de l’opéra intitulé Tarare (1787), composé par Salieri sur un livret de
Beaumarchais (fig. 1.34). Les deux miniatures de Fesch et Whirsker (fig. 1.35a-b) – dont la
seconde (signée « Fesch 1776 ») est relativement fidèle au costume porté par Lekain 141 –
restent dans la même lignée. En effet, si nous comparons le guerrier tartare de Boquet (fig.
1.17b) au chasseur cathayien de Bérain (fig. 1.01), les différences entre les deux peuples ne
sont pas flagrantes. Il est intéressant de noter que le grand arc et le cimeterre (sabre oriental, à
lame large et recourbée) des Tartares sont aussi utilisés pour le déguisement de l’ambassadeur
chinois dans les mascarades du milieu du XVIIIe siècle (fig. 1.36). Le seul élément qui
distingue le Chinois des Tartares est le petit magot sur le chapeau.
Dans les portraits réalisés par Simon-Bernard Lenoir, le grand comédien Lekain porte
une étole de léopard et une « toque de velours tigré garni de pierres et de plumes » (fig. 1.37a-
b)142. Cette fourrure de félin sauvage correspond à l’idée qu’avait Voltaire du personnage de
Gengis Khan : « j’ai voulu peindre un tigre qui, en caressant sa femelle, lui enfonce les griffes
dans les reins »143. La gravure de Levesque se focalise aussi sur la grandeur de Gengis Khan
par le biais du même type d’habits (fig. 1.38). À chaque fois, l’arc, les flèches et de farouches
plumes ondoyantes sont incontournables (fig. 1.39). Et même si les flèches manquent parfois,
comme sur le buste de Lekain (fig. 1.40a), les armes des Tartares sont bien présentes sur la
scène théâtrale peinte au-dessous du médaillon (fig. 1.40b-c).
Dans le portrait exécuté par Alexandre Roslin, Lekain évoque un prince calme et
paisible (fig. 1.41). Mais son turban et sa boucle d’oreille en font un Turc de la cour et non un
Tartare farouche 144 . Il est vrai que le Gengis Khan joué par Larive, comme nous l’avons
signalé plus haut, s’adonne parfois à la pompe (fig. 1.42). Bien que la quantité de plumes soit
réduite, les accessoires et les vêtements donnent au personnage l’allure d’un sultan riche et
puissant. Les armes du militaire, telles que flèches, arc et sabre, sont toutes enlevées.
Quant aux images associées à la scène, nous en trouvons une dans les Œuvres
complètes de Voltaire des éditions Cramer (1768), à savoir une gravure illustrant la dernière
scène de L’Orphelin de la Chine (fig. 1.43). Les soldats tartares sont armés et leur chef
annonce le triomphe en soufflant dans une longue corne. Face à l’arrivée de Gengis Khan, les
deux Chinois essayent de se dégager du dilemme moral en se suicidant. Les éditions Cramer
et Bardin publient à nouveau, en 1775, les Œuvres complètes de Voltaire, où ils font figurer la
même gravure mais inversée (fig. 1.44). En Grande-Bretagne, la diffusion de la tragédie
141
Joël Huthwohl, Comédiens & costumes des Lumières : miniatures de Fesch et Whirsker, collection de la
Comédie-Française, Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour & Moulins, Centre national du costume de scène,
2011, pp. 81-85.
142
Vincent Droguet et Marc-Henri Jordan (dir.), Théâtre de Cour : les spectacles à Fontainebleau au XVIIIe
siècle, catalogue de l’exposition du musée national du Château de Fontainebleau, 2005, p. 109.
143
La citation est d’après les souvenirs de Talma. Voir Regnault-Warin, Mémoires historiques et critiques sur F.-
J. Talma, et sur l’art théâtral, Paris, A. Henry, 1827, p. 303.
144
Pour l’inventaire du document iconographique relatif à Lekain (y compris L’Orphelin de la Chine), voir Jean-
Jacques Olivier, Henri-Louis Lekain, de la Comédie-Française, Paris, Société française d’imprimerie et de
librairie, 1907, pp. 297-310. Nous y trouvons la poupée de Lekain (dans le rôle de Gengis Khan), destinée à
l’Exposition universelle de 1889. Plusieurs estampes sont également indiquées, dont celle gravée par Elluin
(d’après J. Berteaux). Celle-ci, selon L’Année littéraire (1772, II) citée par Olivier, laisse « fort à désirer sous le
rapport de la ressemblance ».
52
donne lieu à une gravure publiée par les éditions Alexander Bannerman (ca. 1780) (fig. 1.45).
La différence la plus notable avec les éditions françaises réside dans la représentation des
armes des Tartares : tandis qu’en France les illustrateurs cherchent à souligner la force des
barbares, cette édition anglaise démontre la générosité de Gengis Khan, qui cache le cimeterre
derrière son profil.
Pour ceux que la philosophie chinoise admirée par Voltaire ne dérange pas, L’Orphelin
de la Chine est mémorable par sa scène militaire aussi exotique que spectaculaire. La
production italienne de cette pièce insiste d’ailleurs là-dessus (fig. 1.46) 145 : le siège de
Chine, pays décoré de plantes tropicales et de bannières, devient la scène la plus importante.
145
L’Orphano della China, ballet d’Angiolini, représenté à Turin, en 1790. Selon Marie José Kerhoas, ce ballet
d’après la tragédie de Voltaire adopte « des habits pittoresques à l’imitation de la production de la Comédie-
Française » (« Les Chinoiseries », Autour de Turandot, p. 28).
146
Isabelle Degauque, Les Tragédies de Voltaire au miroir de leurs parodies dramatiques, Paris, Honoré
Champion, 2007, pp. 192, 360-361.
147
Ibid., p. 131.
148
Dans la 4e édition du Dictionnaire de l’Académie française, parue en 1762, on trouve pour la première fois le
terme de magot de la Chine qui n’existait pas dans la 3e édition parue en 1740.
149
Édouard-Georges-Jacques Gregoir, Des gloires de l’Opéra et la musique à Paris, tome 2 (1750-1768).
Bruxelles, Schott, 1878-1881, p. 143.
53
de « très appréciables recettes ». 150 En outre, des auteurs anonymes créent des pièces comme
Gengis Kan (Châlons-sur-Marne, 1779), Tchao ou le marché aux femmes (Théâtre des
Bluettes-Comiques, 1787)151, L’Orphelin de la Chine (Vauxhall d’été, 1788), etc. La salle de
Séraphin présente aussi une pièce d’ombres chinoises intitulée La Conquête de la Chine152.
En 1756, César-Pierre Richelet traduit et publie les pièces italiennes de l’abbé Pietro
Métastasio (en français « Métastase ») dont deux nous intéressent ici, l’une intitulée Le Cinesi
(« Les Chinoises »)153 et l’autre L’Eroe cinese (« Le Héros chinois »). Ni l’une ni l’autre n’est
représentée en France. L’action de Le Cinesi rappelle les intermèdes burlesques : trois
Chinoises qui ne trouvent plus d’intérêt dans les genres dramatiques traditionnels, à savoir la
tragédie, la comédie et la pastorale, arrivent à la conclusion qu’il n’y a que la seule nouveauté
qui « n’ennuie ni n’offense personne » est le ballet. Elles effectuent alors un ballet qui évoque
la danse chinoise à la mode. Pour Irène Mamczarz, l’ambiance chinoise de cette pièce satirise
le « contraste entre l’ingénuité des mœurs en Chine et le cynisme de certaines pratiques
européennes »154. Quant à L’Eroe cinese, cette tragédie basée sur une histoire de vengeance
doit beaucoup à L’Orphelin de la Chine de Voltaire. Nous y entrevoyons aussi des emprunts à
Héraclius et à Suréna, de Corneille 155. Le héros chinois de cette pièce, nommé Tchao-Kong
(ou « Léang » dans la traduction de Richelet), est présent aussi chez les classiques chinois et
chez Voltaire. Il réapparaîtra sous le nom de Chao-Kang en 1834 dans une tragédie inspirée de
l’histoire de la Chine ancienne (voir chapitre III).
Le dilemme d’Idamé fait penser à Athalie de Racine. Ainsi les pièces sur la vengeance
indochinoise intègrent-elles parfois des éléments empruntés à Racine. Dans une « tragédie
pour rire » intitulée Le Roi de Tonquin (1782)156, la princesse de Tonquin est amoureuse du
prince de Cochinchine. Mais ces deux pays ennemis sont en guerre. La princesse est donc
tiraillée entre sa passion pour le prince et sa fidélité envers son père. Dans sa bouche sont
parodiées les répliques d’Athalie : « J’étais sur mon sopha mollement étendue, / Je pleurais,
un héros se présente à ma vue ; / Tels on voit des Chinois les guerriers revêtus, / Sa vue a
150
Toujours dans ce même théâtre, une autre pièce intitulée Tarare régnant, ou l’Isle d’Ormus heureuse est créée
le 30 octobre 1790. Celle-ci « n’a ni intrigue, ni action, ni ensemble, ni mouvements ». Les costumes et les
décorations sont « assez riches », mais « l’intérêt est faible ». Pour ces deux pièces portant le titre « Tarare
régnant », voir Louis Péricaud, Théâtre des petits comédiens de S. A. S. Monseigneur le comte de Beaujolais,
Paris, E. Jorel, coll. « Histoire de l’histoire des grands et petits théâtres de Paris pendant la Révolution, le
Consulat et l’Empire », 1909, p. 53, pp. 103-104.
151
Le catalogue établi par Clarence Brenner indique que cette pièce est intitulée Tchao ou les maréchaux
femmes. En nous appuyant sur le manuscrit de la pièce (BnF-ASP : MS Douay 2363), nous signalons que le titre
correcte est Tchao ou le marché aux femmes.
152
Henri Cordier, op. cit., pp. 91-94.
153
Le titre français est Drame en musique pour servir d’introduction à un ballet chinois. En 1751, l’Italien
Nicola Conforto compose une sérénade musicale sur le livret de Métastase. En 1754, à Vienne, Gluck mettra à
son tour Le Cinesi en musique.
154
Irène Mamczarz, Les Intermèdes comiques italiens au XVIIIe siècle : en France et en Italie, Paris, CNRS,
1972, p. 160.
155
Alain Niderst, « Métastase et Corneille », in Irène Mamczarz (dir.), Les Innovations théâtrales et musicales
italiennes en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, PUF, 1991, p. 143.
156
L’avertissement du Roi de Tonquin indique qu’il est « le fruit d’une soirée » durant trente-six heures. Selon le
catalogue de Soleinne, le volume est « sans doute imprimé à petit nombre pour être offert en présent ». Voir
Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne, tome II, n° 2287, p. 191, Paris, Administration de l’alliance
des arts, 1844.
54
ranimé mes esprit abattus » 157 . Cette parodie ne vise donc pas seulement la tragédie de
Voltaire mais les œuvres classiques en général. À notre connaissance, c’est une des premières
pièces dramatiques au sujet tonkinois158. Au XIXe siècle, durant la guerre franco-chinoise au
Vietnam (1881-1885), le Tonkin sera beaucoup présent dans les spectacles au sujet chinois.
Toutefois, l’action de ces pièces ne s’inscrira plus dans la parodie des œuvres classiques.
157
La réplique dans Athalie est : « Tel qu’on voit des Hébreux les prêtres revêtus. / Sa vue a ranimé mes esprits
abattus. » (Acte II, sc. 5)
158
La présence du Tonkin dans les écrits français remonte probablement à l’époque du Père Alexandre de Rodes
(séjour au Tonkin entre 1627 et 1630). Voir Jean-Pierre Duteil, « La Mission française vers l’Asie : la littérature
de voyage et la fiction romanesque sous le règne de Louis XIV (1643-1715) », in Chantal Paisant (dir.), La
Mission en textes et images. Colloque 2003 du GRIEM, Paris, 23-25 janvier 2003, Paris, Karthala, 2004, p. 373.
159
Voir Pierre-René Lemonnier, la préface de La Matrone chinoise, ou l’épreuve ridicule.
160
Sur les sources de la pièce, voir la réédition de La Matrone chinoise, réalisée par Ling-Ling Sheu, Exeter
(Royaume-Uni), University of Exeter Press, 2003.
55
dramatiques de Judith Gautier, par exemple, ce sont souvent les soubrettes chinoises qui
aident leurs maîtresses à échapper à la doctrine sociale (voir chapitre V et VI).
Certains chercheurs considèrent que La Matrone chinoise ne correspond pas au goût
du jour et qu’elle est créée à contre-courant, dans un contexte de perte d’enthousiasme du
public pour la comédie sur des sujets chinois161. Pour nous, de telles remarques ne prennent
pas suffisamment en compte les bouleversements du monde théâtral à la même époque. En
effet, les artistes qui ont contribué à l’apogée de la comédie chinoise au milieu des années
1750 sont dans les années 1760 présents sur d’autres scènes : Noverre poursuit sa carrière
dans des ballets en province et à l’étranger ; la Foire est incendiée en 1762 ; les Comédiens-
Italiens, quant à eux, fusionnent avec l’Opéra-Comique et attendront la première moitié du
XIXe siècle pour constituer à nouveau un riche répertoire sur des sujets chinois.
L’enthousiasme pour la Chine est loin d’être retombé : rappelons que Voltaire publie, en 1764,
le Dictionnaire philosophique, dans lequel, à l’article « De la Chine », il réaffirme que les
Français sont les « disciples » des Chinois, à l’égard de la morale et de l’économie
politique162.
161
Tian Luo, op. cit., pp. 223-224 ; Ling-Ling Sheu, op. cit., p. 6.
162
Voltaire, Dictionnaire philosophique, in Œuvres de Voltaire, tome 28, Paris, Lefèvre, 1829, p. 41.
163
Dans Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne, cette pièce est attribuée à Boussernard de
Soubreville dont nous ignorons l’identité. Voir P. L. Jacob (dir.), Bibliothèque dramatique de Monsieur de
Soleinne, tome III, entrée « N° 3070 – onzième portefeuille », Paris, Administration de l’Alliance des Arts, 1844.
Dans A Bibliographical List of Plays in the French Language, 1700-1789, Clarence D. Brenner reprend la même
orthographe du nom de l’auteur de Frontin dans l’île de Macao.
164
Antoine Bazin (dit Bazin aîné), Théâtre chinois, Paris, Imprimerie royale, 1838, pp. XXIII-XXIV.
56
I. 6 Conclusion : vers la Chine dans le théâtre français du XIXe siècle
58
Chapitre II – La Chine renouvelée :
De la Révolution à la Restauration (1789-1828)
C’est en pleine Révolution française que l’empire chinois reçoit une première
délégation diplomatique européenne. En 1793, à l’occasion de l’anniversaire de l’empereur
Qianlong, la délégation britannique dirigée par Lord Macartney arrive à Pékin avec pour but
d’établir des relations diplomatiques sur un pied d’égalité – un usage jusqu’alors non pratiqué
par les Chinois. Malgré l’accueil de l’empereur, aucune proposition de la Grande-Bretagne
n’est finalement acceptée. Et le Céleste Empire reste fermé aux étrangers.
C’est dans ce contexte historique que nous entamons la discussion du deuxième
chapitre de notre travail. Face à cet « empire immobile » – si nous empruntons ici le titre de
l’œuvre d’Alain Peyrefitte – la France ne cesse pourtant de chercher à approfondir les
connaissances chinoises. À la suite de la création de l’École des Langues orientales vivantes
en 1795, une chaire de chinois est créée au Collège de France en 18141. La Société Asiatique,
fondée en 1822, est confirmée par l’ordonnance royale en 1829. Les sinologues remplacent
alors les missionnaires jésuites du XVIIIe siècle, dans le rôle de porte-parole des affaires
chinoises.
Pourtant à cette même époque, aucune nouvelle création théâtrale ne provient d’une
œuvre chinoise. Certaines pièces nous permettent de retracer des emprunts directs aux contes
orientaux, d’autres sont adaptées d’anciens répertoires sur les sujets orientaux. Pour les
premières, nous découvrons le Chinois nommé Koulouf, personnage tiré des Mille et un jours
et recréé par Pixérécourt. Pour les secondes, Les Koulikans d’Eugène Scribe s’inspire des
Scythes de Voltaire. Sous la plume des dramaturges français, la Chine s’avère en effet plus
« orientale » – pris au sens du « Levant » – que chinoise. Mais si les dramaturges
« orientalisent » la Chine en raison de la confusion entre la Chine et l’Orient, nous constatons
également leurs efforts pour « chinoiser » l’Orient. Ces efforts renvoient à l’aspiration pour
connaître ce pays qui leur reste inaccessible.
La création de la sinologie comme discipline académique et l’expédition militaire en
Orient concourent au développement de la mode chinoise sous le Premier Empire. Cette mode
chinoise se traduit par la coiffure des femmes, les bibelots exotiques et l’ouverture de
magasins de nouveautés chinoises, cependant que le magot grotesque et le mandarin risible
reviennent sur scène. Ces deux personnages, en plus de représenter leur caractère comique,
évoquent également les anciennes chinoiseries qui, en raison de la fermeture de la Chine,
demeurent un produit de curiosité et de fantaisie.
1
Sur la création de la sinologie en France, voir Vasilij Vladimirovič Barthold, « Orientalisme au XIXe siècle »,
La Découverte de l’Asie : histoire de l’orientalisme en Europe et en Russie, traduit du russe et annoté par B.
Nikitine, Paris, Payot, 1947, pp. 150-170.
59
Plus la Chine se dérobe, plus la Chine est idéalisée. Si les débats sur les mœurs
chinoises semblent éloignés, ce qui s’empare de la scène est le caractère respectueux du
Chinois. Au moment de l’apogée du pouvoir politique de Napoléon, la magnanimité de
l’empereur chinois est également louée à l’Opéra. Quant aux Chinois vertueux dans la lignée
de L’Orphelin de la Chine, ils sont régulièrement repris à la Comédie-Française jusqu’en
1834. Même dans les pièces sans orphelin, les Tartares généreux ne sont jamais absents.
2
Jacques Gernet, Le Monde chinois, Paris, Armand Colin, Collection « Agora », tome II, 2005, p. 354.
3
Journal de Paris, le 10 prairial, an VIII (le 30 mai 1800) et le 24 prairial, an VIII (le 13 juin 1800).
60
par une compagnie anglaise. En route vers l’Europe, ces Chinois sont capturés par des
corsaires et sont conduits à Valencienne. A-Sam est saisi par une maladie inconnue, ce qui le
sépare de ses compatriotes. Transféré à Bordeaux et après des consultations inutiles, A-Sam
est transporté à l’Hôpital du Val-de-Grâce, à Paris. Eustase Broquet, chercheur associé à la
Société des Observateurs de l’homme, est fasciné par ce Chinois et par la langue chinoise4.
Mais le manque d’interprète nuit à la communication entre les deux hommes. Après quelques
temps, la curiosité publique diminue et A-Sam quitte l’hôpital. L’édition du 20 août du
Journal de Paris livre le dernier filet concernant A-Sam, dont on ignore ses activités
ultérieures en France5. Pour les chercheurs qui visent à approfondir leurs connaissances de la
Chine, la présence éphémère d’A-Sam et la difficulté des échanges n’apportent finalement
rien de très intéressant. Le sinologue Henri Cordier remarque ainsi qu’A-Sam « ne joua aucun
rôle dans les études [chinoises] en France »6.
4
Journal de Paris, le 27 prairial, an VIII (le 16 juin 1800).
5
Journal de Paris, le 2 fructidor, an VIII (le 20 août 1800).
6
Henri Cordier, « Les Études chinoises sous la Révolution et l’Empire », T’oung-Pao, vol. XIX (1920), p. 67.
7
Henri Cordier, Ibid. La source de Cordier est A. L. Millin (dir.), « Société des observations de l’homme. Sur le
jeune Chinois », Magasin encyclopédique, tome 2 de 1800, Paris, Fuchs, 1800, pp. 390-393. Voir
aussi Dominique Lelièvre, Voyageurs chinois à la découverte du monde : de l’Antiquité au XIXe siècle, Genève,
Olizane, 2004, pp.349-351.
8
Henri Welschinger, Le Théâtre de la Révolution, 1789-1799, Paris, Charavay frères, 1880, pp. 430-444. La
« poissarde » désigne la femme ordurière. Madame Angot est le personnage principal de plusieurs pièces
dramatiques de « poissarde ». Elle apparaît pour la première fois dans Madame Angot ou la Poissarde parvenue
d’Antoine-François Ève (Théâtre d’Émulation, 1796).
9
Courrier des spectacles, le 1er prairial, an VIII (le 21 mai 1800).
61
accompagné des premières autorités et de l’État-major de Paris »10. Mais on ne saura jamais
ce que pense A-Sam des Chinois joués par les Français.
Du palais à la cellule, du feu de la chaudière au vaisseau qui vogue sur la mer, les
nombreux changements de décors doivent témoigner du talent du décorateur et du machiniste.
Malheureusement, cette représentation échoue en raison d’un accident technique. Le Journal
des débats raconte les imprévus du troisième acte :
[…] les amis du tyran l’entraînent sur un vaisseau ; son mari et l’empereur de la Chine se
jettent dans une chaloupe pour courir après ; mais par malheur le monarque tomba dans l’eau
en voulant entrer dans la chaloupe. Cette chute, qui n’était pas dans son rôle, acheva celle de la
pantomime, en provoquant un rire inextinguible. On fut forcé de baisser la toile, et ce n’est
qu’à la seconde représentation, […] qu’on a pu jouir du plaisir de voir le tyran dans la
10
Courrier des spectacles, les 14, 17, 18, 19, 25 et 26 prairial, an VIII.
62
chaudière bouillante, la femme et les enfants échappés miraculeusement à la mort dans le
vaisseau qui a fait explosion, et ramenés par la chaloupe […]11.
15
Catherine Clavilier, « La Leçon de labourage : une étude comparée des œuvres de F.-A.-M. Boizot, J.-B.
Greuze et F.-A. Vincent », Nouvelles de l’estampe, n° 187, mars-avril 2003, pp. 7-17.
16
Deborah Blocker, « Esther à la cour du Roi de France : l’Orient biblique christianisé, éloge ou
dénonciation ? », in Biblio 17, n° 148, « Jean Racine et l’Orient », Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2003, p. 97.
17
L’édit de Nantes, signé par Henri IV en 1598, est révoqué par Louis XIV qui signe l’édit de Fontainebleau en
1685.
64
et l’identité de l’auteur et du compositeur de la partition restent également à vérifier 18 .
Cependant, nous en relevons ci-dessous le résumé, publié dans le Courrier des spectacles19.
Cet argument nous fait penser à une autre pièce intitulée L’Automate, dont le livret est
rédigé par Cuinet-Dorbeil sur la partition d’Henri-Joseph Rigel et qui est présentée au
Théâtre-Italien le 20 août 1781. L’histoire de L’Automate se déroule en Espagne, autour du
personnage d’un antiquaire nommé Aladin. Celui-ci est amoureux de sa pupille Julie qui a un
amant nommé Saint-Cir. Un visiteur machiniste et son automate attirent l’attention d’Aladin.
Mais c’est en fait Saint-Cir qui se cache sous le déguisement de l’automate. Aladin, fasciné
par cette nouveauté, paie une grosse somme d’argent au machiniste et croit acheter cet
« automate », alors que Saint-Cir abandonne son déguisement et se glisse dans la chambre de
sa bien-aimée.
Par-delà la similarité des intrigues, nous apercevons des nuances dans les éléments
chinois présentées dans ces deux pièces. En effet, à la différence d’Armand du Magot de la
Chine, Saint-Cir de L’Automate ne se déguise pas en Chinois. Dans cette dernière pièce, les
éléments chinois se présentent chez l’antiquaire Aladin, qui collectionne la monnaie chinoise.
C’est l’utilisation de l’automate qui constitue le véritable point commun entre les deux pièces,
un thème qui est sans doute populaire sur la scène de théâtre de l’époque. En effet, durant le
temps des représentations du Magot de la Chine, le Théâtre de Troubadours monte également
une pièce intitulée L’Automate qui joue aux échecs, dont l’histoire n’est pas éloignée de celle
du Magot de la Chine20.
Si le magot du XVIIIe siècle évoque souvent une esthétique à la fois grotesque et
réjouissante, la nouveauté de l’automate peut être perçue de manière provocante voire
obscène. Dans L’Automate de Cuinet-Dorbeil, le machiniste laisse toucher toutes les parties
du corps de l’automate afin que l’on en sente les matériaux et que l’on distingue l’automate de
18
Selon The Parisian Stage de Charles Beaumont Wicks, l’auteur de cet ouvrage est inconnu. Le compte-rendu
de F. J. B. P. G***, dans Courrier des spectacles, indique que le livret est écrit par Dancourt sur la musique
posthume de Rigel père. Arthur Pougin, quant à lui, attribue cette pièce à Dancourt et Rigel (Biographie
universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, Paris, Firmin-Didot, 1880, vol. 2, p. 423.)
19
F. J. B. P. G***, Courrier des spectacles, le 19 thermidor, an VIII (le 8 août 1800).
20
Courrier des spectacles, le 20 thermidor, an VIII (le 9 août 1800).
65
l’homme. Le même jeu semble s’appliquer dans la représentation du Magot de la Chine, à
savoir le contact corporel audacieux. Même si l’absence du livret nous empêche d’explorer la
taquinerie des coquins chinois-automates, la presse contemporaine nous signale cet aspect.
Ainsi, le Courrier des spectacles qualifie le « succès pitoyable » du Magot de la Chine de
fruit d’ « obscénités »21. Le Journal du soir constate aussi l’ « indécence révoltante de cette
farce »22.
Le rôle du valet dans Le Magot de la Chine mérite de retenir notre attention. À l’instar
du personnage de l’ « opérateur chinois » du XVIIIe siècle, ce valet Frontin fascine les
spectateurs grâce à des produits merveilleux. Alors que le collectionneur s’obstine pour
l’« antineuf », comme le suggère son nom, l’automate chinois présenté par Frontin promet
quant à lui des nouveautés, des découvertes et des surprises. Nous ignorons si le déguisement
d’Armand s’inspire du magot ou se réfère au Chinois A-Sam, mais l’arrivée de ce dernier
réveille donc bel et bien les anciens souvenirs sur les objets chinois. La création du Magot de
la Chine témoigne en effet d’une aspiration à associer le Chinois à un spectacle
d’éblouissement : si l’intérêt pour les chinoiseries témoignait de la puissance de l’époque de
Louis XIV, cette nouvelle mode chinoise rajeunie s’accroît avec le pouvoir émergeant de
Napoléon et se traduit sur la scène. L’événement du Chinois A-Sam est peut-être momentané
mais le sujet chinois revit : son expression dans le théâtre se poursuivra sous le Premier
Empire.
21
F. J. B. P. G***, Courrier des spectacles, le 19 thermidor, an VIII (le 8 août 1800).
22
Journal du soir, le 28 thermidor, an VIII (le 17 août 1800).
23
Sur le thème du despotisme chinois dans les discours des Lumières, voir Jacques Pereira, Montesquieu et la
Chine, Paris, Harmattan, 2008, pp. 485-487.
24
La date n’est pas indiquée. Une critique du spectacle figure cependant dans le chapitre « 1795 », in Eugène
Jauffret, Le Théâtre révolutionnaire, Paris, Fume-Jouvet, 1869, p. 343.
66
L’histoire se passe à Nankin. Un Chinois nommé Cassandre se rend à une réunion au
Sénat, où l’on dénonce les « Mandarins », les anciens dirigeants de la révolution chinoise. La
tyrannie est renversée, mais les Mandarins abusent à présent du pouvoir et deviennent eux-
mêmes autocratiques, tout en sachant s’exempter des accusations du peuple grâce à leur
discours éloquents. Au cours des débats entre les sénateurs et les Mandarins, le dieu
« Destin » descend dans le palais du Sénat et énonce la justice : tous les Mandarins seront
transformés en animaux et exilés. Cassandre destine sa fille Colombine à Arlequin, parce que
celui-ci est le citoyen qui déteste le plus les Mandarins. Gilles, qui n’ose jamais dénoncer les
Mandarins, veut aussi épouser Colombine. Mais on se moque de sa lâcheté et on lui octroie un
dindon : ce dindon n’est autre que la métamorphose d’un ancien Mandarin.
La caricature politique est explicite. Les Mandarins représentent le Club des Jacobins,
dont le chef Robespierre a été guillotiné le 10 thermidor (le 28 juillet 1794) sur l’ordre de la
Convention. Dans la préface de Plus de Mandarins, l’auteur parodie les Jacobins qui sont
aussi éloquents que les Mandarins. Dans la pièce, ces derniers prétendent qu’ils œuvrent
à éclairer le peuple et à censurer la presse au profit du public. Le peuple décide de leur donner
le coup de grâce, mais les Mandarins, éloquents, développent des débats interminables. Tous
les reproches adressés aux Mandarins de la pièce traduisent donc sans doute, « la haine pour
cet affreux régime » des Jacobins 25.
Dans le chapitre précédent, nous avons analysé Le Mandarin (ca. 1774-1775) de
Moline et Gluck, dont le personnage principal éponyme affirme l’autorité totale du père. Dans
Plus de Mandarins, les officiers chinois symbolisent le pouvoir absolu et l’hégémonie
contestable. Si les théoriciens français du XIXe semblent indifférents à la politique chinoise,
le théâtre du XIXe siècle, lui, continue à parodier la politique française à travers la caricature
au nom du Chinois. De « Fich-ton-khan » à « Fé-ni-han », nous découvrirons d’autres
exemples significatifs dans les chapitres suivants.
C’est également en 1795 que l’École spéciale des Langues orientales est créée, sous
l’impulsion de Lakanal et par le décret-loi du 10 germinal, an III (30 mars 1795). Alors que
l’auteur de Plus de Mandarins vante sa connaissance des publications chinoises, les
intellectuels contemporains ne se contentent plus des écrits des missionnaires, qui s’étaient
d’ailleurs interrompus depuis l’interdiction des catholiques en Chine, en 1723. Après la
suppression de la Compagnie de Jésus par le pape Clément XIV en 1773, le Père Joseph-
Marie Amiot, dernier survivant de la Mission jésuite en Chine, est également décédé à Pékin
en 179326. En attendant les fruits de la nouvelle recherche chinoise désormais nommée la
« sinologie », le théâtre du début du XIXe siècle s’inspire d’anciens écrits orientaux.
25
Ibid., p. 343.
26
Sur les activités des Jésuites en Chine, nous avons consulté : (1) Jean-Pierre Duteil, Le Mandat du Ciel : le
rôle des jésuites en Chine, de la mort de François-Xavier à la dissolution de la Compagnie de Jésus, 1552-1774,
Paris, éd. Arguments, 1994 ; (2) Jean-Claude Dhôtel, Histoire des jésuites en France, Paris, Desclée de Brouwer,
1991.
67
II. 2. (2). (a) Les pièces au sujet de Gengis Khan
Si l’on trouve les homologues des Jacobins chez les Mandarins, le tumulte au
lendemain de la Révolution française rappelle, quant à lui, le désordre dans L’Orphelin de la
Chine, avant que Gengis-Khan, héros militaire et chef généreux, ne mette fin au
bouleversement politique et rétablisse l’ordre dans le pays. La salle du Palais-Royal (spectacle
de Moreau) monte donc, en 1790, une pièce d’ombres chinoises intitulée Gengis-Kan, ou la
conquête de la Chine, de Victor Benoît. Le 20 mai 1795, les Délassements-Comiques
présentent à leur tour une « tragédie » sous le titre de Gengis-Kan. Ces représentations
reflètent une aspiration à l’arrivée d’un héros pacificateur. En octobre 1795, la Convention est
remplacée par le Directoire exécutif, soit les forces de Napoléon Bonaparte !
Par ailleurs, mentionnons qu’une pièce intitulée L’Orphelin de la Chine est donnée au
Théâtre du Marais, le 1er pluviôse, an XII (le 22 janvier 1804), sans que nous ne connaissions
ni les détails de sa représentation ni son lien avec la tragédie éponyme de Voltaire.
27
4 représentations en 1789 ; 3 représentations en 1790 ; 3 représentations en 1791 ; 1 représentation en 1792.
Voir André Tissier, Les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome I : De la réunion des États généraux à la
chute de la royauté (1789-1792) ; tome II : De la proclamation de la République à la fin de la Convention
nationale (21 septembre 1792-26 octobre 1795), Genève, Droz, 1992-2002.
28
Bulletin publié dans La Gazette nationale, ou Le Moniteur universel, le 10 septembre 1791.
68
grand acteur Lekain, l’attribution du rôle d’Idamé à Mlle Sainval tout au long de sa carrière
est inadaptée à sa compétence29.
Talma, le comédien le plus prestigieux de son époque, est exclu de la Comédie-
Française en 1791 et ne sera réintégré qu’en 1799. Entre temps, il poursuit sa carrière dans un
nouveau théâtre nommé le Théâtre de la République. Selon les recherches de Barry Daniels et
Jacqueline Razgonnikoff, 143 représentations sont affectées aux œuvres de Voltaire durant la
décennie de l’existence du Théâtre de la République 30 . Toutefois, il n’y a aucune
représentation de L’Orphelin de la Chine31 et il faut attendre 1802 pour que Talma reprenne le
rôle de Gengis Khan, sur le plateau de la Comédie-Française.
Notre enquête se focalise sur les représentations à la Comédie-Française, car les
représentations dans d’autres théâtres sont rares et moins importantes. Pour connaître plus
précisément le nombre de représentations post-révolutionnaires de L’Orphelin de la Chine à
la Comédie-Française, nous avons recours au catalogue établi par Alexandre Joannidès32. Le
nombre de représentations sur la période allant de 1789 à 1900 y est relevé comme indiqué ci-
après. Mais précisons quelques éléments avant d’exposer notre analyse : (1) Les statistiques
données par Joannidès contiennent les représentations à la salle Richelieu et à l’Odéon (dit le
« Second Théâtre-Français » dès 1819). La seule représentation de l’année 1834, par exemple,
a lieu à l’Odéon ; (2) La date précise de représentation n’est pas enregistrée dans le catalogue
de Joannidès ; (3) La répartition statistique n’est pas entièrement identique à celle que l’on
trouve dans d’autres recherches. Le répertoire établi par André Tissier signale, par exemple,
qu’il y a 4 représentations au cours de l’année 1789 33 . En fait, l’ « année » chez Tissier
désigne la « saison » théâtrale.
Année 1805 1806 1807 1808 1809 1810 1811 1812 1813 1814 1815
Nombre de
3 2 3 2 0 0 1 4 2 2 2
représentations
Année 1816 1817 1818 1819 1820 1821 1822 1823 1824 1825 1826
Nombre de
0 1 0 2 0 0 0 2 1 0 4
représentations
29
Henri Louis Lekain, « Rôles de Mademoiselle Sainval l’aînée », Mémoires de Lekain, précédés de réflexions
sur cet auteur et sur l’art théâtral, par Talma, Paris, Ponthieu, 1825, p. 213.
30
Barry Daniels et Jacqueline Razgonnikoff, Patriotes en scène : le Théâtre de la République (1790 – 1799), un
épisode méconnu de l’histoire de la Comédie-Française, Vizille, Musée de la Révolution française, 2007, p. 75.
31
Barry Daniels et Jacqueline Razgonnikoff, « Répertoire consacré aux trois salles du Théâtre de la République :
Palais-Royal, Richelieu, Feydeau », Ibid., pp. 170-260.
32
Alexandre Joannidès, La Comédie-Française de 1680 à 1900 : dictionnaire général des pièces et des auteurs,
avec une préface de Jules Claretie, New York, Burt Franklin, 1901.
33
André Tissier, op. cit., tome I, p. 71.
69
Année 1827 1828 1829 1830 1831 1832 1833 1834 1835 – 1900
Nombre de
2 3 2 0 0 0 2 1 0
représentations
34
Dans les dix volumes rédigés par Pierre-David Lemazurier, nous retrouvons les dates suivantes : le 6 juillet
1808 (vol. 6, p. 125), le 31 octobre 1811 (vol. 9, p. 45), le 28 juin 1812 (vol. 10, p. 63), le 5 et le 22 octobre 1812
(vol. 10, p. 70), le 22 décembre 1812 (vol. 10, p. 72).
35
Almanach des spectacles, pour l’an 1824, Paris, J.-N. Barba, 1824, p. 96.
36
Journal des débats, le 24 janvier 1823.
37
En 1825 : dans les deux salles. En 1826 : à l’Odéon. En 1827, 1829, 1830 : à Richelieu.
38
Jules Janin, Han-Wen, le lettré, Paris, F. G. Levrault, 1834, pp. 63-105.
39
Anonyme, Journal de l’Empire, le 2 avril 1806.
40
Anonyme, Journal de l’Empire, le 4 juin 1807.
41
Martine, « Variétés », Mercure de France, tome 57 (octobre 1813), pp. 123-124.
70
De tels jugements ne sont pas nouveaux. Montesquieu jugeait déjà que les tirades de
L’Orphelin de la Chine rendaient la pièce une « audience » fastidieuse42. La traduction fidèle
de Julien « empêch[e] des imitations comme celles de l’Orphelin de la Chine de Voltaire, en
mettant sous les yeux ces modèles »43. La Comédie-Française ne reprendra finalement cette
tragédie qu’au XXe siècle44.
La version de Stanislas Julien ne sera jamais jouée au XIXe siècle. Ce qui intéresse les
lecteurs contemporains réside dans la fonction linguistique de la pièce. En fait, en 1815, au
lendemain de l’ouverture des cours de chinois au Collège de France, Abel-Rémusat utilise
déjà des extraits de l’histoire de l’orphelin chinois – l’histoire chinoise la plus connue des
Européens à l’époque – pour l’enseignement de la littérature45. La traduction complète permet
alors de perfectionner la méthodologie de l’apprentissage du chinois. Ainsi, le Journal des
débats prête attention au « spécimen de deux pages chinoises […] jointes à deux autres pages
analogues en français », par lesquelles l’on peut « prendre une idée assez nette de l’étrange
syntaxe » de la langue chinoise46. Dans Syntaxe nouvelle de la langue chinoise (1870), on
retrouvera la traduction mot à mot d’une grande partie de Tchao-chi-kou-eul47. Par ailleurs,
d’autres lecteurs observent les mœurs chinoises par le prisme de la traduction de Julien.
L’historien-dramaturge Raynouard, en comparant les traductions et les adaptations relatives à
l’orphelin de la famille Tchao, arrive notamment à la conclusion que le suicide jouit d’une
bonne considération en Chine48. En somme, l’influence la plus importante des traductions de
Julien est que celles-ci encouragent d’autres travaux consacrés au théâtre chinois. Antoine
Bazin (dit Bazin aîné), disciple de Julien et traducteur des pièces de théâtre chinois (publiées
dès novembre 1834 dans le Journal asiatique), remarque ainsi que la traduction de son maître
« a ouvert aux sinologues une branche inconnue de la littérature moderne » et permet de
« réhabiliter » le drame chinois en Europe49.
II. 2. (2). (c) Les représentations de L’Orphelin de la Chine : une tragédie de Mlle George
Le héros charismatique fascine Napoléon qui triomphe brillamment dans la Campagne
d’Egypte (1798-1801). Le 5 mai 1801, le Premier Consul « assiste au Théâtre-Français à la
troisième de L’Orphelin de la Chine »50. Gengis Khan et Idamé sont respectivement joués par
42
Journal des théâtres et des fêtes nationales, n° 3, le 3 fructidor, an II (le 20 août 1794). Cité par Germain
Bapst, in Essai sur l’histoire du théâtre, Paris, Hachette, 1893, p. 425.
43
Hippolyte Lucas, Curiosités dramatiques et littéraires, Paris, Garnier frères, 1855, p. 391.
44
Le 5 décembre 1918, l’Odéon monte L’Orphelin de la Chine, précédée d’une conférence de Jean Psichari (voir
Christian Genty, Histoire du Théâtre national de l’Odéon : journal de bord 1782-1982, Paris, Fischbacher, 1982,
p. 148). En 1965, Jean Mercure signe une mise en scène de la pièce à la salle Richelieu.
45
Jean-Pierre Abel-Rémusat, Programme du Cours de langue et de littérature chinoise et de tartare mandchou,
précédé du discours prononcé à la première séance de ce cours le 16 janvier 1815, Paris, Impr. de Charles, 1815,
p. 29.
46
D., Journal des débats, le 23 juillet 1834.
47
Stanislas Julien, Syntaxe nouvelle de la langue chinoise, tome 2, Paris, Maisonneuve, 1870, pp. 309-406.
48
François-Juste-Marie Raynouard, Journal des savants, avril 1834. Figurant dans le volume de l’année 1834,
pp. 225.
49
Antoine Bazin, « Note du traducteur de Tchao-Mei-Hiang », Journal asiatique, février 1835, p. 176.
50
Albert Shuermans, Itinéraire général de Napoléon 1er, Paris, A. Picard et fils, 1908, p. 117.
71
Larive et Mlle Raucourt 51 . Le futur empereur trouve probablement l’écho de son propre
rayonnement dans la pièce de Voltaire et lors de l’entrée à Vienne de l’armée française, les
Comédiens-Français donnent, le 26 novembre 1805, une représentation gratuite de L’Orphelin
de la Chine52.
Les représentations de L’Orphelin de la Chine se basent sur la qualité du jeu d’acteur,
notamment pour le personnage central d’Idamé, interprété par Mlle George. Celle-ci débute sa
carrière à Paris en 1802. Son professeur de théâtre, Mlle Raucourt, a aussi joué Idamé à la
Comédie-Française. Malheureusement, en raison de son manque de sensibilité53, l’Idamé de
Mlle Raucourt rappelle souvent le vieillard Zamti54. Le charme personnel et le comportement
de Mlle George permettent de rajeunir le rôle d’Idamé et font de la représentation de
L’Orphelin de la Chine « la plus importante affaire du jour »55. Le Journal de Paris analyse
l’interprétation parfaite de Mlle George qui réunit la « force de l’affection maternelle » et la
« fermeté vertueuse d’une femme » 56 . Les conflits psychologiques étant subtilement
interprétés, le rayonnement de Mlle George transcende la Chinoise Idamé : malgré le visage
« tout nu » sans ornements, il n’y a « point de défauts à cacher » chez cette belle Française57.
Kotzebue, passant à Paris en 1804, partage cette opinion. Selon ce dramaturge allemand, bien
que « défigurée par un costume chinois très désavantageux », Mlle George ne perd point son
« port de reine »58.
Comparés à Mlle George et à son charme, les acteurs qui jouent dans L’Orphelin de la
Chine paraissent pâles. Naudet est « froid et trivial » dans le rôle du mandarin Zamti. 59 Le
mandarin devient encore plus affaibli dans l’interprétation de Monvel, qui est vieux, infirme
et finalement hué par tous les spectateurs60.
En ce qui concerne le rôle du Tartare, Talma reprend Gengis Khan dès le 16 décembre
1802. En fait, l’acteur a préalablement bien étudié les costumes de L’Orphelin de la Chine et
il s’est consacré à dessiner les personnages en les rehaussant d’aquarelle. Selon les notes de
Talma figurant sur les dessins, il faut évoquer la « conversation d’un empereur de Chine avec
un sage persan »61, et non un chef tartare parlant à un mandarin chinois. Mais le costume « à
la turque » orné de perles, de pierreries et de broderies dorées fait de Talma un Sultan qui vit
51
Madeleine et Francis Ambrière, Talma, ou l’Histoire au théâtre, Paris, Fallois, 2007, p. 274.
52
Pierre-David Lemazurier, L’Opinion du parterre, vol. 3, 1806, p. 257 ; Eugène Laugier, Documents
historiques sur la Comédie Française pendant le règne de S.M. l’empereur Napoléon Ier, Paris, Firmin Didot
Frères, 1853, p. 102.
53
Roselyne Laplace, Mademoiselle George, ou un demi-siècle de théâtre, Paris, Fayard, 1987, pp. 20, 25.
54
Le manuscrit de Mlle George pour ses mémoires, cité par Hector Fleischmann, in Une maîtresse de Napoléon
: d’après des documents nouveaux et des lettres inédites, Paris, A. Michel, 1908, p. 41.
55
Anonyme, Journal des débats, le 29 frimaire an 11 (le 20 décembre 1802).
56
Anonyme, Journal de Paris, le 27 frimaire an 11 (le 18 décembre 1802).
57
Anonyme, Journal des débats, le 29 frimaire an 11 (le 20 décembre 1802).
58
August von Kotzebue, Souvenirs de Paris en 1804, deuxième édition de l’ouvrage traduite de l’allemand avec
des notes [par Guilbert de Pixérécourt], tome II, Paris, Barba, an XIII (1805), p. 224.
59
[Geoffroy], Journal des débats, le 25 thermidor an 11 (le 13 août 1803). Pour les critiques de Geoffroy sur les
représentations de L’Orphelin de la Chine au Théâtre-Français entre 1801-1804, on peut se référer aux Cours de
littérature dramatique, tome 3, Paris, P. Blanchard, 1819-1820, pp. 50-73.
60
August von Kotzebue, op. cit., p. 225.
61
Bruno Villien, Talma : l’acteur favori de Napoléon Ier, Paris, Pygmalion, 2001, pp. 168-169.
72
dans le luxe et l’opulence62. La presse juge finalement que la profondeur de Gengis Khan
échappe à Talma63. Lafon, quant à lui, « se guinde inutilement pour atteindre [à] la hauteur
d’un tel colosse [de Gengis Khan] » bien qu’il s’épuise en efforts quand il débute ce rôle en
180064. Malgré tout le prestige de Lafon en tant qu’acteur – la perfection de ses traits, la
noblesse de sa stature, l’élégance de ses gestes, la netteté et la chaleur de sa voix, etc.65 – il
lui est « impossible d’inspirer la moindre terreur et de représenter le plus petit Tartare »66.
Heureusement, Lafon parviendra à savoir déployer la sage énergie de Gengis Khan 67 et le
Journal de l’Empire constatera, en 1807, que la pièce est soutenue par le jeu de Lafon et de
Mlle George : surtout celle-ci, la seule actrice qui « puisse être impunément chinoise sur la
scène »68.
Durant l’absence de Mlle George au Théâtre-Français, de 1808 à 1813, la
représentation de L’Orphelin de la Chine devient relativement rare. La jeune Mlle Maillard et
Mlle Duchesnois ont chacune l’occasion de jouer Idamé69. Mais au retour de Mlle George à
l’été 1813, les critiques n’ont toujours pas changé de ton : le Journal de l’Empire énumère les
comédiennes qui ont joué cette pièce chinoise et, sans surprise, le jeu de Mlle George gagne
« tous les suffrages » car elle joue « avec une noblesse, une sensibilité, une décence et des
entrailles maternelles » 70.
Pendant les années suivantes, la pierre angulaire de la représentation de L’Orphelin de
la Chine n’est autre que Mlle George, autant en France qu’à l’étranger. Le 26 juillet 1818,
cette Idamé exprime à Bruxelles « la tendresse maternelle et l’amour conjugal avec plus de
vérité et d’énergie » 71 . En 1823, le public de l’Odéon « s’empressera sans doute d’aller
admirer Mlle George dans l’un des rôles où la bizarrerie du costume a le plus besoin d’être
sauvée par la beauté des traits et la dignité de la physionomie »72. Cependant, la beauté ne
peut rien contre la désaffection pour une pièce de plus en plus désuète. Au cours de l’année
1826, il est donné quatre représentations de la pièce à Paris, mais le Journal des débats ne
publie aucun article concernant le spectacle.
62
« Un bonnet de satin vert, orné de rubans de couleur ; deux paires de manches, dont une en satin vert, enrichie
de broderies appliquées en or ; une soubreveste en toile de Jouy ; une autre à raies ; une toque de velours avec
panaches blancs ; une tunique en drap bleu de ciel, brodée en or ; une tunique en mérinos, ornée de broderies, de
pierres et de perles ; une culotte à la turque ; deux coupons de mousseline pour turbans. » Voir Catalogue de
costumes, tableaux, dessins, gravures, et autres objets d’art composant le cabinet de feu M. François-Joseph
Talma, Paris, Monfort, 1827, pp. 7-8.
63
Anonyme, Journal de Paris, le 27 frimaire, an 11 (le 18 décembre 1802).
64
[Geoffroy], Journal des débats, le 25 thermidor, an 11 (le 13 août 1803).
65
Sylvie Chevalley et Jean Coural (auteurs du texte), La Comédie-Française, 1680-1962 (catalogue). Exposition
au Château de Versailles, 1962. [Paris], Ministère des affaires culturelles (impr. Massin), [1962,] p. 92.
66
F. P., Journal de Paris, le 26 thermidor an XI (le 14 août 1803).
67
Anonyme, Journal de l’Empire, le 1er novembre 1807.
68
Anonyme, Journal de l’Empire, le 4 juin 1807.
69
Pour la critique sur Mlle Maillard, voir Journal de l’Empire, le 4 décembre 1808. Pour celle sur Mlle
Duchesnois, voir Journal de l’Empire, le 7 novembre 1812.
70
Anonyme, Journal de l’Empire, le 12 octobre 1813.
71
« France, Paris, 30 juillet », Journal des débats, le 31 juillet 1818.
72
« France, Paris, 23 janvier », Journal des débats, le 24 janvier 1823.
73
Même si l’on trouve de moins en moins d’intérêt à représenter L’Orphelin de la Chine,
le rôle d’Idamé demeure inoubliable grâce à Mlle George. Voltaire a créé un paradigme
parfait de la Chinoise pour le théâtre français et Mlle Clairon en profite pour mettre en
application sa vision innovante du costume théâtral. Au XIXe siècle, Mlle George revivifie et
renforce l’imaginaire chinois. En dépit de la disparition de L’Orphelin de la Chine des
plateaux, l’empreinte de la noblesse de la Chinoise reste ineffaçable.
II. 2. (2). (d) L’Orphelin de la Chine au XIXe siècle : une approche iconographique
À la différence de Mlle Clairon et malgré son succès en Idamé, Mlle George ne se fait
pas peindre en Chinoise73. Nous pouvons cependant entrevoir l’image d’Idamé au XIXe siècle
grâce au portrait de Lucinde Paradol. Au début de son interprétation d’Idamé, en 1823,
Paradol est « trop peu exercée » mais elle a « plus d’aplomb, plus de fermeté, un débit
généralement plus passionné que de coutume »74. Son bel organe étant apprécié, le jeu de
Paradol s’avère une espèce d’ « expression des sentiments fiers et hautains » en raison du
« manque complet de sensibilité »75. Dans le portrait conçu par Sébastien Dulac (1827) (fig.
2.03), Paradol est vêtue d’une robe blanche ornée de broderies, un gros rubis décore le turban
qui couvre complètement sa tête. Plus entreprenants qu’élégants, le comportement et l’allure
de cette Idamé la font davantage ressembler à une reine orientale qu’à une Chinoise vertueuse.
Le Gengis Khan de la même époque se caractérise aussi par le turban qu’il
arbore. Dans les deux premiers volumes d’imagerie Petite galerie dramatique, publiés chez
Martinet entre 1796 et 1821, nous trouvons une planche consacrée à Lafon qui interprète le
rôle de Gengis Khan (fig. 2.04a). Si le problème de Lafon est l’insuffisance de noblesse76, la
planche souligne sa générosité de conquérant. La légende de la planche s’en explique : « Je
rougis sur le trône où m’a mis la victoire ; […] je veux vous égaler. » Parfois le comportement
de Gengis Khan nous rappelle le chef militaire oriental (Il crociato in Egitto, « Le Croisé en
Egypte », Théâtre-Italien, 1825) (fig. 2.05), parce que l’image de ce personnage est marquée
par l’héroïsme. Ainsi, dans Les Œuvres complètes de Voltaire, publiées en 1874, la gravure de
Gengis Khan exprime bien la qualité charismatique du chef (fig. 2.06).
Une autre planche de Martinet est consacrée à Zamti (fig. 2.04b), sans que le nom de
l’acteur ne soit indiqué. Bien que le texte de Voltaire souligne le courage de Zamti (Acte I, sc.
6), cette planche ne nous permet de voir qu’un vieillard vaincu. Le vieillard de Martinet nous
rappelle le rôle souvent réservé à Sarrazin, dont la figure évoque le « sacristain de pagode »
(sobriquet donné par Voltaire) 77 . Mais en fait, Voltaire préfère donner le rôle de Zamti à
73
Sur les données iconographiques relatives à Mlle George, nous avons consulté Émile Dacier, Le Musée de la
Comédie-Française 1680-1905, Paris, Librairie de l’Art ancien et moderne, 1905, pp. 135, 170.
74
C., Journal des débats, le 31 juillet 1823.
75
Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, ceux d’hier, tome 2, Genève, Bibliothèque de la Revue
universelle internationale illustrée, [ca. 1904], p. 505.
76
Anonyme, Journal de l’Empire, le 4 décembre 1808. Dans cet article l’auteur compare le jeu de Lekain au jeu
de Lafon.
77
Edmond-Denis De Manne, Galerie historique des portraits des comédiens de la troupe de Voltaire, Lyon, N.
Scheuring, 1861, p. 29.
74
Grandval, et non à Sarrazin, parce que le mandarin doit être un « mari aimé » et non
simplement un « vieillard »78. Quelque soit le comportement attribué au rôle de Zamti, le
costume de ce mandarin n’évolue guère : une robe de soie indigo qui se caractérise par
l’emblème carré situé sur la poitrine. Les costumes portés par Lafave (fig. 2.07a-c)79 et par
Vanhove (jouant le rôle entre 1778 et 1802)80 (fig. 2.07d) sont similaires à celui qu’on trouve
dans l’estampe publiée par Martinet (fig. 2.04b) au début du XIXe siècle81.
Quant aux illustrations tirées de scènes théâtrales, la plupart d’entre elles se retrouvent
dans les Œuvres complètes de Voltaire, populaires dans les années 1820. En effet, la
publication des œuvres de Voltaire à cette époque témoigne d’une aspiration à la république
perdue. Les illustrations relatives à L’Orphelin de la Chine se focalisent donc sur la bravoure
de Zamti et d’Idamé et non sur le roi qui exhibe sa puissance.
La gravure des éditions Renouard (1819-1825, reprise en 1876) nous montre une
Idamé qui s’agenouille devant son ancien amant Gengis Khan (fig. 2.08a-b). La notice de la
gravure indique que la Chinoise « tombe aux pieds de ce maître sévère. » (Acte V, sc. 4). À
travers ce geste du corps qui ressemble à la soumission, l’éditeur dénonce en fait le tyran. Ce
sous-entendu est plus clair si nous tenons compte du texte de Voltaire. Dans cette même
scène, Idamé résiste à l’invasion de ce « barbare ». En vain. Face à Gengis Khan, Idamé ne
peut que « demande[r] à genoux une grâce de lui [l’héritier de l’État chinois] ».
L’illustration des éditions Froment (1829, coloriée par les éditions Alphonse Leclere,
en 1861) renforce la volonté d’Idamé (fig. 2.09a-b). D’après la notice, Idamé propose à son
mari : « Tiens, commence par moi : tu le dois, tu balances ! » (Acte V, sc. 5). Mais la notice
ne cite pas les didascalies de Voltaire concernant ce passage. Selon le texte de Voltaire,
Idamé, en « lui [Zamti] donnant le poignard », demande à son mari de la tuer puis de se
suicider. Zamti hésite. Idamé insiste : « Je le veux. » Si cette fermeté prédit la révolution
prochaine de 1830, on se rappelle une autre gravure accomplie par Moreau avant la
Révolution de 1789 (fig. 2.10). Dans celle-ci, Idamé, « en tirant un poignard », dit à Zamti :
« Tiens, sois libre avec moi ; frappe et délivre-nous. » Le non-dit des didascalies se cristallise
dans les gestes du couple. Le tableau engage ainsi les spectateurs dans l’action à suivre et les
intègre dans la scène pleine d’affectation.
La gravure de François Godefroy (d’après le dessin de Pierre Chasselat, publiée en
1826 et en 1835) (fig. 2.11), quant à elle, ne souligne pas le courage d’Idamé. En revanche,
elle témoigne de la faiblesse humaine et du recours au « ciel ». Zamti, en levant son regard
78
Jean-Jacques Olivier, Henri-Louis Lekain, de la Comédie-Française, Paris, Société française d’imprimerie et
de librairie, 1907, p. 74.
79
La photographie 2.07(c) est tirée du catalogue de l’exposition L’Art du costume à la Comédie-Française
(Moulins, Centre national du costume de scène ; Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, 2011), pp. 14-15 et p.
114. Selon l’étiquette du costume et l’explication du catalogue, ce costume est porté par M. Lafave dont nous
n’avons pas retrouvé de document signalant la profession.
80
« Lettre de Sylvie Chevalley à Théodore Besterman, 20 juin 1966, Institut et Musée Voltaire, Genève », in
Voltaire et la Chine, textes réunis par l’Institut et Musée Voltaire, publié à Saint-Malo, éd. Cristel, 2003, p. 44.
81
Les huit volumes de planches gravées et coloriées, parfois lithographiées, sont publiés par Martinet seul de
1796 à 1821, puis par Martinet et son gendre Hautecœur de 1822 à 1843. Nous nous appuyons sur les
exemplaires de la BnF-Tolbiac, cote : SMITH LESOUEF R-3724-3731.
75
vers le ciel, se livre ainsi au destin : « Tu l’inspires, grand dieu ! Que ton bras la soutienne ! »
(Acte IV, sc. 6). C’est le ciel qui leur promet et non la Chinoise qui agit par elle-même. La
confrontation d’Idamé et de Gengis Khan disparaît de la scène. Elle est remplacée par des
sentiments intimes et une espérance religieuse.
La diffusion de ces illustrations et portraits fait écho à la fin des représentations de
L’Orphelin de la Chine. La Comédie-Française cesse en effet de monter cette pièce à partir de
1835 et les illustrations se retirent du marché de la publication. L’illustration reprise et
coloriée par les éditions Alphonse Leclere, en 1861, est probablement le fruit de la nouvelle
rencontre franco-chinoise : de 1856 à 1860, l’empire français envoie ses troupes militaires
dans l’empire chinois. Cette expédition militaire rappelle sans doute la Chine jadis conquise
par Gengis Khan.
82
(1) Corneille, Le Menteur (1644), « en vrai magot tout le corps fagoté » (Acte I, sc. 4) ; (2) Marivaux, Le Jeu
de l’amour et du hasard (1730), « voyez ce magot » (Acte III, sc. 6) ; (3) Marivaux, Les Fausses confidences
(1737), « un plaisant magot » (Acte II, sc. 10) ; (4) Voltaire, La Prude (1747), « épouser un magot » (Acte II, sc.
6).
83
Le 17 juin 1807, la Gaîté monte Magot, parodie de Dago. Il s’agit d’un marchand de vin nommé Magot,
poursuivi par la communauté à cause du mélange présent dans ses boissons. On ne trouve rien de chinois dans
cette parodie. Voir Pierre Joseph Charrin, Mémorial dramatique ou Almanach théâtral pour l’an 1807, Paris,
Hocquet, 1807, p. 204.
84
Paul Jarry, Les Magasins de nouveautés. Histoire rétrospective et anecdotique, Paris, Barry et fils, 1948, p.
136 ; Piedade da Silveira et Françoise Tétart-Vittu, Des magasins de nouveautés aux grands magasins : Aux
deux magots 1813-1881, Fontenay-sous-Bois, Caisse de Retraites des Entreprises à Commerces multiples, 1993,
p. 8 ; Arnaud Hofmarcher, Les Deux magots : chronique d’un café littéraire, Paris, Le cherche midi, 1994, p. 9.
76
devant jeune femme, dans laquelle une Madame de Melcourt est coiffée « sans poudre et à la
chinoise » et porte « un jupon garni à la Nippon ». En juin, une exposition s’ouvre au
« Cosmorama », à Paris. On y découvre le modèle du palais impérial de Pékin et des
tombeaux tartares85. L’imagerie du magot se trouve également dans un recueil de chansons
populaires, dont un air est tiré de la comédie Les Deux magots de la Chine (fig. 2.12a-b)86.
C’est aussi en 1813 que paraît le Dictionnaire chinois-français et latin, publié par
ordre de Napoléon. L’année suivante, le jeune sinologue Jean-Pierre Abel-Rémusat dirigera la
première chaire de chinois au Collège de France. En ce qui concerne la vie quotidienne, la
mode chinoise inspire la coiffure des dames. D’après la rubrique des « Modes » du Journal de
Paris87, il s’agit d’une coiffure qui se caractérise par de longs cheveux relevés et décorés de
guirlandes de feuilles clinquantes. L’imagerie Bon genre parodie la coiffure chinoise: « Qu’on
se figure tous les cheveux, depuis le front jusqu’à la nuque, rassemblés sur le sommet de la
tête, puis tordus et liés fortement ; […] toutes nos belles l’ont adoptée ; elles en supportent les
inconvénients avec intrépidité ». Pour relever le goût chinois, il faut d’ailleurs « quelques
mèches de cheveux », « une paire de babouches » et « la tunique à clochette » préparée par les
trois magots (fig. 2.13a-b). D’une manière moins exagérée, un portrait réalisé par Frédéric
Millet nous montre cette coiffure populaire de l’époque (fig. 2.14).
85
Journal de Paris, le 4 juin 1813.
86
Anonyme, Les Deux magots ou les caricatures, Paris, chez le Fuel, s.d. [BnF-Tolbiac : YE-20244]
87
Journal de Paris, numéros parus le 16 février, le 1er mars et le 16 mars de l’année 1813.
77
bateaux afin de les aider à réaliser leur voyage à Formose. Fokien et Ning-Hia quittent la ville
de Canton. Tchitt-Chitt-Chao et Tang-Out-Sung comprennent alors qu’ils ont été trompés. Ces
deux vieillards se moquent l’un de l’autre et se nomment eux-mêmes les « deux magots » car
ils ont perdu tout leur argent sans avoir rien gagné en retour.
En fait, quatre personnages chinois sont présentés dans cette pièce. Si leurs noms
bizarres produisent « la gaîté la plus folle »88, ce sont les « deux magots » annoncés par le titre
qui promettent le succès. Ces deux magots, à savoir Tchitt-Chitt-Chao et Tang-Out-Sung, sont
joués respectivement par Brunet et Potier, qui n’épargnent jamais les numéros « très
réjouissants et très comiques »89. Durant sa carrière théâtrale, Brunet jouera plus de quatre
cents rôles, celui du magot chinois étant, pour Alphonse Royer (historien et ancien dirigeant
de l’Opéra), sans doute l’une des plus heureuses créations de l’acteur90.
C’est avec soin que le dramaturge Sewrin crée une atmosphère chinoise pour
annoncer l’arrivée des « deux magots » sur scène. La partition de la ritournelle (sc. 6) rappelle
le thème pastoral fréquent dans les chinoiseries du XVIIIe siècle. Quant aux palanquins, au
dromadaire et au chameau, tous trop chargés, ils manifestent la richesse à l’orientale. Les
esclaves noirs qui portent des parasols renforcent l’atmosphère exotique – rappelons que les
Comédiens-Italiens avaient recours, en 1692, à la « pagode du Congo » dans Les Chinois. Des
éléments suscitant le sentiment d’étrangeté s’introduisent enfin sur cette scène déjà exotique :
en agitant des éventails, les cortèges à la suite des deux magots doivent effectuer une danse
« grotesque » (sc. 23).
Cette manière « grotesque », comme l’indiquent les didascalies, peut se traduire par
des mouvements de tête des « deux magots ». En effet, dans des pièces telles que Les Femmes
colères (Vaudeville, 1805), les spectateurs ont découvert le « magot de la Chine » – au sens
du jouet enfantin – qui « balan[ce] toujours sa mine, / sans partager mon effroi » (sc. 3)91. Les
deux magots chinois de Sewrin s’inspirent évidemment de ce jouet qui se balance.
Pendant que Ning-Hia chante le couplet, les deux vieillards « balancent leur tête comme ces
figures de magots que nous voyons sur nos cheminées » (sc. 11). Ce même mouvement est à
nouveau utilisé lorsque les deux vieillards se moquent de leur propre bêtise : en chantant, ils
secouent ensemble leur tête sur le rythme de la mélodie (sc. 26). Le Journal de Paris décrit
ainsi la scène : les deux vieillards, « chacun à une fenêtre [de l’auberge], font mouvoir leur
tête à peu près comme celle des magots de porcelaine »92. Le recours au magot permet ainsi
de regrouper l’humeur de la simplicité, la naïveté et l’aisance qui évoquent une chinoiserie
enfantine et sans-souci. Du jouet au jeu d’acteur, la « gestuelle du magot » que Sewrin
concrétise sous sa plume, devient désormais une astuce indispensable pour l’interprétation du
Chinois comique.
88
A., Journal de Paris, le 14 janvier 1813.
89
Geoffroy, Journal de l’Empire, le 14 janvier 1813.
90
Alphonse Royer, Histoire universelle du théâtre, tome 5, Paris, Paul Ollendorff, 1878, pp. 441-442.
91
Ce « divertissement », coécrit par Dupaty, Moreau et Francis, est présenté au Vaudeville le 23 pluviôse, an 13
(le 11 février 1805).
92
A., Journal de Paris, le 14 janvier 1813.
78
Mais le mot « magot » n’est pas appliqué aux deux autres Chinois de la pièce. Le faux
mandarin Fokien « joue et chante à faire plaisir » comme il faut93 et la Ning-Hia jouée par
Mlle Pauline se caractérise par son pied qui a l’air « d’être du pays »94. Le chroniqueur à
l’origine de cette observation ne précise pas les détails de ce pied à la chinoise. Évidemment,
il ne s’agit pas du pied bandé, une pratique très répandue chez les Chinoises mais
inexécutable sur la scène des Variétés. Pour nous, ce pied désigne probablement les
babouches dont les extrémités sont pointues et remontées, comme celles qu’on a découvertes
dans les maquettes de costume conçues par l’Opéra au XVIIIe siècle (fig. 1.17a). L’aspect
spécifique de ces babouches – et bien qu’elles soient plutôt un usage turco-arabe95 – nous
permet souvent, au cours de notre travail, d’identifier les personnages chinois en raison de –
ou grâce à – la confusion sino-orientale. Quant aux pieds bandés, si les dramaturges citent de
temps en temps cette coutume « curieuse », il faut attendre le début du XXe siècle pour que
les personnages occidentaux d’une petite pièce accusent directement cette « barbarie » (voir
chapitre VI).
Revenons à Sewrin. Ce dramaturge réinvente le sujet chinois en intégrant les
personnages chinois dans la scène du « voyage en Chine ». Dans le chapitre précédent, nous
avons découvert des personnages chinois qui rentrent au pays et racontent à leurs
compatriotes leurs aventures européennes96. Sewrin, quant à lui, se focalise sur des voyageurs
chinois qui traversent leur empire. Le voyage est donc un état actuel et non simplement un
prétexte qui permet de raconter des anecdotes européennes. Dans Les Deux magots de la
Chine, où quatre voyageurs se rencontrent à Canton, le choix de l’auberge comme scène
théâtrale concrétise l’idée du voyage car les aubergistes sont eux-mêmes des voyageurs :
l’aubergiste allemand a quitté son pays dix ans plus tôt, « croyant trouver la fortune » en
Chine (sc. 6). Quant au rôle de l’aubergiste portugais, il rappelle la colonisation portugaise en
Extrême-Orient – l’île de Formose est « découverte » et ainsi nommée par les matelots
portugais au XVIe siècle. Geoffroy note que ce Portugais est un « arabe » 97 . Ce mot, qui
signifie à l’époque usurier98, évoque également l’occupation arabe de la péninsule Ibérique
pendant la dynastie des Abbassides, au VIIIe siècle. De l’Histoire d’hier aux aventures
d’aujourd’hui, tous ces éléments d’origines diverses semblent nous emmener à la rencontre de
Marco Polo et de Kubilaï Khan, vers une époque où les marchands orientaux et les voyageurs
occidentaux se rencontraient dans la capitale du Céleste Empire.
93
Geoffroy, Journal de l’Empire, le 14 janvier 1813.
94
A., Journal de Paris, le 14 janvier 1813.
95
On retrouve ce genre de babouches « fort pointues », censées être l’usage des Arabes et des Turcs, dans les
travaux des orientalistes du XIXe siècle, comme le Dictionnaire détaillé des noms des vêtements chez les Arabes
rédigé par Dozy (Amsterdam, J. Müller, 1845, pp. 50-53). Sur l’utilisation de babouches arabes pour le pratique
du théâtre, voir les maquettes de costumes et le glossaire présentés par Martine Kahane, in Costumes des Mille et
une nuits [catalogue de l’exposition éponyme], Saint-Pourçain-sur-Sioule, éditions Bleu autour ; Moulins,
CNCS, 2008.
96
Nous citons ici Le Chinois poli en France (Foire Saint-Laurent, 1754) et Les Chinois, ou les Chinois de retour
(Théâtre-Italien, 1756).
97
Geoffroy, Journal de l’Empire, le 14 janvier 1813.
98
Dictionnaire de l’Académie française, sixième édition, 1835.
79
Nous ne sommes pourtant ni à Cambaluc ni à Qinsay (deux villes « internationales »
dans les récits de Marco Polo) mais à Canton, la seule région ouverte au commerce étranger à
l’époque de Sewrin. De la première jusqu’à la dernière scène, les didascalies des Deux magots
de la Chine indiquent un décor qui représente le rivage de la mer, bordé de pavillons chinois,
où l’on peut voir passer de jolies chaloupes pavoisées. Encore une fois, cette scène d’eau
rappelle le motif de la rivière régulièrement représenté dans les chinoiseries. Par ailleurs, elle
traduit l’esprit du temps : le désir de l’exploration au-delà de l’océan. De l’aubergiste
européen au lettré chinois, chacun cherche un nouveau monde où il fera fortune. La Chine de
la comédie des Variétés devient donc une métaphore, évoquant la reprise de l’aventure en
Chine véritable. En réalité, la Chine reste fermée et ne permet pas aux étrangers de réaliser
leur voyage. Sur la scène du théâtre, néanmoins, le voyage chinois des personnages peut
remplacer l’exploration du Céleste Empire. Suite à l’ouverture du pays dans les années 1840,
les voyageurs européens pourront finalement pénétrer en Chine. Ce seront alors les
personnages européens, et non plus les voyageurs chinois comme Tchitt-Chitt-Chao et Tang-
Out-Sung, qui imiteront sur scène les magots de la Chine.
99
Nous respectons le titre indiqué dans les manuscrits et nous ne le corrigeons pas comme « La Fête de
l’agriculture “en” Chine ». En effet, avant la fondation de la première république chinoise en 1912, la « Chine »
est un concept géographique assez vague. Dans les documents officiels et diplomatiques du XIXe siècle, la
« Chine » se nomme « le grand empire des Qing ».
100
Pierre Joseph Charrin, Mémorial dramatique ou Almanach théâtral pour l’an 1811, Paris, Hocquet, 1811, p.
217.
101
P. L. Jacob (dir.), Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne, tome 3, Paris, Administration de
l’Alliance des arts, 1844, p. 214.
80
Nous ne retrouvons ni le livret ni la date précise de la représentation de La Fête de
l’agriculture à la Chine. Le procès-verbal de censure nous permet cependant de connaître
l’argument de la pièce102.
102
Nous nous appuyons sur le procès-verbal de censure, signé le 31 août 1810. Archives nationales, F21 993.
103
Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, Paris, Firmin Didot frères, 1873, p. 378.
104
« Spectacles, Paris », L’Esprit des journaux, français et étrangers, vendémiaire an 11 (octobre 1802), p. 189.
105
Plusieurs sources indiquent les étapes de la création de la pièce. La préparation peut remonter à 1807 (La
Revue hebdomadaire du Journal des débats, 1920, vol. 2, p. 72) et les manuscrits sont probablement acceptés
par le comité de censure le 11 février 1808 (David Chaillou, Napoléon et l’Opéra : La politique sur la scène
1810-1815, Paris, Fayard, 2004, p. 465). Le procès-verbal de censure que nous retrouvons aux Archives
nationales est cependant daté du 9 décembre 1812.
81
La musique, tirée des partitions de plusieurs compositeurs célèbres tels que Mozart et Haydn,
est remaniée et arrangée par Le Berton106 (fig. 2.16).
110
Jean-Antoine Roucher, Les Mois : poème en douze chants, tome premier, Paris, l’Imprimerie de Quillau,
1779.
111
Lucien Bély, Louis XIV, le plus grand roi du monde, Paris, Jean-Paul Gisserot, 2005, pp. 196-198.
112
David Chaillou, op. cit., p. 275.
113
David Chaillou, op. cit., p. 261.
114
Donnons deux citations liées à ce concept : (1) « Le peuple est ton fils. », in « Doctrine du Milieu », Le Livre
des rites (Li Ji, un des « Cinq Préceptes » de l’école confucéenne, publié au Ie siècle av. J.-C.) ; (2) « Un prince
idéal récompense le bon, chasse les soucis du peuple et l’aime comme son propre fils. », in Liu Xiang, Nouveau
prologue (Xinxu, publié au Ie siècle av. J.-C.). Notre traduction française.
83
réalisée à travers le pouvoir de l’empereur. Si cette position traduit à nouveau le concept
chinois du régnant-père et peuple-fils, nous remarquons que celui-ci est en fait très utilisé
dans le cadre français. Le Laboureur chinois n’est donc pas une leçon de morale pour
Napoléon mais une leçon pour les spectateurs vivant sous la domination du patriarcat.
115
Anonyme, Revue de Paris, nouvelle série, tome LVII, Paris, 1838, p. 39. Le même texte est repris in Castil-
Blaze, Théâtre lyrique de Paris : l’Académie impériale de musique, de 1645 à 1855, Paris, Castil-Blaze, 1855, p.
135.
116
Ibid.
117
Félix Clément et Pierre Larousse, article sur le « Laboureur chinois », Dictionnaire des Opéras, Paris, C.
Tchou pour la Bibliothèque des introuvables, 1999.
118
Manuscrits de « la mise d’ouvrage » du Laboureur chinois, Archives nationales, AJ13 94.
84
Les manuscrits conservés aux Archives nationales nous permettent de concevoir les
détails des costumes et de la coiffure « à la chinoise » de chaque personnage. Nous relevons
ici les descriptions des costumes de Yon-Chin et Nida119.
119
Manuscrits de « la mise d’ouvrage » du Laboureur chinois, ibid. Nous avons corrigé les erreurs d’orthographe
des manuscrits, et nous ajoutons des signes de ponctuation pour faciliter la lecture.
85
Un article publié dans le Journal de Paris au sujet du Laboureur chinois remarque ce
dilemme : « Bien des gens ont parlé de la Chine, et fort peu l’ont connu. […] les rapports
emphatiques des voyageurs, des missionnaires, des ambassadeurs anglais et des romanciers
français qui se sont mêlés d’en écrire, ont fait pour nous de ce pays une sorte de monde idéal
qui flatte l’imagination autant qu’il amuse l’esprit. […] c’est un second pays de la fable. »120.
Les sinologues du Premier Empire s’attachent à déchiffrer ce pays de fable à l’aide d’une
méthodologie scientifique. Mais il faudra encore attendre pour que les efforts des sinologues
se retrouvent dans les pratiques théâtrales. Dans Le Laboureur chinois, le « décryptage » de la
fable s’accomplit à partir d’anciennes observations de la Chine, et en mêlant la confusion
récurrente entre Orient et Chine à de nouvelles inventions nées de la mode chinoise.
120
M., Journal de Paris, le 6 février 1813.
121
Hervé Lacombe, Les Voies de l’opéra français au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1997, p. 191.
122
Gustave Bertrand, « Mozart en France (deuxième article) », Revue moderne, tome 33, Paris, Lacroix, 1865, p.
349.
123
S., Gazette de France, le 8 février 1813.
124
B., Mercure de France, le 20 février 1813.
125
Geoffroy, Journal des débats, le 8 février 1813.
86
greffer de la musique européenne sur une scène chinoise parvient peut-être à éviter le kitsch
produit par les sons « à la chinoise » du gong et de la clochette.
La musique détermine le jeu d’acteur. Millin constate que les comédiens « ont chanté,
non comme des Chinois, mais comme des Italiens, des Français, comme des artistes d’un goût
parfait ». Bien que « la teinte locale » soit « un peu trop prodiguée », « nous ne connaissons
que les grâces françaises qui ne fatiguent jamais »126. Au fil de son article, Millin ne cesse de
réaffirmer le goût français de cet opéra au sujet chinois. Un tel jugement rappelle en effet une
tradition, une « grâce française » à laquelle s’attache l’Opéra. De la reine Angélique aux Indes
galantes, les personnages chinois créés à l’Opéra sont essentiellement des figures galantes et
féériques qui chantent, dansent et font la fête dans un contexte européen. La représentation du
Laboureur chinois marque donc un tournant. De l’empereur au fermier, en passant par les
mandarins (au moins 34 hommes de chœur, 30 femmes de chœur et 32 danseurs127), l’Opéra
tente pour la première fois d’installer tous les personnages dans un cadre chinois. Sans aucune
expérience similaire préalable, il est naturel que l’Opéra ait recours au ballet et à la musique
« à la française » qui lui sont familiers. Au niveau de la musique et de la chorégraphie,
l’appropriation de cette nouvelle mode chinoise à l’Opéra ne vise ni à imiter ni à parodier les
magots mais à enrichir son répertoire déjà bien fourni. Au début du XIXe siècle, c’est donc
cette « grâce française » qui distingue Le Laboureur chinois des autres spectacles chinois
donnés dans les salles populaires.
La représentation du Laboureur chinois résume la mode chinoise qui fleurit à l’apogée
du Premier Empire et l’on retrouve des parodies de cette pièce dans le Vaudeville128, et même
en Allemagne129. Jusque dans la Comédie humaine de Balzac, on trouve un M. Baudoyer de
l’Opéra qui désire montrer à une jeune fille du nom d’Élisabeth « le plus beau de tous les
spectacles », à savoir Le Laboureur chinois130. Dès la chute de Napoléon Ier, le nombre et la
taille des spectacles sur des sujets chinois diminuent. L’Opéra ne reprendra le sujet chinois
qu’après la proclamation de la Monarchie de Juillet.
126
Millin, Journal de Paris, le 6 février 1813.
127
Le livret n’indique pas le nombre de chanteurs et de danseurs. Nous nous appuyons sur les manuscrits du
costume, Archives nationales, AJ13 94.
128
Le Cimetière du Parnasse, ou Tippo malade, pompe funèbre en un acte, écrit par Théaulon et Dartois,
représenté au Théâtre du Vaudeville, le 25 février 1813. Le personnage nommé Gloriole dit, « M. le docteur
Public vient de dépêcher à mon père le Laboureur Chinois, pour lui apporter le bulletin de la santé du Sultan. »
(sc. 11)
129
Merle Étienne de Jouy (Jean Toussaint), Revue de l’an M. DCCC. XIII [le 25 décembre 1813], in L’Hermite
de la Chaussée d’Antin, ou Observations sur les mœurs et les usages français au commencement du XIXe siècle.
7e éd., revue, corrigée et ornée de deux nouvelles gravures, vol. 4, tome 14, Paris, Pillet aîné, 1818, pp. 347-370.
130
Balzac, Les employés, ou la Femme supérieure, in Scènes de la vie parisienne, tome XI, Paris, Furne 1844, p.
170. Ce texte figure dans Études de mœurs, troisième livre, in La Comédie humaine, onzième volume, première
partie.
87
II. 4. (1) De l’expédition en Orient au sujet chinois dans le théâtre
L’arrivée du Chinois A-Sam en 1800 n’est qu’une coïncidence historique car les
Français du début du XIXe siècle expriment déjà un véritable intérêt pour l’Orient. Cet intérêt
oriental est étroitement associé à la création de l’armée de l’Orient par Napoléon, qui
s’engage dans l’expédition en Égypte et en Syrie de 1798 à 1801. La victoire militaire en
Orient, tout comme l’introduction des Mille et une nuits en France au début du XVIIIe
siècle131, transforme la vision qu’ont les Français de cette région du monde et « favoris[e] la
connaissance du “Même” à “l’Autre” »132 . Pour le sinologue Jonathan Spence, ce courant
d’orientalisme mélange désormais la Chine et l’Orient, l’image de la Chine n’allant se
détacher en propre qu’à la fin du XIXe siècle133. Spence fonde son observation sur les écrits
romanesques mais nous constatons la même confusion Chine-Orient dans le théâtre du début
du XIXe siècle.
Avant d’entamer la partie de notre travail consacrée à la Chine « orientale », il faut
préciser que nous employons le terme « Orient » pour désigner les régions du bassin
méditerranéen et du Levant, même si les dramaturges de l’époque napoléonienne confondent
souvent la « Chine » et cet « Orient » musulman, désignant vaguement par « Chine » une
région habitée par les peuples étrangers134. Au début du XIXe siècle, le mélange sino-oriental
se manifeste par des combats entre les Chinois « orientaux » et les barbares. La trame se
déroule à partir d’une confrontation entre deux troupes sur des champs de bataille et loin des
plaisirs de la vie quotidienne. Les personnages chinois sont souvent des soldats. Le charlatan
et le mandarin lettré disparaissent.
Probablement en raison de la popularité du personnage de Gengis Khan, la lettre « K »
s’introduit dans les titres des créations théâtrales à la fin du XVIIIe siècle. En 1792-1793,
Honoré-Nicolas-Marie Duveyrier prépare le livret de l’opéra-comique Koukourgi, sur la
musique de Luigi Cherubini. Même si cette œuvre inachevée n’est jamais publiée ni jouée à
l’époque135, plusieurs partitions seront incorporées dans Ali-Baba, ou Les Quadrants voleurs
(Opéra, 1833), autre opéra-comique également composé par Cherubini, en collaboration avec
les librettistes Eugène Scribe et Anne-Honoré-Joseph Duveyrier (dit Mélesville)136.
131
La première traduction française des Mille et une nuits est l’œuvre d’Antoine Galland, publiée de 1704 à
1717.
132
Kamal Ali Mahmoud Ahmed Gadallah, L’Orient de Théophile Gautier, thèse doctorale, Université Sorbonne
Nouvelle – Paris III, 2004, p. 25.
133
Jonathan Spence, The Chan’s Great Continent, New York, W. W. Norton, 1998, p. 148.
134
Nous ne donnons que deux exemples : (1) Joseph Aude, La Paix (Théâtre de la République, 1797) : « On
assure que la Perse, la Chine, et Goa s’opposent formellement à ce traité. » (Acte I, sc. ix) ; (2) Alexandre
Bernos, Le Siège du clocher (Ambigu-Comique, 1809) : « […] parcourir les régions habitées par les Tartares, les
Chinois, les Iroquois, les Algonquins, les Hottentots et les Cafres, nous voyageons jusqu’à ce que votre courroux
s’apaise… » (Acte I, sc. xiii).
135
Arnold Jacobshagen, en s’appuyant sur les paroles mises en musique dans le manuscrit (conservé à la
Biblioteka Jagiellonska de Cracovie), reconstitue l’action de Koukourgi. Voir Arnold Jacobshagen,
« Koukourgi (1792-1793) : à propos d’un opéra-comique inconnu de Luigi Cherubini », Revue de musicologie
(publiée par la Société française de Musicologie), tome 78, n° 2, 1992, pp. 257-287.
136
Mélesville est le fils d’Honoré-Nicolas-Marie Duveyrier. Directeur de l’Opéra, Mélesville crée en 1837 une
pièce chinoise intitulée La Chatte métamorphosée en femme. Sur cette pièce, voir chapitre III.
88
Nous allons à présent examiner trois personnages « K » présents dans les spectacles
sino-orientaux créés au début du XIXe siècle : Kokoli, Koulikan, et Koulouf. Ce nouveau
principe de nomination se poursuit tout au long du XIXe siècle et les Chinois « K », dont les
noms suggèrent souvent des calembours, remplacent désormais les anciens Chinois nommés
« Z » (L’Orphelin de la Chine, La Matrone chinoise) ou « X » (Les Chinois de retour).
137
Les noms de « Kokoly » et « Kokoli » sont souvent confondus dans la presse. Nous relevons les titres publiés
comme suit : Kokoly, ou le Chien et le Chat (1801-1802), La Folie chinoise, ou Kokoli à Capra (1805), Kokoly,
ou le Chien et le Chat (1817), Kokoli, ou le Chien et le Chat (1847).
138
La date précise est inconnue. Selon l’exemplaire conservé à la BnF, la pièce est jouée pour la première fois en
l’an X, et reprise le 14 frimaire, an XI (le 4 décembre 1802) [BnF-ASP : 8-RF-15447]. La recherche de Louis-
Henry Lecomte indique que la première représentation a eu lieu le 20 ventôse, an IX (le 11 mars 1801). Voir
Louis-Henry Lecomte, op. cit., pp. 224-225.
139
Louis-Henry Lecomte, op. cit., p. 224.
140
Nicolas Brazier, Chroniques des petits théâtres de Paris, première partie, Paris, Rouveyre et G. Blond, 1883,
p. 26.
89
d’entre elles n’est relative aux Chinois. Voici deux exemples de ces adaptations : l’une est de
Plancher de Valcour lui-même, présentée sous le même titre à la Gaîté, le 22 mars 1817. Un
grand nombre de répliques et d’airs sont identiques à ceux de la version de la Cité. La scène
est toutefois déménagée à Varsovie, loin de l’empire chinois. L’autre, écrite par J.-B.
Simonnin sous le titre de Kokoli, ou Chien et Chat, est présentée au Gymnase-Choiseul le 25
mars 1847. L’intrigue de la pièce se développe dans la baronnie de Tuntertentrunk, en
Allemagne.
141
Léon Lanzac de Laborie, Paris sous Napoléon, tome VII : « Spectacles et Musées », Paris, Plon, 1913, p. 144.
142
Nous nous référons aux bulletins publiés dans le Journal du soir, parus le 18 ventôse, an 13 (le 9 mars 1805)
et le 5 thermidor, an 13 (le 24 juillet 1805).
90
Si cette « folie chinoise » semble être une fable passe-partout, la dénomination des
personnages se fonde bien sur la couleur locale chinoise. Zamti et Idamé sont tirés de
L’Orphelin de la Chine. Le « Kan » d’Ili-Kan suggère le chef des Tartares dit « Khan ». Hia-
Tsin est composé des noms des dynasties chinoises, à savoir les « Xia » (2070-1600 av. J.-C.)
et les « Qin » (221-207 av. J.-C.). Loulou, nom du chien à longs poils, s’inspire sans doute de
Kokoly, ou le Chien et le Chat.
Nous essayons de repérer la ville de Capra à partir du nom « Kokoli ». Ce nom, qui
fait penser à la noix de coco, désigne une tribu en Afrique. Depuis le XVIIe siècle, la France a
des comptoirs tout au long de la côte du Sénégal et c’est dans cette région de l’Afrique de
l’Ouest, qu’ils rencontrent le peuple autochtone « Kokoli », ayant déjà des activités
commerciales avec les Portugais. Les Kokolis sont d’habiles artisans de l’ivoire, ce qui les
rend précieux pour les Européens143. Dans le répertoire que nous établissons, nous découvrons
régulièrement des Chinois nommés d’après des objets africains tels que « Tamtam » ou
« Kakao ». Le nom de « Kokoli » témoigne donc à nouveau d’un mélange sino-africain qui
remonte à la « pagode congolaise » dans Les Chinois (Théâtre-Italien, 1692) ou, plus tard, au
« prince chinois, fils aîné du roi de l’Afrique » (sc. viii) dans Cadet Roussel aux Champs
Élysées (Théâtre Montansier, 1801).
Dans le cadre de la « folie chinoise », le nom de Kokoli évoque également un pays,
voisin de la Chine : Kao-li. Ce pays, situé sur la péninsule coréenne (37 av. J.-C. - 668), était
appelé « Kao-chü-li » ou « Koguryô » ; « Kokoli » n’étant qu’une des formes de transcription
de son nom144. Certains missionnaires du XVIIIe siècle ont essayé de prouver qu’il existait
d’autres peuples asiatiques pratiquant davantage les principes confucéens que les Chinois.
Capra désigne probablement une ville du pays coréen où les études du confucianisme se sont
répandues et ont été étudiées même après l’invasion des Mandchous en Chine, en 1644.
Signalons que la princesse Zarada de Télésis (1751) exprime un sentiment de sinophilie
partagé par les Coréens (voir chapitre I). Un passage dans le texte de La Folie chinoise nous
permet, en outre, de supposer ce lien entre la Corée et Capra. En effet, lorsque Hia-Tsin
accorde à Kokoli le poste de Docteur de Loi, ce mandarin érudit met en valeur leurs lois
précises et lumineuses « qu’a rédigées le génie, que la raison avoue, que la Chine admire »
(Acte I, sc. 12). Puisque la Corée est reconnue pour son adoption et son grand respect des
principes du confucianisme, Capra peut très bien se situer dans ce pays extrême-oriental, au-
delà de la Chine, où le peuple perfectionne les mœurs chinoises.
Au niveau des effets visuels, la seule didascalie portant sur le paysage chinois
concerne le « jardin chinois » (Acte III, scène 8). Au cours de la marche triomphale dédiée à
Kokoli, le théâtre se change en jardin chinois. Une fête chinoise est ensuite donnée pour
terminer ce passage. Si la femme de Kokoli souligne qu’elle est une femme ordinaire comme
143
Djibril Tamsir Niane, Histoire des Mandingues de l’Ouest : le royaume du Gabon, Paris, Karthala, 1989, pp.
53 et 99.
144
Gari Ledyard, « The Mongol campaigns in Korea and the Dating of The Secret History of the Mongols »,
Central Asiatic Journal, vol.9, Mouton (The Hague) & Otto Harrassowitz (Wiesbaden), 1964, p. 17.
91
« toutes les femmes de la Chine » (Acte III, sc. 6) et si les bonzes exécutent une « cérémonie
burlesque » (Acte III, sc. 11), ces descriptions ne suggèrent cependant que discrètement la
présence des costumes et des usages chinois sur la scène.
Le Journal de Paris témoigne de la réalisation de la scène chinoise. D’après ce
journal, la représentation de La Folie chinoise se caractérise par « la piquante variété des
ballets, l’exactitude des costumes et la pompe des décorations ». Au dernier acte, « la
perspective de l’intérieur du palais chinois » crée « un effet remarquable », et « la danse de
caractère » suscite de « vifs applaudissements » 145 . Le Courrier des spectacles prête
également attention à la « richesse » et à l’« éclat » qui « offrent une perspective agréable »146.
L’ambigüité géographique du texte est réelle mais les artistes de la Gaîté sont conscients de la
création d’une scène chinoise – certes, nous savons qu’une telle « Chine » s’apprête toujours à
être envahie par l’amalgame d’éléments « orientaux ».
145
Anonyme, Journal de Paris, le 4 pluviôse, an XIII (le 24 janvier 1805).
146
Anonyme, Courrier des spectacles, le 24 janvier 1805.
92
L’argument de Mme Kokoli s’appuie sur la nature humaine et non sur la loi civile. La
loi « que la Chine admire » est en fait inique dans son usage. L’action de Mme Kokoli lui
permet de regagner son mari. Et pourtant, toutes les femmes ne bénéficient pas du même
droit. C’est le cas d’Idamé. Bien qu’elle se glisse dans le camp de l’ennemi et sauve la vie de
Kokoli, sa bravoure ne lui rapporte aucune récompense. Elle ne peut qu’accepter d’être
l’épouse d’Ili-Kan malgré ses sentiments pour Kokoli. Alors que Mme Kokoli retrouve son
bonheur par la lutte contre les autorités, l’obéissance d’Idamé démontre la rigidité de la loi
inventée par les hommes. Encore une fois, on voit sur scène des Chinoises courageuses
malgré la persécution des traditions et des mandarins chinois qui s’accrochent à des lois de «
folie ». Nous retrouverons régulièrement des avatars de ces deux types de femmes dans la
suite de notre travail.
147
Nous nous appuyons sur François Pétis de La Croix (trad.), Les Mille et un jours, nouvelle édition par
Auguste Loiseleur-Deslongchamps, Paris, Auguste Desrez, 1838, pp. 48-69.
93
Saint-Laurent, 1713), présente une adaptation théâtrale créée à partir du conte de Couloufe et
intitulée Arlequin Hulla (Foire Saint-Laurent, 1716) 148 . L’Abbé de Voisenon (auteur des
Magots) crée, lui aussi, la comédie Coulouf (publié posthume en 1781), dont le fond est
« plaisant » et dont l’intérêt « [se] fait sentir à travers l’invraisemblance » 149 . En 1805,
l’Opéra-Comique monte Gulistan, ou le Hulla de Samarcande, de C.-G. Étienne et Poisson de
La Chabeaussière. Geoffroy analysera les sources de la pièce et indiquera que le héros
Gulistan est un avatar de Couloufe150.
Outre le conte de Couloufe tiré des Mille et un jours, un autre conte tiré des Mille et
une nuits inspire également la création de Koulouf de Pixérécourt. Si nous constatons une
similitude entre Couloufe et Koulouf, il faut en effet signaler que l’intrigue de Koulouf se
rapproche davantage du conte du Dormeur éveillé. Celui-ci, tiré des 287e-309e nuits des Mille
et une nuits 151 , se développe autour d’Abou Hassan qui invite chaque jour un voyageur
étranger à souper chez lui, à Bagdad. Le calife Haroun al-Raschid, déguisé en marchand,
visite en secret son royaume. Il est chaleureusement accueilli par Abou Hassan. Pour le
remercier discrètement, le calife endort Abou Hassan avec un soporifique et le fait enlever.
Au palais du calife Haroun al-Raschid, les esclaves changent les vêtements d’Abou Hassan et
lui font croire qu’il n’est autre que le vrai calife. Abou Hassan, en tant que « calife », profite
donc de son pouvoir. Il ordonne qu’on offre de l’argent à sa mère et qu’on punisse les
scélérats de la ville. La farce étant finie, le vrai calife endort à nouveau Abou Hassan et le
renvoie chez lui. Le « roi d’un jour » raconte à tous les villageois son aventure mais personne
ne croit à ses délires de « dormeur éveillé ».
On peut retrouver le modèle du « roi d’un jour » dans différentes civilisations152. En
France, le conte d’Abou Hassan tiré des Mille et une nuits inspire la création de deux pièces
d’opéra-comique au XVIIIe siècle : Le Dormeur éveillé, de Louis Anseaume
(Fontainebleau, 1764) 153 et Le Dormeur éveillé, de Jean-François Marmontel (livret) et
Niccolò Piccini (musique) (Fontainebleau, 1783). En outre, plusieurs créations théâtrales,
même si elles ne portent pas le titre du « dormeur éveillé », évoquent très probablement ce
récit des Mille et une nuits : Les Incommodités de la grandeur, de Jean-Antoine Ducerceau
(Collège de Louis le Grand, 1747) ; Barogo, de Maurin de Pompigny (Variétés, 1785) ; Ricco,
148
Roger Guichemerre, Visages du théâtre français au XVIIe siècle : mélanges en l’honneur de Roger
Guichemerre, Paris, Klincksieck, 1994, p. 304.
149
Mercure de France, le 23 février 1782.
150
Julien Louis Geoffroy, Cours de littérature dramatique, tome 5, Paris, Pierre Blanchard, 1819-1820, p. 199.
Cet article est publié pour la première fois dans le Journal de l’Empire, paru le 10 vendémiaire, an 14 (le 2
octobre 1805).
151
Pour l’histoire du « Dormeur éveillé », nous nous appuyons sur Antoine Galland (trad.), Les Mille et une nuits
(suivis de nouveaux contes de Caylus et de l’abbé Blanchet ; avec une préface historique par Jules Janin), Paris,
A. Bouret, 1857, vol. 2, pp. 365-382 et vol. 3, pp. 1-61.
152
Voir Anne-Marie Le Bourg-Oulé, La Représentation théâtrale du roi d’un jour dans l’Europe moderne,
thèse, Université Paris III - Sorbonne Nouvelle, 1987. Le Bourg-Oulé indique (pp. 208-214), par exemple, que le
Sûtra du roi Tch’a-wei, conte hindou traduit au IIIe siècle en chinois, permet de découvrir les comportements du
« roi d’un jour ».
153
Le catalogue de Clarence Brenner attribue cette pièce à Louis Anseaume. Le catalogue de la BnF, quant à lui,
attribue la composition à Jean-Benjamin de La Borde, sans indiquer le librettiste.
94
de Dumaniant (Palais-Royal, 1789) ; Le Calife de Bagdad, de Saint-Just (Opéra-Comique,
1800), etc154.
II. 4. (3). (b) La valeur de décoration : les Chinois sur la scène de l’Opéra-Comique
Bien que Pixérécourt ait connu un succès incontestable au Boulevard grâce au
mélodrame, il n’en rédigera jamais aucun au sujet chinois. En revanche, il choisit la tonalité
comique et la forme lyrique pour encadrer ses personnages chinois. Puisque l’ancienne Salle
Favart a fusionné avec le Théâtre Feydeau en 1801 et qu’elle se nomme désormais le Théâtre
national de l’Opéra-Comique, le Koulouf de Pixérécourt devient la première pièce de théâtre
au sujet chinois présentée dans une salle officielle post-révolutionnaire.
154
Nous nous référons au Journal de Paris, paru le 19 décembre 1806, et au Journal du soir, paru le 20
décembre 1806. Pour un répertoire relativement complet des œuvres théâtrales sur le « roi d’un jour », voir
Anne-Marie Le Bourg-Oulé, op. cit., pp. 276-306.
95
ce qui concerne la profondeur du personnage, alors qu’Abou Hassan des Mille et une nuits
profite de son pouvoir pour renverser l’ordre (en offrant une fortune à sa mère pauvre, en
corrigeant les méchants, etc.), le héros de Koulouf ne se soucie que de se débarrasser de sa
vieille épouse laide. La faiblesse du livret vide la pièce de tout esprit. Le dialogue parsemé
« de quelques rébus de gaîté » semble être « vide et insignifiant »155, les intrigues sont parfois
assez vagues voire totalement entremêlées156.
L’intérêt de Koulouf réside en fait dans les déguisements des personnages et dans les
changements de lieux. Les dépenses affectées aux effets visuels sont d’ailleurs beaucoup plus
élevées que pour d’autres spectacles donnés la même année157. Raphaëlle Legrand et Nicole
Wild expliquent cette tendance d’un point de vue sociologique. Puisque le public, lassé par les
passions violentes de la Révolution, ne vient à l’Opéra-Comique que pour se divertir, la
représentation de Koulouf témoigne en effet d’un retour à l’ « esthétique de la comédie mêlée
d’ariettes »158.
La presse contemporaine remarque cette prédilection pour l’amusement. Le public
apprécie les « très belles décorations » ainsi qu’un « spectacle pompeux et varié » et « un
grand luxe de costumes »159. Selon le Courrier des spectacles160, depuis longtemps l’Opéra-
Comique n’offre au public que « des costumes et des décorations dont les couleurs jaunies de
fumée attestent leur antique existence dans les magasins ». Grâce à la création de Koulouf,
l’Opéra-Comique déploie à nouveau un luxe « pittoresque », « vrai » et « riche ». Ce même
journal souligne la valeur de la pièce qui se consacre au « plaisir des yeux ». S’appuyant sur la
concurrence entre les salles officielles et les théâtres du Boulevard, le Courrier des spectacles
juge que les théâtres nationaux sont « souvent fort au-dessous des théâtres du second ordre ».
La raison : « c’est peut-être à la magie des décorations que nos Boulevards doivent une partie
de la fortune dont ils jouissent ». Puisque Pixérécourt a connu le succès au Boulevard, il
semble naturel de lui confier la mission de renouveler le répertoire de l’Opéra-Comique. Ce
mélodramaturge surnommé le « Corneille du Boulevard » intègre la somptuosité du
mélodrame dans le genre de l’opéra-comique161, jusqu’à parfois être « un peu trop rapproché
du genre du mélodrame »162.
La Gazette de France constate la « résolution courageuse » de l’Opéra-Comique : en
s’inspirant des points forts des théâtres du Boulevard, l’Opéra-Comique arrive finalement à
« ruiner » ses concurrents163. En raison de la popularité de la pièce, certains airs de Koulouf
seront même utilisés dans des créations ultérieures. Dans la comédie Cachemire (Vaudeville,
155
Anonyme, Journal du commerce, de politique et de littérature, le 22 décembre 1806.
156
Anonyme, Journal des débats, le 20 décembre 1806.
157
Anonyme, Journal de Paris, le 19 et le 22 décembre 1806.
158
Raphaëlle Legrand et Nicole Wild, Regards sur l’opéra-comique : trois siècles de vie théâtrale, Paris, CNRS,
2002, p. 93.
159
S., Moniteur universel, le 22 décembre 1806.
160
Anonyme, Courrier des spectacles, le 22 décembre 1806.
161
Anonyme, Courrier des spectacles, le 19 décembre 1806.
162
Pierre Joseph Charrin, Mémorial dramatique ou Almanach théâtral pour l’an 1807, Paris, Hocquet, 1807, p.
234.
163
G. L., Gazette de France, le 20 décembre 1806.
96
1810), par exemple, la fille Suzette chante l’air de Ma Chaumière tiré de Koulouf (sc. 1).
Dans L’Ambassadrice (Opéra-Comique, 1836) d’Eugène Scribe, on trouve un Koulouf
maghrébin dont le nom sert la rime164 : « Buvons au sultan Mizapouf, / Au descendant du
grand Koulouf. » (Acte II, sc. 3 & Acte III, sc. 3).
La représentation de Koulouf à l’Opéra-Comique signe donc l’entrée du sujet chinois
dans les salles officielles. En fait, pendant la première décennie du XIXe siècle, ces dernières
ont peine à créer de nouveaux personnages chinois : la Comédie-Française reprend
irrégulièrement L’Orphelin de la Chine, les pièces chinoises préparée par l’Opéra sont quant à
elles censurées. Seul l’Opéra-Comique parvient à offrir au public une nouvelle création au
sujet chinois. Suite à l’influence et au succès de Koulouf, la tonalité comique s’impose sur la
scène chinoise jusqu’à la fin de la Restauration. C’est bien la Chine lyrique associée à une
ambiance légère, et non le Chinois voltairien troublé simultanément par l’amour et l’honneur,
qui promet le succès de la représentation. L’échec de Koulikan (1813) en est un exemple (voir
II. 4. (4)).
II. 4. (3). (c) La Chine orientale, ou le conte oriental chinoisé par Pixérécourt
Dans l’une des premières recherches consacrées à Pixérécourt, l’auteur Willie Hartog
remarque que si Voltaire « s’est avisé le premier de mettre des Péruviens et des Chinois sur la
scène », « Pixérécourt évidemment va beaucoup plus loin que Voltaire et même que ses
successeurs les romantiques » 165 . En effet, alors que L’Orphelin de la Chine de Voltaire
s’inspire de la traduction du Père de Prémare, le dépaysement sous la plume de Pixérécourt
traduit une liberté qui trouve sa source dans le mélange multiculturel. La Chine dans Koulouf
se divise et s’avère un bazar qui rassemble tous les objets orientaux. La dénomination des
personnages en est un exemple. Dans le tableau ci-dessous, nous voyons comment
Pixérécourt recueille librement les sources sino-orientales afin de forger la scène chinoise et
les personnages chinois.
164
Hervé Lacombe, « The Writing of Exoticism in the Libretti of the Opéra-Comique, 1825-1862 », in
Cambridge Opera Journal, vol. 11, n° 2, 1999, pp. 135-158.
165
Willie Gustave Hartog, Guilbert de Pixérécourt : sa vie, son mélodrame, sa technique et son influence, Paris,
H. Champion, 1913, p. 177.
97
Père Louis Lecomte indique qu’un Colao
est « le conseil d’État, et le premier des
tribunaux de l’Empire »166. Voltaire, dans
Essai sur les mœurs et l’esprit des
nations (1756), indique que « les colao »
désigne « les mandarins, les lettrés, et
tout ce qui n’est pas peuple » (ch. II) 167.
En ce qui concerne les créations
théâtrales, un personnage « colao »
apparaît dans Arlequin barbet, pagode et
médecin (1723)168.
- « Chensi », actuel « Shan’xi », où se
trouve la ville de Xi’an, capitale de la
dynastie de Qin (221-207 av. J.-C.). Le
fondateur des Qin fut le premier
empereur chinois.
- Le nom de « Chensi » évoque aussi Le
Héros chinois (1756), de l’Abbé
Métastase (voir chapitre I). On peut
trouver les didascalies suivantes dans
cette pièce: « La scène est dans l’enceinte
du Palais impérial, dans la ville de
Singane, capitale de la province de
Chensi. » Le nom « Singane », quant à
lui, n’est qu’une autre transcription de la
ville de « Xi’an ». Au XVIIIe siècle,
plusieurs villes chinoises sont connues
comme « Singan »169.
- Le mot « tajine » désigne un ustensile de
cuisine traditionnel du Maghreb, ou la
Tazhin, premier mandarin de la province
préparation culinaire cuite dans cet
ustensile.
- Le nom de Zalida vient de Dilara des
Zalida, jeune orpheline protégée par le grand
Mille et un jours. La lettre « Z » la
Colao
rapproche du Chinois, comme « Zamti ».
- Le nom de Koulouf est tiré des Mille et
un jours.
Koulouf, garde du parc de Thiboul - « Thiboul » est possiblement inspiré par
les Timurides (ou Timourides).
Descendants de Tamerlan, ils
gouvernèrent l’Empire timouride de 1405
166
Louis Le Comte, Nouveaux mémoires sur l’état présent de la Chine [Paris, 1696], seconde édition, tome III,
Livre II, Paris, chez Jean Anisson, 1700, p. 137.
167
Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, in Œuvres complètes de Voltaire, tome 3, Paris, Furne &
Cie, 1846, p. 80.
168
Le texte n’est pas publié. Nous avons consulté le manuscrit et le Dictionnaire des théâtres de Paris des frères
Parfaict, Paris, Rozet, 1767, pp. 200-203.
169
Antoine Augustin Bruzen de La Martinière, Le Grand dictionnaire géographique et critique, nouvelle
édition, tome 5, Paris, les libraires associés, 1768, p. 563.
98
à 1507.
- Malika est un nom courant dans la
culture arabe, signifiant « douée » ou la
« reine ».
170
Montesquieu, Pensées, œuvres complètes, Paris, Nagel, 1950, p. 669. Nous nous référons aux recherches de
Franz Hahn, François Pétis de La Croix et ses Mille et un jours, Amsterdam, Rodopi, 2002, p. 36.
171
Jean Daniel Kieffer et Thomas Xavier Bianchi (dir.), Dictionnaire turc-français, tome 2, Paris, Imprimerie
royale, 1837, p. 662.
172
Pierre Joseph Charrin, Mémorial dramatique ou Almanach théâtral pour l’an 1807, Paris, Hocquet, 1807, p.
234.
99
soir souligne ainsi les « trois décorations différentes » qui représentent « avec la plus grande
vérité la vue d’un jardin et d’un palais chinois » 173 . Les didascalies nous permettent de
concevoir d’autres détails chinois dont Pixérécourt tire profit. Afin de créer l’ambiance
exotique, le dramaturge introduit sur scène la plante tropicale qui prolifère et le paysage
méridional récurrent dans les œuvres de style chinoiserie. La petite rivière, la jolie cabane et
le brancard fabriqué en bambou (Acte I) concourent ainsi à la scène qui évoque Canton, alors
seule région ouverte aux commerçants étrangers. Et si la pagode est indispensable pour
repérer la ville chinoise (Acte I), l’appartement orné de lanternes de différentes couleurs (Acte
II) est également une convention de la scène chinoise depuis le XVIIIe siècle. En ce qui
concerne les effets acoustiques, Koulouf frappe une grande cloche et produit un son étonnant
(Acte II, sc. 3). La pagode (au sens du bâtiment de culte) et la cloche se retrouvent en effet
régulièrement dans les imageries parues au XVIle et XVIIIe siècle. Ajoutons qu’avec la
tendance à l’utilisation de didascalies dans les écrits dramatiques, ces éléments chinois sont
désormais nettement indiqués dans le texte.
La nouveauté introduite par Pixérécourt est une statue de Bouddha installée sur la
174
scène . Selon les didascalies, au lever du rideau de l’Acte II, « on voit au milieu une estrade
surmontée d’une statue du dieu Fo, en avant de laquelle est un timbre ». Ce « Fo » n’est autre
que la transcription de « Bouddha » en chinois : les anciens missionnaires jésuites l’appelaient
ainsi et les sinologues du XIXe siècle utilisent régulièrement ce nom pour désigner le
bouddhisme en Chine 175 . Dans Koulouf, la présence du dieu « Fo » évoque l’atmosphère
mystérieuse d’une secte étrangère et introduit le délire grotesque dans des scènes burlesques.
Lorsque Koulouf se réveille dans le palais, « il monte les degrés qui conduisent auprès de la
statue, en fait le tour en examinant, avec une curiosité un peu niaise, les objets qui s’offrent à
sa vue » (Acte II, sc. 3). Il imite le geste et le visage de Bouddha pour échapper au danger
(Acte II, sc. 15). Les Tartares, eux aussi, s’adressent à la statue du dieu Fo afin de retrouver
Koulouf (Acte II, sc. 16). Il est intéressant de noter que les didascalies décrivent comment
imiter le Bouddha, c’est-à-dire, « accroupi, et les mains en l’air » (Acte II, sc. 3). Le geste
nous rappelle la gravure des Indes galantes (fig. 1.23a-b) mais le livret des Indes galantes
n’indique jamais ce geste des mains. Pixérécourt est probablement le premier dramaturge
indiquant ce geste pour le jeu du Chinois mais ensuite, et tout au long du XIXe siècle, celui-ci
se retrouve très fréquemment dans les spectacles au sujet chinois. Par ailleurs, le culte de
Bouddha, idolâtre et païen aux yeux des Occidentaux, peut rappeler le rôle de l’astrologue-
prêtre. Dans Koulouf, le mandarin Tazhin chante à demi-voix, « avec le ton prophétique de
l’astrologue » (Acte I, sc. 15). Ce type du « mandarin-astrologue » deviendra un sujet
populaire sous la Restauration. Nous y reviendrons ultérieurement.
173
Anonyme, Journal du soir, le 20 décembre 1806.
174
Sur l’utilisation de l’image du Bouddha dans la littérature, voir Muriel Détrie, article « Le Bouddha dans les
littératures occidentales », in Pierre Brunel (dir.), Dictionnaire des mythes littéraires, nouvelle édition
augmentée, Monaco, Rocher, 1994, pp. 241-253. Cet article ne traite pas du genre dramatique.
175
Le père Louis Le Comte, par exemple, décrit la « secte de Fo » dans Nouveaux mémoires sur l’état présent de
la Chine (Paris, Jean Anisson, 1696, tome II, pp. 152-153). Dans Chine, ou Description historique,
géographique et littéraire de ce vaste empire (1838), le sinologue Guillaume Pauthier cite cette expression pour
expliquer les « querelles entre les Jésuites et les Dominicains ».
100
Deux autres détails méritent notre attention. Il s’agit d’abord de Sélima, concubine
africaine de Kiouss cédée à Hircan, de laquelle provient l’invasion des Tartares dans le pays
de Koulouf (Acte I, sc. 5). Si cette belle Hélène, absente en effet sur scène, évoque plus ou
moins l’invasion de Gengis Khan dans L’Orphelin de la Chine dont la motivation est
retrouver son bien-aimée Idamé, Pixérécourt évite quant à lui attentivement l’intervention des
Noirs dans le paysage chinois. Rappelons que les rôles africains ne sont pas si rares dans les
contes orientaux comme Les Mille et une nuits176. Abou Hassan, dans le conte du Dormeur
éveillé (source principale de Koulouf), se réveille dans le palais « pein[t] à l’arabesque » où il
est « environné de jeunes dames » et aperçoit des « énuques noirs »177 . En s’inspirant des
contes orientaux, Pixérécourt cherche également à réduire les traces des Noirs dans son
mélodrame chinois. Dans le même temps, Pixérécourt essaie de renforcer les éléments de
l’Extrême-Orient pour créer une Chine au-delà du pays du Levant. Ainsi, le gouverneur
Hircan persuade à Koulouf que celui-ci est le gendre du roi de la Cochinchine et s’est engagé
dans la bataille contre le roi du Tonkin (s’écrivant « Tonquin » dans la publication) (Acte II,
sc. 4 & 6). C’est probablement une des premières représentations commerciales qui abordent
le sujet du Tonkin dans une pièce chinoise178.
Cette pièce présentée à l’Opéra-Comique parvient à chinoiser le conte oriental à
grande échelle. Du point de vue de la « généalogie » des spectacles chinois, la contribution la
plus importante de cette « macédoine »179 est de rouvrir la passerelle des contes orientaux vers
la création dramatique sur des sujets chinois. En effet, tout au long de la seconde moitié du
XVIIIe siècle, les contes orientaux étaient absents des spectacles à sujet chinois. Si une telle
coopération sino-orientale peut remonter à La Princesse de la Chine (Foire Saint-Laurent,
1729), il faut donc attendre Koulouf pour que l’on exploite à nouveau ce riche gisement. Suite
au succès de Koulouf, plusieurs créations sino-orientales fleurissent successivement dans le
théâtre français du début du XIXe siècle. Ce qui devient un courant se développe également
avec la croissance de la sinologie : si l’on qualifie Koulouf de conte oriental théâtralisé et
teinté de chinois, ce « teint chinois » va continuer à se renforcer, jusqu’à finalement remplacer
la couleur locale de l’ « Orient ». Ce sera le cas dans le Cheval de bronze, pièce d’Eugène
Scribe donnée à l’Opéra-Comique en 1835 (voir chapitre III).
176
Dans le conte d’Aladin, par exemple, ce jeune homme, grâce à la puissance du génie de la lampe
merveilleuse, « f[ait] défiler successivement tous [s]es esclaves, en faisant toujours marcher un esclave blanc
suivi d’un esclave noir, chargé d’un bassin d’or sur la tête, et ainsi jusqu’au dernier. » Cette citation se retrouve
déjà dans la première traduction française des Mille et une nuits (1704-1717), et reste dans les éditions courantes
au XIXe siècle.
177
Antoine Galland (trad.), Les Mille et une nuits, op. cit., vol. 2, pp. 378.
178
Dans le premier chapitre de notre travail, nous avons indiqué une pièce dramatique intitulée Le Roi de
Tonquin (1782). Elle n’est pourtant que « le fruit d’une soirée » et « sans doute imprimé[e] à petit nombre pour
être offert en présent ». Voir chapitre I (I. 5. (3)).
179
Anonyme, Journal de Paris, le 19 décembre 1806.
101
Le mélange sino-oriental figure également dans les pièces tragiques. Il faut de nouveau
remonter à Voltaire. Dix jours après la première représentation de L’Orphelin de la Chine, le
30 août 1755, Voltaire écrit à Rousseau une lettre dans laquelle il raconte les « grands
crimes » issus de l’« indomptable orgueil des hommes depuis Thamas Kouli-Kan » 180 .
L’histoire de ce roi de Perse nourrit désormais les œuvres théâtrales aux sujets exotiques. Le 4
avril 1756, la salle des machines aux Tuileries monte une pantomime de Jean-Nicolas
Servandoni, intitulée La Conquête du Mogol par Thamas Kouli-Kan. Le Théâtre de la
Nation 181 (Théâtre-Français) présente également, en 1780, la tragédie de Pierre-Ulric
Dubuisson sous le titre de Nadir, ou Thamas-Koulikan.
En fait, ce Koulikan – parfois appelé « Nadir Shah » par les historiens – n’a jamais
commis de massacre en Chine, bien que sa troupe envahisse l’empire Moghol (la transcription
habituelle de l’époque est « Mogol »), en 1739182. L’empire Moghol est fondé en 1526 par les
descendants de Tamerlan, après que l’Empire timouride, fondé par Tamerlan en 1405, ait été
annexé en 1507 par les Chaybanides – dynastie mongole fondée par le fils de Gengis Khan.
La famille de Tamerlan conclut des alliances familiales avec les descendants de Gengis Khan.
Voici le point de départ de la confusion entre Gengis Khan et Koulikan dans les créations
dramatiques.
La conquête de Koulikan et la chute du Moghol inspirent plusieurs spectacles et
parodies sous l’Empire et la Restauration. La relation ethno-historique entre les Mongols et
les Moghols (Mogols) permet d’enrichir l’amalgame. La Chine et ses environs ne se dégagent
pas de ces confusions. Dans la comédie de Sewrin intitulée Grivois la Malice, ou la Flûte du
Grand Mogol (Variétés, 1810), Grivois prétend que sa flûte magique est fabriquée en bois de
Cochinchine et ramenée d’Inde (sc. 7). Dans le Bouffon du Grand Mogol, ou Le Cousin du
grand Mogol (Porte Saint-Martin, 1822), la « Chine » sert à rimer avec le mot « Mogol » :
« Enfin du Mogol à la Chine / D’un homme, quelque soit le lot / Riche ou pauvre, savant ou
sot, / Ma foi, tout est machine »183.
Du Mogol au Mongol, le roi de Perse est ainsi susceptible d’être un Tartare. Le 4
janvier 1806, le Théâtre Molière monte un mélodrame de Boirie et Dupetit-Méré intitulé
Koulikan, chef des Tartares. Un article du Courrier des spectateurs nous donne une idée
assez vague de cette pièce non publiée. Le nom « Koulikan » est mal écrit et devient
« Kalican ». Le « sophi » désigne le monarque de Perse.
Ce chef des Tartares est un guerrier redoutable dont le fils nommé Zénaïm a épousé en secret
une jeune et belle princesse. Le Sophi Perse, amoureux de sa femme, la lui fait enlever par son
ambassadeur nommé Azémar ; mais Zénaïm court aux armes, vole à la forteresse où son
180
Œuvres complètes de Voltaire, tome 27, éditions de Ch. Lahure, Paris, Hachette, 1861, p. 384.
181
Nous nous appuyons sur l’édition d’A. Jombert (Paris, 1780 ; BnF-Tolbiac : 8-YTH-12518) et respectons le
nom « Théâtre de la Nation » indiqué sur la couverture.
182
Daniel Fenning (dir.), article « Persia », The Royal English Dictionary : or, A treasury of the English
language, 2e edition, Londres, R. Baldwin et J. Richardson, 1763 ; Diderot, article « Mogol », Encyclopédie,
nouvelle édition, tome 22, Genève, Pellet, 1778.
183
Vaudeville en un acte, auteur anonyme. Texte non imprimé, manuscrits conservés aux Archives nationales,
F18 893.
102
amante est détenue, et secondé de Kalican, parvient à la délivrer. Le Sophi irrité de sa défaite,
sévit contre son propre ambassadeur, et le condamne au dernier supplice184.
Dans ce mélodrame, le héros persan Koulikan devient un guerrier tartare qui envahit la
Perse ! Le chroniqueur juge donc qu’il manque un véritable intérêt et un bon raisonnement
dans la pièce. Malgré les erreurs historiques, les effets scéniques méritent cependant
l’appréciation. Ce même chroniqueur reconnaît donc que « les évolutions sont si nombreuses,
le bruit si grand, les combats au sabre et à l’épée si chauds, qu’il est bien difficile de refuser
[son] admiration à tant de prodiges ». Malheureusement, la pièce ne restera pas longtemps à
l’affiche. La deuxième et la dernière représentation est donnée le 12 janvier.
184
Auteur anonyme, Courrier des spectacles, le 7 janvier 1806.
103
deux pays combattent dans les montagnes et les Chinois perdent la bataille. Koulikan est
capturé par les Tartares sous les ordres de l’empereur Mogul. Dalaï est récupérée. (Acte II)
Le prince Baskir a disparu dans les montagnes et n’est pas revenu. Les soldats tartares
croient qu’il a été tué par Koulikan. Selon la loi tartare, c’est l’épouse du prince, à savoir Dalaï,
qui doit venger son mari et exécuter la peine de mort à laquelle Koulikan est condamné. Dalaï
avoue à sa confidente Nyndia qu’elle aime toujours Koulikan : elle désire mourir avec lui.
Nyndia propose de recourir à l’aide des soldats chinois en retraite. Mais Nyndia n’arrive pas à
rattraper les Chinois. Heureusement, Baskir réapparaît avant l’exécution de la peine infligée à
Koulikan. Baskir, mortellement blessé, exprime en public son respect pour Koulikan. En effet,
Koulikan a protégé Baskir de l’attaque des soldats chinois malgré son amour pour Dalaï.
Baskir exprime sa dernière volonté d’organiser un nouveau duel avec l’adversaire respectable,
puis décède contre l’épaule de Mogul. (Acte III)
Scribe est encore un dramaturge inconnu quand la pièce est présentée. Un almanach
théâtral se moque de cet « Amédée de Saint-Marc » dont tous les ouvrages sont sifflés185.
Mais l’histoire de Koulikan est connue du public, à quoi s’ajoute la mode chinoise de 1813 :
des Variétés à l’Opéra, les magots et la coiffure chinoise ont conquis les spectateurs parisiens.
La Gaîté veut absolument tirer profit de cette mode et a ainsi recours au conquérant persan.
« Jamais la Chine n’a eu d’empereur de ce nom, signale le Journal de Paris, mais c’est la
moindre des bagatelles »186. Pour greffer le héros persan au territoire sino-tartare, la première
étape est d’affecter aux personnages des noms sino-tartares. Et comme Pixérécourt, Scribe
n’arrive pas à éviter les confusions sino-orientales.
185
Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour l’an 1814, huitième année, Paris, Bocquet, 1814, p. 214.
186
A., Journal de Paris, le 14 mai 1813.
187
Nous nous référons à Laurence Lockhart, Nadir Shah : A Critical Study Based Mainly Upon Contemporary
Sources, Londres, Luzac, 1938.
104
titre.
- « Tumkin » évoque Gengis Khan, qui est
né Temüdjin ou Temüjin.
- Au XVIIIe siècle, « Tonkin » (région
vietnamienne) est parfois transcrit
« Tumkin ».
- Dalaï, titre du chef des Tibétains.
« Dalaï » signifie « océan » en mongol,
« sagesse » étant sous-entendu.
Dalaï, fille de Tumkin
- Le bouddhisme tibétain est largement
pratiqué chez les Mandchous, le peuple
qui règne en Chine entre 1644 et 1912.
- « Moghol » désigne l’empire fondé en
Inde (1526-1857) par Bâbur, le
Mogul, empereur tartare descendant de Tamerlan.
- « Moghol » est transcrit « Moghul » en
italien.
- Les Bachkirs sont un peuple turc, vivant
Baskir, prince tartare notamment en Bachkirie (dans l’actuelle
Russie).
- Le mandarin dans L’Orphelin de la
Chine est nommé Zamti.
Zamti, lieutenant de Koulikan - Le mot « zamti » désigne le « ciel » ou le
« dieu » en chinois (dit « Shangdi » ou
« Chang-ti »).
- Nyndia évoque « India », mot anglais
Nyndia, amie de Dalaï
désignant « Inde ».
Mis à part les noms quasi-chinois des personnages et un « ballet tartaro-chinois vif et
animé » 188 donné à la noce de Baskir et Dalaï (Acte I, sc. 7), peu d’éléments chinois se
retrouvent dans Koulikan. Sur le plateau de théâtre, ni le palais doré ni la pagode chimérique
n’est installé. Le premier acte représente « une vaste campagne ; dans le fond une montagne,
et derrière le camp des Tartares, dont les tentes s’étendent à perte de vue » ; l’intrigue du
deuxième acte se déroule d’une tente à une autre ; le troisième acte, quant à lui, représente
« une caverne ouverte par le fond » et « on aperçoit une montagne de rochers derrière la
campagne ; à droite et à gauche l’entrée d’un autre souterrain. » Cette histoire sino-tartare
douce-amère se développe ainsi au cœur d’un environnement sombre, déserté et dangereux,
auquel renvoient l’angoisse et les sentiments solitaires résidant au plus profond des jeunes
amoureux mélancoliques. La scène est très éloignée des chinoiseries. Trop éloignée. En effet,
si la création du texte de Koulikan est le fruit de la mode chinoise de 1813, la représentation
188
A., Journal de Paris, le 14 mai 1813.
105
de cette pièce n’arrive pas, en remplaçant le palais chinois par les tentes tartares, à satisfaire le
public qui aspire à une Chine « à la chinoise ».
Même si les spectateurs peuvent se divertir « des costumes élégants et riches »189 et de
la nouveauté du « pas du schall » effectué par la belle danseuse Mlle Péras190, la sécheresse du
désert et la cruauté de l’environnement naturel sont trop loin de la Chine d’abondance,
entourée par les ruisseaux et les rizières. Un autre embarras réside dans la distinction entre les
Chinois et les Tartares. En fait, seul l’empereur Koulikan, le lieutenant Zamti et les guerriers
attachés sont de « vrais » Chinois dans la pièce. Mais quand ces Chinois se travestissent et se
glissent dans les camps des Tartares afin de s’approcher de la fiancée de Baskir, ils doivent
endosser les mêmes costumes que les Tartares. Quant aux « anciens » Chinois installés chez
les Tartares, à savoir Dalaï et Tumkin, nous doutons qu’ils gardent leurs anciens habits
chinois. Certes, il est possible que les guerriers chinois jettent leurs déguisements et
reprennent les costumes chinois au cours des combats dans les montagnes. Nous pourrions
encore supposer audacieusement que Dalaï porte la coiffure chinoise afin que les spectateurs
puissent immédiatement reconnaître son identité chinoise. Malheureusement, nous ne
disposons d’aucune référence confirmant ces hypothèses.
Les costumes « élégants et riches » désignent donc les costumes tartares et non les
costumes chinois. Revenons à la remarque du Journal de Paris que nous avons citée plus
haut : « Jamais la Chine n’a eu d’empereur de ce nom ». En effet, les spectateurs
contemporains font attention aux moindres éléments chinois dans Koulikan. Et le héros persan
« chinoisé » est en fait éclipsé par le leitmotiv tartare. Certes, Scribe lui-même désire
probablement créer une pièce tartare. Le titre de la pièce s’en explique. Mais les spectateurs
ne cherchent pas à découvrir les mœurs tartares. Si la représentation de Koulikan est une
« chute »191, il s’agit là d’un résultat prévisible à l’exact moment où le courant chinois atteint
son apogée. Présenter un héros chinois sans déployer aucun élément chinois laisse, en effet,
prévoit un échec inévitable de « froide extravagance »192.
II. 4. (4). (c) Des Scythes (1766) à Koulikan : entre la tragédie et le mélodrame du Chinois
En dépit de l’absence des éléments chinois dans Koulikan, les combats sino-tartares
évoquent la tragédie de Voltaire, à savoir L’Orphelin de la Chine. On peut pourtant retracer
des similarités entre Koulikan et d’autres pièces orientales de Voltaire. Selon Jean-Claude
Yon, Koulikan est un « décalque » des Scythes (fig. 2.19) de Voltaire193. Mais chez Scribe, les
deux héros Koulikan et Baskir sont différent de l’esprit des Scythes.
L’histoire des Scythes se développe également autour d’une relation amoureuse
triangulaire : il s’agit d’une Persane nommée Obéide qui se retrouve prise dans un dilemme
produit par son ancien amant Athamare (prince d’Ecbatane) et son fiancé Indatire (fils du chef
189
A., Journal de Paris, le 14 mai 1813.
190
Y., Gazette de France, le 20 mai 1813.
191
Victor Moulin, Scribe et son théâtre : études sur la comédie au XIXe siècle, Paris, Tresse, 1862, p. 7.
192
Le procès-verbal de censure de Koulikan, signé le 23 avril 1813. Archives nationales, F21 976.
193
Jean-Claude Yon, Eugène Scribe : la fortune et la liberté, Saint-Genouph, A.-G. Nizet, 2000, p. 47.
106
des Scythes). Comme dans Koulikan, l’actuel fiancé de l’héroïne est tué par le peuple de son
ancien amant. Pour libérer Athamare et pour se dégager de l’obligation de le tuer, Obéide se
suicide sur l’autel. En raison de la mort d’Obéide, aucune alliance conjugale n’est plus
possible. L’intention de Voltaire est de peindre « des mœurs qu’on n’avait point encore
exposées sur le théâtre tragique »194. Scribe, quant à lui, souligne la réconciliation et non le
sacrifice des personnages. Dans Koulikan, c’est la mort de Baskir qui libère Dalaï de son
dilemme car elle lui permet de retrouver Koulikan. En outre, Jean-Claude Yon signale une
« petite touche patriotique » qui se trouve dans la réplique de Baskir : « Je sais verser mon
sang, mais c’est pour la patrie et non pour un prince étranger. » (Acte II, sc. 5) Pourtant, la
mort de Baskir, due aux suites d’une blessure provoquée par les enjeux de l’amour, semble
loin du patriotisme.
Il faudrait cependant tenir compte du fait que la pièce de Scribe est essentiellement
consacrée à Koulikan. Si la mort de Baskir évoque l’esprit patriotique, c’est à travers
Koulikan que Scribe concrétise une personnalité digne de respect. En ce qui concerne l’intérêt
de l’État, Koulikan est un prince à l’esprit éclairé qui reconnaît l’erreur de l’accusation émise
contre Tumkin et qui lui accorde la grâce. En ce qui concerne la nature humaine, Koulikan se
dédie à la quête de son amour, malgré le danger. En dépit de la confrontation des deux troupes
ennemies, ce prince magnanime n’oublie pas de protéger son rival. Koulikan incarne donc à la
fois un empereur héroïque, un amant sincère voire passionné ainsi qu’un concurrent
respectable. Comme le remarque Tumkin, dès le jour du couronnement Koulikan annonce
qu’il est « plein de grâce, d’amabilité », « aimant avec excès et haïssant avec fureur » et qu’il
« fait tout céder à ses lois » (Acte I, sc. 3). Scribe ne s’attaque pas à produire une louange
aussi explicite que Le Laboureur chinois. Et pourtant, la personnalité de Koulikan suggère
« le » chef d’État auquel on rend hommage, à savoir Napoléon.
Sous un angle théâtral, Scribe cherche à appliquer les principes du mélodrame dans un
cadre sino-tartare. Nous avons évoqué plus haut les « décors inquiétants » présents dans
Koulikan : alors que le paysage suscite l’inquiétude des spectateurs et leur désir de voir libérés
les secrets cachés, les tentes qui enrobent les mémoires et les vraies identités des personnages
suffisent quant à elles à stimuler leur « voyeurisme ». Toutefois, les spectateurs de l’époque
n’apprécient pas les efforts de Scribe. Le problème réside dans l’intrigue. « Pour l’honneur du
mélodrame, juge la Gazette de France, cette pièce […] n’offre qu’une action faiblement
conduite : peu de spectacle, si on en excepte une espèce de résurrection, il n’y a aucun de ces
coups de théâtre, de ces surprises, sur lesquels tout amateur de mélodrame a droit de
compter »195. De toute évidence, l’essai de Scribe à gagner l’appréciation des amateurs de
mélodrame a échoué. Si ce « décalque » des Scythes n’atteint pas la hauteur de la tragédie de
Voltaire, le jeune Scribe échoue même à « mélodramatiser » une histoire sino-tartare.
Un paradoxe existe en effet dans le processus de « mélodramatisation » du sujet
chinois de type légendaire. Puisque la convention des Chinois comiques est très forte dans le
théâtre, il est difficile d’associer les Chinois à la tonalité sentimentale du mélodrame.
194
Voltaire, « Préface de l’édition de Paris », Les Scythes, Paris, Lacombe, 1768.
195
Y., Gazette de France, le 20 mai 1813.
107
L’imagination chinoise du public se fonde sur les marchandises exotiques et les personnages
grotesques. La pièce au sujet chinois ne peut donc comporter héros tragique et sacrifice
mélodramatique. Cette nature de la pièce au sujet chinois semble établie, à tel point que, mis à
part Koulikan de Scribe, tous les autres spectacles chinois donnés sous l’Empire et la
Restauration sont essentiellement comiques. Scribe lui-même n’essaiera plus de créer de
mélodrame au sujet chinois. Les Chinois sous sa plume tournent désormais au comique : le
magot décoratif se présente dans la comédie du Mariage de raison (Acte II, sc. 6) (Théâtre de
Madame, 1826) et une aventure amoureuse connaît le triomphe dans Le Cheval de bronze
(Opéra-Comique, 1835).
196
Catherine Join-Diéterle, Les Décors de scène de l’Opéra de Paris à l’époque romantique, Paris, Picard, 1988,
p. 130.
197
Sur les images d’Aladin et ses représentations dans les éditions des Mille et une nuits, nous avons consulté la
thèse de Margaret Léon-Sironval, Métamorphose d’un conte Aladin français et anglais (XVIIIe et XIXe siècles) :
contribution à l’étude des Mille et une nuits, thèse doctorale, Université Paris III - Sorbonne-Nouvelle, 1998.
198
Joseph Marie Quérard (dir.), La France littéraire : ou Dictionnaire bibliographique des savants, historiens et
gens de lettres de la France, tome 8, Paris, Firmin Didot père et fils, 1836, p. 8.
199
Nous nous référons au procès-verbal de censure, signé le 11 août 1817, Archives nationales, F21 968.
200
Olivier Bara, Le Théâtre de l’Opéra-Comique sous la Restauration : enquête autour d’un genre moyen,
Hildesheim (Allemagne), Zürich et New York, Georg Olms Verlag, 2001, pp. 180-181.
108
son confident Zédir. Le Sultan des Birmans accorde à Bédour la main de la princesse Palmire,
qui est en fait amoureuse d’un jeune homme du nom d’Azolin. La mère d’Azolin confie à
celui-ci une clochette magique offerte par un vieux mage. Lorsqu’on fait sonner cette
clochette, le génie Lucifer apparaît et réalise les vœux du détenteur. Cependant, ce talisman
devient inutile une fois que l’on déchiffre les caractères gravés sur la clochette. À l’aide de
Lucifer, Azolin chasse les envahisseurs du pays et s’unit avec la princesse Palmire. Mais
Azolin perd la clochette dans le dépôt du Sultan. Le prince Bédour trouve par hasard la
clochette perdue. Ce nouveau maître de Lucifer récupère Palmire et la cache dans une forêt.
Palmire demande à Bédour de déchiffrer les caractères inscrits sur la clochette pour l’amuser.
Bédour implore l’aide d’un homme de sagesse. En fait, cet homme est Azolin déguisé. Celui-
ci récupère la clochette, regagne la princesse et toute sa fortune.
Les divers éléments indiens-chinois-birmans-arabes permettent d’épuiser le sujet
oriental et les somptueuses décorations témoignent d’un « âge d’or » des effets scéniques à
l’Opéra-Comique 201 . L’intérêt de La Clochette réside en effet dans le luxe de « quatre
décorations entièrement nouvelles », dans les « costumes qui feraient honte à ceux des plus
riches monarques de l’Orient », ainsi que dans un ballet qu’exercent de nombreuses et jolies
bayadères202. Mais le « brillant succès » des « changements à vue bien exécutés »203 ne suffit
pas à assurer le succès du livret : l’éditeur d’un almanach théâtral considère que la pièce ne
présente qu’une « action nulle » et un « dialogue sans couleur»204.
En ce qui concerne l’image du Chinois, nous nous référons à une gravure de Bédour et
Zédir figurant dans La petite galerie dramatique des éditions Martinet (fig. 2.20). Les
traits chinois se retrouvent d’abord dans le chapeau conique : celui-ci évoque non seulement
la forme de la pagode mais aussi celle de la clochette. D’autres éléments chinois se retrouvent
dans les moustaches fines et les babouches dont les extrémités sont remontées. Les rosaires de
Bédour et de Zédir rappellent par ailleurs le rosaire de Zamti visible sur la gravure de
L’Orphelin de la Chine (fig. 2.10) et par lequel on symbolise le statut des officiers chinois.
Au niveau dramaturgique, les deux personnages chinois ne sont pas simplement
décoratifs. Nous avons découvert les riches magots qui cherchent à acheter tout ce qu’ils
désirent (Les Deux magots de la Chine, 1813) mais jusqu’à présent, nous n’avions pas encore
rencontré de Chinois avare sur la scène de théâtre. En effet, l’intrigue de La Clochette se
déclenche suite à l’avidité des deux Chinois et à leur conduite de voleurs. Au début de la
pièce, la mère d’Azolin décrit ainsi la personnalité de Bédour : « ce prince chinois, connu par
son insatiable avarice, et qui, par ses ridicules, est devenu la fable de tout l’empire. » (Acte I,
sc. 6). Les quiproquos autour de la clochette confirment le jugement de la mère d’Azolin.
La présence de l’avare chinois rappelle une autre pièce parue à la même époque. Il
s’agit d’une comédie chinoise sur un vieillard avare intitulée Laou-Seng-Urh, or An Heir in
201
Olivier Bara, Ibid., pp. 294-295.
202
C., Journal des débats, le 20 octobre 1817.
203
Pierre Joseph Charrin, Mémorial dramatique ou Almanach théâtral pour l’an 1818. Paris, Hocquet, 1818, p.
93.
204
Almanach des Spectacles, par K et Z (Adolphe Loève-Veimars), Paris, chez Janet, 1818, p. 74.
109
His Old Age, traduite du chinois en anglais par John Francis Davis et publiée en 1817, à
Londres. C’est la deuxième pièce chinoise (et la première comédie chinoise) traduite en
langue européenne205. La traduction française ne sera publiée qu’en 1818-1819, sous le titre
de Lao-Seng-Eul, « Le Vieillard qui obtient un fils ». Peu avant la parution de l’édition
française, le sinologue Jean-Pierre Abel-Rémusat en publie un article de présentation dans le
Journal des savants206. Cependant, cette première comédie chinoise traduite en français ne
suscite pas alors beaucoup d’attention. Stanislas Julien, quant à lui, entreprend de traduire une
autre comédie chinoise évoquant le ridicule d’un avare mais ce travail ne sera jamais
complètement publié. Les extraits traduits par Julien susciteront l’intérêt de Judith Gautier qui
présentera sa nouvelle traduction de la pièce à l’Odéon, en 1908 (voir chapitre VI). Toutefois,
l’ « avare chinois » ne constitue pas un personnage important dans le théâtre français du XIXe
siècle. En fait, de L’Aulularia de Plaute à Harpagon de Molière, le théâtre français connaît
déjà parfaitement cette image de l’avare. Un avare chinois ne promet donc pas la nouveauté
orientale que les dramaturges et le public recherchent ardemment.
205
La première est L’Orphelin de la maison de Tchao (1735). Sur la traduction du théâtre chinois en France, voir
la présentation de Muriel Détrie, « Traduction et réception du théâtre chinois en Occident », in Pierre Citti et
Muriel Détrie (dir.), Le Champ littéraire, Paris, J. Vrin, 1992, coll. « L’Oiseau de Minerve », pp. 131-139.
206
Jean-Pierre Abel-Rémusat, Journal des savants, janvier 1818, pp. 27-35.
207
Henri Rossi, Le Diable dans le vaudeville, Paris-Caen, Lettres modernes Minard, 2003, pp. 226-227.
208
Anonyme, Journal de Commerce, le 29 novembre 1817.
209
Almanach des Spectacles, par K. Y. Z. (Adolphe Loève-Veimars), Paris, chez Louis Janet, 1819, p. 116.
110
d’Arlequin et de Palmire, princesse issue de La Clochette. Azolin, le détenteur originaire de la
clochette, arrive à Pékin afin de réclamer son amante enlevée. Pour se glisser au festin de la
noce, Azolin et Mercure se déguisent en escamoteurs. Arlequin présente sa clochette
merveilleuse aux invités. Azolin s’en empare et ordonne à Lucifer de renvoyer tous les
Parisiens dans leur pays. Avant leur départ, Arlequin demande au directeur de l’agence
d’assurance d’assurer la rentabilité de cette parodie donnée au Vaudeville.
210
A. Martinville, Gazette de France, le 29 novembre 1817.
211
X., Journal des débats, le 2 décembre 1817.
212
Procès-verbaux de censure, deux rapports, signés le 14 et 19 septembre 1817, Archives nationales, F21 970.
213
Anonyme, Journal de Paris, le 28 novembre 1817.
214
X., Journal des débats, le 2 décembre 1817.
215
Almanach des Spectacles, par K. Y. Z. (Adolphe Loève-Veimars), Paris, Louis Janet, 1819.
111
II. 4. (5). (c) « Il n’y a qu’un Paris, et il y a tant de Pékin »
En ce qui concerne le genre théâtral, il faut signaler le lien entre le « vaudeville » et le
rôle d’Arlequin. Dans Les Chinois (1692) de Regnard et Dufresny, Arlequin « chante le
vaudeville » (Acte II, sc. 4). Pour la première fois, le mot « vaudeville » apparaît dans une
pièce théâtrale216.
L’inauguration du Théâtre du Vaudeville, en 1792, est destinée à favoriser « la bonne
et franche gaîté française » 217 et sous l’Empire et la Restauration, la croissance du genre
vaudeville est énorme. En effet, alors que la Comédie-Française et l’Odéon ne gagnent qu’une
recette de 500 francs chaque soirée, les théâtres consacrés aux vaudevilles rapportent des
milliers de francs à leurs directeurs218. En dépit de cette vogue, les Chinois ne semblent pas
être un sujet recherché dans le monde du vaudeville. Il faut attendre 1817 pour que le Théâtre
du Vaudeville crée sa première pièce chinoise sous la forme du vaudeville : Paris à Pékin. Par
ailleurs, le rôle d’Arlequin, régulièrement présent dans les spectacles à sujet chinois du XVIIIe
siècle, se retire de la scène chinoise à la fin des années 1810. En fait, après la représentation
de Paris à Pékin, nous ne trouvons plus de spectacles chinois étroitement associés à Arlequin.
Cette pièce du Vaudeville témoigne ainsi du déclin du personnage de l’ « Arlequin chinois ».
Et elle annonce la transition entre l’ancienne fantaisie chinoise et les nouveaux sujets chinois.
Au niveau des personnages, la parodie à l’œuvre dans Paris à Pékin ne vise pas les
Chinois. En pratique, les expressions réservées aux personnages chinois de la pièce sont en
fait destinées aux Européens. Ainsi, Arlequin prépare dans sa valise quarante vieux magots,
destinés aux « immortels » de l’Académie de France. Desguinées, l’amant de la femme
d’Arlequin, est puni et transformé en magot lorsqu’Arlequin découvre leur adultère. Si la
plaisanterie d’Arlequin – « Il n’y a qu’un Paris, et il y a tant de Pékin » – s’avère
« détestable » 219 , ce n’est jamais là qu’une simple caricature des Chinois. En fait, le mot
« Pékin » est le calembour du « pékin » ou « péquin », expression péjorative désignant le
civil. En s’appuyant sur cette expression, le Journal de débats compare les Français aux
Pékinois. Il reproche « les courbettes et les génuflexions de certaines gens qui sont prêts à se
mettre encore plus bas devant tout ce qui ressemble au pouvoir »220. Cette critique acérée a
sans doute une cible précise. Mais si le manuscrit original permet d’explorer l’allusion
politique contenue dans cette parodie 221 , les passages sensibles sont tous supprimés par la
censure. Nous citons ci-dessous deux variantes existant entre le manuscrit destiné au comité
de censure et celui destiné à la publication. Elles sont marquées en italique et soulignées.
216
Charles Mazouer, « L’apparition du vaudeville », in Le Vaudeville, Europe, n° 786, octobre 1994, p. 9.
217
Petites Affiches, 22 janvier 1792. Cité par André Tissier, Les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome
I, Genève, Droz, 1992, p. 325.
218
Léon Métayer, « Le Vaudeville de l’Empire et de la Restauration », in Le Vaudeville, Europe, n° 786, octobre
1994, pp. 40-41.
219
X., Journal des débats, le 2 décembre 1817.
220
X., Journal des débats, le 2 décembre 1817.
221
Le manuscrit de Paris à Pékin, ou La Clochette miraculeuse [sic], Archives nationales, F18 628.
112
Deux variantes de Paris à Pékin
Manuscrit Publication
Lucifer : Je vais te faire voir l’homme le plus Lucifer : Ils ne pourraient jamais tenir ici ; mais
utile au siècle présent. Ils ne pourraient jamais je vais t’en faire voir un échantillon ;... c’est
tenir ici... mais je vais t’en faire voir un l’homme le plus utile au siècle présent. (sc. 4)
échantillon... c’est l’homme le plus utile au siècle
présent. Moi, quand je serais ministre, / Je me
ferais assurer ! (sc. 4)
Palmire : Nous sommes à Pékin. Palmire : Nous sommes à Pékin.
Azolin : Hein ? Et comment retourner en Azolin : Tiens! Et comment retourner en France ?
France ? Y a-t-il des célérifères sur cette route ? Y a-t-il des célérifères sur cette route ? Ah ! si
j’avais ma clochette !
Palmire : Il paraît que les Chinois ont l’esprit
national, ils n’ont pas voulu que les Anglais […] Palmire : Cette clochette est à toi ? (sc. 15)
établir. (sc. 15)
Les suggestions du comité de censure modèrent donc le texte original censé être
piquant. Ministre français ou esprit national chinois, toutes les lignes associées à la politique
sont supprimées. La pièce qui était remplie d’allusions politiques devient finalement une
simple moquerie sur Arlequin, le marchand cocu. Mais l’idée d’ « Il n’y a qu’un Paris, et il y
a tant de Pékin » fait date dans le répertoire des spectacles portant sur le voyage. Du
lendemain de la Première Guerre de l’Opium (1838-1842) à la veille de la Seconde Guerre de
l’Opium (1858-1861), la Chine jadis fermée aux étrangers devient un pays ouvert par la force
de la Grande-Bretagne. Les deux hémisphères semblent se rapprocher et Pékin ne semble plus
si éloignée de Paris. Nous découvrons alors des pièces telles que Les Antipodes (Variétés,
1854) et Les Mille et un songes (Variétés, 1861) (voir chapitres IV et V). Sans la présence
d’Arlequin, ce sont désormais les personnages chinois qui s’emparent de la scène
réunissant Paris et Pékin.
222
Hanadi Sileet, L’Orientalisme et le costume de scène en France (deuxième moitié du XIXe siècle - début du
e
XX siècle), thèse de doctorat, Université Sorbonne Nouvelle-Paris III, 2005, p. 38.
223
Margaret Sironval, Album Mille et une nuits, Paris, Gallimard, 2005, pp. 180-184.
113
spectacle de l’Opéra qui inspire, au cours de l’année même, la création de La Lampe
merveilleuse, féérie burlesque de Jean-Toussaint Merle, Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche
et X. Boniface. Celle-ci, plutôt imitation que parodie des Mille et une nuits224, est présentée au
Théâtre du Panorama-Dramatique, salle éphémère situé Boulevard du Temple (1821-1823).
L’Aladin du Panorama-Dramatique est un rat-de-cave chinois d’origine française.
Dans une grotte, il a trouvé une lampe merveilleuse. Patagon, charlatan africain et oncle
d’Aladin, s’empare de la lampe et obtient le poste de vizir à la cour du sultan. Aladin se glisse
dans le palais, vole la lampe et rencontre la princesse Badroulboudour. Celle-ci tombe
amoureuse et le sultan accorde donc la main de la princesse à Aladin. Mais Patagon cherche à
perturber leur mariage. Il se déguise en marchand de lampes et échange la lampe merveilleuse
d’Aladin contre une lampe normale. La princesse est alors transportée en Afrique. Grâce à la
magie d’un bon Phosphore, Aladin se rend en Afrique et récupère sa lampe ainsi que sa bien-
aimée.
La salle du Panorama-Dramatique, comme l’indique son nom, est dédiée aux
expériences du spectacle. Les coulisses traditionnelles n’existent plus. Sous la forme d’une
paroi concave, la scène est transformée en un hémicycle qui supporte les décors et s’éclaire à
partir des frises. Le succès de La Lampe merveilleuse est en fait le succès des changements de
vues – un succès qui repose sur de « beaux décors » et « un brillant spectacle » 225 . Le
panorama scénique consiste en une place publique chinoise (prologue), un harem et un jardin
oriental (Acte I), le palais du sultan ainsi que l’intérieur d’une caverne africaine (Acte II). On
voit tantôt un marchand qui vend de la poudre de perlimpinpin dans les rues de Pékin
(prologue), tantôt le Sultan chinois qui s’allonge sur un sofa, « fumant une pipe de six pieds
de longueur » (Acte I, sc. 4). Une gravure de Gué traduit le mélange fantastique de
l’arabesque et des chinoiseries (fig. 2.21a) : le minaret islamique (et non une pagode) s’élève
au fond, alors qu’un vieux vizir-mandarin se trouve entre les deux amoureux européens.
En ce qui concerne l’interprétation du Chinois, les dramaturges soulignent les
caractéristiques typiques. Quand Aladin se présente à la princesse, ce jeune Français cherche à
« devenir joli » en se pinçant le nez, car « les camus sont estimés ici ». Pour se « donner un air
plus chinois », il s’agit de « prononcer entre l’aquilin et le camus » (Acte II, sc. 3). Les
« vrais » Chinois de la cour du sultan, quant à eux, sont probablement joués par des nains.
Selon les didascalies, l’intrigue en Chine se développe autour du « petit sultan » (Acte I, sc. 4)
et de la « petite princesse » (Acte I, sc. 6). On peut voir « une troupe de petits amours
grenadiers avec armes et bagages » qui « exécutent une marche » conjurée par Phosphore
(Acte II, sc. 13), et « les petits diables portant des instruments de musique » (Acte II, sc. 16).
La Chine est donc désignée comme un pays de petites fées (fig. 2.21b). Au niveau pratique,
Paul Ginisty signale le « beau scrupule de conscience » du comédien. Bouffé, qui joue le rôle
du sultan chinois, se fait « raser la tête », et « se fabrique de faux ongles, en parchemin, peints
224
Louis Henry Lecomte, Histoire des théâtres. Le Panorama dramatique, 1821-1823, Paris, chez l’auteur,
1900, p. 54.
225
L. Henry Lecomte, Ibid.
114
en rouge, qu’il s’[est] adaptés au bout des doigts »226. Il convient de signaler qu’Aladin et le
génie de la clochette continuent à se présenter comme des Chinois dans plusieurs éditions des
Mille et une nuits jusqu’au début du XXe siècle (fig. 2.22a-b)227. Sur la scène de théâtre, en
revanche, et bien que Les Mille et une nuits ne cessent d’inspirer les créations théâtrales, le
personnage d’Aladin n’apparaît plus sous les traits chinois à partir des années 1830.
De Koulikan à Aladin, les éléments « orientaux » et surtout les contes orientaux
constituent, sous l’Empire et le début de la Restauration, une partie importante du répertoire
théâtral au sujet chinois. L’adaptation de Pixérécourt introduit sur le plateau du théâtre des
signes « typiquement » chinois (la statue de Bouddha, le geste de l’index, etc.), tandis que les
spectacles relatifs à la lampe merveilleuse mettent en valeur la machinerie et le changement
des décors. Si l’on considère la richesse créative de cette époque dans son ensemble, les
spectacles chinois créés dans les années 1820 se caractérisent par leur nature purement
divertissante. La longueur de la pièce est réduite, les intrigues sont souvent parodiques et sans
beaucoup d’innovation. L’amalgame des éléments sino-orientaux se perpétue également.
Examinons à présent une folie sino-orientale et un vaudeville sino-tartare.
226
Paul Ginisty, La Féérie, Paris, Louis-Michaud, 1910, p. 144.
227
Nous nous appuyons sur Margaret Léon-Sironval, « Les images d’une métamorphose », in Métamorphose
d’un conte Aladin français et anglais (XVIIIe et XIXe siècles), thèse doctorale, Université Paris III – Sorbonne-
Nouvelle, 1998, pp. 203-287.
228
Voir la présentation de Jean Rousseau et Denis Thouard (dir.), Lettres édifiantes et curieuses sur la langue
chinoise : un débat philosophico-grammatical entre Wilhelm von Humboldt et Jean-Pierre Abel-Rémusat, 1821-
1831, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1999.
115
dramaturges français, ce sont toujours Zamti et Gengis Khan (et leurs avatars) qui règnent sur
la scène. Mais ces deux personnages issus de L’Orphelin de la Chine ne se lancent plus dans
des débats de moralité chinoise.
En 1821, la folie intitulée Le Mandarin Hoang-Pouf, ou L’Horoscope, coécrite par
Louis-Charles Caigniez et Louis (baron de) Bilderbeck, est donnée au Théâtre de la Porte
Saint-Martin 229 . Pour la première fois, cette salle appréciée des spectateurs de l’époque
présente un spectacle au sujet chinois.
Malgré le titre de la pièce, le sujet du Mandarin Hoang-Pouf est totalement tiré des
anecdotes historiques françaises. Il s’agit d’un médecin nommé Jacques Coitier qui
connaissait l’hypocondrie et la superstition de Louis XI, et en usait pour gagner sa faveur à la
cour. Monsieur Crédule (Variétés, 1812), une comédie d’Alphonse Martainville, s’inspire
déjà de l’histoire de ce médecin230. Cependant, Le Mandarin Hoang-Pouf est loin d’être une
allusion à la politique de la Restauration, bien que Louis XVIII compte beaucoup sur le
médecin Jean-Louis Alibert. Celui-ci, fondateur de la dermatologie moderne, est un
scientifique sérieux.
Pour transporter l’anecdote de Jacques Coitier vers la Chine, les dramaturges lui
affectent un métier chinois connu des Européens depuis le XVIe siècle : astrologue de la cour.
Juan González de Mendoza (ca. 1540-1617), dans l’Histoire du grand royaume de la Chine
(1588-1589, traduit de l’espagnol en français par Luc de La Porte), constate que le conseil de
l’empereur chinois sait maîtriser l’astrologie (tome III, ch. viii). La dénomination des
personnages du Mandarin Hoang-Pouf reflète ainsi à la fois l’imaginaire astrologique et la
229
Selon le procès-verbal de censure, le titre original de la pièce est Le Chinois Hoang-Pouf, ou l’Horoscope.
230
Auguste Philibert Chaalons d’Arge, et Armand Henri Ragueneau de la Chainaye, Histoire critique des
Théâtres de Paris, pendant 1821, Paris, Lelong et Delaunay, 1822, p. 252.
116
plaisanterie sur les Chinois. « Nadir » désigne le point de la sphère céleste directement opposé
au zénith 231 . Zimar évoque le mari de La Matrone chinoise (Comédiens-Italiens, 1764).
« Hoang-Pouf » rappelle « Whampoa », un des seuls ports de commerce ouverts aux
Européens durant le XVIIIe siècle. « Kang-Chou » rappelle Hangzhou (la ville « Qinsay »
dans les récits de Marco Polo), capitale de la province du Chékiang. La prononciation de
« Pouf » et de « Chou », quant à elle, produit un effet cocasse.
Du roi français au mandarin chinois, l’adaptation de la Porte Saint-Martin semble être
un échec. Elle n’obtient qu’un « succès contesté »232 et les spectateurs n’y trouvent « rien de
plaisant »233. La Gazette de France critique sévèrement cette pièce « sans esprit, sans gaîté, où
l’on chercherait vainement une idée heureuse, un mot saillant » 234 . La recette est loin des
dépenses engagées et le théâtre se retrouve en déficit235.
Davantage que le texte, la représentation elle-même est peut-être la cause de l’insuccès
du Mandarin Hoang-Pouf. Selon le Miroir des spectateurs 236 , Mlle Adeline (dans le rôle
d’Oali) « prend un grand soin de sa parure » et « est toujours resplendissante de diamants ».
Ce chroniqueur n’est pas contre l’« éclat des pierreries » de Mlle Adeline, mais il voudrait qu’
« elle port[e] des bijoux analogues au pays [chinois], et non pas une croix suspendue à son
collier ». Cette observation reflète l’exigence émergeant de l’idée d’exactitude dans la
représentation théâtrale, exigence qui continue à se développer dans les années 1830 (voir
chapitre III).
231
« Nadir » désigne aussi l’une des deux principales tribus juives de Médine, passée de Palestine à Yathrib à
une époque inconnue, pour échapper à l’oppression romaine qui suivit les guerres juives. (Source : Encyclopédie
de l’Islam, tome vii, Paris, G.-P. Maisonneuve et Larose S. A., 1993, p. 853.)
232
Almanach des spectacles, Paris, Barba, 1822, p. 287.
233
A. J., Le Miroir des spectateurs, le 7 mai 1821.
234
Gazette de France, le 14 mai 1821.
235
Le Miroir des spectateurs, le 4 juin 1821.
236
A. J., Le Miroir des spectateurs, le 7 mai 1821.
237
Le procès-verbal de censure, signé le 1er mai 1821, Archives nationales, F21 975.
238
Le Miroir des spectateurs, le 12 mai 1821.
239
Almanach des Spectacles, par K. Y. Z. (Adolphe Loève-Veimars), Paris, chez Louis Janet, 1822, p. 120.
117
Flore, célèbre comédienne des Variétés, estime que Les Deux Magots de la Chine n’aurait
jamais réussi sans la participation de Brunet et Potier, qui sont « des Chinois comme on n’en
avait jamais vus auparavant »240. Cette remarque souligne la singularité de l’interprétation du
Chinois par Potier (fig. 2.22)241 : les personnages chinois ne sont pas absents de la scène de
théâtre, mais il faut attendre Potier pour renouveler la figure et l’interprétation des Chinois.
Nous pouvons trouver des lignes similaires dans les didascalies des deux pièces. Pour
exagérer la richesse du Chinois, Hoang-Pouf est, tout comme Tang-Out-Sung, suivi de son
cortège composé de « Noirs et autres esclaves » (sc. 2). Le « grotesque » chinois, déjà abordé
dans Les Deux magots de la Chine, est repris plusieurs fois dans Le Mandarin Hoang-Pouf :
le cortège des deux magots effectue une danse grotesque des éventails, les eunuques dansent
bizarrement au festin du mandarin (sc. 18) et l’on constitue un « tableau grotesque » (sc. 19).
Et si Potier a imité le Chinois en remuant la tête dans Les Deux magots de la Chine, ce geste
inspiré du jouet enfantin s’applique sans doute également au Mandarin Hoang-Pouf. Des
Deux Magots à Hoang-Pouf, une autre constante dans l’interprétation du Chinois se retrouve
dans les propos liés à la volupté du mandarin. Ayant une prédilection pour les jeunes filles,
Hoang-Pouf se livre au plaisir charnel à l’orientale. Dans son « harem » abritant des
odalisques (sc. 17), il fume avant ses rapports avec chacune d’elles (sc. 5). Si le portrait du
« magot grotesque » s’inspire de la décoration des chinoiseries, Potier le stylise en soulignant
quelques caractères : gros, gourmand, lâche et voluptueux.
Le « Chinois » de Potier devient la référence indispensable pour les pièces chinoises
ultérieures et ce mélange entre le Chinois comique et l’Oriental somptueux domine la scène
chinoise jusqu’au milieu du XIXe siècle. En 1824, le Théâtre du Vaudeville présente un
vaudeville intitulé Gengiskan. Deux officiers chinois, Fakin et Piff-Pouff, y expriment
l’accord et le désaccord en remuant la tête, « comme les magots qu’on voit sur les
cheminées » (sc. 8). Le 31 octobre 1854, le Théâtre-Lyrique monte un opéra-bouffe de
Leuven et Carré, sous le titre Schahabaham II. Ce personnage oriental a toujours recours aux
traits du mandarin joué par Potier242.
240
Flore [Françoise-Flore Corvée, dite Mlle Flore], Mémoires de Mlle Flore : artiste du théâtre des Variétés,
Paris, Comptoir des imprimeurs unis, 1845, p. 268.
241
Il semble exister une lithographie consacrée à Potier jouant le personnage de Hoang-Pouf. Sur ce point, nous
nous référons à l’article « Hoang-Pouf, costume de Potier, lithographie de C. Motte, H. 14,9cm x L. 10,8cm.
Costume de Potier, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 7 pièces. Relatifs au théâtre, n° 150 », in Bibliothèque
dramatique de Monsieur de Soleinne, tome 4, Paris, Alliances des arts, 1844, p. 223. Ce document est
introuvable. Robert Dreyfus signale une gravure dans laquelle Potier joue un rôle oriental (Petite histoire de la
revue de fin d’année, Paris, Charpentier et Fasquelle, 1909, p. 93). Dreyfus associe cette gravure à La Lampe
merveilleuse (Opéra, 1822). Mais en fait, Potier ne joue pas dans cette représentation. Nous supposons par
conséquent qu’il s’agit de Hoang-Pouf, dans laquelle Potier joue le rôle du mandarin chinois.
242
Émile Vander-Burch et Charles Brainne, Le Mémorial français : histoire de l’année, Paris, Firmin Didot
frères, 1855, p. 609.
118
En 1823, la seconde salle de la Comédie-Française est ouverte sur le site de l’Odéon.
er
Le 1 février 1824, les Comédiens-Français reprennent L’Orphelin de la Chine et cette
représentation semble réveiller les souvenirs de l’ancienne mode chinoise de 1813. Le
Perruquier et le Coiffeur est ainsi présenté au Théâtre des Variétés, le 19 février 1824. Dans
cette comédie coécrite par Armand d’Artois, Henri Dupin et Thomas Sauvage, un perruquier
parisien nommé Lahouppe se console « dans l’espérance que quelque jour on reviendra au
vrai beau, à l’ancien goût ». Il énumère l’ « art de la coiffure » d’autrefois, y compris « les
grisettes en Chinoise » (sc. 5).
Au Vaudeville, le même Armand d’Artois crée, en collaboration avec Boniface243, une
folie-vaudeville intitulée Gengiskan, ou l’Aimable Tartare, présentée à l’occasion du carnaval
du Mardi gras244. Sans souci de la coiffure, les auteurs remontent à l’histoire d’amour entre le
chef tartare et la Chinoise. Chez Voltaire, Gengis Khan se rend à Pékin pour retrouver son
amoureuse Idamé. Dans la parodie du Vaudeville, le Tartare se présente en Chine pour le
commerce des femmes. Ni infanticide ni suicide n’a lieu dans cette confrontation sino-tartare.
Selon les manuscrits non publiés de Gengiskan (annexe 7.2.(a)) 245 , l’histoire se
déroule au lendemain de la conquête de Pékin par les Tartares. Afin de s’approprier les trésors
des Chinois, Gengiskan fait enlever les Pékinoises pour les revendre à leurs maris. Un jeune
Chinois nommé Assouf se déguise en femme tartare et se glisse dans le palais afin d’y
retrouver sa bien-aimée Meïda. Un officier tartare, Omar, est épris de Meïda. Pour qu’elle ne
soit pas revendue, Omar lui demande de se déguiser en homme tartare. Meïda découvre par
hasard Asouff lorsqu’elle est au service du garde. Les deux amoureux cherchent à s’échapper
ensemble. Mais Gengiskan reconnaît Meïda, qui n’est autre que la fille qu’il aime et qu’il ne
cesse de chercher en Chine. Pourtant, Gengiskan feint d’ignorer le déguisement de Meïda et il
lui permet de choisir une Tartare qui lui plaît. Meïda, toujours vêtue en homme, choisit
Asouff, toujours déguisé en femme. Les autres Chinoises, quant à elles, se fâchent avec leurs
maris qui refusent de les racheter. Le chef tartare, qui est plus généreux et aimable que les
Chinois, libère finalement toutes les Chinoises enlevées.
En 1817, le Vaudeville a remporté un grand succès grâce à la nouveauté de la
machinerie appliquée à la représentation de Paris à Pékin. La représentation de Gengiskan, au
même Vaudeville, reprend la forme de « la vieille parade » 246 qui rappelle le « canevas
italien » burlesque, dont « presque toutes les scènes sont empruntées à des pièces de théâtre de
la Foire Saint-Germain »247. Il ne s’agit pourtant plus ici d’une foire aux objets chinois donnée
par Arlequin, mais d’une foire aux femmes chinoises. Malheureusement, cette foire aux
femmes ne parvient pas à raviver la mode chinoise car les costumes ne sont « ni plaisants ni
gracieux »248. Quelques traits d’ « originalité » et des « scènes forts gaies » existent cependant
243
Selon l’Almanach des spectacles (éd. Barba, 1825), les auteurs sont Armand Dartois et Xavier Saintine [sous
le pseudonyme de Tamerlan]. Certains journaux comme Journal des débats utilisent le nom de « Tamerlan ».
244
La Pandore, le 25 février 1824.
245
Archives nationales, F18 648.
246
Anonyme, Le Diable boiteux, le 25 février 1824.
247
Anonyme, Gazette de France, le 27 février 1824.
248
Anonyme, La Pandore, le 25 février 1824.
119
dans Gengiskan 249 . Les spectateurs sont satisfaits et apprécient « tout ce qu’il y a de
philosophique au fond d’une parade qui pourrait bien survivre au carnaval »250. Autrement dit,
un pur amusement sans rien de sérieux. La vente des Chinoises et le travestissement des
genres en sont des exemples.
II. 5. (2). (b) Les Chinoises aux enchères : une tendance sensuelle ?
La première représentation de Gengiskan est jugée « faible »251 et les spectateurs la
reçoivent « un peu froidement »252. Le problème réside probablement dans la longueur, les
plaisanteries redondantes et surtout dans les « traces de mauvais goût dans la seconde
moitié »253 . Le théâtre prend alors les mesures nécessaires pour répondre aux critiques. À
partir de la deuxième représentation, la pièce devient « moins orageuse » grâce à d’ « utiles
suppressions »254. Les manuscrits que nous retrouvons ont été soumis au comité de censure
avant la première représentation et ils ne nous permettent pas de connaître les changements
effectués pour la deuxième représentation.
Nous pouvons néanmoins supposer que les « traces de mauvais goût » sont
supprimées, particulièrement celles concernant l’exhibition des femmes. En associant le
déguisement à une prédilection pour le goût exotique, un chroniqueur apprécie alors le pied
« mignon » de Mlle Clara (dans le rôle de Meïda) qui évoque « les beautés particulières aux
Chinoises »255. Nous ne nous attarderons pas sur la théorie de la « podophilie » de Sigmund
Freud, qui qualifie le fétichisme collectif chinois à l’égard des pieds bandés de « véritable
socialisation de l’angoisse de castration »256. Comme nous l’avons remarqué plus haut (voir
II. 3. (1). (b)), l’adoration du « pied chinois » peut également s’appliquer aux babouches dont
les extrémités sont pointues et remontées, qui sont censées représenter la beauté particulière
« à la chinoise ».
À partir de la scène des enchères des Chinoises, certains spectateurs réfléchissent sur
le statut et la libération des femmes. Pour le chroniqueur du Journal des débats257, c’est le
temps de « la révolution galante en faveur de la liberté des femmes ». En reprochant le
contenu des « intrigues orientales » qui « n’offrent que l’image de la tyrannie d’un sexe et de
l’oppression de l’autre », cet auteur semble prédire une prise de conscience féministe. Ce
courant féministe qui se renforce dans les années 1830 demande « l’égalité civile et politique
des hommes et des femmes »258, et c’est également dans les années 1830 que l’on suspend la
249
J. D., Journal de Paris, le 25 février 1824.
250
Anonyme, « Nouvelles des théâtres », Le Constitutionnel, le 1er mars 1824.
251
L. S., Journal des débats, le 1er mars 1824.
252
Almanach des spectacles, Paris, Barba, 1825, p. 208.
253
J. D., Journal de Paris, le 25 février 1824.
254
Anonyme, « Boîte », La Pandore, le 26 février 1824.
255
Anonyme, « Boîte », La Pandore, le 26 février 1824. Une opinion similaire se trouve également dans Le
Diable boiteux , paru le 25 février 1824.
256
Paul-Laurent Assoun, Le Fétichisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2002, pp. 98-99. Cette théorie de Freud
figure pour la première fois dans son essai publié en 1927.
257
L. S., Journal des débats, le 1er mars 1824.
258
Maïté Albistur et Daniel Armogathe, Histoire du féminisme français, tome II, De l’Empire napoléonien à nos
jours, [Paris,] Des Femmes, 1978, p. 378.
120
reproduction des « intrigues orientales » et des « traces de mauvais goût ». L’héroïne chinoise
revient sur la scène sino-tartare, alors que les personnages masculins chinois stagnent. Parmi
toutes les réécritures théâtrales autour de Gengis Khan et de la Chinoise créées au XIXe siècle,
le Gengiskan du Vaudeville est un exemple rare dont l’intérêt réside dans la séduction
charnelle de la Chinoise. Les intrigues des enlèvements se produisent régulièrement sur la
scène de théâtre, mais la narration s’éloigne de la quête amoureuse de Gengis Khan.
259
Geoffroy, Cours de littérature dramatique, vol. 5, Paris, Pierre Blanchard, 1820, p. 114.
260
Anonyme, Journal de l’Empire, le 12 avril 1807.
121
II. 6. (2) La Chine décorative à la salle secondaire
Face à l’Opéra, les salles secondaires ont aussi la possibilité de créer la « Chine »
décorative. L’échelle est peut-être réduite mais les représentations ne sont pas moins variées.
Le « tour », au sens de numéro ou exercice difficile à exécuter, permet aux spectateurs
d’apercevoir des éléments chinois. Au lendemain de la Révolution, le Théâtre des Associés
situé Boulevard du Temple présente, parmi d’autres numéros et spectacles d’automates, Le
Prophète de la Chine (1790) du sieur Perrin 261 . Les détails de la représentation restent
malheureusement inconnus.
Les numéros « à la chinoise » peuvent être appliqués à la formation corporelle des
élèves. Plusieurs enseignants ou maîtres intègrent ainsi ces numéros dans leurs cours d’arts
vivants. Un dénommé M. Roubeau, « maître des ballets du théâtre du lycée », compose un
ballet-pantomime intitulé La Fête lunéraire, dans la ville de Nanchand, en Chine (publiée en
1802). D’après la distribution des personnages, les jeunes danseurs-acteurs doivent interpréter
un gouverneur chinois, des Indiens, des nègres, un mandarin, etc. Sur la scène se déroulent
une cérémonie du culte de l’idole chinoise, un naufrage d’Indiens, l’intervention du
gouverneur chinois et, enfin, une fête consacrée au culte de la lune. Si les élèves apprennent à
perfectionner leurs jeux à travers des imitations de personnages variés, pour les spectateurs,
l’intérêt de la pièce réside dans les successions des scènes exotiques.
Les pièces destinées à former les jeunes élèves peuvent également être jouées pour le
public. La salle des Jeunes-Artistes de Jacques Robillon, située rue de Bondy, monte ainsi Le
Pied de Bœuf et la Queue du Chat (1807). Le titre évoque sans doute Le Pied de mouton
(Gaîté, 1806) et La Queue du diable (Gaîté, 1807), deux spectacles ayant connu un grand
succès en raison de leur « prodigieuse variété de machine et de décorations »262. La pièce de
Robillon connaît également son point culminant dans les effets visuels. Les ballets sont
« exécutés avec de l’à-plomb et de l’ensemble », notamment « celui des Chinois, dont l’idée
est neuve »263. « Suprêmement montées »264, les aventures se déroulent autour d’un nommé
Simplicio et de son maître Valério. Durant le deuxième acte, ils descendent en parachute et
atterrissent sur une « île chinoise habitée par des nains », où « toutes les maisons qu’on
aperçoit sont d’une dimension très petite ». Le roi chinois Almanzor emprisonne les deux
Espagnols dans la tour d’airain. Avec l’aide de la reine Almaïda qui est fascinée par la
galanterie espagnole, Simplicio et Valério sont métamorphosés en ambassadeurs du roi
chinois et s’échappent de l’île.
Outre les plaisanteries sur les Chinois qu’elle contient, Le Pied de Bœuf et la Queue du
Chat cherche à intégrer la musique « chinoise » dans la représentation. L’air qui ouvre l’acte
II n’est autre que Dans ma chaumière, tiré de Koulouf (Opéra-Comique, 1806). À la
demande de la reine Almaïda, les danseurs de la cour chinoise exécutent le ballet du pays, afin
261
« Concert au cirque », Chronique de Paris, le 4 avril 1790. Il s’agit probablement de la seule représentation
du Prophète de la Chine.
262
Geoffroy, « Le Pied de mouton » [figurant dans le Journal de l’Empire, paru le 6 octobre 1810], Cours de
littérature dramatique, tome 5, Paris, Pierre Blanchard, 1820, pp. 369-370.
263
Anonyme, « Théâtre », Journal des arts, des sciences et de littérature, n° 520 du 12 juin 1807.
264
Maurice Albert, Les Théâtres des boulevards : 1789-1848, [Paris, 1902,] Genève, Slatkine, 1978, p. 219.
122
de faire oublier leurs soucis aux deux Espagnols. Lors du concert donné sur la mer, les
musiciens chinois arrivent sur des gondoles et « une douce symphonie se fait entendre » (Acte
II, sc. 6). Tous les arrangements rappellent les ballets chinois créés sous l’Ancien Régime. Ce
principe s’applique aussi à L’Isle des nains (Théâtre Montansier, à Versailles, 1807), pièce
donnée par la troupe de Robillon. Ce « divertissement chinois » est mêlé de vaudevilles et
déploie des décorations peintes par les décorateurs de l’Opéra265.
Vers la fin de la Restauration, l’école dramatique de M. Hullin crée un ballet intitulé
La Noce chinoise (1825) et les jeunes élèves en donnent deux représentations au Théâtre de la
Porte Saint-Martin 266 . Malheureusement, ce ballet est jugé « insignifiant » 267 . La presse
contemporaine remarque ironiquement que la pièce est non seulement composée « pour des
enfants » mais aussi « par des enfants »268.
La Chine est parfois personnifiée. Dans La Pêche de Vulcain, ou l’île des Fleuves
(Vaudeville, 1827), un ballet intitulé Mars et Vénus est donné comme intermède. Les fleuves
des quatre continents sont réunis sur scène, dont le Fleuve jaune de la Chine (sc. 4). Ce petit
passage chinois n’a pour motif que le déploiement du costume fantastique.
265
Jacques Villard, Le Théâtre Montansier à Versailles : de la Montansier à Francis Perrin, Marly-le-Roi, éd.
Champflour, 1998, p. 62. Le 8 janvier 1811, le Théâtre de la salle des Jeux forains monte une pièce féerique de
Frédéric Dupetit-Méré, sous un titre similaire : Le Sabot miraculeux, ou l’Isle des nains. Aucun personnage
chinois n’apparaît dans ce spectacle.
266
Bulletin des spectacles du Corsaire, le 2 novembre 1825.
267
Almanach des spectacles, Paris, J.-N. Barba, 1826, p. 272.
268
Le Mercure du dix-neuvième siècle, tome 11, 1825, p. 519.
269
David Chaillou, Napoléon et l’Opéra, Paris, Fayard, 2004, pp. 130, 387. Chaillou s’appuie sur le procès-
verbal signé le 19 floréal, an XII (le 9 mai 1804). Ce manuscrit est conservé à la Bibliothèque-Musée de l’Opéra,
sous la cote AD 23. Nous trouvons par ailleurs un autre exemplaire de même contenu aux Archives nationales,
cote : AJ13 88.
123
entièrement en musique » ; les « œuvres alternant paroles et chant », telles que Les Chinois,
étant censées être la spécialité de l’Opéra-Comique.
En quoi le spectacle Les Chinois ne respecte-il pas les critères de genre ? Faute de
pouvoir consulter l’intégralité du livret, nous sommes dans l’impossibilité de mener à bien
cette enquête. Cependant, une lettre conservée aux Archives nationales nous donne quelques
indices270. Selon ce document dont nous ignorons l’expéditeur et le destinataire, « on pense
qu’il faut le [Les Chinois] soumettre à l’examen du Jury ». La raison : cet opéra est « écrit
agréablement » et il y a « de la gaieté, du spectacle et de la variété dans cet ouvrage ». De
plus, c’est « un genre qu’il serait très heureux de multiplier à l’Opéra ». Si le pronom « on »
désigne les artistes et les personnels de l’Opéra, ceux-ci ne sont aucunement ignorants, et cela
avant même le dépôt du livret aux censeurs, de la polémique susceptible d’être associée au
« genre ». Au contraire. Ils sont conscients de « multiplier » ce genre à l’Opéra.
Cet opéra renferme plusieurs jolies scènes et offre un spectacle agréable et varié. Les
morceaux de chant sont d’une coupe heureuse.
Il faudrait motiver l’erreur de Zamti qui amène Zangs au lieu de Néssafins, et nouer
plus fortement l’intrigue, afin que le dénouement trop tôt prévu ne détruise pas tout l’intérêt du
2e acte. Peut-être serait-il bien qu’un faux avis apporté à la main par les soins de Saïd, lui fait
croire que le mandarin et son prince ont péri ; de quelque manière qu’il ne sait croit
indispensable que. [sic] Il faut trouver un incident qui occupe et agit le spectateur jusqu’à
l’arrivée de Nessafins.
On ignore aussi comment Abnaïd est instruite de l’assistance et du lieu de la retraite
du jeune prince, et pourquoi Saïd qui veut que son nom soit un mystique, en a fait confidence
au roi et Zangs. Enfin il serait nécessaire d’expliquer par quel motif le mandarin qui lui est
même sain comme son fils, se fait passer aussi pour la peine des verges271.
Sans signature ni date figurant sur le manuscrit, nous ignorons même dans quel
contexte il est rédigé. Si ce manuscrit est relatif à l’opinion du comité de censure, il nous
permet d’entrevoir les points faibles du livret, tels que le manque de motivation des
personnages ainsi que les intrigues trop facilement prévues. On pourrait d’ailleurs s’imaginer
un enlèvement commis sur une mauvaise personne, un jeune héritier du trône retrouvé, le
dénouement de l’identité, etc.
270
« Correspondance concernant différents opéras dont : Les Chinois, de Delrieu », Archives nationales, AJ13 66,
n° 91, sans date.
271
« Correspondance concernant différents opéras dont : Les Chinois, de Delrieu », Archives nationales, AJ13 66,
n° 90, auteur inconnu, sans date.
124
Le nom « Zamti » et l’identité du prince rappellent L’Orphelin de la Chine de
Voltaire. Au cours de l’année 1804, cette tragédie fait l’objet de trois représentations à la
Comédie-Française. Si la censure des Chinois est le résultat du manque de « nobles sujets »,
les représentations de L’Orphelin de la Chine semblent, elles, être à la hauteur des « nobles
sujets » concernant les Chinois. Les dates des représentations de L’Orphelin de la Chine, à
savoir le 19 et le 23 novembre ainsi que le 21 décembre, nous éclairent sur ces critères de
noblesse concernant les pièces portant sur des personnages chinois. En fait, le sacre de
Napoléon a lieu le 2 décembre 1804. Si, dans Les Chinois, la fidélité du Zamti à l’ancienne
famille royale ne correspond pas à l’exigence des « nobles sujets », le charisme de Gengis
Khan dans L’Orphelin de la Chine peut, lui, être associé à la noblesse de Napoléon. La
« noblesse » des Chinois ne change pas, c’est le moment de la représentation qui décide du
niveau de leur noblesse.
272
Article « Genghiskan », Nouveau dictionnaire historique, rédigé par une société de gens-de-lettres [Louis
Maïeul Chaudon], Caen, chez G. Le Roy & Paris, chez Le Jay, 1779.
273
Utopie, la quête de la société idéale en Occident, catalogue de l’exposition organisée par la Bibliothèque
nationale de France, Paris, Fayard, 2000.
274
Journal général de la littérature de France, ou Répertoire méthodique des livres nouveaux, fructidor, an XI
(1803), Paris et Strasbourg, Treuttel et Würtz, 1803, p. 385.
125
pour tuer l’usurpateur ; ce dernier a la bonhomie de vouloir abdiquer ; les soldats tartares se
révoltent, etc., etc. Et voilà assez pour juger cette pitoyable rapsodie. Le Bureau de la Presse
propose à Votre Excellence de refuser l’autorisation pour la représentation du mélodrame275.
275
Le rapport est signé le 6 avril 1810, Archives nationales, F21 976.
126
mélodrame. L’auteur en a bien fait disparaître plusieurs inconvenances, mais son plan qu’il n’a
pas changé toujours offre des inconvenances276.
Conclusion :
Du lendemain de la Révolution jusqu’à la fin de la Restauration, les spectacles chinois
donnés au théâtre français marquent la transition du choix du sujet. En raison de la libération
des théâtres et de la démocratisation des informations, les dramaturges et les spectateurs (y
compris les critiques) ont la possibilité de répondre rapidement à l’actualité. Les annonces
publiées dans la presse permettent de susciter la curiosité du « grand public » avant la
représentation. Nous avons ainsi examiné une pièce chinoise créée à la suite du débarquement
imprévu d’un Chinois. La présence du vrai Chinois dans le théâtre prouve la réussite de ce
stratagème commercial, qui sera souvent appliqué aux spectacles des Chinois authentiques
durant la seconde moitié du siècle. Il faut également mentionner que les opinions des
spectateurs participent parfois à la reformulation de la pièce. Des Chinois (Cité, 1800) à
Gengiskan (Vaudeville, 1824), nous avons ainsi tenté de retracer la rupture pouvant advenir
entre le texte dramatique et la représentation scénique en considération des demandes du
public.
Le lien entre le théâtre et l’actualité de l’époque attribue au Chinois un rôle
allégorique. Le mandarin peut être la représentation des Jacobins. Le prince laboureur de
l’Empire du Milieu peut figurer son homologue sur le trône français. Mais l’atmosphère
politique sensible empêche parfois la représentation des spectacles au sujet de la politique
chinoise. Nous avons examiné deux pièces censurées, qui suggèrent les complots de royalistes
contre Napoléon. Le contrôle politique continue au début de la Restauration : Paris à Pékin
(Vaudeville, 1817) en est un exemple.
La Chine n’évolue peut-être pas. Mais ce qui change indéniablement, c’est la manière
dont elle est présentée. Le Céleste Empire reste fermé mais les nouveaux sinologues et
explorateurs recherchent des passerelles qui y mènent. Pendant cette période de transition,
nous observons la présence de l’ancien répertoire à sujet chinois dans le théâtre et notons des
276
Le rapport est signé le 25 avril 1811, Archives nationales, F21 976.
127
représentations régulières de L’Orphelin de la Chine jusqu’en 1834. Si la pièce est célèbre
grâce à son auteur et aux anciens débats sur les mœurs chinoises, les représentations données
au cours du XIXe siècle ne peuvent compter que sur le charme des comédiens de l’époque. En
raison de la parution des œuvres des sinologues consacrées au théâtre chinois (qui existaient
peu au XVIIIe siècle), cette tragédie chinoise de Voltaire se retire finalement de la scène du
XIXe siècle. Par ailleurs, l’Orient (au sens du « pays du Levant ») fournit aux dramaturges des
sources permettant d’enrichir les imaginaires exotiques. De Pixérécourt à Scribe, nous avons
ainsi examiné les travaux « orientaux » des dramaturges populaires. La confusion géo-
historique est alors inévitable en raison de l’insuffisance (temporaire) de connaissances
chinoises. Mais si le mélange sino-oriental nous permet de découvrir un intérêt
« interculturel », la présence de cet « Orient » diminue brusquement dans les années 1830.
En ce qui concerne les pièces burlesques, l’imagination autour du magot chinois
s’empare à la fois de l’espace urbain et de la scène théâtrale. Ce jouet chinois qui se
caractérise par sa mine grotesque et son apparence risible était utilisé pour la parodie de la
tragédie de Voltaire (Les Magots, 1756). Au début du XIXe siècle, les mouvements du magot
chinois s’introduisent dans le vocabulaire du jeu d’acteur (Koulouf, Opéra-Comique, 1806) et
suite à la mode chinoise sous l’Empire, le magot devient le symbole du personnage chinois
dans les créations dramatiques (Les Deux magots de la Chine, Variétés, 1813). Même si le
magot chinois n’est plus à la mode dans la seconde moitié du siècle, les gestuelles
« chinoises » qui s’inspirent de ce bibelot ne quittent nullement la scène.
Si l’on considère la diversité du sujet, le décor chinois de l’époque reste simple et
« typique ». Une pagode ou une statue chimérique peuvent suffire à représenter la scène
chinoise. La cour du roi chinois, le champ de bataille et le paysage méridional sont les trois
genres de décors les plus populaires : le premier remonte aux récits des anciens missionnaires
qui rendaient service aux empereurs chinois, le deuxième rappelle l’Histoire et plus
particulièrement la guerre sino-tartare, le troisième, enfin, correspond à la limitation des
activités européennes à Canton, la région méridionale de l’empire chinois. La machinerie,
quant à elle, se développe de manière significative sous la Restauration. Le concept
rudimentaire de « mise en scène » apparaît dans les années 1830 et la croissance des études
chinoises s’intègre dans le courant théâtral. Nous voyons ainsi surgir des pièces qui soulignent
le décor chinois et la valeur d’exactitude. À quoi s’ajoute donc la machinerie appliquée à la
scène qui permet de créer une Chine « à grand spectacle ». Ce sera le sujet de notre prochain
chapitre.
128
Chapitre III – La passerelle vers l’Histoire chinoise :
La traduction, l’adaptation et la mise en scène (1829-1838)
1
De 1822 à 1827, les éditions Ladvocat, à Paris, se proposent de publier une collection de pièces dramatiques
sous le titre de Chefs-d’œuvre des théâtres étrangers, allemand, anglais, chinois, danois, espagnol, hollandais,
indien, italien, polonais, portugais, russe, suédois. Toutefois, les œuvres chinoises ne seront jamais publiées.
129
Par ailleurs, nous consacrerons la dernière partie de ce chapitre à une réflexion sur le
spectacle acrobatique des Franconi. Si le contenu de l’action a en soi peu d’importance, les
gestes et les costumes chinois de ce spectacle seront toujours imités dans les spectacles
ultérieurs.
2
« Lettre de M. L. R. Deshautesrayes, Professeur royal et interprète du Roi, adressée à M. Desflottes, sur
l’histoire véritable de L’Orphelin de Tchao », Tchao-Chi-Cou-Eulh, ou L’Orphelin de la maison de Tchao,
traduite par Père de Prémare, [à Péking], 1755, p. 92.
3
Jean-Pierre Abel-Rémusat, « Han Koong Tsew, or the Sorrows of Han », Journal des savants, février 1830, p.
79.
130
L’Orphelin de la Chine traduit par Stanislas Julien, l’historien et dramaturge François-Juste-
Marie Raynouard publie un compte-rendu dans le Journal des savants. Raynouard relit les
sources historiques et reconnaît les qualités de cette tragédie. À travers une étude comparative,
il remarque que « l’auteur [du drame] a créé son sujet qui n’était pas aussi intéressant dans les
récits historiques, et a combiné avec autant de talent que de succès son action et les
développements qu’il a su en tirer »4.
Grâce à cet intérêt qui se fonde à la fois sur l’Histoire et sur le drame historique, les
dramaturges retrouvent un genre qui était tombé dans l’oubli. Les contes orientaux et la
drôlerie ne sont plus les seules sources du spectacle chinois. Le spectacle historique gagne à
nouveau sa place dans les représentations chinoises. Et c’est ainsi qu’en octobre 1834, on voit
représenter, à la salle de Ventadour, le ballet-pantomime de Louis Henry intitulé Chao-Kang.
4
François-Juste-Marie Raynouard, « Tchao-chi-kou-eul, ou l’Orphelin de la Chine », Journal des savants, avril
1834, p. 225.
5
Père de Mailla (trad.), Histoire générale de la Chine, ou annales de cet empire, tome I, publiée par l’Abbé
Jean-Baptiste Grosier et dirigée par Le Roux Deshautesrayes, Paris, Ph.-D. Pierres et Clousier, 1777, pp. 141-
151.
6
Jean-Baptiste Du Halde, Description géographique, historique, chronologique, politique, et physique de
l'empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, tome 1, Paris, P.-G. Le Mercier, 1735, pp. 296-297.
7
Joseph-François Michaud et Louis Gabriel Michaud (dir.), Biographie universelle ancienne et moderne, tome 8,
Paris, Michaud frères, 1813, pp. 49-53.
8
Pour les « principes généraux » d’un « bon mélodrame », voir A!A!A! [Abel Hugo, Armand Malitourne, Jean
131
l’officier chinois dans L’Orphelin de la Chine (traduction de Stanislas Julien, 1834), « De
vertueux ministres ont été massacrés. Une haine profonde couve depuis vingt ans. Ce matin ce
scélérat va être pris ; on verra alors que le meurtre est toujours puni par le meurtre » (Acte V,
sc. 1). Si la tragédie de Voltaire se focalise sur le dilemme entre l’amour et le devoir, l’histoire
réelle du prince Chao-Kang rappelle, comme la tragédie chinoise retraduite par Stanislas
Julien, la vengeance qu’accomplit l’orphelin-héritier légitime. C’est la relecture de la tragédie
de l’orphelin chinois qui aboutit à l’adaptation de l’histoire de la vengeance de Chao-Kang. Et
cette relecture n’est rendue possible que par la nouvelle traduction du drame historique qui est
elle-même le fruit de la croissance de la sinologie.
132
Le Théâtre Nautique ne francise pas le nom « un peu dur pour la poésie » et présente
la pièce sous le titre de Chao-Kang. Toutefois, l’intrigue de la version française est simplifiée
comparativement à la version italienne et aux faits historiques présentés chez le Père de
Mailla. La vie errante de l’enfance de Chao-Kang et les enjeux politiques de la famille royale
sont tous supprimés. Avec moins de personnages secondaires, la représentation de Ventadour
se focalise sur l’antagonisme entre l’héritier Chao-Kang et l’usurpateur Han-Tsou. Pour les
spectateurs français qui ne connaissent pas l’Histoire de la Chine ancienne, la prononciation
du nom de « Chao-Kang » pourrait rappeler celui de « Gengis-Khan ». La représentation de
Chao-Kang est, quant à elle, « plein[e] de mouvement, d’esprit, de vivacité »11.
11
L’Artiste, tome 8, 1834, p. 151.
133
la cruauté de l’usurpateur farouche ainsi que la persécution que subit le souverain légitime.
Pour les chroniqueurs contemporains, le spectacle de Chao-Kang, comme l’histoire
réelle de ce prince exilé, évoque « une véritable fable de mélodrame »12, ainsi que l’« intrigue
de l’ancien mélodrame »13. Cet « ancien mélodrame », si l’on s’appuie sur la périodisation
historique de Jean-Marie Thomasseau, peut se référer au « mélodrame classique » allant de
1800 à 1823. La thématique qui combine la persécution, la reconnaissance et l’expression
pathétique de l’amour, s’exprime au travers des personnages du traître, de l’innocente
persécutée, du comique, et du père noble14.
Toutefois, en dépit de son intrigue mélodramatique 15 , la forme de Chao-Kang est
effectivement un « ballet-pantomime ». Sans aucun dialogue (qui est obligatoire dans un
« mélodrame classique »), Chao-Kang n’est même pas une « pantomime dialoguée », terme
qu’on employait à la fin du XVIIIe siècle pour désigner la forme rudimentaire du mélodrame16.
S’il existe un point commun entre Chao-Kang et l’ « ancien mélodrame », il s’agit de la
« pantomime » qui met en valeur des gestes des acteurs. Mais le quotidien Le Corsaire signale
le « trouble » de ce genre de pantomime dansante et musicale 17 : lorsque le spectateur ne saisit
pas les connotations des mouvements et de la danse, une histoire héroïque devient froide et
médiocre18. Nous reviendrons plus tard sur le sujet du geste. Examinons à présent le fond du
mélodrame de Chao-Kang.
En fait, le fond du « mélodrame » permet au dramaturge de se libérer de la réflexion
autour de la moralité chinoise qui a beaucoup perturbé les écrivains du XVIIIe siècle. En
s’inspirant d’une histoire dramatique, Louis Henry ne cherche pas à résumer la philosophie
des Chinois à travers les débats des personnages. En revanche, il essaie de capturer une
ambiance éthérée, légendaire, parfois mystérieuse dans l’Histoire de l’ancienne Chine.
Cette manière correspond en effet à la recherche de l’Histoire sur la scène de théâtre
de l’époque. Dans une analyse du théâtre du XIXe siècle, Jean-Marie Thomasseau résume l’
« enchâssement » scénique des années 1830, par lequel on « transmue l’histoire en un récit
pittoresque et descriptif privé le plus souvent de méditation sereine sur l’homme. À la place,
s’épanouit une perception sensible et esthétisante de l’Histoire »19. Ceci explique la rupture
entre l’exactitude du sinologue (comme l’exigence linguistique de la traduction de Stanislas
Julien) et l’atmosphère historique que poursuivent les dramaturges comme Louis Henry.
Pour l’écrivain-journaliste Charles Rabou (1803-1871), l’adaptation de Louis Henry
12
J. T., La Quotidienne, le 20 octobre 1834.
13
Anonyme, Courrier des théâtres, le 21 octobre 1834.
14
Jean-Marie Thomasseau, Le Mélodrame, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1984, pp. 26-40.
15
« Mélodramatique », ce qui « produit un effet d’exagération et d’outrance du sentiment dans le style, le jeu des
comédiens ou la mise en scène ». Nous nous appuyons sur la définition de Patrice Pavis, in Dictionnaire du
théâtre, Paris, Armand Colin, 2004, p. 201.
16
Peter Brooks, The Melodramatic Imagination, New Haven et Londres, Yale University Press, 1995, pp. 208, et
217.
17
Anonyme, Le Corsaire, le 18 octobre 1834.
18
Anonyme, « Butin », Le Corsaire, le 1er et 2 novembre 1834.
19
Jean-Marie Thomasseau, « Le Théâtre et la mise en scène au XIXe siècle », in Patrick Berthier et Michel
Jarrety (dir.), Histoire littéraire de la France, Paris, PUF, 2006, p. 181.
134
traduit en fait un « magotisme »20. Ceci dit, tous les mœurs et l’intérêt, l’originalité ou le
grotesque, sont toutefois recelés dans une imagination poétique et créatrice. Pour lui, le texte
d’une telle pièce historique sert uniquement à encadrer « une foule de divertissements
ingénieux, nouveaux, et aussi spirituellement composés qu’heureusement inventés ».
En raison de ce « magotisme », les spectateurs se souviennent de la scène rêveuse plus
que de la morale à l’œuvre dans la vengeance du prince Chao-Kang. Jacques-Joseph
Moreau – le premier physicien qui se consacre à la recherche de la fonction de la drogue sur
le système nerveux central – associe l’hallucination extrême générée par sa consommation du
haschich à son souvenir de la représentation de Chao-Kang21. Le haschich lui fait entrevoir à
nouveau les lanternes qui « marchaient, dansaient, s’agitaient sans cesse » et qu’il avait vues
jadis dans la représentation de la salle Ventadour. Ce témoignage prouve, sous un angle
différent, que Chao-Kang ne cherche jamais à représenter les fais réels de l’Histoire chinoise,
mais à « transmuer » l’Histoire chinoise en un récit pittoresque et à créer une expérience
éthérée.
20
Charles Rabou, Journal de Paris, le 19 octobre 1834.
21
Jacques-Joseph Moreau (de Tours), Du Hachisch et de l’aliénation mentale : étude psychologique, Paris,
Éditions Fortin, Masson et Cie, 1845, pp. 17-18.
22
Anonyme, L’Entr’acte, le 17 octobre 1834.
23
Alfred Des Essarts, Journal des demoiselles, le 15 décembre 1834.
24
Anonyme, Le Corsaire, le 18 octobre 1834.
135
d’eaux 25 . Un contemporain d’Henry note cette curiosité du « spécimen des ressources
aquatiques »26. J. Moynet constate en outre qu’« un aquarium avec jet d’eau occupait le centre
d’un intérieur chinois des plus élégants », ce qui permettait de voir les poissons et l’eau les
plus « naturels »27. Les effets d’eaux sont incontestablement un succès. Dans Au rideau, ou
les singeries dramatiques, « revue prologue » de l’année 1834 du Cirque-Olympique, deux
chinois muets apportent un baquet rempli d’eau et le placent au milieu du théâtre. Sur le
baquet est écrit : Privilège.
Cependant, pourquoi installe-t-on la scène chinoise dans un hydrorama ? Une
observation mérite l’attention : elle porte sur la représentation chinoise en Chine. En 1823,
l’Almanach des spectacles publie un témoignage sur le théâtre chinois. L’auteur mentionne un
spectacle qu’il a vu en Chine, intitulé Le Mariage de l’Océan et de la Terre, « joué récemment
à Pékin avec le plus grand succès ». Dans ce spectacle, « la Terre vient d’abord étaler ses
richesses et ses diverses productions », puis l’Océan verse sur le théâtre tous les animaux
maritimes. Après plusieurs défilés, une baleine « vomit, dans le parterre, sept ou huit tonnes
d’eau qui disparaissent de suite à travers le plancher, mais toutefois après avoir, bien et
dûment, inondé les assistants... et chacun de s’écrier : c’est charmant ! délicieux ! »28.
En fait, le titre du Mariage de l’Océan et de la Terre se trouvait déjà évoqué dans le
journal de Sir George Thomas Staunton29, fils de George Leonard Staunton, secrétaire de Lord
George Macartney pour la mission chinoise entre 1792 et 1794. Sir John Barrow, attaché à la
délégation, remarque également les détails de cette pantomime chinoise. La traduction de Jean
Henri Castéra, publiée en 180530, nous permet de croire qu’elle est la source de l’Almanach de
1823. Le témoignage de la pantomime chinoise est abondamment diffusé, cité voire réécrit
dans la presse de l’époque. Dans un article publié en 1828 dans Le Mercure de France au dix-
neuvième siècle, l’auteur exprime la même curiosité à l’égard des effets d’eaux du théâtre
chinois 31 . Dans tous les genres, ou presque, d’écrits sur le théâtre chinois – Histoire du
théâtre 32 , manuel de comédien 33 , encyclopédie 34 , récits des aventuriers 35 – ce spectacle
25
Patrick Berthier, « Une expérience sans lendemain : Théâtre Nautique (1834) », op. cit., p. 19.
26
De Rouvières, Histoires des théâtres et des lieux d’amusants, Paris, Librairie des étrangers, ca. 1830-1840, p.
43.
27
J. Moynet, L’Envers du théâtre : machines et décorations, Paris, Hachette, 1873, pp. 233-234.
28
Almanach des Spectacles, par K. Y. Z. (Adolphe Loève-Veimars), Paris, Louis Janet, 1823, pp. 10-12.
29
Sir George Staunton, « L’Ambassade anglaise arrive auprès de l’empereur de la Chine, en Tartarie, dans le
palais où ce prince fait sa résidence pendant l’été » (Chapitre XVII), in Voyage dans l’intérieur dans la Chine et
en Tartarie, fait dans les années 1792, 1793 et 1794, par Lord Macartney, tome III. Traduit de l’anglais, avec des
notes, par Jean Henri Castéra, Paris, F. Buisson, 1798, p. 126.
30
John Barrow, Travels in China, Philadelphia, W. F. McLaughlin, 1805, p. 137. Pour la version française, voir
Jean Henri Castéra (trad.), Voyage en Chine, formant le complément du voyage de lord Macartney, Paris, F.
Buisson, an XIII (1805), tome I, pp. 341-342.
31
« Théâtre chinois », Le Mercure de France au dix-neuvième siècle, tome 23, 1828, pp. 517-519.
32
Castil-Blaze, « Prélude », Théâtre lyrique de Paris : l’Opéra-Italien de 1548 à 1856, Paris, Castil-Blaze, 1856,
pp. 40-41.
33
Aristippe-Félix Bernier de Maligny, « Théâtre chinois » (notes de M. Rochette), Théorie de l’art du comédien,
ou Manuel théâtral, Paris, A. Leroux, 1826, pp. 524-526.
34
Article « Chinoise (langue et littérature) », in Artaud Montor (dir.), Encyclopédie des gens du monde,
répertoire universel des sciences, des lettres et des arts, tome 5, Paris, Treuttel et Würtz, 1835.
35
Jules-Sébastien-César Dumont d’Urville et Louis Reybaud, Voyage pittoresque autour du monde, résumé
général des voyages de découvertes, tome 1, Paris, L. Tenré, 1834, p. 328.
136
devient l’exemple le plus important pour illustrer les effets spéciaux du théâtre chinois. On
pourra même retrouver ce spectacle chinois dans le récit de voyage d’un diplomate français
publié dans les années 186036. Probablement, Chao-Kang s’inspire de ces effets d’eaux du
théâtre chinois : Louis Henry tente non seulement de créer sur la scène une Chine magnifique.
De plus, il veut qu’on la crée à la hauteur du théâtre chinois.
36
Achille Poussielgue, Voyage en Chine et en Mongolie de M. de Bourboulon, ministre de France, et de Madame
de Bourboulon, 1860-1861, Paris, Hachette, 1866. Il s’agit de deux pièces chinoises : le mariage de la terre et
l’océan, et la conquête de la Chine par les Tartares.
37
Jules Janin, Journal de débats, le 20 octobre 1834.
38
Ed. M., Le Courrier, le 18 octobre 1834.
39
Y., Le Constitutionnel, le 19 octobre 1834.
40
Anonyme, Gazette des théâtres, le 19 octobre 1834.
41
P., Le Monde universel, le 20 octobre 1834.
42
Anonyme, L’Entr’acte, le 17 octobre 1834.
137
Nautique démontrent l’exactitude du caractère chinois à travers les costumes. Selon Le Figaro,
la « chinoiserie » des « jouissances infinies » s’inscrit dans « ces robes de brocard,
étincelantes de lézards, de griffons et de crapauds d’or, ces bonnets ronds, pointus, carrés, ces
plumes de paon étoilées comme le firmament » 43 . Le Journal des demoiselles note « les
femmes qui courent avec des rubans de trente pieds de long »44. Les gravures publiées chez
Martinet nous permettent d’imaginer ces chinoiseries (fig. 3.01a-f).
L’historienne américaine Marian Hannah Winter remarque que les costumes de Chao-
Kang et les gravures de Martinet s’inspirent des illustrations de l’Abrégé de l’Histoire
générale des voyages de Jean-François de La Harpe45 , dont les gravures sont conçues par
Bénard. En fait, ces gravures sont disponibles sous forme d’album dans une édition de 178046.
L’œuvre de La Harpe est ensuite complétée par Victor Delpuech de Comeiras, et publiée de
nouveau chez Moutardier entre 1803 et 1804 47 . Des gravures concernant la Chine sont
disséminées dans les sixième, septième et huitième tomes. Les gravures de Bénard s’appuient-
elles sur de nouvelles observations de son époque ? Probablement que non. En effet, elles sont
principalement réalisées d’après les œuvres du Père Du Halde et de Johan Nieuhof. Ce dernier
était un voyageur hollandais du XVIIe siècle, qui voyagea en Chine entre 1655 et 1657. Les
données iconographiques que nous avons examinées dans le premier chapitre renvoient
souvent aux observations de cette même époque.
Dans les gravures de Chao-Kang, nous découvrons pourtant quelques évolutions qui
les distinguent des œuvres de Bénard. La plus remarquée est la tresse des rôles masculins, qui
ne se trouvait pas dans les gravures de Martinet qu’on a abordées dans le deuxième chapitre.
Censée aujourd’hui être un symbole du Chinois, la tresse n’existait pas chez les Chinois avant
la dynastie des Qing (1644-1911) qui fut fondée par les Mandchous. Les gravures de Chao-
Kang traduisent assez fidèlement les mœurs chinoises des XVIIIe et XIXe siècle.
Paradoxalement, l’histoire de Chao-Kang ne se passe pas pendant la dynastie des Qing.
Elle remonte aux Hia, quand la tresse ne faisait pas encore partie de l’habit des Chinois. Cette
confusion historique exprime encore une fois l’aspiration à l’ « exactitude » et ses limites dans
la représentation des usages chinois. Quant aux gravures des rôles féminins, la coiffure garnie
de fleurs et la décoration de clochettes sont déjà une convention pour les spectacles chinois.
Le dessinateur n’oublie pas de faire surélever les extrémités des babouches de tous les
personnages. Marian Winter constate que les rôles féminins de Chao-Kang sont interprétés
par des hommes travestis, que les femmes « se servent du maquillage et des accessoires
stylisés qui sont véritablement ceux du théâtre chinois ». Cependant, ni le livret ni les
critiques contemporains ne nous expliquent leur emploi.
43
Anonyme, Le Figaro, le 18 octobre 1834.
44
Alfred Des Essarts, Journal des demoiselles, le 15 décembre 1834.
45
Marian Hannah Winter, op. cit., pp. 136-137.
46
Jean-François de La Harpe, Abrégé de l’histoire générale des voyages, illustrations gravées par Bénard, Paris,
Hôtel de Thou, 1780.
47
Vito Castiglione Minischetti, Giovanni Dotoli, et Roger Musnik (dir.), Bibliographie du voyage français en
Italie du Moyen Âge à 1914, vol. 3, Paris, Presses Paris Sorbonne, 2002, p. 92.
138
III. 1. (2). (d) Le « geste chinois » emprunté au théâtre des Chinois
Nous avons signalé plus haut l’emploi des gestes dans une « pantomime
mélodramatique » comme Chao-Kang. Louis Henry est pourtant conscient de la difficulté et
de l’ambigüité que créent les gestes chinois. Dans la partie « au public » du livret de Chao-
Kang, ce dramaturge franco-italien avoue qu’ « un court monologue en poésie peut facilement
expliquer une action passée des plus compliquées, tandis que mille gestes ne feraient
qu’embrouiller le sujet sans y rien faire comprendre ». Henry s’explique en donnant deux
exemples qui symbolisent les Chinois. Pour indiquer la « couronne impériale » ou l’empereur,
dit Henry, le geste est « celui où les mimes ceindront avec leur main le tour de leur front, pour
marquer la place du diadème ». Le geste de « cinq moustaches » désigne « le Gouverneur, qui
en porte un nombre égal ». Henry croyait que les spectateurs arriveraient à comprendre les
gestes de convention, « si on leur en donnait une faible explication ».
Toujours dans la rubrique « au public », Henry exprime l’aspiration à retrouver l’esprit
de la pantomime de l’époque romaine. Mais cette « convention » romaine s’applique-t-elle au
Chinois ? S’il n’existe pas de convention portant sur le personnage chinois dans la pantomime
européenne, comment peut-on monter une manière chinoise compréhensible à l’aide d’une
« faible explication » ? L’expérience d’Henry ne peut être satisfaisante. Un critique
s’interroge ainsi : « Comment désigne-t-on cinq moustaches, avec cinq doigts, qui
représentent tout aussi bien cinq perruques ou cinq autre unités capillaires ? et d’ailleurs,
comment a-t-on cinq moustaches, surtout en Chine, où je n’ai jamais compris seulement
qu’on en eût deux déjà si démesurément longues ? »48 Cette observation tirée de la Revue de
Paris constate clairement l’impossibilité de représenter les Chinois par les « gestes chinois ».
Elle souligne d’ailleurs l’imagination du public à l’égard du Chinois, qui ne garde que deux
moustaches au lieu d’une barbe.
Il nous semble que l’idée des « gestes chinois » vient du théâtre chinois et non du
théâtre romain, bien que l’auteur n’en parle jamais. Pour aborder ce sujet, il faut réexaminer la
connaissance du théâtre chinois que l’on avait à cette époque.
En 1817, les lecteurs anglais découvrent la comédie chinoise intitulée Laou-Seng-Urh,
or An Heir in His Old Age, traduite par John Francis Davis, ancien employé de l’East India
Company à Canton. Grâce à son séjour en Chine, ce futur sinologue rédige une étude sur
l’Histoire et la représentation du théâtre chinois qui est publiée avec la comédie de Laou-
Seng-Urh. Étant donné que la Chine n’est pas ouverte à tous les étrangers, le rapport de Davis
devient un rare témoignage contemporain à propos du théâtre chinois. L’œuvre de Davis est
traduite en français par A. Bruguière de Sorsum et publiée en 1819, sous le titre de Lao-Seng-
Eul, « Un vieillard qui obtient un fils ». Cette publication française contient aussi l’étude sur
le théâtre chinois.
Cette étude explique aux lecteurs le jeu symbolique du théâtre chinois, alors une
curiosité pour les Européens. Selon Davis, « lorsqu’un général reçoit l’ordre de mener une
expédition vers une province éloignée, il monte à cheval sur un bâton, agite un fouet, ou saisit
les courroies d’une bride, […] » ; « s’il faut donner l’assaut aux murs d’une ville, trois ou
48
L. G., Revue de Paris, nouvelle série, tome 10, livraison du 19 octobre 1834, p. 217.
139
quatre soldats se couchent l’un sur l’autre pour représenter le rempart »49. Avant la publication
française de Lao-Seng-Eul, le sinologue Abel-Rémusat a lu la traduction de Davis, et
énumérait les faits du théâtre chinois qui lui sont moins connus, y compris le jeu symbolique50.
Pour qui n’a jamais vu la représentation du théâtre chinois, la description de Davis pourrait
rappeler la pantomime qui s’achève avec les gestes. Si Louis Henry explore les sources
historiques et les effets scéniques créés par les Chinois, pourrait-il s’inspirer également du jeu
d’acteur chinois qui met en valeur de gestes ?
À cet égard, la représentation de Chao-Kang n’est pas simplement une reproduction de
jolies décorations chinoises. À travers l’adaptation de l’Histoire chinoise, elle tente de créer
une forme théâtrale de l’esprit chinois. On pourrait même dire qu’elle est un hommage rendu
à la Chine conçu sous la forme du théâtre. Malheureusement, le succès de Chao-Kang est
éphémère. Le 24 janvier 1835, la soixante-troisième et dernière représentation de Chao-Kang
annonce la clôture définitive du Théâtre Nautique51. La recherche et la traduction du théâtre
chinois se développent au long du XIXe siècle mais les spectacles d’après l’Histoire chinoise
restent rares.
Examinons à présent une autre pièce historique, qui est une adaptation libre de
l’Histoire chinoise.
49
A. Bruguière de Sorsum (trad.), Lao-Seng-Eul, Paris, chez Rey et Gravier, 1819, pp. 12-13.
50
Jean-Pierre Abel-Rémusat, « Laou-Seng-Urh, or, An Heir in His Old Age », Journal des savants, janvier 1818,
p. 29.
51
Patrick Berthier, « Une expérience sans lendemain : Théâtre Nautique (1834) », in Revue d’Histoire du théâtre,
2000, p. 29 et p. 46. Voir aussi Albert Soubies, Une première par jour, causeries sur le théâtre, Paris, A. Dupret,
1888, p. 184.
140
jusqu’au pédantisme » qui écrit le nom comme « D’Genguiz-Kan » 52 . Théophile Gautier
avoue la confusion provenant de la ressemblance entre « Gengis-Khan » et « D’jenguiz-
Khan »53. Moniteur universel propose qu’on respecte l’orthographe du dictionnaire de Louis-
Mathieu Langlès en l’écrivant comme « Djenguyz-Khan »54. La Gazette des théâtres et La
Quotidienne suggèrent d’ailleurs diverses orthographes du nom de ce héros sino-tartare. Et
dans l’œuvre encyclopédique de Pauthier, le nom s’écrit comme Tchinggis-Khan.
Apparemment, le titre seul suffit à susciter la curiosité des contemporains. Cette anecdote
prouve également que Gengis Khan est sans doute le personnage chinois le plus familier du
public français.
52
Jules Janin, Journal des débats, le 2 octobre 1837.
53
Théophile Gautier, La Presse, le 9 octobre 1837.
54
Anonyme, Moniteur universel, le 3 octobre 1837.
141
du trône chinois.
À l’époque médiévale, Marco Polo rencontra Kubilaï-Khan à Khanbalik, la « grande
ville » connue comme l’est Pékin aujourd’hui. Ce chef des Tartares, petit-fils de Gengis-Khan,
régna effectivement sur le peuple chinois. Malgré des révoltes à petite échelle, le pays fut
stable et riche. Marco Polo put ainsi témoigner des merveilles orientales. Pourtant, le
« retour » de Marco Polo au Cirque-Olympique donne aux spectateurs un nouveau regard. La
Chine peut être charmante au tout début, mais elle devient dangereuse à la fin.
Ce point de vue fait écho à l’Histoire chinoise plus récente. Depuis le règne des
Mandchous au milieu du XVIIe siècle, les missionnaires et les nouveaux aventuriers étaient
fascinés par la richesse de l’Empire chinois. Comme Marco Polo, les Jésuites ramenaient en
Europe les messages de l’Empire. Pourtant, à partir des années 1720, les empereurs
xénophobes renvoient les Européens vers leur continent. Tandis que Kubilaï-Khan avait
permis à Marco Polo de connaître la Chine, les empereurs mandchous considèrent les
Occidentaux comme une menace potentielle. Parallèlement, si le Gengis-Khan de L’Orphelin
de la Chine est un chef dompté par les mœurs chinoises, le Dgenguiz-Kan du Cirque-
Olympique – avatar des Mandchous envahisseurs – n’est qu’un conquérant vandale.
Le drame du Cirque-Olympique est donc une allusion à la relation actuelle sino-
européenne. L’adaptation de l’Histoire s’avère arbitraire mais suggestive. Suite à l’évasion
d’Elmaï et Idamé, celles qui charmaient les Européens se réfugient désormais en Europe. La
Chine est dévastée et occupée par les barbares qui interrompent les dialogues avec les
Occidentaux. La représentation de Dgenguiz-Kan semble prédire la guerre sino-anglaise qui
éclatera en 1839. Le retour des Européens en Chine n’est pas une conquête, mais un acte de
pacification contre le vandalisme.
142
5). Elle reproche le traité de trêve accepté par son mari, et l’appelle « la paix honteuse,
incertaine » (Acte I, tableau ii, sc. 7). Lorsque le cadavre de Tschongaï arrive à Pékin, Elmaï
réunit le peuple, et prononce un long discours patriotique : « Est-ce que le désespoir a
remplacé la colère dans vos cœurs ? Regardez-moi ! il n’y a plus de larmes dans mes yeux !
écoutez-moi !... il n’y a plus de sanglots dans ma voix... […] Ce ne sont plus des larmes que je
dois... c’est du sang ! ce n’est plus la douleur qui remplit mon cœur, c’est la haine ! […] car,
femmes, vieillards, enfants, tout sera soldat... Ne désespérez pas de l’empire : une armée perd
et gagne des batailles ; mais le peuple, quand il se lève, sauve toujours la patrie !... » (Acte III,
tableau ii, sc. 4). Par rapport à la lâcheté de l’empereur, en l’impératrice Elmaï se résument la
bravoure et la dignité de la Chinoise.
En marge de la famille royale, les Chinois ordinaires ne sont pas absents de la
représentation. Ils ont essentiellement un caractère comique et habitent dans un pays de
curiosité. À travers les observations de Landry, les spectateurs explorent les coutumes des
magots. Ce Parisien issue d’une famille modeste, égaré et séparé de son maître Marco Polo
pendant le voyage, a été acheté par un mandarin chinois. Dans ce pays de « conte de fées »,
Landry est chargé du « service de vingt mille petits vers chinois » et doit « faire danser une
mandarine chinoise » (Acte I, tableau ii, sc. 3). Son nouveau maître nommé Papouf est décrit
comme « une boule de beurre habillée de soie et coiffée d’une queue ». Papouf « passe sa vie
à élever des vers à soie », et Landry passe tout son temps « à boire du thé, à manger du riz et à
dormir ».
La vie chinoise est tranquille et le rythme chinois n’est jamais pressé. C’est un sujet
populaire dans les œuvres de chinoiserie du XVIIIe siècle. Pour les gens du XIXe siècle, une
telle vie sans évolution ressemble à une dégradation. C’est pourquoi Marco Polo, lorsqu’il
retrouve Landry par hasard, estime que ce valet est devenu un « esclave ». En revanche,
Landry méprise la liberté dont parle Marco Polo, lui répondant : « La liberté me fatiguait
beaucoup. […] l’esclavage convient beaucoup mieux à ma santé. […] Si la liberté est le
bonheur, l’esclavage est le bien-être : avec l’une il faut toujours courir, avec l’autre on reste en
place ; […] je suis décidé à rester en Chine. C’est le paradis du paresseux. » À la fin du
dialogue entre Landry et Marco Polo, le valet résume : « la Chine est un pays très vieux et qui
n’a jamais changé : il paraît qu’il est venu au monde comme il est... Chaque ville est une
fourmilière ». Cet éloge non moins ironique évoque une Chine en décadence. Dans cette
grande fourmilière, l’intelligence est paralysée.
Pour la première fois, dans une pièce de théâtre, on compare la population énorme des
Chinois à une fourmilière. En fait, à partir de la Première Guerre de l’Opium, on verra se
répandre une telle comparaison dans le discours du public. L’ingénieur-sinologue Édouard
Biot, par exemple, indiquera que la Chine est « remplie d’une population qui semble née pour
travailler comme les fourmis ouvrières d’une fourmilière »55 . Jusque dans « Ville la nuit »
(1896), nouvelle de Paul Claudel, on peut retrouver la métaphore de la fourmilière, par
laquelle Claudel désigne une ville chinoise trouée comme Shanghai56. Dans le domaine du
55
Édouard Biot, « Nouvelles et mélanges : note sur la guerre entre l’Angleterre et la Chine », Journal asiatique,
janvier 1841, p. 95.
56
Jonathan D. Spence, La Chine imaginaire : la Chine vue par les Occidentaux, de Marco Polo à nos jours,
143
théâtre, Anicet-Bourgeois est le premier qui emploie cette métaphore.
Les reproches de Marco Polo visent son valet, et non simplement les Chinois. En
raison de ses sentiments pour Idamé, Marco Polo s’apprête aussi à combattre contre les
Tartares, criant avec la proclamation de Elmaï : « La patrie d’Idamé est devenue la mienne ;
donnez-moi donc des armes ! je veux vivre à présent pour venger votre fille ! » (Acte III,
tableau ii, sc. 4) À la fin de la représentation, c’est aussi le Vénitien converti qui accueille les
réfugiés chinois. Si la Chine est un pays en décadence dans l’intrigue de Dgenguiz-Kan, la
conclusion de cette pièce semble nous donner un espoir, quoiqu’implicite, pour la restauration
de cet empire jadis brillant.
III. 1. (3). (c) La fabrication des effets visuels : les détails et le grand spectacle
Les spectateurs contemporains ne prennent pas toujours au sérieux les thèses
contenues dans le texte. Le Courrier résume le principe du Cirque-Olympique, et arrive à la
conclusion que « le poème est l’accessoire ; les acteurs sont l’accessoire de l’accessoire ; les
décorations, les danses, les batailles seront toujours le principal » 57 . La représentation de
Dgenguiz-Kan met en valeur les effets visuels et la diversité des costumes (chinois, tartare,
français, vénitien), et non simplement l’écriture de l’Histoire. Les effets pittoresques et
panoramiques concoururent à capturer l’ambiance historique, parfois au détriment de la
précision de l’Histoire.
La librairie Martinet publie la gravure du costume d’Idamé et celle du mandarin
Hiaotsong (fig. 3.04a-b). Les deux figures se distinguent par les manches larges et les
babouches dont les extrémités sont pointues et remontées. Les plumes de paon et le collier
suggèrent le statut du mandarin, tandis que les boucles d’oreilles font penser aux coutumes
turques. Pour le public, le mélange des styles reste inaperçu. Darthenay constate que le
spectacle est « aussi érudit qu’un membre de la Société asiatique », « jusque dans les
moindres détails »58.
Les décors conçus par Philastre et Cambon représentent le palais impérial, la place
publique, l’intérieur de la pagode, la maison du mandarin ainsi que la tente tartare. Théophile
Gautier décrit en détails tous les décors59. À travers sa description poétique et exhaustive, on
voit paraître les « maisons peintes et vernissées aux combles recourbés comme une pantoufle
de mandarin et portant à leurs angles des œufs d’autruche ou des clochettes d’argent », les
« tours de porcelaine fine à dessins blancs et bleus, dont chaque étage est marqué par des toits
semblables à des parapluies retournés dans un grand vent », les « ponts en forme de dragons »,
etc. S’appuyant sur sa connaissance érudite, Gautier compare également le décor du Cirque-
Olympique à la peinture chinoise, qui ne se soucie jamais de la perspective et de la proportion
de la composition.
traduit de l’anglais par Bernard Olivier, Les Presses de l’Université de Montréal, 2000, p. 169. La nouvelle
« Ville la nuit » se retrouve dans le recueil Connaissance de l’Est (1895-1905).
57
Ed. M., Le Courrier, le 2 octobre 1837.
58
Darthenay, Gazette des théâtres, le 5 octobre 1837.
59
La Presse, le 9 octobre 1837. Ce même article est recueilli dans Histoire de l’art dramatique en France depuis
vingt-cinq ans, vol. 1, Paris, Hetzel, 1858, pp. 44-47.
144
La description de Gautier nous permet de croire en l’utilisation des effets d’eaux dans
Dgenguiz-Kan. Dans le troisième acte, Gautier aperçoit « une toile blonde, lumineuse, aérée,
comparable aux plus belles du Diorama ; ses eaux toutes chargées de jonques aux voiles de
bambou sont d’une transparence et d’une limpidité charmantes ; […] on dirait une Venise
chinoise, un Canaletto sur porcelaine. » Ces effets d’eaux rappellent d’une part l’invention de
Chao-Kang, et d’une autre, le Grand Canal nord-sud dont parle Marco Polo dans son récit de
voyage. Si ce canal extraordinaire marque l’esprit du public, c’est le développement de la
technique scénique qui permet de réaliser ce concept. En somme, les décorations chinoises et
le « grand spectacle » font du drame du Cirque-Olympique un art « d’une manière aussi fine
et aussi distinguée » : il s’accomplit avec un « soin consciencieux dans les détails » et de
« grandes dépenses dans l’ensemble »60.
60
Y., Le Constitutionnel, le 2 octobre 1837.
61
Nous employons le terme de Marie-Antoinette Allevy, La Mise en scène en France dans la première moitié du
dix-neuvième siècle, [Paris, E. Droz, 1938,] Genève, Slatkine, 1976, p. 115. Dans le chapitre des « Metteurs en
scène », une partie est consacrée à Ferdinand Laloue. Mais Allevy n’analyse pas la mise en scène de Dgenguiz-
Kan.
62
Bernard Dort, « Condition sociologique de la mise en scène théâtrale », Théâtre réel : essai de critique 1967-
1970, Paris, Seuil, 1971, p. 51.
63
Patrice Pavis, La Mise en scène contemporaine : origines, tendances, perspectives, Paris, Armand Colin, 2007,
pp. 13. Alice Folco précise que le terme « mise en scène » est apparu pour la première fois dans une note
concernant les frais de décorations à payer pour l’opéra Les Mystères d’Isis, en 1800 (voir Bénédicte Boisson,
Alice Folco et Ariane Martinez, La Mise en scène théâtrale de 1800 à nos jours, Paris, PUF, 2010, pp. 15-16).
64
Roxane Martin, « L’Apparition des termes “mise en scène” et “metteur en scène” dans le vocabulaire
dramatique français », in Mara Fazio et Pierre Frantz (dir.), La Fabrique du théâtre avant la mise en scène
(1650-1880), Paris, Desjonquères, 2010, pp. 26-27.
65
Barry Daniels, « La Mise en scène et les décors dans la première moitié du XIXe siècle », in Le Décor de
théâtre à l’époque romantique : catalogue raisonné des décors de la Comédie-Française, 1799-1848, Paris, BnF,
2003, p. 34.
145
exhaustive de costumes, laissait à peine concevoir les traits de la « mise en scène ». Dans la
représentation de Koulouf, les installations de l’Opéra-Comique permettaient de créer les
effets scéniques de plusieurs plans. La chasse aux soldats chinois et la peine de mort qui se
passent simultanément nous semblent constituer un pas vers la « mise » en scène. Cependant,
si quelques objets symboliques suffisent à représenter la scène chinoise, ces décorations « à la
chinoise » ne construisent pas une « scène » d’ensemble sur le plateau. Dans le cas de
Dgenguiz-Kan, le terme « mise en scène » se réfère à l’intermédiaire entre les jeux équestres
et le déroulement de l’intrigue. Si le Moniteur universel apprécie la mise en scène « adroite,
ingénieuse, souvent dramatique »66, c’est parce que Laloue y compose une scène cohérente,
au lieu de bribes décousues, avec une tonalité continue tout au long de cette histoire.
En ce qui concerne le texte, les dramaturges de l’époque écrivent en pensant à la
« mise en scène ». Anne Ubersfeld nous rappelle la théâtralité dans l’écriture de Victor Hugo
en termes de « travail de la scène »67. Jean-Marie Thomasseau énumère des procédés textuels
et scéniques crées par les dramaturges pour la réalisation visuelle du texte écrit. Il souligne
l’utilisation des didascalies : « la pratique d’une écriture didascalique de plus en plus fournie »
est destinée à « prolonger ses effets, [...], par l’édition à bon marché de livrets de mise en
scène vendus à la porte des théâtres ou de textes publiés dans des revues et donnant le détail
du déroulement scénique »68. Auguste Anicet-Bourgeois n’ignore pas ce courant de l’écriture
de « mise en scène ». D’une manière exhaustive, il tente de rendre « visible » jusqu’au bout
tous les détails des mouvements et des actions des personnages. Deux extraits tirés de
Dgenguiz-Kan suffisent à démontrer l’effet de la « mise en scène » créé par les didascalies
sous la plume d’Anicet-Bourgeois.
(Extrait 1) : Idamé, suivie de ses sœurs, des mandarins et des esclaves, descend les degrés du
palais, et sort par la gauche. Le mandarin intendant rentre au palais. A peine Idamé est-elle
éloignée, qu’on voit paraître une espèce de chaise à porteurs, soulevée par deux esclaves. A la
portière de droite, marche Landry en costume chinois, et agitant un vaste éventail ; de l’autre
côté, un esclave portant un grand parasol. Dans la chaise à porteurs on aperçoit un énorme
mandarin. Arrivée devant le palais, la chaise à porteurs s’arrête ; un des esclaves va frapper
avec son front une des marches du vestibule ; un officier des gardes paraît. (Acte I, tableau ii,
sc. 1)
(Extrait 2) : Pendant qu’on amène les chevaux de Dgengiz-Kan et de Yelu, on a amené le
palanquin dans lequel on place Idamé. Dgengiz-Kan, après avoir fait un signe d’adieu à Marco,
s’éloigne suivi des siens, et Marco part du côté opposé avec le palanquin porté par les
guerriers. Les rideaux se referment un moment pour disparaître ensuite ainsi que la tente. On
voit alors le champ de bataille dans tout son désordre : les cavaliers qui se frappent de leurs
épées et de leurs torches, les machines de guerre qui lancent des pierres et les canons grossiers
des Chinois qui éclatent. Les combattants s’éloignent un moment et laissent le terrain libre. On
66
P., Le Moniteur universel, le 3 octobre 1837.
67
Anne Ubersfeld, « Présentation », in Victor Hugo, Œuvres complètes : Théâtre I, Paris, Robert Laffont, 1985,
pp. xii-xiii. S’appuyant sur le point de vue d’Ubersfeld, Florence Godeau attribue la première « mise en scène »
à Lucrèce Borgia, de Victor Hugo lui-même. Voir Florence Godeau, « Banquets fatals : Thyeste de Sénèque et
Lucrèce Borgia de Victor Hugo », in Alain Montandon (dir.), L’Hospitalité au théâtre, Clermont-Ferrand,
Presses universitaires Blaise-Pascal, 2003, p. 83.
68
Jean-Marie Thomasseau, « Le Théâtre et la mise en scène au XIXe siècle », op. cit., p. 177.
146
voit paraître Papouf armé jusqu’aux dents, courant aussi vite que le lui permet son
embonpoint. (Acte II, tableau ii, sc. 7)
Ces deux citations nous permettent de saisir le « détail du déroulement scénique » et,
comme le signale Jean-Marie Thomasseau, de « prolonger des effets » sur scène. Si les
didascalies de Dgenguiz-Kan se focalisent parfois sur les choses anodines et minutieuses, il
faut rappeler que ce sont souvent les détails qui rendent possible la reconstitution de l’Histoire.
En outre, à la différence du livret de Chao-Kang qui souligne les sentiments nuancés des
personnages, le livret de Dgenguiz-Kan ne se livre pas à la description des émotions
intérieures. Il cherche à capturer les actions sur scène, à extérioriser les conflits
psychologiques des personnages à travers les indications applicables au jeu des acteurs, et
même à confronter les lecteurs à la tension représentée au théâtre. Sylviane Robardey-
Eppstein signale donc la valeur de la « liste numérotée » (Tableau ii, sc. 3) dans les
didascalies de Dgenguiz-Kan, qui « donne une idée de l’approche scénique parfaitement
réglée et de la construction dynamique du tableau vivant »69. Du texte à la représentation, la
Chine dans Dgenguiz-Kan n’est pas absente du courant des essais de la « mise en scène » des
années 1830. En effet, la « mise en Chine » fournit aux artistes un corpus permettant
d’explorer la possibilité de visualiser les écritures historiques.
69
Sylviane Robardey-Eppstein, « Ferdinand Laloue, “peintre à la manière large” au Cirque-Olympique (1827-
1841) », in Mara Fazio et Pierre Frantz (dir.), La Fabrique du théâtre avant la mise en scène (1650-1880), Paris,
Desjonquères, 2010, p. 359.
70
Paul-Yves Sébillot, Folklore et curiosités du vieux Paris, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002, p. 60.
71
Sur ce point, voir Patrick Berthier, La Presse littéraire et dramatique au début de la Monarchie de Juillet
147
de chinoiser l’histoire de Koulikan (Gaîté, 1813), s’inspire cette fois-ci des contes des Mille et
une nuits. Herbert Schneider indique que cet opéra-féerie de Scribe s’inspire du conte des
« Sept fils de calenders » des Mille et une nuits72. À notre connaissance, cependant, l’histoire
du Cheval de bronze se rapproche du conte de « la Corbeille ». Tandis que le conte de la
Corbeille n’existe pas dans la première traduction française des Mille et une nuits (1704-1717)
achevée par Antoine Galland, il se trouve plus tard dans les Contes orientaux (publié à La
Haye, 1743) d’Anne Claude comte de Caylus. Archéologue reconnu à son époque, Caylus
prétend que son travail s’appuie sur des manuscrits inédits. Désormais, le conte de « la
Corbeille » fait donc partie de la publication courante des Mille et une nuits (534e-544e
nuits) 73 . Auguste Loiseleur Deslongchamps constate que l’opéra-comique du Cheval de
bronze est emprunté à l’histoire de la Corbeille74. Édouard Fournier soutient cette opinion75.
Le conte de « la Corbeille » raconte l’histoire du prince Kemseraï qui, ayant aperçu la
beauté de la princesse Zoulouch pendant son voyage en Chine, tombe amoureux et malade.
Zahidé, sœur de Kemseraï, se déguise en homme et se rend à la ville chinoise de Medhouchan
afin de trouver la cause de la mélancolie de son frère. À Medhouchan, tous les Chinois sont
aussi tristes que Kemseraï, parce qu’ils ont vu la belle princesse qui habite dans un jardin
céleste. À l’aide de la corbeille magique qui se trouve sur la place publique de la ville, Zahidé
arrive dans le jardin merveilleux. L’odalisque Mouna s’éprend du faux prince Zahidé et lui
confie le secret de ce royaume enchanté : c’est la punition donnée par un sorcier qui adorait
l’ancienne reine mais n’arrivait pas à l’obtenir. Résultat : tous les hommes sont destinés à
s’éprendre de la belle princesse Zoulouch, mais ils seront finalement renvoyés chez eux par la
corbeille. En revanche, celui qui pourra résister à la beauté de la princesse pourra l’épouser.
Sans aucune difficulté, Zahidé résiste à toutes les séductions de Zoulouch et d’autres belles du
pays. Mais Zoulouch découvre le fait que Zahidé n’est autre qu’une femme. Elle propose un
faux mariage à Zahidé afin d’arrêter toutes les intrigues associées à la corbeille. Pourtant, en
présence du roi Badanaser (le frère de Zoulouch), Zahidé avoue sa véritable identité et
explique la raison de sa présence. Badanaser s’éprend de la courageuse princesse. Enfin, le
sorcier revient désenchanter le royaume et la corbeille. Le prince Badanaser et la princesse
Zoulouch épousent respectivement Zahidé et son frère Kemseraï.
La pièce de Scribe se développe avec la malédiction de la corbeille en y rajoutant des
personnages secondaires. Le quotidien L’Union considère que l’intrigue est devenue
148
« compliquée, car il y a trois actions reversées sur six personnages »76 . En effet, certains
détails ne sont que plaisanteries. La corbeille est d’ailleurs remplacée par le cheval. Ce
remplacement est probablement influencé par le conte du cheval de bois d’ébène volant, qui
se trouve aussi dans les Mille et une nuits.
76
Anonyme, L’Union, le 25 mars 1835.
77
Anonyme, Le Corsaire, le 25 mars 1835.
78
Selon l’article « thé » du Dictionnaire (1863-1877) d’Émile Littré, « le thé noir se divise en cinq sortes
149
scène qui se passe à « Chatong », elle suggère la province de l’est de la Chine. L’Opéra
reprend Le Cheval de bronze en 1857. Dans les éditions ultérieures on prend l’orthographe de
« Chan-toung ». Le mot de « chantoung » désignant aujourd’hui une étoffe de soie épaisse,
tandis que « Chatong » fait penser au chaton, image qui était souvent liée au personnage
chinois du XVIIIe siècle. De « Chatong » à « Chan-toung », la ville de « Medhouchan » est
complètement chinoisée sous la plume de Scribe.
principales » : le meilleur s’appelle « le pekoë », « le plus fin et le plus aromatisé en thés noirs, et qui est formé
par la première récolte de l’arbuste ».
79
Courrier des théâtres, le 30 septembre 1834.
80
Anonyme, Gazette de France, le 26 mars 1835.
81
Anonyme, « Nouvelles de Paris », Courrier des théâtres, le 25 mars 1835.
82
Jules Janin, Journal des débats, le 26 mars 1835.
83
A., Le Constitutionnel, le 27 mars 1835.
84
Anonyme, Courrier des théâtres, le 24 mars 1835.
150
chinoise de la musique « célestielle »85 . Ainsi, la « critique sérieuse et un peu sévère » du
Moniteur universel mérite notre attention86. Elle indique la « mauvaise voie facile aux petits
talents » d’Auber, compositeur du Cheval de bronze. D’après le Moniteur universel, la
musique porte une prétendue empreinte de la « couleur locale » et de la « vérité ». Elle
s’appuie sur des « phrases courtes, vives, saccadées » qui répondent aux « mouvements
brusques et grotesques que nous sommes convenus de prêter aux Chinois de toutes les
époques ». Ce chroniqueur s’interroge donc pour savoir « si le peuple chinois offre
nécessairement un peuple de caricatures ; si, en lui, pensées, actions, plaisirs, douleur, tout se
réduit à des dimensions mesquines, burlesques, l’art n’est pas fait pour ce peuple ». Dans ce
cas-là, un spectacle chinois n’est qu’une copie d’un autre, car, « en descendant à de pareilles
proportions, il se matérialise et s’efface ».
Cet article nous rappelle deux faits. Premièrement, le manque de connaissances
concernant l’art du spectacle chinois. Malgré les efforts des sinologues, le public ignore
jusqu’à présent à quoi ressemble la représentation du théâtre et de la musique des Chinois.
Plus on crée le spectacle chinois sur la scène française, plus on est curieux de dévoiler le
visage du spectacle chinois. Il faut attendre la visite d’une troupe de musiciens chinois, au
cours de l’année 1851, pour qu’on désillusionne la fantaisie de la musique célestielle.
Deuxièmement, le Moniteur universel décrit les éléments chinois dont on profite dans un
spectacle au sujet chinois. Si la musique et les éléments chinois du Cheval de bronze sont le
décalque de la chinoiserie populaire, le succès de la représentation réaffirme cette chinoiserie
couramment utilisée. Le Cheval de bronze doit créer une espèce de Chinois « habillés comme
les Chinois de la Chine, parlant à ravir le jargon de l’opéra comique et les meilleures gens du
monde »87.
Les interrogations sur la vraie Chine se développent avec l’aspiration à la Chine
ouverte. Alors que les pièces héroïques cherchent à reconstruire l’exactitude historique, la
folie du Cheval de bronze mélange effectivement les ingrédients du conte oriental et de
l’intérêt exotique au niveau de l’étude des mœurs, qui est surtout traduite par la farce issue de
la polygamie de Tsing-Sing. Quelques soient les sources sino-orientales, le succès du Cheval
de bronze le fait devenir une base de données de code chinois. C’est pourquoi, dans l’édition
de Dgenguiz-Kan (Cirque-Olympique, 1837), nous trouvons l’indication suivante : « Nota :
Messieurs les Directeurs de province pourront monter Dgenguiz-Kan avec les décors et les
costumes du Cheval de bronze. » De la fantaisie de l’Opéra-Comique aux combats sino-
tartares du Cirque-Olympique, la « Chine » du Cheval de bronze annonce vraiment son
« règne ».
Le code chinois du Cheval de bronze sera même valide dans les spectacles quasiment
chinois. Dans la comédie de Lekain à Draguignan (Palais-Royal, 1839), le chœur chante un
air du Cheval de bronze pour accueillir l’arrivée du prétendu Lekain, célèbre pour son rôle
dans L’Orphelin de la Chine. Plus encore, l’air chinois « contamine » la scène orientale. Dans
85
Anonyme, Le Corsaire, le 25 mars 1835.
86
P., Le Moniteur universel, le 30 mars 1835.
87
Anonyme, Gazette de France, le 26 mars 1835.
151
L’Odalisque (Théâtre Montansier, 1850) par exemple 88 , on emploie les « Clochettes de la
pagode », air de l’introduction du Cheval de bronze, afin de créer l’ambiance orientale à Sivas,
en Turquie. De Chao-Kang à Dgenguiz-Kan, en passant par Le Cheval de bronze, tout
témoigne d’un grand nombre de grandes productions au sujet chinois. L’influence de la
sinologie étant importante, c’est la participation de grandes salles qui rend possible cette
« renaissance » de la vogue chinoise.
III. 2. (1). (c) La ville d’eau chinoise : le décor et le costume du Cheval de bronze
La « couleur locale » du Cheval de bronze s’exprime principalement dans le décor et
le costume. Au contraire de la scène des déserts dans Koulikan, cette fois-ci Scribe demande
l’utilisation de la pagode. Tandis que le paysage pastoral et la planète des fées ne sont pas
forcément liés à l’image de la Chine, le culte de Bouddha et la tour religieuse sont facilement
identifiables. Dans ces pagodes richement éclairées (Acte III, sc. 5), le dramaturge fait brûler
de l’encens par les acteurs qui interprètent des bonzes chinois (Acte III, sc. 6).
Ce sont les décorateurs Philastre et Cambon qui réalisent la scène chinoise de Scribe.
Le Figaro attribue la réussite de la représentation aux « beaux décors », à la qualité « des
costumes riches et bien étudiés », et au « grand luxe de mise en scène »89. L’Entr’acte fait un
éloge sans réserve des décors qui sont « magiques, merveilleux, surnaturels » 90 . L’Union
apprécie également la « richesse » des costumes et les décors « délicieux »91. Les décors et les
costumes tout neufs, d’après la Gazette des théâtres, expriment « la plus grande
magnificence »92. Le Courrier des théâtres va jusqu’à désigner ces décors comme constituant
une « école nouvelle »93. La Bibliothèque-Musée de l’Opéra conserve deux lithographies du
décor coloriées conçues par les frères Thierry (fig. 3.05a-b). L’une montre l’intérieur de la
pagode, l’autre montre le jardin céleste. Les panneaux représentant le personnage asiatique,
les parasols, les vignes décoratives et la plantes tropicales constituent une scène chinoise. Au
fond de la pagode, on peut apercevoir trois statues de magots : le mandarin Tsing-Sing, Yanko,
ainsi que le prince Yang. La statue qui se trouve à droite et celle qui se trouve à gauche lèvent
les bras en l’air. C’est un geste « à la chinoise » qui nous est bien connu.
Mais le luxe n’est pas le seul élément qui décide le succès du décor chinois. Si la
Gazette de France remarque que les décorateurs « remplace[nt] par leurs brillants oripeaux
l’intérêt qui manque à beaucoup d’ouvrages », elle signale également que le public préfère
« moins de velours et de soie et un peu plus d’esprit dans les pièces »94. Pour la représentation
de 1835, Pierre Ciceri (1782-1868) conçoit une esquisse du décor de la province de Chatong
88
Mélesville et Boniface Xavier, L’Odalisque, comédie-vaudeville en deux actes. Représentée au Théâtre de la
Montansier, le 28 mars 1850. Sans détails de la publication [voir l’exemplaire de la BnF-Tolbiac : 8-YTF-12909].
Cet air du Cheval de bronze est suivi du monologue de Babouc, odalisque du pacha terrible Ali-Ben-Ali, qui
s’est rendu à Constantinople.
89
Anonyme, « Bulletin des théâtres », Le Figaro, le 24 mars 1835.
90
Anonyme, L’Entr’acte, le 28 mars 1835.
91
Anonyme, L’Union, le 25 mars 1835.
92
Anonyme, Gazette des théâtres, le 26 mars 1835.
93
Anonyme, « Nouvelles de Paris », Courrier des théâtres, le 25 mars 1835.
94
Anonyme, Gazette de France, le 26 mars 1835.
152
(fig. 3.06). Moins fantastique que la pagode et le jardin, cette esquisse est caractérisée par la
rivière et la jonque. Elles rappellent non seulement le paysage des Deux magots de la Chine
mais aussi les canaux de Chao-Kang. L’œuvre de Pierre Ciceri illustre de nouveau l’utilisation
de la scène aquatique et l’image des canaux du paysage chinois sur scène. Dans une autre
illustration conçue par Pierre Ciceri (sans indication du titre de la pièce), la ville chinoise
calme et paisible est aussi décorée de canaux, de jonques et de portiques (fig. 3.07).
La ville d’eau chinoise appartient à la tendance dans les années 1830. Eugène Ciceri,
fils de Pierre Ciceri, crée les lithographies en deux teintes pour illustrer le récit d’Auguste
Borget, qui décrit les canaux qu’il a vus en Chine. Selon ce voyageur Borget, les canaux
complexes se resserrent, s’ouvrent et permettent de voir « un charmant pavillon entouré de
jardins qui sont clos par une balustrade chargée de vases de fleurs ; un escalier conduit à la
porte de cette villa qui appartient, dit-on, à un marchand de sel »95. Dans la planche consacrée
à l’« habitation d’un marchand de sel sur le Canal » (fig. 3.08), le paysage méridional n’est
pas éloigné de la ville vénitienne qu’on retrouve dans les œuvres de Giovanni Antonio Canal
dit Canaletto.
Pourtant, le principe du luxe s’applique au costume (fig. 3.09a-h). Le costume de
Tchin-Kao est exactement celui du mandarin, qui est caractérisé par la plume de paon, les
colliers et le diagramme sur la poitrine. Le dessinateur semble oublier que Tchin-Kao est un
simple fermier de la campagne. Le collier de Yanko traduit la même erreur. Quant au prince
Yang, le grand chapeau décoré de la plume flottante et des colliers allongés sont faits pour
bien attirer l’attention des spectateurs. Le costume de Péki (en femme) exagère les manches
larges et les décorations sur la tête. Le costume de Tao-Jing porte un diagramme triangulaire
qui ressemble au papillon sur la poitrine de Péki. Les pierreries, les fleurs et le foulard blanc
la font ressembler à une jeune mariée, même si c’est en fait Péki qui va se marier.
Curieusement, les deux femmes de Tsing-Sing ne portent plus les babouches dont les
extrémités sont pointues et remontées. La sylphide Stella, qui habite dans la planète Vénus et
qui n’est pas tout à fait une Chinoise, ne porte pas non plus ces babouches orientales. En dépit
de quelques incohérences de style – le mandarin Tsing-Sing et son épouse Tao-Jin ne
semblent pas issus du même pays – les costumes, à la fois exacts et féeriques, concrétisent la
fantaisie chinoise au début du XIXe siècle. Certains éléments pourront même se retrouver
chez les personnages chinois sous le Second Empire.
III. 2. (1). (d) Des didascalies à la publication des « indications de la mise en scène »
Ni Scribe ni l’Opéra-Comique ne crée pour la première fois la scène chinoise.
Cependant, Le Cheval de bronze est un spectacle chinois qui est représenté au cours de la
germination du concept de « mise en scène ». La mise en scène « parfaite » dont parle Le
Courrier des théâtres se réfère à l’agencement des décorations96. L’observation du Moniteur
95
Auguste Borget, journal du 3 octobre 1838, in La Chine et les Chinois, dessins exécutés d’après nature, Paris,
Goupil et Vibert, 1842.
96
Anonyme, Le Courrier des théâtres, le 25 mars 1835.
153
universel à propos de la mise en scène « entendue avec adresse »97, indique le jeu d’acteur et
la construction de l’histoire. Ces deux opinions de la presse n’emploient en fait qu’une vague
idée de mise en scène.
Un manuscrit anonyme conservé à l’Opéra démontre le détail des exécutions sur scène
du Cheval de bronze. Étant donné qu’il est divisé en trois actes, ce manuscrit devait servir à la
mise en scène du spectacle à l’Opéra-Comique98. En effet, lorsque l’Opéra reprend la pièce en
1857, celle-ci est alors divisée en quatre actes. Dans deux exemplaires dont le contenu est
identique à celui de l’Opéra et qui sont conservés à la Bibliothèque Historique de la Ville de
Paris, on trouve les indications manuscrites sur la page titre : « Copie d’une mise en scène
imprimée et publiée en 1836 par M. Duverger père. / L. P. [Louis Palianti, signature]. »
Évidemment, ces annotations sont d’après la version de l’Opéra-Comique, même si nous
n’arrivons pas à retrouver la publication de chez Duverger père.
Les descriptions des costumes assurent aussi le lien entre le manuscrit et la
représentation donnée à l’Opéra-Comique. Voici la description du manuscrit pour le costume
de Tao-Jin : « souliers chinois brodés, à pointe relevée, bas de soie blancs ; robe de soie jaune,
brochée à fleur d’or, à manches larges à la saignée ; ceinture brillante ; ornement sur le
corsage ; colletin en velours noir à points ; sur l’estomac, une pièce carrée, brodée en
papillons de couleur ; […] cheveux relevés aux tempes et ornés de branches à petites
clochettes, avec des brillants, des perles ou des fleurs. » (p. 19) Toutes les caractéristiques
décrites dans le manuscrit correspondent à celles de la planche publiée chez Martinet (fig.
3.09d), et diffèrent de la maquette conçue pour le même rôle dans la reprise à l’Opéra, en
1857 (fig. 4.34f).
Un autre exemple est le costume de Tchin-Kao. Selon ce même manuscrit, il faut un
« chapeau de forme ronde à pointe, avec une petite plume de paon recourbée par derrière », un
« collier de verroterie ou de perles, tombant sur la poitrine », et sur le bas de la poitrine, « une
pièce de 7 à 8 pouces carrés […] avec des ornements bizarres » (p. 18). Cette demande ne
peut que faire penser au mandarin de l’Opéra-Comique (fig. 3.09g), et non au fermier-fumeur
de l’Opéra (fig. 4.34e).
En plus des costumes, ce manuscrit décrit également les détails des décors et des
accessoires. En ce qui concerne la fabrication des costumes chinois, le manuscrit propose aux
directeurs techniques d’ « ajout[er] des pointes, des clochettes, des colletins » (p. 22). Pour
l’ambiance chinoise sur la scène, « il faut avoir quelques instruments dorés, comme triangles,
cymbales, pavillons chinois, serpentins ; de petits étendards avec des figures bizarres, etc., etc.,
et des lanternes au bout de grands bâtons dorés. »
Toutes les propositions visant à « chinoiser » la mise en scène ne se focalisent pas sur
les apparences. On y trouve de temps en temps des descriptions concernant l’interprétation du
personnage chinois. Pour l’entrée en scène, les Chinois sont portés sur les palanquins soutenus
par les esclaves. Portant une « longue mèche de cheveux » (Acte II, sc. 5, p. 9) conformément
à la « mode chinoise », le mandarin « remue comiquement les lèvres et articule des mots »
97
P. Le Moniteur universel, le 30 mars 1835.
98
Manuscrit de la mise en scène du Cheval de bronze. S.l.n.d., 22 p., BnF-BMO : C. 340 (3).
154
(Acte II, sc. 8, pp. 9-10). Pour exprimer la joie, les Chinois « élèvent et abaissent leurs bras en
mesure à la manière chinoise » (Acte III, sc. 5, p. 15). Les « gestes chinois » ne manquent
pas. Ainsi, lorsque Tsing-Sing est rendu immobile par le sort du cheval de bronze, c’est avec
« le bras appuyé sur le fauteuil ainsi que le coude gauche, mais l’avant bras gauche levé,
l’index droit comme un magot de la Chine. » (Acte II, sc. 10, p. 10). Le geste de l’index est
exactement celui que l’on peut voir sur la maquette du décor conçue par les frères Thierry.
Ces « Indications » sont accessibles dans une version publiée chez A. Belin. 99 La
distribution de cette publication non seulement atteste de l’importance de la « mise en scène »
du Cheval de bronze, mais aussi permet à d’autres salles d’imaginer et de reconstituer la
représentation donnée à l’Opéra-Comique. En plus du texte que nous signalons plus haut,
cette publication recueille les maquettes des décors, costumes et accessoires. Dans le décor de
l’Acte II (fig. 3.10b), on aperçoit un cheval à travers la fenêtre du fond. Les deux décors créés
pour le troisième acte (fig. 3.10c-d) sont identiques aux planches conservées à l’Opéra (fig.
3.05a-b). Comme le laisse supposer le titre du Cheval de bronze, le cheval devient
naturellement le focus de plusieurs illustrations créées d’après la pièce. Dans la lithographie
de Bourdet, par exemple, Péki s’envole courageusement avec le cheval (fig. 3.11).
99
« Indications de la mise en scène » du Cheval de bronze, Paris, [A. Belin, collection Palianti], [s.d.]. BnF-
Tolbiac : 4- YF- 114 (12).
100
Pour la recherche consacrée à la féerie, nous nous référons à l’ouvrage de Roxane Martin, La Féerie
romantique sur les scènes parisiennes (1791-1864), Paris, Honoré Champion, 2007.
101
Jean-Marie Thomasseau, « Le Théâtre et la mise en scène au XIXe siècle », op. cit., p. 178.
102
Antoine Galland (trad.), Les Mille et une nuits, avec une préface historique par Jules Janin, tome 3, Paris, A.
Bouret, 1857, pp. 316-375.
155
tombent amoureux de la princesse Nourounnihar qui a été adoptée par leur père. Pour gagner
son amour, les trois princes quittent le pays séparément. Pendant leur voyage, ils se procurent
respectivement un tapis volant, un tuyau d’ivoire et une pomme merveilleuse. Quand ils se
retrouvent, ils regardent à travers le tuyau d’ivoire et aperçoivent le palais au loin et la
princesse malade. Ils s’y rendent ensemble en prenant le tapis volant et font guérir la
princesse grâce à la pomme. La princesse est finalement destinée au prince Ali qui gagne à
l’épreuve du tir à l’arc. Le prince Ahmed repart chercher sa flèche disparue, tandis que le
prince Houssain réalise un tour du monde à l’aide de son tapis volant.
L’adaptation du Cirque-Olympique, quant à elle, raconte l’histoire du pacha
Zazézizozu et de ses trois fils (Zizi, Zozo, et Zuzu), qui sont tous tombés fous amoureux de la
princesse Zaza. Chacun doit ramener un trésor pour divertir la princesse. Pendant leurs
aventures, Zizi obtient, au royaume des Cartes, une rose qui fait revivre les mourants. Zozo
trouve un tapis volant au royaume des Échecs. Zuzu gagne, au royaume des Dominos, la
lorgnette magique qui permet aux trois frères de voir la princesse grièvement malade. Grâce
au tapis volant et à la rose, la princesse revient à elle. Elle choisit Zizi, ce qui irrite les deux
autres et suscite un tumulte. L’astrologue Codadad calme finalement tous les esprits et rétablit
la paix à la cour. La représentation remporte le succès grâce aux « jeux fort divertissants pour
les enfants et pour les grandes personnes »103.
103
Y., La Gazette de France, le 11 décembre 1835.
104
Théophile Gautier, La Presse, le 23 octobre 1837.
105
Théophile Gautier, Histoire de l’art dramatique en France depuis vingt-cinq ans, vol. 1, Paris, Hetzel, 1858, p.
139.
156
n’indique pas le rôle du poussah. Mais les gravures de Martinet nous montrent bel et bien
comment l’adaptation d’un conte oriental peut être influencée par un terme chinois.
Une autre attraction de Zazézizozu réside dans le jeu de cascades. Jules Janin souligne
le talent d’Auriol, qui joue le rôle d’un « danseur ». Selon Janin, Auriol, agile et habile, est
« léger comme une plume ». Pendant le spectacle, il « saute d’une hauteur extrême en faisant
la culbute tantôt dans un sac, tantôt avec des sabres dans les mains, tantôt avec des pistolets
qu’il tire en tournant en l’air, ou un parapluie qu’il ouvre en tombant à terre » 106 . Il
est « attaché par les pieds à l’aile d’un moulin qui tourne avec rapidité et suivant, sans rien
déranger à sa position »107. La rotation et l’habileté de l’acrobatie évoquent le jeu du Chinois.
Ainsi La France constate que « la pièce se termine par une pièce chinoise », où Auriol «
déploie une agilité, une grâce, une légèreté, qu’aucune expression ne peut rendre »108. Cette
impression chinoise est une autre empreinte dans les spectacles orientaux de l’époque.
106
Anonyme, Gazette des théâtres, le 10 décembre 1835.
107
Charles Rabou, Journal de Paris, le 8 décembre 1835.
108
Anonyme, La France, le 7 décembre 1835.
157
III. 3. (2) Une expérience de l’Opéra : La Chatte métamorphosée en femme
III. 3. (2). (a) De la fable de La Fontaine à la chatte chinoise
Face à la vogue chinoise dans d’autres grandes salles, l’Opéra donne sa réplique. Le
16 octobre 1837, c’est-à-dire quinze jours après la première représentation de Dgenguiz-Kan
au Cirque-Olympique, la salle de la rue Le Peletier monte un ballet-pantomime de Jean
Coralli et Charles Duveyrier109, intitulé La Chatte métamorphosée en femme. Le titre rappelle
la fable de La Fontaine au titre identique 110 : un homme éperdu de sa chatte la fait
métamorphoser en vraie femme, une métamorphose qui ne change pas, cependant, l’excitation
de celle-ci à la vue d’une souris.
La fable inspire plusieurs dramaturges. Avant la création de l’Opéra, Scribe écrit, en
collaboration avec Mélesville (pseudonyme de Duveyrier), une folie-vaudeville qui porte le
même titre (Théâtre de Madame, 1827). Chez Scribe, l’histoire se passe en Souabe allemande.
Sur la partition de Jacques Offenbach, la pièce de Scribe sera reprise en 1858, aux Bouffes-
Parisiens 111 . Dumanoir et Dennery coécrivent également une pièce intitulée La Chatte
merveilleuse (Théâtre-Lyrique, 1862), qui mélange le Chat botté de Charles Perrault et la
fable de La Chatte métamorphosée en femme112. Parmi toutes les métamorphoses du ballet de
l’Opéra, seule La Chatte amoureuse (Funambules, 1838) fait une faible référence à la Chine :
une « pagode chinoise » apparaît sur le parcours de Debureau. D’après l’ouvrage de Péricaud
consacré aux Funambules, c’est un spectacle « nul » et « banal »113.
L’adaptation de l’Opéra fait écho à la mode du spectacle chinois des années 1830. Au
cours de l’année 1836, l’Opéra commence à préparer la pièce de luxe chinois 114 , avec un
budget très élevé115.
109
Anne-Honoré-Joseph Duveyrier, dit Charles Duveyrier et Mélesville. Nous utilisons le nom publié sur le
livret.
110
Jean de La Fontaine, « Fable XVIII, Livre second », Fables choisies mises en vers, tome 1, Paris, Desaint et
Saillant, 1755, pp. 79-80.
111
Donnons deux reprises récentes de la pièce d’Offenbach : (1) En novembre 1997, la Compagnie Musilyre
présente au Théâtre de l’Alliance française un spectacle intitulé Petit Mozart des Champs-Elysées, qui est en fait
composé de deux opérettes d’Offenbach, à savoir Les Deux Aveugles et La Chatte métamorphosée en femme.
Voir « Dossier d’œuvre de La Chatte métamorphosée en femme » conservé à la BMO ; (2) En février 2009, le
Théâtre de Cornouaille, à Quimper, reprend La Chatte métamorphosée en femme d’Offenbach. Le metteur en
scène est Jean-Michel Fournereau.
112
Paul de Musset, « Revue des théâtres », paru dans la Revue nationale et étrangère, politique, scientifique et
littéraire, tome IX, Paris, publié par M. Charpentier, 1862, pp. 627-629 ; Wilhelm, « Revue musicale », Revue
contemporaine, deuxième série, tome XXVIIe, 1862, pp. 619-620.
113
Louis Péricaud, Le Théâtre des Funambules, Paris, Léon Sapin, 1897, p. 190.
114
Voir : (1) Louis Gentil, manuscrit de l’année 1836, tiré des Cancans de l’Opéra, ou Le Journal d’une
habilleuse, de 1836 à 1848, publié in Jean-Louis Tamvaco (dir.), Les Cancans de l’Opéra : chroniques de
l’Académie royale de musique et du théâtre à Paris sous les deux Restaurations, vol. 1, Paris, éd. CNRS, 2000, p.
226 ; (2) A. A. A., Gazette des théâtres, le 19 octobre 1837.
115
Selon P. du Moniteur universel (le 21 octobre 1837), le budget est de 50 000 francs. Un A. de La Gazette de
France (le 21 octobre 1837) indique que les frais montent jusqu’à 600 000 francs.
158
Oug-Lou, jeune étudiant chinois qui habite avec sa nourrice Kan-Kao, est très épris de
sa chatte. Il méprise toutes les femmes car il les juge frivoles. Kié-li, fille de l’empereur, adore
Oug-Lou et l’invite au banquet royal. Une éclipse de soleil survient. Pour apaiser le dieu du
ciel, la princesse doit choisir un époux parmi les invités. Kié-li choisit Oug-Lou, mais cet
étudiant la refuse. L’empereur devient furieux. Oug-Lou est exilé et on lui ordonne
d’abandonner sa chatte. (Acte I)
L’officier Kiang-Ssé-Long, envoyé par la princesse, apparaît sur la route et montre à
Oug-Lou un bonnet magique. En tournant le bonnet sur la tête, on peut changer une bête en
homme. Oug-Lou s’en inspire, et désire transformer sa chatte en femme. Il rentre chez lui,
tourne le bonnet et trouve une jeune fille accroupie dans le panier. Il ne sait pas que sa
nourrice a en fait vendu la chatte pour lui acheter de la nourriture. La fille qui garde tous les
comportements d’une chatte n’est autre que la princesse. Celle-ci imite en effet la chatte afin
de rester chez Oug-Lou. (Acte II)
Dans le logement des pages de l’empereur, Oug-Lou trouve que sa « chatte » (la
princesse) flirte avec tous les garçons. Oug-Lou lui reproche sa coquetterie. Mais la chatte,
capricieuse, lui donne un coup de griffes et s’enfuit. Oug-Lou comprend alors que la chatte
n’est pas mieux que la femme. Il tourne son bonnet, dans le dessein de transformer toutes les
chattes en femmes. La princesse abandonne son déguisement et réapparaît. Elle demande à
Oug-Lou de choisir entre elle et la chatte. Oug-Lou embrasse la princesse et abandonne la
vraie chatte. L’empereur pardonne à Oug-Lou et l’accepte comme son gendre. (Acte III)
Comme dans les autres spectacles chinois de la même époque, la première étape visant
à chinoiser la fable française est de nommer les personnages à la manière chinoise. Mais les
connotations géo-historiques y sont moins évidentes. Si le nom de « Kié-li » fait penser au
chef turc-tartare du VIIe siècle116, le « Kan-Kao » peut suggérer la petite souveraineté située à
l’extrémité méridionale du Cambodge 117 . « Oug-lou », quant à lui, évoque le sultan
« Ouloug » chez Voltaire, qui aime la lecture du roman Zadig118. Cependant, les librettistes
Coralli et Duveyrier cherchent probablement les effets comiques issus d’une telle
prononciation et non les calembours associés à la recherche orientale.
Sur le plateau de l’Opéra, l’ancien vaudeville de Scribe et Mélesville est « calqué »119,
et allongé en une pièce de trois actes. Etant donné le lien entre le chat et l’image du Chinois
(voir chapitre I), il semble raisonnable de déplacer la scène de l’Allemagne vers la Chine.
Mais le public accueille la pièce avec froideur. Certaines critiques la considèrent comme une
production « stupide »120. Le dramaturge Armand Durantin critique aussi le libretto qui est
pour lui d’ « une naïveté rare » 121 . Théophile Vauclare attribue le problème à l’abus de
116
Nous trouvons l’histoire de Kie-li-khan, dans l’article « De l’Empire des Tou-kiue tartares », in Barthélemy
d’Herbelot, Bibliothèque orientale, ou Dictionnaire universel, complétée par Claude de Visdelou et Antoine
Galland, tome 4, La Haye, J. Neaulme & N. van Daalen, 1779, pp. 96-105.
117
Jean-Pierre Abel-Rémusat, Mélange asiatique, tome 1, Paris, Dondey-Dupré père et fils, 1825, p. 82.
118
Voltaire, « Epître dédicatoire à la Sultane Sheraa, par Sadi », in Voltaire, Zadig, ou la Destinée, histoire
orientale, publié sous le titre actuel en 1748.
119
Castil-Blaze, Théâtre lyrique de Paris, l’Académie impériale de musique, de 1645 à 1855, tome II, Paris,
1855, p. 258.
120
Charles de Boigne, Petits mémoires de l’Opéra, Paris, Librairie nouvelle, 1857, p. 131.
121
Armand Durantin, La France littéraire, deuxième série, tome IV, sous la direction de Charles Malo, 1837, p.
234, 366.
159
chinoiserie. Selon lui, bien que la scène chinoise soit « une mine inépuisable », l’exploration
tardive de l’Opéra n’a « rien de bien curieux ». Surtout après la représentation de Dgenguiz-
Kan au Cirque-Olympique, qui « a tant creusé ce terrain »122.
122
Théophile Vauclare, Le Monde dramatique, tome 5, troisième année, Paris, 1837, pp. 249-251.
123
Théophile Vauclare, Ibid., p. 250.
124
Anonyme, Le Corsaire, le 18 octobre 1837.
125
Louis Gentil, manuscrit des Cancans de l’Opéra, ou Le Journal d’une habilleuse, de 1836 à 1848, publié in
Jean-Louis Tamvaco (dir.), Les Cancans de l’Opéra : chroniques de l’Académie royale de musique et du théâtre
à Paris sous les deux Restaurations, vol. 1, Paris, éd. CNRS, 2000, pp. 299-230.
126
Joseph d’Ortigue, Du théâtre italien et son influence sur le goût musical français, Paris, au dépôt central des
meilleures productions de la presse, 1840, pp. 153-154.
127
Théophile Vauclare, Le Monde dramatique, tome 5, troisième année, Paris, 1837, pp. 249-251.
128
T. A., La France, le 23 octobre 1837.
129
« Nouvelles de Paris », Courrier des théâtres, le 26 octobre 1837.
130
P., Le Moniteur universel, le 21 octobre 1837.
160
faiblesse de la représentation aux rôles chinois. D’après ce quotidien, les rôles chinois ne
manquent pas d’intérêt, mais ce peuple généralement « fin et rusé » ne semble pas un sujet
digne du statut de l’Opéra131.
La raison d’une telle inquiétude est la grande somme de subventions dont l’Opéra
bénéficie. Lorsque cette salle privilégiée se consacre, comme les salles secondaires, au
miaulement chinois, la subvention devient un gâchis132. L’opinion de L’Écho français reflète
aussi cette attitude. Ce journal critique sévèrement la « misérable » cabane « malpropre » et
« dégoûtante » d’Oug-Lou133. De plus, il s’interroge sur la raison de l’abus de « friperie »
chinoise sur scène134. Évidemment, certains spectateurs ne supportent pas une scène modeste,
même si elle sert à la vraisemblance chinoise.
Mais cette idée de « mauvais goût » ne concerne que des sentiments particuliers, et il
faut d’autres critères pour juger de la qualité du décor. En fait, Le Siècle apprécie la scène
dont « la toile de fond représente un pont chinois jeté sur un lac »135. Le sinophile Théophile
Gautier décrit en détails cette belle scène chinoise : « à gauche, il y a deux grands rochers
joints par un pont, et puis un soleil qui a passablement l’air d’un œuf sur le plat ; ajoutez à
cela l’accompagnement obligé de bannières flottantes et de tours de porcelaine avec des toits
en parapluie »136. Bien que le bel immeuble soit « inhabitable » et décoratif, le soleil de la
scène d’éclipse (Acte I, sc. 8) crée « un effet magique »137.
Cette scène d’éclipse est issue de l’intrigue de la princesse et Kiang-Ssé-Long. Le
palais et les jardins impériaux « magnifiquement illuminés »138 sont toutefois sous l’influence
de Chao-Kang. Au lendemain d’une première représentation sans grand succès, le directeur
Duponchel décide d’acheter les lanternes afin de renforcer l’effet chinois de la dernière
scène 139 . D’après la Gazette des théâtres, la deuxième représentation permet de voir « le
palais et les jardins impériaux illuminés aux lanternes »140, où l’empereur reçoit dans ses bras
le couple heureux. Cette scène dure pendant une demi-minute et le rideau tombe. Ce même
auteur compare ce choix technique de l’Opéra à la « manière grandiose » qui était celle du
Théâtre Nautique. Mais il indique l’infériorité de l’Opéra, jugeant qu’il s’agit d’ « une piteuse
imitation » de Chao-Kang.
Si le ballet de l’Opéra s’avère inférieur à celui du Théâtre-Nautique en ce qui concerne
la mise en scène, il s’agit d’un problème d’ordre technique et non pas lié au style chinois
visant l’exactitude. Comme le remarque La Quotidienne, « on peut faire du luxe avec de
riches étoffes et de belles décorations, […] il faut surtout de la volonté pour ne pas faire une
Chine et des Chinois de convention » 141 . Cette « convention » désigne sans doute les
131
T. A., La France, le 23 octobre 1837.
132
« Nouvelles diverses », Gazette des théâtres, le 19 octobre 1837.
133
H., L’Écho français, le 19 octobre 1837.
134
H., L’Écho français, le 26 octobre 1837.
135
L. V., Le Siècle, le 18 octobre 1837.
136
Théophile Gautier, La Presse, le 23 octobre 1837.
137
Joseph d’Ortigue et Benedetto Marcello, op. cit.., p. 153.
138
A., Le Constitutionnel, le 18 octobre 1837.
139
« Nouvelles de Paris », Courrier des théâtres, le 20 octobre 1837.
140
A. A. A., Gazette des théâtres, le 19 octobre 1837.
141
J. T., La Quotidienne, le 23 octobre 1837.
161
personnages chinois stéréotypés dans le théâtre français, et non la convention chez les vrais
Chinois eux-mêmes. Afin de créer une Chine non-conventionnelle à l’Opéra, les décorateurs
cherchent jusqu’au bout à respecter les usages chinois. D’après la Gazette de France, les
décors effectués par Philastre et Cambon permettent aux spectateurs de voir « une étude assez
curieuse du matériel chinois » qui arrive à « satisfaire les amateurs de la vérité historique »142.
S’appuyant sur les connaissances érudites, la « vue » de La Chatte métamorphosée devient «
le complément nécessaire des Lettres édifiantes [des missionnaires jésuites] et du Voyage de
[du capitaine Jean] Davis »143.
142
A., Gazette de France, le 21 octobre 1837.
143
L. V., Le Siècle, le 18 octobre 1837.
144
Anonyme, « Nouvelles de Paris », Courrier des théâtres, le 18 octobre 1837.
145
Anonyme, Le Corsaire, le 18 octobre 1837.
146
Anonyme, « Nouvelles de Paris », Courrier des théâtres, le 18 octobre 1837.
147
Jules Janin, Journal des débats, le 18 octobre 1837.
148
Le père Giuseppe Castiglione (1688-1766), peintre jésuite, rend service à la cour des Mandchous et est un des
peintres préférés de l’empereur chinois. William Alexander (1767-1816), peintre britannique, est un membre de
162
mandarin, du page de l’empereur, de l’archer, etc., auxquels ressemblent ceux de La Chatte
métamorphosée. Certaines illustrations de cette série (fig. 3.18 (o), Kiang-ssé-long) seront
même reprises dans Chine ou Description historique, géographique et littéraire de ce vaste
empire (1839-1853), ouvrage encyclopédique rédigé par le sinologue Guillaume Pauthier
(1801-1873) (fig. 3.20). La seule exception est le costume de la chatte Kié-Li, qui doit danser
avec d’autres chattes de la ville.
Pour calquer les costumes chinois, les travaux sont interminables. Selon les factures
des commandes des matériels et des textiles, la fabrication des costumes peut remonter au 23
mars 1837. Le 21 septembre, c’est-à-dire trois semaines avant la première représentation, il y
a encore des objets rajoutés à la liste de commande. On y trouve par exemple 24 chapeaux
chinois en carton (modèle couleur paille, garnis de crin rouge), dont quatre pour les
personnages des ambassadeurs chinois qui n’existent pas dans le livret. En outre, on y trouve
20 queues chinoises en laine nattées unies149. Nous avons parlé de la queue parue dans les
gravures associées à Chao-Kang. Les manuscrits de La Chatte métamorphosée attestent de
l’utilisation de la queue dans les spectacles chinois de l’époque.
Jusqu’au 18 octobre, c’est-à-dire deux jours après la première représentation, on
continue à rajouter 82 commandes de matériel150. L’exigence de la fidélité devient une chasse
aveugle à la somptuosité. Le tam-tam, le riche palanquin, la cloche suspendue, les parasols
surmontés d’un bouquet de fleurs, etc., sont tous déployés sur scène (fig. 3.18r-u) 151 . Le
Courrier, paru le 20 octobre, constate que la représentation de la fête chinoise, « dans laquelle
défilent toutes les classes de citoyens du Céleste Empire, mandarins, militaires, lettrés, bonzes,
laboureurs, marchands et ouvriers, présente un coup d’œil superbe ; c’est un résumé curieux
de la Chine »152.
La Quotidienne, paru le 23 octobre, révèle d’autres remarques, cette fois provenant des
coulisses. Gênés par la « pureté » du « costume de Pékin », les danseurs réclament les habits
de danse comme « le tonnelet de mousseline et la tunique de gaze », et redemandent « le
maillot couleur de chair, les paillettes, les guirlandes de roses et les chaussures de maroquin
vert »153. En vain. Empêchés par le poids du costume chinois, les danseurs sont devenus de
beaux pantins sans aucune habileté.
Le chroniqueur du Siècle s’interroge sur cette Chine inexécutable d’un point de vue
la mission de Lord Macartney. En 1805 et 1814, il publie deux tomes de The Costume of China composées de
quatre-vingt-seize planches. « Pu-qua » est censé être l’illustrateur de George Henry Mason. Celui-ci est un
peintre britannique qui publie les recueils des gravures intitulés The Costume of China (1800) et The
Punishments of China (1801).
149
Les factures des commandes nous fournissent les détails des costumes, mais elles ne désignent pas souvent
l’ensemble d’un costume achevé. Surtout, plusieurs costumes sont désignés « à la chinoise », sans plus de
description.
150
« Demandes faites à Monsieur le Directeur pour être autorisé à prendre chez le garde magasin les
marchandises nécessaires à la confection des costumes et accessoires de la scène pour le ballet de la Chatte »,
Archives nationales, AJ13 203.
151
« Programmes des costumes des ballets et opéras montés ou repris : La Chatte métamorphosée en femme. »
Archives nationales, AJ13 509.
152
Ed. M., Le Courrier, le 20 octobre 1837.
153
J. T., La Quotidienne, le 23 octobre 1837.
163
culturel : puisque les pieds de Chinoises sont bandés, elles sont dans l’impossibilité de bien
marcher, abandonnez donc l’idée de danser 154 . Il faut cependant avouer que les costumes
chinois de La Chatte métamorphosée concrétisent sur scène les témoignages des voyageurs
anciens et modernes en Chine : le recours au recueil de D. B. de Malpiere en est une preuve.
On pourrait dire que les costumiers de l’Opéra ne font pas attention à la dimension pratique
sur scène, mais on ne peut pas négliger leur souci des usages chinois. Malgré les
inconvénients en matière de danse, quelques modifications techniques suffisent à rendre ces
costumes utilisables, surtout dans une pièce non-dansante. En effet, parmi les maquettes du
costume chinois conservées à la Comédie-Française 155 , plusieurs sont réalisés d’après La
Chatte métamorphosée en femme.
154
L. V., Le Siècle, le 18 octobre 1837.
155
Bibliothèque de la Comédie-Française, cote : Iconographie costumes, planches d’autorité, boîte 13 dite « la
Chine ».
164
n’est pas aussi « brillante et artistique » que Dgenguiz-Kan156. Cet auteur n’a rien contre les
pièces chinoises ; ce qu’il ne supporte pas, c’est une pièce bâtie sur les fragments quasi-
chinois et sans vraie invention.
Le Figaro offre une position similaire sur ce point. Il critique la fausse imagination
chinoise née du fantasme devant les objets de curiosité. Si aucun ballet n’est « plus chinois et
plus fastidieux » que celui de l’Opéra, c’est parce que ce dernier ne prend que la peau
chinoise et non l’esprit essentiel chinois157. Après plusieurs spectacles historiques et féeriques
qui représentent une Chine distanciée, l’apparition de La Chatte métamorphosée rappelle que
l’on est en fait ignorant des Chinois de l’époque. La féerie empruntée à la fable arrive-elle à
démontrer les mœurs chinoises ? Les femmes chinoises sont-elles aussi coquines que les
chattes ? Qu’est-ce que la relation amoureuse « à la chinoise » ? Toutes les anciennes
interrogations concernant des mœurs reviennent.
Le public curieux n’attend pas longtemps pour avoir la Chinoise « authentique ». En
1838, Antoine Bazin, disciple de Stanislas Julien, traduit et publie quatre pièces chinoises
pour l’anthologie du Théâtre chinois. Elles démontrent chacune, selon une perspective
différente, les personnalités de la Chinoise et les mœurs chinoises.
Cependant, l’Opéra hésite désormais à représenter la Chine. Même si la reprise du
Cheval de bronze remporte le succès en 1857, l’Opéra lui-même ne crée plus aucun spectacle
au sujet chinois. Si l’on ajoute que la Comédie-Française a cessé de monter L’Orphelin de la
Chine depuis 1834, on peut dire que l’échec de l’Opéra éloigne encore plus les Chinois de la
scène officielle. Quelques personnages chinois apparaissent cependant dans la représentation
de Burgonde (Opéra, 1898), mais ils ne servent qu’à l’exhibition des costumes somptueux.
Les Chinois de l’Opéra jouent à nouveau les rôles purement décoratifs, comme ceux que l’on
avait vus dans Les Indes galantes.
156
A. A. A., Gazette des théâtres, le 19 octobre 1837.
157
Anonyme, Le Figaro, le 17 octobre 1837.
158
« Avis divers », Journal de Paris, le 9 avril 1838.
165
Patouillet. Celui-ci, janséniste et professeur au collège des Jésuites, est un hypocrite qui
s’abstient de théâtre. L’abbé Pellegrin et Mlle Dangeville sont invités au château de
Fontainebleau pour la représentation de L’Orphelin de la Chine devant le roi. En attendant, à
l’auberge, ils jouent un tour à Patouillet. Mlle Dangeville se déguise en d’autres invités du roi,
comme la nourrice du fils du jeune couple, la marquise de Nesles, et la Chinoise Tching-Ka
(fig. 3.21). Séduit par cette Chinoise, Patouillet porte le costume de Zamti et devient sujet de
moquerie. Enfin, il comprend la morale qu’on lui énonce. Tout le monde se rend à
Fontainebleau pour les fêtes de l’Épiphanie.
Le spectacle est sans doute une apologie du métier de théâtre et surtout du « jeu de
l’actrice dont les rôles à facettes occupent les deux tiers de la pièce » 159 . Ayant « une
intelligence souple et déliée, du naturel, parfois de la grâce » 160 , Mlle Déjazet gagne les
applaudissements grâce à l’escrime dans les scènes de la marquise de Nesles161. En ce qui
concerne les scènes des Chinois, la compétence des comédiens se fonde sur le jeu de plusieurs
niveaux : Déjazet joue Mlle Dangeville qui se déguise en Tching-Ka (et qui va jouer Idamé à
Fontainebleau), alors que Levassor joue Patouillet qui se déguise en Zamti. Pour persuader
immédiatement Patouillet et les spectateurs du Palais-Royal, le dramaturge a recours à la
manière chinoise clairement identifiable (sc. 13-14). Le nom de Tching-Ka évoque d’une part
le mandarin Tchin-Kao du Cheval de bronze, et d’une autre, l’orphelin chinois nommé
Tching-Peï qui se retrouve dans la traduction de Stanislas Julien. Pour créer l’apparence
chinoise, il est nécessaire d’avoir de petits yeux afin de ressembler au « descendant de Fô » et
au « serviteur de Confucius ». Un air de Tching-Ka explique le principe du déguisement :
« […] il faut que tu caches / Ton front tout chevelu / Sous ce chapeau pointu / Mets aussi ces
moustaches ». Quant au jeu imitant les Chinois, il faut s’asseoir sur les coussins et croiser les
jambes, faire voir les petits pieds des femmes chinoises, etc.
Les dramaturges n’indiquent pas toujours les détails employés pour « chinoiser ».
Assez souvent, on lit dans les didascalies : « à la chinoise ». Tching-Ka « se place à la
chinoise » ; chante l’air Chinois de Panseron ; « lève ses doigts à la manière chinoise » ;
« agite sa tête à la manière des magots » ; et « danse à la chinoise ». Patouillet, lui aussi,
« l’imite d’une manière grotesque » et « saute à la chinoise ». Ces deux faux Chinois doivent
également exécuter une « danse magote fort en vogue à Pékin »162.
Un seul terme suffit-il à expliquer le mode d’emploi ? Évidemment, il existe un
langage « à la chinoise » parmi les dramaturges, les comédiens et les spectateurs. Ce langage
se trouvait dans les indications de la mise en scène du Cheval de bronze que nous avons
examinées plus haut. Le texte de Mademoiselle Dangeville l’intègre entièrement dans
l’écriture dramatique. On formule le « traité » du jeu chinois et les spectacles ultérieurs
s’appuieront sur cette formule. Une gravure publiée chez Martinet nous permet d’apercevoir
la posture des doigts à la manière chinoise (fig. 3.22). En effet, lorsque Tsing-Sing du Cheval
159
J. B., Le Monde dramatique, tome VI, Paris, 1838, pp. 234-235.
160
Y., L e Constitutionnel, le 16 avril 1838.
161
Anonyme, Journal de Paris, le 20 avril 1838.
162
N., Le Siècle, le 23 avril 1838.
166
de bronze se transforme en magot, le comédien exécute ce même geste 163 . La gravure de
Tching-Ka montre encore plus clairement cet emploi.
Pourtant, certaines confusions, sinon fantaisies, existent dans l’épisode des Chinois.
D’après l’abbé Pellegrin, Tching-Ka est venue en France en suivant Zaïd Effendi (sc. 3),
ambassadeur ottoman à l’époque de Louis XV. L’air chanté par cette Chinoise elle-même
annonce au public qu’elle est « Tching-Ka la blonde, / l’esclave du sultan ». À l’arrivée en
France, Tching-Ka observe la différence entre l’Orient et l’Europe. Car, en Chine, « les
femmes / redoutent leurs maris » ; « mais en France à ces dames / les hommes sont soumis. »
Tching-Ka « approuve cette mode » et veut « rester toujours ». Cette conduite « infidèle » est
« fort piquante » pour Patouillet. Il est excessivement excité lorsque Tching-Ka lui caresse le
menton et lui propose de lui mettre la main sur le cœur. Malgré les habits et les gestes chinois,
Tching-Ka symbolise ici un plaisir oriental qui s’oppose à l’ascétisme de Patouillet. La beauté
n’est plus issue de la vertu d’Idamé, mais du désir exotique voire charnel. Si la Chinoise de
L’Orphelin de la Chine faisait écho aux idées philosophiques des Lumières, la Chinoise de
Mademoiselle Dangeville suggère une joie mondaine, mélangée à l’imagination de la
décadence du harem.
On peut même entrevoir la présence passagère de cette Chinoise « orientale » dans la
Pandora écrite en 1840-1841, nouvelle de Gérard de Nerval qui aurait dû figurer dans le
recueil Les Filles du feu (1854). L’héroïne chante l’air de Tching-Ka la blonde, en se faisant
une coiffure nattée, sous la forme de lyre, avec deux cornes majestueuses, qui évoquent à la
fois l’inspiration, l’élévation et la puissance164.
163
Indications de la mise en scène du Cheval de bronze, Acte II, sc. 10, p. 10.
164
Marilia Marchetti, « Pandora ou la crise du récit », in André Guyaux (dir.), Nerval, actes du colloque de la
Sorbonne, Paris, Presses Paris Sorbonne, 1997, p. 135.
167
Nous avons examiné dans le chapitre précédent les représentations de L’Orphelin de la
Chine du XIXe siècle. Dès 1835, cette tragédie de Voltaire cesse de figurer au programme des
représentions à la Comédie-Française. La partie représentée à la comédie du Palais-Royal
n’est qu’une étincelle de la tragédie jadis appréciée. Quelques autres spectacles seront
représentés sous le titre de l’orphelin chinois, sans aucun rapport avec la Chine. On n’y trouve
même pas de faux Lekain.
165
Anonyme, Courrier des théâtres, le 19 novembre 1834.
166
Charles Rabou, Journal de Paris, le 11 mars 1835 ; Y., Le Constitutionnel, le 14 mars 1835.
168
Le nom de « Fich-Tong-Khan » est sans doute un calembour qui signifie « Fiche le
camp » ou « Allez-vous en ». En ce qui concerne l’intrigue, on retrouve facilement les traces
des autres pièces comiques. Ils nous rappellent le mandarin superstitieux Hoang-Pouf, ou
encore, le Chinois poli en France qui revient au pays. Pour Jules Janin, le spectacle ressemble
à « une parodie de L’Orphelin de la Chine »167 . Le Figaro remarque qu’il est une « pâle
imitation » de L’Ours et le Pacha (Variétés, 1820). De plus, le travestissement de Fich-Tong-
Khan rappelle la légende grecque d’Agnodice168, une Athénienne qui se déguisa pour suivre
secrètement les cours du célèbre médecin Hérophile.
Les historiens Ludovic Lalanne et Paul-Louis Jacob considèrent que le spectacle
devait s’inspirer d’une anecdote de Koproli, grand vizir du sultan ottoman Ahmed III (règne :
1703-1730). D’après l’anecdote recueillie par Lalanne et Jacob, Koproli « voyait toujours une
mouche sur son nez. Un médecin français le guérit adroitement. Il lui dit qu’il voit aussi cette
mouche, lui fait une légère opération et lui montre ensuite une mouche morte »169. Les deux
historiens constatent aussi qu’ « on a fait de cette anecdote le vaudeville de Fich-Tong-Khan
joué au Palais-Royal ».
Goulgouly : Quand l’empereur entend prononcer votre nom, ça lui donne des attaques de nerf...
Fich-Tong-Khan : Ah ! il est nerveux ; farceur de despote ! Quand on lui dit : « Fich-Tong-
Kan », ça le vexe... Ça ne m’étonne que médiocrement : les gens en place n’aiment pas mon
nom.
La citation ci-dessus est un peu différente du texte de la publication. Cela n’empêche qu’on
associe « Fich-Tong-Khan » aux « gens en place », à savoir Louis-Philippe Ier (règne : 1830-
1848). En fait, dans les caricatures de Charles Philipon et d’Honoré Daumier, ce « roi des
Français » est souvent dessiné comme une poire qui ressemble à un gros poussah171. C’est
pourquoi La France, « journal des Intérêts Monarchiques de l’Europe », remarque
167
Jules Janin, Journal des débats, le 9 mars 1835.
168
Anonyme, Le Figaro, le 4 mars 1835.
169
Ludovic Lalanne et Paul-Louis Jacob, Curiosités anecdotiques, collection « Bibliothèque de poche par une
société de gens de lettres et d’érudits », Paris, Paulin et le Chevalier, 1855, p. 255.
170
Anonyme, Gazette des théâtres, le 8 mars 1835.
171
Pour les caricatures d’Honoré Daumier, nous nous référons aux « Poires » (publiée dans La Caricature, en
1831 et au « Pot de vin » (publié dans Le Charivari paru le 7 septembre 1834). Voir aussi « Lithographies
satiriques contre Louis-Philippe » (parmi lesquelles quelques Daumier), S. l. n. d., (ca. 1840), BnF-Estampes :
Tf-505-Pet. fol.
169
ironiquement « l’esprit » et « le bon goût » de ce « chef-d’œuvre » du Palais-Royal172.
Alors que la plupart des critiques et des spectateurs n’indiquent pas le nom de Louis-
Philippe, les homophones de « Fich-Tong-Khan » sont souvent utilisés dans les chansons
populaires jusqu’à la fin de la Monarchie. Dans une Acclamation chinoise dédiée à Lord
Guizot (publiée en 1847), le « bénin gouvernement » de François Guizot (mandat : 1847-1848)
est comparé à la cour du « grand mandarin Fich-Tong-Kang »173. Même un vieux Chinois
nommé « Fich-Tong-Kan » exprime son souhait dans Fich-Tong-Kan à Louis-Philippe, roi
infiniment cher (publiée en 1848) : « Peuple et Souverain, / Vous aviez tous deux changé
d’rôle. / Que tes jamb’s à ton cou, / Vît’, tu laissas là tout, / Et qu’tu filas vers l’Angleterre. /
Comm’ si t’avais l’feu par derrière / — Comprends-tu c’toupet ? / Comm’ si Philipp’ filait !...
/ Moi seul j’n’ai pas ri, / Quand ell’ conta qu’la République / S’créait à Paris,
Parc’ qu’on avait assez d’ta clique ! »174.
La chute de la Monarchie de Juillet rend momentanément invisible le personnage de
Fich-Tong-Khan. Suite à la perte de la guerre franco-prussienne (1870-1871), le public
connaîtra un autre empereur qui s’enfuit, à savoir Napoléon III. Plusieurs pièces seront créées
sous le prétexte de ce prince sino-tartare, y compris l’opérette inachevée de Paul Verlaine qui
s’intitule Fisch Ton Kan (voir chapitre V).
172
Anonyme, La France, le 7 mars 1835.
173
Fich-Tong-Kang, acclamation chinoise dédiée à Lord Guizot, air de C’est à boire, à boire, à boire qu’il nous
faut. Signé Charles Colmance, publié chez Durand, éditeur de La Chanson au XIXe siècle, Paris, 1847.
174
Fich-Ton-Kan, Fich-Tong-Kan à Louis-Philippe, roi infiniment cher, air de Madame Grégoire, Paris,
Imprimerie de Guillois, 1848.
175
Anonyme, Le Corsaire, le 7 mars 1835.
170
Le seul séducteur charmant et spirituel est le prince tartare. « Sous l’habit d’un
banquiste », il est un « fort joli garçon », rare dans le « pays de magots » (sc. 1). Son
expérience des voyages doit lui permettre de maîtriser de nombreux jongleries amusantes et
provenant de pays différents.
Jules Janin apprécie les « lazzis », les « bonnes extravagances » et les « folles
plaisanteries » de ce « facétieux vaudeville »176. Les intrigues amusantes peuvent être placées
dans des lieux différents 177, et pourtant la représentation de Fich-Tong-Khan témoigne d’une
époque où les rôles chinois se vendent bien au théâtre. Comme le constate L’Entr’acte : «
Nous avons un peu usé le chinois : mais la matière est tellement étoffée qu’elle peut encore
servir. […] une fois sur le terrain de Péking, les folies se tirent et s’allongent indéfiniment et
les bêtises ont leurs coudées franches »178. Lorsque Fich-Tong-Khan cherche à se sauver, il
arrive à la conclusion : « Pas moyen. Des Chinois partout... comme à l’Opéra-Comique. Et ils
m’ennuient. » (sc. 10) Cette plaisanterie n’est pas tout-à-fait correcte, car les Chinois du
Cheval de bronze seront bientôt applaudis.
176
Jules Janin, Journal des débats, le 9 mars 1835.
177
Ed. M., Le Courrier, le 9 mars 1835.
178
L’Entr’acte, le 5 mars 1835.
179
Joseph Marie Quérard, article « D. S. F. », Les Supercheries littéraires dévoilées, vol. 1, Paris, Féchoz et
Letouzey, 1882, p. 987.
180
Louis Désiré Véron, Mémoires d’un bourgeois de Paris, vol. 1, Paris, Librairie nouvelle, 1856, pp. 40-41.
171
III. 5 La Chine acrobatique et les Chinois pour le jeune public
181
Victor Ratier, article « Franconi », in Encyclopédie des gens du monde, tome 11, première partie, Paris,
Treuttel et Würtz, 1839, p. 594.
182
Rue Saint-Honoré (1807-1816), Rue du Faubourg du Temple (1817-1826), puis Boulevard du Temple (1827-
1861). Voir l’article « Cirque Olympique », in Agnès Pierron, Dictionnaire de la langue du cirque : des mots
dans la sciure, Paris, Stock, 2003.
183
Mme B** [Belmont], Le Cirque Olympique ou les Exercices des chevaux de MM. Franconi, du Cerf Coco, du
Cerf Azor, de l’Eléphant Baba, Paris, Nepveu, 1817, pp. 34-37.
184
La Nouveauté parues les 3, 23 et 27 janvier 1826, le 19 février 1826 ; Le Diogène parus le 27 août 1828, le 29
172
établissement du Cirque-Olympique (1827-1862), les personnages chinois du spectacle
équestre sont intégrés dans les spectacles des éléphants alors à la mode. Le 4 juillet 1829,
Adolphe Franconi met en scène L’Éléphant du Roi de Siam, sur le livret de Léopold
Chandezon185. Au début de la deuxième partie, le théâtre change et représente un « kiosque
chinois de forme octogone ». On y voit les sages mandarins de la cour (Troisième partie, sc.
8), voire une éléphante nommée Idamée (Deuxième partie, sc. 11). Les deux illustrations de
scène nous montrent l’éléphant géant entouré par les bayadères et les mandarins (fig. 3.23a-b).
III. 5. (2) Les spectacles pour le jeune public : la morale des « ombres chinoises »
Si les Chinois trouvent aussi un public chez les jeunes spectateurs, c’est parce que les
figures du magot et du poussah attirent facilement l’attention des enfants. La drôlerie n’est
pourtant pas le but de ce genre de spectacles. En profitant d’une fable comique, les auteurs
dramatiques donnent aux enfants une leçon de moralité. Le texte de telles fables est souvent
simple, écrit comme un scénario.
La salle de M. Comte monte régulièrement des spectacles pédagogiques, et « offre à
l’enfance des scènes morales et instructives »188. Installée passage de Choiseul en 1826, la
salle de M. Comte est conçue pour « former une troupe de jeune artistes » dont la réputation
novembre 1828, les 3, 6, 13, 24 du mois de décembre 1828, les 7, 17 du mois de janvier 1829, etc.
185
Voir, par exemple, Caroline Hodak-Druel, « Rôles des animaux savants », in Du théâtre équestre au cirque :
« Une entreprise si éminemment nationale », commercialisation des loisirs, diffusion des savoirs et
théâtralisation de l’histoire en France et en Angleterre (c.1760-c.1860), thèse doctorale, École des hautes études
en sciences sociales (Paris), 2004, pp. 568-570.
186
Anonyme, Courrier des théâtres, le 5 octobre 1834.
187
« Indication », Acte II, sc. 10, p. 10.
188
Almanach des spectacles, pour 1826, Paris, J.-N. Barba, 1826, p. 289.
173
comme ventriloques et physiciens est européenne189. En 1837, on y monte une œuvre intitulée
Les Ombres chinoises, de Saint-Yves190. Dans cette comédie-vaudeville (et non pas vraiment
une pièce des « ombres chinoises » au sens littéraire), l’histoire est celle de la petite fille de M.
de B. qui est élevée avec un jeune orphelin. Un jour, les enfants dérobent la clé, pénètrent
dans le cabinet de curiosité et cassent un vase précieux. Le pauvre domestique François est
accusé du méfait et chassé. Le père apprend par hasard qui sont les vrais coupables. Il fait
représenter en ombres chinoises la scène de désobéissance des enfants, le vase brisé, le renvoi
de François. Les enfants avouent leur faute et obtiennent le pardon191. En fait, cette histoire
n’a aucun rapport avec la Chine. La porcelaine appréciée provient de Saxe (Acte I, sc. 1), et
non pas du Céleste Empire. C’est la fonction pédagogique qui compte.
Un petit théâtre dans l’esprit de celui de M. Comte ouvre en 1831, sous le nom du
Gymnase Enfantin. En 1838, on y monte une pièce anonyme intitulée Le Magot de la Chine :
« Un pauvre domestique a brisé un magot de la Chine auquel M. Deropnais attachait
beaucoup de prix. Les deux neveux du vieillard s’accusent eux-mêmes. Enfin, la vérité se
découvre et le domestique obtient son pardon »192. Évidemment, la curiosité chinoise sert à
assurer les enfants de la valeur de l’objet chinois. Des Ombres chinoises (1837) au Magot de
la Chine (1838), les personnages coupables et les objets précieux sont remplacés : les enfants
qui brisent la porcelaine de Saxe deviennent le domestique qui casse la porcelaine chinoise.
Quant aux spectacles d’ombres chinoises, la plupart d’entre eux ne joue pas de sujets
chinois. Dans le répertoire du théâtre de Séraphin (salle consacrée aux ombres chinoises), par
exemple, il n’y a que La Conquête de la Chine qui montre une histoire chinoise193.
Conclusion :
La période étudiée est courte mais la Chine y est richement représentée sur la scène du
théâtre. Dans ce chapitre, nous avons notamment examiné deux pièces à grand spectacle
adaptées des écrits de l’Histoire chinoise, une féerie tirée des Mille et une nuits, un ballet
inspiré de La Fontaine, une caricature politique au nom chinois et des parodies dérivant de
L’Orphelin de la Chine de Voltaire. Si les sinologues de cette époque reprennent la traduction
du théâtre chinois, les artisans du théâtre français ne cessent d’adapter les écrits autour de la
Chine, voire de « chinoiser » des œuvres d’origines variées.
En ce qui concerne la technique scénique, nous avons analysé l’exigence des
contemporains à l’égard de l’ « exactitude » et ses limites. Cette « exactitude » se traduit
189
Léon Buquet, « Les théâtres d’enfants », Le Monde dramatique : histoire des théâtres anciens et modernes,
tome 4, Paris, 1837, pp. 389-390.
190
Le catalogue de Wicks attribue la pièce à E. St-Yves, H. Déaddé et L. Delalain, mais la publication des
éditions J. Bréauté (1837) n’indique que le nom de Saint-Yves [BnF-Arsenal : GD-15248].
191
Le résumé est écrit d’après le procès-verbal signé le 7 mai 1836, conservé aux Archives nationales, F21 993.
192
Procès-verbal signé le 30 octobre 1838. Archives nationales, F21 993.
193
Henri Cordier, La Chine en France au XVIIIe siècle. Paris, H. Laurens, 1910, pp. 91-94. La recherche de
Cordier concernant les ombres chinoises est tirée du Censeur, ou Voyage sentimental autour du Palais-Royal,
rédigé par Joseph R. et publié en 1802, ainsi que des recueils publiés chez L. V. Flamand-Gréty.
174
essentiellement par le décor et les costumes. De Chao-Kang à Dgenguiz-Kan, en passant par
Le Cheval de bronze, nous avons étudié une série de codes chinois étroitement associée à la
recherche de l’ « exactitude » chinoise. La Chatte métamorphosée en femme de l’Opéra, quant
à elle, est peut-être la plus exigeante à propos de la vraisemblance chinoise, au point que les
costumes sont tous incompatibles avec les mouvements des ballerines. À travers les imageries
contemporaines et les maquettes des costumes conservées au théâtre, nous avons également
établi une « base de données » consacrée aux spectacles au sujet chinois. Certaines de ces
images de la Chine théâtrale des années 1830 sont fidèles aux images retrouvées dans les
anciens recueils des missionnaires et des voyageurs et deviendront les éléments chinois de
référence dans le théâtre français au sujet chinois au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.
Dans les chapitres suivants, nous les rencontrons régulièrement.
Au niveau des effets visuels, deux inventions de Chao-Kang du Théâtre Nautique ont
attiré notre attention : l’ambiance obscure créée par les lumières des lanternes, ainsi que
l’application des effets d’eaux à la scène. La première peut remonter à la représentation de
l’Opéra au XVIIIe siècle, et se répand dans les salles officielles et privées à partir des années
1830. La seconde est issue de l’expérience ambitieuse de la salle éphémère dont nous avons
exploré l’emprunt au théâtre de la cour chinoise. Les effets des lanternes et des eaux resteront
sur la scène chinoise imaginée par les Français. En 1861, c’est-à-dire au cours de la guerre
franco-chinoise, une grande production du Cirque aura à nouveau recours à ces deux matières.
Au niveau des écritures dramatiques, nous avons signalé l’utilisation des didascalies,
un emploi qui concrétise les idées de l’espace-temps et qui met en valeur les détails se
déroulant sur scène. Elle permet aux lecteurs de « visualiser » la scène mais aussi aux
praticiens du théâtre de suivre les procédures de la « mise en Chine ». Ainsi, on voit publier le
manuel dit les « indications » du Cheval de bronze. En nous appuyant sur cette publication,
nous avons énuméré avec précision les gestes et les mouvements appliqués aux personnages
chinois ainsi que les détails du costume et du décor. L’apparition des didascalies et les
« indications » correspondent en fait à l’éclosion du concept de la « mise en scène » pendant
les années 1830. Du texte à la représentation sur scène, la « Chine théâtrale » à cette époque
n’est pas simplement une source de curiosité exotique. Elle participe aux explorations
scéniques des dramaturges et des artisans qui constituent une partie indispensable de
l’Histoire du théâtre français.
La dernière partie de ce chapitre est consacrée aux « faux » Chinois du cirque. Des
études sinologiques aux jeux acrobatiques, le théâtre français de 1829 à 1838 nous montre ses
efforts pour établir une passerelle vers la Chine. La « vraie » Chine est pourtant très éloignée
des spectateurs français. De l’autre côté de la Manche, la reine Victoria débute son règne en
1837. Deux ans plus tard, elle fait apparaître la Chine sur la scène mondiale. La Chine, fermée
sur elle-même depuis le XVIIIe siècle194, s’intègre désormais de force dans la géopolitique
internationale. Sur la scène du théâtre, les spectacles du début des années 1840 reflètent les
enjeux franco-anglo-chinois et les Anglais jouent un rôle incontournable dans notre chapitre
suivant.
194
Le christianisme fut interdit en 1723. Le commerce étranger fut strictement confiné à Canton à partir de 1757.
175
Chapitre IV – La Chine est ouverte :
Entre les Deux Guerres de l’Opium (1839-1860)
Traiter le sujet de « la Chine dans le théâtre français » suppose une réflexion sur les
échanges interculturels. Depuis le XVIIIe siècle, les échanges sino-européens s’effectuent
sous diverses formes. Les missionnaires jésuites apportent leurs compétences scientifiques et
artistiques à l’empereur chinois. Les sinologues, de leur côté, explorent la philosophie et la
littérature chinoises. Mais les échanges sino-européens subissent un changement radical :
suite à la Première Guerre de l’Opium (1839-1842), l’empire britannique de la reine Victoria
défait l’armée chinoise. Les chevaliers mandchous sont complètement déstabilisés face à
l’invasion du navire moderne. Vingt ans plus tard, les troupes anglaises reviennent en Chine,
accompagnées de soldats français envoyés par Napoléon III. Sous le prétexte de la Seconde
Guerre de l’Opium, l’alliance anglo-française s’empare du Palais d’été à Pékin. L’ancien
Céleste Empire devient terre dévastée 1 . C’est sur la période se déroulant entre les deux
guerres de l’Opium que portera ce chapitre.
Les deux guerres sino-franco-anglaises permettent désormais aux « diables
occidentaux » de pénétrer à l’intérieur de l’empire jadis interdit. Les Occidentaux sont
autorisés à construire des quartiers de « concession », ce terme désignant le quartier d’une
ville chinoise gouverné par des lois étrangères. Une Chine ouverte correspond à l’intérêt
commun des pays européens, mais comment peut-on culpabiliser la patrie du dramaturge ? La
réponse est délicate. Par conséquent, c’est l’Anglais qui tient le rôle de l’envahisseur. Dans les
pièces relatives à l’actualité, on verra un triangle composé d’un Français amical, d’un Anglais
méchant et d’un Chinois comique voire ridicule.
Sur la scène géopolitique, l’étendard tricolore flotte sur le sol chinois. Ceux qui y
accueillent les Français ne sont pourtant ni les magots imaginaires, ni le peuple travailleur des
récits des anciens voyageurs et des missionnaires. Les Chinois de l’empire ouvert s’avèrent,
bien plutôt, des malades entourés par la fumée d’opium. Sur la scène du théâtre, au contraire,
l’image du personnage chinois n’évolue guère. Dans ce chapitre, nous allons examiner
comment les éléments tirés de l’ancien répertoire sont régulièrement repris. Néanmoins, la
connotation du terme « Chinois », elle, évolue. Nous découvrirons ainsi les personnages qui
consomment la liqueur appelée « chinois ». Les bruits de la langue chinoise, quant à eux, sont
utilisés pour parodier la politique du Second Empire.
Le sujet du voyage revient sur scène. De Paris à Pékin, le déplacement n’est plus
impraticable. Les ouvrages traduits du chinois ont nourri les dramaturges d’informations sur
les mœurs chinoises. Maintenant, ce sont les témoignages de voyageurs contemporains qui
leur fournissent des sources à portée de main. Si on a l’impression que les Chinois sont
1
Sur la rencontre entre la Chine et le monde occidental, voir Pierre de La Robertie et Christian Le Corre, Il y a
un siècle la Chine : La Chine de 1880 à 1920, Rennes, éditions Ouest-France, 2007 ; Pascal Blanchard et Éric
Deroo, Le Paris Asie : 150 ans de présence de la Chine, de l’Indochine, du Japon… dans la capitale, Paris, la
Découverte & Achac, 2004.
176
caricaturés, c’est dans les pièces de voyage que l’on représente les usages incroyables des
Chinois.
Un autre genre de voyage mérite l’attention : c’est la présence des musiciens et
acrobates chinois en France. La première Exposition universelle se déroule à Londres en
1851. Les artistes chinois arrivent donc à Paris en passant par Londres et permettent au public
français de connaître de véritables spectacles chinois. Ils ne sont ni intellectuels comme
l’interprète chinois de Louis XIV (voir chapitre I), ni des curiosités comme le Chinois égaré
(voir chapitre II). Habiles et plaisants, ils sont eux-mêmes les héros sur la scène de théâtre.
177
IV. 1. (2). (a) Le champagne français au banquet chinois
Alors que l’opium suscite la guerre en Chine, le sujet du commerce sino-européen fait
l’objet d’une pièce montée au Théâtre de la Porte Saint-Antoine4. En raison de l’arrêt du 21
février 1835, les représentations de cette salle sont de petites pièces en un ou deux actes sans
musique nouvelle 5 . Nous y trouvons un vaudeville intitulé Du Champagne à Pékin, dans
lequel le vin français s’empare évidemment du rôle de l’opium anglais en Chine. Le texte de
la pièce n’est pas publié. Nous nous appuyons sur le procès-verbal de censure6.
Les Chinois de cette pièce rappellent les personnages que nous avons déjà rencontrés.
Le nom de Zing-Zing s’inspire du mandarin Tsing-Sing du Cheval de bronze (Opéra-
Comique, 1835), qui tentait de gagner les faveurs des jeunes filles tout comme le mandarin
Pat-chouli. Le cuisinier Tam-Tam, quant à lui, évoque le Chinois « poli en France » du XVIIIe
siècle, voire le Persan Lucidor qui sauve son amoureuse à l’aide du soporifique (Les Chinois,
Cité, 1800). L’un des intérêts principaux de cette pièce réside dans les références à la
nourriture. On y trouve l’herbe aromatique (patchouli), le vin français (champagne), le métier
de cuisinier, et les ennuis provoqués par la gourmandise. En fait, peu de Français de l’époque
connaissent le goût du repas chinois. La fantaisie, sinon la parodie de la nourriture chinoise,
constituera pourtant un sujet récurrent dans les spectacles des années 1860, c’est-à-dire au
lendemain de la Seconde Guerre de l’Opium.
Bien que le nom « patchouli » ait une valeur à la fois grotesque, exotique et parodique
dans la pièce, le banquet franco-chinois, lui, suggère le rapprochement de la Chine et de la
France. Lorsque la fête chinoise réchauffe la salle de Saint-Antoine, les Chinois dansants et
comiques qui ont fréquenté le théâtre du XVIIIe siècle semblent revenir sur la scène. Le thème
du champagne est peut-être tiré de l’actualité du commerce en Extrême-Orient, mais le goût
chinois traduit par la fête et la danse rappelle, lui, les spectacles spirituels antérieurs.
4
Ce théâtre fut ouvert de 1835 à 1842.
5
Nicole Wild, Dictionnaire des théâtres parisiens au XIXe siècle, Paris, aux Amateurs de livres, 1989, pp. 363-
364. Le Théâtre de la Porte Saint-Antoine fut inauguré en 1835 et fermé en 1842.
6
Procès verbal de censure signé le 2 décembre 1839, Archives nationales, F21 994. L’auteur et la date de
représentation sont inconnus.
178
IV. 1. (2). (b) Le champagne français contre l’opium britannique
À l’origine de la guerre sino-anglaise, il y a l’intérêt commercial. Et la victoire prouve
la puissance militaire de l’empire britannique. Si les Anglais rouvrent l’accès vers la Chine à
l’aide de l’opium, les Français, qui se consacrent aux recherches chinoises depuis le XVIIIe
siècle, ont-ils quelque chose pour frapper à nouveau à la porte de la Chine ? En 1842, le
Théâtre des Variétés introduit le rôle de l’Anglais dans le spectacle au sujet chinois. Dans la
« chinoiserie en un acte » intitulée L’Opium et le Champagne, l’auteur Clairville aîné
(pseudonyme de Louis-François Nicolaïe) démontre les enjeux trilatéraux à travers une
concurrence au niveau culinaire.
[…] vu le rôle ridicule joué par l’Anglais et les couplets qu’il chante, il y a quelques
inconvénients à ce que ce personnage soit un officier de la flotte anglaise et en porte
l’uniforme. Nous devons dire toutefois que cet uniforme a été mis au théâtre d’une manière
analogue, dans des pièces épisodiques de revues et n’a produit à notre connaissance aucun
mauvais effet. En serait-il de même dans une pièce qui par son titre et son sujet appelle
179
l’attention sur la guerre de Chine ? Nous ne croyons pas. En conséquence nous ne proposons
l’autorisation de la pièce qu’à la condition de supprimer l’uniforme anglais7.
« Supprimer l’uniforme anglais », car la caricature qui vise l’officier anglais risque de
susciter des polémiques. Mais la proposition du comité de censure n’est pas suivie. Dans ce
même procès-verbal, nous trouvons une autre remarque : le ministre de l’Intérieur « ne s’est
point arrêté » à l’observation du comité. Le rejet de la proposition du comité de censure par le
ministre se traduit dans la pièce telle qu’elle est publiée (éd. Beck, Paris, 1842). En effet,
quand le milord Dog participe à la fête des Français et des Chinois, la robe chinoise de cet
Anglais « s’ouvre et laisse voir son uniforme » (sc. 13). Ce signe apparemment anodin oppose
distinctement l’invasion de l’Angleterre à l’amitié franco-chinoise.
À travers Arthur, qui croit en la coprospérité de la communauté internationale grâce au
« progrès » d’un certain pays, le dramaturge souligne que le but des échanges et de
l’ouverture s’inscrit dans l’idée du progrès de l’humanité dans son ensemble. Dans la scène du
dépôt de la théière (sc. 5), Dog et Arthur discutent de la question chinoise et évoquent les
enjeux : l’Anglais paralyse la Chine par l’opium, tandis que le Français réveille le peuple
chinois par le champagne. La tonalité du débat est peut-être comique mais ces positions
resteront dans le théâtre à venir. Dans les pièces de la seconde moitié du siècle traitant du
sujet de la guerre franco-chinoise, l’Anglais sera toujours responsable de la misère chinoise,
alors que la croisade du Français permettra de libérer les Chinois.
Les Chinois ne sont pas ignorants du problème de l’opium. Selon Kankan (qui est lui-
même un fumeur), cette drogue fait de la Chine « un pays de marmottes », où tout le monde
s’endort en journée et où personne ne peut rien faire (sc. 4). Si les Chinois sont dans
l’impossibilité de combattre contre la drogue qu’imposent les Anglais, les Français sont prêts
à sauver le peuple qui a rayonné avec les Lumières. « C’est peu de réveiller les Chinois », dit
Arthur, « je suis enchanté de vos progrès ! » (sc. 2)
Même si la conscience d’Arthur est le « véritable miroir de l’époque »8, cette fraternité
franco-chinoise est cependant polyphonique. Un compte-rendu de L’Entr’acte nous rappelle
la position délicate de la France dans les enjeux internationaux : cet auteur est en désaccord
avec l’invasion par la Grande-Bretagne, mais il n’est pas contre l’entrée des Occidentaux en
Chine. Tout dépend de la manière et de l’objet d’échange. Selon cet article, « l’opium et le
champagne sont les deux puissances du siècle ». Le premier « règne sur l’Orient », tandis que
le second « gouverne l’Occident » 9 . La concurrence commerciale anglo-française est
transportée au niveau oriental-occidental. Le commerce de l’opium des Anglais doit leur être
reproché, mais la civilisation de l’Orient par l’Occident est obligatoire. Qui est qualifié pour
« illuminer » l’ « Orient » ? C’est le pays du champagne qui exalte et non le pays de l’opium
qui abrutit. Le dernier air de la pièce répète la morale : « Joyeux Français, lorsqu’on tente une
guerre / Qui peut les réduire aux abois, / N’allez pas, avec l’Angleterre, / Conspirer contre les
7
Procès verbal de censure signé le 29 mars 1842, Archives nationales, F21 988.
8
Charles de Mathabel, Le Siècle, le 6 mai 1842.
9
Anonyme, L’Entr’acte, le 3 mai 1842.
180
Chinois. » (sc. 13) L’intervention des Français recourt à l’honnêteté, qui constitue une marque
de la civilisation.
Un autre sujet abordé dans L’Opium et le Champagne est l’histoire d’amour entre
l’Européen-civilisateur et la Chinoise persécutée par les mœurs démodées. Tourtouriska est
destinée à Kangarou, qui possède lui-même un « vilain physique ». Mais celui-ci trouve le
pied de Tourtouriska trop grand. Afin de réduire la taille du pied, Kangarou la soumet « à
l’usage des brodequins de fer » qui se rétrécissent mécaniquement d’eux-mêmes (sc. 6). C’est
l’arrivée des Européens qui libère les Chinoises et qui leur permet d’avoir la possibilité
d’échapper aux mœurs du magot : l’homme chinois est dupé (le vieux Kangarou), sinon
abandonné par la fiancée (le jeune Kankan). Les deux Chinoises, encouragées par Arthur,
n’hésitent pas à s’en venger. Si la vieille Tourtouriska est finalement trompée par l’Anglais
rusé, la jeune Naka arrive à se marier avec le bon Arthur et à se débarrasser de la torture
qu’on impose aux Chinoises.
10
Charles de Mathabel, Le Siècle, le 6 mai 1842.
11
Anonyme, Revue et Gazette des théâtres, le 15 mai 1842.
12
N., La Gazette de France, le 14 mai 1842.
13
T. Sauvage, Le Moniteur universel, le 10 mai 1842.
14
Sur le sujet du désir et de l’Orient dans les œuvres non-dramatiques, voir Colette Juilliard, Imaginaire et
Orient, l’écriture du désir, Paris, L’Harmattan, 1996.
181
de sa valeur purement géographique15. Dans le deuxième et le troisième chapitre, nous avons
analysé la teinte orientale dans les pièces au sujet chinois. En fait, c’est aussi à cette époque
que nous entrevoyons la fin de la confusion dans les spectacles d’inspiration sino-orientale. À
partir de la décennie 1840, les créations dramatiques auront la possibilité de dégager, au fur et
à mesure, le sujet chinois de l’imagination orientale.
Daniel-Henri Pageaux nous rappelle que la « vogue d’orientalisme » doit son essor à la
« vulgarisation des recherches érudites », et son développement s’explique « par la politique
impérialiste de l’Angleterre et de la France ». En marge de l’érudition et de l’impérialisme,
poursuit Pageaux, « se crée et s’impose un espace immense pour un certain “exotisme”, mot
reconnu en 1845 »16. En nous appuyant sur le point de vue de Pageaux, nous pouvons dire que
l’ « exotisme chinois » de cette époque – et non plus l’ « exotisme oriental » – se crée aussi
avec ces deux tendances, à savoir l’érudition de la sinologie ainsi que la géopolitique
chinoise. D’une part, le sinologue Bazin aîné crée les cours de chinois à l’École des Langues
Orientales vivantes. D’autre part, la Guerre de l’Opium permet aux Européens de discerner la
Chine géographique de l’Orient. Suite à la création de L’Opium et le Champagne et d’autres
spectacles relatifs à la guerre sino-anglaise, ce nouvel « exotisme chinois » se détache de
l’orientalisme et connaîtra son essor dans la seconde moitié du XIXe siècle.
15
Jean-Pierre Leduc-Adine, « L’Orientalisme et la critique d’art sous le Second Empire », in Exotisme et
Création, Lyon, Hermès, 1985, p. 233.
16
Daniel-Henri Pageaux, Le Bûcher d’Hercule : histoire, critique et théorie littéraire, Paris, Honoré Champion,
1996, p. 78.
182
L’Entr’acte remarque que c’est la « curiosité » chinoise qui fait remporter à la pièce son
« succès de circonstance »17. En fait, plusieurs spectacles profitent de cette « circonstance ».
Les intrigues sont simples et la plupart d’entre eux ne nous offrent qu’un canevas. Le Théâtre
de M. Comte montre au jeune public Les Jeux chinois (1839)18 ainsi que Le Mariage chinois
(1842). Le Théâtre Séraphin prépare également les ombres chinoises des Danseurs anglais et
chinois (1842).
Les spectacles au sujet chinois de cette époque connaissent une nouvelle transition.
D’une part, on revient aux jeux de l’équilibriste chinois, aux contes orientaux, à la décoration
de la chinoiserie (la pagode, le paravent, le magot, etc.), voire aux réminiscences des œuvres
de Voltaire. D’autre part, on invente de nouvelles plaisanteries acerbes à propos des Chinois.
En outre, il convient de signaler la forme de tels spectacles « de circonstance ». Comme les
actualités relatives à la Chine, ils sont souvent épisodiques et fragmentaires. Le titre implique
la Chine mais les dramaturges emploient arbitrairement des éléments (quasi-) chinois au lieu
de développer une histoire cohérente et complètement chinoise.
IV. 2. (2) Les Chinois « polis » par les Français : un concert inouï
À partir de la création du Carnaval de Venise (1699) par des Comédiens-Italiens, on
ne cesse d’imaginer la musique chinoise (voir I. 3. (1)). Mais peu d’Européens ont en fait la
chance d’assister à un concert chinois. Si certaines descriptions de la musique chinoise se
retrouvent dans les témoignages des anciens missionnaires jésuites en Chine, il faut attendre
l’époque de la guerre anglo-chinoise pour que le diplomate français Adolphe Barrot publie,
dans la Revue des deux mondes, un article sur l’ « horrible discordance » créée par les
instruments musicaux des Chinois. Barrot décrit en détail l’ « attaque de nerfs » au concert
chinois et raconte comment le représentant britannique Lord Napier meurt suite à une cruelle
torture de musique chinoise ayant duré trois jours19.
Si la musique chinoise est insupportable, il faut la perfectionner selon le modèle
occidental. C’est le sujet d’Un concert à Pékin, un vaudeville de Dulauroy représenté au
Théâtre du Luxembourg en 184020. Le livret est introuvable mais le rapport du comité de la
censure nous en donne un aperçu : « Kankan, Français de naissance, est allé en France pour
acheter de la musique et engager des musiciens par ordre de l’Empereur de la Chine, son
maître. Il revient, organise un concert, et l’Empereur enchanté lui donne les présents qu’il
aime » 21 . Selon ce même rapport, les mots sensibles comme « concubines », « enfants
naturels », « puissance sacrée » sont tous supprimés.
17
Anonyme, L’Entr’acte, le 3 mai 1842.
18
« Nouvelles diverses », Le Ménestrel, le 10 février 1839.
19
Adolphe Barrot, « Un Voyage en Chine : seconde partie », Revue des deux mondes, tome vingtième (le 1er
octobre 1839), quatrième série, Paris, 1839, pp. 481-518. En fait, Lord Napier est mort de la fièvre, à Macao, en
1834.
20
Dulauroy est probablement le pseudonyme de Horric. Dans le Dictionnaire universel du théâtre en France et
du théâtre français à l’étranger, rédigé par J. Goizet, publié en 1867 (deuxième partie, p. 51), nous trouvons
sous l’article de « Angot (Léon) » : « […] Le Retour d’un mari, vaudeville en 1 a. avec Horric, dit Dulauroy,
(Th. du Luxembourg, mars 1840), non impr. » Mais il n’existe aucun article sur Horric.
21
Procès-verbal de censure signé le 22 mai 1840, Archives nationales, F21 985.
183
Cette « parade fort amusante » fait partie de la soirée « extraordinaire » du Théâtre du
Luxembourg22. D’après le procès-verbal de la censure, la musique d’Un concert à Pékin est
évidemment française et non pékinoise, bien que nous ignorions si quelques sonorités d’
« instruments » chinois (la clochette, par exemple) ne sont pas incorporées dans le concert. Ce
Kankan « de retour » est, en effet, un Tamtam ou un Nouredin qui est « poli en France »23. Il
s’attaque à civiliser les Chinois à la française. D’un autre côté, la mission de Kankan évoque
la contribution artistique des anciens missionnaires en Chine. Giuseppe Castiglione (en Chine
de 1715 à 1766) par exemple, qui était un Jésuite au service de la cour de Qianlong, a intégré
la technique de la peinture occidentale dans la peinture chinoise.
Le sujet du « concert en Chine » poursuit son développement. En février 1843, un M.
Jullien entend organiser un « Concert chinois » dans le cadre du « Festival chinois », mais
cette activité est finalement annulée24. Il faut attendre l’Exposition universelle de 1851 pour
que le public parisien connaisse un concert chinois réalisé par des Chinois.
IV. 2. (3) L’acrobatie pratiquée en Chine par les Français et… les Américains
IV. 2. (3). (a) Le saltimbanque franco-chinois
Dans le chapitre III, nous avons examiné l’acrobatie à la chinoise pratiquée chez les
Franconi. Une telle habileté du personnage chinois se retrouve également sur la corde. À la fin
avril 1839, le Théâtre de Madame Saqui prépare un vaudeville de H. Messant et A. Monnier,
intitulé Bilboquet II, ou le Saltimbanque chinois. Cette « chronique tartare mêlée de chant en
deux actes »25 sera reprise en avril 184126. Le scénario est introuvable. Nous nous appuyons à
nouveau sur le rapport du comité de censure pour en évoquer le contenu27.
22
Anonyme, « Théâtres de Paris », Moniteur des théâtres, le 30 mai 1840.
23
Voir Le Chinois de retour et Le Chinois poli en France, dans le chapitre I.
24
Anonyme, « Le Festival chinois à Sainte-Pélagie », Le Ménestrel, le 19 février 1843.
25
Procès-verbal de censure signé le 30 avril 1839, Archives nationales, F21 991.
26
Charles Beaumont Wicks, The Parisian Stage, tome III. Au regard de la date du procès-verbal, nous estimons
que l’information relevée dans le catalogue de Wicks est la date de reprise.
27
Procès-verbal de censure signé le 30 avril 1839. Archives nationales, F21 991.
184
conditions, lorsqu’il retrouve dans sa femme la jeune Chinoise Mia-ou-ki, dont il était épris. Il
ne veut plus s’en séparer et il va se voir exposé à toute la colère de Corn-ichong-kan ; mais
l’inconnu, qui l’a ainsi protégé, n’est autre que le nouvel Empereur de la Chine, duquel
Bilboquet avait sauvé la vie. En reconnaissance d’un pareil service, il comble Bilboquet de
biens et de faveurs et lui assure la possession de Mia-ou-ki.
28
La Quotidienne, le 20 & 21 mai 1839.
29
La distribution se retrouve dans le bulletin du Corsaire, le 20 & 21 mai 1839 : « Bilboquet – MM. Odry ;
Gringalet – Hyacynthe ; Ducantal – Rébard ; Sosthènes – A. Rouget ; Jacquot – Mayer ; Un maire – George ; Un
brigadier – Manuel ; Zéphirine – Mmes Esther ; Atala – Flore ; Mme Roudan – Vautrin ; Margot – Irma ». La
même pièce et la même distribution se retrouveront aux Variétés, le 23 mai et le 29 juin 1839. Rappelons que les
noms qu’on retrouve dans le procès-verbal sont changés dans la représentation au théâtre.
30
« Carillon », Le Charivari, le 24 mai 1840.
31
« Nouvelles de Paris », Le Courrier des théâtres parus le 13 et le 18 avril 1841.
32
La rubrique d’ « Annonce », Constitutionnel, le 5 juin 1845.
33
Jules Janin, Journal des débats, le 9 juin 1845. Janin critique sévèrement la « mode » des exercices équestres
effectués par des acteurs mineurs.
34
Journal des théâtres, le 7 juin 1845 ; La France théâtrale, le 8 juin 1845.
35
T. Sauvage, « Spectacles », Le Moniteur universel, le 9 juin 1845.
36
Selon l’article de E. D. paru dans la Revue et Gazette des théâtres du 8 juin 1845, « les auteurs (ils doivent être
quatre) ont eu le bon esprit […]. »
185
nommé Piston, qui sous le nom de Kan-Kan, est devenu chef de police à Nankin et le
gouverneur l’a chargé de mettre à mort les Européens qui pénètreraient dans la ville. Afin de
sauver de jeunes aspirants de marine, qui sont venus faire la cour aux filles du gouverneur,
Piston prépare une fête où des clowns se livrent à des jeux acrobatiques et il obtient la grâce
des jeunes gens (annexe 7.2.(b))37.
Le témoignage de Théophile Gautier complète les détails de la représentation38. Le
mandarin-gouverneur, « orné d’oreilles assorties, de moustaches qui lui vont à la ceinture et
d’un crâne beurre-frais d’où pend une longue queue nattée », s’oppose fermement à toute
relation amoureuse entre les matelots français et ses filles. Piston, professeur de clarinette,
« sous une robe couleur d’omelette aux fines herbes tombée dans la cendre », démontre « les
couacs et les canards aux futurs aspirants de marine ». L’esclave de Piston a une tête de
potiron et marche avec « les doigts en l’air ». Piston retrouve sa femme Cornetta qui a été
enlevée. Ils bavardent sur un ton grotesque. Puis le spectacle « se termine par une exhibition
préparatoire de M. Sands et de ses deux petits gnomes ». Les « merveilleux » numéros sont
préparés pour obtenir la clémence du mandarin : « Une fête est bien vite ordonnée. Comme en
Chine il n’y pas d’amusement sans lanternes de couleurs, on allume une demi-douzaine de
falots en papier huilé rouge et bleu, et l’on étend par terre un tapis pourpre, dont le centre
présente un renflement ou monticule, sur lequel vient s’étendre le clown américain ».
Comme dans Un Concert à Pékin, c’est un Occidental qui présente aux Chinois les
arts occidentaux. L’intention est pourtant différente ici. Alors que le Kankan du Luxembourg
est envoyé par l’empereur chinois, le Kankan des Variétés se glisse en Chine pour sauver les
Européens persécutés. Les spectateurs ne semblent pas soucieux de l’intrigue qui fonctionne
comme « un cadre où les calembours abondent, et dans lequel la grosse gaîté se fait pardonner
sa bêtise par sa franchise »39. En fait, selon la distribution publiée dans les journaux40, aucun
rôle parlant n’est destiné à M. Sands et ses fils. L’illustration du spectacle suggère que le
public s’intéresse davantage aux deux jongleurs tournants qui s’accrochent aux pieds d’un
troisième jongleur (fig. 4.01)41. Ces trois sont évidemment les « clowns » qui « se livrent à
des exercices » dont parle le procès-verbal, c’est-à-dire M. Sands et ses fils. Le compte-rendu
de Charles de Mathabel l’atteste: « M. Sands balance ses enfants sur ses mains, sur ses pieds ;
il les jette en l’air comme des volants ; il les lance et les reçoit sur ses pieds comme une
balle »42.
37
Manuscrit conservé à la BnF : Ms Douay 394 ; Procès-verbal de censure signé le 29 mai 1845, Archives
nationales, F21 988.
38
Théophile Gautier, La Presse, le 9 juin 1845. Une partie de cet article est reprise dans Histoire de l’art
dramatique en France depuis vingt-cinq ans, vol. 4, Bruxelles, éd. Hetzel, 1859, pp. 95-97.
39
Anonyme, rubrique « Théâtres », Le Corsaire-Satan, le 7 juin 1845.
40
Nous relevons la distribution publiée dans la Revue et Gazette des théâtres parue le 8 juin 1845 : « Piston,
MM. Neuville. – Zing Pouf, Amédée. – Kakao, Emmanuel. – Un esclave, Arthur. – Cornetta, Mme Flore. –
Gaston, Grave. – Georges, Adeline. – Maurice, Morel. – Emmanuel, Victorine. – Ninka, Pitron. – Ouriska,
Charlotte. – Kinkina, Léonie. – Kioli, Mathilde. » Le 5 juin 1845, Le Corsaire-Satan publie une distribution
presque identique ; le seul changement est que Zing Pouf est joué par Emmanuel.
41
Jean Adhémar, Jacques Lethève, et Françoise Gardey (rédaction). Inventaire du fonds français après 1800.
Bibliothèque nationale de France, département des estampes et de la photographie, tome 12, 1963, p. 113.
42
Charles de Mathabel, Le Siècle, le 9 juin 1845.
186
Toutes les remarques relatives au spectacle se focalisent sur l’acrobatie « incroyable »
et « mirobolante » issue d’une « monstruosité »43. Théophile Gautier note le geste chinois et
les lanternes. Le quotidien Corsaire-Satan fait attention aux calembours et aux longues
oreilles de l’empereur chinois 44 . Si ces chinoiseries sont décoratives et auxiliaires, ce qui
mérite notre attention est l’image des personnages chinois que véhiculent ces troupes
itinérantes. Avant l’ouverture de l’empire chinois en 1842, on a régulièrement vu, dans les
salles permanentes, des Chinois inspirés des pièces des Italiens, de Voltaire, des contes
orientaux ou encore des jeux équestres des Franconi. La tournée des troupes itinérantes,
comme celle de M. Sands, permet au public français, et cela probablement pour la première
fois, de connaître les personnages chinois inventés par les Américains. Si l’on considère la
mobilité des troupes itinérantes entre les pays, ces personnages sino-américains imitent peut-
être les Chinois inventés par les jongleurs européens. Et s’il existe des clichés relatifs aux
Chinois dans les arts du spectacle, ils se retrouvent sans doute dans les numéros des jongleurs
itinérants et se multiplient pendant les voyages intercontinentaux de ces figures chinoises.
43
La France théâtrale, le 8 juin 1845.
44
Anonyme, « Théâtres », Le Corsaire-Satan, le 7 juin 1845.
45
Le Monde dramatique, t. 2, 1re livraison (le 5 janvier 1840) - t. 3, 25e livraison (le 16 septembre 1841) [= 6e-7e
année], pp. 414-416. Le Monde dramatique attribue la pièce à Janéty. Le catalogue de Wicks indique que les
auteurs sont G. Janéty et E. Bonnemère. D’ailleurs, le titre chez Wicks est Micromégas, ou Gare l’Enfer.
46
Nous nous appuyons sur les bulletins des théâtres du Journal des débats, de La Quotidienne et du
Constitutionnel.
187
et Kankan. Curieusement, malgré le « plus grand succès » de cette « fort amusante féerie »48,
aucun quotidien ne décrit ni les rôles chinois ni les détails du décor du temple. Le Monde
dramatique apprécie la « mise en scène fort remarquable », ainsi que les décors et les
costumes « d’une richesse éblouissante », mais il ne précise pas par quels moyens on y
représente la Chine.
Il est également intéressant de noter qu’un « musée chinois et japonais » s’ouvre au
bazar Bonne-Nouvelle à partir du 27 février 184149. On y reproduit « tous les détails de la vie
domestique des Chinois et des Japonais, depuis leur naissance jusqu’à leur mort ». Les deux
« représentations » des Chinois, au Panthéon et au bazar, font écho à la circonstance.
L’Orphelin de la Chine de Jouhaud et Carmouche évoque aussi Voltaire. Dans
l’ancienne salle de Madame Saqui, rénovée en 1841 et rebaptisée les Délassements-Comiques,
on ne voit ni Gengis Khan ni Idamé. La représentation est faite au bénéfice de M. Sagedieu50,
qui joue un personnage nommé Sabatier 51 . Cette pièce n’est pas publiée. Selon le procès-
verbal de censure, elle raconte l’histoire de deux Chinois venus à Paris pour chercher l’enfant
héritier de Kantalou : « Ils remmènent Sabatier, intrigant et Lofard niais, qui s’expatrie par
amour pour Pamela. Pamela part elle-même pour la Chine, ainsi que Mme Pékin sa mère. Et
c’est à Canton qu’après une longue série de quiproquos Pamela reconnue pour la fille de
Kantalou épouse Lofard »52. Un article d’Auguste Gruson pourrait compléter le résumé du
comité de censure :
L’orphelin en question est tout simplement un enfant de Paris comme il en croit tant dans
le treizième arrondissement. Son père a gardé l’anonymat par modestie, et Mme Pékin, sa
mère, s’est dévouée aux modestes fonctions de portière. [...] Aujourd’hui Paméla a dix-huit ans
et toutes les qualités qui distinguent la grisette parisienne. Son père anonyme finit par trahir
son incognito, au moyen d’une cargaison de thé accompagnée de deux commis voyageurs,
qu’il expédie de Chine, où il s’est établi, avec mission de retrouver l’enfant abandonné, dont il
ignore le sexe. Plusieurs garçons, qui manquent de pères, sont enchantés de l’occasion et se
présentent comme candidats à sa tendresse et à sa fortune. On se doute qu’ils sont évincés et
que la véritable héritière est proclamée53.
Mis à part les noms quasiment chinois des personnages, une telle histoire n’est qu’une
variation sur l’ « oncle d’Amérique », un sujet qui fonctionne dans n’importe quel espace-
temps. Il ne s’agit pas d’évoquer des mœurs chinoises en particulier, et le lieu et les
47
À partir des numéros parus le 11 et le 19 mars 1841, nous relevons les noms des personnages et des comédiens
: « Merlin – Lansoy ; Falourdet – Gabriel ; Gauthier – Léopold ; Bienboire – Constant ; Pékin – Pelvilain ;
Belzébuth – Léon ; Kankan – Auguste ; un marquis – Armand ; un machiniste – Alexandre ; Micromégas –
Mesd Victorine ; Tienette – Bergeon ; Marie – Aline. »
48
Anonyme, « Chronique des spectacles », Le Constitutionnel, le 2 mars 1841.
49
Nous nous appuyons sur la publicité du Siècle, du Journal des débats et du Moniteur universel.
50
« Moniteur des théâtres : nouvelles diverses », Le Corsaire, le 7 août 1844.
51
D’après L’Entr’acte paru le 7 août 1844, la distribution est comme suit : « Kantalon [Kantalou], Constant –
Loffard, Desormes – Sabatier, Sagedieu – Fichtan, Tourtois – Kakao, Dhernestat – Bambou, Bréville – Kokoli,
Desplaces – Mad Pékin, mesd Rhéal – Paméla, Ballagny – John, Augusta. »
52
Procès-verbal de censure signé le 5 août 1844. Archives nationales, F21 981.
53
Auguste Gruson, Le Siècle, le 26 août 1844.
188
personnages sont facilement substituables. La scène chinoise pour la réunion de l’orpheline et
son père doit cependant constituer l’intérêt de la pièce. Comme dans Bilboquet II, représenté
dans la même salle, des curiosités chinoises voire des jongleurs errants (à la chinoise) sont
susceptibles d’être rencontrés sur scène.
IV. 2. (4). (b) Un trait sino-indien : les aventures des Mille et une nuits
Les deux pièces évoquant les œuvres de Voltaire ont pour cadre des aventures
lointaines. La scène chinoise fait partie du trajet, mais les mœurs et l’esprit des personnages
restent bien entièrement européens. L’impossibilité de consulter le texte dramatique empêche
malheureusement une analyse approfondie.
C’est dans cette même salle des Délassements-Comiques que l’on monte en 1848 le
vaudeville de Faulquemont et Alexandre, intitulé L’Impératrice de la Chine. Le livret est
également introuvable. Ce que nous savons de ce « succès de franc et de fou rire » est qu’il
contient « des couplets comme on en chante, un cancan (couleur locale) comme on en danse à
Pékin dans les réjouissances publiques, et un tableau vivant où figurent sept houris comme on
n’en rencontrait qu’au Château-Rouge ou dans le paradis de Mahomet »54. Les derniers mots
suggèrent que cette impératrice chinoise est issue de l’imagerie de la princesse orientale, tout
comme celle de Zazézizozu (Cirque-Olympique, 1835). La distribution des personnages en
apporte la preuve : on y trouve les rôles féminins nommés Zaza, Zeze, ou Zozo 55 . Si le
vaudeville de L’Impératrice de la Chine est une « bêtise si spirituelle »56, son intérêt repose
sur l’esprit et le calembour « tout français », et non sur les costumes et décors exotiques57.
De l’orphelin à l’impératrice, en passant par la scène du temple chinois, une seule
pièce nous est entièrement accessible, grâce à la publication de son texte. Adaptée des contes
éponymes, Les Mille et une nuits (Porte Saint-Martin, 1843) des frères Cogniard débute au
palais de Schariar, aux bords du Gange, en Inde (fig. 4.03). Le roi jaloux doute de la chasteté
de son épouse Scherazade. Celle-ci et sa sœur Dinarzade sont condamnées à mort. Cependant,
selon la croyance bouddhiste locale, l’âme humaine ne meurt pas, mais se transforme. L’âme
quitte un être humain pour aller habiter un nouveau corps, elle passe donc dans une nouvelle
enveloppe, celle d’un autre être humain ou celle d’un animal. Schariar, qui regrette la mort de
Scherazade et de Dinarzade, se met à la recherche de leurs âmes. À l’aide du tapis magique et
de la lampe merveilleuse, Schariar et son officier Badroulbodour arrivent à Nankin (tableau v-
vi), où des esclaves féminines sont mises à la vente aux enchères. On y trouve deux
orphelines : Tépsalie et Naïda, qui ont été enlevées par un corsaire et qui ont voyagé depuis la
Grèce jusqu’en Chine. Schariar et Badroulbodour trouvent qu’elles ressemblent à Scherazade
et Dinarzade. Ils essaient donc d’acheter les deux esclaves, mais celles-ci ne reconnaissent
point les deux nobles étrangers.
54
« Théâtres », Le Corsaire, le 5 octobre 1848.
55
Selon L’Entr’acte paru le 6 octobre 1848, la distribution est comme suit : « Cacao, Brasseur – Misapouf,
Sagedieu – Astracan, Markais – Citronette, mesd Esther – Lili, Rose – Zaza, Léonie – Zeze, Cécile – Zizi, Adèle
– Zozo, Antonia – Zuzu, Marie. »
56
Anonyme, Revue et Gazette des théâtres, le 12 octobre 1848.
57
Revue et Gazette des théâtres, le 5 octobre 1848.
189
Cette pièce de la Porte Saint-Martin évoque les contes orientaux et leurs adaptations
théâtrales. Le nom de Scherazade rappelle Shéhérazade (la narratrice des contes des Mille et
une nuits), et l’officier Badroulbodour fait penser à la princesse Badroulboudour qui épouse
Aladin de La Lampe merveilleuse (Panorama-Dramatique, 1822). Mais l’esprit des frères
Cogniard semble éloigné du monde arabe, car la transformation et la transmigration de l’âme
se base sur les écrits sacrés du Grand Fô (Bouddha), et non sur la croyance islamique. Si le
conte des Mille et une nuits ne manque pas de sources indiennes58, le trait sino-indien dans
Les Mille et une nuits des frères Cogniard démontre cependant une tendance spécifique de
l’époque : comparer les mœurs chinoises à celles des Indiens. Pour exemple, dans Le Théâtre
chinois (publié en 1838), la réflexion de Bazin aîné se fonde partiellement sur l’observation
du théâtre indien.
Nous avons examiné dans le chapitre II comment les dramaturges font « chinoiser »
les contes orientaux. Pour la Chine des Mille et une nuits, les frères Cogniard s’inspirent des
anciens spectacles au sujet chinois. Si les noms du gouverneur Fich-Yanko et de l’officier
Péko rappellent Fich-Tong-Kan (Palais-Royal, 1835) et les amoureux du Cheval de bronze
(Opéra-Comique, 1835), les enchères des femmes font penser au marché des esclaves dans
Gengiskan (Vaudeville, 1824). Les esclaves noirs (tableau v, sc. 10) et leur gros maître qui ne
peut pas se tenir debout (tableau vi, sc. 3) évoque le Nankinois Tang-Out-Sung des Deux
Magots de la Chine (Variétés, 1813). Le défilé des danseuses chinoises est indispensable et le
cortège tenant les lanternes évoque les lumières bariolées de Chao-Kang (Théâtre Nautique,
1834). En ce qui concerne les mœurs et le « palais de porcelaine » en Chine, ils sont sans
doute un héritage de l’imagination de la chinoiserie, tandis que le « Pavillon des Songes », où
dorment les magots, rappelle la vie paresseuse dont témoigne Landry dans Dgenguiz-Kan
(Cirque-Olympique, 1837). Certaines observations sont encore plus négatives. Le gouverneur
qui se livre au plaisir et qui ignore la justice de la loi fait penser au Mandarin Hoang-pouf
(Porte Saint-Martin, 1821). Le culte de l’idole Pif-pif, qui possède deux ventres et dix bras,
elle, rappelle le fait que les intellectuels et les dramaturges du XVIIIe siècle ont disputé sur la
superstition des Chinois.
Il faut rendre compte du sujet de la pièce : la transmigration des pauvres âmes et leur
voyage sans fin. D’un territoire à un autre et en changeant de forme corporelle, ces entités
vagabondes ne nous emmènent jamais vers des paysages agréables. Tandis que les
changements de tableaux permettent aux décorateurs et machinistes de déployer leur talent et
leur originalité, la scène chinoise sous la plume des dramaturges n’est qu’un recueil
d’anciennes citations. Pis, la plupart de nos belles mémoires du Céleste Empire est absente de
ce pays étrange, voire excentrique. Ce pêle-mêle chinois manifeste en fait un sentiment de
mépris. On peut peut-être y voir l’apparition d’une sorte de « sinophobie » : la mascarade
chinoise de la cour royale était la mode d’auparavant ; la curiosité nuancée d’une teinte
sombre devient le goût du jour.
58
Selon Edgard Weber, « L’influence de la littérature narrative indienne se trouve dans Le Hezar Efsane, le livre
perse qui est le noyau primitif des Mille et une nuits. » Voir Edgard Weber, Le Secret des Mille et une nuits,
l’interdit de Schéhérazade, Paris, Esché, 1987, p. 13. Sur l’influence indienne et Le Hezar Efsane dans Les Mille
et une nuits, voir Kamal Ali Mahmoud Ahmed Gadallah, L’Orient de Théophile Gautier, thèse doctorale,
Université Sorbonne Nouvelle – Paris III, 2004, pp. 29-30.
190
Les personnages chinois de la pièce sont également hostiles aux Occidentaux. Lorsque
le roi Schariar et son officier arrivent dans la ville à l’aide du tapis volant, le gouverneur Fich-
Yanko les prend pour des « sorciers » et des « contrebandiers » qui appartiennent aux
« classes de gens prohibés en Chine ». Le jugement à l’égard des diables étrangers renvoie à
l’angoisse d’après-guerre des Chinois. Bien que les dramaturges n’indiquent pas directement
le nom de l’empire britannique, ces deux diables indiens suggèrent des sosies des Anglais, car
l’Inde est effectivement sous la domination de la Grande-Bretagne suite à la Bataille de
Buxar, en 1764. La rencontre sino-indo-anglaise qui se déroule dans Les Mille et une nuits
semble une métaphore de la destinée historique du Céleste Empire. Sur la scène mondiale, la
Guerre de l’Opium et le traité de Nankin forcent la Chine à verser aux Anglais d’énormes
indemnités. Sur la scène des Mille et une nuits, la ruse des personnages chinois ne leur
rapporte rien : les deux belles, Scherazade et Dinarzade, en se suicidant pour poursuivre la
prochaine transmigration, ne laissent que deux cadavres chez les mandarins. L’argent que les
mandarins dépensent aux enchères des femmes est donc perdu. Schariar et son officier
Badroulbodour, quant à eux, récupèrent leur tapis volant accaparé par les mandarins. En
suivant leur voyage, les spectateurs de la Porte Saint-Martin continuent à explorer les mœurs
étranges d’autres pays. La Chine n’est qu’un relais tout au long de cette fantaisie des Mille et
une nuits.
59
Honoré de Balzac, « La Chine et les Chinois », 3e partie, publié pour la première fois dans La Législature, n°
83 du 17 octobre 1842, recueillie dans Voyage de Paris à Java, Paris, Actes Sud (collections Babel), 2006, p.
154.
60
Louis Péricaud, Le Théâtre des Funambules, Paris, Léon Sapin, 1897, p. 258.
61
Procès-verbal de censure signé le 8 octobre 1842, Archives nationales, F21 984. Le manuscrit du scénario est
conservé aux Archives nationales, sous la cote de F18 1087.
62
Louis Péricaud, op. cit., p. 258 ; Charles Beaumont Wicks, The Parisian Stage, vol. 3.
191
aventures d’un jeune officier anglais nommé Sir Arthur, qui s’introduit avec Pierrot dans une
ville chinoise. Les Chinois emprisonnent Pierrot dans une cage et décident de le jeter dans la
mer. Tête-de-biche, favorite du Mandarin Chi-han-li, sauve la vie de Pierrot et le remplace par
une idole du temple. Alors que les Chinois fêtent le départ des Anglais, ceux-ci escaladent les
remparts et soumettent les Chinois.
Sur la scène des Funambules et comme dans L’Opium et le Champagne (Variétés,
1842), on engage un Français dans la guerre sino-anglaise. Mais Pierrot le fou ne sait pas
réveiller les Chinois par le champagne. Cet innocent est forcé à participer aux complots de Sir
Arthur et devient le bouc émissaire des Anglais. Cependant, si le scénariste se moque des
Anglais, il ne montre pas pour autant de compassion à l’égard des Chinois envahis. Charles
Charton vise l’idolâtrie chinoise. Selon les didascalies, la scène se passe « en 1839 ou en
1840, lors des premières conquêtes des Anglais, que les Chinois croyaient repousser, en leur
présentant leurs Idoles ». Tout au long de la pantomime, le discours relatif à la croyance
païenne ne manque pas. Nous assistons à la cérémonie aussi grotesque que drôle effectuée à
l’intérieur du « Miao » (le temple) de Kirkaya, où l’on vénère une statue indienne du tout-
puissant Kirkayarakaka. Les musiciens font écho à ce charivari idolâtre parce qu’ils
« perdent » les feuillets des partitions et qu’ainsi, ils « exécutent une musique horriblement
discordante » (tableau iii).
La dénomination des personnages est une raillerie. Les personnages féminins sont
appelés « à la manière des contes arabes célèbres »64, tandis que le nom du Mandarin évoque
« chie-en-lit ». On emploie aujourd’hui le terme de « chienlit » pour désigner le désordre
public, mais le terme « chie-en-lit » s’appliquait auparavant aux rôles de masque du
carnaval65. À l’occasion du carnaval du faubourg Saint-Antoine, en 1785, un Pierrot « portait
une espèce d’étendard chinois, garni de grelots, sur lequel on lisait [ce mot] en grosses
lettres »66 . Lors de la représentation de Fich-Ton-Khan (Palais-Royal, 1835), un article de
L’Entr’acte appelle l’empereur chinois Kakao LXII le « médiateur des provinces de Chian-Li
et de Khan-Khan » 67 . Du carnaval à Fich-Ton-Khan, le terme « chie-en-lit » désigne la
représentation de ce genre de « folie » chinoise et non forcément une expression malveillante
contre les Chinois. Le « paravent » du titre indique que ce Chinois n’est qu’une fantaisie, sans
rien à voir avec le Chinois de la Chine.
À la fin de sa carrière, en octobre 1845, Debureau doit à nouveau jouer un rôle chinois
dans la « pantomime chinoise en sept changements à vue » intitulée La Pagode enchantée68.
63
Kikuno Nabeta, Jean-Gaspard Debureau, ou D’un théâtre romantique populaire en France, thèse doctorale,
Université Sorbonne Nouvelle – Paris III, 2006. Nabeta a dactylographié tous les manuscrits des spectacles de
Debureau qui sont conservés aux Archives nationales.
64
Ibid., vol. 1, p. 107.
65
Article « Chie-en-lit », Dictionnaire de l’Académie-Française, sixième édition, tome 1, 1835, p. 313.
66
Pierre Jean Baptiste Nougaret, Tableau mouvant de Paris, ou variétés amusantes, tome II, Londres, Th.
Hookham ; Paris, Vve Duchesne, 1787, pp. 270-271.
67
Auteur anonyme, L’Entr’acte, le 5 mars 1835.
68
Auteur anonyme. Le manuscrit est conservé aux Archives nationales, sous la cote de F18 1088. Le procès-
verbal de censure est signé le 23 octobre 1845 (Archives nationales, F21 984), tandis que Kikuno Nabeta indique
que cette pantomime est reçue le 20 octobre 1845 et représentée le 22 octobre. Louis Péricaud constate qu’elle
est représentée le 25 octobre 1845 (op. cit., p. 280), mais le catalogue de Wicks nous donne la date du 28 octobre
1845.
192
Dans ce spectacle, Pierrot est le valet du mandarin Bambouki. Celui-ci veut marier sa fille
Babiouilie au commandeur Tambourico, mais la jeune fille adore le prince Kamouiski qui est,
lui, épris de Beatilie, la sœur de Babiouilie. Babiouilie demande à Tambourico d’arrêter le
prince Kamouiski afin d’empêcher le mariage de Beatilie. Grâce à Pierrot, le prince s’échappe
de prison et retrouve son sa bien-aimée. Enfin, une ombre s’élève de la pagode enchantée.
Elle ordonne qu’on enterre Babioulie vivante, ceci à moins qu’elle ne consente à épouser
Pierrot le fou.
Bien que le décor de la pagode « se développe et laisse voir un palais magnifique »
lors de la dernière scène (7e décor), on trouve peu d’éléments chinois dans cette pantomime.
Le bruit de vaisselle cassée rappelle à Bambouki sa porcelaine dansante (1er décor), les
cascades et les lazzis de Pierrot (3e et 5e décors) sont indiqués dans le scénario. Cependant, on
ne voit sur scène ni danse chinoise ni lazzis chinois. Comme l’exprime la conclusion de Louis
Péricaud, « cette pantomime, qui n’a de chinois que le français dans lequel elle est écrite,
tente cependant de sortir de l’ornière creusée par tant d’autres »69.
69
Louis Péricaud, op. cit., p. 280.
70
Pour la date de représentation et les opinions du public, nous avons consulté Louis Péricaud, op. cit., pp. 316-
318.
71
Pour l’argument de la pantomime, nous avons consulté Champfleury, Souvenirs de Funambules, Paris, Michel
Lévy frères, 1859, p. 101.
72
Auteur anonyme. Date de représentation inconnue.
73
Nous nous appuyons sur le procès-verbal de censure signé le 13 juillet 1846. Archives nationales, F21 982.
193
IV. 3 Le voyage en Chine (1848-1860)
194
Adalgis retrouve l’acte de naissance de Mirza. Selon ce document, Mirza est mi-espagnole
mi-chinoise. La loi chinoise ne s’applique donc pas à elle. Léon, Thémistocle, Adalgis ainsi
que Mirza se hâtent de retourner en France.
Les trois Français représentent chacun une motivation de voyage : le commerce
opportuniste (Adalgis), l’exploitation militaire (Léon) et la coopération politique
(Thémistocle). La première est venue en Chine car elle croyait que les Chinoises ne portent
pas de chapeaux. Malheureusement, à son arrivée, « on ose vanter les chapeaux chinois » (sc.
7) – un jeu de mots qui parodie à la fois la mode et la musique chinoise. Choquée par la
laideur de la coiffure chinoise, cette modiste est « réduite à ne rien faire ». Le deuxième type
de voyageur est incarné par l’aspirant de la marine française. On ne précise pas sa mission
dans le texte, mais celle-ci constitue la raison de son débarquement en Chine. Pour l’empereur
chinois, la présence de la marine française annonce « la fin de [s]a carrière » (sc. 5).
L’inquiétude de l’empereur chinois fait écho à la politique française de 1848 car
Thémistocle s’est rendu en Chine « juste après une révolution » (sc. 4). Le troisième type de
voyageur, quant à lui, dédie ses efforts aux « lumières pour éclairer l’intelligence arriérée »
des Chinois (sc. 4).
En suivant le voyage de « curiosité » des trois Français, les lecteurs (ré)examinent les
personnalités du Chinois. Tout comme les empereurs qui avaient chassé les missionnaires
jésuites au XVIIIe siècle, l’empereur Pot II n’apprécie pas les contributions des Occidentaux.
Bien que ce chef d’État ait recours aux Occidentaux pour moderniser la loi de son pays, il
s’obstine à conserver des lois démodées concernant le mariage (sc. 22). En ce qui concerne les
gens ordinaires, on retrouve partout des mœurs bizarres et barbares. Mise à part les mœurs
tirées des anciens récits et spectacles, de nouvelles « découvertes » sont également étranges.
Par exemple, « souvent ce sont les femmes qui ont plusieurs maris » (sc. 2), ou alors : le
monarque tire le nez d’un invité comme « une preuve de haute estime » (sc. 4).
Les récits de voyage ont beaucoup comparé les mœurs chinoises et occidentales. La
nouveauté d’Un voyage en Chine réside dans le fait que l’auteur essaie de démontrer les
différences de mœurs sur la scène théâtrale à travers le témoignage du personnage de
voyageur. Moins de scènes féeriques, plus de jugements qui semblent liés à la vraie
observation, ce modèle de « voyage des témoins » sera souvent joué sur la scène du théâtre
durant la période du Second Empire.
195
français à l’étranger sont mis en scène. Le plaisir consiste à la fois dans les mœurs et dans le
paysage. Bien que la Chine soit une destination inaccessible en train, on trouve au moins la
« Jonque chinoise » sur la Tamise, à quai dans la capitale de la Grande-Bretagne (Acte II,
tableau vii). Des Chinois passent sur la scène, descendent de la jonque et se mettent à chanter
et danser. Très surpris, les touristes français applaudissent finalement le spectacle de curiosité.
Si le « divertissement chinois » mêle effectivement les danses écossaises et
anglaises 75 , il existe une véritable jonque chinoise à Londres et elle constitue une vraie
attraction pour les gens de l’époque. Il s’agit d’une jonque appelée Keying, qui reste amarrée à
East India Docks de 1848 à 1850 (fig. 4.04)76. Selon l’antiquaire et archéologue John Timbs,
c’est la première jonque chinoise arrivée en Europe77. Théophile Gautier a imaginé, dans son
roman Fortunio (1837), une jonque chinoise amarrée à Londres, avec des Chinois au sourire
narquois78. L’arrivée de Keying réalise le rêve de Gautier et des touristes français.
Cette nouveauté qui a suscité l’intérêt de la Reine Victoria est finalement détruite au
milieu des années 1850. C’est pourtant à cette même époque que Londres et Paris accueillent
les Expositions universelles (1851 à Londres, 1855 à Paris). En 1862, pendant l’exposition
internationale à Londres (appelée la « International of 1862 » ou la « Great London
Exposition »), le Théâtre des Variétés reprend la pièce de Clairville et Cordier, avec des
changements dans le texte et les décors. La comparaison des textes des deux versions nous
permet de percevoir les changements dans les attractions mises en scène :
75
« Bulletin dramatique », Le Ménestrel, le 12 août 1849.
76
Sur l’arrivée de la Jonque chinoise « Keiying » à la Tamise, voir The Illustrated London News, paru le 1er avril
1848.
77
John Timbs, Curiosities of London, Londres, David Bogue, 1855, p. 254.
78
Pierre Jourda, L’Exotisme dans la littérature française depuis Chateaubriand, tome II, « Du romantisme à
1939 », [Paris, 1939,] Genève, Slatkine Reprints, 1970, p. 106.
196
britanniques… […] (Acte I, tableau i,
sc. 1)
79
François Palau et Maguy Palau, Le Rail en France : le Second Empire, tome 2, 1858-1863, Paris, F. et M.
Palau, 2001, p. 40.
80
E. Forcade, « Chronique de la quinzaine » du 14 août 1858, Revue des deux mondes, tome 17, 1858, pp. 952-
962.
197
Orientales. Celui-ci, épris de la beauté orientale, se rend immédiatement en Chine à l’aide du
fouet magique. Les trois autres sont envoyés vers différents continents suite à des intrigues
similaires. À Pékin, Nicolas fait la connaissance du mandarin Papouf qui s’engage dans la
vente de l’opium. Chez lui, Nicolas trouve des meubles chinois décorés de belles figures
féminines. Celles-ci se métamorphosent en femmes véritables, et une Idamé est la plus
séduisante d’entre elles. À cause du retour imprévu de Papouf, Nicolas ne peut que se
déguiser en Bouddha. Ses plaisanteries religieuses irritent les Chinois et il est condamné à être
brûlé vif. Les quiproquos de l’épisode chinois se terminent avec la présence d’Annette à
Pékin. En effet, celle-ci obtient l’anneau magique de Toby par astuce et se rend aux quatre
coins du monde pour sauver ses cousins. Elle demande la grâce de l’empereur chinois et fait
éteindre la flamme du bûcher.
La morale de l’histoire est évidente : s’unir pour agir. Si le cadre et la morale des
Quatre parties du monde nous rappellent Zazézizozou, plusieurs éléments chinois nous sont
aussi familiers : Idamé peinte sur le meuble évoque la femme patriotique de L’Orphelin de la
Chine. L’empereur nommé Miaou-Fich-Ton-Kan-Vat’-Fair’-Fich rappelle à la fois l’empereur
de Fich-Ton-Khan et l’image du chat rattachée à l’homme chinois depuis le XVIIe siècle que
nous avons abordée dans le premier chapitre. La longueur du nom « Miaou-Fich-Ton-Kan-
Vat’-Fair’-Fich » rappelle d’ailleurs le mandarin Kiang-Ssé-Long de La Chatte
métamorphosée en femme, duquel provient le calembour « qui en sait long ». Le déguisement
de Fô (Bouddha) était utilisé par Koulouf. Nicolas reprend le même trompe-l’œil. Sur la
scène, il y a des numéros de saltimbanques et le cortège du défilé porte des drapeaux ornés de
monstres bizarres. En ce qui concerne la musique, les airs du Cheval de bronze se retrouvent
non seulement lors de la scène chinoise mais aussi en Europe (Acte II), quand les voyageurs
portent leurs bagages sous la pluie.
Le voyage en Chine n’est pas simplement géographique mais aussi « historique ». Les
éléments tirés des anciens spectacles au sujet chinois sont à portée de main des dramaturges et
sont bien parodiés. Ainsi, nous effectuons un état des lieux des « déjà-vus » chinois. La
représentation s’avère une « accumulation incroyable de bizarreries pleines de fantaisie et
d’humour » et, même davantage : une « profusion de splendeurs et de folies »81. Comme dans
un bazar inspiré de l’exposition universelle, on juxtapose les pavillons des quatre parties du
monde et on y montre des objets « représentatifs ».
Il faut rappeler que pendant l’été 1851, le public parisien a pu rencontrer les Chinois
de l’Exposition à Londres ainsi qu’une troupe de musiciens chinois. Les Chinois deviennent
dès lors un argument de promotion commerciale. En 1854, on peut assister à la querelle du
« vrai Chinois » dans le monde du théâtre parisien. Nous y reviendrons au cours de ce
chapitre. En ce qui concerne le sujet du voyage, l’arrivée des vrais Chinois en 1851-1854 fait
penser que la Chine n’a jamais été si proche de la vie quotidienne. On observe les Chinois par
curiosité, on les approche et on les démystifie enfin. C’est dans cet environnement que le
Théâtre des Variétés monte en 1854 le vaudeville intitulé Les Antipodes, coécrit par Jules
Barbier et Michel Carré.
81
A. Denis, L’Entr’acte, le 4 octobre 1851.
198
L’idée repose sur la juxtaposition de Pékin et Paris. La scène est séparée en deux : la
porte du compartiment de Pékin s’ouvre à la gauche, tandis que celle de Paris s’ouvre à la
droite82. Entre les deux compartiments, on voit un nuage en forme de palmier et un « écusson
naïf » rehaussé des trois mots : « ANTIPODES. Paris. – Pékin. »83. Les intrigues se succèdent
avec deux groupes de personnages. À chacun son homologue de l’autre côté de la scène.
Plusieurs airs sont chantés en partie double84. Nous utilisons les noms chinois dans le résumé
ci-dessous afin d’éviter la confusion, mais les deux groupes de personnages qui sont
interprétés par deux groupes de comédiens passent sur scène consécutivement.
Dans ce spectacle qui ne dure que vingt minutes86, les spectateurs voyagent entre deux
mondes qui se situent côte à côte. Le but des auteurs est énoncé par Coquardin. Ce bourgeois
parisien, ennuyé par la vie quotidienne, se demande s’il existe en Chine des Chinois qui sont
aussi perplexes que lui. Il envisage un monde comique sans frontière : « Pendant qu’ici moi je
m’amuse / À rire de son embarras, / Je crois que ma mine confuse / Le divertit aussi là-bas ! »
(sc. 1) Si la tournée des Chinois en 1854 fait rire les spectateurs parisiens, les comiques
français, selon le raisonnement de Coquardin, doivent également amuser les Chinois.
Quelques pièces ont déjà employé cette manière de diviser la scène en deux. Les
Grands et les Petits (Théâtre Feydeau, 1789) juxtapose ainsi deux classes sociales qui sont
exposés aux mêmes événements et qui subissent les mêmes lois du destin87. Dans L’Homme-
mouche88, la scène est divisée en deux étages. Les comédiens de l’étage inférieur exécutent
des numéros avec leurs pieds directement opposés aux pieds des comédiens de l’étage
supérieur. Pour Les Antipodes, l’idée ne repose ni sur la classe sociale ni sur le corps mais sur
82
Auguste Lireux, Le Constitutionnel, le 9 août 1854.
83
Édouard Thierry, « Revue dramatique », Le Moniteur universel, le 1er août 1854.
84
Jules Janin, Journal des débats, le 7 août 1854.
85
Dans le manuscrit, Kan-Kan et Mi-Mi sont mari et femme. Dans la publication, leur relation devient oncle-
tuteur et cousine-pupille.
86
Darthenay, « Revue des théâtres », Le Siècle, le 31 juillet 1854.
87
M. Listener, Revue et Gazette des théâtres, le 30 juillet 1854.
88
Édouard Thierry, « Revue dramatique », Le Moniteur universel, le 1er août 1854. Nous n’avons cependant
accès à aucun autre renseignement concernant cette pièce.
199
la distance géographique. Les comédiens de la moitié parisienne ne se rendent pas à Pékin (et
vice versa), mais les spectateurs sont exposés au passage d’un monde à un autre. La musique,
combinant à la fois le « style français et le style chinois »89, renforce ce sentiment du voyage.
Jamais Pékin n’a été si proche de Paris. Nous nous souvenons de la devise de Paris à
Pékin (Vaudeville, 1817) : « Il n’y a qu’un Paris, et il y a tant de Pékin ». Les Antipodes
prouvent cette devise. Pékin n’est qu’un reflet de Paris.
Ce rapprochement en termes de distance fait de Pékin une destination quasiment
familière, voire banalisée. Et ce petit spectacle annonce un grand virage. S’il n’y a rien de
nouveau à Pékin, à quoi sert le voyage en Chine ? À la fin de l’année 1854, le missionnaire
Auguste Chapdelaine rencontre des catholiques chinois dans le sud-ouest de l’empire. Accusé
de répandre la croyance perverse, Chapdelaine est arrêté au début de l’année 1856 et torturé
jusqu’à la mort. Cet événement engage finalement les Français dans la Seconde Guerre de
l’Opium. Sur la scène du théâtre, la Chine devient une destination obligatoire mais
désagréable. Les deux spectacles que nous allons examiner témoignent de cette tendance.
IV. 3. (2). (c) La Chine aux confins de l’Orient : de la question d’Orient à l’odalisque chinoise
À partir de 1858, les troupes françaises interviennent dans la Seconde Guerre de
l’Opium. Celle-ci se termine par le pillage de Pékin. Nous aborderons les spectacles évoquant
des batailles en Chine dans le chapitre suivant. Nous traitons ici des spectacles de voyage.
Du « Train de plaisirs » aux compartiments de Paris-Pékin, la Chine s’approche de
plus en plus de la France. La déclaration de guerre accélère la réalisation du voyage voire
l’expédition. En 1858, le Théâtre des Délassements-Comiques monte une « chinoiserie
parisienne » de Pierre Zaccone et Élie Frebault, intitulée Les Odalisques de Ka-Ka-O (fig.
4.05). Zaccone s’intéresse beaucoup au sujet oriental, parce qu’il a publié, en 1857, un
« roman chinois » intitulé Le Fils du ciel. Mais le choix du mot « odalisques » n’est pas
correct. En effet, celui-ci désigne la femme de chambre esclave qui est au service des femmes
d’un harem.
Sujet populaire dans les œuvres orientales, l’odalisque n’est pas souvent liée à
l’imaginaire portant sur la Chine. Plusieurs théâtres parisiens ont monté des spectacles sur les
odalisques sans la présence de Chinoises. Les intrigues ont souvent la curiosité de l’héroïne
comme point de départ et elles débouchent sur une aventure en Orient. Le Vaudeville a ainsi
monté, en 1840, une pièce intitulée Les Odalisques. À Constantinople, Lady Montaigu,
femme de l’ambassadeur d’Angleterre, se déguise en Grecque et se glisse dans le sérail. Elle
éclaire le Sultan « sur les intérêts que menace la Russie, auxquels veut s’associer l’Angleterre
et que la France peut seule protéger »90. Les Délassements-Comiques ont également monté, en
1853, une folie-vaudeville intitulée Les Odalisques pour rire, coécrit par Planté et Jouhaud.
Quelques grisettes reçoivent une lettre d’invitation d’un pacha d’Égypte. Dans le bateau à
vapeur, elles mangent des dattes imprégnées d’un narcotique. De jeunes commis français se
89
Édouard Thierry, Le Moniteur universel, le 1er août 1854.
90
Procès-verbal de censure, signé le 24 novembre 1840. Archives nationales, F21 970.
200
déguisent en Orientaux et accueillent chaleureusement les filles quand elles se réveillent dans
un château. La présence de l’oncle d’un commis dévoile enfin ce faux voyage en Orient.
Le personnage nommé « Ka-Ka-O » se greffe dans un tel voyage basé sur
l’enlèvement. Le Théâtre Lazari monte, en 1851, le vaudeville du Docteur Kakao. Ce docteur
turc a acheté une Française, Sophie, afin de l’utiliser comme esclave de ménage. Il refuse de
vendre cette belle esclave au grand vizir et risque de subir les représailles de celui-ci 91 .
L’arrivée du mari de Sophie sauve sa femme et la vie du docteur Kakao.
Dans Les Odalisques de Ka-Ka-O, les odalisques franco-chinoises, elles, ne se
débarrassent du gouverneur Kakao que grâce à l’intervention de l’armée française.
Remarquons qu’au tout début de la pièce, deux Chinois passent devant le restaurant de
Machelard, à Paris. Leurs vêtements grecs font que le patron et sa femme pensent que ce sont
des Turcs. Si la sinologie n’a cessé de distinguer la Chine de l’Orient, la « confusion » des
Délassements-Comiques risque de replacer le discours sur la Chine dans le cadre de la
« Question d’Orient » 92 . À ce sujet, rappelons que la Guerre de Crimée (1853-1856) a
récemment pris fin, les représentations de La Question d’Orient (Variétés, 1854) et de La
Guerre d’Orient (Théâtre impérial du cirque, 1854) ayant fait écho à ce conflit. Les
« odalisques » chinoises suggèrent ainsi que les batailles en Chine ne sont qu’une extension
de la Question d’Orient.
91
Notre argument est tiré du procès-verbal de censure, signé le 15 octobre 1851. Archives nationales, cote F21
983.
92
Selon le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle des éditions Larousse, la « Question d’Orient » désigne
l’ « ensemble des questions qui se rattachent à l’existence de l’empire ottoman, et particulièrement aux
possessions européennes du gouvernement turc ».
201
Birmingham revient avec les soldats européens. Ceux-ci pardonnent les erreurs des Chinois.
Tous les Français et l’Anglais rentrent en Europe. (Acte III)
Nous avons indiqué trois motivations de voyage exprimées dans Un Voyage en Chine.
Elles se retrouvent également dans Les Odalisques de Ka-Ka-O. Machelard ouvre un magasin
nommé « Deux Magots » en Chine, tandis que les deux canotiers français sont chargés de
former les soldats chinois. La nouveauté des Odalisques de Ka-Ka-O est que le dramaturge
met en scène deux voyages, à savoir le voyage des mandarins en France (Acte I), ainsi que le
voyage des Français en Chine (Acte II, III). En France, Ka-Ka-O et son suivant Ko-Ko-Ri-Co
portent la « longue tresse tombant jusque sur les reins » et les « longues moustaches à la
chinoise » (Acte I, sc. 9). L’image de ces voyageurs chinois évoque immédiatement le
stéréotype du « vieux magot » (Acte I, sc. 10). En Chine, les voyageurs français dévoilent, au
fur et à mesure la manière d’être « à la chinoise ». C’est un voyage de découverte et en même
temps une occasion de réaffirmer les impressions sur les Chinois. Ils aperçoivent le visage
laid et la mode ridicule (air de l’Atlantique, Acte II, sc. 2). Ils témoignent des alimentations
terrifiantes et du manque d’hygiène (air de l’Apothicaire, Acte II, sc. 3). Ils voient encore les
Chinois entrer sur scène « à la chinoise » (Acte II, sc. 5), balançant la tête et exécutant la
« danse chinoise » (Acte II, sc. 7). C’est un pays de « vilaines chinoiseries » à
« correctionner », comme l’indique l’Anglais Birmingham (Acte III, sc. 10).
Le voyage chinois d’autrefois nous a parfois montré des mœurs étranges et barbares,
comme la croyance de l’idolâtre et le supplice de la cour impériale. Dans Les Odalisques de
Ka-Ka-O, les mœurs sont présentées à travers des détails de la vie quotidienne. La cuisine en
est un exemple. Les spectateurs découvrent le « festin chinois » qui est composé de
chrysalides, de cantharides, de caniches, de rats, de lézards, de nids d’hirondelles, etc. Pour
les spectateurs, ces mœurs sont sans doute plus concrètes que la philosophie et la politique
chinoises. Quant à la personnalité du Chinois, le trait de la lâcheté est examiné à la loupe. À la
rencontre de la troupe française, Ko-Ko-Ri-Co abandonne ses soldats et rentre au palais afin
d’être le premier à annoncer la nouvelle fatale (Acte II, sc. 1). Les Chinois ne peuvent que
recourir à Fô, même s’ils savent bien que c’est un faux dieu (Acte II, sc. 1). Ils « vendra[ient]
[l]a partie » pour l’intérêt personnel (Acte III, sc. 3), et cherchent à sacrifier les autres pour se
protéger (Acte III, sc. 4). La lâcheté de Ka-Ka-O et de Ko-Ko-Ri-Co est outrancière.
La moquerie porte sur la Chine et sur les Chinois, tandis que le plaisir visuel vient des
odalisques du harem de Ka-Ka-O. Le voyage des odalisques crée ainsi un divertissement
métissé sino-oriental. Si la mise en scène de Léon Sari paraît « irréprochable »93 , c’est un
« succès fructueux »94 établi sur les costumes « éblouissants » et les décors « splendides »95.
La danse des odalisques est une des plus séduisantes : les robes sont « très courtes pour les
actrices », et les spectateurs aperçoivent même les jambes de quelques odalisques 96 .
Évidemment, les odalisques de Sari sont également destinées aux spectateurs masculins et non
93
Albert Monnier, Revue et Gazette des théâtres, le 9 mai 1858.
94
Ed. De Biéville, « Revue des théâtres », Le Siècle, le 24-25 mai 1858.
95
Anonyme, « Causeries », L’Entr’acte, le 8 mai 1858.
96
Émile Abraham, L’Entr’acte, le 7 mai 1858. Le même texte est publié dans Messager des théâtres paru le 8
mai 1858.
202
seulement réservées à Ka-Ka-O. En fait, c’est sous la direction de Sari que la salle des
Délassements délaisse les vaudevilles traditionnels et s’oriente vers les féeries à femmes,
voire une « esthétique érotique »97.
Après le succès des Odalisques de Ka-Ka-O et jusqu’aux années 1870 on retrouve des
personnages Chinois dans des pièces ayant « Ka-Ka-O » dans leur titre. Ainsi, la salle des
Fantaisies Oller présente une pochade intitulée L’Île de Ka-Ka-O, dans laquelle on rencontre
des personnages portant des noms typiquement chinois, tels que « Mandarin », « Nez-en-
l’air » et « Kan-ga-rou »98.
97
Romain Piana, « ‘Pièce à spectacle’ et ‘pièces à femmes’ : féeries, revues, et ‘délassements comiques’ », in
Jean-Claude Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, Paris, Armand Colin, 2010, p. 333-338.
98
L’Orchestre, le 27 février 1877.
99
Henri Rochefort, Le Charivari, le 16 juillet 1860.
100
Victor Gaucher, Retour de la Chine de François Gabouzot, futur Caporal dans un régiment de ligne, vers
1860, air de Ça vous coupe la gueule à quinze ans. Les paroles sont recueillies par Charles Nisard, in Des
Chansons populaires chez les anciens et chez les Français, tome II, Paris, E. Dentu, 1867, pp. 185-187.
203
tenir debout, alors que les Français s’échappent. La-I-Tou et Ka-I-Ka, à bord, ne savent pas
qu’ils seront l’objet d’une exposition organisée à l’Hippodrome de Paris.
101
Léon de Rosny, La Franc-maçonnerie chez les Chinois, Paris, A. Lebon, 1864, p. 7.
102
Nous empruntons ici la notion anthropologique de « zoo humain », un terme décrivant une attitude culturelle
qui a prévalu dans les empires coloniaux jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Sur le sujet de la mise en
spectacle des « sauvages », nous avons consulté Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et
Sandrine Lemaire (dir.), Zoos humains : au temps des exhibitions humaines, [Paris, La Découverte et Syros,
2002,] Paris, La Découverte, 2004.
204
nourrissent de cailloux et possèdent plus de dents que les requins, aucun spectateur du Palais-
Royal ne peut se prendre comme le sauvage. Les observations de Mou-de-vo n’ont rien à voir
avec le caractère biologique des Français. En revanche, elles soulignent encore une fois la
barbarie des Chinois, qui ne connaissent pas les produits de la civilisation moderne (sc. 2). La
comparaison des mœurs françaises et chinoises est ainsi une « double exhibition »103, comme
le remarque J.-M. Tiengou.
En ce qui concerne le jeu d’acteur, l’idée de zoo permet aux acteurs de faire œuvre de
drôlerie : les Français imitent l’oiseau (sc. 5) et le cochon (sc. 9) pour exprimer qu’ils désirent
manger, et Fou-Yo-Po leur répond par le bruit de « Ouâ, ouâ, ouâ ». Si le nom de Mou-de-vo
suggère un mime inspiré du veau, le calembour (« mou de veau », un plat à base de poumon)
renvoie à celui du titre (« fouille-au-pot »). D’un autre côté, si la langue incompréhensible
aboutit au malentendu inévitable (sc. 5, sc. 9), des communications peuvent être accomplies
par le plaisir des sens. Quand la belle jambe et le sein de la « mammifère » française fascinent
Mou-de-vo (sc. 9), ce sont les spectateurs du Palais-Royal qui s’en amusent. Le mauvais goût
de la pièce semble insupportable pour certains spectateurs. C’est pourquoi on la qualifie de
« méchant vaudeville »104, si ce n’est de chinoiserie licencieuse105.
C’est la première fois, au cours de notre recherche, que nous rencontrons un voyage tel
que celui de Fou-yo-po. La pièce commence par le voyage inattendu des naufragés en Chine
et se termine par le voyage organisé en France où les Chinois deviennent une curiosité
lucrative. Si le voyage européen des expatriés chinois dans Dgenguiz-Kan (Cirque-
Olympique, 1837) fait suite à une évasion faisant elle-même suite aux tumultes politiques, le
voyage de La-I-Tou et Ka-I-Ka dans Fou-yo-po est lié à une entreprise commerciale
puisqu’ils seront l’objet de l’exposition donnée à l’Hippodrome de Paris. Cette péripétie n’est
peut-être pas une pure fantaisie du dramaturge : il est issu d’une mode qu’on découvre dans
les salles de spectacles de l’époque. En effet, dès les années 1850, le public du théâtre français
est mis en présence de voyageurs chinois. Ceux-ci ne sont ni les invités du roi (comme les
élèves chrétiens sous l’Ancien Régime) ni des Chinois égarés (comme A-Sam). Ils sont sur
scène, constituant une véritable « exposition » vivante de Chinois. C’est le sujet suivant de
notre discussion.
IV. 4. (1) Les premiers spectacles de Chinois dans les salles parisiennes
IV. 4. (1). (a) La présence des Chinois suite à l’Exposition universelle de Londres
Jusqu’à présent, nous avons examiné une centaine de spectacles au sujet chinois.
Cependant, trouve-t-on des vrais Chinois dans le théâtre français ? Depuis la « présence »
103
J.-M. Tiengou, « Revue dramatique », La Gazette de France, le 9 juillet 1860.
104
Jules Janin, Journal des débats, le 23 juillet 1860.
105
A. Escande, L’Union, le 9 juillet 1860.
205
d’A-Sam au Théâtre de la Cité, en 1800, rencontre-t-on des Chinois sur la scène du théâtre au
lieu du parterre ?
En 1851, la première « Exposition universelle » est organisée à Londres pour
démontrer le progrès de la civilisation et de l’industrie. La Chine, jadis « Céleste Empire », est
désormais invitée à se présenter avec les autres pays sur la scène « universelle ». Lorsque
nous nous interrogeons sur la possibilité de la présence des vrais Chinois sur la scène du
théâtre, c’est à partir de cette exposition de Londres. D’un autre côté, avant la Première
Guerre de l’Opium (1838-1842), il était strictement interdit aux Chinois de quitter le pays (dit
la politique « Haijin »)106. C’est l’ouverture chinoise d’après-guerre qui permet aux Européens
d’introduire les Chinois dans le monde occidental pour des raisons commerciales ou
industrielles.
Au cours de l’Exposition de 1851, The Illustrated London News publie la gravure d’un
marchand chinois et de trois Chinoises reçus par la reine britannique au palais d’Osborne107.
À partir du mois de septembre, ces Chinois s’installent dans une salle de spectacle située rue
Neuve-Vivienne, à Paris. Selon Théophile Gautier, il s’agit du Chinois Chung Ataï,
accompagné de ses deux épouses et de sa belle-sœur. Yung-Achoy, l’une des épouses de
Chung Ataï, « a chanté, en grattant de ses ongles de nacre les cordes d’un pey-pa, une
romance dont le sujet était la jeune mère grondant son enfant mutin » 108 . Le « pey-pa »
désigne un instrument musical chinois qui ressemble au luth. On voit ici évoquée la
représentation offerte par de vrais Chinois au public français, mais sa forme se rapproche
plutôt du concert intimiste. Suite à la demande du physicien Étienne Serres, le sculpteur
Charles Cordier réalise deux bustes en bronze d’après l’apparence de ces Chinois109.
De plus en plus de Chinois arrivent en France grâce aux expositions internationales de
la seconde moitié du XIXe siècle. Dans le « théâtre » temporaire, ils sont des participants qui
illustrent l’image du personnage chinois sur la scène du théâtre permanent. Parfois les vrais
Chinois ne donnent pas de véritable « pièce » au public : leur présence est déjà un spectacle
en soi, si l’on reprend le point de vue des « performance studies ». Nous traiterons de ce sujet
ultérieurement, dans le chapitre suivant. Dans ce chapitre, nous nous focalisons sur la
représentation théâtrale.
Il faut rappeler que jusqu’au milieu du XIXe siècle, on imaginait les Chinois en
s’appuyant sur les récits de voyage et les recueils de gravures. L’ « invisibilité » des vrais
Chinois permettait de se livrer à l’imagination et par conséquent d’enrichir l(es) image(s) du
Chinois. Une fois les vrais Chinois arrivés, l’imagination s’évapore. Si les anciens
personnages chinois se déplaçaient librement entre le répertoire des Comédiens-Italiens et les
106
Liu Guofu, The Right to Leave and Return and Chinese Migration Law, Leiden et Boston, Martinus Nijhoff
Publishers, 2007, pp. 130-131.
107
The Illustrated London News, n° 513, vol. XIX, le 31 août 1851.
108
Théophile Gautier, La Presse, le 13 octobre 1851.
109
Laure de Margerie, « ‘Le Plus beau nègre n’est pas celui qui nous ressemble le plus…’ », p. 21 ; Christine
Barthe, « Des Modèles et des normes, allers-retours entre photographies et sculptures ethnographiques », p. 96.
Ces deux articles figurent dans Charles Cordier (1827-1905) : l’autre et l’ailleurs, Paris, La Martinière, 2004.
Les deux bustes du Chinois et de la Chinoise, achevés par Charles Cordier, en 1853, sont conservés au Musée de
l’Homme (Muséum national d’histoire naturelle), inv. n° 27050-1977-206 et n° 27057-1977-213.
206
contes orientaux, l’image du personnage chinois après les années 1850 est beaucoup plus
réelle et moins féerique.
110
Nous nous appuyons sur les bulletins du théâtre publiés dans Le Siècle et Le Corsaire.
111
Mathurin-Joseph Brisset, « Revue dramatique », La Gazette de France, le 1er septembre 1851.
112
Nous nous appuyons sur deux sources d’information : (1) La distribution publiée dans L’Entr’acte paru le 31
août 1851 : « Le mandarin Key-Sing, Mi-Tchitou – la Rose de Nankin, sa compagne. – A-Pou, A-Kwa,
professeurs de chant. – A-Tchou, A-Hoa, gardes d’honneur. » ; (2) L’article d’un auteur anonyme, intitulé « La
Rose de Nankin », publié dans L’Entr’acte, le 4 septembre 1851.
113
Auguste Lireux, Le Constitutionnel, le 1er septembre 1851.
207
Son charme, selon Théophile Gautier, provient d’« un petit air mélancolique et touchant qui
demand[e] grâce »114.
Le visage des Chinois de la même troupe, au contraire, déplaît au public et devient
souvent le sujet de caricature (fig. 4.08a-c). Lepot-Delahaye les trouve « d’une laideur
aimable »115, tandis que le dramaturge Cordellier Delanoue remarque que « ce sont les êtres
les plus désagréables […] que nous ayons jamais rencontrés »116. Ces vrais Chinois semblent
être un reflet des Chinois que l’on a créés sur la scène de théâtre : alors qu’on apprécie la
Chinoise comme si elle était de la lignée d’Idamé, on se moque du Chinois comme s’il était
de la famille du magot.
Toutefois, ce qui perturbe le plus les spectateurs, c’est la musique chinoise jouée
durant les cours de chant des professeurs A-Pou et A-Kwa. Après sa critique de la laideur du
Chinois, Cordellier Delanoue constate le bruit strident du concert chinois. D’après lui, la
discordance de la musique provient des instruments utilisés qui ressemblent à des « grils »,
des « gongs », des « pincettes », des « calebasses » et des « tympanons » ; les chants, quant à
eux, ne sont que miaulements, piaulements et glapissements. Delanoue suggère donc aux
lecteurs : « ne les entendez pas, si vous ne voulez risquer de saigner par les oreilles et de
rester sourd toute votre vie »117. Le jugement d’Albert Monnier est encore plus sarcastique.
Pour lui, le solo ressemble au « grincement de portes rouillées et de vaisselle brisée », et le
chœur évoque l’« aboiement de dogues enroués fraternisant avec la plainte d’un matou qui a
le cou pris dans une porte »118.
De telles descriptions de « miaulement » et de « casseroles » sont récurrentes dans les
comptes-rendus de la presse. Même un sinophile tel que Gautier remarque que la musique
chinoise « ressemble à un raout de chats au bord d’un toit »119. La critique la plus sévère vient
peut-être de Jules Janin. Tout au long de son article, il ne cesse de marteler la « bataille », le
« cauchemar », et les « cris de mirlitons en fureur » provenant de la musique chinoise. Il
arrive enfin à sa conclusion : « C’est abominable cette Chine ! » 120 . Évidemment, la vraie
musique chinoise ne satisfait point le goût du spectateur français. Il suffit d’assister une fois à
cet « intéressant sujet d’étude » pour s’en rendre compte 121 . De fait, lorsque l’Exposition
universelle a lieu à Paris, en 1855, aucune troupe de musique chinoise n’est invitée. Le public
préfère qu’on reprenne, en 1857, l’opéra « à la chinoise » du Cheval de bronze.
Cependant, la cacophonie de la musique n’empêche pas le succès des combats et
acrobaties des Chinois. Selon Brisset, les combats chinois sont accompagnés des rugissements
d’un révoltant tamtam. Les Chinois « font l’exercice et se démènent l’un après l’autre, comme
des possédés, en brandissant des lances dont le fer très long emmanché, à différentes formes.
114
Théophile Gautier, La Presse, le 1er septembre 1851.
115
J. Lepot-Delahaye, Revue et Gazette des théâtres, le 31 août 1851.
116
Cordellier Delanoue, Le Corsaire, le 4 septembre 1851.
117
Cordellier Delanoue, ibid.
118
Albert Monnier, Journal pour rire, le 5 septembre 1851.
119
Théophile Gautier, La Presse, le 1er septembre 1851.
120
Jules Janin, Journal des débats, le 1er septembre 1851.
121
Achille Denis, L’Entr’acte, le 30 août 1851.
208
L’une qui se termine par un trident, est parfaitement chinoise »122. Ensuite, la danse de l’ours
et les marionnettes chinoises rappellent à l’auteur le spectacle de Chao-Kang. Brisset avoue
que c’est la partie la plus intéressante de la soirée.
Grâce aux numéros particuliers des acrobates du Céleste Empire, le spectacle chinois
organisé par les Variétés arrive à inspirer d’autres salles commerciales à Paris. Un mois plus
tard, c’est-à-dire en octobre 1851, l’Hippodrome présente un spectacle des frères Fo-Hi dont
nous ignorons l’identité 123 . Les deux « Chinois », dit la presse, « grimpent avec agilité »,
« dansent et exécutent des pas avec une précision », et « tourbillonne[nt] avec vélocité et
change[nt] de fil avec un mouvement effréné »124. Une danse nommée « Tchinchingkoa » est
exécutée sur un fil de fer. Ce spectacle « chinois » est bien accueilli et le public applaudit
énormément leur compétence. Ce qui compte n’est peut-être pas l’authenticité, mais la
manière chinoise qui, elle, est censée être authentique.
122
Mathurin-Joseph Brisset, « Revue dramatique », La Gazette de France, le 1er septembre 1851.
123
Le titre du spectacle et le nom des frères chinois varient dans les différents journaux. Nous nous appuyons sur
la publicité de l’Hippodrome, publiée dans L’Entr’acte et parue le 9 et le 11 octobre 1851.
124
Anonyme, L’Entr’acte, le 14 octobre 1851.
125
L’Entr’acte, le 30 août 1851 ; Revue et Gazette des théâtres, le 31 août 1851.
126
Le manuscrit est coté F18 795B. Le procès-verbal de censure, signé le 27 août 1851, est coté F21 989.
209
etc., qui évoquent sans aucune difficulté l’idée de la Chine. Pour imiter le geste du
Chinois, les acteurs branlent la tête « à la façon du magot » (sc. 1 & 3), et saluent le public « à
la façon chinoise »127. Le sinophile Baudruche appelle son valet « A-O », au lieu de « Aristide
Omar », parce que le son monosyllabique lui évoque la langue chinoise.
Tous les symboles invitent à entrer dans le monde chinois. Malheureusement, cette
« Chine » des chinoiseries n’est pas du tout le pays lointain des vrais Chinois. Le dramaturge
complique la discussion autour de la vraie Chine. Le prétendu Chinois Patineau, qui est
« plein de grandeur, de noblesse » et qui est apprécié par Baudruche et Lydie, n’est qu’un
employé des « Bains chinois ». En revanche, Omar et Léa, qui sont loin du monde sinophile,
jugent que Patineau est « laid » et « déplaisant ». Gaston de Montheau ironise d’une part sur
la fausse Chine que poursuivent les soi-disant sinophiles, et d’autre part sur la frivolité de la
chinoiserie qu’on a inventée. Un événement contemporain reflète peut-être la même
psychologie. Les « Bains chinois » (où travaille le faux Chinois Patineau), construits en 1787
sur le boulevard des Italiens, qui étaient un repère de la mode des chinoiseries, sont détruits en
1853. De la fin de la Guerre de l’Opium (1842) au spectacle chinois aux Variétés (1851), en
quelques années le goût du public prend un virage radical.
Entre la Chine de la Rose de Nankin et les chinoiseries de La Chine à Paris, la soirée
des Variétés renvoie à un désir de dévoiler la Chine et les Chinois. Suite à la guerre anglo-
chinoise, la Chine géographique est ouverte. On a hâte de perfectionner la Chine théâtrale par
de nouvelles connaissances. Matharel de Fiennes constate cette attente : « Paris éprouvait le
besoin d’avoir des Chinois ; assez et trop longtemps nous n’avons eu que les Chinois de
paravent, que les Chinois en porcelaine et en carton, [...] [le Théâtre des] Variétés a compris
ce besoin de la population parisienne […] »128. Pourtant, comme nous l’avons remarqué, la
« vraie » Chine présentée par les véritables Chinois aux Variétés n’arrive pas à satisfaire
l’imaginaire du public parisien. Un sentiment paradoxal se poursuit : on enterre la chinoiserie,
et on cherche à découvrir la Chine « authentique ». Mais on ne cesse de souligner
l’authenticité des Chinois à travers les chinoiseries qu’on a inventées. Cette tendance envisage
la « querelle des vrais Chinois » sous le Second Empire.
127
Achille Denis, L’Entr’acte, le 30 août 1851.
128
Charles Matharel de Fiennes, « Revue des théâtres », Le Siècle, le 1er septembre 1851.
129
Achille Denis, L’Entr’acte, le 30 août 1851.
130
Saint-Agnan Choler, Revue et Gazette des théâtres, le 23 avril 1854 ; « Causeries », L’Entr’acte, le 28 avril
1854.
210
représentation qui a lieu au Théâtre de la Porte Saint-Martin est encadrée par un vaudeville au
sujet chinois. Même le titre est identique à celui des Variétés : La Chine à Paris.
Le texte de La Chine à Paris n’est pas publié. Notre analyse s’appuie sur le manuscrit
(annexe 7.2.(d)) et le procès-verbal conservés aux Archives nationales 131 . Deux questions
sont à clarifier avant notre analyse : (1) Les auteurs : selon les manuscrits conservés aux
Archives nationales, la pièce est rédigée par [Charles] Dupeuty (1798-1865) et [Ernest]
Bourget. Cependant, Auguste Villemot en attribue l’écriture à Clairville (1811-1879) et
Bourget 132 . (2) La structure : selon le titre figurant dans le manuscrit, la pièce est un
« vaudeville en 3 tableaux ». Quelques journaux constatent également la structure des trois
tableaux133. Le manuscrit est pourtant composé de deux tableaux ; le deuxième tableau, ne
contenant qu’une seule scène. Le résumé du procès-verbal, assez simple, ne nous permet pas
de concevoir ce que pouvait être le troisième tableau. Peut-être celui-ci était-il constitué par
une improvisation dont on n’a même pas conservé les brouillons. Comme l’indique
Darthenay, le vaudeville « improvisé » sert de « cadre à cette curieuse exhibition et qui est
fort amusante »134. Une autre possibilité est que les numéros donnés par les véritables Chinois
pourraient être l’intermède, ou alors le « troisième tableau » qui termine la représentation de
La Chine à Paris.
Comme La Chine à Paris des Variétés, l’intrigue de cette pièce de la Porte Saint-
Martin se déroule dans un rêve chinois, à la fois littéral et symbolique, du personnage
principal. Céleste s’endort à cause de l’effet de l’opium. Elle croit qu’elle rêve et on lui
montre les illusions comiques des Chinois. Des objets et des symboles de chinoiseries sont
131
Le manuscrit du vaudeville est consultable sous la cote de F18 900. Le procès-verbal de censure est répertorié
sous la cote F21 975.
132
Auguste Villemot, Le Figaro, le 30 avril 1854.
133
Messager des théâtres, le 22 et le 24 avril 1854 ; Revue et Gazette des théâtres, le 23 avril 1854.
134
Darthenay, Messager des théâtres, le 24 avril 1854.
211
éparpillés ici et là dans le premier tableau, tels que la clochette et le magasin des Deux
Magots. On emploie aussi la musique tirée du Cheval de bronze afin de créer l’ambiance du
rêve chinois. Pour Théophile Gautier, c’est sur cette scène que repose l’ « intérêt véritable »
de la création de la Porte Saint-Martin. Dans son article intitulé « La Chine en France »,
Gautier consacre un long passage à cette scène, qui mélange en effet le rêve de Céleste et
l’imagination fertile de Gautier lui-même au sujet de la Chine135.
Dans le premier tableau de La Chine à Paris, de la Porte Saint-Martin, nous
rencontrons deux nouvelles idées associées à la Chine. La première est la liqueur nommée
« Chinois », vendue chez la Mère Moreau. Nous en reparlerons plus tard (voir IV. 5. (2)). La
deuxième concerne également la nourriture. Dans un air chanté par Céleste (Tableau I, sc. 2),
celle-ci énumère les plats célèbres chez les « gourmands » chinois, tels que « les petits nids
d’hirondelle, le riz et le melon vert, les toutous à la mamelle, du thé pour le dessert, des
gésiers de tourterelle ». Loin de la cuisine française, les noms des plats ont pour but de
dégoûter les spectateurs. La cuisine chinoise continue à être un sujet de parodie. Un exemple
est donné dans Fou-Yo-Po (Palais-Royal, 1860) que nous avons analysé plus haut.
En ce qui concerne l’interprétation des soi-disant « vrais » Chinois apparus dans le
rêve de Céleste, les comédiens portent la « coiffure à la mode », la « robe de Pékin », les
« manches à la pagode » et les « babouches de maroquins ». Pour dire oui ou non, ils remuent
la tête comme les magots. Pour produire des effets évoquant la langue chinoise, ils riment par
le son de « quin » (Tableau I, sc. 3) ou « li, ri » (Tableau II, sc. 1). En fait, toutes les manières
d’interpréter le Chinois nous sont déjà connues. Si le vocabulaire s’est enrichi (le nom de la
liqueur « Chinois », par exemple), l’interprétation de personnages chinois, quant à elle,
n’évolue guère. Des Variétés à la Porte Saint-Martin, les deux vaudevilles constituant le
« cadre » du spectacle chinois ne se réfèrent pas aux vrais Chinois. Au contraire, la présence
des vrais Chinois (ré)affirme l’ancien imaginaire à l’égard de l’interprétation des personnages
chinois. Le faux Chinois est aussi vrai, grâce à la tradition, que le vrai Chinois, malgré leur
dissemblance. De ce point de vue, les deux pièces non publiées méritent plus d’attention que
les autres pièces chinoises publiées. Elles effectuent, en effet, un état des lieux des éléments
chinois qu’on a établis au théâtre et portent ces derniers au niveau de l’authenticité. Si
l’interprétation du Chinois ne change guère au cours de la seconde moitié du siècle, c’est
parce que le simulacre remplace la vérité.
Au cours de cette même période, une nouvelle source d’imagination s’impose dans le
théâtre français : le Japon. Ce pays du « Soleil levant » s’ouvre aux pays occidentaux suite à
l’action militaire américaine dirigée par le commodore Matthew Perry. La convention de
Kanagawa est signée en mars 1854. Les orientalistes et le public s’intéressent désormais à ce
pays situé au-delà de la Chine. La chinoiserie sera bientôt envahie par le « japonisme » que
nous traiterons au chapitre V.
IV. 4. (2). (b) Les jeux acrobatiques des véritables Chinois à la Porte Saint-Martin
135
Théophile Gautier, « La Chine en France », La Presse, le 25 avril 1854.
212
Suite à l’échec de la musique chinoise aux Variétés en 1851, la troupe shanghaienne
de la Porte Saint-Martin, composée de neuf hommes 136 , est invitée à n’exécuter que des
acrobaties. Nous relevons ci-dessous les titres des numéros et les noms des acrobates que nous
retrouvons dans la presse. 137 Nous résumons également leurs représentations en nous
appuyant sur les témoignages de Théophile Gautier et Darthenay138. Signalons par ailleurs que
Gautier ne précise pas les titres de chaque représentation qu’il note. Nous les supposons à
partir du contenu de chaque spectacle.
136
Saint-Agnan Choler, Revue et Gazette des théâtres, le 23 avril 1854.
137
Bulletin de Messager des théâtres, le 22 avril 1854. Les noms et les titres varient parfois dans les différents
journaux.
138
Théophile Gautier, « La Chine en France », La Presse, le 25 avril 1854 ; Darthenay, Messager des théâtres, le
24 avril 1854.
139
Nous nous appuyons sur Dominique Denis, Dictionnaire illustré des mots usuels et locutions du cirque, 3
vol., Paris, Association Arts des 2 mondes, 1997-2001.
213
consiste à se tenir en
équilibre, le corps droit, en
appui sur les mains et sur la
tête. Lorsqu’on écarte les
jambes, l’exercice s’appelle
le poirier fourchu ou le
poirier fendu. » [=
« équilibriste »]
Chong-Moon, Coupe enchantée [?]
Yan-Yan
Yan-Ban, Ar- Scène de guerre [?]
Cow
Chong-Moon Couteaux volants « Les poignards scintillent, « Cible vivante » : « Nom
sautillent et ne touchent jamais donné à l’exercice de jets de
terre. » couteaux, de poignards ou de
haches, avec une partenaire
faisant office de cible. » (=
« lanceur de couteaux »)
Yan-Gyn Eau dominée « La tasse pleine d’eau décrit « Météores » :
mille cercles autour du cou, « Dénomination pour
des bras, des jambes, du torse, désigner une forme de
et pas une goutte ne se jonglerie particulière,
répand : le bol disparaît sous appelée aussi étoiles filantes,
le tapis, s’éclipse dans la main qui fait partie du répertoire
de l’escamoteur, reparaît dans des jongleurs chinois, depuis
le dos du petit compère, et la dynastie des Tang (VIIe
vous ne savez comment il est au Xe siècle). Ces artistes
arrivé là. » utilisent deux bocaux
remplis de liquide attachés
aux extrémités d’une
cordelette, d’un mètre
cinquante de long. Le
principe de la manipulation
des météores consiste à faire
tournoyer cette cordelette
dans tous les sens, sans
laisser échapper la moindre
gouttelette de liquide. » (=
« agitateurs d’eau »)
Ar-Cow Tresse du mandarin « Deux Chinois paraissent, « Pause à la chinoise » :
portant un bambou sur « Expression pour désigner,
l’épaule […], suivis d’un lors d’un grimper de corde
compagnon qui ne porte rien, ou de mât fixe, un arrêt du
[…] le compagnon s’assoit, les gymnaste, les jambes
jambes croisées, jette sa queue croisées, en tailleur. »
par dessus le bambou, en
rattrape le bout et se hisse
214
comme un seau qu’on tire
d’un puits, puis il se descend
et se remonte à plusieurs
reprises au moyen de cette
corde naturelle vissée au
sommet de son crâne. »
Yan-Ban Gymnase de Hong- [?]
Kong
Yan-Yan, Ar- Jeu des rubans « Le tour des bandelettes de (1) « Avaleurs » : « Artistes
Hee papier de diverses couleurs, mérycistes, qui avalent et
qui sortent de la bouche du restituent toutes sortes de
jongleur en flux intarissables choses. »
[…], et en jaillissant une autre
(2) « Cracheur de feu »
fois pour éclater en feux
d’artifices, est extrêmement
curieux et fait avec une
adresse incomparable. »
Chong-Moon, Brin de paille [?]
Ar-Sam
[non indiqué] Gladiateurs de [?]
Bocca Tigris
[non indiqué] Guillaume Tell de « Un des saltimbanques se « Guillaume Tell » : « Entrée
Shang-Hai place contre la planche, la clownesque classique
main ouverte ; son camarade, inspirée de la célèbre
qui tient une gamme de légende suisse, qui faisait
couteaux fort affilés, les lance partie du répertoire de
les uns après les autres, et ils Foottit et Chocolat, au début
vont se ficher dans la planche du XXe siècle, au Nouveau
en passant par l’interstice des Cirque. »
doigts avec une précision qui
fait frémir ; […] la victime
présente la tête, et les coutelas
s’implantent, qui près de la
gorges, qui près de la nuque,
qui près du front, avec une
certitude inconcevable ; la
moindre erreur pourrait être
mortelle. »
Les titres des représentations traduisent à la fois les éléments exotiques et le mélange
interculturel. La tresse de mandarin devient un outil de l’acrobatie, tandis que les noms-
composés comme « gymnase de Hong-Kong », « gladiateurs de Bocca Tigris » et
« Guillaume Tell de Shang-Hai » évoquent les jeux au teint chinois voire de « style colonial »
– Bocca Tigris était l’ancien champ de bataille de la Première Guerre de l’Opium. Rappelons
215
que Hong-Kong était cédé à la Grande-Bretagne suite à cette guerre et que la concession
française de Shanghai était fondée à la suite, en 1849.
Parmi ces variétés, la plus passionnante semble être « la cible vivante » de Guillaume
Tell. Auguste Villemot relève le texte de l’affiche du théâtre qui produit assez de suspens : «
Exercice à la réalité duquel la pensée se refuserait de croire si l’œil n’était frappé de
l’intrépidité à la fois fière et charmante qui préside à ce jeu, d’où le péril disparaît à force de
grâce et de dextérité »140. Le témoignage du dramaturge-critique Saint-Agnan Choler nous
fournit des détails similaires à ceux de Gautier141. L’Illustration, hebdomadaire illustré le plus
reconnu de l’époque (fondé en 1843), publie une caricature réalisée d’après cette nouveauté
(fig. 4.09).
Pour la première fois, les « surnaturels et incompréhensibles jongleurs » 142 d’origine
chinoise gagnent les applaudissements par leur souplesse et leur polyvalence : on les qualifie
même d’« artistes de talent »143. Les Franconis et les Sands avaient imité les jongleries des
Chinois. Ce sont pourtant les spectacles des vrais Chinois à la Porte Saint-Martin qui
déterminent à présent les « critères » définitifs des acrobaties au sujet chinois. Comme dit
L’Entr’acte : « Il n’y a que l’Orient pour produire d’aussi adroits magots. Nier leur identité
serait de la malveillance intéressée »144. Les comédiens se font magots grotesques en branlant
la tête, tandis que les vrais jongleurs chinois prouvent leur agilité. L’influence de ces derniers
sera évidente au cours de la seconde moitié du siècle. Celui qui voudra interpréter les
jongleries chinoises devra prétendre qu’il est Chinois. Ling-Look, « avaleur de sabre chinois »
populaire sous la Troisième République, est en fait un jongleur dont l’identité est incertaine.
Chung Ling Soo, prestidigitateur célèbre dans toute l’Europe à la fin du XIXe siècle, est
complètement Américain (voir chapitres V et VI).
Le Théâtre de la Porte Saint-Martin n’est pas la seule salle à accueillir la troupe du
« Guillaume Tell de Shanghai ». Certains membres de la troupe continuent leur carrière en
Europe, dirigés par le jeune Ar-Hee. En 1867, la troupe japonaise de Torikata se fait connaître
au Cirque Napoléon et fusionne finalement avec la troupe d’Ar-Hee. Cette nouvelle troupe
« figur[e] dans les meilleures compagnies de cirque, notamment chez Hinné et chez Renz »145.
Au théâtre du Château-d’Eau, on peut assister à des spectacles donnés par un acrobate nommé
« Arrhi ». Arrhi est peut-être une autre transcription phonétique du nom d’Ar-Hee.
216
personnes146 comprenant des hommes et des femmes147. Sans vaudeville « cadre », la soirée
de l’Hippodrome propose un « Char d’Apollon », une « Chasse au Faucon » (tous deux « à
grand spectacle ») et des numéros d'acrobates chinois 148. Leurs spectacles chinois restent à
l’affiche de l’Hippodrome jusqu’à la fin du mois de mai, alors que la troupe shanghaienne de
la Porte Saint-Martin repart pour Bruxelles149.
En nous appuyant sur le témoignage de Darthenay150, nous résumons les numéros de la
troupe chinoise dans le tableau ci-dessous. Signalons que la transcription des noms varie dans
les différents journaux151.
146
Louis Huarts, « La Guerre des Chinois », Le Charivari, le 28 avril 1854.
147
Selon les explications de l’affiche de l’Hippodrome.
148
M.-J. Brisset, La Gazette de France, le 1er mai 1854.
149
J.-B. Gérard, L’Entr’acte, le 22 mai 1854. Le même article est publié dans Messager des théâtres, le 23 mai
1854.
150
Darthenay, L’Entr’acte, le 27 avril 1854. Le même texte est aussi publié dans Messager des théâtres, le 28
avril 1854.
151
Par exemple, les noms de « Tuck-Gay » et « Amay » mentionnés dans L’Entr’acte s’écrivent « Turck Gug »
et « Amoy » dans Le Charivari. Par ailleurs, les noms des membres de la troupe chinoise ne sont pas imprimés
sur l’affiche du théâtre. Nous n’avons donc pas de référence d’autorité de leurs noms.
152
Voir Dominique Denis, op. cit.
217
appelés benders par les
Anglo-saxons, et les
disloqués en avant, appelés
aussi posturers, et la
désarticulation. Un
contorsionniste peut
parfaitement pratiquer ces
trois genres. »
Mme Vase enchanté La jeune Chinoise « se pose « Jarre chinoise » : « Lourds
Waugohoo sur le dos, les pieds en vases en porcelaine, du nom
l’air » ; on place le vase qui de Tain, utilisés par les
pèse quarante kilos « sur ses jongleurs chinois. Cette
deux pieds et elle jongle de forme de jonglerie était déjà
cette façon avec une facilité pratiquée en Chine, au Xe
vraiment étonnante ». siècle. »
Précisons qu’il s’agit des
jongleurs qui manient de
grandes jarres avec adresse,
les lançant en l’air, les
rattrapant, les faisant
tournoyer sur leur dos, leur
tête ou leurs pieds, sans
jamais donner l’impression
de faire le moindre effort.
Tuck-Gay Eau dormante Tuck-Gay « prend une coupe Voir « La programmation
remplie d’eau, fixée au bout des vrais Chinois à la Porte
d’une lanière, et il décrit les Saint-Martin » (IV. 4. (2).
plus étranges arabesques (b)).
aériennes sans qu’une seule
goutte d’eau se répande ».
Achou Jeu des rubans Achou « mange de la filasse, Voir « La programmation
vomit des flammes, et l’en des vrais Chinois à la Porte
tire de sa bouche un ruban Saint-Martin » (IV. 4. (2).
assez long pour faire le tour (b)).
de l’Hippodrome ».
218
contre la planche, et Tuck-
Gay lance ses couteaux qui
passent dans l’interstice des
doigts et s’attachent à la
planche. »
153
Darthenay, L’Entr’acte, le 27 avril 1854.
154
Louis Huarts, « La Guerre des Chinois », Le Charivari, le 28 avril 1854.
155
M.-J. Brisset, « Revue dramatique », La Gazette de France, le 1er mai 1854.
219
Ah-Cow Sauts de tigre
Ah-Hoong Bol enchanté
Tin-Hee Enfant caoutchouc
Mme Tuck-Guy Potiche vivante
156
Le Nouveau Petit Robert de la langue française, 2010.
157
« Nouvelles », Messager des théâtres, le 30 avril 1854. Le même texte est publié dans L’Entr’acte paru le 30
avril 1854, sous la rubrique des « Causeries ».
158
Bulletin de L’Entr’acte paru le 5 mai 1854 ; Bulletin de Messager des théâtres paru le 5 mai 1854.
220
eux, un vaudeville intitulé Paris en Chine, coécrit par Albert Monnier, Guénée et E. Mathieu.
Le texte n’est pas publié 159. Le résumé ci-dessous est d’après le procès-verbal de censure160.
159
Selon le Messager des théâtres paru le 19 mai 1854, la distribution est la suivante : Par-ah Van –
Bourguignon ; Kaféo-Ley – Markais ; Schienfou – Thouvenot ; Flambard – Videix ; Arthur – Castineau ;
Croquignol – Gabel ; Karkana – Mme St-Georges. Pour autant que nous le sachions, c’est le seul journal qui
publie la distribution de Paris en Chine. Le personnage « Karkana » est appelée « Kankana » dans le compte
rendu de J.-B. Gérard, publié dans le Messager des théâtres paru le 23 mai 1854.
160
Le procès-verbal de censure est signé le 19 mai 1854, Archives nationales, F21 989.
161
Selon la distribution des personnages citée ci-dessous, cette jeune fille « Curelure » est probablement
« Karkana/Kankana », personnage joué par la seule actrice de la troupe, à savoir Mme St-Georges.
162
Aug. Rollet, « Théâtres de Paris », Revue et Gazette des théâtres, le 21 mai 1854.
163
Anonyme, « Causeries », L’Entr’acte, le 22 mai 1854.
164
J.-B. Gérard, L’Entr’acte, le 22 mai 1854. Cet « Ar-Hicow-Vert », dont le nom est absent dans la distribution
des personnages qu’on retrouve dans les journaux, est probablement un acrobate chinois, à savoir le
« camarade » de Croquignol.
165
J.-B. Gérard, L’Entr’acte, le 22 mai 1854.
221
vrais Chinois »166, les artistes ultérieurs s’approchent de plus en plus de l’image chinoise que
l’on a créée. En 1858, la partition d’un quadrille intitulé Les Jongleurs chinois est publiée à
Marseille (fig. 4.14). Nous voyons sur la couverture, sans surprise, le mandarin-poussah, les
lanternes, les babouches dont les extrémités sont pointues et remontées, les chapeaux
coniques, les fines moustaches, la tête rasée et les tresses, etc. Mais ce n’est pas tout : les
balles magiques et les couteaux volants sont désormais également intégrés dans l’imagerie
chinoise.
166
Aug. Rollet, Revue et Gazette des théâtres, le 21 mai 1854.
167
Paul Aron, « Revue », in Michel Corvin (dir.), Dictionnaire encyclopédique du Théâtre, Paris, Larousse,
2003, pp. 1396-1397.
168
Robert Dreyfus, Petite histoire de la revue de fin d’année, Paris, Charpentier et Fasquelle, 1909, pp. 247-248.
222
sur la même note » (Acte I, sc. 9). Pour les spectateurs, c’est la partie la plus amusante, « dans
laquelle la troupe des Variétés s’égaye aux dépens de ses propres expositions de l’été »169.
De même, la « querelle du vrai Chinois » devient l’un des sujets de la revue de l’année
1854. Dans la revue des Délassements-Comiques intitulée Voilà ce qui vient de paraître, un
vrai Chinois et un faux Chinois se battent dans un « duel à mort » (Acte II, sc. 3). La forme du
duel n’est autre que celle de la « cible vivante » : alors que le faux Chinois « se place à la
cible », le vrai « lui lance des fourchettes sans l’atteindre ». Le faux Chinois n’est pas blessé,
parce que l’adresse du vrai Chinois de la Porte Saint-Martin « consiste à être maladroit ».
169
Anonyme, « Bulletin dramatique », Le Ménestrel, le 21 décembre 1851.
170
« Chinois », in Alain Rey (dir.), Le Robert dictionnaire historique de la langue française, Paris, 1992.
171
L’Illustration, n° 445 du 6 septembre 1851.
172
A. Roch, L’Entr’acte, le 2 août 1852.
173
Albert Monnier, Le Journal pour rire, le 14 août 1852.
223
salle du Palais-Royal : c’est le contraste entre ces deux prestations qui fait rire. Pour
distinguer les personnages masculin et féminin, Grassot exagère le ridicule avec les « charges
grossières » 174 . Autant maigre que laid(e) 175 , ce(tte) vendeur-vendeuse du Chinois évoque
l’image du magot grotesque, même si ce n’est pas un rôle chinois. En outre, les clients
« chinois » de la boutique de la Mère Moreau ne sont que des clients du quartier déguisés en
Chinois. Seule la liqueur locale dite « Chinois » est authentique dans ce jeu d’apparences.
Pourtant, si « les Chinois sont à la mode » (air de la Clochette de la pagode, sc. 12), il
s’agit d’une mode rétrospective. Les vrais Chinois de l’année 1851 sont repartis. Ceux qu’on
met en scène sont l’expression du Chinois d’autrefois : les comédiens ont recours à l’imitation
du chat, à l’usage de la langue monosyllabique basée sur le « k » et à un mélange de l’image
du Chinois et du Noir. Nous avons examiné tous ces éléments chinois dans les deux premiers
chapitres de notre travail.
À la suite de La Mère Moreau, les Folies-Dramatiques montent un vaudeville intitulé
Prunes et Chinois, rédigé par Hippolyte Cogniard et Adolphe Choler. Dans la brasserie de M.
Cassis, à Marseille, tous les clients commandent la liqueur « Chinois » (sc. 1&2) afin de
« donner une douce animation à [leur] teint » (sc. 6). En ce qui concerne l’intrigue, cette pièce
ne montre aucun travestissement chinois.
Le calembour sur la liqueur nommée « Chinois » se retrouvera régulièrement dans les
spectacles ultérieurs. Dans Le Plat du jour (Délassements-Comiques, 1861), par exemple, un
tableau a pour titre : « Un débit de prunes et de Chinois ». Sans qu’aucun personnage chinois
ne soit sur scène, on chante : « Les galants viennent pour des prunes, / Sinon j’les traite en
vrais Chinois. / D’la sévérité je leur en flanque. » (Tableau viii, sc. 3).
174
T. Sauvage, Le Moniteur universel, le 9 août 1852.
175
M.-J. Brisset, La Gazette de France, le 9 août 1852.
224
Eugène Labiche, sur la partition d’Alfred Delacour. Quelques passages sont supprimés lors de
la représentation au début de l’année 1859176.
176
P.-A.[Pier Angelo] Fiorentino, Le Constitutionnel, le 10 janvier 1859.
177
Albéric Second, L’Entr’acte, le 25 décembre 1858. Le même texte est publié dans Messager des théâtres paru
le 25 décembre 1858.
178
Édouard Thierry, Le Moniteur universel, le 28 décembre 1858.
179
Ed. de Biéville, Le Siècle, le 27 décembre 1858.
180
Achille Denis, Revue et Gazette des théâtres, le 26 décembre 1858.
225
En ce qui concerne l’interprétation du Chinois, le jeu des acteurs se base sur
l’utilisation de la langue, au sens anatomique et linguistique du terme. L’utilisation de la
langue au sens anatomique s’inspire de la tactique de Tchikuli : « Si la beauté attire, la laideur
repousse. » Pour repousser les envahisseurs français, tous les Chinois tâchent d’être laids. Ils
« font face au public, et tirent la langue en hochant la tête ». Cette manière de faire est
évidemment inspirée du magot qui remue la tête. Nous avons souvent rencontré ce
personnage dans les chapitres précédents. En outre, le jeu de « laideur » suggère la santé
physique du Chinois, gravement altérée par l’opium. Le mandarin Tchikuli, qui éternue et
baille tout le temps, témoigne de l’abus de drogue. Ed. de Biéville constate que la revue d’En
avant les Chinois ! « repose sur la même idée […] du spirituel Cham »181. On pourrait même
dire qu’elle concrétise sur scène les caricatures chinoises de Cham.
L’autre manière d’interpréter le Chinois se base sur l’utilisation de la langue
monosyllabique. En priant le dieu « Grand Ka-Ka-O » afin d’obtenir sa protection, les
Chinois chantent les syllabes comme « Ka, ké, ki, / Bro, ko, li, / Pa, pi, po, / Ka, ke, ki, ko, /
Ba, be, bi, / Bi, bo, bu, / Tu, tu, / Ka, ke, ki, ko, ku ». Notons que, dans la même scène, les
Chinois recourent à la puissance de la « grande chenille verte ». Celle-ci désigne évidemment
l’emblème du dragon. Symbole du pouvoir et de l’empereur, il ne sera utilisé sur le drapeau
chinois qu’à partir de 1888. Bien que les missionnaires européens aient depuis
longtemps décrit comment les Chinois tentaient d’effrayer leurs adversaires en utilisant un
bestiaire comme emblème sur leurs étendards182, l’image du dragon est jusqu’alors rarement
utilisée dans le spectacle au sujet chinois. Une pièce intitulée Le Couvent du dragon vert sera
représentée à l’occasion du Congrès international des Orientalistes en 1873. Mais elle est un
mélange sino-japonais.
IV. 5. (3). (b) La Chine et la comète : une curiosité occasionnelle ou un malheur potentiel ?
À la suite de la revue du Palais-Royal, le théâtre des Variétés monte la revue de
Théophile Cogniard et Clairville, sous le titre de As-tu vu la comète, mon gars ? (fig. 4.16). Il
s’agit de la comète Donati qui, observée au ciel en juin de l’année 1858, est ici personnifiée
sur la scène du théâtre. D’après la distribution des personnages, la représentation doit
regrouper plus de 114 rôles joués par plus de 45 comédiens. Toutefois, plusieurs scènes qui
semblent « un peu froides ou trop longues » 183 sont probablement supprimées lors de la
représentation.
Les scènes chinoises de cette revue peuvent être divisées en deux parties. La première
partie, intitulée « La Chine ouverte », a lieu sur une place publique de la ville de Canton (Acte
I, tableau iv). Cette « ouverture » commence par un mariage des Chinois, au lieu de la
confrontation des soldats des deux pays dans En avant les Chinois !. En attendant son gendre
Koukouli, Kinkin et sa fille Nankinette évoquent des curiosités chinoises qui ne nous sont pas
181
Ed. de Biéville, Le Siècle, le 27 décembre 1858. Les caricatures chinoises de Cham figurent dans les deux
albums, Paris, éd. Arnauld de Vresse, 1858-1862 [BnF-Estampes : TF-511 (1)-4 et TF-511 (2)-4.]
182
Père Amiot, Art militaire des Chinois, publié en 1772. L’observation du Père Amiot est citée par D. B. de
Malpiere, dans La Chine, mœurs, usages, costumes, publiée entre 1825 et 1827.
183
B. Jouvin, Le Figaro, le 6 janvier 1859.
226
inconnues, comme la tour de porcelaine, la pagode, la cuisine bizarre, le culte panthéiste, etc.
Si certaines mœurs et rituels sont à nouveau inventés par les dramaturges – comme immerger
les nouveaux mariés dans le fleuve –, d’autres mœurs plus conformes à la réalité sont mises
en théâtre pour la première fois, comme l’expression du statut social féminin par la longueur
des ongles.
Malgré l’ambiance festive du mariage, la guerre est suggérée par de nombreux sous-
entendus. Le personnage du « Parisien » prétend que la volonté de la troupe française n’est
pas de casser les porcelaines ou les paravents des Chinois, mais de rendre hommage aux
Chinois qui mangent habilement avec les baguettes (sc. 3). Pour prouver la sincérité des
Français, le Parisien offre aux Chinois une bouteille de champagne « de la paix », « qui vaut
mieux que le canon » (sc. 3). Cette bouteille qui nous rappelle L’Opium et le Champagne
(Variétés, 1842) s’avère être un présent teinté de fourberie. La réalité est que les soldats
français s’engagent bel et bien dans la guerre de l’Extrême-Orient. A. Escande signale le
manque de rationalité des intrigues de la revue : les Chinois, « étrangers à toute rancune, sont
si joyeux d’être conquis, qu’ils s’empressent d’amuser les voyageurs » 184 . Certes, les
voyageurs ne sont autres que les militaires.
Quant à l’interprétation du Chinois, on se réfère toujours au magot. Les porteurs de
palanquin « entrent en marquant la mesure du chœur avec leurs têtes, […] en continuant le
mouvement de la tête pendant que le corps reste immobile. » (sc. 1) La danse chinoise est
dans le même esprit : les danseurs-acteurs exécutent des « mouvements de tête qui les font
tous ressembler à des poussahs. » (sc. 2). En revanche, les personnages français apprennent
aux Chinois le pas populaire qu’ils dansent à Pantin. Les pas franco-chinois contribuent à
achever ce tableau « fort beau de mise en scène »185 et à créer « la plus jolie chinoiserie »186 :
la ville décorée de lanternes, « baignée de clair obscur » et « panachée de flammes »187, elle,
évoque sans doute les effets lumineux qu’on ne cesse de produire depuis l’ère du ballet de
Chao-Kang (Théâtre-Nautique, 1834).
L’amusement peut se retrouver dans la deuxième partie chinoise de la revue (Acte III,
tableau ii). Kinkin se rend à Paris, où il est chargé d’« emprunter à la France ses chefs-
d’œuvre dramatiques pour le grand théâtre de Pékin ». Sur la mélodie de la Clochette de la
pagode, Kinkin, « habillé moitié en Chinois, moitié en gandin [parisien] », prouve le
changement que représente un Chinois poli par les Français. Les Chinois ne sont plus les
figures démodées peintes sur le paravent : comme un bon invité, Kinkin s’amuse avec
d’autres Français des dernières scènes de la revue des Variétés. Le Chinois fait donc
désormais partie du panorama de Paris, la capitale du monde. Tandis que les Chinois croient
que les Français barbares habitent dans des coquilles de noix, les Français doutent que des
porteurs de lanternes soient les matelots armés. C’est par l’intermédiaire de Kinkin que les
deux peuples parviennent enfin à se comprendre. Les échanges réparent alors les malentendus.
C’est là la morale du « choc culturel » mis en scène de la revue des Variétés.
184
A. Escande, L’Union, le 10 janvier 1859.
185
De Genouillac, Le Monde dramatique (Rédaction – Direction : Théophile Deschamps), le 6 janvier 1859.
186
Albéric Second, L’Entr’acte, le 1er janvier 1859.
187
Paul de Saint-Victor, La Presse, le 1er-2 janvier 1859.
227
Du champagne à la comète, en passant par l’opium, les évocations sont nombreuses
mais nous n’avons pas encore lu de pièce qui décrive directement la guerre franco-chinoise.
Cette guerre oppose âprement la Chine et la France, mais pour le moment, la mise en scène de
cette confrontation conserve une tonalité comique. En outre, la juxtaposition du Chinois et du
Français se veut démontrer la différence entre les mœurs des deux pays. Les caricatures et les
malentendus sont récurrents mais les Chinois apparaissent plus risibles que détestables.
Grotesques, ils ne sont pas une menace ou une terreur sur scène. Si la description des mœurs
chinoises correspond au préjugé de l’auteur, elle constitue aussi une manière dramaturgique
de faire rire. Peut-être est-ce là son seul but.
Cependant, l’interrogation « As-tu vu la comète ? » suggère l’exploration de l’objet
qui excède les limites de la vie quotidienne. La Première Guerre de l’Opium fait de la Chine
une source d’inspiration accessible aux dramaturges (voir IV. 3. (2)). Ainsi, la salle des
Variétés a essayé de prouver en 1854 que Pékin et Paris constituaient les « antipodes » d’un
même monde. Mais la participation de la France à la Seconde Guerre de l’Opium parvient-elle
à décrypter la Chine ? Le Céleste Empire est-il aussi loin que la comète ? La Chine et la
comète, deux objets étrangers, sont toutes les deux invitées sur le territoire des Français. Les
Chinois sont-ils comiques et cultivés comme Kinkin ? Sont-ils une curiosité occasionnelle
comme la comète qui porte cependant un malheur potentiel ? Les sentiments variés et parfois
paradoxaux s’entremêlent jusqu’au début du XXe siècle, l’époque où l’on invente l’expression
du « péril jaune ».
188
Selon la couverture de la publication, cette pièce est « représentée pour la première fois au Tour de Porcelaine
de Pékin, mille ans avant le déluge d’Iaoh ».
228
festin de l’empereur, les Chinois et les Français pratiquent les différents moyens de
magnétisme. Grâce au magnétisme des « nobles Gaulois », Opium-Kan voit apparaître la
figure d’une déesse appelée « la République » (Acte II, sc. 2). À la fin, le personnage féminin
incarnant la République revient sur la scène. Malgré le mépris de l’Anglais nommé
Barbaribrouck, tous les Français et les Chinois – y compris le prince Fich-Ton-Kan qui vient
de se débarrasser d’une mouche sur le nez – font révérence à cette « divinité ».
Rien ne manque dans l’évocation de la barbarie des Chinois, surtout pas le
cannibalisme, la xénophobie, et la torture cruelle. Mais les Chinois se « convertissent »
finalement à la République. C’est le royaliste anglais qui est le vrai barbare, comme le
suggère son nom. Les Chinois « convertis » symbolisent les républicains « du lendemain »,
terme qu’on utilisait à l’époque pour distinguer ces derniers des républicains « de la veille » :
ceux qui l’étaient déjà avant 1848. Cette idée essentielle est traduite par l’air d’Isidore :
« Républicain de lendemain, / Laissez-nous grandir et demain / Nous serons tous Républicain
de la veille. / Après-demain de l’avant-veille. » (Acte III, sc. 10). On met en valeur
l’universalité de la République. Elle ne porte ni le bonnet phrygien ni le drapeau tricolore. Au
contraire, elle « porte un costume très léger », entre en scène « sous les traits d’une jeune et
jolie Chinoise » (Acte III, sc. 10). Si les Français ont sauvé la Chine par le champagne
pendant la Guerre de l’Opium, c’est à présent la nouvelle République qui permet aux Français
de libérer les Chinois de l’obscurantisme.
La République évoque Napoléon Bonaparte, qui a porté dans toute l’Europe le fruit de
la Révolution. Jean-Claude Yon a montré dans ses recherches que le théâtre parisien connaît
un « napoléonisme dramatique » entre 1850 et 1853. Puis, les tensions politiques sous le règne
de Louis-Napoléon incitent les théâtres à y renoncer. Il reviendra cependant, une fois les
nouvelles institutions mises en place189. C’est dans ce contexte que l’Ambigu-Comique monte
Le Mémorial de Sainte-Hélène de Michel Carré et Jules Barbier en avril 1852. L’image du
laboureur chinois est à nouveau liée à l’ancien Empereur des Français. Dans une vallée de
saules, un laboureur chinois conduit sa charrue en chantant. Sans prononcer aucune réplique,
le laboureur chinois évoque à la fois le bonheur pastoral et l’idéal physiocrate. Lorsqu’on
entend de nouveau le chant du laboureur, c’est Napoléon qui « est courbé sur la charrue et
trace lui-même un sillon » (Acte I, tableau vi, sc. 2). Cette scène rappelle encore une fois
l’estampe du Monseigneur le dauphin labourant et la magnanimité du prince laboureur que
nous avons étudiés dans le chapitre II.
189
Jean-Claude Yon, « La Légende napoléonienne au théâtre 1848-1869 », in Musée de l’Armée (dir.),
Napoléon : de l’Histoire à la légende, Maisonneuve et Larose, éditions In Forma, 2000, pp. 317-320. Le Second
Empire est instauré suite au coup d’État du 2 décembre 1851, et la nouvelle Constitution est promulguée le 14
janvier 1852.
229
ainsi rebaptisée) découvrent la parodie créée par Ludovic Halévy et Jacques Offenbach : Ba-
ta-clan. Étymologiquement, le mot « bataclan » est « formé sur une onomatopée imitant le
bruit d’objets qui tombent, que l’on déplace »190. Sur la scène des Bouffes-Parisiens, ce mot
vise non seulement à imiter la cacophonie chinoise mais aussi les bruits politiques sous le
Second Empire.
190
Alain Rey (dir.), Le Robert dictionnaire historique de la langue française, Paris, 1992.
191
Danièle Pistone, « Les Conditions historiques de l’exotisme musical français », in Revue internationale de
musique française, n° 6, novembre 1981, p. 19.
192
Raphaël Dargent, Napoléon III : l’empereur du peuple, Paris, Grancher, 2009, p. 124.
193
Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach, Paris, Gallimard, 2000, pp. 164-165.
230
fait d’une part, la parodie de l’opéra italien194 , et d’autre part, allusion à l’étouffement de
l’opinion par la dictature de Napoléon III195. Il ne serait donc pas approprié de qualifier Ba-ta-
clan d’une « mélancolique romance » ou une « valse douce-amère » qui « célèbr[ent] les
attraits de Paris […] vus de Chine » 196 . La volonté d’Offenbach peut être traduite par
l’arrangement de la musique. En fait, ce « petit Mozart des Champs-Elysées », qui d’ordinaire
n’emploie pas les « airs » populaires, incorpore dans Ba-ta-clan les mélodies tirées d’œuvres
célèbres contemporaines. Ce procédé fait de la chinoiserie musicale une « parodie du bel
canto » dont Les Huguenots (Opéra, 1836) constitue la cible197. Mais Les Huguenots, opéra
dominant alors à Paris, a intégré la mélodie de La Marseillaise dans sa partition. Des
Huguenots à Ba-ta-clan, ce qu’Offenbach désire faire entendre n’est pas simplement la
parodie de la partition de l’Opéra mais La Marseillaise. Les spectateurs de Ba-ta-clan vivent
sous le drapeau tricolore de l’empire, tandis que l’ « ancien étendard » que les insurgés
chinois souhaitent relever (sc. 7) n’est autre que celui de la République perdue. C’est
pourquoi Auguste Villemot apprécie cette pièce comme « sérieusement » spirituelle 198 . La
musique de Ba-ta-clan ne sert donc pas à souligner l’esprit d’un pur exotisme
« mélancolique » et « doux-amer » (fig. 4.17).
194
Jacques Rouchouse, 50 ans de folies parisiennes : Hervé (1825-1892), le père de l’opérette, Paris, Michel de
Maule, 1994, pp. 131-132.
195
Alain Decaux aborde ce sujet dans sa réflexion sur Orphée aux Enfers (Bouffes-Parisiens, 1858), une autre
opérette d’Offenbach (voir Alain Decaux, Offenbach, roi du Second Empire, [Paris, Perrin, 1966,] Paris, Presses
pocket, 1974, p. 124.). Nous pouvons pourtant retracer la révolte dans la musique de Ba-ta-clan.
196
Robert Pourvoyeur, Offenbach, Paris, Solfèges, 1994, p. 76.
197
Louis Oster et Jean Vermeil, Guide raisonné et déraisonnable de l’opérette et de la comédie musicale, Paris,
Fayard, 2008, pp. 360-361. Les Huguenots est un opéra en cinq actes de Giacomo Meyerbeer, livret d’Eugène
Scribe et Émile Deschamps, créé à l’Opéra de Paris, le 29 février 1836.
198
Auguste Villemot, Le Figaro, le 6 janvier 1856.
199
Alexandre Saint-Étienne, « Revue musicale », L’Union, le 22 janvier 1856.
200
Gustave Chadeuil, Le Siècle, le 1er janvier 1856.
231
inimitable, tandis que les « faux » Chinois que l’on crée sont maladroits. Les Chinois sur
scène sont « grotesques », parce qu’ils appartiennent à un autre « décorum ». Paris et Pékin,
les deux mondes que Les Antipodes ont fait se croiser, commencent à se séparer.
Le recours à une langue bizarre concourt à l’interprétation du Chinois. Ce n’est pas là
une invention, mais la structure de cette langue correspond bien à la cacophonie que suggère
le titre du spectacle. Le « Quatuor chinois » et l’ensemble des conjurés sont représentatifs de
ses effets : les bruits de « Maxalla chapallaxa » ou « Rapataxa rafaxa » remplacent les paroles
chantées. La discordance phonique est renforcée par les instruments de musique chinoise :
Ké-ki-ka-ko prend une paire de cymbales, Fé-an-nich-ton utilise le triangle et un chapeau
chinois est attribué à Fé-ni-han.
Les coupures de presse qui sont ici présentées soulignent la présence des instruments
indiqués par le dramaturge (fig. 4.18, 4.19). Un tam-tam est, par ailleurs, donné à Ko-ko-ri-
ko201. Si la partition de Jacques Offenbach est « charmante de légèreté, de vivacité, de gaîté,
de folie »202, le mélange du bataclan chinois, quant à lui, fait du spectacle une « caricature du
son » qui est dépaysée parmi ces magots de la Chine203.
Cette parodie politique (et plus ou moins culturelle) reste quotidiennement à l’affiche
jusqu’à la fin de février 1856, et ne quittera les Bouffes que le 30 septembre 1858204. Dès
janvier 1856, Ba-ta-clan est présentée au Grand-Théâtre, à Lyon205. Dans la représentation de
Fou-Yo-Po (Palais-Royal, 1860), les deux Français qui sont choqués par les mœurs chinoises,
se souviennent de leur jeunesse à Paris en chantant l’air de Ba-ta-clan. La partition de Ba-ta-
clan inspire même une valse pour le piano à quatre mains, arrangée par le musicien Raphaël
Billéma (fig. 4.20). Grâce à la popularité d’Offenbach, l’opérette Ba-ta-clan est parfois
reprise à nos jours206. En outre, en 1864, une salle parisienne nommée Bataclan est également
érigée au boulevard Voltaire. La façade à la chinoise de celle-ci nous rappelle jusqu’à
aujourd’hui la parodie qui lui a donné son nom.
Les « faux Chinois » de Ba-ta-clan seront parodiés dans Le Carnaval des revues
(Bouffes-Parisiens, 1860), revue coécrite par Eugène Grangé et Philippe Gille sur la partition
de Jacques Offenbach. Le calembour de la liqueur ouvre la scène chinoise, lorsque le
Seigneur Bataklan demande à Kékikako le nom des oranges confites conservées dans les
bocaux (Troisième tableau, sc. 1). Suite à la demande des quatre vieilles Chinoises
célibataires qui cherchent de jeunes époux, le Seigneur Bataklan décide de taxer désormais
201
Pourtant, selon le livret, Ko-ko-ri-ko entre en tenant une lance, et non un instrument de musique.
202
J.-B. Gérard, L’Entr’acte, le 9 janvier 1856. Le même texte est publié dans Messager des théâtres paru le 10
janvier 1856.
203
Paul de Saint-Victor, La Presse, le 6 janvier 1856.
204
Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach, Paris, Gallimard, 2000, p. 166.
205
Trois siècles d’Opéra à Lyon : de l’Académie royale de musique à l’Opéra-Nouveau, Lyon, Bibliothèque
municipale de Lyon, 1982, p. 125.
206
Donnons quelques productions qui nous sont connues : (1) Théâtre de la Nature, à Saint-Jean-de-Luz
(France), mise en scène par Jean Darnel, en septembre 1963, reprise à l’Hôtel de Béthune-Sully, à Paris (France),
dans le cadre du « Festival du Marais », en juillet 1965 ; (2) Théâtre Romain Rolland, à Villejuif, mise en scène
par Jacques Mauclair, en avril 1976 ; (3) Théâtre du Ranelagh. Présenté par la Compagnie 1 200 tours/min, mis
en scène par Pierre Letessier, août 2002 ; (4) Liquid Penguin Ensemble (avec Katharina Bihler, Stefan Scheib,
Markus Droß), au Théâtre national du Luxembourg, en juin 2011.
232
« les Chinois de quarante ans qui ne sont pas mariés » et d’imposer « les célibataires du sexe
féminin au-dessous de trente ans qui voudront se marier ». Encore une fois, on se moque des
lois bizarres et incompréhensibles des Chinois. Accompagnés du coup de canon de guerre qui
suggère l’actualité franco-chinoise, la musique et les mouvements chinois sont également
parodiés. Une « polka chinoise » est exécutée par les Chinois et les Chinoises, alors que tout
le monde – les Chinois, les zouaves, les vivandières – se met à chanter « le refrain chéri des
Chinois », c’est-à-dire l’air de Ba-ta-clan. Les deux thèmes chinois sont surtout accentués :
« Oubliant les lois de la Chine, / Nous avalerons à la fois / Les Chinois et la mandarine, / La
mandarine et les Chinois. »
Le Ba-ta-clan d’Offenbach inspire une autre parodie intitulée Pékin à Bataclan dont
nous ignorons les détails de la publication et la représentation. Attribuée à Paul Sarratoff207,
l’intrigue de la pièce se déroule à partir des acteurs de la salle du Bataclan qui se rendent à
Pékin « pendant la guerre de Chine » (Acte I, sc. 3). Comme Fou-Yo-Po, Pékin à Bataclan
fourmille de caricatures sur la nourriture chinoise. À titre d’exemple, un de ses personnages
nous fait savoir que le succès de la salle du Bataclan vient de son invention de… la machine à
l’huile de ricin, nourriture dégoûtante et bizarre attribuée aux Chinois (Acte II, sc. 6). Le seul
bon goût est le Champagne de France qui séduit même les Chinois. Toutefois, à la différence
de L’Opium et le Champagne (Variétés, 1842), les Français dans Pékin à Bataclan ne
cherchent plus à se régaler du bon vin avec les Chinois. Le champagne ne sert plus à « éveiller
les Chinois » (voir IV.1.(2).(b)) mais réveille la nostalgie du pays français.
233
situation de trois hommes amoureux d’une même femme ; Le Magot de Jacqueline (Champs-
Elysées [Spectacle Debureau], 1858)209, où le terme « magot » désigne une grosse fortune ; Le
Magot (Palais-Royal, 1874) de Victorien Sardou, quant à lui, concerne les marins et non les
Chinois.
Le terme « magot », qui est issu de la mode de la chinoiserie, finira par se retirer
complètement, ou presque, des titres de spectacle du thème chinois. Mais ce terme « magot »
est appliqué à des personnages japonais. Dans Les Infortunes de Jovial (Folies-Dramatiques,
1835), dont l’histoire se passe avant la guerre sino-anglaise, un voyageur français s’est
déguisé en l’empereur japonais et celui-ci ressemble à « un magot venu de la Chine ».
On peut continuer à observer le rapprochement du magot et des rôles japonais dans le
théâtre d’après-guerre. Ainsi, dans La Poudre de Perlinpinpin [sic] (Cirque, 1853 ; reprise au
Châtelet, 1898) des frères Cogniard, le prince Vif-argent tente de libérer la princesse Zibeline
qui est métamorphosée en une bergère de porcelaine. L’intrusion du prince dans la cellule de
la princesse réveille les deux gardes-magots japonais. Courtebotte, père de la princesse, est
jeté dans le four par les scélérats et se transforme en un magot, qui « fait toujours aller sa tête
et ses mains d’une façon uniforme » (tableau III, sc. 5). Les deux illustrations destinées
respectivement à la représentation au Cirque (fig. 4.21) et le quadrille (composé par Fessy)
(fig. 4.22) nous montrent le roi-magot assis. Le chapeau décoré de grelots fait penser au
personnage chinois, alors que l’intrigue ne concerne point la Chine.
209
Pour le résumé de la pièce, nous nous référons à la rubrique « Nouvelles », Revue et Gazette musicale de
Paris, n° 28 de la 25e année, le 11 juillet 1858.
234
dieu Bambouzi (Acte III) évoque la plante répandue en Asie. De manière générale, de tels
mélanges sino-siamois-indiens ou sino-américains sont davantage visuels que textuels.
210
Roger Alexandre, Les mots qui restent : répertoire de citations françaises, expressions et formules
proverbiales, avec une indication précise des sources, Paris, E. Bouillon, 1901, pp. 123-124.
235
devient un pari : De Ryons demande deux fois à De Montègre de partir immédiatement en
Chine afin de prouver son honnêteté (Acte III, sc. 6).
En somme, les grands écrivains du XIXe siècle comme Dumas père et fils parlent de la
Chine dans leurs œuvres dramatiques, mais très peu d’entre eux rédigent une œuvre au sujet
chinois. Verlaine tentera d’adapter Fisch-Ton-Kan mais cette pièce restera inachevée (voir
chapitre V). Les pièces chinoises de Paul Claudel, quant à elles, seront publiées au début du
XXe siècle (voir chapitre VI).
211
Félix Clément et Pierre Larousse, article « Cheval de bronze », Dictionnaire lyrique, ou Histoire des opéras,
[Paris, 1876-1881,] Paris, Bibliothèque des introuvables, 1999, p. 157.
212
« Théâtres de Paris », Revue et Gazette des théâtres, le 7 septembre 1848 ; B. Jouvin, Le Figaro, le 24
septembre 1857.
213
Les comptes-rendus de Félix Baudillon, par exemple, sont retrouvés dans les numéros de la Revue et Gazette
des théâtres parus le 21 janvier, le 23 février, le 11 mars, le 14 mars et le 23 novembre de l’année 1858.
214
E. Pauchet, « Faits divers », La Presse, le 23 septembre 1857.
215
Nous nous appuyons sur les sources suivantes : E. Pauchet, La Presse, le 23 septembre 1857 ; A. de Rovray,
« Revue de musique », Le Moniteur universel, le 27 septembre 1857 ; Edmond Rack, « Revue musicale », La
Gazette de France, le 5 octobre 1857.
216
H. Berlioz, Journal des débats, le 30 septembre 1858.
217
Edmond Rack, La Gazette de France, le 5 octobre 1857.
218
B. Jouvin, Le Figaro, le 24 septembre 1857.
236
L’Opéra reprend la pièce en 1857, alors que les éditions Vialat publient en 1854 les
œuvres complètes de Scribe. Dans cette édition richement illustrée, on voit présenter une
gravure (fig. 4.28a) portant sur le même sujet que celle de Bourdet décrite dans le chapitre III
(fig. 3.12). Dans les illustrations des éditions Vialat, le « cheval de bronze » par-delà la
fenêtre attire toujours l’attention du lecteur (fig. 4.28c). Le costume et la coiffure de Péki sont
d’ailleurs tout à fait chinois et non « orientaux ». Elle doit pourtant se travestir en homme,
comme le demande la scène de la planète (fig. 4.28d, 4.29).
237
comiques, non qu’ils soient des magots vivant dans la fantaisie du XVIIIe siècle, mais parce
qu’ils sont exposés à l’autre civilisation qui leur jette un regard rempli de malice. Ce n’est pas
simplement le Chinois lui-même qui nous amuse : c’est la situation dans laquelle se trouve le
Chinois qui nous fait rire. Et les dramaturges contemporains sont conscients de
l’ « immobilité » du Chinois. Ils ne créent plus, ou presque, de pièces comiques avec des
personnages chinois sans encadrer ces derniers par l’intervention des étrangers.
À cet égard, la reprise du Cheval de bronze témoigne effectivement d’une rupture :
l’époque du Chinois jovial est révolue. Jusqu’à la fin du siècle, on ne verra plus de
représentation chinoise d’importance sur la scène de l’Opéra. L’Opéra-Comique, quant à lui,
montera le Voyage en Chine, dans lequel aucun Chinois n’est présent sur la scène.
IV. 7. (3). (c) Entre l’exactitude et le renouvellement : les décors et les costumes
Pour installer les magots sur la scène, les décorateurs du Cheval de bronze ont recours
aux éléments chinois conventionnels. La technique évolue, mais le style reste celui de la
chinoiserie. Au niveau de la technique, la pyrotechnie est intégrée dans la représentation223.
Au niveau du style, on représente « les chinoiseries les plus exactes et les mieux réussies »224 :
surtout dans les deux premiers actes, qui « reproduisent, dans d’immenses proportions, les
microscopiques merveilles de l’art chinois, le plus patient, le plus fin, le plus minutieux des
arts »225.
Les esquisses conservées à l’Opéra nous permettent d’entrevoir le profil du pavillon
chinois. Comme le décor réalisé pour la production de 1835, l’intérieur de la pagode est orné
de statues de dieux chinois (fig. 4.31a-d). Plusieurs pièces effectuées par Hugues Martin sont
destinées à la maquette du décor du premier acte (fig. 4.32a-e). L’absence du plan de sa
composition ne nous permet pas de le reconstituer avec exactitude. Mais en le comparant à
l’esquisse réalisée pour l’Opéra-Comique (fig. 3.06), il apparaît que les décorateurs de
l’Opéra essaient de démontrer la vivacité scénique avec des étendards flottants.
La seule scène qui ne se situe pas en Chine est celle de la planète Vénus. Le dessin
publié dans L’Illustration (fig. 4.33) souligne les plantes géantes qui connotent l’atmosphère
tropicale et exotique du lieu. Nous y voyons les danseurs qui se mêlent aux arbres et aux
vignes, tandis que le personnage principal se détache. La taille de son chapeau est assez
réduite comparée à celle de la version de l’Opéra-Comique (fig. 3.05b). Cela égare encore
plus notre attention. En fait, le décor de la scène de la planète Venus déplaît aux spectateurs
de l’époque. Pauchet par exemple, le critique et affirme que « la composition est confuse et
manque de profondeur » ; « l’œil se fatigue de toutes ces fleurs, de ces feuillages et de ces
arabesques en pleine lumière »226.
223
P.-A. Fiorentino, Le Constitutionnel, le 28 septembre 1857 ; Edmond Rack, La Gazette de France, le 5
octobre 1857.
224
Albéric Second, L’Entr’acte, le 22 septembre 1857.
225
A. de Rovray, Le Moniteur universel, le 27 septembre 1857.
226
E. Pauchet, La Presse, le 23 septembre 1857.
238
Quant aux costumes conçus par Alfred Albert227, ils déploient à la fois la fantaisie
féerique et la « parfaite exactitude » 228 des personnages chinois. Si les danseuses et les houris
célestes bénéficient des habits fantastiques (fig. 4.34a-b), les vêtements des villageois chinois
sont assez réalistes (fig. 4.34c-h). Une comparaison des illustrations de Martinet et des
dessins d’Albert nous permet de concevoir l’évolution entre l’ancienne représentation à
l’Opéra-Comique et la reprise à l’Opéra. Sous le pinceau d’Alfred Albert, le fermier Tchin-
Kao s’habille comme un lettré de la campagne (fig. 4.34e), et non plus comme un officier qui
atteste de son rang par le diagramme sur la poitrine et le collier des mandarins. Péki et Yanko,
eux aussi, s’habillent à la façon des campagnards, et non comme des personnages fantastiques
(fig. 4.34d, g). Le costume de Tao-Jin est soigneusement dessiné : la large ceinture nous
rappelle le costume de l’opéra chinois. Ses pieds, en raison de son sang royal, sont
évidemment plus petits que ceux des filles nées à la campagne, qui bandent rarement les leurs.
Ce dessin de Tao-Jin ressemble à un portrait de femme tartare réalisé au XIXe siècle (fig.
4.35). Portant des costumes de même style et des couleurs similaires, cette femme tartare/Tao-
Jin offre un « visage plein de réserve » et atteste d’une « atmosphère de charme et de
mystère »229.
239
scène de l’Opéra de Paris qu’aux alentours de 1880234. Mais, si de nouvelles techniques sont
appliquées à cette reprise du Cheval de bronze, l’interprétation du personnage chinois respecte
toujours les anciens codes. Les esquisses du metteur en scène nous permettent d’imaginer la
conception : la feuille collée sur la première page montre « les mouvements que fait Tchin-
Kao ». Quatre esquisses à côté désignent ainsi : « 1 – Les bras en l’air. 2 – Les bras en
équerre. 3 – Les bras croisés. 4 – Les bras pendants. » (fig. 4.36a) ; « Démon bleu – 1 ;
Puissant dieu –2 ; Entends – 3 ; Nos vœux – 4 » ; « Chaque fois que ces mêmes paroles se
disent dans la prière par les chœurs, les mêmes gestes se font. 1er, 2e, 3e actes. ». Ces gestes
« à la chinoise » ne sont pas nouveaux, surtout le second, qui nous est très familier. L’autre
croquis du metteur en scène est destiné au dernier air de la dernière scène (fig. 4.36b). Ce
qu’il y a à « faire au final » n’est qu’ « ensemble les mêmes gestes qu’au 1er acte » (ms. inséré
entre p. 26 et 27). Un magot se trouve sur les rosaces ornées de clochettes. Les moustaches,
les doigts, le chapeau… les indications pour l’interprétation du Chinois n’évoluent guère dans
cette mise en scène fin-du-siècle.
L’Opéra de Paris conserve une autre série de dessins de danse attribués au Cheval de
bronze (fig. 4.37a-h). Signé « J. Hansen » mais sans mention de date, ces dessins sont
probablement consacrés à la chorégraphie de Joseph Hansen (1842-1907), directeur du ballet
de l’Opéra de Paris de 1888 à sa mort235. Les grands parapluies décorés de banderoles et les
paravents rappellent la forme de toupie et les mouvements du derviche tourneur oriental.
Cette représentation somptueuse et luxueuse reflète le goût pour l’ « Orient à grand
spectacle » poursuivi par l’Opéra à la charnière du XIXe et XXe siècle. En fait, pendant la
même époque, ce même Hansen prépare également un spectacle intitulé La Burgonde (Opéra,
1898). Dans cette pièce, non seulement la Chinoise mais aussi toutes les « bayadères »
asiatiques sont invitées à accomplir des danses éblouissantes (voir chapitre VI).
234
Pierre A. Constant-Clément, « Technique et machineries 1791-1991 », in Geneviève Latour et Florence
Claval (dir.), Les Théâtres de Paris, Paris, Délégation à l'action artistique de la ville de Paris, 1991, p. 49.
235
Ivor Guest, Le Ballet de l’Opéra de Paris : trois siècles d’histoire et de tradition, traduit de l’anglais par Paul
Alexandre, nouvelle édition, Paris, Flammarion, 2001, pp. 137.
236
H. Belevitch-Stankevitch, Le Goût chinois en France : au temps de Louis XIV, [Paris, J. Schemit, 1910]
Genève, Slatkine, 1970, p. 246.
240
moustache pendante et les festons rapportés nous font penser au « Chinois dansant » évoqué
ci-dessus. Ce genre de personnage chinois « décoratif » continue à se retrouver dans les
documents iconographiques de l’Opéra, même si rien de chinois n’est indiqué dans le livret du
dramaturge : c’est le cas de La Burgonde (Opéra, 1898) (voir chapitre VI).
237
« Bulletin dramatique », Le Ménestrel, le 14 novembre 1847.
238
Anonyme, Guide dans les théâtres, Paris, Paulin et le Chevalier, 1855, p. 195.
239
Le Second Hippodrome, qui se situait Porte Dauphine, fut inauguré le 10 juin 1856, et brûla dans la nuit du 28
au 29 septembre 1869. Cet Hippodrome n’est pas celui qui accueillit les Chinois en 1854.
240
Émile Abraham, L’Entr’acte, le 21 juin 1858.
241
« Bulletin des théâtres », Le Siècle, le 25 et le 29 juin 1858.
242
Notre nous appuyons sur les témoignages des auteurs suivants : Émile Abraham, L’Entr’acte, le 21 juin
1858 ; A. Escande, L’Union, le 21 juin 1858 ; A. d’Hauterive, Revue et Gazette des théâtres, le 27 juin 1858 ; J.-
M. Tiengou, La Gazette de France, le 28 juin 1858.
243
A. d’Hauterive, Revue et Gazette des théâtres, le 27 juin 1858.
244
Émile Abraham, L’Entr’acte, le 21 juin 1858.
241
M. et Mme Denis énerve encore plus les spectateurs. Gustave Chadeuil insiste sur le fait qu’il
faille faire « disparaître l’élément européen de cette fête chinoise. M. et Mme Denis n’ont rien
à faire à Pékin ; [...] Il serait facile de les remplacer par des accessoires chinois [...] »245. Il
semble que la passion pour la Chine revient sans réserve chez les spectateurs. On cherche à
construire une Chine « chinoise » tout en dépoussiérant les pastiches des faux-chinois.
Cette adoration est éphémère. En 1861, le Théâtre impérial du Cirque représente la
capitale chinoise dans La Prise de Pékin. Mais cette fois, sans feu d’artifice ni cortège
magnifique, la nuit de Pékin devient sombre et sinistre. La capitale de l’empire s’effondre
dans les ténèbres.
Conclusion :
Suite à la Première Guerre de l’Opium, la Chine découvre la puissance des pays
occidentaux. Les Anglais rouvrent la porte du Céleste Empire et deviennent acteurs de notre
recherche. Pour la première fois, des personnages anglais interviennent dans les intrigues de
spectacles français au sujet chinois. On monte sur scène la folie des Chinois mais on se moque
également du ridicule des Anglais. En effet, si la Chine est un pays qui reste à civiliser, la
Grande-Bretagne représente une attitude hautaine voire un pouvoir malveillant centré sur son
propre intérêt. Le Chinois et l’Anglais sont ainsi tous deux caricaturés, tandis que le Français
offre aux Chinois l’amitié conviviale. Cette tonalité s’impose dans les spectacles concernant
la relation trilatérale.
Ce sont pourtant les Anglais qui écourtent la distance entre Paris et Pékin. On se rend
à Londres pour voir la jonque chinoise et les Anglais contribuent à introduire les véritables
Chinois sur la scène théâtrale française. Les variétés acrobatiques des Chinois impressionnent
les spectateurs parisiens. Si les Comédiens-Italiens du XVIIIe siècle se déguisaient en Chinois
afin de prouver leur habileté polyvalente, les vrais Chinois des années 1850 montrent ce que
sont les jongleries chinoises authentiques. Leur influence est énorme, au point que les
spectacles de cirque ne cessent d’avoir recours aux images des Chinois. Les jongleurs
américains finissent même par se nommer « mandarins ».
La sonorité créée par la clochette et la mandoline avait nourri l’imagination du public
mais les bruits produits par les instruments de la troupe de la « Rose de Nankin » (Variétés,
1851) lui déplaisent à cause de leur discordance. Le bataclan des fainéants entre en
concurrence avec la fantaisie du cheval volant. La langue chinoise s’engage dans les enjeux.
De la boutique parisienne jusqu’à la cour chinoise, le voyage ne s’achève jamais sans la
cacophonie chinoise.
La présence des « vrais » Chinois et la représentation des « faux » Chinois aboutissent
à une réflexion plus sérieuse sur la création des nouveaux personnages chinois. Les
dramaturges pensent à abandonner l’imaginaire baroque qui, d’après Clément Caraguel,
« peut être très amusant sur la scène du Palais-Royal » mais « n’est pas à sa place dans les
245
Gustave Chadeuil, « Revue musicale », Le Siècle, le 2 juillet 1858.
242
récits de voyageurs soi-disant sérieux qui prétendent avoir vu de près et étudié la société
chinoise »246. Les expériences ont-elles réussi ? La confrontation des deux cultures produit le
comique, mais ce comique s’inscrit à l’épreuve des préjugés. On représente sur scène des
spectacles portant le nom d’« études des mœurs », mais ces mœurs sont un pastiche et non
une vraie découverte. En fait, tous les nouveaux éléments relatifs aux mœurs chinoises
s’orientent vers le même objectif : rendre les Chinois aussi clownesques que possible. On
n’oublie ni le grotesque du magot ni le burlesque du carnaval. Le théâtre ne diabolise pas les
Chinois, qui sont trop loin de la « Question d’Orient ». Si le Chinois est un ennemi, il n’est
pas un diable horrible. Il est malin, méprisable ou un « mandarin à tuer » (qui n’existe que
dans l’imagination des Lumières). Les seuls Chinois d’ « actualité » se retrouvent dans la
« revue », qui est elle-même la parodie des actualités de l’année.
246
Clément Caraguel, « Les Peintres de la Chine », Le Charivari, le 13 janvier 1856.
243
Chapitre V – La Confrontation militaire-diplomatique :
Du sac de Pékin aux enjeux au Tonkin (1861 – 1880)
244
sujets classiques (enlèvement et choc culturel en Chine) des spectacles au sujet chinois. On
choisit également le cadre d’anciennes batailles sino-occidentales pour contextualiser des
défilés spectaculaires. Le recours à la Chine d’hier reflète la banalisation de la Chine de
l’époque. Sans le recours au thème du conflit politico-militaire de la Seconde Guerre de
l’Opium, le « grand spectacle » n’a pas lieu d’être et cède la place aux échanges quotidiens.
Dans cette réalité des années 1870-1880, en effet, des élèves et des mandarins sont envoyés à
Paris et on fait jouer les Chinois dans les salons. Les « vrais » Chinois demeurent peut-être
une curiosité mais leur présence constitue de moins en moins un événement rare : de
l’exposition au cirque, les spectacles des Chinois deviennent réguliers.
1
Sur les causes des deux guerres de l’opium, voir Marianne Bastid-Bruguière et Jean Chesneaux, Histoire de la
Chine, tome 1 : Des guerres de l’opium à la guerre franco-chinoise, 1840-1885, Paris, Hatier, 1969, pp. 54-73.
245
En France, la mort du père Chapdelaine est jugée scandaleuse et la torture cruelle qu’il
a dû endurer la rend encore plus choquante2. Mais la mort du père Chapdelaine n’est pas
simplement un résultat de la haine des Chinois à l’encontre des catholiques. En effet, les
activités des conjurés de Taiping Tianguo, « le pays céleste de la grande paix », dont le chef
Hong Xiuquan se nomme le frère de Jésus Christ, débutent également en Guangxi pendant le
séjour du père Chapdelaine. Les autorités soupçonnent alors un lien entre le regroupement des
catholiques et les conjurés de Hong.
La première partie de la Seconde Guerre de l’Opium s’achève en 1858, par la
signature du traité de Tientsin (port de Pékin), traité qui accorde aux Français le droit de
prêcher et celui de posséder des biens fonciers dans toute la Chine. Le christianisme, qui était
interdit par le gouvernement chinois en 1723, recouvre son statut légal en Chine.
Le traité de Tientsin doit être officiellement signé à Pékin. Mais les mandarins
interdisent finalement l’entrée de la capitale aux représentants occidentaux. La guerre est à
nouveau déclarée. Suite à la défaite de la bataille de Palikao, en 1860, l’empereur chinois se
réfugie dans une ancienne résidence d’été, dans la province de Jehol, située entre la Chine
septentrionale et la Mongolie. À Pékin, le Palais d’été de l’empereur est incendié après
plusieurs jours de sac perpétré par l’armée de l’alliance anglo-française. Dans une lettre datée
du 25 novembre 1861, Victor Hugo, alors en exil, condamne l’œuvre barbare de « deux
bandits »3.
Suite à la Seconde Guerre de l’Opium, les pays occidentaux exigent que la Chine
prenne une attitude pratique envers les étrangers. Le Zongli Yamen, « bureau chargé des
affaires de toutes les nations », est inauguré en 1861 et constitue l’institution chinoise
responsable de la liaison diplomatique avec les Occidentaux 4 . Le gouvernement chinois
participe donc désormais aux « échanges » officiels franco-chinois.
2
Jean-Pierre Seguin, Nouvelle à sensation : canards du XIXe siècle, Paris, Armand Colin, 1959, p. 119. Sur les
activités du père Chapdelaine en Chine, voir Adrien Launay, Histoire des missions de Chine, tome 1, Mission du
Kouang-Si », Paris, Victor Lecoffre, 1903.
3
Victor Hugo, « Lettre au capitaine Butler », in Guy Schoeller (dir.), « Actes et Paroles II : Pendant l’exil, 1852-
1870 », Œuvres complètes : Politique, Paris, Robert Laffont, 1985, p. 528.
4
Avant 1861, il n’y avait pas en Chine d’institution spécifique chargée des affaires diplomatiques. Les affaires
étrangères concernées étaient principalement sous la direction du Libu (« Ministère des rites »), du Lifan Yuan
(« Bureau des affaires du tribut »), etc. Voir Jean-Guy Daigle, « Résidents et voyageurs européens en Chine au
temps de l’impérialisme triomphant (1842-1943) », in Michel Dumoulin et Geneviève Duchenne (dir.), L’Europe
et l’Asie, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2004, pp. 39-78.
246
entre la diplomatie française et les missionnaires catholiques5. Cette situation complexe est
également traduite sur la scène du théâtre.
Le 27 juillet 1861, le Théâtre impérial du Cirque (ancien Cirque-Olympique et futur
Théâtre impérial du Châtelet dès 1862) présente un « drame militaire à grand spectacle »
intitulé La Prise de Pékin. Le texte patriotique d’Adolphe Dennery6 se déploie à travers des
personnages qui se font également la voix de l’esprit chrétien. De l’actualité à la scène, la
tonalité s’inscrit dans le crédo de « sauver les Chinois ».
5
À ce sujet, voir Yves Bruley, « Les Missionnaires vus par les diplomates… », in Chantal Paisant (dir.), La
Mission en textes et images, Colloque 2003 du GRIEM, Paris, 23-25 janvier 2003, Paris, Karthala, 2004, pp.
435-449.
6
Il semble que la création de Dennery soit inspirée des idées de C. Mocquard. Georges d’Heylli attribue ainsi la
pièce à la collaboration de Dennery et Mocquar[d] (voir Foyers et coulisses : histoire anecdotique de tous les
théâtres de Paris ; dixième livraison : « Porte Saint-Martin », Paris, Tresse, 1877, p. 31. Cette opinion est
partagée par Jacques de Plunkett, in 160 ans de théâtre : Fantômes et souvenirs de la Porte-Saint-Martin, Paris,
Ariane, 1946, pp. 245-246. Plus récemment, les éditeurs des correspondances de Théophile Gautier signalent à
nouveau l’auteur Mocquard (voir Correspondances générale, 1872 et compléments, éditée par Claudine Lacoste-
Veysseyre, sous la direction de Pierre Laubriet, tome XII, Genève et Paris, Droz, 2000, pp. 237 et 406). Nous
respectons l’édition de 1861 et ne prenons que le nom de Dennery.
247
l’alliance reste en dehors de la capitale. De plus, une fois le traité signé, l’armée de l’alliance
devra repartir pour Shanghai. Sang-Ko-Lin-Sin surgit et fait arrêter les membres de la
délégation pour qu’ils ne dévoilent pas les mensonges des mandarins à l’empereur. Taosing
s’infiltre alors dans le camp de San-Ko-Lin-Sin et reproche la trahison des Chinois. Il est donc
arrêté et subit les mêmes tortures que les Occidentaux. Ceux-ci sont enfin convoqués par
l’empereur. Ils accusent la barbarie des mandarins. Le prince mandchou Yeh-Su confirme
l’accusation des Occidentaux. L’armée de l’alliance s’empare alors du palais d’été pour se
venger de la trahison des Chinois. Les Occidentaux s’éprennent de la magnificence de ce
palais mais Lucien leur rappelle ne pas oublier leurs compatriotes emprisonnés et torturés.
(Acte III)
Le grand mandarin Kousiliang et ses proches sont arrêtés en raison de leurs faux rapports
mais ces officiers malhonnêtes essaient de s’échapper à l’aide d’un pot de vin.
Taosing regrette d’être dans l’incapacité de sauver les Français emprisonnés. Mais la présence
imprévue de Yang-Fo redonne du courage à Taosing. D’après elle, Dominique et Jean-Marie
sont encore vivants, même si leur état de santé est terrible. En outre, elle lui a apporté les trois
milles taëls issus de la vente de leur maison. En tant que véritable chrétien, Taosing ne
s’inquiète pas de sa propre liberté. En revanche, il achète les gardes de la prison et fait libérer
Kousiliang et deux autres mandarins. Yang-Fo obtient ensuite trois arrêts de grâce signés par
Kousiliang. Malheureusement, Brownly a été exécuté avant l’arrivée de Yang-Fo, et
Dominique est mort de faim. Yang-Fo propose à Taosing de profiter de l’arrêt de grâce. Mais
Taosing ne cesse de culpabiliser et renonce à vivre. Au dernier moment de sa vie gâchée, il
reprend la consommation d’opium. Dans un rêve entouré de fumée, Taosing rejoint sa fiancée
décédée. (Acte IV)
Les généraux français et anglais cherchent Lamoureux et les soldats capturés par la ville.
Kousiliang condamne le sac du palais d’été commis par les soldats français sous la direction
de Lamoureux, qui s’est lui-même enfui en province. Mais l’apparition inattendue de Jean-
Marie et de Lamoureux prouve qu’il s’agit là d’un nouveau mensonge de Kousiliang. Jean-
Marie et Lamoureux annoncent la mort inhumaine de Dominique et Brownly et accusent la
cruauté des mandarins. La paix n’est plus possible. L’armée de l’alliance s’apprête à entrer
dans la ville de Pékin. (Acte V)
Les intrigues, assez compliquées mais aussi parfois mal organisées, font que la durée
de la représentation peut atteindre six heures. Le dramaturge Louis Ulbach (dit Ferragus)
signale l’ « incohérence apparente » de la pièce7. Globalement, le plan du récit est composé de
deux parties. D’une part, ce sont les souvenirs à teinte mélancolique de Jean-Marie, de
Dominique et des orphelins chinois. D’autre part, ce sont les détails politico-historiques qui se
développent sur scène selon une « fidèle et vivante reproduction des faits contemporains »8.
Les chroniqueurs de l’époque font très attention à l’ancrage dans l’actualité de La
Prise de Pékin. Ernest Gebauer remarque que le sujet de La Prise de Pékin est « trop actuel
pour qu’il soit nécessaire d’entrer dans aucun détail sur l’action de la pièce nouvelle »9. P.-A.
Fiorentino signale que cette « histoire vivante » est une « mise en drame des extraits de
7
Louis Ulbach, « Revue théâtrale », Le Temps, le 5 août 1861.
8
« Bulletin des théâtres », Le Constitutionnel, le 8 août 1861.
9
Ernest Gebauer, Le Monde dramatique, sous la direction de Théophile Deschamps, le 1er août 1861.
248
journaux »10. En effet, les personnages évoquent les acteurs de la scène politique de l’époque.
Le général San-Ko-Lin-Sin et le prince Yeh-Su sont respectivement les incarnations sur scène
du général mongol Sengge Rinchen (ou Senggelinqin) et du prince mandchou Gong nommé
Yixin11. Le père Dominique est sans doute un avatar du père Auguste Chapdelaine. Quant à
Sir John Brownly, son nom suggère l’homme politique anglais John Bowring. Savant et
polyglotte, celui-ci fut nommé gouverneur de Hong Kong en 185412. Pour le sinologue Henri
Cordier, c’est ce « diplomate malencontreux » ayant dirigé les affaires sino-anglaises à
Canton, qui est responsable de l’attitude de la Grande-Bretagne lors de l’incident concernant
le navire Arrow13. Les chroniqueurs de l’époque de La Prise de Pékin ne citent pourtant pas
explicitement le nom du gouverneur. En revanche, ils mettent en valeur l’idée du courage
français, en rapprochant le personnage de John Brownly du journaliste français Antoine
Fauchery14, photographe du Moniteur universel qui s’était rendu en Chine (1860-1861) pour
couvrir la guerre et qui mourut au Japon en 1861.
À chaque acte de La Prise de Pékin un thème du christianisme : le fils prodigue (Acte
I), la charité de la Sainte-Enfance (Acte II), le courage et la fraternité (Acte III), le martyre
(Acte IV) et la guerre sainte (Acte V). La « Prise de Pékin » vue à travers le théâtre n’est donc
pas une guerre contre l’État chinois mais une guerre pour la libération des catholiques et des
Chinois convertis. Le sergent Lamoureux justifie ainsi la légitimité de l’expédition française :
le droit de « relever les églises » et d’ « envoyer là-bas quelques missionnaires », « où il y a
un malheur à secourir ou une âme à sauver » (Acte I, sc. 6). Pourtant, la bonne volonté de la
France ne remporte que « des coups de canon » de l’armée chinoise. Suite au « meurtre de ses
enfants » et à « l’insulte faite à son drapeau », la France ne peut que réagir.
Les discours de Lamoureux présents dans chaque acte nous permettent de parcourir
l’évolution de la raison du motif de la guerre, qui passe du niveau religieux au niveau du
« nationalisme » – une défense de l’intérêt national et de l’honneur français. Au début, le
martyre des missionnaires est comparé à la mort des soldats français pour le drapeau de
l’Empire. La tension va ensuite s’intensifier et l’intérêt d’État s’impose dans le discours de
Lamoureux. Lorsque Jean-Marie attribue la mort de Dominique et des vingt autres martyrs à
« la trahison » des Chinois, c’est le général français qui exige la vengeance exécutée par « la
puissance de nos armes ». (Acte V, sc. 4) La pièce se termine par l’attaque de Pékin, aux cris
de « Vive la France ! vive l’Empereur ! » (Tableau 11). Si la guerre est déclenchée suite à
l’assassinat du père catholique, à la fin de la pièce, aucune exclamation n’est consacrée au
triomphe de la foi religieuse. D’un but religieux à l’intérêt politique, le passage de l’un à
l’autre permet de sous-entendre l’essentiel de l’expédition en Chine.
10
P.-A. Fiorentino, Le Constitutionnel, le 5 août 1861.
11
Les Mandchous avaient établi une alliance conjugale avec les Mongols. Cela permit aux Mongols d’avoir des
postes importants à la cour de l’Empire chinois. D’origine mongole noble, Sengge Rinchen fut adopté par la
sœur de l’empereur Daoguang (règne : 1820-1850).
12
Au sujet du gouverneur John Bowring, voir Charles Meyer, Histoire des Français en Chine (1698-1939), Paris,
éd. You Feng, 2009, p. 143.
13
Henri Cordier, L’Expédition de Chine de 1857-58, histoire diplomatique, notes et documents, Paris, Félix
Alcan, 1905, pp. 122-129.
14
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 29 juillet 1861 ; Paul de Saint-Victor, La Presse, le 5 août 1861.
249
V. 1. (1). (c) L’exploitation britannique et la croisade française
Cependant, les deux parties de l’alliance anglo-française ne partagent pas la même
auréole de gloire. À l’époque de la Première Guerre de l’Opium, la représentation du
Champagne et l’Opium avait ironisé sur un officier anglais nommé Dog, qui endormait les
Chinois au moyen de l’opium, alors que les Français réveillaient les Chinois par le
champagne. La distinction réapparaît dans La Prise de Pékin : les Français envoient des
missionnaires en Chine, tandis que les Anglais transportent des ballots d’opium « à fond de
cale » (Acte I, sc. 6). Aux yeux de Lamoureux, le soi-disant « premier pays du monde » de
Brownly ne cherche que le gain immédiat, sans s’inquiéter de l’intérêt d’autrui.
Les Anglais profitent non seulement des Chinois mais aussi des Français. Il s’agit de la
guerre de Crimée (1853-1856). En effet, selon Lamoureux, alors que les soldats français se
jetaient dans le danger sur les champs de bataille, les soldats anglais « n’étaient pas fâchés de
venir partager notre soupe » (Acte I, sc. 8). L’avidité de l’intérêt personnel se voit aussi dans
l’achat du grade. Si les soldats français acquièrent un grade en payant avec leur sang, les
Anglais « achètent le grade » avec de l’or (Acte I, sc. 8). Les Anglais apparaissent compter sur
l’argent parce que chez eux, tout se monnaie. Une autre critique se focalise sur l’inégalité de
la société anglaise, dans laquelle le « droit d’aînesse » et le « vote restreint » empêchent le
progrès humain. Rappelons que la France a définitivement aboli le droit d’aînesse en 184915,
et que le suffrage universel masculin a été établi par la Deuxième République. Mais les
caricatures politiques envers la Grande-Bretagne s’avèrent être une épée à double tranchant.
Car, selon la constitution française de 1852, le Corps législatif élu au suffrage universel
masculin n’a aucun droit d’initiative et toutes les lois sont proposées par le pouvoir exécutif.
Le comité de censure joue ainsi un rôle délicat. Dans son premier rapport à l’égard de
La Prise de Pékin, le comité a mentionné que les écrits « contiennent non seulement une
critique raisonnée des institutions qui régissent l’Angleterre, mais encore un blâme sévère de
son commerce d’opium, si avantageux pour elle et si funeste aux populations où elle répand
ce séduisant et dangereux poison » 16 . Le commerce d’opium constitue un fait mais la
« critique des institutions » risque de piquer au vif la tête de l’État français. Après un mois de
travail visant à retoucher le texte, le Cirque dépose des modifications qui sont « conformes
aux instructions »17. Les manuscrits conservés aux Archives nationales nous permettent de
comparer le texte avant et après les modifications18.
Nous en donnons quelques exemples dans le tableau ci-dessous. Le nom sensible d’
« Angleterre » est souvent supprimé. Les passages sur l’aristocratie et le type de suffrage sont
15
Maurice Block (dir.), article « Majorat », Dictionnaire général de la politique, tome II, Paris, O. Lorenz, 1864,
p. 250.
16
Procès-verbal de censure, signé le 28 juin 1861. Archives nationales, F21 992.
17
Procès-verbal de censure, signé le 26 juillet 1861. Archives nationales, F21 992.
18
La division des scènes du manuscrit ne correspond pas toujours à celle de l’imprimé, bien que les intrigues
soient identiques. Pour notre analyse des passages supprimés et modifiés, nous utilisons les indications chiffrées
figurant sur le manuscrit coté F18 975. Un autre exemplaire, coté F18 982, est la publication qui servira à la
reprise de l’année 1892, au Théâtre du Châtelet.
250
aussi supprimés, car le public doit probablement se souvenir comment Napoléon III a
manipulé le système de vote pour accomplir son coup d’État en 1851. À ce sujet, le résultat de
l’élection législative en 1857 témoigne de la progression de l’opposition républicaine dans les
villes. Et la situation se complique, parce que l’Empereur refuse de remettre en cause le
suffrage universel comme le lui demande son entourage. Au niveau de la création de
spectacles, même la suggestion la plus implicite de l’idée de « renverser le trône » est par
conséquent supprimée, afin d’éviter d’exciter les spectateurs. Les paroles de Dominique s’en
expliquent (Acte III, sc. 4).
251
Acte I, Lamoureux : Attendez donc un peu... mais Lamoureux : Attendez donc un peu... mais
sc. 8 j’ai entendu dire que, dans l’armée, vous j’ai entendu dire que, dans l’armée, vous
avez des petits jeunes gens de bonne famille avez des jeunes gens qui achètent le grade
qui achètent le grade de lieutenant, qui de lieutenant, qui payent avec de l’or, leurs
payent avec de l’or, quand ils sont nobles, épaulettes, chez nous, monsieur, c’est un
leur épée et leurs épaulettes, chez nous, marché libre pour tous ; tout le monde peut
monsieur, c’est un marché libre pour tous ; acquérir un grade, tout le monde a de quoi
tout le monde peut acquérir un grade, tout le l’acheter, parce que chez nous, monsieur, ça
monde a de quoi l’acheter, parce que chez se paye avec le sang.
nous, monsieur, ça se paye avec le sang. Brownly : Oh, je convenai encore que pour
Brownly : Oui, je convenai encore que pour cette chose... mais pour le reste...
cette chose... mais pour le reste... Lamoureux : Pour le reste, l’Angleterre
Lamoureux : Pour le reste, l’Angleterre c’est le premier pays...
c’est le premier pays... en second.
Acte I, Lamoureux : […] C’est une manière de Lamoureux : […] C’est une manière de
sc. 6 tabac à priser, que l’on fume. Les Anglais tabac à priser, que l’on fume. Les Anglais
qui ne peuvent pas le souffrir parce que qui ne peuvent pas le souffrir, s’en privent
c’est très mal sain, s’en privent au profit des au profit des Chinois et le leur vendent très
Chinois et le leur vendent très cher. cher.
Acte II, Dominique : […] Oh ! les malheureux, je Dominique : […] Oh ! les malheureux, je
tableau les reconnais. Tenez, Sir James Brownly, les reconnais. Tenez, Sir James Brownly,
i, sc. 8 c’est encore un renseignement que vous c’est encore un renseignement que vous
pouvez adresser à votre journal : c’est une pouvez adresser à votre journal : c’est une
plaie de ce pays à laquelle l’Angleterre n’est plaie de ce pays à laquelle vos compatriotes
point étrangère. ne sont point étrangers.
Brownly : L’Angleterre ! Brownly : Mes compatriotes !
Outre par l’aspect politique, les Français se distinguent des Anglais par leur conduite
chrétienne. Nous avons signalé plus haut les conceptions du christianisme exprimées dans
chaque acte. Si la mise à sac de Pékin est inévitable (Acte III, sc. 6-8), il s’agit là de l’avidité
des Anglais et non de l’intention des Français. C’est pourquoi l’attaque lancée par le
« général » dans le manuscrit devient l’attaque déclenchée par le « général anglais » sous la
plume des censeurs. Dans la version remaniée, l’action du pillage n’obéit pas à la demande du
« général » et des « soldats » de l’État – comme on peut le lire dans le manuscrit – mais elle
est le résultat de la volonté personnelle de « Médard » et de ses « camarades ». La mission
unique de la France est de libérer les Chinois persécutés, à savoir les convertis tourmentés par
les autorités païennes, ainsi que les ignorants dominés par l’opium de l’Angleterre. Sur ce
point, si le missionnaire Dominique se consacre au salut des Chinois, le témoin le plus
qualifié est cependant celui qui se libère des erreurs pernicieuses : Jean-Marie, le « fils
252
prodigue » qui incarne la parabole biblique (Luc 15 : 11-32), est littéralement et
allégoriquement l’élu pour la mission chinoise.
Le voyage en Chine est donc un passage dantesque : la destination n’est plus un
empire céleste mais les enfers. Les brebis égarées ont besoin d’un berger et le fardeau doit
être ôté des épaules des souffrants. Au tout début de la pièce, Dominique s’inquiète de la
chute du peuple en Chine, où « le matérialisme étouffe tout sentiment religieux » (Acte I, sc.
8). En suivant les pas de Dominique, les spectateurs aperçoivent les catholiques chinois
« tremblant le signe de la croix », mêlés aux fumeurs aux « yeux éteints » et à la « démarche
chancelante » (Acte II, sc. 8-9). Cette scène du fumoir révèle l’œuvre des spéculateurs
d’opium. Les « superbes navires » des Anglais ne remportent, d’après Dominique, que de l’or
« rouillé par des larmes » et « tach[é] de sang ». Cette observation n’est plus une caricature
telle qu’on pouvait en trouver dans L’Opium et le Champagne, mais une accusation grave
contre l’inhumanité des commerçants anglais. Elle évoque à nouveau le statut français de
protecteur de la religion catholique ainsi que la raison de la croisade en Chine.
19
Albert Monier, Revue et Gazette des théâtres, le 1er août 1861.
20
Auguste Borget, « lettre à Macao, 5 janvier 1839 », La Chine et les Chinois : dessins exécutés d’après nature
par Auguste Borget et lithographiés à deux teintes par Eugène Cicéri, Paris, Goupil et Vibert, [1842].
21
Albert Monier, Revue et Gazette des théâtres, le 1er août 1861.
22
Albert Monier, Revue et Gazette des théâtres, le 1er août 1861.
253
Une telle atmosphère mystérieuse se greffe au monde chimérique des Chinois. Ainsi,
lorsque le mandarin Outang imagine « envelopper les ennemis dans un nuage de fumée »,
l’autre mandarin Kikouli ajoute qu’il faut « peindre, sur de grandes bannières, des dragons
gigantesques qui sembleraient lancer des flammes par les yeux, par la gueule, par le nez, par...
partout ». Le recours aux monstres réveille peut-être chez le public les souvenirs des
anciennes chinoiseries, et les chinoiseries semblent s’évanouir dans la fumée d’opium qui
envahit la scène. Mais cette rêverie chinoise est incompatible avec la confrontation militaire
qui est à l’ordre du jour. Aussi, le thème chrétien pose l’imagination chimérique du Chinois
comme associée au culte de la fausseté et du faux dieu. Si la fumée arrive à créer une
imagination féerique sur scène, ce sont des calembours comme « Bouddha » et « boudin »
(Acte II, sc. 9) qui ne cessent de s’opposer à la belle imagination chinoise d’autrefois.
Non seulement un fumeur d’opium, Taosing a également le comportement du chrétien
chinois. C’est une image que nous ne connaissions pas. La conduite de Taosing et de Yang-Fo
atteste de leur sens du sacrifice et de leur courage, mais il s’agit là des valeurs chrétiennes et
non de la « nature » chinoise. Néanmoins, un chrétien chinois comme Taosing ne peut jamais
atteindre la hauteur des martyrs français. Malgré son recours à la confession, Taosing, « fils
prodigue » comme Jean-Marie, échoue finalement à résister à la tentation. Alors que les
Français emprisonnés déploient leur courage et leur fermeté jusqu’à la mort, Taosing se livre à
la drogue mortelle au dernier moment de sa vie.
La faiblesse, voire la lâcheté, est le point commun partagé par Taosing et ses
compatriotes chinois. Devant l’arrivée de l’ennemi, les Chinois « de toutes classes » ne
cherchent qu’à s’enfuir, sans penser à la résistance (Acte II, sc. 1). Si le dramaturge décrit la
nature humaine face à la guerre dans le cadre de son intrigue, les chroniqueurs associent
souvent cette faiblesse au degré de patriotisme. Théophile Gautier constate la nature « peu
patriotique » des Chinois23, tandis qu’E. D. Biéville souligne que « le patriotisme ne paraît pas
être une vertu commune en Chine ». Selon Biéville, « partout pendant l’expédition les troupes
alliées ont vu des Chinois venir avec empressement leur offrir des marchandises de toute
espèce, ou leur louer leurs services pour porter leurs bagages et même leur butin » 24 . De
Taosing aux vrais habitants chinois, la lâcheté devient le trait principal que l’on assigne au
peuple chinois, sans adjonction d’éléments comiques qu’on attribue aux personnages de
théâtre.
Rappelons ici la nuance du terme « Chinois » qu’utilisent les chroniqueurs. Dans leurs
comptes rendus, les « Chinois » désignent l’ensemble du peuple de l’empire chinois qui
contient à la fois les Chinois, les Tartares, les Mandchous et les Mongols, et non simplement
les Chinois (au sens étroit, à savoir le peuple « Han ») de la Chine conquise par les Tartares –
comme dans Dgenguiz-Kan (Cirque-Olympique, 1837). Le terme « Chinois » est désormais
appliqué à tous les habitants de ce pays et non simplement à une ethnie spécifique. Sur la
scène du théâtre, le concept du « Chinois » a donc une définition relativement concrète : la
Chine désigne un État au lieu d’une contrée géographique ou d’une idée ethnologique. Les
23
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 29 juillet 1861.
24
E. D. Biéville, Le Siècle, le 5 août 1861.
254
spectacles ultérieurs au sujet chinois se développeront avec l’éclosion de ce concept du
Chinois national. En revanche, le « nationalisme » au sens moderne n’existe pas à cette
époque en Chine, qui se nomme elle-même l’ « Empire du Grand Qing ». Le mot « Qing » (ou
« ching », signifiant la « clarté »), dont la prononciation ressemblant à « Jin » (ou « chin »,
signifiant l’ « or »), suggère que la généalogie de l’empire Qing remonte à l’état septentrional
fondé par le peuple « Jin » (1115-1234) et restauré par les Mandchous (1616-1636). Pour les
Chinois eux-mêmes, la notion de l’État chinois (au lieu de l’Empire d’un tel ou tel peuple)
n’apparaît qu’au début du XXe siècle lors de la proclamation de la Première République
(1912-1949).
25
Le manque du plan handicape les personnels de la Bibliothèque de l’Opéra pour reconstruire la maquette.
Nous prenons par conséquent les photographies de 24 éléments appartenant à ce travail.
26
Nicole Wild, Décors et costumes du XIXe siècle. Tome II : Théâtres et Décorateurs. Collections de la
Bibliothèque – Musée de l’Opéra, Paris, BnF, 1993.
27
Yen-Taï, ou Yantai, est un port situé dans la province de Shandong (ou Chantoung) et qui contrôle l’entrée du
golfe de Bohai. Les navires peuvent facilement arriver jusqu’à Pékin via Yen-Taï. En mai 1861, Yen-Taï est
ouvert aux pays occidentaux avec le statut de port de commerce. En outre, c’est aussi en Chantoung que se
déroule l’intrigue du Cheval de bronze.
255
satisfait au « plaisir des yeux »28.
Les descriptions des contemporains nous aident à mieux connaître la ville de Yen-Taï
reproduite sur la scène. Dans une lettre à B. Jouvin, Jean Rousseau raconte cette ville pleine
de couleurs : des enseignes « rouges et or [sont] pendues sur chaque seuil » ; les rues « se
pavent coquettement de granit rose » ; « les maisons bariolées s’entourent de jolis treillages et
se surmontent d’élégants belvédères »29. Paul de Saint-Victor remarque que la ville semble
être bâtie « par des ivoireries », une ville où « les pagodes recourbent leurs toits pareils à des
chapeaux retroussés par le vent, les boutiques allongent leurs enseignes verticales bariolées de
ces lettres chinoises qu’on prendrait de loin pour des fleurs »30.
Théophile Gautier se focalise sur les détails de chinoiserie figurant sur les toiles du
décor, une chinoiserie qui se caractérise surtout par « des monstres griffus et cornus avec des
langues rouges et des yeux flamboyants d’une laideur propre à inspirer de l’épouvante ». Pour
animer la scène, il faut également « brûler des poudres fétides », « lancer des pétards »,
« pousser des cris d’une discordance farouche », « exécuter un effroyable charivari de gongs
et de tamtams, et autres stratégies enfantines et séniles » 31 . Même si Gautier mélange
probablement ici le décor scénique et sa propre imagination des chinoiseries, ses propos
suggèrent que le décor est raffiné jusqu’aux détails.
Les détails sont accomplis par une foule qu’on ne trouve pas sur la maquette du décor.
D’après Gautier, « l’animation est grande » grâce aux figurants chinois dont les « petits yeux
bridés et tirés vers les tempes pétillent et les queues vont et viennent comme des balanciers de
pendule »32. Si Gautier fait attention à l’apparence chinoise qui ressemble à un cliché, Jean
Rousseau, quant à lui, se concentre sur le panorama des activités quotidiennes des Chinois :
« Voici des joueurs chinois, les plus enragés joueurs qui soient au monde ; ils font leur partie
en pleine rue, sur le pavé, et se feraient écraser plutôt que de s’interrompre. Voici les barbiers
auxquels la place publique sert aussi de salon ; voici les marchands ambulants, chargés de
rafraîchissements et de comestibles. [...] Toute cette population aux habits de soie va et vient,
rit et babille tumultueusement »33.
Une autre scène impressionnante de La Prise de Pékin se déroule au Palais d’été. Les
trois chroniqueurs que nous venons de citer décrivent également les décors du palais de
manière exclamative. Sur un escalier monumental qui est « splendidement tapissé de brocart »,
Jean Rousseau voit « trois colossales statues en or du dieu Fô. Au bas des marches, d’autres
autels en bois ciselé supportant d’autres dieux bizarres, des tigres ailés, des lions frisés, des
dragons et des griffons ». Au fond, il y a « une série de kiosques, de blanches tourelles, de
pagodes rouges ; estompez ça et là des amas d’arbres étranges et fantastiques ». Aux yeux de
Rousseau, ce palais d’été constitue « toute une ville ». Gautier parle aussi des statues
bouddhiques en or, de l’ « ornementation touffue et baroque », des panneaux de laque, des
28
J.-M. Tiengou, La Gazette de France, le 12 août 1861.
29
Jean Rousseau, Le Figaro, le 4 août 1861.
30
Paul de Saint-Victor, La Presse, le 5 août 1861.
31
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 29 juillet 1861.
32
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 29 juillet 1861.
33
Jean Rousseau, Le Figaro, le 4 août 1861.
256
banderoles de soie, des pinceaux des calligraphes, et cetera. Paul de Saint-Victor, quant à lui,
fait attention aux « dauphins aux fosses béantes, aux écailles d’argent, aux nageoires d’or et
d’émail, [qui] se tordent dans un fouillis de fleurs, de rosaces et de coquillages », ainsi qu’à
« deux éléphants gigantesques tordant leur trompe en volutes, et flanqués de leurs cornacs
abrités sous des parasols, [qui] supportent cette salle babylonienne. » L’illustration de la
couverture de la publication (fig. 5.06) et celle destinée à la presse (fig. 5.07) mettent en
valeur les statues et les éléphants gigantesques. À l’arrière-plan de ces deux illustrations, nous
distinguons une grande foule. Cet agencement fait écho au témoignage de Gautier : dans
l’« interminable et splendide défilé où se déploie tout le vestiaire de la Chine », l’empereur
« revêtu d’une robe de ce jaune plus éclatant que l’or », lui, est porté sur un palanquin34.
La scène de l’ « actualité chinoise » est complétée par les bruits chinois : Jean
Rousseau énumère les instruments « dont le son est aussi extraordinaire que la forme »,
comme « des gongs, des bins, des lut-chuns aux treize cordes »35. D’après Ernest Gebauer,
cette formation extraordinaire déploie un ensemble « d’une grâce, d’un entrain, d’une
originalité » à la hauteur de l’orchestre de l’Opéra 36 . Nous doutons de la présence de
véritables instruments chinois dans un orchestre parisien. Pourtant, le compositeur, Adolphe
de Groot, se devait d’intégrer à la partition « une foule d’airs chinois », pour atteindre une
« exactitude » lui permettant de se dégager de « la musique banale du mélodrame »37 . En
somme, l’essai du Cirque impérial est sans doute audacieux car on reconstruit pour la
première fois une ville chinoise sur scène. Et il ne s’agit ni de la cour ancienne (comme Chao-
Kang) ni de la campagne pastorale (comme Le Cheval de bronze).
[…] le spectateur assistait au rêve d’un fumeur, endormi sur le premier plan figurant un lac
limpide, ayant pour bornes des montagnes roses à l’horizon, avec des îlots d’une végétation
puissante et fantastique. Des plantes d’eau et des fleurs couvraient la surface des eaux,
représentées par de grandes glaces, placées selon un plan légèrement incliné vers le spectateur ;
les joints étaient adroitement dissimulés par des nénuphars, des sagittaires et autres
végétations aquatiques. La réfraction des glaces reproduisait la décoration en la renversant ;
des groupes de femmes émergeaient de l’eau, portées par des coraux. Le tout se reflétait avec
une grande pureté, et donnait, par cet effet de réfraction, une dimension inaccoutumée à la
scène. À cet effet, étaient joints une lumière éblouissante et riche de tons, et un mouvement de
fermes dans le fond, qui, à chaque instant, augmentait l’horizon déjà si grand43.
Il nous faut revenir au témoignage des contemporains au sujet de cette scène de glace
lumineuse. Paul de Saint-Victor, par exemple, est épris de tous les effets lumineux qui sont
créés par le lac, ainsi que de la coupole d’un ciel de cristal, du miroir liquide, des formes
lumineuses, des clartés et des transparences44. Théophile Gautier, quant à lui, n’est pas moins
exalté par cette scène pittoresque à la fois pétillante et enfumée:
[...] comme des fumées qu’emporte le vent, les murs sombres de la prison se dissipent, des
vapeurs traversées de lueurs confuses se développent dans le fond du théâtre. On ne peut
d’abord rien distinguer que des irradiations, des élancements stellaires, des formes qui
s’ébauchent ou s’évanouissent ; peu à peu le chaos se débrouille, la lumière se sépare de
l’ombre. De fond de l’abîme plein de scintillations et de miroitement émergent de
gigantesques fleurs de nymphéa-nelumbo, semblables à des nacelles qui s’irisent de tous les
reflets de la nacre ; leurs larges feuilles d’or vert s’étalent, leurs calices s’épanouissent, et les
houris de l’opium, les fées du rêve, les désirs secrets réalisés, en jaillissent comme des pistils.
D’autres visions non moins enchanteresses diamantent comme des étoiles un ciel illuminé de
phosphorescences boréales45.
41
J. Moynet, L’Envers du théâtre, machines et décorations, Paris, Hachette, 1873, pp. 233-234.
42
Edwin Binney, Les Ballets de Théophile Gautier, Paris, Nizet, 1965, pp. 340-341.
43
J. Moynet, op. cit., pp. 237-238.
44
Paul de Saint-Victor, La Presse, le 5 août 1861.
45
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 29 juillet 1861.
258
La scène de la rêverie semble être la moins « exacte » de La Prise de Pékin, au regard
de la représentation de l’actualité qui constitue la trame de la pièce. Ces exemples produits par
l’effet hydraulique s’échappent de l’ « exactitude » et se rapprochent de la fantaisie. En fait,
Albert Monnier attribue le succès de La Prise de Pékin aux changements apportés
aux « merveilles de l’exactitude chinoise » ainsi qu’aux « merveilles de la féerie la plus
transcendante » 46 . Une Chine d’actualité serait-elle compatible avec une Chine féerique ?
L’exactitude chinoise est-elle traduite par l’actualité politico-militaire, ou plutôt par la scène
chimérique qui suggère l’imagination de la chinoiserie ? Si l’histoire de La Prise de Pékin a
une guerre sino-franco-anglaise comme point de départ, le succès de sa mise en scène ne
repose pas sur la grande bataille. En effet, les anciennes images et l’imagination de la Chine
merveilleuse s’y entremêlent avec le discours patriotique. Sur la scène du théâtre, les belles
fantaisies semblent être un tampon, au sens abstrait du terme, un tampon amortissant les chocs
du conflit franco-chinois. Bien que la Chine de l’époque offre un spectacle de décadence et
d’affaiblissement, ce à quoi rêve le public est une autre Chine : à la fois obscure, insaisissable
et fascinante, une Chine que l’on trouve entre le reflet du miroir et la fumée s’élevant dans le
lointain.
La Prise de Pékin atteint ses soixante représentations en septembre 186147 et reste à
l’affiche jusqu’à la fin de l’année. L’Ambigu la reprend le 29 juillet 186848. Les scènes de
glace lumineuse et de fumée éthérée s’imposent dans les souvenirs des spectateurs. Elles sont
non seulement intégrées dans la revue de l’année de 1861, mais également présentes dans les
nouvelles représentations de La Prise de Pékin au Châtelet, en 1892.
En revanche, la grande bataille en Chine n’est pas tout à fait le souci du public. Ainsi,
durant la seconde moitié du XIXe siècle, La Prise de Pékin est incontestablement la « Chine
d’actualité » la plus connue des spectateurs français, mais la scène la plus inoubliable de cette
pièce repose sur le rêve d’un Chinois. En raison de la popularité de La Prise de Pékin, la
Chine est désormais représentée par un fumoir, dans lequel se retrouvent des Chinois
souffrants, entourés par la fumée éthérée et les lumières illusoires. Les Chinois dans les
spectacles ultérieurs auront souvent le teint sombre voire mélancolique. Ils se distinguent des
Chinois de la première moitié du XIXe siècle, qui étaient souvent inspirés des contes
fantastiques et s’avéraient comiques.
46
Albert Monnier, « Paris », Revue et Gazette des théâtres, le 15 août 1861.
47
Achille Denis, Revue et Gazette des théâtres, le 29 septembre 1861.
48
A. Andréï, La Comédie, le 2 août 1868 ; Théophile Deschamps, L’Indépendance dramatique, le 12 août 1868.
259
proche, parfois très lointaine.
Si le dramaturge ne démontre pas une attitude prochinoise, il convient de signaler que
la représentation se termine à l’entrée de la porte de Pékin, c’est-à-dire, avant la « prise de
Pékin ». Les spectateurs oscillent également entre deux sentiments. L’article de Paul de Saint-
Victor reflète cette hésitation. Tout en méprisant « joyeusement » la « hideur » de la Chine et
son peuple « lymphatique et décrépit », ce chroniqueur ne cache jamais, dans son article, son
adoration pour la Chine merveilleuse mise en scène par Hostein, alors directeur du Théâtre du
Cirque49. D’une part, on est curieux de nous exposer à la vérité de la Chine ; d’autre part, on
cherche à reconstruire sur scène la Chine perdue. Les deux sentiments s’entremêlent. Ils
reportent aussi, voire dissimulent, la sinophobie sur la scène du théâtre.
En fait, tout au long de notre travail, nous avons constaté une forte « tradition »
comique concernant le sujet et les personnages chinois dans le théâtre français. Un
personnage chinois peut être méprisable et ridicule sur scène, comme Fich-Tong-Khan ou
Fou-Yo-Po. Mais un véritable « diable » chinois était absent, ou presque, dans le répertoire
que nous établissons. Il faudrait d’ailleurs signaler que la plupart des spectacles au sujet
chinois du XIXe siècle ont un but essentiellement lucratif. L’article d’Henri Rochefort nous
fait penser à cet aspect du spectacle au sujet chinois. En critiquant le discours patriotique
exprimé dans la pièce de Dennery, ce chroniqueur du Charivari indique que « la glorification
d’un acte de vandalisme » n’est jamais « un très bon exemple pour le peuple du Boulevard du
Temple » 50 . Si la critique de Rochefort reflète sa conscience, nous nous intéressons au
« peuple du Boulevard du Temple » qui, au sens large, désigne les spectateurs populaires
cherchant à se divertir dans le théâtre. Pour assurer le succès d’un spectacle au sujet chinois, il
vaut toujours mieux avoir recours aux types chinois qui sont connus du public et donc les
« vraisemblables » Chinois. Autrement dit, les Chinois risibles, grotesques et malins, au lieu
des Chinois farouches et diaboliques. Cette même attitude se retrouvera dans les pièces au
sujet de la guerre franco-chinoise au Vietnam (1881-1885). Même face aux discours
émergeant du « péril jaune » à la fin du siècle, c’est toujours la convention du Chinois
comique qui épargnera au théâtre le discours sinophobe de cette époque-là.
51
Le texte n’est pas publié. Manuscrit conservé aux Archives nationales, F18 926.
52
Sudhir Hazareesingh, La Saint-Napoléon : Quand le 14 juillet se fêtait le 15 août, Paris, Tallandier, 2007, p. 19.
53
Ibid., p. 49.
261
soldats français avant que la troupe chinoise ne subisse la défaite humiliante. Lorsque Ko-li-
fi-chet chante « Moi, Mandarin de premier Chinois / Je déclare que je préfère / De la mèr’
Moreau les Chinois. » (sc. 9), on a l’impression qu’il s’agit de l’évocation d’une autre guerre,
sans l’intervention des Français.
Le 25 novembre 1861, le Théâtre du Vaudeville devait soumettre le manuscrit des
Bayadères de Fou-Chow-Fou, ou les Bayadères de Trichinopoli54 au comité de censure. Signé
Lefebvre et Deschamps, ce texte est considérablement corrigé, au point qu’il est impossible
d’en saisir l’intrigue. Le titre est déjà confus : Fou-Chow-Fou désigne possiblement la ville
chinoise de Fou-Tcheou (Fuzhou)55, tandis que Trichinopoli (Tiruchirappalli) se trouve sur le
sous-continent indien. Puisque les Chinois se mélangent parfois aux Indiens sur la scène,
comme dans le cas des Mille et une nuits (Porte Saint-Martin, 1843), les bayadères de
Trichinopoli sont bien susceptibles de s’évader du port de Fou-Tcheou.
Le 1er décembre 1861, ce même Vaudeville monte une pièce intitulée La Méprise de
Pékin, coécrite par Hip. Lefebvre et H. Avocat. Elle est destinée à terminer la soirée donnée
au bénéfice de M. Parade (annexe 7.2.(f))56, soirée à laquelle « les principaux artistes des
théâtres de Paris » et « les exercices des régiments » sont présents 57 . Sans aucune scène
relative à Pékin, l’intrigue de La Méprise de Pékin vise à parodier le spectacle du Cirque à
travers le personnage d’un ancien combattant qui est maintenant un « pékin » (pris au sens de
« civil »). Il faut préciser qu’au moment de la représentation de La Méprise de Pékin, La Prise
de Pékin constitue toujours une attraction pour le public : la machinerie du tableau de glaces
est ouverte dans la journée aux amateurs qui sont curieux des coulisses du théâtre58 . Les
recettes tirées des représentations permettent d’ailleurs au Cirque de remettre entièrement à
neuf les décors et les costumes59.
La « méprise » du Vaudeville développe son intrigue à partir de la liqueur « Chinois »
qu’on propose au pékin Arthur Bridet. Un Anglais qui ne connaît pas bien les salles
parisiennes cherche à voir La Prise de Pékin au Vaudeville. L’entracte dure trop longtemps et
l’on s’impatiente. Le théâtre offre donc des glaces pour le rafraîchissement à tous les
spectateurs, ceci en plein mois de décembre (!), etc. Les plaisanteries sont sans doute tirées
des passages populaires de la vraie Prise de Pékin. Peut-être que les calembours du pékin et
du Chinois sont-ils devenus trop banals. Dans le manuscrit, ces deux termes sont finalement
supprimés ou remplacés par d’autres mots.
Outre les représentations dramatiques, les salles du spectacle préparent régulièrement
des chansons et des bals relatifs à l’événement franco-chinois. Nous en donnons quelques
exemples ci-après.
54
Archives nationales, F18 761. Non publié.
55
Suite à la Première Guerre de l’Opium, Fou-Tcheou devient l’un des cinq ports ouverts aux commerçants
étrangers. Paul Claudel y tiendra le poste de Vice-consul de France, de 1900 à 1906 (son séjour en Chine : 1895-
1909).
56
Manuscrit conservé aux Archives nationales, F18 761.
57
Le Messager des théâtres, publié sous les annonces des spectacles, le 1er décembre 1861.
58
Mahias, « Nouvelles des théâtres », La Presse, le 30 novembre et le 3 décembre 1861.
59
« Nouvelles des théâtres », La Presse, les 21, 23, 26 du mois de novembre, et le 5 décembre 1861.
262
La Campagne de Chine (1861), comme suggère le titre, raconte la guerre franco-
chinoise60. Le quadrille des Français en Chine (1862), qui ne cesse de « fai[re] fureur » au
Casino de la rue Cadet61, évoque l’esprit patriotique en temps de guerre. Quant aux Chinois
au Châtelet (1862), cette « parodie burlesque sur La Prise de Pékin » est chantée par « un
pékin en pantalon de Nankin »62. Les paroles de cette parodie s’appuient sur l’histoire de La
Prise de Pékin, notamment sur la scène de la glace et le long entracte. La liqueur de la Mère
Moreau est aussi un calembour indispensable. La couverture de la publication est cependant
loin de l’actualité et du spectacle du Cirque (fig. 5.09). Les aborigènes qui décorent leurs
crânes avec des plumes et les militaires qui portent des perruques font penser au Nouveau
Monde, où les Américains s’engagent dans la Guerre de Sécession (1861-1865). Comme pour
Jaguarita, l’Indienne (Théâtre-Lyrique, 1855), l’illustrateur confond à l’évidence la Chine et
l’Inde, et les Indiens de Asie avec ceux de l’Amérique.
60
Anonyme, La Campagne de Chine, chanson nouvelle, créée le 26 janvier 1861, Lyon, Imprimerie de B.
Boursy, [1861].
61
Théophile Deschamps, « Nouvelles diverses », Le Monde dramatique, le 12 avril 1860.
62
Mise en chanson par Charles Cabot. Dépôt légal de l’année 1862, sans date de publication. [BnF-Tolbiac : YE-
55472 (652).]
263
« comédie franco-chinoise » intitulée Le Mandarin (publiée en 1861), et destinée à être jouée
dans un pensionnat de garçons. Il s’agit de dialogues entre un mandarin chinois et ses
conseillers mais il manque une vraie intrigue dramatique. On peut y voir un mandarin
faussaire, insolent et égoïste, qui pense uniquement à ses gains personnels au prix de l’intérêt
du pays. Un conseiller le compare à son chien : la seule différence, dit-il, est que ce dernier ne
sait pas signer les papiers.
La pièce comporte, par ailleurs, un thème évoquant les Chinoises qui sont handicapées
en raison du manque d’instruction accordée aux femmes. Lorsque le mandarin refuse de
démocratiser l’éducation pour les filles, un conseiller lui signale qu’ « il ne faut pas laisser
dans l’ignorance / soit filles, soit garçons parce que pour les deux / la science est un don utile
et précieux ». En fait, en France, la loi Falloux du 15 mars 1850 a obligé les communes de
plus de 800 habitants à avoir une école primaire destinée aux filles. L’infériorité du peuple
chinois s’avère incontestable. Nous touchons ici la rupture entre le spectacle « grand public »
et le théâtre de l’école. Tandis que les salles commerciales ne cessent de créer des Chinois
comiques, les pièces pédagogiques semblent avoir une tendance à mésestimer les Chinois.
V. 2 Le voyage inachevé
Dans son travail consacré au « théâtre de voyage » du XIXe siècle (en s’appuyant sur
la forme du mélodrame, de la pantomime et du vaudeville), Loïc Guyon divise les pièces
concernées en quatre catégories et calcule le poids de chacune dans le répertoire : le voyage
militaire (35%), le voyage d’exploration (15%), le voyage de nécessité (35%) et le voyage
d’agrément (15%). Selon Guyon, La Prise de Pékin du Cirque, qui « flatt[e] l’orgueil
national »63, appartient au courant du théâtre de voyage du XIXe siècle. Dans une recherche
récente64, Guyon et son équipe signalent une courte pièce intitulée Le Généreux mandarin
(1864) et représentée à Avignon. Cette bouffonnerie musicale, en dépit de sa durée limitée et
d'une histoire simple65, rassemble les calembours (le mandarin Kakao, l’ancien bouffon Colao
d’origine suisse, ainsi que le nouveau bouffon Fich-Ton-Kan) et les mœurs chinoises
excentriques (la natte, les nourritures, la torture) que nous avons rencontrés dans les chapitres
précédents.
Dans la discussion suivante, nous nous focalisons sur les pièces jouées à Paris. En
effet, dans la perspective qui nous occupe, entre 1861 et 1870, le voyage présenté dans le
théâtre au sujet chinois est rarement réalisé. Le voyage est donc simplement un prétexte.
63
Loïc Guyon, « Côté cour et côté monde : le voyage théâtral au XIXe siècle », The Irish Journal of French
Studies, n° 4, 2004, p. 74.
64
Loïc Guyon, « Ombres chinoises, éclairage français : l’exotisme extrême-oriental dans le théâtre de voyage au
XIXe siècle », in Loïc Guyon et Sylvie Requemora-Gros (dir.), Voyage et Théâtre, Paris, Presse de l’Université
Paris-Sorbonne, collection « Imago Mundi », 2011, pp. 117-128.
65
Au palais du mandarin Kakao à Pékin, le nouveau bouffon Fich-Ton-Kan menace l’ancien bouffon Colao dont
il est jaloux. Kakao se déguise en Colao afin de le venger. Fich-Ton-Kan, ignorant du déguisement du mandarin,
poignarde celui-ci dans la soirée tenue au palais.
264
Michel Autrand signale qu’un tel « dépaysement » peut remonter au Voyage en Chine (Opéra-
Comqiue, 1865) et se perpétue sur la scène du théâtre sous la Troisième République. Ce
dépaysement affirme pour finir la « supériorité de la terre française » : Paris sur scène reste
toujours Paris malgré les répliques évoquant les voyages en Chine66. Nous allons maintenant
analyser le sujet du « voyage en Chine » dans le théâtre de l’époque, qui est pour la plupart le
« voyage inachevé », ou le « faux voyage ».
66
Michel Autrand, Le Théâtre en France de 1870 à 1914, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 97.
67
La « Jeune Chine » s’inspire peut-être de la « Jeune France ». En effet, plusieurs chansons sont intitulées La
Jeune France. En 1860, par exemple, un « A. L. » compose un « chant des conscrits de 1860 » intitulé La Jeune
France [BnF-Tolbiac : YE-7185 (733)]. La parole n’est pourtant pas destinée à la guerre en Chine. En outre, à
partir de 1860, les Français cherchent à réformer la constitution de 1852. Grâce au décret du 24 novembre 1860
(complété par les sénatus-consultes des 2 et 3 février et du 31 décembre 1861), le droit d’adresse du Sénat et du
Corps Législatif est rétabli, le droit d’amendement est élargi ainsi que les modalités de discussion des projets de
loi. La France sous le règne de Napoléon III est donc « rajeunie », au niveau de la vie politique. Le Théâtre
Déjazet présentera, en 1863, un chant lyrique intitulé La Jeune France, d’Alexis Carvin, et le dédiera à la
« France des Napoléons ».
265
chantant les scènes de la glace, des flammes, des fleurs, des danseuses, etc. Grâce à ce cadre
du « songe », les spectateurs sont donc invités à se souvenir des scènes chinoises qui leurs
sont déjà connues. La revue de l’année, qui est composée des spectacles mis en rêve, nous
rappelle ainsi l’ « illusion comique » d’un théâtromane : la grotte à la manière cornélienne
qu’on connaît dans L’Illusion comique, elle, se transforme en logement bourgeois et la magie
s’opère à travers la pipe d’opium chinoise. Pour les spectateurs, l’intérêt de cette revue repose
sur le jeu des acteurs. Alors que Bombardier, Eudoxie et Tourbillon ne cessent de parodier les
spectacles célèbres de l’année, les spectateurs peuvent également reconnaître les « nobles
étrangers » siamois (Acte I, tableau iv, sc. 1) de l’actualité, qui rappellent la délégation
diplomatique envoyé par Rama IV en 186168.
La deuxième partie du « voyage en Chine » est « réalisée » par le rêve de Bombardier
(Acte II, tableaux 15-17). Elle a lieu à Pékin. La scène de Pékin est décorée d’une enseigne
portant des mots écrits en chinois, de paniers et de crinolines pendues en l’air. L’esquisse du
décor (fig. 5.10) rappelle également la scène de La Prise de Pékin.
La finalité du voyage de Bombardier est de retrouver la Chine authentique. C’est
pourquoi il s’ennuie des ombres chinoises dont les intrigues s’articulent autour de la
découverte d’une nouvelle comète. Mais la Chine du rêve est-elle la vraie Chine ? Au début,
Bombardier essaie de vérifier les idées qu’il se fait sur les Chinois, surtout au sujet des
nourritures dégoutantes. Mais ce qu’il trouve est en fait de la liqueur française malgré son
nom de « Chinois », liqueur qui est vendue dans un café « à la française ». Les Pékinois ne
portent plus la queue à l’arrière de la tête. Au contraire, les gandins flâneurs portent des
vêtements mi-chinois mi-français agrémentés par le lorgnon, le chapeau rond et le sombrero
qui « rajeunissent » l’apparence. Cette génération de la « Jeune Chine » est, d’après ses
propres dires, le fruit de l’échec de la guerre franco-chinoise. Toutes les « vieilles coutumes
sont bannies par le bon goût » et « tout Pékin va se régénérer, se reconstruire » : on substitue
le champagne au thé, on remplace les lanternes par des lampions et l’on installe des billards
dans la tour de porcelaine. Réaménagée à la manière française, la ville de Pékin est devenue
aussi civilisée que Paris. Lorsque Bombardier croise le sosie de Tourbillon, ce dernier ne sait
même pas s’il doit appeler le premier un « Français de Pékin » ou un « pékin de Français ».
Ce thème de « Paris-Pékin » ne semble pas nouveau. Il rappelle d’une part la maxime
d’ « il n’y a qu’un Paris au monde, et il y a tant de Pékins » (Paris à Pékin, Vaudeville, 1817),
et d’autre part le leitmotiv de « faire de Pékin un second Paris » (En avant les Chinois !,
Palais-Royal, 1858). L’ancienne fantaisie des Antipodes (Variétés, 1854) est enfin réalisée
dans Les Mille et un songes. Les frontières de Paris à Pékin sont abolies.
Mais le bourgeois parisien se contente-t-il de la nouvelle Chine ? La recherche de
Bombardier s’arrête à la fête chinoise, où l’on recourt aux éléments conventionnels. La place
publique est « brillamment illuminée », une « foule de Chinois et Chinoises portent des
lanternes » et offrent le spectacle du « jeu de bagues lumineux ». La Chine « modernisée »
doit en fin de compte céder sa place à la Chine « traditionnelle ». Sur la scène mondiale, les
68
Nous nous référons à la peinture de Jean-Léon Jérôme, Réception des ambassadeurs du Siam par Napoléon III
et l’impératrice Eugénie, collection Château de Versailles.
266
enjeux internationaux démystifient le Céleste Empire et le renouvellent. Mais au même
moment, sur la scène du théâtre, on préfère une Chine qui se détache de la réalité et qui se
présente dans les mille et un songes. La création de Cogniard et Clairville reflète ce paradoxe :
d’une part, on a hâte de pénétrer dans la vraie Chine, et de l’autre, on reste fasciné par les
idées extravagantes et les images chimériques.
Ces sentiments s’entremêlent et perdurent. Jusqu’à la proclamation de la Troisième
République, les créations dramatiques au thème chinois suivent ainsi deux axes principaux :
l’idée de la « jeune Chine » germe dans de courtes pièces qui sont souvent éphémères à
l’affiche, tandis que l’« ancienne Chine » suscite davantage l’intérêt des dramaturges qui sont
souvent des sinophiles – leur traduction et leur adaptation des œuvres chinoises revisiteront la
scène française un peu plus tard.
Les Mille et un songes semblent, par ailleurs, prédire le déclin de la revue. Si la
collaboration de Cogniard et Clairville a offert à ce genre dramatique la réputation
d’« industrie magique »69, la représentation des Mille et un songes ne remporte pas un succès
unanime. Jules Janin tranche net, en disant que le spectacle est à la fois « braillant » et
« bâillant », puisque les songes sont comme « les pompes funèbres »70. Paul de Saint-Victor
n’ignore pas la bonne volonté des dramaturges mais il attribue l’échec de la représentation
aux lazzis qui « rabâchent » et aux couplets qui « ânonnent ». D’après lui, un petit théâtre a
même fait paraître l’annonce d’un spectacle intitulé « À bas la revue ! »71. L’opinion de P. A.
Fiorentino serait moins sévère. Il analyse les avantages du genre de la revue mais craint
cependant que Les Mille et un songes ne soit « peut-être la dernière des revues »72.
L’inquiétude de Fiorentino ne devient pas immédiatement réalité. En effet, la revue
n’est certes plus un incontournable de l’affiche de la fin d’année. Mais des revues mineures
continuent à se monter, sur la scène desquelles reviennent régulièrement des Chinois. Peu de
jours avant l’inauguration de l’Exposition universelle de 1867, les Folies-Dramatiques
présentent en particulier la revue des Voyageurs pour l’Exposition. Un mandarin cantonais
nommé Péko, en compagnie de sa bonne Tchinlala, prendra le vapeur « Fich-Ton-Kan » afin
de visiter cet événement international à Paris. Les souvenirs de la dernière Exposition de 1851
semblent toujours vivants parce qu’on se propose d’élire une « Rose de la Chine », à savoir
« la femme qui aura su le mieux faire le bonheur d’un homme » (Tableau i, sc. 3).
Malheureusement, et bien que les personnages chinois soient assez « amusant[s] », les détails
« burlesques » et « hilares » n’arrivent pas à « contrebalancer le néant de l’intrigue »73.
69
Paul Ginisty, La Féerie, Paris, Louis Michaud, 1910, p. 194.
70
Jules Janin, Journal des débats, le 6 janvier 1862.
71
Paul de Saint-Victor, La Presse, le 6 janvier 1862.
72
P.-A. Fiorentino, Le Constitutionnel, le 6 janvier 1862.
73
Stérne, « Premières représentations », Revue et gazette des théâtres, le 31 mars 1867.
267
Chine. Dans The Imaginative Interpretation of the Far East in Modern French Literature
(1927), William Leonard Schwartz a indiqué deux pièces de voyage inspirées de la
guerre franco-chinoise : Les Pattes de mouche de Sardou et Le Fils de Giboyer d’Émile
Augier74. Bien que les deux « globe-trotters » (le terme qu’emploie Schwartz) aient parcouru
l’Extrême-Orient, ils n’ont ramené aucun Chinois sur la scène. Le Chinois dans les deux
pièces n’est qu’une « impression » qui n’existe que dans les répliques.
Le Gymnase monte Les Pattes de mouche en 1860. L’histoire se déroule à Chinon et
non en Chine. Un certain Prosper, qui a traversé avec succès les deux hémisphères, porte un
éventail et un parasol et se présente dans une demeure bourgeoise. Les invités se moquent de
son mauvais goût, tandis que Prosper insiste sur le « bon ton à Pékin » et se moque des autres
(Acte I, sc. 7). Trois conceptions liées aux Chinois sont ici énoncées, sans apporter aucune
nouveauté : la nourriture excentrique, la persécution infligée aux femmes et l’addiction à
l’opium. Tout au long de leurs dialogues, les termes comme « Chinois » et « Chine » sont
associés à un pays corrompu situé à l’autre bout du monde : le « voyage en Chine » n’a sa
place que dans les répliques du voyageur et il n’est jamais un projet populaire à réaliser. Si le
spectacle des Antipodes (Variétés, 1854) s’intéressait à la réunion des deux mondes, cette
comédie de Sardou démontre l’hésitation de la rencontre.
Un autre ancien combattant, comme le Prosper des Pattes de mouche, se retrouve dans
le vaudeville du Bouchon de carafe (Variétés, 1862). Écrit par Dupin et Eugène Grangé, il
s’agit de l’histoire d’un soldat nommé Pierre Ledru qui, au retour de l’expédition en Chine,
n’a plus aucune ressource pour épouser sa bien-aimée. On peut noter que les voyageurs
ramènent une danse chinoise : lorsque Les Pattes de mouche est reprise à Lille, en 1876, on
verra « un pas chinois très original mis de nouveau »75.
Dans ce même esprit du « voyage en Chine », la Comédie-Française présente Le Fils
de Giboyer en 1862, pièce dans laquelle la Chine n’existe que dans la causerie. Comme le dit
la Baronne à Madame Maréchal : « nous sommes toutes deux patronnesses de l’Œuvre des
petits Chinois ; j’ai placé tous mes billets et on me demande encore. » (Acte II, sc. 4).
Pourtant, la bonne volonté de la Sainte-Enfance ne nous présente aucun orphelin chinois sur
la scène. Dans ce même théâtre, on monte Fantasio en 1866, une pièce créée par Alfred de
Musset en 1833. Lorsque le clown triste s’écrie : « Ô Spark, mon cher Spark, si tu pouvais me
transporter en Chine ! » (Acte I, sc. 2), il s’agit juste d’une fantaisie, aussi « admirable que
Les Mille et Une Nuits ».
74
William Leonard Schwartz, The Imaginative Interpretation of the Far East in Modern French Literature 1800-
1925, Paris, H. Champion, 1927, pp. 20-21.
75
Jean Belin, « Province », Le Monde artiste, n° 90 du 23 septembre 1876.
268
Tissier, coécrit par Varin, Amédée de Jallais et Henri Thiéry. Les « quatre stations » désignent
Paris, Dijon, la Suisse et la Chine, lieux que l’on retrouve respectivement dans les quatre actes
de la pièce. Cependant, la « Chine » du quatrième acte n’est pas un pays lointain mais un
« théâtre dans le théâtre » intitulé Pékins et Pékines.
Pekins et Pekines est l’œuvre d’un certain M. Verpilé, qui est à la fois dramaturge
médiocre et clerc de notaire. Celui-ci se rend à Dijon afin de préparer le contrat de mariage de
M. Baubuche et de Madame de la Jonquille, une riche veuve. Deux intrigues s’entremêlent.
D’une part, M. Champignol, le neveu de Madame de la Jonquille, veut empêcher le mariage
pour que M. Baubuche ne soit pas l’héritier de la fortune de sa tante. De l’autre, M. Baubuche,
qui ressemble beaucoup au célèbre comédien Tissier, s’enfuit jusqu’en Suisse pour s’éloigner
des inconvénients d’être une « star ». Après tous ces voyages, M. Baubuche et Madame de la
Jonquille rentrent ensemble à Paris. Ils sont invités à la représentation de Pékins et Pékines,
dans laquelle M. Tissier joue le rôle du mandarin Lou-Yé-Tu. En fait, ce Tissier n’est autre
que le comédien du même nom qui est connu des spectateurs parisiens 76 . Puisque Tissier
(l’acteur) joue à la fois les rôles de M. Baubuche et de M. Tissier, il est impossible que ceux-
ci apparaissent en même temps sur scène. On cherche toujours le mandarin Lou-Yé-Tu
comme on l’interpelle : « Où es-tu ? ». Enfin, l’acteur Tissier annonce aux spectateurs de
Déjazet qu’on reprendra les quiproquos le lendemain.
L’intérêt de la pièce réside sans aucun doute dans le jeu de Tissier. Mais la grande
vadrouille « moitié gai[e], moitié lugubre »77 devient facilement fastidieuse. Si le pistage de
Paris-Dijon-Suisse est assez amusant, le prolongement jusqu’en Chine semble redondant et
fade. Léo Werth et Paul de Saint-Victor constatent tous les deux l’insipidité du dernier acte78.
En revanche, les changements incessants de décors et de costumes – et surtout « un essaim de
jolies femmes »79 – assure le plaisir des yeux. Ce point de vue est partagé par Émile Abraham
dans son article publié dans L’Entr’acte80.
En ce qui concerne la représentation de Pékin, on met en scène un jardin chinois où
quelques femmes s’étendent sur des divans (Acte IV, sc. 3). La musique est tirée de l’air de la
« Clochette de la pagode » du Cheval de bronze. Les coq-à-l’âne qui s’enchaînent avec les
avatars de Tissiers s’enchevêtrent sans cesse jusqu’à la fin. En somme, le « voyage en Chine »
n’est qu’un pêle-mêle des quelques morceaux « à la chinoise ». La Chine, elle, est très loin de
la scène.
76
Anonyme, « Causeries », L’Entr’acte, le 17 septembre 1863.
77
Albert Wolff, Journal amusant, le 26 septembre 1863.
78
Léo Werth, Revue et Gazette des théâtres, le 17 septembre 1863 ; Paul de Saint-Victor, La Presse, le 21
septembre 1863.
79
Le Constitutionnel, le 25 septembre 1863.
80
Émile Abraham, L’Entr’acte, le 17 septembre 1863. Ce même article est publié dans Le Messager des théâtres,
paru le 18 septembre 1863.
269
Delacour : Le Voyage en Chine, présentée à l’Opéra-Comique le 9 décembre 1865. En fait,
Labiche a déjà fait monter une comédie intitulée J’invite le colonel ! au Palais-Royal en 1860,
pièce dans laquelle le colonel Bernard boucle ses malles et fait croire qu’il part pour Pékin. Le
spectacle donné à l’Opéra-Comique raconte aussi un voyage inachevé.
Il s’agit d’un M. Pompery qui pense destiner sa fille Marie à Maurice, qui adore
pourtant Berthe (la sœur cadette de Marie). L’amant de Marie, Henri, est récemment revenu
de l’expédition en Chine. Ce soldat de marine, qui est très malotru, vexe M. Pompery et n’est
pas autorisé à épouser Marie. Les Pompery partent en Bretagne pour les vacances. Lors d’une
croisière, Henri annonce que c’est lui qui, désormais, commande le navire. Destination : la
Chine. M. Pompery et les autres passagers organisent une révolte mais le « capitaine » Henri
les fait arrêter. Avant qu’on n’exécute les conjurés par pendaison, Henri accepte d’accorder
grâce à M. Pompery, à condition que celui-ci lui accorde la main de Marie. M. Pompery
reconnaît son nouveau gendre. Henri ordonne qu’on retourne immédiatement au port de
Cherbourg.
La Chine n’est jamais apparue pendant cette croisière en mer. En effet, la création du
Voyage en Chine est le fruit de la mode des « phénomènes marins » et « représentations de
bateaux » 81 . Le décor, réalisé par Philippe Chaperon, témoigne de la mode de l’ « opéra-
comique à grand spectacle » et fait date dans la salle Favart 82 . Selon le fils de Philippe
Chaperon, « ce bateau à vapeur, à roues, reproduit exactement sur la scène, […] tout le
vaisseau planté sur le théâtre, les mâts, la voilure, la passerelle du capitaine, les roues, les
acteurs aussi avaient l’air de subir des mouvements de tangage et de roulis »83. Les documents
iconographiques mettent en valeur la navigation sur scène et non le voyage « vers la Chine » :
si les caractères typographiques de l’affiche évoquent une voile gonflée par le vent (fig. 5.11),
l’esquisse du décor (fig. 5.12) ainsi que les illustrations de la presse (fig. 5.13a-c) se
focalisent sur la magnificence du vaisseau et du bal.
En dépit de l’absence de la scène chinoise, on s’imagine la Chine à travers l’ « ordre
fatal » d’Henri (Acte III, sc. 4). L’air « En Chine » annonce le « plaisir » chinois aux
bourgeois parisiens : on entend partout le bruit des clochettes et, du soir au matin, on voit se
promener des magots. Pour souligner la barbarie en Chine (« sans raison, sans motif connu /
un matin, vous serez pendu. »), Henri énumère « la nourriture succulente et les mets exquis »
comme les sauterelles et le requin.
Pour certains musicographes tels que Joseph d’Ortigue, cet air « En Chine » qui imite
médiocrement les bruits chinois comme « tin ! tin ! tin ! », s’avère être une « vulgarité »84.
Néanmoins, la belle voix de Montaubry fait de cet air « une bonne trouvaille et
81
Raphaëlle Legrand et Nicole Wild, Regards sur l’opéra-comique : trois siècles de vie théâtrale, Paris, éd.
CNRS, 2002, p. 136.
82
Olivier Bara, « L’Opéra-Comique “à grand spectacle” sous le Second Empire : une mise en cause du genre ? »,
in Isabelle Moindrot, Olivier Goetz, Sylvie Humbert-Mougin (dir.), Le Spectaculaire dans les arts de la scène :
du romantisme à la Belle Époque, Paris, CNRS, 2006, pp. 71-72.
83
É. Chaperon, article publié dans Comœdia paru le 2 février 1923. Cité par Raphaëlle Legrand et Nicole Wild,
op. cit., pp. 136-137.
84
Joseph d’Ortigue, Journal des débats, le 25 décembre 1865.
270
l’accompagnement un coup de maître »85. Globalement, Le Voyage en Chine arrive à faire
« éclater la salle en un fou rire pendant toute la représentation »86, grâce à « toutes les bonnes
conditions réunies »87.
Certes, le « voyage en Chine » n’est pas accompli, mais l’imaginaire crée par l’air
« En Chine » va être répandu suite au succès de cette œuvre. En 1866, l’Opéra-Comique
reprend cette pièce88 et elle devient l’une des pièces les plus jouées de l’année89. Le 15 février
1866, le Petit Théâtre (situé Boulevard Richard-Lenoir et inauguré en 1865 90 ) monte un
vaudeville intitulé Les Français en Chine, écrit par Eugène Moniot. On en sait peu sur le
spectacle. Mais sa création est possiblement inspirée du succès du Voyage en Chine.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, Le Voyage en Chine reste populaire : le Théâtre du
Beaumarchais et le Théâtre du Château-d’Eau reprennent la pièce en 188491 ; le Théâtre de la
République en 189892 ; et la Renaissance en 189993. Sans aucune présence de la Chine sur
scène, Le Voyage en Chine reste toutefois l’un des spectacles « chinois » les plus accessibles
de nos jours. Ainsi, en 2010-2011, le Théâtre du Nord-Ouest, à Paris, reprend cette pièce à
l’occasion de la « saison intégrale de Labiche », lors de laquelle tout le répertoire du
dramaturge est présenté. Adaptée par Anne Barthel et mise en scène par Nathalie Hamel, cette
reprise au Nord-Ouest resserre le texte original et se concentre sur les parties chantées. Sur
une scène minimaliste, le voyage en Chine se réalise de manière musicale, par le biais de la
partition originale.
85
Nestor Roqueplan, Le Constitutionnel, le 18 décembre 1865.
86
Sylvain Saint-Étienne, L’Union, le 13 décembre 1865.
87
Gustave Chadeuil, « Revue musicale », Le Siècle, le 12 décembre 1865.
88
O. Paulin, Revue et Gazette des théâtres, le 25 octobre 1866.
89
Revue et Gazette des théâtres, le 13 janvier 1867.
90
L.-Henry Lecomte, « Histoire des théâtres », Revue d’art dramatique (dir. Edmond Stoullig), 1901, nouvelle
série, t. 11, p. 517.
91
Almanach des spectacle, publié par Albert Soubies, t. 11, Paris, Librairie des bibliophiles, 1885, pp. 70, 74.
92
Revue et Gazette des théâtres, le 9 octobre et le 20 novembre 1898.
93
Voir L.-Henry Lecomte, Histoire des théâtres de Paris : La Renaissance, [Paris, H. Daragon, 1905,] Genève,
Slatkine, 1973, vol. (I-IV), p. 144 ; H. Robert Cohen et Marie-Odile Gigou, Cent ans de mise en scène lyrique en
France (env. 1830-1930), New York, Pendragon, 1986.
271
Les Chinois de la pièce sont les élèves d’un Français nommé Ka-Ka-To-Ha. Secondé
par un autre Français du nom de Gal-Ho-Ban, Ka-Ka-To-Ha se consacre à l’éducation des
enfants issus de familles modestes. Un missionnaire, François Durel, arrive à Pékin avec la
troupe militaire française. Durel comprend au fur et à mesure que cet instituteur chinois n’est
autre que son frère Auguste. En fait, leur mère est très malade. Mais la loi chinoise n’autorise
personne à quitter le pays. Cependant, grâce à une permission spéciale, Auguste retourne
finalement en France, avec tous ses compatriotes.
La morale de la pièce s’inscrit dans la bonne foi catholique : l’éducation religieuse est
capable de civiliser les Chinois et de les changer en hommes meilleurs. Dès la première
communion, un converti chinois nommé Bondos fait pénitence pour tous ses anciens méfaits.
Et c’est lui qui permet d’obtenir la grâce d’Auguste. Pourtant, malgré l’éducation française,
deux choses ne changent pas chez les Chinois de la scène : la langue, dont la complexité reste
une source de désarroi, et la gestuelle. Plusieurs didascalies demandent ainsi aux acteurs de
mettre les index à hauteur de l’oreille afin de jouer « à la chinoise ».
Le 8 avril 1867, le Palais-Royal présente une pièce d’Henri Dupin intitulée L’Orphelin
de la Chine. Cette pièce n’a aucun rapport avec l’œuvre de Voltaire. Il s’agit d’un
gentilhomme nommé Charançon qui souhaite destiner sa fille Malvina à un jeune Parisien
nommé Baluisan. Arrivé à la campagne, Baluisan courtise une certaine Madame Capulet et
finit par se douter de l’adultère de M. Charançon avec celle-ci. D’un autre côté, M. Capulet
doute de la fidélité de sa femme qui lui semble être trop proche du jeune Parisien. La situation
se complique en raison des dits et non-dits entre les personnages. Finalement, M. Charançon
avoue que Malvina est une fille naturelle. Son vrai père s’est rendu en Chine et lui a confié
cette orpheline (sc. 15 & 19). Ni personnage chinois ni scène chinoise n’apparaît pendant la
représentation. Et l’ « orphelin de la Chine » est en fait une orpheline française.
En dépit de l’absence de personnage chinois, ce spectacle du Palais-Royal remporte le
succès car il suscite « une constante hilarité »94. Il restera à l’affiche jusqu’à mi-juin95 et sera
également au programme d’une soirée bénévole organisée le 26 juillet de la même année96.
La représentation de L’Orphelin de la Chine au cours du premier semestre de l’année
1867 témoigne par ailleurs de l’intérêt à l’égard de l’« actualité chinoise parisienne ». En fait,
de janvier à avril 1867, les acrobates chinois Arr Hee et Ah Sam présentent leurs numéros à
l’Eldorado. Ces deux acrobates sont probablement les mêmes Ar-Hee et Ar-Sam qui se sont
produits à la Porte Saint-Martin en 1854 (voir chapitre IV). En outre, l’Exposition universelle
de l’année 1867 est ouverte au public à partir du 1er avril avec, dans son parc, un « Théâtre
chinois » qui sera inauguré le 4 mai 186797.
94
Le Messager des théâtres, le 12 avril 1867.
95
Nous nous appuyons sur le bulletin quotidien de La Presse du 8 avril au 12 juin 1867.
96
« Revue générale des théâtres », L’Indépendance dramatique, n° 29 du 27 juillet 1867.
97
« Nouvelles des théâtres », La Presse, le 7 mai 1867.
272
V. 3 Une chinoiserie banalisée sous le Second Empire : Fleur-de-thé
98
Du 7 février de l’an 5 au 18 septembre de l’an 5 de l’empereur Tongzhi. La Chine de l’époque n’avait pas
encore adopté le calendrier grégorien utilisé chez les Européens. Pour convertir des calendriers, nous nous
appuyons sur le logiciel de Computing Centre de l’Academia Sinica (ASCC), à Taiwan. Le lien du site :
http://sinocal.sinica.edu.tw/
99
Bin Zhuang, Le Récit pendant mon voyage d’outre-mer (Chengjie Biji), in Zhong Shuhe (dir.), Collection
« From East to West : Chinese Travellers Before 1911 », série I, vol. I, Changsha (Hunan, Chine), éditions de
Yuelu Shushe, 1985, p. 113. Notre traduction en langue française. Sur les témoignages des diplomates chinois,
nous avons consulté Feng Chen-Schrader, Lettres chinoises : les diplomates chinois découvrent l’Europe (1866-
1894), Paris, Hachette Littératures, 2004.
100
J.-L. Heugel, « Paris et Départements », Le Ménestrel, le 4 août 1867.
101
Philippe Chauveau, Les Théâtres parisiens disparus : 1402-1986, Paris, Amandier, 1985, p. 86.
102
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 20 avril 1868.
103
« Bulletin théâtral », La Gazette de France, le 17 avril 1868.
273
« une véritable victoire » pour l’Athénée104.
104
Le Charivari, le 16 avril 1868.
105
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 20 avril 1868.
274
brise caresse les anneaux suspendus aux clochetons des toits »106. Depuis le titre comportant
le nom délicat de « fleur » jusqu’à la forme lyrique, la salle de l’Athénée associe adroitement
dans Fleur-de-thé les deux éléments qui manquaient au public. C’est un succès annoncé.
106
Daniel Bernard, L’Union, le 21 avril 1868.
107
Félix Clément et Pierre Larousse (dir.), article « Fleur-de-thé », Dictionnaire des Opéras, Paris, C. Tchou pour
la Bibliothèque des introuvables, 1999.
108
Frédéric Béchard, « Chronique artistique et littéraire », La Gazette de France, le 20 avril 1868.
109
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 20 avril 1868.
110
Daniel Bernard, L’Union, le 21 avril 1868.
111
B. Jouvin, La Presse, les 13 & 14 avril 1868.
112
Frédéric Béchard, « Chronique artistique et littéraire », La Gazette de France, le 20 avril 1868.
275
instruments musicaux chinois dans la caricature de Ba-ta-clan (fig. 4.18), la caricature de
Fleur-de-thé se focalise sur l’ambiance de fête et la réconciliation (fig. 5.15). Si l’on se
moque de la mélodie « arrangée par la théière » (fig. 5.16), ce n’est qu’un quolibet adressé au
titre et non à la qualité de la partition. D’ailleurs, la partition de Fleur-de-thé est si appréciée
qu’elle inspire même une valse pour le piano à quatre mains, arrangée par le musicien Isaac
Strauss (fig. 5.14).
Un livret au contenu qui s’avère banal et une partition empreinte de l’esprit
d’Offenbach : voilà le fond de Fleur-de-thé. Il est intéressant de signaler que le musicien
Charles Lecocq avait, depuis le début, mentionné la nature « vieillotte » du livret de la pièce.
Et dans une préface datant de 1891, ce compositeur pense toujours que le livret a « beaucoup
vieilli »113.
Faut-il toujours inventer quelque chose de nouveau pour assurer le succès d’un
« spectacle chinois » ? Le Chinois comique doit-il se fonder sur les « clichés » ? Dans le cas
de Fleur-de-thé, la « Chine » se débarrasse de l’allusion politique, telle celle qui habitait Ba-
ta-clan, et s’échappe également du monde féerique, tel celui du Cheval de bronze (un monde
dont l’origine puise d’ailleurs sa source dans les Mille et une nuits). La pièce de l’Athénée
reprend le thème du « choc culturel » des deux naufragés français (comme dans Fou-Yo-Po) et
l’orne d’une partition agréable et légère. Mais toutes les combinaisons semblent se situer dans
les paramètres d’un déjà-vu et rien ne dépasse ces bornes. On ne cherche plus à exprimer
d’allégorie au travers d’une caricature chinoise. On se contente de reprendre les éléments
chinois « classiques », comme le magot de la folie. À cet égard, on peut dire que la Chine de
Fleur-de-thé se rapproche même de la mode chinoise du Premier Empire.
C’est pourquoi, en France et à l’étranger, on accueille Fleur-de-thé comme une
plaisante chinoiserie. Une petite salle parisienne, le Théâtre Saint-Pierre (1863-1878), intègre
l’histoire de Fleur-de-thé dans sa revue de fin d’année, sous le titre de Tout Paris la verra. La
jeune fille chinoise est enlevée et emmenée en France par le génie Azurin. Le mandarin Tien-
Tien et le fiancé Kaolin les suivent. À Paris, Tien-Tien et Kaolin découvrent que le Théâtre de
l’Athénée remporte un grand succès grâce à la pièce Fleur-de-thé, écrite d’après l’histoire de
cette jeune Chinoise. Si l’on chante dans la revue les airs chinois tirés du Cheval de bronze
(Tableau ii, sc. 6), c’est parce que le mandarin Tien-Tien est en fait un ancien marmiton
français ayant accompli son service militaire sur un navire parti vers l’Extrême-Orient. Arrivé
en Chine vingt ans auparavant, ce marmiton séduisit la femme d’un riche mandarin mais
celle-ci finit par suivre un autre Français. Voilà donc une mise en abîme de l’intrigue de
Fleur-de-thé.
Fleur-de-thé continue, tout au long de l’année 1868, à se faire connaître de Bordeaux à
Bruxelles, en passant par Lyon et Lille. En 1869, la pièce est reprise aux Variétés (fig. 5.17)114
113
Pour ce texte de Charles Lecocq, voir Louis Schneider, Les Maîtres de l’opérette française : Hervé, Charles
Lecocq, Paris, Perrin, 1924, pp. 141-144.
114
H. Robert Cohen et Marie-Odile Gigou (dir.), Cent ans de mise en scène lyrique en France (env. 1830-1930),
New York, Pendragon, 1986, p. 96.
276
puis à Berlin et à Vienne115. C’est aussi en 1869 qu’elle est traduite en anglais, publiée et
représentée au Théâtre Français (sous la direction de J. Grau), à New York116. En 1871, le
Lyceum Theatre, à Londres, monte à son tour cette version anglaise117.
Fleur-de-thé est encore reprise (et probablement remaniée) aux Bouffes-Parisiens, le
17 janvier 1880118. Même dans Les Pavillons noirs donnés au Théâtre des Batignolles en 1883,
les personnages des soldats français au Vietnam s’inspirent de Fleur-de-thé pour parodier les
Chinois (voir chapitre VI). Une adaptation libre de Charles Alfred Byrne (livret) et de Gustave
Kerker (musique) est représentée en 1888 au Bijou Opera House, à New York, sous le titre de
The Pearl of Pekin119. De la fleur à la perle, pendant vingt ans, il s’agit sans doute d’un des
spectacles chinois les plus célèbres du monde.
115
Florian Bruyas, Histoire de l’opérette en France : 1855-1965, Lyon, Emmanuel Vitte, 1974, p. 145.
116
[Traducteur anonyme], Fleur-de-thé : opera bouffe in three acts, New York, Gray & Green, 1869.
117
Auguste Vitu, Les Mille et une nuits du théâtre, Paris, Paul Ollendorff, vol. 7, 1890, p. 358.
118
« Écho des théâtres », Le Gaulois, le 17 janvier 1880. Selon la distribution publiée dans le journal, plusieurs
nouveaux personnages sont ajoutés dans cette reprise, comme « Peko », « Na-ou-ki », « Pé-ki-na », « Ké-va-lo »,
« Bi-ou-ka », etc.
119
Nous nous appuyons sur la banque de données officielle IBDB (Internet Broadway Database), établie par The
Broadway League. Lien du site : http://www.ibdb.com/. Pour la critique de la première représentation, consulter
la rubrique « Amusement », publiée dans The New York Times et parue le 20 mars 1888.
120
Florian Bruyas, op. cit., p. 109.
121
O. Paulin, Revue et Gazette des théâtres, les 12 & 16 avril 1868.
122
Auguste Vitu, op. cit., pp. 358-359.
277
se retrouve pas dans le livret de Duru et Chivot. Ce « Seigneur », qui porte un emblème
taoïste sur ses vêtements, suggère la possibilité d’un début de connaissance par les Français
de la croyance de la « voie » (« tao ») chinoise. Les ornements de la girouette et de la
boussole traduisent ce même intérêt pour la direction du « tao ». En fait, Le Livre de la voie et
de la vertu (le « Tao-te-king ») de Lao-Tseu, œuvre classique du taoïsme, a été traduit par
Stanislas Julien et publié en 1842. Mais jusqu’à la fin du Second Empire nous ne connaissons
pas, dans le théâtre français, de personnage chinois conçu sur la base des idées taoïstes. Nous
reviendrons sur le taoïsme dans le chapitre VI.
En ce qui concerne le jeu des acteurs, Désiré et Léonce qui signent respectivement la
« gaîté ronde et chaude » et la « gaîté verticale et froide »123, sont « extrêmement drôles en
magots de la Chine »124. Comment créer les « effets potiches » des « magots irrésistibles »
dont parle le critique Louis Leroy125 ? Les didascalies nous donnent une piste par laquelle on
relie le Chinois au fond grotesque. Lorsque Tien-tien et Ka-o-lin « dansent grotesquement »,
tous les Chinois « se trémoussent en titubant » (Acte III, sc. 11). Puis, dans la scène suivante,
toutes les personnes présentes « se trémouss[ent] grotesquement » (Acte III, sc. 12). Nous
avons examiné dans le chapitre II le jeu du magot et les effets de « grotesque » créés par les
mouvements du corps remuant et se trémoussant. L’interprétation de Désiré et Léonce
exploite à nouveau cette expression corporelle.
Mais il existe une nuance dans ce « grotesque ». Toujours dans le même article, Louis
Leroy estime que les comédiens traitent la manière chinoise « avec une science du grotesque à
laquelle il serait difficile de damer le pion »126. Leroy n’approfondit pas cet argument de la
« science ». Pour nous, cette science se réfère aux vrais Chinois, qui se sont fait connaître du
public dans le cadre de l’Exposition universelle (voir V. 6). La « science » en question serait
donc le recours à une connaissance ethnologique, et non la simple expression d’une fantaisie
artistique issue du goût chinois du XVIIIe siècle. Le « grotesque » de Fleur-de-thé n’est donc
pas simplement une esthétique exotique et hors normes. Elle repose sur une perspective
« scientifique ».
On pourrait réfléchir à un autre aspect de cette « mode chinoise ». Selon l’observation
de Théophile Gautier, les « modes actuelles se rapprochent » du costume de Mlle Cabel. Les «
toilettes [chinoises] dispersées dans la salle » rendent le costume et la coiffure de Mlle Cabel
beaucoup moins « exotiques »127. Gautier ne semble pas convaincu par cette Fleur-de-thé qui
garde ses cheveux blonds. Nestor Roqueplan, célèbre critique du Constitutionnel, juge
toutefois que cela « n’empêche pas Mlle Lucile Cabel d’être charmante selon le goût
français »128. La divergence d’opinions à l’égard de la « mode chinoise » suggère ainsi qu’on
ne cherche pas seulement à offrir aux spectateurs une figure du Chinois exotique et grotesque.
On adapte désormais plus librement le style chinois et on l’intègre dans le goût français pour
123
Nestor Roqueplan, Le Constitutionnel, le 13 avril 1868.
124
Frédéric Béchard, La Gazette de France, le 20 avril 1868.
125
Louis Leroy, Le Charivari, le 16 avril 1868.
126
Louis Leroy, Le Charivari, le 16 avril 1868.
127
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 20 avril 1868.
128
Nestor Roqueplan, Le Constitutionnel, le 13 avril 1868.
278
produire un effet éclectique. C’est une esthétique franco-chinoise (voire un peu japonaise),
qui peut être aisément pratiquée par la comédienne sur scène ainsi que par les Parisiennes
dans leur vie quotidienne. Au contraire de la mode chinoise sous le Premier Empire qui
exprimait l’idée qu’on exigeait des Chinoises de « souffrir pour être belle » (voir chapitre II),
la nouvelle mode chinoise du Second Empire donne à ces dernières un caractère et un
comportement désinvolte voire nonchalant. « Jouer le Chinois » s’inscrit dans le même esprit.
129
Nous nous appuyons sur la présentation de Robert Dreyfus, Petite histoire de la revue de fin d’année, Paris,
Charpentier et Fasquelle, 1909, pp. 279-301. Le texte d’Un souper à la Maison d’or, dont Alexandre Flan et
Ernest Blum signent les auteurs, est introuvable. Il s’agit peut-être d’une autre revue intitulée Le Plat du jour,
279
La diffusion de ces images, principalement photographiées, nous permet de percevoir
une chinoiserie « pleine de détails d’un comique achevé » sur lesquels se fonde une « mise en
scène des plus soignée »130. Nous avons essayé d’aborder le sujet de la mise en scène au cours
de notre travail. Examinons à présent la mise en scène de cette opérette populaire.
Selon la première publication de Fleur-de-thé, c’est Marc Leprévost, « régisseur
général de l’Athénée » qui signe la « mise en scène ». Nous ne trouvons pas d’indications sur
la mise en scène de Leprévost mais trois manuscrits conservés à la BHVP sans signature nous
permettent d’apercevoir l’idée d’autres contemporains sur la mise en scène de Fleur-de-thé.
Le premier manuscrit de la BHVP indique soigneusement les mouvements, les gestes,
la mise en place des comédiens ainsi que les plans de la scène (fig. 5.26a-c)131. Le deuxième
ajoute plusieurs nouveaux airs : il s’agit probablement de la reprise dans une autre salle132.
Nous savons que le troisième sert lui aussi à la reprise, en raison de la date de sa publication
(4e éd., 1872) 133 . Dans ce dernier, la quantité des accessoires est clairement relevée, et
plusieurs airs sont supprimés au profit du déroulement de l’intrigue. Le régisseur fait par
ailleurs attention aux effets de lumières qui sont indiqués dans le livret. Lorsque les
didascalies indiquent que « la nuit est venue peu à peu » (Acte I, sc. 8), nous retrouvons dans
les manuscrits les notes de détails comme « graduellement nuit » (p. 20) ou « nuit complète »
(p. 21). Les notes du régisseur reflètent en outre la popularité de Fleur-de-thé, car il cherche
visiblement à toujours distinguer « sa » reprise des représentations précédentes, afin de
conserver l’attractivité du spectacle. La reprise de 1872, par exemple, souligne l’intérêt que
représente la différence des mœurs. Nous trouvons ainsi une comparaison entre le nombre de
stations de police en Chine et en Europe, ainsi que les détails des achats chez les « barbares »
(p. 12).
Le succès de Fleur-de-thé marque néanmoins la fin d’une époque. Suite à la guerre
franco-prussienne, le Second Empire est remplacé par la Troisième République, proclamée en
1870. Dès lors et jusqu’à la fin du siècle, on connaît très peu de nouvelles créations comiques
au sujet chinois. Serait-ce un résultat imprévu de la diffusion des images photographiées du
Chinois ? Du pavillon de l’Exposition au programme du théâtre, les « vraies » figures privent
entièrement, ou presque, le public de son imagination du Chinois. Lorsqu’on peut s’amuser du
Chinois comique chez soi en feuilletant les revues et le programme, la comédie chinoise
devient moins attirante. En outre, on réduit la longueur du spectacle comique portant sur les
Chinois. Les éléments chinois deviennent souvent des idées fragmentaires. Enfin, si certains
écrivains s’inspirent d’un répertoire rédigé soit en français soit en chinois, le fond de leur
création s’avère désormais souvent « contaminé » par l’inspiration japonaise.
écrite par ces mêmes Alexandre Flan et Ernest Blum et présentée aux Délassement-Comiques, le 21 décembre
1861. Mais nous ne trouvons pas de rôle « Zizine » dans la distribution du Plat du jour.
130
E. A., Le Petit journal, le 13 avril 1868.
131
Livret de mise en scène manuscrit (17 p.), dont les indications distribution (rôles et personnages) et trois
dessins de costumes signés Draner. BHVP, cote : F 18 (I).
132
Annotations de mise en scène manuscrites (76 p.), 23 éléments manuscrits ajoutés, dont les indications
distributions (rôles et personnages), accessoires. BHVP, cote : F 18 (II).
133
Annotations de mise en scène manuscrites sur un libretto imprimé (76 p.), dont les indications distributions
(rôles et personnages). BHVP, cote : F 18 (III).
280
Dans la partie suivante, nous nous focaliserons sur les spectacles montés entre 1870 et
1880. Deux créations présentées entre 1873 et 1874 sont relativement complètes en ce qui
concerne leur sujet : la « Chine comique ». Néanmoins, leurs intrigues sont plus de l’ordre du
pastiche que de l’invention. Leur popularité est d’ailleurs loin derrière celle atteinte par Fleur-
de-thé. Ce qui motive notre attention est la date de leur représentation : en effet, à partir de
1873, le régime français tente d’imposer son influence en Indochine et une nouvelle guerre
franco-chinoise éclate en 1881, au Vietnam. Le spectacle chinois sera en conséquence envahi
par les éléments indochinois.
134
Jules Poter (ou Potey), L’Armée en Chine, non publiée ni représentée. Manuscrit signé le 5 mars 1871. BnF
ASP : Ms. Douay 1206.
135
Martin Pénet (dir.), Mémoire de la chanson : 1200 chansons du Moyen-Âge à 1919, Paris, Omnibus, 2001, pp.
610-612.
136
Voir Georges Coulonges, La Commune en chantant, Paris, Éditeurs français réunis, 1970, p. 41.
137
Nous nous appuyons sur les manuscrits des deux livrets et d’une partition conservés à la Bibliothèque
nationale [BnF-ASP : Ms. Douay 1397, 1398, 1399].
281
Kan138, en collaboration avec le musicien Emmanuel Chabrier. Selon les recherches de Roger
Delage139, Verlaine tentait de créer une pièce inspirée de l’esprit d’Offenbach et s’inspirait
pour cela du Fich-Tong-Khan de Sauvage et Lurieu. Pour des raisons inconnues, la pièce ne
sera jamais achevée. Quelques morceaux en sont pourtant interprétés, le 31 mars 1875, à
l’occasion d’une soirée au Cercle de l’Union artistique140.
La représentation ne semble pas avoir eu pour but de développer une ironie à
l’encontre de Napoléon III, mais plutôt de rendre hommage à Thomas Sauvage qui est alors
encore vivant. Lors de cette soirée tenue au Cercle de l’Union artistique, le titre de la pièce est
d’ailleurs changé en Peh-Li-Kan et la représentation ressemble davantage à un concert qu’à
une pièce de théâtre.
Le travail de Roger Delage nous permet de connaître les cinq passages qui sont alors
déjà achevés par Verlaine : un « petit morceau de scène » par Goulgouly et des coryphées ; un
« air de Poussah » ; un « trio Goulgouly, Fisch-Ton-Kan, Kakao » ; un « air et duo de Fisch-
Ton-Kan puis Goulgouly » et un « duo de Goulgouly et Fisch-Ton-Kan » 141 . L’intérêt des
répliques consiste dans la description des gestes et des mouvements ridicules de Poussah,
dans le comportement grotesque de Kakao (qui « distribue des gifles aux magots qui se
mettent à se balancer », afin qu’ils « chassent [s]on plus noir souci »), ainsi que dans le flirt
risible de Fisch-Ton-Kan et de Goulgouly. Pour ceux qui ne connaissent pas l’original de
Sauvage, il est impossible de concevoir l’« image » du Chinois.
Cette pièce inachevée préfigure pourtant l’opéra-bouffe intitulé L’Étoile (Bouffes-
Parisiens, 1877), dont le livret est écrit par Eugène Leterrier et Albert Vanloo sur la musique
d’Emmanuel Chabrier. L’intrigue de L’Étoile intègre en effet les idées tirées de Vaucochard et
Fils 1er, une autre pièce inachevée de Verlaine142. Si L’Étoile évoque Fisch-Ton-Kan, c’est
parce qu’ « on y jou[e] pareillement des quiproquos provoqués par les personnages qui se font
passer pour d’autres, des coups de théâtre qui font basculer l’action » 143 . En dépit des
ressemblances de fond entre ces deux pièces, Leterrier et Vanloo réduisent cependant les
éléments chinois au minimum. En effet, la scène est installée dans « la capitale des Trente-Six
Royaumes ». Les personnages comme le roi Ouf 1er, la princesse Laoula et son amant Lazuli,
quant à eux, n’ont pas besoin d’être Chinois pour se taquiner. Dans le texte nous ne voyons
aucune indication portant sur un personnage chinois.
Le peintre Félix Régamey revenu en 1877 d’un voyage au Japon accompli avec Émile
Guimet, publie dans la presse une caricature de L’Étoile (fig. 5.28). Si la caricature de
Régamey laisse entrevoir quelques traits quasiment chinois, notamment dans la coiffure, le
138
Florian Bruyas, op. cit., p. 173.
139
Nous nous appuyons sur deux écrits de Roger Delage : (1) « Chabrier et Verlaine », Revue Verlaine n° 2,
Musée-Bibliothèque Rimbaud (à Charleville-Mézières), 1994, pp. 5-30. (2) Roger Delage, Emmanuel Chabrier,
Paris, Fayard, 1999.
140
Dans « Chabrier et Verlaine », Roger Delage indique que la date de la représentation est le 29 mars 1873.
Dans Emmanuel Chabrier, la date en question est le 31 mars 1875.
141
Roger Delage, « Chabrier et Verlaine », pp. 16-25. Pour de plus amples informations sur les manuscrits,
partitions et auditions, voir Roger Delage, Emmanuel Chabrier, p. 693.
142
Roger Delage, préface de L’Étoile, Paris, édition de Gérard Billaudot, 1984, p. 3.
143
Roger Delage, Emmanuel Chabrier, p. 102.
282
costume et les décorations, la lithographie d’Eugène Lamy (fig. 5.29) représente, elle, une
scène théâtrale à la couleur turco-arabe. Quant aux photographies des personnages de la pièce,
la figure « à la chinoise » ne nous est parvenue que par ce cliché de Daubray (jouant Ouf 1er)
(fig. 5.30a-c).
On continuera à trouver le calembour de « Fich-Ton-Khan » dans le théâtre français,
car la toute prochaine guerre franco-chinoise éclatera dans la région du « Tonkin », au
Vietnam. Ce sera pourtant le spectacle au sujet tonkinois qui remplace le Chinois nommé
Fich-Ton-Khan.
144
La salle est située 12 rue de Lyon et non pas dans le quartier de Vaugirard.
145
Nous avons consulté Catalogue général des œuvres dramatiques et lyriques, faisant partie du répertoire de
SACD (1860-1878), Paris, Typographie Morris père et fils, 1882 ; Hippolyte Minier et Jules Delpit, Le Théâtre à
Bordeaux, étude historique, Bordeaux, P. Chollet, 1883, p. 83.
146
Le Grand Robert Dictionnaire de la langue française, 2010.
147
L. de Salat, « Courrier », La Comédie, n° 296-297 du 16 août 1868.
148
Philippe, « Courrier des théâtres », Le XIXe siècle, le 6 juin 1872.
283
nous semblent avoir raison de le changer en celui-ci : Le Chinois de Vaugirard »149. Mais on
ne trouve plus ensuite aucune autre indication au sujet de cette opérette qui devait être
représentée le 6 juillet. Puis, du 16 au 22 juillet 1872, on est informé par ce même journal que
« le Grand Théâtre Parisien vient de donner avec succès la représentation du Chinois de
Vaugirard ». Le manque de critiques publiées nous empêche de mieux connaître cette œuvre
non publiée.
Toujours en 1872, l’Opéra-Comique présente, le 12 juin, une pièce intitulée La
Princesse jaune, créée par Louis Gallet (livret) et Camille Saint-Saëns (musique). L’histoire
se déroule chez un Hollandais du nom de Kornélis. Celui-ci boit un philtre, s’endort et, dans
son rêve, il tombe amoureux d’une princesse japonaise nommée Ming. Dès son retour à la
réalité, il cherche à fumer de l’opium afin de retrouver les fantaisies de l’Extrême-Orient.
Cette histoire japonaise semble être « contaminée » par la fumée d’opium, et nous ignorons si
le « fumeur d’opium de Vaugirard » donné au Grand Théâtre Parisien, lui, s’inspire de la
création de la princesse Ming.
149
« Au bout de la lorgnette », L’Orchestre, du 4 au 10 juin 1872.
150
Henri Gourdon de Genouillac, Paris à travers les siècles : histoire nationale de Paris et des Parisiens depuis
la fondation de Lutèce jusqu'à nos jours, vol. 5, Paris, F. Roy, 1882-1889, p. 400.
284
destiné à l’empereur. Alfred est donc condamné au supplice de la cangue. En remplaçant
Alfred par une poupée, Pa-tchou-li, la femme du mandarin, libère ce pauvre Français. Kang-
ou-rou ramène un nouveau professeur, cette fois une femme. Alfred, déguisé en bonze, dit à
cette Française que Mouton s’est suicidé en avalant une clarinette. Mais, en réalité, Mouton a
été promu au rang de « Tigre ». Celui-ci est envoyé chez le mandarin pour lui faire connaître
son insolence à jeter ainsi un cheveu dans le bouillon de l’empereur. Le mandarin coupable
doit céder sa femme à l’empereur et repeindre en jaune son visage ainsi que toute la maison.
Entre-temps, on offre à Mouton l’instructrice voilée qui n’est autre que Malaga. Alfred, qui se
cache sous la table, est jaloux de leur flirt. Il taquine Mouton, tandis que le mandarin coupable
n’a plus aucune possibilité de rester en ville. Tous ces Français et Chinois décident alors de se
réfugier en Europe. Avant leur départ, on sort la clarinette de l’estomac de Mouton, ce qui lui
permet de retrouver la belle voix. Ils louent la beauté de la langue française et se rendent à
Londres pour leur représentation théâtrale.
Le mandarin Kang-ou-rou exagère la terreur que produit le Tigre sur le peuple. En fait,
il pense que le Tigre symbolise le pouvoir corrompu qui persécute le peuple au profit de
l’empereur (sc. 1). Cependant, les répliques permettent de sous-entendre le fard de cet agent
chinois, à savoir le Tigre. Même si le Tigre est une figure brutale aux « cheveux rouges,
moustaches rouges droites et hérissées », cette image évoque en fait les poils « d’un chat en
colère » (sc. 7). En outre, l’arrivée tardive du Tigre s’explique par sa lâcheté : il effraie les
ennemis en criant et « en agitant son chapeau chinois », mais le prétendu ennemi n’est qu’une
poupée dont la tête est en bois.
La moquerie sur le Tigre ne vise pas simplement le Chinois, parce que ce Tigre est lui-
même un Français nommé Mouton. Et la caricature ne porte pas sur le bureaucratisme chinois,
mais plutôt sur la polyphonie voire la cacophonie de la politique française. Lorsque Kang-ou-
rou, « mandarin excessivement lettré », cherche dans son dictionnaire la définition du
« congrès », Alfred lui répond que la « réunion du congrès » sert à congratuler, c’est-à-dire
« se gratter légèrement en compagnie » (sc. 1). Bien que l’autoritarisme de l’empereur chinois
soit connu du public depuis l’époque de Montesquieu (voir chapitre II), la plaisanterie
d’Alfred fait allusion à la politique instable et au régime fragile du début de la Troisième
République. Enfin, si les jeux de mots présents dans les répliques rappellent régulièrement
l’intérêt de la langue française151, ils parodient également les bataclans de la politique.
Pour créer un effet de « vrais » Chinois, le dramaturge a recours aux gestuelles que
nous connaissons bien. On voit ainsi le mandarin qui s’assied avec « les jambes croisées »,
« un parasol ouvert sur l’épaule », « lit un livre, tout en balançant sa tête comme les magots
en porcelaine » (sc. 1). Dans le couplet final, les didascalies demandent également à tout le
monde de mettre les « doigts en l’air, à la chinoise » (sc. 15). Quant aux habits des Chinois, le
dramaturge décrit les détails du costume du Tigre (sc. 7) qui ne sont pas si loin du costume
utilisé dans La Chatte métamorphosée en femme (fig. 3.18a, 3.19).
151
On voit l’emploi du calembour (« gros malin », « gros melon » et « grommelons » dans sc. 1 & 2) ainsi que le
verlan concernant le mandarin « lettré » et « très laid » (sc. 2). Les personnages badinent sur la Tamise et les
brouillards qui « tamisent », etc.
285
La petite pièce remporte un succès honorable. François Oswald remarque qu’ « elle
renferme quelques scènes comiques, pas mal d’esprit », et que « la musique est
charmante »152. Émile Mendel apprécie le livret « très amusant » ainsi que la musique « gaie »
et « très goûtée »153. Le « choc culturel » devient un refrain semblable à celui de Fou-Yo-Po
(Palais-Royal, 1860). Néanmoins, les Chinois du Tigre sont peut-être plus « rebelles » : tandis
que la « Jeune Chine » reste dans les Mille et un songes (Variétés, 1861), les Chinois du Tigre
quittent leur pays barbare afin de découvrir une nouvelle vie. À cet égard, Kang-ou-rou et Pa-
tchou-li sont dans le même esprit que Kinkin (As-tu vu la comète, mon gars ?, Variétés,
1858), le mandarin qui se rend à Paris et se convertit à la civilisation française.
Une autre « pochade musicale » intitulée Kin-ki-na, ou Les amours de Kin-kan-pois,
ou Kokoriko (1874, ni publiée ni représentée) reflète le même intérêt pour le « choc
culturel ».154 Ce décalage culturel apparaît à travers des coutumes chinoises étranges aux yeux
des occidentaux, comme celle du mandarin qui n’accordera sa fille qu’à celui qui n’éternuera
pas pendant neuf jours. Il se manifeste également à travers les procédés technologiques
occidentaux étrangers aux Chinois, par exemple la technique permettant de faire du feu en
frottant une allumette sur du bois. Nous avons déjà rencontré de nombreuses pièces à la
perspective similaire.
152
François Oswald, « Bruits de coulisses », Le Gaulois, le 9 avril 1873.
153
Émile Mendel, « Nouvelles des théâtres », Paris-Journal, le 8 avril 1873.
154
Auguste Jouhaud, Kin-ki-na, ou Les amours de Kin-kan-pois, ou Kokoriko, pochade musicale, manuscrit
signé le 3 septembre 1874, BnF-ASP : MS Douay 2056.
155
Nous donnons ici deux exemples : (1) « Deux comètes ? Non, madame, nous plaiderons ! – Très bien ! je ne
céderais pas. J’y laisserai plutôt ma queue ! », caricature de Cham, Le Charivari, le 9 août 1874 ; (2) « Les deux
comètes se tirant réciproquement le plumet. » Le Charivari, le 15 août 1874.
156
Du 2 juillet au 27 août 1874, le titre du spectacle se retrouve dans les bulletins du Siècle.
157
Anonyme, « Théâtre et concerts », Le Temps, le 1er juillet 1874.
158
Benoît Duteurtre, L’Opérette en France, Paris, Seuil, 1997, p. 71.
286
Le 26 décembre 1874, les Bouffes-Parisiens présentent une opérette-bouffe intitulée
Un Mariage en Chine, écrite par les frères Émile et Edouard Clerc (livret) et Léopold
Dauphin (musique). L’intrigue se développe comme une fantaisie autour de l’arrivée de la
comète, et le fond du spectacle est plutôt astrologique qu’astronomique. Nous avons peu
d’informations sur la représentation d’Un Mariage en Chine. Pourtant, en 1892, dans la
nécrologie d’Émile Clerc, on loue le « grand succès » du métier des frères Clerc. Le titre d’Un
Mariage en Chine, qui a dû constituer une création remarquable, se retrouve dans le
répertoire159.
Cette histoire nous rappelle La Chine à Paris (Variétés, 1851), dans laquelle un père
sinophile rêve d’avoir un gendre chinois. Le « mariage chinois » est d’ailleurs un sujet
récurrent depuis le XVIIIe siècle en raison de sa valeur décorative : la scène bariolée s’empare
du regard des spectateurs et le feu d’artifice assure l’ambiance festive. La fonction du
« mariage chinois » est donc celle d’un prologue qui permet d’introduire le spectacle principal
dans une soirée théâtrale. En fait, la création des frères Clerc est suivie de Madame l’Archiduc,
pièce dans laquelle Mlle Julia Georges débute sa carrière au théâtre160.
Le vrai Chinois n’apparaît jamais chez M. Berthembois. Ce que l’on répète dans les
répliques sont les impressions sur les Chinois et non le témoignage d’une véritable rencontre.
Dans le duo de Berthembois et Chambollan, la Chine est décrite comme le « pays des magots
et des falots et des grelots » (sc. 4). En chantant, les acteurs remuent la tête pour imiter les
magots. Nina associe les Chinois aux magots chauves (sc. 7), alors que son père essaie de
s’habituer à fumer l’opium. Comme la plupart des personnages sinophiles au théâtre, M.
159
Perdican, Le XIXe siècle, le 26 décembre 1892.
160
« Théâtres-Concerts », Le Siècle, le 26 décembre 1874. Paris-Journal publie la même annonce. Madame
l’Archiduc a été représentée pour la première fois le 31 octobre 1874, aux Bouffes-Parisiens. La distribution des
personnages n’était pas identique à celle de la représentation qui aura lieu au mois de décembre suivant.
287
Berthembois n’est jamais allé en Chine. Sa connaissance, ou plutôt son imagination, se fonde
sur les observations d’anciens voyageurs et missionnaires. Il présente aux spectateurs les
mœurs chinoises, mais il ne s’agit jamais d’une connaissance directe. En fait, il faut
comprendre cette adoration pour la Chine d’un point de vue historique. Car, le mariage n’est
pas ici une simple relation conjugale : il est aussi l’union symbolique de deux mondes. De
Paris à Pékin, on évoque à nouveau l’esprit des Antipodes (Variétés, 1854). Et c’est aussi au
cours des années 1870 que la France exprime sa volonté de se rapprocher de la Chine à travers
le « mariage » avec la région indochinoise.
161
J. B., Le Petit Marseillais, le 26 février 1877.
162
E. H. Noël, « Province – Marseille », Le Monde artiste, le 24 novembre 1877.
163
La photographie fait partie de la collection privée de Pierre Échinard. Voir Pierre Échinard et Michel Martin-
Roland (dir.), L’Esprit Gymnase : bicentenaire du théâtre, 1804-2004, Marseille, Jeanne Laffitte, 2004, p. 73.
164
J. B., Le Petit Marseillais, le 26 février 1877.
288
V. 4. (4) La joie religieuse
Dans La Prise de Pékin, les spectateurs ont découvert les enfants abandonnés en Chine.
Sous la Troisième République, on retrouve toujours ce thème de l’ « orphelin chinois » dans
les créations dramatiques. Et comme dans La Prise de Pékin, ce genre d’histoire se fonde sur
la parabole de la brebis égarée. Nous donnons ici un exemple : Un grand jour à Houpé, «
scène chinoise » publiée en 1876, « composée pour les Élèves du Bon-Pasteur » et représentée
au pensionnat, « à l’occasion du tirage de la Loterie pour l’Œuvre de la Sainte-Enfance »165.
La province de Houpé (ou Hubei) est située au centre de la Chine. Depuis la Première Guerre
de l’Opium, les villes comme Hankou (ou Han-kow) et Yichang, en Houpé, sont ouvertes aux
étrangers.
Le « grand jour » est celui du baptême d’une orpheline nommée Tzen-Quou. Pien, une
Chinoise qui a grandi dans ce même orphelinat, y rentre pour célébrer le baptême. Les enfants
décorent l’orphelinat et sont extrêmement intéressés par le témoignage de Tzen-Quou. Au fur
et à mesure, on découvre l’histoire personnelle de chaque converti, y compris celle de la
femme du mandarin qui fait régulièrement un don à l’église malgré les attaques des voisins.
Un nouveau-né abandonné est retrouvé devant la porte de l’orphelinat. Avant sa mort, on le
baptise et on lui trouve un parrain et une marraine. Les pères (religieux) arrivent pour le
baptême et encouragent les enfants. Tout le monde adore la Sainte-Enfance, le Saint Prélat et
la France.
Les œuvres caritatives de la Sainte-Enfance en Chine ont été mentionnées par
Dominique dans La Prise de Pékin. Le témoignage des enfants de Houpé est encore plus
persuasif. Selon la note figurant sur la publication, « les faits et documents ont été puisés dans
les intéressantes Annales [de l’œuvre] de la Sainte Enfance. » En nous appuyant sur ces
annales, nous notons que la conversion de Tzen-Quou est relevée en 1871 et publiée dans
l’annale d’avril 1874166. Le « grand jour » de la prise de voile de Tzen-Quou, quant à lui, est
raconté dans l’annale de décembre 1875. La résolution de Tzen-Quou, « qualité très rare chez
les Chinois » 167 , est surtout appréciée par la sœur Rachel Tronconi, qui est à la fois
missionnaire en Chine et un personnage décisif dans Un grand jour à Houpé.
Sans moquerie ni plaisanterie, la pièce reflète un autre aspect de la Chine de l’époque.
Outre le culte panthéiste et l’infanticide, on découvre dans la pièce la tradition de
« tongyangxi », selon laquelle la fiancée mineure est élevée chez son fiancé, cela constituant
un moyen d’exonérer les parents de la dot du mariage lorsqu’elle est majeure. Tzen-Quou,
une ancienne « tongyangxi », est en l’occurrence revendue par les parents de son fiancé car
celui-ci est mort mineur (sc. 4). On assiste par ailleurs à « un remerciement chinois » (sc. 3) :
« les enfants ravis font un saut en l’air, tournent sur eux-mêmes, sautent encore, et s’inclinent
165
Publié chez F. Thibaut, à Clermont-Ferrand, 1876. [BnF-Tolbiac : 8-YTH-25579.]
166
« Lettres de la Sœur Rachel Tronconi, Supérieure des Filles de la Charité Canossiennes, dans le Hou-pé
[oriental], à M. le Directeur de l’Œuvre. (Traduit de l’italien.) Han-kow, le 10 septembre 1871 », in Annales de
l’Œuvre de la Sainte-Enfance, n° 157 (avril 1874), pp. 104-115.
167
« Lettres de la Sœur Rachel Tronconi, Supérieure des Filles de la Charité Canossiennes, dans le Hou-pé
oriental, à M. le Directeur de l’Œuvre. (Traduit de l’italien.) Han-kow, les 10 octobre 1871 et 10 janvier 1873 »,
in Annales de l’Œuvre de la Sainte-Enfance, n° 167 (décembre 1875), pp. 460-481.
289
devant Pien ». Ces mouvements chinois sont évidemment une invention de l’auteur et qu’on
ne retrouve pas ailleurs.
168
Sur la présentation des échanges artistiques franco-japonais, voir Emmanuel Wallon, « Airbus et bunraku : les
relations franco-japonaises de l’art à l’industrie », Théâtre/Public : Scènes françaises, scènes japonaises : allers-
retours, n° 198 (4e semestre 2010), pp. 106-111.
169
Sur les « écrivains et hommes de lettres français influencés par le Japon », voir la présentation de Jean-Marie
Thiébaud, La Présence française au Japon du XVIe siècle à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2008, pp. 58-62.
170
Cris Reyns-Chikuma, Images du Japon en France et ailleurs : entre japonisme et multiculturalisme, Paris,
Harmattan, 2005, p. 9.
171
Sur la présence, la fréquence et la connotation des mots associés au Japon dans les encyclopédies et les
dictionnaires de langue française, voir Keiko Niro, L’Image du Japon en France entre 1860 et 1915, thèse
doctorale, Université de Picardie, 1998, pp. 24-71. Ce travail aborde quelque peu le sujet de l’image japonaise
dans le théâtre français, voir pp. 261-267.
172
Le Grand Robert Dictionnaire de la langue française, éditions 2010.
173
Elwood Hartman, « Japonism and Nineteenth-Century French Literature », in Comparative Literature Studies
(publié par Penn State University Press), vol. 18, n° 2, East-West Issue (juin 1981), p. 142. Selon Hartman,
l’article intitulé « Japonisme », de Philippe Burty, se trouve dans La Renaissance Littérature et Artistique, n° 11,
parue le 6 juillet 1872. Jules Claretie, quant à lui, emploie ce mot dans L’Art français en 1872.
174
Yvonne Thirion, « Le Japonisme en France dans la seconde moitié du XIXe siècle à la faveur de la diffusion
290
La « découverte » du Japon permet aux dramaturges de profiter d’une nouvelle mode
« orientale ». Si les « Japonais » avaient joué des rôles auxiliaires dans le théâtre du XVIIIe
siècle 175 , les années 1850 voient un foisonnement de pièces associées au thème « pseudo
japonais ». Le 2 juillet 1857, le Théâtre des Folies-Dramatiques présente une « folie-
vaudeville » de Paul de Kock, intitulée Un combat d’éléphants. L’intrigue se déroule sur une
île du Japon, où des Parisiens égarés invitent des Amazones à fumer l’opium (Acte III, sc. 2).
D’autres dramaturges créent les pièces dont le titre comporte le nom « Japon », bien que les
intrigues ne soient aucunement « japonaises ». Le Hanneton du Japon de Duvert et Lauzanne
est présenté au Palais-Royal le 27 mars 1858 ; Le Lis du Japon de George Sand est présenté
au Vaudeville le 13 août 1866. Ni l’une ni l’autre ne comportent de personnage japonais.
La première pièce qui embrasse sans réserve l’imagination japonaise (et non
seulement un « Japon » que l’on peut remplacer par un quelconque pays exotique) est
probablement La Princesse jaune (Opéra-Comique, 1872) que nous avons évoquée plus haut
(Voir V. 4. (2)) 176. Suite au succès de celle-ci, les Bouffes-Parisiens préparent, à la fin de
l’année 1872, une autre pièce intitulée La Japonaise, écrite par M. Costé et dans laquelle le
personnage principal est joué par Désiré – qui avait joué dans Fleur-de-thé177.
de l’estampe japonaise », in Cahiers de l’Association internationale des études françaises, n° 13, 1961, p. 124.
Sur la « découverte » des objets japonais par le public français, voir Raymond Isay, Panorama des Expositions
universelles, 7e éd, Paris, Gallimard, 1937, pp. 169-172.
175
Voir, par exemple, l’opéra-ballet Don Quichotte chez la Duchesse (Opéra, le 12 février 1743), paroles de
Favart, musique de Boismortier. Un chœur composé de Japonais et de Japonaises se présentent sur la scène,
accompagné d’un « traducteur ». Citons les titres portant « Japon » qu’on retrouve dans le catalogue de Brenner :
Zima, prince japonais (Collège du Mont, à Caen, 1708), Dom Thomas, martyr japonais (Collège des Jésuites, à
Amiens, 1718), Les Jammabos, ou les moines japonais (s.l., 1779), Les Noces du Japon (Ambigu-Comique,
1780), Rensi, ou les frères japonais (s.l.n.d.).
176
Hiroko Aoki, Le Japon à travers le théâtre en France (1860-1930) : étude de réception, thèse doctorale,
Université Paris X – Nanterre, 1998, p. 14.
177
Émile Mendel, « Nouvelles des théâtres », Paris-Journal, le 11 juillet 1872.
178
Sur l’intérêt de l’époque pour la Chine (des poètes, principalement), voir la présentation de Marc Chadourne,
« Le Parnasse à l’école de la Chine », Cahiers de l'Association internationale des études françaises, n°13, 1961,
pp. 11-23.
179
Jonathan D. Spence, The Chan’s Great Continent : China in Western Minds. New York, W. W. Norton, 1999,
p. 148. Dans ce chapitre consacré à la littérature française, Spence ne traite pas le domaine du théâtre. Sur le
« voyage littéraire » chez Flaubert, voir aussi Rabah Naffakh et Anne-Marie Perrin-Naffakh, « Voyage vers
l’Orient et voyageurs de l’Orient arabe », in Claude-Gilbert Dubois (dir.), L’Imaginaire de la découverte ou Les
Européens face aux nouveautés, Talence, éd. Université Bordeaux III, 1994, pp. 167-172.
291
Zamti180. En 1863, Flaubert crée une féerie intitulée Le Château des cœurs. Cette pièce ne
sera publiée qu’en 1880 et ne fera l’objet d’aucune représentation.
En fait, Flaubert cherche à renouveler et à dépoussiérer la féerie, genre dramatique un
peu surfait à son époque. Dans Le Château des cœurs, ce dramaturge « utilis[e] la possibilité
qu’offre une féerie en matière d’imaginaire, afin de donner au sens à l’intrigue de sa
pièce ».181 Ainsi, les personnages doivent entrer sur la scène en marchant sur un air chinois
(tableau v, sc. 1). Pour la « fête du pays », le valet Dominique doit être « habillé en Chinois »,
« portant sur son dos une grosse caisse et un sac de peau rouge ». En caressant sa moustache
chinoise, Dominique prétend qu’il est arrivé de Pipempohé, où la sultane lui accordait les
offres les plus avantageuses (tableau x, sc. 3). Dans le drame d’Octave Feuillet intitulé Le
Sphinx (Comédie-Française, 1874), un Amiral est aussi revenu de Chine.
Un expatrié chinois nommé Tin-Tun-Ling (ca.1829-1886) mérite notre attention.
Arrivé en France aux alentours de 1862-1863 (fig. 5.32)182, Tin est accueilli par Théophile
Gautier et devient le professeur de chinois de sa fille aîné, la jeune Judith Gautier183. Dès lors
et jusqu’à sa mort en 1886, dans le logement parisien d’Alexandre Dumas fils184, ce « Chinois
de Gautier » restera « l’une des curiosités, sinon l’un des ornements de la capitale »185. Le
travail le plus important de Tin-Tun-Ling est sa participation à la rédaction du Livre de Jade
(1867), recueil de poèmes chinois que traduit Judith Gautier. En 1872, Tin-Tun-Ling publie
un roman dont les gravures et la reliure à la manière chinoise suscitent la curiosité du
public186. Quant à la création théâtrale, ce « premier sujet dramatique du Théâtre impérial de
Pékin » déclame son poème intitulé Tchu-Tien, le Printemps, à l’Elysée-Montmartre, le 21
mai 1874187.
Le 5 juillet 1874, Tin-Tun-Ling fait ensuite monter au Théâtre Rossini une
« pantomime chinoise » intitulée La Guerrière du pays de Hou (annexe 7.2.(g))188 . Cette
pantomime fait partie d’une matinée chinoise, dans laquelle on peut également voir Pierrot
posthume de Théophile Gautier, la magie orientale, etc.189 La pièce de Tin raconte l’histoire du
180
Voltaire et la Chine, textes réunis par l’Institut et Musée Voltaire, à Genève, pour l’Exposition synonyme de
2003, publié à Saint-Malo, éd. Cristel, 2003, pp. 49-50.
181
Nous nous référons à Delphine Rosier, L’Ouverture à la scène dans l’écriture dramatique de Gustave
Flaubert : d’après la comédie Le sexe faible et la féérie Le château des cœurs, mémoire de maîtrise, Université
Paris III-Sorbonne Nouvelle, 2004, pp. 36-46. [Bibliothèque Gaston Baty : D1220.]
182
William Leonard Schwartz, The Imaginative Interpretation of the Far East in Modern French Literature
1800-1925, Paris, Honoré Champion, 1927, pp. 21-24. La date précise de son arrivée est cependant inconnue.
183
Sur la vie de Tin-Tun-Ling, voir Stephan Von Minden, « Une expérience d’exotisme vécu: ‘Le Chinois de
Théophile Gautier’ », Bulletin de la Société Théophile Gautier, n° 12, 1990, pp. 35-53.
184
La première page du Gaulois, le 16 novembre 1886. Tin est appelé « Paul-Jean-Baptiste-Marie TIN-TUN-
LING ».
185
« Tin-Tun-Ling », Le Sifflet, le 20 juin 1875.
186
Brévannes, « Bibliographie : La Petite pantoufle, roman chinois par Tin-Tun-Ling », Tintamarre, le 18 juillet
1875.
187
« Librairie – Théâtres – Concerts », La Presse, le 21 mai 1874.
188
Le Théâtre Rossini (ca. 1867- ca. 1881) est une « salle de quartier » située rue de La Tour. Voir Nicole Wild,
Dictionnaire des théâtres parisiens au XIXe siècle, Paris, Aux amateurs de livres, 1989, p. 385.
189
« Théâtres-Concerts », Le Siècle, le 5 juillet 1874. L’ « arlequinade en un acte et en vers » de Gautier n’est
pourtant pas de thème chinois. Cette pièce de Gautier est publiée dans Théâtre de poche, Paris, Librairie nouvelle,
1855, pp. 129-172.
292
fils d’un mandarin du Tonkin (région indochinoise) qui se marie avec la reine ennemie de Hou
en dépit de la guerre opposant les deux pays. Le mandarin hautain et lâche se cache sous la
table lorsqu’il entend le canon de l’ennemi et la reine farouche le traîne par la natte.
Finalement, le mandarin ne peut qu’admettre la validité du mariage. Si la natte évoque le
mandarin chinois, la scène décorée des étendards jaunes et les costumes verts des officiers
sont en effet les usages courants de l’Indochine. Bien que la création de La Guerrière du pays
de Hou fasse écho à l’intérêt pour l’Indochine190, le résultat de la représentation est un fiasco.
On n’en parle pas dans les journaux, sinon pour se moquer de cet « insuccès » qui devrait
faire Tin-Tun-Ling « secouer sur la France la poussière de ses sandales et retourner dans son
pays »191.
Pourtant, le nom de Tin-Tun-Ling ne disparaît pas des affiches de théâtre. Le catalogue
de Wicks indique que le Théâtre Rossini monte, en juillet 1875, une autre pièce de Tin-Tun-
Ling intitulée Le Débordement de Yang-Tsu-Kiang. Bien que la date précise nous soit
inconnue, la représentation semble être liée à l’actualité française. En effet, la ville de
Toulouse a subi une grave inondation le 23 juin 1875 et de fin juin à août, les salles
parisiennes donnent des spectacles au bénéfice des habitants de la ville sinistrée. Certains
artistes sont invités à créer des chansons au sujet de l’inondation, comme L’Inondation et
L’Inondé du Midi du café-concert Ambassadeurs192. Il est possible que la pièce de Tin-Tun-
Ling fasse partie d’une soirée de charité. Ce Chinois devait faire tous ses efforts afin de
s’intégrer dans le cercle littéraire et artistique parisien.
190
Le Cirque des Champs-Élysées représente au cours du mois de juillet la Malle d’Indochine de M. et Mme
Vellé. Voir les « Nouvelles », L’Entr’acte, le 9 juillet 1874.
191
« Gazette du jour », La Presse, le 10 juillet 1874.
192
Le Figaro, le 3 et le 5 juillet 1875.
193
Tin-Tun-Ling prétend qu’il a passé le concours national chinois. Mais les Chinois de l’époque le méprisent,
jugeant qu’il est un menteur profitant de la méconnaissance de la langue chinoise par les Français. En 1869,
Zhang Deyi, membre de la délégation chinoise en France, signale que Tin-Tun-Ling n’a jamais passé le concours
impérial de lettres. Le sinologue Qian Zhongshu (1910-1998) le critique, notamment en s’appuyant sur la qualité
de la poésie de Tin-Tun-Ling. Voir : (1) Zhang Deyi, Oumei Huanyouji : Zai shuqi (« Le Tour en Europe et en
Amérique : deuxième témoignage de curiosités »), [Pékin, ca. 1868-1870,] Changsha, Hunan Renmin Chubanshe,
1980-1983 ; (2) Qian Zhongshu, « Jiu : Buding » (« Annexe du chapitre neuf »), in Tan yi lu (« Recueil de
pensées sur l’art »), [Shanghai, 1948,] Pékin, Sanlian, 1991, p. 150.
194
Sur la vie de Judith Gautier, nous nous appuyons sur : (1) Joanna Richardson, Judith Gautier : A Biography,
Londres et New York, Quartet Books, 1986 ; (2) Renée Champion, « Judith Gautier », in François Pouillon (dir.),
Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, Karthala, 2008, pp. 433-434.
293
collaboration avec Tin-Tun-Ling, un recueil de poèmes chinois. Publié sous le titre du Livre
de Jade, celui-ci popularise la poésie chinoise et inspirera même la création de la symphonie
de Gustav Mahler : Das Lied von der Erde (Le Chant de la terre) (1907). Le Dragon impérial,
premier roman de Judith Gautier, traite d’un sujet chinois. C’est un succès pour son auteure.
Celle-ci publie énormément (une cinquantaine d’ouvrages) et ses œuvres reçoivent les éloges
de Baudelaire, de Leconte de Lisle et de Rémy de Gourmont entre autres. Victor Hugo
apprécie particulièrement le talent de Judith Gautier et lui dédie le poème « Ave, dea ;
moriturus te salutat » 195 . Également musicologue et défenseuse ardente du compositeur
allemand Wagner, Judith Gautier organise des soirées wagnériennes, publie de nombreux
articles à son sujet et lui consacre un ouvrage : Richard Wagner et son œuvre poétique (1882).
Bien que n’ayant aucune expérience de voyage en Chine, Judith Gautier publie en
1879 Les Peuples étranges, un recueil de mœurs chinoises. Le style du mélange des faits et de
l’imagination rend cet ouvrage très spirituel. En ce qui concerne le théâtre chinois, Judith
Gautier remarque ainsi : « le genre où excellent les auteurs chinois, c’est la comédie
amoureuse, pleine de clairs de lune, de fleurs, de soupirs timides ; là ils sont inimitables »196.
L’exemple qu’elle en donne est une « pièce charmante » intitulée Tsou-Mei-Sian qui désigne,
d’après elle, La Suivante malicieuse de Tsou. À notre connaissance, le terme « Mei-Sian » (ou
Meixiang) en chinois s’applique aux servantes qui se mêlent habituellement des intrigues
d’amour. Mais le mot « Tsou » (ou Zhou) désigne en effet quelqu’un qui a l’air sage et plein
d’astuce197. Judith Gautier a raison de comparer Mei-Sian à la soubrette Marinette (Molière,
Le Dépit amoureux, 1656), mais « Tsou » ne peut pas se traduire par un nom propre.
En fait, ce n’est pas Judith Gautier qui fait découvrir cette comédie chinoise. Dans son
recueil du Théâtre chinois (publié en 1838), le sinologue Bazin a achevé la traduction
complète de Tchao-Meï-Hiang, ou Les Intrigues d’une soubrette198. L’auteur chinois de cette
comédie s’appelle Tching-Té-Hoei (ou Zheng Dehui, dramaturge du XIVe siècle). Selon la
réplique du personnage de la maîtresse de maison, « Madame Han » 199 , la servante
« n’employa pas un seul mot trivial ou vulgaire ; mais à toutes les questions qui lui étaient
adressées, elle répondait en termes nobles et choisis. […] c’est pourquoi tout le monde
l’appelle la soubrette accomplie » (prologue, sc. 2). Judith Gautier ne semble pas ignorer le
travail de Bazin. Car, dans ses souvenirs littéraires, Judith Gautier signale que son père
sinophile « avait lu les travaux d’Abel-Rémusat et les pièces de théâtre, traduites par
195
Jean-Marie Thiébaud, La Présence française au Japon du XVIe siècle à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2008, p.
59.
196
Judith Gautier, Les Peuples étranges, Paris, G. Charpentier, 1879, p. 186.
197
Nous nous appuyons sur Luo Zhufeng (dir.), Hanyu Da Cidian (« Le Grand dictionnaire de la langue
chinoise »), Shanghai, Hanyu Da Cidian Chubanshe, 2001.
198
Nous avons comparé l’original chinois et la traduction de Bazin. Il apparaît que Bazin a parfois confondu les
termes allégoriques et les métaphores en langue chinoise. Une nouvelle « traduction » de la même pièce chinoise,
publiée en 1900, est en fait l’adaptation de la traduction de Bazin (voir chapitre VI). Malgré les erreurs
contenues dans ces anciennes traductions, il semble que personne n’ait entrepris de retraduire cette pièce du
chinois en français.
199
Dans l’original chinois, ce personnage est nommé « Madame Pei ». Son mari, le Général Pei, est le vice-roi
du pays de Han. Bazin confond le nom du pays et le nom de famille. « Madame Pei » devient alors « Madame
Han ».
294
Bazin »200. Judith Gautier a-t-elle lu, elle aussi, ces ouvrages de Bazin ? Serait-elle consciente
de commettre des « erreurs » dans la présentation de Tsou-Mei-Sian ?
Au long de sa carrière littéraire, Théophile Gautier n’a jamais créé de pièce de théâtre
au sujet chinois. Cependant, sa nouvelle « Le Pavillon sur l’eau » (1846) est inspirée d’une
pièce de théâtre chinois dont le titre original nous est inconnu201. Judith Gautier, quant à elle,
essaie, à partir des années 1880, d’adapter les œuvres dramatiques chinoises et japonaises202.
L’un de ses premiers essais est la comédie Le Ramier blanc, écrite en collaboration avec Mme
la baronne de Poilly et présentée le 3 juin 1880 à l’hôtel de Mme de Poilly. La musique est
composée par Ludwig Benedictus203. Nous pouvons avancer que Le Ramier blanc est sans
aucun doute inspiré de Tchao-Meï-Hiang (traduit par Bazin, 1838), ceci en raison des
similarités dans les intrigues et les noms des personnages. Pourtant, il convient également de
rappeler que peu de temps auparavant, les Français ont découvert une autre comédie chinoise
intitulée Si-siang-ki, ou L’Histoire du pavillon d’Occident, traduite par Stanislas Julien et
publiée posthume entre 1872 et 1880204. Les intrigues des comédies Tchao-Meï-Hiang et Si-
siang-ki se ressemblent. Au vu de l’ordre chronologique des deux publications, c’est la
traduction de Si-siang-ki qui semble être inspirée par celle de Tchao-Meï-Hiang205. Toutefois,
en ce qui concerne la dénomination des personnages, nous apercevons peu de traces de Si-
siang-ki dans Le Ramier blanc. Notre comparaison se focalise donc sur les œuvres de Bazin et
Judith Gautier. Compte tenu de la similitude entre les titres des œuvres citées plus haut, nous
les rapportons dans le tableau ci-dessous en les présentant par ordre chronologique de
publication.
Les réécritures de la comédie de la « soubrette chinoise » (I)206
Date de Date de Traduction /
Titre Auteur
publication représentation Adaptation
XIII - XIVe siècle
e
Si-siang-ki Wang-Chi-Fou
––––
XIVe siècle Tchao-Meï-Hiang Tching-Té-Hoei
1838 –––– Tchao-Meï-Hiang –––– Bazin aîné
200
Judith Gautier, Le Collier des jours: le second rang du collier, souvenirs, Paris, Félix Juven, c.a. 1905, p. 161.
201
Théophile Gautier, « Le Pavillon sur l’eau », publiée pour la première fois dans Le Musée des familles, reprise
in La Peau de tigre, tome 1, Paris, Hippolyte Souverain, 1852, pp. 99-142 ; et in Œuvres de Théophile Gautier :
romans et contes, Paris, Alphonse Lemerre, 1897, pp. 385-403.
202
Nous nous appuyons sur le répertoire établi par Joanna Richardson, op. cit., p. 288.
203
Sur la carrière musique de Ludwig Benedictus, voir la présentation de Pierre Laubriet, « Notices », in
François Brunet (dir.), Le Tombeau de Théophile Gautier, Paris, Honoré Champion, 2001, pp. 220-221 ; Isabelle
Cazeaux, « La Part de la musique dans la vie et l’œuvre de Judith Gautier », Bulletin de la Société Théophile
Gautier, n° 8, 1986, pp. 107-113.
204
La comédie Si-siang-ki est composée de cinq « livres » (dit « ben » en chinois). En raison des différences
existant dans le style et dans l’écriture, le cinquième livre est souvent considéré comme l’apport des écrivains
ultérieurs. Stanislas Julien ne traduit que les quatre premiers livres de Si-siang-ki et divise ces quatre livres en
seize actes.
205
Au contraire, en Chine, c’est Tchao-Meï-Hiang qui est censé être le « plagiat » de Si-siang-ki. Voir Zhang
Jiong, Deng Shaoji et Fan Jun (dir.), Zhonghua wenxue tongshi (« L’Histoire générale de la littérature chinoise »),
vol. 3, « Dynasties Yuan et Ming », Pékin, Huayi, 1997, p. 100.
206
Quelques traductions/adaptations se retrouveront dans les vingt dernières années du siècle. Voir le tableau du
chapitre VI (VI. 3. (3). (e)).
295
1872-1880 –––– Si-siang-ki Stanislas Julien
1904 1880 Le Ramier blanc Judith Gautier
Dans la version traduite par Bazin, la jeune Siao-Man est destinée à un jeune étudiant
nommé Pé-Min-Tchong. La raison en est que le père de celui-ci a sauvé le prince de Tsin, qui
n’est autre que le père de Siao-Man. La mère de Siao-Man (Madame Han) regrette cette
promesse et empêche sa fille d’aimer cet étudiant pauvre. Grâce à la soubrette Fan-Sou, les
deux amoureux se rencontrent et expriment leurs sentiments réciproques. En outre, Fan-Sou
fait avouer à Mme Han sa tentative d’éloigner les amoureux. D’une langue élégante et
d’intrigues raffinées, cette comédie de Tching-Té-Hoei rappelle l’esprit de Marivaux 207 .
L’historien et voyageur Jean-Jacques Ampère constate que « la plus agréable des comédies
chinoises connues jusqu’à ce jour est […] dans la collection de M. Bazin, a pour titre les
Intrigues d’une soubrette »208.
Supprimant le rôle de Mme Han, la version de Judith Gautier se focalise sur l’aspect
du « jeu » entre le jeune lettré Pé-Min-Tchon209, Siao-Man et sa suivante Fan-Sou. Siao-Man
laisse discrètement un sachet brodé d’oiseaux d’amour dans les appartements de Pé-Min-
Tchon, afin de sous-entendre la volonté de la jeune fille. Et puisqu’une jeune fille non mariée
n’est pas autorisée à rencontrer les hommes, Siao-Man se déguise en étudiant pour parler à
Pé-Min-Tchon. Les deux jeunes gens s’apprécient et deviennent amis. Pé-Min-Tchon,
ignorant tout de l’identité de ce jeune intellectuel, lui propose d’aller étudier avec lui à la
capitale. Siao-Man refuse, mais lui propose d’épouser sa « sœur » qui lui ressemble. Pé-Min-
Tchon n’accepte pas la proposition, parce qu’il n’aime que celle à qui appartient le sachet
brodé. Une vieille dame rentre dans la maison du jeune homme et prétend qu’elle est la tante
de Siao-Man. Selon cette vieille dame, c’est elle-même qui a écrit la chanson d’amour sur le
sachet, tandis que la broderie est l’œuvre de la soubrette Fan-Sou. La vieille dame propose à
Pé-Min-Tchon d’épouser sa nièce Siao-Man. Celle-ci, toujours habillée en homme, reconnaît
finalement les intrigues de Fan-Sou : cette « tante » n’est autre qu’un déguisement de la
soubrette.
De Tchao-Meï-Hiang de Bazin au Ramier blanc de Judith Gautier, le jeu de l’amour et
du hasard est renforcé par les intrigues de la fausse suivante et le jeu des deux jeunes filles
travesties. Le dénouement témoigne du triomphe de l’amour et de la joie imprévue. Judith
Gautier est sans doute habile à écrire le marivaudage et sait bien exploiter l’humour de la
comédie chinoise. Par ailleurs, cette pièce nous permet d’apercevoir comment elle adapte
librement les sources chinoises en mettant en valeur la sagesse des personnages féminins. Si
la Mme Han de Tchao-Meï-Hiang représente l’oppression exercée par certaines valeurs
sociales, les deux filles du Ramier blanc affirment la poursuite du bonheur personnel. Dans
Tchao-Meï-Hiang, c’est Pé-Min-Tchong qui réussit le concours impérial et devient qualifié
pour épouser la jeune fille issue d’une famille noble. Dans Le Ramier blanc, en revanche,
207
Magnin, « Théâtre chinois : deuxième article », Journal des savants, octobre 1842, p. 582.
208
Jean-Jacques Ampère, « Le Théâtre chinois », La Science et les lettres en Orient, Paris, Didier, 1865, p. 271.
209
Signalons que Judith Gautier supprime le « g » du nom de « Pé-Min-Tchong », que l’on trouve intégralement
transcrit dans la traduction de Bazin.
296
l’homme n’est qu’un facteur passif dans la relation amoureuse : c’est une perspective que
reflèteront souvent les créations dramatiques ultérieures de Judith Gautier.
La représentation du Ramier blanc témoigne du goût singulier de Judith Gautier. Selon
une invitée de la soirée210, la salle est décorée de « tentures chinoises, d’un rose doux, avec un
peuple d’oiseaux étranges, vivant dans une floraison miraculeuse ». La musique des « airs
chinois » est interprétée par un ensemble de « flûte, clarinette, hautbois, violoncelle, cymbales
et basson » et accompagnée d’un plain-chant « bien rythmé ». Cette musique « étrange »
d’une « harmonie un peu monotone » est cependant « très gaie ». Les Parisiens et les
personnels de l’ambassade chinoise sont invités à ce « rêve ». En effet, c’est le « vrai Chinois
de l’ambassade qui s’est chargé d’apprendre aux interprètes les belles manières de Pékin ».
De 1880 à 1920, Judith Gautier est toujours une invitée indispensable de toute soirée chinoise
à Paris 211 . Sa réécriture du théâtre chinois, encore peu étudiée jusqu’à aujourd’hui, mérite
notre attention. Aussi, dans le chapitre suivant, continuerons-nous à analyser ses adaptations
du théâtre chinois données à la fin du XIXe siècle.
210
Claude Vento [pseudonyme d’Alice de Laincel], Les Salons de Paris en 1889, Paris, E. Dentu, 3e éd., 1891,
pp. 203-212.
211
Judith Gautier, « Une Fête chinoise chez Pierre Loti », Les Parfums de la pagode, Paris, Eugène Fasquelle,
1919, pp. 141-149.
297
manière erronée et défini faussement « pontife de la religion au Japon »212. Introuvable dans
la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie française (1835), « mikado » se retrouve
dans la septième édition (1878), accompagné de cette définition : « chef spirituel et temporel
du Japon »213. Belloy nous permet d’apercevoir l’entrée du vocabulaire japonais dans une
pièce au sujet chinois. En outre, le contraste entre le directeur-loulou et le dramaturge-mikado
fait de la pièce une satire du monde et des mœurs du théâtre à Paris.
212
Le Grand Robert de la langue française, éditions 2010.
213
Dictionnaire de l’Académie française, septième édition, tome II, Paris, Firmin-Didot, 1878, p. 208.
214
Le premier congrès des orientalistes s’est ouvert dans l’amphithéâtre de la Sorbonne le 1er septembre 1873,
sous la présidence de l’amiral Roze, ancien chef de l’expédition française au Japon et en Corée. Ce congrès se
focalise sur les études japonaises. Voir Sangchel Sin, Présentation des ensembles d’arts asiatiques en France,
XVIIIe-XIXe siècles : Évolution des conceptions muséales, thèse doctorale, Université Paris- Sorbonne, 2007, pp.
234-242.
215
Jean-Jacques Tschudin, « The French Discovery of Traditional Japanese Theatre », in Stanca Scholz-Cionca
et Samuel L. Leiter (dir.), Japanese Theatre and the International Stage, Leiden, Boston & Köln, éd. Brill, 2000,
p. 47.
216
Les premiers articles consacrés au théâtre japonais sont publiés entre 1873 et 1874, dans la Revue des Deux
Mondes. Voir Patrick Beillevaire (dir.), Le Japon en langue française : ouvrages et articles publiés de 1850 à
1945, Paris, éd. Kimé, 1993, p. 57.
217
Christian Biet, « Nous nous connaissons depuis 144 ans », Théâtre/Public : Scènes françaises, scènes
298
L’élément le plus chinois de la pièce se trouve dans le quatrième acte, quand les invités
du mariage se livrent à des divertissements. Les buveurs chantent d’abord, en chinois et en
français, une « chanson chinoise des Amis du vin », composée sur l’air du « Mao-li-hoa ». La
transcription du titre et des paroles nous donnent toutes les raisons de croire qu’il s’agit de la
même chanson que John Barrow avait relevée lors de son séjour en Chine (1792-1794, avec la
mission dirigée par Lord Macartney). En effet, on trouve une mélodie intitulée « Moo-lee-
wha » (« fleurs de jasmin »), notée sur des portées occidentales et figurant dans le sixième
chapitre des Travels in China (publié en 1804, à Londres). Les paroles sont traduites en
anglais et phonétiquement transcrites218. Jean Henri Castéra traduit cet ouvrage de Barrow en
français et le publie en 1805. Le titre de « Moo-lee-wha » est alors changé en « Mou-lie-
ouha »219 . Jusqu’au début du XXe siècle, la mélodie de « Moo-lee-wha » reste connue du
public : Giacomo Puccini l’intègre dans l’opéra de Turandot (1926), bien que ce musicien ne
connaisse pas l’ouvrage de John Barrow220.
japonaises : allers-retours, n° 198 (4e semestre 2010), pp. 21-22. Les trois pièces sont Le Couvent du dragon
vert, La Princesse jaune et Le Retour du Japon (Vaudeville, 1875).
218
John Barrow, Travels in China, [Londres, T. Cadell et W. Davies, 2e éd., 1806] Taipei, Ch’eng-Wen Reprints,
1972, pp. 316-317 [BnF-Tolbiac : 910.95 BARR t B19]. Sur les connaissances qu’avait Barrow de la musique
chinoise, voir Ysia Tchen, La Musique chinoise en France au XVIIIe siècle, Paris, Publications orientalistes en
France, 1975, pp. 220-226.
219
John Barrow, Voyage en Chine, formant le complément du voyage de lord Macartney, traduit de l’anglais par
Jean Henri Castéra, Paris, F. Buisson, an XIII (1805), planche XIX. [BnF-Tolbiac : 4-O2N-71(ATLAS)]
220
William Ashbrook et Harold Powers, Puccini’s Turandot : The End of the Great Tradition, Princeton, New
Jersey, Princeton University Press, 1991, p. 95.
299
1805) Touie tcho sien ouha oul lo. maison ;
Moi le possesseur je ne la porterai
point hors de ma demeure ;
Mais je veux garder la fraîche fleur et
être heureux.
C’est dans cette même scène des buveurs que l’on trouve un autre poème chanté en
français par Tanaka. La musique est improvisée par M. J. Duchâteau221. Même si Léon de
Rosny n’indique pas le titre du poème, les lignes sont à l’évidence tirées de Jiangjinjiu, « la
Chanson à boire ». Celle-ci fut composée par Li Taïpé (ou Li Bai, 701-762), poète médiéval
chinois célèbre pour son inclination pour le vin. En 1862, le marquis d’Hervey Saint-Denys a
déjà publié sa traduction des Poésies de l’époque des Thang, comprenant la « Chanson à
boire » de Li Taïpé. Dans l’anthologie Le Livre de jade (1869), Judith Gautier adapte les
poèmes de Li Taïpé plus librement et les rend populaires.
À la suite des chansons adaptées du chinois, les buveurs continuent en récitant une ode
japonaise. Dans le texte du Couvent du dragon vert, on ne trouve que la transcription
phonétique de cette ode. La traduction de cette ode se retrouve uniquement dans l’anthologie
japonaise de Léon de Rosny222. Si la popularité du poème chinois témoigne d’un héritage qui
peut remonter au XVIIe siècle, les orientalistes du congrès semblent être invités à déchiffrer
un nouveau domaine : le « japonisme ». S’appuyant sur l’image chimérique du « dragon »
chinois, les orientalistes cherchent une passerelle qui les mènerait aux terres de la littérature
japonaise. La greffe du poème chinois dans une pièce japonaise n’est donc pas une simple
confusion, mais un reflet de leur aspiration à une discipline émergeante.
Avec le développement du japonisme, la Chine devient un élément auxiliaire de
certains spectacles japonais. Le Théâtre de la Renaissance monte ainsi, le 18 octobre 1876, un
opéra-comique de William Busnach, Armand Liorat (livret) et Charles Lecocq (musique)
intitulé Kosiki (fig. 5. 33a-b). Cette histoire qui a lieu à Yeddo (ou « Edo », actuel Tokyo) a
221
J. –L. Heugel, « Nouvelles diverses », Le Ménestrel, le 14 septembre 1873.
222
Ibid.
300
peu de rapport avec la Chine, bien que le seigneur Xicoco cite une proposition d’alliance
provenant de l’empereur chinois (Acte III, sc. 8).
V. 6 De l’Exposition au cirque
223
Par exemple, on trouve l’annonce de la visite d’une troupe japonaise dans la rubrique des « Nouvelles » de
L’Entr’acte paru le 18 juillet 1872.
224
X., L’Univers illustré, le 1er août 1874.
225
Voir l’affiche des Folies-Bergère, « Troupe japonaise de Yedo », lithographie en couleurs de J. Chéret, Paris,
Imp. J. Chéret. Dépôt légal, 1875. H. 58 x L. 43 cm. [Bibliothèque-musée de l’Opéra : Affiches. Folie-Bergère.]
226
Philippe Weigel, Les Spectacles dans les récits de voyage de langue française de la deuxième moitié du XIXe
siècle, thèse doctorale, Université Paris-Sorbonne, 1998, pp. 747-748.
301
Chinois. Il ne s’agit pourtant pas des vrais Chinois que nous avons rencontrés dans le chapitre
IV, qui attiraient les spectateurs par leurs acrobaties ou les « couteaux volants ». Nous parlons
ici des Chinois dont l’apparence « anormale » fait de leur présence un « spectacle »227. Parfois,
ce genre d’exhibitions se mêle aux scènes acrobatiques et il ne semble pas facile de distinguer
le « spectacle du Chinois » du « Chinois du spectacle ».
Un exemple en est l’exhibition des « frères siamois » Eng et Chang qui sont d’origine
chinoise. Relevée en France en 1829, leur présence inspire la création d’une folie-vaudeville
intitulé Yo-You, ou les deux frères siamois (Vaudeville, 1830)228. Les frères siamois reviennent
à Paris fin 1835. Les Parisiens, qui ont connu les Chinois de Chao-Kang et du Cheval de
bronze, comparent les deux garçons à ce qu’ils estiment être la « personnalité » chinoise. On
les décrit donc par des jugements tels qu’ « une sagacité vraiment chinoise »229.
Beaucoup de « phénomènes », au sens de l’ « individu anormal », sont exhibés sur
scène au long du XIXe siècle. En juin 1879, par exemple, la programmation du Théâtre
Thomas Holden permet de voir à la fois le « Grand Turc », le « Trancar espagnol », « les
Deux Nègres », « le Squelette magnétique », « les Chinois », etc. 230 Dans la discussion
suivante nous ne traitons que du « nain » et du « géant chinois ».
227
Sur ce sujet, voir : (1) Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire
(dir.), Zoos humains : au temps des exhibitions humaines, [Paris, La Découverte et Syros, 2002,] Paris, La
Découverte, 2004 ; (2) Sylvie Chalaye, « Spectacles, théâtre et colonies », in Pascal Blanchard et Sandrine
Lemaire (dir.), Culture coloniale : la France conquise par son empire, 1871-1931, Paris, éd. Autrement, 2003,
pp. 81-92.
228
Non publié. Manuscrits conservés aux Archives nationales, F18 667.
229
Le Corsaire, le 13 décembre 1835.
230
L’Orchestre, le 1er juin 1879.
231
Auguste Villemot, « Chronique parisienne », Le Figaro, le 7 mai 1854.
232
« Causeries », L’Entr’acte, le 1er mai 1854.
233
D’après Edmond Martin, « On annonce que le prince et la princesse chinoise quittent Paris, le 16 ou le 17 de
302
deviennent les concurrents du spectacle au sujet chinois. En décembre 1858, alors que le
Palais-Royal et les Variétés présentent tous les deux leur « revue de l’année » incluant des
rôles chinois comiques, le Cirque Napoléon présente de vrais Chinois en miniature. Ed. de
Biéville (pseudonyme de Louis Desnoyers) 234 , directeur littéraire du Siècle, signale aux
lecteurs les « Chinois postiches » d’En avant les Chinois !, au Palais-Royal. Quant aux nains
« Ching-Fou-Young » du Cirque Napoléon, ils sont « très bien faits dans leur petite stature »
que « l’on se passe de main en main comme des poupées de cire ». Cette exhibition des nains
est sans doute idéale pour les familles en cette période de fêtes de fin d’année235.
Il arrive que des acrobates européens se déguisent en petits Chinois pour assurer les
divertissements. Ainsi, le Cirque-Napoléon présente, en février 1853, « la voltige des petits
Chinois » des jeunes Léonard236. Entre 1865 et 1866, un dénommé « Leguay » y donne le
numéro de Voltige du petit Chinois237. Quant au Cirque de l’Impératrice (autrement appelé
Cirque des Champs-Élysées, ou Cirque d’été), un « Lehman », un « Fernando » et
probablement un « Montée » donnent régulièrement, de 1863 à 1867, des spectacles sous le
titre des Petits Chinois et des Nains grotesques238.
Le phénomène du nain chinois revisite de temps en temps la scène sous la Troisième
République. La salle Harmonie (au Faubourg Saint-Martin), par exemple, montre elle aussi un
« petit chinois » au public pour la saison d’été239.
ce mois. Ils vont parcourir les diverses cours de l’Europe, et visiteront en passant plusieurs de nos grandes villes,
afin de répondre aux nombreuses invitations qui leur ont été adressées ». Voir « Bourriche », Le Tintamarre, le
19 juillet 1857.
234
Ed. de Biéville, Le Siècle, le 27 décembre 1858.
235
La Presse publie l’annonce de la « grande récréation matinale enfantine », prévue le 2 janvier 1859 et dans
laquelle « les deux nains Ching-Fou-Guong [sic] paraîtront ». Voir La Presse, le 29 et le 31 décembre 1858.
236
Nous nous referons à la coupure de presse conservée à la BnF (BnF-ASP : 8-RO-16612) datant du 13 février
1853, dont la source est inconnue.
237
Bulletin de L’Orchestre, le 26 décembre 1865.
238
Voir les bulletins de L’Orchestre, le 26 septembre 1863 et le 1er août 1867.
239
Bulletin de L’Orchestre, le 18 juin 1874.
240
L’Univers illustré, le 19 octobre 1867.
241
Victor Fournel, Le Vieux Paris : fêtes, jeux et spectacles, [Tour, Alfred Mame et fils, 1887,] Paris, éd. Marcel
Valtat (reproduction), 1979, p. 382.
303
1er mai au 31 octobre. Aux yeux du public, la Chine est devenue le territoire de tous les
phénomènes, le pays qui « a voulu nous ébahir avec ses géants incomparables »242. Toujours à
l’Hippodrome (fig. 5.38), Chang est cette fois-ci montré au public avec un nain de l’Aisne. La
programmation contient des curiosités des quatre coins du monde : pour la matinée on peut
voir les « courses romaines debout sur huit chevaux », l’ « échelle japonaise », l’« épisode
d’un voyage en Afrique, pantomime à grand spectacle », etc. ; pour la soirée on assiste sous «
la lumière électrique » à des numéros divers et à un grand tournoi du Moyen-Âge243. Le géant
Chang, indispensable à la matinée comme à la soirée, rapporte un million de francs de recettes
à l’Hippodrome244.
L’exhibition des géants devient l’un des divertissements les plus populaires en France.
On pourrait même dire que « les géants s’exhibèrent un peu partout »245. Les Folies-Bergère,
salle de revues dansées et de variétés, accueille le géant Chang pendant l’Exposition
universelle de 1889 (fig. 5.39). La taille imposante de Chang continuera longtemps à susciter
l’attention du public. Ce Chinois, qui a parcouru l’Europe avec d’autres « phénomènes »,
s’habille toujours comme un mandarin devant le public. Le géant Chang se présente « à la
chinoise ». Ou, à l’inverse, la célébrité de Chang rend son image représentative du Chinois.
C’est ainsi la présence du géant Chang qui concrétise, ou banalise, le mandarin que l’on a tant
imité sur la scène de théâtre.
242
L’Entr’acte, le 28 juillet 1878.
243
Espaces publicitaires du Figaro, textes parus les 23, 25, 27, 29 juillet, et le 1er août 1878.
244
François Oswald, « Bruits de coulisses », Le Gaulois, le 1er août 1878.
245
Édouard Garnier, Les Nains et les Géants, Paris, Hachette, 1884, p. 324.
304
Napoléon accompagné d’un magicien chinois nommé Sam-Hung. Les « boules de cuivre »246
qu’exécute Ar-Hee doit être le même numéro de jonglerie que celui qu’il pratiquait à la Porte
Saint-Martin (voir chapitre IV). Selon Théophile Gautier 247 , Ar-Hee montre au Cirque
Napoléon une espèce d’ « eau dominée ». Les deux jongleurs, Ar-Hee et Sam-Hung,
exécutent également la « cible vivante ». Gautier n’utilise pas lui-même les termes que nous
employons ici pour désigner les jongleries. Mais, la description qu’il fait des numéros nous
rappelle les spectacles de Yan-Gyn ou de Tuck-Gay donnés quelques années auparavant à la
Porte Saint-Martin et à l’Hippodrome.
Quant aux numéros de magie effectués par Sam-Hung en solo, ils suscitent aussi
l’étonnement du public français. Sam-Hung avale « de l’étoupe enflammée pour cracher des
rubans de couleurs diverses et finir par un canard qui s’ébrouait dans la sciure du manège »248.
Théophile Gautier signale d’ailleurs que le canard craché, vivant, crie le « kouan-kouan le
plus authentique ». La nouveauté de la magie et de la jonglerie chinoises présentées
permettent aux noms d’Ar-Hee et de Sam-Hung de rester à l’affiche jusqu’au mois de mars
1864. On apprécie les « poignards magiques » des « enchanteurs chinois » et l’on regrette que
les soirées du Cirque Napoléon soient « trop courtes »249.
En janvier 1867, un « Arr Hee » et son compagnon « Ah Sam » sont présents à
l’Eldorado (actuel site du Comédia), le café-concert le plus célèbre de l’époque et dirigé par
Lorge depuis 1862. Selon la presse de l’époque, l’Eldorado « attire de plus en plus la curiosité
publique », surtout par « les inimitables artistes chinois, Arr Hee et Ah Sam, dans leurs jeux
nationaux »250. Leurs numéros restent à l’affiche pendant l’Exposition universelle. Grâce à
leurs « jeux extraordinaires usités en Chine », Arr-Hee et Ah Sam « font toujours florès »251 et
« obtiennent toujours les applaudissements »252.
Par ailleurs, le nom d’un autre Chinois, Samong, peut être retrouvé à l’affiche des
Folies-Bergère à partir du mois de septembre 1878253. Il s’agit probablement du même Sam-
Hung, bien que nous ne connaissions pas les détails de la représentation qu’il donne aux
Folies-Bergère.
246
Victor Fournel, op. cit., p. 282.
247
Théophile Gautier, Le Moniteur universel, le 18 janvier 1864.
248
Jacques Garnier, « Habileté, illusion », in Monica J. Renevey (dir.), Le Grand livre du cirque, Genève, Édito-
Service ; [Paris] : [diffusion Guilde du disque], cop. 1977, vol. II, p. 297. Une description similaire est retrouvée
in Henry Thétard, La Merveilleuse histoire du cirque, [Prisma, 1947] Paris, Julliard, 1978, p. 493.
249
Césari, « Cirque Napoléon », La Comédie, le 6 mars 1864.
250
Paul Ferry, « Chronique », La Comédie, le 20 janvier 1867.
251
Fernando, le bulletin et les « Faits divers », L’Orchestre, le 1er avril 1867.
252
Fernando, « Faits divers », L’Orchestre, le 28 avril 1867.
253
Nous nous appuyons sur les bulletins publiés dans L’Orchestre.
305
public parisien 254 . Dans son ouvrage consacré à l’Exposition universelle de 1867, Pierre
Aymar-Bression indique aussi la présence d’un « Chinois qui avalait et rendait tels quels des
œufs frais et des sabres »255. Ce « phénomène » suscite l’attention et la discussion chez les
scientifiques. Dans le salon de l’astronome Camille Flammarion, le docteur Édouard Fournié
effectue des expériences et publie un rapport dans la Gazette des hôpitaux, en juin 1868256.
Selon l’observation du docteur Fournié, ce « gaillard » chinois âgé de 30 ans est « orné de la
tresse traditionnelle » et « présente les plus belles proportions ». Fournié lui fait avaler
d’abord un sabre de 90 centimètres, ensuite un œuf et puis une bouffée de tabac pour qu’il
crache du feu. Comme lors de la représentation sur scène, Ling-Look n’est point blessé.
Ling-Look continue sa carrière à Paris. Son jeu dangereux inspire même la caricature
d’Honoré Daumier comme métaphore de la « paix armée »257. Mais l’on commence à douter
de la vraie identité de Ling-Look. En 1869, Camille Flammarion revoit le spectacle de Ling-
Look. Au regard de la grande taille de Ling-Look, Flammarion se demande si ce « prétendu
Chinois » est originaire de Montmartre ou des Batignolles258.
Les soupçons du public n’empêchent pas la popularité de Ling-Look. Pendant son
voyage en Europe, en 1876, le diplomate chinois Li Shuchang assiste au spectacle d’un
jongleur chinois qui « travaille comme avaleur d’épée et cracheur de feu »259. Ce bref compte-
rendu ne nous permet pas d’identifier cet avaleur chinois, mais il prouve que le spectacle « à
la » Ling-Look est très répandu. En 1877, Ling-Look participe à la tournée mondiale de la
troupe du magicien américain Dean Harry Kellar. Celle-ci voyage jusqu’à Hong Kong et
remporte un grand succès.
Comme Flammarion, les Américains doutent de l’identité de Ling-Look. Selon les
souvenirs du magicien Harry Houdini260, Kellar croyait que Ling-Look était né à Budapest et
que son vrai nom était en fait Dave Gueter. Chinois ou Hongrois, ce Ling-Look, toujours
d’après Kellar, est mort à Hong Kong au cours de la tournée, suite au décès de son frère
Yamadeva.
Curieusement, à partir de 1879, un autre Ling-Look se fait connaître en Angleterre.
Son costume et son maquillage sont totalement identiques à ceux de l’ancien Ling-Look. La
scandaleuse nouvelle est révélée par la presse new-yorkaise et le nouveau Ling-Look ne peut
qu’avouer qu’il est un frère de l’ancien Ling-Look.
254
L’Orchestre, le 1er août 1867.
255
Pierre Aymar-Bression, Histoire générale de l’Exposition universelle de 1867 : les puissances étrangères,
Paris, J. Claye, 1868, p. 404.
256
F. Moigno, « Chronique scientifique de la semaine », publié dans la Gazette des hôpitaux du 20 juin 1868 et
repris dans Les Mondes, mai-août 1868, tome 17, pp. 280-282.
257
Robert Lejeune, Honoré Daumier, adaptation française de Gustave Roud, Lausanne, Éditions Clairefontaine,
1953, p. 167.
258
Camille Flammarion, Mémoires biographiques et philosophiques d’un astronome, Paris, E. Flammarion, 1912,
p. 394.
259
Li Shuchang, Carnet de notes sur l’Occident, traduit du chinois par Shi Kangqiang, Paris, Maison des
sciences de l’homme, 1988, p. 115.
260
Harry Houdini, The Miracle Mongers : An Expose, [publié en 1920,] Charleston (South
Carolina), BiblioBazaar Reproduction Series, 2007, pp. 48-50.
306
L’identité de « Ling-Look » nous reste une énigme. Mais ce qui nous intéresse est
qu’un troisième Ling-Look apparaît, avalant le sabre à l’Hippodrome (situé au Pont de
l’Alma). Selon l’affiche du théâtre, on a la possibilité de voir le spectacle de cet avaleur
chinois jusqu’au 5 novembre 1883 (fig. 5.40). Tête rasée, arborant une tresse et habillé en
Chinois, ce Ling-Look n’oublie pas de mettre ses doigts en l’air. Les œufs et le tabac ont
disparu, tandis qu’un mini-obus est éclaté sur le bout d’un sabre qui perce la bouche de Ling-
Look. Ce spectacle de l’Hippodrome correspond à celui qui était donné à l’Oxford Theatre of
Varieties (Brighton, Angleterre) par un Chinois nommé Ali Ling Look. Celui-ci était pourtant
emprisonné, en 1882, après avoir provoqué une explosion accidentelle dans la salle261.
Dans tous les cas, la jonglerie « à la chinoise » a évolué de manière significative entre
1868 et 1883, grâce aux spectacles donnés par tous les Ling-Looks. En 1901, « la troupe
chinoise de Ling-Look » se rend même à New York262. Sans doute, « Ling-Look » est l’un des
Chinois le plus connus dans le théâtre occidental durant la seconde moitié du siècle.
261
The Brighton Examiner, le 10 janvier 1882.
262
Anonyme, « In the Vaudevilles », The New York Times, le 29 septembre 1901.
263
« Nouvelles », Revue et Gazette musicale de Paris, le 21 février 1858.
264
Lois Rodecape, « Celestial Drama in the Golden Hills : The Chinese Theatre in California, 1849-1869 »,
California Historical Society Quarterly, Vol. 23, No. 2 (juin 1944), p. 108.
265
Paul Greenhalgh, Ephemeral Vistas : The Expositions Universelles, Great Exhibitions and World’s Fairs,
1851-1939, Manchester, Manchester University Press, 1988, pp. 20-21. Notre traduction française.
307
l’Exposition universelle de 1867 et que c’est le sinologue Marquis d’Hervey de Saint-Denys
qui est chargé d’organiser l’exposition donnée au « pavillon chinois ». Ce « pavillon chinois »
est composé d’un théâtre, d’un jardin et d’une maison de thé. Les produits chinois que l’on y
trouve sont importés par les négociants français avec les soutiens consulaires 266 . S’ils ne
provoquent pas autant l’engouement que les produits japonais267, le « spectacle vivant » des
Chinois attire, lui, et sans conteste, l’attention du public.
Le « Théâtre chinois » est inauguré le 4 mai 1867 268 et les visiteurs sont invités à
assister aux représentations donnés dans ce théâtre en plein air, situé derrière le kiosque
chinois (fig. 5.41a-b). La programmation du « Théâtre chinois » est assez variée : on peut non
seulement assister aux « jongleries et [aux] tours de force qui font les frais du spectacle »269,
mais aussi aux « exercices qui ont le plus grand rapport avec ceux du cirque et de
l’hippodrome »270. De plus, il y a « des acteurs chinois jou[ant] la comédie chinoise, au bruit
d’un orchestre chinois, devant des spectateurs assis sur des sièges chinois »271. Une gravure
publiée dans L’Exposition universelle de 1867 illustrée (fig. 5.41c) nous montre ce théâtre
« spacieux », dans lequel paraissent « successivement des troupes de comédiens, des
jongleurs, des musiciens »272.
Un voyageur chinois nommé Wang Tao témoigne du spectacle donné par ses
compatriotes dans ce théâtre chinois. Dans son récit de voyage, Manyou suilu (« Bloc-notes
de la promenade ») 273 , « un Cantonais arrive à Paris avec sa troupe de comédiens. Les
banderoles sont bariolées et les costumes sont luxueux. Le public est épris de leurs
représentations ravissantes. Chaque jour ils remportent des recettes énormes »274.
D’autres spectacles peuvent se retrouver dans le pavillon chinois, mais ils
n’appartiennent pas toujours au même registre. Ainsi, le chroniqueur A. Andreï se plaint qu’il
n’y a « pas de drame » au pavillon chinois après avoir vu le spectacle de trois Chinois – à
savoir Ay-Naï, Ay Bchoé et A-Sam – accompagnés « des saltimbanques américains paradant
aux accords d’une symphonie d’Haydn »275. Le journaliste-dramaturge Albert Wolff, quant à
lui, indique sur la première page du Figaro que ces trois Chinois « restèrent immobiles des
266
Édouard Vasseur, L’Exposition universelle de 1867 à Paris : aperçu d’un phénomène de mode français au
XIXe siècle, thèse doctorale, Université Paris-Sorbonne, 2005, p. 380.
267
P. Duchesne de Bellecour, « La Chine et le Japon à l’Exposition universelle », Revue des Deux Mondes, 1867,
t. LXX, pp. 710-743.
268
« Nouvelle », L’Entr’acte, le 6 mai 1867.
269
P. Duchesne de Bellecour, Ibid., p. 714.
270
Hippolyte Gautier, Les Curiosités de l’Exposition universelle de 1867, Paris, Ch. Delagrave, 1867, p. 22.
271
René, « La Chine et les Chinoises à l’Exposition », La Semaine des familles, n° 33 du 18 mai 1867, figurant
dans le tome 1866-1867, Paris, Lecoffre fils, 1867, p. 515.
272
Raoul Ferrère, « Le Jardin chinois à l’Exposition », L’Exposition universelle de 1867 illustrée, la 9e livraison,
le 22 mai 1867.
273
Wang Tao (1828-1897), chroniqueur et traducteur chinois. Pendant son séjour à Hong Kong de 1860 à 1862,
Wang fait la connaissance du sinologue James Legge, alors directeur de l’Anglo-Chinese College. En 1867,
Legge retourne en Écosse et il invite Wang à venir en Europe. Le récit de voyage de Wang Tao est publié en
1890, à Shanghai. Certains passages sont traduits en anglais par Ian Chapman, in « Selections from Jottings from
Carefree Travels », Renditions, n° 53/54, « Chinese Impressions of the West », 2000, pp. 164-173.
274
Wang Tao, Manyou suilu, Pékin, Social Sciences Academic Press, 2007, p. 73. Notre traduction française.
275
A. Andrëi, « Théâtre chinois (exposition universelle) », La Comédie, le 12 mai 1867.
308
deux côtés de la scène, tandis que plusieurs acrobates des deux sexes s’élançaient dans l’arène
»276. En outre, une vingtaine de « braves Français en redingote ou en paletot » exécutent tous
les jours un « concert chinois » composé de dix airs portant des titres chinois. Selon le
témoignage et l’analyse d’Oscar Comettant, ces airs d’origine chinoise sont arrangés par le
musicien L. Haenel de Cronentall et interprétés par des instruments occidentaux. De fait, en
raison de cet arrangement à l’occidentale et de la sonorité produite par les instruments,
quelques uns de ces airs rappellent, curieusement, l’œuvre « chinoise » d’Offenbach277.
Le 13 octobre 1872, une autre troupe chinoise « Mo-Gul-Tar-Tar » dont le nom est
d’une authenticité « peu vraisemblable » 278 , remporte un véritable succès au Théâtre du
Château-d’Eau. D’après François Oswald279, cette troupe arrive d’Italie et son directeur est un
Chinois nommé Arrhi. Celui-ci nous fait évidemment penser à Ar-Hee, qui a cédé sa troupe à
une troupe japonaise nommé Torikata, en 1867.
Le dramaturge Cogniard assiste également à la représentation de « Mo-Gul-Tar-Tar ».
Le fils d’Arrhi, qui exécute des numéros gymnastiques sur le trapèze, impressionne beaucoup
Cogniard. Grâce à sa mère anglaise et à leur vie nomade en Europe, ce fils d’Arrhi,
multilingue, peut même répondre à Cogniard en français teinté d’un accent parisien. La troupe
ne reste pas longtemps malgré « un si grand succès » 280 . Ces Chinois – ou plutôt sino-
anglais – quittent Paris pour Londres à la fin du mois d’octobre de la même année.
De 1854 à 1872, les troupes chinoises assurent toujours le succès de l’affiche.
Cependant, si, dans les années 1850, le public parisien était soucieux de l’authenticité du
Chinois, il s’amuse maintenant de la fusion « interculturelle ». Le terme « Chinois », en tant
que nouveauté, ne semble plus assez attractif. C’est peut-être pourquoi la troupe chinoise du
Château-d’Eau se nomme « mongol-tartare ».
276
Albert Wolff, « Gazette de Paris », Le Figaro, le 13 mai 1867.
277
Oscar Comettant, La Musique, les musiciens, et les instruments de musique chez les différents peuples du
monde, Paris, Michel Lévy frères, 1869, pp. 260-261. Oscar Comettant donne une brève présentation de chaque
air. L’ « œuvre chinoise » d’Offenbach désigne sans doute Ba-ta-clan (1855).
278
Anonyme, « Théâtres », Le Tintamarre, le 20 octobre 1872.
279
François Oswald, « Bruits des coulisses », Le Gaulois, le 18 octobre 1872.
280
« Nouvelles », L’Entr’acte, le 19 octobre 1872 ; Le Constitutionnel, le 19 octobre 1872.
281
« Théâtres-Concerts », Le Siècle, le 30 septembre 1874.
309
V. 6. (4). (b) Ismaïloff en Chine : un spectacle d’après l’Histoire sino-russe
Parmi les spectacles donnés au cirque, une « pantomime équestre à grand spectacle »
mérite notre attention : Ismaïloff en Chine. Écrite par un M. Wulf (dont le prénom nous est
inconnu), cette pièce est présentée à partir du 23 juillet 1879, à l’Hippodrome au Pont de
l’Alma 282.
Examinons d’abord le rôle que joue le vrai Ismaïloff dans l’Histoire de la relation
sino-russe. Ismaïloff fut un ambassadeur de Pierre le Grand, envoyé en Chine en 1719 afin de
signer des accords concernant le commerce, les affaires diplomatiques et le droit de construire
à Pékin une église Orthodoxe. La délégation russe fut bien accueillie à Pékin mais ses
propositions furent refusées par l’empereur Kangxi. Catherine 1re envoya une nouvelle
délégation en 1725, dirigée par Sava Vladislavich, dans le but de régler les conflits frontaliers
en Mongolie extérieure. Arrivée à Pékin en 1726, cette délégation signa le traité de Kiakhta
avec le gouvernement chinois en 1727, traité concernant principalement les relations
commerciales et les immunités diplomatiques. Ce traité mit également fin à des polémiques
frontalières qui remontaient à la fin du XVIIe siècle, quand les menaces des Dzoungars
avaient été secrètement soutenues par la Russie.
En fait, les demandes des deux délégations ne suscitèrent pas de conflit sino-russe.
Pendant le séjour d’Ismaïloff à Pékin, la délégation fut même invitée à un spectacle de feux
d’artifice. Le médecin attaché Bell décrit en détails ce spectacle si « ravissant », accompli par
« mille lanternes » grâce à l’habileté de l’artiste et la machinerie283.
En 1858, au cours de la Seconde Guerre de l’Opium, l’armée russe entre en
Mandchourie sous le prétexte de soutenir la Chine contre l’alliance anglo-française. Mais
suite à la menace militaire russe, Yishan – le général de la région – finit par signer le traité
d’Aigun avec le représentant russe Nikolaï Mouraviov, ceci malgré le désaccord du
gouvernement chinois. La Chine cède alors à la Russie un grand territoire septentrional, ce qui
permet à cette dernière d’accéder à l’Océan Pacifique.
282
Dit le « troisième Hippodrome », inauguré en 1877 et fermé en 1892.
283
« Relation de Bell », cité par John Barrow, Voyage en Chine, tome 3. Voir aussi Abbé Jean-Baptiste Grosier,
De la Chine, ou description générale de cet empire, [publiée pour la première fois en 1785] Paris, Pillet Aîné et
Arthus Bertrand, 3e éd., tome 7, 1820, pp. 210-211.
284
Armand Ruber, Le Voltaire, le 26 juillet 1879.
285
L’Entr’acte, le 23 juillet 1879 ; François Oswald, « Bruits de coulisses », Le Gaulois, le 24 juillet 1879.
310
Rémy, Isamaïloff en Chine est censée faire référence à la guerre de 1725286. Selon les faits
historiques que nous avons rappelés plus haut, Ismaïloff se rendit en Chine en 1720 et aucune
guerre sino-russe n’éclata entre 1721 et 1725.
Notre connaissance de l’intrigue du spectacle s’appuie sur le bulletin publié dans
L’Orchestre. Selon ce quotidien : « La scène se passe à Argounskoï (Chine), en 1720. Pierre le
Grand, à cette époque, envoya en Chine une mission, appuyée par une armée commandée par
le général Ismaïloff, dans le but d’établir avec les Chinois des relations commerciales. – Cette
mission aboutit à un traité avec le prince Kang-Hi, et de grandes fêtes eurent lieu à l’occasion
de la signature du traité »287. L’auteur de cet article a peut-être une vague idée de l’Histoire
chinoise. Le nom d’Argounskoï, quant à lui, semble s’inspirer de la ville d’Aigun.
Ce même quotidien publie également un scénario que nous ne retrouvons pas ailleurs.
Il existe pourtant une rupture évidente au niveau des intrigues, entre le bulletin cité plus haut
et le scénario que nous relevons ci-dessous.
286
Nicole Wild et Tristan Rémy, « Ismaïloff en Chine (n° 122) », Catalogues de la Bibliothèque de l’Opéra : Le
Cirque, iconographie, Paris, BnF, 1969.
287
L’Orchestre, le 24 juillet 1879.
288
L’Orchestre, le 25 juillet 1879.
289
François Oswald, « Bruits de coulisses », Le Gaulois, le 24 juillet 1879.
290
Armand Ruber, Le Voltaire, le 26 juillet 1879.
311
attaques des ours sont trop loin de l’Histoire sino-russe elle-même et la scène de l’idolâtrie
chinoise rappelle le culte bouddhiste d’une manière à la fois exotique et grotesque. La
remarque du Monde illustré résume discrètement la rupture entre le titre d’ « une donnée
historique des plus sérieuses » et le contenu du spectacle : « on voit rarement une pantomime
qui fut inspirée par un sujet plus historique et plus grave, et cependant […] le spectacle est
très amusant et très varié »291. Amusant, parce que la signature du traité est le résultat d’un
cache-cache à l’intérieur de l’idole. Varié, parce que la fantaisie orientale des chars et des
chevaux se termine par deux belles : Ismaïloff et le prince Kang-Hi sont respectivement joués
par Mme Lawrence et Mme de Corby. Celle-ci, dont la pose est « souple, hardie, gracieuse et
sûre », remplit « avec maestria » le rôle du Chinois292.
Le créateur de l’affiche ne tend pas non plus à traiter les données « les plus sérieuses »
(fig. 5.42). Mis à part quelques clochettes, lanternes et la décoration de thème chinois qui sont
assez anodines, on voit très peu d’objets typiques ou les traits du personnage chinois. L’intérêt
du spectacle s’inscrit évidemment dans les 150 chevaux. En ce qui concerne le texte de
l’affiche, c’est l’école de Mlle Elisa et non l’Histoire chinoise qui s’empare du regard du
public.
Au contraire, Le Monde illustré publie une gravure qui s’inspire de l’épisode « Le
prince Kang-Hi et le général Ismaïloff se serrent les mains en signe de paix » (fig. 5.43). La
pagode très haute souligne la « couleur locale » chinoise. L’illustrateur se focalise sur la paix
et l’amitié établies entre la Chine et la Russie. Le choix de cette « scène de l’amitié » est
symbolique si l’on tient compte de l’actualité franco-chinoise. En effet, depuis la fin de la
Seconde Guerre de l’Opium, le conflit franco-chinois se déplace vers le Vietnam. En 1874, le
deuxième traité de Saigon ouvre le fleuve Rouge (situé au nord du Vietnam et passant par
Hanoï) à la libre circulation. La paix ne dure pourtant pas. Les « Pavillons Noirs », qui sont
soutenus par le gouvernement chinois, ne cessent de menacer les Français au Vietnam. La
guerre franco-chinoise éclate finalement en 1881.
Certains spectateurs associent la représentation d’Ismaïloff en Chine à la « vogue
orientale » issue de l’Exposition universelle de 1878293. Mais, comme nous l’avons examiné
auparavant, le goût japonais devient le concurrent du goût chinois. Ainsi, l’Opéra Garnier,
inauguré en 1875, créé le 19 janvier 1879 une « légende japonaise » intitulée Yedda. Alors que
l’Hippodrome présente Ismaïloff en Chine, en juillet de l’année même, Yedda reste toujours à
l’affiche de l’Opéra. À partir des années 1880, la « Chine » dans le théâtre français
s’entremêle avec le japonisme et le style colonial de l’Indochine. La chinoiserie de la pagode
et de la clochette ne disparaît pas, mais elle est rejointe sur la scène par le samouraï et les
« petits Tonkinois ».
291
Em. D., Le Monde illustré, n° 1167 du 9 août 1879.
292
L’Orchestre, le 23 juillet 1879.
293
Anonyme, Le Voltaire, le 7 août 1879.
312
Conclusion :
Nous avons commencé ce chapitre par la guerre sino-anglo-française et nous le
terminons par une affaire diplomatique sino-russe. La première a radicalement changé la
relation franco-chinoise et entièrement ouvert la porte vers l’Empire du Milieu. La seconde,
quant à elle, rappelle la nature temporaire et fragile d’une paix qui remonte au XVIIIe siècle,
époque où la Chine était un empire céleste. De 1861 à 1880, c’est-à-dire entre la Seconde
Guerre de l’Opium et la guerre franco-chinoise au Vietnam, un sentiment paradoxal s’impose
dans le théâtre. On cherche à pénétrer la scène quotidienne chinoise mais l’idée du « voyage
en Chine » fait de la Chine une destination impossible. On tente de dévoiler la Chine de
l’époque, en ayant recours à l’évocation de la Chine ancienne. D’une part, nous trouvons le
grand spectacle fondé sur l’idée d’un empire en déclin et, de l’autre, un bibelot littéraire qui
mélange la chinoiserie et le marivaudage. On se moque des clichés chinois et on ne cesse de
réinventer le sujet chinois. Certains dramaturges répètent les plaisanteries sur les nourritures
et les mœurs chinoises, alors que les autres essaient d’épuiser le répertoire chinois. Si, pour le
moment, Verlaine échoue dans son adaptation et si Judith Gautier représente la sienne dans un
salon privé, c’est vers la fin du siècle que nous connaîtrons le fruit de leurs initiatives.
Les « vrais » Chinois participent à formuler l’idée de la « Chine » dans le théâtre
français. De l’Exposition universelle au foyer des Gautier, les Chinois se font objets de
curiosité autant sur la scène que dans la vie. On diffuse et on fait circuler dans la presse les
images des Chinois authentiques, et, au même moment, les photographies des « faux »
Chinois impressionnent les spectateurs. Les acrobates chinois partagent l’affiche avec les
acrobates français qui s’habillent en Chinois, et des magiciens tissent leur réputation en
revêtant le profil du Chinois. Ces « faux » Chinois voyagent comme les vrais Chinois. On
s’amuse des jongleries effectuées par les Chinois et l’on applaudit les avatars de Fleur-de-thé
dans toute l’Europe et jusqu’au Nouveau monde.
À partir de la Troisième République, la Chine dans le théâtre français connaît le
courant du japonisme. Dans « Chine et Japon » (Le Gaulois, le 3 décembre 1880), Guy de
Maupassant compare les spectacles des deux pays. « Le Japon est à la mode », dit Maupassant,
tandis que « la Chine est le mystère du monde ». Cette nouvelle mode japonaise ne nous
étonne pas, puisque la France n’a découvert le Japon qu’au milieu du XIXe siècle. Mais
pourquoi ce mystère chinois, puisque la Chine est un sujet récurrent depuis l’époque des
Comédiens-Italiens ? La Chine n’est peut-être plus à la mode mais sa présence est bel et bien
établie dans l’imaginaire et dans l’inspiration dramatique. Plus on essaie de la déchiffrer, plus
on se confond. Durant les vingt dernières années du siècle, les dramaturges reprennent les
recherches sinologiques et cherchent la réponse à leurs questions dans le théâtre chinois.
313
Chapitre VI – L’Empire s’effondre :
De l’expédition coloniale au péril jaune (1881 – 1905)
C’est de 1881 à 1885 que la France et la Chine connaissent leur période de relation la
plus tendue depuis le début du XIXe siècle. La France affronte directement la Chine sur les
champs de bataille au Vietnam. Ce chapitre prend cette problématique comme point de départ.
La guerre au Vietnam étant dépourvue de prétexte religieux, à la différence de la Seconde
Guerre de l’Opium, ce sont les explorateurs en Extrême-Orient qui deviennent les martyrs.
Dans les pièces relatives aux deux guerres de l’Opium, les dramaturges avaient créé les
personnages des Anglais envahisseurs et des Français libérateurs. Ce conflit militaire
vietnamien leur permet à nouveau de répartir les rôles selon cet antagonisme. Dans la
première partie de ce chapitre, nous allons analyser les pièces inspirées – parfois très
librement – de la guerre du Vietnam.
Au lendemain de cette guerre franco-chinoise au Vietnam, l’Indochine, désormais sous
la souveraineté de la France, devient l’ « Extrême-Orient » le plus accessible sinon le plus
connu des contemporains. En 1900, l’École française d’Extrême-Orient est créée suite aux
demandes des orientalistes et du gouvernement de l’Indochine. Le siège de l’École est installé
à Hanoï, en 1902, en vue d’encourager le séjour des chercheurs en Asie. L’image chinoise au
théâtre évolue avec cette nouvelle conception de l’Extrême-Orient.
En relation avec les paramètres du champ de recherches scientifiques, l’intérêt des
lettrés français pour la Chine se focalise sur la période ancienne. Les créations dramatiques
qui font écho à cette tendance littéraire constituent la deuxième partie de ce chapitre. D’Émile
Guimet à Georges Clemenceau, la Chine redevient sous leur plume un sujet historique,
philosophique et allégorique. Paul Claudel, consul français en Chine, lui aussi, tente
d’évoquer l’esprit philosophique chinois à travers la (re)mise en lumière des œuvres de
missionnaires jésuites du XVIIIe siècle. Des diplomates aux lettrés, les intellectuels chinois et
français de l’époque cherchent à manifester le rayonnement de la littérature et du théâtre des
Chinois. On redécouvre les anciens répertoires et l’on épuise les sources diverses. Sur la scène
de salle officielle comme au théâtre expérimental, les pièces chinoises sont ainsi revisitées,
adaptées et représentées.
La discussion sur la conjugaison du japonisme et de la chinoiserie constitue le sujet de
notre discussion suivante. En fait, le japonisme ne cesse de prendre de l’importance dans le
théâtre. Pierre Loti publie son roman Madame Chrysanthème (1887) qui préfigure Madame
Butterfly (1904), opéra de Giacomo Puccini. Judith Gautier, qui a essayé d’adapter la comédie
chinoise, est également fascinée par l’esthétique japonaise. Elle épuise les pièces chinoises
que traduisaient les sinologues, les rajeunit voire les fait « japoniser » par les intrigues de
suicide, l’esthétique mélancolique et unique des Japonais.
La dernière partie de ce chapitre est consacrée aux pièces relatives au terme « péril
jaune ». Bien que marquant la « renaissance » du goût chinois et la recherche de la mode
314
japonaise, la fin du XIXe siècle est aussi l'époque de l’émergence d’un Extrême-Orient
diabolisé dans le discours occidental. D’une part, des Occidentaux en Chine subissent le siège
des cinquante-cinq jours suite à l’insurrection des « Boxers » en 1900. D’autre part, la flotte
russe est complètement défaite par les Japonais dans la guerre russo-japonaise (1904-1905).
Sur la scène internationale, le Japon côtoie désormais les grandes puissances, alors que la
Chine connaîtra bientôt la fin de la monarchie. Sur la scène du théâtre, la représentation de la
Chine décorative et acrobatique n’est pas évacuée, mais elle est concomitante de l'apparition
d'une nouvelle menace potentielle.
1
Henri Gourdon, L’Indochine, Paris, Larousse, 1931, pp. 99-103.
2
P. Cultru, Histoire de la Cochinchine française, des origines à 1883, Paris, A. Challamel, 1910, pp. 24-28.
3
Charles Gosselin, Empire d’Annam, préface de Pierre Baudin, Paris, Perrin, 1904, pp. 498-501.
315
quand la latinisation de l’écriture obtint le statut officiel4. Lorsque le costume, l’architecture et
les usages vietnamiens sont introduits en France vers la fin du XIXe siècle, l’imagination
« indochinoise » est indissociable du style « chinois ».
4
La latinisation de la langue vietnamienne (appelée « quốc ngữ ») fut créée en 1651 par le missionnaire jésuite
Alexandre de Rhodes.
5
Pour la chronique des événements relatifs à l’expansion française au Vietnam, nous avons consulté
Encyclopædia Universalis (édition électronique, accessible via le service Virtuose de la Bibliothèque de
l’Université Paris III), et notamment les articles : Jean Garrigues, « FERRY Jules » ; E.U., « GARNIER
Francis » ; Philippe Devillers (dir.), « Vietnam ».
6
Plusieurs orthographes sont appliquées au nom de ce mandarin chinois. Nous employons celle qu’utilise le
Ministère des Affaires Etrangères de l’époque.
316
lieu à des négociations dans la ville de Shanghai entre le représentant chinois Zeng Guoquan
et l’ambassadeur français Jules Patenôtre. Mais les discussions n’aboutissent pas et la guerre
éclate à nouveau. La marine française, sous le commandement du vice-amiral Amédée
Courbet, s’empare des îles de Formose et Pescadores entre 1884 et 1885.
Le coup de théâtre se produit à la bataille de Bang Bo (citadelle située au nord de Lạng
Sơn). Les Pavillons Noirs, alors dirigés par Feng Zicai, attaquent les Français avec succès, ce
qui aboutit à la « retraite de Lạng Sơn » le 29 mars 1885. L’évacuation des troupes françaises
ainsi défaites provoque une grande manifestation populaire devant la Chambre des Députés, à
Paris. Le gouvernement de Jules Ferry se démet de ses fonctions le 30 mars 1885.
La Chine n’est pourtant pas gagnante. Par l’intermédiaire de la Grande-Bretagne, Li-
Hong-Chang signe le traité de Tien-tsin le 9 juin 1885 avec Jules Patenôtre : la France se
retire de Formose tandis que la Chine cède à la France le protectorat du Vietnam7. La boucle
est bouclée.
7
Pour le contenu du traité, nous avons consulté le Ministère des Affaires Etrangères, Documents diplomatiques :
Affaires de Chine et du Tonkin, 1884-1885, Paris, Imprimerie nationale, 1885, pp. 283-286.
8
Les Taipings, dont le chef Hong Xiuquan proclame être le frère de Jésus Christ, établissent un royaume à
Nankin de 1853 à 1864. Tin-Tun-Ling, « le Chinois de Théophile Gautier » (voir chapitre V), prétend qu’il est un
membre des Taipings.
9
Nous avons consulté Charles-Édouard Hocquard, Une Campagne au Tonkin, Paris, Hachette, 1892, pp. 313-
314 ; Jean Dupuis, Les Origines de la question du Ton-Kin, Paris, A. Challamel, 1896, pp. 95-98.
10
Georges Boudarel, « Pavillons noirs », Encyclopædia Universalis, édition électronique, accessible via le
service « Virtuose » de la Bibliothèque de l’Université Paris III.
317
considèrent souvent comme la force contre l’invasion de l’impérialisme 11 . En effet, Liu
Yongfu sera à nouveau convoqué par le gouvernement chinois en 1894, au sujet de la défense
de l’île de Formose lors de la guerre sino-japonaise. Aux yeux du public français du XIXe
siècle, le plus effrayant est la personnalité farouche et cruelle de Liu Yongfu : Francis Garnier
fut décapité et Henri Rivière ne parvint jamais à s’échapper de la prison des Pavillons Noirs,
malgré ses multiples tentatives. La bataille de Lạng Sơn donne aux Pavillons Noirs une image
encore plus mystérieuse. Pourtant, si l’on se base uniquement sur le nombre de morts dans
cette bataille, les Pavillons Noirs (1 500 morts) ne sont pas vraiment invincibles face aux
soldats français (74 morts).
L’image du Chinois évolue avec l’apparition des Pavillons Noirs. Les anciens fumeurs
d’opium deviennent des soldats courageux. Dans les écrits populaires français, on répète et
diffuse un discours qui présente les Chinois comme étant rusés, intrépides et « mystérieux ».
Même Pierre Zaccone, l’auteur des Odalisques de Ka-Ka-O (Délassements-Comiques, 1858),
publie entre 1883 et 1884 un roman intitulé Les Mystères de la Chine, dont le prologue est
consacré aux « Pavillons Noirs ». Les éditeurs soulignent la férocité de ces « écumeurs » qui
ont acquis une « célébrité sinistre » en raison des « meurtres, massacres, viols, incendies,
enlèvements de femmes, rapts d’enfants : tous les crimes et tous les forfaits sont les jeux
cruels de ces bandes de pillards et d’assassins »12. L’affiche illustrée par Léon Choubrac (fig.
6.01a) et d’autres publications (fig. 6.01b) traduisent ce même état d’esprit.
Nous allons à présent analyser trois pièces de théâtre dont le sujet porte sur la guerre
franco-chinoise au Vietnam : Les Pavillons Noirs (Batignolles, le 22 décembre 1883), Les
Français au Tonkin (Château-d’Eau, le 9 février 1885) et les Épisodes de la Guerre au Tonkin
(Cirque Fernando, le 28 mars 1885). La création de chaque pièce marque une étape de
l’Histoire : la déclaration de la guerre, l’apogée de la guerre et la retraite de Lạng Sơn.
11
Kuo Ting-yee, Jindai Zhongguo Shigang (« Les Annales de l’histoire moderne chinoise »), Hong Kong, The
Chinese University of Hong Kong, 1979, pp. 229-231.
12
Pierre Zaccone, Les Mystères de la Chine, Paris, A. Fayard, 1883-1884.
13
Le Constitutionnel, le 26 décembre 1883.
318
au moment de l’assassinat de Rivière dont nous avons parlé plus haut. Le dramaturge G.
Champagne signe la mise en scène et joue le personnage d’un dénommé prince Yvan. À
travers les paroles de celui-ci, les spectateurs apprennent les faits se déroulant au Tonkin, la
composition du groupe des Pavillons Noirs et la raison d’être de la guerre. Le personnage du
« commandant Ribière » désigne sans doute Henri Rivière.
Le résumé de la pièce que nous faisons ci-dessus se focalise sur les actions et les
aventures des personnages. Pourtant, à la lecture des dialogues, ce qui s’impose est la
319
description des actualités. Au long de la pièce, non seulement le prince Yvan mais aussi Yang-
Ho lui-même racontent exhaustivement aux spectateurs-interlocuteurs les faits historiques et
politiques portant sur les Pavillons Noirs. De Paris au Tonkin, les personnages s’interrogent
régulièrement sur l’actualité en Extrême-Orient. Grâce à ses connaissances érudites, le
dramaturge répond pédagogiquement à leurs questions, qui sont également celles des
spectateurs. De la mort de Garnier jusqu’à l’allié que représentent les Pavillons Jaunes, Les
Pavillons Noirs constitue un retour sur les affaires au Tonkin surchargé d’informations.
« Suffisamment bien écrite », résume la Revue et Gazette des théâtres, cette pièce « n’est
certes pas un chef-d’œuvre »14.
L’intrigue des Pavillons Noirs raconte le triomphe de la France et de ses alliés. Le
véritable résultat de la guerre est pourtant imprévisible. Le dramaturge-critique Arthur
Verneuil considère ainsi que cette adaptation de l’actualité au Tonkin est « délicate » voire
« dangereuse », parce que « le dénouement sanglant […] ne nous est pas encore connu »15. Si
ce que Verneuil évoque est le « dénouement » de la guerre franco-chinoise au Vietnam, on
peut retrouver dans la publication un autre « dénouement ». Et c’est peut-être sur lui que porte
la remarque de Verneuil. D’après le « dénouement coupé par la censure » : avant qu’on ne
clame « Vive la France » à la fin du spectacle, Georges doit proposer au prince Yvan qu’ils se
revoient en France. Cette politesse qui semble ordinaire se complique néanmoins par la
réponse du prince Yvan : « […] peut-être avant nous reverrons-nous ailleurs. […] Sur les
champs de bataille ; mais en Europe, cette fois… et pour une guerre que tous les vôtres
redoutent et désirent à la fois ! »
La réponse du prince Yvan est inquiétante. Où se reverront la France et la Russie ? Et
pour quoi faire ? Puisque le chef des Pavillons Noirs peut se déguiser en baron et assister aux
rencontres du « Tout-Paris », on s’interroge sur la vraie intention du prince Yvan : c’est lui qui
a introduit le baron Yang-Ho dans le cercle de Georges, mais c’est également lui qui dirige
l’alliance des Français et des Pavillons Jaunes. Qu’est-ce que cherche la Russie ? En fait, la
Russie, l’Autriche et l’Allemagne ont signé en 1881 un nouveau traité des « trois empereurs »
(renouvelé en 1884 et 1887), dans le cadre de l’entente signée en 1871. Celle-ci était l’œuvre
du chancelier prussien Bismarck, qui tentait d’isoler diplomatiquement la France. Si le
dénouement de la guerre au Tonkin est susceptible de s’avérer « dangereux » et « sanglant »,
la présence et l’intervention de la Russie sur la scène internationale ne sont pas moins
délicates. L’alliance du prince Yvan avec la France ne semble pas sincère ; sous le signe de
l’amitié russe se cache une motivation contestable.
Certes, les spectateurs du théâtre n’ont pas la possibilité de voir sur scène le passage
supprimé par la censure. Pour eux, la représentation des Pavillons Noirs est une « mise en
scène » de l’actualité du Tonkin qu’on lit tous les jours dans les grands quotidiens. Compte
tenu de la date de la représentation, le grand spectacle convient à la scène de la fin d’année.
En effet, la pièce ne reste à l’affiche que jusqu’au 2 janvier 1884. C’est un drame qui dépend
trop des faits et qui se trouve rapidement dépassé par l’évolution de la guerre et de l’actualité.
14
Anonyme, Revue et Gazette des théâtres, le 30 décembre 1883.
15
Arthur Verneuil, L’Orchestre, le 1er janvier 1884.
320
VI. 1. (2). (b) Le Chinois scélérat : des Pavillons Noirs aux anarchistes
Une raison décisive de l’expédition des Français au Tonkin est l’enlèvement de
Germaine. Ce genre d’enlèvement peut pourtant constituer un sujet comique : au cours de la
Seconde Guerre de l’Opium, les spectateurs du théâtre ont connu l’enlèvement des
Odalisques de Ka-Ka-O (Délassements-Comiques, 1858). Mais si les Pavillons Noirs opèrent
un enlèvement encore plus effrayant que celui qu’ordonne Ka-Ka-O, c’est parce que les
Pavillons Noirs ne sont pas simplement une figure fictionnelle et ridicule. Ils sont des
« bandits » réels qui maitrisent la « fausseté habituelle » et les « paroles dorées » (Tableau i,
sc. 10). « Yang-Ho », pseudonyme du soi-disant baron, est le nom du chef des Pavillons Noirs,
à savoir Liu Yongfu, ou « Yen-fou » dans la transcription de G. Champagne. Pour les
spectateurs qui ne sont pas du tout ignorants des actualités, l’identité de Yang-Ho ne porte
aucun doute. Et surtout, l’on apprend que le prince Yvan a rencontré ce baron « à Lao-Kai, sur
les bords du fleuve Rouge, au quartier général des Pavillons Noirs ». Du journal à la scène, la
menace est omniprésente. Le dramaturge exagère la mobilité de Yang-Ho afin de lui donner
une image encore plus insaisissable et mystérieuse : le prince Yvan l’a retrouvé au Tonkin, Sir
Patrik l’a rencontré en Égypte et on le voit à Paris (Tableau i, sc. 2).
En outre, si le nom des Pavillons Noirs fait référence aux pirates qui n’ont pas de
territoire fixé, toutes les caractéristiques des Pavillons Noirs peuvent, elles aussi, s’appliquer
aux anarchistes. D’après Yvan, les Pavillons Noirs « viv[ent] à l’aventure, sans loi ni maître »,
comme « les gens sans patrie » ; il faut toujours se défier d’eux, « lorsque vous serez dans le
pays, tenez-vous sans cesse sur vos gardes ». Car, « ce n’est plus la guerre franche et loyale »
mais « les guet-apens, les surprises » (Tableau i, sc. 3). Ces gens « sans patrie » nous
rappellent la Première Internationale (1864-1872), la Commune de Paris (1871) et d’autres
courants de l’anarchisme qui sont actifs pendant la seconde moitié du XIXe siècle. Signalons
que le poète Eugène Pottier, auteur de L’Internationale (1871), y proclame que « c’est nous le
droit, c’est nous le nombre ». Vers 1880, « avec le retour des proscrits de la Commune, la
France redevint un des centres du mouvement ouvrier international »16 . Le Drapeau Noir,
publication anarchiste, paraît en 188317. Lorsque Georges s’inquiète du nombre des Pavillons
Noirs (Tableau i, sc. 10), ce qui préoccupe le dramaturge est en fait le nombre des anarchistes.
Il ne cesse de répéter la valeur de l’honnêteté et le respect de la loi (Tableau iv, sc. 9). La
menace des Pavillons Noirs s’avère une métaphore de celle des anarchistes.
Le thème de l’anarchiste rappelle un autre objectif que poursuit l’État français de
l’époque : la laïcité. En fait, la loi relative à l’obligation et à la laïcité de l’enseignement est
votée en 1882, quand Jules Ferry est ministre de l’Instruction publique18. Le 17 novembre
1883, Jules Ferry adresse une lettre aux instituteurs, dans laquelle il signale que « l’instruction
16
Henri Arvon (dir.), « Anarchisme », Encyclopædia Universalis, édition électronique, accessible via le service
« Virtuose » de la Bibliothèque de l’Université Paris III.
17
Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France (I) : des origines à 1914, Paris, Gallimard,
collection « Tel », 1975, p. 206.
18
Le « Ministère de l’Instruction publique » était créé en 1828. En 1932, il est rebaptisé le « Ministère de
l’Éducation nationale ».
321
religieuse appartient aux familles et à l’Église, l’instruction morale à l’école ». Son
objet : « séparer l’école de l’Église », « assurer la liberté de conscience et des maîtres et des
élèves » et « distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus » 19 . Face à la
demande de la laïcité, le dramaturge G. Champagne exprime son opinion. Pour lui, l’action au
Tonkin est une nouvelle croisade. Les filles chrétiennes sont enlevées par les anarchistes-
athéistes ; la guerre de la libération a pour but de servir « la foi chrétienne et l’espoir en
Dieu » (Tableau iv, sc. 7). Cependant, si la mission chrétienne fait penser à la gloire
chrétienne de La Prise de Pékin, ni le prétexte ni le traité de la guerre au Vietnam ne font
référence au martyre ou à la religion. G. Champagne s’inspire de l’actualité en Extrême-
Orient, et le texte de sa pièce traduit sa position religieuse conservatrice.
19
Nous avons consulté les archives numériques du site « La Vie publique » (http://www.vie-publique.fr/),
Direction de l’information légale et administrative (Dila) sous le Premier ministre.
20
Sur « Manzi » dans le récit de Mandeville, voir Xavier Walter, Avant les grandes découvertes, une image de la
terre au XIVe siècle : le voyage de Mandeville, Roissy-en-France, Alban, 1997, pp. 480-500.
21
Philippe Ménard (dir.), Le Devisement du monde, tome IV : Voyages à travers la Chine, édité par Joël
Blanchard Michel Quereuil, Genève, Droz, 2005, p. 56.
22
Philippe Ménard (dir.), Le Devisement du monde, tome V : À travers la Chine du Sud, édité par Jean-Claude
Delclos et Claude Roussel, Genève, Droz, 2006, p. 117.
23
Conrad Malte-Brun, livre vingtième de la Géographie universelle, ou description de toutes les parties du
monde, sous le titre « Suite de l’Histoire de la géographie – Voyages d’Ascelin, de Carpin, de Rubruquis et de
Marco Polo, A. 1245-1290 », [Paris, 1810,] 5e éd., corrigé et mise dans un nouvel ordre par Jean-Jacques-Nicolas
Huot, tome 1, Paris, Au bureau des publications illustrées, 1847, p. 237. Entre 1855 et 1858, Théophile Lavallée
réédite une version « refondue et mise au courant de la science » de l’œuvre de Malte-Brun en mettant à jour des
données.
322
mandarin tonkinois devient polysémique. Il fait non seulement écho à la scène « du sud »
mais il se réfère aussi aux gens de la Chine.
En ce qui concerne l’interprétation du Chinois, les matelots français parodient les
personnages connus du public. La récente reprise de Fleur-de-thé (Bouffes-Parisiens, 1880)
nourrit leur imagination. Sur le navire de l’expédition, le matelot Belle-Blague se déguise « en
Chinois ridicule » et « descend en scène comme Tien-Tien, de Fleur-de-thé » (Tableau iii, sc.
5). Le petit mousse Loustic, en se déguisant en « Chinoise cocasse », « suit Belle-Blague, le
tenant par une corde qui lui sert de natte et tient sous son bonnet ». Ils exécutent une « marche
chinoise sur la musique » puis finissent leur divertissement après la promenade. Leur
déguisement est vraisemblable parce que l’autre matelot, Bonne-Pâte, n’arrive pas à les
reconnaître. Cette imitation du Chinois s’inscrit dans le cliché en ayant recours à la grosse
figure du magot, à la natte, aux pas de la Chinoise dont les pieds sont bandés, etc. Dans
d’autres passages relatifs aux « vrais Chinois » du Tonkin, le dramaturge ne précise pas leur
manière « à la chinoise » dans les didascalies. Nous présumons cependant que le jeu des
acteurs s’inspire aussi de comédies telles que Fleur-de-thé.
Nous avons signalé plus haut que Les Pavillons Noirs est retirée de l’affiche au début
de 1884. Malgré le faible nombre de ses représentations, la pièce est l’une des premières
créations théâtrales consacrées à la guerre du Tonkin. Par la suite et jusqu’en 1890, nous
retrouvons facilement des spectacles (dramatiques ou musicaux) relatifs à l’actualité du
Tonkin. Mais les personnages chinois commencent à disparaître. Le résultat de la guerre n’est
pas drôle et l’on ne voit pas l’intérêt de représenter des Chinois comiques sur la scène de
théâtre. Bien que le chef des Pavillons Noirs reste présent dans les scènes de massacre au
Tonkin, il arbore de moins en moins de traits chinois. C’est le cas dans la pièce Les Français
au Tonkin.
323
surveiller. Tiba, la bonne indienne du foyer, est aussi manipulée par Hogarth car sa fille a été
prise en otage. Dautreuil rentre d’une soirée donnée par l’armée française et découvre que,
pendant son absence, sa femme Cécile a été enlevée. Dautreuil est ensuite assassiné par les
embusqués du clan d’Hogarth. (Prologue)
Vingt ans plus tard. Tiba s’échappe de la prison de Hogarth et arrive chez Lucien
Dautreuil, à Paris. On est en train de fêter le départ de Lucien, qui s’est inscrit pour œuvrer à
la pacification en Annam. Tiba révèle à ce jeune homme le malheur ayant frappé ses parents et
Lucien se décide de s’en venger. (Acte I)
En Annam. Schong, ancien serviteur qui a trahi Dautreuil, ne se soumet plus aux
ordres d’Hogarth. En effet, le fils de Schong appelé Lyeou-Yuen-Fou est maintenant le chef
des Pavillons Noirs. Lyeou enlève une jeune villageoise du nom de Nittia. Le père de Nittia
préfère qu’elle meure plutôt que d’être déshonorée. La troupe de Lucien attaque les Pavillons
Noirs et capture Lyeou vivant. Tiba se réfugie avec Nittia dans une citadelle. Les histoires que
raconte Nittia permettent à Tiba de penser qu’elle n’est autre que sa propre fille. Tiba
rencontre Hogarth en secret afin de connaître la vérité. Cet Anglais tire dans le dos de Tiba
lorsqu’elle repart. Quelques Pavillons Noirs suivent la blessée jusqu’à la citadelle. Théodule,
l’oncle de Lucien qui herborise dans la forêt, tue les Pavillons Noirs qui les menacent. (Acte II)
Hogarth se rend au camp des Français. Il leur promet de conduire la troupe française
jusqu’à la base des Pavillons Noirs à condition qu’on le récompense d’une grande somme
d’argent. Lucien lui propose un duel. Hogarth l’avertit de ne pas sacrifier l’intérêt d’État au
profit de la vengeance personnelle. Lucien confie sa douleur à Nittia. Tiba, grièvement blessée,
atteste qu’elle est la mère de Nittia. D’un autre côté, Lyeou s’enfuit de la prison à l’aide de sa
magie noire. (Acte III)
Théodule et trois Français se glissent dans la base des Pavillons Noirs afin de rattraper
Lyeou. Mais Hogarth les a précédés. Celui-ci persuade les Pavillons Noirs de sa sincérité et du
plan des Français. Lyeou découvre la fourberie d’Hogarth et entend bien l’exécuter, malgré
l’intervention des pays occidentaux. Schong avoue que Hogarth est le vrai père de Lyeou. La
troupe française déclenche l’attaque. Pendant la bataille, le commandant meurt pour la patrie.
(Acte IV)
Lucien exprime ses sentiments pour Nittia. Lyeou survient et réclame la possession de
Nittia. Les deux hommes ont recours au duel pour régler la situation. Tiba, malgré sa
souffrance, leur dévoile un secret : Lucien et Lyeou sont tous les deux les fils de Cécile
Dautreuil. Lucien pardonne à Lyeou. Ce frère regrette sa conduite d’auparavant, décide de
partir et de ne jamais revenir. La réconciliation fraternelle apaise Tiba, qui meurt dans les bras
de Nittia. L’armée lance l’attaque en criant : « Vive la France ! » (Acte V)
24
La première guerre anglo-birmane éclate en 1824. Après la deuxième guerre de 1852, la Grande-Bretagne
attaque la Birmanie en 1855 malgré la protestation du gouvernement chinois. La Birmanie devient une province
sous le contrôle du Raj britannique.
25
Guy Durand et Jean-François Klein, « Une impossible liaison ? Marseille et le commerce à la Chine, 1815-
1860 », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, n° 57-1, janvier-mars 2010, pp. 165-166.
325
VI. 1. (3). (b) L’Histoire patriotique, l’histoire mélodramatique
Les péripéties dramatiques des Français au Tonkin font penser aux éléments
mélodramatiques : l’innocence persécutée, les enfants abandonnés, le meurtre et la vengeance,
la reconnaissance, etc. Les spectateurs contemporains constatent aussi cette tonalité. Paul
Ginisty, spécialiste du théâtre populaire et auteur du Mélodrame (publié en 1910), remarque
que Les Français au Tonkin se fondent sur une « donnée du mélodrame » 26 . Le critique
littéraire Charles Bigot, quant à lui, reconnaît le talent du « jeune premier de mélodrame »
dans la représentation27.
En raison de ce fond de mélodrame, les intrigues qui se développent autour de la
vengeance et de la reconnaissance peuvent être attractives même dépourvues d’un arrière-plan
proprement politico-historique. En effet, le raisonnement cède sa place à l’exaltation des
passions. « Pendant que les coups de fusil retentissent et que la poudre parle », dit Paul
Ginisty, « c’est autant de gagné sur le dialogue ! »28. Jean-Marie Thomasseau nous rappelle
aussi que l’écriture du mélodrame « préfèr[e] un langage purement scénique qui [est] d’abord
celui de l’action et des images »29. Les faits de la guerre au Tonkin se retrouvant tous les jours
dans la presse, les auteurs des Français au Tonkin n’ont donc pas besoin de raconter tous les
détails du conflit, comme l’avaient fait les auteurs des Pavillons Noirs. Un « souffle
patriotique » suffit à susciter l’ « enthousiasme » et « une émotion vraie » des spectateurs30.
Le critique du quotidien Voltaire (sous la direction d’Aurélien Scholl, ancien directeur du
Nain jaune) donne le ton : « Il faut encourager tout ce qui peut faire vibrer le patriotisme du
public, même alors que les moyens employés sont un peu gros »31.
Quel moyen « gros » parvient à faire vibrer les sentiments du public ? S’agit-il de la
« troupe ordinaire » dont parle Charles Bigot dans l’article que nous venons de citer ?
L’article d’Auguste Vitu nous donne la réponse. Selon Vitu, il a « vu des yeux se mouiller de
larmes » lorsque M. Reykers (dans le rôle du « commandant ») est entré en scène. Celui-ci,
« affublé d’une perruque et d’une barbe », « rappelaient approximativement la physionomie
léonine du noble commandant Rivière » 32 . En fait, ni l’affiche du théâtre ni le texte ne
mentionnent le nom de « Rivière ». Et le témoignage de Vitu prouve donc que les faits relatifs
à la guerre au Tonkin sont très connus du public. Il ne faut pas omettre de mentionner ici que,
deux semaines avant la représentation des Français au Tonkin, Paul Déroulède a prononcé
l’oraison funèbre de Rivière au cimetière Montmartre, lors du retour de ses cendres. Une
erreur chronologique des dramaturges souligne par ailleurs l’immortalité de Rivière :
l’intrigue des Français au Tonkin se déroule en 1886 alors que le commandant Rivière est
mort pendant l’expédition de 1883.
Un tel patriotisme aux enchères écœure certains spectateurs. Le Gaulois, quotidien
26
Paul Ginisty, Le Constitutionnel, le 11 février 1885.
27
Charles Bigot, Le Siècle, le 16 février 1885.
28
Paul Ginisty, Le Constitutionnel, le 11 février 1885.
29
Jean-Marie Thomasseau, Le Mélodrame, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1984, p. 112.
30
Anonyme, Revue et Gazette des théâtres, le 15 février 1885.
31
Alex. H., Le Voltaire, le 11 février 1885.
32
Auguste Vitu, Le Figaro, le 10 février 1885.
326
conservateur et légitimiste, critique sévèrement la manipulation des sentiments du public au
profit commercial de la salle. Il ne doute pas de « la bonne intention patriotique des auteurs »,
et pourtant, « leur zèle a fait fausse route et il aboutit à un déplorable travestissement de ce
qu’il y a de plus respectable en ce monde : la mort des soldats pour la patrie » 33 . Le
chroniqueur arrive à la conclusion que, cette « inconvenance » est « pis qu’un mélodrame
ridicule » au point que la claque « applaudit avec dégoût ».
En fait, dans le discours politique, l’image de Rivière est devenue le symbole de
l’esprit national et de la grandeur française, malgré l’enchevêtrement de son gain personnel
avec l’intérêt de l’État. Les Pavillons Noirs, quant à eux, représentent l’avant-poste de la
tyrannie chinoise que l’on se consacre à détruire. Si les dramaturges évoquent l’image de
Rivière comme emblème patriotique, ils évitent aussi, discrètement, d’opposer cette
personnalité contestable aux rebelles tonkinois. Cette posture débouche dans un paradoxe sur
scène. Ainsi, le commandant (rappelons qu’il est « anonyme » dans la distribution !) clame
que « la France ne veut asservir personne, mais elle prétend imposer la lumière ! » (Acte III,
sc. 3) La réponse de Lyeou est encore plus nette : « L’Annam veut être libre ! Et, si la France
veut lui imposer ce qu’elle appelle la lumière, elle l’imposera à nos habitations vides et à nos
terres incultes ». Pour le dirigeant des Pavillons Noirs, les Français doivent quitter le Vietnam
avec la haine qu’ils ont générée. Les propos de Lyeou font de lui un révolutionnaire qui
combat contre la tyrannie de l’envahisseur. Mais la mise sur un pied d’égalité du commandant
et de Lyeou est insupportable. Cet « arrangement » est à l’évidence bien loin du discours
nationaliste et colonial.
Quand le chef des Pavillons Noirs devient le demi-frère d’un jeune marin français, on
doit être conscient que les dramaturges n’entendent pas créer une pièce simplement historique
et patriotique. Jean-Jacques Weiss distingue bien les sources historiques de l’intérêt théâtral.
Dans son article publié dans le Journal des débats, Weiss indique clairement les détails
irrationnels de la pièce. Mais il constate aussi que le drame est « palpitant »34 et il trouve
beaucoup de plaisir à y assister : pour Weiss, cette pièce « militaire » (au lieu de
« patriotique ») bornée « à des sonneries, à des marches et à des mêlées bien réglées »
appartient à « l’usage d’autrefois », et c’est « le bon ». Édouard Thierry énumère les éléments
qui aboutissent au succès des Français au Tonkin. Ils contiennent « l’actualité, les costumes
de l’Extrême-Orient, le drapeau français déployé dans le bruit et la fumée du canon, la gaieté
des marins de la flotte, une mère qui […] retrouve sa petite fille enlevée », etc.35 Évidemment,
l’intérêt principal de ce drame repose sur les effets mélodramatiques – la fumée, le canon, les
étendards – qui agitent chaleureusement le public, et non sur l’esprit que véhicule le drapeau
tricolore.
33
H. P., Le Gaulois, le 10 février 1885.
34
Jean-Jacques Weiss, Journal des débats, le 16 février 1885.
35
Édouard Thierry, Le Moniteur universel, le 16 février 1885.
327
Français au Tonkin. Sous un angle patriotique, il n’y pas d’intérêt à souligner le poids des
Chinois qui sont susceptibles de contribuer à la victoire de l’ennemi. Cependant, en raison de
l’influence chinoise sur la civilisation tonkinoise (voir VI. 1. (1)), les éléments de ce mélange
« sino-indochinois » reposent visuellement sur la décoration de la salle ainsi que sur les
imprimés relatifs au spectacle.
Les critiques du Gaulois apprécient la mise en scène « soignée » 36 des scènes
militaires et de l’Extrême-Orient. Dans les premières, les « combats à la hache abondent » et
« sont exécutés par les figurants avec toute la conviction possible »37. Dans les secondes, la
« couleur locale » embellit la scène pittoresque « où la forêt sauvage, la cabane de bambous et
la pagode se succèdent pour le plaisir des yeux »38. L’architecture de la salle a également été
repensée pour servir la pièce : afin de créer l’ambiance du Tonkin, « le promenoir du premier
étage a été transformé en petit musée tonkinois » 39 . Le plaisir des yeux est également
recherché dans les cartes d’invitation et les programmes. Les cartes sont « imprimé[e]s en
caractères tonkinois »40 et « gravées d’un joli burin français »41. Les programmes, que l’on
distribue à l’entrée de la salle, sont « imprimés sur papier de riz avec fantaisies chinoises
dans les coins »42.
Nous pouvons retrouver ces deux documents imprimés dans la collection de la BnF.
La carte d’invitation (fig. 6.02) est décorée du bambou et des plantes tropicales. L’éventail
rond de style sino-japonais, suspendu au milieu, en haut, fait penser à la lanterne orientale. Le
soldat français, souriant, tient un bâton de bambou dans sa main gauche et, dans sa main
droite, la natte d’un Chinois tonkinois qui porte le chapeau conique. Des Pavillons Noirs aux
Français au Tonkin, la natte devient un signe indispensable de l’interprétation du personnage
chinois bien qu’on n’évoque plus le titre de Fleur-de-thé (voir VI. 1. (2). (c)). L’étendard
triangulaire, quant à lui, ressemble à ceux que nous avons vus dans les esquisses de La Prise
de Pékin. Sans dentelles rajoutées, la forme de cet étendard est simplifiée. Le bestiaire qui
orne l’étendard nous rappelle que les Chinois effraient les envahisseurs en ayant recours à la
puissance des animaux, tout comme le faisait la troupe des Tigres.
Quant au programme (fig. 6.03a), la matière du papier captive l’attention des
spectateurs. Édouard Thierry constate qu’il est « enluminé à la chinoise, sur pelure de papier
transparent » ; un dénommé « Frimousse » indique que les programmes sont « imprimés sur
papier pelure d’oignon et ornés de dessins tonkinois » 43 . En ce qui concerne les objets
dessinés, ce sont le corail rouge et les porcelaines précieuses chez les Chinois qui apportent le
bonheur et la richesse. La carpe sur le chariot renvoie à la volonté de succès. Le défilé des
36
Les comptes rendus de H. P. et de Frimousse emploient la même expression de « soignée » pour désigner la
mise en scène de la pièce. Ils sont publiés ensemble dans Le Gaulois du 10 février 1885.
37
Paul Ginisty, Le Constitutionnel, le 11 février 1885.
38
Jean-Jacques Weiss, Journal des débats, le 16 février 1885. La « couleur locale » renvoie également aux
personnages d’origines très variées : indienne (Tiba), française (la troupe de l’expédition), anglaise (Hogarth),
chinoise (les officiers locaux), tonkinoise (les habitants).
39
Frimousse, Le Gaulois, le 10 février 1885.
40
Frimousse, Ibid.
41
Édouard Thierry, Le Moniteur universel, le 16 février 1885.
42
Jean-Jacques Weiss, Journal des débats, le 16 février 1885.
43
Édouard Thierry, Le Moniteur universel, le 16 février 1885 ; Frimousse, Le Gaulois, le 10 février 1885.
328
souris symbolise la fécondité – bien que leurs costumes ressemblent à ceux des travailleurs
japonais de l’époque d’Edo. Dans tous les cas, la composition visuelle du programme n’a pas
de rapport avec l’intrigue de la pièce. Étant donné que ce programme était distribué en salle,
nous présumons que le théâtre du Château-d’Eau avait organisé une soirée théâtrale sur le
thème du plaisir oriental, et non simplement un spectacle patriotique et pédagogique.
Contrastant fortement avec l'exotisme paisible suggéré par les bibelots publiés dans le
programme, l’affiche des Français au Tonkin (fig. 6.03b) reproduit une scène sanglante de
champ de bataille. Des soldats tonkinois, à terre ou en fuite, disparaissent vers la partie
extérieure. Les couleurs variées de leurs costumes signifient qu’ils sont une foule mal
organisée. En revanche, les Français qui portent des uniformes de trois couleurs composent un
rythme dynamique vers la direction de l’est. Le commandant, grièvement blessé et mourant
dans les bras de son camarade, garde une attitude pleine de dignité. Celle-ci se distingue des
cadavres indochinois qui sont mal enterrés ou renversés. Alors que l’étendard français flotte
au vent, le bâton de bambou qui soutient le drapeau tonkinois est cassé dans la main d’un
zouave et d’un officier français. Globalement, la composition correspond à la scène de la mort
du commandant, scène pour laquelle les didascalies demandent « le chemin des rizières »,
« hautes herbes » et la « forêt de bambous » (Acte IV, tableau viii). Le cadre décoré de
bambou et l’écriture du titre rappellent également la calligraphie créée par la plume chinoise.
44
Bulletins de L’Orchestre, les 29 et 30 mars 1885.
45
Scaramouche, « Courrier des théâtres », La Presse, le 1er avril 1885.
329
Épisodes de la guerre du Tonkin (Cirque Fernando, 1885)
Tableau Titre Contenu
1 Les Pavillons Noirs Il fait nuit. Les Pavillons Noirs entrent précédés de leurs chefs.
Ils se dispersent dans les hautes herbes. Un des leurs, envoyés
en reconnaissance, accourt et prévient le chef que des Français
s’avancent de leur côté. – Ils jurent qu’ils mourront tous.
2 La Mort d’un héros Des marins s’avancent, en avant-garde. Le commandant entre,
accompagné de quelques officiers et d’une escorte de marins
conduisant deux canons. Ils vont pour continuer leur route, lorsque
les Pavillons Noirs entrent en jetant leur cri de guerre, et les
massacrent tous, malgré leur héroïque défense.
3 Une Fête Grande marche orientale. Cortège du vice-roi, mandarins,
tonkinoise soldats.
Grand ballet par 20 [engagées spécialement pour ces représentations] Mise en scène,
dames éclairée à la lumière électrique.
4 L’Alarme La fête vient de se terminer, le grand chef accourt et prévient le
vice-roi que les Français arrivent.
5 L’Armée chinoise L’armée chinoise défile et va défendre la citadelle.
6 L’Avant-garde Les éclaireurs s’avancent et choisissent le terrain propice pour la
halte.
7 L’Arrivée de L’armée française s’avance et vient prendre position. La nuit
l’armée française tombe, les clairons sonnent l’extinction des feux.
8 Le Camp Le camp est au repos. Bridou commence ses scènes comiques. Le
réveil au loin se fait entendre. Le camp s’apprête au départ. L’on
annonce l’arrivée du général.
9 Le Général Le général s’avance, suivi de son état-major.
10 La Revue Le général passe la revue. Le canon s’entend au loin. La bataille
est engagée. Les Français partent pour Lang-Son.
11 Les Aventures de Bridou, conscrit, a demandé à partir pour le Tonkin. Il s’aperçoit
Bridou que tout n’est pas aussi beau qu’il le croyait. Il éprouve mille
aventures dont ce n’est que le commencement.
12 La Surprise Des chasseurs en reconnaissance sont surpris par des cavaliers
chinois, mais Bridou, aidé de la Vivandière, les met en déroute.
13 La Bataille La bataille est engagée sur toute la ligne. L’armée française se
met à la poursuite des Chinois.
14 Un Dévouement Quel héroïsme, cet officier, qui malgré le danger qui l’entoure, se
dévoue pour soigner le noble animal qui partage ses fatigues et
malgré tout ne veut pas l’abandonner.
15 Les deux frères Les deux frères d’armes. Elle est sublime cette scène de ces deux
d’armes compagnons d’armes dont l’un près de mourir confie à son ami
l’honneur du drapeau de la France.
16 Un Souvenir Avant de succomber, ce soldat qui meurt pour sa patrie, porte sur
cette poitrine meurtrie par les balles ce gage du souvenir de la
famille qu’il a laissée là-bas. Ce médaillon lui rappelle les êtres
chéris qu’il a quittés. Avec l’honneur de la patrie, il lui remet ce
médaillon avec sa dernière pensée pour eux, son dernier soupir
dans les plis de ce drapeau pour lequel il meurt.
330
17 Suite des aventures Bridou continue à faire des siennes, mais il est malgré tout d’une
de Bridou bravoure étonnante ; n’ayant pas d’arme, il se sert des pains de
munition pour se défendre.
18 L’Assaut L’artillerie se fait entendre. La fusillade éclate de tous côtés. Les
marins montent à l’assaut de la porte chinoise.
19 La prise de la Le drapeau de la France flotte sur les murs de la citadelle. Les
citadelle Chinois sont cernés et sont fait prisonniers.
20 Honneur aux Le commandant a eu son cheval tué, lui-même est blessé. Il vient
braves apporter au général le drapeau pris sur les murs de la citadelle.
Apothéose Grande marche et défilé général à la lumière électrique.
46
Frimousse, Le Gaulois, le 19 décembre 1892.
331
propose aussi à Anatole Cerfberr d’écrire un « appendice » à La Prise de Pékin avec pour
titre La Prise de Dahomey47.
La reprise au Châtelet garde les éléments remarquables vus auparavant dans les
représentations données au Cirque. Mais la scène de la « prise de Pékin » est à présent suivie
d’une nouvelle scène appelée la « prise d’Abomey »48. Deux cents places sont offertes chaque
soir aux régiments de ligne (101e et 102e) ayant fait la campagne de Chine en 186049. De
Pékin au Dahomey, l’ancienne gloire est reliée à l’expédition actuelle. Mais la guerre du
Tonkin est omise de ce discours patriotique.
Dans son travail consacré à la sociologie du théâtre, Hélène Lebel remarque que la
reprise de La Prise de Pékin exprime un « patriotisme exalté par les conquêtes coloniales »,
qui arrive à faire de la France « une grande nation dont les motivations étaient d’étendre la
civilisation et de libérer les peuples du joug de la tyrannie »50. Mais Lebel ne mentionne pas la
guerre franco-chinoise qui n’est pas moins dramatique dans l’Histoire coloniale de la France.
Certes, la « tyrannie » existait aussi en Annam : l’expédition au Tonkin s’attaquait à
« libérer » les Vietnamiens de la persécution du mandarin chinois. Malgré la « légitimité » de
sa motivation, la France a échoué. Au long de l’expansion coloniale à la fin du XIXe siècle, on
évoque la gloire de la guerre franco-chinoise à Pékin et l’on évite de rappeler la guerre du
Tonkin. Pour les spectateurs d’hier comme pour les historiens d’aujourd’hui, la guerre au
Tonkin est une expérience traumatique.
47
Georges d’Heylli, Gazette anecdotique, n° 1 du 15 janvier 1893, pp. 8-9. Anatole Cerfberr fut le coéditeur du
Répertoire de la Comédie humaine de H. de Balzac (publié en 1887).
48
Jules Lemaître, Journal des débats, le 26 décembre 1892.
49
« Théâtres », Le Siècle, le 25 décembre 1892.
50
Hélène Lebel, Le Théâtre à Paris (1880-1914) : reflet d’une société ?, thèse doctorale, Université Paris I –
Panthéon-Sorbonne, 1997. Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du septentrion, 2001, p. 524.
51
Pour les créations non-dramatiques au sujet indochinois, voir Louis Malleret, L’Exotisme indochinois dans la
littérature française depuis 1860, Rochefort-sur-Mer, impr. A. Thoyon & Paris, éd. Larose, 1934.
52
Anonyme, « Théâtres », Le Siècle, le 30 décembre 1885. Il faut signaler que, selon le bulletin publié dans Le
Siècle, Les Chinoiseries de l’année sont données à la salle Bataclan, et non aux Batignolles comme indiqué dans
le catalogue établi par Charles Beaumont Wicks.
332
Le héros militaire est entré dans l’Histoire. Les femmes de la nouvelle colonie
deviennent le sujet du spectacle53. On les retrouve dans La Fiancée du Tonkin (Batignolles,
1886), Je reviens du Tonkin (Époque, 1886), le « vaudeville inédit et à spectacle »54 intitulé
Les Tonkinoises (Concert Parisien, 1887), etc. Grâce à l’Exposition universelle de 1889, le
public français découvre pour la première fois la scène quotidienne des Tonkinois. Suite à la
mode indochinoise qui s’ensuit, Eden Concert crée en 1890 une opérette intitulée La Petite
Tonkinoise.
53
Sur la représentation des femmes indochinoises dans les œuvres non-dramatiques, voir Jennifer Yee, Clichés
de la femme exotique : un regard sur la littérature coloniale française entre 1871 et 1914, Paris, L’Harmattan,
2000. Dans le répertoire établi par Yee, nous trouvons en fait les titres qui suggèrent les éléments chinois, comme
le « Bonze Zhou-Su », « Thi-Sen la petite-amie exotique », etc.
54
« Courrier des théâtres », Le Constitutionnel, le 5 novembre 1887.
55
Charles Monselet, « Théâtres », Le Monde illustré, n° 1399 du 19 janvier 1884.
56
L’A. des S., « Bulletin théâtral », Le Moniteur universel, le 27 décembre 1883.
57
« Théâtres », Le Siècle, le 28 décembre 1883.
58
Le Siècle, le 26 décembre 1883.
59
Charles Martel, « Courrier des théâtres », XIXe siècle, le 3-4 janvier 1884.
60
Pierre Véron, Le Charivari, le 4 janvier 1884.
61
Adolphe Carcassonne, En Chine, in Théâtre de jeunes filles, pièces à jouer dans les familles et dans les
pensionnats, Paris, Paul Ollendorff, 1887, pp. 29-70.
333
sont attachés à la pièce, intitulés « Gloire immortelle de nos aïeux », composé par Th. Gounod,
et « France, ma patrie ! », composé par un musicien anonyme. L’intrigue qui est très éloignée
des affaires chinoises 62 se déroule dans une ville française. Le maire, qui connaît bien la
sorcellerie dont il use pour régler les soucis des villageois, est chargé de recruter de jeunes
garçons pour la guerre menée contre le « roi de la Kabélie », en « Frique » (Acte II, sc. 5). Les
conscrits, arrivés en retard, deviennent tous handicapés à cause de la magie du petit bossu
qu’est le maire. Heureusement, ils finissent par reprendre leur apparence normale et chantent
des airs patriotiques dans lesquels ils saluent la gloire et le bonheur de la France. Le sujet de
cette pièce traitant de la sorcellerie paraît inattendu dans une maison d’édition chrétienne.
62
Deux plaisanteries font penser au pays des Chinois, mais elles sont loin des affaires chinoises : (1) « On ne
s’en doute pas... un tas de pékins... qui trouvent que c’est joli les épaulettes et la croix... » (Acte III, sc. 4) ; (2)
« Rico, rica ; est-ce de l’arabe ou du chinois ? » (Acte III, sc. 4)
63
Romain Rolland, Le Cloître de la rue d’Ulm : journal de Romain Rolland à l'École normale, 1886-1889,
Paris, Albin Michel, coll. « Cahiers Romain Rolland », 1952, p. 276.
334
VI. 2. (1). (b) Le théâtre chinois vu par un Chinois
En 1886, Tcheng Ki-Tong publie Le Théâtre des Chinois 64 . En s’appuyant sur les
traductions de sinologues comme Bazin et Jullien, Tcheng Ki-Tong essaie de prouver les
similarités existant entre le théâtre français et le théâtre chinois, ceci afin d’attester de la
valeur de ce dernier. Quelques erreurs de citations à propos du théâtre chinois n’empêchent
pas qu’il soit ainsi rendu accessible grâce à des exemples familiers aux spectateurs. Le Matin
remarque que l’ouvrage de Tcheng Ki-Tong « prouve à la fois une connaissance profonde du
théâtre de sa nation et une connaissance non moins grande des instincts dramatiques de la
nôtre. Il est parsemé, émaillé de traits charmants, de remarques humoristiques »65.
Cet esprit « humoristique » lui gagne des louanges et d’être qualifié de « général
chinois [qui] est trop français ». Dans le même article du Matin, l’auteur constate que Tcheng
Ki-Tong « n’écrit pas seulement le français classique, mais le parisien le plus moderne et le
plus boulevardier, et non seulement il l’écrit, mais il le pense ». L’influence de Tcheng Ki-
Tong est profonde. Henri Cordier estime, dans Bibliotheca Sinica, que les écrits de Tcheng
Ki-Tong ont effectivement « suscité » plusieurs ouvrages d’autres auteurs et relatifs au théâtre
chinois66. Continuons à examiner la « mode » du spectacle chinois entre 1881 et 1894.
64
Tcheng Ki-Tong, Le Théâtre des Chinois : étude de mœurs comparées, Paris, Calmann Lévy, 1886. Adalbert-
Henri Foucault de Mondion, alors secrétaire de l’Ambassade française en Allemagne, est censé être le (co-
)auteur du Théâtre des Chinois. Mais jusqu’à aujourd’hui, cette hypothèse n’est pas confirmée.
65
Anonyme, « Livres », Le Matin, le 25 janvier 1886. L’Entr’acte publie ce même article dans le numéro paru le
27 janvier 1886.
66
Henri Cordier, la bibliographie du théâtre chinois, Bibliotheca Sinica, vol. 1, Paris, E. Leroux, 1878-1895, p.
1871-1872.
67
A. M., « Concert et soirée », Le Ménestrel, le 6 février 1881.
68
L’Orchestre, le 19 et le 20 août 1881.
69
« Nouvelles diverses », Le Ménestrel, le 18 novembre 1883.
70
« Concerts et soirées », Le Ménestrel, le 11 mai 1884.
71
Sur le sujet de la musique, voir Geneviève Balardelle, « L’Exotisme extrême-oriental en France au tournant du
siècle », in Revue internationale de musique française, n° 6, novembre 1981, pp. 67-76.
335
Sur la scène de l’Opéra-Comique, c’est une nouvelle de Pierre Loti qui inspire la
représentation du spectacle au thème chinois. Le 14 avril 1883, l’Opéra-Comique crée l’opéra
Lakmé (livret par Edmond Gondinot et Philippe Gilles, musique par Léo Délibes). Cette
œuvre, adaptée du Mariage de Loti, ou Rarahu (publié en 1880), raconte l’histoire d’amour
tragique entre Lakmé, la fille d’un prêtre hindou, et Gérald, un officier anglais qui pénètre
dans l’autel sacré local. L’amour n’arrive pas à réunir les deux peuples et Lakmé meurt
finalement dans les bras de Gérald. Les traces d’éléments chinois se retrouvent au début du
deuxième acte, lorsque les marchands indiens et chinois vendent leurs produits exquis et
exotiques. La scène est courte et l’agencement nous fait même penser aux cris des vendeurs
de la Foire Saint-Germain (1695). Les marchands chinois et leurs articles importés animent
toujours l’atmosphère du marché.
72
Bazin aîné, Le Pi-Pa-Ki, ou l’Histoire du luth, drame chinois de Kao-Tong-Kia représenté à Péking, en 1404
avec les changements de Mao-Tseu, Paris, Imprimerie Royale, 1841. Selon l’avertissement de Bazin lui-même, il
s’appuie sur trois éditions et il traduit, « à [s]a convenance, tantôt sur un texte et tantôt sur l’autre » : (1) l’édition
de la Bibliothèque du roi ; (2) l’édition du docteur Ching-Chan ; (3) l’édition appartenant à Stanislas Julien, qui
est quasiment identique à la première. À notre connaissance, l’édition de Ching-Chan est en effet les
commentaires de Mao Shengshan et son fils Mao Zonggang, critiques littéraires de la seconde moitié du XVIIe
siècle. Sur les commentaires de Mao Shengshan, nous nous référons à l’article de Wang Ayling, « Ethical
Consciousness and Critical Horizons of the Mao’s Commentaries on Pipa Ji », Bulletin of the Institute of
Chinese Literature and Philosophy (publié par Academia Sinica, Taipei, Taiwan), n° 28, mars 2006, pp. 1-49.
73
Sur la présentation de « Chuanqi » et de Pi-Pa-Ki, voir Jacques Pimpaneau, « Chine (opéra chinois) », in
Michel Corvin (dir.), Dictionnaire encyclopédique du Théâtre, Paris, Larousse, 2003, p. 333. En 1999, Chen Shi-
zheng signe une mise en scène du Pavillon aux pivoines, à l’occasion du Festival d’automne, à Paris. Cette pièce
raconte la mort d’une jeune fille en raison de son amour pour un lettré inconnu, et comment ce jeune homme la
ramènera à la vie. Elle est censée être la pièce de Chuanqi la plus appréciée de nos jours.
336
Tcheng Ki-Tong semble nous donner quelques pistes de réponse. Dans Le Théâtre des
Chinois, Tcheng Ki-Tong évoque une pièce chinoise représentée à Paris74. Celle-ci n’est autre
que Pi-Pa-Ki, « drame en 42 tableaux » (contre 24 tableaux chez Bazin) écrit par Kao-Tong-
Kia. En s’appuyant sur la recherche de Bazin, Tcheng Ki-Tong indique qu’en Chine, la
création de Pi-Pa-Ki, peut remonter à l’année 1404. Tcheng Ki-Tong signale par ailleurs, que
Pi-Pa-Ki fut « représenté pour la première fois à Pékin il y a quatre cent quatre-vingts ans ».
Même si Tcheng Ki-Tong ne précise pas l’année de sa représentation à Paris, nous sommes
dans la possibilité de présumer qu’elle a lieu aux environs de 1884.
Selon Tcheng Ki-Tong, c’est au Théâtre de la Porte Saint-Denis qu’a lieu la
représentation. Cette petite salle qui se trouve sur le Boulevard Saint-Denis fut ouverte en
1877 et, selon le dictionnaire rédigé par Arthur Pougin et publié en 1885, elle « n’était que de
simple bouiboui »75.
Les renseignements donnés par Tcheng Ki-Tong sont-ils fiables ? Malgré nos
tentatives, nous n’arrivons à retrouver ni les informations ni les critiques relatives à cette
représentation à la Porte Saint-Denis. Cet événement théâtral doit pourtant sembler atypique
si l’on considère la nature de l’intrigue de Pi-Pa-Ki. En effet, cette tragédie raconte l’histoire
d’une femme chaste qui s’occupe seule des parents de son mari jusqu’à leur mort. Grâce à
l’aide d’un voisin, cette femme sera capable de se rendre à la capitale pour retrouver son mari,
bien que celui-ci soit destiné par l’empereur à la fille du vice-roi. Tcheng Ki-Tong est
conscient de la tonalité et la complexité du sujet de la pièce, qui traite de la « question de piété
filiale, de concours littéraires, des devoirs imposés par les rites »76. Comment représenter une
tragédie de mœurs chinoises dans un « simple bouiboui » ? Il a dû s’agir d’un véritable défi
pour le gérant de la salle et les spectateurs.
Selon Tcheng Ki-Tong, le texte de Pi-Pa-Ki utilisé à la Porte Saint-Denis est
« transformé et mis au point, [...] avec de nouveaux changements, nécessités », par « un de
nos spirituels confrères ». La direction de la Porte Saint-Denis, quant à elle, « toujours éprise
de l’art », s’est « empressée d’accueillir le manuscrit ainsi revu et corrigé » 77 . La
représentation remporte un « succès » : « Tout-Paris, captivé par ces charmantes chinoiseries,
était conquis par les Célestes ! »78. Malheureusement, les extraits cités par Tcheng Ki-Tong ne
nous permettent pas de connaître les modifications effectuées pour la représentation à la Porte
Saint-Denis. En effet, les citations de Tcheng Ki-Tong sont identiques à la traduction de Bazin.
En dépit de sa représentation incertaine à la Porte Saint-Denis, le texte de Pi-Pa-Ki
suscite à nouveau, au début du XXe siècle, l’intérêt des amateurs du théâtre chinois. Dans un
article de Léon Charpentier consacré à Pi-Pa-Ki 79 , on trouve sept gravures tirées d’une
74
Tcheng-Ki-Tong, op. cit., pp. 156-157.
75
Arthur Pougin, Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s'y rattachent, Paris, Librairie
de Firmin-Didot, 1885, p. 725.
76
Tcheng-Ki-Tong, op. cit., p. 158.
77
Ibid., p. 157.
78
Ibid., p. 158.
79
Léon Charpentier, « Le Pi-Pa-Ki ou l’Histoire du luth », La Revue [Ancienne Revue des revues, directeur-
rédacteur en chef : Jean Finot], n° du 15 avril 1901, vol. XXXVII, deuxième trimestre de l’année 1901, pp. 165-
179.
337
« reproduction fidèle d’une vieillie édition chinoise de Pi-Pa-Ki » (fig. 6.05a-d)80. La lecture
de Pi-Pa-Ki permet aussi à Rémy Radeska de confirmer que « le théâtre chinois, sans rien
devoir à l’art dramatique européen, atteignait parfois des sommets dont nous semblons avoir
perdu l’habitude » 81 . Charles Pettit, dans son article consacré au théâtre chinois, examine
quant à lui l’esthétique et la morale de L’Orphelin de la Chine et Pi-Pa-Ki. Il est intéressant
de réfléchir sur le jugement porté par Pettit à l’égard de la représentation du théâtre chinois.
Selon cet auteur de plusieurs ouvrages au sujet chinois et japonais 82, « il est fâcheux que ce
beau drame, si abondant en scènes de premier ordre, soit si long et si chargé en tableaux
différents. Autrement il pourrait être joué sur une scène européenne et soutenir la comparaison
avec nombre de nos pièces »83. Le commentaire suggère-il que Le Pi-Pa-Ki n’était jamais
joué en France ? Les représentations du répertoire du théâtre chinois, s’il y en avait, ne
semblaient pas retenir l’attention de la presse et des amateurs du théâtre chinois. Et la
« première représentation » de Pi-Pa-Ki à Paris reste un sujet à explorer.
VI. 2. (3). (b) Les intrigues des soubrettes : réécrire la comédie chinoise
La critique du Matin que nous avons citée plus haut témoigne du succès du Théâtre
des Chinois. Peu après, le docteur Charles Ségard crée une comédie chinoise qui lui gagne
l’estime de Tcheng Ki-Tong. Intitulée La Nuit chinoise, elle est publiée avec une lettre de
Tcheng Ki-Tong dans le bulletin de l’Académie du Var 84 . Selon cette lettre datant du 25
février 1886, La Nuit chinoise a « causé une vraie joie » à Tcheng Ki-Tong, grâce aux « vers
délicieux » et à l’intérêt des personnages. L’auteur du Théâtre des Chinois ajoute que
le « courant de sympathie magnifique » produit d’heureux résultats : l’œuvre de Ségard « se
traduit déjà par l’échange de ses inspirations et de ses travaux littéraires ».
Tcheng Ki-Tong ne signale pas les sources de cet « échange des travaux littéraires ».
Pourtant, l’intrigue de La Nuit chinoise nous est familière. Cette comédie raconte l’histoire
d’une belle Thaï-Nan qui tombe amoureuse d’un jeune lettré du nom de Pé-Minh. Toc-Lam,
un vieux mandarin qui voyage en province afin de trouver une belle épouse pour le prince
Hoang-Ti, adjoint le portrait de Thaï-Nan à l’album de « Cent Belles ». Le prince, déguisé en
chasseur, découvre la beauté de Thaï-Nan. Celle-ci promet à contrecœur à Hoang-ti un
rendez-vous pour le soir même. À l’heure convenue, Fanh-Sou, soubrette accomplie, imite en
cachette la voix de Thaï-Nan et fait croire qu’elle est la belle qu’adore le prince. Quant à Thaï-
Nan, elle attend Pé-Minh dans un autre coin du jardin. Mais Pé-Minh est trompé par la voix
de Fanh-Sou : il croit que sa bien-aimée parle d’amour avec un autre homme. Il se fâche donc
80
Ibid., p. 165.
81
Rémy Radeska, « Un chef-d’œuvre du théâtre chinois : Pi-Pa-Ki ou l’Histoire du Luth », recueil
factice d’articles concernant le Pi-Pa-Ki ou l’Histoire du luth, BnF-ASP : 8-RE-2008.
82
Donnons quelques titres des ouvrages de Charles Pettit du thème chinois : Le Chinois de Mademoiselle
Bambou, (roman, 1907), Le Fils du Grand Eunuque (roman, 1920), L’Impuissance d’un puissant général (roman,
1926), etc. En 1928, les Américains Richard Rodgers (compositeur) et Lorentz Hart (librettiste) créent une
comédie musicale intitulée Chee-Chee, qui est en fait d’après Le Fils du Grand Eunuque de Charles Petitt.
83
Charles Pettit, « Le Théâtre chinois », Le Temps, le 13 août 1906.
84
Extrait du bulletin de l’Académie du Var, nouvelle série, tome XIII (1er fascicule) [pagination 247-282], 1886.
Toulon, Imp. du Var, [s. d.]. [BnF-ASP : 8-RF-80837.]
338
en raison de ce qui semble être la trahison de Thaï-Nan. Mais grâce au miroir d’argent qui
renvoie le clair de lune, les jeunes amoureux se reconnaissent. Le prince, généreux, pardonne
la ruse de la soubrette. Il épouse même Fanh-Sou et Pé-Minh et Thaï-Nan sont autorisés à se
marier.
Les noms de Fanh-Sou, Pé-Minh et Thaï-Nan nous rappellent les personnages de
Tchao-Mei-Hiang, ou les Intrigues d’une soubrette, la comédie chinoise traduite par Bazin en
1838 et adaptée par Judith Gautier en 1880 sous le titre du Ramier blanc (voir chapitre V).
Dans Le Théâtre chinois, Tcheng Ki-Tong cite quelques extraits de Bazin sans indiquer le titre
de Tchao-Mei-Hiang et qualifie la pièce d’une « œuvre légère »85.
Les citations de Tcheng Ki-Tong sont librement tirées de l’Acte I, scène 4-5, de la
traduction de Bazin : la demoiselle Siao-Man se concentre sur ses études, en dépit d’ « un ciel
si pur, une nuit si belle » de printemps. Le chant d’amour du jeune lettré Pé-Min-Tchong
retient l’attention de Fan-Sou et de Siao-Man. Les amoureux expriment leurs sentiments
réciproques par l’échange de poèmes. C’est le passage où Fan-Sou compare « la lune qui
brille à la pointe des saules » au « dragon azuré qui apporta jadis le miroir de Hoang-ti ».
Selon la note de Bazin86, ce « Hoang-ti » utilisé ici comme métaphore (et non un personnage !)
désigne l’ « Empereur Jaune » qui « régna par la vertu de la terre ». Cette métaphore tellement
chinoise est fidèlement traduite sous la plume de Bazin mais elle est supprimée dans
l’ouvrage de Tcheng Ki-Tong.
Charles Ségard doit parfaitement connaître la comédie de Tchao-Mei-Hiang, puisque
le nom de « Hoang-ti » auquel il est fait allusion dans le texte chinois ainsi que dans la
traduction de Bazin, devient le nom du rôle titre dans La Nuit chinoise. En outre, le clou de
l’adaptation de Ségard est le reflet du miroir. Si le « miroir de Hoang-ti » reste au niveau de la
métaphore chez Bazin, il devient, chez Ségard, un véritable « miroir d’argent » : un accessoire
à la disposition des comédiens. De l’intérêt littéraire à l’adaptation théâtrale, il faut procéder à
une réflexion profonde sur l’imaginaire de la comédie chinoise. D’ores et déjà, le travail de
Ségard témoigne de la popularité de Tchao-Mei-Hiang chez les amateurs de théâtre chinois.
85
Tcheng Ki-Tong, op. cit., pp. 113, 250-262.
86
Bazin aîné, Théâtre chinois, Paris, Imprimerie royale, 1838, pp. 35-36.
87
Maurice Guillemot, « La Marchande de sourires », publiée sur la première page du Figaro, le 21 avril 1888.
339
étranges88. Hiroko Aoki souligne son japonisme et l’attribue à l’influence de Tin-Tun-Ling89.
Tomoko Okada, quant à elle, met en valeur la « grande élégance » communiquée par l’affiche
du spectacle 90 et s’interroge sur la nuance entre l’esthétique classique du « Japon » et
l’esthétique constituée par le « japonisme »91.
En fait, Judith Gautier indique clairement que le titre « Ro-lan-Tan » signifie « la
courtisane qui chante dans les rues »92. D’après cet indice, nous arrivons à déterminer que Ro-
lan-Tan n’est autre que Ho-lang-tan, ou la Chanteuse, drame chinois d’un auteur anonyme
qui fut traduit par Bazin et intégré dans le recueil Le Théâtre chinois. Pourtant, il faut signaler
que Judith Gautier confond parfois elle-même Ro-lan-Tan avec une autre pièce intitulée La
Tunique confrontée, ce qui, d’après elle, est la traduction de Ro-lan-tsi93.
L’histoire de Ho-lang-tan, ou la Chanteuse se déroule chez un riche négociant nommé
Li-Yen-Ho, qui veut prendre la courtisane Tchang-Iu-Ngo comme deuxième femme. Lieou-
Chi, la femme légitime de Li-Yen-Ho, n’est pas d’accord avec le mariage et meurt de colère.
Mais la courtisane n’est jamais sincère. En collaboration avec son amant Wei-Pang-Yen,
Tchang-Iu-Ngo s’empare de la fortune de Li-Yen-Ho, incendie la maison et noie son pauvre
mari. C’est grâce à la fidèle nourrice Tchang-San-Kou que le jeune fils de la famille (nommé
Tchun-Lang) échappe à la misère. Il est pourtant vendu à l’officier Youan-Yen qui n’a aucun
enfant. Li-Yen-Ho a en fait réussi à survivre à l’« accident » mais devient un mendiant. Treize
ans se sont écoulés. Youan-Yen, père adoptif de Tchun-Lang, lui révèle sa vraie identité ainsi
que son passé. Par ailleurs, Li-Yen-Ho retrouve par hasard Tchang-San-Kou, devenue
chanteuse errante pour gagner sa vie. Celle-ci crée une série d’airs dans lesquels elle raconte
la tragédie de la famille. Tchun-Lang entend chanter ces histoires qui correspondent à celles
que raconte Youan-Yen. Cet « orphelin » reconnaît sa nourrice et celle-ci lui permet de
retrouver son père. La courtisane et son amant sont arrêtés et condamnés à mort.
En comparant le texte chinois et la traduction de Bazin, nous trouvons que les discours
fatalistes sont souvent modifiés sous la plume de Bazin. Les airs de Tchang-San-Kou en
particulier, qui sont remplis d’allusions littéraires chinoises (fin de l’Acte IV), sont
entièrement supprimés. L’adaptation de Judith Gautier, quant à elle, se focalise sur le sujet de
la vengeance de l’orphelin. Certes, les noms des personnages sont tous japonisés : le riche
négociant se nomme Yamato, la femme légitime devient Oyama. La courtisane s’appelle
Cœur-de-Rubis et son amant, Simabara. Le fils du négociant devient Ivashita ; sa nourrice,
Tika. La scène se déplace vers la ville de Yeddo (actuelle Tokyo), où le prince généreux de
Maëda adopte l’orphelin Ivashita.
88
Léon Guichard, Richard et Cosima Wagner : Lettres à Judith Gautier, Paris, Gallimard, 1964, p. 339.
89
Hiroko Aoki, Le Japon à travers le théâtre en France (1860-1930) : étude de réception, thèse doctorale,
Université Paris X – Nanterre, 1998, p. 127.
90
L’affiche de la publicité est conservée au Musée de l’Affiche, inv. 15072. Voir le catalogue de l’exposition
« Japonisme et mode » (Palais Galliera, Musée de la mode et du costume, 17 avril-4 août 1996), Paris, éd. Paris-
Musées, 1996, pp. 147, 191.
91
Tomoko Okada, Le Japonisme sur scène en France de 1870 à 1914, thèse doctorale, Université Paris-
Sorbonne, 2005, pp. 305-306.
92
Judith Gautier, Les Peuples étranges, Paris, G. Charpentier, 1879, p. 168.
93
Judith Gautier, Ibid., p. 173.
340
VI. 2. (4). (b) La présence du japonisme ou l’influence imperceptible de la Chine ?
Le drame de La Chanteuse est complètement japonisé sous la plume de Judith Gautier
(fig. 6.06a-c), sans que le public et les chercheurs ignorent son origine chinoise. En lisant
l’adaptation de Judith Gautier, nous trouvons pourtant deux faits qui diffèrent de l’original
chinois : (1) La nourrice Tika ne compose pas la chanson d’après la tragédie de la famille de
son maître. Elle chante simplement une berceuse. Et c’est la mélodie familière qui réveille les
souvenirs d’enfance d’Ivashita et qui lui permet d’identifier la nourrice. (2) La courtisane
Cœur-de-Rubis a une fille nommée Fleur-de-Roseau, qui est profondément aimée d’Ivashita.
En raison de la présence de Tika et de Yamato, le dénouement devient un dilemme cornélien
pour Ivashita. En effet, il doit venger sa mère et pourtant il ne peut pas tuer la mère de sa
bien-aimée. Finalement, c’est le suicide de Cœur-de-Rubis qui libère Ivashita du dilemme.
Au dernier moment de sa vie, Cœur-de-Rubis demande à Fleur-de-Roseau de « vi[vre]
heureuse avec l’élu de [s]on cœur » (Acte V, sc. 4). Cette phrase sert-elle à déculpabiliser
Cœur-de-Rubis de son adultère ? Tout ce qu’elle a fait à la famille d’Ivashita, était-ce pour
« vivre avec l’élu de son cœur » ? Judith Gautier nous fait entrevoir sa compassion envers la
courtisane qui se consacre à l’amour malgré les principes moraux de la société.
Le drame « charmant »94 de Judith Gautier ne remporte pas un grand succès populaire.
La « mise en scène très soignée, très riche »95 et la langue d’une grande finesse de l’auteure
arrivent à présenter la pièce d’une « si radieuse façon que les couleurs sombres disparaîtront
sous l’éclat de ce cadre » 96 . Malheureusement, « peu de monde » assiste à la seconde
représentation du 22 avril, dit Romain Rolland, représentation par ailleurs très perturbée par
l’écho des « agitations boulangistes »97. La création de La Marchande de sourires contribue à
ralentir la perte de vitesse de la mode de l’Extrême-Orient98. Mais nous devons aussi réfléchir
à un autre aspect dont cette pièce est l’illustration : l’esprit chinois continue à nourrir les
dramaturges, bien que son apparence chinoise soit transformée sur scène. Il ne faut peut-être
pas trop afficher la présence de la Chine sur la scène de l’époque, mais il faut signaler que le
discours chinois se laisse toujours sous-entendre dans le théâtre français.
94
Savigny, L’Illustration, n° 2358 du 5 mai 1888. Sur les critiques contemporaines de cette pièce japonaise, voir
E. M. de Lyden, « Théâtres », Le Monde artiste, n° 17, année 28, paru le 29 avril 1888 ; A. Héler, Art musical, n°
8 du 30 avril 1888, p. 59.
95
Christian Genty, Histoire du Théâtre national de l’Odéon (journal de bord), 1782-1982, Paris, Fischbacher,
1981, p. 65.
96
E. de Trémon, L’Orchestre, le 2 mai 1888.
97
Romain Rolland, op. cit., p. 217.
98
Anonyme, « Spectacles et concerts », Le Temps, le 23 avril 1888.
341
connaisseur des beaux-arts asiatiques et fondateur du Musée Guimet (actuel Musée national
des arts asiatiques), participe aussi à cette tendance. En effet, sa passion pour la musique
l’engage dans la composition musicale à partir de 1859. En 1876, son voyage au Japon avec le
peintre Félix Régamey lui permet de vivre « intensément les expériences musicales et
théâtrales » du pays du Soleil levant 99 . Guimet assiste à une représentation théâtrale à
Yokahama100 et publie en 1886 Le Théâtre au Japon. En ce qui concerne le théâtre chinois, le
travail de Guimet s’exprime dans l’opéra historique intitulé Taï-Tsoung, présenté le 11 avril
1894 au Grand Théâtre, à Marseille. Le journaliste Ernest d’Hervilly, qui a crée une comédie
japonaise intitulée La Belle Saïnara (Odéon, 1876), est chargé de concevoir le livret de Taï-
Tsoung. Il ne faut pourtant pas négliger l’influence de Guimet pendant la création du livret :
on dit d’ailleurs qu’il est « écrit » par d’Hervilly mais « dicté » par Guimet101.
Le nom de « Taï-Tsoung » (ou Taizong) désigne le deuxième empereur (règne : 626-
649) de la dynastie des Tang (618-907)102 . C’est sous cette dynastie que l’empire chinois
connut, pour la première fois, une grande expansion territoriale et culturelle. Les conquêtes
accomplies sous le règne de Taï-Tsoung permirent à l’empire de s’étendre jusqu’aux
territoires qu’on appelle aujourd’hui l’Ouzbékistan. Au contraire de l’époque des conquêtes
menées par Gengis Khan (règne : 1206-1227), la politique de Taï-Tsoung désirait mettre en
valeur et intégrer les cultures étrangères. La capitale de l’empire, Chang-an (actuelle Xi’an),
était d’ailleurs la ville la plus « internationale » de l’époque en termes de diversité d’échanges
commerciaux et culturels entre les différents peuples. L’époque de la dynastie des Tang est par
conséquent considérée comme l’âge d’or de l’Histoire chinoise.
Cette atmosphère culturelle fascine Émile Guimet, qui est lui-même un homme ouvert
à la culture étrangère. Nous avons parlé, dans le chapitre V, de la traduction et de la réception
des œuvres du poète Li Taïpé – celui-ci était issu d’une famille d’Asie centrale et il fut
nommé à l’Académie impériale (dit « Hanlin ») grâce à son talent littéraire. Un orientaliste
comme Guimet ne doit pas être ignorant des belles lettres chinoises de l’époque des Tang,
d’autant que la traduction de Judith Gautier a effectivement popularisé la poésie composée
sous cette dynastie.
Par ailleurs, la dynastie des Tang témoignait des échanges sino-japonais florissants. De
la fin du VIe siècle au milieu du IXe siècle, le Japon envoya vers la Chine vingt délégations
(dit « Kentōshi » en japonais) afin de se mettre à l’ « école de la Chine »103. Le bouddhisme se
fit ainsi connaître des Japonais. L’alphabet de la langue japonaise (dit « Hiragana » et
« Katakana ») fut aussi inventé à cette époque, en prenant pour base les systèmes des
99
Françoise Chappuis, « Émile Guimet et la musique », in Françoise Chappuis et Francis Macouin (dir.),
D’outremer et d’Orient mystique… les itinéraires d’Émile Guimet, Suilly-la-Tour, Findakly, 2001, pp. 131-139.
100
Émile Guimet, Promenades japonaises, avec dessins d’après nature par Félix Régamey, [Paris, G. Charpentier,
1878] Paris, Institut national des langues et civilisations orientales, 1975, pp. 189-194.
101
Jules Guillemot, Messager de Paris, le 20 mai 1894.
102
Pour la biographie de Taizong, nous avons consulté Charles-Patrick Fitzgerald, Tang Taizong : l’apogée de
l’Empire chinois, traduit de l’anglais par Gaston Lepage, en 1935, corrigé et préfacé par Michel Jan, Paris, Payot
& Rivages, 2008.
103
Voir Edwin O. Reischauer, chapitre « À l’école de la Chine », Histoire du Japon et des Japonais (I) : des
origines à 1945, traduit de l’américain et annoté par Richard Dubreuil, Paris, Seuil, 3e éd., 1997, pp. 31-45.
342
idéogrammes chinois. On pourrait dire que la culture japonaise de l’époque s’enrichit
énormément grâce à l’apprentissage de la culture chinoise. Émile Guimet n’a jamais voyagé
en Chine, mais son séjour au Japon renforce probablement son aspiration à la découverte de la
culture chinoise.
104
La bibliothèque du Musée Guimet conserve le manuscrit autographe de la partition et du livret [cote :
86200.Zb/28/VIII, 2 vols]. Il est publié chez Choudens Fils, à Paris, ca. 1895 [cote : 68928.Zb/6/IV].
105
Pour le programme de Taï-Tsoung, nous avons consulté l’exemplaire conservé à la BnF-ASP : RF-43581.
106
Le nom s’écrit « Fao-Li » dans l’édition Choudens Fils mais il s’écrit « Tao-Li » dans le programme du
théâtre ainsi que dans tous les journaux que nous avons consultés.
107
Sur l’héritage des objets de curiosité de l’Extrême-Orient et la conceptualisation du « musée asiatique » en
France, nous nous référons au travail de Sangchel Sin, Présentation des ensembles d’arts asiatiques en France,
XVIIIe-XIXe siècles : Évolution des conceptions muséales, thèse doctorale, Université Paris- Sorbonne, 2007.
343
l’empereur lui-même : Taï-Tsoung ne se déguise pas, comme le fait l’empereur dans Le
Laboureur chinois (Opéra, 1813) afin de dicter sa morale aux campagnards. En fait, quand
Taï-Tsoung congédie les odalisques du harem, son image évoque plutôt celle d’un pacha
oriental qui possède de somptueuses richesses, et non celle un empereur travailleur.
Le dramaturge met en évidence la valeur morale principale partagée par les Chinois,
concrétisée par la notion de la « piété filiale ». Shan et Tao-Li se sacrifient au profit de leurs
pères : le premier remplace son père et s’apprête à subir la peine de la mort, la seconde
devient l’odalisque de la cour en obéissant à la volonté de son père. Leur conduite traduit
l’exigence fondamentale de la « piété filiale », à savoir respecter la volonté des parents et les
vénérer. Cette « piété filiale » se fonde en fait sur l’obéissance et l’obligation : c’est un ordre
hiérarchique et surtout patriarcal qui stabilise la société chinoise et qui facilite également la
domination impériale sur le peuple. Car le peuple n’est autre que l’ « enfant-peuple »
(zimin) de l’empereur, qui est lui-même le « fils du Ciel ». L’empereur exécute la volonté du
ciel, et le peuple se soumet à celle de l’empereur.
Souligner cette hiérarchie n’a pas pour but de promouvoir la morale chinoise. Dans le
cadre de l’actualité française, ceci évoque même plutôt les désordres politiques qui agitent la
fin du mandat du Président de la République, Sadi Carnot (1887-1894). En effet, de 1892 à
1894, les anarchistes ont déclenché une série d’attentats marquants108. Suite à une action à
l’explosif perpétrée au Palais-Bourbon en décembre 1893, l’anarchiste Auguste Vaillant est
« guillotiné » le 5 février 1894 (c’est-à-dire, « décapité » dans le contexte chinois). Il en va de
même pour un autre anarchiste, Émile Henry, qui bombarde le 9 février le café Terminus à la
Gare Saint-Lazare ; il est guillotiné le 21 mai, bien que Georges Clemenceau ne soutienne pas
cette « basse vengeance »109. La crise atteint son apogée le 24 juin 1894, lorsque Sadi Carnot
est assassiné par l’anarchiste italien Sante Geronimo Caserio, à l’occasion de l’Exposition de
Lyon. La représentation de Taï-Tsoung, qui a eu lieu avant ce dernier événement, reflète une
inquiétude profonde de la société de l’époque et suggère une aspiration à la stabilisation
politique.
108
Voir le tableau de Jean Maitron, op. cit., p. 214.
109
Michel Winock, Clemenceau, Paris, Perrin, 2007, pp. 222-223.
110
Discours de M. Chavent, repris dans Cinquantenaire, Lyon, Impr. de P. Legendre, [1910], pp. 5-6.
111
Michel Desgravaz, Journal de Marseille, le 13 avril 1894.
344
qu’il n’y ait « rien de saillant à noter » dans le livret, « tout est dans une tonalité grisâtre qui
vous plonge dans une douce somnolence »112. C’est la composition d’Émile Guimet qui est
surtout critiquée. Bien qu’elle soit assez exotique, poursuit Le Monde artiste, c’est « une
œuvre confuse et dont les longueurs ont lassé les plus intrépides » 113 . Le Soleil du Midi
constate que le développement de la partition est trop « exagér[é] » et « trop souvent noy[é]
dans d’inutiles et fatigantes longueurs »114.
Si la plupart des journaux marseillais considère la représentation de Taï-Tsoung
comme un fruit de la décentralisation et la qualifie d’expérience décevante115 , les journaux
parisiens semblent mieux apprécier l’œuvre d’Émile Guimet que leurs confrères de province.
Le Gaulois constate que la partition est « très savante » et « très travaillée », au point qu’elle
n’est pas effectivement « à la portée de tout le monde » 116 . Un mois après la première
représentation, Le Messager de Paris publie un article de Jules Guillemot signalant que la
partition « fort intéressante » et « fort attachante » conçue par Émile Guimet est très
appréciée : « Musique nette et franche, expressive, colorée, qui sait où elle va et dit bien ce
qu’elle veut dire. Le compositeur a le sentiment du théâtre, qui se perd aujourd’hui et dont les
meilleurs musiciens sont rarement pénétrés »117.
Malgré les divergences d’opinions au sujet du livret et de la musique, la qualité des
effets visuels de Taï-Tsoung semble indéniable et appréciée de tous. La Cigale de Marseille
remarque que « la mise en scène et les décors dépassent en luxe tout ce qu’on a vu ici jusqu’à
ce jour. Les costumes sont de la plus grande richesse et d’une exactitude méticuleuse »118. Le
Journal de Marseille va dans la même direction, en constatant que « la mise en action des
documents [historiques] péniblement rassemblés », fait de la pièce « une série de peintures
originales »119. Le « musée en action », terme subtilement péjoratif utilisé par la presse pour
désigner la représentation de Taï-Tsoung, suggère néanmoins une scène remarquable en
termes de somptuosité de décors et de rigoureuse exactitude des costumes. Tous les journaux,
ou presque, affirment le bon goût esthétique du fondateur du musée Guimet.
Les danseurs et danseuses du ballet rendent la beauté de la scène encore plus raffinée
puisqu’ils sont eux-mêmes le « musée » mobile. Les numéros comme la Fête des Lanternes
suggèrent des motifs très chinois et peut-être très usés, mais Le Gaulois constate que les
ballets « se déroulent sur des motifs piquants, agréablement nuancés dans leurs variations »120.
Le Pas de l’éventail et la Danse des guerriers chinois sont également très applaudis par le
112
E. G., Le Monde artiste, n° 16 du 22 avril 1894.
113
E. G., Ibid.
114
Anonyme, Soleil du Midi, le 12 avril 1894.
115
Sur les critiques des journaux lyonnais et marseillais, voir la documentation de « Taï-Tsoung, opéra de M.
Émile Guimet », Revue du siècle (publié à Lyon), n° 85 de juin 1894, pp. 331-338. Les premières lois de
« décentralisation » remontent aux 10 août 1871 et 5 avril 1884. Pour l’histoire de la décentralisation, nous avons
consulté la documentation de l’Assemblée Nationale :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/decentralisation.asp
116
Nicolet, Le Gaulois, le 12 avril 1894.
117
Jules Guillemot, Le Messager de Paris, le 20 mai 1894.
118
J. Bremond, La Cigale, n° 49 du 15 au 30 avril 1894.
119
Michel Desgravaz, Journal de Marseille, le 13 avril 1894.
120
Nicolet, Le Gaulois, le 12 avril 1894.
345
chroniqueur du Voltaire121.
Les 26 photographies conservées au Musée Guimet nous permettent de découvrir le
« musée en action » de Taï-Tsoung (fig. 6.08a-z). Ce « musée » sur scène se caractérise
notamment par la précision et la minutie du choix des costumes et ustensiles des acteurs. En
effet, excepté quelques costumes chevaleresques (fig. 6.08i) ou orientaux (fig. 6.08o), le style
du costume respecte globalement les usages de la dynastie Tang. On n’y retrouve plus de
babouches « à l’orientale » dont les extrémités sont pointues et remontées. Les rôles
masculins ne portent pas de tresse puisqu’il s’agit d’une histoire médiévale qui n’a aucun
rapport avec les mœurs des Mandchous. Le dessin signé « L. Bourgeois » et représentant le
personnage de l’empereur Taï-Tsoung, tente de traduire le même goût pour une Chine réaliste
(fig. 6.09). Et si la coiffure et le costume de l’empereur (fig. 6.08f-h) font curieusement
penser au style de La Japonaise dessinée par Claude Monet en 1876, ce n’est là rien d’autre
que l’empreinte du japonisme que nous trouvons régulièrement dans les créations au sujet
chinois sous la Troisième République. En fait, c’est aussi les personnages de l’empereur (fig.
6.08f, g, z) et de la jeune fille (fig. 6.08l) qui, en mettant les index en l’air, nous montrent
encore une fois le « geste chinois ». Ce geste, comme nous avons signalé dans le chapitre V
(voir V. 5. (4)), s’est introduit dans le japonisme et s’est mélangé avec les gestuelles des
comédiens japonais.
121
Scapin, Le Voltaire, le 15 avril 1894.
346
À l’intérieur de ses frontières et depuis 1861, la Chine a commencé une série de
mesures de modernisation, suite à l’échec de la Seconde Guerre de l’Opium. La marine
chinoise (dite « Beiyang »), établie en 1888 sur le modèle occidental, possède les flottes les
mieux équipées de l’Asie de l’Est. Mais les problèmes de formation du personnel et le
manque de ressources financières prédestinent la flotte de Beiyang au fiasco lors de son
combat contre les Japonais. La guerre sino-japonaise s’achève donc en 1895 par la signature
du Traité de Shimonoseki. La Chine reconnaît l’indépendance de la Corée et cède au Japon
l’île de Formose et les Pescadores.
Le triomphe du Japon lui permet désormais de rivaliser avec les pays occidentaux au
sujet de ses intérêts en Chine. Dix ans plus tard, la guerre russo-japonaise débute… en Chine
(6 février 1904 - 5 septembre 1905). Pour la première fois, un pays de la « race blanche » est
défait par une « race jaune », si l’on reprend les termes des darwinistes de l’époque coloniale.
L’ancien Céleste Empire connaît un déclin total, tandis que le Japon devient « l’ » Orient le
plus connu du monde occidental.
122
Sur la (mé)connaissance du taoïsme par les Jésuites, voir Bai Zhimin, Les Voyageurs français en Chine aux
XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, L’Harmattan, 2007, pp. 165-169. Sur les œuvres du taoïsme traduites en langues
occidentales, voir Muriel Détrie, « Présentation critique des premières traduction européennes des classiques
taoïstes », in Muriel Détrie (dir.), Littérature et Extrême-Orient : le paysage extrême-oriental, le taoïsme dans la
littérature européenne, Paris, Honoré Champion, 1999, pp. 147-162.
123
« La lettre du père Fréret au père de Mailla », datant de 1735, in Virgile Pinot, Documents inédits relatifs à la
connaissance de la Chine en France de 1685 à 1740, [Paris, 1932,] Genève, Slatkine, 1971, p. 103.
347
Tao-Te-King124, « livre de la voie et de la vertu », extraits figurant dans sa présentation de
Lao-tseu (ou Laozi) – contemporain de Confucius et fondateur de l’école de Tao. En 1842,
Stanislas Julien publie la traduction complète de Tao-Te-King125.
En ce qui concerne les ouvrages dramatiques, ce sont les traductions de Bazin qui
permettent de découvrir les pièces chinoises sur « Tao-ssé » (le prêtre du taoïsme). Mais les
efforts des sinologues se traduisent tardivement dans le théâtre. Comparé aux éléments
bouddhistes (la statue de Bouddha, la pagode, etc.) souvent utilisés dans les spectacles au
sujet chinois, peu d’éléments du taoïsme se retrouvent sur la scène de théâtre.
La Troisième République connaîtra le renouveau de l’intérêt pour la recherche sur le
taoïsme. En 1889, Albert Réville, du Collège de France, publie La Religion chinoise : on fixe
désormais l’usage du mot « taoïsme » pour désigner la pensée et la religion de l’école de Lao-
Tseu126. Léon de Rosny (l’auteur du Couvent du dragon vert, voir chapitre V) publie ensuite,
en 1892, l’ouvrage intitulé Le Taoïsme127. En 1898, Désiré Marceron publie la Bibliographie
du taoïsme128. C’est dans ce contexte que l’on incorpore désormais les éléments taoïstes dans
le théâtre.
124
Jean-Pierre Abel-Rémusat, Mémoire sur la vie et les opinions de Lao-tseu, philosophe chinois du VIe siècle
avant notre ère, qui a professé les opinions communément attribuées à Pythagore, à Platon et à leurs disciples,
Paris, Imp. Royale, 1823.
125
Stanislas Julien, Lao-Tseu-Tao-Te-King, Le Livre de la voie et de la vertu, composé dans le VIe siècle avant
l’ère chrétienne, par le philosophe Lao-Tseu, traduit en français et publié avec le texte chinois et un
commentaire perpétuel, Paris, Imp. Royale, 1842.
126
Albert Réville, La Religion chinoise, Paris, Fischbacher, coll. « Histoire des religions », 2 vols, 1889.
127
Léon de Rosny, Le Taoïsme, avec une introduction par Adolphe Franck, Paris, E. Leroux, 1892.
128
Désiré Jean-Baptiste Marceron, Bibliographie du Taoïsme, suivie d’une biographie des principaux sinologues,
japonistes et autres savants adonnés à l’étude de l’Extrême-Orient, Paris, Ernest Leroux, 1898.
129
Sur les principaux « œuvres » présentées par ce théâtre au XIXe siècle, voir « Les saisons de l’Œuvre 1893-
1900 », in Le Théâtre de l’Œuvre, 1893-1900 : naissance du théâtre moderne, catalogue d’exposition, Paris,
Musée d’Orsay, 2005, pp. 151-153.
130
Jacques Robichez, Le Symbolisme au théâtre : Lugné-Poe et les débuts de l’Œuvre, Paris, L’Arche, 1957, p.
375.
348
« fantaisie exotique »131 est jouée par des comédiens français et une troupe itinérante chinoise
dirigée par un dénommé Tchay-Chow-Bing132. Mais Le Dragon vert n’est pas un « cadre »,
un moyen tel qu’on en utilisait dans les années 1850 pour présenter les numéros chinois (voir
chapitre IV). Sur la scène du Nouveau Théâtre, non seulement les acteurs chinois mais aussi
les comédiens français ont leurs « répliques »… en chinois.
Nous ne pouvons retrouver ni la publication ni le manuscrit de ce livret franco-chinois.
Nous reconstituons l’histoire du Dragon vert en nous appuyant sur les revues de presse. La
pièce est composée de trois actes : 1er acte – Les jardins d’une maison de thé à Pékin ; 2e
acte – le Dieu Ta-O et la justice en Chine ; 3e acte – La fête du Dragon vert. Entre les 1er et 2e
actes se déroulent deux tableaux consacrés aux visions de fumeurs d’opium133. L’histoire se
développe autour d’un dénommé Tchin-Pao, un jeune homme d’origine chinoise qui, après ses
études de médecine en France, rentre en Chine avec son valet Jean et sa bien-aimée Claire134.
Dans une maison de thé à Pékin, Jean et Claire, égarés, fument l’opium comme les Chinois.
Ils rencontrent aussi un prétendu sinologue français nommé Paul, qui, en fait, ne sait pas
parler chinois. Celui-ci devient leur interprète et suscite une série de malentendus. Alors
qu’un vieux mandarin cherche à s’emparer de Claire, Paul est accusé du rapt de la femme de
l’hôtelier et subit divers supplices chinois. Pour sauver Claire et Paul, Jean se glisse dans le
tribunal. Il se cache derrière la statue du dieu Ta-O et énonce la soi-disant volonté du dieu.
Finalement, Paul arrive à se dégager de l’embarras et Claire retrouve son Tchin-Pao135.
Certains critiques qualifient le livret de « modeste »136, « faible »137, « une pochade
saugrenue et incohérente »138, « un petit scénario sans prétention […] souligné d’une partition
facile »139. De tels jugements ne semblent pas inattendus puisqu’on n’arrive pas à développer
des intrigues compliquées en utilisant une langue étrangère à la plupart des spectateurs. En
effet, pour se faire comprendre, les acteurs chinois ont recours à « leur mimique […]
singulièrement expressive », et le résultat est satisfaisant140.
En dépit des critiques à l’égard du livret, les spectateurs sont très intéressés par les
131
Le bulletin publié dans L’Orchestre, le 21 février 1895.
132
Dancourt, « La Soirée théâtrale », La Gazette de France, le 23 février 1895.
133
Le Gaulois, le 21 février 1895.
134
Nous relevons la distribution comme suit : Claire du Vésinet, demi-mondaine égarée à Pékin (Mlle
Micheline) ; Jean, domestique turbulent (M. Tauffenberger) ; Tchin-Pao, un boulevardier (M. Pierre Achard) ;
Paul, interprète ignare (M. Goneau) ; le mandarin Tchang-Hiao (M. Ha-Tat) ; le juge Ya-Ya Tsen (M. Ah-Ton) ;
Tien-Kiki (M. Ah-Tine) ; l’introducteur (M. Lon-Koa-Toug ou Lou-Koa-Tong) ; le domestique de Tchang-Hiao
(M. Ah-Ye) ; l’empereur (M. Ah-One ou Ah-Oué) ; le voleur (M. Ah-Line) ; le peintre (M. Ah-Tsun) ; premier
policier (M. Ah-Kan) ; deuxième policier (M. Ah-Poh) ; le musicien (M. Ah-Kol-Eh) ; le fumeur d’opium (M.
Ah-Hong) ; un veilleur de nuit (M. Ah-Him) ; chef de la patrouille (M. Ah-Nanc) ; le barbier (Mme Hat-Soë) ;
Li-La-O (Mme Am-Hounn ou Hat-Soë) ; Fan-Sou (Aht-Choie). (Sources : Le Gaulois paru le 21 février 1895,
La Presse paru le 22 février 1895 et Le Moniteur universel paru le 22 février 1895.)
135
En ce qui concerne l’intrigue du Dragon vert, nous nous appuyons principalement sur les sources suivantes :
(1) Robert Vallier, « Le Théâtre », La République française parue le 23 février 1895 ; (2) Ivan Bouvier,
« Premières représentations », Le Journal paru le 22 février 1895.
136
Albin Valabrègue, « Les Théâtres », L’Illustration, n° 2714 du 2 mars 1895.
137
Jean de Lorr, L’Orchestre, le 27 février 1895.
138
M. F., « Les Premières », Le XIXe siècle, le 23 février 1895.
139
Paul-Émile Chevalier, « Semaine théâtrale », Le Ménestrel, le 24 février 1895.
140
H. C., « Tablettes théâtrales », Le Matin, le 22 février 1895.
349
effets visuels du Dragon vert. Paul-Émile Chevalier apprécie « la richesse des costumes aux
ramages luxuriants et aux couleurs irradiantes », ainsi que « le séduisant agencement de
décors très soignés dans leurs détails » 141 . Edmond Stoullig indique également que le
« puissant intérêt » du Dragon vert « réside dans la décoration et la mise en scène absolument
exactes et charmantes »142.
Par ailleurs, les acrobaties sont indispensables dans un spectacle donné par les
véritables Chinois. La « fête du Dragon vert » du troisième acte se compose ainsi de jeux
acrobatiques qui mêlent à la fois « agilité incroyable » et « goût de cruauté » : selon
Francisque Sarcey, ces Chinois « se piquent de montrer leur endurance à la douleur ; […] l’un
d’eux se suspend par les cheveux tordus en natte à une corde qu’on balance, et jongle avec
des couteaux »143. La Caricature indique qu’il y a un acrobate qui « se précipite la tête en
avant contre des murs, contre des tables, contre les plancher »144. Jean de Lorr, quant à lui,
note la « grande scène de ‘clownerie’ » et « une incontestable originalité » dans le
divertissement final145.
Pour nous, si la cacophonie de la langue chinoise, les effets visuels des chinoiseries et
des acrobaties sont régulièrement présentés dans les pièces que nous traitons, deux éléments
sont néanmoins nouveaux dans Le Dragon vert, à savoir le dieu « Ta-O » et la scène du
tribunal. Même si nous ne connaissons pas les détails de la statue du dieu « Ta-O » présente
sur la scène 146 , l’utilisation d’un tel terme « Ta-O » reflète l’intérêt de l’époque pour le
taoïsme. Nous y reviendrons dans la section VI. 3. (4). La séance du tribunal, quant à elle,
permet de découvrir la justice et surtout les divers supplices en Chine147.
Le Dragon vert ouvre en fait le champ de la création du « théâtre interculturel » – si
nous empruntons ici l’expression populaire d’aujourd’hui. Certes, ce n’est pas la première fois
que l’on voit juxtaposer sur scène les éléments français et chinois : La Chine à Paris (Variétés,
1851 & Porte Saint-Martin, 1854) encadrait les jeux chinois dans un spectacle français ; Ba-
ta-clan (Bouffes Parisien, 1855) se focalisait sur le déguisement chinois ; Fou-Yo-Po (Palais-
Royal, 1860) se penchait sur les calembours et la comparaison des mœurs ; etc. Mais le
mélange franco-chinois évolue dans Le Dragon vert. Pour la première fois, les acteurs chinois
tiennent des rôles dans un spectacle français, sans se contenter d’être des figurants dont la
présence se borne aux acrobaties. Il n’existe plus de « cadre ». Les acteurs chinois, qui, en
réalité, ne savent pas répondre à leurs interlocuteurs en français, sont les plus « qualifiés »
pour interpréter les personnages chinois qui ne comprennent pas ce que demandent les
personnages français égarés en Chine. L’impossibilité de la communication réelle est
141
Paul-Émile Chevalier, « Semaine théâtrale », Le Ménestrel, le 24 février 1895.
142
Edmond Stoullig, « Chronique dramatique », Le Monde artiste illustré (année 35, n° 8), le 24 février 1895.
143
Francisque Sarcey, « Chronique théâtrale », Le Temps, le 25 février 1895.
144
Yseult, « La Semaine théâtrale », La Caricature, le 2 mars 1895.
145
Jean de Lorr, L’Orchestre, le 27 février 1895.
146
H. C., « Tablettes théâtrales », Le Matin, le 22 février 1895. Selon l’auteur de cet article, Jean se cache
derrière la statue du Bouddha. Nous nous interrogeons : les caractéristique du dieu Ta-O sont-elles identiques à
celles du Bouddha, ou est-ce là simplement une confusion de la part du chroniqueur ?
147
Henri Fouquier, « Les Théâtres », Le Figaro, le 22 février 1895 ; Robert Vallier, « Le Théâtre », La
République française, le 23 février 1895.
350
transposée sur la scène et constitue la trame du spectacle.
Ce qui est encore plus intéressant, c’est que cette troupe chinoise est probablement un
« décalque ». Si le nom du directeur « Tchay-Chow-Bing » évoque celui d’un Sino-
vietnamien « Tay-Chom-Beng » qui a présenté sa troupe à Marseille en août 1894 (voir VI. 6.
(2)), les scènes du cérémonial dans Le Dragon vert rappellent également le théâtre annamite
qui s’est fait connaître dans le pavillon indochinois à l’Exposition universelle de 1889148.
Quelques danseuses de ce spectacle du Nouveau Théâtre s’habillent d’ailleurs en
Javanaises149. Sous cet angle, on pourrait même dire que Le Dragon vert est « le ragout d’une
attraction » à la fois « originale » et « piquante » 150 . Il témoigne de l’introduction des
éléments indochinois, voire provenant des îles de l’Asie-Pacifique, dans le spectacle au sujet
chinois. Comportant moins d’influence du japonisme, ce style mi-colonial mi-océanien
devient un courant en soi dans les spectacles au sujet chinois : à la charnière du XIXe siècle et
du XXe siècle, Pierre Loti présentera son personnage chinois comique dans L’Île du rêve
(Opéra-Comique, 1898) dont l’intrigue se déroule à Tahiti ; l’Opéra mettra en scène des
Chinoises et des Javanaises dans une même pièce sur Attila (voir VI. 5) ; et la comédie
chinoise Tchao-meï-hiang, ou les Intrigues d’une soubrette, sera retraduite et présentée dans
le pavillon indochinois de l’Exposition universelle de 1900 (voir VI. 3).
148
Camille Le Senne, « Premières Représentations », Le Siècle, le 22 février 1895 ; Des Tournelles, « Les Soirs
de premières », Le Moniteur universel, le 23 février 1895.
149
H. C., « Tablettes théâtrales », Le Matin, le 22 février 1895 ; Des Tournelles, « Les Soirs de premières », Le
Moniteur universel, le 23 février 1895.
150
Georges Docquois, « Le Dragon vert », Le Journal, le 21 février 1895.
151
Jules Arène, La Chine familière et galante, Paris, Charpentier, 1876.
152
Jules Arène signale que les personnages sont « tenus par des femmes, chose contraire aux lois et tolérée
seulement sur le terrain quasi européen de nos concessions » (Jules Arène, op. cit., p. 91). Mais en fait, le « Houa
couo shi » est aussi joué par les hommes. Le « théâtre de femmes » est un malentendu de la part de Jules Arène.
153
Jacques Pimpaneau, « Chine (opéra chinois) », in Michel Corvin (dir.), Dictionnaire encyclopédique du
Théâtre, Paris, Larousse, 2003, p. 334.
351
le « théâtre des tambours fleuris », est l’une des formes brèves les plus vivantes de la région
de Hubei (en Chine centrale) 154 . Trois comédiens qui interprètent respectivement le jeune
garçon, la jeune fille et la personne âgée, suffisent pour assurer une pièce de « Houa couo
shi ». Souvent joué sur les tréteaux, le « Houa couo shi » nous fait penser à la « parade »
foraine française du XVIIIe siècle. Jules Arène n’est peut-être pas le premier écrivain français
qui s’intéresse au « Houa couo shi ». Dans La Chine ouverte, récit de voyage de Old Nick
(pseudonyme de Émile Daurand Forgues), le héros raconte une représentation de Pou-Kang,
ou Raccommodeur de Porcelaine cassée 155 , dont l’intrigue et la dramaturgie nous laissent
penser qu’il s’agit là d’une pièce de « Houa couo shi ».
Même si nous n’arrivons pas à retrouver le livret écrit en dialecte de Soutchoou, il
existe plusieurs spectacles intitulés Balanhua (« tirer l’orchidée ») ou Bailanhua (« l’orchidée
blanche ») dans les répertoires des théâtres locaux. En général, l’histoire se développe autour
d’une jeune fille qui est amoureuse d’un jeune homme et qui offre à ce dernier une épingle en
forme d’orchidée, comme symbole de leur constance. Mais leurs parents s’opposent à leur
mariage et les forcent à se séparer. Ces deux jeunes amoureux se retrouvent trois ans plus tard.
Le jeune homme a toujours gardé l’épingle, etc.156 Les détails et les dénouements diffèrent
selon chaque théâtre local.
Dans la traduction de Jules Arène, il s’agit toujours d’un jeune couple. La fille, âgée de
dix-huit ans, est fascinée par un garçon désœuvré. Elle passe la nuit avec lui. Le lendemain,
ils se décident de se marier. Mais les parents du garçon, qui croient aux paroles d’un voyant,
refusent de marier leur fils à cette fille censée apporter le malheur. Le garçon se rend à la
grande ville et devient marchand itinérant. La fille, quant à elle, est destinée à un riche
mandarin qui ne cesse d’avoir des doutes sur sa chasteté. Trois ans plus tard, le garçon revient
chercher la fille. Ces deux jeunes gens s’aiment toujours mais ils ne peuvent que se séparer à
nouveau en raison des coutumes chinoises.
Le travail de Jules Arène attire l’attention de Ferdinand Brunetière, historien de la
littérature et critique littéraire. En 1886, dans un compte-rendu consacré au Théâtre des
Chinois de Tcheng Ki-Tong, Brunetière signale que, en plus des œuvres présentées par ce
général chinois, il existe d’autres pièces extraordinaires, découvertes par Jules Arène lors de
son voyage en Chine157. Pendant la période de la représentation de La Fleur enlevée, le talent
de Jules Arène retient à nouveau l’attention des lettrés. Selon Catulle Mendès (l’ex-mari de
Judith Gautier), « l’adroit traducteur a eu le courage de garder de l’original tout ce qui pouvait
étonner, et le tact d’omettre tout ce qui aurait pu choquer »158. Mais Mendès n’indique pas
154
Roger Darrobers, Opéra de Pékin : théâtre et société à la fin de l’empire sino-mandchou, Paris, Bleu de Chine,
1998, p. 75.
155
Old Nick (pseudonyme d’Émile Daurand Forgues), La Chine ouverte : aventures d’un Fan-Kouei dans le
pays de Tsin, Paris, H. Fournier, 1845, pp. 290-292.
156
Lin Forng-Yuan, « Minjian xiaoxi de ticai ji qi tese» (« Les sujets et les caractéristiques des petits théâtres »),
in Tseng Yong-Yih et Shen Tung (dir.), Liangan xiaoxi xueshu yantaohui lunwenji (« Actes du colloque : Les
petits théâtres en Chine et à Taiwan »), Yilan (Taiwan), National Centre for Traditional Arts, 2001, p. 49.
157
Ferdinand Brunetière, « Revue littéraire : À propos du théâtre chinois », Revue des deux mondes, n° 74 de
1886 (mars-avril), pp. 212-224.
158
Catulle Mendès, « Premières représentations », Le Journal, le 23 avril 1896.
352
d’où viennent ses sources au sujet de l’original chinois, ce qui nous empêche d’effectuer une
comparaison entre la version chinoise et la traduction de Jules Arène.
Sur la scène du Nouveau Théâtre, la pièce est « montée avec soin et goût »159. À la
différence des trois acteurs dans le « Houa couo shi » chinois, il ne faut que deux acteurs pour
assurer La Fleur enlevée au Nouveau Théâtre. Les « personnages » comme le mandarin et les
parents du jeune homme n’existent que dans les chants des comédiens. M. Henri Monteux,
issu de l’Odéon, joue le jeune amoureux « avec beaucoup de finesse malicieuse et gentille»160.
Mlle Suzanne Auclaire, qui joue avec Lugné-Poe dans un autre spectacle donné la même
soirée161, apporte « beaucoup de charme et de finesse » à la jeune fille162. En particulier, « les
acteurs font eux-mêmes la légende de chacun de leurs gestes »163 . Grâce à leur jeu, cette
« chinoiserie ingénue et candide » devient finalement un spectacle « séduisant »164.
D’une perspective littéraire, La Fleur enlevée n’est pas considérée comme un chef-
d’œuvre. Pour la plupart de spectateurs, elle n’est qu’ « une jolie curiosité de littérature
exotique »165, un « bibelot d’étagère frêle et assez curieux », une chinoiserie « tout à la fois
très puérile et très raffinée » 166 . La création de La Fleur enlevée atteste toutefois d’une
tendance de la fin du XIXe siècle : on crée moins de pièces dramatiques sur le thème du
Chinois comique et l’on s’intéresse de plus en plus à la comédie des Chinois. Par la traduction
ou l’adaptation, c’est une époque où l’on s’efforce de comprendre et d’apprécier le goût
singulier de la comédie chinoise originale. En outre, si la traduction/adaptation de l’œuvre
dramatique chinoise nous rappelle le travail de Judith Gautier, il faut signaler que la
représentation du Ramier blanc (Hôtel de Mme de Poilly, 1880) n’est accessible qu’à très peu
de spectateurs. Quant à La Marchande de sourires (Odéon, 1889), cette œuvre est
complètement japonisée et perd donc son identité chinoise. Tcheng Ki-Tong raconte une
représentation de L’Histoire du luth (Porte Saint-Denis, 1884 ?) dont nous avons interrogé
plus haut la crédibilité. La Fleur enlevée est donc probablement la première comédie chinoise
jouée dans une grande salle du théâtre français.
159
A.-Ferdinand Hérold, « Les Théâtres », Mercure de France (T18, N78), juin 1896, p. 462.
160
Robert Vallier, « Le Théâtre », La République française, le 24 avril 1896.
161
Émile Marsy, « Derrière la toile », Le XIXe siècle, le 23 avril 1896.
162
Edmond Stoullig, « Chronique dramatique », Le Monde artiste illustré (A36, N17), le 26 avril 1896.
163
Victor de Cottens, « Premières représentations », Le Voltaire, le 24 avril 1896.
164
Edmond Stoullig, « Chronique dramatique », Le Monde artiste illustré (A36, N17), le 26 avril 1896.
165
Henry Fouquier, « Les Théâtres », Le Figaro, le 23 avril 1896.
166
Francisque Sarcey, « Chronique théâtrale », Le Temps, le 27 avril 1896.
353
En 1772, une « tragi-comédie » intitulée Turandot est publiée dans Fiaba chinese
teatrale de Carlo Gozzi. Comme La Princesse de la Chine de Lesage, l’origine de cette
Turandot peut remonter aux Mille et un jours. Mais la préoccupation de Gozzi n’est pas de
représenter une scène chinoise authentique. En revanche, Gozzi n’utilise l’exotisme et le
cérémonial oriental que pour augmenter l’effet dramatique de la scène : l’originalité de Gozzi
réside donc dans son habileté à fondre « en un organisme dramatique unique le
développement linéaire du conte oriental, les situations archétypales de la tragédie et les
répétitions propres à la littérature orale »167. En 1802, le poète Schiller « traduit » la pièce de
Gozzi en allemand, sous le titre de Turandot, princessin von China. Cette « traduction », qui
est en fait une adaptation, est représentée le 30 janvier 1802, « au milieu d’applaudissements
enthousiastes qui s’adressaient au traducteur allemand beaucoup plus qu’au poète italien »168.
Aux alentours de 1809, le public de Berlin découvre l’œuvre lyrique de Carl Maria von Weber,
composée à partir de la traduction de Schiller. À La Scala de Milan, c’est Antonio Bazzini (le
futur professeur de Puccini) qui crée, en janvier 1867, un opéra intitulé Turanda169.
En France, le rayonnement de la princesse chinoise semble éteint. En 1841, on se
propose de créer une Turandot à l’Opéra-Comique170. Mais le projet n’intéresse pas. En 1865,
les lecteurs français découvrent enfin la Turandot de Gozzi, pièce traduite par Alphonse Royer
et figurant dans le recueil Théâtre fiabesque. Cette « traduction » est cependant un mélange du
texte de Gozzi et de celui de Schiller. Alphonse Royer signale dans l’Acte II, scène 1, par
exemple, que cette scène est toute entière tirée de la version de Schiller : en effet, chez Gozzi,
« elle est à l’état de programme pour être développée par l’improvisation des acteurs »171. En
outre, dans le travail de Royer (Acte II, sc. 4), les trois énigmes de la princesse Turandot tirées
de chez Gozzi sont remplacées par les énigmes présentes dans la traduction de Schiller172. En
somme, la traduction française de Turandot de Gozzi est véritablement « contaminée » par
l’adaptation de Schiller.
En 1876, la Gaîté est transformée en Théâtre national lyrique, sous la direction de
Vizentini. Parmi les spectacles de la soirée d’inauguration du 23 avril, on découvre un ballet
dont l’air d’ouverture s’intitule Turandot. Celle-ci est un mélange d’ « un air chinois noté
jadis par J.-J. Rousseau » et des airs de Weber173. Le drame de Turandot n’est pas entièrement
mis en scène.
Durant la première moitié du XXe siècle, Jacques Copeau signe, le 28 décembre 1922,
une mise en scène de Turandot d’après la version de Gozzi174. La représentation aura lieu au
167
Jacques Joly, « La Turandot de Carlo Gozzi : récit, fantasmes, allégorie », in Elie Konigson (dir.), Les Voies
de la création théâtrale, n° VIII, « Recherches sur les textes dramatiques et les spectacles du XVe au XVIIIe
siècle », Paris, CNRS, 1980, pp. 326, 329.
168
Correspondance entre Goethe et Schiller, vol. 2. Traduction française de Mme la Baronne de Carlowitz et
révisée par Saint-René Taillandier, Paris, Charpentier, 1863, p. 295.
169
William Ashbrook et Harold Powers, Puccini’s Turandot : The End of the Great Tradition, Princeton, New
Jersey, Princeton University Press, 1991, p. 54.
170
Anonyme, Revue et Gazette musicale de Paris, n° 38 du 20 juin 1841.
171
Carlo Gozzi, Théâtre fiabesque, traduit par Alphonse Royer, Paris, Michel Lévy frères, 1865, p. 169.
172
Ibid., pp. 179-180, 182.
173
Mercure de France [série moderne, directeur Alfred Vallette], le 1er juin 1926, p. 337.
174
Cette nouvelle traduction est accomplie par Jean-Jacques Olivier, sous le titre La princesse Turandot, publiée
354
Théâtre du Vieux-Colombier. De Max Reinhardt à Bertolt Brecht, en passant par Ferruccio
Busoni, plusieurs maîtres du théâtre créeront leurs Turandots. En juin 1928, la troupe russe de
Vakhtangov, du Théâtre académique de Moscou, présentera à son tour la version de Gozzi sur
la scène de l’Odéon175. Aujourd’hui, si la tragédie de L’Orphelin de la Chine est méconnue du
public, l’histoire de la princesse chinoise reste célèbre grâce à Turandot, l’opéra de Puccini
(créé au Teatro alla Scala de Milan en 1926 puis présenté à l’Opéra de Paris en 1928)176.
Des contes orientaux au spectacle de la foire, les Français furent les premiers à
théâtraliser l’histoire de Turandot. Au long du XIXe siècle, pourtant, le même public français
semble indifférent à cette princesse chinoise. Nous allons à présent examiner une adaptation
donnée à l’Odéon et véritablement tombée dans l’oubli : en effet, dans une exposition
consacrée au personnage de « Turandot », on ne la mentionne même pas177.
186
Carlo Gozzi, op. cit., p. 182.
187
« Courrier des théâtres », Le Constitutionnel, le 16 mai 1897.
188
Émile Faguet, Journal des débats, le 31 mai 1897.
356
délicat, trahit la beauté de la langue italienne et devient une œuvre « poussiéreuse »189. Un tel
jugement néglige le fait que l’adaptation de l’Odéon est issue de l’œuvre d’Alphonse Royer,
elle-même issue de sources très variées et non directement traduite de Gozzi.
Le talent des comédiens contribue à valoriser la Turandot à l’Odéon. Selon Émile
Faguet, le prince Kalaf, joué par M. Roussel, « a assez de chaleur », et Turandot, jouée par
Mme de Fehl, se justifie par la « beauté », la « majesté », « l’aisance et une belle diction »190.
Le chroniqueur du quotidien XIXe Siècle attribue, lui aussi, le succès de Turandot à la
« dextérité » des comédiens qui démontrent la verve et les techniques de la commedia
dell’arte191. Les traits de la commedia dell’arte se retrouvent surtout chez les personnages
comiques : Truffaldin, Pantalon, Tartaglia et Brighella portent tous les quatre un masque, ils
sont « revêtus de leurs costumes traditionnels » et « suivent l’action sans y prendre part
complètement et augmentent le dialogue de leurs réflexions et de leurs lazzi »192.
La représentation de Turandot à l’Odéon n’est peut-être pas un événement aléatoire.
Elle témoigne d’un intérêt renouvelé pour le sujet chinois à la charnière du XIXe et du XXe
siècle. En 1898, ce même théâtre montera une autre pièce chinoise de Judith Gautier intitulée
La Tunique merveilleuse. Rappelons d’ailleurs qu’en 1888, l’Odéon avait déjà monté La
Marchande de sourires de cette même écrivaine qui s’inspire du répertoire chinois. De plus, si
la Comédie-Française n’a plus joué L’Orphelin de la Chine depuis 1835, c’est encore à
l’Odéon (ancienne « seconde salle » de la Comédie-Française) que l’on reprendra, en 1918,
cette tragédie chinoise de Voltaire193.
189
Renée Lelièvre, Le Théâtre dramatique italien en France, 1855-1940, Paris, Armand Colin, 1959, pp. 147 et
396.
190
Émile Faguet, Journal des débats, le 31 mai 1897.
191
E. L., « Chronique dramatique », XIXe Siècle, le 22 mai 1897.
192
Émile Mas, « La Maison de Molière, et le Second Théâtre-Français », La Vie théâtrale, n° 35, tome 5, le 20
mai 1897, p. 305.
193
Christian Genty, Histoire du Théâtre national de l’Odéon : journal de bord 1782-1982, Paris, Fischbacher,
1982, p. 148.
357
comédie chinoise intitulée L’Avare 194. Naudet attribue la traduction de L’Avare à Stanislas
Julien, qui avait d’ailleurs proposé de la publier en 1832195. Mais elle ne le sera en fait jamais.
En 1850, Bazin publie une présentation de la littérature chinoise intitulée Le Siècle des Youên,
dont une grande partie est consacrée au théâtre et à l’analyse de Youen-jin-pé-tchong
(« Recueil de cent pièces des Yuan »)196. Bazin souligne le caractère singulier de la « comédie
de caractère » des Chinois. Aux yeux de ce disciple de Julien, « on sent à quelle prodigieuse
distance L’Avare de l’auteur chinois doit être de L’Avare de Molière ou même de L’Aulularia
de Plaute »197. Quant à l’intrigue de la pièce, Bazin signale que « la traduction de Stanislas
Julien n’a pas été imprimée, mais on en trouve une analyse, à la suite de l’Aulularia, dans le
Théâtre de Plaute de M. Naudet » 198 . Tout au long du XIXe siècle, on ne connaît la
version chinoise de L’Avare qu’à travers les fragments traduits par Stanislas Julien.
Le titre original de cette pièce chinoise est Khan-thsian-nou, ce qui signifie l’ « esclave
des richesses qu’il garde ». L’histoire se développe autour d’un créancier nommé Kou-jin qui
n’a pas de fils héritier. Un débiteur qui n’est pas capable de rembourser de l’argent emprunté
cède alors son propre fis à Kou-jin. Au contraire de Kou-jin, ce fils adoptif est un dépensier.
La traduction de Stanislas Julien nous permet de connaître jusqu’où va le sens économe de cet
avare chinois. Voici l’intrigue tirée du travail de Julien.
Un jour, Kou-jin se rend au marché, où l’« on venait de rôtir un canard d’où découlait
le jus le plus succulent ». Sous prétexte de le marchander, Kou-jin le prend dans sa main et y
laisse ses « cinq doigts appliqués jusqu’à ce qu’ils soient bien imbibés de jus ». Il revient chez
lui sans l’acheter et se fait servir un plat de riz : à chaque cuillerée de riz, il suce un doigt. À la
quatrième cuillerée, Kou-jin, fatigué, s’endort sur un banc. Malheureusement, un « traître
chien » vient lécher son cinquième doigt. Choqué par ce « vol », Kou-jin tombe malade et
meurt. Avant sa mort, il demande à son fils adoptif de ne pas lui acheter un cercueil de sapin
car cela coûte trop cher. Il vaut mieux tirer profit de l’ancienne auge qu’on n’utilise plus. Mais
l’auge n’est pas assez grande, dit le fils. L’avare lui répond alors : « si l’auge est trop courte,
rien n’est plus aisé que de raccourcir mon corps. Prends une hache, et coupe-le en deux. Tu
mettras les deux moitiés l’une sur l’autre, et le tout entrera facilement ». Il précise, en outre,
qu’il lui faudra emprunter la hache du voisin plutôt que d’en acheter une nouvelle.
Bien que la traduction de Julien ne soit pas publiée, cette même histoire peut se
retrouver dans Trois nouvelles chinoises, traduites par le sinologue Marquis d’Hervey-Saint-
Denys et publiées en 1885. Intitulée « Comment le ciel donne et reprend les richesses » 199,
cette nouvelle sur l’avare Kia-jin (l’idéogramme chinois de « Kou » se lit parfois « Kia ») est
194
Joseph Naudet (trad.), Théâtre de Plaute, vol. 2, Paris, C.-L.-F. Panckoucke, 1833, pp. 374-385.
195
Stanislas Julien (trad.), Hoeï-lan-ki, ou l’Histoire du cercle de craie, drame en prose et en vers, Londres, John
Murray, 1832, p. ix. Cette Hoeï-lan-ki deviendra la source du Cercle de craie caucasien (1943-1945), de Bertolt
Brecht.
196
Bazin aîné, Le Siècle des Youên ou tableau historique de la littérature chinoise depuis l’avènement des
empereurs mongols jusqu’à la restauration des Ming, Paris, Imprimerie nationale, 1850, pp. 198-429.
197
Bazin aîné, Ibid., p. 205.
198
Bazin aîné, Ibid., p. 423.
199
Marquis d’Hervey-Saint-Denys, « Comment le ciel donne et reprend les richesses », Trois nouvelles chinoises,
Paris, Ernest Leroux, 1885, pp. 71-139. Ce même traducteur publie ensuite, en 1889 et 1892, six nouvelles
chinoises tirées de cette même anthologie chinoise.
358
au départ tirée de l’anthologie des contes chinois du XVIIe siècle : Jinguqiguan, « Récits de
jadis et d’aujourd’hui ». Au contraire de la version dramatique, l’intrigue de la nouvelle se
focalise sur l’achat de l’enfant et les retrouvailles de ce dernier avec ses vrais parents. Les
scènes comiques sur l’avarice de Kou-jin sont entièrement supprimées.
L’anecdote du canard rôti nous fait penser à la maxime d’Harpagon, dans L’Avare de
Molière : « Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger. » (Acte III, sc.
5) Toutefois, comme nous l’avons signalé dans le chapitre II, de Plaute à Molière, le
rayonnement du personnage de l’avare européen éclipse l’avare chinois. Si les lecteurs
s’amusent de l’avare chinois qui est à la fois comique et misérable sous la plume de Stanislas
Julien, les artistes du théâtre hésitent à le représenter sur scène. La mode sino-asiatique de la
fin du XIXe siècle – qui est en fait soutenue par la vogue du japonisme – permettra de
redécouvrir les personnages chinois et de les incarner sur la scène. C’est le point de départ de
l’histoire de l’avare chinois de l’Odéon200.
200
Pour les lecteurs de nos jours, une traduction moderne de la comédie de l’avare chinois est disponible. Voir Li
Tche-houa, L’Avare (K’an Ts’ien Nou), in Le Signe de patience et autres pièces du théâtre des Yuan, Paris,
Gallimard/Unesco, 1963, pp. 135-253.
201
Judith Gautier, Le Paravent de soie et d’or, Paris, E. Fasquelle, 1904, pp. 41-97.
359
Au cours du repas, Bambou-Noir, qui porte seulement une tunique, ne cesse de
s’éventer et de suer. D’après les autres invités, cette tunique merveilleuse est le cadeau d’un
moine européen. Une fois qu’on la porte, on n’a plus ni faim ni froid. L’avare est bien séduit
par ce trésor. Mais il apprend que la tunique ne fonctionne pas dans un foyer où il y a des
femmes. Pensant aux économies qu’il pourrait faire, Rouilles-des-Bois supplie Bambou-Noir
d’accepter Perle-Fine en échange de la tunique. Bambou-Noir cède donc la tunique à l’avare et
rentre chez lui avec sa bien-aimée.
Les deux amoureux se marient. Quelques mois tard, Cerf-volant vient leur annoncer la
mort de Rouilles-des-Bois. En effet, depuis des mois celui-ci n’avait rien mangé en comptant
sur la magie de la tunique. Bambou-Noir et Perle-Fine se rendent au foyer de Rouilles-des-
Bois et retrouvent la grosse fortune des parents de Perle-Fine, dont ils se réclament les
héritiers.
202
Selon Le Figaro du 14 janvier 1899, la distribution des personnages est comme suit : Rouille-des-Bois, M.
Darras ; Dragon-de-Neige, M. Céalis ; Bambou-Noir, M. Dorival ; Cerf-Volant, M. Garbagui ; Le Prunier, M.
Duparc ; Le Tigre, M. Laumonier ; Perle-Fine, Mlle Parny.
203
Judith Gautier, Le Paravent de soie et d’or, Paris, E. Fasquelle, 1904, p. 58.
204
Joseph Naudet, op. cit., p. 383.
205
O. P., « Notules de théâtre », La Revue blanche, tome 18, janvier-avril 1899, p. 310.
206
Camille Le Senne, Le Siècle, le 15 janvier 1899.
207
Camille Le Senne, Ibid.
208
Henri de Régnier, Journal des débats, le 22 février 1909.
360
« deux fois ces bêtises-là »209.
La création de La Tunique merveilleuse à l’Odéon précède la représentation de
L’Avare chinois, donnée le 30 janvier 1908 dans ce même théâtre (fig. 6.10a-c)210 . Judith
Gautier en est également l’auteure sans mentionner l’ancienne traduction de Stanislas Julien.
La structure dramatique de la nouvelle version se rapproche de l’original chinois, bien que
Judith Gautier renforce l’aspect comique de la puissance surnaturelle. On voit même le
fantôme de l’avare revenir sur scène pour écouter la morale prononcée par le grand génie, ce
qui ne se trouve pas dans l’original chinois. Le personnage de l’avare chinois, que nous
avions connu depuis le début du XIXe siècle, prend donc vie, et à plusieurs reprises, sur la
scène du théâtre.
Dans les chapitres V et VI, nous avons analysé plusieurs adaptations du théâtre chinois
par Judith Gautier. Nous conclurons ce point par le tableau ci-dessous.
Marquis d’Hervey-
Stanislas Julien, Saint-Denys (trad.),
Khan-thsian-nou, ou « Comment le ciel
Zheng Tingyu, Odéon,
l’Avare (non publié) donne et reprend les
Kan Qian Nu La Tunique 14/01/1899
richesses », in Trois
Mai Yuan Jia (Extraits cités par merveilleuse (1899)
nouvelles chinoises
Zhai Zhu Joseph Naudet, in
(1885)
Théâtre de Plaute,
1833) Tcheng Ki-Tong, Théâtre Fémina,
L’Avare (L’Esclave de février 1909
209
Les lettres destinées respectivement à la comtesse Greffulhe et à Émile Vedel. Voir Anne Danclos, La Vie de
Judith Gautier, Paris, Éditions Fernand Lanore, 1996, p. 147.
210
Le texte est également repris dans Les Parfums de la pagode, pp. 241-326.
361
richesse qu’il garde)
(extraits), in Le Théâtre
des Chinois (1886)
211
L’Universelle, les six numéros parus du 1er décembre 1900 au 15 janvier 1901. Un exemplaire de 6 parties en
1 brochure est disponible à la BnF-ASP : 8- RE- 1999.
212
Ath. Mourier, « Un chef-d’œuvre du théâtre chinois », Revue de Paris, vol. 19, 1843, p. 264.
213
L’Universelle, le 1er décembre 1900, p. 12.
214
Armand Silvestre, Guide Armand Silvestre de Paris et de ses environs et de l’Exposition de 1900, Paris,
Didier et Méricant, 1900, p. 144.
362
premières années du XXe siècle215.
La représentation de la comédie Fan-Sou est confiée aux jeunes élèves du
Conservatoire qui, « vêtus de costumes chinois, se mett[ent] à réciter des vers français »216.
Ces « vers français », d’après le journaliste André Hallays, ne sont autres que ceux de la
traduction de Marc Legrand, traduction dont le résultat s’avère en fait « plus odéonien
qu’exotique »217. En effet, la traduction de Legrand est composée en alexandrins et s’appuie
sur différentes techniques rhétoriques comme la stichomythie (Acte II, sc. 4). À la différence
de Bazin, Legrand ne se soucie ni des commentaires érudits ni de la traduction mot-à-mot. Il
ne réalise pas non plus une adaptation libre, comme ce que faisaient Judith Gautier et Charles
Ségard. En respectant la structure dramatique et la trame de l’original, Marc Legrand essaie
de traduire, ou plutôt de réécrire, une comédie chinoise à la manière française. Comme
indique Charles Lemire dans un autre article, cette comédie qui est « adaptée à la scène
française » permet de « suiv[re] de très près le texte chinois » et de « conserv[er]
soigneusement la couleur locale » 218 . La qualité de cette Fan-Sou est de suggérer une
possibilité de traduction non par la dissertation philosophique et le débat d’idées, mais par la
mise en scène d’un conflit linguistique, d’un intérêt du marivaudage et de la musicalité du
drame chinois.
Jusqu’ici nous avons examiné plusieurs traductions et adaptations de l’histoire de la
soubrette chinoise. L'intégration des pièces étudiées dans ce chapitre à la base définie dans le
chapitre précédent est résumée dans le tableau ci-dessous :
215
Anne Décoret-Ahiha, « ‘Ce n’est pas du tout cambodgien mais c’est délicieux’ : les danses cambodgiennes de
Cléo de Mérode à l’Exposition de 1900, ou la tentation de l’exotisme en danse », in Guy Ducrey et Jean-Marc
Moura (dir.), Crise fin-de-siècle et tentation de l’exotisme, Lille, Université Charles-de-Gaulle Lille 3, 2002, pp.
43, 48-49
216
André Hallays, À travers l’Exposition de 1900, Paris, Perrin, coll. « En flânant », vol. 2, 1901, pp. 154-155.
217
André Hallays, Ibid.
218
Charles Lemire, « Le Théâtre comparé des Chinois et des Thaïs », Congrès international des sciences
ethnographiques, troisième session, Paris, Exposition universelle internationale de 1900, et la Société
d’anthropologie de Paris, 1902, p. 167.
363
traduction du théâtre chinois (annexe 3). Peu de leurs œuvres sont jouées sur la scène
française en dépit d’une mise en forme appropriée. En outre, le public du XIXe siècle offre un
meilleur accueil à la comédie chinoise qu’aux œuvres tragiques. Les traductions/adaptations
autour du personnage de l’avare chinois et de la soubrette chinoise témoignent parfaitement
de cette tendance.
219
Kristofer Schipper, « Taoïsme », Dictionnaire de la civilisation chinoise, Paris, Encyclopædia universalis et
Albin Michel, 1998, p. 699.
220
Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Seuil, 1997, p. 297.
221
Ibid., p. 298.
364
déroule en Chine. De janvier à août 1896, en se rendant à Fou-Tcheou pour son poste
diplomatique, Claudel avait commencé à écrire une pièce intitulée Le Repos du septième
jour222. Cette pièce sera publiée pour la première fois en 1901, dans le recueil intitulé L’Arbre.
Elle sera réimprimée pour la série du Théâtre de Claudel en 1912223 et jouée pour la première
fois en France en 1965. Le metteur en scène Pierre Franck signera cette production
« stylisée » pour que la « froideur » des apparences chinoises n’engendre pas rapidement la
lassitude224. Puisque notre travail se focalise sur la représentation sur la scène théâtrale du
XIXe siècle, nous n’en donnerons ici qu’une analyse concise225.
Le titre, qui comporte une allusion biblique, est celui d’une histoire qui se déroule en
Chine. L’empereur chinois, face aux menaces des fantômes errant sur le territoire de l’empire,
décide de descendre aux Enfers afin de trouver les origines du mal et de consoler la douleur
de son peuple (Acte I). Guidé par le démon, la « Mère » et l’ange gardien de l’empire,
l’empereur réfléchit à la relation entre les hommes et Dieu (Acte II). À son retour dans le
monde des vivants, l’empereur transmet à son fils héritier et aux Chinois l’illumination que
Dieu lui a offerte. Le pays hanté par les morts est enfin purifié et pacifié (Acte III).
Au long de la pièce, les allégories bibliques – le déluge, la mer qui s’ouvre devant le
prophète, le chemin pour monter à la montagne, les punitions des sept péchés, etc. –
s’entremêlent avec le monde des spectres de Hoang-Ti, de Fou-Hi (fondateur de la théorie du
Yi-King, « le livre de la mutation »), avec les huit trigrammes, les Cinq Préceptes (classiques
de l’école confucéenne), etc. Le travail de Yvan Daniel nous permet de saisir comment
Claudel utilise les classiques de l’école de Confucius pour la création du Repos du septième
jour226. Selon Daniel, les œuvres écrites par Claudel à cette époque témoignent des efforts que
l’auteur accomplissait pour approfondir sa connaissance de la culture chinoise : l’exotisme
claudélien « n’est ni un exotisme de pacotille ni une croisade assimilant par force l’Asie au
monde catholique »227.
En outre, la lecture du texte du Repos du septième jour nous fait penser que Claudel se
situait dans la même lignée que les Jésuites « figuristes »228. Rappelons que les missionnaires
222
Jacques Petit, les « Notes », in Jacques Petit (éd.), Septième jour Le Repos du Septième jour, Paris, Mercure
de France, 1965, p. 149 ; Zoël Saulnier et Eugène Roberto, Le Repos du septième jour : sources et orientations,
Ottawa, l’Université d’Ottawa, 1973, p. 10.
223
Les deux éditions sont publiées au Mercure de France.
224
Pierre Franck, « Quelques notes en marge », in programme du Théâtre de l’Œuvre, saison 1965-1966.
[Bibliothèque Gaston Baty : Hbio 49 (10)]
225
Parmi les ouvrages et articles consacrés au Repos du septième jour qui ont toujours une grande influence,
citons : (1) Jacques Petit (dir.), L’Enfer selon Claudel : Le Repos du septième jour, publié par La Revue des
Lettres modernes, n° 366-369, série Paul Claudel, n° 10, 1973 ; (2) Jacques Houriez, Le Repos du septième jour
de Paul Claudel : introduction, variantes et notes, Paris, les Belles Lettres, coll. « Annales littéraires de
l’Université de Besançon », 1987 ; (3) Pierre Brunel, « L’Antiquité chinoise dans Le Repos du septième jour », in
Cahiers de l’Association internationale des Études françaises, XXXIX, mai 1977, pp. 267-277.
226
Voir la comparaison minutieuse entre les sources du confucianisme et les écrits de Claudel, in Yvan Daniel,
Paul Claudel et l’Empire du milieu, Paris, Les Indes savantes, 2003, pp. 123-166.
227
Yvan Daniel, Ibid., p. 114.
228
Sur le « figurisme », nous nous référons à Virgile Pinot, La Chine et la formation de l’esprit philosophique en
France : 1640-1740, [Paris, 1932] Genève, Slatkine reprints, 1971, pp. 347-366. Voir aussi : Le père Joseph de
Prémare, « Témoignages tirés des caractères hiéroglyphiques », Vestige des principaux dogmes chrétiens tirés
des anciens livres chinois. Cité par Zoël Saulnier et Eugène Roberto, op. cit., appendice.
365
jésuites ne cessaient d’épuiser les classiques chinois afin de soutenir la théorie du
christianisme. Dans Tianzhu Shiyi (The True Meaning of the Lord of Heaven, « Le sens
véritable du Seigneur du ciel », écrit en chinois et non traduit en français)229, l’auteur Matteo
Ricci (1552-1610) cite des passages tirés des classiques confucéens pour justifier que le
« Dieu du ciel » des Chinois n’est autre que le Seigneur des chrétiens230. Ce Jésuite en Chine
arrive à sa conclusion que la croyance dans le Seigneur existe depuis toujours chez les
Chinois. Cette opinion ouvre désormais la « querelle des rites » des XVIIe et XVIIIe siècles
que nous avons abordée dans le premier chapitre231.
Claudel avoue s’inspirer des missionnaires jésuites : « [...] à travers les superstitions, à
travers le bouddhisme, le confucianisme et le Tao [...] quelque chose d’antique et de vénérable,
où les anciens Jésuites avaient vu comme une ombre de la Vérité révélée ! Que de
conversations j’eus à ce sujet avec mon saint ami, le Père Colombet, qui me prêta le fameux
livre du Père de Prémare ! »232 Prenons pour exemple la figuration de la croix. L’empereur,
lors de son retour en Chine, lève « le bâton impérial qui maintenant a la forme d’une croix ».
Le prince héritier, surpris par la forme, s’exclame : « La terreur avec la révérence m’envahit et
je ne sais quelle piété ! / Voici le caractère Dix, la figure de la Croix humaine ! » Le
hiérogramme chinois « dix » porte la volonté de Dieu. L’empereur, quant à lui, symbolise la
figure du Christ Prêtre 233 . Suivant la même voie, Claudel explore la métaphore du
hiérogramme signifiant l’ « Orient » dans un passage où le démon questionne l’empereur.
Dans ses mémoires, Claudel admet que la création du Repos du septième jour est,
d’une part, « un moyen pour [lui] d’explorer ce qu’[il] commençai[t] à comprendre ou à
apprendre de la Chine », et d’autre part, de « [se] faire une idée sur certains problèmes
théologiques » associés à son étude de Saint Thomas234. La thèse de la sœur Agatha Sam-du
Pak signale l’indifférence de Claudel à l’égard du confucianisme et son aversion pour le
bouddhisme. Ce qui intéresse Claudel dans les classiques confucéens, c’est « établir un
syncrétisme entre la Bible et le Yi-King »235.
Le Yi-King est toutefois une œuvre qui est truffée d’idées taoïstes, qui s’imposent
ainsi dans les écrits chinois de Claudel236 . Bien qu’Yvan Daniel croie à l’impossibilité de
229
Matteo Ricci, The True Meaning of the Lord of Heaven (Tianzhu Shiyi), traduit du chinois en anglais par
Douglas Lancashire et Peter Hu Kuo-chen, sous la direction de Edward J. Malatesta, Taipei, Paris et Hong Kong,
Institut Ricci, 1985.
230
Matteo Ricci, Ibid., n° 102-108 du chapitre 2, et pp. 121-125.
231
Voir René Étiemble, Les jésuites en Chine (1552-1773) : la querelle des rites, Paris, René Julliard, 1966.
232
Citées par Jacques Petit, op. cit., pp. 149-150.
233
Monique Parent, « Diversité culturelle et unité dramatique dans Le Repos du septième jour de Claudel », in
Études dramatiques : hommage à Paul Vernois, Centre de Philosophie et de Littératures romanes de l’Université
de Strasbourg, 1987, p. 159.
234
Paul Claudel, Mémoires improvisés, texte établi par Louis Fournier, Paris, Gallimard, 1969, p. 147.
235
Sœur Agatha Sam-du Pak, Le Christianisme dans Le Repos du septième jour de Paul Claudel, thèse doctorale,
Université Paris-Sorbonne, 1995, p. 229.
236
Sur ce sujet, voir : Odile Leclercq, Présence de la Chine du Tao dans l’œuvre de Paul Claudel, thèse
doctorale, Université Provence, 1979 ; Gilbert Gadoffre, « Claudel et la Chine de Tao », in Mercure de France,
n° 1145, janvier 1959, figurant dans le tome 335 (janvier-avril 1959), pp. 95-106 ; Gilbert Gadoffre, « Claudel et
les philosophes taoïstes », in Revue Générale : perspectives européennes des sciences humaines, n° 7, 1970, pp.
51-60. Ces recherches ne sont pourtant pas consacrées uniquement aux créations dramatiques.
366
l’influence taoïste dans l’œuvre de Claudel avant 1906 237 , Paola D’Angelo signale que
Claudel avait découvert le taoïsme dès 1896, à travers The Texts of Taoism (publié en 1891)
du sinologue britannique James Legge238. Par ailleurs, les scènes théâtrales à teinte taoïste
n’étaient pas vraiment rares dans les écrits des sinologues tels que Bazin aîné. Nous
reviendrons ultérieurement sur les pièces taoïstes présentées par Bazin au milieu du XIXe
siècle.
Cependant, si le voyage aux enfers et la figure de Hoang-ti déploient les traits du
taoïsme 239 , Le Repos du septième jour ne vise pas à traduire fidèlement la philosophie
chinoise. Un tel voyage nous fait naturellement penser au voyage de Dante ou à la
métamorphose de Virgile. Bernard Hue souligne que ce drame « fort peu chinois » est
effectivement une vision occidentale, celle du dramaturge, des « longues méditations
[occidentales] sur le problème angoissant du mal et de la douleur »240. Quant à Yu Zhongxian,
il compare également soigneusement les sources mythologiques et romanesques chinoises et
le texte du Repos du septième jour. Sa conclusion est que Le Repos du septième jour « est
moins oriental qu’on ne le pense »241. Les recherches de Jacques Houriez attestent tout autant
du poids de la pensée théologique chrétienne dans Le Repos du septième jour242.
Quelle que soient les paraboles bibliques-chinoises convoquées, Le Repos du septième
jour montre un empire qui est hanté par les morts et le désespoir. Cette tonalité se retrouvera
dans la dernière scène de Partage de Midi, où nous verrons la demeure isolée cernée par les
cris des Boxers et les bruits des canons des Occidentaux. Ce même sujet de la misère chinoise
attire l’attention de Victor Segalen. Pour dépoussiérer des tirades de Claudel qu’il juge
dogmatiques, Segalen se consacre, entre 1913 et 1918, à la création du Combat pour le sol243,
qui sera publié de façon posthume en 1974244.
237
Yvan Daniel, op. cit., pp. 341-342. Selon Daniel, « il est impossible d’envisager une influence des traductions
du Père Léon Wieger avant 1906, date de la parution des Textes philosophiques, ni pour la même raison du texte
Les Pères du système taoïste édité en 1913 ».
238
Paola D’Angelo, « Comment le poète Paul Claudel fut sauvé : influence des textes taoïstes dans l’œuvre
claudélienne », in Muriel Détrie (dir.), Littérature et Extrême-Orient : le paysage extrême-oriental, le taoïsme
dans la littérature européenne, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 164.
239
Sur l’image de l’empereur dans la tradition chinoise, sa réception chez les missionnaires et sa projection sur le
héros dans Le Repos du septième jour, voir Odile Leclercq, op. cit., pp. 431-457.
240
Bernard Hue, Littératures et arts de l’Orient dans l’œuvre de Claudel, Paris, C. Klincksieck, 1978, p. 87.
241
Yu Zhongxian, La Chine dans le théâtre de Paul Claudel, thèse doctorale, Université Paris-Sorbonne, 1992,
pp. 5, 44. Cette thèse se focalise sur trois « pièces chinoises » de Claudel, et la première partie est consacrée au
Repos du septième jour. Les deux autres pièces sont Partage de midi et Le Soulier de satin.
242
Jacques Houriez, « Le manuscrit du Repos du septième jour, vers une écriture de l’absence », in Jacques
Houriez et Catherine Mayaux (dir.), Paul Claudel : les manuscrits ou l’œuvre en chantier, Dijon, Université de
Dijon, 2005, pp. 89-95.
243
Yvonne Y. Hsieh, From Occupation to Revolution : China Through the Eyes of Loti, Claudel, Segalen and
Malraux, 1895-1933, Birmingham (Alabama, États-Unis), éd. Summa, 1996, p. 34.
244
Eugène Roberto, Victor Segalen : Le Combat pour le sol, coll. « Cahier d’inédits », n° 5, Ottawa, éd.
Université de l’Ottawa, 1974, p. 9.
367
croyance de la « formation-transformation » suscite sans doute encore plus d’intérêt, en raison
de son effet dramatique. D’ailleurs, dans son classement hiérarchique des sept genres
dramatiques, le sinologue Bazin place le « drame Tao-sse » au deuxième rang, à la suite du
drame historique. Selon Bazin, « dès qu’un écrivain met en scène des jongleurs comme les
Tao-sse, ou de ridicules personnages comme les bouddhistes, il renonce par le fait au genre
sérieux et grave. Cet amas de superstitions chinoises, dont se compose le culte des Tao-sse,
devait fournir au théâtre des caractères étranges, des aventures merveilleuses, des événements
extraordinaires, des mœurs et des situations très comiques et très amusantes »245. La remarque
de Bazin associe le sectateur taoïste (le « tao-sse », ou « daoshi ») aux éléments comiques
voire farcesques, qui rappellent la « folie » ou la « revue » où l’on voit souvent les
bouffonneries des Chinois. À partir de la fin du XIXe siècle, les dramaturges redécouvrent et
cherchent à s’inspirer du répertoire du « drame Tao-sse ».
En juillet-août 1901, le Mercure de France publie une « comédie chinoise tao-sse »
intitulée Les Transmigrations de Yo-Tchéou, écrite par le poète-dramaturge Léon Charpentier.
Quelques passages ont également été publiés dans La Nouvelle Revue de 1900246. Selon la
note du Mercure de France, il s’agit d’une « adaptation de deux pièces tao-sse », à savoir «
Tie-khouaï-li, ou la Transmigration de Yo-Tchéou, dont l’auteur est Yo-pe-tchouen, et Thsien-
Niu-li-hoen, ou le Mal d’amour, dont l’auteur est Tching-te-hoeï ». En fait, Charpentier trouve
ces deux sources dans Le Siècle des Youên de Bazin, bien qu’il ne mentionne pas du tout le
nom de ce sinologue. Nous pouvons, par ailleurs, retrouver le même récit de métempsychose
dans Le Théâtre des Chinois de Tcheng Ki-Tong. Celui-ci perçoit la possibilité de faire
l’adaptation de La Transmigration de Yo-Cheou, car « les situations en sont comiques, et,
convenablement arrangée, elle pourrait passer au Palais-Royal, dans le genre des vaudevilles,
ou même au Châtelet, comme féerie »247.
L’adaptation de Charpentier, très compliquée, se déroule à partir du calembour de
l’âne et de l’âme. Le magistrat Yo-Tchéou a volé les ânes des voisins et insulte l’un des
plaignants. Mais Yo-Tchéou ne sait pas que celui-ci est déjà mort. C’est son âme qui réside
dans le corps de son frère qui, lui, est vivant. Le dieu taoïste nommé Liu-Thong-Pin révèle le
mensonge du magistrat et le punit : Yo-Tchéou mourra et sera transformé en âne. Mais un
médium affirme à Yo-Tchéou qu’il est le vrai Liu-Thong-Pin, et que le prétendu dieu Liu-
Thong-Pin n’est qu’un voleur d’âmes. Trop enthousiaste, Yo-Tchéou meurt d’un accident.
Aux enfers, on énonce les crimes de Yo-Tchéou. Celui-ci est alors réincarné dans le corps
d’un veau qui attend être tué par le boucher. Ya-Fo-Li, le fils de ce boucher, vient de mourir.
L’âme de Yo-Tchéou s’empare du corps de Ya-Fo-Li et retourne au foyer du magistrat. La
femme de Yo-Tchéou ne reconnaît pas le visage de son mari, tandis que la bien-aimée de Ya-
Fo-Li vient réclamer son droit. Par ailleurs, Thsien-Niu, la sœur de Ya-Fo-Li, ne supporte pas
la séparation d’avec son bien-aimé Wang-Seng, qui doit se rendre à la capitale pour le
concours impérial. Thsien-Niu est saisie par le « siang-sse-ping » (maladie d’amour) et
245
Bazin aîné, Le Siècle des Youên, Paris, Imprimerie nationale, 1850, p. 203.
246
Léon Charpentier, « Le Théâtre et la littérature dramatique chez les Chinois », La Nouvelle Revue, le 1er
octobre 1900, pp. 335-352.
247
Tcheng Ki-Tong, op. cit., p. 141.
368
souffre à la fois physiquement et moralement. Le dieu Liu-Thong-Pin sépare alors l’âme de la
jeune fille en deux parties : l’une restant dans son corps et l’autre voyageant avec le jeune
homme. Suite aux œuvres de Liu-Thong-Pin, le monde est en désarroi : l’âme du pauvre poète
prend le corps d’un riche créancier, le pornographe devient l’hagiographe et l’âme d’un voleur
habite le corps de l’empereur. Finalement, Liu-Thong-Pin renvoie Yo-Tchéou à son ancien
corps. L’âme de Thsien-Niu rentre chez elle, accompagnée de Wang-Seng qui a réussi au
concours.
Léon Charpentier souligne qu’ « aucune pièce tao-sse n’a encore été traduite dans une
langue européenne ». Sa tentative vise à « tourne[r] en ridicule les cérémonies et superstitions
du taoïsme, et en particulier la doctrine de la métempsychose ». Si les écrits de Bazin et de
Tcheng Ki-Tong ont permis d’apercevoir l’intérêt du « drame tao-sse », la singularité du
travail de Charpentier est qu’il intègre dans la bouffonnerie taoïste une histoire d’amour, celle
de Thsien-Niu et Wang-Seng. Même si nous pouvons faire remonter l’évocation de la
réincarnation de l’âme en vertu de l’amour aux Mille et une nuits (Porte Saint-Martin, 1843) –
dont un épisode est consacré à l’aventure en Chine – c’est effectivement l’adaptation de
Charpentier qui nous permet d’accéder à un monde féerique au contexte entièrement chinois.
Charpentier semble très fasciné par l’idée de « siang-sse-ping », la maladie d’amour
imaginaire qui saisit Thsien-Niu. En septembre 1901, il publie une autre pièce dans La
Nouvelle Revue, intitulée Le Gage d’amour. Celle-ci est une adaptation libre de la pièce
synonyme présentée par Bazin aîné dans Le Siècle des Youên 248 . Supprimant les intrigues
secondaires, Charpentier évoque systématiquement le terme « siang-sse-ping » (qui n’existe
pas dans la version de Bazin) et accentue les paroles délirantes des jeunes amoureux touchés
par cette « maladie ».
Grâce à l’intérêt pour le taoïsme, non seulement les sinologues mais aussi les
dramaturges pensent désormais à rechercher l’esprit fantastique qui réside dans le théâtre
chinois. Le « spectacle chinois » n’est dès lors plus simplement un amas d’objets grotesques
et de figures comiques. Ou, pour le dire autrement, la « Chine » dans le théâtre français n’est
plus seulement celle qu’on invente ou parodie sur scène : elle peut également se comprendre
au niveau métaphysique, le niveau qu’on explore dans le théâtre chinois. D’une tonalité
marquée par la bouffonnerie, le travail de Charpentier traduit donc l’aspect mystérieux, voire
mystique d’un taoïsme qui est imposant dans le monde du dramaturge chinois.
Même si la création de Charpentier ne sera jamais représentée, elle témoigne d’une
quête du théâtre occidental qui se développera au début du XXe siècle. Et, en effet, une
nouvelle édition des Transmigrations de Yo-Tchéou sera publiée en 1920 (fig. 6.12a-b).
Charpentier y signale dans la préface que les Chinois ont dessiné, cinq siècles avant Alfred
Jarry, le prototype d’Ubu-roi249 . En outre, l’auteur ajoute une nouvelle scène à la fin du
troisième acte, dans laquelle les dieux Tchang et Liu-Tong-Pin discutent du statut propre à la
poésie et de celui de la philosophie. Un autre débat aborde ensuite « le rôle qui chante » dans
le théâtre chinois.
248
Bazin aîné, « Kin-thsièn-ki, ou le Gage d’amour », op. cit., pp. 213-229.
249
Léon Charpentier, Les Transmigrations de Yo-Tchéou, Paris, La Société anonyme d’édition et de libraire,
1920, p. vii.
369
Cette création de Charpentier n’est qu’un point de départ. En 1935, Louis Laloy se
consacre à la traduction du Rêve du millet jaune250, drame taoïste de Ma-Tcheu-Yuan dans
lequel on s’interroge sur l’éternité et la temporalité. Le discours du taoïsme se trouve aussi
chez Antonin Artaud qui s’en inspire pour le Théâtre et son double (1938), allant même
jusqu’à déclarer en 1946 que « le maître du Tao, c’est moi, et ne plus jamais l’oublier »251.
Aujourd’hui, lorsqu’on réexamine l’influence du taoïsme dans le théâtre occidental, il est
ainsi nécessaire de remonter au « drame tao-sse » apparu au cours du XIXe siècle.
250
Louis Laloy, Le Rêve du millet jaune, drame taoïste du XIIIe siècle. Paris, Desclée de Brouwer, 1935.
251
Florence de Mèredieu, La Chine d’Antonin Artaud ; Le Japon d’Antonin Artaud, Paris, Blusson, 2006, p. 61.
252
Stanislas Julien (trad.), Le Livre de la voie et de la vertu, Paris, Imp. Royale, 1842, p. 40.
370
Cette histoire est simple mais divertissante. On retrouve aisément une morale
semblable dans la « pantomime japonaise » intitulée Les Yeux fermés (publiée en 1895, sans
représentation) 253, de Félix Régamey (livret) et Charles Malherbe (musique), qui s’inspire
probablement du « théâtre japonais qui privilégie la gestuelle » 254 (fig. 6.13a-b). La
pantomime de Régamey inspire, quant à elle, une autre comédie au sujet japonais intitulée Les
Yeux clos, de Michel Carré (Odéon, 1896)255. Quelles que soient les sources de l’œuvre de
Clemenceau (fig. 6.14), la représentation du Voile du bonheur s’accomplit dans « un gros
acte, plein, touffu, de forme très soignée, très étudié dans ses allures, et d’une pittoresque
couleur locale »256. Cette couleur locale est sans doute chinoise car Viardot, « l’homme de
Paris qui sait le mieux le dessin du mobilier chinois », fait apparaître « l’ouverture ronde que
prescrit Confucius » dans « les curieux meubles de laque rouge »257.
La couleur locale est en outre traduite dans le texte, qui est truffé de maximes
chinoises dont nous ignorons parfois l’origine. Le recours aux maximes correspond à
l’érudition des mandarins mais les dialogues surchargés ralentissent le déroulement de
l’intrigue. Tous les critiques, ou presque, signalent le problème et plaisantent sur « la queue du
dragon chinois »258, ou évoquent « un conte voltairien » qui est trop « exquis à la lecture »259.
En revanche, l’interprétation des comédiens est appréciée. Firmin Gémier, qui signe la mise
en scène et joue le rôle de Tchang-I, « a détaillé, sans lacunes de mémoire ni défaillances, les
répliques surchargées »260. Andrée Mégard, qui joue la femme de Tchang-I, attire l’attention
du public comme étant « la plus exquise Chinoise qu’on puisse rêver »261.
La collaboration de Clemenceau, Fauré et Gémier assure le succès du Voile du
bonheur. Le 26 avril 1911 262 , l’Opéra-Comique présente une version remaniée par Paul
Ferrier. Le titre et l’histoire ne sont pas modifiés. Les détails jugés anodins sont supprimés
(les souvenirs du mariage, le crime de Tchao, etc.), alors que quelques scènes comiques sont
rallongées (le flirt de Si-Tchun et de Tou-Fou, la moquerie de Wen-Siéou, etc.). Si la musique
composée par Charles Pons semble « insignifiante » et « abuse de l’emploi des harpes et des
pizzicati d’instruments à cordes » pour créer une couleur locale, le jeu d’acteurs est, au
contraire, « un très éclatant succès » et le décor est « absolument délicieux » 263 . Quinze
photographies de la reprise à l’Opéra-Comique nous sont accessibles. Les maquillages et les
253
Voir la « Chronique » de T’oung-Pao, vol. 6, 1895, p. 302. Le livret des Les Yeux fermés est publié dans
Figaro illustré, tome sixième, [juin] 1895, pp. 101-108. [BnF-Tolbiac : FOL-LC13-9 (TER) ; ou BnF-ASP : 8-
RE- 2458 (3)].
254
Hiroko Aoki, op. cit., p. 196.
255
Félix Duquesnel, Le Gaulois du 5 novembre 1901 ; Camille Le Senne, Le Siècle du 5 novembre 1901 ; Henri
Second, Le Charivari du 12 novembre 1901.
256
Félix Duquesnel, Le Gaulois, le 5 novembre 1901.
257
Félix Duquesnel, Ibid.
258
Félix Duquesnel, Ibid.
259
Émile Faguet, Journal des débats, le 11 novembre 1901.
260
Camille Le Senne, Le Siècle, le 5 novembre 1901.
261
Félix Duquesnel, Le Gaulois, le 5 novembre 1901.
262
L’édition de la Librairie théâtrale n’indique pas la date de la représentation à l’Opéra-Comique. Nous nous
appuyons sur Arthur Pougin, « Semaine théâtrale », Le Ménestrel (N° 17, Année 77) paru le 29 avril 1911.
263
Arthur Pougin, « Semaine théâtrale », Le Ménestrel paru le 29 avril 1911.
371
costumes du mandarin Tchang-I (fig. 6.15a-f) et de Tou-Fou (fig. 6.15g-h) sont bien
documentés et restent référentiels de nos jours. C’est également en 1911 que l’on découvre la
version cinématographique de la pièce, réalisée par Albert Capellani (fig. 6.16a). Une autre
version cinématographique d’Édouard-Émile Violet (1923) sera jouée par des acteurs chinois
(fig. 6.16b)264. Quel que soit le support considéré, la morale exprimée reste la même.
264
Nous avons consulté Mon Ciné, n° 67 du 31 mai 1923, p. 20 ; Le Théâtre, nouvelle série, n° 22, octobre 1923.
265
Sur les faits historiques des Boxers, voir notre présentation dans la partie du « Péril jaune ».
372
nations entre dans la Cité interdite de l’empereur chinois, qui s’enfuit alors avec l’impératrice
douairière Cixi jusqu’à Xi’an. Pierre Loti, alors réintégré dans la Marine, se désole de la perte
d’ « un des derniers refuges de l’inconnu et du merveilleux sur terre ». Dans le récit des
Derniers jours de Pékin (publié en 1902), Loti, qui se trouve dans une salle vide de la Cité
interdite, se dit ainsi : « Quoi qu’il advienne, l’étonnante cour asiatique reparaîtrait-elle même
ici, ce qui est bien improbable, Pékin est fini, son prestige tombé, son mystère percé à
jour »266. Le même regret se traduit dans la création dramatique du début du XXe siècle, et on
le recouvre de ce « voile du bonheur ». On se livre au plaisir de l’ancienne chinoiserie et l’on
se prétend aveugle pour ne pas dévoiler la Chine.
266
Pierre Loti, Les Derniers jours de Pékin [1902], Paris, Magellan, 2008, p. 264.
267
Concetta Condemi, Les Cafés-concerts : histoire d’un divertissement, 1849-1914, Paris, éd. Quai Voltaire,
1992, pp. 90-91.
268
Sur l’ « Empire des Fleurs » et la Chine, voir chapitre I (I. 3. (3)).
373
costumes 269. Pour la plupart des dramaturges et des spectateurs qui ne recherchent que le
plaisir visuel, il n’est pas possible (et en fait, pas nécessaire) de distinguer nettement la robe
chinoise du kimono japonais. Souvent, le style japonais se greffe sur l’humour chinois et l’on
crée des personnages féminins au comportement fin, sensible, timide et délicat. Une telle
esthétique était déjà présente dans les œuvres dramatiques de Judith Gautier. En 1903, La
Vieille revue donnée au « Cercle de la Rue Royale » témoigne à nouveau de l’amalgame sino-
nippo-indochinois (fig. 6.17a-e). Le 7 mai 1904, le Théâtre du Vaudeville monte une comédie
qui se situe dans la même lignée. Intitulée La Troisième lune (signifiant « le mois de mars »
chez les Japonais et les Chinois), cette pièce est écrite par Mme Fred Gresac en collaboration
avec Paul Ferrier. Celui-ci a précédemment créé une « légende japonaise » intitulée Me-Na-
Ka (Théâtre des Nouveautés, 1892) et introduit un figurant japonais dans La Chauve-souris
(Variétés, le 22 avril 1904) (fig. 6.18)270 . En revanche, nous savons peu de choses de la
biographie de Mme Gresac, excepté le fait qu’une femme qui se consacre au métier d’écrivain
doit subir les critiques misogynes271.
Le texte de La Troisième lune n’est pas publié. Selon le résumé de Félix Duquesnel272,
l’héroïne en est une courtisane nommée Si-Si, qui n’aime personne. Au printemps, c’est-à-
dire à la « troisième lune » du calendrier lunaire, tous les Chinois tombent amoureux. Un
jeune homme Fou-Pang s’éprend de Ly-Wang. Mais celle-ci a été destinée à Yeen (le fils de
Tchéou). Pour aider Fou-Pang, Si-Si et ses amis se déguisent en Ly-Wang et sa famille et ils
essaient de provoquer un sentiment de dégoût chez les Tchéou afin qu’ils renoncent au
mariage. Mais en dépit de tous leurs efforts, les parents de Yeen s’obstinent à célébrer les
fiançailles. Un bonze, en utilisant un chasse-mouche taoïste, chasse les dragons malfaisants et
la cérémonie du mariage se prépare. En raison de la puissance de la troisième lune, Si-Si
tombe amoureuse de Yeen, et ce sentiment est réciproque. Yeen décide donc d’épouser Si-Si.
Ly-Wang, qui n’est plus la fiancée de Yeen, est autorisée à se marier avec Fou-Pang.
Une telle histoire nous semble familière parce qu’elle évoque les sujets populaires du
Théâtre-Italien d’autrefois : si les intrigues du « déguisement » et de la tentative de
« dégoûter » les parents rappelle Les Chinois (1692), la magie du bonze fait penser à
L’Opérateur chinois (1748-1749). Les quiproquos autour du mariage sont surtout un sujet
récurrent dans les spectacles au sujet chinois : Le Mariage chinois (Bouffes-Parisiens, 1874)
en est un exemple. Aussi, l’histoire de La Troisième Lune n’arrive pas à satisfaire les
spectateurs qui connaissent trop bien cette formule. Robert Dieudonné critique sévèrement le
contenu de la représentation qu’il trouve « éminemment banal et mi-opérette, mi-vaudeville,
269
Béatrice Picon-Vallin, « Un choc esthétique et culturel : Sada Yacco à Paris », Théâtre/Public: Scène
françaises, scènes japonaises : allers-retours, n° 198, 4e semestre 2010, pp. 26-33 ; Anne Décoret-Ahiha, Les
Danses exotiques en France, 1880-1940, Pantin, Centre national de la danse, 2004, pp. 39-43.
270
La chauve-souris, opérette en 3 actes, d'après Henry Meilhac et Ludovic Halévy. Le livret est écrit par Paul
Ferrier. La musique est composée par Johann Strauss. Le Japonais, nommé Ramosin, est l’invité d’un
personnage, M. Yvan (Acte II, sc. 5).
271
Alphonse Séché et Jules Bertaut, L’Évolution du théâtre contemporain, avec une préface par Émile Faguet,
Paris, Société du Mercure de France, 1908, p. 288.
272
Félix Duquesnel, Le Gaulois, le 8 mai 1904. Pour la distribution des personnages, nous nous référons au
bulletin du Gaulois paru le 7 mai 1904.
374
corsé de-ci de-là de pantomime […] avec des mots peut-être drôles »273. D’après Dieudonné,
le Vaudeville a entièrement abandonné la valeur littéraire du théâtre et ne se soucie que « des
désagréments » issus d’une « mauvaise humeur ».
Les autres chroniqueurs constatent également la faiblesse de l’intrigue. Le Siècle
évoque « la petite fatigue moins facile à éviter » et « quelques longueurs qu’on pourrait
élaguer » 274 . Pour Stany Orbier, la « farce » qui est « assez enfantine » a « été prise
désespérément au sérieux »275. Orbier propose par ailleurs que l’on agrémente la comédie « de
danses, de couplets et de cocasseries sans nombre ». La pertinence du conseil se confirme et
permettra à la pièce de remporter « un gros succès » en Angleterre. Le 20 juin 1906,
l’adaptation anglaise See-See se fait, en effet, connaître du public du Prince of Wales Theatre,
à Londres276.
En dépit de sa faible valeur littéraire, La Troisième lune se distingue par sa musique,
qui manifeste ses « ondes joyeuses et sonores »277. S’appuyant sur des mélodies chinoises,
Charles Cuvillier « a composé plusieurs reprises originales » qui offrent un « bon effet »
scénique et témoignent d’ « un véritable souci d’harmonie locale » 278 . Cette « harmonie
locale » se traduit également au niveau des effets visuels. Les décors, « délicieux » 279 ,
illustrent, avec les costumes, le goût « si fin et si sûr de M. Porel »280. Félix Duquesnel décrit
la scène « pittoresque » qui contient « un jardin chinois, avec sa végétation bleue, sa grande
lune blanche, son ciel blafard, sa cascade ruisselante » et « les magots » (fig. 6.19a). Pour lui,
cette pièce qui ressemble à « la feuille d’un paravent du dix-septième siècle », reconstitue
« une Chine qui est la ‘Chine’ de l’avant-dernier siècle », « avec une rare fidélité, un soin
harmonieux »281. Pour Louis Artus, c’est exactement ce « charme des détails » qui assure la
« joliesse d’une mise en scène minutieusement et spirituellement exotique »282.
Une photographie conservée à la BnF nous permet de découvrir l’esthétique chinoise
de La Troisième Lune (fig. 6.19b). Les trois cercles de l’arrière-plan évoquent non seulement
trois pleines lunes mais aussi le portillon d’un jardin chinois de style méridional. Les trois
Chinoises – Si-Si, Océan-de-Jade et Ly-Wang – portent des costumes fleuris d’une élégance et
d’une finesse réelle. Sans chapeau conique ni babouches orientales (celles dont les extrémités
sont pointues et remontées utilisées par les personnages orientaux), elles sont assez loin des
images des Chinoises du XVIIIe siècle que nous avons précédemment analysées. Si La
Troisième Lune évoque un pays de « l’avant-dernier siècle », c’est parce qu’elle suggère une
nostalgie de la Chine lointaine, qui était réjouissante et ravissante, sans rien à voir avec la
273
Robert Dieudonné, « La Vie au théâtre », La Presse, le 9 mai 1904.
274
C. L. S., « Courrier des théâtres », Le Siècle, le 8 mai 1904.
275
Stany Orbier, Revue et Gazette des théâtres, n° 20 de la 76e année, le 15 mai 1904.
276
La partition est de Sidney Jones et Frank E. Tours, et les paroles sont d’Adrian Ross et Percy Greenbank.
Sidney Jones a composé la partition d’autres comédies musicales sino-japonaises comme The Geisha (Daly’s
Theatre, 1896) et San Toy (Daly’s Theatre, 1899).
277
Louis Artus, « La Semaine théâtrale », La Presse, le 9 mai 1904.
278
Félix Duquesnel, Le Gaulois, le 8 mai 1904.
279
C. L. S., « Courrier des théâtres », Le Siècle, le 8 mai 1904.
280
Emmanuel Arène, Le Figaro, le 8 mai 1904.
281
Félix Duquesnel, Le Gaulois, le 8 mai 1904.
282
Louis Artus, « La Semaine théâtrale », La Presse, le 9 mai 1904.
375
dévastation et les scènes de pillage de l’actualité. Comparé à l’intrigue qui s’avère faible, le
« plaisir aux yeux » suscité par les trois Chinoises l’emporte et il renvoie, en effet, au
rayonnement d’une Chine qui n’existe plus. Une série de photographies figurant dans le
bimensuel Le Théâtre nous permet d’ailleurs de mieux saisir les détails de la mise en scène
(fig. 6.19c-m). Il convient de signaler qu’une estampe japonaise (le « Ukiyo-e ») est
accrochée sur le mur (fig. 6.19i, l). Ce détail reflète encore une fois la présence du japonisme
dans la chinoiserie à la charnière du XIXe et du XXe siècle.
Du Voile du bonheur à La Troisième Lune, un sentiment de perte, voire une mélancolie,
apparaît dans la tonalité comique du spectacle au sujet chinois.
En fait, c’est aussi en 1904 que le Nouveau Théâtre monte Les Petits pieds d’Henri de
Saussine, critique musical dont Marcel Proust fréquente le salon283. Cette courte pièce, dont
l’intrigue est quasi inexistante, présente et réprouve la tradition chinoise des pieds bandés. M.
Tseng, père de la petite fille qui subit le supplice, est « un Chinois né au Pérou d’un
ambassadeur et d’une princesse arabe, et qui a passé sa prime jeunesse à Heidelberg, au
quartier latin, dans les clubs de Londres et à la légation de Washington » (sc. 1). Malgré son
parcours, Tseng ne peut épargner à sa fille les coutumes de « mutilation » (sc. 5), à savoir les
pieds bandés. Car, selon la mère de la jeune fille, « cette mutilation, par l’usage séculaire est
devenue le signe même qui distingue ce que vous [leurs invités occidentaux] appelleriez une
lady. » (sc. 4) Et comme le dit l’Anglaise Maud dans Les Petits pieds, « pour un Chinois, il
n’y a peut-être de vraie beauté que la beauté chinoise ». Le charme que l’on trouve en Chine
et l’intérêt qu’elle suscite au début du XXe siècle se mêle à cette atmosphère incertaine et
inquiétante liée aux traditions et aux mœurs. Dans tous les cas, pour les spectateurs
occidentaux, la Chine représentée dans le théâtre de cette époque commence à reculer vers un
territoire clos, maléfique voire néfaste. Une tendance qui côtoie en fait l’idée du « péril
jaune ».
283
Jacques-Émile Blanche, In memoriam patris et filii H. & B.P. d. CS, Dieppe, La Vigie, 1942. Cité in Georges-
Paul Collet (dir.), Jacques-Émile Blanche, Nouvelles lettres à André Gide (1891-1925), Genève, Droz, coll.
« Textes littéraires français », 1982, p. 56.
284
Jacques Decornoy, Péril jaune, peur blanche, Paris, Bernard Grasset, 1970, p. 13.
285
Gérard Siary, « Le Voyageurs européens au Japon de 1853 à 1905 », in Bernadette Lemoine (dir.), Regards et
discours européens sur le Japon et l’Inde au XIXe siècle, Limoges, éd. PULIM, 2000, p. 19.
376
Pottier (auteur de L’Internationale) en 1880, la grande population chinoise devient une
menace économique potentielle286. Au lendemain de la guerre sino-japonaise, c’est-à-dire en
1895, un nouveau terme inventé par le Kaiser Wilhelm II apparaît dans le discours des
Européens : « die gelbe Gefahr », le « péril jaune » 287 . Ce terme permet désormais de
concrétiser les sentiments à l’encontre des Chinois et d’autres peuples jaunes d’Asie.
L’idée de « péril jaune » recouvre différents aspects. Dans le domaine des sciences
sociales, la Revue Internationale de Sociologie publie, en février 1897, un article de Jacques
Novicow intitulé « Le péril jaune », article dans lequel ce sociologue russe avertit qu’ « un
beau matin, ils [les Chinois] devaient envahir l’Europe, massacrer ses habitants et mettre fin à
la civilisation occidentale »288. En littérature, l’écrivain anglais P. Shiel publie, en 1898, son
roman-feuilleton intitulé The Yellow Danger. La révolte des Boxers en 1900 et la défaite des
Russes dans la guerre russo-japonaise (1904-1905) renforcent la peur. En 1905, le militaire et
romancier français Émile Driant publie la trilogie de L’Invasion jaune, dont le premier
volume se concentre sur la « mobilisation sino-japonaise »289.
Sur la scène de théâtre cependant, le « péril jaune » trouve beaucoup moins son
incarnation diabolique. Certains dramaturges profitent de l’actualité du titre « péril jaune »,
mais l’intrigue présentée se situe souvent très loin du monde des Chinois. Les pièces que nous
allons examiner sont toutes issues du courant du « péril jaune », bien que leur contenu ne
fasse pas toujours écho à l’esprit du temps.
286
« Par essaims, le Chinois fourmille, / Ils ont des moyens bien compris / Pour s’épargner une famille / Et
travailler à moitié prix ». Voir Robert Brécy, La Chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la
Commune de 1871, Paris, Atelier, 1991, pp. 211-212.
287
Nous nous référons ici à l’esquisse du Kaiser Wilhelm II, perfectionnée par le caricaturiste Hermann
Knackfuss et intitulée Völker Europas, wahrt eure heiligsten Güter, (« Peuples d’Europe, protégez vos produits
les plus saints »). Elle montre un Bouddha venant de l’Est, assis sur son trône dans les nuages. Les puissances
européennes, pleines d’inquiétude, regardent l’arrivée de ce Bouddha. Voir Muriel Détrie, « Une figure
paradoxale du péril jaune : le Bouddha », in Les Carnets de l’exotisme, n° 15-16, « Orients-Extrêmes », Poitiers,
Le Torii éditions, 1995, pp. 73-82.
288
Jacques Novicow, « Le Péril jaune », Revue Internationale de Sociologie, février 1897, p. 351. Ce même
article est imprimé séparément et publié chez V. Giard & E. Brière, à Paris, 1897.
289
Sur le péril jaune dans la littérature non-dramatique à la charnière des XIXe et XXe siècles, voir : (1) Jean-
Marc Moura, « Anti-utopie et péril jaune au tournant du siècle: quelques exemples romanesques », in Les
Carnets de l’exotisme, n° 15-16, « Orients-Extrêmes », Poitiers, Le Torii éditions, 1995, pp. 83-92 ; (2) Jean-
Marc Moura, « Récits du péril jaune », in L’Europe littéraire et l’ailleurs, du même auteur, Paris, PUF, 1998, pp.
125-139 ; (3) Régis Poulet, L’Orient : généalogie d’une illusion, thèse doctorale, Université Jean Moulin - Lyon
III, 2000, pp. 42-71.
290
Sur l’affaire des Boxers, voir Jacques Gernet, Le Monde chinois, [1972], Paris, Armand Colin, 2005, tome 3,
pp. 17-18 ; Marianne Bastid-Bruguière, Marie-Claire Bergère et Jean Chesneaux, Histoire de la Chine, tome 2 :
De la guerre franco-chinoise à la fondation du parti communiste chinois, 1885-1921, Paris, Hatier, 1972, pp. 73-
377
croyants appartenant à une secte bouddhiste-taoïste-confucéenne dont l’essor suit la famine et
les inondations dans la région de Shandong (située au sud-est de Pékin). Les Boxers
sont, pour la plupart, des paysans violemment xénophobes qui se prétendent invulnérables
grâce à leur pratique des arts martiaux. Soutenus par les autorités locales, les Boxers attaquent
les « diables occidentaux », détruisent les biens du service public « importés » (chemins de fer,
usines, etc.) et incendient les églises catholiques.
Ces actions attirent l’attention de l’impératrice douairière Cixi qui s’estime humiliée
en permanence par les Occidentaux. Les proches de Cixi, comme le prince Tuan, lui
suggèrent de profiter de la force des Boxers. Convoqués à Pékin en 1900, les Boxers y
perpétuent leurs attentats. Le 20 juin, l’ambassadeur allemand Klemens Freiherr von Ketteler
est ainsi assassiné. Le lendemain, Cixi déclare officiellement la guerre contre le Japon et les
pays occidentaux présents en Chine. Pour les étrangers à Pékin, la ville est donc en état de
siège. Les Alliés des huit nations – Japon, Russie, Grande-Bretagne, France, États-Unis,
Allemagne, Italie, Autriche – occupent rapidement le fort de Ta-kou (un ancien champ de
bataille de la Seconde Guerre de l’Opium) et Tien-Tsin. Le 14 août, les troupes des alliés
entrent dans la ville de Pékin, libèrent les habitants occidentaux et s’emparent du trône de la
Cité interdite. Le « siège de cinquante-cinq jours » de Pékin est terminé. Cixi et l’empereur
s’enfuient en province et ne reviennent à la Cité interdite qu’en janvier 1902.
86.
291
Voir le catalogue de Charles Beaumont Wicks, The Parisian Stage, vol. 5.
292
Nous nous appuyons ici sur les bulletins des spectacles publiés quotidiennement dans L’Orchestre.
293
L’Orchestre, le 19 février 1901.
378
Les Alliés en Chine (Cirque d’hiver, 1901)
Tableau 1 Les Légations Nous sommes devant les légations gardées par les
marins alliés ; le prince Tuan fait ordonner aux
ambassadeurs de quitter Pékin et ceux-ci refusent
d’abandonner leurs postes ; l’un d’eux, chargé d’aller
parlementer avec l’empereur, est bientôt assailli par les
Boxers et l’émeute éclate. Les alliés repoussent les
assiégeants, mais non sans laisser un soldat prisonnier entre
les mains de l’ennemi.
Tableau 2 À la cour impériale Nous voici au palais impérial où le prince Tuan
organise l’insurrection, mais il est en désaccord avec
l’empereur et l’impératrice et s’insurge contre eux. Pendant
ce temps, on va procéder à l’exécution du prisonnier, mais
celui-ci se fait reconnaître d’un camarade français déguisé
en grand-prêtre et ils sont sauvés.
Tableau 3 Prise du fort de Ta-kou On assiste ensuite à la prise du fort Ta-kou par les
troupes alliées et la pantomime se termine par la déroute des
Tableau 4 Défilé militaire des
Chinois, le salut aux étendards et le défilé de l’armée
troupes alliées
triomphante avec leurs prisonniers.
victorieuses (grande
figuration)
Certes, le titre nous fait croire que la pièce vise à reconstituer les batailles en Chine. Le
Gaulois, quotidien conservateur, qualifie le spectacle à la fois d’ « instructif » et d’
« amusant » : « de la gaîté, on passe aux scènes les plus poignantes, et l’on ne cesse pas un
instant d’être intéressé, ému ou amusé. »294. Mais l’agencement des scènes cité ci-dessus nous
indique que cette histoire assez simple ne sert qu’à la représentation de la grandeur du palais
chinois et du défilé spectaculaire. L’affiche du Cirque d’hiver (fig. 6.20) se focalise sur
l’arrivée de l’empereur qui est attendu par l’impératrice douairière. On retrouve toutes les
curiosités chinoises mais pas les troupes des alliés. Sous le prétexte de mettre en scène
des scènes militaires qui attirent les spectateurs, on reste en fait au niveau de la « somptuosité
merveilleuse et [de] l’élégance indicible du paradis de l’Extrême-Orient »295. S’apparentant
plutôt à un pavillon chinois dans la lignée de l’exposition, cette pantomime n’évoque guère la
présence terrifiante du péril jaune.
Nous trouvons par ailleurs la publication d’une pièce d’ombres chinoises intitulée La
Prise de Pékin (fig. 6.21a-b)296. L’intrigue se déroule pendant la période de la révolte des
Boxers. Mais le personnage principal en est une Chinoise nommée Fleur-d’iris qui cherche à
sauver son amant français et qui lui demande de porter la peau de l’ours du cirque. La menace
du péril jaune s’avère comique sinon ridicule. Une autre « comédie en cinq tableaux »
intitulée La Fête chinoise est écrite pour le « théâtre des ombres chinoises», sans indiquer la
294
Ad., « Spectacles divers : soirée parisienne », Le Gaulois, le 18 février 1901.
295
Félicien Fagus, « Gazette d’art », La Revue Blanche, tome de janvier-avril 1901, Genève, Slatkine Reprints,
1968, p. 463.
296
Sans date de publication. Nous nous référons à l’exemplaire conservé à la BnF-ASP : 4-RO-13782.
379
date précise 297 . Deux filles, Adeline et Sophie, sont emmenées par leur mère à une fête
chinoise tenue dans un jardin public. Ces filles, frappées d’abord par le paysage chinois,
assistent ensuite à une pantomime sur l’infanticide et l’usage de mutiler les pieds des femmes
chinoises. Malgré le titre, cette pièce enfantine sert à répéter le cliché de la barbarie chinoise.
297
Un exemplaire de cette pièce est conservé à la BnF-Tolbiac, cote : 8-YTH-6912.
298
Donnons deux exemples retrouvables dans notre travail : L’Orphelin de la Chine, de Voltaire, et La
Marchande de sourires, de Judith Gautier.
299
Louis Schneider, Théâtre, dossier de presse conservé à la BnF-ASP : 4-ICO THE-4165. Date de publication
inconnue.
380
de faire perdurer l’humour chinois : de Pierre Loti à Georges Clemenceau, en passant par
Judith Gautier, nous avons bien analysé les éléments comiques à l’œuvre dans leurs pièces
chinoises. Les spectateurs s’intéressent aux mœurs des Chinois mais la crise politico-
économique du péril jaune ne préoccupe pas le monde du théâtre.
Même sur la scène de la Comédie-Française, l’idée du « péril jaune » reste vague. Le
17 avril 1905, la troupe de Molière représente Le Duel de l’Académicien Henri Lavedan.
L’évêque Bolène raconte dans les faits la torture qu’il a subie en Chine au cours de 1900, mais
il n’utilise jamais ce mot qui suggère la haine. Au contraire, il souligne qu’il a été « blessé
volontairement » (Acte I, sc. 3) (fig. 6.22a-c). Son domestique chinois, « qui s’était rapproché
en écoutant, vient s’agenouiller près de l’évêque, les yeux pleins de larmes, il entoure ses
jambes de ses bras, la face cachée dans les plis de sa robe » (fig. 6.22b). Au lieu des alliés en
Chine, ce qu’attendent les Chinois est la grâce de Dieu.
300
La « California’s Anti-Coolie Tax » (1862) vise à réduire la concurrence des ouvriers chinois. Le « Chinese
Exclusion Act » (1882) refuse l’accueil de nouveaux immigrés chinois et la naturalisation des anciens immigrés.
Cet acte, renouvelé en 1902 et qui devient dès 1904 « valable pour une durée indéterminée », n’est abandonné
qu’après la Seconde Guerre mondiale.
301
Chester Bailey Fernald, The Cat and the Cherub, and Other Stories (Short Story Index Reprint Series, issue 3
of French’s acting edition), Manchester, Ayer Publishing Reprints, 1970.
302
John B. Clapp et Edwin F. Edgett, Plays of the Present, [Dunlap Society, 1902,] Manchester, Ayer Publishing
Reprints, 1980 pp. 55-56.
381
chinoise » qui décrit « la vie sociale et les coutumes de la colonie chinoise à San
Francisco » 303 . Mais il faut attendre le 24 avril 1902 pour que les spectateurs français
découvrent l’adaptation de Jean Bernac. Intitulé Le Chat et le Chérubin, ce drame
« terrifiant »304 est représenté au Vaudeville. En 1905, la même histoire revient sur la scène
londonienne, sous la forme d’un opéra intitulé L’Oracolo (livret de Camillo Zanoni, musique
de Franco Leoni)305.
303
Anonyme, « Notes et Informations », Le Monde artiste, n° 51 de la 37e année, le 19 décembre 1897.
304
Edmond Sée, « La Semaine dramatique », La Presse, le 28 avril 1902.
305
Nous avons consulté la traduction anglaise de Percy Pinkerton, The Oracle, nouvelle éd., New York,
Chappelle, 1915.
306
Stany Orbier, Revue et Gazette des théâtres, le 4 mai 1902 (n° 18 de la 74e année).
382
connotations de ce paysage singulier307.
Les photographies publiées dans Le Théâtre nous permettent d’imaginer le Chinatown
du Vaudeville (fig. 6.23a-d)308. Sur la scène qui ressemble à un bidonville, tous les toits et les
fenêtres sont fermés et barrés. Sombre et sinistre, Chinatown empêche l’entrée de la lumière
sauf celle qu’émettent les lanternes suspendues au premier étage. Les têtes des comédiens
sont rasées, et la pipe de Chim Fang évoque le fumeur d’opium. Le docteur Wing Shée et son
fils Sun Luey paraissent plus bronzés que les autres. Une apparence qui suggère l’origine
cantonaise des immigrés chinois de San Francisco. Bien que la scène se passe le jour du
nouvel an, elle est loin de l’ambiance de la fête chinoise que l’on connait depuis le XVIIIe
siècle.
VI. 4. (4). (b) Les mœurs des Chinois ou les mœurs de Chinatown ?
Le dramaturge et le Vaudeville semblent tenter d’actualiser l’image chinoise sur la
scène du théâtre. La notice du Chat et le Chérubin souligne que « beaucoup de coutumes non
moins étranges » ainsi que « nombre d’usages locaux » de cette « curieuse population » sont
« consignés au cours de la pièce ». Ce dont parle la notice se trouve principalement dans la
deuxième partie, tels que le cortège du dragon du nouvel an (sc. 1), la cérémonie du
déchiffrement du « livre du destin » (sc. 2), la prédiction achevée par un raisonnement
incompréhensible (sc. 3), le cercueil richement laqué offert comme cadeau exquis (sc. 6), etc.
On trouve aussi deux traditions chinoises très connues des spectateurs français. La
première concerne le mélange des religions. Le docteur Wing Shée (deuxième partie, sc. 2),
qui est censé être le sage de Chinatown, méprise le « temple des démons étrangers », à savoir
l’église chrétienne. Il se prosterne cependant devant tous les autels et pratique toutes les
cérémonies requises : brûler les encens rares pour Confucius, allumer des cierges dorés pour
Matreya Bouddha, sacrifier un jeune chien pour Lao Tseu, voire déposer l’obole pour Jésus
Christ. Cette mi-tolérance mi-superstition des Chinois n’est ni de l’idolâtrie ni du panthéisme,
mais un reflet de l’inquiétude profonde des expatriés. Offrir le cercueil et avoir recours à la
voyance traduisent le même état d’esprit. Dans leur petit monde où ils risquent de mourir et
de ne plus rentrer au pays – rappelons que le fils de Wing Shée est aussi assassiné – ces
Chinois fatalistes cherchent la bénédiction des « dieux », quelle que soit leur incarnation.
La seconde tradition évoquée porte sur le lien entre le Chinois et le chat, qui se
retrouve régulièrement dans les chapitres précédents de notre travail. Une nuance importante
existe cependant dans ce spectacle du Vaudeville, où l’on associe le chat au protecteur de
l’enfant. Cette idée du « chat porte-bonheur » est issue du « maneki-neko » japonais et trouve
probablement sa source dans un proverbe chinois309. Encore une fois, nous trouvons ici une
307
Voir Anthony W. Lee, Picturing Chinatown : art and orientalism in San Francisco, Berkeley et Los Angeles,
University of California Press, 2001 ; Robert W. Bowen et Brenda Young Bowen, San Francisco's Chinatown,
San Francisco, Arcadia, 2008.
308
Dossier conservé à la BnF-ASP : 4 ICO THE 4146. Date de publication inconnue. Selon Félix Duquesnel, les
costumes sont l’œuvre de Th. Thomas (Le Gaulois, le 25 avril 1902).
309
Ju Brown et John Brown, « Maneki-neko, The Famous Japanese Ceramic Cat », China, Japan, Korea :
Culture and Customs, North Charleston, South Carolina, Book Surge, 2006, p. 172.
383
histoire chinoise « contaminée » par le japonisme. Evoquant la pièce de Chinatown, les
critiques se réfèrent à l’esthétique japonaise : Félix Duquesnel et Emmanuel Arène comparent
la pièce « exotique » et « vigoureuse » au Kabuki de Sada Yacco 310 et le chroniqueur de
L’Illustration rappelle qu’ « il n’y a pas que les Japonais qui sachent mourir sur la
planche » 311 . Ces remarques témoignent sans doute du japonisme s’imposant dans
« l’imagination orientale » des contemporains, bien que nous ne voyions aucun point commun
entre Le Chat et le Chérubin et le Kabuki.
La pièce minuscule crée un grand effet dramatique. Pour la première fois, la vie des
Chinois expatriés – et non celle des Chinois sur le territoire de l’Empire – est représentée sur
la scène française. Le chroniqueur du Théâtre constate que la pièce offre des détails « très
originaux », « très gracieux et très effrayants », qu’elle arrive à « renouvel[er] une légende du
Céleste-Empire » 312 . La double couleur locale s’incarne dans les « Chinois » et dans les
« Chinois de Chinatown ». Face à ce péril jaune de Chinatown, les Français, qui ne
connaissent pas de vague d’immigration chinoise au début du XXe siècle, ne peuvent
considérer l’intrigue du Chat et le Chérubin que comme un événement social plus ou moins
mélodramatique. Par ailleurs, les Chinois se trouvant alors en France, faute d’avoir une
communauté à la manière américaine, ne sauraient former une « cité » du péril jaune excluant
l’intervention de la justice. Les conceptions spécifiques de Chinatown n’existent pas en
France et la menace (explicite ou invisible) du « Chinois de Chinatown » ne constitue donc
pas un sujet d’inspiration dans la création du théâtre français.
310
Félix Duquesnel, Le Gaulois, le 25 avril 1902 ; Emmanuel Arène, Le Figaro, le 25 avril 1902.
311
Auteur anonyme, L’Illustration, n° 3087 du 26 avril 1902.
312
Dossier conservé à la BnF-ASP : 4 ICO THE 4146. Date de publication inconnue.
313
Cette pièce est représentée pour la première fois au Palais-Royal, le 12 juin 1880.
384
photographie prise au Vaudeville (fig. 6.24) nous montre un salon rempli de bibelots chinois.
Par ailleurs, les souvenirs relatifs à la guerre franco-chinoise au Vietnam reviennent à
la mémoire du public. Mais la situation évolue sensiblement : étant donné la défaite
inoubliable de Lang Son, les théâtres des années 1890 acceptent de raconter les souvenirs de
l’expédition mais représentent rarement les batailles au Tonkin sur la scène. En 1898,
l’Ambigu-Comique présente notamment Papa la vertu de Pierre Decourcelle et René
Maizeroy. L’intrigue remonte aux années 1880. Le lieutenant-colonel Pasqueville annonce à
ses collègues la déclaration de la guerre contre les Chinois. Il met en valeur la « gloire du
drapeau » (Acte I, sc. 4), mais aucune bataille ne se passe sur scène.
L’Exposition universelle de 1900 permet aux Français de connaître les véritables
Tonkinois. Les Hauts Mandarins de l’Indochine, revêtus du costume du pays, sont invités aux
Folies-Bergère et au Nouveau Cirque où ils regardent les spectacles avec les Parisiens314. En
1905, le Théâtre des Bouffes-Parisiens présente un opéra-comique intitulé Les Filles Jackson
et Cie (livret de Maurice Ordonneau, musique de Justin Clérice). Il n’y a aucun personnage
tonkinois : ce sont les Occidentaux qui se proposent d’être Chinois pendant leur voyage à
Saigon. Le matelot Janicot et Madame Lamiral se déguisent ainsi respectivement en mandarin
Koko et en seigneur Kaolin, chantant ensemble un « duetto des Chinois » (Acte III, sc. 12).
Pour assurer les effets dramatiques, ils doivent exagérer le comportement comique des
Chinois (fig. 6.25a-b). La Tonkinoise la plus inoubliable de cette époque est peut-être La
Petite Tonkinoise (parole d’Henri Christiné, musique de Vincent Scotto)315, chanson populaire
interprétée par Polin dès 1905. Cette chanson connaîtra en 1907 une version « féminine »
d’Esther Lekain et remportera un grand succès à partir de 1930, grâce à l’interprétation de la
célèbre chanteuse d’origine afro-américaine Joséphine Baker.
314
Le Petit Journal, les numéros parus le 21 juin et le 5 octobre 1900.
315
En 1905, Georges Villard écrit une chanson intitulée Le Navigatore sur la musique de Vincent Scotto. Henri
Christiné change la parole de cette chanson, qui deviendra La Petite Tonkinoise que nous connaissons
aujourd’hui. Citons quelques lignes sur la Chine : « L’soir on cause d’un tas d’choses / Avant de se mettre au
pieu / J’apprends la géographie / D’la Chine et d’la Mandchourie / Les frontières, les rivières / Le Fleuve Jaune
et le Fleuve Bleu / Y a même l’Amour c’est curieux / Qu’arrose l’Empire du Milieu. » Voir Emmanuelle Radar,
« La conquête des 'Tonkinoises' : variations de 1906 » (ch. 7) et « L’effet de La Petite tonkinoise en 1930 (ch. 9),
in « Putain de colonie ! » : anticolonialisme et modernisme dans la littérature du voyage en Indochine (1919-
1939) [en français], thèse doctorale, Université d’Amsterdam, 2008.
316
C’est le même « Li Hongzhang » qui signa le traité franco-chinois de la guerre au Tonkin. Nous employons
ici l’orthographe des journaux de l’année 1896.
385
homme de haute taille, le teint foncé, la figure osseuse, la moustache presque blanche »317. Le
supplément illustré du Petit Journal publie même le portrait de Li Hung-Chang sur la
première page du journal318.
Les dramaturges s’inspirent de la visite du mandarin Li Hung-Chang319. À partir du 11
septembre 1896, la salle de Parisiana monte un concert-spectacle intitulé La Revue Rosse,
coécrit par Arthur Verneuil, Maxime Guy et Émile Herbel. On y trouve le « voyage d’un
ministre chinois » qui est « célèbre par ses intempérances postérieures » 320 . Quant aux
Chinoises qui défilent dans le tableau « L’Empire de la Chine »321, elles doivent captiver le
regard des spectateurs.
Le 26 septembre 1896, le Nouveau Cirque (situé rue Saint-Honoré) présente Paris-
Pékin, « bouffonnerie à grand spectacle et en trois tableaux »322. Il s’agit des « aventures du
mandarin qui vient à Paris s’initier aux bienfaits de la civilisation et est victime des plus
fantaisistes péripéties. Un gracieux divertissement où la danse se mêle à des jeux chinois d’un
cachet tout à fait original agrémente cette amusante pantomime qui se termine par une
brillante apothéose »323. L’ « apothéose nautique » impressionnante déploie « une immense
feuille de lotus dont chaque pétale est une femme aux poses gracieuses et variées »324. La
représentation remporte un succès jusqu’en octobre325.
Le 25 novembre 1896, le Trianon monte la création de Héros et Cellarius, intitulée
Revue de Li-Ongchamps326. Comme Paris-Pékin, cette revue présente les actualités de l’année
vues par le mandarin Li Hung-Chang qui voyage à Paris. Mais le voyage de celui-ci ne
constitue qu’un cadre. Comme le chante Raitier (dans le rôle de Li-Ongchamps) : « J’ai fait
trois fois le tour du monde, […] / Mais j’avais, quelle erreur profonde ; / Oublié Montmartr’
dans tout ça. » Ce sont donc les nouveautés parisiennes, et non les Chinois, qui sont
présentées sur scène. Sur la scène où se donne un mélange de « joyeux défilé, couplets
égrillards et lestement troussés », les spectateurs ont l’occasion de voir « le défilé des
quat’zarts, le quadrille des lanciers, une jolie scène sur les clubs féministes, des apparitions
effrayantes, une bagarre entre étalagistes »327.
La salle de Bataclan crée également sa revue de mandarin. Les Protocoleries de
317
L’Univers illustré, n° 2157 du 25 juillet 1896.
318
Le Petit journal, le 26 juillet 1896.
319
Le 14 janvier 1896, un théâtre de Montpellier monte une bouffe intitulée Les Petits mandarins, dont l’auteur
s’appelle Rougier. (Voir Annuaire de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, 1896-1897, p. 506.)
Nous ne trouvons pourtant pas d’autres renseignements sur cette représentation.
320
A. Ferdinand, « Courrier des concerts », L’Orchestre, le 16 septembre 1896.
321
Nous nous appuyons sur la distribution des personnages publiée dans le programme de Parisiana.
322
Le Constitutionnel, le 26 septembre 1896.
323
G. D., « Derrière la toile », Le XIXe siècle, le 27 septembre 1896.
324
Jean de Lorr, L’Orchestre, le 29 septembre 1896.
325
Le Constitutionnel, le 15 octobre 1896.
326
Selon le catalogue établi par Wicks, les auteurs de la revue sont Cellarius, Duhem et Héros. Le même donné
se trouve dans l’Annuaire de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques [BnF-Tolbiac : 8-YF-13], 1896-
1897, p. 509. Nous préférons nous appuyer sur le scenario publié et désignons donc les auteurs comme étant
Héros et Cellarius. M. E. Duhem est en fait l’acteur qui joue le rôle de « Fanfan le siffleur ». Voir « Documents
concernant les revues du Concert Trianon de l’année 1896 », BnF-ASP, Fonds Rondel : RO-17980.
327
V. de C., « Soirée parisienne », Le Voltaire, le 28 novembre 1896.
386
l’année, écrites par Patusset, « comportent une série de scènes très drôles », y compris « les
pétulances de Li-Hung-Tchang »328.
Dans la salle dénommée le Concert d’Arras, Orriol et Lajoie créent le 5 janvier 1897 la
revue intitulée V’là le mandarin. Grâce à ses « couplets gaillardement troussés » et ses « airs
heureusement choisis »,329 cette revue « renferme, entre autres scènes curieuses, une amusante
allusion à l’alliance franco-russe » 330 . Les propos du « mandarin » suggèrent peut-être un
personnage rusé et non forcément un Chinois. En effet, lors de la visite du Tzar et de l’escadre
russe en octobre 1893, le Théâtre municipal d’Asnières avait monté une comédie intitulée Le
Bésigue chinois 331 . Consacrée à l’amitié franco-russe, cette pièce ne comportait aucun
personnage chinois. Son titre au ton chinois sert en fait à évoquer le jeu de cartes et les enjeux
diplomatiques sur la scène internationale.
328
Anonyme, « Derrière la toile », Le XIXe siècle, le 28 novembre 1896.
329
N. P., L’Orchestre, le 14 janvier 1897.
330
Émile Marsy, « Derrière la toile », Le XIXe siècle, le 10 janvier 1897.
331
Édouard Cadol, notice du Bésigue chinois, Paris, Tresse et Stock, 1894.
332
Édouard Noël et Edmond Stoullig, Les Annales du théâtre et de la musique, tome 9 pour l’année 1883, Paris,
G. Charpentier, 1884, pp. 299-301.
333
Les bulletins des spectacles publiés dans L’Orchestre, le 2 juillet 1889.
334
André Corneau, La Revue Blanche, tome 18 (janvier-février-mars-avril 1899), Genève, Slatkine Reprints,
1968, pp. 69-70.
387
cette histoire d’amour est « découpée en morceaux sans lien aucun »335. Il ne figure aucun
personnage chinois dans le livret mais les écuyers d’Attila doivent faire « entrer les bayadères,
chanteuses et danseuses et mimes, otages et captives de tous pays » (Acte II, sc. 3).
La qualité de La Burgonde réside essentiellement dans les costumes « aux mille
couleurs » des bayadères qui parviennent à « romp[re] la monotonie de ces pages
superficielles »336. Selon le témoignage de Robert Brussel, les peuples de tous pays, y compris
les Javanaises (fig. 6.26a, c) et les Chinoises, apparaissent « dans une splendeur de costumes
de l’effet le plus heureux »337. Les maquettes des costumes de la Chinoise (fig. 6.26b, d) sont
évidemment réalisées sous l’influence du costume de l’opéra de Pékin (fig. 6.27), ce qui se
traduit par la présence de plumes sur la tête pour caractériser le rôle de wudan (« guerrière »).
Il ne faut pourtant pas trop exiger des différences entre toutes les danseuses asiatiques, dont la
signification reste au niveau de l’« érotique mirage » et de la « silhouette onirique »338.
En ce qui concerne la mise en scène, la « somptuosité rare » déployée dans La
Burgonde s’achève par des costumes « d’une richesse extrême » alors même que le ballet
« évoque à l’esprit le souvenir prestigieux des divertissements en vogue durant
l’Exposition »339. En fait, on peut même faire remonter cette « vogue » au XVIIIe siècle. Dans
le premier chapitre de notre travail, nous avons examiné plusieurs opéras dans lesquels les
Chinois sont également purement décoratifs.
335
Robert Brussel, « Chronique musicale », Revue d’art dramatique, nouvelle série, tome 6, janvier-mars 1899,
Genève, Slatkine Reprints, 1972, p. 63.
336
Anonyme, Revue et Gazette des théâtres, 1er-8 janvier 1899 (n° 1-2 de la 71ème année).
337
Robert Brussel, op. cit., p. 64.
338
Nous reprenons les termes de Jackie Assayag, « Aurore et crépuscule de l’Ève indienne : l’imaginaire de la
danseuse de temple entre Théophile Gautier et Pierre Loti », in pp. 251-252. Assayag ne traite pas de la danseuse
chinoise, mais le phénomène qu’elle analyse fait écho à l’exotisme de la danse de la fin du XIXe siècle.
339
André Corneau, ibid., p. 72.
340
Voir : (1) Pierre Édouard Briquet, Pierre Loti et l’Orient, Paris, Oreste Zeluck, 1945, pp. 21-38 ; (2) Pierre
Trahard, « L’Exotisme dans l’œuvre de Pierre Loti », Cahiers Pierre Loti, n° 50, décembre 1967, p. 12.
341
Dans une lettre datant du 31 août 1890, Jules Verne propose au dramaturge Adolphe Dennery de collaborer à
l’adaptation théâtrale de son roman Les Tribulations d’un Chinois en Chine. Pour des raisons inconnues, le projet
n’est jamais réalisé (Source : BnF, N. A. F. 17005, fol. 138. Cité par Gérard Pouchain, « Jules Verne et la
Normandie », La Normandie illustrée, Saint-Lô, Éd. du Frisson esthétique, 2005, p. 126.). La « Chine théâtrale »
est donc absente de la carrière littéraire de Jules Verne. En fait, Verne et Dennery ont déjà créé Le Tour du monde
en quatre-vingt jours, présenté au Théâtre de la Porte Saint-Martin le 7 novembre 1874. Les aventures de Phileas
Fogg ne le conduiront en Chine ni dans le roman de Verne ni dans le drame de Dennery.
342
Sur la création de Madame Chrysanthème, voir Suetoshi Funaoka, Pierre Loti et l’Extrême-Orient : du
journal à l’œuvre, Tokyo, éd. France Tosho, 1988. Une partie de cet ouvrage est consacré aux Derniers jours de
388
livret est élaboré par Alexandre André et Georges Hartmann sur la musique d’André Messager.
Cette pièce, qui préfigure Madame Butterfly de Puccini, est en effet écrite d’après le roman
semi-autobiographique de Loti.
En ce qui concerne le sujet chinois, le musicien Reynaldo Hahn s’inspire du récit
intitulé Le mariage de Loti, qui fut également la source de Lakmé (Opéra-Comique, 1883)
(voir VI. 2. (2)). L’œuvre de Hahn est présentée le 23 mars 1898 à l’Opéra-Comique, sous le
titre L’Île du rêve (fig. 6.28)343. Le livret est écrit par Alexandre André et Georges Hartmann.
Se déroulant à Tahiti dans des décors pittoresques, cette idylle polynésienne déploie une
« vaporeuse poésie », comme « un flot qui coule doucement »344. Un Chinois nommé Tseen-
Lee s’éprend de la belle Mahénu et lui offre « un tas de jolies choses » (Acte I, sc. 2). Mais les
Tahitiennes se jouent de Tseen-Lee en tirant sa natte. Tseen-Lee s’enfuit en raison de la
présence de la princesse Oréna. Quand celle-ci repart, Tseen-Lee cherche à nouveau à
s’approcher de Mahénu et lui présente une tunique jaune (Acte II, sc. 2). Les Tahitiennes
éclatent de rire et se moquent de l’étoffe chinoise. Lorsque le protagoniste Loti entre sur scène,
Tseen-Lee « disparaît furtivement ». Mahénu, quant à elle, « jette la tunique et la piétine avec
humeur ». Les deux scènes du Chinois, chacune composée sur un seul air, sont très courtes et
n’ont que peu d’importance dans l’intrigue.
Historiquement, les Chinois ne sont pas si rares à Tahiti. Les immigrés chinois arrivent
à Tahiti vers 1830 et la communauté connaît son plein essor vers 1861-1865345, avant que
cette île ne devienne colonie française en 1880. Pour créer des effets comiques immédiats, les
librettistes de L’Île du rêve ne cherchent pas à représenter la vie locale des Chinois. En
revanche, ils tirent parti de deux clichés, à savoir la natte et l’étoffe jaune qui suggère la
couleur de la peau. Au niveau de la musique, les scènes de Tseen-Lee ne servent qu’à remplir
l’intervalle. Comme le remarque Philippe Blay dans sa thèse consacrée à Reynaldo Hahn :
« Le Chinois n’est pas là pour nous permettre de suivre la naissance de l’amour, mais pour
éviter la monotonie en provoquant un changement de registre, une accélération du
mouvement »346.
Bien qu’il soit fasciné par l’Orient, Pierre Loti ne s’engagera guère dans la création
d’œuvres dramatiques au sujet chinois. En 1903, Judith Gautier et Pierre Loti, commissionnés
par Sarah Bernhardt347, préparent ensemble un drame intitulé La Fille du ciel. Publiée en 1911,
cette pièce mi-historique mi-fictionnelle qui s’appuie sur les révoltes des Taipings ne sera
jamais jouée en France. Pour la première représentation, donnée le 12 octobre 1912 au
Century Theatre de New York, Loti devra créer un « prologue inédit » intitulé « Le Fils du
Pékin.
343
L’Opéra-Comique s’est alors réfugié à la salle du Châtelet en raison de l’incendie du 27 mai 1887. Voir
Jacques Depaulis, Reynaldo Hahn, Biarritz et Paris, Séguier, 2007, p. 56.
344
F., « Musique », Le Gaulois, le 24 mars 1898.
345
Ron Crocombe, Asia in the Pacific Island : Replacing the West, Fidji, University of the South Pacific, 2007, p.
30.
346
Philippe Blay, L’Île du rêve de Reynaldo Hahn : contribution à l’étude de l’opéra français de l’époque fin-
de-siècle, thèse doctorale de l’Université François-Rabelais, à Tours, 1999, p. 301
347
Bettina Liebowitz Knapp, Judith Gautier : une intellectuelle française libertaire (1845-1917). Traduit de
l’anglais par Daniel Cohen, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 321.
389
Ciel »348. Mais dans tous les cas, les écrits de Pierre Loti ne s’imposeront pas dans les pièces
au sujet chinois du théâtre français du XIXe siècle.
348
Pierre Loti, « Le Fils du Ciel : prologue inédit », supplément aux Annales politiques et littéraires du 22
septembre 1912. [BnF-ASP : 8- RF- 59964]
349
Jean de Lorr, L’Orchestre, le 22 décembre 1881.
350
Jean de Lorr, L’Orchestre, le 9 janvier 1882.
351
Les bulletins de L’Orchestre, les 14, 16, 18, 21, 22 avril 1890.
352
Les bulletins de L’Orchestre, du 12 mai au 30 juillet 1891.
353
Nous nous appuyons sur les bulletins publiés dans L’Orchestre.
354
Les bulletins de L’Orchestre, du 19 au 31 août 1894.
355
L’argument de cette pièce peut se retrouver dans le programme conservé à la BnF-ASP, cote : 8-RO-15758 (2).
356
Les bulletins de L’Orchestre, à partir du 18 avril 1901.
357
Le Monde artiste, « Courrier de la semaine », n° 37 de la 41e année, paru le 15 septembre 1901.
390
au théâtre de Londres358.
Conclusion :
Cinq événements marquent cette période : trois guerres dans lesquelles la Chine est
partie prenante (la guerre franco-chinoise, la guerre contre les alliés des huit nations et la
guerre russo-japonaise) et deux Exposition universelles à Paris (en 1889 et en 1900). Des
Pavillons noirs au péril jaune, la Chine est associée aux discours du colonialisme et au déclin
d’une civilisation.
Trois courants culturels sont introduits au théâtre : l’intérêt pour l’Indochine, l’essor
du japonisme ainsi que la redécouverte du répertoire classique chinois. De l’observation des
mœurs et de l’esthétique orientale qui en découlent, il résulte que le personnage chinois se
358
Jim Steinmeyer, The Glorious Deception : The Double Life of William Robinson, Aka Chung Ling Soo, the
Marvelous Chinese Conjurer, New York, Carroll & Graf, 2005, pp. 253-268. Sur les numéros de Chung Ling
Soo, voir Max Dif (Maxime Roux), Histoire illustrée de la prestidigitation, Paris, Maloine, 1986, pp. 273-282.
359
Le Ménestrel, le 12 août 1894, n° 32 de 60e année, p. 254.
360
L’une des créations les plus originales de l’Exposition est un « panorama animé contenant à la fois le décor
pris d’après nature et des indigènes de tous les pays représentés ». Voir Le Livre des expositions universelles :
1851-1989, Paris, Union centrale des Arts décoratifs, 1983, p. 110.
361
Victor Roger, « Courrier des théâtres – à l’Exposition », Le Petit Journal, le 30 septembre 1900.
362
Anonyme, « Exposition universelle de 1900 », Le Monde artiste, le 16 septembre 1900.
363
Nous nous référons au catalogue de Charles Beaumont Wicks.
391
métamorphose en héros tragique, en avare ridicule voire en marchande de sourires. De
l’empereur des temps anciens aux immigrés du Nouveau Monde, la Chine déploie à la fois
une couleur locale singulière et un rayonnement multiculturel. À la mode au XVIIIe siècle,
l’aura de cet empire ne s’éteint pas sur la scène de théâtre au XIXe siècle.
Si, à cette époque, on ne manque pas de pièces chinoises dont la qualité principale est
le « grand spectacle », la participation des gens de lettres à la création des œuvres sérieuses
mérite également de retenir notre attention. Professionnels ou amateurs, ces lettrés-
dramaturges tentent d’exploiter les possibilités du « drame chinois ». Quant à Paul Claudel,
Pierre Loti, Judith Gautier, Georges Clemenceau et Émile Guimet, ils cherchent en même
temps à déconstruire et à reconstruire les codes et les images relatifs à la Chine, au travers des
points de vue philosophique, littéraire et historique.
Parmi les écrits dramatiques chinois, l’adaptation de Judith Gautier reste la plus
singulière et remarquable. S’inspirant du théâtre chinois, Gautier adapte librement le texte
(malgré sa connaissance de la langue chinoise) et trahit la célèbre traduction de Bazin aîné
(qui est souvent réputée – à tort – être fidèle). De ce point de vue, les œuvres de Gautier se
situent dans la même lignée que celles de Voltaire, qui créa L’Orphelin de la Chine en
s’appuyant sur la traduction incomplète du père de Prémare. Le statut littéraire de Judith
Gautier est sans doute loin de celui de Voltaire. Pourtant, dans le cadre de la réécriture du
drame chinois, les œuvres de Judith Gautier sont, sans conteste, dignes d’être explorées.
Tout comme les œuvres de Gautier, la Turandot de l’Odéon est également tombée dans
l’oubli. Si cette princesse chinoise nous est connue grâce à l’opéra de Puccini, il faut rappeler
que la foire du XVIIIe siècle mit en scène, pour la première fois, ce personnage tiré des contes
orientaux. Aujourd’hui, la princesse Turandot est l’emblème représentatif des Chinois, autant
pour les Occidentaux que pour les Chinois eux-mêmes364. De l’esprit voltairien à la reprise de
Turandot, le théâtre français de la période charnière entre les XIXe et XXe siècles témoigne-t-
il d’un recul sinon d’une rétrospective du sujet chinois ?
Oui et non. Oui, parce que l’on s’inspire toujours du « classique » pour renouveler
l’idée de la Chine. Non, parce qu’on ne connaît plus une époque comme celle du XIXe siècle,
où le sujet chinois est à la fois comique et mélodramatique, orientalisé et japonisé,
commercial et académique. Lorsque Claudel se consacre à la création de Partage de Midi en
1905, il faut rappeler que ce sont les fruits des différentes tentatives de la fin du XIXe siècle
qui lui permettent d’enquêter sur l’image de la Chine. Suivant les pas de Claudel, les
théoriciens et les dramaturges du XXe siècle s’interrogeront sur l’esprit du théâtre européen à
travers la pensée chinoise. Antonin Artaud réfléchit ainsi à l’essence du théâtre en se référant
au taoïsme et le sinologue Henri Cordier publie, en 1910, son ouvrage intitulé La Chine en
France au XVIIIe siècle. Et c’est à partir de l’exploration de Cordier que nous avons tenté de
découvrir la « Chine » dans le théâtre du XIXe siècle.
364
En 1998, le réalisateur Zhang Yimou signe la mise en scène de Turandot de Puccini, devant la place de la Cité
interdite. Un musicien chinois est commissionné pour compléter la partition originale inachevée, afin de
représenter l’opéra à l’ouverture du National Centre for the Performing Arts, en 2008, à Pékin. Cette même mise
en scène est reprise, en 2009, au Stade des Jeux-olympiques à Pékin.
392
Conclusion générale
393
Mis à part l’héritage de l’ancien répertoire, les spectacles chinois crées au XIXe
siècle se distinguent nettement des spectacles chinois crées au XVIIIe siècle par ces deux
éléments : le développement de la sinologie et l’allusion à l’actualité. Au XVIIIe siècle, les
imaginaires chinois qui inspirent les dramaturges et les chorégraphes résident principalement
dans les écrits des missionnaires et des voyageurs en Chine. Avec le développement de la
sinologie au XIXe siècle, les écrits des sinologues, qui se rendent toutefois peu en Chine,
participent à nourrir les imaginaires chinois. La création théâtrale n’est pas immune à cette
influence. Cette « sinologie », d’esprit scientifique, formule un discours raisonné sur la Chine
et les Chinois. D’un côté, les mœurs chinoises sont traduites par les œuvres dramatiques des
Chinois : de la philosophie confucéenne à la croyance taoïste, les mœurs chinoises sont
théâtralisées et popularisées dans les théâtres privilégiés et secondaires. D’un autre côté, le
discours chinois issu de la science de la sinologie se marie avec les observations
(pseudo)scientifiques – qui sont essentiellement des préjugés – vues par le prisme du
colonialisme : des caractères physiques aux usages quotidiens, l’image péjorative du Chinois
est ainsi figée et confirmée.
Quant à l’allusion à l’actualité, en raison de la démocratisation de la presse et de la
circulation des informations, les événements en Chine sont introduits sur la scène du théâtre et
l’on parodie souvent la politique française au travers du personnage chinois allégorique. Par
ailleurs, l’apparition de la rubrique consacrée à la critique du théâtre dans la presse contribue,
elle aussi, à la formation de l’image de la Chine1 . Les opinions des chroniqueurs et leurs
jugements peuvent souvent décider du succès de telle ou telle « Chine ». La Chine sous leur
plume devient un autre riche gisement de l’image chinoise. En effet, une grande partie de
notre connaissance sur la Chine théâtrale du XIXe siècle provient de la presse de l’époque.
Considérant le lien entre le répertoire chinois et l’actualité, nous avons divisé notre
travail selon les événements décisifs de la relation franco-chinoise au XIXe siècle. Après une
brève présentation du répertoire sous l’Ancien Régime, nous avons traité, dans le deuxième
chapitre, des spectacles créés du lendemain de la Révolution jusqu’à la veille de 1829 – année
où la Société asiatique est confirmée par ordonnance royale. Ces études chinoises
« institutionnalisées » ne sont pourtant pas une invention inattendue. En effet, l’École des
Langues orientales vivantes est précédemment créée par la Convention nationale en 1795. À
partir de l’époque napoléonienne, la langue chinoise est introduite dans l’enseignement
supérieur, tel que le Collège de France dont la première chaire de chinois est créée en 1814.
Les efforts successifs des sinologues réveillent une prédilection pour la Chine remontant au
XVIIIe siècle. En ce qui concerne les œuvres chinoises, une deuxième pièce de théâtre
chinoise est traduite en anglais et introduite en France entre 1818 et 1819. De leur côté, les
dramaturges français incorporent les anciens éléments chinois dans des créations telles que
Les Deux magots de la Chine et Le Laboureur chinois. La première pièce se déroule à partir
du concept du « grotesque » chinois, alors que la seconde permet de retracer les idées des
1
Sur le développement du critique au XIXe siècle, nous avons consulté Mariane Bury et Hélène Laplace-
Claverie (dir.), Le Miel et le Fiel : la critique théâtrale en France au XIXe siècle, Paris, Presses Universitaires de
Paris-Sorbonne, coll. « Theatrum Mundi », 2008.
394
physiocrates du XVIIIe siècle. Même les parodies écrites sous la Restauration nous permettent
d’apercevoir l’influence de l’ancien héros sino-tartare, Gengis Khan.
Dans le domaine de la recherche scientifique, les études chinoises commencent donc à
devenir une discipline institutionnalisée et autonome. Dans le monde du théâtre, toutefois,
l’imaginaire chinois ne se distingue pas complètement de l’imaginaire « oriental ». En effet,
pour évoquer un Céleste-Empire situé à l’ « Extrême » Orient, les dramaturges imaginent la
Chine à partir de l’imaginaire du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Dans le deuxième
chapitre, nous avons ainsi découvert des spectacles chinois qui étaient effectivement
l’adaptation de contes orientaux tels que Les Mille et un jours ou Les Mille et une nuits. De la
lampe merveilleuse au métier de « hulla » (Koulouf, 1806), les personnages chinois adoptent
les mœurs des Orientaux et respectent la morale tirée des contes de Schéhérazade. Malgré les
titres et les noms chinois, les usages chinois sont absents. Paradoxalement, cette situation ne
résulte pas d’une simple confusion entre la Chine et l’Orient. En effet, dans les contes tels que
Les Mille et une nuits, on rencontre régulièrement des histoires aux origines prétendument
chinoises : Aladin en est un exemple. Aussi, quand les dramaturges puisent dans les contes
orientaux pour créer une « pièce chinoise », le résultat en est naturellement une Chine
« orientalisée ». Suite à l’influence de la Chine orientalisée, les anciennes pièces orientales
subissent à leur tour une réécriture. Des Scythes de Voltaire aux Chinois et Tatares de Scribe
(Koulikan, 1813), la transformation de la Chine théâtrale s’effectue sur le plan oriental.
La Chine continue à se mélanger avec l’Orient dans les spectacles des années 1830.
Dans le troisième chapitre, nous avons analysé comment le développement de la sinologie
libère, au fur et à mesure, les spectacles chinois de l’influence des contes orientaux. La
création du Cheval de bronze, à l’Opéra-Comique, exprime cette tendance. Bien que nous
puissions retrouver les origines du Cheval de bronze dans Les Mille et une nuits, les éléments
de l’Orient présents dans cette pièce sont complètement chinoisés. De la dénomination des
personnages aux effets visuels sur scène, nous entrevoyons peu de touche orientale. La quête
de la Chine se traduit également dans la représentation de Chao-Kang, une pantomime conçue
d’après l’Histoire chinoise et dont le jeu d’acteur s’inspire du théâtre chinois. En raison des
recherches sur la Chine authentique, la pièce chinoise créée au XVIIIe siècle se retire
finalement de la scène. À partir de 1835, la Comédie-Française cesse notamment de monter
L’Orphelin de la Chine, tragédie de Voltaire d’après la traduction incomplète de la pièce
éponyme chinoise. C’est au même moment que le sinologue Stanislas Julien publie sa
traduction complète, du chinois en français, de L’Orphelin de la Chine. La parution d’une
série de traductions fidèles du théâtre chinois par le sinologue Bazin aîné marque un tournant :
les dramaturges français essaient dès lors de s’inspirer de ce nouveau répertoire. Ils
récolteront les fruits de leur travail durant la seconde moitié du XIXe siècle.
Toujours dans le troisième chapitre, nous avons exploré l’application de la « mise en
scène » au spectacle chinois. En effet, si l’on se penche sur l’histoire de la « mise en scène »,
terme que l’on commence à utiliser aux alentours de 1830, on découvre qu’à cette même
époque on publie des indications spécifiques destinées au spectacle sur la Chine. Les artistes
du théâtre cherchent à reconstituer la véritable Chine sur scène, mais les critiques vérifient
aussi l’exactitude de cette Chine en s’appuyant sur les publications disponibles et sur leurs
395
propres connaissances chinoises. Dans la même lignée que Chao-Kang, la grande salle de
l’Opéra s’attaque à reproduire la scène chinoise dans La Chatte métamorphosée en femme. Si
la représentation est malheureusement un échec, l’exigence de l’exactitude chinoise se
retrouvera dans les spectacles chinois présentés ultérieurement à l’Opéra. Sous le Second
Empire, l’Opéra reprendra Le Cheval de bronze. Au niveau des effets visuels (et surtout des
costumes chinois), le style fantastique qui était à l’œuvre dans la version de l’Opéra-Comique
cède sa place à l’exactitude chinoise.
Quant aux petits spectacles des années 1830, la parodie Fich-Tong-Khan (1835) retient
notre attention. Les idées ridicules du roi et les singeries exagérées sont en effet étroitement
associées à l’imaginaire du Chinois grotesque. Un autre facteur d’attraction réside dans la
dénomination des personnages. Si les Chinois des anciens spectacles comiques étaient
souvent nommés d’après les termes géo-historiques et du faux chinois, les personnages de
Fich-Tong-Khan suggèrent l’intérêt du calembour de langue française. On découvre
désormais des personnages comiques portant des noms à l’apparence chinoise et dont la
signification est piquante. La qualité du calembour « Fich-Tong-Khan » rend ce personnage
immortel. Chinois ou non, il sera le synonyme des politiciens français qui « fichent le camp ».
Sur la scène internationale, la Première Guerre de l’Opium (1838-1842) sino-anglaise
change radicalement la relation entre la Chine et le monde occidental. Le Céleste Empire jadis
fermé aux étrangers est maintenant forcé d’ouvrir sa porte. C’est le point de départ du
quatrième chapitre de notre travail. Sur la scène de théâtre, les intrigues des spectacles
comiques se déroulent souvent à partir de la rencontre des deux mondes ou à partir du « choc
culturel ». Cette thématique arrive à son apogée aux alentours de 1860, quand la troupe
militaire française se rend à Pékin en raison de la Seconde Guerre de l’Opium (1856-1860).
De l’actualité à la représentation, la Chine ouverte devient une attraction dans la « revue de
fin d’année » – un genre théâtral où l’on intègre dans des quiproquos tous les événements de
l’année. Par conséquent, l’image comique du Chinois se mélange à l’observation des « faits
divers » chinois. Pour captiver l’attention des spectateurs populaires, ce genre d’observation
s’effectue à travers les moqueries sur la physionomie laide, la nourriture excentrique et le
raisonnement saugrenu. Sous prétexte de « comparaison des mœurs », les jugements au
niveau « civilisationnels » côtoient les drôleries et sont susceptibles de soutenir les « faits
chinois » imaginés sinon exagérés.
Dans le quatrième chapitre, nous avons également abordé les spectacles donnés par de
véritables Chinois pendant les années 1850. En effet, depuis la première moitié du XIXe siècle,
on trouve régulièrement des spectacles acrobatiques donnés par de « faux » Chinois – à savoir
des spectacles qui n’ont de chinois que le titre et présentés par des acteurs français déguisés
en Chinois. Si la gestuelle de leurs doigts et leurs costumes bariolés participent à exprimer
l’image du Chinois clownesque, il faut attendre l’arrivée des véritables Chinois pour
découvrir des numéros chinois à la fois palpitants et différents. L’idée de l’authenticité du
Chinois se complique en raison du spectacle « cadre » donné par les acteurs français autour de
la prestation véritablement chinoise. Mais cela n’empêche aucunement que les variétés des
véritables Chinois soient appréciées voire parodiées. En fait, jusqu’à la fin du XIXe siècle, on
ne cessera de retrouver des numéros similaires dans la programmation des jongleurs et des
396
troupes itinérantes chinoises en France. La présence de véritables Chinois et les numéros de
ces derniers sont également accompagnés du « phénomène » chinois, à savoir l’exhibition de
personnes à l’apparence physique atypique. Selon une perspective d’aujourd’hui, la présence
du phénomène chinois est déjà une « performance ». Du cirque à l’exposition, ces véritables
Chinois permettent de réaffirmer les idées de l’époque sur la Chine. Puisque leurs activités ne
sont que rarement mentionnées dans les écrits des contemporains, nous avons réalisé un
tableau de base consacré aux spectacles donnés par de véritables Chinois, ceci afin de faciliter
les études ultérieures.
De la Première Guerre de l’Opium (en Chine) à la fin du Second Empire (en France),
le sujet du « voyage en Chine » apparaît régulièrement dans le théâtre. Mais la tonalité du
spectacle évolue avec la situation politico-diplomatique. Au début de l’ouverture de la Chine,
le voyage en Chine est associé à la curiosité et à la découverte. De Paris à Pékin, la
juxtaposition des scènes franco-chinoises permet à ces deux pays qui s’appréciaient au XVIIIe
siècle de se rejoindre sur la scène du théâtre du XIXe siècle. Les vaudevilles comme Les
Antipodes (1854) reflètent cette aspiration. De même, dans les spectacles « cadres » destinés à
accueillir les véritables Chinois, tels que La Chine à Paris ou Paris en Chine, on découvre des
personnages français qui se livrent à l’illusion en fumant l’opium. Leur voyage se réalise dans
le rêve. Puis, avec la fin de la confrontation militaire franco-chinoise, le Céleste Empire
naguère fascinant se trouve complètement dévoilé et le sujet du « voyage en Chine » s’adapte :
alors que le « faux voyage en Chine » des années 1850 était entouré d’une atmosphère éthérée
et fantastique, nous rencontrons, au début des années 1860, des spectacles de « non-voyage en
Chine » bien que comportant le terme « Chine » dans leur titre. L’exemple le plus explicite en
est Le Voyage en Chine (1865) de l’Opéra-Comique, une pièce consacrée aux effets
maritimes spectaculaires et non au paysage chinois dévasté. Si l’on entrevoit quelques
sentiments de désaffection pour la Chine dans le théâtre français du XIXe siècle, il s’agit là du
résultat de la Seconde Guerre de l’Opium. Les variantes tirées de deux versions d’Une
semaine à Londres (1849, reprise en 1862) s’en expliquent.
C’est aussi pendant les deux Guerres de l’Opium que le personnage anglais est
introduit dans notre répertoire. Certes, le théâtre français ne manque pas de caricatures des
Anglais. Le rôle de l’Anglais dans les spectacles chinois du XIXe siècle, considéré plus
spécifiquement, symbolise souvent la puissance malveillante de l’envahisseur impérialiste.
L’antagonisme exprimé dans L’Opium et le Champagne (1842) fonde cette convention : alors
que les Anglais empoisonnent les Chinois par le commerce de l’opium, les Français réveillent
les Chinois par la civilisation du champagne. Le déclin de la Chine n’est pas une chute
inévitable mais plutôt une manœuvre des Anglais au profit de l’Empire britannique. Dans La
Prise de Pékin (1861), les Français de l’équipe d’expédition énumèrent les « vilenies»
anglaises comme le trafic de l’opium et l’injustice de la société. Même dans des pièces telles
que Les Français au Tonkin (1885), qui s’inspirent du conflit franco-chinois, la méchanceté
est toujours réservée aux Anglais. En fait, dans les spectacles au sujet chinois de la seconde
moitié du XIXe siècle, les Anglais servent de tampon entre les deux camps de la confrontation
franco-chinoise : l’action militaire des Français est déculpabilisée et les Chinois sont exonérés
de leur décadence.
397
Si les spectacles chinois permettent de parodier les Anglais, il existe d’autres
personnages, cette fois chinois, permettant de critiquer la politique du Second Empire. Les
« fainéants » de Ba-ta-clan (1855) sont la caricature aigüe de Napoléon III. Et la cacophonie
politique dans le livret ne provient pas d’un manque d’harmonie dans la partition. En fait, la
musique de Ba-ta-clan, que compose Jacques Offenbach, nous reste accessible jusqu’à
aujourd’hui grâce à la qualité de sa mélodie. Dans la même lignée que Ba-ta-clan, le livret de
Fleur-de-thé (1868) se caractérise par le déguisement des personnages français et leurs
fausses identités chinoises. La musique de Fleur-de-thé, composée par Charles Lecoq,
demeure également dans le répertoire du théâtre lyrique de nos jours. Outre sa valeur musicale,
Fleur-de-thé est très vraisemblablement le premier spectacle français qui, en raison des
photographies conservées, nous permet d’entrevoir les apparences des personnages chinois
crées sur la scène du théâtre de l’époque. Ces photographies qui capturent
l’incarnation annoncent l’évolution d’une époque. Les images de ces personnages chinois sont
symboliquement « figées » et témoignent d’un style éclectique en ce qui concerne le mélange
des éléments chinois. Un mélange qui ne se limite pas à l’aspect géographique (comme le
pêle-mêle « sino-oriental » ou « sino-tartare »), mais qui est aussi un mélange à l’échelle
temporelle. La Chine dévoilée par la Seconde Guerre de l’Opium est transpercée et très
mélancolique. Sous la Troisième République, nous ne retrouvons plus de spectacle chinois qui
cherche à reproduire fidèlement l’actualité chinoise. Dans la plupart des cas, la Chine
théâtrale redevient un sujet à la fois joyeux, innocent et nostalgique. Cette tendance se
prolonge jusqu’au début du XXe siècle dans la création féminine, telle que La Troisième lune
(1904).
L’année de la création de Fleur-de-thé, le Japon, alors sous le règne de l’empereur
Meiji, se modernise à l’occidentale. En fait, les objets japonais ont enchanté les Français
l’année précédente, lors de l’Exposition universelle. Le japonisme, grâce à son esthétique
singulière, gagne un statut autonome sur le terrain culturel français. Sur la scène théâtrale,
cependant, le japonisme se mélange souvent à la chinoiserie sans que nous puissions les
distinguer l’un de l’autre. Léon de Rosny intègre le poème chinois dans sa comédie japonaise,
et la tragédie japonaise de Judith Gautier peut trouver sa source dans le drame chinois.
Accompagnée de l’influence du japonisme, la redécouverte des œuvres dramatiques
chinoises constitue une grande partie des cinquième et sixième chapitres de notre travail. En
fait, la plupart de ces pièces chinoises avait déjà été traduite avant 1842, c’est-à-dire à
l’époque de la Première Guerre de l’Opium. Toutefois, il faut attendre les années 1880 pour
les voir présentées sur la scène de théâtre. Au contraire de la tragédie, comme celle
qu’adaptait Voltaire au XVIIIe siècle, c’est la comédie chinoise qui fascine des dramaturges
de la fin du XIXe siècle. La soubrette et l’avare, en particulier, sont les personnages qui
captivent le public. Outre les pièces classiques traduites par les sinologues, la forme brève du
théâtre chinois attire l’attention des artistes qui cherchent à (re)découvrir les « œuvres », tel
Lugné-Poe qui monte La Fleur enlevée (1896) jouée par le Théâtre de l’Œuvre. Une autre
redécouverte réside dans le taoïsme chinois. Plusieurs écrivains incorporent la fantaisie de la
transformation taoïste dans leur création dramatique. Paul Claudel, quant à lui, commence à
puiser dans les œuvres classiques chinoises afin de soutenir son interprétation du
christianisme. Cette herméneutique qui évoque l’esprit des anciens missionnaires jésuites
398
nous permet d’élargir la vision de « la Chine dans le théâtre ». Elle ouvre par ailleurs sur les
réflexions chinoises des dramaturges européens du XXe siècle, tels qu’Artaud et Brecht.
De la chinoiserie au japonisme, en passant par l’orientalisme, un nouveau courant
exotique, à savoir les éléments indochinois, enrichit encore notre répertoire pendant les deux
dernières décennies du XIXe siècle. Il résulte d’abord de la guerre franco-chinoise au Vietnam
(1880-1885), de laquelle s’inspirent plusieurs spectacles militaires. Bien que la France
obtienne finalement le territoire du Vietnam, la terreur de la guérilla des « Pavillons Noirs »
s’empare de la scène de théâtre. En conséquence, et durant la période de l’expansion coloniale
de la fin du siècle, on se contente d’évoquer la gloire de la Seconde Guerre de l’Opium et l’on
reprend La Prise de Pékin au théâtre. Si les éléments indochinois s’avèrent marginaux dans
les œuvres dramatiques au sujet chinois, ils constituent néanmoins la nouveauté dans les
pavillons des Expositions universelles. En fait, c’est également pendant l’Exposition
universelle de 1900 que l’on découvre une nouvelle traduction et la représentation de la
comédie de la soubrette chinoise. Sur le versant océanien de l’Indochine, l’exotisme
indochinois tropical et insulaire s’exprime dans les pièces au sujet polynésien. Et dans
l’adaptation des œuvres de Pierre Loti, on aperçoit le personnage chinois comique et jaloux
qui boude les habitants de Tahiti.
Nous avons abordé le « péril jaune », à la fin du sixième chapitre. Il s’agit d’un
terme qui apparaît souvent dans les écrits littéraires et dans les critiques de l’époque. Pourtant,
et jusqu’au début du XXe siècle, le péril jaune ne constitue pas un sujet important dans la
création dramatique. Quelques petites salles présentent bien les comédies domestiques sous le
titre du péril jaune, mais la trame est très loin de la menace des Chinois. D’un esprit digne du
roman noir, la pièce américaine Le Chat et le Chérubin (1902) permet de découvrir l’aspect
sombre de Chinatown. Sans aucun rapport avec l’héritage de notre répertoire du théâtre
portant la Chine et les Chinois, elle est étroitement liée à un voyeurisme à l’égard du
« ghetto » chinois d’outre-mer que l’on juge chargé de danger potentiel. C’est le péril jaune
importé du Nouveau monde.
Notre exploration consacrée à la Chine théâtrale se termine aux alentours de 1905.
Mais l’image du Chinois continue à apparaître dans le théâtre. La salle du Femina monte la
féerie chinoise intitulée Sin (1921) et Sacha Guitry présente Le Voyage de Tchong-Li (1932) à
la Madeleine. Par ailleurs, l’art cinématographique, inventé en 1895 et qui connaît son
développement au XXe siècle, ne cesse de nous fournir des images (au sens littéral et large)
des personnages chinois. Si, dans le monde du cinéma, il nous arrive de rencontrer un héros
qui maîtrise l’art martial du « couteau volant », un bouffon risible ou encore une princesse à la
fois séduisante, froide et cruelle, ne seraient-ce pas là des fantaisies remontant à la Chine
théâtrale du XIXe siècle ?
En revanche, il ne faudrait jamais présupposer des ressemblances entre les
personnages chinois si nous n’avons pas une connaissance globale sur des spectacles (au sujet
chinois) auxquels ils appartiennent. Au long de notre travail, nous avons régulièrement
découvert des éléments chinois propres à une certaine époque : l’automate-chinois témoigne
de la nouveauté technique au début du XIXe siècle, alors que la liqueur nommée Chinois est
une invention absolue née sous le Second Empire. À l’époque napoléonienne, c’est
399
l’empereur chevaleresque Koulikan qui nous invite à une histoire d’amour sino-tartare-
tibétaine. Sous la Troisième République, les désordres suscités par les anarchistes sont le
contraste de la justice que promet l’empereur Taï-Tsoung.
L’image de la Chine ne cesse d’évoluer mais la Chine reste toujours sur la scène de
théâtre. Tout au long du XIXe siècle, le monde situé au-delà de l’Occident constitue une
grande part du théâtre français. La Chine est sans doute l’un des pays les plus importants de
ce répertoire de pièces exotiques. Il est intéressant de noter qu’à l’exception de Paul Claudel,
qui commence à concevoir ses pièces chinoises à la fin du XIXe siècle, aucun autre
dramaturge de cette époque ne se rend en Chine. Ils ne sont pourtant pas dans la même
situation que les dramaturges du XVIIIe siècle, qui traitaient sous la plume un empire
entièrement fermé : en raison de l’ouverture de la Chine, de plus en plus de Chinois
s’exposent aux yeux des Français. Il s’agit donc d’une époque de transition. Alors que la
Chine et les Chinois connaissent les plus grands changements de leur Histoire, les
dramaturges français cherchent à décomposer et à recomposer les images qui habitent leur
esprit depuis plus d’un siècle. Pour les dramaturges et les artistes de théâtre du XIXe siècle, la
Chine est un sujet à la fois familier et étranger, proche et éloigné, cliché et varié, épuisé et
exploitable. Et tous ces paradoxes concourent à créer une Chine complexe.
C’est cette « Chine » kaléidoscopique qui constitue l’objet de notre travail. À travers
un état des lieux du répertoire théâtral, nous avons tenté d’aborder un sujet souvent négligé.
Nous souhaitons que notre tentative contribue à inspirer des recherches ultérieures et qu’il ait
permis de faire redécouvrir la Chine dans le théâtre français du XIXe siècle.
400
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
401
402
Sources et Bibliographie
II. Archives
II. 1. Manuscrits
II. 1. (1) Archives nationales
II. 1. (2) Bibliothèque nationale de France (Département des Arts du spectacle)
II. 1. (3) Bibliothèque nationale de France (Arsenal)
II. 1. (4) Bibliothèque nationale de France (Département des Manuscrits)
II. 1. (5) Bibliothèque nationale de France (Département de la Musique)
II. 1. (6) Bibliothèque-Musée de l’Opéra de Paris
II. 1. (7) Bibliothèque Historique de la Ville de Paris
II. 1. (8) Bibliothèque de la Comédie-Française
II. 1. (9) Bibliothèque du Musée Guimet
II. 2. Archives imprimées
III. Périodiques
III. 1. Périodiques systématiquement consultés
III. 2. Coupures de presse classées par la BnF
V. Illustrations
V. 1. Illustrations du Chapitre I
V. 2. Illustrations du Chapitre II
V. 3. Illustrations du Chapitre III
V. 4. Illustrations du Chapitre IV
V. 5. Illustrations du Chapitre V
V. 6. Illustrations du Chapitre VI
I. Répertoire
Abréviations : BnF = Bibliothèque nationale de France ; BnF-Tolbiac = Site François-Mitterrand de la BnF ;
BnF-ASP = Département des Arts du spectacle de la BnF ; BMO = Bibliothèque-Musée de l’Opéra ; BHVP =
Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.
403
Anonyme. Le Ballet chinois. Colisée, 1771 ou 1772. Sans détails.
Anonyme. La Conquête de la Chine, ombres chinoises. Théâtre de Séraphin. Sans détails.
Anonyme. Il Cinese rimpatriato, divertimento scenico (scène lyrique). Musique de Giuseppe Selletti
Représentée à Paris, sur le Théâtre de l’Opéra, le 19 juin 1753. Paris : Veuve Delormel et Fils,
1753.
Anonyme. L’Entrée de l’ambassadeur de la Chine, pantomime, Colisée, juillet 1777. Texte
introuvable.
Anonyme. L’Entrée en France de Don Quichotte de la Manche, ballet-mascarade, S. l. n. d. [1616-
1625].
Anonyme. La Fête chinoise, spectacle d’escrime. Colisée, 1772.
Anonyme. Gengis Kan, Châlons sur Marne, 18 décembre 1779. Texte introuvable.
Anonyme. La Jeune Chinoise ou le Français en Chine, comédie, 1 acte, en prose, 1789 (?). Non
publié. BnF Manuscrit Fonds Français 9278.
Anonyme. L’Orphelin de la Chine, pantomime, 3 actes, Vauxhall d’été, le 1er mai 1788. Texte
introuvable.
Anonyme. Le Roi de Tonquin, tragédie pour rire, 1 acte, vers. Extrait des Œuvres mêlées de M. de ***,
tome 1. Publiée à Londres, en 1782.
Anonyme. Tchao ou les marché aux femmes, 1 acte, en prose, Théâtre des Bluettes comiques et
lyriques, le 13 novembre 1787. Non publié. BnF-ASP : MS Douay 2363.
Anonyme (ou Eustache Lenoble). Télésis, tragédie, un prologue, 5 actes, en prose, publié chez Pra-
Patchichaki-Ka, à Pékin, 1751. Sans détails de représentation.
Anonyme. Les Troubadours. Ballet chinois. Académie royale de Musique, mars (?) 1760.
Anseaume, Louis. Le Chinois poli en France, parodie du Chinois de retour (Il cinese rimpatriato) de
Selletti, intermède, 1 acte, en vers et en vaudeville, Foire Saint-Laurent, le 20 juillet 1754. Paris :
Duchesne, 1754.
Autreau, Jacques. Le Naufrage au Port-à-l’Anglois ou les Nouvelles débarquées, comédie, 3 actes,
musique de Mouret, le 25 avril 1718. Publié dans Nouveau Théâtre italien, tome II. Paris : A.-U.
Coustelier, 1718.
B***. La Fausse coquette, comédie, trois actes, en vers. Représenté par les Comédiens-Italiens, à
l’Hôtel de Bourgogne, le 18 décembre 1694. Publiée dans Le Théâtre italien de Gherardi, tome V.
Paris : P. Witte, 1717.
Bailly, Jacques. Bolan, ou le médecin amoureux, parodie de Roland de Quinault, Théâtre-Italien, le 27
décembre 1755. Paris : Prault père, 1756.
Bertrand, et Selles. Les Chinois, comédie, Foire Saint-Germain, le 16 février 1707. Texte introuvable.
Boffrand, Germain (ou Bois-Franc). Les Bains de la Porte Saint Bernard. Les Comédiens-Italiens à
l’Hôtel de Bourgogne, le 12 juillet 1696. Publié dans Le Théâtre italien de Gherardi, tome 4, Paris,
Briasson, 1741.
Boissy, Louis de. La ****, comédie en vers et en trois actes. Théâtre-Italien, le 17 août 1737. Paris :
Prault père, 1737.
Bonneval. Les Romans. Ballet héroïque, 3 actes et prologue, musique de Niel. Représenté par
l’Académie royale de Musique, le 23 août 1736. Non publié (?).
Boucher (ou Claude-Henri de Fusée de Voisenon). Les Magots, parodie de L’Orphelin de la Chine, 1
acte, en vers, Théâtre-Italien, le 19 mars 1756. Paris : Veuve Delormel et Fils, 1756.
Bouqueton. Le Généreux Tartare, divertissement, Comédie-Française, le 7 juillet 1756. Texte
introuvable.
Boussernard de Soubreville. Frontin dans l’île de Macao, opéra-comique, 1 acte, en prose, sans date.
BnF Manuscrit Fonds Français 92741.
1
Nous ignorons l’identité de l’auteur. On retrouve cette donnée dans le catalogue Bibliothèque dramatique de Monsieur de
Soleinne, rédigé par P. L. Jacob, tome III, « N° 3070 – onzième portefeuille », publié à Paris, Administration de l’Alliance
404
Bugiani. Les Mendiants chinois, pas de trios, pantomime. Comédie-Française (Théâtre de la rue des
Fossés Saint-Germain). Été 1753. Texte introuvable.
Caylus, Anne-Claude-Philippe Comte de. Le Ballet des porcelaines ou le prince Pot-à-thé, ballet-
pantomime, un prologue en vers, 4 actes, musique de Grandval, Château de Morville, 1739 ou 1740.
Non publié. BnF Manuscrit Arsenal 2748. [Voir le manuscrit que nous avons transcrit : annexe
7.1.(a)]
Chédeville, Étienne Morel de. Panurge dans l’Ile des lanternes, comédie lyrique, 3 actes, musique de
Grétry, Académie Royale de Musique, le 25 janvier 1785. Paris : De Lormel, 1785.
Corneille, Pierre. L’Illusion comique, comédie, représenté au Jeu de paume du Marais, en 1635, et à
l’Hôtel de Bourgogne, en 1636. Paris : Targa, 1639.
Coypel, Charles-Antoine. Les Folies de Cardenio, ballet héroïque-comique, 3 actes, musique de
Delalande. D’après le spectacle éponyme de Pichou. Représenté au théâtre des Tuileries, le 30
décembre 1720. Paris : Ballard, 17212.
Cuinet-Dorbeil. L’Automate, comédie, 1 acte, mêlée d’ariettes, musique d’Henri-Joseph Rigel.
Comédie-Italienne, le 20 août 1781. Paris : T. Brunet, 1781.
Dancourt. La Foire Saint-Germain, Théâtre-Français, le 19 janvier 1696. Publiée dans Les œuvres de
théâtre de M. d’Ancourt, tome 4. Paris : Aux dépens des Libraires associés, 1760.
–––. La Loterie, comédie. Représentée au Théâtre-Français, le 10 juillet 1697. Publiée dans Les
Œuvres de Mr. Dancourt, contenant les nouvelles pièces de théâtre qui se jouent à Paris. Le Haye :
E. Foulque, 1706.
–––. Le Magot de la Chine, opéra bouffon, 1 acte, musique posthume de Rigel père. Non publié. [Sur
la représentation, voir « Dancourt » du répertoire I. 2.]
–––. La Maison de campagne. Théâtre-Français, le 27 janvier 1688. Paris : Vve de L. Gontier, 1691.
–––. L’Opérateur Barry, comédie, musique de Jean-Claude Gillier. Représenté le 11 octobre 1702.
Paris : P. Ribou, 1702.
–––. Les Trois cousines, comédie en 3 actes, en prose. Représentée le 18 octobre 1700. Publié dans
Répertoire du Théâtre Français, tome 17. Paris : Perlet, 1804.
Dehesse, Jean-Baptiste-François. Le Ballet turc et chinois, ballet-pantomime, 1 acte, Théâtre-Italien,
12 juin 1755. Texte introuvable.
––– [attribué aussi à Antoine Pitrot]. Les Jardins chinois, ballet-pantomime, 1 acte, Théâtre-Italien, 24
juin 1754. Texte introuvable.
–––. Les Noces chinoises, ballet-pantomime, 1 acte, Théâtre-Italien, 18 mars 1756. Texte introuvable.
–––. L’Opérateur chinois, ballet-pantomime, 1 acte, musique de Guillemain, Versailles, le 12
décembre 1748, et Théâtre-Italien, 11 janvier 1749. Publié dans Divertissements du théâtre des
petits appartements pendant l’hiver de 1748 à 1749, tome III, imprimé par exprès commandement
de Sa Majesté, 1749 (sans lieu de publication). [BnF-Tolbiac : 8- YTH- 13081]
––– [attribué aussi à Antoine Pitrot]. Les Tartares, ballet-pantomime, 1 acte, Théâtre-Italien, 14 août
1755. Texte introuvable.
Delosme de Montchenay, Jacques. Le Phénix, comédie, 3 actes. Représenté le 22 novembre 1691.
Publié dans Le Théâtre italien de Gherardi, tome 3. Paris : Pierre Witte, 1717. [BnF-Tolbiac : YF-
5775]
Desfontaines (dit), François-Georges. Isménor, ballet héroïque [ou drame héroïque], 3 actes, musique
de Jean-Joseph Rodolphe, représenté au château de Versailles, le 17 novembre 1773. Paris : Pierre-
Robert-Christophe Ballard, 1773.
Despréaux, Jean-Étienne. Momie, opéra burlesque, parodie de l’opéra d’Iphigénie. Trois actes, en
prose et en vaudeville. Représenté devant le roi, à Choisy, en août 1778. Paris : Ballard, [1805.]
des Arts, 1844. Cette entrée est reprise par Clarence D. Brenner dans A Bibliographical List of Plays in the French Language,
1700-1789.
2
Cette édition est citée par Duc de La Vallière (dir.), Ballets, opéra et autres ouvrages lyriques, par ordre chronologique,
depuis leur origine, avec une table alphabétique des ouvrages et des auteurs, Paris, C.-J.-Baptiste Bauche, 1760, p. 161.
405
Destouches, Néricault. Le Tambour nocturne, ou le Mari devin, comédie anglaise de Joseph Addison,
accommodée au théâtre français, en 5 actes, en prose. Représentée le 16 octobre 1762. Paris : Chez
Duchesne, 1765.
Dorvigny, Louis-Archambault. La Rage d’amour, parodie de Roland de Marmontel, 1 acte, en vers,
les Comédiens italiens ordinaires du roi, le 19 mars 1778. Paris : Vente, 1778.
Favart, Charles-Simon et Jacques-André Naigeon. Les Chinois ou les Chinois de retour, parodie d’il
cinese rimpatriato de Selletti, comédie, 1 acte, en vers lyrique, mêlée d’ariettes, Théâtre-Italien, le
18 mars 1756. Paris : Veuve Delormel et fils, 1756. La musique arrangée par Gioacchino Cocchi,
Giovanni Battista Pergolesi et Sellitti est publiée chez De La Chevardière, à Paris, et chez les frères
Le Goux, à Lyon, vers 1759. [BMO : CS- 1181 (1)].
Favart, Charles-Simon [et Marquis de Paulmy d’Argenson]. La Chercheuse d’esprit, opéra-comique, 1
acte. Foire Saint-Germain, le 20 février 1741. Paris : Vve Allouel, 1743.
–––. Les Indes dansantes, parodie des Indes galantes. Comédiens-Italiens, le 26 juillet 1751. Paris :
Vve Delormel, 1751.
Fuzelier, Louis. Les Indes galantes, ballet héroïque, un prologue, 4 actes, musique de Jean-Philippe
Rameau, Académie royale de musique, représenté le 23 août 1735. Paris : Jean-Baptiste-Christophe
Ballard, 1736.
–––. La Reine des Péris, comédie persane, musique d’Aubert. Académie royale de Musique, le 10
avril 1725. Paris : chez la veuve de Pierre Ribou, 1725.
Guillemain, Charles-Jacob. Tarare régnant, mélodrame, 3 actes, en vers, Théâtre des Beaujolais, le 7
juillet 1778. Texte introuvable.
La Motte, Antoine Houdar. L’Italie galante, ou les contes, comédie en un prologue et 3 parties (Le
Talisman, Richard Minutolo, Le Magnifique). Comédie-Française, le 11 mai 1731. Publié dans
Œuvres de Monsieur Houdar de la Motte, tome 5. Paris : Prault l’aîné, 1754.
Lemonnier, Pierre-René. La Matrone chinoise ou l’épreuve ridicule, comédie-ballet, 2 actes, en vers
lyrique, Théâtre-Italien, le 26 décembre 1764. Paris : C. Hérissant, 1764.
Lesage, Alain-René. Arlequin invisible chez le roi de Chine, comédie en vaudeville, 1 acte, musique
de Gilliers, Foire Saint-Laurent, le 30 juillet 1713. Publié dans Le Théâtre de la Foire, ou opéra
comique, tome 1. Paris : Étienne Ganeau, 1721.
–––. La Foire de Guibray, prologue pour lier Arlequin Mahomet et Le Tombeau de Nostradamus.
Foire Saint-Laurent, 1714. Publié dans Théâtre de la Foire, tome 1, in Œuvres choisies de Le Sage,
tome 13. Paris : Leblanc, 1810.
Lesage, Alain-René et d’Orneval. Arlequin barbet, pagode et médecin, comédie, un prologue, 2 actes,
en prose, monologues, Foire Saint-Germain, février 1723. Non publié. BnF Manuscrit Fonds
Français 9314 et 25471.
–––. La Princesse de la Chine, opéra-comique, 3 actes, musique de Gilliers, Foire Saint-Laurent, le 25
juin 1729. Publié dans Le Théâtre de la Foire, ou opéra comique, tome 7. Paris : Pierre Gandouin,
1731.
Malezieu, Abbé Nicolas de. Arlequin chinois, représenté chez Madame la Duchesse du Maine, au
Château de Châtenay, le 4 août 1703. Texte introuvable.
–––. Le Prince de Cathay, divertissement, musique de Mathaut, représenté chez Madame la Duchesse
du Maine, au Château de Châtenay, le 16 août 1704. Publié dans Nicolas de Malezieu et Charles
Claude Genest, Les Divertissements de Seaux. Trévoux : chez Étienne Ganeau, 1712, pp. 175-197.
Marmontel, Jean-François. Roland, d’après Philippe Quinault, tragédie lyrique, 5 actes, musique de
Niccolò Piccini, Académie Royale de Musique, le 27 janvier 1778. Paris : Père de Lormel, 1778.
Metastasio, Abbé Pietro [en français « Métastase »]. Drame en musique pour servir d’introduction à
un ballet chinois, traduit de Le Cinesi par César-Pierre Richelet, opéra. Publié dans Tragédies-opéra
de l’abbé Metastasio, tome 9, publié à Vienne, 1756.
–––. Le Héros chinois, traduit de l’Eroe cinese par César-Pierre Richelet, tragédie-opéra, 3 actes, en
prose. Publié dans Tragédies-opéra de l’abbé Metastasio, tome 11, publié à Vienne, 1756.
406
Molière. L’Avare. Théâtre du Palais-Royal, le 9 septembre 1688. Suivant la copie imprimée à Paris ;
[Amsterdam : D. Elzevier], 1669.
Moline, Pierre-Louis. Le Mandarin, comédie, 2 actes, en prose, mêlée d’ariettes, musique de Gluck,
sans date. Non publié. BnF Manuscrit Fonds Français 9245. [Voir le manuscrit que nous avons
transcrit : annexe 7.1.(c)]
Moncrif, François-Augustin Paradis de. L’Opérateur chinois ou le père respecté, parodie pantomime
de l’Opérateur chinois de Dehesse, musique de Courtenvaux et Guillemain [et avec la participation
du roi]. Représenté chez Mme de Marck à Versailles, le 12 décembre 1748. Texte introuvable.
Monticourt, Jean-François Duplat. Les Paladins, comédie-ballet, 3 actes, musique de Jean-Philippe
Rameau. Représenté à l’Académie royale de musique, le 12 février 1760. Paris : Lormel, 1760.
Motte, Antoine Houdar de la. Issé, pastorale héroïque, musique de M. Destouches. Représenté à
Trianon par l’Académie royale de Musique, le 17 décembre 1697. Publié dans Recueil général des
opéras représentés par l’Académie royale de Musique, depuis son établissement, tome 6. Paris :
Christophe Ballard, 1703. [La date de la représentation est indiquée dans les éditions Ballard, 1724.]
Noverre, Jean-Georges. Le Ballet chinois, ballet-pantomime pour l’intermède de Roland, de Jean-
François Marmontel, 1 acte, Académie Royale de Musique, le 27 janvier 1778. Texte introuvable.
–––. Les Fêtes chinoises, ballet, 1 acte, Foire Saint-Laurent, le 1er juillet 1754. Texte introuvable.
–––. Les Métamorphoses chinoises, ballet. Sans détails.
Philidor, André-Danican (dit l’aîné). Mascarade du roi de la Chine, 1 acte, en vers libres, musique de
lui-même, à Marly, 1700. Texte introuvable.
Piis, Pierre-Antoine-Augustin de, et Barré. Les deux porteurs de chaise, comédie-parade, en un acte, et
en vaudeville. Représentée à Trianon, le 26 juillet 1781, par les Comédiens Italiens ordinaires du roi.
Publié dans Théâtre de M. de Piis et de M. Barré, tome 2. Londres : Valade’s successors, 1785.
Poinsinet, Antoine-Henri. Ernelinde, princesse de Norvège, tragédie-lyrique en trois actes. Musique de
François-André-Danican Philidor. Académie royale de Musique, le 24 novembre 1767. Paris : De
Lormel, 1767. Le livret pour la représentation au mariage du Comte d’Artois est revu par Sedaine.
Prémare, père Joseph-Henri de. Tchao-chi cou-eulh, ou l’Orphelin de la maison de Tchao, tragédie
chinoise, 5 actes, un prologue, en prose. Publié dans Description géographique, historique,
chronologique et physique de l’Empire de la Chine et de la Tartarie chinoise, par le Père Jean-
Baptiste du Halde. Paris : P.-G. Le Mercier, 1735.
Quinault, Philippe. Roland, tragédie en musique, un prologue, 5 actes, musique de Lully, Versailles, le
8 janvier 1685. Publié dans Le Théâtre de M. Quinault, tome 5. Paris : Pierre Ribou, 1715.
Regnard, Jean-François. Le Carnaval de Venise, ballet, un prologue, 3 actes, musique d’André
Campra. Représenté par l’Académie royale de musique, mai 1699. Publié dans Œuvres de J. F.
Regnard, tome 4. Paris : Brière, 1823.
–––. Le Divorce, comédie, 3 actes, les Comédiens Italiens du Roi dans leur Hôtel de Bourgogne, 17
mars 1688. Publié dans Œuvres de J. F. Regnard, tome 5. Paris : Brière, 1823.
–––. La Foire Saint-Germain, comédie, 3 actes, Théâtre-Italien, le 26 décembre 1695. Publiée dans
Œuvres de J. F. Regnard, tome 6. Paris : Brière, 1823.
Regnard, Jean-François et Charles Dufresny. Les Chinois, comédie, 4 actes, les Comédiens-Italiens du
Roi dans leur Hôtel de Bourgogne, le 13 décembre 1692. Publiée dans Théâtre Italien d’Evaristo
Gherardi. Publié dans Œuvres de J. F. Regnard, tome 6. Paris : Brière, 1823.
Rochon de Chabannes, Marc-Antoine-Jacques. Alcindor, opéra-féerie, musique de Dezède. Académie
royale de Musique, le 17 avril 1787. Paris : Père de Lormel, 1787.
Romagnesi, Jean-Antoine. Les Superstitieux, comédie, 5 actes, en vers. Théâtre-Italien, le 5 mars 1740.
Publié à Londres, 1774.
Ruggieri. Le Chinois. Feux d’artifice chinois. Théâtre-Italien à l’Hôtel de Bourgogne. Mise en scène le
13 août 1747. Sans texte.
Vadé, Jean-Joseph. La Canadienne. Publiée dans Œuvres de M. Vadé, ou Recueil des opéra-comiques,
parodies et pièces fugitives de cet auteur, tome 3. Paris : N.-B. Duchesne, 1758.
407
Voltaire. L’Orphelin de la Chine, tragédie, 5 actes, en vers. Comédie-Française, le 20 août 1755. Paris :
Cramer, 1755.
408
Anonyme. Plus de Mandarins, ou la Chine sauvée, bagatelle civico-parade mêlée de vaudeville. Sans
représentation. Nankin et Paris : chez tous les marchands de nouveauté, ca. 1795.
Anonyme. Le Quinze août en Chine, vaudeville, 1 acte. Théâtre de la Gaîté, le 8 août 1860. Non publié.
Manuscrit conservé aux Archives Nationales, coté F18 926. [Voir le manuscrit que nous avons
transcrit : annexe 7.2.(e)]
Anonyme. Tulikan, mélodrame, 3 actes, préparé par le Théâtre de la Gaîté. Censuré le 25 avril 1811.
Procès verbaux de censure, Archives nationales, F21 976.
Anonyme. Tulican, ou les Tartares, mélodrame, 3 actes, préparé par le Théâtre de la Gaîté. Censuré le
6 avril 1810. Procès verbaux de censure, Archives nationales, F21 976.
Anonyme. Un grand jour à Houpé, scène chinoise en 3 tableaux. Clermont-Ferrand : F. Thibaut, 1876.
Anonyme. Une fête à Pékin, pantomime. Cirque Fernando, le 1er mai 1877. Non publié.
Anonyme. La Vieille revue, 2 actes. Cercle de la Rue Royale, 1903. Non publié.
Anonyme. Le Voltige du petit Chinois, par Leguay. Cirque Napoléon, le 26 décembre 1865.
Albano, Léone d’ [Pseudonyme de Léon (Prunol) de Rosny]. Le Couvent du dragon vert, comédie
japonaise adaptée à la scène française pour la fête annuelle de l’Athénée oriental. Représentée
devant le Congrès international des Orientalistes, au Grand-Hôtel, septembre 1873. Nice : J. Gay
et fils, 1872 ; Paris : Maisonneuve, 1873.
Alexandre, André et Georges Hartmann. L’Île du rêve, idylle polynésienne en trois actes, d’après Le
mariage de Loti de Pierre Loti. Musique de Reynaldo Hahn. Opéra-Comique, le 23 mars 1898.
Paris : Calmann Lévy, 1898.
Anicet-Bourgeois, Auguste. Dgenguiz-Kan, ou La conquête de la Chine, drame, 3 actes et 6 tableaux.
Théâtre du Cirque-Olympique, le 30 septembre 1837. Paris : Marchant, collection Magasin
théâtral, tome XIXe, 1838.
Arban. Les Français en Chine, quadrille. Casino de la rue Cadet, avril 1860. Non publié.
Arène, Jules. Pa Tchang Palan Houal (La Fleur Palan enlevée). « Houa couo shi », théâtre de femmes.
Représenté au Nouveau-Théâtre, le 22 avril 1896, sous le titre de La Fleur enlevée. Publié dans
La Chine familière et galante, du même auteur. Paris : Charpentier, 1876, pp. 112-139.
Artois, Armand d’ et Boniface. Gengiskan, ou l’Aimable Tartare, folie-vaudeville, 1 acte, Théâtre du
Vaudeville, le 24 février 1824. Non publié. Manuscrit conservé aux Archives nationales, F18 648.
[Voir le manuscrit que nous avons transcrit : annexe 7.2.(a)]
Artois, Armand d’, Henri Dupin, et Thomas Sauvage. Le Perruquier et le Coiffeur, comédie, un acte,
mêlée de couplets. Théâtre des Variétés, le 19 février 1824. Paris : Duvernois, 1824.
Artois, Armand d’, Théaulon du Lambert, et Marc-Antoine Désaugiers. Paris à Pékin, ou la Clochette
de l’Opéra-Comique, parodie-folie-féerie, 1 acte, Théâtre du Vaudeville, le 27 novembre 1817.
Paris : Barba et Martinet, 1817.
Aude, Joseph. Cadet Roussel aux Champs Élysées, ou La colère d’Agamemnon, vaudeville, 1 acte,
mêlé de mystifications, pantomimes, cérémonies, etc. Théâtre Montansier, le 26 ventôse, an IX
(le 17 mars 1801). Paris : Fages, an IX (1801).
–––. Madame Angot au sérail de Constantinople, drame, tragédie, farce, pantomime, en 3 actes.
Théâtre de l’Ambigu-Comique, le 1er prairial, an VIII (le 21 mai 1800). Paris : Théâtre de
l’Ambigu, an VIII.
–––. La Paix, comédie en deux actes en vers, suivie d’un divertissement. Théâtre de la République, le
13 brumaire, an VI (le 3 novembre 1797). Paris : Barba, [1797].
Augier, Émile. Le Fils de Giboyer, comédie, 5 actes, en prose. Comédie-Française, le 1er décembre
1862. Paris : Michel Lévy frères, 1863.
Augier, Émile et Jules Sandeau. Le Gendre de M. Poirier, comédie en 4 actes, en prose. Théâtre du
Gymnase, le 8 avril 1854. Paris : Michel-Lévy frères, 1854.
Barbier, P.-Jules et Michel Carré. Les Antipodes, vaudeville, 1 acte, musique de Grisar Hirt. Théâtre
des Variétés, le 29 juillet 1854. Paris : N. Tresse, collection La France dramatique au dix-
409
neuvième siècle, choix de pièces modernes, 1854. Pour le matériel d’orchestre, consulter les
manuscrits de la BnF-ASP : 4°-COL-106/864
Baroncelli, Félicien de. Le Magnétisme en Chine, ou Une révolution dans l’autre monde, folie-
vaudeville, 3 actes. Représentée pour la 1re fois dans la Tour de porcelaine de Pékin, mille ans
avant le déluge d’Iaoh. Paris : rue d’Enghien, 10, 1850.
Bazin, Antoine (dit Bazin aîné) (trad.). Le Pi-Pa-Ki, ou l’Histoire du luth, drame chinois de Kao-Tong-
Kia représenté́ à Péking, en 1404 avec les changements de Mao-Tseu. Paris : Imprimerie Royale,
1841.
–––. Théâtre chinois, ou Choix de pièces de théâtre composées sous les empereurs mongols. Paris :
Imprimerie royale, 1838. [Contient : Tchao-meï-hiang, ou les Intrigues d’une soubrette, comédie ;
Ho-han-chan, ou la Tunique confrontée, drame ; Ho-lang-tan, ou la Chanteuse, drame ; Teou-
ngo-youen, ou le Ressentiment de Teou-ngo, drame]
Belloy, Auguste de. Une reprise perdue, chinoiserie parisienne. Extrait de la Revue de Paris, le 4
décembre 1864, pp. 333-343.
Benoît, Victor. Gengis-Kan, ou la conquête de la Chine, scènes d’ombres chinoises, Ombres chinoises
au Palais-Royal (spectacle de Moreau), le 29 octobre 1790. Non publié.
Bergerat, Émile et Camille de Sainte-Croix. La Burgonde, opéra en 4 actes et 5 tableaux, musique de
Paul Vidar. Opéra, le 23 décembre 1898. Paris : Choudens Fils, 1898.
Bernac, Jean. Le Chat et le Chérubin, drame en un acte et trois parties, d’après la pièce chinoise de
Chester Bailey Fernald, musique de scène de Gabriel Marie. Théâtre du Vaudeville, le 24 avril
1902. Paris : Librairie théâtrale, 1902.
Bernos, Alexandre. Le Siège du clocher, mélodrame comique en 3 actes, à grand spectacle. Ambigu-
Comique, le 18 mai 1809. Paris : Vve Dabo, collection « Chefs-d’œuvre du répertoire des
mélodrames », tome 17, 1824.
Bessière, E., et Raphaël de Noter. L’Île de Nénuphar, chinoiserie en 1 acte. Excelsior-Concert, le 1er
février 1901. Paris : C. Joubert, s. d.
Billéma Raphaël (Arrangement). Ba-ta-clan. Polka et valse pour le piano. Paris : Léon Escudier, s. d.
Bisson, Alexandre et Albert de Saint-Albin. Le Péril jaune, comédie en 3 actes. Théâtre du Vaudeville,
le 1er février 1906. Paris : Librairie théâtrale, 1906.
Bisson, Alexandre et André Sylvane. Disparu !!!, comédie en 3 actes. Gymnase, le 19 mars 1896.
Paris : Tresse et Stock, 1896.
Boirie et Dupetit-Méré. Koulikan, chef des Tartares, mélodrame, 3 actes, Théâtre Molière, le 4 janvier
1806. Non publié.
Bourgeois, Anicet, Clairville, et Laurent. Les Quatre parties du monde, féerie en 22 tableaux, précédée
de « La Carriole », prologue. Théâtre national (ancien Cirque), le 3 octobre 1851. Paris : Michel
Lévy frères, 1851.
Brio, Carolus (Charles Brillaud-Laujardière). Péril jaune, comédie, 1 acte. Théâtre Royale, le 8 janvier
1906. Paris : Librairie théâtrale, 1906.
Bruguière de Sorsum, Antoine-André (traduction). Lao-seng-éul, comédie chinoise, suivie de San-Iu-
Leou ou les trois étages consacrés, un conte moral. Traduits de l’anglais. Paris : Rey et Gravier,
1818-1819.
Buguet, Henri. Fiche Ton Kin, revue, 4 actes. Théâtre Beaumarchais, le 31 décembre 1883. Non publié.
Burani, Paul. Le Sire de Fisch Ton Kan, bouffonnerie, musique par Antonin Louis. Interprétée par
Joseph Arnaud au Théâtre de l’Ambigu, 1870. Reprise par Jules Perrin, au Cirque National, et
Gabel, au Palais-Royal.
Busnach, William et Armand Liorat. Kosiki, opéra-comique, 3 actes, musique de M. Charles Lecocq.
Théâtre de la Renaissance, le 18 octobre 1876. Paris : Tresse, [1876].
Cabot, Charles. Les Chinois au Châtelet. Parodie burlesque sur La Prise de Pékin. Paris : typ. Morris,
1862.
410
Cadol, Édouard. Le Bésigue chinois, comédie, 1 acte, en prose. Représentation gratuite au Théâtre
municipal, à Asnières, le 15 octobre 1893. Paris : Tresse et Stock, 1894.
Cahen, A. et Norès. Les Chinoiseries de l’année, revue, 1 acte. Théâtre des Batignolles (ou à la salle
de Bataclan), le 23 décembre 1885. Non publié.
Caigniez, Louis-Charles, et Ludwig Benedict Franz von Bilderbeck (Louis-François de Bilderbeck).
Le Mandarin Hoang-pouf, ou l’Horoscope, folie, 1 acte, Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 5
mai 1821. Paris : J.-N. Barba, 1821. (Reprise aux Variétés, le 10 mars 1828.)
Cammaille-Saint-Aubin, Nicolas (et César Ribié). Les Chinois, ou Amour et Nature, pantomime
dialoguée, en 3 actes, avec chants, danses, combats, etc. Musique de Banneux, ballet d’Aumer, de
l’Opéra, décor d’Auguste. Théâtre de la Cité, le 19 prairial an VIII (le 8 juin 1800). Paris : Tiger,
an VIII.
Carcassonne, Adolphe. En Chine, un acte, en vers. Publié dans Théâtre de jeunes filles, pièces à jouer
dans les familles et dans les pensionnats. Paris : Paul Ollendorff, 1887.
Carré, Michel. Le Dragon vert. Musique d’André Wormser. Créé par le Théâtre de l’Œuvre, en
collaboration avec la troupe de Tchay-Chow-Bing. Représenté au Nouveau Théâtre, le 21 février
1895. Non publié.
Carré, Michel et Jules Barbier. Le Mémorial de Sainte-Hélène, drame historique en 3 parties et 18
tableaux, dont 1 prologue et 1 épilogue, musique de M. Artus. Ambigu-Comique, le 21 avril 1852.
Paris : Michel Lévy frères, 1852.
Champagne, G. Les Pavillons noirs, ou la Guerre de Ton-kin, grand drame historique et patriotique, 5
actes et 10 tableaux. Théâtre des Batignolles, le 22 décembre 1883. Bourges : Imprimerie de H.
Sire, 1884.
Champfleury. Pierrot marquis, pantomime en 10 tableaux. Théâtre des Funambules, le 5 octobre 1847.
Non publié.
Chandezon, Léopold. L’Éléphant du Roi de Siam, pièce en trois actes et en neuf parties. Musique de
Sergent, ballet de Bertotto, décors de Dumay, Filastre et Leroux, mise en scène d’Ad. Franconi,
l’éléphant dressé par Huguet, son propriétaire. Théâtre du Cirque-Olympique, le 4 juillet 1829.
Paris : J.-N. Barba, 1829.
Charpentier, Léon. Le Gage d’amour, comédie chinoise en un acte, en prose. La Nouvelle Revue, tome
XII, n °47, septembre 1901, pp. 273-285.
–––. Les Transmigrations de Yo-Tchéou, comédie chinoise Tao-Sse, d’après deux pièces chinoises.
Publié pour la première fois dans Mercure de France, n° 139 (juillet 1901) & n° 140 (août 1901),
tome XXXIX, pp. 25-68 & pp. 350-398. Publiée en un seul volume à Paris, par La Société
anonyme d’édition et de libraire, en 1920. Sans représentation.
Charrin, P.-J. [Pierre-Joseph] fils et Maxime de Redon. Le Pied de bœuf et la queue de chat,
mélodrame-féerie-comique, 3 actes, en prose, musique de Signor Bianchi. Théâtre des Jeunes
Artistes, le 9 juin 1807. Paris : Hénée et Dumas, 1807.
Charton, Charles. Le Mandarin Chi-han-li, ou le Chinois de paravent, pantomime dialoguée, 5
tableaux. Théâtre des Funambules, le 5 ou 12 décembre 1842. Non publié. Manuscrit conservé
aux Archives nationales, F18 1087.
Choulet, L. G. Les Jongleurs chinois, quadrille pour piano. Paris : Benoit aîné & Marseille :
Meissonnier père et fils, 1859.
Christiné, Henri. La Petite Tonkinoise. D’après Le Navigatore de Georges Villard. Musique de
Vincent Scotto. Présentée par Polin, à Alcazar de Marseille, 1905. Entrée dans le répertoire de
Polin dès 1906.
Clairville [pseudonyme de Louis-François Nicolaïe]. L’Opium et le Champagne, ou la Guerre de
Chine, vaudeville, 1 acte. Théâtre des Variétés, le 2 mai 1842. Paris : Beck, collection La
Mosaïque, recueil de pièces nouvelles, n° 39, 1842.
Clairville et Jules Cordier. Une semaine à Londres, ou les Trains de plaisirs, folie-vaudeville à grand
spectacle, en 3 actes et 14 tableaux. Théâtre du Vaudeville, le 9 août 1849. Paris : Beck, 1849.
411
–––. La Mère Moreau, débit de chinois, mêlé de prunes et de couplets, pochade, 1 acte, Palais-Royal,
1er août 1852. Paris : Beck, 1852.
Claudel, Paul. Partage de Midi. Ecrite en 1905. Éditée à compte d’auteur en 1906 par la Bibliothèque
de l’Occident (150 exemplaires). Édition modifiée et publique parue en 1948. Première
représentation au Théâtre Marigny, le 17 décembre 1948, mise en scène par Jean-Louis Barrault.
Modifiée à nouveau par l’auteur lui-même en 1949.
–––. Le Repos du septième jour. Non représentée au XIXe siècle. Publié dans Théâtre, 2 vols. Paris :
Mercure de France, 1911-1912. La pièce est publiée chez le même éditeur, 1965.
Clemenceau, Georges. Le Voile du bonheur, pièce en 1 acte, musique de Gabriel Fauré. Théâtre de la
Renaissance (Théâtre Gémier), le 4 novembre 1901. Paris : E. Fasquelle, 1901.
Clerc, Édouard et Émile Clerc. Un Mariage en Chine, opérette, 1 acte, musique de Léopold Dauphin.
Théâtre des Bouffes-Parisiens, le 26 décembre 1874. Publication s. l. n. d.
Cogniard, Hippolyte et Théodore Cogniard. Au rideau !, ou les singeries dramatiques, revue-prologue
à grand spectacle. Cirque-Olympique, le 9 décembre 1834. Paris : Marchant, 1834.
–––. Les Mille et Une Nuits, féerie, 4 actes et 11 tableaux. Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 24
janvier 1843. Paris : Vve Dondey-Dupré, s. d.
Cogniard, Hippolyte et Adolphe Choler. Prunes et Chinois, vaudeville, 1 acte. Théâtre des Folies-
Dramatiques, le 12 octobre 1852. Paris : Beck, 1852.
Cogniard, Théodore et Clairville. As-tu vu la comète, mon gars ? revue de l’année 1858, en 3 actes et
14 tableaux. Musique de J. Nargeot et Camille Schubert, ballet de Barrez. Théâtre des Variétés, le
30 décembre 1858. Paris : Michel Lévy frères, 1859. Pour le matériel d’orchestre, consulter les
manuscrits conservés à la BnF-ASP : 4°-COL-106 / 303
–––. Les Mille et un songes, revue-féerie de l’année 1861, 3 actes et 23 tableaux. Musique de Victor
Chéri, chorégraphie de Léon Espinosa, décors de Georges et Henri Robecchi, costumes de Cham.
Théâtre des Variétés, le 28 décembre 1861. Paris : Barbré, 1862.
–––. La Poudre de Perlinpinpin féerie en 3 actes et 20 tableaux. Musique de Fessy. Théâtre impérial
du Cirque, le 24 décembre 1853. Paris : Barbré, (s. d.) Quadrille composé par Fessy, publié chez J.
Meissonnier fils, à Paris, s. d.
Colmance, Charles. Fich-Tong-Kang, acclamation chinoise dédiée à Lord Guizot, air de C’est à boire,
à boire, à boire qu’il nous faut. Paris : Durand, éditeur de la Chanson au XIXe siècle, 1847.
Dancourt. Le Magot de la Chine, opéra bouffon, 1 acte, musique posthume de Rigel père. Théâtre de
l’Ambigu-Comique, le 18 thermidor, an VIII (le 7 août 1800). Non publié. [Voir aussi
« Dancourt » du répertoire I. 1.]
Darrèche, Jules Serr. Les Français à Pé-king, scène chinoiso-dramatico-militairo-comique en 1 acte,
représentée dans les Maisons d’éducation. Paris : E. Belin, [1861].
Decourcelle, Pierre, et René Maizeroy. Papa la Vertu, drame en 5 actes et 8 tableaux. Ambigu-
comique, le 4 novembre 1898. Paris : P. Ollendorff, 1899.
De Forges et Paul Vermond. Lekain à Draguignan, comédie, 2 actes, mêlée de chant. Représenté au
Palais-Royal, le 23 janvier 1839. Paris : Marchant, collection « Magasin théâtral », 1839.
Delacour, et Ad. Choller. Fou-Yo-Po, études de mœurs chinoises, vaudeville, 1 acte. Théâtre du
Palais-Royal, le 6 juillet 1860. Paris : Librairie nouvelle, 1860.
Delaporte, Michel, Théodore Muret et Gaston de Montheau. La Course au plaisir, revue de 1851, en 2
actes et 3 tableaux. Théâtre des Variétés, le 11 décembre 1851. Paris : Librairie théâtrale, 1851.
Delrieu. Le Chinois, opéra, 2 actes, préparé par l’Opéra. Censuré le 19 floréal, an XII (le 9 mai 1804).
Dennery, Adolphe [(et C. Mocquard(t ?)]. La Prise de Pékin, drame militaire à grand spectacle, 5 actes
et 11 tableaux. Théâtre Impérial du Cirque, le 27 juillet 1861. Paris : Michel Lévy frères, 1861.
De Rostan. Les Turcos en Cochinchine, opérette-bouffon, musique de Souquet. Théâtre du Nouveau
Tivoli, le 29 août 1871. Non publié.
De Saint-Félix. Zeit-Naz-Bé, ou les Jeux en action, drame historico-fantastique en 5 actes et 15
tableaux, traduit du chinois. Paris : tous les libraires, 1837.
412
Deschamps, J.-M., E. Morel de Chédeville et J.-B.-D. Desprès. Le Laboureur chinois, opéra, 1 acte,
musique de Mozart et Haydn, arrangé par Le Berton, Académie Impériale de Musique (Opéra), le
5 février 1813. Paris : Roullet, 1813.
Dulauroy. Un concert à Pékin, vaudeville, 1 acte, Théâtre du Luxembourg, le 23 mai 1840. Non publié.
Procès-verbal de censure signé du 22 mai 1840 conservé aux Archives nationales, F21 985.
Dumanoir et Clairville. Les Crapauds immortels. Revue de 1851, en 3 actes et 5 tableaux, mêlée de
couplets. Théâtre de la Montansier [Palais-Royal], le 10 décembre 1851. Paris : Michel Lévy
frères, 1852.
Dumas, Alexandre (père) et Auguste Maquet. Le Chevalier d’Harmental, drame en 5 actes et 10
tableaux, avec prologue, musique de M. Varney. Représenté au Théâtre Historique, le 26 juillet
1849. Paris : A. Cadot, 1849.
–––. Le Comte de Morcerf, troisième partie de Monte-Cristo, drame en cinq actes, en dix tableaux.
Représenté au Théâtre de l’Ambigu-Comique, le 1er avril 1851. Paris : N. Tresse, 1851.
Dumas, Alexandre (père) et X. de Montépin. La Tour Saint-Jacques, drame en cinq actes, en neuf
tableaux. Représenté au Théâtre impérial du Cirque, le 15 novembre 1856. Paris : Librairie
théâtrale, 1856.
Dumas, Alexandre fils. L’Ami des femmes, comédie en cinq actes. Représenté au Théâtre du Gymnase-
Dramatique, le 5 mars 1864. Publié dans Théâtre complet d’Alexandre Dumas Fils, quatrième
série, quatrième édition. Paris : Michel Lévy frères, 1870.
–––. Le Demi-monde, comédie en cinq actes, en prose. Représenté au Théâtre du Gymnase-
Dramatique, le 20 mars 1855. Paris : Michel Lévy frères, 1855.
Dupaty, Moreau, et Francis. Les Femmes colères, divertissement en un acte, en prose, mêlé de
vaudevilles. Vaudeville, le 23 pluviôse, an XIII (le 11 février 1805). Paris : Mme Masson, 1805.
Dupeuty, Charles et Ernest Bourget. La Chine à Paris, ou les Chinois, vaudeville, 3 tableaux (ou 1
acte). Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 22 avril 1854. Non publié. Manuscrit conservé aux
Archives nationales, coté F18 900. [Voir le manuscrit que nous avons transcrit : annexe 7.2.(d)].
Pour le matériel d’orchestre, consulter les manuscrits conservés à la BnF-ASP : 4°-COL-106 /
903.
Dupin, Henri. L’Orphelin de la Chine, comique-vaudeville, 1 acte. Théâtre du Palais-Royal, le 8 avril
1867. Paris : E. Dentu, 1867.
Dupin, Henri et Eugène Grangé. Le Bouchon de carafe, vaudeville en 1 acte, Théâtre de la Variété, le
8 novembre 1862. Paris : E. Dentu, 1862.
Duru, Alfred et Henri Chivot. Fleur-de-Thé, opéra-bouffe, 3 actes, musique de Charles Lecocq.
Théâtre de l’Athénée, le 11 avril 1868. Paris : E. Dentu, 1868.
Duru, Alfred et Henri Chivot. Le Grand Mogol, opérette, musique d’Edmond Audran. Représenté à
Gymnase, à Marseille, le 24 février 1877. Repris à la Gaîté, à Paris, le 19 septembre 1884. Paris :
Tresse, 1884. Texte pour la représentation marseillaise introuvable.
Duveyrier, Charles et Jean Coralli. La Chatte métamorphosée en femme, ballet-pantomime, 3 actes,
musique de Alexandre Montfort, décors de Devoir, Porchet, Philastre et Cambon. Académie
royale de Musique, le 16 octobre 1837. Paris : Jonas, 1837.
Duveyrier, Honoré-Nicolas-Marie. Koukourgi, opéra-comique, trois actes. Musique de Luigi
Cherubini. Livret inachevé. Non représenté. Non publié. [Manuscrit conservé à la Biblioteka
Jagiellonska de Cracovie] [Première représentation mondiale : Stadttheater, Klagenfurt, Autriche,
le 18 septembre 2010. Le livret est remanié par Heiko Cullmann.]
Faulquemont et Alexandre. L’Impératrice de la Chine, vaudeville. Théâtre des Délassements
Comiques, le 2 octobre 1848. Non publié.
Ferrier, Paul. Le Voile du bonheur, comédie musicale en 2 actes, d’après la pièce de Georges
Clemenceau. Musique de Charles Pons. Opéra-comique, le 26 avril 1911. Paris : Librairie
théâtrale, 1911.
413
–––. La Troisième lune, comédie en 3 actes et 4 tableaux. Théâtre du Vaudeville, le 7 mai 1904. Non
publié.
Feuillet, Octave. Le Sphinx, drame en 4 actes. Comédie-Française, le 23 mars 1874. Paris : Michel
Lévy frères, 1874.
Fich-Ton-Kan. Fich-Tong-Kan à Louis-Philippe, roi infiniment cher, air de Madame Grégoire. Paris :
Imp. de Guillois, 1848.
Flan, Alexandre et Ernest Blum. Le Plat du jour, revue de l’année 1861, en 3 actes et 20 tableaux,
musique d’Hervé. Délassements-Comiques, le 21 décembre 1861. Paris : L. Vieillot, (s. d.).
–––. Un souper à la maison d’or, revue. Délassements-Comiques, 1861. Texte introuvable.
Flaubert, Gustave. Le Château des cœurs, féerie, rédigée en 1863, non jouée. Paris : La Vie moderne,
1880.
Fontaine, Émile. Jongleur et Mandarin, vaudeville, 2 actes. Théâtre des Variétés, le 5 juin 1845. Non
publié. BnF-ASP : Ms. Douay 393 (1-2) [brouillon], 394. [Voir le manuscrit que nous avons
transcrit : annexe 7.2.(b)]
Franconi (les). Acrobatie dite « Le Chinois » ou « Les Chinois ». Cirque Olympique, existant dans le
répertoire du cirque à partir de 1817 ; effectuée par Paul, Félix, et Frédéric entre 1826 et 1829.
Fregoli, Léopoldo. Eldorado, extravagance, 1 acte. Trianon, le 20 janvier 1900. Texte non publié.
Argument conservé à la BnF-ASP, coté 8-RO-15758 (2).
Gardel. Les Tonkinoises, vaudeville, 1 acte. Concert Parisien, le 5 novembre 1887. Non publié.
Gardel-Hervé. Les Français à Pékin, 1 acte. Bataclan, le 28 septembre 1900. Non publié.
Gardel, Pierre Gabriel. La Dansomanie, folie-pantomime, 2 actes, musique d’Étienne-Nicolas Méhul.
Théâtre de la République et des arts (Opéra), le 25 prairial an VIII (le 14 juin 1800). Paris :
Ballard, 1800.
Gaucher, Victor. Retour de la Chine de François Gabouzot, futur Caporal dans un régiment de ligne.
Chanson populaire, sur l’air de Ça vous coupe la gueule à quinze ans, ca. 1860.
Gautier, Judith. La Marchande de sourires, pièce japonaise, en cinq actes et deux parties. Prologue par
Armand Silvestre, musique de Benedictus. Théâtre national de l’Odéon, le 21 avril 1888. Paris :
G. Charpentier, 1888. [Manuscrits BnF-ASP : Fonds Rondel Ms 1633 bis.]
–––. [en collaboration avec Mme de Poilly]. Le Ramier blanc, comédie chinoise, musique de Ludwig
Benedictus. Hôtel de Mme de Poilly, le 3 juin 1880. Publié dans Le Paravent de soie et d’or.
Paris : E. Fasquelle, 1904, pp. 101-137.
–––. La Tunique merveilleuse, comédie d’après la nouvelle dialoguée de Judith Gautier. Représenté à
l’Odéon, le 14 janvier 1899. La nouvelle est publiée dans Le Paravent de soie et d’or. Paris : E.
Fasquelle, 1904, pp. 41-97.
Gilardoni. Une fête à Pékin. Cirque Fernando, le 22 septembre 1874. Non publié.
Girrebeuk, Charles. Fich-Ton-Kan, opérette. Musique de César Devismes. Non publié. [BnF-ASP : Ms.
Douay 1397, 1398, 1399 (deux livrets et une partition).]
Gondinot, Edmond et Philippe Gille. Lakmé, opéra en 3 actes. Musique par Léo Délibes. Opéra-
Comique, le 14 avril 1883. Paris : C. Lévy, 1884.
Gozzi, Carlo. Turandot [création 1762], in Alphonse Royer (trad.), Théâtre fiabesque. Paris : Michel
Lévy frères, 1865.
Grangé, Eugène et Philippe Gille. Le Carnaval des revues, revue de carnaval en deux actes et neuf
tableaux, avec un prologue « Le Souper de mardi-gras ». Musique de Jacques Offenbach. Théâtre
des Bouffes-Parisiens, le 10 février 1860. [Paris] : Michel Lévy frères, (s. d.)
Guénéé, Adolphe et Charles Potier. Tout Paris y passera, revue de 1858, en trois actes et quatorze
tableaux, musique de Oray. Théâtre des Folies-Dramatiques, le 20 décembre 1858. [Paris] :
Charlieu, [1858].
–––. Voilà ce qui vient de paraître, revue de l’année 1854, en trois actes et seize tableaux, musique par
Kriesel. Théâtre des Délassements, le 29 décembre 1854. Paris : Vve Dondey-Dupré, [1854].
414
Halévy, Ludovic. Ba-ta-clan, chinoiserie musicale, 1 acte, musique par Jacques Offenbach. Théâtre
des Bouffes Parisiens, le 29 décembre 1855. Paris : N. Tresse, 1859.
Henry, Louis. Chao-Kang, ballet pantomime, 3 actes, musique de L. Carlini, décors de Devoir et
Bourchet. Théâtre Nautique (Salle Ventadour), le 16 octobre 1834. Paris : J. Bréauté, 1834.
Héros et Cellarius. La Revue de Li-Ongchamps, revue d’actualité en 2 actes et 4 tableaux. Musique
nouvelle et arrangée par M. E. Cambillard. Les « rondeaux et couplets » sont publiés à Paris :
éditions Rapide, [1896].
Hervilly, Ernest d’. Taï-Tsoung, opéra en 5 actes et 7 tableaux, musique d’Émile Guimet. Grand
Théâtre de Marseille, le 11 avril 1894. Paris : Choudens Fils, ca. 1895.
Hullin. La Noce chinoise, ballet, Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 2 novembre 1825. Non publié.
Jacquin, J. La Prise de Pékin, pièce comique d’ombres chinoises. Musique de G. Meynard.
Illustrations de R. de La Neizière. Paris : Hachette, ca. 1900.
Janéty, G., et E. Bonnemère. Micromégas, ou Gare l’Enfer, féerie, 5 actes. Théâtre du Panthéon, le 27
février 1841. Non publié.
Joncières, Victorin de (compositeur). Chœur chinois « Li-Tsin ». Salle Henri Herz, le 29 janvier 1881.
Jouhaud, Auguste. Kin-ki-na, ou Les Amours de Kin-kan-pois, ou Kokoriko, pochade musicale. Signé
le 3 septembre 1874. [BnF-ASP : Ms. Douay 2056.]
Jouhaud, Auguste et Carmouche. L’Orphelin de la Chine, vaudeville, 2 actes. Théâtre de Mme Saqui
(Théâtre des Délassements Comiques), le 7 août 1844. Non publié. [Procès verbal de censure
signé le 5 août 1844. Archives nationales, F21 981.]
Julien, Stanislas (trad.). Hoeï-lan-ki, ou L’Histoire du cercle de craie, drame en prose et en verse,
traduit du chinois en français. Londres : John Murray, 1832.
–––. Tchao-chi-kou-eul, ou L’Orphelin de la Chine, drame en prose et en vers, traduit du chinois en
français. Paris : Moutardier, 1834.
–––. Si-siang-ki, ou L’Histoire du pavillon d’Occident, comédie en seize actes. Genève : H. Georg ;
Paris : E. Leroux ; Londres : Trübner, [ca. 1872-1880], collection « Atsume Gusa : pour servir à la
connaissance de l’Extrême-Orient », vol. 3.
Jullien. Concert chinois, dans le cadre du festival chinois animé par Jullien, au Concerts-Vivienne,
prévu le 16 février 1853. Inachevé.
Kao-Tong-Kia. Le Pi-Pa-Ki, ou L’Histoire du luth. [Voir « Bazin Aîné ».]
Ki-Kiun-Thsiang. Tchao-chi-kou-eul, ou L’Orphelin de la Chine. [Voir « Stanislas Julien ».]
Kouan-Han-King. Teou-ngo-youen, ou Le Ressentiment de Teou-ngo. [Voir « Bazin aîné ».]
Labiche, Eugène et Alfred Delacour. En avant les Chinois ! revue de 1858, 3 tableaux. Théâtre du
Palais-Royal, le 24 décembre 1858. Paris : Librairie nouvelle, 1859.
–––. Le Voyage en Chine, opéra-comique, 3 actes, musique de François Bazin. Théâtre impérial de
l’Opéra Comique, le 9 décembre 1865. Paris : E. Dentu, 1865.
Labiche, Eugène et Marc Michel. J’invite le colonel !, comédie en un acte mêlée de couplets. Palais-
Royal, le 16 janvier 1860. Paris : Libraire nouvelle, 1860.
Lavedan, Henri. Le Duel, pièce en trois actes. Comédie-Française, le 17 avril 1905. Paris : Société
d’éditions littéraires et artistiques, 1905.
Lebreton et Beissier. La Petite Tonkinoise, opérette, 1 acte, musique de Petit. Eden Concert, le 5 juillet
1890. Non publié.
Lebreton, B. et Saint-Paul. Le Péril jaune, vaudeville, 1 acte. Concert Brunin et Concert de la Poste, le
14 avril 1901. Paris : Joubert, 1901.
Lefebvre (et ?) Deschamps. Les Bayadères de Fou-Chow-Fou, ou les Bayadères de Trichinopoli,
vaudeville, 1 acte. Théâtre du Vaudeville, le 25 novembre 1861. Non publié. Manuscrit conservé
aux Archives nationales, F18 761.
Lefebvre, Hip. et H. Avocat. La Méprise de Pékin, vaudeville, 1 acte. Parodie de La Prise de Pékin.
Théâtre du Vaudeville, le 1er décembre 1861. Non publié. Manuscrit conservé aux Archives
nationales, coté F18 761. [Voir le manuscrit que nous avons transcrit : annexe 7.2.(f)]
415
Lemonnier, Alphonse et François Oswald. Tout Paris la verra, revue en cinq actes et quinze tableaux,
musique de M. Degeorges. Théâtre Saint-Pierre (à Paris), le 24 décembre 1868. Paris : Dechaume,
[1868].
Leterrier, Eugène et Albert Vanloo. L’Étoile, opéra-bouffe en 3 actes, musique d’Emmanuel Chabrier.
Bouffes-Parisiens, le 28 novembre 1877. Paris : A. Allouard, 1877. Paris : Gérard Billaudot,
collection Opéra de Paris, avec la préface de Roger Delage, 1984.
[Li, Hing-Tao.] Hoeï-lan-ki, ou L’Histoire du cercle de craie, drame chinois. [Voir Stanislas Julien.]
Livet. La Fiancée du Tonkin, opérette, 1 acte, musique de Fragerolle. Concert du Théâtre des
Batignolles, le 11 janvier 1886. Non publié.
Lyden, Paul Max de. Un Chinois sous le grillage, vaudeville, 1 acte, Théâtre du Nouveau Tivoli, le 12
octobre 1872. Non publié.
Marot, Gaston, Louis Périchaud et H. Noellet. Les Français au Tonkin, pièce militaire en 5 actes et 10
tableaux, dont 1 prologue. Théâtre du Château-d’Eau, le 9 février 1885. Paris : Tresse, 1885.
Max, Émile. Fou-Yo-Po, pochade, musique de Bernicat. Alcazar, le 10 octobre 1877. Non publié.
Merle [Jean-Toussaint Merle], Carmouche [Pierre-Frédéric-Adolphe Carmouche], et *** [X.
Boniface]. La Lampe merveilleuse, féerie burlesque, mêlée de couplets, et précédée d’un prologue,
2 actes, Théâtre du Panorama dramatique, le 13 septembre 1822. Paris : Pollet, 1822.
Messant, H., et A. Monnier. Bilboquet II, ou le Saltimbanque chinois, chronique tartare mêlée de chant,
2 actes. Théâtre Saqui, avril 1841. Non publié. [Procès-verbal de censure signé le 30 avril 1839.
Archives nationales, F21 991.]
Moinaux, Jules. La Conquête de la Chine, ode symphoni-charivarique, musique d’Hervé. Paris :
Beaulé et Maignand, 1849.
Moniot, Eugène. Les Français en Chine, vaudeville, 1 acte. Petit Théâtre, le 15 février 1866. Non
publié.
Monnier, Albert et Edouard Martin. As-tu tué le mandarin ? comédie-vaudeville, 1 (ou 4) acte(s).
Théâtre du Palais-Royal, le 20 novembre 1855. Lagny : Vialat, 1856.
Monnier, Albert, Guénée et E. Mathieu. Paris en Chine, vaudeville, 1 acte. Théâtre des Délassements
Comiques, le 19 mai 1854. Non Publié.
Montheau, Gaston de. La Chine à Paris, vaudeville, 1 acte. Théâtre des Variétés, le 29 août 1851. Non
publié. Manuscrit conservé aux Archives nationales, coté F18 795 B, et à la BnF-ASP, coté Ms.
Douay 141. [Les textes de ces deux manuscrits sont globalement pareils. Mais l’exemplaire
conservé à la BnF attribue les auteurs à Dupeuty et Bourget, qui rédigent en fait La Chine à Paris
du Théâtre de la Porte Saint-Martin (1854).] [Voir le manuscrit que nous avons transcrit : annexe
7.2.(c)]
Moreau de Commagny, Charles-François-Jean-Baptiste et Jean-Toussaint Merle [Signé « Moreau »,
« Rougemont » et « Jules »]. Relâche pour la répétition générale de Fernand Cortez, ou le Grand
opéra en province, parodie en 1 acte. Vaudeville, le 21 décembre 1809. Paris : Fages, 1810.
Morel, Étienne [de Chédeville]. Tamerlan, opéra en quatre actes, musique de Winter. Opéra, le 27
fructidor, an X (13 septembre 1802). Paris : Ballard, 1802.
Moret, Abbé J.-J. Les Conscrits de Fiche-ton-camp, comédie en trois actes avec chants patriotiques,
airs notés. Paris : Vic et Amat, 1893.
Musset, Alfred de. Fantasio, comédie, 2 actes, publié en 1833. Représenté pour la première fois à la
Comédie-Française, le 18 août 1866.
Nicolle, A. Mort au Tonkin, vaudeville, 1 acte, Théâtre du Tivoli (Salle du Gros Caillou), le 10
octobre 1883. Paris : Imprimerie de Wattier, s. d.
Omer’s (Les). Le Mandarin (ou le Mandarin Lich-Tout-Lié) joué par M. Tulus ou M. Lull. Du 1er
octobre au 19 novembre 1892 : Théâtre de Belleville, Bouffes du Nord, Théâtre de Montparnasse
et Grenelle. Du 19 au 31 août 1894 : Théâtre Gobelins et Théâtre Montparnasse.
Ordonneau, Maurice. Les Filles Jackson et Cie, opérette à spectacle en 3 actes. Musique de Justin
Clérice. Théâtre des Bouffes-Parisiens, le 29 novembre 1905. Paris : P.-V. Stock, 1906.
416
Orriol, Maurice et Anthime Lajoie. V’la le mandarin, revue, 1 acte. Concert d’Arras, le 5 janvier 1897.
Non publié.
Patusset. Les Protocoleries de l’année. Bataclan, le 28 novembre 1896. Non publié.
Perrin. Le Prophète de la Chine, exercices de physique amusante, Théâtre des Associés, 1790. Non
publié.
Petit, Albert. Le Généreux mandarin, bouffonnerie musicale en 2 actes. Représenté pour la première
fois dans une soirée donnée à la Vice-Gérence (ancien Palais du Vice-Légat), le 21 janvier 1864.
Paris : Impr. Jacquet, 1864.
Philippe, Henri. Je reviens du Tonkin, revue, 1 acte (trois tableaux). Époque, le 22 janvier 1886. Non
publié.
Pixérécourt, René-Charles Guilbert. Koulouf, ou les Chinois, opéra comique, 3 actes, prose, musique
de Dalayrac, Théâtre national de l’Opéra-Comique (Salle Favart), le 18 décembre 1806. Paris :
Barba, 1807.
Plancher-Valcour, Aristide. La Folie chinoise, ou Kokoli à Capra, mélodrame, 3 actes, en prose et à
grand spectacle, Théâtre de la Gaîté, le 2 pluviôse, an XIII (le 22 janvier 1805). Paris : Barba,
1805.
Plancher-Valcour, Aristide (, Ribié, et Destival). Kokoly, , ou le Chien et le Chat, extravagance en
deux actes. Théâtre de la Cité, le 20 ventôse, an IX (le 11 mars 1801). Publié à Paris, se vend au
Théâtre de la Cité, 1802.
Poter ou Potey, Jules. L’Armée en Chine. Non publié. Manuscrit signé le 5 mars 1871. [BnF-ASP : Ms.
Douay 1206.]
Pouget, Marcel-André. Chik-Kan-Fo, opérette, 1 acte. Musique d’Edmond Dédé. Alcazar, à Bordeaux,
le 5 février 1878.
Poujol, Alphonse-André-Véran, Théodore Baudouin d'Aubigny, et Charles Desnoyer. Zazézizozu, ou
les Échecs, les Cartes et les Dominos, féerie-vaudeville, 5 actes. Théâtre du Cirque-Olympique, le
5 décembre 1835. Paris : Marchant, collection « Magasin théâtral », tome XIe, 1836.
Raymond, Charles. Turandot, Princesse de Chine, comédie en 4 actes, d’après Carlo Gozzi. Théâtre
national de l’Odéon, le 13 mai 1897. Non publié. Manuscrit conservé aux Archives nationales,
F18 728B. [Voir le manuscrit que nous avons transcrit : annexe 7.2.(h)]
Rochefort, Edmond, Espérance-Hippolyte Lassagne, et B*** [Mathurin-Joseph Brisset]. La Pêche de
Vulcain, ou l’Île des Fleuves, à-propos mêlé de vaudevilles, à l’occasion du ballet de Mars et
Vénus, Théâtre du Vaudeville, le 5 juillet 1826. Paris : A.-G. Brunet, 1826.
Rose, Georges, René de Saint-Prest et Bausset [ou A. de Baicaret]. Le Chinois de Vaugirard,
vaudeville [ou opérette], 1 acte. Grand Théâtre Parisien [sous la direction de Montel], le 6 juillet
1872. Non publié.
Roubeau. La Fête lunéraire dans la ville de Nanchand, en Chine, ballet-pantomime, en trois actes, de
la composition du citoyen Roubeau, maître des ballets du théâtre du Lycée, et exécuté par ses
jeunes élèves. Bordeaux : Imprimerie de Latapy, 1802.
Rougier. Les Petits mandarins, bouffe, 1 acte, représenté à Montpellier, le 14 janvier 1896.
Saint-Phar, Léonce. Épisodes de la Guerre au Tonkin [La Prise de Lang-Son]. Pantomime. Musique
de G. Van-Harra. Mise en scène par Louis Fernando. Cirque Fernando, le 28 mars 1885.
Saint Yves, E., H. Déaddé, et L. Delalain. Les Ombres chinoises, comédie vaudeville, 2 actes. Théâtre
des Jeunes-Elèves Comte, le 22 février 1837. Paris : Bréauté, 1837.
Sarratoff, Paul. Pékin à Bataclan, folie-vaudeville. Non publié. [BnF-ASP : Ms. Douay 833.]
Sardou, Victorien. Les Pattes de mouche, comédie, 3 actes. Gymnase dramatique, le 15 mai 1860.
Paris : Michel Lévy frères, 1860.
Sardou, Victorien et Émile Najac. Divorçons, comédie. Théâtre du Palais-Royal, le 6 décembre 1880
[Reprise au Vaudeville, le 19 décembre 1896]. Paris : Calmann Lévy, 1883.
417
Saussine, Henri de [pseudonyme de Cte Henri Du Pont de Gault de Saussine]. Les Petits pieds.
Théâtre Nouveau, le 24 janvier 1904. Publié dans Théâtre (d’Henri de Saussine). Paris : Société
d’éditions Littéraires et artistiques, 1906.
Sauvage, Thomas. Le Carnaval de Venise, opéra-comique, en 3 actes, musique d’Ambroise Thomas.
Théâtre impérial de l’Opéra-Comique, le 9 décembre 1857. Paris : Michel Lévy frères, 1857.
Sauvage, Thomas, Félix-Auguste Duvert et Gabriel de Lurieu. Fich-Tong-Khan, ou l’Orphelin de la
Tartarie, parade, 1 acte. Théâtre du Palais-Royal, le 3 mars 1835. Paris : Marchant, collection
Magasin théâtral, tome VIIe, 1835.
Scribe, Eugène. Le Cheval de bronze, opéra-féerie, musique de D.-F.-E. Auber, 3 actes. Théâtre de
l’Opéra-Comique, le 23 mars 1835. Paris : Marchant, 1835. [Reprise : Académie impériale de
musique, le 21 septembre 1857.]
–––. Gustave III, ou le Bal masqué, opéra historique, 5 actes, musique de Daniel-François-Esprit
Auber, d’après Quérard, ballets de Paolo Taglioni. Théâtre de l’Académie royale de Musique, le
27 février 1833. Paris : Jonas, 1833.
Scribe, Eugène et Antoine-François Varner. Le Mariage de raison, comédie-vaudeville en deux actes.
Théâtre de Madame, le 10 octobre 1826. Paris : Pollet, 1826.
Scribe, Eugène, Delestre-Poirson Duveyrier et H. Dupin. Koulikan, ou les Tartares, mélodrame, 3
actes, en prose et à grand spectacle, musique de Henry, ballets de Hullin, Théâtre de la Gaîté, le
13 mai 1813. Paris : Barba, 1813.
Ségard, Charles. La Nuit chinoise, comédie en 1 acte, en vers. Sans représentation. Extrait du bulletin
de l’Académie du Var, nouvelle série, tome XIII (1er fascicule) [pagination 247-282], 1886.
Toulon : imp. du Var, [s. d.].
Sewrin, Charles Augustin. Les Deux magots de la Chine, comédie-vaudeville, 1 acte, mêlée de
couplets, Théâtre des Variétés, le 12 janvier 1813. Paris : Barba, 1813.
Simonnin [et Chazet]. La Ci-devant jeune femme, Théâtre des Variétés, le 24 mai 1813. Paris : Gardy,
1813.
Strauss, Isaac (Arrangement). Fleur-de-thé. Valse pour le piano à quatre mains. Paris : G. Brandus et S.
Dufour, s. d.
Tchang-Koue-Pin. Ho-han-chan, ou la Tunique confrontée, drame. [Voir « Bazin aîné ».]
Tching-Té-Hoëi. Fan-Sou, ou les Intrigues d’une soubrette, comédie en 4 actes, traduite en vers par
Marc Legrand. Théâtre Indo-chinois de l’Exposition universelle, le 21 juin 1900. Publié dans
L’Universelle de l’année 1900.
Tching-té-Hoei. Tchao-meï-hiang, ou les Intrigues d’une soubrette, comédie. [Voir « Bazin aîné ».]
Théaulon, Emmanuel. La Clochette, ou le Diable page, opéra-féerie, 3 actes, musique de Hérold.
Opéra-Comique, le 18 octobre 1817. Paris : Janet et Cotelle, 1817.
Théaulon, Emmanuel et Frédéric de Courcy. Les Infortunes de Jovial, huissier-chansonnier, voyage en
trois actes et six tableaux, mêlé de chants, de danses et de prises de corps. Folies-Dramatiques, le
22 octobre 1835. Paris : Barba-Delloye-Bezou, 1835.
Théaulon, Emmanuel, Frédéric de Courcy et Nézel. 1834 et 1835, ou le Déménagement de l’année,
revue épisodique en un acte. Palais-Royal, le 28 décembre 1834. Collection « Magasin théâtral »,
deuxième année, tome 1. Paris : Marchant, 1835.
Thiéry, Henri et William Busnach. Les Voyageurs pour l’Exposition, revue fantaisie en cinq actes et
six tableaux. Théâtre des Folies-Dramatiques, le 27 mars 1867. Paris : E. Dentu, 1867.
Tin-Tun-Ling. Le Débordement de Yang-Tsu-Kiang. Théâtre Rossini, juillet 1875. Texte introuvable.
–––. La Guerrière du pays de Hou, pantomime chinoise, Théâtre Rossini, le 5 juillet 1874. Non publié.
Manuscrit conservé à la BnF-BMO : Liv. M. 220. [Voir le manuscrit que nous avons transcrit :
annexe 7.2.(g)]
Tréfeu, Étienne. Le Tigre, chinoiserie musicale, musique d’Émile Ettling, 1 acte. Théâtre de la Tertulia
(Folies-Montholon), le 5 avril 1873. Paris : E. Dentu, 1873.
Un Pékin. Un voyage en Chine, chinoiserie, 1 acte. Angers : Cornilleau et Maige, 1848.
418
Varin, Amédée de Jallais et Henry Thiéry. De Paris en Chine, ou Je ne suis pas Tissier, voyage en 4
stations, vaudeville, 2 actes. Théâtre Déjazet, le 15 septembre 1863. Paris : Morris, 1863.
Verlaine, Paul. Fisch Ton Kan, opérette, un acte, musique d’Emmanuel Chabrier (inachevée). D’après
Fisch-Tong-Kan ou l’Orphelin de la Tartarie, parade chinoise en un acte de Sauvage et Lurieu.
Manuscrits conservés à la BnF-Musique, cotés MS. 20625 et MS. 3909.
Verneuil, Arthur, Maxime Guy et Émile Herbel. La Revue Rosse, en deux actes et cinq tableaux.
Parisiana, le 11 septembre 1896. Non publié.
Villeneuve, Ferdinand de et Charles de Livry. Mademoiselle Dangeville, comédie, 1 acte, mêlée de
chant. Théâtre du Palais-Royal, le 10 avril 1838. Paris : Marchant, collection Magasin théâtral,
tome XXe, 1838.
[Wang, Chi-fou.] Si-siang-ki, ou L’Histoire du pavillon d’Occident, comédie chinoise. [Voir
« Stanislas Julien ».]
[Wou, Han-Tchin.] Lao-seng-éul, comédie chinoise. [Voir « Antoine-André Bruguière de Sorsum ».]
Wulf. Ismaïloff en Chine, pantomime équestre à grand spectacle. Hippodrome de Paris (Troisième
Hippodrome), le 23 juillet 1879. Non publié.
Zaccone, Pierre. Les Odalisques de Ka-Ka-O, chinoiserie parisienne, 3 actes. Théâtre des
Délassements-Comiques, le 5 mai 1858. Paris : Librairie théâtrale, 1858.
* Pour les spectacles donnés par les Chinois, voir annexe 1.3
II. Archives
II. 1. Manuscrits
419
- Rondel MS-1739. Ba-ta-clan. Livret de mise en scène. Manuscrit avec un dessin de décor, en
couleur, et des schémas de mise en scène. 50 p.
- Rondel Ms 1633 bis. Judith Gautier, La Marchande de sourires [préambule].
Fonds Rondel – Inventaire de la collection théâtrale Auguste Rondel (thématique).
- 8-RO-15758 (2). Léopoldo Fregoli, Eldorado, 1900. Argument du spectacle.
- 8-RO-16612-16670, « Cirque d’Hiver ».
- 8-RO-16684-16686, « Cirque des Champs-Élysées ».
- 8-RO-16688-16689, « Cirque Fernando ».
- 8-RO-16758-16780, « Cirque Olympique ».
- 8-RO-17900-19151, « Revues (spectacles) 1829-1960 ».
Fonds Douay [Manuscrits n° 1-2710] :
- Ms. Douay 141. Ernest Bourget, La Chine à Paris.
- Ms. Douay 200. Jules Barbier, Les Antipodes.
- Ms. Douay 1206. Jules Poter (ou Potey), L’Armée en Chine. Signé le 5 mars 1871.
- Ms. Douay 2056. Auguste Jouhaud, Kin-ki-na, ou Les amours de Kin-kan-pois, ou Kokoriko,
pochade musicale. Signé le 3 septembre 1874.
- Ms. Douay 2258. Pagode enchantée.
Classeurs – Documents iconographiques
- 4-ICO PER-5149. « Iconographie personnalités Mademoiselle Clairon ».
- 4-ICO PER-10745. « Iconographie personnalités Mademoiselle George ».
- 4-ICO PER-15342. « Iconographie personnalités Le Kain ».
- 4- ICO THE- 425. « Documents iconographiques - Fleur-de-thé ».
- 4-O ICO-49. « Acteurs du XVIIIe siècle : Mlle Clairon, Grandval, Broquin. 83 dessins, en noir
et en couleurs, formats divers ».
420
- Annotations manuscrites de la mise en scène sur un livret imprimé. Sans date de la publication.
Metteur en scène inconnu. [BnF-BMO : C. 4894]
Guerrière du pays de Hou (La) :
- Scénario manuscrit. Auteur non signé. Sans date. [BnF-BMO : Liv. M. 220]
421
II. 1. (9) Bibliothèque du Musée Guimet
Émile Guimet, manuscrit autographe de Taï-Tsoung. Relié en deux volumes. [Cote : 86200.Zb/28/VIII]
III. Périodiques
III. 1. Périodiques systématiquement consultés3
Album théâtral (L’). Paris : [s.n.], 1873-[1900 ?]. [BnF-Tolbiac : JOA- 1041.]
Almanach de la littérature du théâtre et des beaux-arts. Paris : Pagnerre, 1853-1869. [BnF-Tolbiac :
Z- 40186-40188.] [Théâtre chinois : volume de l’année 1863]
Almanach des spectacles, par Albert Soubies. Paris : Librairie des bibliophiles, 1875-1915. [BnF-ASP :
LJ W- 765 (1-44).]
Almanach des spectacles, par J.-N. Barba. Paris : J.-N. Barba, 1822-1837. [BnF-ASP : 8- RJ- 717.]
Almanach des spectacles, par K. Y. Z. Paris : L. Janet, 1818-1825. [BnF-ASP : 8- RJ- 711 (RES, 1-8).]
Annales du théâtre et de la musique (Les). Paris : Charpentier, 1876-1916. [BnF-ASP : RJ 4194.]
Artiste (L’). Paris : [s.n.], 1831-1904. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M-435.]
Caricature (La). Paris : Aubert, 1830-1843. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M- 9618, Z- 1643-1646.]
Caricature (La). [Réd. Robida.]. Paris : [s.n.?], 1880-1904. [BnF-Tolbiac : MFILM FOL- LC13-
247.]
Charivari (Le). Paris : [s.n.], 1832-1937. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M-735.]
Chronique de Paris. Paris : [s.n.?], 1789-1793. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M- 13554.]
Cigale (La). Marseille : [s.n.], 1892-[190?]. [BnF-Collections numérisées : NUMP- 2687.]
3
Les dates indiquées correspondent aux exemplaires conservés par la BnF.
422
Comédie (La). Paris : [s.n.], 1863-1884. [BnF-Tolbiac : Z- 1364-1379.]
Constitutionnel (Le). Paris : [s.n.], 1815-1817 ; 1819-1914. [BnF-Tolbiac : MICR D-96.]
Corsaire (Le). Paris : [s.n.], 1823-1858. [BnF-Tolbiac : MICR D-157.]
Corsaire-Satan (Le). Paris : [s.n.], 1844-1847. [BnF-Tolbiac : MICR D-157.]
Coulisses (Les). Paris : [s.n.], 1840-1843. [BnF-Tolbiac : Z- 1685-1686.]
Courrier (Le). Paris : [s.n.], 1819-1851. [BnF-Tolbiac : MICR D-124.]
Courrier des théâtres (Le). Paris : [s.n.], 1823-1842. [BnF-ASP : 4-RJ-71.]
Courrier des spectacles. Paris : [s.n.], an V (1796)-1807. [BnF-Tolbiac : Z- 5297-5334.]
Courrier des Spectacles. Paris : de Renaudière, imp., 1818-1820. [BnF-ASP : 4- RJ- 60.]
Courrier français (Le). Paris : [s.n.?], 1804-1807. [BnF-Tolbiac : 4- LC2- 1012-1013.]
Diable boiteux (Le). Paris : [s.n.], 1823-1824. [BnF-Tolbiac : Z- 8105-8106.]
Diogène (Le). Paris : [s.n.], 1828-1829. [BnF-Tolbiac : Z- 8134]
Écho français (L’). Paris : [s.n.], 1829-1847. [BnF-Tolbiac : MICR D-133.]
Éclair (L’). Revue hebdomadaire de la littérature, des théâtres et des arts. Paris : [s.n.], 1852-1853.
[BnF-Tolbiac : Z- 8180-8182.]
Entr’acte (L’). Paris : [s.n.], 1831-1902. [BnF-Tolbiac : MICR D-411.]
Esprit des journaux, français et étrangers (L’). Liège, Bruxelles : [s.n.?], 1772-1818. [BnF-Tolbiac :
Z- 48021-48512.]
Exposition universelle de 1867 illustrée (L’). Paris : Impr. générale Ch. Lahure, 1867-1878, 61
numéros. [BnF-Tolbiac : FOL- V- 695.]
Figaro (Le). Paris : Le Figaro, 1826 - . [BnF-Tolbiac : MICR D-13.]
Figaro illustré (Le). (1883-1911) [BnF-Tolbiac : FOL-LC13-9 (TER)]
Figaro supplémentaire littéraire du dimanche (Le). Paris : Le Figaro, 1876-1929. [BnF-Tolbiac :
MICR D-13.]
France (La). Paris : [s.n.], 1834-1847. [BnF-Tolbiac : MICR D-789.]
France nouvelle (La). Paris : [s.n.], 1829-1833. [BnF-Tolbiac : MICR D-80.]
France théâtrale (La). Paris : [s.n.?], 1843-1847. [BnF-Tolbiac : Z- 5342 ; Z- 1172-1175.]
Gaulois (Le). Paris : [s.n.], 1868-1929. [BnF-Tolbiac : MICR D-97.]
Gazette anecdotique. Paris : [s.n.?], 1875-[1902]. [Éditeur scientifique : Georges D’Heylli.] [BnF-
Tolbiac : MFILM 8- LC13- 228.]
Gazette de France (La). Paris : Imprimerie de la Gazette de France, 1797-1848 ; Paris : [s.n.], 1848-
1915. [BnF-Tolbiac : MFILM 4- LC2- 1 (1797-1806), MICR D-138 (1805-1915).]
Gazette des théâtres. Paris : [s.n.], 1831-1838. [BnF-Tolbiac : Z-1410.]
Gazette nationale ou le Moniteur universel. Paris : [s.n.], 1789-1810. [BnF-Tolbiac : MICR D- 71.]
Illustrated London News (The). Londres : Illustrated London News & Sketch Ltd, 1842- [BnF-
Tolbiac : Z- 1480.]
Illustration (L’). Paris : J.-J. Dubochet, 1843-1944. [BnF-Tolbiac (salle M) : GENE ILLU.]
Illustration théâtrale (L’). Paris : [s.n.?], 1884-1885. [BnF-Tolbiac : FOL- YF- 67.]
Illustration théâtrale (L’). Paris : L’Illustration, 1904-1913. (Suite de L’Illustration. Supplément
théâtre. 1899-1904.) [BnF-Tolbiac : 4-LC2-1549(4).]
Indépendance dramatique (L’). Paris : [s.n.?], 1865-1869. [Éditeur scientifique : Théophile
Deschamps] [BnF-Tolbiac : YF- 105-108.]
Intermédiaire des chercheurs et curieux (L’). 103 vols. Paris : B. Duprat, 1864-1940.
Journal (Le). Paris : [s.n.], 1892-1944. [BnF-Tolbiac : MICR D- 105.]
Journal amusant (Le). Paris : Aubert et cie, 1856-1933. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M- 482.]
Journal asiatique. Paris : Dondey-Dupré père et fils, 1822- [BnF-Tolbiac : 8- O2- 385.]
Journal de Commerce. Paris : Bailleul, 1795-1837. [BnF-Tolbiac : MICR D- 1676 (1795-1817),
MICR D- 158 (1819-1837).]
Journal de l’Empire. Paris : Imprimerie de Lenormant, 1805-1814. [BnF-Tolbiac : MICR D-59.]
423
Journal de Paris. Paris : impr. de Quillau, 1777-1827 ; Paris : [s.n.], 1833-1840. [BnF-Tolbiac : MICR
D-80.]
Journal des arts, des sciences et de la littérature. Paris : [s.n.], an VII [1799]-1814. [BnF-collections
numérisées : NUMP- 2945.]
Journal des débats. Paris : Baudoin, 1789-1805 ; Paris : [s.n.], 1814-1944. [BnF-Tolbiac : MICR D-
59.]
Journal des demoiselles. Paris : [s.n.], 1833-1922. [BnF-Tolbiac : R- 23710-23732 ; R- 6111.]
Journal des savants. Paris : chez Jean Cusson, 1665- [BnF-Collections numérisées : NUMP- 337
(année 1665-1941).]
Journal des théâtres. Paris : Imprimerie Porthmann, 1820-1823. [BnF-ASP : 4- RJ- 71.]
Journal des théâtres. Paris : la Société des auteurs et compositeurs et l’Association des artistes
dramatiques, 1843-1850. [BnF-Tolbiac : Z- 1159-1171.]
Journal du commerce, de politique et de littérature. Paris : [s.n.], 1817-1819. [BnF-Tolbiac : MICR D-
96.]
Journal du dimanche. Paris : Aux bureaux du journal : Calmann-Lévy, 1856-1901. [BnF-Tolbiac :
MFILM Z- 4325.]
Journal du soir. Paris : Imprimerie des frères Chaignieau, 1792-1811. [BnF-Tolbiac : 4-LC2-412.]
Journal général de la littérature de France. Paris et Strasbourg : Treuttel et Würtz, 1798-1841. [BnF-
Tolbiac (salle X) : 015 D.]
Journal pour rire. Paris : Aubert et cie, 1848-1855. [BnF-Tolbiac : MICR D-519 ; MICROFILM M-
482.]
Matin (Le). Paris : [s.n.], 1882-1944. [BnF-Tolbiac : MICR D-32.]
Mémorial dramatique ou Almanach théâtral (par Pierre Joseph Charrin). Paris : impr. de Hocquet,
1807-1819. [BnF-Tolbiac : YF- 1876-1888.]
Ménestrel (Le). Paris : Heugel, 1833-1940. [BnF-Collections numérisées : NUMP- 5413.]
Mercure de France. (Fondé en 1672.) Paris : Cailleau, an VII [1799]-1818. [BnF-Tolbiac :
MICROFILM M- 238.]
Mercure de France au dix-neuvième siècle (Le). Paris : [s.n.], 1827-1832. [BnF-Tolbiac :
MICROFILM M- 238.]
Mercure de France. Série moderne. Direction : Alfred Vallette. Paris : Mercure de France, 1890-1965.
[BnF-Tolbiac : MICROFILM M- 415.]
Mercure du dix-neuvième siècle (Le). Paris : Baudouin frères, 1823-1827. [BnF-Tolbiac :
MICROFILM M- 238.]
Mercure des théâtres (Le). Paris : [s.n.], 1843-1853. [BnF-Tolbiac : Z- 1176-1188.]
Messager des théâtres (et des arts). Paris : Lange-Lévy, 1848-1870. [BnF-Tolbiac : MICR D-686.]
Miroir des spectateurs (Le). Paris : [s.n.], 1821-1823. [BnF-ASP : MF-JoW-28 (1 - 2).]
Mon Ciné. Paris : [s.n.?], 1922-1937. [BnF-Tolbiac : JO- 71578.]
Monde artiste (Le). Paris : [s.n.?], 1862-1914. [BnF-Tolbiac : MFILM Z- 40 ; MFILM Z- 1096.]
Monde dramatique (Le). (Fondé par Gérard de Nerval et Anatole Bouchardy.) Paris : [s.n.], 1835-1841.
[BnF-Tolbiac : Z- 4398-4407.]
Monde dramatique (Le). Paris : [s.n.], 1857-1864. [BnF-Tolbiac : MFILM Z-1353.]
Monde illustré (Le). Paris : [s.n.], 1857-1938. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M- 8000.]
Moniteur des théâtres. Paris, 1836-1842. (Éditeur scientifique : Auguste-Philibert Chaalons d’Argé.)
[BnF-Tolbiac : Z- 5337-5341.]
Moniteur universel (Le). Paris : [s.n.], 1811-1901. [BnF-Tolbiac : MICR D- 71.]
New York Times (The). New York : H.J. Raymond & Co., 1851- [BnF-Tolbiac : MICR D- 440.]
Nouveauté (La) [Paris : L. Bouchar. BnF-Tolbiac : Z-5414.]
Nouvelle Revue (La). Paris : La Nouvelle revue, 1879-1940. [BnF-Arsenal : 8- JO- 20544.]
424
Opinion du parterre (L’), ou Censure des acteurs, auteurs et spectateurs du Théâtre français.
Direction : Pierre-David Lemazurier (pseud. Clément Courtois et Valleran). Vol. 1-10. Paris :
Martinet, an XI (1802) - 1813.
Orchestre (L’). Paris : [s.n.], 1856-1911. [BnF-Tolbiac : MICR D- 618.]
Pandore (La). Paris : [s.n.], 1823-1830. [BnF-Tolbiac : MFILM Z- 5281.]
Paris-Journal. Paris : [s.n.], 1868-1882. [BnF-Tolbiac : MICR D-31.]
Petit journal (Le). Paris : [s.n.], 1863-1944. [BnF-Tolbiac : MICR D-135.]
Petit Marseillais (Le). Marseille : [s.n.], 1868-1944. [BnF-Tolbiac : MICR D- 289.]
Petit Parisien (Le). Paris : Le Petit Parisien, 1876-1944. [BnF-Tolbiac : MICR D- 64.]
Presse (La). Paris : [s.n.], 1836-1952. [BnF-Tolbiac : MICR D-100.]
Quotidienne (La). Paris : [s.n.], 1814-1815 ; 1815-1847. [BnF-Tolbiac : MICR D-98.]
République française (La). Paris : [s.n.], 1871-1924. [BnF-Tolbiac : MICR D- 117.]
Revue (La). [Ancienne Revue des revues]. Paris : [s.n.], 1900-1919 .[BnF-Tolbiac : 4- Z- 600.]
Revue Blanche (La). Paris : [s.n.], 1891-1903. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M- 183.]
Revue contemporaine. 2e série. Paris : [s.n.], 1858-1870. [BnF-Tolbiac : Z- 58756-58831.]
Revue d’art dramatique (La). Paris : A. Dupret, 1886-1909. [BnF-ASP : 8-JoW-1212.]
Revue de Paris. Paris : [s.n.], 1829-1845. [BnF-Tolbiac : MICROFILM Z-21433.]
Revue de Paris (La). Paris : La Revue de Paris, 1894-1970. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M- 17000.]
Revue des deux mondes. Paris : Revue des deux mondes, 1829-1971. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M-
800.]
Revue et Gazette des théâtres. Paris : [s.n.], 1838-1913. [BnF-Tolbiac : MICR D-693.]
Revue et Gazette musicale de Paris. Paris : [s.n.], 1835-1880. [BnF-Musique : FOL- VM- 702.]
Revue nationale et étrangère, politique, scientifique et littéraire. Paris : Charpentier, 1860-1868.
[BnF-Tolbiac : MFILM Z- 23074.]
Revue théâtrale (La). [Bimensuelle] Paris : [s.n.], 1902-1908. [BnF-Tolbiac : 4-YF-218]
Semaine des familles (La), revue universelle illustrée. Paris : J. Lecoffre, 1858-1896. [BnF-Tolbiac :
MFILM Z- 4549.]
Sifflet (Le). Paris : Le Sifflet, 1872-1877 ; 1878- [?]. [BnF-Tolbiac : MFILM FOL-LC13-208]
Siècle (Le). Paris : Le Siècle, 1836-[1932?]. [BnF-Tolbiac : MICR D-108.]
Soirée parisienne (La). Paris : Dentu, 1875-1885. [BnF-Tolbiac : 8- YF- 25.]
Temps (Le). Paris : [s.n.], 1861-1942. [BnF-Tolbiac : MICR D-45.]
Théâtre (Le). Paris : Goupil, 1898-1921. [BnF-Tolbiac : FOL- YF- 138.]
Théâtre illustré (L’). Ex-Album des théâtres. Paris : [s.n.], 1868-[1870 ?]. [BnF-Tolbiac : YF-173.]
Tintamarre (Le). Paris : [s.n.], 1843-1912. [BnF-Tolbiac : MFILM FOL- Z- 23.]
T’oung-Pao. Leiden : Brill, 1890- [BnF-Tolbiac : 8- O2- 783.]
Tour du monde (Le). Paris : Hachette, 1860-1914. [BnF-Tolbiac : MFILM G- 6788-6814.]
Union (L’). Paris : L’Union, 1847-1883.[BnF-Tolbiac : MICR D-789.]
Univers (L’). Paris : L’Univers, 1867-1919. [BnF-Tolbiac : GR FOL- LC2- 1368.]
Universelle (L’). Paris, 1899-1901. (Éditeur scientifique : Marie-Francis Petit.) [BnF-Tolbiac : 4- Z-
1466.]
Univers illustré (L’). Paris : Levy, 1858-1900. [BnF-Tolbiac : FOL- LC2- 2956.]
Voltaire (Le). Paris : Le Voltaire, 1878-[1930?]. [BnF-Tolbiac : MICR D-164.]
Vie théâtrale (La). Paris, 1895-1898. (Éditeur scientifique : Émile Mas.) [BnF-Tolbiac : 8- YF- 798.]
XIXe Siècle (Le). Paris : [s.n.], 1871-1921. [BnF-Tolbiac : MICR D-119.]
425
Chatte métamorphosée en femme (La). [BMO : Dossier d’œuvre (La Chatte métamorphosée en
femme).]
Cheval de bronze (Le). [BMO : Dossier d’œuvre (Cheval de bronze).]
–––. Article critique. [BnF-ASP : 8-RO-2349.]
–––. Biographie, carrière et œuvres d’Auber. [BnF-ASP : 8-RO-2347.]
–––. Coupure de presse ; une gravure tirée de L’Illustration paru le 3 octobre 1857. [BnF-ASP : 4-RF-
34355.]
Cirque d’Hiver. Recueil factice d’articles de presse et de documents concernant la salle, décembre
1852-1870. [BnF-ASP : 8- RO- 16612.]
–––. Recueil factice d’articles de presse et de documents concernant la salle, 1871-1914. [BnF-ASP :
8-RO-16613.]
Fleur-de-thé. Illustration d’après l’affiche du théâtre, tirée de L’Indépendance parisienne, n° 35 du 19
avril 1868 ; coupure de presse pour la reprise de 1916. [BnF-ASP : 8-RF-41742.]
Laboureur chinois (Le). [BMO : Dossier d’œuvre (Le Laboureur chinois).]
Orphelin de la Chine (L’). Recueil factice d'articles et programmes. BnF-ASP : 8- RF- 14486.
[Principalement sur la reprise de l’Odéon en 1918].
Pi-Pa-Ki ou l’Histoire du luth. Recueil factice d’articles. [BnF-ASP : 8-RE-2008.]
Avare chinois (L’). Programme du Théâtre de l’Odéon, 1908. BnF-ASP : 8- RE- 2002.
Eldorado. Programme du Trianon Concert, 1896. BnF-ASP : 8-RO-15758 (2).
Fleur-de-thé. Programme du Théâtre de l’Athénée, 1868. BnF-ASP : 4-ICO THE-425.
Folies de Monsieur Lecocq (Les). Programme du Théâtre Le Village, à Neuilly-sur-scène, 2000. BnF-
ASP : WNB- 147 (1999-2000).
Nouveau Théâtre. Programmes. BnF-BMO : Pro B. 265.
Repos du septième jour (Le). Programme du Théâtre de l’Œuvre, saison 1965-1966. Bibliothèque
Gaston Baty : Hbio 49 (10).
Revue de Li-Ongchamps (La). Airs du spectacle, dans « Recueil factice de documents concernant les
revues de Trianon Concert, 1896 ». BnF-ASP : 8-RO-17980.
–––. Rondeaux et couplets chantés. BnF-ASP : 8-RO-15758.
Revue Rosse. Programme, dans « Recueil factice de documents concernant les revues de Parisiana de
l’année 1896 ». BnF-ASP : 8-RO-17975.
Taï-Tsoung. Programme du Grand Théâtre de Marseille, 1894. BnF-ASP : 8-RF-43581.
Théâtre de Paris. Programmes, 1892- (incomplet). BnF-ASP : WNA-116.
V’là le mandarin. Invitation du Concert d’Arras, 1897. BnF-ASP : 8-Ro-17984.
426
V. Illustrations
V. 1. Illustrations du Chapitre I
1.01 – « Costume pour les peuples de Cathay du divertissement de l’acte III de Roland », partie
d’Anciennes habitudes de faire les dessins grotesques des vêtements de l'Opéra de Paris sous les
règnes de Louis XIV et de Louis XV. Dessinateur : Jean Bérain (1640-1711). [BnF-Estampe : TB-
20A-PET FOL (Bouchot 709), folio 41.]
1.02 – Roland, tragédie lyrique de Lully et de Quinault. 6 estampes reliées dont une est présentée dans
notre travail. Format de la page : 25,5 x 33 cm. Publiées en 1685. [BnF-ASP : FOL-ICO THE-
592]
1.03 – Roland (1778), adaptation de Marmontel. Maquettes de costume. Gravées par Louis-René
Boquet. Contenant : (a) « Costume de Témire, suivante d’Angélique » [BnF-BMO : D 216 (IX),
pl. 48] ; (b) « Costume de matelot chinois » [BnF-BMO : D 216 (IX), pl. 45].
1.04 – Le Divorce, Acte III, sc. 6, gravure en taille douce, H. 14 x L. 8.5 cm. Le Théâtre italien de
Gherardi, 6 tomes, t. 2. Paris : Briasson, 1741, p. 99. [BnF-ASP : 8-RO-1700 (2)] Cette gravure
est similaire à celle de l’édition de Pierre Witte (Paris, 1717), sens inverse.
1.05 – (a) Les Chinois, Acte II, sc. 4, gravure en taille douce, H. 14 x L. 8.5 cm, in Le Théâtre italien
de Gherardi, 6 tomes, t. 4. Amsterdam : A. Braakman, 1701, fol. 165. [BnF-ASP : 8- RO- 1691
(4)] ; (b) Les Chinois, Acte II, sc. 4, gravure en taille douce, H. 14 x L. 8.5 cm, in Le Théâtre
italien de Gherardi, t. 4. Paris : Pierre Witte, 1717, p. 163 [BnF-Tolbiac : YF-5776] ; (c) Les
Chinois, Acte II, sc. 4, gravure en taille douce, H. 14 x L. 8.5 cm. In Le Théâtre italien de
Gherardi, 6 tomes, t. 4. Paris : Briasson, 1741, p. 199. [BnF-ASP : 8- RO- 1700 (4)].
1.06 – « La Manière d’adorer leurs dieux », Paris, chez Radigues, 1720. Eau-forte et burin ; 22,8 x
33,4 cm. Source : Bibliothèque des Arts décoratifs, collection iconographique Maciet, série
« Décoration. Arabesques et panneaux décoratifs. Pays divers. Chinoiseries. XVIIIe siècle.
France-Z » : Maciet 229/10/60.
1.07 – « Danse chinoise ». Date inconnue. Source inconnue. [BnF-Estampe : OE-48-PET FOL /
MFILM-M41537].
1.08 – Les Bains de la Porte Saint Bernard, Acte III, sc. 5, gravure en taille douce, H. 14 x L. 8.5 cm.
Le Théâtre italien de Gherardi, 6 tomes, t. 4. Paris : Briasson, 1741, p. 345.
1.09 – Les Chinois, Acte I, sc. 6, « Mezzetin : Mademoiselle, je suis l’écuyer de Monsieur le Baron de
la Dindonnière ». Œuvres complètes de Regnard. Paris : Lefèvre, 1810. [BnF-Tolbiac : YF- 3771
(T. 6)]
1.10 – Les Chinois, prologue, Apollon et Thalie. Œuvres complètes de Jean-François Regnard,
nouvelle édition, tome 6. Paris : Crapelet, 1822. [BnF-ASP : 8-RF-6826 (6)]
1.11 – (a) « Un Chinois dansant à l’opéra du Carnaval de Venise », dessinateur Robert Bonnart.
Recueil de la collection Michel Hennin. Estampes relatives à l’Histoire de France, tome 73, pièce
6458, période 1698-1700. Publié Chez N. Bonnart, s.d. [BnF-BMO : Rés. 926 (13), pl. 27] ; (b)
Nicolas Bonnart, L’Opéra, fin du XVIIe siècle, collection de la Bibliothèque de l’Opéra, à Paris.
Voir le catalogue Watteau et la fête galante, Paris, Société française de promotion artistique,
2004, p. 77.
1.12 – Maquettes des costumes pour La Mascarade du Roi de la Chine, à Marly. Dessinateur : Jean
Bérain (1674-1726). Contenant : (a) « Jacques Bastaron dans le costume de Pagode assis sur un
palanquin » [BnF-ASP : MAQ-7498] ; (b) « costume de Chinois » [BnF-ASP : MAQ-1736].
1.13 – « Mascarade chinoise » (ca. 1700). [BnF-Manuscrits occidentaux : ROTHSCHILD 1460 (1519-
3-9), Folio 50v, n° 278]
1.14 – « Costumes de Chinois, Chinoise ». Maquette des costumes. Dessinateur : Jean Bérain (1640-
1711) [BnF-BMO : D 216 (XII), pl. 7]
427
1.15 – (a) « Mascarade chinoise faite à Rome le Carnaval de l’année M.DCC.XXXV par Mrs. les
pensionnaires du Roi de France en son Académie des Arts ». Graveur Pierre. S.l.s.d. Inventaire
de la collection d'estampes relatives à l'histoire de France léguée en 1863 à la Bibliothèque
nationale par M. Michel Hennin rédigé par Georges Duplessis. Paris, A. Picard : 1881, Tome 3.
[Recueil. Collection Michel Hennin. Estampes relatives à l’Histoire de France. Tome 94, pièce
8223, période : 1732-1736] [BnF-Estampe : RESERVE QB- 201 (94) -FOL] ; (b) « Bal donné à
l’Académie de France au Palais Mancini à Rome, en 1751 », scène inspirée par une fête donnée
en l’honneur de la naissance du duc de Bourgogne, figurant in Michel Beurdeley, Peintres
jésuites en Chine au XVIIIe siècle, Arcueil, Anthèse, 1997, p. 43.
1.16 – Maquettes des costumes, dessinées par Louis-René Boquet. (a) « Costume de Chinois » [BnF-
BMO : D 216 (III), pl. 5] ; (b) « Costume de Chinois » [BnF-BMO : D 216 (III), pl. 6].
1.17 – Maquettes des costumes, dessinées par Louis-René Boquet : (a) « Chinoise et Chinois » [BnF-
BMO : D 216 (O-4), pl. 55] ; (b) Femme tartare et Tartare. [BnF-BMO : D216O-5(1), pl. 12].
1.18 – « Costume pour un Chinois », par Louis-René Boquet, in Recueil de dessins de mobilier et de
costumes de théâtre. [BnF-Estampes : TB-20B-PET FOL (3), théâtre 839]
1.19 – Maquettes des costumes. Dessinateur inconnu. Contenant : (a) « Costume de Chinois». [BnF-
BMO : D 216 (IV), pl. 50] ; (b) « Costume de Chinois » [BnF-BMO : D 216 (IV), pl. 51].
1.20 – Maquettes des costumes : (a) « Maquette de costume de Mandarin » (inachevé). Atelier de Jean
Bérain (1640-1711) [BnF-BMO : D 216 (O-7), pl. 78] ; (b) « Habit de mandarin chinois », par
Jean Mariette, d’après Jean Bérain. [BnF-BMO : Rés. 926 (13), p. 30]
1.21 – « Mandarin et Dame chinoise », collection « Costumes de la Chine » de la BnF. [BnF-
Estampes : OE-48-PET FOL / MFILM M-41506]
1.22 – « Prêtres ou Moines chinois », collection « Costumes de la Chine » de la BnF. [BnF-Estampe :
OE-48-PET FOL / MFILM-M41534]
1.23 – Galerie des modes et costumes français dessinés d’après nature 1778-1787. J.-B. Martin Inv. et
Sculp. Réimpression accompagnée d’une préface, par M. Paul Cornu. Paris, Librairie centrale des
beaux-arts. Contenant : (a) « Chinois dans les Indes galantes et autres ballets » [BnF-BMO : D
129 (3), pl. 108] ; (b) « Habillement qui sert dans plusieurs divertissements, comme le ballet des
Indes Galantes, etc. » [BnF-BMO : D 129 (3), pl. 109].
1.24 – (a) « Le Ballet (chinois) ». Dessiné par François Boucher, gravé par Adolphe Théodore Jules
Martial Potémont. [BnF-Estampe : YB3-2034 (21)-4], repris in Adolphe Jullien, La Comédie à la
cour : les théâtres de société royale pendant le siècle dernier, Paris, Firmin-Didot, 1885, pp. 196-
197, sous le titre de « L’Opérateur chinois » ; (b) « La Scène de marché dans un port oriental
imaginaire », par Jean-Baptiste Pillement, 1764. Collection de J. Paul Getty Museum, Los
Angeles, États-Unis.
1.25 – Feu d’artifice dans un parc orné d'une pagode avec un magot chinois. Spectacle pour le
Théâtre-Italien, 1749. Dessiné par Charles Germain de Saint-Aubin, figurant dans l’Album des
Saint-Aubin, folio 155. H. 26,5 cm x L. 36,8 cm. [Musée du Louvre – Département des Arts
graphiques, fonds des dessins et miniatures. Numéro d’inventaire : RF 52462.]
1.26 – « La Fête chinoise au Colisée », dessin, H. 10,5 x L. 22,5 cm. par Gabriel Jacques de Saint-
Aubin. [Musée du Louvre – Département des arts graphiques, cote : INV32751]
1.27 – Ballet chinois. Maquettes des costumes pour Ernelinde, pour le mariage du Comte d’Artois,
1773. Dessinées par Louis-René Boquet (1717-1814). Contenant : (a) La Chinoise [BnF-BMO :
D216 (VII)-42] ; (b) Le joyeux Chinois [BnF-BMO : D216 (VII)-41].
1.28 – Arlequin invisible chez le roi de Chine, sc. 8. Gravure en taille douce, dessinée par Robert
Bonnart, gravée par François de Poilly. H. 14 x L. 8.5 cm. Le Théâtre de la Foire, ou opéra
comique, tome 1. Paris : Étienne Ganeau, 1721. [BnF-ASP : 8-RO-1708 (1)]
1.29 – La Princesse de la Chine, Acte III, sc. 8. Gravure en taille douce, gravée par Michel Demarne.
H. 13.5 x L. 7.2 cm. Le Théâtre de la Foire, ou opéra comique, tome 7. Paris : Pierre Gandouin,
1731.
428
1.30 – La Reine du Barostan, sc. 8. Gravure en taille douce, gravée par Gérard Jean-Baptiste II Scotin.
H. 13.5 x L. 7.2 cm. Le Théâtre de la Foire, ou opéra comique, tome 7. Paris : Pierre Gandouin,
1731.
1.31 – Mlle Clairon, dans le rôle d’Idamé (L’Orphelin de la Chine), par Jean-Baptiste Leprince, ca.
1773. Collection Robert Gérard, Institut Musée Voltaire. [Figurant aussi in J. Van Heuvel (i.e. Van
Den Heuvel) (dir.), Album Voltaire, collection Pléiade, Paris, Gallimard, 1983.]
1.32 – (a) « Costume de théâtre : Idamé. Dessiné par le Clerc, gravé par Dupin. Vêtement d’Idamé
dans L’Orphelin de la Chine, donné par Sarrazin, costumier ordre des princes.». Galerie des
modes et costumes français dessinés d’après nature 1778-1787. J.-B. Martin Inv. et Sculp.
Réimpression accompagnée d’une préface, par M. Paul Cornu. Paris, Librairie centrale des beaux-
arts. [BnF-BMO : D 129 (3), pl. 106].
(b) « 26e cahier de costumes français, 20e suite d’habillements à la mode en 1779. Dessiné par le
Clerc, gravé par Dupin. Vêtement d’Idamé dans L’Orphelin de la Chine, donné par Sarazin
costumier ordre des princes ». [BnF-ASP : 4 ICO PER-5149. Reprise in Lucien Dubech, Histoire
générale illustrés du théâtre, tome IV, Paris, Librairie de France, 1933, pp. 48-49.]
1.33 – Maquette du costume de Gengis-Khan, dans L’Orphelin de la Chine. Dessinée par Louis-René
Boquet. Encre noire, aquarelle, et écriture encre brune. H. 23,1 x L. 14,3 cm, 1755. [Collections du
Musée des Arts Décoratifs, n° d’inventaire : CD 1061]
1.34 – Maquette du costume tartare, dans Tarare, opéra en 5 actes, livret de Beaumarchais, musique
d’Antonio Salieri, représenté en 1787. Dessinateur Louis-René Boquet (1717-1814). [BnF-BMO :
D216 IX-56, pl. 56]
1.35 – Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (L’Orphelin de la Chine), 1770-1788 : (a) gouache faisant
partie d’un ensemble de 24 gouaches de Whirsker représentant des comédiens de théâtres parisiens
du XVIIIe excepté Garrick. [Bibliothèque de la Comédie-Française, n° d’inventaire : FW3-10] ; (b)
gouache faisant partie d’un ensemble de 41 gouaches de Fesch et Whirsker de provenances
diverses, insérées dans un recueil (reliure XXe siècle) [Bibliothèque de la Comédie-Française, n°
d’inventaire : FW2-30]
1.36 – « Ambassadeur de la Chine », Caravane du Sultan à la Mecque, Mascarade turque donné à
Rome par Messieurs les pensionnaires de l’Académie de France et leurs amis au Carnaval de
l’année 1748, planche 15. Gravure de Joseph-Marie Vien. [BnF-ASP : Ra E 936 (collection
Rondel)]
1.37 – Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (L’Orphelin de la Chine), peinture de Simon-Bernard
Lenoir : (a) Huile sur toile, H. 90,5cm x L. 76,4 cm, peint en 1769 [Bibliothèque de la Comédie-
Française, n° d’inventaire : I 0002] ; (b) peint en 1777 [Bibliothèque de la Comédie-Française, n°
d’inventaire : I 0209].
1.38 – Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (L’Orphelin de la Chine). Dessin de F.-A. Castelle, gravé
en taille-douce par Pierre-Charles Levesque, 1765. [Selon Jean-Jacques Olivier, la même gravure
existe grossièrement coloriée (Paris, chez Bligny). Une autre réplique de la gravure représente
l’acteur à mi-corps dans un médaillon.]
1.39 – Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (L’Orphelin de la Chine), peintre anonyme, s.d.
[Bibliothèque de la Comédie-Française, n° d’inventaire : I 0385].
1.40 – (a) Lekain dans le rôle de Gengis Khan (en buste). Gravure de J.-B. Michel, d’après le dessin
de J.-H. Huquier fils. Médaillon surmonté d’attributs. Vers au-dessous du médaillon : « Je veux
que mes sujets respectent ma faiblesse ». Inscription au-dessous du cadre de la gravure : « Henry
Louis Lekain, Comédien ordinaire du Roi, a débuté par le rôle de Titus dans Brutus, le 14
septembre 1750, et a été reçu le 24 février 1752. » [BnF-ASP : 4-ICO PER-15342] [Reprise in
Adolphe Jullien, Histoire du costume au théâtre (1880), p. 134.]
(b) Lekain dans le rôle de Gengis Khan (en buste). Gravure d’Elluin, d’après J. Berteaux.
Médaillon surmonté d’attributs. Inscription sur le cadre : « Henri-Louis Le Kain, Comédien
429
ordinaire du Roi. Reçu 1752 ». [BnF-ASP : 4-ICO PER-15342] [Reprise in J.-J. Olivier, Henri-
Louis Lekain, de la Comédie-Française (1907), p. 74.]
(c) Détail de l’illustration 1.40 (b). Vers au-dessous : « Je veux que les vaincus respirent désormais.
/ J’envoyais la terreur, et j’apporte la paix. » (Acte II, sc. 5)
1.41 – Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (L’Orphelin de la Chine), peinture d’Alexandre Roslin,
1755-1774. [Bibliothèque de la Comédie-Française, n° d’inventaire : I 0195].
1.42 – L’Orphelin de la Chine. Larive dans le rôle de Gengis-Khan. Pastel par Joseph-Marie Vien, ca.
1790. [Bibliothèque de la Comédie-Française, cote : Iconographique LAR-LAU Personnalités]
1.43 – « L’Orphelin de la Chine, de Voltaire. "Gengis : Arrêtez, malheureux ! O ciel ! Qu’alliez-vous
faire ? Idamé : Nous délivrer de toi..." (Acte V, sc. 6) », dessinée par Hubert François
Bourguignon, dit Gravelot, gravée par Joseph De Longueil. Collection complète des œuvres de M.
de Voltaire, 14 tomes, t. 5. Genève : Cramer, 1768-1777, p. 145. [BnF-Tolbiac : RES M-Z-587 (5)]
1.44 – « L’Orphelin de la Chine, de Voltaire. "Gengis : Arrêtez, malheureux ! O ciel ! Qu’alliez-vous
faire ? Idamé : Nous délivrer de toi..." (Acte V, sc. 6) », gravée par François Nicolas Martinet.
Œuvres de M. de Voltaire, vol. 5, Théâtre (tome 4). Genève : Cramer et Bardin, 1775, pp. 98-99.
[BnF-Tolbiac : Z- 24843]
1.45 – « Voltaire. L’Orphelin de la Chine, Acte V, sc. 6 ». Gravée par Alexander Bannerman.
Recueillie dans la collection de 91 gravures fabriquées à la fin du XVIIIe siècle, dont la plupart
sont tirées des pièces de Voltaire. Londres [?] : [s.n.], ca. 1780. [Source : Catalogue César.
http://www.cesar.org.uk]
1.46 – « L’Orfano della China (L’Orphelin de la Chine) », esquisse de décor. Chorégraphe Gustavo
Angiolini, décor de Giovannino Mariani, représenté au Teatro Regio, à Turin, en 1790. Dépôt
légal 1791. [BnF-BMO : ESQ ANC V, 47]
V. 2. Illustrations du Chapitre II
2.01 – (a) « A-Sam, Chinois venant en France » ; (b) Détail. Source : Illustrations d’Histoire naturelle
du genre humain, vol. I, pl. IV en reg. p. 148, illustrations 1 & 2. Gravée par J. B. Racine et
Duhamel. Auteur du texte J. J. Virey. Paris : Imprimerie de F. Dufart, 1800-1801. Estampe, taille-
douce, H. 13,5 x L. 8,0 cm. [BnF-Réserve : Réserve GN 310 V81 An IX [1800-1801] v1 et v2, ex.
1]
2.02 – « Monseigneur le Dauphin labourant ». Dédié à Monseigneur le Dauphin, l’an 1769, par son
très humble et très respectueux Serviteur Poulin de Fleins. Gravure à l’eau-forte coloriée, 38 x
54,5 cm, gravée par François-Marie-Antoine Boizot, in « Ancien Régime et Révolution », Recueil.
Collection de Vinck. Un siècle d'histoire de France par l'estampe, 1770-1870, Vol. 2 (pièces 187-
345). [BnF-Estampe : RESERVE QB- 370 (2) -FT 4 < Fol. 11 >]
2.03 – L’Orphelin de la Chine. Lucinde Paradol dans le rôle d’Idamé. Peinture par Sébastien Dulac,
1827. [Bibliothèque de la Comédie-Française : I 0165] [Voir aussi : « Paradol, dans Idamé,
peinture toile, H. 1m, L. 0m80, auteur inconnu, don de L. Halévy, [Musée de la Comédie-
Française,] n° 337 » (source : Henry Lyonnet, article « Paradol », in Dictionnaire des comédiens
français, ceux d’hier : biographie, bibliographie, iconographie, Genève, Bibliothèque de la
Revue universelle internationale illustrée, ca. 1904.]
2.04 – L’Orphelin de la Chine. Costumes. Eau-forte, en couleurs, H. 23,0 x L. 14,5 cm. (a) Lafon (rôle
de Gengis-Khan, pl. 182) : « Je rougis sur le trône où m’a mis la victoire, / D’être au-dessous de
vous au milieu de ma gloire. / En vain par mes exploits j’ai sû me signaler : / Vous m’avez avili,
je veux vous égaler ». (b) Rôle de Zamti, pl. 93 : « Tu fus notre vainqueur et tu n’es pas mon roi ».
[Source : Petite galerie dramatique ou Recueil de différents costumes d'acteurs des théâtres de la
capitale. Paris : éditions Martinet. [BnF-Tolbiac : SMITH LESOUEF R-3724-3731, 8 vols.]
430
2.05 – « Chef des gardes du Sultan », dans Il Crociato in Egitto, melodramma eroico, livret de
Gaetano Rossi, musique de Giacomo Meyerbeer. Théâtre Royal Italien, le 22 septembre 1825.
Grandville d’après H. L., lithographie d’Engelmann, 1826. [BnF-ASP : Coll. Rondel Icono.]
2.06 – L’Orphelin de la Chine. Illustration de Gengis Khan. « Vous aviez un amant, vous n'avez plus
qu'un maître." (Acte V, sc. 4) ». Théâtre Complet de Voltaire, précédé d’une introduction par M.
Edouard Fournier. Nouvelle édition, illustrée de vingt portraits en pied coloriés, dessins par M.
Geffroy, sociétaire de la Comédie-Française. Paris, Laplace, Sanchez et Cie, 1874. [BnF-Tolbiac :
YF-1736]
2.07 – L’Orphelin de la Chine. Costume de Zamti.
(a)-(b) : Costume porté par un « M. Lafave » [source : collection de la Bibliothèque de la
Comédie-Française, sans cote] ;
(c) : Costume porté par M. Lafave (détail) [source : collection de la Comédie-Française, n°
inventaire 391A 24. Voir : Catalogue de l’exposition L’Art du costume à la Comédie-Française,
Centre national du costume de scène et de la scénographie, 2011, pp. 14-15.] ;
(d) : Costume porté par Vanhove (entre 1778 et 1802). [source : collection de la Comédie-
Française, n° inventaire 391A 25. Voir : Catalogue de l’exposition L’Art du costume à la
Comédie-Française, Centre national du costume de scène et de la scénographie, 2011, pp. 14-15.]
2.08 – L’Orphelin de la Chine : (a) « Eh bien, je tombe aux pieds de ce maître sévère. » (Acte V, sc.
4) ». Œuvres complètes de Voltaire. Paris : A.-A. Renouard, 1819-1825. [BnF-Tolbiac : Z-25472
(vol. 4), pp. 384-385] ; (b) « Eh bien, je tombe aux pieds de ce maître sévère. » (Acte V, sc. 4) ».
Dessiné par Moreau, gravé par Lefèvre. Œuvres complètes de Voltaire, avec des notes et une
notice sur la vie de Voltaire, tome I. Paris, Firmin-Didot, 1876. [BnF-Tolbiac : 4-Z-7306 (1), pp.
698-699].
2.09 – « Mademoiselle Raucourt (rôle d’Idamé) et Brisard (rôle de Zamti), dans L’Orphelin de la
Chine », in Arnault, Les Souvenirs et les regrets du vieil amateur dramatique, ou Lettres d’un
oncle à son neveu sur l’ancien Théâtre Français. (a) Paris, éd. Ch. Froment, 1829 [miniatures de
Foëch de Basle et de Whirsker, N. B.] ; (b) Paris, éd. Alphonse Leclerc, 1861 [gravures coloriées].
[BnF-Tolbiac : SMITH LESOUEF R-3705]
2.10 – « L’Orphelin de la Chine, de Voltaire. "Tiens, sois libre avec moi ; frappe et délivre-nous."
(Acte V, sc. 5) » Dessinée par Jean-Michel Moreau le jeune, gravée par Joseph De Longueil.
Voltaire, Œuvres complètes, tome 4. Paris : Kehl de Beaumarchais, 1786. [BnF-Estampe : TB-
555-4]
2.11 – « L’Orphelin de la Chine, de Voltaire. "Tu l’inspires, grand dieu ! que ton bras la soutienne !"
(Acte IV, sc. 6) ». Gravure à l’eau forte, dessinée par Pierre Chasselat, gravée par François
Godefroy, publiée dans Figures des œuvres de Voltaire, sans date. [BnF-RES : Z-26520] [Datant
1826 d’après la mention ms. au crayon au verso de la garde vol. sup. de l’exemplaire : « Cent
gravures pour les Œuvres de Voltaire, convenables à toutes les éditions in-8 et in-12, publiées
d’après les dessins de Devéria et Chasselat et autres, Journal de la Librairie, 1826, n° 8147 ».]
2.12 – Les Deux magots ou les caricatures : (a) couverture ; (b) illustration. Signées Seb. Le Roy Del.
et Pomel Sc., Paris : Le Fuel, [s.d.] [BnF-Tolbiac : YE-20244]
2.13 – Le Bon Genre, observations sur les Modes et les usages de Paris. Paris, chez les éditions Albert
Lévy. Réimpression du Recueil de 1827. Contenant : (a) n° 63 : « La Toilette chinoise », dont
trois magots rivalisent de zèle pour transformer en Chinoise une belle Parisienne ; (b) n° 64 :
« Faut apprendre à souffrir pour être belle ». [BnF-Estampes : OA-94 (BA)-PET FOL]
2.14 – « Jeune fille, coiffée à la chinoise, vêtue d’une collerette », par Frédéric Millet (1786-1859),
sans date. H. 57,0 x L. 43,3 cm. Paris : Musée du Louvre, département des Arts graphiques.
Numéro d'inventaire : RF 1725, recto. [Catalogue vol. 19, p. 142. Accessible via le catalogue en
ligne « Joconde ».]
2.15 – Les Deux magots de la Chine. Eau-forte, en couleurs. Dessiné par Joly Adrien, H. 23,0 x L.
14,5 cm. Petite galerie dramatique ou Recueil de différents costumes d'acteurs des théâtres de la
431
capitale, pl. 391. Paris, éditions Martinet. [BnF-Tolbiac : SMITH LESOUEF R-3724-3731, 8
vols.]
2.16 – Le Laboureur chinois. Affiche. Reprise de l’année 1815. [BnF-BMO : Aff. Typo. O. 13
décembre 1815, 99B 159505.]
2.17 – Le Laboureur chinois, trois planches de costumes par François-Guillaume Ménageot. Pierre
noire et aquarelle. Non signées, sans date. Contenant : (a) Pl. 22 : « N° 1 : 3 costumes de Chinois,
dont 1 pour Lays et 1 autre pour Mme Albert. H. 230 x L. 373 mm. » ; (b) Pl. 23 : « N° 2 : n° 1.
Falzé, amant de Nida. Mr Nourrit. n° 2. Zao mandarin. n° 3. Lanoir [Zamti], lieutenant mandarin.
H. 253 x L. 420 mm » ; (c) Pl. 24 : « N° 3 et dernier : 3 costumes de Chinois, dont 1 pour M.
Albert. H. 245 x L. 400 mm. » [BnF-BMO : D. 216 (3)].
2.18 – Esclaves turcs. Dessins pour les costumes des ballets, par Louis Boquet. Sans date. [BnF-BMO :
B 807, pl. 15, n° 405]
2.19 – Les Scythes, Acte III, scène 2 : « ...non ; demeurez, ne vous détournez pas. De vos regards, du
moins, honorez mon trépas. » Suite de 109 gravures d'après les dessins de Moreau-le-Jeune pour
les Œuvres complètes de Voltaire. Nouvelle édition tirée sur les planches originales. Paris :
Garnier frères, (s. d.) [BnF-Estampes : TB- 555 -4]
2.20 – La Clochette, ou le Diable page, opéra-comique de Théaulon et Hérold. Costumes de Lesage
(rôle de Bedour) et Visintini (rôle de Zédir). Dessiné par Louis, gravé par Maleuvre. Eau-forte, en
couleurs, 28,5 x 18,5 cm. Estampe légendée : « Bedour – Je ne m’étonne plus des belles actions
de cet Azolin ; que lui faloit-il pour avoir des vertus et du courage ? Un coup de clochette !
Zédir – Sonnez, mon prince. » Petite galerie dramatique ou Recueil de différents costumes
d'acteurs des théâtres de la capitale, pl. 452. Paris, éditions Martinet. [BnF-Tolbiac : SMITH
LESOUEF R-3724-3731, 8 vols.]
2.21 – Panorama dramatique. La Lampe merveilleuse : (a) 1ère décoration du 2ème acte, par Gué. Schmit
del. Les figures par Weber ; lithographie de Godefroy Engelmann. Au dessus de l’image : Théâtre
de Paris. [S.l.] : [s.n.], [1822]. [BnF-ASP : 4-ICO THE 3371 / BnF-BMO : ESTAMPES SCENES
Aladin ou la lampe merveilleuse (Panorama dramatique) (1)] ; (b) 2ème décoration du 2ème acte par
Cicéri. Schmit del. Les figures par Weber ; lith. de G. Engelmann. [S.l.] : [s.n.], [1822]. [BnF-
BMO : ESTAMPES SCENES Aladin ou la lampe merveilleuse (Panorama dramatique) (2)]
2.22 – Les Mille et une nuits des familles, contes arabes. Traduits par Antoine Galland, choisis et
révisés avec la plus scrupuleuse attention. Illustrés par MM. Français, H. Baron, Ed. Wattier,
Laville, etc. Paris : Garnier frères, [1869.] (a) Aladin et les marchands du marché ; (b) Aladin et
sa mère.
2.23 – « L’acteur Potier », in Robert Dreyfus, Petite histoire de la revue de fin d’année, Paris,
Charpentier et Fasquelle, 1909, p. 93.
432
3.04 – Dgenguiz-Kan, ou La conquête de la Chine. Eau-forte, en couleur. H. 23,0 x L. 14,5 cm. Paris :
Hautecœur Martinet, 1837. Contenant : (a) Costume de Chéri-Menau (rôle de Hiaotsong) ; (b)
costume de Mlle Rougemont (rôle d’Idamé).
3.05 – Le Cheval de Bronze. Lithographie des frères Thierry, coloriée à la main, H. 16,5 x L. 22,7 cm.
Contenant : (a) Acte III, tableau 1 : Un palais et des jardins célestes ; (b) Acte III, tableau 2 : La
grande pagode richement éclairée. [BnF-BMO : Scène-Rés. 1, Scène-Rés. 2.]
3.06 – Le Cheval de Bronze. Esquisse de décor de l’acte I. Décor oriental. Dessin, crayon et aquarelle,
mise au carreau, H. 12 x L. 33 cm, 1835. Dessinateur Pierre-Luc-Charles Cicéri (1782-1868).
[BnF-BMO : ESQ 19 CICERI 7.]
3.07 – Décor pour une ville chinoise. Dessiné par Pierre Cicéri, s.d. [BnF-ASP : FOL-ICO-DEC].
3.08 – La Chine et les Chinois, dessins exécutés d’après nature, par Auguste Borget, et lithographiés à
deux teintes par Eugène Cicéri. Planche XXVIII, « Habitation d’un marchand de sel sur le Canal
de Honan à Canton ». Paris : Goupil et Vibert, 1842.
3.09 – Le Cheval de bronze. Costumes, eau-forte, en couleur. H. 29,5 x L. 21,0 cm. Gravures par
Louis Maleuvre. Paris : Martinet, 1835. Contenant : (a) Féréol (rôle de Tsing-Sing) (n° 953) ; (b)
Mme Pradher (rôle de Péki) (n° 954) ; (c) Révial (rôle du Prince Yang) (n° 955) ; (d) Mme
Ponchard (rôle de Taojin) (n° 956) ; (e) Thenard (rôle de Yanko) (n° 957) ; (f) Mme Casimir (rôle
de Stella) (n° 958) ; (g) Inchindi (rôle de Tchin-Kao) (n° 959) ; (h) Mme Pradher (rôle de Péki) (n°
960).
3.10 – Le Cheval de bronze. Illustrations tirées des « Indications de la mise en scène », Paris, [A.
Belin], [s.d.]. Collection de mises en scène de grands opéras et d’opéras-comiques, rédigées et
publiées par Louis Palianti : (a) 1er acte; (b) 2e acte ; (c) 3e acte, 1re partie ; (d) 3e acte, 2e partie ;
(e) costumes et accessoires ; (f) costumes et accessoires. [(a)-(d) sont signés frères Thierry] [BnF-
Tolbiac : 4- YF- 114 (12)]
3.11 – Le Cheval de Bronze. Lithographie de Bourdet. [BnF-ASP : 4-ICO THE 2996]
3.12 – Zazézizozu. Costumes, eau-forte, en couleur. H. 23,0 x L. 14,5 cm. Paris : Martinet, 1835. (a)
Costume de Beurg (rôle de Grosbec, n° 1004) ; (b) Costume d’un Poussah (n° 1002).
3.13 – Gustave III, ou le Bal masqué. Costume d’une Chinoise (n° 775). Eau-forte, en couleur, H. 29,0
x L. 21,0 cm, gravé par Maleuvre. Paris : Martinet, 1833.
3.14 – (a) « Scènes de Carnaval », gravure sur bois en couleurs, H. 41,0 x L. 32,0 cm. Fabrique de
Pellerin, imprimeur-libraire, à Epinal, [1841]. [BnF-Estampes : LI-59 (2)- FOL] ; (b) Détail.
3.15– La Chatte métamorphosée en femme. Portrait de Fanny Elssler. H. Faxardo, d’après A.
Lacauchie et le plâtre de Barre. L. de Lemercier, Benard et cie, lithographie. H. 20,5 x L. 15,5 cm.
Source : L’Artiste, ca. 1837. [BnF-Musique : fonds estampes Elssler F. 007]
3.16 – La Chatte métamorphosée en femme. Costumes. Eau-forte, en couleur. H. 28,5 x L. 18,5 cm.
Paris : Martinet, 1837. Contenant : (a) Costume de Mlle Fanny Essler (rôle de Adda [Kié-Li], n°
1149) ; (b) Costume de Mlle Maria (rôle d'un page, n° 1151) ; (c) Costume de Mlle Thérèse Essler
(n° 1153).
3.17 – La Chatte métamorphosée en femme. Trois rôles (Adda [Kié-Li], Page, danseuse chatte).
Lithographie en couleurs. [BnF-ASP : 4 - ICO-THE 2774]
3.18 – La Chatte métamorphosée en femme. Maquettes des costumes. Aquarelle, gouache, crayon,
plume. Dessinées par Paul Lormier, 1837. Contenant : (a) tigre de guerre (pl. 106) ; (b) soldats
porte-lance (pl. 107) ; (c) archer (pl. 108) ; (d) garde impérial (pl. 109) ; (e) magot (pl. 110) ; (f)
page de l’empereur (pl. 111) ; (g) page de l’empereur (pl. 112) ; (h) dame d’honneur de la
princesse (pl. 113) ; (i) dame d’honneur de la princesse (pl. 114) ; (j) dame chinoise (pl. 115) ; (k)
mandarin (pl. 116) ; (l) femme du peuple (pl. 117) ; (m) femme du peuple (pl. 119) ; (n) pas
comique (pl. 120) ; (o) Boura-Kan [Kiang-ssé-long] (M. Barrez) (pl. 126) ; (p) Empereur (pl. 127) ;
(q) dame chinoise (pl. 130).
Maquettes pour les accessoires. Contenant : (r) accessoires (partie de la pl. 133) ; (s) accessoires
(partie de la pl. 133) ; (t) accessoires (pl. 134) ; (u) accessoires (pl. 135). [BnF-BMO : D-216 (11)].
433
Il y existe d’autres planches des costumes non coloriées : femme du pays (pl. 118) ; paysan (pl.
121) ; M. Elie (pl. 122) ; Ambassadeur d’une des princesses (pl. 123) ; ambassadeur siamois (pl.
124) ; Ambassadeur Palestre (pl. 125) ; Empereur chinois (pl. 128) ; la nourrice (pl. 129) ; femme
chinoise (pl. 131) ; Tigre de guerre + mandarin + soldat en grande tenue (pl. 132). [BnF-BMO : D-
216 (11)].
3.19 – « Fantassin, nommé Tigre de guerre », publié dans La Chine, mœurs, usages, costumes...
d'après les dessins originaux du père Castiglione, du peintre chinois pu-qua, de W. Alexandre,
Chambres, Dadley, etc., rédigé par D. B. de Malpiere, 2 vol., Paris, Firmin-Didot, 1825-1827.
3.20 – « Mandarin chinois », in Guillaume Pauthier (dir.), Chine ou Description historique,
géographique et littéraire de ce vaste empire, d’après les documents chinois, première partie,
Paris, Firmin Didot frères, 1839, 72 planches sans pagination.
3.21 – Mademoiselle Dangeville. « Mlle Dangeville dans la pièce de ce nom, et Jacquot dans Mlle
Dangeville ». Lithographie en couleurs. [BnF-ASP : 4- ICO THE- 3213].
3.22 – Mademoiselle Dangeville. Costume de Virginie Déjazet (rôle de Mademoiselle Dangeville,
Tching-Ka). Eau-forte, en couleur, H. 23,0 x L. 14,5 cm. Paris : Hautecœur Martinet, 1838.
3.23 – L’Eléphant du Roi de Siam. Dessin de Fauconnier, lithographie de Frey : (a) 1ère scène ; (b) 2e
scène. s.d. [BnF-ASP : FOL-ICO THE-347].
3.24 – « Paul Franconi en Chinois sur son cheval », s. d. [BnF-ASP : 4-ICO CIR FRANCONI]
3.25– (a) « Trois Chinois sur un cheval », lithographie de Pascal. [BnF-BMO : Cirque 6 (43)] ; (b)
« Les deux Chinois, Paul et Emile du cirque national », lithographie. Paris, éd. Gramain. [BnF-
BMO : Cirque 6 (49)]
3.26 – « Equilibristes chinois sur des échelles », lithographe A. Leroy. [BnF-BMO : ESTAMPES
CIRQUE-1 (16)]
3.27 – « Pantins. Danseurs Chinois et Turcs », N° 1, 1854. [BnF-Estampe : LI- 59 (4) –FOL]
V. 4. Illustrations du Chapitre IV
4.01 – « M. Sands et ses deux fils, dans Jongleur et Mandarin », in Galerie dramatique, Paris,
Martinet et Hautecœur, 1844-1855. Lithographie d’Alexandre Lacauchie. [BnF-Estampes : Ef
344 a, Pet. fol., pl. 161-162 / BnF-BMO : ESTAMPES SCENES Jongleur et mandarin (1)]
4.02 – Micromégas, Théâtre du Panthéon. Signé Roze. Imp. d’Aubert et Cie. Dépliant, in Le Monde
dramatique (deuxième série), tome II, [A6, janvier 1840 – mars 1841], pp. 416-417. [BnF-Tolbiac :
Z-4406]
4.03 – Les Mille et une nuits (Théâtre de la Porte Saint-Martin, 1843), des frères Cogniard. Couverture
de la publication. Paris : Vve Dondey-Dupré, s. d. [BnF-Tolbiac : 4-YTH-2797]
4.04 – « The Chinese Junk Keying », The Illustrated London News, le 1er avril 1848.
4.05 – Les Odalisques de Ka-Ka-O. Couverture illustrée par Castelli. Paris : Librairie théâtrale, 1858.
[BnF-Tolbiac : GR FOL-RF-49064]
4.06 – « Les Chinois aux Variétés », illustrés par Marcelin, in L’Illustration, vol. XVIII, n° 445 du 4
au 11 septembre 1851). Contenant : (a) « Le théâtre représente le couvercle de votre boîte à thé » ;
(b) « Miaou, couac, couac, miaou, couac, couac, mélodie chinoise, paroles et musique de
Confucius. Le fond de la musique chinoise » ; (c) « Chinois armé en guerre – La Savatcha, danse
nationale chinoise » ; (d) « Une drôle de Chinoise ». [BnF-Tolbiac : HIST ILLU B14 (juillet –
décembre 1851).]
4.07 – « La Rose de Nan-king [Nankin] ». Galerie dramatique, par A. H.( ?), lithographie Decan.
[BnF-BMO : ESTAMPES COSTUMES-ROSE DE NAN-KING, LA]
4.08 – « Les Chinois aux Variétés », tirés de la « Revue comique de la semaine par Cham », in Le
Charivari, le 14 septembre 1851. Contenant : (a) « Les Chinois à leur hôtel : L'interprète: –
Sapristi ! Je vous avais dit de les installer confortablement et vous les mettez tous là-dessus. Le
garçon d'hôtel : – Ma foi, monsieur, j’ai cru que des Chinois ça ne se logeait que de la sorte; c’est
434
toujours là où je les ai vus jusqu'à présent. » ; (b) « Aux Variétés : – Ah ça, Caroline, tu perds la
tête... interrompre le spectacle! – Mon ami, il m'est impossible de voir souffrir une femme comme
ça; je vais lui donner l’adresse de mon cordonnier et de mon pédicure. » ; (c) « Toujours aux
Variétés. – Pardon, monsieur, pourriez-vous me dire contre qui ce Chinois est censé se battre? –
Monsieur, il est censé se battre contre l'individu qui lui a volé son pantalon. » [BnF-Tolbiac : FOL-
LC2- 1328 / FOL- LC2- 7326].
4.09 – « Théâtre de la Porte Saint-Martin. – La Chine à Paris ; la cible vivante. ». Illustré par J.
Gaildran. L’Illustration, publié le 6 mai 1854, n° 584, vol. XXIII. [BnF-Tolbiac : HIST ILLU B14
(janvier – juin 1854).]
4.10 – « Les Vrais Chinois », Affiche de l’Hippodrome, 1854. [BnF-BMO : Affiches 1e Hippodrome.
(cote du Catalogue du cirque iconographie : n° 104)]
4.11 – « Revue du deuxième trimestre de 1854 (suite) ». Le Journal pour rire, n°144 paru le 1er juillet
1854. Contenant : (a) « M. Arnaud, de l’Hippodrome, engageant ses Chinois à négliger la planche
et à se piquer leurs couteaux dans l’œil ou le ventre pour éclipser les Chinois de la Porte Saint-
Martin. » ; (b) « Qu’aimes-tu mieux, les Chinois de l’Hippodrome ou les Chinois de la Porte Saint-
Martin ! – J’aime mieux les chinois de la mère Moreau. » [BnF-Tolbiac : GR FOL- LC2- 1681 /
FOL- LC2- 1681]
4.12 – « La Chine à Lyon. Jongleurs chinois. ». Monographie imprimée. Lyon : imp. De Brunet-
Fonville et Bonnaviat, [1854.] [BnF-Tolbiac : YF-209]
4.13 – « Les Chinois à Paris, par Comba. Réception d’un Chinois de la Chine, par les Chinois de Paris,
chez la Mère Moreau. », Le Journal pour rire, n°137 paru le 13 mai 1854. [BnF-Tolbiac : GR
FOL- LC2- 1681 / FOL- LC2- 1681]
4.14 – « Les Jongleurs chinois : quadrille pour piano », par L. G. Choulet, illustration par [Gustave]
Donjean. H. 28 x L. 35 cm. Paris : Benoît aîné & Marseille : Meissonnier père et fils, 1859. [BnF-
Musique : N-11862]
4.15 – En avant les Chinois ! Ravel et Mlle Brasseur, scène de séduction. Dépliant. Paris : A.
Bourdilliat, 1859. [BnF-ASP : 4- RF- 44111 / FOL-ICO THE-684.]
4.16 – As-tu vu la comète, mon gars ? Frontispice. Paris : Michel Lévy frères, [1859.] [BnF-ASP : 8-
REC 309 (3,70)]
4.17 – Ba-ta-clan. Dessin de décor, en couleur, tiré d’un manuscrit de mise en scène, s. d. [BnF-ASP :
Rondel MS-1739]
4.18 – Ba-ta-clan. Illustration de scène, s. d. [BnF-BMO : Scène-album, n° 964]
4.19 – Ba-ta-clan. Illustration de presse, 1856. [BnF-ASP : FOL- ICO THE-124]
4.20 – Ba-ta-clan. Polka et valse pour le piano. Arrangés par Raphaël Billéma. Lithographie de Félix
Nadar. Paris : Léon Escudier, sans date. [BnF-Musique : Vm 12g 10375.]
4.21 – La Poudre de Perlinpinpin. Couverture de la publication. Paris : Barbré, s.d. [BnF-ASP : 8-
REC-291 (1,11)]
4.22 – La Poudre de Perlinpinpin, quadrille composé par Fessy. Publié chez J. Meissonnier fils, à
Paris, sans date. [BnF-ASP : Fol-ICO THE-204]
4.23 – Les Eléphants de la pagode, Acte II, « Déjeuner », éd. Martinet, s. d. [BnF-BMO : Sc. ALB
946]
4.24 – Si j’étais roi. Dessiné par Nadar, publiée par L’Éclair, s. d. [BnF-BMO : Est. Scènes Si j’étais
roi.]
4.25 – Jaguarita. Affiche, 73 x 55 cm. Lithographie de Victor Coindre. Paris : imp. Bertauts dépôt
légal 1855. [BnF-BMO : AFFICHES ILLUSTREES- 409 / Scène-Album (1-3), pl. 297.]
4.26 – Le Cheval de bronze. Théâtre de Lille, par G. D., lithographie d’Alphonse Jacques Lévy. H. 34
x L. 25 cm [BnF-BMO : ESTAMPES SCENES Cheval de bronze (3)]
4.27 – Le Cheval de bronze. Illustrations de scènes : (a) [légende en russe] (b) [légende en russe].
[BnF-BMO : Scène-Album (1-3), pl. 344, 345]
435
4.28 – Le Cheval de bronze. Illustrations tirées d’Œuvres illustrées de M. Eugène Scribe [publié entre
1853-1857], dessins par Tony et Alfred Johannot, Staal, Pauquet, etc., vol. 11, Paris, Vialat, 1854.
(a) « Péki sur le cheval de bronze » ; (b) « Tao-Jin, lève son voile. Le prince ! ô ciel !... – Acte 1,
scène 7. » ; (c) « Péki, à genoux. Il parle encore, il parle bas. – Acte 2, scène 11. » . (d) « Péki. La
victoire est à moi. – Acte 3, scène 6. ».
4.29 – Le Cheval de bronze. Acte III, sc. 6. Peki : La victoire est à moi. Dessiné par Marckl, gravé par
Blanchard. H. 17 x L. 12 cm, publié chez Gellée, Paris, s. d. [BnF-BMO : ESTAMPES SCENES
Cheval de bronze (1)]
4.30 – Le Cheval de bronze. Lithographie de Victor Coindre, s. d. [BnF-BMO : Scène-Album (1-3), pl.
319]
4.31 – Le Cheval de bronze. Esquisses de décor, par Charles Cambon, en 1857 :
(a) Acte IV, dessin pastel avec rehauts de blanc sur papier beige, H. 44 x L. 58 cm. [BnF-BMO :
ESQ CAMBON – 24] ;
(b) Acte III, dessin de crayon sur calque, H. 40 x L. 56 cm. [BnF-BMO : ESQ CAMBON – 201] ;
(c) Acte IV, dessin de crayon sur calque, H. 38,5 x L. 57 cm. [BnF-BMO : ESQ CAMBON – 202] ;
(d) Deux esquisses de décor de l’acte IV, crayon sur calque, H. 41 x L. 30,5 cm & H. 37,5 x L. 25,5
cm. [BnF-BMO : ESQ CAMBON – 203]
4.32 – Le Cheval de bronze, (a)-(e) : Maquette du décor de l’Acte I. Dessinée par Hugues Martin
(Décors de Hugues Martin, Joseph Nolau, Auguste Rubé, Charles Cambon et Joseph Thierry),
1857. 7 feuilles de mesures, 3 projets du décor (dont l’un à l’huile et 2 à l’aquarelle et gouache), 1
toile de fond, 3 principales (huile), 7 esquisses de détails, 15 éléments divers ; formats divers.
[BnF-BMO : MAQ A- 34.]
4.33 – Le Cheval de bronze. Gravure, par Durand Godefroy, tirée de L’Illustration parue le 3 octobre
1857. H. 175 x L. 245 mm. [BnF-ASP : 4- ICO THE- 2816 / BnF-BMO : ESTAMPES SCENES
Cheval de bronze (2)]
4.34 – Le Cheval de bronze. Maquettes de costume, dessinées par Alfred Albert, aquarelle, gouache,
plume, 1857. Contenant : (a) Ballet dames (pl. 41) ; (b) Habitante de la planète (pl. 42) ; (c)
Villageois (pl. 43) ; (d) Yanko, garçon de ferme (pl. 44) ; (e) Tchin-Kao, fermier (pl. 45) ; (f) Tao-
jin, femme de Tsing-sing (pl. 46) ; (g) Peki, fille de Tchin-Kao (2e costume) (pl. 47) ; (h) M.
Bauchet (rôle d’un jongleur-musicien) (pl. 48). [BnF-BMO : D-216 (18).]
4.35 – La « Femme tartare », in Dawn Jacobson, Chinoiseries, Paris, Phaidon, 1993.
4.36 – Manuscrit de la mise en scène du Cheval de bronze, en 3 actes. Mise en scène d’Alexandre
Lapissida, s. d. : (a) gestes de mains ; (b) scène finale [BnF-BMO : C. 346 (1)].
4.37 – (a-h) Le Cheval de bronze. Chorégraphie de J. Hansen [Joseph Hansen, 1842-1907]. 9 dessins
de danses dont 8 figurent dans notre travail. [BnF-BMO : B 905.]
4.38 – Le Carnaval de Venise (Opéra-Comique, 1857). Gravure sur bois, par E. Riou : (a) Scène de
l’Acte II, 26 x 34 cm. [Paris] : [s.n.], [1857] [BnF-BMO : Scène-Album (1-3), planche 265 /
ESTAMPES SCENES Carnaval de Venise (1)-(3)] ; (b) Acte II, scène ii [BnF-BMO : Scène-
Album (1-3), pl. 356].
4.39 – Pékin la nuit. Affiche de l’Hippodrome, Imprimerie Rouchon, 1858. [BnF-BMO : Affiches 2e
Hippodrome (cote du Catalogue du cirque iconographie : n° 109)].
V. 5. Illustrations du Chapitre V
5.01 – Caricature. « En Chine » : « Laisse-moi donc tranquille avec ta danse des anciens magots...
tiens, voici comment on danse à Paris, voilà qui a du chic !... c’est avec ça qu’on donne dans l’œil
aux femmes !... », Lithographie Destouches ; Maison Martinet. Publiée dans Le Charivari paru le
8 février 1859.
5.02 – « Les Français en Chine » (détail), n° 94. Imagerie Pellerin, 1860. Gravure sur bois en couleur,
H. 47,0 x L. 37,0 cm. [BnF-Estampes : LI- 59 (6) -FOL]
436
5.03 – La Prise de Pékin. Esquisses de décor, par Charles Cambon, 1861. Dessin, crayon sur calque :
(a) H. 45,8 x L. 61,2 cm. [BnF-BMO : ESQ CAMBON-222] ; (b) H. 32,0 x L. 56,0 cm [BnF-
BMO : ESQ CAMBON-223] ; (c) H. 20,0 x L. 35,5 cm [BnF-BMO : ESQ CAMBON-224] ; (d)
H. 21,2 x L. 31,5 cm [BnF-BMO : ESQ CAMBON-225 (1)] ; (e) H. 19,6 x L. 34,7 cm [BnF-
BMO : ESQ CAMBON-225 (2)].
5.04 – La Prise de Pékin. « Enlèvement des forts de Takou, à la fin du 2e acte ». Estampe, signée
Frishon. H. 21,0 x L. 24,0 cm. Publiée dans L’Univers illustré, n° 169 du 8 août 1861. [BnF-
BMO : Scènes-Est (La Prise de Pékin)]
5.05 – La Prise de Pékin. Maquette du décor, Acte II, tableau 2 : « une place publique de la ville de
Yen-Taï ». Plume, lavis d’aquarelle, rehauts de blanc. 24 éléments divers dont 5 sont présentés.
Fonds Émile Couder – le « Cirque lyrique ». [BnF-BMO : Maq. A 595]
5.06 – La Prise de Pékin. Couverture de la publication, Paris, éditons Michel Lévy frères, 1861.
Illustrateur Polac [BnF-ASP : 8-RF-40697]
5.07 – La Prise de Pékin. Scène de l’Acte III, publiée dans L’Illustration, n° 963 du 1er août 1861.
Illustrateur L. Dumont. H. 15,5 x L. 23,5 cm. [BnF-ASP : 4- ICO THE- 1900]
5.08 – (a) « Fête du 15 août. Illumination chinoise de la place de la Concorde », par J. Gaidrau,
L’Illustration, le 21 août 1858. [BnF-Tolbiac : HIST ILLU B14 (juillet – décembre 1858)] ; (b)
« Fête du 15 août. Place de la Concorde, décoration de MM. Lefuel et Galland, architectes ». La
place est ornée de pagodes de fantaisie. En bas, à gauche, à l’intérieur du tr. c., signature :
« Bordelin. – Ed. Morin ». Dans la marge de droite, 120. Gravure sur bois. – feuille détachée du
Monde illustré, t. 3, n° 71 (21 août 1858), p. 119 et 120. [BnF-Estampes : RESERVE QB- 370 (158)
-FT 4]
5.09 – Les Chinois au Châtelet. Couverture de la publication. Paris : typ. Morris, 1862. [BnF-Tolbiac :
YE-55472 (652)]
5.10 – Les Mille et un songes. Esquisse de décor de l’Acte II, tableau 17, par Henri Robecchi. Dessin,
crayon et pastel. H. 37,2 x L. 58,8 cm, 1861. [BnF-BMO : ESQ ROBECCHI-29]
5.11 – Le Voyage en Chine. Affiche, par A. Barbizet, 1865. [BnF-BMO : Af. Tit. II]
5.12 – Le Voyage en Chine. Esquisse de décor de l’Acte III, « le bateau à vapeur la Pintade », par
Philippe Chaperon, 1865-1866. Dessin, aquarelle et gouache. H. 18,5 x L. 24,0 cm. [BnF-BMO :
D- 345 (I,15)]
5.13 – Le Voyage en Chine : (a) « Le Voyage en Chine, acte 1er, scène des jardiniers » ; (b) « Acte 2e,
au Casino de Cherbourg, scène du duo » ; (c) « Acte 3e, scène de la révolte à bord ». L’Illustration,
le 23 décembre 1865. [BnF-Tolbiac : HIST ILLU B14 (juillet – décembre 1865)]
5.14 – Fleur-de-thé. Valse pour le piano à quatre mains. Arrangée par Isaac Strauss, chef d’orchestre
des bals de la cour et de l’Opéra. Lithographie de Cham. Imp. Thierry frères. Paris : G. Brandus et
S. Dufour, sans date. [BnF-Musique : Vm 12g 12922.]
5.15 – Fleur-de-thé. Caricature. Source inconnue. [BnF-BMO : SC ALB 976 (bas)]
5.16 – Fleur-de-thé. « Partition arrangée pour piano et théière ». Caricature tirée des « Documents
iconographiques de Fleur-de-thé » de la BnF. [BnF-ASP : 4-ICO THE-425]
5.17 – Fleur-de-thé. « M. Gourdon et M. Léonce », dessin de Théo. Imp. Berlauts, à Paris. Le Théâtre
illustré (Ex-Album des théâtres), n° 37 de juin 1869. [BnF-Tolbiac : YF-173]
5.18 – Fleur-de-thé. Dessins de Draner, ca. 1868, source inconnue. Aquarelle, en couleur. H. 31,0 x L.
23,5 cm. Contenant : (a) Désiré dans le rôle de Tien-Tien. [BnF-ASP : 4-O ICO THE-78 (17-4)] ;
(b) Léonce dans le rôle de Ka-O-Lin. [BnF-ASP : 4-O ICO THE-78 (17-2)] ; (c) Léonce dans le
rôle de Ka-O-Lin. [BnF-ASP : 4-O ICO THE-78 (17-3)] ; (d) Costume de seigneur. [BnF-ASP :
4-O ICO THE-78 (17-1)]
5.19 – Fleur-de-thé. Dessins signé Draner, sans date. Contenant : (a) Désiré dans le rôle de Tien-Tien ;
(b) Léonce dans le rôle de Ka-O-Lin ; (c) Tien-tien et Ka-o-lin. [BHVP, Fonds Bibliothèque de
l’Association de la régie théâtrale : F 18 (I)]
437
5.20 – « Fleur-de-thé. « Grâce à la vigilance de ses deux ébouriffants gardiens, Désiré et Léonce, cette
jolie fleur restera longtemps fraîche et éclatante. » Caricature tirée des « Documents
iconographiques de Fleur-de-thé ». [BnF-ASP : 4-ICO THE-425]
5.21 – Fleur-de-thé. Caricature, « Très fort le thé de Charles Lecoq ! Il empêchera plus d’un
compositeur de dormir. » Le Charivari, le 26 avril 1868.
5.22 – Fleur-de-thé. Programme du Théâtre de l’Athénée, 1868. [BnF-ASP : 4-ICO THE-425]
5.23 –Fleur-de-thé. Affiche. Publiée chez G. Brandus et S. Dufour, ca. 1868. Estampe, lithographie en
couleur. H. 82,0 x L. 61,0 cm [BnF-BMO : Aff Athénée II, n° 64 / BnF-Estampes : ENT KB-1-FT
6 / BnF-Estampes : ENT TB-1-FT 6.]
5.24 – « 10 novembre. Pour rendre hommage au public, les Chinois se font friser le dernier jour [de
l’Exposition universelle]. » Caricature, par Cham, publiée dans Le Charivari paru le 9 novembre
1878.
5.25 – Un souper à la maison d’or. « Mademoiselle Anna, des Délassements, dans le rôle de Zizine,
du “Château des fleurs” ». Photographiée par Bisson, [1861]. Tirée de Petite histoire de la revue
de fin d’année, Robert Dreyfus, Paris, éditions Charpentier et Fasquelle, 1909, p. 287.
5.26 – Manuscrit de la mise en scène de Fleur-de-thé, s. d. Contenant : (a) Plan de scène pour Acte I ;
(b) Plan de scène pour Acte II ; (c) Plan de scène pour Acte III. [BHVP, Fonds Bibliothèque de
l’Association de la régie théâtrale : F 18 (I)]
5.27 – Le Sire de Fisch Ton Kan. Affiche : « À notre ami le citoyen Brunel, commandant du 101
bataillon. Bouffonnerie créée par J. Arnaud, au Th. de l’Ambigu. Reprise par J. Perrin, au Cirque
national », illustration signée Longin, publiée in Martin Pénet (ed.), Mémoire de la chanson :
1200 chansons du Moyen-Âge à 1919. Paris : Omnibus, 2001, pp. 610-612.
5.28 – « L’Étoile, aux Bouffes ». Dessin de presse, par Félix Régamey. H. 27 cm x L. 21, 5 cm. Publié
en 1877. [BnF-ASP : 4-ICO THE 575]
5.29 – « L’Étoile, opéra-bouffe d’Emmanuel Chabrier ». Lithographie, par Eugène Lamy. H. 19 cm x
L. 26,5 cm. Publié ca. 1878. [BnF-Musique : Est. Chabrier 009].
5.30 – L’Étoile. 50 photographies (dont 3 sont présentées dans notre travail). Date inconnue.
Collection de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, Archives-photographiques,
fonds photographiques d’Atelier Nadar : (a) M. Daubray, dans le rôle d’Ouf [cote : NA 238
00913 N] ; (b) M. Daubray, dans le rôle d’Ouf Premier, Jolly dans le rôle d’Hérrisson de Porc
Epic [cote : NA 238 01542 P] ; (c) Mlle Luce, dans le rôle de Aloès [cote : NA 238 01827 N].
5.31 – Grand Mogol (Gymnase, à Marseille, 1877). Le Chinois interprété par Bouchet. Photographie
par Jean Fabre. Collection privée de Pierre Échinard. Publiée in Pierre Échinard et Michel
Martin-Roland (dir.), L’Esprit Gymnase : bicentenaire du théâtre, 1804-2004. Marseille : Jeanne
Laffitte, 2004, p. 73.
5.32 – « Monsieur et Mesdames Tin-Tun-Ling », caricature par Henri Meyer, publiée dans Sifflet, n°
178 du 20 juin 1875, avec annotation manuscrite. [BnF-Estampes : N-3 (TIN-TUN-LING)]
5.33 – Kosiki. Dessins de G. Fraipont : (a) 1er acte [BnF-BMO : Sc. ALB 968] ; (b) 2ème acte [BnF-
BMO : Sc. ALB 967]
5.34 – « Un théâtre chinois, à San Francisco », L’Univers illustré, le 1er août 1874.
5.35 – « Chinoiserie », Pellerin Série aux armes d’Epinal, n° 115. Imagerie Pellerin, 1899. Gravure sur
bois en couleur. H. 42,0 x L. 32,0 cm. [BnF- Estampes : LI- 59 (15) -FOL]
5.36 – Exhibition de la princesse et du prince chinois, les plus petits nains du monde. Affiche. S.l. s.n.,
dépôt légal 1857. Imprimerie Rouchon. Estampe, lithographie en couleur. H. 115 x L. 150 cm.
[BnF-Estampes : ENT DN- 1 (ROUCHON /4) -ROUL]
5.37 – (a) « Le Géant et le nain chinois. Dessin de M. Gaildran. », Exposition universelle de 1867
illustré, 22e livraison, le 18 juillet 1867, p. 352 ; (b) « Exposition universelle. – Le géant chinois
avec sa femme et le nain tartare. » L’Univers illustré, n° 666 du 19 octobre 1867.
5.38 – « Le géant chinois à l’Hippodrome. – Voyez, Zoé, parce que c’est un géant, ce n’est pas une
raison pour regarder comme ça ce monsieur sous le nez. – Eh bien, alors, comment faut-il donc
438
que je le regarde ? ». Caricature de la « Revue du mois », par Bertall, publiée dans L’Illustration
parue le 3 août 1878.
5.39 – « Folies-Bergère. Chang, géant chinois. Tous les soirs à 8h 1/2. » Affiche. Lith. F. Appel, ca.
1890. [BnF-Estampes : ENT DN- 1 (JACOBI) -ROUL]
5.40 – « Hippodrome au Pont de l’Alma. Ling-Look, représentation tous les soirs jusqu’au 5
novembre ». Affiche. Lithographie, en couleur, H. 60 x L. 40 cm. Charles Lévy, 1883. [BnF-
Estampes : ENT DN- 1 (LEVY, Charles /6)-FT 6]
5.41 – Théâtre chinois à l’Exposition universelle : (a) « Exposition universelle. – Une représentation
au Théâtre chinois, au Champ de Mars », dessin de Jules Pelcoq. L’Univers illustré, n° 667 du 26
octobre 1867 ; (b) « Le Théâtre chinois, au Champs-de-Mars », par Blanchard. L’Illustration
(journal universel), n° 1265 du 25 mai 1867 ; (c) « Représentation sur le théâtre chinois. –
Architecte, M. Chapon. Dessin de M. Lancelot. » L’Exposition universelle de 1867 illustrée,
publication internationale autorisée par la Commission Impériale [Rédacteur en chef : M. Fr.
Ducuing], 9e livraison du 22 mai 1867, p. 137.
5.42 – Ismaïloff en Chine. Affiche. Lithographie en couleurs. H. 56 x L. 47 cm. Paris, Imprimerie E.
Lévy. Dépôt Légal : 1879. [BnF-BMO : Affiches. 3e Hippodrome]
5.43 – Ismaïloff en Chine. Dessin d’Adrien Marie, publié dans Le Monde illustré, n° 1167 du 9 août
1879. [BnF-Tolbiac : MICROFILM M-8000 / BnF-BMO : SC-EST, scène album (4-6), pl. 749.]
V. 6. Illustrations du Chapitre VI
6.01 – (a) « Les Pavillons noirs, les mystères de la Chine ». Prospectus-réclame pour le roman Les
Mystères de la Chine de Pierre Zaccone. Illustrée par Léon Choubrac (dit Hope). Lithographie, en
couleur. H. 114 x L. 77 cm, ca. 1883. [BnF-Estampes : ENT DN- 1 (HOPE) -FT 6]
(b) « Porte-drapeau des Pavillons-Noirs », in Alfred Barbou, Les Héros de la France et les
Pavillons-Noirs, Paris, Librairie universelle d’Alfred Duquesne, 1884, p. 153. [BnF-Tolbiac : 8-
LH4-1653]
6.02 – Billet d’invitation pour Les Français au Tonkin, Théâtre du Château-d’Eau, 1885. [BnF-ASP :
8-RT-2929 (1).]
6.03 – Les Français au Tonkin. Impr. Gaffré & Cie, à Paris, 1885. (a) Distribution des personnages.
[BnF-ASP : 8-RF-45059] ; (b) Affiche. Lithographie en couleurs. H. 127 cm x L. 95 cm. [BnF-
BMO : AFFICHES ILLUSTREES-3]
6.04 – La Prise de Pékin. Affiche, lithographie en couleurs H. 186 cm x L. 131 cm. Impr. Émile Levy,
1892. Coll. Dutailly.
6.05 – Gravures reproduites d’une vieille édition chinoise du Pi-Pa-Ki, in Léon Charpentier, « Le Pi-
Pa-Ki ou l’Histoire du luth », La Revue (Ancienne Revue des revues), vol. XXXVII, deuxième
trimestre de l’année 1901, pp. 165-179. 8 gravures dont 4 sont présentées dans notre travail.
6.06 – La Marchande de sourires. Photographies prises par l’atelier de Nadar. Ministère de la Culture
(France) - Médiathèque de l'architecture et du patrimoine - diffusion RMN. 30 photographies dont
5 sont présentées dans notre travail. (a) Mlle Charton (dans le rôle de Tika) (cote : NA 238 06389
N) ; (b) M. Laroche (dans le rôle d’Ivashita) et Mlle Sanlaville (dans le rôle de Fleur-de-Roseau)
(cote : NA 238 06152 N) ; (c) Paul Mounet (dans le rôle du Prince de Maëda), M. Laroche (dans
le rôle d’Ivashita) (cote : NDR 017481).
6.07 – Exposition coloniale de Lyon : (a) Affiche pour les « Villages Annamites », illustrée par
Tamagno Francisco (1851-19 ?), lithographie, 60,7 x 80 cm. [Source : Bibliothèque municipale
de Lyon, cote : AffM0346] ; (b) « Le théâtre et le village annamites », Le Progrès Illustré (Lyon),
paru le 20 mai 1894.
6.08 – Taï-Tsoung. (a)-(z), 26 photographies anonymes, non datées. Collection du Musée Guimet.
439
6.09 – « Corpait dans le rôle de l’empereur Taï-Tsoung », reproduction d’un dessin de L. Bourgeois
(D’outremer et d’Orient mystique, p. 137). Reprise dans Cinquantenaire, p. 34. Ni l’une ni l’autre
n’indique la source du dessin.
6.10 – L’Avare chinois, à l’Odéon. Contenant : (a) coupure de presse, « la prière devant le temple du
génie de la neuvième montagne orientale », 19 x 22 cm. Photographie de Larcher, publiée dans
L’Illustration, n° 3390 du 15 février 1908. [BnF-ASP : 4 ICO THE-2540] ; (b) « 5e tableau, la
mort de l’avare. » [BnF-ASP : Recueil C. Mosnier, Archives A. Antoine] ; (c) Programme du
Théâtre de l’Odéon, 1908. [BnF-ASP : 8- RE- 2002.]
6.11 – Fan-Sou, ou Les Intrigues d’une soubrette. 5 gravures tirées de L’Universelle, les numéros
parus du 1er décembre 1900 au 15 janvier 1901. Illustrées par Félix Régamey et Noé Legrand : (a)
Couverture ; (b) Les guerriers chinois ; (c) Tshong chante la sérénade ; (d) Mme Han ; (e) Fan-
Sou donne à Si-Man la lettre de Tshong. [BnF-ASP : 8- RE- 1999].
6.12 – Léon Charpentier, Les Transmigrations de Yo-Tchéou, comédie chinoise Tao-Sse, d’après deux
pièces chinoises, Paris, La Société anonyme d’édition et de libraire, 1920. (a) Couverture :
« Costumes d’anciens lettrés chinois. Epoque classique »; (b) « Assesseurs de l’Empereur-aux-
Perles, dieu des Enfers, dans la mythologie chinoise ».
6.13 – (a-b) Les Yeux fermés, pantomime japonaise de Félix Régamey (livret) et Charles Malherbe
(musique). Publiée dans Figaro illustré, tome sixième, [juin] 1895, pp. 101-108. [BnF-
Tolbiac : FOL-LC13-9 (TER) / BnF-ASP : 8- RE- 2458 (3)].
6.14 – Le Voile du bonheur (comédie). Couverture des éditions d’Eugène Fasquelle, à Paris, 1901.
[Bibliothèque Historique de la Ville de Paris : V 56 (I)]
6.15 – Le Voile du bonheur (opéra comique). Photographies prises le 5 mai 1911. Médiathèque de
l’Architecture et du Patrimoine : Archives-photographiques, fonds photographiques d’Atelier
Nadar.
(a-f) Le baryton Jean-Alexis Perier joue le rôle de Tchang-I. 13 photographies dont 6 sont
présentées dans notre travail. [Cote : NA 23820545P – NA 23820551P ; NA 23820552R-NA
23820556R.]
(g-h) Le ténor Fernand Francelle joue le rôle de Tou-Fou. 2 photographies. [Cote : NA
23820465P – NA 23820466P.]
6.16 – (a) Le Voile du bonheur, film d’Albert Capellani, Affiche. Estampe, lithographe en couleur. H.
160 x L. 120 cm. Illustré par Atelier Faria, 1910. [BnF-ASP : AFF- 59360] ; (b) Le Voile du
bonheur, film d’Édouard-Émile Violet. Photographies publiées dans Le Théâtre, nouvelle série, n°
22, octobre 1923.
6.17 – La Vieille revue. Clichés de M. de M. : (a) « Mousmé (Mlle Ruvier). » ; (b) « Mousmé (Mlle
Ruvier) » ; (c) « La Princesse chinoise (Mlle Jeanne Saulier) » ; (d) « Lou-Phoc (Mlle Hélène
Maïa) » ; (e) « Daïta (Mlle Zambelli). Source : Le Théâtre, n° 112, août 1903 (II), pp. 13-17.
6.18 – La Chauve-souris. « Ramusine (M. Rocher) ». Source : Le Théâtre, n° 130, mai 1904, p. 8.
6.19 – La Troisième Lune. [Source : (a) Le Monde illustré, n° 2460 du 21 mai 1904, p. 419 ; (b) BnF-
ASP : 4-ICO THE-4156 ; (c, d, e, f, h, i, j, k, l, m) Le Théâtre, n° 131, juin 1904, pp. 15-24 ; (g)
Le Théâtre, n° 132, juin 1904 (II), p. 17.]
(a) « Mlle Thomassin, Théâtre du Vaudeville. 1er acte de La Troisième Lune, de Mme Fred Grasac
et M. Paul Ferrier. (Photographie de Boyer) »
(b) « Trois jolies artistes du théâtre du Vaudeville dans leurs rôles de la pièce chinoise. Mlle
Thomassin (Si-Si), Mlle Harley (Océan-de-Jade), Mlle Marthe Régnier (Ly). ». Photographie de
Reutlinger.
(c) « Théâtre du Vaudeville. La Troisième Lune. Si-Si. – Mlle Jeanne Thomassin. Photo
Reutlinger. » ;
(d) « Vaudeville. La Troisième Lune. Acte I. Œil-qui-voit-tout (Mme Daynes-Grassot), Si-Si
(Mlle Jeanne Thomassin), Hirondelle (Mlle. J. Bernou), Ly (Mlle M. Régnier), Fou-Pang (M.
Baron fils). Photo P. Boyer. Décor de M. Amable. »
440
(e) « Vaudeville. La Troisième Lune. Acte II. Yeen (M. Louis Gauthier), Si-Si (Mlle Jeanne
Thomassin). Photo P. Boyer. Décor de M. Amable. »
(f) « Théâtre du Vaudeville. La Troisième Lune. Si-Si. – Mlle Jeanne Thomassin. Photo
Reutlinger. »
(g) « Mlle Marthe Régnier, du Théâtre du Vaudeville. Rôle de Ly. La Troisième Lune. Photo
Reutlinger. »
(h) « Vaudeville. La Troisième Lune. Acte II. 3e Tableau. L’Intendant (M. Lalbarède), Wang (M.
Prika), Pan-tié-tsu (Mlle Verlain), Yé-la-é (Mlle Villars), Mme Tchéou (Mme C. Caron), Yeen
(M. Louis Gauthier), L’acrobate (M. Em. René), Hirondelle (Mlle. J. Bernou), Ly (Mlle M.
Régnier), Si-Si (Mlle Jeanne Thomassin). Photo P. Boyer. Décor de M. Amable. »
(i) « Théâtre du Vaudeville. La Troisième Lune. Acte III. Wang (M. Prika), Mme Wang (Mme Bl.
Méry), Ly (Mlle M. Régnier), Œil-qui-voit-tout (Mme Daynes-Grassot), Si-Si (Mlle Jeanne
Thomassin), Yeen (M. Louis Gauthier), Tchéou (M. Colombey), Mme Tchéou (Mme Cécile
Caron). Photo P. Boyer. Décor de M. Amable. »
(j) « Théâtre du Vaudeville. – La Troisième Lune. – Océan-de-Jade. – Mlle Harlay. » Photo
Reutlinger.
(k) « Théâtre du Vaudeville. La Troisième Lune. Hirondelle – Mlle J. Bernou. Photo Ogereau. »
(l) « Théâtre du Vaudeville. – La Troisième Lune. – Acte III. Si-Si (Mlle J. Thomassin), Cœur
d’Artichaut (Mlle Lebrec), Œil-qui-voit-tout (Mme Daynes-Grassot), Kikao (M. Derval), Ly
(Mlle M. Régnier), Fou-Pang (M. Baron fils) ».
(m) « Vaudeville. La Troisième Lune. Acte I. Œil-qui-voit-tout (Mme Daynes-Grassot), Kung-
Seng (M. Lérand), Ly (Mlle M. Régnier), Wang (M. Prika), Mme Wang (Mme Bl. Méry). Photo
P. Boyer. Décor de M. Amable. »
6.20 – Les Alliés en Chine. Affiche conçue par Louis Galice (1864-1935). [Collection privée. Source
inconnue.]
6.21 – La Prise de Pékin, pièce d’ombres à grand spectacle. Illustrations de R. de La Neizière, In-8°,
Paris, Hachette, [s.d.] [ca. 1901] : (a) couverture de la publication ; (b) principaux personnages,
gardes et porteurs de lanternes. [BnF-ASP : 4-RO-13782]
6.22 – Le Duel. (a) L’Évêque : « Madame ! J’ai été blessé… volontairement. C’est ma faute… », Acte
I, sc. 1. Photographie de H. Rudaux, in L’Illustration théâtrale, n° 12 du 13 mai 1905 ; (b) « […]
M. Von-Yun-Ta. Comédie-Française. Le Duel. Acte Ier. Photographie de Paul Boyer », in Le
Théâtre, n° 155, juin 1905 (I) ; (c) « Le Chinois agenouillé devant l’Évêque. », Acte I, sc. 3.
Photographie de Mathieu-Dereoche, in L’Illustration théâtrale, n° 12 du 13 mai 1905.
6.23 – Le Chat et le Chérubin. Photographies tirées du Théâtre, [1902]. Contenant : (a) Chim-Fang (M.
Lérand) ; (b) Chim Fang (M. Lérand) poignarde Sun Luey (M. Monteaux) qui essaie de sauver
Hoo Chée (Petite Prévost) ; (c) Tout le monde s’agenouille (Hoo-King (M. Prika), Ay-Yoi (Mlle
Bernou), Hoo-Chée (Petite Prévost), Hwah-Kwee (Mlle Herval), Sun-Luey (M. Monteaux)),
écoutant la prévoyance prononcée par Docteur Wing Shée (M. Maury) ; (d) Le policier (M.
Lebreton) passe par-devant la maison sans faire attention au cadavre de Chim-Fang (M. Lérand),
tué par Wing-Shée (M. Maury). [BnF-ASP : 4 ICO THE 4146]
6.24 – Divorçons ! « Des Prunelles (M. Noblet), Cyprienne (Mme Réjane), Divorçons (Acte II),
Vaudeville. Cliché Boyer. », in Le Théâtre, n° 36 (n° spécial consacré à Mme Réjane), juin 1900
(II), p. 16.
6.25 – Théodore Massiac, « Les Filles Jackson & Cie », article publié dans la bimensuelle La Revue
théâtrale, nouvelle série, n° 47, décembre 1905 (I), dessins de M. Marcel [BnF-Tolbiac : 4-YF-
218]. (a) Danseuse chinoise, danseuse cambodgienne ; (b) Danseuse javanaise, danseuse
japonaise.
6.26 – La Burgonde : (a) Maquette de costume pour la femme asiatique, dessinée par Charles
Bianchini [BnF-BMO : D-216 (55), pl. 4] ; (b) Maquette de costume pour 9 Chinoises, dessinée
441
par Charles Bianchini [BnF-BMO : D-216 (55), pl. 5]. (c) « Mlle L. Piron. Mlle Rachel Metzger »,
photographie de Mairet, in Le Théâtre, n° du Noël, 1898.
6.27 – « Comédien dans un rôle de femme », par Régnier, Imp. Litho. de Mlle Formentin, in La Chine,
mœurs, usages, costumes... d'après les dessins originaux du père Castiglione, du peintre chinois
pu-qua, de W. Alexandre, Chambres, Dadley, etc., rédigé par D. Bazin de Malpière, vol. 1, Paris,
Firmin-Didot, 1825-1827. [BnF-Tolbiac : FOL-O2N-90(1), (2) / BnF-Estampes : OE-4-4]
6.28 – L’Île du rêve. « Théâtre illustré. – L’Île du rêve, opéra de MM. A. Alexandre et G. Hartmann,
musique de M. Reynaldo Hahn. Représenté à l’Opéra-Comique. – Dessin de M. Parys. » Source :
Le Monde illustré, n° 2140 du 2 avril 1898.
442
Deuxième partie : bibliographie
VI. Bases de données
VI. 1. Catalogues des fonds
VI. 2. Bibliographies de répertoire
VI. 3. Annuaires, almanachs et annales
VI. 4. Bases de données numériques
X. Critiques
X. 1. Choix d’ouvrages et d’articles portant sur les auteurs et les pièces étudiés
X. 2. Études consacrées aux arts du spectacle (Histoire, esthétique et critique)
X. 3. Études consacrées aux œuvres orientales et à l’orientalisme
X. 4. Études chinoises
X. 5. Études consacrées au pays de l’Asie-Pacifiques (Japon, Corée et Indochine) et à l’Inde
X. 6. Critique littéraire
X. 7. Histoire et culture
443
Krakovitch, Odile. Censure des répertoires des grands théâtres parisiens, 1835-1906 : inventaire des
manuscrits des pièces (F18 669 à 1016) et des procès-verbaux des censeurs (F²¹ 966 à 995). Paris :
Archives nationales, 2003.
–––. Les Pièces de théâtre soumises à la censure, 1800-1830 : inventaire des manuscrits des pièces
(F18 581 à 668) et des procès-verbaux des censeurs (F21 966 à 995). Paris : Archives nationales,
1982.
Labat-Poussin, Brigitte. Archives du Théâtre national de l’Opéra (AJ13 1 à 1466) : inventaire. Paris :
Archives nationales, 1977.
Lajarte, Théodore de. Bibliothèque musicale du Théâtre de l’Opéra : catalogue historique,
chronologique, anecdotique. 2 vols. [Paris, 1878.] Genève : Slatkine Reprints, 1969.
[Talma, François-Joseph]. Catalogue de costumes, tableaux, dessins, gravures, et autres objets d’art
composant le cabinet de feu M. François-Joseph Talma. Paris : Monfort, 1827.
Karro-Pélisson, Françoise. L’Association des régisseurs de théâtre et la bibliothèque de mises en
scène 1911-1939. Thèse de 3e cycle, sous la direction d’André Tissier. Université Sorbonne
Nouvelle – Paris 3, 1981.
444
–––. Décors et costumes du XIXe siècle : collections de la Bibliothèque-Musée de l’Opéra. Tome I :
Opéra de Paris. Tome II : Théâtres et décorateurs. Paris : Bibliothèque nationale de France, 1987,
1993.
–––. Dictionnaire des théâtres parisiens au XIXe siècle. Paris : aux Amateurs de livres, 1989.
Wild, Nicole et David Charlton. Théâtre de l’Opéra-Comique, Paris : répertoire 1762-1972.
Sprimont : P. Mardaga, 2005.
Wild, Nicole et Tristan Rémy. Catalogues de la Bibliothèque de l’Opéra : Le Cirque, iconographie.
Paris : Bibliothèque nationale de France, 1969.
445
Project MUSE. Système d’archivage en ligne de publications académiques. Site : http://muse.jhu.edu
[accessible via le site de la Bibliothèque de l’Université Paris III.]
Société Paul Claudel. Site officiel : http://www.paul-claudel.net
Spielmann, Guy. Le Jeu de l’Ordre et du Chaos. Comédie et pouvoirs à la Fin de règne, 1673-1715.
Répertoire en ligne : https://www9.georgetown.edu/faculty/spielmag/finderegne/index.htm
VII. 1. Encyclopédies
D’Alembert, Diderot, et al. L’Encyclopédie, nouvelle édition. Genève : Pellet, 1778.
Encyclopédie de l’Islam. Nouvelle édition, établie avec le concours des principaux orientalistes. 13
tomes. Leiden et New York : E. J. Brill ; Paris : G.-P. Maisonneuve et Larose S. A., 1991-2009.
Herbelot, Barthélemy d’, Claude de Visdelou et Antoine Galland (dir.). Bibliothèque orientale, ou
Dictionnaire universel. 4 vols. La Haye : J. Neaulme & N. van Daalen, 1779.
Malte-Brun, Conrad. Géographie universelle, ou description de toutes les parties du monde. [Paris,
1810.] 5e éd. Corrigé et mise dans un nouvel ordre par Jean-Jacques-Nicolas Huot. 6 tomes. Paris :
Au bureau des publications illustrées, 1845-1847.
Millin, Aubin-Louis [Aubin-Louis Millin de Grandmaison]. Magasin encyclopédique, ou Journal des
sciences, des lettres et des arts. Paris : le Magasin encyclopédique, (et als.), 1792-1816.
Montor, Artaud (dir.). Encyclopédie des gens du monde, répertoire universel des sciences, des lettres
et des arts. 22 vols. Paris : Treuttel et Würtz, 1833-1844.
Ratier, Victor. « Franconi », in Artaud Montor (dir.), Encyclopédie des gens du monde, répertoire
universel des sciences, des lettres et des arts, tome 11, première partie. Paris : Treuttel et Würtz,
1839, pp. 594-595.
Rousselot de Surgy, Jacques-Philibert. Mélanges intéressants et curieux, ou abrégé d’histoire
naturelle. 10 vols. Paris : Durand (Panckoucke), 1763-1765.
Wahlen, Auguste. Mœurs, usages et costumes de tous les peuples du monde, d’après des documents
authentiques et les voyages les plus récents. 4 vols. Bruxelles : Librairie historique-artistique,
1843-1844.
446
VII. 3. Dictionnaires spécialisés
Alexandre, Roger. Les Mots qui restent : répertoire de citations françaises, expressions et formules
proverbiales, avec une indication précise des sources. [Supplémentaire à la 3e éd. du Musée de la
conversation.] Paris : E. Bouillon, 1901.
Aron, Paul. Article « Revue », in Michel Corvin (dir.), Dictionnaire encyclopédique du Théâtre.
[Paris : Bordas, 1995.] Paris : Larousse/VUEF, 2003, pp. 1396-1397.
Block, Maurice (dir.). Dictionnaire général de la politique. 2 tomes. Paris : O. Lorenz, 1863-1864.
Brunel, Pierre (dir.). Dictionnaire des mythes littéraires. Nouvelle édition augmentée. Monaco :
Rocher, 1994.
Chaudon, Louis Maïeul (dir.) Nouveau dictionnaire historique. Caen : chez G. Le Roy ; Paris : chez
Le Jay, 1779.
Chevalier, Jean (dir.). Dictionnaire des symboles. Avec la collaboration d’Alain Gheerbrant. Dessins
de Bernard Gandet. 4 vols. Paris : Seghers, 1973-1974.
Clément, Félix et Pierre Larousse. Dictionnaire lyrique, ou Histoire des opéras. [Paris, 1876-1881.]
Paris : C. Tchou pour la Bibliothèque des introuvables, 1999.
Corvin, Michel (dir.). Dictionnaire encyclopédique du Théâtre. [Paris : Bordas, 1995.] Paris :
Larousse, 2003.
Denis, Dominique. Dictionnaire illustré des mots usuels et locutions du cirque. 3 vols. Paris :
Association Arts des 2 mondes, 1997-2001.
De Gubernatis, Angelo. Dictionnaire international des écrivains du jour. 3 vols. Florence : L. Niccolai,
1888-1891.
Dictionnaire de l’Académie française. 6e éd., 1835.
Dictionnaire de la civilisation chinoise. Paris : Albin Michel, collection Encyclopædia universalis,
1998.
Dozy, R. P. A. [Reinhart Pieter Anne]. Dictionnaire détaillé des noms des vêtements chez les Arabes.
Amsterdam : J. Müller, 1845.
Duckett, William (dir.). Dictionnaire de la conversation et de la lecture inventaire raisonné des
notions générales les plus indispensables à tous. 2e édition. 16 vols. Paris : Aux comptoirs de la
direction : M. Lévy frères : [puis] Firmin Didot, frères, fils, 1853-1860.
Fauquet, Joël-Marie (dir.). Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle. Paris : Fayard, 2003.
Fenning, Daniel (dir.). The Royal English Dictionary : or, A treasury of the English language. 2e
édition. Londres : R. Baldwin et J. Richardson, 1763.
Goizet, J. et A. Burtal. Dictionnaire universel du théâtre en France et du théâtre français à l’étranger.
Paris : chez les auteurs, 1867.
Herbelot, Barthélemy d’. Bibliothèque orientale, ou Dictionnaire universel. Complété par Claude de
Visdelou et Antoine Galland. 4 tomes. [Paris, 1697.] La Haye : J. Neaulme & N. van Daalen,
1779.
Kieffer, Jean Daniel et Thomas Xavier Bianchi (dir.). Dictionnaire turc-français. 2 vols. Paris :
Imprimerie royale, 1835-1837.
La Martinière, Antoine Augustin Bruzen de. Le Grand dictionnaire géographique et critique. [La
Haye : P. Gosse, R.-C. Alberts, P. de Hondt, 1726-1739. 9 tomes en 10 vols.] Paris : les libraires
associés, 1768, 6 vols.
La Porte, abbé Joseph de et Sébastien-Roch-Nicolas de Chamfort. Dictionnaire dramatique, contenant
l'histoire des théâtres, les règles du genre dramatique, les observations des maîtres les plus
célèbres et des réflexions nouvelles sur les spectacles. 3 vols. Paris : Lacombe, 1776.
Littré, Émile (dir.). Dictionnaire de la langue française. Paris : Hachette, 1863-1877.
Luo, Zhufeng (dir.). Hanyu Da Cidian (« Le Grand dictionnaire de la langue chinoise »), 12 tomes en
22 vols. Shanghai : Hanyu Da Cidian Chubanshe, 2001.
Millin, Aubin-Louis [Aubin-Louis Millin de Grandmaison]. Dictionnaire des beaux-arts. 3 tomes.
Paris : Crapelet-Desray, 1806.
447
Parfaict, François et Claude Parfaict et Godin d’Abguerbe. Dictionnaire des théâtres de Paris. 7 vols.
Paris : Lambert, 1756 ; Paris : Rozet, 1767 [avec additions et corrections.].
Pavis, Patrice. Dictionnaire du théâtre. Paris : Armand Colin, 2004.
Pénet, Martin (dir.). Mémoire de la chanson : 1200 chansons du Moyen-Âge à 1919. Paris : Omnibus,
2001.
Pierron, Agnès. Dictionnaire de la langue du cirque : des mots dans la sciure. Paris : Stock, 2003.
Pougin, Arthur. Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent. Paris :
Librairie de Firmin-Didot, 1885.
Rey, Alain (dir.). Le Grand Robert de la langue française. Paris : Le Robert, 2010.
–––. Le Robert dictionnaire historique de la langue française. Paris : Le Robert, 1992.
Sadie, Stanley et John Tyrrell (éd.). The New Grove Dictionary of Music and Musicians. 29 vols. New
York : Grove ; Londres : Macmillan, 2001.
Schipper, Kristofer. « Taoïsme », Dictionnaire de la civilisation chinoise. Paris : Encyclopædia
universalis et Albin Michel, 1998, pp. 696-710.
Schneider, Herbert. Article « Cheval de bronze », in Joël-Marie Fauquet (dir.), Dictionnaire de la
musique en France au XIXe siècle. Paris : Fayard, 2003, p. 266.
Wahlen, Auguste. Nouveau dictionnaire de la conversation. 25 vols. Bruxelles : Librairie Historique-
Artistique, 1842-1845.
VIII. 1. Recueils
Album des Saint-Aubin. Musée du Louvre – Département des Arts graphiques, fonds des dessins et
miniatures.
Bon Genre (Le) : Observations sur les modes et les usages de Paris pour servir d’explication aux 115
caricatures publiées sous le titre de bon genre, depuis le commencement du dix-neuvième siècle.
Gravure par E. Doisteu. Coloris par J. Saudé. Préface de Léon Moussinac. Réimpression du
Recueil de 1827. Paris : Impr. R. Tamburro ; éditions Albert Lévy, 1931.
Boquet, Louis-René. Recueil de dessins de mobilier et de costumes de théâtre. [BnF-Estampes : TB-
20B-PET FOL (3).]
Cham. Albums de caricatures. Paris : Arnauld de Vresse, 1858-1862.
« Décoration. Arabesques et panneaux décoratifs. Pays divers. Chinoiseries. XVIIIe siècle. France-Z ».
Bibliothèque des Arts décoratifs, collection iconographique Maciet. [Cote : Maciet 229/10/60.]
Hennin, Michel. Recueil. Estampes relatives à l’Histoire de France. Citée dans notre travail : tome 73,
période 1698-1700. Publié Chez N. Bonnart, à Paris, s.d.
Illustrations d’Histoire naturelle du genre humain. 2 vols. Graveurs : J.-B. Racine et Duhamel. Auteur
du texte : J.-J. Virey. Paris : Impr. de F. Dufart, An IX (1800-1801).
Lejeune, Robert. Honoré Daumier. Traduit et remanié par Gustave Roud. [Zürich : Büchergilde
Gutenberg, 1946.] Lausanne : Clairefontaine, 1953.
Petite galerie dramatique ou Recueil de différents costumes d'acteurs des théâtres de la capitale. 8
vols. Paris : Martinet [et Hautecœur], 1796-1843. [Publiées par Martinet seul de 1796 à 1821,
puis par Martinet et son gendre Hautecœur de 1822 à 1843.]
[Voltaire.] Cent gravures pour les Œuvres de Voltaire, convenables à toutes les éditions in-8 et in-12,
publiées d'après les dessins de Deveria et Chasselat et autres. Daté 1826 d'après la mention ms.
au crayon. [BnF-Tolbiac : Z-26520.]
448
[Voltaire.] Suite de 109 gravures d'après les dessins de Moreau le Jeune pour les Œuvres complètes
de Voltaire. Nouvelle édition tirée sur les planches originales. Paris : Garnier frères, (s. d.). [BnF-
Estampes : TB- 555 -4.]
Vinck, Carl de. Recueil. Un siècle d’Histoire de France par l’estampe, 1770-1870. 248 vols. Cité dans
notre travail : vol. 2, « Ancien Régime et Révolution », pièces 187-345. [BnF-Estampes :
RESERVE QB- 370 -FT 4; RESERVE QB- 370 (I) -FT 6 ; RESERVE QB- 370 (2) -FT 4.]
449
Théâtre de l’Œuvre (Le), 1893-1900 : naissance du théâtre moderne. Musée d’Orsay, Paris, 12 avril-
13 juillet 2005. Catalogue sous la direction de Serge Lemoine. Paris : Musée d’Orsay ; Milan : 5
Continents, 2005.
Trois siècles d’Opéra à Lyon : de l’Académie royale de musique à l’Opéra-nouveau. Bibliothèque de
la Ville de Lyon, mai-septembre 1982. Exposition organisée par l’Association des amis de la
Bibliothèque municipale de Lyon. Lyon : Bibliothèque municipale, 1982.
Utopie, la quête de la société idéale en Occident. Bibliothèque nationale de France, 4 avril-9 juillet
2000. Catalogue par Lyman Tower Sargent et Roland Schaer. Paris : Bibliothèque nationale de
France et Fayard, 2000.
Voltaire et la Chine. Textes réunis par l’Institut et Musée Voltaire, à Genève, pour l’Exposition
synonyme du 5 mai au 4 octobre 2003. Saint-Malo : éd. Cristel, 2003.
Watteau et la fête galante. Musée des beaux-arts de Valenciennes, 5 mars-14 juin 2004. Catalogue par
Martin Eidelberg, Barbara Anderman, Guillaume Glorieux, et al. Paris : Réunion des musées
nationaux ; Valenciennes : Musée des beaux-arts de Valenciennes, 2004.
450
Fernald, Chester Bailey. The Cat and the Cherub, and Other Stories (Short Story Index Reprint Series,
issue 3 of French’s acting edition). Manchester : Ayer Publishing Reprints, 1970.
Fournier, Édouard. Variétés historiques et littéraires : recueil de pièces volantes rares et curieuses en
prose et en vers, tome 8. Paris : P. Jannet, 1857.
Gabel, Émile. Cyrano à Saïgon, 1er acte de la revue en 3 actes qui sera représentée sur le Nouveau-
Théâtre, le 12 avril 1900. Saïgon : Claude, 1900. [BnF-ASP : 8- RF- 71424]
Gautier, Judith et Pierre Loti. La Fille du ciel, drame chinois. Paris : Calmann-Lévy, 1911.
Gautier, Théophile. Théâtre de poche. Paris : Librairie nouvelle, 1855.
Gherardi, Evaristo (éd.). Le Théâtre italien de Gherardi, ou le Recueil général de toutes les comédies
et scènes françaises jouées par les comédiens italiens du roi, pendant tout le temps qu’ils ont été
au service de Sa Majesté. 6 vols. Amsterdam : A. Braakman, 1701 ; Paris : Pierre Witte, 1717 ;
Paris : Briasson, 1741.
Guimet, Émile. Promenades japonaises. Avec dessins d’après nature par Félix Régamey. [Paris, G.
Charpentier, 1878] Paris : Institut national des langues et civilisations orientales, 1975.
Henry, Luigi. Chao-Kang, ballot istorico, in tre atti, rappresentato la prima volta in Napoli, nel real
teatro S. Carlo. Napoli : Dalla Tipografia Flautina, 1820.
Hervey-Saint-Denys, (marquis d’). Trois nouvelles chinoises. Paris : Ernest Leroux, 1885.
Hugo, Victor. Œuvres complètes : Théâtre I. Sous la direction d’Anne Ubersfeld. Paris : Robert
Laffont, 1985.
Hugo, Victor. « Actes et Paroles II : Pendant l’exil, 1852-1870 », in Guy Schoeller (dir.), Œuvres
complètes : Politique. Paris : Robert Laffont, 1985.
Laloy, Louis. Le Rêve du millet jaune, drame taoïste du XIIIe siècle. Paris : Desclée de Brouwer, 1935.
Leroy, Jean-Pierre (dir.). Pichou : Les Folies de Cardenio, tragédie-comédie suivie des autres œuvres
poétiques. Paris-Genève : Droz, 1989.
Lesage, Alain-René. Œuvres choisies de Le Sage. 16 vols. Paris : Leblanc, 1810.
Lesage, Alain-René et D’Orneval. Le Théâtre de la foire, ou l’opéra comique contenant les meilleures
pièces qui ont été représentées aux foires de S. Germain et de S. Laurent. 9 vols. Paris, 1721-
1737. [Étienne Ganeau, 1721-1724 ; Chez la Veuve Pissot, 1728 ; Chez Pierre Gandouin, 1731-
1737.]
Li, Tche-houa. Le Signe de patience et autres pièces du théâtre des Yuan. Paris : Gallimard/Unesco,
1963.
Loti, Pierre. « Le Fils du Ciel : prologue inédit », supplément aux Annales politiques et littéraires du
22 septembre 1912. [BnF-ASP : 8- RF- 59964]
[Malezieu, Nicolas de et Charles-Claude Genest et Guillaume Amfrye de Chaulieu.] Les
Divertissements de Seaux. Trévoux : chez Étienne Ganeau, 1712.
Naudet, Joseph (trad.). Théâtre de Plaute. 9 vols. Paris : C.-L.-F. Panckoucke, 1831-1838.
Petitot, Claude-Bernard (éd.). Répertoire du théâtre français, ou Recueil des tragédies et comédies
restées au théâtre depuis Rotrou, pour faire suite aux éditions in-8°, de Corneille, Molière, Racine,
Regnard, Crébillon, et au théâtre de Voltaire, avec des notices sur chaque auteur et l’examen de
chaque pièce. 23 vols. Paris : Perlet, 1803-1804.
Quinault, Philippe. Le Théâtre de M. Quinault. Contenant ses Tragédies, Comédies et Opéra. 5 vols.
Paris : Pierre Ribou, 1715.
Recueil des Comédies et ballets, représentés sur le théâtre des petits appartements pendant l’hiver de
1747 à 1748, (1748-1749, 1749-1750.) 3 vols. [S. l.] : Imprimé par exprès commandement de Sa
Majesté, 1747-1750. [Les Tomes 2 et 3 portent pour titre : Divertissements du théâtre des petits
appartements.]
Recueil général des opéras représentés par l’Académie royale de musique, depuis son établissement.
16 vols. Paris : C. Ballard, 1703-1745.
Regnard, Jean-François. Œuvres complètes de Regnard, avec des avertissements et des remarques sur
chaque pièce, par M. Garnier. Nouvelle édition. 6 vols. Paris : Lefèvre, 1810.
451
–––. Œuvres complètes de J.-F. Regnard. Nouvelle édition avec des variantes et des notes. 6 vols.
Paris : Crapelet, 1822.
–––. Œuvres complètes de J.-F. Regnard. Nouvelle édition avec des variantes et des notes. 6 vols.
Paris : J.-L.-J. Brière, 1823.
Riccoboni, Luigi (éd.). Nouveau théâtre italien, ou Recueil général de toutes les pièces représentées
par les Comédiens de S.A.R. Monseigneur le duc d’Orléans, régent du royaume. 2 vols. Paris :
chez Antoine-Urbain Coustelier, 1718.
Roberto, Eugène. Édition critique. Victor Segalen : Le Combat pour le sol, collection « Cahier
d’inédits », n° 5. Ottawa : Université de l’Ottawa, 1974.
Roucher, Jean-Antoine. Les Mois : poème en douze chants, tome premier. Paris : l’Imprimerie de
Quillau, 1779.
Royer, Alphonse (trad.). Théâtre fiabesque. Paris : Michel Lévy frères, 1865.
Scribe, Eugène. Œuvres illustrées de M. Eugène Scribe. 12 vols. Paris : Vialat, 1853-1857.
Vadé, Jean-Joseph. Œuvres de M. Vadé, ou Recueil des opéra-comiques, parodies et pièces fugitives
de cet auteur, avec les airs, rondes et vaudevilles notés. Nouvelle édition. 4 vols. Paris : N.-B.
Duchesne, 1758.
Voltaire. Œuvres complètes. Les éditions citées dans notre travail : (1) Genève : Cramer [et Bardin],
1765-1775 (57 vols.) ; (2) Paris : Kehl, 1785-1789 (70 vols.) ; (3) Paris : A.-A. Renouard, 1819-
1825 (66 vols.) ; (4) Paris : Furne, 1835-1838 (12 vols.) ; (5) Paris : Hachette, 1859-1862 (éd. de
Ch. Lahure, 35 vols.) ; (6) Paris : Laplace, Sanchez et Cie, 1871-1874 [recueil de œuvres
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Rolland, Romain. Le Cloître de la rue d’Ulm : journal de Romain Rolland à l'École normale, 1886-
1889. Paris : Albin Michel, coll. « Cahiers Romain Rolland », 1952.
Rougemont, Frédéric de. Précis d’ethnographie, de statistique et de géographie historique, ou Essai
d’une géographie de l’homme. 2 tomes. Neuchâtel : J.-P. Michaud, 1835-1837.
Sébillot, Paul-Yves. Folklore et curiosités du vieux Paris. Paris : Maisonneuve et Larose, 2002.
Seguin, Jean-Pierre. Nouvelle à sensation : canards du XIXe siècle. Paris : Armand Colin, 1959.
Silveira, Piedade da et Françoise Tétart-Vittu. Des magasins de nouveautés aux grands magasins :
Aux deux magots 1813-1881. Fontenay-sous-Bois : Caisse de Retraites des Entreprises à
Commerces multiples, 1993.
Vasseur, Édouard. L’Exposition universelle de 1867 à Paris : aperçu d’un phénomène de mode
français au XIXe siècle (titre de la version de la soutenance). Thèse de doctorat, sous la direction
de Dominique Barjot. Université Paris-Sorbonne, 2005.
Weigel, Philippe. Les Spectacles dans les récits de voyage de langue française de la deuxième moitié
du XIXe siècle. Thèse de doctorat, sous la direction de François Moureau. Université Paris-
Sorbonne, 1998.
Weisgerber, Jean. Les Masques fragiles : esthétique et formes de la littérature rococo. Paris : l’Âge
d’homme, 1991.
Winock, Michel. Clemenceau. Paris : Perrin, 2007.
Ba-ta-clan. Les Bavards. Compositeur : Jacques Offenbach. Orchestre : Jean-François Paillard. Chœur
et Orchestre Lyrique de l’O.R.T.F. Conducteur : Marcel Couraud. 2 disques. Paris : Erato, 1997.
Cheval de bronze (Le). Compositeur : Daniel-François Auber. Chœur et New Philharmonic Radio
Orchetra. Conducteur : Jean-Pierre Marty. Enregistré à Paris, en 1979. 2 disques. Gala, 2002.
Musiques à la cour du Roi Soleil. Compositeurs : Pierre Danican Philidor, André Danican Philidor,
Anne Danican Philidor. Ensemble instrumental : Ensemble Philidor. Direction d’orchestre : Éric
Baude. Enregistré au Temple Saint Marcel, Paris, 2001. Produit par Arpège, 2001. Copyright de
Calliope, 2002.
Le Sire de Fisch Ton Kan, bouffonnerie, parole par Paul Burani, musique par Antonin Louis.
Enregistrements sonores : éditions Paul Barré (1960) et Francesca Solleville (1971).
Voyage en Chine (Le). Compositeur : François Bazin. Chœurs et Orchestre Lyrique de l’ORTF,
enregistré le 23 août 1958. Direction d’orchestre : Marcel Cariven. Éditeur commercial : Musidisc.
Distributeur : Musidisc. Producteurs : Musidisc et Institut national de l’audiovisuel. Série
« Maître Pathelin ». 1 disque compact et une brochure. Levallois : Musidisc, 1993. [Accessible
via le site d’Internet de l’Institut National de l'Audiovisuel (INA) :
http://www.ina.fr/audio/PHD89041424/le-voyage-en-chine.fr.html]
476
ANNEXES
477
478
Annexe 1.1 : Répertoire (avant 1789)
Annexe 1.2 : Répertoire (après 1789)
Annexe 1.3 : Spectacles donnés par les Chinois
Annexe 3 : Chronologie des pièces du théâtre chinois traduites en français avant 1900
Annexe 5 : Glossaire
479
480
Annexe 1.1 : Répertoire (avant 1789)
481
Com. Rigel Paris : T. Brunet,
10 Automate (L') Cuinet-Dorbeil ITA 20/08/1781
-air. 1781.
Amsterdam : E.
11 Avare (L') Com. Molière PR 09/09/1668
Daniel, 1669.
Bains de la Porte Germain
Paris : Briasson,
12 Saint-Bernard Com. Boffrand (ou ITA 12/07/1696
1741.
(Les) Bois-Franc)
1771 ou
13 Ballet chinois (Le) Bal. Anonyme COL
1772
Bal.-
Jean-Georges
14 Ballet chinois (Le) pan., OPR 27/01/1778
Noverre
Int.
Ballet des
Anne-Claude- Grandval Château
porcelaines (Le), Bal.- BnF Manuscrit
15 Philippe Comte de 1740
ou le prince Pot-à- pan. Arsenal 2748
de Caylus Morville
thé
21 Chinois 1703
Bertrand,
24 Chinois (Les) Com. FSG 16/02/1707
Selles
Jean-François
25 Chinois (Les) Com. Regnard, ITA 13/12/1692 Paris : Brière, 1823
Dufresny
Gioacchino
Cocchi,
Charles-Simon Giovanni
Chinois (Les), ou Par., Paris : Veuve
Favart, Battista
26 les Chinois de Com. ITA 18/03/1756 Delormel et fils,
Jacques-André Pergolesi,
retour -Lyr. 1756.
Naigeon Sellitti
482
Pierre-Antoine-
Deux porteurs de Com. Londres : Valade's
31 Augustin de Trianon 26/07/1781
chaise (Les) - prd. successors, 1785
Piis, Barré
Disgrâces
ITA
32 d'Arlequin roi de la 10/02/1695
(VER)
Chine (Les)
Jean-François
33 Divorce (Le) Com. ITA 17/03/1688 Paris : Brière, 1823
Regnard
Drame en musique
pour servir Métastase
34 Op. Vienne, 1756
d’introduction à un (traduction)
ballet chinois
Entrée de
35 l'ambassadeur de Pan. Anonyme COL Juillet/1777
la Chine (L')
Entrée en France
Bal.- Anonyme
36 de Don Quichotte
mas. (traduction) 1616-1625
de la Manche (L')
François-
Ernelinde, Louis-René
Tra. - Antoine-Henri André-Danican Paris : De Lormel,
37 princesse de Boquet OPR 24/11/1767
lyr. Poinsinet Philidor 1767
Norvège
483
François- Jean-Joseph
Rodolphe Paris: P.-R.-C.
51 Isménor Dra. Georges VER 17/11/1773
Ballard, 1773
Desfontaines
Antoine André-Cardinal
Destouches OPR (à Paris : Ballard,
52 Issé Pas. Houdar de la 17/12/1697
Trianon) 1703
Mothe
Antoine
Italie galante (L’), Paris : Prault aîné,
53 Com. Houdar de La FRA 11/05/1731
ou les contes 1754.
Motte
Jardins chinois Bal.- Dehesse,
54 ITA 24/06/1754
(Les) pan. Antoine Pitrot
Jeune Chinoise BnF Manuscrit
55 (La), ou le Com. Anonyme 1789 (?) Fonds Français
Français en Chine 9278
La Haye : Étienne
56 Loterie (La) Com. Dancourt FRA 10/07/1697
Foulque, 1706
Boucher (ou
Paris : Veuve
Claude-Henri
57 Magots (Les) Par. ITA 19/03/1756 Delormel et Fils,
de Fusée de
1756
Voisenon)
Maison de Paris : Vve de L.
58 Com. Dancourt FRA 27/01/1688
campagne (La) Gontier, 1691.
Gluck BnF Manuscrit
Com. Pierre-Louis
59 Mandarin (Le) Fonds Français
-air. Moline
9245
André-Danican
Philidor, dit Jean Bérain
Mascarade du roi
60 Mas. anonyme l'aîné MARLY 07/01/1700
de la Chine
Matrone chinoise
Com. Pierre-René Paris : C.
61 (La), ou l'épreuve ITA 26/12/1764
- bal. Lemonnier Hérissant, 1764
ridicule
Mendiants chinois
62 FRA Eté/1753
(Les) Bugiani
Métamorphoses Jean-Georges
63 Bal. ?
chinoises (Les) Noverre
Devant le
Par., Jean-Étienne Paris : Ballard,
64 Momie roi, à Août/1778
Op. Despréaux 1805.
Choisy
Naufrage au Port-
Mouret
à-l'Anglais (Le), ou Jacques Paris : A.- U.
65 Com. ITA 25/04/1718
les Nouvelles Autreau Coustelier, 1718
débarquées
Noces chinoises Bal.-
66 Dehesse ITA 18/03/1756
(Les) pan.
Jean-Claude
Opérateur Barry Gillier Paris : P. Ribou,
67 Com. Dancourt 11/10/1702
(L') 1702.
484
Deshayes) Sa Majesté, 1749.
Sans lieu de la
publication.
chez Imprimé par exprès
François- Courtenvaux,
Opérateur chinois Mme de commandement de
Par. - Augustin Guillemain
69 (L'), ou le père Marck 12/12/1748 Sa Majesté, 1749.
pan. Paradis de
respecté (Versaille Sans lieu de la
Moncrif
s) publication.
Orphelin de la
70 Pan. Anonyme VAX 01/05/1788
Chine (L')
Orphelin de la Fouré Paris : Cramer,
71 Tra. Voltaire FRA 20/08/1755
Chine (L') 1755
Jean-François Jean-Philippe
Com. Rameau Paris : Lormel,
72 Paladins (Les) Duplat OPR 12/02/1760
- bal. 1760.
Monticourt
Alain-René Gilliers
Princesse de la Paris : Pierre
75 O.-c. Lesage, FSL 25/06/1729
Chine (La) Gandouin, 1731
d'Orneval
Louis-
76 Rage d'amour (La) Par. Archambault ITA 19/03/1778 Paris : Vente, 1778
Dorvigny
Aubert Paris : chez la
Reine des Péris
77 Com. Louis Fuzelier OPR 10/04/1725 veuve de Pierre
(La)
Ribou, 1725
Roi de Tonquin
78 Tra. Londres, 1782
(Le)
Tra., Philippe Lully Paris : Pierre
79 Roland VER 08/01/1685
air. Quinault Ribou, 1715.
Jean-François
Marmontel Niccolò Piccini
Tra. Paris : Père de
80 Roland [d’après OPR 27/01/1778
lyr. Lormel, 1778
Philippe
Quinault]
Op.- Niel
81 Romans (Les) Bonneval OPR 23/08/1736 [Non publié ?]
bal.
Jean-Antoine
82 Superstitieux (Les) Com. ITA 05/03/1740 Londres, 1774
Romagnesi
Joseph
Tambour nocturne
Addison, Paris : Duchesne,
83 (Le), ou le Mari Com. 16/10/1762
Néricault 1765
devin
Destouches
Charles-Jacob
84 Tarare régnant Mél. BJL 07/07/1778
Guillemain
Bal.- Dehesse,
85 Tartares (Les) ITA 14/08/1755
pan. Antoine Pitrot
86 Tartares généreux Bal. FRA 1756
485
Bouqueton
Tchao ou le
BnF-ASP : MS
87 marché aux Anonyme BCL 13/11/1787
Douay 2363.
femmes
Tchao-chi-cou-
Père Joseph-
eulh, ou l'Orphelin Paris : P.-G. Le
88 Tra. Henri de
de la maison de Mercier, 1735
Prémare
Tchao
Anonyme (ou Pékin : chez Pra-
89 Télésis Tra. Eustache Patchichaki-Ka,
Lenoble ?) 1751
Trois cousines
90 Com. Dancourt FRA 18/10/1700 Paris : Perlet, 1804
(Les)
Mars [?]
91 Troubadours (Les) Op. OPR
1760
486
Annexe 1.2 : Répertoire (après 1789)
Abréviations des noms des salles :
ALB = Alcazar (Bordeaux) HIP2 = Second Hippodrome (Porte Dauphine,
ALL = Alcazar (Lyon) 1856-1869) (Paris)
ALM = Alcazar (Marseille) HIP3 = Troisième Hippodrome (Pont de l’Alma,
ALP = Alcazar (Paris) 1877-1892) (Paris)
AMB = Ambigu-Comique (Paris) HIS = Théâtre Historique (Paris)
ASN = Théâtre municipal (Asnières) HRZ = Salle Henri Herz (Paris)
ASO = Théâtre des Associés (Paris) INC = Théâtre Indo-chinois (Exposition universelle)
ATH = Théâtre de l’Athénée (Paris) (Paris)
BAG = Théâtre des Batignolles (Paris) INV = Invalides (Paris)
BDN = Bouffes du Nord (Paris) JNA = Théâtre des Jeunes-Artistes (rue de Bondy,
BEL = Théâtre de la Belleville (Paris) 1799-1807) (Paris)
BMC = Théâtre Beaumarchais (Paris) LFU = Théâtre Loïe Fuller (Exposition universelle)
BOU = Bouffes-Parisiens (Paris) (Paris)
BTC = Bataclan (Paris) LUX = Théâtre du Luxembourg (Paris)
CBR = Concert Brunin (Paris) LZR = Théâtre Lazari (Paris)
CAD = Casino de la Rue Cadet (Paris) MAR = Théâtre du Marais (Paris)
CCA = Concert d’Arras (Arras) MLR = Théâtre Molière (Paris)
CCP = Concert Parisien (Paris) MON = Théâtre Montansier (Versailles)
CHA = [Ancien Cirque-Olympique] Théâtre MOR = Spectacle de Moreau (au Palais-Royal)
Impérial du Châtelet (1862- ) (Paris) (Paris)
CHE = Cirque d’été (aux Champs-Élysées) : Cirque MPL = Théâtre à la ville de Montpellier
national (1841-1853) ; Cirque de l’Impératrice MPN = Théâtre Montparnasse (Paris)
(1853-1870) ; Cirque d’été (1871-1900) (Paris) NAP = Cirque d’hiver : Cirque Napoléon (1852-
COM = Théâtre de M. Comte (Paris) 1870) ; Cirque national (1870-1873) ; Cirque
CPT = Concert de la Poste (Paris) d’Hiver (1873- ) (Paris)
CRR = Cercle de la Rue Royale (Paris) NAU = Théâtre Nautique (Paris)
CTE = Théâtre de la Cité (Paris) NC = Nouveau Cirque (1886-1926) (Paris)
DEL = Délassements-Comiques ; [1841-1864 : dir. NOU = Nouveau Théâtre (Paris)
Madame Saqui] (Paris) NTV = Nouveau Tivoli (Paris)
DIO = Diorama (Paris) OC = Opéra-Comique (Paris)
DJA = Théâtre Déjazet (Paris) ODE = Odéon (Paris)
EAU = Théâtre du Château-d’Eau (Paris) OLR = Fantaisies Oller (Paris)
EDN = Eden Concert (Paris) OLY = Cirque-Olympique [1er : 1807-1816 ; 2e :
EDU = Maisons d’éducation (Paris / nationale) 1817-1826 ; 3e (boulevard du Temple) : 1827-
EPQ = Époque (Paris) 1847] ; Théâtre National (1848-1853) ; Théâtre
EXL = Excelsior Concert (Paris) Impérial du Cirque (1853-1862) (Paris)
FER = Cirque Fernando (Paris) OMC = Théâtre des Ombres chinoises (Paris)
FLD = Folies-Dramatiques (Paris) OMS = Théâtre de Séraphin (Paris)
FRA = Comédie-Française (Paris) OPR = Opéra (Paris)
FUN = Funambules (Paris) PET = Petit Théâtre (Paris)
GAI = Gaîté (Paris) PLY = Hôtel de Mme de Poilly (Paris)
GBN = Gobelins (Paris) PR = Palais-Royal (Paris)
GEL = Grenelle (Paris) PNA = Parisiana (Paris)
GHO = Grand Hôtel (Congrès International des PNR = Panorama-Dramatique (Paris)
Orientalistes) (Paris) PSA = Porte Saint-Antoine (Paris)
GME = Gymnase-Enfantin (Passage de l’Opéra) PSD = Porte Saint-Denis (Paris)
(Paris) PSG = Salle des Jeux-Gymniques (1810-1812) ;
GNM = Gymnase (Marseille) Théâtre de la Porte Saint-Martin (Paris)
GYM = Gymnase (1820-1824) ; Théâtre de Madame PSM = Porte Saint-Martin (Paris)
(1824-1830) ; Gymnase-Dramatique (1830- ) PTN = Théâtre du Panthéon (Paris)
(Paris) RBU = Jeune élèves de l’école de M. Roubeau
GRP = Grand Théâtre Parisien (Paris) (Bordeaux)
GRM = Grand Théâtre (Marseille) REN = Renaissance (Paris)
REP = Théâtre de la République (Paris)
487
ROS = Théâtre Rossini (Paris) UNA = Cercle de l’Union Artistique (Paris)
ROY = Théâtre Royal (Paris) VAM = Théâtre Variétés-Montansier (1790-1812,
SLA = Théâtre Saint-Laurent (Paris) au Palais-Royal) (Paris)
SPR = Théâtre Saint-Pierre (Paris) VAR = Variétés (Paris)
TER = Tertulia (Paris) VAU = Vaudeville (Paris)
TRN = Trianon (concert) (Paris) VGR = La Vice-Gérence (ancien palais du Vice-
TVL = Théâtre du Tivoli (Paris) Légat) (Avignon)
Musicien Décorateur
Titre Genre Auteur Salle Date Publication
Chorégraphe Mise en scène
1834 et 1835, ou Emmanuel
le Théaulon, Paris : Marchant,
1 Rev. PR 28/12/1834
Déménagement Frédéric de 1835.
de l’année Courcy, Nézel
Paris : Michel
Ami des femmes Alexandre
2 Com. GYM 05/03/1864 Lévy frères,
(L') Dumas fils
1870.
Cambon,
Jules Barbier, Grisar Hirt Paris : N. Tresse,
3 Antipodes (Les) Vau. Thierry VAR 29/07/1854
Michel Carré 1854.
Boulé
BnF-ASP : Ms.
Armée en Chine Jules Poter (ou Douay 1206
4
(L') Potey) [signé : le 5 mars
1871].
Albert
As-tu tué le Com.- Monnier, Lagny : Vialat,
5 PR 12/11/1855
Mandarin ? vau. Edouard 1856.
Martin
J. Nargeot,
As-tu vu la Théodore Camille Paris : Miche
6 comète, mon Rev. Cogniard, Schubert VAR 30/12/1858 Lévy frères,
gars? Clairville 1859.
Barrez
Au rideau !, ou
Paris : Marchant,
7 les singeries Rev. Cogniard frères OLY 09/12/1834
1834.
dramatiques
Ludovic Jacques Paris : N. Tresse,
8 Ba-ta-clan Chn. BOU 29/12/1855
Halévy Offenbach 1859.
488
Raphaël Paris : Léon
9 Ba-ta-clan Chn. Billéma Escudier, sans
date.
Bayadères de
Non publié.
Fou-Chow-Fou
Lefebvre, Archives
10 (Les), ou les Vau. VAU 25/11/1861
Deschamps nationales F18
Bayadères de
761.
Trichinopoli
Besigue chinois Paris : Tresse et
11 Com. Édouard Cadol ASN 15/10/1893
(Le) Stock, 1894.
Bilboquet II, ou
Chr.- H. Messant, A.
12 le Saltimbanque DEL avril/1841
cha. Monnier.
chinois
Bouchon de Dupin, Eugène Paris : E. Dentu,
13 VAR 08/11/1862
carafe (Le) Grangé 1862.
Dessinateur :
Charles
Bianchini.
Émile Décor :
Bergerat, Paul Vidar Paris : Choudens
14 Burgonde (La) Op. Jambon et OPR 23/12/1898
Camille de Bailly (Acte I- Fils, 1898.
Sainte-Croix III), Carpezat
(Acte IV)
Hansen Gailhard
Cadet Roussel
aux Champs
17/03/1801 Paris : Fages,
15 Élysées, ou La Vau. Joseph Aude VAM
(26 ventôse 1801.
colère
an IX)
d'Agamemnon
Campagne de Lyon: Imp. de B.
16 Cha. Anonyme ? 26/01/1861
Chine (La) Boursy, [1861].
Ambroise Paris : Michel
Carnaval de Thomas Thomas
17 O.-c. OC 09/12/1857 Lévy frères,
Venise (Le) Sauvage
E. Mocker 1857.
Eugène Jacques Paris : Michel
Carnaval des Offenbach
18 Rev. Grangé, BOU 10/02/1860 Lévy frères, (s.
revues (Le)
Philippe Gille d.)
Devoir,
L. Carlini
Bal.- Bourchet Paris : J. Bréauté,
19 Chao-Kang Louis Henry NAU 16/10/1834
pan. 1834.
Jean Bernac
Th. Thomas
(adaptation), Gabriel Marie
Chat et le (costumes) Paris : Librairie
20 Dra. Chester Bailey VAU 24/04/1902
chérubin (Le) théâtrale, 1902.
Fernald
(original)
Paris : La Vie
moderne [revue],
Château des Gustave
21 Fée. 1880. Joué en
cœurs (Le) Flaubert
France en 2011
(ENS, Lyon).
Chatte
22 FUN 23/02/1838 Non publié.
amoureuse (La)
Devoir,
Chatte Jean Coralli, Alexandre Porchet,
Bal.- Montfort Philastre, Paris : Jonas,
23 métamorphosée Charles OPR 16/10/1837
pan. Cambon 1837.
en femme (La) Duveyrier
Duponchel
Cheval de bronze Op.- Auber Paris : Marchant,
24 Eugène Scribe OC 23/03/1835
(Le) fée. 1835.
489
Hugues Martin
(Acte I) ;
Joseph Nolau
et Auguste
Rubé (Acte
II) ; Charles
Auber
Cheval de bronze Cambon et 21/09/1857
25 Op. Eugène Scribe OPR
(Le) Joseph Thierry (Reprise)
(Acte III, IV).
Costume :
Alfred Albert.
Lucien Petipa,
Mme Ferraris
Alexandre Varney
Chevalier Dumas, Paris : A. Cadot,
26 Dra. HIS 26/07/1849
d’Harmental (Le) Auguste 1849.
Maquet
Marcel-André Edmond Dédé
27 Chik-Kan-Fo Chn. ALB 05/02/1878
Pouget
Non publié.
Chine à Paris Gaston de Archives
28 Vau. VAR 29/08/1851
(La) Montheau nationales, F18
795 B.
Non publié.
Chine à Paris Charles
Archives
29 (La), ou les Vau. Dupeuty, PSM 22/04/1854
nationales, F18
Chinois Ernest Bourget
900.
30 Chinois Acr. [Par Franconi] OLY ca. 1817
[Par Paul, Félix
31 Chinois Acr. OLY 1826-1829
et Frédéric]
Chinois - « Le
32 Voltige du petit Acr. [Par Leguay] NAP 26/12/1865
Chinois »
Chinois - « Les [Par François
33 Acr. NAP 18/04/1901
Deux Chinois » et Paul]
[Par Lehman,
Chinois - « Les
34 Acr. Montée et CHE 26/09/1863
Petits Chinois »
Fernando]
[censuré le
35 Chinois (Le) Op. Delrieu OPR
09/05/1804]
Cammaille Décor :
Banneux 08/06/1800
Chinois (Les), ou Pan.- Saint-Aubin, Auguste Paris : Tiger, an
36 CTE (19 prairial
Amour et Nature dia. (et César VIII.
Aumer an VIII)
Ribié)
Chinois au Charles Cabot Paris : typ.
37 Par. un pékin
Châtelet (Les) Morris, 1862.
Georges Rose,
René de Saint- Georges Rose
Chinois de Vau. /
38 Prest, Bausset GRP 06/07/1872
Vaugirard (Le) Opt.
[ou A. de
Baicaret]
39 Chinoise (La) Mim. LFU 22/06/1900
Chinoiseries de A. Cahen,
40 Rev. BAG 23/12/1885
l'année (Les) Norès
Ci-devant jeune Simonnin, Paris : Gardy,
41 VAR 24/05/1813
femme (La) Chazet 1813.
Clochette (La), Hérold
Op.- Emmanuel Paris : Janet et
42 ou le Diable OC 18/10/1817
fée. Théaulon Cotelle, 1817.
page
Combat de
43 Pan. INV Août 1863
Palikao (Le)
490
Alexandre
Comte de Dumas, Paris : N. Tresse,
44 Dra. AMB 01/04/1851
Morcerf (Le) Auguste 1851.
Maquet
Conquête de la Hervé Paris : Beaulé et
45 Odes Jules Moinaux
Chine (La) Maignand, 1849.
Conscrits de Th. Gounod, et
L'abbé J.-J. autres Paris : Vic et
46 Fiche-ton-camp Com.
Moret Amat, 1893.
(Les)
Michel
Delaporte,
Course au plaisir Paris : Librairie
47 Rev. Théodore VAR 11/12/1851
(La) théâtrale, 1851.
Muret, Gaston
de Montheau
Kah-Lama-Y-
Couteaux chinois
48 Ka, D'Jack-O- COM 05/05/1854
(Les)
Bry
Nice : J. Gay et
Léone
Couvent du Septembre fils, 1872. Paris :
49 Com. D'Albano GHO
dragon vert (Le) 1873 Maisonneuve,
(adaptation)
1873.
Paris : Michel
Crapauds Dumanoir et
50 Rev. PR 10/12/1851 Lévy frères,
immortels (Les) Clairville
1852.
Danseur anglais
51 [Omb.] OMS 05/12/1842
et chinois
Étienne- 14/06/1800
Fol.- Pierre GabrielNicolas Méhul Paris : Ballard,
52 Dansomanie (La) OPR (25 prairial
pan. Gardel 1800.
Beaupré an VIII)
De Paris en Varin, Amédée Frédéric
Barbier Paris : Morris,
53 Chine, ou Je ne Voy. de Jallais, DJA 15/09/1863
1863.
suis pas Tissier Henry Thiéry E. Déjazet
Débordement de
54 Yang-Tsu-Kiang Tin-Tun-Ling ROS Juillet 1875
(Le)
Paris : Michel
Alexandre
55 Demi-monde (Le) Com. GYM 20/03/1855 Lévy frères,
Dumas fils
1855.
Charles Peget
Deux magots de Com.- Paris : Barba,
56 Augustin VAR 12/01/1813
la Chine (Les) vau. 1813.
Sewrin
Philastre,
Dgenguiz-Kan, Auguste Francastel
Cambon Paris : Marchant,
57 ou La conquête Dra. Anicet- OLY 30/09/1837
Ferdinand 1838.
de la Chine Bourgeois Ragaine
Laloue
Alexandre
Paris : Tresse et
58 Disparu !!! Com. Bisson et GYM 19/03/1896
Stock, 1896.
André Sylvane
Victorien 06/12/1880
PR / Paris : Calmann
59 Divorçons Com. Sardou, Émile (Reprise :
VAU Lévy, 1883.
Najac. 1896)
André
Marcel Jambon
60 Dragon vert (Le) Fan. Michel Carré Wormser NOU 21/02/1895
Egidio Rossi
Du Champagne à 02/12/1839
61 Vau. PSA
Pékin [?]
Amable, Paris : Société
Jambon, d’éditions
62 Duel (Le) Henri Lavedan FRA 17/04/1905
Lemeunier littéraires et
Balcourt artistiques, 1905.
Léopoldo
63 Eldorado Ext. TRN 20/01/1900
Fregoli
491
Dumay,
Sergent Filastre,
Éléphant du Roi Léopold Paris : J.-N.
64 Leroux OLY 04/07/1829
de Siam (L') Chandezon Barba, 1829.
Adolphe
Bertotto
Franconi
En avant les Labiche, Mangeant Paris : Librairie
65 Rev. PR 24/12/1858
Chinois ! Delacour nouvelle, 1859.
Adolphe Paris : Paul
66 En Chine
Carcassonne Ollendorff, 1887.
Épisodes de la
Guerre au Léonce Saint-
67 Pan. FER 28/03/1885 Non publié
Tonkin [La Prise Phar G. Van-Harra Louis Fernando
de Lang-Son]
Emmanuel Paris : A.
Eugène
Op.- Chabrier Allouard, 1877. /
68 Étoile (L') Leterrier, BOU 28/11/1877
bou. Paris : Gérard
Albert Vanloo
Billaudot, 1984.
Auteur :
Extrait de
Fan-Sou, ou les Tching-Té-
l'Universelle, 1er
69 Intrigues d'une Com. Hoëi. INC 21/06/1900
décembre 1900
soubrette Traducteur :
et la suite.
Marc Legrand
Alfred de
70 Fantasio Com. FRA 18/08/1866 Publié en 1833.
Musset
11/02/1805
Dupaty,
Femmes colères (23 Paris : Mme
71 Div. Moreau, et VAU
(Les) pluviôse, Masson, 1805.
Francis.
an 13)
01/01
Fête chinoise [sans Paris : A. Bihan
72 Com. Anonyme OMC
(La) année] Delaforest, s.d.
Fête de Archives
Tab.-
73 l'agriculture à la Anonyme PSG 31/08/1810 nationales, F21
his.
Chine (La) 993.
Fête des Bouton Novembre
74 Dio. DIO
lanternes (La) 1847
Fête lunéraire
dans la ville de Bal.- Bordeaux :
75 RBU
Nanchand, en pan. Roubeau Latapy, 1802.
Chine (La)
Fiancée du Fragerolle
76 Opt. BAG 11/01/1886
Tonkin (La)
Gray et la
maison
77 Fiche Ton Kin Rev. Henri Buguet Constanze BMC 31/12/1883
(costumes)
Fich-Tong-Kan à
(Air populaire)
Louis-Philippe, Paris : Guiilois,
78 Cha. Fich-Ton-Kan
roi infiniment 1848.
cher
Charles (Air populaire) Paris : Durand,
79 Fich-Tong-Kang Cha.
Colmance 1847.
Thomas
Fich-Tong-Khan, Sauvage, Félix-
Paris : Marchant,
80 ou l’Orphelin de Prd. Auguste PR 03/03/1835
1835.
la Tartarie Duvert, Gabriel
de Lurieu
Charles César BnF-ASP : Ms.
81 Fich-Ton-Kan Opt.
Girrebeuk Devismes Douay 1397,
492
1398, 1399.
Fille Angot
82 jusqu'en Chine SLA 02/07/1874
(La)
Filles Jackson et Maurice Justin Clérice Paris : P.-V.
83 Opt. BOU 29/11/1905
Cie (Les) Ordonneau Stock, 1906
Paris : Michel
Fils de Giboyer
84 Com. Émile Augier FRA 01/12/1862 Lévy frères,
(Le)
1863.
Paul Verlaine Emmanuel
Chabrier 1864-1873 Revue Verlaine
85 Fisch-Ton-Kan Opt. (et Lucien
[inachevé] n° 2, 1994.
Viotti)
Paris :
Fleur enlevée Jules Arène
86 Com. NOU 22/04/1896 Charpentier,
(La) (traducteur)
1876.
M. Fromont
(décor) ; M.
Draner et M.
Charles Lecocq Hapel
Op.- Alfred Duru, Paris : E. Dentu,
87 Fleur-de-thé (costumes) ; M. ATH 11/04/1868
bou. Henri Chivot 1868.
Saqui
(accessoires)
Marc
Leprevost
Isaac Strauss Paris : G.
Brandus et S.
88 Fleur-de-thé Val.
Dufour, sans
date.
Folie chinoise Aristide 22/01/1805
Paris : Barba,
89 (La), ou Kokoli à Mel. Plancher- GAI (2 pluviôse
1805.
Capra Valcour an XIII)
Sylvain
Ad. Choller, Mangeant Paris : Librairie
90 Fou-Yo-Po Etu. PR 06/07/1860
Delacour nouvelle, 1860.
Bernicat
91 Fou-Yo-Po Pch. Émile Max ALP 10/10/1877
Français à Pékin
92 Gardel-Hervé BTC 28/09/1900
(Les)
Sc.-
Français à Pé- mil.- Jules Serr. Paris : Eugène
93 EDU
king (Les) dra.- Darrèche Belin, (1861)
com.
Gaston Marot,
Français au Sc.- Louis Paris : Tresse,
94 EAU 09/02/1885
Tonkin (Les) mil. Périchaud, H. 1885.
Noellet
[Jules de
Lubac] (au Danses Lyon : imp. de
Français devant Act.- profit de chinoises :
95 ALL 14/03/1861 A. Vingtrinier,
Pékin (Les) cpl. l'oeuvre des MM. Douat, M. Douat 1861
petites filles Philippe, Rico,
des soldats) Aymé
Français en
96 Vau. Eug. Moniot PET 15/02/1866
Chine (Les)
Français en
97 Pan. INV Août 1861
Chine (Les)
Français en Arban
98 Qua. CAD Avril 1860
Chine (Les)
Paris : La
Gage d'amour Léon
99 Com. Nouvelle revue,
(Le) Charpentier
1901.
493
Paris : Michel-
Gendre de M. Émile Augier,
100 Com. GYM 08/04/1854 Lévy frères,
Poirier (Le) Jules Sandeau.
1854.
Généreux Albert Petit Avignon : Imp.
101 Bou. Albert Petit VGR 21/01/1864
mandarin (Le) Jacquet, 1864.
20/05/1795
102 Gengis-Kan Tra. Anonyme DEL (1er prairial
an III)
Gengis-Kan, ou
103 la conquête de la Omb. Victor Benoît MOR 29/10/1790
Chine
Non publié.
Gengiskan, ou Armand
Fol.- Archives
104 l'Aimable d'Artois, VAU 24/02/1824
vau. nationales, F18
Tartare Boniface
648.
Edmond
Grand Mogol Audran [Paris : Tresse,
105 Opt. Alfred Chivot GNM 24/02/1877
(Le) 1884.]
Germain
Guerrière du BnF-BMO : Liv.
106 Pan. Tin-Tun-Ling ROS 05/07/1874
pays de Hou (La) M. 220.
Auber (d'après
Gustave III, ou le Quérard) Paris : Marchant,
107 Op. Eugène Scribe OPR 27/02/1833
Bal masqué 1833.
Taglioni
Hoeï-lan-ki, ou
Stanislas Julien Londres : John
108 L’Histoire du Dra.
(traduction) Murray, 1832.
cercle de craie
Ho-han-chan, ou Paris :
Bazin aîné
109 la Tunique Dra. Imprimerie
(traduction)
confrontée royale, 1838.
Paris :
Ho-lang-tan, ou Bazin aîné
110 Dra. Imprimerie
la Chanteuse (traduction)
royale, 1838.
Île de Ka-Ka-O
111 Pch. Anonyme OLR 27/02/1877
(L')
E. Bessière, Camille Robert
Île de Nénuphar Paris : C.
112 Chn. Raphaël de EXL 01/02/1901
(L') M. Dervil’s Joubert, (s. d.)
Noter
(D'après Pierre Marcel Multzer
Loti), André Reynaldo Hahn
(costumes) Paris : Calmann
113 Île du rêve (L') Op. Alexandre et OC 23/03/1898
Lévy, 1898.
Georges
Hartmann
Impératrice de la Faulquemont,
114 Vau. DEL 02/10/1848
Chine (L') Alexandre
Infortunes de Emmanuel,
Paris : Barba-
Jovial, huissier- Théaulon,
115 Voy. FLD 22/10/1835 Delloye-Bezou,
chansonnier Frédéric de
1835.
(Les) Courcy
Mathis,
Isle des nains Desrocher
116 Div. MON 27/09/1807
(L')
Th. Thomas
Ismaïloff en Pan.- (costumes)
117 Wulf HIP3 22/07/1879
Chine equ.
Je reviens du
118 Rev. Henri Philippe EPQ 22/01/1886
Tonkin
Jeux chinois
119 COM 10/02/1839
(Les)
Eugène
Paris : Librairie
120 J'invite le colonel Vau. Labiche, Marc PR 16/01/1860
nouvelle, 1860.
Michel
Jongleur et Vau. / BnF : Ms. Douay
121 E. Fontaine VAR 05/06/1845
Mandarin Chn. 393 (1-2) et 394.
494
Paris : Benoit
aîné &
Jongleurs chinois
122 Qua. L. G. Choulet Marseille :
(Les) 1859
Meissonnier père
et fils, 1859.
Kin-ki-na, ou Les
Amours de Kin- Auguste BnF-ASP : Ms.
123 Pch. 03/09/1874
kan-pois, ou Jouhaud Douay 2056.
Kokoriko
Aristide
Plancher- 11/03/1801
Kokoly, ou le Paris : Théâtre de
124 Ext. Valcour, CTE (20 ventôse
Chien et le Chat la Cité, 1802.
(Ribié, et an IX)
Destival)
William Charles Lecocq Paris : Tresse,
125 Kosiki O.-c. Busnach, REN 18/10/1876
(1876).
Armand Liorat
Honoré- Luigi
126 Koukourgi O.-c. Nicolas-Marie Cherubini [Inachevé.]
Duveyrier
Koulikan, chef Boirie,
127 Mél. MLR 04/01/1806
des Tartares Dupetit-Méré
Eugène Scribe,
Henry
Delestre-
Koulikan, ou les Paris : Barba,
128 Mél. Poirson GAI 13/05/1813
Tartares 1813.
Duveyrier, H. Hullin
Dupin
René-Charles Dalayrac
Koulouf : ou les Paris : Barba,
129 O.-c. Guilbert OC 18/12/1806
Chinois 1807.
Pixérécourt
J.-M.
Deschamps, E. Mozart, Haydn,
Laboureur Berton Paris : Roullet,
130 Op. Morel de OPR 05/02/1813
chinois (Le) 1813.
Chédeville, J.-
B.-D. Desprès
Edmond Léo Delibes Paris : C. Lévy,
131 Lakmé Op. Gondinot, OC 14/04/1883
1884.
Philippe Gille
Jean-Toussaint
Merle, Pierre-
Lampe Frédéric- Paris : Pollet,
132 Fée. PNR 13/09/1822
merveilleuse (La) Adolphe 1822.
Carmouche, X.
Boniface
J.-F. Davis
(traduction
anglaise),
Paris : Rey et
Antoine-André
133 Lao-seng-éul Com. Gravier, 1818-
Bruguière de
1819.
Sorsum
(traduction
française)
Lekain à de Forges, Paul Paris : Marchant,
134 Com. PR 23/01/1839
Draguignan Vermond 1839.
Victorin de
135 Li-Tsin Cha. Joncières HRZ 29/01/1881 Non publié ( ?)
Dra-
Madame Angot 21/05/1800 Paris : à Théâtre
tra.-
136 au sérail de Joseph Aude AMB (1er prairial de l’Ambigu, an
far.-
Constantinople an VIII) VIII.
pan.
Ferdinand de
Mademoiselle Villeneuve, Paris : Marchant,
137 Com. PR 10/04/1838
Dangeville Charles de 1838.
Livry
495
Magnétisme en
Chine (Le), ou Paris : rue
Fol.- Félicien de
138 Une révolution d'Enghien, 10,
vau. Baroncelli
dans l’autre 1850
monde
07/08/1800
Magot de la Op.- [Rigel père] (18
139 [Dancourt] AMB
Chine (Le) bou. thermidor
an VIII)
Magot de la
140 GME ca. 1838
Chine (Le)
BEL,
BDN,
MPN,
01/10-
GEL
19/11/1892
Mandarin "Lich- La troupe "Les (1892
141 Acr. ; 19/08-
Tout-Lié" Omer's" );
31/08/1894
GBN,
MPN
(1894
)
Lyon : imp.
d'Aimé
142 Mandarin (Le) Com.
Vingtrinier,
1861.
Mandarin Chi- 05/12/1842 Non publié.
han-li (Le), ou Pan.- Charles ou Archives
143 FUN
les Chinois de dia. Charton 12/12/1842 nationales, F18
paravent 1087.
Louis-Charles
Caigniez,
Ludwig
Mandarin
Benedict Franz Paris : J.-N.
144 Hoang-pouf (Le), Fol. PSM 05/05/1821
von Bilderbeck Barba, 1821.
ou l'Horoscope
(Louis-
François de
Bilderbeck
Ludwig Philippe Paris :
Marchande de Benedictus Chaperon
145 Dra. Judith Gautier ODE 21/04/1888 Charpentier,
sourires (La)
1888.
Mariage chinois
146 [Omb.] COM 12/04/1842
(Le)
Eugène Scribe,
Mariage de Com.- Antoine- Paris : Pollet,
147 GYM 10/10/1826
raison (Le) Vau. François 1826.
Varner
Mémorial de Paris : Michel
Michel Carré,
148 Sainte-Hélène Dra. AMB 21/04/1852 Lévy frères,
Jules Barbier
(Le) 1852.
Non publié.
Méprise de Pékin Hip. Lefebvre, Archives
149 Vau. VAU 01/12/1861
(La) H. Avocat nationales F18
761.
Mère Moreau Clairville, Jules Paris : Beck,
150 Pch. PR 01/08/1852
(La) Cordier 1852.
Micromégas, ou Amato, Rognat
151 Fée. G. Janety PTN 27/02/1841
Gare l'Enfer Laluyé Dubourjal
Georges, Henri
Théodore Robecchi
Mille et un Rev.- Cogniard, Victor Chéri (décors) ; Paris : Barbré,
152 Cham VAR 28/12/1861
songes (Les) fée. Charles 1862.
Clairville (costumes)
Léon Espinosa
496
Devoir,
Philastre,
Cambon,
Hippolyte et Pilati Auguste Marie Paris : Vve
Mille et une nuits
153 Fée. Théodore (machine) ; PSM 24/01/1843 Dondey-Dupré,
(Les)
Cogniard Alfred Albert s. d.
(costume)
Laurençon
Paris : Wattier, s.
154 Mort au Tonkin Vau. A. Nicolle TVL 10/10/1883
d.
Noce chinoise
155 Bal. Hullin PSM 02/11/1825
(La)
Nuit chinoise Toulon : imp. du
156 Com. Charles Ségard
(La) Var, [1886].
Odalisques de Pierre Zaccone, Cheret Paris : Librairie
157 Chn. DEL 05/05/1858
Ka-Ka-O (Les) Élie Frebault Oscar théâtrale, 1858.
E. Saint Yves,
Ombres Com.- Paris : Bréauté,
158 H. Déaddé, COM 22/02/1837
chinoises (Les) vau. 1837.
L. Delalain
Opium et le
Verrier P. Thuillier
Champagne (L'), Paris : Beck,
159 Chn. Clairville aîné VAR 02/05/1842
ou la Guerre de 1842.
Chine
Orphelin de la Jouhaud,
160 Vau. DEL 07/08/1844
Chine (L') Carmouche
22/01/1804
Orphelin de la (1er
161 [?] MAR
Chine (L') pluviôse an
XII)
Orphelin de la Com.- Paris : E. Dentu,
162 Henri Dupin PR 08/04/1867
Chine (L') vau. 1867.
Non publié.
Pagode Archives
163 Pan. FUN 22/10/1845
enchantée (La) nationales, F18
1088.
03/11/1797
(13 Paris : Barba,
164 Paix (La) Com. Joseph Aude REP
brumaire (1797).
an VI)
Pierre
Paris : P.
165 Papa la Vertu Dra. Decourcelle, AMB 04/11/1898
Ollendorff, 1899.
René Maizeroy
Armand
Paris à Pékin, ou d'Artois,
Par.-
la Clochette de Théaulon du Paris : Barba et
166 fol.- VAU 27/11/1817
l’Opéra- Lambert, Martinet, 1817.
fée.
Comique Marc-Antoine
Désaugiers
Albert
Monnier,
167 Paris en Chine Vau. DEL 19/05/1854
Guénée, E.
Mathieu
168 Paris-Pékin Bou. NC 26/09/1896
Paris : Miche
Pattes de mouche Victorien
169 Com. GYM 15/05/1860 Lévy frères,
(Les) Sardou
1860.
Pavillon chinois
170 Vau. LZR 1846 [?]
(Le)
Pavillons noirs
Bourges :
(Les), ou la
171 Dra. G. Champagne BAG 22/12/1883 Imprimerie de H.
Guerre de Ton- G. Champagne Sire, 1884.
kin
497
Edmond
Rochefort,
Pêche de Vulcain Espérance-
Paris : A.-G.
172 (La), ou l'Île des Vau. Hippolyte VAU 05/07/1826
Brunet, 1826.
Fleuves Lassagne,
Mathurin-
Joseph Brisset
Paul Verlaine Emmanuel
Revue Verlaine
173 Peh-Li-Kan Opt. (et Lucien Chabrier UNA 31/03/1875
n° 2, 1994.
Viotti)
Fol.- BnF-ASP : Ms.
174 Pékin à Bataclan Paul Sarratoff
vau. Douay 833.
[idée conçue
175 Pékin la nuit Fée. HIP2 19/06/1858
par Arnault]
Paris : Librairie
176 Péril jaune Com. Carolus Brio ROY 08/01/1906
théâtrale, 1906.
Alexandre
Paris : Librairie
177 Péril jaune (Le) Com. Bisson, Albert VAU 01/02/1906
théâtrale, 1906.
de Saint-Albin
B. Lebreton, CBR, Paris : Joubert,
178 Péril jaune (Le) Vau. 14/04/1901
Saint-Paul CPT 1901.
Armand
Perruquier et le d’Artois, Henri Paris :
179 Com. VAR 19/02/1824
Coiffeur (Le) Dupin, Thomas Duvernois, 1824.
Sauvage
Petite Tonkinoise Lebreton, Petit
180 Opt. EDN 05/07/1890
(La) Beissier
498
Jean-Louis
Chéret,
Charles-
Antoine
Cambon,
Joseph Thierry,
Adolphe de Chanet, Émile
Adolphe Paris : Miche
Prise de Pékin Groot Daran et
190 Dra. Dennery, [C. OLY 27/07/1861 Lévy frères,
(La) Poisson
Mocquard(/t?)] 1861.
(décor) ;
Claude Riotton
(machines) ;
Alfred Albert
(costumes)
Hippolyte
M. Honoré
Hostein
Adolphe
Prise de Pékin
191 Dra. Dennery, C. CHA 18/12/1892 [Reprise]
(La)
Mocquard
R. de La
Gaston
Prise de Pékin Neizière Paris : Hachette,
192 Omb. J. Jacquin Meynard
(La) (illustrateur) ca. 1900.
Prophète de la
193 Acr. Perrin ASO 04/04/1790
Chine (Le)
Protocoleries de
194 Patusset BTC 28/11/1896 Non publié
l’année (Les).
Hippolyte
Prunes et Cogniard, Paris : Beck,
195 Vau. FLD 12/10/1852
Chinois Adolphe 1852.
Choler
Anicet M. Pessy Paris : Michel
Quatre parties Bourgeois,
196 Fée. OLY 03/10/1851 Lévy frères,
du monde (Les) Clairville et
M. Laurent M. Albert 1851.
Laurent
Non publié.
Quinze août en Archives
197 Vau. GAI 08/08/1860
Chine (Le) nationales F18
926.
Ludwig
Ramier blanc Judith Gautier, Benedictus Paris : E.
198 Com. PLY 03/06/1880
(Le) Mme Poilly Fasquelle, 1904.
Relâche pour la
répétition
générale de Moreau,
Paris : Fages,
199 Fernand Cortez, Par. Rougemont et VAU 21/12/1809
1810.
ou le Grand Jules
opéra en
province
Manuscrit en
Repos du 1897. Publié en
200 septième jour Paul Claudel (1897) 1901, 1911-1912.
(Le) Joué en France
en 1965.
Retour de la
Chine de
François
Paris : E. Dentu,
201 Gabouzot, futur Cha. Victor Gaucher 1860
1867.
Caporal dans un
régiment de
ligne.
499
Ménessier
(décors),
Revue de Li- Eugène Héros, E. Cambillard Paris : Rapide,
202 Rev. Choubrac TRN 25/11/1896
Ongchamps (La) Cellarius (costumes) [1896]
E. Ricard
Chaperon et
Arthur fils (décors) ;
Verneuil, Laurent Halet
203 Revue Rosse (La) Rev. Choubrac PNA 11/09/1896 Non publié
Maxime Guy, (costumes)
Émile Herbel
Si-siang-ki, ou Genève : H.
[Wang Shifu,]
L’Histoire du Georg. Extrait de
206 Com. Stanislas Julien
pavillon l’Atsume Crusa,
(traduction)
d’Occident 1872-1880.
Paris : Michel
207 Sphinx (Le) Dra. Octave Feuillet FRA 23/03/1874 Lévy frères,
1874.
Rubé,
Ernest Émile Guimet Paris : Choudens
208 Taï-Tsoung Op. Chaperon GRM 11/04/1894
d'Hermilly Fils, c.a. 1895.
13/09/1802
Winter
Étienne Morel (27 Paris : Ballard,
209 Tamerlan Op. OPR
de Chédeville fructidor an 1810.
X)
Tchao-chi-kou-
Paris :
eul, ou Stanislas Julien
210 Dra. Moutardier,
L'Orphelin de la (traduction)
1834.
Chine
Tchao-meï-
Paris :
hiang, ou les Bazin aîné
211 Com. Imprimerie
Intrigues d’une (traduction)
royale, 1838.
soubrette
Teou-ngo-youen,
Paris :
ou le Bazin aîné
212 Dra. Imprimerie
Ressentiment de (traduction)
royale, 1838.
Teou-ngo
Émile Ettling Paris : E. Dentu,
213 Tigre (Le) Chn. Étienne Tréfeu TER 05/04/1873
1863.
500
Zara, Laloue
(décors) ; H.
Ballue,
Landolph,
Adolphe Oray Mme Dujardin
Tout Paris y [Paris] :
217 Rev. Guénéé, (costumes) ; FLD 20/12/1858
passera Charlieu, [1858].
Charles Potier Alphonse
Fournier
(machines)
Mercure de
France, juillet-
Transmigrations août 1901 /
Léon
218 de Yo-Tchéou Com. Paris : Société
Charpentier
(Les) anonyme
d'édition et de
libraire, 1920.
Paul Porel,
Mme Fred Charles
Troisième lune Aimable (scène
219 Com. Gresac, Paul Cuvillier VAU 07/05/1904
(La) de jardin)
Ferrier
Paul Porel
Tulican, ou les [Censuré le
220 Mél. Anonyme GAI
Tartares 06/04/1810]
[censuré le
221 Tulikan Mél. Anonyme GAI
25/04/1811]
Tunique Paris : E.
222 Com. Judith Gautier ODE 14/01/1899
merveilleuse (La) Fasquelle, 1904.
Carlo Gozzi,
Paris : Michel
fiaba Alphonse
223 Turandot Lévy frères,
teatrale Royer
1865.
(traduction)
Carlo Gozzi, Non publié.
Turandot,
Charles Archives
224 Princesse de Com. ODE 13/05/1897
Raymond nationales F18
Chine
(adaptation) 728B.
Turcos en Souquet
Opt.-
225 Cochinchine De Rostand NTV 29/08/1871
bou.
(Les)
Un Chinois sous Paul Max de
226 Vau. NTV 12/10/1872
le grillage Lyden
Un Concert à
227 Vau. Dulauroy LUX 23/05/1840
Pékin
Clermont-
Un grand jour au
228 [Com.] Ferrand : F.
Houpé
Thibaut, 1876.
Léopold
Un Mariage en Édouard Clerc, Dauphin Publication s. l.
229 Opt. BOU 26/12/1874
Chine Émile Clerc n. d.
Alexandre
Un souper à la
230 Rev. Flan, Ernest DEL
maison d'or 1861
Blum
Angers :
Un Voyage en
231 Chn. un Pékin Cornilleau et
Chine
Maige, 1848.
232 Une fête à Pékin Pan. FER 01/05/1877
501
237 Vieille revue (La) Rev. Anonyme CRR
1903
Zara, Ch.
Laloue
(décors) ; H.
Adolphe Kriesel Ballue, Paris : Vve
Voilà ce qui vient
238 Rev. Guénéé, Ch. Constant, DEL 29/12/1854 Dondey-Dupré,
de paraître
Potier. Clapissant [1854].
(costumes)
Ernest Launois
Voile du bonheur Georges Gabriel Fauré Viardot Paris : E.
239 Com. REN 04/11/1901
(Le) Clemenceau Firmin Gémier Fasquelle, 1901.
502
Annexe 1.3 : Spectacles donnés par les Chinois (par ordre chronologique)
Troupe Genre Salle Date Année Remarque
Organisée par
Les frères sino- Revisitent Paris en
Robert Hunter et
1 siamois Eng et phénomène 1829 décembre 1835 ; organisé
M. Geoffroy
Chang par M. Raynaud.
Saint-Hilaire.
« La Rose de Dirigée par Mi-Tchitou.
2 Nankin » et cinq concert Variétés 29/08 1851 Les musciens sont A-Pou,
musiciens A-Kwa, etc.
La famille de Chung Ataï,
chants, luth salle de la rue qui a été présente à
3 Yung-Achoy septembre 1851
chinois Neuve-Vivienne l’Exposition universelle, à
Londres.
La danse « Tchinchingkoa
» (ou
4 Les frères Fo-Hi acrobatie Hippodrome 09/10 1851 Tchintchingkoo/Tchinchin-
Ka) exécutée sur le fil de
fer.
Les ballets magiques, le
passe-passe oriental,
fantaisie, la coupe
La troupe de Ar- enchantée, scène de guerre,
Hee, Ar-Sam, Yan- les couteaux volants, l’eau
Gyn, An-Sing, acrobatie, Porte Saint- dominée, la tresse du
5 22/04 1854
Chong-Moon, Yan- jonglerie Martin mandarin, le gymnase de
Yan, Yan-Ban, et Hong-Kong, le jeu des
Ar-Cow. rubans, le brin de paille,
les gladiateurs de
Bocatigris, le Guillaume
Tell de Shang-Hai.
La troupe de Tuck- La cible vivante, les balles
Gay (ou Turck magiques, les Fantaisies,
Gug), sa fille Amay acrobatie, l’eau dormante, le jeu des
6 1er Hippodrome 25/04 1854
(ou Amoy ), et jonglerie rubans, le vase enchanté, le
Achou, Mme Guillaume Tell de
Waugohoo, etc. Shanghai, etc.
Un individu âgé de 29 ans,
80 centimètres de hauteur,
qui était enfermé par ses
Porte Saint-
7 Le nain Chitzans phénomène mai 1854 parents dans une potiche,
Martin
où il reste jusqu’à l’âge de
12 ans. (Le Figaro, le 7
mai 1854)
Dit « Exhibition des plus
La « princesse » et petits nains du monde ».
8 phénomène 1857
le « prince » chinois Affiche conservée à
l'Opéra. Sans lieu ni date.
Les deux nains « Le garçon comme une
Ching-Fou-Guong Cirque- décembre- 1858- botte, la fille comme une
9 phénomène
(ou Ching-Fou- Napoléon janvier 1859 bouteille. » (Le Siècle, le
Young) 27 décembre 1858)
Les « boules de cuivre »,
l'eau dominée, la cible
Ar-Hee et Sam- janvier-
10 jonglerie Cirque Napoléon 1864 vivante, avaler de l’étoupe
Hung mars
enflammée pour cracher
des rubans de couleurs, etc.
503
Les « jeux extraordinaires
acrobatie, janvier- usités en Chine »
11 Arr Hee et Ah Sam Eldorado 1867
jonglerie avril (L’Orchestre, le 1er avril
1867).
Les petits Chinois Source : L’Orchestre, le
12 phénomène Hippodrome 01/04 1867
de Pékin 1er avril 1867.
Le Théâtre Dans le cadre du «
Ay-Naï, Ay Bchoé chinois de spectacle chinois » de M.
13 exposition 12/05 1867
et A-Sam l'Exposition Dejean, accompagné de la
universelle musique française.
Avaleur d’épées. Actif à
14 Ling-Look jonglerie Hippodrome 01/08 1867
Paris de 1867 à 1869.
15 Le géant Chang phénomène Hippodrome 01/08 1867
Woo-Goo (géant
chinois), Mow (nain Woo-Goo est en effet le
Exposition
16 tartare), King-Foo phénomène octobre 1867 prénom du géant Chang.
universelle
(Chinoise aux petits
pieds)
Source : le récit du voyage
La troupe Exposition de Wang Tao (1828-1897),
17 comédie 1867
cantonaise universelle traducteur et chroniquer
chinois.
La troupe «Mo-Gul-
18 Tar-Tar » dirigée acrobatie Château-d'Eau 13/10 1872
par Arrhi
Harmonie (au
saison
19 Le petit chinois phénomène Faubourg Saint- 1874
d'été
Martin)
20 Le géant Chang phénomène Hippodrome juillet-août 1878 La deuxième visite à Paris.
21 Samong jonglerie Folies-Bergère 01/09 1878
Théâtre Thomas
22 Le Chinois phénomène 01/06 1879
Holden
Du 1er décembre 1881
23 Sam-Sam jonglerie Cirque Fernando 01/12 1881
jusqu’en janvier 1882.
Hippodrome Avaleur d’épées. Actif en
24 Ling-Look jonglerie novembre 1883
(Pont de l'Alma) Europe à partir de 1879.
25 Le géant Chang phénomène Folies-Bergères 1889 La troisième visite à Paris.
Cirque d’été
acrobatie,
26 Les Chinois (aux Champs- avril 1890
jonglerie
Elysées)
Cirque d’été
Le Chinois « Alas- acrobatie, Du 12 mai au 30 juillet
27 (aux Champs- 12/05 1891
Kas » jonglerie 1891.
Elysées)
L' « interprétation d’une
œuvre dramatique » et la «
La troupe de Tay- Alcazar (à
28 comédie 12/08 1894 quintessence » d’une pièce
Chom-Beng Marseille)
historique (Le Ménestrel,
le 12 août 1894).
To-Kul, « Chinois Une pièce de Léopoldo
29 extravagance Trianon 20/01 1900
parodiste » Fregoli.
Panorama du
Un des Chinois saute à
acrobatie, Tour du Monde,
30 La troupe chinoise septembre 1900 travers des cercles hérissés
jonglerie de l'Exposition
de poignards et lances.
universelle
Il ne faut pas le confondre
avec un prétendu magicien
31 Ching-Ling-Foo magie Olympia 17/09 1901
chinois nommé Chung-
Ling-Soo.
504
Annexe 2 : Frise chronologique d’événements franco-chinois et
théâtraux
Théâtre
Année Côté France et Europe Côté Chine et ses environs
(Auteur/Titre/Lieu/Date)
Création de la Compagnie
1602 néerlandaise des Indes orientales
(VOC).
La mort de Matteo Ricci, en Chine,
ouvre la « Querelle des rites »,
1610
entre les missionnaires
occidentaux.
505
Parution de l'Histoire de
l'expédition chrétienne au
Anonyme, L’Entrée en France
royaume de la Chine, de Matteo
de Don Quichotte de la
1616 Ricci. Traduit du latin en français,
Manche, (traduit de l’espagnol,
par D. F. Riquebourg-Trigault.
1616-1625).
Publié chez Horace Cardon, à
Lyon.
506
Création de la Compagnie
française pour le commerce des
Indes orientales.
Molière, L’Avare, Théâtre du
1668
Palais-Royal, 09/09/1668.
« École des Jeunes de Langues »
fondée par Colbert afin de former
des interprètes pour les langues du
1669
Levant. Elle deviendra l' « École
des Langues Orientales vivantes »
en 1795.
Construction du Trianon de
1670 porcelaine en style chinois, sur
ordre de Louis XIV.
Jacques Delosme de
1691 Montchenay, Le Phénix,
Théâtre-Italien, 22/11/1691.
507
Les Disgrâces d'Arlequin roi
de la Chine, Comédiens-
Italiens, à Versailles,
1695 10/02/1695.
Jean-François Regnard, La
Foire Saint-Germain, Théâtre-
Italien, 26/12/1695.
Dancourt, La Foire Saint-
Germain, Théâtre-Français,
19/01/1696.
1696 Germain Boffrand (ou Bois-
Franc). Les Bains de la Porte
Saint Bernard, Théâtre-Italien,
12/07/1696.
Regnard, Le Carnaval de
1699 Venise, Académie royale de
musique, mai 1699.
508
Décret de Clément XI condamnant
définitivement les rites chinois.
509
Jean Hou, copiste embauché par le
R. P. Jean-François Foucquet, est
1722 emmené de force à l'hospice de
Charenton, en raison de
l'instabilité de son état mental.
Alain-René Lesage et
Avènement de l'empereur d’Orneval, Arlequin, barbet,
Yongzheng. pagode et médecin, Foire Saint-
Germain, février 1723.
Publication de Tanzai et
1734 Néadarné, histoire japonaise,
roman galant écrit par Crébillon.
510
Louis de Boissy, La ****,
1737
Théâtre-Italien, 17/08/1737.
Charles-Simon Favart, La
1741 Chercheuse d’esprit, Foire
Saint-Germain, 20/02/1741.
Publication de Grammatica
Sinica, version définitive
d’Étienne Fourmont.
François-Augustin Paradis de
1748
Moncrif, L’Opérateur chinois
ou le père respecté, parodie
pantomime de l’Opérateur
chinois de Dehesse, chez Mme
de Marck à Versailles,
12/12/1748.
511
1751-1783 : Xiyang Lou (la
maison aménagée à l'occidentale)
1751-1772 : Publication de Anonyme [ou Eustache
du Palais d'été est, sur ordre de
1751 l'Encyclopédie sous la direction de Lenoble ?], Télésis, publié à
l'empereur Qianlong, construit par
Denis Diderot. Pékin, 1751.
les jésuites Giuseppe Castiglione et
Michel Benoist.
512
Dehesse, Les Noces chinoises,
Théâtre-Italien, 18/03/1756.
Charles-Simon Favart et
Jacques-André Naigeon, Les
Chinois ou les Chinois de
retour, Théâtre-Italien,
18/03/1756.
Boucher (ou Claude-Henri de
Fusée de Voisenon), Les
Magots, Théâtre-Italien,
19/03/1756.
Bouqueton. Le Généreux
Tartare, divertissement,
Théâtre-Français, 07/07/1756.
Jean-Joseph Vadé, La
1758
Canadienne, publié en 1758.
513
Poinsinet, Ernelinde, princesse
1767 de Norvège, Académie royale
de Musique, 24/11/1767.
514
1777-1783: Rédaction de
Anonyme, L’Entrée de
l'Histoire générale de la Chine du
1777 l’ambassadeur de la Chine,
père du Maille. Non publié à
Colisée, juillet 1777.
l'époque.
Jean-François Marmontel,
Roland, d'après Philippe
Quinault, Académie royale de
Voltaire revient à Paris quelque
Musique, 27/01/1778.
temps avant sa mort le 30 mai.
Jean-Georges Noverre, Le
Ballet chinois, Académie
Empereur Qianlong ordonne aux
royale de Musique, 27/01/1778.
gouverneurs de Canton et de
1778 Guangxi de ne pas empêcher les Louis-Archambault Dorvigny,
étrangers de rendre leurs services à La Rage d’amour, Théâtre-
la cour. Italien, 19/03/1778.
Reprise du monopole
Suite à la suppression de la d'importation-exportation de
Compagnie de Jésus, les Cohong. Il sera aboli à la fin de la
1782
Lazaristes s'occupent désormais Première Guerre de l'Opium, en
des missions en Chine. 1842, suite à la signature du traité
de Nankin.
Rochon de Chabannes,
Alcindor, Académie royale de
Publication d'Alphabet tartare-
Musique, 17/04/1787.
mantchou, de Louis-Mathieu
1787 Anonyme, Tchao ou les
Langlès (futur président de l'École
des Langues orientales vivantes). marché aux femmes, Théâtre
des Bluettes comiques et
lyriques, 13/11/1787.
1788-1789 : Expédition des Qing Anonyme, L’Orphelin de la
1788
au Vietnam. Chine, Vauxhall d’été,
515
01/05/1788.
Anonyme, Gengis-Kan,
Délassements-Comiques, 1er
Création de l'École des Langues
prairial, an III (20/05/1795).
1795 orientales vivantes par la Empereur Qianlong quitte le trône.
Convention nationale. Anonyme, Plus de Mandarins,
ou la Chine sauvée, publié en
1795.
Décès de Jean-Baptiste Yao (Yao
1796 Ruohan), dernier missionnaire
jésuite chinois.
516
Cammaille Saint-Aubin (et
César Ribié), Les Chinois, ou
Amour et Nature, Théâtre de la
Cité, 19 prairial an VIII
(08/06/1800).
Pierre Gabriel Gardel, La
Dansomanie, Opéra, 25 prairial
an VIII (14/06/1800).
Anonyme (ou paroles de
Dancourt, musique posthume
de Rigel père), Le Magot de la
Chine, Ambigu-Comique, 18
thermidor an VIII
(07/08/1800).
Aristide Plancher-Valcour (en
collaboration avec Ribié, et
Destival), Kokoly, Théâtre de la
Cité, 20 ventôse, an IX
(11/03/1801).
1801
Joseph Aude, Cadet Roussel
aux Champs Élysées, ou La
colère d’Agamemnon, Théâtre
Montansier, le 26 ventôse, an
IX (17/03/1801).
Aristide Plancher-Valcour, La
Folie chinoise, ou Kokoli à
Envoi de la carte de la Chine vers
Capra, Gaîté, 2 pluviôse an
Victoire de Napoléon à Austerlitz, l’Europe par les Lazaristes, sans
XIII (22/01/1805).
1805 le 2 décembre 1805, il écrase les permission de l'empereur. La
armées russes et autrichiennes. croyance catholique est interdite en
Chine. Dupaty, Moreau, et Francis,
Les Femmes colères,
Vaudeville, 23 pluviôse an 13
(11/02/1805).
517
Décret promulgué le 8 juin 1806
Boirie et Dupetit-Méré,
rétablissant le système des
Koulikan, chef des Tartares,
demandes d’autorisation
Théâtre Molière, 04/01/1806.
d’ouverture pour les théâtres.
1806
René-Charles Guilbert
La Grande Armée soumet la
Pixérécourt, Koulouf, ou les
Prusse, suite aux victoires d'Iéna et
Chinois, Opéra-Comique,
d'Auerstedt le 14 octobre 1806.
18/12/1806.
Conversion de nombreux
Publication de La Chine en
Mandchous. Le chancelier Gan
miniature ou choix de costumes, Anonyme, Tulikan, préparé par
1811 Jiabin remet à l'empereur le code
arts et métiers de cet Empire, de la Gaîté, censuré le 25/04/1811.
de procédure pénal relatif aux
Breton de la Martinière.
missionnaires occidentaux.
518
Eugène Scribe, Delestre-
Poirson Duveyrier et H. Dupin,
Publication du Dictionnaire Koulikan, ou les Tartares,
Interdiction des importations Gaîté, 13/05/1813.
chinois-français et latin, sous
d’opium.
l'ordre de Napoléon.
Simonnin [et Chazet], La Ci-
devant jeune femme, Variétés,
24/05/1813.
1814-1830 : Restauration
bourbonienne.
Théaulon, La Clochette, ou le
Diable page, Opéra-Comique,
« La Chine est un lion endormi, le 18/10/1817.
jour où elle se réveillera, la terre Armand d’Artois, Théaulon du
1817 tremblera », dit Napoléon Lambert, et Marc-Antoine
Bonaparte, à l’île de Sainte- Désaugiers. Paris à Pékin, ou
Hélène. la Clochette de l’Opéra-
Comique, Vaudeville,
27/11/1817.
Antoine-André Bruguière de
1818 Sorsum (trad.), Lao-seng-éul,
Paris, 1818-1819.
Publication de la première Louis-Charles Caigniez et
grammaire de chinois (langue Louis-François Bilderbeck, Le
1821 écrite et parlée) d’Abel-Rémusat Mandarin Hoang-pouf, ou
qui sera utilisée pendant tout le l’Horoscope, Porte Saint-
XIXe siècle. Martin, 05/05/1821.
Jean-Toussaint Merle, Pierre-
Fondation de la Société asiatique, Frédéric-Adolphe Carmouche,
1822 à Paris, par Abel-Rémusat et et X. Boniface, La Lampe
Julius Heinrich Klaproth. merveilleuse, Panorama
dramatique, 13/09/1822.
519
Première publication de la bible
(version complète) en langue
Fondation de la Royal Asiatic
1823 chinoise, traduite par Robert
Society à Londres.
Morrison, de la London
Missionary Society.
Armand d’Artois, Henri Dupin,
et Thomas Sauvage, Le
Perruquier et le Coiffeur,
Variétés, 19/02/1824.
1824
Armand d’Artois et Boniface,
Gengiskan, ou l’Aimable
Tartare, Vaudeville,
24/02/1824.
Hullin, La Noce chinoise, Porte
1825
Saint-Martin, 02/11/1825.
Edmond Rochefort, Espérance-
Hippolyte Lassagne, et
Mathurin-Joseph Brisset, La
Pêche de Vulcain, ou l'Île des
Fleuves, Vaudeville,
1826 05/07/1826.
Publication de la traduction
1828 française des Mille et une nuits
d’Hammer-Trebutien.
Léopold (Chandezon),
Confirmation par ordonnance
Envoi d’élèves chinois en France L'Éléphant du Roi de Siam,
1829 royale de la Société asiatique
par les Lazaristes. Cirque-Olympique,
fondée en 1822.
04/07/1829.
Instauration de la Monarchie de
1830
Juillet.
Stanislas Julien (trad.), Hoeï-
lan-ki, ou L’Histoire du cercle
1832
de craie, publié à Londres,
1832.
Eugène Scribe, Gustave III, ou
1833 le Bal masqué, Opéra,
27/02/1833.
Entrée de William John Napier (9e Louis Henry, Chao-Kang,
Lord Napier) dans la ville de Théâtre Nautique (Salle
Canton (sans attendre la Ventadour), 16/10/1834.
1834 permission de Macao), et contact Cogniard frères, Au rideau !,
avec les officiers chinois sans ou les singeries dramatiques,
l'intermédiaire du Cohong. Cirque-Olympique,
Déclenchement du conflit militaire 09/12/1834.
520
sino-anglais. Emmanuel Théaulon, Frédéric
de Courcy et Nézel, 1834 et
1835, ou le Déménagement de
l’année, Palais-Royal,
28/12/1834.
Stanislas Julien (trad.). Tchao-
chi-kou-eul, ou L’Orphelin de
la Chine, Paris, 1834.
Alphonse-André-Véran Poujol,
Théodore Baudouin d'Aubigny,
et Charles Desnoyer,
Zazézizozu, ou les Échecs, les
Cartes et les Dominos, Cirque-
Olympique, 05/12/1835.
E. St-Yves, H. Déaddé et
Publication de Chine ou L. Delalain, Les ombres
Description historique, chinoises, Théâtre des Jeunes
géographique et littéraire de ce Élèves-Comte, 22/02/1837.
vaste empire, d'après des
documents chinois, du sinologue
français Guillaume Pauthier. Anonyme, La Fête chinoise,
Théâtre des Ombres chinoises,
01/01/[sans année].
521
Anonyme, La Chatte
amoureuse, Funambules,
23/02/1838.
Anonyme, Le Magot de la
Quarante mille caisses d’opium Chine, préparé par Gymnase
débarquées clandestinement par les enfantin, autorisé par le comité
Britanniques. Un décret impérial de censure, 30/10/1838.
1838 condamne à mort toute personne
impliquée dans la production, le Ferdinand de Villeneuve et
transport, la vente ou la Charles de Livry,
consommation d’opium. Mademoiselle Dangeville,
Palais-Royal, 10/04/1838.
G. Janéty et E. Bonnemère,
Micromégas, Théâtre du
Panthéon, 27/02/1841.
H. Messant et A. Monnier,
Bilboquet II, ou le
1841
Saltimbanque chinois, Théâtre
Saqui, avril 1841.
Antoine Bazin (dit Bazin aîné)
(trad.), Le Pi-Pa-Ki, ou
l’Histoire du luth, Paris, 1841.
522
de la Chine populaire proclamée
Charles Charton, Le Mandarin
en 1949.
Chi-han-li, ou le Chinois de
paravent, Funambules,
05/12/1842 ou 12/12/1842.
523
Faulquemont et Alexandre,
L'Impératrice de la Chine,
Proclamation de la Deuxième
vaudeville, Théâtre des
République.
Délassements Comiques,
02/10/1848.
1848 Parution de Voyage en Chine, à
Un Pékin, Un voyage en Chine,
Paris, de Jules Itier, dont des
publié en 1848.
photos prises à Macao et en Chine.
Premier « train de plaisir » de Fich-Ton-Kan, Fich-ton-kan à
Paris à Dieppe, le 1er août : début Louis-Philippe, roi infiniment
du tourisme ferroviaire. cher, publié en 1848.
Alexandre Dumas et Auguste
Création de la concession française Maquet, Le Chevalier
à Shanghai. La « concession » d’Harmental, Théâtre
désigne un territoire appartenant Historique, 26/07/1849.
nominalement au pays où il était Clairville et Jules Cordier, Une
1849 enclavé mais géré sur tous les semaine à Londres, ou les
plans par un état étranger. La Trains de plaisirs, Vaudeville,
surface de la concession française 09/08/1849.
à Shanghai atteindra 1000 hectares
Jules Moinaux, La Conquête de
au début du XXe siècle.
la Chine, publié en 1849.
Félicien de Baroncelli, Le
Fondation du Collège Saint-Ignace
Inaugurations du Musée chinois de Magnétisme en Chine, ou Une
1850 à Zikawei (concession française à
Jeanron au Louvre. révolution dans l’autre monde.
Shanghai) par les Jésuites.
Publié en 1850.
524
Dumanoir et Clairville, Les
Crapauds immortels, Théâtre
de la Montansier [Palais-
Royal], 10/12/1851.
525
Adolphe Guénéé et Charles
Potier, Voilà ce qui vient de
paraître, Délassements,
29/12/1854.
526
Théodore Cogniard et
Clairville, As-tu vu la comète,
mon gars? Variétés,
Signature du Traité franco- 30/12/1858.
japonais de paix et de commerce. Les deux nains chinois Ching-
Fou-Guong, Cirque Napoléon,
de décembre 1858 à janvier
1859.
527
Jules de Lubac, Les Français
devant Pékin, Alcazar (à
Lyon), 14/03/1861.
Adolphe Dennery et C.
Mocquard, La Prise de Pékin,
Théâtre Impérial du Cirque,
27/07/1861.
Création du Zongli Yamen, Anonyme, Les Français en
ministère chargé des affaires Chine, Invalides, août 1863.
étrangères. Hip. Lefebvre et Julien
Deschamps, Les Bayadères de
Fou-Chow-Fou, ou les
Bayadères de Trichinopoli,
Vaudeville, 25/11/1861.
Hip. Lefebvre et H. Avocat, La
Méprise de Pékin, Vaudeville,
01/12/1861.
528
Arrestation et condamnation à
mort de Giovanni Pietro Neel
Charles Cabot, Les Chinois au
(Missions étrangères de Paris) et
Châtelet, publié en 1862.
de sa suite chinoise, accusé de
violer la loi impériale.
Anonyme, Le Combat de
Palikao, Invalides, août 1863.
529
mœurs occidentales ». Alfred de Musset, Fantasio,
Comédie-Française,
18/08/1866.
Arr Hee et Ah Sam, acrobates
chinois, Eldorado, janvier -
avril 1867.
Annexion de la Cochinchine
occidentale par la France. Henri Thiéry et William
Busnach, Les Voyageurs pour
Publication des Affinités du l’Exposition, Folies-
japonais avec certaines langues Dramatiques, 27/03/1867.
du continent asiatiques, de Léon Henri Dupin, L'Orphelin de la
de Rosny. Chine, Palais-Royal,
08/04/1867.
« Spectacle chinois » assisté
d’Ay-Naï, Ya-Bchoé, et A-
Participation officielle du Japon à Sam, Théâtre chinois de
1867 l’Exposition universelle et l'Exposition universelle,
organisation de la sélection et de la 12/05/1867.
présentation de ses produits. Woo-Goo (géant chinois),
Mow (nain tartare), King-Foo
(Chinoise aux petits pieds),
Ling-Look (avaleur chinois
d’œufs et d’épées),
Deuxième Exposition Universelle Hippodrome, 01/08/1867.
à Paris, sur le Champ-de-Mars, du
1er avril au 3 novembre 1867.
Albert Lavignac, Le Plain-
Refus de participation à chant chinois, Théâtre de
l’Exposition universelle du Rossini, 04/08/1867.
gouvernement chinois. La troupe cantonaise à
l'Exposition universelle, 1867.
Alfred Duru et Henri Chivot,
Fleur-de-Thé, Athénée,
Création de la première chaire de Restauration de l'empereur 11/04/1868.
1868 japonais à l'Ecole des Langues japonais Meiji ; modernisation et Alphonse Lemonnier et
orientales. occidentalisation du Japon. François Oswald, Tout Paris la
verra, Théâtre Saint-Pierre,
24/12/1868.
Emeute à Yangzhou (sud-est de la
Chine) : les Chinois détruisent le
Exposition de produits d’art bâtiment de la China Inland
oriental ancien et moderne, au Mission ; la guerre anglo-chinoise
Palais de l’Industrie, préfiguration est presque provoquée.
1869
du musée des arts décoratifs
incluant des collections chinoises
et japonaises. W. A. P. Martin, missionnaire
presbytérien américain nommé
président du Tongwen Guan.
530
Mort de missionnaires français à
Tientsin, tués par des émeutiers
Défaite de l'armée française à
chinois. Incendie de plusieurs Paul Burani, Le Sire de Fisch
1870 Sedan. Proclamation de la
églises catholiques et Ton Kan, Ambigu, 1870.
Troisième République.
établissements français, y compris
le consulat.
531
française sur les provinces du
Nam-Ky occupées depuis 1867.
L’Annam s’ouvre au commerce Anonyme, La Fille Angot
français. jusqu'en Chine, Théâtre Saint-
Laurent, 02/07/1874.
Tin-Tun-Ling, La Guerrière du
pays de Hou, Théâtre Rossini,
05/07/1874.
Gilardoni, Une fête à Pékin,
Cirque Fernando, 22/09/1874.
Édouard Clerc et Émile Clerc,
Un Mariage en Chine, Bouffes-
Parisiens, 26/12/1874.
(Paul Verlaine), Peh-Li-Kan,
Cercle de l’Union artistique,
31/03/1875.
L’impératrice Cixi dirige seule le Tin-Tun-Ling, Le Débordement
1875 de Yang-Tsu-Kiang, Théâtre
gouvernement.
Rossini, juillet 1875.
532
Le « Géant chinois »,
Hippodrome, fin juillet - août
1878.
1881-
Guerre franco-chinoise, au Vietnam.
1885
533
G. Champagne, Les Pavillons
noirs, ou la Guerre de Ton-kin,
Batignolles, 22/12/1883.
[Kao-Tong-Kia, Le Pi-Pa-Ki,
Reconnaissance par la Chine du
ou l'Histoire du luth, traduit par
1884 protectorat français sur l’Annam et
Bazin Aîné, Porte Saint-Denis,
le Tonkin.
1884.]
G. Marot, L. Périchaud, et H.
Noellet, Les Français au
Tonkin, Théâtre du Château
Publication de l’éditorial intitulé
d’Eau, 09/02/1885.
« Datsu-A-Ron » par Fukuzawa
Yukichi, dans lequel ce futur
directeur de l’Académie japonaise Léonce Saint-Phar, Les
1885 Mort de Victor Hugo. Épisodes de la Guerre au
propose au gouvernement
d’ « échapper à l’Asie et de Tonkin (La Prise de Lang-Son),
s’intégrer dans le cercle des Cirque Fernando, 28/03/1885.
Occidentaux ».
A. Cahen et Norès, Les
Chinoiseries de l’année,
Batignolles, 23/12/1885.
534
Schelegel. C’est le premier journal Lebreton et Beissier, La Petite
international consacré à la Tonkinoise, Eden Concert,
recherche sur l'Asie de l'Est. 05/07/1890.
535
centrale. Jules Arrène (trad.), La Fleur
enlevée, Nouveau Théâtre,
22/04/1896.
Publication de la traduction
Annexion de la région de Judith Gautier, La Tunique
française des Mille et une nuits de
1899 Zhanjiang (Guangzhouwan) au merveilleuse, Odéon,
J. C. Mardrus.
Canton occidental par les Français. 14/01/1899.
536
Exposition universelle à Paris, du
Léopoldo Fregoli, Eldorado,
15 avril 1900 au 12 novembre
Trianon, 20/01/1900.
1900. Occupation de Pékin par les
Boxers, siège des ambassadeurs
occidentaux. Expédition des huit
nations sur Pékin et déclaration de Tching-Té-Hoëi, Fan-Sou, ou
guerre à la Chine. les Intrigues d'une soubrette,
traduit par Marc Legrand,
Théâtre Indo-chinois de
Représentation de pièces de l'Exposition universelle,
Kabuki par la troupe de Sadda 21/06/1900.
1900 Yacco, à l’Exposition universelle.
Anonyme, La Chinoise,
Ouverture de « Sincere », à Hong Théâtre Loïe Fuller de
Kong, premier grand magasin géré l'Exposition universelle,
par les Chinois eux-mêmes. 22/06/1900.
Publication des Derniers jours de Installation du siège de l’École Jean Bernac, Le Chat et le
Pékin, récit de Pierre Loti d'après d'Extrême-Orient à Hanoi. / 1902- chérubin, d'après Chester
1902
ses expériences pendant la guerre 1903 : Exposition Universelle, à Bailey Fernald, Vaudeville,
en 1900. Hanoï. 24/04/1902.
Interdiction des établissements
Anonyme, La Vieille revue,
1903 scolaires français aux Jésuites.
Cercle de la Rue Royale, 1903.
Expulsion des Jésuites du territoire
537
français.
538
Le Chagrin dans le palais de
Han. Pièce chinoise traduite
par Louis Laloy. Théâtre des
Arts, 09/06/1911. Publiée en
1921.
Judith Gautier et Pierre Loti,
La Fille du ciel, publié en
Soulèvement de Wuchang. La
1911. Représentée au Century
Révolution républicaine éclate.
Theatre (New York, États-
Unis), 12/10/1912.
Proclamation de la République
Naufrage du Titanic, alors le plus
1912 chinoise. Fin du règne de la
grand paquebot du monde.
dynastie Qing.
539
Annexe 3 : Chronologie des pièces du théâtre chinois traduites en
français avant 1900
Compléments
Année Auteur1 Traducteur Titre2 Éditions
d’information
Publié in Père Jean-
Baptiste Du Halde (dir.),
Description de l'Empire de
la Chine et de la Tartarie
Une version abrégée était
Tchao Chi Cou Ell (趙氏 chinoise, tome III, Paris,
[Ki-Kiun- Père Joseph traduite par le Père de
1735- 孤兒), ou le Petit orphelin P.-G. Lemercier, 1735, pp.
Tsiang Henri Marie Prémare en 1731.
1755 de la maison de Tchao, 339-378.
(紀君祥)]3 De Prémare
tragédie chinoise.
Publié sous le titre de
Tchao-Chi-Cou-Eulh, ou
l'Orphelin de la maison de
Tchao en 1755.
Traduit du chinois en anglais
par Sir John Francis Davis,
Lao-Seng-Eul, comédie et de l'anglais en français par
chinoise ; suivie de San-iu- Antoine-André Bruguière.
[Wou-Han- Lao-Seng-Eul (老生兒) Leou, ou les Trois étages
1818- A. Bruguière
Tchin (« Le Vieillard qui obtient consacrés, conte moral, Le résumé de la pièce est
1819 de Sorsum
(武漢臣)] un fils »). Londres, Dulau et Cie & retrouvable in Jean-Pierre
Paris, Rey et Gravier, Abel-Rémusat, Mélanges
1818-1819. asiatiques, Paris, Librairie
orientale de Dondey-Dupré
père et fils, tome II, 1826.
Utilisés comme exemples de
l'apprentissage de la langue
Publié in Père de Prémare, orale chinoise.
Extraits tirés de Yuen-jin-
Notitia linguae sinicae
[Ki-Kiun- Père Joseph- Peh-chung (« Collection
1831- (« Notice sur la langue Ce volume est rédigé à
Tsiang Henri de d'une centaine de pièces de
1847 chinoise »), 1831-1847. Canton, en 1728 ; publié en
(紀君祥)] Prémare théâtre sous la dynastie de
latin à Malacca, en 1831 ;
Yuan »).
traduit en anglais par J. G.
Bridgman et publié à Canton,
en 1847.
Hoeï-lan-ki (灰闌記), ou Première traduction
[Li-Hing-
Stanislas l'Histoire du cercle de Londres, John Murray, complète (paroles et vers
1832 Tao
Julien craie, drame en prose et en 1832. chantés compris) du théâtre
(李行道)]
verse. chinois.
Ki-Kiun- Tchao-chi-kou-eul (趙氏孤
Stanislas
1834 Tsiang 兒), ou L'Orphelin de la Paris, Moutardier, 1834.
Julien
(紀君祥) Chine, drame en prose et
1
Nous relevons les noms transcrits par les sinologues des XVIIIe-XIXe siècles. Le système de transcription alors utilisé est en
fait différent de celui qu’on utilise couramment aujourd’hui, à savoir le « pinyin ». Pour éviter les confusions, nous indiquons
dans le tableau les noms des auteurs en caractères chinois.
2
Dans les écrits des sinologues contemporains (et surtout chez Bazin), les titres originaux et les titres transcrits en français
sont parfois juxtaposés. Nous relevons les titres bilingues retrouvés chez ces sinologues. Rappelons que les titres chinois
retrouvés sont pour la plupart les titres abrégés. Par exemple, le titre original chinois de Tchao-chi-kou-eul (Zhao Shi Gu Er
en pinyin) est en fait l’abréviation de Zhao Shi Gu Er Da Bao Chou, « la vengeance de l’orphelin de la famille de Tchao ».
3
Les noms des dramaturges mis entre crochets ne sont pas mentionnés dans les éditions signalées.
540
en vers.
Tching-Té- Tchao-meï-hiang (㑳梅
Hoei 香), ou les Intrigues d'une
(鄭德輝) soubrette, comédie.
Publiées in Bazin aîné,
Tchang- Ho-han-chan (合汗衫), ou
Théâtre chinois, ou Choix
Koue-Pin la Tunique confrontée,
de pièces de théâtre
1838 (張國賓) Bazin aîné drame.
composées sous les
Ho-lang-tan (貨郎旦), ou
Anonyme empereurs mongols, Paris,
la Chanteuse, drame.
Imprimerie royale, 1838.
Kouan- Teou-ngo-youen (竇娥冤),
Han-King ou le Ressentiment de
(關漢卿) Teou-ngo, drame.
Kao-Tong- Selon le traducteur, cette
Kia Le Pi-pa-ki (琵琶記), ou Paris, Imprimerie royale, pièce était « représentée à
1841 Bazin aîné
(高東嘉, l'Histoire du luth. 1841. Pékin, en 1404, avec les
ou 高明) changements de Mao-Tseu ».
Sir John Traduite en français par
Ma-Tchi- N° 1 : Han-kong-thsieou
Francis Louis Laloy en 1911, et
Youen (漢宮秋), ou les Chagrins
Davis (en Publié in Bazin aîné, « Le publiée à Chartres,
(馬致遠) dans le palais de Han.
anglais) Siècle des Youên : Imprimerie de Durand, 1921.
Wou-Han- N° 22 : Lao-seng-eul (老生 deuxième partie - langue
A. Bruguière
Tchin 兒), ou le Vieillard qui commune - pièces de
de Sorsum
(武漢臣) obtient un fils. théâtre », in Journal
Li-Hing- N° 64 : Hoeï-lan-ki (灰闌 asiatique, quatrième série,
Stanislas
Tao 記), ou Histoire du cercle tomes XVII-XVIII, février
Julien
(李行道) de craie. - décembre 1851.
Père Joseph-
Ki-Kiun- Henri de N° 85 : Tchao-chi-kou-eul Ce volume rassemble des
Tsiang Prémare ; (趙氏孤兒), ou l'Orphelin résumés de l’intrigue et des
(紀君祥) Stanislas de la famille de Tchao. extraits de dialogues tirés
Julien de l’anthologie Youen-jin-
pe-tchong (ou Yuen-jin- La traduction de Stanislas
Peh-chung, (« Collection Julien n’est pas publiée, mais
d’une centaine de pièces de on en trouve une analyse, à
théâtre sous la dynastie de la suite de l’Aulularia, dans
Yuan »). le Théâtre de Plaute traduit
1851-
[Tchin- par Joseph Naudet.
1853 [Stanislas N° 91 : Khan-thsien-nou
Thing-Yu
Julien] (看錢奴), ou l'Avare.
(鄭廷玉)] Les numéros et les titres Pour la traduction complète,
sont ceux attribués dans la voir Li Tche-Houa (trad.),
compilation originale. Les L’Avare, in Le Signe de
résumés des intrigues sans patience et autres pièces du
dialogues ne sont pas cités théâtre des Yuan, Paris,
ici. Gallimard, 1963.
Kiao-
Meng-Fou N° 2 : Kin-thsien-ki (金錢
(喬夢符, 記), ou le Gage d'amour. Certains extraits dans cet
ou 喬吉) ouvrage seront repris in
N° 4 : Youen-yang-pi (鴛 Bazin aîné, « Arts,
Anonyme 鴦被), ou la Couverture du littérature et mœurs :
Bazin aîné lit nuptial. Théâtre », Chine moderne,
Tchang- N° 8 : Ho-han-chan (合汗 L'Univers ou Histoire et
description de tous les Extraits tirés du Théâtre
Koue-Pin 衫), ou la Tunique
peuples, Paris, Firmin- chinois (1838) de Bazin.
(張國賓) confrontée.
N° 18 : Laï-seng-tchai (來 Didot, 1853, pp. 391-466.
Anonyme 生債), ou la Dette (payable
dans) la vie à venir.
541
Yo-Pe- N° 29 : Tie-khouaï-li (鐵拐
Tchouen 李), ou la Transmigration
(岳伯川) de Yo-cheou.
N° 32 : Thsieou-hou-hi-
Che-Kiun-
thsi (秋胡戲妻), ou le
Pao
Mari qui fait la cour à sa
(石君寶)
femme.
Tching-Té- N° 41 : Thsien-niu-li-hoen
Hoei (倩女離魂), ou le Mal
(鄭德輝) d'amour.
Pour la traduction complète,
Ma-Tchi- N° 45 : Hoang-liang-mong voir Louis Laloy (trad.), Le
Youen (黃粱夢), ou le Songe de Rêve du millet jaune, Bruges
(馬致遠) Liu-thong-pin. et Paris, Desclée de
Brouwer, 1935.
N° 48 : Hao-thien-tha (昊
Anonyme 天塔), ou la Pagode du
ciel serein.
Thsin- N° 57 : Tchao-li-jang-feï
Kien-Fou (趙禮讓肥), ou le
(秦簡夫) Dévouement de Tchao-li.
Yang-
N° 58 : Kho-han-thing (酷
Hien-Chi
寒亭), ou le Pavillon.
(楊顯之)
Pour la traduction complète,
Tchin- N° 61 : Jin-tseu-ki (忍字 voir Li Tche-Houa (trad.), Le
Thing-Yu 計), ou Histoire du Signe de patience et autres
(鄭廷玉) caractère Jin. pièces du théâtre des Yuan,
Paris, Gallimard, 1963.
Tching-Té- N° 66 : Tchao-meï-hiang
Extraits tirés du Théâtre
Hoei (㑳梅香), ou la Soubrette
chinois (1838) de Bazin.
(鄭德輝) accomplie.
Wang- N° 78 : Ou-ji-thao-youen
Tseu-Yi (誤入桃源), ou la Grotte
(王子一) des pêchers.
N° 84 : P'ao-tchoang-ho
Anonyme (抱粧盒), ou la Boîte
mystérieuse.
Kouan- N° 86 : Teou-ngo-youen
Extraits tirés du Théâtre
Han-King (竇娥冤), ou le
chinois (1838) de Bazin.
(關漢卿) Ressentiment de Teou-ngo.
N° 94 : Ho-lang-tan (貨郎 Extraits tirés du Théâtre
Anonyme
旦), ou la Chanteuse. chinois (1838) de Bazin.
Syntaxe nouvelle de la
Ki-Kiun- Tchao-Chi-Kou-Eul, ou Traduction mot à mot des
Stanislas langue chinoise, tome 2,
1870 Tsiang L'Orphelin de la Chine dialogues des trois premiers
Julien Paris, Maisonneuve, 1870,
(紀君祥) (extrait) actes (avec le prologue).
pp. 309-406.
L’original chinois est
Genève, H. Georg ; Paris,
[Wang- Si-siang-ki, ou L'histoire composé de cinq « ben »
1872- Stanislas E. Leroux ; Londres :
Chi-Fou du pavillon d'Occident, (chapitres). Chez Stanislas
1880 Julien Trübner, ca. 1872-1880
(王實甫)] comédie en seize actes Julien, le cinquième
(publication posthume).
« chapitre » n’est pas traduit.
Pa Tchang Palan Houal Jules Arène, La Chine
(La Fleur Palan enlevée), « familière et galante, Paris, Représentée au Nouveau-
1876 [Anonyme] Jules Arène
Houa couo shi », théâtre de Charpentier, 1876, pp. Théâtre, le 22 avril 1896.
femmes. 112-139.
542
[Kao-
Tong-Kia Le Pi-pa-ki
(高東嘉, [pp. 84-93, 166-170]
ou 高明)]
[Tching- Les Intrigues d'une
Té-Hoei [Bazin aîné] soubrette [pp.113-115 ;
(鄭德輝)] 250-262]
La Dette payable dans la
[Anonyme] Certains extraits reprennent
vie à venir [pp. 205-210]
Tcheng Ki-Tong, Le la traduction de Bazin aîné
[Sans indiquer le titre de la
1886 [Anonyme] Théâtre des Chinois. Paris, avec quelques modifications
pièce] [pp. 235-240]
Calmann Lévy, 1886. apportées par Tcheng Ki-
[Tchin-
L'Histoire du caractère Jin Tong.
Thing-Yu
[pp. 129-130]
(鄭廷玉)]
[Yo-Pe- La Transmigration de Yo-
Tcheng Ki-
Tchouen Cheou [pp. 143-144, 147-
Tong
(岳伯川)] 149, 150-151]
[Tchin- L'Avare (L'Esclave de
Thing-Yu richesse qu'il garde) [pp.
(鄭廷玉)] 190-194]
Li-Li- Publié in « Miscellanées
Camille Pi-mou-yu, les Deux soles,
Ouong chinois », Journal
1890 Imbault ou acteur par l'amour
(李笠翁, Asiatique, tome XV, 8e
Huart (extrait)
ou 李漁) série, 1890, pp. 483-492.
Cette pièce n’est autre que
Châ-kheou-khiuen-fou, ou Le
[Xiao Corriger un homme en Chien de Yang-chi, qu’on
Dexiang4 tuant un chien (prologue, retrouve dans « Le Siècle des
(蕭德祥)] acte III) Youên » (1851) de Bazin.
Celui-ci l’attribue à un
Publié in Père Charles de
auteur anonyme.
Bussy, Cursus Litteraturæ
Pour la traduction complète,
Sinicæ, neo missionariis
Le Vieillard de la salle voir Li Tche-Houa (trad.), Le
[Thsin- accomodatus, Zi-Ka-Wei
orientale (Prologue ; Acte Fils prodigue, in Le Signe de
Kien-Fou (à Shanghai), Imprimerie
I ; Acte III-scène 1, scène patience et autres pièces du
(秦簡夫)] de la Mission catholique,
2 ; Acte IV, scène 1) théâtre des Yuan, Paris,
tome I, 1891.
Gallimard, 1963.
[Yang- La Pluie aux bords des
Père Charles Cet ouvrage est traduit de
1891 Hien-Chi rivières Siao et Siang
de Bussy Cursus Litteraturæ Sinicæ,
(楊顯之)] (Prologue ; Acte IV)
neo missionariis
Cette pièce n’est autre que
accomodatus [en latin], du
Laï-seng-tchai, ou la Dette
Père Angelo Zottoli, Tome
[Liu Junxi5 La Dette de la vie future (payable dans) la vie à venir,
I, Volume prium pro
(劉君錫)] (Prologue ; Acte I) qu’on retrouve dans « Le
infima classe, lingua
Siècle des Youên » (1851) de
familiaris, Chang-hai
Bazin.
[Shangai], Ex typographia
[Tchang-
Sié Jen Koei (Prologue ; missionis catholicæ, 1879.
Koue-Pin
Acte I ; Acte II)
(張國賓)]
Le Chemin de la Colline du
[Anonyme]
cheval (Prologue)
[Tchin- Le Créancier ennemi
Thing-Yu (Prologue)
4
Le nom du dramaturge est introuvable dans les ouvrages contemporains que nous avons consultés. Nous transcrivons son
nom en français par le système pinyin.
5
Id.
543
(鄭廷玉)]
Circonspection à l'égard
[Li-Li- du lien conjugal (Scène
Ouong 20)
(李笠翁, L'Erreur du cerf-volant
ou 李漁)] (scène 6, scène 7, scène 8)
Destin inévitable (scène 2)
[Wang-
Histoire du Pavillon
Chi-Fou
occidental (Acte I, Acte II)
(王實甫)]
[Kao-
Tong-Kia Histoire du luth (scène 37,
(高東嘉, 39, XL, XLI, XLII)
ou 高明)]
La Boîte mystérieuse Léon Charpentier, « Le
[Anonyme] Théâtre et la littérature
(extrait)
dramatique chez les
Chinois », La Nouvelle Léon Charpentier mélange
Revue, le 1er octobre 1900, La Transmigration de Yo-
[Yo-Pe- pp. 335-352. Tchéou de Yo-Po-Tchouen et
La Transmigration de Yo-
Tchouen Le Mal d’amour de Tching-
Tchéou (extrait)
(岳伯川)] Charpentier reprend des Té-Hoei, et crée une
Léon extraits traduits par Bazin « comédie chinoise »
1900
Charpentier et les modifie. Les intitulée Les
passages repris Transmigrations de Yo-
proviennent de « Arts, Tchéou. Celle-ci, publiée
littérature et mœurs : pour la première fois dans
[Tching- Théâtre », Chine moderne, Mercure de France (juillet-
Té-Hoei Le Mal d'amour (extrait) L'Univers ou Histoire et août 1901), est modifiée et
(鄭德輝)] description de tous les publiée en un seul volume en
peuples, pp. 406-410, 420- 1920.
424, 426-427.
Nouvelle traduction /
Tching-Té- Fan-Sou, ou les Intrigues Publié dans L’Universelle, adaptation de Tchao-meï-
1900- Marc
Hoei d'une soubrette, comédie parution de décembre 1900 hiang, ou les Intrigues d'une
1901 Legrand
(鄭德輝) en 4 actes à janvier 1901. soubrette, traduite par Bazin
aîné en 1838.
544
Annexe 4 : Pièces exclues de notre répertoire
545
Le Magot (sans lieu de Henri Malin Le « magot » désigne les « petites
représentation, 1896) économies » d’une jeune paysanne. Sans
rôle chinois.
Le Magot, ou Marins (Palais- Victorien Sardou Une histoire des marins. Sans aucun
Royal, 14/01/1874) Chinois.
Le Magot de Jacqueline Jallais et Numa Le « magot » désigne une grosse fortune.
(Spectacle Debureau,
09/07/1858)
Les Mogols, ou l’héroïsme de la Joigny et Gilles Un empereur mogol est monté sur le trône
générosité (Porte Saint-Martin, par l’usurpation. Il croit que le meurtre l’a
02/06/1821)
délivré de Caleb, prince vertueux qui le
remplace et règne depuis vingt ans. Sans
rôle chinois.
Le Sérail, ou la Fête du Mogol Jean-Baptiste- La scène se passe, aux deux premiers actes,
(Cité-Variétés, 1er brumaire an Augustin Hapdé, à Agra, capitale du Mogol ; et au troisième
VIII [23/10/1799]) Joachim-Emmanuel
dans un désert à quelques lieues d’Agra.
546
Dabaytua Sans aucun Chinois.
Odalisque Le Mouchoir, ou l’Odalisque Louis [L. B. F. von La scène se passe à Andrinople, dans le
volontaire, (Gaîté, Bilderbeck], et palais de plaisance d’Achmet III. Sans rôle
12/04/1817.) D*** [J.-J.-M.
chinois.
Duperche]
L’Odalisque (Théâtre de la Mélesville et Xavier Scène orientale mêlée de Sivas indiens.
Montansier, 28/03/1850) Sans Chinois.
Les Odalisques (Vaudeville, [sans À Constantinople, une odalisque grecque
accepté par le comité de censure renseignements] est sauvée par la femme de l’ambassadeur
le 24/11/1840)
d’Angleterre. Celle-ci se déguise et se fait
conduire au sérail. Sans rôle chinois.
Les Odalisques pour rire Eugène Planté et A. En signant du nom d’un pacha d’Egypte,
(Délassements- Comiques, Jouhaud quelques commis de magasin écrivent aux
10/juin/1853)
jeunes grisettes afin de les séduire et les
[= Les odalisques de la rue du
Caire. BnF Ms. Douay 904 (1- enlever. La scène se passe au Havre. Sans
3), signé 1853 et le 27/08/1871] personnage chinois.
Orient, Oriental La Guerre d’Orient (Cirque, Albert et De La Guerre de Crimée. Officiers et soldats
(e) 10/07/1854) Lustière français, russes, anglais, turcs. Sans
Chinois.
Les Orientales (Folies- Édouard Brisebarre Un capitaine de corsaires dont la fiancée est
Dramatiques, 05/04/ 1853) et Marc-Michel enlevée par un marchand turc se déguise en
eunuque et se glisse dans la maison afin de
libérer sa bien-aimée. Sans rôle chinois.
La Question d’Orient (Théâtre Moinaux
Variétés, 1854).
La Question d’Orient (Variétés, Discussion au sujet de l’Empire ottoman.
accepté par le comité de
censure, le 21/06/ 1876).
Pagode Les Éléphants de la pagode V. de Saint-Hilaire, Des Indiens et des esclaves noirs. Sans
(Cirque-olympique, A. Bourgeois. personnage chinois.
09/12/1845)
La Pagode (Opéra-comique, Saint-Georges Une histoire indienne.
26/09/1858)
La Pagode (Opéra-Comique, Vernoy de Saint- La scène se passe aux Grandes-Indes. On
20/09/1859) Georges voit un grand prêtre « Fadidjou » et une
divinité indienne nommée « Foa ». Sans
aucun Chinois malgré les « bayadères
portant des lanternes et des falots allumés. »
(sc. 10)
Revue Paris en général (Folies- Hector Monréal, Revue de l’année. Personnages muets dits
Dramatiques, 24/12/1886) Henri Blondeau, « Peuples de toutes les nations », sans
Georges-Auguste
indiquer le « Chinois ».
Grisier
Paris-Exposition (Variétés, Hector Monréal, Revue de l’année. Un Annamite conduit le
20/11/1889) Henri Blondeau pousse-pousse. On l’appelle « espèce de
Chinois » (Acte II, tableau iv, sc. 4).
Tant plus ça change… (Palais- Edmond Gondinet, Revue de l’année. Personnages javanais et
Royal, 28/12/1878) Pierre Véron « visiteurs et visiteuses de toutes les
nations », sans indiquer le « Chinois ».
Tout-Paris (Théâtre Robert- Louis Lemercier de Revue de l’année. Un régisseur est nommé
Houdin, 19/11/1886) Neuville « Tamerlan ».
547
Vers l’avenir (sans Jules Rengade L’histoire de la France 1789-1900. Sans
représentation, 1900) Chinois.
Siam, siamois Les Gardes du Roi de Siam Eugène Cormon, L’intrigue se déroule à Bangkok. Les noms
(Variétés, 23/06/1857) Eugène Grangé, du roi Tam-Tam et du lieutenant Patchouli
Alfred Delacour
rappellent les personnages chinois.
La Reine de Siam (Variétés, fin Gen-Gis-Kan Une parodie de La Tour de Nesle (Porte
juin 1832)1 Saint-Martin, 1832). Cette reine siamoise
épouse un de ses sujets chaque soir et le fait
jeter le lendemain matin dans la mer, aux
acclamations de son peuple.
Yo-You, ou les deux frères Varner et A. H. J. Inspirée de l’exposition des « frères
siamois (Vaudeville, Duveyrier siamois » (pris au sens d’aujourd’hui). Les
11/01/1830)2
« frères siamois » sont d’origine chinoise.
Sultan Le Nouveau chimpanzé, ou Le Jallais et Ach. Il s’agit d’un sultan, Kain-Kan-Ho-Kan, qui
Singe du Sultan (Délassements Launois se consacre à faire plaisir à son chimpanzé
Comiques, 19/04/1853)
Koukouli. Sans aucun rôle chinois malgré
les noms quasi-chinois.
Tam-tam Le Docteur Tam-tam (Folies- F. Tourte La scène se passe à Bresello, en Italie. Il
Nouvelles, 05/03/1859) s’agit des bruits des instruments musicaux
(cocorico, tam-tam, etc.), ainsi que les
spectacles lyriques. Sans aucun rôle de
« Tamtam chinois » du XVIIIe siècle.
Tartare Divorce tartare, le hulla de Auteur non signé D’après le conte tiré des Mille et une nuits
Samarcande (Théâtre de la [BnF-ASP : Ms. (comme Arlequin Hulla, de Dominique et
République, 1793) Douay 2277]
Romagnesi (1728) ; Koulouf, de
(voir aussi : éd.
Cavanagh, 1793 ; Pixérécourt)
éd. André-Murville,
1794.)
Lodoïska, ou les Tartares Jean-Élie Bédéno Tartares européens. Sans aucun Tartare-
(Comédiens Italiens, Dejaure (père) chinois.
01/08/1791)
La Marche des Tartares Paul Boisselot Une ouverture musicale intitulée
(Folies-Dramatique, 1857) « Tartare ». Sans rôle tartare.
Mazeppa, ou le cheval tartare Jean-Guillaume- Les Tartares de l’Europe de l’Est (polonais)
(Cirque Franconi, 1825) Antoine Cuvelier, et non les Tartares-chinois.
Léopold Chandezon
Tour du monde Le Tour du monde en 80 jours Adolphe Dennery, Sans scène chinoise.
(Porte Saint-Martin, et Jules Verne
07/11/1874)
1
La pièce n’est pas publiée. Nous nous référons à la critique de Jules Janin, dans le Journal des débats paru le 25 juin 1832.
2
Selon le catalogue établi par Krakovitch, la pièce est représentée aux Variétés. Nous nous appuyons sur le manuscrit soumis
au comité de censure. Archives nationales, F18 667.
548
Annexe 5 : Glossaire
Dictionnaire de Dictionnaire de la langue
Grand Larousse du Compléments
l’Académie française française (Émile Littré)
XIXe siècle, 1866-1877 d’information
(6e édition, 1835) (1863-1877)
Arabe - Ce mot n’est pas mis ici - Qui est originaire d’Arabie. - (Fam.) Homme dur, avare,
comme un nom de nation : - (Fig.) Usurier, homme qui prête à gros intérêts, qui
il signifie quelquefois, dans avide. vend à un prix excessif ses
le langage familier, un - Cheval arabe, le plus beau, marchandises, ses services.
homme qui prête son argent le plus généreux de tous les
à un intérêt exorbitant, ou chevaux de l'Orient, et le seul
qui vend excessivement qui, avec le cheval anglais,
cher, ou qui exige avec trop soit de pur sang. On dit aussi
de dureté ce qu’on lui doit. un arabe, pour un cheval
arabe.
Asiatique - (Adj. des deux genres.) - Qui appartient à l’Asie. - Qui est propre, particulier
Qui appartient à l’Asie. Il se à l’Asie ou à ses habitants.
dit particulièrement du luxe, - Luxe asiatique : Luxe
des mœurs, du style. excessif, exagéré.
- Luxe asiatique : Luxe - Style asiatique : Style
excessif. diffus, imagé, chargé
- Mœurs asiatiques : d’ornements pompeux et de
Mœurs efféminées. pensées vides, tel que
- Style asiatique : Style devint le grec dans les
diffus et chargé colonies de l’Asie, sous
d’ornements inutiles. l’influence du climat et du
caractère des peuples
asiatiques.
- Habitant de l’Asie.
Asie [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] - Nom d’une des cinq
parties du monde, la plus
anciennement connue et la
plus orientale de l’ancien
continent. Une ligne
imaginaire, partant du bord
septentrional de la mer
Caspienne et aboutissant à
la presqu’île de Malacca,
indique la limite supérieure
des connaissances des
anciens en Asie ; encore
n’eurent-ils que des notions
fort vagues de plusieurs
pays en deçà de cette ligne.
Au delà, le pays des Sères
ou Sinæ (Chine) n’était
connu que de nom. Entre les
côtes de l’Océan, de la
Méditerranée et cette ligne,
se trouvaient les régions
suivantes : Asie Mineure,
549
Arménie, Parthie,
Mésopotamie, Babylonie ou
Chaldée, Assyrie, Syrie,
Colchide, Arabie, Perse,
Inde, Scythie ou Sarmatie.
Bambou - Espèce de roseau dont la - Graminée gigantesque de - Genre de graminées qui
tige s’élève à plus de l’Inde et d’autres pays chauds renferme les plus grands
soixante pieds, et qui croît (bambula arundinacea). Les végétaux de cette famille.
dans les Indes. arcs, en Australie, sont faits - Peine du bambou :
- Il se dit encore de la canne de bambou ; les flèches, de châtiment usité, surtout en
même de roseau de bois ou de roseaux. Chine, à l’égard de certains
bambou. coupables.
Bayadère - Nom que l’on donne, dans - Femme indienne dont la - Danseuse indienne.
l’Inde, aux femmes dont la profession est de danser - (Par ext.) Danseuse de
profession est de danser devant les temples ou théâtre ; personne qui se
devant les temples ou pagodes. livre à la danse.
pagodes. - Sorte de ceinture en corail.
Bonze - Prêtre chinois ou japonais. - Prêtre chinois ou japonais de - Prêtre de la religion de
la religion bouddhiste. Bouddha, à la Chine et au
Japon.
Bouddha [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] C’est le nom sacré du
(Voir « bouddhisme » ou fondateur du bouddhisme,
« bouddhiste » pour le sens au de même que le mot
niveau de la doctrine « Christ » est celui de Jésus.
philosophique et religieuse.)
Calife - Nom des souverains - Titre des souverains qui - Titre que prirent les
musulmans successeurs de exercèrent après Mahomet le souverains qui exercèrent,
Mahomet, qui réunissaient pouvoir temporel et spirituel. après Mahomet, le pouvoir
le pouvoir temporel et le spirituel et le pouvoir
pouvoir spirituel. temporel.
Cancan - Il s’est dit d’abord dans - Bruit, scandale fait mal à - Danse très libre,
cette phrase proverbiale : propos. Il fit un grand cancan accompagnée de gestes
faire un cancan, un grand de peu de chose. En ce sens indécents et de
cancan de quelque chose ; on écrit aussi quanquan. balancements qui imitent la
faire beaucoup de bruit, - Bavardages, malins propos. marche du canard.
beaucoup d’éclat d’une - Sorte de danse inconvenante *Cancaner.
chose qui n’en vaut pas la des bals publics avec des
peine. sauts exagérés et des gestes
- Il se dit maintenant, impudents, moqueurs et de
surtout au pluriel, des mauvais ton. Mot très familier
bavardages où il entre de la et même de mauvais ton dans
médisance. Ce sens est très le dernier sens.
familier.
Chine [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] - Nom du plus vaste empire
de l’Asie et du monde.
Chinois - Qui vient de la Chine, qui - Qui provient de la Chine. - Qui appartient, qui a
est dans le goût des Magot chinois. rapport à la Chine ou à ses
ouvrages de la Chine ; - Qui est dans le goût chinois. habitants.
tapisserie chinoise, pavillon - Ombres chinoises, - Lanterne chinoise :
chinois, cabinet chinois, spectacle d’enfants, qui lanterne de couleur, comme
jardin chinois, goût chinois, consiste à faire passer derrière celles dont on se sert en
des magots chinois. un transparent des figures Chine, servant aux
- Ombres chinoises : petit découpées, dont l'ombre se illuminations.
550
spectacle d’enfants, qui dessine sur un fond lumineux. - Pavillon chinois : sorte de
consiste à faire passer - À la chinoise, à la façon des kiosque à toit aigu, décoré
derrière un transparent des Chinois. Coiffure à la dans le genre de ceux des
figures découpées. chinoise, se dit d’une coiffure Chinois.
sans raie dans laquelle les - (Musique) Pavillon ou
cheveux sont relevés et réunis chapeau chinois :
tous ensemble par derrière. instrument de musique en
- Petites oranges grosses cuivre, garni de clochettes,
comme une noix, qu'on et ayant la forme conique
mange confites dans l’eau-de- évasée des chapeaux que
vie. Les chinois sont produits l’on porte en Chine.
par un oranger particulier qui - Ombres chinoises :
porte le nom de bigaradier spectacle ; jeu d’enfants qui
chinois (citrus vulgaris consiste à promener des
chinensis, Risso). figures découpées derrière
- Se dit, en moquerie, de un transparent sur lequel se
quelqu’un qui par sa tournure dessine leur silhouette.
de corps ou d'esprit a quelque - (Substantiv.) Habitant de
chose de burlesque et de la Chine.
désagréable. - (s. m. Par dénigr.)
Original, homme bizarre.
- Chinois de paravent :
figure grotesque, par
allusion aux dessins dont les
Chinois ornent leurs
paravents.
- Nom donné à une variété
de bigaradier, et surtout à
ses fruits, que l’on cueille
verts pour les confire ou les
préparer à l’eau-de-vie.
Chinoiserie [Pas d’entrée.] - Petits objets venus de Chine - Petits objets de luxe et de
ou dans le goût chinois. fantaisie venus de Chine ou
- Fig. et par plaisanterie, exécutés dans le goût
action, parole de chinois. chinois.
- (Par ext.) Construction
mesquine et surchargée de
détails de mauvais goût.
- (Fam.) Action ou parole
de Chinois, bizarrerie,
extravagance.
Clochette Petite cloche qui se porte à - Petite cloche qu’on peut - Petite cloche.
la main. tenir à la main. - (Archit.) Nom donné à de
- Les clochettes, sorte de jeu petits ornements de forme
dans les orgues. Sorte de conique, qui se trouvent au-
carillon diatonique dans les dessous des triglyphes, dans
orchestres. l’ordre dorique. On les
- Fleur en forme de cloche. appelle aussi « gouttes ».
- Terme d'architecture. Sorte
d’ornement, qu'on nomme
aussi goutte, et qui est de
forme conique et taillé dans
l’architrave de l'ordre dorique.
551
Fo [Pas d’entrée.] - Nom de Bouddha en Chine. - Ou Foë, nom du Bouddha Koulouf (Opéra-
en Chine. Comique, 1806) :
« Le théâtre
représente un
riche appartement
dans le palais du
gouverneur. On
voit au milieu une
estrade surmontée
d’une statue du
dieu Fo, en avant
de laquelle est un
timbre ». (Acte II)
Gong [Pas d’entrée.] - Synonyme de tam-tam. - Instrument en usage chez
[Supplément au dictionnaire : les Chinois, qui est une
Le gong n’est pas synonyme sorte de cornet à bouquin.
de tam-tam. Le gong est un
instrument de cuivre que l’on
frappe, et le tam-tam est
recouvert d'une peau comme
les timbales.]
Japon - Nom que l’on donne à la - Nom que l’on donne à la - Porcelaine du Japon.
porcelaine apportée du porcelaine apportée du Japon. - En chinois Dji-pen, c’est-
Japon. Ces tasses et cette théière sont à-dire Empire du Levant,
d’ancien japon. Au plur. Des grand empire insulaire de
japons. l’extrémité orientale de
l’Asie, composé de 3 850
îles ou îlots ; par 29° 47’ de
lat. N., et 125° 147’ de long.
E.
Japonisme [Pas d’entrée.] - Néologisme. Goût et [Pas d’entrée.]
pratique des dessins et des
ornements qu’emploient les
artistes japonais.
Kan - Prince, commandant chez - Mot qui signifie prince ou - Ou Khan. Prince
les Tartares, les Persans, commandant, et qui est le titre souverain en Turquie, chez
etc. de l’autorité souveraine en les Tartares et en Perse.
- Se dit aussi d’un lieu où Tartarie. - Lieu préparé pour le repos
les caravanes se reposent. - Dans l’empire ottoman, le des caravanes.
sultan seul prend le titre de
kan après son nom, tout en
conservant celui de sultan
placé devant le nom propre :
Sultan Selim kan.
- En Perse, le titre de kan est
porté aujourd’hui par les
gouverneurs de provinces.
- En Orient, station pour les
caravanes dans les villes ou
sur les routes.
Kan-Kan [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] Nom donné par quelques
voyageurs à la civette.
Kankan [Pas d’entrée.] - Mot imitant le cri du canard. - Pays de l’Afrique
552
occidentale, vers le sud-est
de la Sénégambie, près des
limites de la Guinée
supérieure. Ce pays, qui a
pour capitale une ville nègre
du même nom, est riche par
ses productions et par le
commerce qu’il fait avec
Ségo et Tombouctou.
Kao-li [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] - Nom chinois de la
presqu’île de Corée.
Kaolin - Nom chinois d’une terre - Sorte d’argile blanche, très - Sorte de terre argileuse,
qui entre dans la pure, renfermant de réfractaire, blanche et
composition de la l’alumine, de la silice et de la friable, qui entre dans la
porcelaine. potasse, qui entre comme composition de la
partie essentielle dans la porcelaine de Chine.
fabrication de la porcelaine.
Les kaolins les plus connus se
trouvent à la Chine et au
Japon, ils sont assez blancs ;
en Saxe, ils ont une légère
teinte de jaune ou d’incarnat
qui disparaît au feu ; en
France, à Saint-Yriex-la-
Perche, à quatre myriamètres
de Limoges, ils sont
généralement blancs.
Laque (m.) - Du beau vernis de la - Vernis laque, beau vernis de - Vernis de la Chine très
Chine, ou noir, ou rouge, la Chine, ou noir ou rouge. estimé.
ainsi que des meubles qui - Nom d’ouvrages le plus - Ouvrage de bois ou de
en sont revêtus. souvent en carton, recouverts carton recouvert de ce
de vernis, ornés de figures et vernis.
de dorures, et venant de
Chine. De jolis laques.
Magot - Gros singe sans queue. - Gros singe sans queue du - Espèce de singe du genre
- (Fig. et fam.) Se dit d’un genre des macaques. macaque.
homme fort laid ; se dit - Fig. et familièrement. Un - Homme d’une grande
aussi d’un homme gauche et magot, un homme fort laid. laideur. On a quelquefois
grossier dans ses manières. - C’est un magot, un vrai employé le féminin en ce
- Se dit aussi d’une figure magot, se dit aussi d'un sens.
grotesque de porcelaine, de homme gauche et grossier - Petite figure grotesque
pierre, etc. Magot de la dans ses manières. sculptée ou moulée ; se dit
Chine. - Figure grotesque de particulièrement des figures
- Se dit encore, porcelaine, de pierre, etc. de porcelaine qu’on tire de
familièrement, d’un amas la Chine.
d’argent caché. - (Fam.) Somme d’argent
caché ou mis en réserve.
Mandarin Titre que l’on donne à tous - Titre que l’on donne aux - Nom donné par les
les gens en place de la officiers civils et militaires de Européens aux lettrés et
Chine, mais qui est étranger la Chine et qui est étranger à fonctionnaires de l’empire
à la langue chinoise. la langue chinoise. chinois.
- Le dialecte mandarin : la - Lettré, personne instruite.
langue mandarine, nom donné - Arbre de la Cochinchine,
553
à la langue actuellement qui a le port de nos tilleuls,
parlée et écrite en Chine par et qui a un fruit semblable à
les classes cultivées. nos grenades, mais plein
- Canard mandarin : canard d’une pulpe blanche,
originaire de Chine, à beau granulée, de saveur miellée.
plumage.
- Fig. Tuer le mandarin,
commettre une mauvaise
action, dans l’espérance
qu’elle ne sera jamais connue.
- Mandarine : Fruit du
mandarinier ; cette espèce
d’orange nous est venue
primitivement en France de
Malte.
Mikado [Pas d’entrée.] - Nom du prince souverain du - Ou Mikkado. Ancien
Japon, dont l’autorité suprême souverain spirituel,
a été en partie éclipsée par aujourd’hui souverain
celle du taïcoune, autrefois unique, du Japon.
simple feudataire. De nos
jours, le mikado a repris la
plénitude de l’autorité.
Mogol [Pas d’entrée.] - (Grand) Mogol : titre de - Synonyme de Mongol.
l’empereur du Mogol. « Grand Mogol », titre
qu’on donne quelquefois à
l’empereur des Mogols.
Mongol, -e [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] - Habitant de la Mongolie ;
[voir Mongolique : qui qui appartient à ce pays ou à
appartient aux Mongols.] ses habitants.
- Une des races humaines,
qui habite le nord-est de
l’Asie.
- Langue parlée dans
l’ancien empire des
Mongols.
Mongols [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] - (Empire des), appelé
vulgairement empire du
Grand Mogol, grand Etat
fondé en Asie dans la
presqu’île indoustanique en
1505, par Babour, petit-fils
de Tamerlan.
Nankin - Toile de coton qui est - Toile de coton - Toile de coton,
ordinairement d’un jaune ordinairement (non toujours, ordinairement d’un jaune
approchant de la couleur du car il y a du nankin blanc) chamois, qui s’est d’abord
chamois, qui se fabrique à d’un jaune particulier. fabriquée à Nankin.
Nankin ; ville de la Chine, - Couleur nankin : couleur - Se dit d’un jaune
et qu’on imite aux Indes et d’un jaune particulier. particulier, voisin du
en Europe. chamois, et qui est la
couleur ordinaire du nankin.
- Ou Nan-King, ville de la
Chine.
Odalisque Femme du sérail destinée - Femme esclave du harem - Femme de chambre
554
aux plaisirs du sultan. impérial attachée au service esclave, attachée au service
des femmes du sultan. (On se des femmes du sultan.
fait une idée trop avantageuse - Nom donné
de leur condition et que ce ne habituellement, mais par
sont que des chambrières.) erreur, aux femmes qui
composent le harem du
sultan.
Opium - Suc épaissi et concret des - Suc épaissi des capsules de - Suc épaissi et concret des
capsules de pavot blanc, qui diverses espèces du genre capsules des diverses
a une qualité narcotique et pavot et surtout du pavot espèces de pavots, et
soporative. somnifère (papaver notamment du pavot blanc.
somniferum, L.), qui nous - (Fig.) Cause d’oubli, de
vient de la Turquie et de la sommeil moral.
Perse en morceaux arrondis
ou aplatis. L’opium est une
substance narcotique, très
vénéneuse à haute dose,
calmante et soporifique à dose
médicale.
- L’opium est employé aussi
comme un excitant du
système nerveux, qui procure
un sentiment momentané de
bien-être.
Orient - La partie, le point du ciel - Le point du ciel où le soleil - Partie du ciel où le soleil
où le soleil se lève sur se lève sur l’horizon. Celui nous apparaît quand il se
l’horizon. des quatre points cardinaux lève.
- Signifie plus précisément, où le soleil se lève à - (Fig.) Commencement,
celui des quatre points l’équinoxe. début, premier âge.
cardinaux où le soleil se - L’ensemble des grands - Point cardinal situé sur la
lève à l’équinoxe. États, des provinces de l’Asie perpendiculaire à la
- Il se dit aussi des États et (on met une majuscule). méridienne de
des provinces de l’Asie L'extrême Orient, les parties l’observateur, dans le demi-
orientale, comme l’Inde, les de l’Asie qui sont le plus à cercle de l’horizon où le
royaumes de Siam, de la l’orient, telles que la Chine et soleil et les autres semblent
Chine, etc. ; à la différence le Japon. se lever.
des États et des provinces - Commerce d’Orient, le - Ensemble des États situés
de l’Asie occidentale, commerce qui se fait dans à l’orient par rapport à la
comme la Natolie l’Asie orientale par l’Océan, à partie occidentale de
[l’Anatolie], la Syrie, etc. la différence du commerce du l’Europe, et qui comprend
- Commerce d’Orient : Le Levant, qui se fait dans l’Asie l’Asie, une partie de
commerce qui se fait dans occidentale par la l’Égypte, une partie même
l’Asie orientale par Méditerranée. de l’Europe ; toutefois, on
l’Océan ; à la différence du - Empire d’Orient, moitié appelle plutôt Levant les
Commerce du Levant, celui orientale de l'empire romain régions orientales qui
qui se fait dans l’Asie dont Constantinople était la confinent à la Méditerranée.
occidentale par la capitale. - Extrême Orient : Régions
Méditerranée. - Grand Orient, espèce de orientales de l’Asie, telles
- L’empire d’Orient : diète formée, dans une que la Chine, le Japon, le
L’empire romain, lorsqu’il capitale, des représentants de royaume d’Annam, etc.
eut été transféré à Byzance. toutes les loges maçonniques - Empire d’Orient : Partie
des provinces. de l’empire romain qui
- L’orient des perles, le s’était détachée de Rome, et
555
brillant produit par leurs qui avait pour capitale
reflets. Constantinople.
- Question d’Orient :
Ensemble des questions qui
se rattachent à l’existence
de l’empire ottoman, et
particulièrement aux
possessions européennes du
gouvernement turc.
Oriental, -le - Qui est du côté de l’orient, - Terme d’astronomie. Planète - Qui est à l’orient ; qui
qui appartient à l’Orient. orientale, celle qui se lève appartient à l’Orient.
- Langues orientales : avant le soleil. - Qui vient d’Orient ; qui
Langues ou mortes ou - Qui est du côté de l’orient, croît ou vit en Orient.
vivantes de l’Asie ; telles qui appartient à l’orient. - Qui est particulier à
que l’hébreu, le syriaque, le - Langues orientales : l’Orient ; qui est digne de
chaldéen, l’arabe, le persan, langues mortes ou vivantes de l’Orient.
etc. l’Asie. - Langues orientales :
- Style oriental : Le style - Style oriental : style Langues mortes ou vivantes
métaphorique et métaphorique en usage chez de l’Asie, telles que
hyperbolique dont les les peuples de l’Asie, l’hébreu, le chaldéen, le
peuples de l’Asie font particulièrement chez les syriaque, l’arabe,
usage. Hébreux, les Arabes et les l’arménien, le persan, le
- Signifie aussi, qui croît en Persans. sanscrit, etc.
Orient, qui vient d’Orient. - Luxe oriental, pompe
- Orientaux, au pluriel, orientale, luxe, pompe digne
s’emploie substantivement de l’Orient.
pour désigner les peuples de - Pierres orientales,
l’Asie les plus voisins de qualification qui, donnée aux
nous, et plus communément rubis, aux saphirs et à la
les Turc, les Persans, les topaze, n’indique pas toujours
Arabes. le gisement originaire de ces
gemmes, mais seulement
qu’elles sont de qualité
supérieure relativement à
d’autres échantillons auxquels
on les compare.
- Qui croît en Orient, qui
vient d’Orient.
- Sorte de fleur.
- Les Orientaux : les peuples
de l’Asie (avec une
majuscule).
Orientalisme [Pas d’entrée.] - Ensemble des - Ensemble des
connaissances, des idées connaissances des peuples
philosophiques et des mœurs orientaux, de leurs idées
des peuples orientaux. philosophiques ou de leurs
- Science des orientalistes, mœurs.
connaissance des langues - Connaissance des langues,
orientales. des sciences, des mœurs, de
l’histoire de l’Orient.
- Système de ceux qui
prétendent que les peuples
occidentaux doivent à
556
l’Orient leur origine, leurs
langues, leurs sciences et
leurs arts.
- (Par ext.) Imitation des
mœurs de l’Orient.
- (s. m. pl.) Peuples de
l’Asie.
Orientaliste - Celui qui est versé dans la - Celui qui est versé dans la - Celui qui est versé dans la
connaissance des langues connaissance des langues connaissance des langues et
orientales. orientales. de la littérature orientales.
- Peintre qui emprunte surtout
ses sujets et ses couleurs à
l’Orient.
Pagode - Nom que l’on donne aux - Sorte de pavillon consacré - Temple d’idole, chez les
temples païens de certains au culte des idoles chez Chinois, les Indiens et les
peuples de l’Asie, certains peuples d’Asie ; la Siamois.
particulièrement à ceux des statue du dieu occupe le - Edifice consacré, dans les
Chinois, des Indiens et des milieu du temple, mêmes pays, à quelque
Siamois. ordinairement surmontée usage pieux, comme à loger
- L’idole qu’on adore dans d’une construction en les bonzes ou prêtres, à
un temple de ce genre. pyramide et chargée de recevoir les étrangers, etc.
- Se dit, par extension, de dessins bizarres. - Petite figure chinoise en
petites figures, - Idole adorée dans les porcelaine, qui remue la
ordinairement de pagodes. tête ; magot de la Chine.
porcelaine, et qui souvent - Par extension, petite figure - Manches pagodes :
ont la tête mobile. grotesque à tête mobile, qui Manches de robe que les
- « Ce n’est qu’une pendant un temps a été fort à femmes portaient en
pagode », se dit d’une la mode pour les cabinets et négligé.
personne qui fait beaucoup salons.
de gestes insignifiants. - Monnaie d'or indienne, qui
vaut 9 fr. 46 c.
- Terme de modes. Une
manche pagode, sorte de
manche large.
- Espèce de sabot (coquilles).
Pékin Espèce d’étoffe de soie faite - Espèce d'étoffe de soie. - Etoffe de soie fabriquée
à la Chine, ou fabriquée en - Péquin : terme d’argot primitivement en Chine, et
Europe à l’imitation de celle militaire. Nom que les que l’on fait aujourd’hui en
de la Chine. militaires sous Napoléon Ier Europe, en imitant de celle
donnaient par dérision aux de Chine.
bourgeois et qui s’est - Capitale de l’empire
conservé depuis. On écrit chinois.
aussi pékin. - (ou péquin) Nom
méprisant que les soldats
donnent à ceux qui ne le
sont pas.
- (ou péquin) Homme qui
n’est pas déguisé, dans un
bal où les autres le sont.
Porcelaine - Sorte de terre très fine - Terme d'histoire naturelle. - Sorte de poterie blanche et
dont on fait des vases et des Espèce de coquillage d’une pâte très fine et
ustensiles de toutes formes, univalve, très poli. translucide.
557
à demi vitrifiés ornés de - Dans le moyen âge, nacre - Nom donné autrefois à
peintures et de dorures. qu'on tirait de la coquille de la certaines faïences et à des
- Il se dit aussi des vases porcelaine, et qu'on employait poteries vernissées.
faits de porcelaine. à faire des vases et différents - Ouvrage fait de
ustensiles. porcelaine.
- Nom donné, par
assimilation, à la poterie que
l'on commença à apporter de
l'Orient vers le XVIe siècle, et
qui est ainsi définie : Poterie
dure, compacte, imperméable,
dont la cassure, quoique un
peu grenue, présente aussi
mais faiblement le luisant du
verre et qui est
essentiellement translucide,
quelque faible qu'en soit la
translucidité.
- Vase fait avec cette poterie.
Poussah [Pas d’entrée.] - Ou Poussa. Jouet d’enfant - Ou Poussa. Jouet d’enfant
qui consiste dans un buste de consistant en un buste de
carton, représentant un magot, carton qui représente un
et porté par une demi-sphère magot porté par une boule
de pierre qui, ramenant de pierre sur laquelle il
toujours le centre de gravité tourne et se balance
en bas, le balance longtemps, longtemps quand on le
quand on le pousse. pousse.
- Fig. On dit d’un gros
homme : c’est un poussa.
- D’après Stanislas Julien
(Hiouen-Thsang, II, 504),
pou-sa n’est autre chose que
la transcription chinoise du
sanscrit bodhisattva, nom
consacré des saints
bouddhistes.
Sinologie [Pas d’entrée.] - Étude de la langue et de - Étude de la langue et de
l’écriture des Chinois ; l’écriture des Chinois ;
connaissance des mœurs et de connaissance des mœurs et
l'histoire de ce peuple. de l'histoire de ce peuple.
- Etymologie : Sinae, nom
latin que les géographes
modernes ont donné à la
Chine (il provient du grec,
nom dans Ptolémée, d'une
localité de l'extrême Orient),
et du grec, doctrine.
Sultan - Titre qu’on donne à - Titre de l'empereur des - Empereur des Turcs.
l’empereur des Turcs. Turcs. - Titre de dignité qui se
- C’est aussi un titre de - Titre de plusieurs autres donnait autrefois à plusieurs
dignité qui se donnait à princes mahométans et princes mahométans, et
plusieurs autres princes tartares. particulièrement aux princes
mahométans, et en - Fig. Par extension, il se dit tartares.
558
particulier aux princes d'un prince absolu comme les - Titre que les Orientaux
tartares. sultans. donnent, dans le langage
- Il se dit, figurément et - Par plaisanterie, homme qui ordinaire, à toute personne
familièrement, d’un homme entretient plusieurs maîtresses pour laquelle ils éprouvent
absolu, tyrannique. à la fois. un profond respect ou qu’ils
- Meuble de toilette à l'usage veulent traiter avec une
des dames, qui consiste en grande déférence.
une corbeille recouverte d'une - (Fam.) Homme fier,
étoffe de soie. absolu, tyrannique.
- Petit matelas en forme de - (Fam.) Homme qui a de
coussin, rempli d'espèces nombreuses maîtresses.
aromatiques et servant à - (Modes.) Corbeille
garnir l'intérieur des petits recouverte d’une étouffe de
coffres où l'on met du linge. soie ; petit coussin rempli
de parfums, qu’on met au
fond d’un coffre à linge.
Tamtam - Instrument de percussion - Tam-Tam, Instrument qui - Sorte de timbale dont
en usage chez les vient de la Chine et qui l’usage a été emprunté aux
Orientaux, et qu’on admet produit par la percussion un Chinois. On a souvent
quelquefois dans notre son particulier, remarquable confondu cet instrument
musique militaire et dans surtout en ce qu’il augmente avec le gong, qui est, non
nos orchestre : il consiste en après le coup reçu jusqu’à pas une timbale, mais une
une espèce de disque de devenir effrayant et dure fort cymbale.
métal, d’un assez grand longtemps ; on s’en sert dans
diamètre, dont les bords certains effets sombres de la
sont légèrement recourbés, musique dramatique.
et qui rend, lorsqu’on le - Le tam-tam est un disque
frappe, un son très peu épais d’un assez grand
retentissant. diamètre, et dont les bords
sont légèrement relevés. Le
caractère du son qu’il produit
tient surtout à la composition
de l’alliage dont il est formé.
Tao [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] Raison suprême, dans la
doctrine de Lao-tseu.
Tartare - Nom que les poètes - Terme de mythologie. Nom - Habitant de la Tartarie ;
donnent au lieu où les que les poètes donnent au lieu qui appartient à ce pays ou à
coupables sont tourmentés où les coupables sont ses habitants.
dans les enfers. tourmentés dans les enfers. - Ancien nom des courriers
- Nom qu’on donnait aux - Nom d'un peuple originaire officiels, à Constantinople.
valets qui servaient les du Turkestan ; on a donné - Valet militaire de la
troupes à cheval de la vaguement ce nom à tous les maison du roi de France.
maison du roi en campagne. peuples de l'Asie moyenne, - (Art culin.) Se dit d’une
depuis la mer Caspienne manière de servir certains
jusqu'aux côtes orientales. mets, panés et grillés, avec
- Se dit des courriers une sauce froide à la
employés par la Porte moutarde.
ottomane et les ambassadeurs
européens à Constantinople
(avec un t minuscule).
- Chez les tailleurs, l’apprenti.
- Terme de cuisine. à la
tartare, se dit en parlant d’une
559
manière d'accommoder le
poisson et la viande, qui
consiste à les servir panés et
grillés, avec une sauce froide
à la moutarde que l’on
nomme aussi sauce à la
tartare ou sauce tartare.
Tartarie [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] - Autrefois on comprenait
sous ce nom une grande
partie de l’Asie,
correspondant à peu près à
la Mongolie, à la
Mandchourie, au Turkestan,
à l’Afghanistan et au
Béloutchistan actuels. Plus
tard, on n’appela plus
Tartarie que le Turkestan.
Le mot Tartarie n’est plus
employé par les géographes
d’aujourd’hui. Il figure
cependant encore sur
quelques atlas et y
représente le Turkestan.
Thé - Arbrisseau qui croît à la - Arbrisseau qui croît à la - Genre d’arbrisseaux, de la
Chine ou au Japon, et dont Chine et au Japon, et dont les famille des
les feuilles, auxquelles on feuilles servent à faire une ternstrœmiacées, tribu des
donne ce même nom, infusion. camelliées, ou type de la
servent à faire une infusion - Nom donné à la feuille. famille des théacées,
qui se prend chaud. - Infusion des feuilles de thé. comprenant plusieurs
- Collation du soir dans espèces, qui croissent en
laquelle on sert du thé et qui Chine.
offre l’occasion de réunir une
société nombreuse.
Tien [Pas d’entrée.] [Pas d’entrée.] Nom sous lequel les
Chinois honorent le ciel
suprême et universel. Ils
l’appellent aussi Chang-ti.
Vizir - Nom des principaux - Nom des principaux - Ou visir. Le Mandarin
officiers du conseil du officiers du conseil du Grand - (Hist. ottom.) Nom que Hoang-Pouf
Grand Seigneur. On appelle Seigneur. portent les ministres et (Porte Saint-
Grand vizir, le premier - Grand vizir ou vizir azem, le principaux officiers du Martin, 1821) : le
ministre de l’empire premier ministre de l'empire grand sultan. personnage Zamti
ottoman. turc, qui, en recevant le sceau - Grand vizir : Premier était l’ancien
- (Fig. et fam.) « C’est un impérial pour marque de son ministre du Grand Sultan. « vizir » de
vizir », se dit d’un homme emploi, est revêtu de tout le - (Fam.) Personne qui Hoang-Pouf. Le
en place qui a le caractère pouvoir de l'empereur et jouit commande d’un ton « visir » au
absolu, le commandement d'une autorité presque despotique, hautain, absolu. pouvoir s’appelle
hautain. absolue. Kang-Chou.
- Fig. et familièrement. C'est
un vizir, un homme absolu,
impérieux.
560
Dictionnaires consultés :
(1) Les éditions du Dictionnaire de l’Académie française (avant 1900) :
1e édition – 1694 ; 2e édition – 1718 ; 3e édition – 1740 ; 4e édition – 1762 ; 5e édition – 1798 ; 6e édition – 1835 ;
7e édition – 1878.
La réforme de l’orthographe française de 1835 correspond à la publication de la sixième édition du Dictionnaire
de l’Académie française. Elle rendit obsolètes de nombreuses graphies et donna au français moderne son visage
contemporain en effectuant le passage « du françois au français »
(2) Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle : souvent appelé Grand Larousse du XIXe siècle, est un
dictionnaire encyclopédique rédigé par Pierre Larousse. Sa publication, en dix-sept volumes, s’est étalée de 1866
à 1877.
(3) Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, 1863 (qui sera suivi d’une édition définitive en 1877).
561
Annexe 6 : Calembours portant sur les noms de personnages
Fonction/statut/
Nom Calembour Spectacle Année
profession
Ar-Hicow-Ver Haricot vert Acrobate (chinois) Paris en Chine 1854
Astracan Astrakan (fourrure d’agneau) (Inconnue) L'Impératrice de la Chine 1848
Babioulie Babiole Fille du mandarin La Pagode enchantée 1845
Ba-ga-tel Bagatelle Médecin et bouffon du roi L’Île de Nénuphar 1901
Bambou Bambou (Inconnue) L'Orphelin de la Chine 1844
Bambouki Bambou Mandarin La Pagode enchantée 1845
Bouddha Boudin (Idole religieuse) Les Quatre parties du monde 1851
Gouverneur tartare de
Brin-zin-giz-kan Brindezingue + Khan Les Quatre parties du monde 1851
Pékin
Cacao Cacao (Inconnue) L'Impératrice de la Chine 1848
Citronette Citronnelle (plante) (Inconnue) L'Impératrice de la Chine 1848
Coquardin Cocard Bourgeois de Paris Les Antipodes 1854
Corn-ichong-
Cornichon + Khan Empereur chinois Bilboquet II 1839
kan
Dalaï-Lama
Dalaï Chinoise expatriée Koulikan, ou les Tartares 1813
(chef du pays tibétain)
Fakin Faquin Officier chinois Gengiskan, ou l’Aimable Tartare 1824
Fé-an-nich-ton Fée à micheton Suite du roi Fé-ni-han Ba-ta-clan 1855
Souverain de Chè-i-no-or,
Fé-ni-han Fainéant ; Fait ni-han Ba-ta-clan 1855
en Chine
Fichtan Fiston ; Fich-tong-Khan (Inconnue) L'Orphelin de la Chine 1844
Fich-Ton-Kan Fiche le camp Prince tartare Le Magnétisme en Chine 1850
Fich-Tong-Kang Fiche le camp Favori de l’Empereur Bilboquet II 1839
Fich-Tong-Khan Fiche le camp Prince tartare Fich-Tong-Khan 1835
Fich-Tong-Khan + Yanko
Fich-Yanko Gouverneur chinois Les Mille et une nuits 1843
(Le Cheval de bronze)
Fou-to-ké Fou toqué Royaume chinois Le Tigre 1873
Fou-Yo-Po Fouille-au-pot Commerçant chinois Fou-Yo-Po 1860
Fu-thé Futé Cousin de Mi-mi Les Antipodes 1854
Gal-Ho-Ban Galopin Français en Chine Les Français à Pé-king 1861
Goulgouly Coucou Fille du mandarin Fich-Tong-Khan 1835
Ka-bo Cé Cabossé Eunuque L’Île de Nénuphar 1901
Ka-bon-do Qui a bon dos Domestique Le Quinze août en Chine 1860
Kaféo-Ley Café au lait Mandarin ou valet chinois Paris en Chine 1854
Kakao Cacao Empereur chinois Fich-Tong-Khan 1835
Kakao Cacao (Inconnue) L'Orphelin de la Chine 1844
Kakao Cacao Chef de police de Nankin Jongleur et Mandarin 1845
Kakao Cacao Empereur chinois Le Magnétisme en Chine 1850
562
Ka-Ka-O Cacao Gouverneur de Canton Les Odalisques de Ka-Ka-O 1858
Kan-Di Candi (sucre) Officier chinois Les Mille et une nuits 1843
Kangarou Kangourou Marchand de thé L’Opium et le Champagne 1842
Kang-Chou Khan + Chou Vizir Le Mandarin Hoang-Pouf 1821
Kang-ou-rou Kangourou Mandarin Le Tigre 1873
Français au service de
Kankan Cancan Un Concert à Pékin 1840
l’empereur chinois
Kankan Cancan (Inconnue) Micromégas 1841
Kankan Cancan Jeune commis du magasin L'Opium et le Champagne 1842
Kankan Cancan Valet Les Quatre parties du monde 1851
Kan-kan Cancan Rentier chinois Les Antipodes 1854
Kankang Cancan Mandarin Un Voyage en Chine 1848
Kantalou Cantaloup (melon) (Inconnue) L’Orphelin de la Chine 1844
Ka-o Lin Kaolin (argile blanche) Capitaine des « Tigres » Fleur-de-thé 1868
Kaout-Chouc Caoutchouc Mandarin Fich-Tong-Khan 1835
La Chatte métamorphosée en
Kiang-ssé-long Qui en sait long Officier chinois 1837
femme
Kien-Fo Qui en faut Mandarin Taï-Tsoung 1894
Kinkin Cancan ; Quinquina Bourgeois chinois As-tu vu la comète, mon gars ? 1858
Kinkina Quinquina Fille du mandarin Jongleur et Mandarin 1845
Kioli Qui au lit Fille du mandarin Jongleur et Mandarin 1845
Kiriki Qui rit qui Valet As-tu vu la comète, mon gars ? 1858
Ko-Kin Coquin Valet de Kan-Kan Les Antipodes 1854
Ko-ko-li-ko Cocorico Mandarin Les Français devant Pékin 1861
Ko-ko-lo Coco Bourgeois chinois Les Mille et un songes 1861
Ko-ko-ri-vo Cocorico Aide de camp Les Odalisques de Ka-Ka-O 1858
Ko-ko-ri-ko Cocorico Capitaine des gardes Ba-ta-clan 1855
Ko-li-bri Colibri (oiseau) Fille du mandarin Les Français devant Pékin 1861
Ko-li-fi-chet Colifichet Mandarin Le Quinze août en Chine 1860
Nouveau marié ; gendre de
Koukouli Coucou ; Kokoli As-tu vu la comète, mon gars ? 1858
Kinkin
La-I-Tou Là itou Filleul de Fou-Yo-Po Fou-Yo-Po 1860
Directeur de théâtre à
Lou-lou Loulou Une Reprise perdue 1864
Pékin
De Paris en Chine, ou Je ne suis
Lou-Yé-Tu Loup y es-tu ? Mandarin 1863
pas Tissier
Miaou-Fich-
Miaou + Fiche le camp + Va
Ton-Kan-Vat’- Empereur chinois Les Quatre parties du monde 1851
te faire fiche
Fair’-Fich
Mia-ou-ki Miaou ki (un chat qui) Jeune Chinoise Bilboquet II 1839
Mi-mi Mimi Nièce de Kan-Kan Les Antipodes 1854
Misapouf Mis à pouf (Inconnue) L'Impératrice de la Chine 1848
Mou-De-Vo Mou de veau Chef du musée Fou-Yo-Po 1860
Nib-de-rien Rien de rien Eunuque L’Île de Nénuphar 1901
Ourika Eurêka (grec : J’ai trouvé !) Fille du mandarin Jongleur et Mandarin 1845
563
Pané (cuisine) ; pas né ;
Pa-né Panné (qui a perdu son Valet du mandarin Les Français devant Pékin 1861
argent)
Dgenguiz-Kan, ou La Conquête de
Papouf Papouilles ; Patapouf Mandarin 1837
la Chine
Papouf Papouilles ; Patapouf Mandarin Les Quatre parties du monde 1851
Pa-rha-van Paravent Mandarin Paris en Chine 1854
Pastourel Pastourelle Sous-officier de la marine Le Quinze août en Chine 1860
Pat-chouli Patchouli (parfum) Mandarin Du Champagne à Pékin 1839
Pa-tchou-li Patchouli (parfum) Femme de mandarin Le Tigre 1873
Péko Péko (thé chinois) Officier chinois Les Mille et une nuits 1843
Péko Péko (thé chinois) Nouveau marié En avant les Chinois ! 1858
Onomatopée,
Piff-Pouff Officier chinois Gengiskan, ou l’Aimable Tartare 1824
ou Piffer + Pouf
Piquet Piquet Valet de Coquardin Les Antipodes 1854
Poussah (Culbute) +
Poussah-Pouf Mandarin Fich-Tong-Khan 1835
Patapouf
Tambourico Tambour + bourricot Commandeur chinois La Pagode enchantée 1845
Tamtam (instrument de
Tam-Tam Cuisinier du mandarin Du Champagne à Pékin 1839
percussion)
Tazhin Tajine (cuisine maghrébine) Premier mandarin Koulouf, ou les Chinois 1806
Té-Pé-Ko Thé + Péko (thé chinois) Créancier Fou-Yo-Po 1860
Tien-Tien Tiens, tiens ! Mandarin Fleur-de-thé 1868
Tou-fou Tout-fou Officier chinois Le Voile du bonheur 1901
Femme du marchand de
Tourtouriska Tourteau L'Opium et le Champagne 1842
thé
Dgenguiz-Kan, ou La Conquête de
Tschongaï Shanghai Empereur chinois 1837
la Chine
Zing-Zing Zinzin Intendant Du Champagne à Pékin 1839
564
Annexe 7.1.(a) : Ballet des porcelaines, ou le prince Pot-à-thé
1ère scène
On voit paraître dans chaque aile du théâtre un danseur ou une danseuse changés en vases de
porcelaine, en sorte que cette nouveauté fait une sorte de changement de décoration et prépare ce qui
doit arriver, afin qu’on ne doute pas que ce soient des acteurs. Il faut que sur une douzaine de mesures
ceux qui sortiront des coulisses à droite traversent le théâtre en marchant lentement et en clopinant
pour venir se placer dans leurs ailes de la gauche, et réciproquement ceux de la gauche à la droite.
La facilité de cette marche permet de déguiser en porcelaine non seulement les acteurs qui sauront
danser mais les valets de la maison pour garnir et décorer leurs deux côtés et le fond du théâtre.
D’ailleurs il suffira pour les valets de porter un grand carton découpé, et comme ils ne feront jamais
que traverser une ou plusieurs fois au gré du maître du ballet. Il ne leur faudra point comme aux
danseurs et danseuses un habit de porcelaine de ronde bosse.
(La musique.) Il faut pour l’article précédent environ douze mesures de marcher à notes égales
entiers, c’est-à-dire que les violons jouent par accord le premier et le second dessous et non pas à
partie séparée. Il faut que cela imite en quelque façon le bruit que des porcelaines feraient en se
choquant légèrement.
2e scène
Les porcelaines étant rangées, on voit paraître le Prince ou le Berger, avec l’habit qu’on se trouvera
décidera de sa condition. Il exprimera par ses pas et ses attitudes qu’il fouit un péril prochain et il
marque son étonnement de se trouver dans un lieu aussi singulier. Tout le spectacle serait complet s’il
y en avait de peinture dans la décoration.
(Musique.) 20 mesures de musique vive qui commence par exprimer la fuite et qui par des traits de
chants rapides mais suspendus exprime. La surprise et l’étonnement.
3e scène
Le magicien arrive. Il poursuit le Prince qui tâche à s’éloigner de lui mais qui paraît retenu par le
pouvoir des enchantements et des cercles et autres figures magiques que fait autour de lui le magicien.
Enfin le magicien le touche de sa baguette. Le Prince fait quelques pas chancelant en s’éloignant vers
la coulisse, et le magicien le suit, tenant toujours sa baguette sur le Prince, et faisant des pas graves et
terribles.
Ils disparaissent tous deux. La symphonie poursuit quelques mesures et l’on voit rentrer avec les
mêmes pas lents. Le Prince changé en porcelaine et le magicien qui le suit pas à pas en tenant toujours
sa baguette sur la porcelaine dans la même attitude, ou il la tenait sur le Prince qui s’arrête, au milieu
du fond du théâtre, où il reste immobile. Le magicien après quelques mesures qu’il danse seul se retire.
(Musique.) Le magicien arrive. Musique magique de six mesures. Le Prince tourne autour de lui en
cherchant à l’éviter. Musique rapide 2 ou 3 mesures. Le magicien fait des cercles musique magique 2
ou trois mesures. Ce dialogue de musique continue 2 ou 3 fois. {30 mesures} Le magicien touche le
Prince, avec sa baguette. Musique magique qui devient plus lente à mesure que le Prince s’affaiblit et
qu’ils se cachent tous deux dans la coulisse. Elle continue dans les mêmes caractères de lenteur
jusqu’à ce qu’ils rentrent tous deux et que le Prince changé en porcelaine soit au milieu du théâtre où il
reste immobile. Le magicien le quitte et danse seul. Musique plus vive et qui exprime la joie du
565
magicien qui sort après avoir dansé environ 10 minutes. La symphonie reprend les 10 dernières
mesures après que le magicien est sorti ce qui sert d’entr’acte.
Seconde scène
Le magicien, la Princesse.
Effroi de la Princesse à l’arrivée du magicien. Il se présente à elle d’un air soumis. Elle veut le fuir.
Il l’arrête. Elle feint de l’écouter. Il se jette à ses pieds. Elle le flatte. Il témoigne sa joie. Elle continue
la feinte et l’engage à la laisser seule. Il sort.
(Musique.) En dialoguant cette scène, on ne peut pas manquer de la bien faire. Elle ne doit pas avoir
plus de 30 mesures.
3e scène
La Princesse seule.
La Princesse exprime dans ce monologue les passages de la douleur à la fureur. Elle trouve la
baguette du magicien qu’il avait laissé à ses pieds en s’y jetant et en lui prenant la main pour la baiser.
Elle s’en saisit. Elle exprime sa joie, et retombe dans l’inquiétude. Une sorte d’inspiration la fait courir
autours de toutes les porcelaines pour chercher son amant.
(Musique.) Tous ces différents mouvements de l’air doivent être fort courts et il suffit de se les
peindre pour les rendre en 12 ou 16 mesures au plus. Lorsque le Prince parcourt le théâtre sur un air
léger et agréable, toutes les porcelaines se mettent en mouvements et traversent le théâtre en différents
sens et disparaissent dans les coulisses. Pendant ce temps, la Princesse s’est attachée à suivre le Prince
métamorphosé, et elle le suit dans la coulisse, tenant toujours la baguette sur lui.
(Musique.) Cet air est une espèce de canari qui imite dans un mouvement léger le choc des
porcelaines. Il continue lorsque toutes les porcelaines sont hors du théâtre et l’on entend vers la fin de
l’air le bruit de toutes les porcelaines qui se cassent. Cet air est un air entier avec ses reprises. Le
maître du ballet jugera de ce qu’il doit en faire danser et de ce qui s’en jouera pendant le vide du
théâtre pour avoir le temps d’ôter les cartons dont les acteurs seront chargés.
4e scène
La Princesse et le Prince reviennent ensemble en dansant sur un air vif coupé de quelques mesures
très tendres. Les autres danseurs paraissent dans les côtés du théâtre. Cette danse est interrompue par
l’arrivée du magicien qui s’élance entre les deux amants. Le Prince tire son poignard et le poursuit en
différents endroits du théâtre, et dans le temps que le Prince est prêt à le poignarder, la Princesse se
jette entre son amant et lui et menace le magicien de sa propre baguette. Le magicien fuit et disparaît.
Tous les danseurs se réunissent et forment ensemble une espèce de contredanse qui finit le ballet
pantomime.
On voit assez en lisant cette dernière scène l’espèce de musique qui y convient et la durée des
différents airs. Tout ce ballet ne doit pas durer plus d’un gros quart d’heure.
566
Annexe 7.1.(b) : Arlequin Chinois
La scène est dans le salon chinois qui est sensé être dans la ville appelée Canton. Il représente la
boutique ou magasin de marchandises chinoises du sieur Zamti. La scène ne change pas.
Zamti vieux marchand chinois est occupé à ranger sa boutique et à compter son argent. Arrive
Arlequin habillé par-dessus son habit d’arlequin en capitaine français. Il est suivi de quatre matelots
qui arrivent en dansant et en portant chacun sous leurs bras des boîtes ou cartons. L’entrée finit.
Arlequin montre à Zamti qu’il vient à la Chine commercer et faire des emplettes. Zamti lui dit qu’il
lui fournira volontiers ce qu’il désire. Arlequin choisit des porcelaines, des pagodes, des cabinets, des
cabarets, etc. Enfin tout ce qui se trouve peint sur la décoration. Zamti demande avec quoi l’on le
payera ? Arlequin répond en marchandises. On ouvre les boîtes ou cartons. Arlequin présente d’abord
à Zamti une aune ou deux de boudin. Zamti fait fi de cette drogue et n’en veut point. Arelquin lui offre
ensuite lui montre des macaronis, Zamti les refuse. Arlequin lui offre un bon morceau de fromage de
parmesan, Zamti flétrit et rejette avec dédain le fromage. Enfin Arlequin lui présente trois poupées,
une en femme, une en robin, et l’autre en officier. Chacune de ses poupées produit des effets différents
sur Zamti, qui ne trouve belle et estimable que la figure de l’officier. Cependant, Zamti, avant que de
finir et pour se déterminer, sonne un petit sonnet qu’il a sur la table. Aussitôt Idamé sa fille descend et
paraît dès que cette Chinoise se montre aussitôt les quatre matelots sont dans l’étonnement, dans la
surprise, et Arlequin dans l’admiration. Il devient sur-le-champ amoureux d’Idamé. Il dit à Zamti
qu’Idamé est la seule marchandise dont il ait envie : il fait tous les lazzis d’amour qu’un Arlequin est
capable de faire. Zamti lui dit que la fille n’est point à vendre et ne peut épouser un étranger, qu’elle
ne peut s’allier qu’à un Chinois. Arlequin danse aussi que ses compagnons autours d’Idamé et il
l’enchante. Arlequin se retire avec ses camarades bien résolu de n’épargner rien pour obtenir Idamé.
Zamti défend à sa fille d’aimer Arlequin. Idamé lui répond qu’il n’est plus temps, qu’elle n’est pas
la maîtresse de ne pas aimer. Zamti lui fait observer qu’il n’est pas plus haut que sa jambe, qu’il est
noir, enfin qu’il ne lui convient pas. Idamé dit qu’elle en est folle, et qu’elle le trouve charmant, etc.
(Pour allonger cette scène et donner le temps à Arlequin de se déguiser, Zamti peut pour distraire sa
fille lui donner une leçon de musique, et lui prêter et emporter [sic] du temps tout autant qu’il sera
nécessaire.) On entend frapper à la porte. C’est un marchand hollandais qui vient offrir à Zamti de lui
vendre un tigre privé. Zamti examine le tigre, le trouve fort beau et il donne en échange une grande
boîte à thé à l’Hollandais qui s’en contente et se retire.
Zamti est extrêmement satisfait de son acquisition. Il dit à sa fille de regarder, et de caresser le tigre.
Elle en a d’abord peur, mais le tigre lui fait tellement patte de velours qu’elle s’enhardit, et qu’elle finit
par l’aimer et le flatter, et lui donner des bonbons… Arlequin qui est déguisé en tigre profite de son
travestissement pour faire les plus douces caresses à Idamé. Zamti se met à écrire sur son livre de
compte cette acquisition. Idamé s’asseoit pour travailler à un mouchoir des Indes. Le tigre fait cent
tours, autant il est doux auprès d’Idamé, autant il est mauvais auprès de Zamti qu’il fait damner pour le
faire en aller, il l’égratigne, il jure auprès lui… il le mord, enfin il l’impatiente tellement que Zamti
suspect de son acquisition. Plus Zamti en est mécontent, plus Idamé en est satisfaite. La fille veut
567
qu’on le garde, le père veut absolument s’en défaire… il le prend, le saisit et l’emporte, résolu de le
rendre au Hollandais, ou tout au moins de l’échanger.
Idamé restée seule se désole… elle aime Arlequin… du moins ce tigre l’amusait et la dissipait. Son
père ne lui permet rien de ce qui peut lui plaire. Elle ne sait quel parti prendre. Elle prend la résolution
d’aller au vaisseau du capitaine français et de lui parler elle-même. Elle appelle deux esclaves chinois
qui arrivent avec un palanquin qui est surmonté d’un parasol. Il faut marcher avec elle pour la porter
au vaisseau français. Enfin elle entre dans le palanquin comme les porteurs ont fait le tour du théâtre et
vont pour sortir, ils se trouvent nez à nez avec Zamti qui amuse un singe pour lequel il a échangé le
tigre. Zamti arrête les porteurs, fait sortir sa fille du palanquin, lui fait une scène pour avoir osé sortir
sans sa permission. Idamé s’excuse en disant qu’elle s’ennuyait. Zamti lui dit, eh bien, voilà un singe
que j’ai eu pour ce vilain tigre qui m’aurait mangé toutes les jambes, cet animal vous divertira, il est
adroit et comique… Arlequin fait tous les lazzis d’un singe. Il se met sur son cul, il grignote des
marrons, ensuite il contrefait les moindres mouvements que fait Zamti. Enfin il parvient à faire plaire à
Idamé qui est satisfaite de cette acquisition… Son père lui montre une lettre qui l’appelle ailleurs. Il dit
qu’il sort pour affaire et qu’il ne tardera pas à rentrer.
Idamé restée seule avec le singe. Arlequin se hâte de se découvrir et de lui prouver qu’il n’est point
d’obstacle qu’il ne vienne à bout de surmonter, ni de moyens qu’il n’emploie pour lui prouver son
amour. Idamé est transportée de joie. Arlequin et Idamé se mettent à danser ensemble pour exprimer
leur ravissement.
Zamti survient qui aperçoit la trahison qu’on lui a faite. Il examine du fond du théâtre ou plutôt à
moitié dans la coulisse l’audace d’Arlequin et celle de sa fille. Il tire un couteau de sa poche avec une
pierre à réguiser, et il repasse son couteau pendant qu’Arlequin et Idamé finissent leur danse. Idamé
aperçoit son père, elle prévoit sa fureur, et pour la prévenir elle va se jeter à ses pieds. Mais Zamti est
inexorable. Pendant ce temps-là, Arlequin reprend son rôle de singe et se met à faire toutes sortes de
mimes et de contorsions. Cela n’empêche pas que Zamti ne vienne le couteau levé sur Arlequin. Idamé
arrête le bras de son père, et Arlequin se sauve.
Zamti accable sa fille de reproches. Idamé s’excuse en disant que ce n’est pas sa faute, que c’est lui-
même qui a amené, et qui lui a donné ce singe qui par un miracle s’est trouvé être Arlequin. Zamti se
promet bien que pareille chose n’arrivera plus. Cependant il entend sonner 8 heures. Il dit qu’il a faim,
qu’il est tard, qu’il est temps de souper. Il demande à sa fille ce qu’il y a à la maison. Idamé lui répond
qu’il n’y a rien. Zamti prend une grande ligne, et qu’il est bien sûr d’avoir bientôt un bon morceau
pour son souper. Il va pour sortir, et il revient par réflexion. Il craint qu’Arlequin ne vienne encore,
troubler le repas de sa maison. Il appelle quatre Chinoises ses voisines pour venir tenir compagnie à sa
fille. Elles arrivent et il leur recommande de ne recevoir personne pendant son absence et surtout
Arlequin. Elles le lui promettent et il part pour aller pêcher.
Idamé et les quatre Chinoises se mettent à travailler et à peindre – ce qu’on appelle la « veillée » :
l’une fait de la dentelle, l’autre travaille au tambour ; celle-ci fait du filet, celle-là des nœuds ; Idamé
achève son mouchoir. Ces cinq dames chinoises pour chacune leur travail, chante chacune à leur tour
un couplet sur différents airs connus. [L]es chutes [des couplets] et les paroles ont tous de réputations
[des] épigrammes1… elles font les signes [à] l’orchestre [qui] joue les airs.
1
Chute : au sens du trait final d’un couplet de chanson. Épigramme : au sens de la petite pièce en vers élégiaques consacrés
soit à l’expression de sentiments tendres, soit à des descriptions, soit à des railleries.
568
Zamti revient enchanté de sa pêche. Il apporte lui-même, ou bien aura un porteur avec des espèces
de crochets qui apportera un gros poisson tout doré. Les voisines sont invitées à en manger. La joie est
générale. Zamti fait apporter une table de cuisine. Il ouvre le poisson et Arlequin en sort. Grand
fraîcheur ! grande surprise ! grande admiration ! Il baise la main d’Idamé et se sauve… tout le monde
reste ébahi… Zamti dit à son domestique d’aller lui chercher quelque chose pour souper, et d’ôter cette
table. Zamti gronde sa fille. Idamé pleure et lui dit que sûrement Arlequin est un génie et qu’il ne peut
pas se dispenser de lui donner sa fille. Zamti balance, et n’est point encore décidé, quand les
domestiques apportent une table toute servie pour le souper. Au milieu de la table est un pâté. Zamti
avant que personne ne soit assis découvre le pâté, et Arlequin vêtu en Chinois en sort.
C’est ici où l’étonnement et l’extase doivent être poussés au comble de la part des six spectateurs.
Zamti frappé de ce dernier trait, regarde cette aventure comme surnaturelle et surtout enchanté de voir
Arlequin en Chinois. Il se prosterne et tombe à ses pieds. Il lui offre lui-même sa fille qu’Arlequin
accepte avec grande joie de part et d’autre. Aussitôt Arlequin donne un coup de sifflet, et quatre
matelots chinois arrivent dans l’instant qui forment avec les quatre Chinoises une contredanse.
(FIN.)
569
Annexe 7.1.(c) : Le Mandarin
Personnages :
Mirza, fille de Nadir, riche négociant, accordée au mandarin Zama
Selim, amant de Mirza
Sosie, esclave de Selim
Zama, mandarin
Daphné, amante de Zama
Thalyr, esclave de Zama
Acte Premier
Scène première
Mirza (seule) : (Elle est assise à côté d’une table sur laquelle elle s’appuie en tenant une lettre. On
voit aussi auprès d’elle un métier de tapisserie.)
Ariette :
Père cruel ! Que ton ordre est barbare !
À quel époux vas-tu m’unir ?
D’un tendre amant ton pouvoir me sépare :
Que de tourments ta fille va souffrir !
(Elle se lève.)
Père cruel ! Va !
Je dois perdre toute espérance ;
Mon père cause mon malheur !
Si mes jours sont en sa puissance,
Il n’est point maître de mon cœur !
Père cruel, etc.
Hélas ! C’en est fait ! C’est donc aujourd’hui que le mandarin Zama vient m’épouser ! Et il faut m’y
résoudre malgré moi… Mais, que dis-je ?... Mon père est absent… Les affaires de son commerce le
retiennent pour quelques jours à la campagne… Si le stratagème de mon amant pouvait réussir ? Car
ce mandarin ne m’a jamais vue, il ne me connaît que par les éloges qu’on lui a fait de ma beauté…
Ah ! Je me flatte en vain ! Quelque soit mon attachement pour Selim, je n’ose me prêter à un artifice si
dangereux.
570
Scène 2. Mirza, Selim.
Selim : Eh bien ma chère Mirza, êtes-vous enfin décidée ?... Mon bonheur, ou ma perte est entre vos
mains : daignez-vous consentir à notre travestissement ? La tendresse, et l’amour vous y engagent.
Ah ! Si vous refusez de me seconder en ce jour, sachez qu’on va nous séparer pour la vie.
Mirza : Ah Selim ! Qu’exigez-vous de moi ! Quel est votre espoir ? Si par malheur nous étions
découverts, ce serait m’exposer à toute l’indignation de mon père, et vous n’ignorez point qu’il est
l’arbitre souverain de mon sort !2... Non, cher Selim, je vous aimerai toujours, mais la raison et le
devoir m’ordonnent de lui obéir.
Selim : Je connais tous les droits d’un père, et je respecte son autorité, mais puis-je souffrir qu’il vous
rende malheureuse et qu’il dispose d’un cœur qui m’appartient ! Ah ! Laissez-vous conduire par
l’amant le plus tendre ; quoique le mandarin Zama ait reçu sa promesse, je veux le forcer de
rompre lui-même ce funeste lien, et le plus heureux succès va bientôt couronner mon entreprise.
Ariette :
Qu’une innocente imposture
Vous conserve à votre amant :
De votre cœur qui murmure
Suivez le tendre penchant.
Éteignons l’ardeur extrême
D’un rival impérieux,
Par un heureux stratagème
Nous pouvons tromper ses yeux.
Mirza : Non, je n’aurais jamais le courage de déguiser mon caractère. Je me trahirais devant Zama.
Selim : Vous voulez donc me mettre au désespoir. Ah ! Cruelle Mirza ! Rien ne peut vous émouvoir,
et ma situation ne touche point votre âme : cependant, si je vous étais plus cher, l’amour bannirait
toutes vos craintes, et vous ne balanceriez point dans cette affreuse circonstance. Vous savez que
Sosie a été chercher tout ce qui convient à notre déguisement ! C’est un esclave fort ingénieux, et
nous pouvons nous confier à son intelligence. D’ailleurs, il ne nous reste que cette dernière
ressource pour dégoûter Zama de son mariage.
2
Les lois des Chinois donnent aux pères le droit de vie et mort sur leurs enfants. [sic]
571
Sosie : Oui monsieur.
Selim (le prenant par le bras, avec vivacité) : Hé, parles donc vite manant, dépêche-toi, qu’as-tu
appris !…
Sosie : Je me suis introduit dans son palais sans qu’on m’aperçoive, et un de ses esclaves m’a informé
que depuis hier au soir…
Selim : Hé bien…
Sosie : Il est arrivé de sa maison de plaisance.
Selim : Il est arrivé ! Ah Mirza ! Que vais-je devenir !
Sosie : Rien n’est plus certain, et je crois même qu’il ne doit point tarder à se rendre ici.
Mirza (à part) : O ciel ! Quel contretemps !
Selim : Je n’ai plus d’espoir !
Sosie : Pourquoi vous alarmer ?
Selim : Ah ! Sosie ! L’ingrate Mirza se refuse à mon dessein.
Sosie : Rassurez-vous l’un et l’autre : laissez-moi jouer mon rôle. Ce mandarin n’a jamais vu le père
de Mirza, et ma figure ne lui est point connue. Je veux le congédier de la bonne manière.
Selim : Que je suis malheureux !
Sosie :
Ariette :
Eh pourquoi vous troubler sans cesse ?
Ne craignez rien : comptez sur mon adresse.
Mais Zama va bientôt venir…
Hâtons-nous, le temps presse,
Il faut le prévenir.
Laissez-moi me travestir !
(D’un air épouvanté !)
J’entends du bruit, il va paraître…
(À Mirza) Par amitié
De mon maître
Ayez quelque pitié.
Ariette :
À mon ardeur, à ma constance.
Mirza réserviez-vous ce prix ?
Votre silence
M’est plus sensible qu’un mépris !
Ai-je mérité cette offense ?...
Oui quoiqu’il en coûte à mon cœur,
Je vais fuir de votre présence.
L’amour me vengera d’une injuste rigueur !
Mirza (retenant Selim) : Arrêtez cher Selim ! Ah ne me fuyez pas ! La crainte de vous perdre me fait
consentir à tout ce que vous désirez. Eh bien : je n’hésite plus, ma résolution est prise ; et Sosie
n’a qu’à se travestir.
Sosie : Ha ! Je respire enfin !
572
Selim : Vous me comblez de joie !... Retire-toi Sosie, et va tout préparer.
Sosie : N’ayez plus d’inquiétude. (Il sort.)
Duo
Selim :
Rien n’égale mon transport.
Est-il un plus heureux sort ?
Ah ! Qu’il m’est doux d’entendre
Un aveu si tendre !
Vous assurez mon bonheur
L’espoir renaît dans mon cœur.
Hélas ! Pouvais-je attendre
Un sort plus flatteur !
Mirza :
Cher amant, quelle ivresse !
O jour plein d’attrait !
Le dieu de la tendresse
Répand sur nous ses bienfaits.
Ensemble :
Il nous blesse
De ses traits.
Ne nous séparons jamais
Du dieu de la tendresse
Goûtons toujours les bienfaits.
Mirza : Mon cœur n’est pas encore entièrement satisfait : je tremble toujours que ce mandarin ne
vienne nous surprendre. Éloignez-vous d’ici ; je vais mettre cet habit d’esclave ; sans doute que
l’amour favorisera ma ruse et que je tromperai la passion imaginaire de Zama.
Selim : Je ne doute plus du succès. Si l’amour vous fait prendre aujourd’hui les tons et les manières
d’une suivante, vous n’en aurez pas moins de grâces, et vous ne perdrez rien de votre empire.
Adieu belle Mirza : il est temps que je vous laisse seule. (Il sort.)
Ariette :
Dieu puissant de Cythère !
Ne me sois point contraire :
Dans mon désir
Ne vas point me trahir !
À l’époux que je brave
Inspire pour moi du mépris,
Dérobe-lui Mirza sous l’habit d’une esclave
Cache mon artifice à ses regards surpris.
573
J’entends quelqu’un qui vient ici… C’est sans doute Zama, contrefaisons mon maintien et
occupons-nous à cet ouvrage. (Elle s’assoit et brode sur le métier sans faire attention à Zama.)
Duo
Le croirait-on monseigneur
On dit que je fais horreur
Cette mine ce corsage
Méritent-ils cet outrage ?
Zama :
Non, non, mon cœur sur ma foi,
On veut se moquer de toi.
Mirza :
Examinez mon teint.
Croyez cet œil malin… hein ?...
Dites-moi, soyez sincère,
Ai-je encore de quoi plaire ?... Hein…
Eh bien sans cesse
Ma maitresse
Me dit que je suis odieuse
Que je suis horrible hideuse
Penseriez-vous cela de moi ?
Zama :
Qui, toi, horrible, hideuse ?
Non, ma foi.
574
On veut se moquer de toi.
Mira :
Je suis dans l’esclavage.
Je n’ai d’autre désir
Que celui d’obéir :
Voilà tout mon plaisir.
Oui, c’est le plus doux avantage
Dont le sort me fasse jouir.
Mais vous verrez bientôt Mirza,
Et sa beauté vous charmera.
Zama :
On doit te rendre hommage
Qui pourrait te haïr.
Tu fixes le désir
Tout sert à t’embellir.
Je vois briller sur ton visage
Tous les agréments du plaisir.
Mais je languis de voir Mirza,
Ah, que sa beauté me plaira !
Ariette :
575
Une belle en son printemps
Par de faibles agréments
Peut avoir l’art de séduire
Mais la beauté se détruit,
Et les charmes de l’esprit
Ont un immortel empire.
Ariette :
Quoi Mirza pourrait m’aimer
Et j’aurais su l’enflammer ?
Quel bonheur, quelle victoire !
Je compterais sur son cœur
Rien n’est égal à ma gloire.
Un empire est moins flatteur.
Mais peut-être je m’abuse.
Non, je ne mérite pas
De jouir de tant d’appas.
Je crains qu’on ne me refuse.
Voilà tout mon embarras !
Selim : Que dites-vous, monseigneur ? Vous n’avez rien à craindre de la part de Mirza : la volonté de
ma fille est la mienne. D’ailleurs, vous avez reçu ma promesse par écrit, et il faut bien qu’elle vous
épouse aujourd’hui : je vais vous la présenter et sa docilité vous enchantera. (à Mirza.) Toi, viens
avec moi… Sans adieu mon gendre, sans adieu. (Il prend la main de Zama en le quittant, et lui
secoue le bras. Mirza sort avec lui.)
576
Zama :
Ariette :
Ah ! Que mon âme est contente !
Est-il un plus grand bonheur
D’une beauté ravissante
Je vais être possesseur !
Oui, mille amants dans Pékin
Vont envier mon destin.
Au désir qui m’agite sans cesse
Je ne saurais résister :
Chaque instant redouble ma tendresse
Que de plaisirs je vais goûter !
Qu’il est doux de se contenter !
C’est le bien suprême
Se rendre heureux
Combler ses vœux
Voilà mon système.
ACTE II
Récitatif :
Quel embarras ! Quelle contrainte !
Rien ne peut dissiper ma crainte.
Il faut dissimuler ma flamme et ma douleur.
Les désirs d’un jaloux redoublent mes alarmes :
C’est en vain que Mirza veut rassurer mon cœur.
Tout conspire à notre malheur
Elle ne connaît point le pouvoir de ses charmes.
Ariette :
Mon esprit sans cesse agité
Ne voit que des objets dont l’aspect m’épouvante.
Tantôt c’est un rival qui ravit mon amante
Tantôt c’est un père irrité
577
Qui le fer à la main devant moi se présente
Pour punir ma témérité.
Ô toi, dont je porte les chaînes
Tendre amour ! Adoucis mes peines !
Viens bannir mon effroi ;
Mon sort dépend de toi.
Duo :
La belle prétendue ?
Ah ! J’en ai l’âme émue !
Mon seigneur, je l’ai vue
Sa figure inspire l’effroi
Oui c’est un monstre sur ma foi.
Que voulez-vous faire
D’une vieille mégère ?
578
Elle est effroyable
C’est plutôt un diable,
Vous la verrez,
Et vous en frémirez.
Thalyr :
Je me tairai, mais croyez-moi…
La belle prétendue, etc.
Zama : Cesse de m’impatienter et dis-moi si c’est bien Mirza que tu as vu et si c’est à elle-même que
tu as parlé ?
Thalyr : Oui, monseigneur ! Je ne vous en impose point ; je viens de voir le charmant objet qu’on vous
destine, et je puis vous dire sans flatterie que vous allez épouser la plus merveilleuse pagode de
toute la Chine.
Zama : Impertinent ! Ôte-toi de mes yeux ou crains ma colère ! (Thalyr s’enfuit.)
Ariette :
Ah ! Dissipez ma douleur,
Et n’affligez plus mon cœur !
Vous brûlez de nouveaux feux,
Pouvez-vous briser les plus tendres nœuds ?
Quoi, Mirza vous fait la loi ?
Vous la préférez à moi ?
Ah, dissipez ma douleur, etc.
Zama : Vous connaissez mes sentiments : croyez, Daphné, que vous m’êtes toujours chère ; mais de
grâce éloignez vous d’ici ; Mirza va bientôt s’offrir à ma vue, et je craindrais que votre présence…
Daphné : Qui, moi ! Que je m’éloigne d’ici ! Ah traître ! Ne vous en flattez point : je veux malgré
vous-même satisfaire ma curiosité… Ô ciel ! Daphné, outragée redouterait la vue de Mirza ?...
Non… Ma juste jalousie a le droit d’éclater devant elle !
Duo :
579
Ingrat ! Amant parjure !
Quel affront faut-il que j’endure ?
Zama :
Moi ! Parjure
Quelle injure !
Daphné :
Parjure
Oui dans ce moment tout m’assure
Votre infidélité
Ah ! Quelle indignité !
Zama :
Ah calmez-vous !
Modérez ce courroux ?
Daphné :
Soyez mon époux
Ou craignez mon courroux ?
Vous me manquez de foi.
Zama :
Hélas ! C’est malgré moi
Zama : Cessez une plainte inutile. Mais je vois paraître Nadir avec sa fille. Retirez-vous Daphné, et
respectez ma flamme.
Daphné (à part.) : Que je suis humiliée !
Scène treizième [sic]. Zama, Daphné, Mirza, Selim, en vieillard, Sosie, déguisé en femme et
couvert d’une voile.
Zama (à part) : Je sens mon cœur tressaillir de plaisir.
Selim : Monseigneur, voici ma fille que j’ai l’honneur de vous présenter.
Zama : Ah ! Madame ! Quelle faveur !
Sosie (se jetant au côté de Zama) : Ah, que mon âme est satisfaite ! Je vois enfin mon cher époux !
Allons vite, des sièges !...
Daphné (à part) : Qu’elle est mal faite !
Sosie (à Zama) : Placez-vous à côté de moi. (Zama s’assoit.)
Daphné (à part) : Que son langage est grossier.
Sosie (à Zama) : Enfin nous allons bientôt être unis pour toujours : ah, cher Zama ! Que cette aimable
chaîne flatte mon cœur ! Mais plus je vous considère et plus je sens redoubler les transports de ma
flamme… En vérité, je suis si impatiente de vous connaître, que si ma tendresse avait pu
s’accorder avec la bienséance, j’aurais volé moi-même au devant de vos pas.
Zama : Vous m’enchantez, tendre Mirza : daignez satisfaire mes désirs audacieux ; ôtez ce voile qui
me cache tant de beauté.
Sosie (d’un ton de précieuse) : On vous a fait sans doute beaucoup d’éloge de mes attraits peut-être ne
me trouverez point aussi belle que vous vous l’imaginez.
Zama : Ah, je ne doute point de l’effet puissant de vos charmes, faites les briller à mes yeux.
Sosie : Que vous êtes séduisant ; on ne peut rien vous refuser. (Elle lève le voile.) Eh bien, regardez-
moi.
580
Zama (se levant d’un air effrayé) : Juste ciel ! Que vois-je !
Daphné : Ah, quelle horreur !
Sosie : Quoi ! J’aurais le malheur de vous déplaire. Mais, monseigneur, vous êtes bien difficile.
Zama : Éloignez-vous de moi !
Sosie :
Ariette :
Arrêtez vos pas
Ne me frappez pas
De mes tendres appas
Faites plus de cas !
J’ai l’œil assassin
Le sourire malin
Peut-on voir dans Pékin
Un minois plus fin.
Cette mine
Enfantine
Vous devez en être épris
Je peux dire
Qu’on admire
Car je suis sans prix
Je suis un phénix
Oui j’enflamme tous les cœurs
Voyez ces traits vainqueurs
En finesse rien ne me surpasse
Rien n’efface
Cette grâce
Peut-on voir dans Pékin
De minois plus fin, [illisible] etc.
Daphné (à part) : Me voilà bien vengée ! (à Zama) Seigneur, je ne suis plus jalouse de votre brillante
conquête, et vous pouvez l’épouser.
Zama (à Selim) : J’ai peine à retenir ma fureur ! Maudit vieillard, tu te repentiras de m’avoir trompé de
la sorte !
Selim : Mais monseigneur, ce n’est pas ma faute si ma fille ne vous convient plus : je ne vous ai point
engagé à me la demander en mariage : mais il n’est plus temps de vous dédire : vous avez reçu ma
promesse par écrit et vous l’épouserez dès ce jour, ou je saurais bien vous y forcer par les lois.
Zama (à part) : Je me suis engagé : quelle est ma sottise !
Ariette :
Dieux ! L’aurais-je cru
Me voilà confondu
À ce tour affreux me serais-je attendu ?
C’est donc ainsi
Qu’on m’a trahi
Oui vous en serez puni
Vous m’avez surpris, je saurai me venger
C’est trop m’outrager !
Téméraire, insolent
Reprenez votre engagement
581
Ou craignez mon ressentiment !
Ariette :
De la plus sensible amante
Couronnez les tendres feux
Par une épreuve touchante
L’amour resserre vos nœuds :
On prend en vain des mesures
Pour s’opposer à ses droits
Ce dieu par des routes sures
Unit les cœurs à son choix.
Zama : Je reviens de mon erreur ! Ah, chère Daphné, vous seule méritez mon amour ; je vous rends
toute ma tendresse. Pour vous, Mirza, bien loin de contraindre vos désirs, je veux moi-même
contribuer à votre bonheur, et dès ce jour j’engagerai votre père à se décider en faveur de votre
amant.
Sosie : (à part) Tout a bien réussi ! (Il sort.)
Daphné : Ah, Zama ! Vous dissipez pour jamais mes inquiétudes.
Ariette :
Dans ce jour
Vous redoublez ma flamme
Que votre retour
Flatte mon âme !
Quel plaisir
Quelle douceur extrême
De pouvoir s’unir
À ce qu’on aime :
Rendez-moi pour toujours votre cœur ;
Ne soyez plus volage
Que la constance et le bonheur
582
De l’hymen soient le gage.
Chœur
Mirza (à Selim) :
Que l’hymen pour jamais nous engage !
Selim (à Mirza) :
Nos plaisirs de l’amour sont l’ouvrage.
Zama :
Aimons, aimons, ne suivons que les lois
Ce dieu charmant a fixé notre choix.
Daphné :
L’amant séduit par une erreur
Souvent se livre à l’inconstance
Mais l’objet qui charme son cœur
Obtient toujours la préférence.
Chœur
Aimons, etc.
Fin
583
Annexe 7.2.(a) : Gengiskan, ou l’Aimable Tartare
Folie-vaudeville en 1 acte
Par Armand d’Artois et Boniface
Théâtre du Vaudeville, le 24 février 1824
[Archives nationales, F18 648]
Air :
Dieu des Chinois
Cache nos minois,
Aux yeux du tiers du quart ;
Car
Ce Gengis-Kan
Va comme un volcan
Dans Pékin dresser son camp
Une Chinoise :
Quand ?
Quand ?
Craignez-vous donc d’être en défaut.
Me Piff-pouff :
Ce sont de fameux hommes !
Et nous sommes
Depuis tantôt
Toutes prises d’assaut !
Chœur :
Ah !
Dieux des Chinois, etc.
Dieux des Chinois, etc.
Palmire : Mais pourquoi Gengiskan nous a t’il fait conduire toutes dans ce palais ?
Mme Piff-pouff : Ceci est un secret qui tient sans doute à la politique machiavélique... C’est par son
ordre que toutes les femmes de Pékin ont été mises en dépôt dans cet immense palais !
Palmire : Qu’est-ce qu’il veut faire des nous ?
Mme Piff-pouff : Il veut peut-être nous enrégimenter.
Air :
Ah ! s’il fallait faire la guerre
Je ne craindrais pas les combats.
Une Chinoise :
Je me montrerais téméraire.
Une autre :
Moi je ne reculerais pas.
Mme Piff-pouff :
Quant à moi, vous pouvez m’en croire
Mon cœur serait bien affermi ;
Je ferais pencher la victoire
Rien qu’en tombant sur l’ennemi.
584
Rien qu’en tombant sur l’ennemi.
585
【Scène 3e】Les mêmes, Omar
Air :
Omar :
Je viens présenter mon hommage ﹜
Aux Chinoises de ce Canton ! ﹜ (bis)
Toutes les femmes (à part) :
Quelle audace !
Omar :
Quel corsage !
Quelle grâce ! Quel pied mignon !
Toutes les femmes (faisant la révérence) :
Monsieur vous êtes bien bon !
Omar :
Oui, j’admire chaque tendron !
Toutes (même jeu) :
Monsieur vous êtes bien bon !
Omar :
C’est à perdre la raison !
Toutes (même jeu) :
Monsieur vous êtes bien bon !
Ensemble :
Omar :
Je viens présenter
Toutes les femmes :
Il vient présenter son hommage
Aux Chinoises de ce Canton.
Omar (entrant, à la cantonade) : Et qu’aucune femme ne sorte sans un ordre signé de ma main... (à
part) Il est probable que j’en donnerai peu, vu que je ne sais pas écrire. Mesdames, je suis envoyé
vers vous par le fameux Gengiskan pour vous inscrire sur ce souvenir. (Un esclave porte un grand
registre.)
Crevette : Il appelle cela un souvenir ! C’est sans doute l’album de Gengiskan.
Omar : Vos noms ?
Une Chinoise : Palmire...
Omar (écrivant) : Votre âge ?
La Chinoise : 17 14 ans.
Omar : Mettons en 26 16... brune... nez ordinaire taille d’un mètre 75 centimètres... (à une autre) à
vous ?
Une autre : Périna... 16 17 ans.
Omar : Mettons 22... blonde brune foncée... nez ordinaire taille moyenne... une autre.
3e Chinoise : Célina... 19 ans.
Omar : Mettons 27 ans... yeux ordinaires, nez ordinaire... taille ordinaire... le reste item ? (à Mme
Piff-pouff) à vous.
Mme Piff-pouff : Flora Piff-pouff.
Omar : Piff-pouff... votre âge ?
Mme Piff-pouff : J’ai vu 29 printemps.
Crevette (à part) : Elle en a bien vu d’autres !
586
Omar (écrivant) : Vingt cinq printemps... ça doit faire pour Madame 48 ans... (à Crevette) votre tour...
votre nom ?
Crevette : Je me nomme Crevette... J’aurai 18 ans à la mi-août. (se redressant) Maintenant prenez mon
signalement...
Omar (se levant) : Voilà une Chinoise bien éveillée... (à son secrétaire) Continue l’inventaire. (prenant
la main de Crevette) Crevette, vous avez la mine d’une petite espiègle !
Crevette : Eh bien ! J’ai juste la mine de ce que je suis. Toujours gaie, je danse sans musique, et je
chante sans voix. Je vois le temps comme il vient, les événements comme ils arrivent, les femmes
comme elles veulent être et les Tartares comme ils sont !... (elle le regarde en riant.) Enfin je suis
une demoiselle philosophe.
Omar : Ah ! ah ! (se retournant à son secrétaire) Ajoutez au signalement : demoiselle Philosophe !
Crevette : Ainsi, Seigneur Omar, nous allons être vendues !
Omar : En détail.
Crevette : Et êtes-vous du nombre des chalands ?
Omar : Cela m’est interdit ainsi qu’à tous les grands dignitaires de Tartarie.
Air :
Pour éviter le désordre
Gengiskan nous défendit
D’être amoureux sans son ordre.
Mme Piff-pouff :
L’amour est donc un délit ?
Omar :
Et sous peine d’une amende,
Cette marchandise là
Ne peut passer...
Crevette :
Oui, là
Vous fait’ p’tit [....]
Air :
Pour nous, l’amour est un délit
Et pour éviter tout désordre
Le grand Gengis nous défendit
De prendre femme sans son ordre,
Oui cette marchandise là
Ne saurait passer sans amende.
Crevette :
Moi je parierais d’après ça
Que vous faites la contrebande.
Le Tartare (annonçant Assouf) : Seigneur Omar, voilà une femme qui avait jusqu’ici échappé à nos
recherches... on l’a trouvée près de la maison du lettré Fakin. (Il sort.)
Omar (à Assouf) : Avancez !...
Assouf (imitant la voix d’une femme) : Seigneur, pardonnez mon embarras. La timidité naturelle à mon
587
sexe... (à part) Je ne vois pas Meïda !
Mme Piff-pouff (à part après avoir regardé Assouf) : Dieu me pardonne, c’est Assouf !
Assouf (bas à Mme Piff-pouff) : Silence !
Mme Piff-pouff (à part) : Serait-ce pour moi !... Ce jeune Chinois m’a souvent lancé des œillades !...
Omar (après avoir regardé Assouf) : Elle est belle femme. (à Assouf) Votre nom ?
Assouf :
Omar : Quelle vertu !... voilà peut être la femme la plus [...] d’ici !
Mme Piff-pouff (bas à Assouf) : Quoi ! vous exposeriez ces jeunes personnes !
Assouf (bas à Mme Piff-pouff) : Je n’exposerai que vous !
Mme Piff-pouff (bas à Assouf) : A la bonne heure... Je connais le danger...
Omar :
Air :
De votre cœur, bannissez l’épouvante,
Et préparez vos attraits un sourire enchanteur
Lorsque viendra le moment de la vente
Songez qu’il faut trouver un amateur.
Chant des femmes (en sortant) :
De notre cœur bannissons l’épouvante, etc. etc.
【Scène 5e】
Omar (seul) : Elles sont parties... Je suis seul... Exécutons mon projet... (il ouvre une porte)
Venez, venez, charmante Meïda !
Air :
Ayez plus d’assurance !
Meïda :
Pour mon cœur quel effroi !
Omar :
Comptez sur ma puissance !
Meïda :
Je tremble malgré moi !
Dans ce palais me renfermer,
588
Ce mystère doit m’alarmer.
Omar :
Dans ce palais ma belle...
Le bonheur vous appelle...
Ensemble :
Meïda (naïvement) :
Le bonheur dites-vous
Mais je n’entends que vous !
Omar :
Le bonheur le plus doux
Vous attend près de vous.
Omar : Apprenez charmante Meïda, que vous avez trouvé le secret de me plaire.
Meïda : Si j’ai trouvé ce secret là, c’est sans le chercher, je vous l’assure.
Omar : Je le sais... et selon toutes les apparences, vous aurez la gloire de m’appartenir...
Meïda : Je n’ai jamais aimé beaucoup la gloire moi Seigneur ! Je vous en avertis.
Omar : Cela viendra...
Meïda : J’ai bien peur que ça ne vienne pas...
Omar : Est-ce que votre cœur connaîtrait déjà l’amour ?...
Meïda : Je ne suis pas bien sûre de ce que mon cœur connaît. Je n’ai pas reçu une éducation été élevée
dans un pensionnat à la mode moi. Et il pourrait bien se faire que je fusse arrivée à l’âge de 18 ans
sans connaître l’amour... Mais soyez tranquille, j’ai de la bonne volonté, et je promets de rattraper le
temps perdu.
Omar (à part) : Voilà de l’ingénuité ou je ne m’y connais pas ! (haut.) Ainsi vous n’aimez aucun
homme ?
Meïda : Je n’en sais rien... tenez, écoutez :
Omar : Eh ! bien ! si vous l’avez aimé sans y penser, vous l’oublierez de même... vous m’avez
intéressé, et j’ai résolu de vous sauver l’affront d’être mise en vente. Je vous ai fait préparer un habit
d’homme dans ce cabinet... vous ferez un petit Tartare fort gentil !
Meïda : Moi en Tartare !...
Omar : C’est le seul moyen de tromper les regards du terrible Gengiskan !.... Vous n’avez pas de temps
à perdre... entrez. (il lui montre la porte.)
Air, ensemble :
Amour, amour,
Guide
589
Cette beauté timide.
Amour, amour,
Protège-la dans ce séjour.
Meïda :
Amour, amour,
Guide,
Ma jeunesse timide.
Amour, amour,
Protège-moi dans ce séjour.
[fin d’ensemble]
Omar :
Amour protège ma flamme
Livre-moi de si doux appas !
Ah ! Fais qu’elle soit ma femme.
Meïda (à part) :
Amour, ne l’écoute pas.
Ensemble :
Amour, etc.
Omar :
Amour que mon tendre zèle,
Partout veille sur ses pas !
Fais qu’elle me soit fidèle !
Meïda (à part) :
Amour, ne l’écoute pas.
(Ensemble) :
Amour, etc.
Omar : Eh bien, Seigneur, il me semble que si cette petite ruse de guerre réussit, tout l’or que doit
rapporter la vente de nos femmes, nous rend assez riches pour nous permettre de retourner dans
notre chère Tartarie.
Gengis (avec dignité) : As-tu pu croire un instant, Omar, que l’or ait tant d’attraits pour le cœur de
Gengis ? Approche, apprends à me mieux connaître. Je veux te dévoiler aujourd’hui mes vastes
desseins.
Air :
Sais-tu bien quelle est l’origine
De mes exploits, de mon renom ?
De la Perse, au fond de la Chine
Sais-tu qui fit tonner mon nom ?
Et si déjà l’Asie entière
M’admire ou me hait tour à tour ?
En sais-tu la cause première ?
(changeant d’air)
C’est l’amour, l’amour, l’amour,
590
Qui guide
Ma course rapide,
C’est l’amour, l’amour, l’amour,
Qui m’a joué ce malin tour.
Omar (étonné) : L’amour ! (à part) J’étais sûr qu’il allait me dire quelque chose comme ça ! Dieu ! que
cet homme là est romanesque !
Gengis : Oui, c’est ce petit dieu volage qui a vaincu le vainqueur de l’Asie ; car, tu le sais, je suis
naturellement doux et sensible ; un enfant qui pleure me fait pleurer, c’est plus fort que moi. Quand
je perdis ce joli chardonneret que j’aimais tant, tu sais, fifi !
Omar (s’essuyant les yeux) : Oui, fifi !
Gengis : J’ai poussé la sensibilité, jusqu’à faire immoler sur son tombeau tous mes oiseleurs et mes
fauconniers, j’ai fait jeûner en son hameau tous mes soldats pendant cinq jours et mes esclaves
pendant dix...
Omar : On n’a pas un meilleur cœur que vous, c’est vrai.
Gengis : Cependant je suis bon vivant, Epicurien assez gai même,.... pour un Tartare ! Enfin, Omar, je
n’étais pas né pour l’état que je fais.
Omar : Quoi ! Qu’est-ce qui vous a forcé ?
Gengis : C’est ce que tu vas apprendre. Je n’étais encore que le petit Timujin, car tu sais que Timujin
est mon précurseur. Lorsque le grand Khan de Tartarie m’envoie à la suite de l’ambassade qu’il
députait vers l’Empereur de la Chine, je me promenais un jour, solitaire et rêveur dans une des rues
de Pékin lors qu’une jeune fille passa près de moi. Elle était voilée... mais, imagine-toi une taille
céleste ! un petit pied...
Omar : Un pied à la chinoise enfin...
Gengis : J’admirais donc sa taille et son pied, lors que le vent souleva tout à coup son voile et je vis !...
Ô Omar !
Omar (à part) : Voilà qu’il tombe dans le romantique. (haut.) J’entends ; jamais rien de plus beau ne
s’offrit aux yeux d’un mortel.
Gengis : Oh ! bien autre chose ! écoute :
Air :
Quel mot trouver pour son sourire ?
Je ne dirai rien de ses yeux ;
L’Expression ne peut suffire
Pour peindre son front, ses cheveux.
Sur sa bouche je dois me taire ;
Je n’ai point vu son col charmant
Et tout le reste est un mystère...
Omar, juge là maintenant.
Omar : D’après les renseignements que vous me donnez là, elle doit être bien belle ! Il me semble la
voir... une grande...
Gengis : Non, petite...
Omar : Oui, une petite brune.
Gengis : Non, blonde...
Omar : J’entends bien... un superbe nez aquilin.
Gengis : Non, un charmant petit nez retroussé.
Omar : Et puis un petit pied enfin.
Gengis : C’est ça.
Omar : Ah ! Parbleu !... nous connaissons ça.
591
Gengis : Elle avait treize à quatorze ans. Omar, je voulus la suivre, elle pressa sa marche ; j’allais
l’atteindre, elle rentra chez elle et son père me ferma la porte au nez.
Omar : Voilà un dénouement qui a dû vous faire saigner... le cœur ?
Gengis : Pékin est si grand que je ne pus jamais reconnaître ni la rue, ni la maison ; je revins donc en
Tartarie où son image m’accompagna sans cesse... enfin je consultai l’astrologue de mon père pour
savoir si j’étais destiné à la revoir : il me répondit... écoute bien : « Tu la retrouveras à Pékin et
jamais tu ne seras aussi grand que lorsque tu la reverras. »
Omar : Et êtes-vous grandi depuis ce temps-là ?
Gengis : Oh ! J’aime bien les calembours mais, celui-ci est tout à fait déplacé ! Enfin tel est le motif de
mes exploits. Nous étions brouillés avec la Chine, je vis que je n’y pouvais rentrer qu’en vainqueur
et Timujin devint bientôt Gengis-Kan. Tu vois maintenant que sous le prétexte de mettre en vente
les femmes de Pékin, je n’ai voulu que les rassembler ici pour retrouver la Chinoise, mais si elle
était mariée, Omar, elle doit avoir maintenant de 18 à 19 ans !...
Omar : Si elle était mariée, vous la ferez veuve ; ce ne sera pas la première veuve que vous aurez faite.
Gengis : J’ai fait quelques veuves, c’est vrai ; mais en tout bien, tout honneur.
Air :
Lorsque je ravageais la terre,
Comme il ne m’en revenait rien,
Que c’était le droit de la guerre,
Je me disais tout bas : c’est bien.
Mais pour posséder une femme,
Tuer son mari, mon rival,
J’entends dans le fond de mon âme
Une voix qui me dit : c’est mal.
Air :
Serviteur ! Seigneur Tartare !
Ministre d’un souverain
Qui dans ces lieux accapare,
Tout’s les beautés de Pékin.
Fakin :
Devant vous ma joie éclate...
Piff-pouff (bas à Fakin) :
Vous les flattez [...] forts
592
Et quoi le flatter ainsi [sic]
Fakin (bas à Piff-pouff) :
Mon cher, jamais on ne flatte
Que ceux qui sont les plus forts !
Il faut bien que je le flatte
Puisque j’ai besoin de lui.
Gengis (les regardant) :
La singulière mine !
Quels magots de la Chine !
Fakin (à part) :
Dans mon air, ce héros
Voit ce que je vaux !
Gengis (bas à Omar) :
Sur la Chine on fait des fagots ;
Mais ce sont bien là des magots !
Fakin et Piff-pouff (à part) : }
Dans mon air, ce héros }
Voit ce que je vaux ! }
Gengis et Omar (à part) : }Ensemble
A coup sûr, en trois mots }
Voilà deux magots. }
Fakin : Dites-moi, braves Tartares, est-ce qu’on ne pourrait pas parler au grand Gengiskan ?
Omar : Pour quoi lui dire Chinois.
Fakin : C’est que j’ai composé de petits vers en son honneur, et...
Piff-pouff (bas à Fakin) : Comment...[...] vous lui avez fait des vers.
Fakin (bas à Piff-pouff) : Laissez donc... ils m’ont déjà servi trois ou quatre fois, il n’y a que le nom de
changé... c’est une circulaire !
Gengis : Si vous voulez me les remettre, il les [...].
Fakin (lui présentant les vers) : Volontiers, noble Tartare. [...] Vous lui direz que c’est de la part de
lettré Fakin... il doit me connaître pour peu qu’il ait de littérature... le nom de Fakin est presqu’aussi
populaire que celui de Gengiskan... quoi que nous ne travaillons pas dans le même genre.
Air :
J’ai pour la Chine un amour véritable
Dès que chez nous arrive le vainqueur
Pour le chanter, ma muse infatigable
Tient toujours prêts des vers pleins de douceur,
Et qui bientôt désarment sa fureur
Mes vers toujours sont reçus avec grâce.
Par eux enfin, et mon cœur s’y résout
Je puis demain obtenir une place
Je suis Chinois, mon pays avant tout.
Fakin : Pour lui dire que nous sommes bien ses serviteurs.
Piff-pouff (bas à Fakin) : Mais je ne le suis pas du tout !
Fakin (de même) : Et moi non plus... Mais il faut toujours lui dire que nous le sommes... si ça ne fait
pas de bien, ça ne peut pas faire de mal.
Gengiskan : Gengiskan le saura.
Fakin : Vous lui direz que le lettré Fakin serait enchanté de faire sa connaissance. Il doit me connaître
593
pour peu qu’il ait de littérature... le nom de Fakin est presqu’aussi populaire que celui de Gengiskan,
quoique nous ne travaillons pas dans le même genre.
Air :
Je suis connu dans le siècle où nous sommes
Et j’ai traité de tout dans mes écrits
Car j’ai parlé des bêtes et des hommes,
Des climats et de leurs produits
Du beau dans tout, j’ai cherché l’origine,
Et ce qui doit faire briller mon goût
J’ai célébré les magots de la Chine
Je suis Chinois, mon pays avant tout !
Gengiskan : Fort bien, Chinois... Asseyez-vous... et écoutez-moi !... Vous reconnaissez donc le droit
qu’a Gengiskan de mettre une taxe sur vos femmes, vos filles ou vos sœurs... bien... d’abord nous ne
surfaisons point, et tout sera vendu à prix fixé. (pendant ce temps, Fakin fait avec la tête le signe de
l’affirmation et Piff-pouff celui de la négation comme les magots qu’on voit sur les cheminées.)
Fakin (se levant) : Permettez que je dise deux mots au Mandarin Piff-pouff. (Il passe auprès de
Piff-pouff) Dites donc voisin, avez-vous encore de l’amour pour votre femme ?
Piff-pouff (remuant la tête d’une façon négative) : Il y a vingt deux ans que nous sommes mariés !
Fakin : Votre intention est-elle de faire monter bien haut ?
Piff-pouff : Je ne la ferai pas monter du tout.
Fakin : Tant mieux, car entre nous voisin, elle m’a toujours convenu et si on ne la fait pas trop chère, je
pourrai m’en accommoder.
Piff-pouff : Comment vous voulez acheter ma femme ?... Tenez-vous en à votre petite Crevette...
Mad[ame] Piff-pouff ne vous convient pas.
Fakin : Si ! si !
Piff-pouff : Non ! non !
Gengiskan (à Omar) : Ces gens là figureraient bien sur une cheminée.
Omar (se mettant entr’eux et d’un ton rude) : C’est fort bien, Chinois, mais que venez vous faire ici ?
Allons, Chinois, pourquoi êtes-vous venus ici ?
Piff-pouff : Seigneur, nous y sommes venus pour acheter quelques couples de jolies petites femmes.
Fakin : Voulez-vous nous montrer tout de suite quelques échantillons de votre charmante
marchandise... ah ! ah ! ah ! ah ! (il rit.)
Gengis (à Omar) : Il parait que ce sont des gaillards. (à Piff-pouff et à Fakin) Vous êtes donc
célibataires ?
Fakin et Piff-pouff (après d’être regardés pour se consulter) : Oui, oui, Seigneurs Tartares.
Piff-pouff : J’avais bien un petit sérail qui avait quelque peu vieilli avec moi... mais vous avez eu la
bonté de capturer.
Omar : De vieilles femmes... vous les retrouverez à la salle n° 60.
Piff-pouff : Non, non, merci. J’ai résolu de profiter de l’occasion pour remettre mon sérail [...].
Gengis : Il suffit... Omar, donne des ordres.
Crevette (accourant) : Dites donc, Monsieur Omar, on ne s’entend plus là dedans... il y a des cancans,
il y a des cancans à n’en plus finir joliment de l’intrigue et de la cabale !
Fakin : Hein ! en voilà une petite qui me parait fort gentille...
Piff-pouff : Si je la marchandais.
594
Fakin : Mais je ne me trompe pas... c’est ma petite écervelée !
Crevette (à Omar) : Ah ! Mon Dieu ! Monsieur Omar, voilà mon vieux Chinois ! Faites-moi bien cher
pour qu’il ne m’achète pas.
Fakin (s’approchant de Crevette) : Belle enfant, à moins que vous soyez à un prix exorbitant...
Omar (rudement) : Halte la ! On n’approche pas à cette jeune fille, elle est destinée au lieutenant de
grand Gengiskan, l’aimable Omar.
Fakin : Oh ! Alors !...
Crevette (à part) : Eh bien, qu’est-ce qu’il dit donc là !
Omar (à part) : Ce n’est pas l’embarras, si je n’avais déjà un amour dans le cœur... bah ! le cœur d’un
Tartare est à compartiment ; deux passions y tiennent à l’aise.
Gengiskan : De quoi est-il donc question là dedans !
Crevette : Ah ! Monsieur ! c’est bien drôle allez !... Toutes ces dames sont en révolution...
Figurez-vous qu’on vient de leur annoncer que ce grand sournois de Gengiskan. (Omar la tire par la
robe) Laissez moi donc, est-ce parce que je ne dis pas Monsieur Gengiskan ?... Vous savez bien que
les grands hommes on les tutoie... et puis d’ailleurs je cause avec Monsieur qui n’ira pas lui redire.
Gengis : Elle m’amuse... parle...
Crevette : Ah ! J’en étais à ce sournois de Gengiskan... eh ! bien imaginez-vous qu’on est venu leur
dire que ce grand farouche là... (Omar la tire) Ah ! ça Monsieur Omar, ça finira-t-il !... que ce grand
farouche là dis-je, voulait choisir la plus jolie pour lui... alors, il n’y a eu qu’un cri. C’était une
désolation générale, comme si elles étaient toutes la plus jolie... jusqu’aux vieilles qui maudissaient
leurs fatals attraits !... C’est pas l’embarras celle qu’il aura, je ne voudrais pas être à la place... moi,
d’abord, je ne pourrais pas le voir, parce que je suis nerveuse... (le poussant avec mystère dans le
coin du théâtre) Dites donc,... vous pourriez me dire cela vous !... on dit qu’il louche et qu’il a des
faux mollets ? est-ce vrai ?
Gengis (à part) : Elle est charmante. (se regardant la jambe) Je ne crois pas. (la regardant avec son
lorgnon) il a seulement la vue un peu basse...
Omar : Encore c’est par genre !
Crevette : Tenez, les voilà toutes !...
【Scène 9bis】Les Mêmes, Mme Piff-pouff, Assouf (en femme), toutes les autres femmes
Air :
Quel malheur pour moi si jamais
Je devenais
Sa femme !
Ah ! sur mon âme
J’en mourrais
Maudits soient mes fatals attraits !
Omar :
Paix !...
Vous allez voir
Mon pouvoir.
D’un mot
Je vais bientôt
Leur imposer silence !
Toutes les femmes :
Voudrait-on nous rassembler
Sans nous laisser parler !
C’est trop de violence !
595
Omar :
Eh bien, parlez !
Oui, mais tremblez !
Ce sournois, ce farouche
Cet homme louche
Il était là...
Le grand Gengiskan, le voilà !
(Les femmes se placent sur deux rangs ; Gengis passe au milieu d’elles avec son lorgnon.)
Gengis : Pardon, Mesdames ; je suis vraiment désespéré de vous causer tant de dérangement mais je
cherche parmi vous la beauté qui règne sur mon âme, d’honneur, on n’est pas plus jolie ! et nos
philosophes ont bien raison de dire que la femme est une des plus belles moitiés du genre humain.
(regardant Assouf) Celle là est bien grande.
Omar : Oui, elle a la tête de trop.
Gengis : Plus tard... elle a faim, je crois.
Omar : Ah ! ah ! quand ces jeunes filles voient de beaux hommes !
Gengis : Rassurez-vous, mesdames.
Air :
Je suis aimable et sans détours
Vous plaire est mon unique envie
Parlez, disposez de ma vie
Ma gloire toujours
Appartient aux amours.
596
A ma valeur rien ne s’oppose
Mais dans ces glorieux chemins
Si j’extermine les humains
J’épargne toujours une rose !
Je suis aimable, etc. etc.
Gengis : Allons Monsieur le Mandarin puisque vous voulez vous choisir un petit sérail ?...
Piff-pouff : Seigneur...
Mme Piff-pouff (à part) : Comment mon mari vient pour acheter un sérail !
Gengis : Allons, Messieurs, choisissez donc ?
Fakin : Après vous, Seigneur.
Piff-pouff : S’il en reste.
Fakin : Celle-ci est assez rondelette !
Piff-pouff : En voilà trois petites qui me conviendraient fort !
Mme Piff-pouff (à part) : Le parjure !
Piff-pouff (allant aux petites Chinoises) : Jeunes mignonnes, je suis conduit vers vous par un coup de
l’amour...
Fakin : En voilà une qui a elle seule doit valoir vos trois petites.
Piff-pouff (s’avançant vers sa femme) : Fi donc !
Mme Piff-pouff (se découvrant et lui donnant un soufflet) : Malhonnête ! Qu’est-ce que vous venez
faire ici Monsieur !
Piff-pouff (stupéfait) : Dieu ! ma femme.
Gengis : Sa femme ? Et il se disait garçon.
Mme Piff-pouff : Il l’est comme moi !
Crevette : Bon ! voilà encore des cancans !
Mme Piff-pouff : Ah ! il vous en faut trois petites !
Piff-pouff : Mais ma chère amie...
Mme Piff-pouff : Silence ! Monsieur. Ce n’était donc pas pour me racheter que vous veniez ici ?
Piff-pouff : Mais ma poulette, tu n’y songes pas. [...] assez riches pour cela. Tu veux [...]. Tu es d’un
trop grand prix et tu sais que nous avons le besoin d’économie dans notre petit ménage.
Crevette : Il est bon, lui, avec ses économies.
Mme Piff-pouff : Economiser sur sa femme ! Et pour en prendre trois autres encore ! Le monstre !
Gengis : Ainsi ces Messieurs m’avaient abusé.
Omar : Empalés !
Gengis (avec candeur) : Tu crois, Omar !
Omar : Oui, oui, empalés, c’est bien le moins ; des Chinois de paravent comme ça ; oser tromper
Gengiskan.
Fakin (suppliant) : Oh ! Monsieur le Tartare !
Piff-pouff : [...]
Gengis : Allons, allons, je vois que Mad. Piff-pouff regretterait encore son volage. Je leur pardonne. Ils
en seront quittes pour une forte bastonnade.
Mme Piff-pouff : La Bastonnade ? [...] Je vous remercie Seigneur.
Fakin : Ah ! Vous êtes bien bon, Seigneur.
Piff-pouff (bas à Fakin) :
Air :
Vous le remerciez, camarade !
Fakin :
Oui, son bon cœur seul a parlé !
Piff-pouff (de même) :
597
Mais vous aurez la bastonnade !
Fakin :
Ça vaut mieux que d’être empalé.
Gengis (à Omar) :
Dans l’autre salle, il faut nous rendre.
Fakin (à Piff-pouff) :
Ça ne fait presque pas souffrir !
Omar (à Piff-pouff) :
Il ne faut pas vous faire attendre.
Crevette (aux mêmes) :
Allons, Messieurs, bien du plaisir.
(Ensemble)
(Morceau de sortie)
(Gengiskan sort par la droite avec Omar, et les deux Chinois
sortent par le fond. Crevette les suit.)
Gengiskan : } Ensemble
Je veux punir leur gasconnade ; }
Mais mon cœur pour eux a parlé : }
Qu’ils reçoivent la bastonnade }
Ça vaut mieux que d’être empalé ! }
Omar et Crevette : }
Il veut punir leur gasconnade }
Mais son cœur pour eux a parlé : }
Ils n’auront que la bastonnade }
Ça vaut mieux que d’être empalé ! }
Fakin : }
Moi je ne fais point de bravade, }
Pour nous, votre cœur a parlé, }
Et j’accepte la bastonnade }
Ça vaut mieux que d’être empalé ! }
Piff-pouff : }
Peste soit du vainqueur maussade }
Qui semble encore vous consoler }
En vous donnant la bastonnade }
C’est presque vous faire empaler. }
【Scène 10e】Les femmes, Assouf (en femme), Omar, ensuite Meïda (en Tartare)
598
Omar (après avoir ouvert) :
Ensemble
(morceau de Juien) :
Venez ! venez !
Meïda (en homme, entrant [...] et apercevant les femmes):
O ciel quelle imprudence !
Omar (bas à Meïda) :
Silence !
Meïda (montrant les femmes) :
Leur présence ?...
Omar :
Point d’effroi !
Assouf (à part, après avoir regardé Meïda) :
C’est Meïda !
D’où vient ce déguisement là ?
Meïda (à Omar en passant du côté des femmes) :
Mon courage revient déjà.
J’avance.
Omar (bas à Meïda) :
Prudence !
Assouf (à part) :
Prudence !
599
Ah ! ce jeune homme est charmant, etc. etc. [fin d’ensemble]
Morceau d’Ensemble en blanc [sic]
Omar (bas à Meïda) : Je vais tout préparer pour votre départ. (il sort.)
Mme Piff-pouff : S’il pouvait m’acheter ; je me donnerais volontiers au rabais pour me venger de mon
parjure !
Assouf (mettant son voile) : Tâchons de pénétrer le projet de Meïda, avant de me faire reconnaître.
Meïda (s’approchant des femmes qui font des mines) : Vraiment, Mesdames, on n’a ici que l’embarras
du choix !
Mme Piff-pouff (en [...] et se plaçant devant elle) : Ah ! ... vous êtes trop galant.
Meïda : Ce n’est pas galanterie, je vous assure ; mais je serais très embarrassée pour donner mon cœur
à l’une de vous. D’abord, j’ai des goûts très singuliers pour un homme.
Assouf (à part) : Je le crois.
Mme Piff-pouff : Je ne parle pas pour vous, Seigneur ; mais vous appartenez à un sexe bien volage et
bien trompeur.
Meïda : On me l’a déjà dit.
Mme Piff-pouff : En voilà donc un qui en convient. Allons, vous êtes véritablement un homme
singulier.
Meïda (examinant les femmes) : Mais Ces jolis minois devraient fixer l’infidélité même... (regardant
Assouf) Comment, jeune beauté, vous n’osez soulever votre voile devant moi ? C’est par trop de
modestie...
Mme Piff-pouff : C’est aussi une femme singulière.
Meïda (à Assouf) : Du moins osez me regarder ; pour que je puisse captiver votre cœur, il faut que
vous me connaissiez.
Assouf (d’une voix timide) : Mon cœur est déjà pris.
Meïda : Vous aimez !
Assouf : Oui, mais sans être aimé.
Meïda : Alors je vous plains, et quel est donc le cœur indifférent qui a pu vous résister ?
Assouf : Je ne voudrais le dire qu’à vous.
Meïda (à part) : Elle commence vraiment à piquer ma curiosité.
Crevette : Grande nouvelle ! grande nouvelle ! Mesdames, mesdames, venez donc !... Mesdames, tous
les jeunes gens les plus huppés de Pékin sont dans la grande salle ; ils se présentent comme
acheteurs et si vous ne vous dépêchez pas, vous resterez à l’arrière en fonds de magasin.
Toutes les femmes : Partons vite, partons ?
Crevette : Il y a plein de femmes. Dites donc Mesdames, ça cancane fameusement sur tous ces Kans
des Tartares [sic] qui se font tous marchands de femmes !
Toutes : Qu’est-ce qu’on dit ?
Crevette :
600
Air :
Que d’ cancans !
Sur tous ces Kans
Trafiquant !
Leurs
Anglicans [sic]
Font des cancans
Conséquents !
Crevette (à Mme Piff-pouff) : Dites donc, A propos, Mme Piff-pouff, votre mari a eu son affaire... ça
n’a pas été grande chose ; on a été doucement, il y a eu déjà faveur... mais dans un Mandarin !!...
Mme Piff-pouff : Ce pauvre chouchou... mais voyons, Mesdames, il n’y a pas de temps à perdre,
partons.
Chœur : Que de cancans, etc.
Toutes :
601
Partons, dépêchons-en.
Air : d’Aristippe
Je l’avouerai, j’ai brigué des conquêtes ;
Malheur à qui porta mes fers ;
Mais un captif du sein de ses défaites
M’a bien rendu les maux qu’il a soufferts.
Trop de rigueur flétrit la gloire ;
Et désormais, j’ai résolu
De prendre au jour de ma victoire
Les lois et le nom du vaincu.
Assouf :
Alors, [...]
Assouf (à part) : Moi, j’ai bien envie de la laisser faire. (haut) Ah ! Seigneur, vous autres Tartares,
vous abusez de votre titre de vainqueur.
Meïda :
Air : d’Aristippe
Je l’avouerai, j’ai brigué des conquêtes ;
Malheur à qui porte mes fers.
Assouf :
Combien je plains les captifs que vous faites
Je crois sentir les maux qu’ils ont soufferts.
Meïda :
Oui, ma rigueur fut trop grande peut-être
Mais cependant quand je vole aux combats
Il faut bien me faire connaître
Je suis Tartare ou je ne le suis pas.
Meïda : Soulevez donc ce voile qui me cache tant d’attraits ? Que redoutez-vous ? Allez, je ne suis
point à craindre...
Assouf : Mais la pudeur, la décence...
Meïda (à part) : Ah ! je m’en doutais, c’est une prude ! (haut) Ah ! charmante !... Je ne sais pas
comment on vous nomme, c’est égal... vous ne résisterez pas à l’amant le plus tendre, le plus
passionné, qui vous adore sans vous avoir vue ; jugez ce que ce sera quand il vous connaîtra.
602
Assouf (avec minauderie) : Cruel ! Ah ! Si je croyais à votre amour.
Meïda (à part) : Elle s’attendrit bien vite. Un instant ? (haut) Femme céleste, si vous possédez les
qualités que je devine [ou désire], mon cœur est fixé à jamais.
Assouf : Parlez, être trop séduisant.
Meïda : Mon goût est bizarre ; je vous en avertis.
Air :
L’objet qui seul pourra me plaire,
Ignorant les soins du boudoir,
Doit posséder un cœur sincère
Un esprit mâle, un grand savoir.
Je veux qu’il soit fier et sensible,
Que rien ne cause son effroi
Qu’il soit enfin, s’il est possible,
Encore plus brave que moi.
Assouf (même air) :
Mon goût au vôtre est bien contraire ;
Je veux dans l’objet de mon choix
Trouver une grâce légère,
Des cheveux blonds, un doux minois ;
Peu savant et d’humeur paisible,
Que m’aimer soit sa seule loi ;
Qu’il soit enfin, s’il est possible,
Encore plus modeste que moi.
Meïda (riant) : D’honneur, je vous conviens parfaitement, et je veux triompher de cette modestie là.
(Elle feint de vouloir embrasser Assouf qui se défend faiblement et finit par donner lui-même un
gros baiser à Meïda.)
Meïda (reprenant toute sa timidité) : Comment ! Que veut dire ceci ! Me serais-je méprise !
Assouf (se découvrant) : Charmante Meïda, reprenons chacun notre place ; je puis à mon tour vous
adresser des protestations d’amour aussi tendres et plus sincères que celles que vous venez de me
603
faire entendre. Pourquoi vous troubler ainsi.
Meïda : Mais, Monsieur...
Assouf : Le pauvre Assouf ne pourra t’il jamais acquérir la certitude d’être aimé. Hélas ! [Si] c’était
pour rapprocher de vous, pour vous préserver des caprices du vainqueur, que j’avais emprunté ce
déguisement, l’amour vous aurait-il suggéré la même ruse en faveur d’un autre. Le confident de
Gengis vous amena dans ces lieux, l’aimeriez-vous, Meïda ?
Meïda (avec modestie) : Oh ! non !
Assouf (se jetant à ses pieds) : Meïda, m’aimez-vous ?
【Scène 14e】Les mêmes, Gengiskan (à la vue de Gengis, Assouf se sauve en jetant un cri.)
Air :
Je vous attache à [ma] personne
Prenez ces pistolets d’honneur ;
C’est Gengiskan qui vous les donne
Qu’ils soient le prix de la valeur
Eh ! quoi ! tu trembles, jeune esclave,
Serais-tu donc sans cœur, morbleu,
Meïda (tremblante) :
Moi, Seigneur, oh ! Je suis très brave !...
Mais... j’ai peur des armes à feu.
Et puis quand même, je ne sais pas comment vous pouvez porter des pistolets, car ils ne sont pas
encore inventés !
Gengis : Comment ces pistolets que je porte ne sont pas encore inventés ?
Meïda : Dame ! nous ne sommes encore qu’en 1224, et ils seront probablement inventés dans 200 ans.
Gengis : C’est vrai !... Quels sont les imbéciles, qui m’ont affublé ainsi... Néanmoins jeune homme,
604
ton érudition te fait honneur, et je te nomme de l’académie des inscriptions et belles lettres de Pékin.
(à part) Elle est charmante !
Omar (arrivant vivement sans voir Gengiskan) : Tout est prêt !... Ciel !... Gengiskan !
Gengis (à part) : Tout Mon doute est éclairci !... (haut.) Je te cherchais mon cher Omar, j’ai à te
consulter sur une affaire délicate.
Omar (bas à Meïda) : Il ne peut pas se passer de moi. Vous voyez que je suis bien en cour.
605
Crevette : Ah ! que ça ne vous retienne pas. Ah ! que ça ne vous retienne pas, mais vous allez donc
être empalé ?
Omar : Oui.
Crevette : [...] Qu’est-ce que c’est ça d’être empalé ?
Gengis : (à demi-voix à Omar) : Silence ! après de mures réflexions, il me semble, Omar, qu’il est plus
convenable de me venger de la parjure, qui ne m’avait rien promis, il est vrai, que de toi.
Omar : Eh bien, vous me croirez si vous voulez ; mais je suis entièrement de votre avis.
Gengis :
Air :
Toi-même ordonnais ton supplice
Mais je veux bien te pardonner
Cependant ici la justice
Me disait de te condamner.
Omar :
Cette justice que je blâme
Vous le disait : cela se peut ;
Mais la justice est une femme
De la fait [...]
Gengis :
J’aurai dû punir ton audace
Mais je veux bien te faire grâce
Je ne saurais être méchant.
Omar :
J’attendais un trait si touchant ;
J’aurais crains votre barbarie
Si nous étions en Tartarie...
Mais dans la Chine en vérité,
Vous n’ pouvez pas manquer de bonté.
Gengis :
Encore un ! Ah ! Omar, si nous étions
en carnaval je ne te passerai pas celui là.
【Scène 17e】Les mêmes, Mme Piff-pouff, Assouf (en femme), toutes les femmes avec leurs acheteurs
Chœur des femmes :
Air : du Calife
Ah ! Quel plaisir extrême !
Et vive Gengiskan !
Grâce à la loi suprême,
Je suis à mon amant.
Gengis (bas à Meïda) :
Redoutez ma colère !
Malgré tous vos appas !
Malheur au Téméraire
Qui se déguise...
606
Meïda :
Je tremble... mais j’espère
Qu’il ne me tuera pas !
Hélas !
Je tremble... mais j’espère
Qu’il ne me tuera pas !
Chœur :
Ah ! Quel plaisir extrême, etc., etc.
Gengis : Mesdames... je suis enchanté que vous soyez contentes. (à part) Vengeons-nous de Meïda !...
(à Meïda) Jeune homme, puisque quelques unes de ces dames sont encore libres, je vous
ordonne de faire un choix.
Meïda (embarrassée) : Mais Seigneur...
Gengis (à Omar) : Vois-tu son embarras.
Omar (bas à Gengis) : Bravo! Le tour est bon !
Gengis (à Meïda) : Je veux qu’à l’instant même, vous épousiez une de ces dames. (bas à Meïda) Je
borne là ma vengeance.
Mme Piff-pouff (à part) : La concurrence commence à devenir moins redoutable ! En fait de femmes à
vendre, il n’y a plus que moi et ce jeune homme.
Meïda : Comment Seigneur, épouser !
Gengis :
Air :
Craignez tout si vous résistez !
Meïda :
Ah ! Je me sens toute saisie !
Gengis :
Avec une de ces beautés
J’ordonne que l’on vous marie
Choisissez donc je vous en prie.
Meïda :
Eh ! bien !... puisqu’il le faut voilà
L’objet ! (Elle prend la main d’Assouf)
Mme Piff-pouff :
O ! Ciel !
Meïda :
J’en suis toute honteuse !
Mme Piff-pouff :
O ! Ciel !
Meïda (à Mme Piff-pouff) :
Ne vous fâchez point pour cela !
Il n’est que cette femme là
Que je puisse rendre heureuse.
Gengis : Alors vous promettez que vous n’épouserez jamais d’autre personne ?
Meïda : Oh ! Je le promets !
Omar : Est-elle attrapée ?...
Mme Piff-pouff : Je n’y tiens plus, il faut que je parle, car j’étouffe. (à Gengiskan) Vous vous trompez,
Seigneur. Mademoiselle est un homme.
Tous : Un homme !...
Chœur (des femmes) :
607
Air :
O l’étrange aventure !
Un homme était ici,
Devait-on sans injure
Nous exposer ainsi ?
Omar (à Gengiskan) :
Seigneur, vous vous vengez fort bien !
Gengis :
C’est une double trame.
Omar :
Si Madame est un homme. Eh ! bien,
Monsieur est une femme.
Toutes les femmes (se jetant aux genoux de Gengiskan) :
Chacun d’eux est coupable
Mais Gengis Kan est bon
Soyez leur favorable !
Pardon, pardon, pardon !
Gengis : Ils sont charmants avec leurs pardons ; si on pardonne à tout le monde, il n’y a plus de
plaisir... Certainement je suis aussi bon enfant qu’un autre, mais je viens déjà de pardonner à Omar...
C’est égal, je pardonne dans le fond du cœur à Meïda parce que : on en revient toujours à ses
premiers amours !
Meïda : Comment, Seigneur, vous m’aimiez ?
Gengis : Ingrate, c’est pour te voir que j’ai mis le monde à feu et à sang ; ne te rappelles tu pas ce
jeune tartare, qui te poursuivit il y a cinq ans dans les rues de Pékin et à qui ton père ferma la porte
sur le nez ?
Meïda : Eh bien...
Gengis : Il est devant toi.
Assouf : Je suis perdu !
Gengis : Non ! Si tu es assis as le cœur de Meïda... (à Meïda) Volontairement que tu prends Assouf
pour époux ? L’aimes-tu enfin ?
Meïda (timidement) : Oui, Seigneur.
Gengis : Eh bien, jeunes amants, soyez unis, par la main de ma volonté d’honneur, mon garçon.
Meïda : Mais j’ai un père, Seigneur.
Gengis : Oui, qui m’a fermé la porte au nez. Assouf et Meïda, en dépit de tous les grands parents du
monde, par le droit de ma volonté, soyez unis. Assouf, j’irais de temps en temps vous demander à
dîner. Mon garçon
Gengis : Eh bien ! par le droit de ma volonté... Jeunes amants, soyez unis. A présent, je me suis aperçu
d’une autre flamme et pendant que je suis possédé du démon de la matrimoniomanie... (Il fait signe
à Omar et à Crevette d’approcher. Mme Piff-pouff fait un mouvement.) Non, non, pas vous.
Mme Piff-pouff : Il paraît que je resterai la seule dépareillée ici... les voilà tous deux à deux et moi...
Gengis (à Omar et à Crevette) : Je pense que le ciel vous a créé[s] l’un pour l’autre, Omar et Crevette...
608
Ne rougissez pas... Puissiez-vous jouir de tous les plaisirs que l’hymen promet !
Piff-pouff (courant vers sa femme) : Ciel ! ma petite Ma femme, ma femme ! L’ai-je assez cherchée !
Je viens te racheter mamour.
Mme Piff-pouff : Je le crois bien, il n’y en a plus d’autre.
Piff-pouff : Non ; mais on m’a dit qu’on ne t’avait pas marchandée. Ces gens là ne s’y connaissent pas.
Mme Piff-pouff : Ce sont des grossiers.
Piff-pouff : Des impertinents ! Et si je ne me retenais...
Mme Piff-pouff : Chouchou ! Calmez-vous !...
Piff-pouff : Ne pas avoir seulement marchandé ma femme ! Oh !
Meïda (à Fakin) : Mon père, je suis mariée.
Fakin : Comment, sans mon consentement.
Meïda : C’est le Seigneur Gengis Kan, qui...
Fakin : Le Seigneur Gengis Kan ! Tout est dit, ce qu’il a fait est bien fait.
Gengis : Ah ! Ah ! Voilà donc le particulier qui me ferma la porte au nez ?
Fakin : Moi ! Seigneur, c’est impossible.
Gengis : Il est vrai qu’alors vous ne vous doutiez pas que je deviendrais un jour le conquérant de la
Chine ?
Fakin : Dame ! Fallait donc le dire ?
Gengis : Mais je suis en train de pardonner aujourd’hui amnistie générale !
Tous : Vive Gengis Kan !
Gengis : Oui amnistie générale, sauf les exceptions, dont vous parlerons plus tard... et pour
commencer je vais perdre mon astrologue qui a osé me prédire que quand j’aurais retrouvé Meïda.
Je serais plus grand et plus heureux que jamais. Mais mon astrologue m’avait prédit que quand je
aurais retrouvé Meïda, je serais plus grand que jamais, et il me semble que je suis comme au
paravent.
Meïda : Gengis la prédiction n’est-elle pas accomplie ? Le monde ne connaissait de toi que ta
naissance, aujourd’hui il connaît tes bienfaits... tu faisais des esclaves, tu fais des heureux... tu ne
savais que triompher, tu viens d’apprendre à pardonner, tu es plus grand, et tu dois être plus heureux
que tu ne l’as jamais été.
Gengis : Sa conséquence est juste ! Les femmes ont toujours en raison avec moi !
Gengis : J’espère que je me montre humain, doux, sensible ; eh bien, tu verras Omar, que la sottise ne
me rendra pas justice.
Vaudeville :
Allons, gai
Subjugué
Par un refrain gai,
Que d’un bal
Général
On donne le signal
Que Chinois et vainqueurs
Devenant danseurs
Ne fassent battre que les cœurs.
Crevette :
Pour un p’tit cancan
Pourquoi crier tant ?
609
A moins qu’on n’ me refonde [sic],
Moi j’veux m’en donner
C’est pour cancaner
Que je suis v’nue au monde.
Mme Piff-pouff :
Les maris [sic] je crois
Sont tous [comme] des Chinois
Et malgré qu’on les fronde
Si nous en prenons
C’est que nous craignons
De voir finir le monde.
Piff-pouff :
Si par un décret
Un jour on forçait
Les femmes à la ronde,
A se taire un peu,
Ça mettrait le feu
Aux quatre coins du monde.
Fakin :
[...]
J’entends plus d’un [s]ot
M’appeler magot
Sans que je leur réponde !
Malgré leur discours
Je passe toujours
Pour joli dans le monde.
Gengiskan (galamment) :
Sans destination
De condition
J’aime la brune et la blonde
Héros sans pareil
Comme le soleil
Je suis pour tout le monde.
Assouf :
Pour haïr le jour
Que de maux tour-à-tour
Sur la machine ronde !
Mais avec cela
Les femmes sont là
Pour faire aimer le monde.
Omar :
Le guerrier, l’auteur
Travaillent pour l’honneur
Les galants à la ronde
Travaill’ pour leur voisine
Et les médecines
Travaill’ pour l’autre monde.
Meïda (au public) :
Nous avons du cœur
Tous les soins sans peur
610
Que chez nous la foule abonde !
Nous ne demandons
Et nous ne cherchons
Qu’à faire courir le monde.
Allons, gai
Subjugué
Par un refrain gai,
Qu’un bravo général
Donne le signal
Secondez nos desseins
Et que nos refrains
Ne fassent battre que les mains.
Meïda (au public) :
Pékin est soumis ;
Mais des ennemis,
Partout la foule abonde :
Ah ! Puisse aujourd’hui,
Gengis Kan ici
Soumettre dans tout le monde.
Chœur :
Devant vous, ce vainqueur
A connu la peur ;
Messieurs par des bravos
Calmez ce héros.
Ah ! fixez ses destins
Et que nos refrains
Ne fassent battre que les mains.
(Fin.)
611
Annexe 7.2.(b) : Jongleur et mandarin
Auteur : E. Fontaine
Représentation : Théâtre des Variétés, le 5 juin 1845.
Manuscrit : BnF, Ms Douay 3944
Personnages :
Zing-Pouf – Mandarin, gouverneur de Nankin
Kakao – Son chef de police
Piston – Sous le nom de Kankan, musicien français
Cornetta Piston – Sa femme
Gaston, Georges, Maurice, Emmanuel – Aspirants de marine français
Ninka, Ourika, Kinkina, Kioli – Filles de Zing-Pouf
Esclaves des deux sexes
Gens du people
Un clown muet
1er Tableau.
Une grande salle décorée à la chinoise, ouverte sur tous les côtés et terminée au fond par une terrasse
donnant sur des jardins. A droite sur les premiers plans, deux piédestaux sur lesquels sont des magots
de grandeur naturelle. Deux autres à gauche, aux mêmes plans.
Ensemble :
Air : Voici l’heure sombre
L’instant est prospère ;
L’amour nous conduit ;
De son doux mystère
Profitons sans bruit.
4
Deux manuscrits de Jongleurs et Mandarins sont conservés à la BnF. Le titre original est : Clowns et Mandarins. Nous
nous appuyons sur le manuscrit Ms-Douay 394, qui est « approuvé par M. le Ministre de l’Intérieur, le 4 juin 1843, pour le
Théâtre des Variétés ». Les intrigues secondaires sont supprimées dans le manuscrit « MS-Douay 393 (1-2) ».
612
Gaston : Au diable la consigne !
Les autres aspirants : Enfoncés les gardiens !...
Ninka : Quel bonheur : je tremblais !... Il ne vous est rien arrivé ?...
Georges : Pas le moindre qui vive !
Gaston : Pas le plus petit coup de feu…
Ourika : Les factionnaires pouvaient tirer sur vous…
Georges : Impossible… la garde montante du Céleste Zing-Pouf, votre père, doit provisoirement
déconsidérer les marmottes.
Kinkina : Je sais… grâce à l’opium que j’ai eu soin de leur faire distribuer ce matin…
Ninka : De l’opium ?
Kinkina : Ecoute donc, ma sœur, il fallait bien…
Ninka (sévèrement.) : Kinkina, c’est très mal… malgré la défense de notre illustre père… (se
rapprochant et changeant de ton.) Es-tu bien sûre au moins, petite sœur, d’avoir bien fait les
choses ?...
Kinkina : Je t’en réponds.
Gaston : Kinkina, vous êtes un ange !... L’Angleterre n’aurait pas mieux fait à l’égard de la Chine…
grâce à ce procédé, nous avons traversé les jardins du palais sans avoir le moindre propos avec
l’ordre public.
Georges : Là-dessus, nous nous dirigeons au pied de la terrasse…
Gaston : Nous commençons l’abordage…
Georges : A la contre échelle…
Gaston : J’arrive le premier…
Georges : Moi le second…
Gaston : Puis Emmanuel…
Georges : Puis Maurice…
Gaston : Et nous voici exacts au rendez-vous, pour vous dire : nobles Chinoises, brillantes filles du
puissant Zing-Pouf, mandarin de première classe, grand bouton d’or du Céleste Empire,
gouverneur de Nankin et autres villes de porcelaine, consentez enfin à déclarer notre amour au
chef de votre race, à nous accorder vos mains respectives… et à nous suivre dans notre patrie…
Les jeunes filles : En France !... Quel bonheur !...
Gaston : En France, le séjour des plaisirs, de la civilisation et du bal habile… à Paris le foyer de toutes
lumières, le centre de toutes les folies, la terre classique du bon genre, de la polka, de la mazurka
et de la froteska !
Air : de Paris-voleur
Rien ne vaut la France,
Le plaisir est là…
Tous :
Ah ! ça nous va ! (ter.)
Gaston :
La folle existence
Là-bas nous attend.
Tous :
Ah ! c’est charmant !
C’est vraiment
Enivrant !
Georges :
Au lieu d’une main cacochine [sic]…
Ourika :
613
Nous aurons des maris complets.
Gaston :
Au lieu de magots de la Chine…
Ninka :
Nous verrons des magots français.
Gaston :
Vive Paris ! C’est en ces lieux
Qu’on est heureux,
Qu’on est joyeux.
Tous (dansant sur refrain.)
Ah ! ah ! ah ! Quel charmant séjour !
Dansons, chantons ! Là-bas, un jour
Nous nous aimerons sans retour,
Le plaisir fait durer l’amour.
(Les aspirants se cachent derrière les quatre magots dont ils enlèvent les têtes et mettent les leurs à la
place.)
(Zing-Pouf est porté sur un baldaquin et l’on met des coussins à terre pour le faire asseoir.)
Chœur :
Air : de la fille de Dominique.
Quel plaisir ! quelle fête !
Pour nous, ah ! quel moment divins !
Nous contemplons la tête
De notre mandarin ;
Vive le mandarin !
614
les oreilles…
Deux hommes du peuple : Vive Zing…
Zing-Pouf : Encore !... Kakao, dis leur donc de crier tout bas !...
Kakao : Oui seigneur… Chinois et Chinoises…
Zing-Pouf (l’interrompant) : Silence Kakao… ou je vous destitue… habitants de Nankin, je vous ai
réunis pour vous apprendre une nouvelle du plus haut intérêt…
Tous : Ecoutons !...
Zing-Pouf : Habitants de Nankin, vous êtes tous des brutes…
Tous : Ah !...
Kakao : Silence !...
Zing-Pouf : Y compris Kakao, mon chef de la police…
Kakao (s’inclinant en signe de remerciement) : Ah ! Seigneur !...
Zing-Pouf : Jusqu’à présent, vous avez cru que je descendais simplement de la dynastie des Pouf…
Kakao : Seigneur…
Zing-Pouf : Eh bien ! C’est ce qui vous trompe… Il vient d’être prouvé par un savant lettré qui a toute
ma confiance, que moi, Zing-Pouf, mandarin de première classe, grand bouton d’or de l’empire,
gouverneur de Nankin, je descends en ligne directe… devine, Kakao…
Kakao : Je devine, seigneur… vous défendez des Pif…
Zing-Pouf : Kakao, vous êtes stupide…
Kakao : Ou bien des Paf…
Zing-Pouf : Kakao, vous êtes une oie…
Kakao : Mais alors, monseigneur, de qui descendez-vous ?
Zing-Pouf : Imbécile ! Si je le savais, je ne te le demanderais pas…
615
Piston : D’ailleurs, les manuscrits indous, tartares et chinois que j’ai en ce moment sous les yeux, ne
laissent aucun doute… Le chef de votre race, Pot premier, gouverneur de Tchin-Tcha fut c[h]assé
de sa place par le sublime empereur et envoyé en exil… Pot, cassé, [donne] le jour à Pot deux…
le Pot tenta plus tard de s’établir dans la position de son père… et il y parvint… mais hélas ! Le
malheureux devint fou ; ce qui lui fit donner par ses contemporains le surnom de Pot fêlé.
Zing-Pouf : Je donne un pleur à sa mémoire.
Piston : Après lui vint Pot trois qui amassa d’immenses trésors et gouverna le pays de Kiang-fou où
l’on a cité fort longtemps la fortune du Pot susdit…
Zing-Pouf : Et dis-moi ce que ce Pot devint ?...
Piston : Il devient très vieux et mourut Pot-âgé…
Air : de sommeiller
De votre généalogie
Tels sont les chefs et les héros,
Et vous pouvez sans flatterie
Vous dire Pot et le plus grand des Pots.
Mais aux pareilles circonstances,
Il est prudent de faire un point d’arrêt ;
Car ce serait manquer aux convenances
Que de rester sur mon sujet.
Zing-Pouf : Grand homme… lettré des lettrés, je suis satisfait de ta science… tu vois pour le moment
un mandarin satisfait… Et Kakao qui n’y voulait pas croire, qui me ferait descendre des Paf !...
Piston : Quelle imprudence !...
Zing-Pouf : Et des Pif !...
Piston : Des Pifs aussi… vous un Pif ! Mieux vaudrait ne pas être né… Kakao n’est qu’une huître…
Zing-Pouf : C’est ce que je me dis… Kakao, vous êtes une huître…
Piston : Kakao est un traître…
Zing-Pouf : C’est ce que je me dis… Kakao, vous êtes un traître…
Kakao : Moi !...
Zing-Pouf : Kakao, je vous destitue…
Kakao : Ciel !... mais Seigneur !...
Zing-Pouf : Kakao, je… ah ! Une idée… illustre lettré, comment t’appelles-tu ?
Piston : En général, je réponds à celui de Kankan…
Zing-Pouf : Et bien ! Kankan, j’avais d’abord l’intention de t’offrir une tabatière enrichie… de tabac…
Piston : Chinois généreux…
Zing-Pouf : Mais j’aime mieux t’offrir la place de Kakao…
Kakao : Ma place…
Zing-Pouf : Enrichie de ses appointements…
Piston : J’accepte, ô brillant mandarin… j’accepte pour m’être agréable… ce n’est pas que je tienne à
la place… mais aux appointements.
Zing-Pouf : À partir à ce moment tu entres en fonctions… qu’on donne au nouveau fonctionnaire la
queue de mérite de Kakao.
Kakao (donnant sa queue) : Seigneur, vous me l’aviez donnée, je vous la rends sans tache…
(Pendant l’opération, les jeunes filles qui s’étaient éloignées, reparaissent doucement et s’arrêtent
auprès des quatre magots.)
616
Les jeunes filles : Ecoutons !...
Zing-Pouf : Pour commencer, tu vas mettre à exécution mon dernier édit daté de ce matin contre les
barbares de France et d’Angleterre…
Les jeunes filles : Ciel !...
Les aspirants : Ah !...
Zing-Pouf (à Piston) : Quoi ?...
Piston : Rien
Zing-Pouf : Si quelque Européen, homme ou femme pénètre dans la ville ou dans l’intérieur du
palais…
Ninka : Que va-t-il dire ?...
Zing-Pouf (à Piston) : Il sera à l’instant jugé par le chef de la police…
Les jeunes filles : Ah !...
Zing-Pouf (à Piston) : Quoi ?...
Piston : Plaît-il ?...
Les aspirants : Jamais !...
Zing-Pouf : Hein ?... on a murmuré [sic] ?...
Les aspirants : Jamais ! Jamais !
Zing-Pouf : Ciel ! Ce sont mes magots!... Mes ancêtres protestent… que l’on coupe la tête à mes
glorieux ancêtres…
Les jeunes filles (courant à lui) : Arrêtez !...
Zing-Pouf : Que vois-je ?... mes filles aussi… J’ai un soupçon colossal… gardes, obéissez !...
Les jeunes filles : Mon père !
Zing-Pouf : Par le soleil de la Chine, obéissez !...
Chœur :
Air :____________ [sic]
Zing-Pouf et les Chinois :
C’est une horreur ! une infamie !
Quelle audace et quel tour affreux !
Des enfants de la Barbarie
Oser pénétrer dans ces lieux.
Les jeunes filles et les aspirants :
Je crains sa vengeance ennemie
Qui nous/vous réserve un sort affreux
Oui, je connais sa barbarie
C’en est fait de nous/vous en ces lieux.
Zing-Pouf : Des barbares chez moi !... des barbares sous ma toiture !...
Les jeunes filles : Mon père !...
Zing-Pouf : Silence, mes filles !... Grand chef de la police, je te les abandonne… juge les avec équité,
et surtout condamne les à mort.
Les jeunes filles : À mort ! Ah !...
Reprise :
617
C’est une horreur, etc.
Je crains sa vengeance, etc.
(Pendant le chœur, les jeunes filles courent plusieurs fois dans les bras des aspirants ; mais les
esclaves finissent par les amener. Tout le monde sort excepté les suivants.)
618
Piston : Des clowns ! mais mes chers messieurs, cette profession est ma bête noire ; mais vous ne
savez pas que c’est à un clown que je dois la position chinoise où vous me voyez aujourd’hui…
Les aspirants : En vérité…
Piston : Le gouvernement les protège… et il a bien tort… car ces gens là, ça n’a ni honneur, ni probité,
ni cœur… ça n’a que du jarret… et nos femmes le savent… elles le savent… la mienne surtout…
Gaston : Quoi ! Madame Piston…
Piston : Hélas ! C’est pour un clown qu’elle m’a planté là… folâtre Cornetta !... abandonner un
homme qui l’aimait… car je l’aimais, messieurs… pour un vil fabricant de sauts de carpe…
Les aspirants : Pauvre père Piston !...
Piston : Avec ça qu’elle m’emporta tout le fruit de mes économies… mes enfants et ma clarinette…
plus mon carrick… un superbe carrick que je n’avais porté qu’une fois… chez ma tante…
Gaston : Votre tante ?...
Piston : Une parente à moi… employée au bureau des plans… bref, pour en finir, l’ingrate Cornetta ne
me laissa pour passer mes vieux jours qu’un autographe écrit de sa main, dans lequel elle
m’annonçait qu’elle avait une course à faire en Amérique… évidemment c’était un prétexte…
Georges : Il fallait porter plainte…
Piston : J’en eus la fantaisie… mais je me résignai à porter autre chose… ce fut alors que je conçus
l’idée d’oublier mes chagrins au bord du fleuve Jaune… la Chine m’ouvrit ses bras où je fus
longtemps à me croiser les miens… enfin, ne sachant que faire, je me décidai à me faire lettré…
ce qui équivaut à académicien… ça n’est pas bien malin…
Gaston : Vous saviez donc la langue ?
Piston : J’en avais une teinte… à Paris, je lisais déjà couramment l’enseigne des bains chinois…
(changeant de ton.) Mais après ce récit, vous ne voulez pas que j’aie pour tous les clowns
d’Amérique ou de n’importe où, une haine de frère… féroce… Esclaves, conduisez devant moi
les chefs de ces jongleurs… c’est par eux d’abord que je veux commencer… (avec fureur) J’ai
des idées de Saint Barthélemy !… atroces !
Ensemble :
Air : Ah ! ah ! ah ! ah! Quel coup terrible
Ah ! ah ! ah ! ah! Quelle aventure !
C’est un Français, c’est un ami
Dont la rencontre nous rassure
Et qui veut nous sauver ici.
Cornetta (en dehors, achevant l’air d’un ton pleureur.) :
Hi ! hi ! hi ! hi ! hi !
Piston (regardant du côté par où doit entrer Cornetta) : Ciel !... Cet organe en pleurs !... que tout le
monde s’éloigne…
Reprise :
619
Ah ! ah ! ah ! etc.
(Sortie générale.)
(Cornetta est vêtue d’un carrick par-dessus sa robe ; elle tient une clarinette à la main.)
Cornetta (entrant, suivie du clown, entre deux gardes qui se retirent, et achevant l’air du même ton) :
Hi ! hi ! hi ! hi ! hi ! (changeant de ton.) Bien ! il y a du monde… (au clown) Pourquoi, mon
coassocié, de la dignité, du moelleux… (Elle se redresse et met une main sur sa hanche en agitant
sa clarinette.)
Piston (qui s’est assis sur les coussins, regardant à travers un énorme lorgnon qui lui cache la figure.) :
Plus je considère et plus je l’examine…
Cornetta (au clown) : Il paraît que nous sommes devant l’adjoint du lieu… (d’un ton criant) voilà les
papiers !... (Elle va lui montrer un passeport.)
Piston (l’arrêtant d’un geste, à part) : C’est un cauchemar… ou mon carrick en chair et en os.
Cornetta (à part) : Qu’a donc cette puissance étrangère à me braquer ainsi ?... (haut.) Magistrat, vous
me faites rougir, sacrebleu ! Ventrebleu !... (Piston lorgne toujours.) Voyons, qu’est-ce qu’il vous
faut… mes papiers ?... Ils sont au complet… Lady Clowinka, directrice ainsi que Mr, d’une
société en commandite d’artistes amateurs…
Piston (à part) : Elle a même quitté mon nom… (Avec satisfaction.) Mais elle a gardé mon carrick…
Cornetta : Faut-il pour vous corrompre exécuter à l’instant un solo de hautbois… on va vous entonner
la chose… (Elle se dispose à jouer de la clarinette.)
Piston (à part) : Jusqu’à ma clarinette… je rentre dans mes meubles…
(Cornetta exécute une roulade de clarinette, pendant que Piston s’avance vers elle toujours son
lorgnon sur la figure. Arrivé en face de sa femme, il ôte le lorgnon et se montre à visage découvert.
Cornetta s’arrête en faisant un couac de clarinette.)
Cornetta : Ah !
Piston : Un couac !... Elle m’a reconnu…
Cornetta : Ah ! ciel ! ah ! grand dieu ! ah ! Christi !
Piston : Regardez bien, Madame !...
Cornetta : Mon mari en Chinois !... lui qui ne pouvait pas les souffrir… pas même à l’eau-de-vie…
Piston : Oui, madame, votre mari… votre mari, fort mécontent de vous…
Cornetta : Thémistocle… le mot est dur…
Piston : Votre mari enfin qui vient vous dire : je vous avais confié mon honneur… qu’avez-vous fait de
mon carrick ?
Cornetta : On n’en a rien distrait… au contraire, j’y ai mis des pièces… quant à votre honneur…
Piston : Lui avez-vous aussi mis en pièces.
Cornetta (vivement) : Ah ! Monsieur !... Mais vous-même… pourquoi ce costume qui n’appartient
chez nous qu’aux omelettes aux fine herbes… Thémistocle, vous seriez-vous fait pacha des
environs… si je le supposais…
Piston : Eh bien ?
Cornetta : Polisson !... je te brûlerais la cervelle… me trahir, me tromper… moi sa femme légale…
Piston : Comment !... Elle ose encore…
Cornetta (pleurnichant) : Moi l’innocence même, l’esclave de mes devoirs sociaux !...
Piston : Bon ! C’est elle à présent !...
Cornetta : Si je le supposais… mais il n’y aurait pas assez de gros mots pour suffire à ma
620
consommation… Je te dirais des choses à faire frémir la nature… et j’irais cacher ma douleur au
fond d’un monastère…
621
Cornetta : Mon dieu oui !
Piston (hors de lui) : Malheureuse mère ! Qu’est-ce que tu as fait là !...
Cornetta : Qu’y a-t-il ?
Piston : Il y a que le gouverneur a donné des ordres atroces…
Cornetta : Ciel !...
Piston : Qu’en ma qualité de chef de la police, je vais être obligé de les juger…
Cornetta : Dieux !...
Piston : De les condamner !...
Cornetta : Ah !...
Piston : De les…
Cornetta (avec force) : Anthropophage !... Tu ne le feras pas… Tiens, les voici… regarde… on te les
amène, tes fils… auras-tu le courage…
Piston : Je ne veux pas les voir… (allant à l’avant-scène.) Je suis un chef de police bien compromis…
Cornetta : Approchez, enfants, suppliez avec moi l’auteur de vos jours… ou plutôt, non, désarmez son
cœur de fonctionnaire public par un échantillon de vos petits talents.
(Pendant que ses fils exécutent, Piston les regarde et paraît peu à peu enchanté. À la fin, il se lève
transporté de joie.)
Piston : Bravo ! Bravissimo !... Cornetta… je suis transporté… je suis heureux, Cornetta… Voici
justement le gouverneur qui vient de ce côté… je sauve nos enfants, je te sauve ; je sauve tout le
monde… et je sauve ma place…
Piston : Céleste mandarin… je vous demande jusqu’à ce soir pour prononcer vous-même sur ma
manière de rendre la justice.
Zing-Pouf : Je ne te comprends pas…
Piston : Permettez-moi de vous donner ce soir une fête… à vos frais, dans les jardins du palais…
Zing-Pouf : Je permets, mais je ne comprends toujours pas…
Piston : C’est inutile… Je cours donner des ordres…
Reprise du chœur :
Quel plaisir ! quelle fête !
Pour nous, ah ! Quel moment divin !
Nous contemplons la tête
De notre mandarin,
Vive le mandarin !
622
(Le rideau baisse.)
2e Tableau
(Un jardin disposé à la chinoise. Quatre espèces de hamacs en filets sont suspendus d’une coulisse à
l’autre ; deux aux premiers plans de droite et deux à ceux de gauche.)
Cornetta :
Adieu, douce espérance
Tu nous fuis pour toujours,
Adieu ; pays de France,
Beau pays, mes amours.
(Pendant la reprise, les jeunes filles ont quitté leurs hamacs et sont venues au milieu de la scène, ainsi
que Cornetta.)
623
Ourika (à part) : Si j’avais au moins des nouvelles de Georges !
Cornetta : Voyons, que diable ! Faites comme moi… Désolez-vous gaiment… Depuis deux heures que
mon mari m’a placée près de vous, en qualité d’esclave, sous prétexte de me rendre à la liberté,
vous avez eu pour moi toutes sortes de bons procédés… vous m’avez parlé de la France… de la
belle France au ciel gris… En second lieu, vous avez ouvert une souscription au profit de ma
garde-robe. Vous m’avez procuré ces nippes orientales dont j’avais pas mal de besoin, attendu que
mon carrick commençait furieusement à trahir ma confiance… l’ingrat ! Tout ça réuni, ça fait
deux services que je veux reconnaître… ainsi donc, mes petites chattes, épanchez votre cœur dans
le mien… l’endroit est convenable, contez-moi vos revers…
Ourika : Mon pauvre Cornetta, nous sommes bien malheureuses, va…
Cornetta : Quel cœur de femme a tout ce qu’il désire… (Soupirant.) ah !...
Ninka : On nous a séparés de nos maris…
Cornetta : Et c’est ce qui vous désole… (à part) Civilisation arriérée !...
Ninka : Mais si tu le veux bien, tu pourras nous les faire rendre…
Ourika : Ou nous dire du moins ce qu’ils sont devenus…
Cornetta : Ça y est… mais comment…
Ninka : Voici… je suppose que tu aimes ton mari…
Cornetta : Je l’endors dans cette illusion…
Ourika : Et sans doute ton mari t’adore…
Cornetta : Je le crois pincé… mais après ?...
Ninka : Tu vas mettre à profit ton empire sur lui… exiger qu’il mette à l’instant ces jeunes Français en
liberté…
Cornetta : Quoi ! Ce sont les Français… des compatriotes à moi… et Piston aurait le courage… ses
fonctions politiques l’auraient abruti à ce point de les laisser mourir… un instant, je cours lui
parler, et s’il est sourd à ma voix, il comprendra peut-être la langue des ménages… (Faisant signe
d’égratigner) han !!...
Ourika (regardant à droite) : Ciel ! Qu’est-ce que j’aperçois…
Cornetta : Et-ce lui ?... La main me démange !...
Ourika : Regardez donc, mes sœurs, de ce côté…
Ninka : Ah ! Mon dieu ! Ce sont eux !...
Toutes : Nos maris !...
Ninka : Des soldats les conduisent !...
Ourika : Au supplice, sans doute…
Ninka : Ils approchent… les voici…
Ensemble :
Air : de Quricaf [sic] (Je ne puis croire)
Ah ! Pour mon cœur, quel coup terrible !
Quel moment, funeste sort !
Les voir périr serait horrible !
Comment les soustraire à la mort.
Les hommes :
Ah ! Pour mon cœur, quel coup terrible !
Quel moment, funeste sort !
624
La voir en ce moment horrible !
Oui, c’est plus affreux que la mort !
Cornetta : Ah ! Touchant spectacle !... Je suis attendrie… je pleure… je m’imbibe… sac à papier !...
jeune France, tu ne périras pas…
Gaston (à Cornetta) : Madame…
Cornetta : Réponds-moi, petit… quel est le Bédouin, le Kabyle qui vous vaut ce désagrément ?...
Georges : Un misérable, Madame !...
Cornetta : La canaille !... son nom ?
Georges : Un traître qui vous avait promis de nous sauver…
Cornetta : Mais son nom ?...
Georges : Le chef de la police…
Gaston : Le lâche Piston !...
Cornetta : Arrêtez… jeunes gens, mon mari est un galopin… mais je ne souffre pas qu’on l’insulte…
Piston (accourant d’un air mystérieux) : Bien, Cornetta… très bien !...
Tous : Lui !...
Piston : Chut !... Je veux vous sauver…
Tous : Bien vrai !...
Piston : Mais plus bas… vous savez que le vieux Zing-Pouf a une dent contre tous les Français…
Cornetta : Une dent !... C’en est fait… une mort sûre nous attend…
Piston : S’il venait à savoir que le même ciel nous a vus naître, il est probable que la même terre nous
verrait décéder…
Gaston (avec colère) : Mais vous n’espérez pas…
Cornetta : Silence petit !...
Piston : Si au contraire je parviens à égayer ce farouche magot… il m’a promis d’accorder votre
grâce…
Tous : Il se pourrait ?...
Piston : Il se peut… regardez… on prépare une fête à laquelle il va assister…
Chœur :
Air : du sultan Mizapouf
Gloire à votre souverain
625
Au céleste et grand mandarin
Qui règne sur Nankin ;
Chantons sa puissance !
Gloire à votre souverain
Au céleste et grand mandarin
Qui règne sur Nankin ;
Vive le mandarin !
Zing-Pouf : Kankan, mon cher ami, ton maître te permet de l’amuser. S’il est content de toi, il fera
grâce à ces jeunes barbares… sinon…
Piston : N’achevez pas, grand Zing… et prêtez-moi vos deux yeux… (aux esclaves) Introduisez les
artistes…
(Musique.)
Scène des tours.
Reprise.
Gloire à votre souverain
Au céleste [et grand] mandarin
Qui règne sur Nankin ;
Chantons sa clémence !
Gloire à votre souverain
Au céleste et grand mandarin
Qui règne sur Nankin ;
Vive le mandarin !
(Fin.)
626
Annexe 7.2.(c) : La Chine à Paris
Vaudeville en 1 acte
Auteur : Gaston de Montheau
Représentation : Théâtre des Variétés, le 25 août 1851
[Manuscrit : Archives nationales, F18 795 B, n° 6805]
Personnages :6
César Baudruche
Patineau
Gédéon
Omar
Léa
Lydie
【Scène 1ère】
(Omar, seul, vêtu en chinois, debout devant une glace, un plumeau à la main. Au lever du rideau, il
branle la tête à la façon du magot chinois.)
Omar : Là... voilà qui est suffisamment répété et su. (Indiquant auprès de lui une table sur laquelle se
trouvent tasses, théières, sucriers.) Maintenant le thé est préparé. Monsieur Baudruche pourra
rentrer quand il lui plaira. (Se laissant tomber sur un fauteuil.) Ouf ! Je n’en puis plus ! Quelle
condition que la mienne. Moi, Aristide Omar, enfant de la halle, citoyen français de par nos
glorieuses révolutions, électeur éligible ravalé à la profession dégradante de valet de magot, de
laquais chinois !
Sans compter aussi sa diable de manie de s’entourer de chinoiseries de toutes les espèces, de
m’obliger à revêtir cette dalmatique, livrée nationale du pays qu’il adore. (Promenant les yeux
5
Un autre exemplaire du manuscrit est conservé à la BnF-ASP : Ms Douay 141. Nous nous appuyons sur l’exemplaire
conservé aux Archives nationales.
6
Les noms des comédiens ne sont pas relevés sur le manuscrit des Archives nationales. Une liste complète est notée dans
Revue et Gazette des théâtres, parue le 31 août 1851 : « Beaudruchon [Baudruche], MM. Jeanit. – Gédéon, Duvernoy. – Omar,
Delière. – Patineau, Bache. – Léa, Mmes Potel. – Lydie, Flore. »
627
autour de lui.) Je suis seul... il est encore de bonne heure... mon travail est terminé... profitons de la
circonstance pour goûter quelques instants de repas...
【Scène 2e】
(Gédéon, entrant par la porte du fond ; Omar, endormi derrière le paravent.)
Gédéon (s’arrêtant au second plan) : Personne encore !... Voilà, il faut en convenir une maison
joliment gardée.
Air : ___________
Je connais la manie étrange
Du maître de ce logement
C’est à dessein probablement
Ce bizarre propriétaire,
Quitte à s’en repentir parfois
Veut que sa maison soit de verre
Pour mieux ressembler aux chinois.
(Descendant la scène.) Enfin n’importe ! — Je vais donc revoir ma gentille Léa... après plus de six
mois d’absence, après un voyage à l’autre bout du monde ! Mais pourquoi me plaindre ? N’est-ce
pas pour elle, pour elle seule que je l’ai entrepris — puissé-je encore ne pas échouer ici contre
l’absurde entêtement de son oncle, Monsieur Baudruche... Non, non, c’est impossible ! Et pourvu
que Léa m’aime encore ! A tout prix, c’est là ce qu’il me faut savoir !... (Regardant autour de lui.)
Diable ! En ce nouveau logement campagnard, je ne connais pas les êtres... Comment faire pour
m’orienter ?
628
【Scène 3e】Les précédents, Léa
Léa (dehors) : Qui m’appelle ?
Gédéon : Moi, Léa !... moi, un amant passionné et ton futur époux !...
Léa (sortant de sa chambre en costume très simple, coiffée à la chinoise) : Cette voix... Je ne me
trompe pas !... C’est vous, Gédéon !
Omar (qui est monté sur une chaise et passe sa tête au-dessus du paravent) : Un magot ! Cela me
concerne.
Léa : Mais par bonheur, rien n’est fait encore, et votre retour peut me sauver.
Gédéon : Je l’espère bien. (En ce moment Omar éternue bruyamment.)
Gédéon : Hein ? Qu’ai-je entendu ?
Léa (apercevant Omar) : Ao !
Gédéon : Un Chinois !
Omar (à part) : Tiens ! Un jeune étranger qui fait la cour à Mademoiselle !
629
Un Chinois,
Je le vois
Et ne sais si je veille ?
Omar (à part) :
Pour lui, ma vue est j’crois,
Un casse tête chinois !
Ensemble :
Grand dieu, etc.
Gédéon (menaçant Omar) : Qui que tu sois, sur ta tête ! Jamais un mot de ce qui s’est passé devant
toi !
(Omar, inclinant la tête à la manière des magots, fait figure que non)
Gédéon : A cette condition, je te laisse la vie sauve. (Omar incline la tête pour remercier.)
Léa : A quoi bon toutes ces précautions ? Ce brave garçon n’est pas plus Chinois que vous et moi.
Gédéon : Mais pourquoi ce singulier costume ?
Léa : Encore une bizarrerie de mon oncle, qui s’est imaginé d’avoir un esclave chinois, comme
d’autres ont un domestique nègre.
Gédéon : Mais ce nom étrange ? (Omar vient prendre part à la conversation.)
Omar : Je me nomme Aristide Omar. Le patron a pris les initiales de mon nom et en a fait Ao.
Gédéon : Je commence à comprendre l’ingénieux mécanisme de la langue chinoise.
Baudruche (au dehors) : Ao !...
Omar (saisi) : Le bourgeois !
Léa (de même) : Mon oncle !
Gédéon (id.) : Monsieur Baudruche !
Léa : Comment vous évader ?
Gédéon : S’il me trouve ici, tout est perdu. (Il va pour entrer dans une chambre à droite.)
Léa : Malheureux ! C’est sa chambre à coucher. (Gédéon, même jeu à la porte à gauche.)
Léa : Celle de ma tante ! (Gédéon, même jeu porte à gauche, 1er plan.)
Léa (les yeux baissés) : La mienne !
Gédéon : Mais alors où me cacher ?
Omar (ouvrant les feuilles du paravent) : Là derrière ce paravent ! (après avoir refermé le paravent)
Sauvé !
Léa (qui s’est laissée tomber sur une chaise) : Je suis plus morte que vive !
【Scène 4e】Les mêmes, Baudruche (il est vêtu en Nankin et porte un parasol chinois.)
Baudruche :
Air du palanquin
Du soir au matin
J’erre en mon domaine
Et je m’y promène
Parasol en main
Content du destin
Et libre de peine
Détestant la gêne
Je dors ma nuit pleine
Et vis sans chagrin
Tin, tin, tin, tin !
630
—————
Dispos, satisfait,
Je dors, je m’éveille
Dieu fit à merveille
Tout ce qu’il a fait
Ce maître divin
M’aide en toutes choses
Si fraîches écloses
Je cueille mes roses,
Viens je bois mon vin !
Tin ! tin ! tin ! tin !
631
Omar (regardant Léa et le paravent) :
D’avance ?... Il est perdu !
(Reprise ensemble)
632
J’élevai sa 1ère enfance
Si j’avais eu quelque éloquence
Par les leçons du Kiai Guy-y.
Je conserve son innocence
Pour ses goûts purs et réservés
La Chine étant des plus connues
C’est avec des enfants trouvés
Que la sagesse y court les rues.
Voici ta tante !
【Scène 7e】Baudruche, Léa, Lydie (en costume chinois, avec grelots, une mandoline à la main.)
Lydie :
Air : Partant pour la Syrie
Partant pour sa patrie
Un jeune et beau Chinois
Revoyait son amie
Pour la dernière fois
Tu vas partir, dit-elle,
Je ne suis pas tes pas.
(Indiquant son costume chinois.)
Cet habit te rappelle
Qu’il voile mes appas.
Il est parti, l’ingrat ! Et il n’est pas revenu, le traître. Fi ! C’est bien peu délicat de sa part ! Pour un
Chinois... Il s’est conduit comme un Français mal élevé !
Léa : Le thé est servi.
Baudruche : Voyons, ma sœur... Posez votre mandoline et seyez-vous là...
Lydie (s’asseyant) : Après cela, il doit être mort à l’heure qu’il est. C’est ce qui l’excuse un peu.
Baudruche (qui s’est assis à table ainsi que Léa) : J’ai d’importantes nouvelles à vous communiquer.
Lydie (vivement) : Des siennes ?
Baudruche : Au diable vos souvenirs romanesques !
Lydie (après un geste éloquent de protestation — paraissant se résigner) : Enfin !
Baudruche : C’est de Léa, de notre nièce que j’ai à vous parler.
Lydie (vivement) : Aurait-elle trouvé le mari que nous lui cherchons depuis si longtemps ?
Léa : Hélas !
Baudruche : Précisément... Voici une lettre qui m’est adressée par une des agences matrimoniales que
nous importunions avec le plus d’acharnement. Lis toi-même ce qu’on m’écrit...
Léa (lisant) : Monsieur, je m’empresse de vous informer qu’un jeune industriel plein d’intelligence
pour la profession qu’il exerce et dès longtemps attaché à un établissement chinois s’est présenté à
notre agence. D’après l’intention formelle que vous nous aviez exprimée de n’accorder la main de
Mademoiselle votre nièce qu’à un prétendant tenant à la Chine par quelque côté, nous prenons la
liberté de vous l’adresser aujourd’hui même à votre maison de campagne. Il vous arrivera presque
en même temps que notre lettre... Veuillez agréer, etc. ... (Elle laisse tomber la lettre que Baudruche
ramasse.)
Lydie : Je n’en reviens pas !... Un vrai Chinois... Là près de nous, à toute heure du jour ! (baissant les
yeux) et de la nuit !
Baudruche : Vous l’entendez, Lydie... un Chinois à demeure !... Dans notre demeure !
Lydie : Allez, mon frère, allez... Il me passe devant les yeux des vertiges étranges... (D’un ton tragique)
633
C’est le réveil de la vieille fille... ma 1ère impression de jeune fille.
Léa (à elle-même tristement) : Gédéon arrivera-t-il à temps ?
Baudruche :
634
Baudruche (avec gravité) : Mes enfants...
Baudruche : Le voici. Pour moins nous effaroucher au premier abord il a revêtu le costume national.
635
(Omar sort sur la reprise de l’ensemble.)
(Léa a pris une broderie et travaille, Lydie jette des regards passionnés sur Patineau.)
636
Quel étrange plaisir
De faire ressortir
Ce que le cœur humain
A de moins pur et de moins sain !
Non, croyez-moi, l’homme est moins misérable
Le beau serait de savoir l’ennoblir !
Lorsqu’on devrait relever son semblable
Honte à celui qui cherche à l’avilir !
Le génie est un roi,
Qu’il respecte sa loi
Car ce noble flambeau
Ne doit briller que sur le beau.
Baudruche : Bravo, Monsieur ! Bravo ! (à part) J’ai bien envie, ma foi, de lui lâcher tout de suite la
main de ma nièce !
Lydie (s’approche de Patineau et lui prend la main) : Brave jeune homme ! Très bien ! De tels
sentiments vous honorent.
Patineau (à part) : Cette grosse femme a des formes.
Lydie (avec mélancolie) : Par malheur on ne les trouve plus que dans la contrée lointaine qui fut votre
berceau.
Patineau (à part) : Une contrée lointaine ! Je suis natif de la Villette.
Baudruche (id.) : Je me risque. (haut) Monsieur, permettez-moi de vous présenter ma nièce. (Il prend
Léa par la main.)
Patineau (s’inclinant) : Mademoiselle... (à part) Ce sont probablement les pieds qui réclament mes
soins...
Baudruche : Elle a 18 ans, 25 mille francs comptants... pas d’espérance...
Patineau (fixant les pieds de Léa) : Probablement, Mademoiselle, est à la veille de se marier et
désirerait recourir à mon ministère ?...
Baudruche (surpris) : Hein ?
Lydie (de même) : Son ministère ?... Serait-ce un ministre chinois ?
Patineau : Que Mademoiselle veuille bien prendre la peine de s’asseoir. Je suis tout à elle.
Baudruche (reconduisant Léa au siège qu’elle vient de quitter, à part) : Où veut-il en venir ?
Léa (de même) : Voilà, il faut l’avouer, un plaisant original !
Lydie (de même) : Il est charmant !
Patineau (se plaçant aux pieds de Léa et tirant une boîte de sa poche) : Opérerai-je en public ?
Ensemble :
Vengeance ! Vengeance ! Vengeance !
De moi peut-on se rire ainsi
Pour châtier votre insolence
Je veux qu’on vous chasse d’ici !
637
【Scène 13e】Les précédents, Omar accourant
Baudruche : Ah ! Mon valet, enfin !... Fais moi le plaisir de flanquer Monsieur à la porte.
Léa (poussant un cri) : Ciel !
Lydie (tombant sur un fauteuil) : Ah !... Je défaille...
Gédéon (vivement) : Qu’il approche !... (apercevant la figure de Patineau qui a replié sa trousse, s’est
levé et s’apprête à sortir) : Tiens ! C’est vous, Monsieur Patineau !
Patineau : Monsieur Gédéon ?
Baudruche (surpris) : Tiens ! Il le connaît !
Patineau (tendant la main à Gédéon qui la lui serre sans avoir l’air de comprendre) : Vous me devez 5
francs.
Gédéon : Ne parlons donc pas de ces misères là... Devant le monde, c’est mauvais ton.
Patineau : Comme vous voudrez, ça se retrouvera.
Gédéon : Ah ! Je comprends tout maintenant. Je vous ai surpris tout à l’heure aux pieds de Léa, dans
l’exercice de vos fonctions.
Tous (avec surprise) : Ses fonctions !
Gédéon : Je vous félicite, Monsieur Baudruche... Votre choix est excellent.
Baudruche : Comment ! C’est son rival qui fait son éloge à présent.
Gédéon : Monsieur Patineau a su se placer, par la justesse de son coup d’œil, la légèreté de sa touche,
le succès constant de ses nombreuses opérations, au rang des premiers praticiens de la capitale...
Baudruche (souci) : Mais qui êtes-vous donc ?
Patineau : Chirurgien pédicure, investi de la confiance des bains chinois. (Léa part d’un grand éclat de
rire.)
Baudruche : Je tombe de cent coudées !
Lydie : Odieuse mystification !
Gédéon (à Léa) : Vous le saurez plus tard.
Patineau (avec sang froid, présentant sa carte) : Tout à votre service ! C’est 3 francs aux bains, cent
sous en ville. (Il salue et sort.)
【Scène 15e】
Entrée des Chinois et des Chinoises. Exercices des Chinois.
(fin.)
638
Annexe 7.2.(d) : La Chine à Paris ou Les Chinois
Vaudeville en 3 tableaux
Auteurs : Dupeuty et E. Bourget
Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 22 avril 1854
[Archives Nationales, F18 900]
Personnages7 :
Carillon, rentier
Alcide Paravent
Pitois Caporal
Mlle Charlemagne
Céleste
Un coiffeur
【Scène 1ère】
Carillon (au coiffeur) (Il est en robe de chambre nankin, pantalon et gilet.) : Allons, dépêchons... et
finissons-en.
Le coiffeur : Un peu de patience, Monsieur.
Carillon : Moi ! Je déclare, aussi vrai que je m’appelle Carillon et je suis de Dunkerque que ce genre
d’exercice est insupportable.
Le coiffeur : Pas pour les coiffeurs toujours, et le moyen de s’y soustraire ?
Carillon : Parbleu, le moyen, c’est d’obéir à la nature et de porter la barbe comme elle vient.
Le coiffeur : Même chinchilla, ça serait joli et je suis bien sûr que votre nièce Mademoiselle Céleste
s’y opposerait complètement.
Carillon : Ça c’est une autre question. J’oubliais que j’étais en puissance de nièce et quelle nièce ! Une
monomane de 17 ans qui ne rêve que Chinois et chinoiseries.
Le coiffeur : Ah ! Bah !
Carillon : Mais ça ne te regarde pas.
Le coiffeur : Le fait est que Mademoiselle Céleste nous a une petite tête.
Carillon : Hein ?
Le coiffeur : Bien agréable à coiffer.
Carillon : Je te dis que cela ne te regarde pas. Ecoute pommadin, tu n’es qu’un perruquier et je te traite
en coiffeur. J’ai des égards pour toi — va-t-en et surtout je te défends de ne jamais coiffer ma nièce
à la chinoise.
Le coiffeur : Justement la voilà ! Je m’en vais, c’est égal elle a une bien jolie petite tête. (sort.)
7
Le manuscrit ne donne pas les noms des comédiens. Selon l’article de Saint-Agnan Choler publié dans la Revue et Gazette
des théâtres du 23 avril 1854, la distribution est la suivante : « MM. Ambroise (Carillon), Colbrun (Alcide Paravent), Vannoy
(Pitois), Bruel (le coiffeur), Henri (un valet) ; Mmes Alphonsine (Céleste), Bligny (Marguerite). »
639
Air des filles de marbre :
Je voudrais bien voir la Chine
Le pays des deux magots
Le Japon, la Cochinchine
Ces peuples de Colaos
Sont bien plus beaux j’imagine
Que tous nos occidentaux
Ah ! Voui ! ah ! voui !
Je voudrais voir aussi
Au lieu de la Madeleine
Pékin, Canton, et celui-ci
Et la tour de Porcelaine
Dont les timbres font ceci :
Tititi, Tirlititi, etc., etc.
C’est mon rêve favori.
(même air)
Les petits nids d’hirondelle
Le riz et le melon vert
Les toutous à la mamelle
Et du thé pour le dessert
Des gésiers de tourterelle
Voilà ce qu’on vous sert.
Carillon :
Ah ! oui ! ah ! oui !
De tout ça je fais fi
Pour ma part moi je préfère
Sur ma table un bon rôti
Du champagne dans mon verre
Et le tin tin que voici
Ti ti ti ti ti etc etc
640
C’est mon rêve favori.
(Reprise de refrain, ensemble)
Carillon : Voyons, parlons raison, pourquoi n’épouses-tu pas un de tes deux cousins ?
Céleste : Il y en a un que je connais... il est en Afrique qu’il y reste.
Carillon : Mais l’autre...
Céleste : Mon cousin Alcide ? Je ne l’ai jamais vu. Je ne veux pas le voir.
Carillon : Pourquoi ?
Céleste : Parce que je ne veux pas le voir.
Carillon : C’est une raison mauvaise, mais c’est une raison.
Céleste : Je ne veux épouser qu’un Mandarin.
Carillon (à part) : L’horoscope, toujours l’horoscope.
Céleste : Et je vous dis que j’irai en Chine.
Carillon : Tu n’iras pas.
Céleste : Je vous dis que si.
Carillon : Ah ! ça, mais je suis le maître.
Céleste : C’est possible, mais moi je suis la maîtresse.
Carillon (à la fenêtre) : Tiens, voilà justement ton cousin Alcide qui rode dans la rue, il n’ose pas entrer.
Voyons reste.
Céleste : Non, non, non,... et j’irai en Chine. (en trépignant.) J’irai j’irai j’irai... aussi vrai que
j’emporte votre toupet (fausse sortie) quand je devrais me faire enlever... en ballon par Mlle
Poitevin. (Elle sort.)
641
Alcide : Avec une sauce... à manger son oncle.
Carillon (fredonnant) : Oh ! Anguille, mes amours
Que je regrette toujours.
Alcide : Mais Céleste ! Céleste !
Carillon : Ah ! Voilà ce qui m’effraie, c’est que depuis cette époque ta cousine ne pense et ne rêve que
chinoiseries. Croirais-tu qu’elle a eu une crise de nerfs, lorsqu’on a démoli les bains chinois. Je te
défie de lui faire acheter sa toilette ailleurs qu’aux Deux Magots bien plus, elle me fera aller tous les
soirs aux ombres chinoises, pour son thé, elle ne veut entendre parler que de la Porte chinoise quand
il est de notoriété publique que tout le monde ne s’occupe que de la porte ottomane8.
Alcide : Et vous vous prêtez à toutes ces excentricités.
Carillon : Que veux-tu, Alcide mon ami, je suis faible et ça me rend bête.
Alcide : Ô pouvoir d’un sexe timide. Je le subis comme vous, moi, le fils des Dieux le successeur
d’Alcide.
Carillon : Mais tu n’es pas là pour l’entendre me crier soir et matin : Tontonque ! Je veux voir la terre
des fleurs na !
Alcide : Vous ne pouvez pas dire que je ne flatte pas sa manie. D’abord, le hasard m’a décoré du nom,
si doux pour elle, de Paravent.
Carillon : C’est un titre.
Alcide : De plus, je suis devenu l’ami, l’associé de la Céleste maison de la mère Moreau et mes
voyages sont consacrés à la propagation du Chinois en province où j’ai eu la satisfaction de fonder
plusieurs comptoirs d’argent massif.
Carillon : Oui, en étain.
Alcide : Grâce à mes bénéfices, j’ai acquis à raison d’un franc le mètre ma petite villa Koro Liko sise à
Pantin ornée de kiosques, de pagodes, une chinoiserie à mettre sous verre.
Carillon : Eh ! bien oui, mais...
8
En 1862, un magasin de curiosités nommé La Porte chinoise ouvre ses portes rue de Rivoli. Il est assidûment fréquenté par
Zola, Champfleury, Goncourt, Cernuschi, Manet, Degas, Monet, Fantin-Latour, Whistler et Baudelaire (Voir Yvonne Thirion,
« Le Japonisme en France dans la seconde moitié du XIXe siècle à la faveur de la diffusion de l’estampe japonaise », Cahiers
de l’Association internationale des études françaises, n° 13, 1961, p. 120). Vu la date de la création (1854) de cette pièce, « la
Porte chinoise », citée ici par Carillon, n’est pas le magasin de la rue de Rivoli. La « Porte ottomane », quant à elle, se réfère
sans doute à la Guerre de Crimée (1853-1856).
642
Alcide : Je porte des bas chinés. Ce matin même je me suis fait nommer chapeau chinois dans le 8e
bataillon où on ne peut faire davantage.
Carillon : Je te dis qu’elle ne veut pas te voir ni de face ni de trois quarts.
Alcide : Je devine, elle aime votre autre neveu le guerrier Pitois, elle aura été séduite par le caporalat
que ce bas officier exerce en Afrique.
Carillon : Du tout, du tout elle veut aller en Chine. Voilà...
Alcide : Comment faire ?
Carillon : Est-ce qu’il n’y aurait pas un moyen ?
Alcide : Si, il y en a un.
Carillon : Ah !
Alcide : Il existe, il ne s’agit que de le trouver.
Un domestique : Il y a là une Madame Charlemagne qui demande à parler à monsieur.
Carillon : Charlemagne... le nom de cette sibylle, de cette affreuse tireuse de cartes, que veut-elle faire
ici... qu’on la jette à la porte.
Alcide : Laissez-moi lui parler. J’ai idée qu’à elle seule elle a plus d’esprit que nous deux.
Carillon : Voilà, si tu veux et si elle a un moyen, un bon, paie la grassement généreusement. Je
t’autorise à lui donner tout ce que tu voudras de tes propres deniers. (Sort ainsi que le domestique.)
643
Mme Charlemagne : Mais il faudra faire quelque chose pour moi.
Alcide : Tout ce que vous voudrez. J’irai à neuf francs.
Mme Charlemagne : Non, ne parlons pas d’argent.
Alcide : Je ne demande pas mieux.
Mme Charlemagne : Ecoutez, embrassez-moi bien.
Alcide : Non !
Mme Charlemagne : Embrassez-moi bien le petit plan que je vais dérouler à vos yeux en même temps
que cette affiche. (Elle déroule l’affiche.)
Alcide : Qu’est-ce que cela veut dire ?
Mme Charlemagne : Cela veut dire qu’il vient d’arriver à Paris une troupe. (On entend la voix de
l’oncle appelant : Alcide.) Alcide.
Alcide : Chut.
Mme Charlemagne : ...noises9.
Alcide : Mais expliquez-moi.
Mme Charlemagne : On vient, plus tard vous saurez tout, rendez-vous chez la Mère Moreau, vous m’y
trouverez occupée à prendre quelque chose. (Elle sort.)
Air connu
En revenant de Montauban
Nous étions quatre bons enfants
De l’argent nous n’en avions guère
Sans dessus dessous
Sans devant derrière
A nous quatre, nous n’avions qu’un sou
Sans devant derrière, sans dessus dessous.
2e
9
Le jeu de mot composé de « Chut » et « Noises » se réfère sans doute à la troupe chinoise présentée à ce même théâtre.
644
En passant devant un bouchon
Madame l’hôtesse qu’avez-vous de bon ?
— Nous avons du civet de lièvre
Sans dessus dessous
Sans devant derrière
Et de la bonne soupe aux choux
Tiens, c’est ma cousin’, comment vous portez-vous ?
10
Ce n’est autre que le détroit du Bosphore et le détroit des Dardanelles.
11
C’est Napoléon Bonaparte qu’on appelait « le petit caporal ».
645
Air : de la pipe de tabac
Vu que sur les champs de bataille
Comme nous le disions au bivouac
A l’enn’mi sous form’ de mitraille
Il donnait toujours du tabac
Mam’selle Célest’ voilà la cause
En l’honneur de not’ général
Pourquoi qu’on décore la chose
De nom de tabac d’ Caporal
646
Alcide : Du tout ! La chance nous favorise.
Pitois : Ah ! ça ! Qu’est-ce que vous voulez donc faire ?
Carillon : On te le dira. (On entend le verrou s’ouvrir.)
Tous : La voici, retirons-nous.
2e
Quel mirage déjà je vois...
Comme un brouillard autour de moi,
Ah ! mon cœur bat d’un doux émoi
En vain la prudence m’arrête...
Bah ! j’aime mieux perdre la tête.
(A moitié assoupie, elle voit à demi les personnages qui entrent et se laisse aller à une sorte d’extase.
La musique du cheval de bronze continue et avec les autres acteurs la troupe chinoise arrive et
647
exécute la première scène de présentation.)
【2e Tableau】
【Scène 1ère】(Un kiosque) Carillon, Alcide, Pitois, tous trois en costume chinois
Carillon : Ainsi, c’est bien convenu, mes chers neveux, nous sommes en Chine.
Alcide : Oui, c’est-à-dire dans le jardin chinois de ma villa de Pantin.
Carillon : Près des fortifications.
Alcide : Qui pourraient à la rigueur, passer pour la grande muraille de la Chine, sans compter que
l’interprète de la troupe chinoise nous a fourni tous les costumes voulus, seulement, mon oncle, ça
vous coûtera les yeux de la tête.
Carillon : Je m’en moque... l’or est une chimère. Tu as des économies Alcide, je t’autorise à en
disposer.
Alcide : Homme généreux.
Carillon : Ah ! ça, et ma nièce ?
Alcide : Transportée ici durant un demi-sommeil, elle se croit sur les bords du Fleuve Jaune.
Carillon : Et le voisinage de cette onde pure commence-t-il à la dégriser ?
Alcide : Guerrier chinois, avancez à l’ordre et faites votre rapport.
Pitois : Présent !... pour lors, je me suis présenté sous cet uniforme qui est celui de l’invisible quarante
sixième licorne. — beau fourniment qui m’agace un peu dans les entournures. — elle m’a trouvé
affreuse !
Carillon : Bien !
Paravent : Très bien !!!
Pitois : Ça m’encourage ; et me livrant aux écarts de mon imagination, je lui ai dit des choses à faire
frémir la nature, comme quoi, en Chine, toute femme est libre de montrer son visage, seulement
toute partie de la tête qui serait entr’aperçue par un vulgaire quelconque. — crac ! coupée !
Carillon : Bien !
Paravent : Très bien !
Pitois : Le plus petit bout de l’oreille, le plus petit bout du nez, crac ! coupé ! A part cela, ai-je ajouté,
la beauté jouit ici de la plus pure félicité.
Carillon : Et alors, qu’a-t-elle dit ?
Pitois : Je présuppose qu’elle m’a trouvé assez repoussant si bien que la voilà dégoûtée du 46ème
licorne, et que j’ai la fatuité de la faire rentrer au pas accéléré sous les drapeaux français de l’amour
et de la gloire.
Carillon : Et toi, Alcide ?
Alcide : Moi, mon oncle, je me suis tout simplement borné à lui envoyer par un messager [de toute
(sic)] une paire de babouches.
Carillon : Ces pantoufles ne me disent rien.
Alcide : Elles parlent tout à l’heure.
Pitois : Crénom ! je t’entends !
Alcide : Laissez-moi avec elle.
Pitois : He ! he ! Petit, sans laisser solitaire et sans témoin. [sic]
Carillon : Je l’ordonne et que ça marche vite, je n’ai pas envie de dîner trop tard. Ah ! je vais
commander le dîner. — Tu m’as invité, n’est-ce pas ?
Pitois : Il nous a invités...
Carillon : Je vais surveiller le menu.
Alcide : C’est ça, toujours à mes frais.
648
Carillon : Hélas ! Je ne mangerai pas d’anguille à la tartare. (Il sort avec Pitois.)
Alcide (seul) : La voici, étudions mes gestes.
Céleste :
Air —
Je ne saurais marcher
Ma babouche est trop étroite.
Je ne saurais marcher
Elle me fait mal aux pieds.
649
Alcide : Oui, mais ma condition, c’est que ce soit pour ma femme, pour ma... mandarine...
Céleste : Dame, demandez à mon oncle, et s’il dit oui, je ne dirai pas non. (vivement) Mais une fois
mariée, [si je suis un peu (sic)] mon mari ne me coupera pas les oreilles ? [sic]
Alcide : Oh ! je ne suis pas jaloux, voyons, dites-moi ?... Quand irons-nous à la pagode ?
Céleste : A la pagode ? Est-ce qu’il est d’usage de laisser ses babouches à la porte ?
Alcide : Quand irons-nous à la pagode ?
Céleste (amoureuse) : A la première lune.
Alcide : A la lune de miel.
Alcide : Sans doute !
Céleste : Eh bien...eh bien... (avec amour) Je consens !
Alcide : Elle est à moi !
2e couplet
Céleste :
Je serai modeste et voilée.
Kang Kang :
Moi, le front haut, un front d’époux,
Regardant la voûte étoilée,
Je défierai tous les jaloux.
Céleste :
650
Puis, après la cérémonie
Nous descendrons, le lendemain
Le fleuve Jaune de la vie,
Aimable emblème de l’hymen.
Kang Kang et Céleste (ensemble) :
Tous deux, en remuant la tête,
Nous disons oui, nous disons oui,
Oui, oui, oui. (8 fois)
Kang Kang :
Mon bengali.
Etc., etc.
(Ils commencent par un air chinois puis la musique change et ils passent à ce motif — et youp piou
piou, etc.)
(Ils dansent, et Kang Kang termine le pas à la fin duquel il embrasse Céleste.)
(Entrent Fich-ton-kang puis Carillon, Kel-sy et tous les habitants.)
Fich-ton-kan (entrant) : Fille rebelle, tu as enfreint la loi de Tchin-tcha-ho ! Crac dans la potiche.
Kang Kang : Non — car je l’épouse.
Céleste : Nous, Kang Kang ?
Fich-ton-kan : Ah ! petit gueux !
Kang Kang : Moi, plus de Kang Kang. — Alcide Paravent, Chinois, mais tout simplement Chinois de
la Mère Moreau.
Céleste : Pas possible !
Carillon : Aussi vrai que je reprend Marguerite à mon service.
Mme Charlemagne : Et l’horoscope ?
651
Carillon : Tant pis ! Ma gastronomie l’eux porte sur mes préjugés.
le dîner est prêt et que pendant les exercices des véritables Chinois...
Marguerite : Vous mangerez votre anguille à la tartare.
Carillon : Que dites-vous Marguerite !
Marguerite : Mais à une condition !... Celle de l’horoscope !
Carillon : Bah ! L’anguille l’emporte sur mes préjugés.
Fich-ton-kan : Et moi je pars pour gargamelles !
Tous : A table ! à table ! (coup de Tam-tam.)
(Changement à vue.)
(Exercices.)
(fin.)
652
Annexe 7.2.(e) : Le Quinze août en Chine12
Vaudeville en 1 acte
Auteur : anonyme
Théâtre de la Gaîté, 8 août 1860
[Archives Nationales, F18 926]
Personnages
Ko-li-fi-chet Mandarin
Ke-vo-you, Lou-lou, Ka-bon-do Son domestique
Mathurin Maître d’équipage
Baluchon, Pastourel Sous-officier
Pe-ki-otte, Rose-thé Chinois
Française
Soldats, Marins, Chinois
La scène de nos jours en Chine, dans un village occupé par l’armée française.
Le théâtre représente une place de village. Maisons cocasses et pagode. Une fontaine, un banc. Au
fond, un liquoriste, succursale de la Mère Moreau.
Au rideau levé, il fait nuit.
Chœur
[sans paroles]
(On voit passer la patrouille sur l’air de La ronde des soldats de la fille du Régiment — La patrouille
s’éloigne.)
Ke-vo-you Lou-lou Ka-bon-do (paraissant d’un côté une lanterne à la main et un bâton) (Finissant
l’air) : Et’s-vous là ?
Mathurin (paraissant de l’autre côté, aussi avec une lanterne) : Me voilà ! Pour la contredanse...
Ke-vo-you et Mathurin. Nous sommes là. Les gais lurons de la France !
(Ils se rencontrent.)
12
Le titre noté dans le manuscrit est : Lanternera-t-on, ou Le Quinze août en Chine.
653
votre ami Baluchon Pastourel est amoureux de sa pupille du Sieur Ko-li-fi-chet, le Mandarin qui
commande en ce village, vous me faites induire dans la peau d’un habitant de Nankin, moi, un
mousse de la Victorieuse !
Mathurin : Après?... (Il se monte peu-à-peu.)
Ke-vo-you Lou-lou Ka-bon-do : C’est humiliant !
Mathurin (idem.) : Après ?
Ke-vo-you Ka-bon-do : Recevoir des soldats d’un maître d’équipage, c’est convenu, ça me va... mais
des coups de pied au... d’un animal de Chinois... non, ça me va pas, je consens à les accepter, mais
le bâton d’un Chinois...
Mathurin (plus fort) : Après?...
Ke-vo-you Ka-bon-do : Et voilà…
Mathurin : Eh bien ! si tu ne reçois regardes pas tranquillement et en gentil garçon que tu es, mes
calottes et les coups de pied au... le bambou.
Ke-vo-you : Connu...
Mathurin : De cette espèce d’imbécile qui se croit ton maître et s’intitule le Mandarin, jusqu’à ce que
la farce soit jouée, c’est à moi que tu auras à faire... et n’essaie pas de m’em...bêter, ou sinon...
Ke-vo-you :
Ensemble. Air :
Me cacher ! moi, ça m’em... brouille
C’est pour la dernière fois,
Devant c’te drôl’ de patrouille,
C’te patrouille de Chinois.
654
(Il souffle la lanterne et se cache.)
Ka-bon-do : Les Français des barbares... eux qui portent partout la lumière...
Ko-li-fi-chet : Assez... on ne porte pas lumière devant un des fils du soleil. Ka-bon-do... mon
Ka-bon-do, je te soupçonne de te jouer de ma plume jaune... par l’orteil de mon grand-père !... Si je
le savais !... — J’ouvrirai l’œil...
Ke-vo-you Ka-bon-do (à part) : Qu’est-ce qu’il se dit, l’animal ?... Battu d’un côté ou de l’autre... ne
655
disons rien...
Ko-li-fi-chet (d’une voix câline) : Ke-vo-you Ka-bon-do, mon ami, mon bon ami... tu vois bien ce
collier qui ne me quitte pas... (Il lui montre un chapelet de marrons d’inde qu’il a autour du cou.)
Ceci qui me sert à compter les jours... Je te donne quatre marrons d’Inde... c’est-à-dire quatre jours,
et si pendant ce temps, je viens m’apercevoir de...
Ke-vo-you Ka-bon-do : Et... De quoi ?...
Ko-li-fi-chet : De rien... je te fais... Oh ! rien...
Ke-vo-you (effrayé) : Empaler ?..
Ko-li-fi-chet : Je ne te dis que ça...
Air :
Qu’il te suffise de savoir,
Que trahissant ma confiance,
Si j’apprends qu’on a pu te voir,
Avec un des les soldats de la France ;
Cett’ nouvell’ troublant mon repos,
Le pal, cette mort bien certaine
T’entrerait par... le bas du dos
Comme un grand couteau dans sa gaine.
Cette nouvelle me gênant,
Et surexcitant ma colère
Je t’prierais d’ t’asseoir un instant
Sur la point’ d’un paratonnerre.
656
Ka-bon-do : Landernau ?
Mathurin : C’est mon idée... (à Baluchon Pastourel qui n’a fait que soupirer.) Quant à toi qui ne fais
que souffler comme un cachalot...
Baluchon Pastourel : Je suis amoureux... ouf !
Maturin : Dans le train... est-ce que vous êtes tous comme ça ?
Baluchon Pastourel : Tous sensibles et français... J’ose le croire... auprès des belles...
Maturin : Je ne vous en fais bien mon compliment... et la petite... et la petite... ensuite cela ne me
regarde pas, Pastourel...
Ke-vo-you : Une chatte qui guette une souris...
Baluchon : C’est moi la souris... (Il soupire.)
Mathurin : Il m’agace avec son vent !... (à Ke-vo-you) Suis-moi, moussaillon, et emboîte moi en
double.
Baluchon : Moi, je vais moduler en sourdine, sous la fenêtre de ma belle... ouf !...
Mathurin : Prenez-garde de recevoir quelque chose sur la tête...
Pastourel (saluant militairement) : Et puis...
Mathurin : Pastourel... je te laisse à tes amours, mais viens me rejoindre. Et toi moussaillon file
devant.
Ensemble, Air :
Voici l’instant du mystère
L’ombre est propice à nos vœux ;
Nous allons chauffer l’affaire,
C’est le moment périlleux.
657
Que je les ferais enchâsser...
Sous la Calotte. »
Ensemble : Air :
Un baiser. (bis.)
Ça fait plaisir aux amours
On ne peut refuser
C’est où miel et où velours...
(Baluchon sort à tâtons sur la reprise de l’air par l’orchestre et au moment où Ko-li-fi-chet entr’ouvre
sa porte.)
Rose-thé : Impossible...
Pastourel : Comment Fleur du Bengale pas un pauvre petit baiser ?
Rose-thé (de haut de la terrasse) : Et comment ?
Pastourel : Ah ! Tenez. Tous les subterfuges sont bons pour possibles à l’amour. (Prenant sa blague à
tabac et la couvrant de baisers.)... Tenez senteur d’arabie. (Il lui jette sa blague.) Ce n’en est pas
une... que je vous aime, que vous idole, et qu’ils sont tous pour vous.
Rose-thé : Chut... taisez-vous... j’ai entendu remuer... c’est mon tuteur... à demain.
Pastourel : À la fête.
Rose-thé : Si elle a lieu...
Pastourel : Que j’y compte...
Chœur :
Au revoir (bis)
658
Vienne bien vite le jour
Que je puisse jusqu’au jour
Reparler de mon amour
(Bruit au loin.)
【Scène 7e, Les mêmes, Mathurin, un faux Mandarin, Baluchon Pastourel en Chinois du paravent,
Chinois, Soldats, etc.】
Ko-li-fi-chet : Fuyons !... (Il se dirige vers la maison.)
Mathurin (solennel) : Arrêtez-le !
(On s’arrête.)
Ko-li-fi-chet (à part) : Il parle français !... C’est un Mandarin de première catégorie classe.
659
Mathurin : Au nom du Chef du Grand Empire...
Ko-li-fi-chet : De la Chine ?
Mathurin : Non, de la France. Moi, Esing.
Tous (on répète en s’inclinant) : Esing !
Mathurin : Badaboum.
Tous (même jeu) : Badaboum.
Mathurin : Assisté de mon fidèle Krou-to-po. (Il montre Pastourel.)
Tous (même jeu) : Krou-to-po.
Mathurin : Je te dégomme. Je t’ordonne de tout faire préparer pour la fête.
Ko-li-fi-chet : Je résiste. Un ordre... à moi !... Ko-li-fi-chet !...
Air de Marianna :
Bien peu tu tiens donc à ta vie,
D’oser d’vant moi, parler ainsi.
Mathurin :
Dans ton coco [sic], c’est d’ la folie.
D’empêcher qu’on s’amuse ici.
Ko-li-fi-chet :
Moi je raisonne
Et je t’ordonne
De te soumettre à ma décision,
Pas un’ lanterne...
Mathurin :
Chaque caserne
Sera ce soir une illumination
Ko-li-fi-chet :
Je n’ le veux pas...
Mathurin (en charge) :
Vrai, ça me lasse
Un mot de plus et sur l’honneur
Au nom, mon vieux, de l’Empereur
Je supprime ta place.
Mathurin : J’ordonne que ce jour qui commence à poindre soit un jour de fête et de réjouissance
publique. Mâts de Cocagne, illuminations, feux d’artifice... distribution de Cervelas et de vin à
quinze, rien ne manquera. de toute sorte... que rien ne manque pas même les nids d’hirondelles...
Ko-li-fi-chet : Je le défends.
Mathurin : Et moi je te casse les reins pour y goûter.
Ko-li-fi-chet : Je m’y oppose.
Mathurin : On va commencer le bal. — Qu’on apporte les violons... (Des hommes armés de grands
bambous s’approchent.) Sur le dos ou sous la plante des pieds à ton choix...
Ko-li-fi-chet : J’ai choisi...
Mathurin : Et c’est...
Ko-li-fi-chet : Ni l’un ni l’autre...
Mathurin : Qu’on empoigne ce faquin là et allons y gaiement. (On le saisit.)
Ko-li-fi-chet : Au secours !... A la garde !
660
Mathurin : J’ai dit... Article 1er. Lanternes.
Ko-li-fi-chet : Puisqu’il le faut... accordé.
Mathurin : Article 2. Feux d’artifices.
Ko-li-fi-chet : Puisqu’il le faut...
Mathurin : Connu. — Article 3. Comestibles à l’œil et en quantité suffisante pour la société.
Ko-li-fi-chet : Puisqu’il...
Mathurin : Adjugé. Etes-vous content, mon cher Krou-to-po ?
Baluchon : Il me faut un gage de sa bonne volonté.
Pe-ki-otte : Je réponds pour lui, Seigneur.
Mathurin (à Baluchon Pastourel) : Alors, enlève la petite.
Ko-li-fi-chet :Un instant...
Mathurin : Rien de fait.
Ko-li-fi-chet : Ma pupille n’y consent pas... elle n’y consentira jamais...
Pe-ki-otte : Mais si, je ne demande pas mieux.
Ko-li-fi-chet : Ça m’est égal, j’ai la clé dans ma poche...
Baluchon : On saute par la fenêtre.
Pe-ki-otte : Je n’oserai jamais.
Baluchon : Essayez... (Il lui tend les bras.)
Ko-li-fi-chet : Mademoiselle... on ne fait pas ces choses là...
Mathurin (aux hommes) : En avant les violons...
Ko-li-fi-chet : Allons ! puisqu’il...
Pe-ki-otte : Je me risque...
Air de Gilblas
Ko-li-fi-chet en vain m’obsède ;
Et je meurs chaque jour.
En songeant à l’amour :
A votre offre vraiment je cède
Et brave le courroux
Du vieux Chinois Mandchoux,
Du Mandchoux.
La France me protège
Elle m’ouvre ses bras
Pourquoi n’en profiterais-je
Irais-je pas ?
Baluchon : Enlevé !
Ko-li-fi-chet : Je me voile la face ! (Le jour est venu peu à peu. — On entend le canon.) Le signal de la
fête !...
Mathurin : Oui, mon vieux... Voici le moment du tremblement, sois gentil et je t’offre une soupe aux
choux et du petit salé... ce soir Krou-to-po mon illustre ami montrera ta pupille pour le premier
quadrille.
Ko-li-fi-chet : Confucius ferme les yeux !
Mathurin : Tu refuses ?
Ko-li-fi-chet : J’accepte !
Baluchon Mathurin : Et allons donc !...
Mathurin (à Ko-li-fi-chet) (lui tapant sur le ventre) : Mon petit père, ce n’était pas plus malin que ça.
661
Air : Mon ami Vincent
Valeureux Ko-li-fi-chet,
Lampion du Céleste Empire,
Tout-à-l’heure il se fâchait,
Il aime mieux boire et rire
Fichons-nous d’ Canton,
Du qu’en dira-t-on ;
Et viens nous prouver, illustre lampion,
Qu’à faux, sur ton compte, on a pu médire
Mais que tu n’es pas, mille cacatois !
Qu’tu n’es pas un chi,
Qu’tu n’es pas un nois
Qu’tu n’es pas d’Canton cett’ fois un méchant Chinois.
— C’est dit ?
— A la bonne heure !
Ke-vo-you Ka-bon-do (sortant de chez la mère Moreau suivi de Chinois portant un énorme bol de
punch) : Et voici pour arroser la chose. sceller ta promesse.
Mathurin : Alors, prenez vos places et Bravo et au diable tes oripeaux d’occasion. (Baluchon
Pastourel et lui, jettent leurs costumes de Chinois.)
Baluchon (tendrement à Pe-ki-otte) : C’est le coup du matin, de nos amours. (Il soupire.)
Ke-vo-you : Histoire de tuer le ver.
Ko-li-fi-chet : Un Français !...
Mathurin : Comme tu dis, Bouffi... Tout prêt à continuer la plaisanterie. (Les hommes aux bambous se
rapprochent.)
Ko-li-fi-chet (lui tendant la main) : J’aime mieux le petit salé... Non, j’aime mieux fêter avec vous la
Saint Napoléon !
Mathurin : Gourmand ! Tu paieras ta tournée... Chacun son verre et A la santé de l’Empereur... alors...
Ko-li-fi-chet : De la Chine ?
Mathurin : Non... de la France !
Tous : Vive l’Empereur !
662
Cantate, 11 août 1860
Au bruit du fier canon qui tourne
Que notre cri soit répété !
La France est le pays qui donne
Au monde la liberté !
Le Soldat :
Un peupl’ s’adresse à not’ courage
En route !... Nous gagnons son procès
Car jamais le mot esclavage
N’entra dans l’oreille d’un Français.
Un autr’ demand’ à c’ qu’on l’annexe
Un’ devoir, c’est fait qu’on lui répond
C’qui prouv’ qu’en fait d’ gloire et d’ beau sexe
A nous toujours, à nous l’ pompon !
Le Marin :
Mais l’ sang qui coule dans nos veines,
Est celui de ces vieux Gaulois
Qui par les mers et par les plaines
Le fer en main sout’naient les lois.
On pleur’ du côté de la Syrie
Les camarad’s vont y partir
Et ceux là paieront de leur vie
Qui par le glaive on fait mourir !...
Ko-li-fi-chet :
L’esprit de la France m’entraîne
Il calme mes sens irrités
Ici de la tour de Porcelaine
De ses habitants entêtés !
Chine ! dût en rougir la terre
Moi, Mandarin de premier Chinois
Je déclare que je préfère
De la mèr’ Moreau les Chinois.
Rose-thé :
Que nous soyons de France ou Chine
Nous autres femmes nous aimons
Que notre cœur de mèr’ s’incline
Devant les bonnes actions
Ce que j’aime dans votre France
Ce sont ses sublimes élans
C’est qu’un jour dans sa bienfaisance
Elle adopta nos p’tits enfants !...
Mathurin :
Et moi pour terminer la chose
Par le Mandarin que voilà.
(Il salue.)
663
Français, Chinois, je vous propose
Un toast qu’on acceptera
Vidons amis un dernier verre
A la santé de l’Empereur
Au p’tit prince à sa noble mère
Et gaiement répétons en chœur
Au bruit
(fin.)
664
Annexe 7.2.(f) : La Méprise de Pékin
Pour terminer la représentation qui doit être donnée le dimanche 1er décembre au bénéfice de M.
Parade.
【Scène 1ère】
Arthur Bridet (Invalide.) (Il paraît au fond, il est à moitié gris et marche en trébuchant.) : Un cabaret !
Ça doit être ici ! À la halte des Braves ! Hâtons ! Fait chaud ! J’ai rencontré un de nos pays de mon
âge. Tout y a passé ! Je suis ému ; mais pourquoi qu’ils me disent tous en se moquant de moi que je
suis un ivrogne ! Ah ! Ben, et puis après, oui ! Que je le suis et je m’en flatte ! C’est plus fort que
moi !
Air :
J’ai bien souvent juré de ne plus boire
C’est un serment difficile à tenir
Oublier fait tant de plaisir
A jeun j’ai trop bonne mémoire
Mais quand j’ai bu du vin clairet
Tout devient gai ; tout tourne
Le plaisir vrai ne séjourne
Qu’au cabaret (bis)
On s’anime
Et la mine
S’illumine
Aux refrains des chansons
Aux glou-glous des flacons !
Bonjour, flacons que j’aime
Plus que moi-même
Et toi, chagrin bien noir,
Bonsoir !
Au plaisir de n’plus te r’voir.
J’ai vu des sots, des arrogants,
Rire à mon nez quand dans les rues,
Je gesticule et parle en même temps...
C’est que les ignorants
Ne savent pas que, tout là haut, des nues,
Descendent des voix inconnues.
Et qu’en cheminant,
Nous causons familièrement
J’admire les merveilles,
Du jus divin !
Je ne suis plus seul enfin !
J’ai, sur la tabl’ du marchand d’vin
Toute une famill’ de bouteilles
Les jolis parents
665
Les charmants
Enfants.
Comme ça brille
Et babille
Voilà, je crois
Qu’en cadence
Tout ça danse
Autour de moi !
Ivresse électrique
On s’croirait au bal
Allez, la musique !
(Galop génial)
(Il danse sur le refrain et tombe assis sur un banc.) Ah ! Ça donne soif ! Il me semble aujourd’hui
que j’avalerais l’Océan et ses poissons. Garçon ! Garçon ! Viendra-t-on quand j’appelle !
【Scène 3e】
Arthur Bridet (seul) (Cris à l’intérieur) : J’entends les camarades ! Ils sont là ! Ils se font des
cérémonies ! Ils se toastent. Ah ! ça, pourquoi qu’ils ne m’ont pas invité ? Ces pékins là ! C’est la
faute à Grinchu! Je vivrais 100 ans que je n’oublierais pas leur Ours qui danse. Cet animal-là est
toujours la cause aux cases à strophes qui me touchent. Sans lui, j’étais t’admis au banquet. Tu me
le paiera, grand astucieux ! Est-ce qu’on se figure que je ne ferais pas aussi bonne mine que lui dans
un repas. Ah ! bien, j’en ai de l’argent ! je n’en veux plus de ton repas. On ne boit pas assez dans un
repas. On mange tout le temps. Et ce soir, ce sera ta punition, quand je rentrerai et que je dirai,
devant tous les camarades. Qu’est-ce que je lui dirai ?
666
Babylas : Hélas ! Je ne l’ai jamais connu. Abandonné dès ma plus jeune enfance, je fus recueilli par
une brave dame qui passait dans le quartier et qui me voyant si jeune et si abandonné, m’éleva après
m’avoir donné le nom de Babylas.
Arthur : C’est le nom que j’aurais donné à mon fils si je l’avais connu.
Babylas : Vous ne voudriez pas me reconnaître, dites donc ?
Arthur : Mais je ne te connais pas du tout.
Babylas : Si vous achetiez un débit de Chinois, je vous servirais en même temps de garçon de boutique.
Vous seriez mon père et mon patron.
Arthur : Je suis moi-même garçon et ne suis pas débitant, entends-tu, toi ! Hé ! J’ai mon hôtel ; et je
t’engage.
Babylas : A de.. de quoi?
Arthur : A t’engager, pékin !
Babylas : Ma foi, non ! Ça ne me sourit pas du tout ! Si vous vouliez pour ce que je vous ai demandé...
Arthur : Ah ! ça, vas-tu me laisser tranquille ! Grand serin ! As-tu fini de me faire poser !
Babylas : Si vous vouliez bien ! Pour un ou deux mois, le temps que je me marie avec Adèle. Après la
noce, je vous laisserai libre... ça fait bien à un repas de noce, ce costume-là, et puis pour me bénir
aussi !
Arthur : Je te l’ai déjà dit ! Décampe d’ici ! Butor ! Animal!
Babylas : Attendez que je vide mon verre !
Arthur : Toi, trinquer avec moi après l’insulte que tu viens de me faire ! Veux-tu te sauver ! (Il
l’empêche de boire.)
Babylas (se jetant à genoux) : Mon Dieu ! Le mystère qui couvre ma naissance ne sera-t-il donc jamais
approfondi ?
Arthur : Qu’est-ce qu’il fait donc ? (Il se lève.) Attends !
Babylas : Cet homme n’a pas de cœur ! (Il se sauve.)
667
Monsieur qui a parlé d’un débit de Chinois... et Monsieur qui appelait l’autre deux fois pékin... je ne
voyais pas ce que je vôlais voir...
Parade : Patience ! Vous dis-je... attendez la fin ! (aux acteurs) Continuez, je vous prie, messieurs...
Parade Bridet [sic] : Allons-y...
(Complainte.)
Parade (à l’Anglais) : Eh ! bien, considérez attentivement ce charmant bataillon... est-ce que vous
croyez qu’il ne vaille pas les Dzougariennes... voilà ce qu’on peut appeler la vision céleste.
L’Anglais (transporté) : Oh !... biautiful !...oh ! very well !... hurrah ! hurrah !... je volais aller voir de
tout près… (il veut enjamber le balcon)
Parade : Non... non... hé ! là-bas... soyons sages... s’il vous plaît... Est-ce qu’elles joignent le chant...
vous allez... les entendre...
L’Anglais : Oh ! yes... chantez... je suis content !...
Parade : Mesdames, vous avez la parole.
(Vaudeville final.)
(Celui qui a été chanté dans Les Bayadères. Après le chant, roulement de tambours.)
Parade : C’est au grand complet... Maintenant vous aller assister à la revue et aux exercices du Royal
Gusman et des Riflemens...
L’Anglais : Aôh ! aôh ! hurrah !... pour les Riflemens... Monsieur le Béné...ci...ficiaire... je étais très
joyeux... je viendrai tous les jours !...
Parade (au public) : Quant à vous, messieurs, daignez agréer mes excuses. Vous ne m’en voudrez pas,
je l’espère... Et vous me pardonnerez, grâce à la circonstance... cette Méprise de Pékin.
(Exercices.) (fin.)
668
Annexe 7.2.(g) : La Guerrière du Pays de Hou
Personnages :
Lo-Yu, mère du Mandarin-gouverneur de Ton-Kin
Lou-tia-Chin, son fils
A-Sin, serviteur du gouverneur
Lo-Men-Hi, reine du Pays de Hou
Le gouverneur de Ton-Kin gros poussah à longue robe verte historiée de dessins de toutes
couleurs est assis devant une table couverte de papiers de soie sur lesquels il fait voltiger avec adresse
un pinceau chargé de noir.
A-Sin son domestique en entrant lui remet une énorme lettre attachée d’un large ruban rouge.
Le mandarin est saisi d’épouvante à la lecture de cette missive qui lui annonce que son fils
Loul-Tia-Chin [sic] est à la guerre, s’est fiancé avec la reine du pays ennemi. La fureur du gouverneur
est à son comble son domestique en est la première victime, arrive sa propre mère la vénérable Lo-yu
qui se traîne à ses genoux pour le calmer : il ne veut rien entendre. Le coupable se présente à ce
moment, il se fait saisir, on le dégrade et il est conduit en prison.
A-Sin revient en bondissant de terreur et faisant des gestes affolés. Le mandarin le roue de coups
pour le faire parler ; mais au récit du serviteur il s’effraye à son tour.
La terrible Lo-Men-Hi, la reine guerrière du pays de Hou est entrée à Ton-Kin, elle est aux portes
du Palais avec toute son armée ; ses étendards couleur jaune se déploient dans les airs, ses canons font
retentir les rues. La voilà elle-même avec sa robe de satin vert semée de rayons jaunes, le sabre au côté,
suivie d’un serviteur portant le plus gigantesque des parasols.
Le gouverneur a disparu sous la table ; mais la reine l’en tire par sa natte et le sabre sur la gorge,
l’oblige à signer son consentement au mariage de Lou-tia-Chin.
Celui-ci est tiré du cachot où il gémit, et tombe dans les bras de sa bien-aimée.
À cette vue la bonne Lo-Yu ressent la joie la plus vive. A-Sin se met à sauter de tout cœur.
Lou-tia-Chin témoigne le bonheur qu’il ressent et une fête générale couronne cet heureux événement.
(fin.)
669
Annexe 7.2.(h) Turandot, Princesse de Chine
Personnages
Kalaf
Altoun-Khan
Barak
Timour
Truffaldin
Pantalon
Tartaglia
Brighella
Ismaël
【Acte I】
Hors des murs de Pékin
Scène i. Kalaf, Barak
Kalaf (à l’hôtesse) : Merci, femme, le ciel te récompense de ton hospitalité. Puissé-je, dans cette
grande ville de Pékin, trouver des âmes aussi compatissantes que la tienne. (se heurte à Barak) Eh !
là, butor !
Barak : Butor, vous-même... mais, que vois-je... ce visage... Oui, je ne me trompe pas... C’est le prince
Kalaf... vivant !
Kalaf : Comment sais-tu mon nom ? Qui es-tu ? Barak ! Mon brave Barak !
Barak : En personne ! Ah ! mon prince ! mon prince !
Kalaf : Se peut-il que je te trouve ici, en ce pays !
Barak : Je ne suis pas moins surpris de vous y rencontrer, Kalaf, le prince Kalaf !
Kalaf : Chut ! Inutile de prononcer mon nom. Au surplus, c’est à toi de me dire...
Barak : Ah ! quel’ aventures, mon prince, depuis le jour où nous livrâmes notre dernière bataille.
Heures terribles : le royaume de votre père envahi par le tyran de Tiflis, notre peuple fuyant
éperdument devant ses hordes, l’épouvante régnant partout... Et quelle douleur fut la mienne lorsque,
grièvement blessé moi-même, on me raconta que vous et le roi Timour, vous veniez d’être tués en
combattant... L’idée d’un suprême devoir se présenta aussitôt à mon esprit. Oubliant mes
souffrances, je retournai sur mes pas, je ne traînai jusqu’à Astrakan, je gagnai le palais par des
chemins à moi connus... je voulais au moins sauver votre mère... mais hélas, le palais était vide...
Les vainqueurs avaient déjà mis la ville au pillage... Désespéré, je parvins à m’enfuir... Et depuis,
que vous dire... trois années durant, j’errai de pays en pays... Un jour, enfin, au hasard de mes
courses, je me trouvai ici, sous les murs de Pékin...
Kalaf : Et tu es resté...
Barak : Mon Dieu, oui... Je commençais à me sentir las... Et puis, un peu de chance me revint. Sous le
670
nom de Hassan, je m’engageai au service d’une veuve à qui je ne tardai pas à plaire... Si bien que de
son valet je devins son mari. Une belle personne d’ailleurs.
Kalaf : Et sait-elle maintenant qui tu es ?
Barak : Poui[c] ! Il ne faut jamais tout dire aux femmes. Pour la mienne, je suis un simple pauvre
diable de Persan... mais assez parlé de moi. Vous, maintenant, mon cher prince, expliquez-moi
comment... Mais vraiment, vous n’êtes pas mort !
Kalaf : Il faut croire que non. Et cependant il s’en est fallu de bien peu. Que sont tes malheurs à côté
des miens ? Après la funeste bataille que tu rappelais tout à l’heure, où s’effondra notre puissance,
disparaissant, mon père et moi, sous des monceaux de cadavre, rien d’étonnant à ce qu’on nous ait
cru tués l’un et l’autre... Mais la nuit venue, nous arrachant à ce lieu d’horreur, nous fûmes nous
réfugier dans une cabane de bûcherons et troquer nos vêtements princiers contre des loques de
paysans... Quelques fidèles serviteurs nous rejoignent, nous amenant ma mère sauvée par eux, et
nous apportant les épaves du trésor royal... dénouement en partie inutile, car le lendemain, dans un
défilé du Caucase, attaqués par une bande de brigands, nous étions dépouillés de nos derniers
biens...
Barak : Hélas !
Kalaf : Alors, souffrant la faim, la soif, privés de tout, nous allâmes tout droit devant nous, à
l’aventure... Je portais ma mère sur mes épaules et mon père, épuisé, s’appuyait sur mon bras. Ah !
mon cher Barak, si tu avais vu son désespoir... à tout moment, il réclamait son poignard pour
trancher ce qui lui restait d’une misérable vie ! Ma mère ne pouvait que pleurer et je ne trouvais
plus de mots pour la consoler... Enfin, calmés, nous arrivâmes à Jaïk, la grande ville tartare... Là,
j’espérais trouver un instant de répit, dus-je pour nourrir les parents, mendier à la porte des
mosquées... Mais le bruit de notre évasion était venu jusqu’aux oreilles de notre farouche
vainqueur... Nous étions guettés, espionnés... Il fallut reprendre notre lamentable marche... Ah ! mon
ami, quel triste sort que celui des rois déchus.
Barak : Ah ! mon prince, vos paroles me retournent le cœur ! Pensez que vous avez souffert tout cela !
Mais dites-moi, le roi, votre père, mon cher bienfaiteur et la bonne reine Elmina...
Kalaf : Ils vivent, Barak ! Si c’est vivre encore que d’être réduits à habiter un misérable hôpital, le seul
asile que leur ait offert la pitié des hommes... Pour moi, parmi tant d’épreuves, je n’ai que le
souvenir d’une joie fugitive... Dans le pays de Karazan, la misère m’avait contraint à me faire
jardinier du roi Kékobatz. Le roi avait une fille, la toute belle Adelma... Trouva-t-elle en mon regard
quelque noblesse ? Devina-t-elle en moi une victime de la destinée ? Je ne sais ; toujours est-il
qu’elle s’émut, que son cœur se serra de compassion. J’étais aimé, Barak !
Barak : L’enfant n’avait pas mauvais goût !
Kalaf : Mais ma mauvaise chance n’était pas épuisée. Comme le royaume de mon père l’avait été par
le Khan de Tiflis, celui de Kékobatz fut envahi par l’Empereur de la Chine... Mêmes désastres !
Kékobatz vaincu, son peuple dispersé et la charmante Adelma, enlevée, disparue... J’étais plus seul
que jamais ! Il y a de cela 4 ans, et depuis, j’ai marché, marché toujours.
Barak : Mais je ne vous trouve point en si mauvais équipage !
Kalaf : L’auréole d’un prince à qui je fus assez heureux pour sauver la vie, voici quelques semaines.
Barak : On est mieux sous ce costume que sous des haillons ! Et maintenant, prince, puis-je vous
demander ce que vous allez faire ?
Kalaf : Que veux-tu ?... M’engager comme soldat au service de l’empereur de Chine... C’est encore
perdu dans cette armée que je cacherai le mieux mon origine et mon nom. (bruit de gong.) Quel est
ce bruit ?
671
d’innocence. En quel temps vivons-nous ? Voir de pareilles choses et sous la règne d’un si bon
prince pourtant !
Barak : Tiens ta langue, Schirina, intarissable bavarde !
Kalaf : Eh quoi ! Tu connais mon hôtesse ?
Barak : Si je la connais ?... C’est ma femme !... Aussi pas un mot de confidence ! Si elle savait qui
vous êtes, tout Pékin ne tarderait pas à l’apprendre !
Schirina : On a bien le droit de dire ce que l’on pense, après tout ! Je ne dis pas de mal de l’Empereur...
S’il n’y avait que lui, le bon Altoun-Khan... Mais il y a sa fille, la cruelle, l’implacable Turandot !
C’est elle qui, par ses sanguinaires fantaisies, empoisonne ce pays de plaintes et de larmes !
Barak : Hélas ! Pour une fois, tu dis la vérité !
Kalaf : Est-ce donc sérieux ? J’avais bien entendu naguère, au cours de mes voyages, conter cette
histoire d’une princesse, si ennemie des hommes, qu’elle ne voulait supporter le joug d’aucun
d’eux... On parlait d’épreuves singulières où verrait se faire faucher la fleur de la jeunesse d’Asie...
Mais je ne voyais dans ces monstrueux récits que des fables à effrayer les enfants, que les contes de
bonne femme.
Schirina : Détrompez-vous, seigneur étranger. Rien n’est malheureusement plus certain que les
abominations dans lesquelles se complait la princesse Turandot... Figurez-vous que cette
orgueilleuse fille...
Barak : Refusait obstinément tous les partis que lui offrait son père, vieux déjà et désireux d’assurer un
héritier à l’Empire.
Schirina : Tous s’étaient offerts, affolés par sa beauté que des portraits d’elle avaient répandue par le
monde.
Barak : Car elle était admirable, cette méchante créature, et si subtils que soient les pinceaux des
peintres, ils n’ont pu qu’imparfaitement reproduire la splendeur de ses traits.
Schirina : Tous, vous dis-je, étaient venus, le Khan de Mongolie, le fils du Grand Mogor, le conquérant
Ta-Tsing, roi de la Mantchourie, le sultan de Hers, le prince de Kaboul, l’émir de Khiva, l’empereur
des Belontellis, le Kalif de Bonkara, le shah de Tcherau, le nabab d’Ofir...
Barak : Respire un peu... Le sofi de Moussoul, le cheik de Bassorah, le caid d’Idmuée, le soudan de
Médine, le négus de Goudar, le rajah de Matras, le taïconn de Yeddo, le satrape Hed-Jaz...
Schirina : Laisse-moi reprendre... le bey de Tingis, le shérif de Cyrla, l’hospodar de Nicopolio, tous,
vous dis-je tous, jusqu’au farouche hetmair de Sarmatie et au miramolin de Constantinople.
Kalaf : Ouf !... Et aucun de ces illustres prétendants ne réussit à lui toucher le cœur ?
Barak : Ah ! bien, oui ! À peine arrivés, noirs ou blancs, durent s’en retourner piteusement avec leurs
présents et leurs galanteries.
Schirina : L’empereur se lamentait, comme bien vous pensez. Mais Turandot demeurait aussi
insensible aux lamentations de son père qu’aux doléances de ses amants. C’est alors
qu’Altoun-Khan exaspéré...
Barak : Lui adressa une suprême soumission... Il fallait coûte que coûte qu’elle se décidât. Voyant
qu’il n’y avait plus moyen de se dérober aux ordres paternels, elle fit semblant de céder, mais
concevez-vous ce qu’imagina cette furie ? (coups de gong)
Kalaf : Non.
Schirina : Ah ! L’affreux glas ! Eh bien, voici : un édit fut proclamé annonçant que tout prince de sang
royal aurait le droit de demander sa main...
Barak : Et qu’elle consentirait à l’épouser...
Schirina : À condition qu’il devinât les trois énigmes qu’elle lui poserait solennellement devant tout le
divan réuni.
Kalaf : Étrange et plaisant caprice !
Barak : Oui, mais attendez ! L’édit proclamait également que si le soupirant ne sortait pas vainqueur
de l’épreuve, il aurait immédiatement la tête tranchée.
Kalaf : Ah ! diable !
672
Schirina : Or, jusqu’à présent, ces énigmes ont été à ce point curieuses que nul n’en a pu percer le
sens.
Barak : Mais elle, la cruelle fille, elle tient sa parole, et tenez... (coup de gong) en voici une nouvelle et
déplorable preuve ! En ce moment le pauvre prince de Samarcande, un jeune héros, pourtant, paie
de sa vie la témérité de son amour.
Kalaf : L’Empereur permet cela ?
Schirina : Il s’en afflige !... Mais que voulez-vous qu’il fasse ? Il a souscrit, par serment, à ces
imprudentes conditions et il est bien obligé de s’incliner devant la science infernale de sa fille !
Barak : C’est qu’elle est pétrie d’esprit ! (tumulte)
Schirina : Oh ! c’est atroce ! À aucun prix je ne voudrais revoir le lamentable spectacle d’un de ces
supplices ! (s’approche pour regarder)
Barak : Ne regarde pas, alors si ça te fait mal au cœur !
Schirina : Oh ! oh ! Le cortège s’avance... Tant de soldats pour cette besogne !... Le prince s’avance
vers l’échafaud ! Comme il a fière mine ! Le pauvre jeune homme ! Il a le courage de sourire encore.
Voilà le bourreau !
Barak (à Kalaf) : Que dites-vous de la curiosité des femmes ?
Schirina : Le prince dit adieu à ses amis... On lui enlève son turban. Oh ! comme la foule est
tremblante ! Le malheureux s’agenouille. On va le frapper... Oh ! (cris. Coups de gong.)
Barak : Une victime de plus ! Si c’était la dernière !
Kalaf : La perverse princesse ! Et elle est belle, dis-tu ? Comment la nature a-t-elle pu donner une
enveloppe si charmante à un cœur si féroce ? N’est-ce pas plutôt la tête de cette Turandot que l’on
devrait décrocher de ces murailles ? Qu’étaient donc ceux qui tentèrent l’aventure ?... Des fous !
Barak : Entre la folie et l’amour la différence n’est pas grande !
Schirina : Et dire, je le sais par ma fille, servante au palais, que, en dehors de son détestable orgueil,
cette créature est capable de bonté ! Elle n’est cruelle qu’aux audacieux qui osent porter les regards
vers elle.
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Il me brûle les mains ! Qu’il reste là, mouillé de boue et de poussière, et que les pieds des passants
le broient comme je voudrais broyer le cœur de celle qu’il représente ! Adieu ! (sort)
Barak : Va, Schirina, suis-le ! Veille à ce qu’il ne se livre pas à quelque acte de désespoir ! (Schirina
sort.)
(Rideau)
Acte II
La grande salle du divan.
Truffaldin : Allons, vite… à l’ouvrage ! Pressez-vous ! Le divan va se réunir… déployez les tapis,
préparez le trône… c’est par là que doit arriver sa Majesté Impériale… c’est ici que s’assiéra sa
charmante beauté, la princesse…
Brighella (survenant) : Malepeste !... Que de soins… dis-moi, Truffaldin, que se passe-t-il donc…
Pourquoi décore-t-on ainsi le palais avec une si grande hâte ?
Truffaldin (sans l’écouter) : Huit sièges pour MM. les docteurs… quoi qu’ils n’aient pas grand-chose à
faire, encore faut-il qu’ils aient beaucoup appris pour posséder de si belles barbes…
Brighella : Mais enfin, me répondras-tu ? Pourquoi ces préparatifs ?
Truffaldin : Pourquoi ? Le conseil va se réunir, un nouveau prince récemment arrivé, vient apporter sa
tête pour se faire raccourcir.
674
Brighella : Comment ! Voici trois heures à peine que le dernier a été décapité.
Truffaldin : Oui, grâce au ciel, cela marche bien, les affaires ne chôment point.
Brighella : Peux-tu ainsi plaisanter, grossier coquin ! Peux-tu t’amuser d’aussi barbares massacres.
Truffaldin : Pourquoi ne serais-je point de belle humeur ! Il y a toujours quelque profit à retirer à
chaque nouvelle épreuve. La princesse Turandot est libérale quand elle vient d’échapper aux écueils
du mariage. Autant de têtes coupées, autant d’aubaines…
Brighella : Truffaldin, tu as l’âme aussi noire que le noir de ton visage… est-ce là les sentiments d’une
moitié d’homme, d’un sale eunuque ; un homme complet, un homme véritable a dans la poitrine un
cœur plus accessible à la pitié…
Truffaldin : De la pitié !... Pourquoi en aurais-je ?... Personne ne force les princes à apporter à Pékin
leur col à couper… c’est leur faute s’ils agissent en fous… On est pourtant bien averti. L’avis est
écrit à la porte de la ville en lettres sanglantes… et puis, nous ne prenons la tête que l’on nous offre
que lorsqu’elle est perdue depuis longtemps.
Brighella : Triste fin pour ces beaux amoureux !... Perdre la vie pour trois énigmes !... Que ne la
réservent-ils pas pour de glorieux combats ?
Truffaldin (enviable) [sic] : Laisse donc !... Est-il une plus belle destinée que de mourir pour les beaux
yeux de la plus incomparable des princesses ? Puis, vois avec quelle rapidité les choses se passent !
Jadis les chevaliers, pour obéir aux ordres de leurs dames, devaient affronter mille périls, entrer en
lutte contre des géants, arracher les trésors aux dragons qui les gardaient jalousement, capturer
l’oiseau qui parle, abattre l’arbre qui chante, que sais-je ? Aujourd’hui, nous avons changé tout
cela ; il suffit de s’asseoir dans un confortable fauteuil, d’écouter trois questions posées par la plus
jolie bouche et d’y répondre… si l’on peut. Rien de moins fatigant ! Point de luttes brutales ! De
simples joutes d’esprit. Et si le vaincu de ce charmant tournoi se doit aller faire occire, au moins
n’a-t-il qu’à traverser la cour… le chemin n’est ni long ni malaisé… Et toute une foule curieuse se
presse pour faire cortège à son trépas ! N’avais-je pas raison de dire que la princesse est d’une
parfaite bonté ?
Brighella : Tu es un sot ! Impossible de causer sérieusement avec toi ! C’est un pauvre esprit que celui
qui s’exerce aux dépens des malheureux. Pour moi, je persiste à trouver absurde d’envoyer de
bonnes gens à l’échafaud, uniquement parce qu’ils n’ont pas découvert le sens d’une devinette.
Truffaldin : Devinette !... Tu en parles à ton aise ? Est-ce que toute la vie n’est pas une suite de
devinettes ? Sera-t-on heureux ? Sera-t-on riche ? Fera-t-on de vieux os ? Sera-t-on cocu ?
Brighella : Oh ! Toi…
Truffaldin : Chut ! Voici l’Empereur et sa suite !
Scène 2e — Les mêmes. Altoun Khan, Pantalon, Tartaglia, les huit docteurs, soldats dignitaires,
foule.
Altoun Khan : Salut à vous !... Allons, prenons place puisqu’il le faut ? Quand donc le ciel
compatissant mettra-t-il un terme à mes douleurs ? Ô l’imprudent serment que ma fille sut arracher
à ma faiblesse ! Mais quoi ! Pouvais-je prévoir les fatales conséquences ? La princesse est
inexorable ; c’est presque chaque jour une victime nouvelle ! Parfois même il y en a deux dans la
même journée ! Le sang de l’infortuné prince de Samarcande est encore chaud et voici que se
prépare un nouveau sacrifice ! Mon cœur se soulève de dégoût, mais, fût-on empereur, on reste
esclave de ses serments.
Pantalon : En mon beau pays de Venise, on ne s’embarrasse point de tant de scrupules ! Il m’a fallu
venir en Chine pour voir les hommes si fidèles à la parole donnée, lors même qu’elle est absurde !
Je raconterais cette histoire en Europe que l’on me rirait au nez !
Altoun Khan : Tartaglia, as-tu vu le nouveau prétendant au supplice ?
Tartaglia : Oui, Majesté ! C’est assurément le plus beau cavalier qui doit ! Noble prestance, manière
élégantes, mine superbe ! Un prince accompli.
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Altoun Khan : Tes louanges rendent mes regrets plus cuisants. Puisse le ciel inspirer l’esprit de ce
jeune homme et lui dicter les réponses qui conviennent ? A-t-on, dans ce but fait aux dieux les
offrandes que j’avais ordonnées ?
Pantalon : Rien n’a été épargné, Majesté ; on a consacré trois cents bœufs au dieu Tsin ; quatre cents
chevaux au soleil, et six cent cinquante cochons à la lune.
Altoun Khan : Bien !... Qu’on amène le prétendant !... Illustres docteurs, lumières du divan, je compte
sur votre aide pour essayer encore de l’arrêter dans sa perte.
Pantalon : Majesté, nous prodiguerons nos meilleurs arguments ! Mais que pourront-ils ? C’est en vain
que nous nous époumonerons… le pauvret se laissera tordre le cou comme un poulet.
Tartaglia : Qui sait ? Sauf votre respect, monsieur le chevalier, j’ai reconnu en lui de l’entendement et
de la justesse ! Je ne désespère pas de ce garçon-là.
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Scène 4e — Les mêmes. Turandot, Truffaldin, Adelma, Zélina.
Turandot : Quel est donc l’audacieux qui se flatte de deviner mes subtiles énigmes ? Est-il donc las de
vivre ?...
Altoun Khan (à Kalaf) : Approche !...
Turandot (troublée) : Ô ciel ! Que m’arrive-t-il ? Zélina !
Zélina : Qu’avez-vous, princesse ?
Turandot : Je me sens pénétrée d’une émotion toute nouvelle… Pour la première fois, une sorte de
pitié m’envahit le cœur… Qu’y a-t-il donc dans les yeux de cet inconnu qui me bouleverse ainsi ?
Zélina : Par ma foi, c’est assurément le plus beau cavalier qui se soit encore présenté ? À votre place,
je sais bien ce que je ferais… je lui poserais, pour la forme, trois petites énigmes de rien du tout, et
il me semble que je serais très heureuse de me laisser vaincre.
Turandot : Y penses-tu ? Et mon orgueil ? Et ma gloire ? Après que j’ai tant fait profession de mépriser
les hommes, on rirait trop de moi si j’avais l’air de me rendre ! Fi de cette faiblesse ! Ma renommée
exige que je demeure inflexible !
Adelma (à part) : Suis-je dupe d’un rêve ? Mais non, je ne me trompe pas, c’est bien lui !... Le jeune
homme que j’ai vu à la cour de mon père Kékobatz sous les humbles vêtements de jardinier se
cachait un prince, un fils de rois ! Mon cœur l’avait deviné, mon cœur toujours plein de lui ; et c’est
elle, elle, qu’il aime !...
Turandot (à Kalaf) : Ainsi, prince, tu ne veux pas te retirer alors qu’il en est encore temps ?...
Kalaf : Non ! Dusse-je m’exposer à toutes les rigueurs de votre cruauté…
Turandot : Ma cruauté !... Écoute ! Tu t’exposes à un tel péril et avec un si fier courage, que je veux
bien te parler en toute franchise… Non, je ne suis pas née cruelle !... C’est mon sexe que je défends,
et je me sers des armes que le ciel m’a départies ! C’est la femme, partout asservie, partout humiliée,
partout soumise au joug insolent de l’homme, à mon tour : sache que je méprise tout de vous, votre
orgueil, votre brutalité, votre présomption ! Jamais je ne me courberai sous vos lois ! Jamais ma
fierté ne s’abaissera ; et, quoi qu’il arrive, j’aurai du moins donné à mes sœurs, le noble exemple de
la révolte.
Kalaf : Qu’elle est belle en me parlant ainsi ! Que n’ai-je cent existences à lui sacrifier !
Zélina : Princesse, comme il vous aime !... Ayez pitié de lui.
Adelma : Ah ! Cette Turandot !... Comme je l’envie d’être ainsi adorée !... (à Turandot) Ne faiblissez
pas, princesse,… songez à votre gloire ! (à part) Mieux vaut pour moi le perdre que de le voir
appartenir à une autre !
Altoun Khan : Allons, puisque tous les efforts ont été vains, laissons les destins s’accomplir… (à
Kalaf) Tu connais bien la teneur de l’édit ? Tu sais que si tu ne devines pas les énigmes, tu n’as
aucune grâce à espérer ?
Kalaf : Oui, mais je sais aussi que Turandot est le prix du Triomphe !
Altoun Khan : Le malheureux !
Truffaldin : Avoir une tête si bien collée aux épaules et y tenir si peu !... Bah ! C’est son affaire !
Turandot : Voici ma première question !... Vous, docteurs, vous verrez si la réponse qui y sera faite
ressemblera à celle que j’inscrivis sur ce livre.
Brighella : Question !
Turandot : Il est un arbre dont les feuilles sont moitié blanches, moitié noires, qui renaît, à peine mort,
dans tout l’éclat d’une jeunesse retrouvée, chaque vivant écrit un mot, en passant, sur son écorce qui
s’effrite et disparaît sous ces lacérations et qui, cependant, sans cesse se renouvelle, offrant une
voûte semblable ; son ombre donne à la fois la vie et le trépas ; ses ramures abritent la joie et la
douleur. Il glace et il brûle ! Le mystère des destinées humaines est suspendu à ses branches égales,
et les fruits qu’il porte, amers pour les uns, sont doux pour les autres. Dis-moi quel est cet arbre ?
Tartaglia : Eh ! Eh ! Brighella !... Que t’en semble ?...
677
Brighella : Il me semble qu’il est fort heureux que je ne prétende pas à la main de la princesse ! Du
diable si je comprends goutte à de pareilles gentillesses.
Turandot (à Kalaf) : Eh ! Bien, prince ?...
Kalaf : Eh ! Bien, je crois pouvoir vous répondre… Cet arbre à la vie ininterrompue, aux feuillages
sans cesse renouvelés ; cet arbre de vie et de mort, de joie et de douleur, qui glace et qui brûle, c’est
l’année et les feuilles, d’un côté tout lumière et de l’autre tout ombre sont les jours et les nuits.
Les docteurs : Optime ! Optime ! Optime ! L’année, l’année, l’année. C’est l’année.
Pantalon : Tartaglia, touché !
Brighella : Bravissimio !
Tartaglia : Quel gaillard !
Altoun Khan : Ô prodige ! Il est aussi avisé que charmant !... Puisse le ciel l’assister encore !
Zélina : Princesse, auriez-vous trouvé votre maître ?
Turandot : Tais-toi, ne vois-tu pas mon dépit ?
Adelma : Que va-t-il se passer ?
Turandot (à Kalaf) : Tu triomphes ?... Il est encore un peu tôt pour te réjouir… Ta perspicacité pourrait
bien se trouver en défaut. Réponds donc encore à ceci : Quel est ce merveilleux objet, incessamment
changeant, ardent foyer qui, sans brûler lui-même, jette cependant des flammes ? Si petit qu’il soit,
il peut contenir l’univers. Le vaste ciel lui-même s’y enferme avec toutes ses splendeurs. On le voit
tour à tour terrible et doux, source de haine et d’amour. Il rayonne ou se voile ! Il absorbe sans
retenir ! Et le monde n’est pour lui que ce qu’il veut qu’il soit !
Brighella : Le pauvre garçon !... Cette fois-ci…
Kalaf (souriant) : En vérité, princesse, vous me traitez en enfant : ce ne sont là que des amusettes ! Cet
objet éclatant qui en son cadre étroit emprisonne l’universelle vie, où tout passe sans demeurer ; qui
lance des feux dont il n’est point brûlé ; c’est l’œil,… le plus pur des diamants, source de haine ou
d’amour, avez-vous dit : hélas ! Ne voyez-vous pas avec quelle anxiété je guette les divines lueurs
de vos regards ?
Les docteurs : Optime ! Optime ! Optime ! L’œil, l’œil, l’œil, c’est l’œil.
Pantalon : Optime ! L’habile homme !
Tartaglia : Il faut qu’il soit sorcier… Optime !
Brighella : Oh ! Oh ! Voici la princesse bien marrie !
Altoun Khan : Quel bonheur inespéré !... Courage !... Jeune héros ! Les dieux cléments sont avec toi…
Pantalon : Ce sont nos sacrifices qui les auront touchés… Songez donc ! Trois cents bœufs ; quatre
cents chevaux ; six cent cinquante cochons !
Adelma : Ne vous avouez pas vaincue, princesse ! Un instant peut vous rendre la victoire…
Turandot : Crois-tu donc que je m’abandonne ? Je le tiens encore à ma merci. (à Altoun Khan) Que ce
double succès ne vous emplisse pas l’âme de tant de joie ; la dernière flèche de mon esprit est plus
redoutable que les autres ; et sachez que son insolent espoir suffit à redoubler ma haine !
Kalaf : Cette haine est-elle donc invincible, adorable princesse ? Alors, n’attendez plus ! Et puisque
vous me trouvez indigne de votre amour, faites tout de suite rouler ma tête dans la poussière…
Altoun Khan : Point ! Je m’en tiens aux termes de mon serment. Il m’a déjà coûté assez de larmes. Par
ma couronne, si tu sors vainqueur de la troisième énigme, tu épouseras Turandot… Je saurai lui
imposer ma volonté.
Brighella (à Kalaf) : Vous voyez, prince, que ce n’est pas le moment de lâcher la partie.
Kalaf : Parlez, princesse, je suis prêt à vous répondre.
Turandot : Prépare-toi plutôt à mourir… Car je te mets au défi de me nommer la chose que je vais te
dire : c’est à la fois le faux et le vrai, vague comme l’irréel, précis comme la réalité ; divers comme
la vie, insaisissable comme la nuée oiseau fugitif, il laisse ses ailes diaprées, échapper des trésors de
joie, ou de sa griffe farouche, se posant sur les cœurs effarés, il les fouille jusqu’à l’épouvante. Il
enveloppe dans son vol immense et fantasque, le passé et l’avenir, et, dans sa course prodigieuse, il
nargue le temps, l’espace, la distance… La chose que je dis est à tous : de la volonté des hommes,
678
elle confond les rangs, détruit les hiérarchies, enrichit les uns, appauvrit les autres ; elle est amère
pour ceux-ci, dictame pour ceux-là… Elle suit la créature dans toute sa vie sans qu’on sache si on
doit la redouter ou l’appeler… Peut-être même le suit-elle par-delà le tombeau. Eh ! Bien,
devines-tu,… devines-tu ? (Elle se dévoile.)
Kalaf (à part) : Oh ! Quel éblouissement ! (Il regarde Turandot comme en extase.)
Turandot (après un silence) : Ah ! Tu te tais ? Ta science reste en défaut !
Kalaf : Pardonnez-moi, princesse ! J’étais à ce point confondu par votre radieuse beauté que je
m’absorbais en elle, mais vous répondre est trop aisé.
Turandot : Quoi ?
Kalaf : Ce qui demeure et passe, qui est et qui n’est pas, qui vit d’une vie facile et véritable, cet oiseau
dont les ailes épandues laissent tomber le trésor des joies ou l’infinité des alarmes ; cette chose qui
prend l’homme au berceau et l’accompagne peut-être jusque dans le trépas, qui ne verrait que c’est
là le rêve, ce magique sorcier qui peuple d’innombrables fantômes le palais noir du sommeil…
Les docteurs : Optime ! Optime ! Optime ! Le rêve, le rêve, le rêve, c’est le rêve !
Turandot (s’évanouissant) : Oh ! Quel outrage !
Pantalon : Vois, Tartaglia… J’en avais la chair de poule… Mais, d’où vient-il ce puits de science ?
Tartaglia : Honneur ! Honneur ! Au triomphateur ! (Acclamations enthousiastes.)
Altoun Khan (descendant de son trône, et s’approchant de Kalaf) : Viens sur mon cœur, mon cher
fils ! Tu as bien gagné d’être mon héritier !
Turandot : Pas encore. Je ne me soumets pas. L’épreuve a été trop hâtive.
Altoun Khan : Assez !... Trêve de nouvelles ruses… Les conditions imposées ont été remplies. Tu ne
peux te dérober à la foi !... Le divan, j’en suis sûr, est de mon avis.
Pantalon : Absolument ! (à Turandot) C’est assez jouer aux quilles avec des cœurs, princesse !... Nous
nous en tiendrons aux termes de l’édit. N’est-ce pas, chers collègues ? N’est-ce pas, illustrissimes
docteurs ?
Tartaglia : Oui, il n’y a plus, là, matière à contestation, le jugement est sans appel.
Les docteurs : Sans appel, sans appel !
Altoun Khan (à Kalaf) : Donc, mon fils, prends sa main et conduis-la au temple… Là, devant l’autel
des ancêtres tu nous révéleras qui tu es, et l’on procédera ensuite à la cérémonie des épousailles.
Turandot : Accordez-moi un jour, mon père, au moins un jour !
Altoun Khan : Non, pas de délai ! Je suis trop heureux d’avoir enfin un gendre… Un gendre tel que
lui… Allons, au temple ! Au temple !
Turandot : J’irai plutôt à la tombe ! Rien ne me fera céder ! La princesse Turandot ne sera pas
l’esclave d’un homme. Si l’on me mène de force à l’autel, on me verra m’y frapper moi-même.
Kalaf : Hélas ! Cruelle, qui résisterait à vos larmes ? Je ne veux pas invoquer mes droits, me prévaloir
de ma victoire. C’est de vous-même que j’entends tenir le don de votre cœur… Sire, laissez-vous
attendrir. Accordez-lui le délai qu’elle vous demande. Si injuste qu’elle soit, je ne puis voir ses
beaux yeux pleurer. Ma vie lui appartient, qu’elle la prenne car elle le sait bien, je ne survivrai pas à
la ruine de mes espérances !
Altoun Khan : Non, non, ce qui est dit est dit ! Je ne souffrirai pas le moindre retard… Au temple ! Au
temple !...
Kalaf : Eh bien, sire, je serai plus généreux qu’elle, fier de lui prouver mon amour, je ne lui ferai pas
sentir le poids de sa défaite. Je lui donnerai même encore une chance de se soustraire à ce qu’elle
appelle l’esclavage.
Tartaglia : Imprudent !... Quand on tient la caille, il faut la plumer !
Brighella : Bien dit ! Vive nos vieux proverbes !
Turandot (à part) : Que dit-il ? Mon cœur est plus troublé par cette chevaleresque idée que par la
puissance de son esprit.
Kalaf : Voici ce [que] je propose. Moi aussi, j’offrirai une énigme à la sagacité de la princesse… Que
demain, si longue que soit pour moi l’attente, elle proclame devant le divan assemblé, le nom d’un
679
fils de roi, d’un prince qui connût les plus amères épreuves, qui fut réduit aux pires extrémités, et
qui, après avoir cru un instant toucher au bonheur se voit précipité du haut de son rêve dans l’abîme
de toutes les angoisses… Qu’elle proclame ce nom, et, sans une plainte, je porterai moi-même ma
tête au bourreau.
Brighella (lui tirant la robe) : C’est trop de magnanimité.
Kalaf : Mais si elle reste muette, si elle se déconcerte devant le mystère de ma naissance, alors,
impérieusement, je parle en maître et réclame l’exécution du pacte consenti.
Turandot : Soit ! Étranger, je souscris à ces conditions. (à Zélina) D’ici demain, je saurai bien
découvrir…
Altoun Khan : Que de temps perdu !
Pantalon : C’est absurde !
Tartaglia : C’est ridicule !... On n’a pas de telles complaisances !
Altoun Khan : Sans doute !... Aussi, rien ne me fera changer d’avis, j’ai juré !
Kalaf : Puissant empereur, c’est moi qui t’implore ! Consens à ce que demande la princesse. Je
mourrai plutôt que de l’humilier.
Altoun Khan : Puisqu’il le faut !... Mais, qu’on le sache bien, si je permets cette nouvelle folie, je n’en
accepte pas toutes les conséquences. Quoi qu’il arrive, et lors même que Turandot reconquerrait sa
liberté, ta vie est sauve. C’est avec les plus grands honneurs que tu sortiras de ma capitale… Ah !
Pantalon, Pantalon ! Quand aurons-nous casé cette fille-là ? (L’assistance s’écoule lentement.)
Adelma : Hélas ! J’ai dû tout écouter en silence, mais que les dieux soient loués puisque à présent, de
toute façon, le prince est sauvé. Rien n’est perdu ! Mon amour a encore le droit d’espérer. À moi de
lutter pour reconquérir ce cœur auquel je ne renonce pas.
(Rideau)
Acte III
Même décor.
680
Pantalon : Nous sommes là pour faire bonne garde !
Brighella : Et nous la ferons.
Tartaglia : Rien ne nous fera manquer à notre consigne !
Pantalon : Ni promesses !
Brighella : Ni tentations !
Tartaglia : Ni menaces ! Oh ! Mais !
Pantalon : On connaît son devoir !
Truffaldin (à part) : La princesse m’a promis la forte somme si je parvenais à percer l’incognito de son
vainqueur. Oui, bonne princesse. Je m’y veux employer sans tarder, et Truffaldin ne serait qu’une
bête, s’il ne réussissait pas à tirer les vers du nez à ce damoiseau… Mais ces gaillards-là, placés en
sentinelles, sont gênants. Éloignons-les !
Brighella : Pour nous affermir en notre fidélité, faisons serment de ne pas quitter la place.
Tartaglia : Même en cas d’un petit besoin.
Brighella : En aucun cas.
Tous : Jurons !
Truffaldin : Si vous saviez ce qui m’arrive ! Ah ! Mes bons amis !
Pantalon : Qu’y a-t-il, vieil eunuque ?
Tartaglia : Oui, parle.
Truffaldin : C’en est fait de moi, si l’empereur apprend ce qui vient de se passer. Figurez-vous que…
Brighella : Quoi ?
Pantalon : Quoi ?
Tartaglia : Quoi ?
Truffaldin : Je ne sais comment la chose s’est produite. Il faut que par inadvertance j’aie laissé la porte
du sérail ouverte. Toutes les femmes de Sa Majesté courent en ce moment à travers les jardins.
Impossible de les décider à rentrer. Elles sont sans voiles, les cheveux dénoués, la gorge au vent,
éblouissantes, plus belles les unes que les autres ! C’est horrible !
Brighella : Sans voiles ?
Pantalon : Les cheveux dénoués ?
Tartaglia : La gorge au vent ?
Truffaldin : Oui, oui. Je vous dis que c’est affreux !
Pantalon : Toutes ces beautés si mystérieusement cachées ! Quelle occasion !
Tartaglia : Ces gens me démangent [sic] ! Pour moi, je n’y tiens plus.
Brighella : C’est un spectacle à ne pas manquer ! Courons vite.
Pantalon : Courons !
Tartaglia : Pourvu que nous n’arrivions pas trop tard ! (Ils sortent.)
Truffaldin (seul) : Et voilà ! Ce n’était pas plus difficile que cela ! Misérable concupiscence ! Tu ferais
tout de ces drôles-là ! Le temps qu’ils s’aperçoivent que je me suis moqué d’eux, j’aurai mené mon
entreprise à bonne fin !... (Il appelle.) Altesse !
681
Kalaf : Qu’est-ce ? Que me veut-on ?
Truffaldin : Altesse, pardonnez, si je trouble vos méditations, ne voyez en moi que le plus humble de
vos serviteurs. Je viens me mettre à vos ordres. Souhaitez-vous quelque chose ? Une collation ?
Pour tromper les longues heures de l’attente, vous plairait-il que je fisse venir les musiciens ? Il y en
a d’admirables à Pékin. L’important est d’abord de découvrir son pays. Vous êtes étranger ? Persan ?
Ah ! Va lé cho matché tour est ? Turc ? Sabahen kair olssm ? Arabe ? Ismakeh enta ? Hindou ? Jun
samajté, ho ? Cambodgien ? Sok sabaï chéate ! Ah ! Mais il n’entend rien du tout ! Essayons d’autre
chose. Elle est belle, n’est-ce pas ? Quelle joie ce serait pour vous de la posséder ! (Geste — à part)
Il n’est pas bavard ! (Haut) Au fond, vous ne lui déplaisez pas. Je l’ai entendu parler de vous
comme elle n’avait fait d’un autre prétendant ! Seulement, vous savez, elle est très fière. Alors,
dame, comme vous ne vous faites pas connaître, elle craint d’avoir affaire à un aventurier.
Kalaf : Un aventurier !
Truffaldin : Ah ! Ah ! Ça mord !
Kalaf : Ce sont là tes ruses, pauvre homme ! Je ne veux pas croire que ce soit la princesse qui t’envoie,
elle ne s’abaisserait pas à de tels moyens. Si tu n’as que des semblables artifices pour me délier la
langue, épargne ta peine… Tu me fais pitié. Ah ! Si tu rencontres la divine Turandot, dis-lui que
mon cœur est plus plein d’elle encore ! (Il sort.)
Scène 5e — Truffaldin.
Truffaldin : C’est donc que je ne suis qu’une bête. Il s’est joué de moi ! Que rapporter à la princesse ?
Elle va être dans une colère ! Diable ! La voici justement ! Et de quels pas elle marche ! Elle va bien
me recevoir !
Turandot : Ainsi ni toi ni personne ne pouvez me renseigner. C’est en vain que je prodigue mon or, que
j’en appelle au dévouement de tous mes serviteurs ! Le nom de cet audacieux me restera inconnu.
J’aurai l’humiliation de laisser la question sans réponse. Vous êtes tous des maladroits, tous des sots,
tous des lâches ! Oh ! Et toi, Truffaldin, que sais-tu ? Parle vite ! Vois mon impatience.
Truffaldin : Hélas ! Princesse, je ne suis pas plus avancé que les autres. Pour la première fois, mon
génie se trouve en défaut. L’effronté prétendant s’est dérobé à tous les pièges que je lui ai tendu. Je
lui ai cependant parlé en toutes les langues, dans l’espoir qu’il trahirait au moins son origine. Mais
rien ! Rien ! Tout ce que j’ai pu tirer de lui, c’est un madrigal à votre adresse !
Turandot : L’insolent ! Et toi, j’ai bien envie de te faire pendre !
Truffaldin : Ne faites pas cela ! Vous n’y gagneriez rien !
Turandot : Penser que dans quelques heures je serai contrainte à avouer ma défaite ! Quelle chute !
Non ! Cela ne se peut pas ! (à Zélina) Où est Adelma ? Pourquoi n’a-t-elle pas reparu ? Je n’ai plus
d’espoir qu’en elle ! Et quel espoir !
Zélina : Mais princesse, calmez-vous ! Si le sort vous doit être contraire, ne serait-il pas plus
magnanime et même plus habile de vous soumettre dès à présent ! Vous sembleriez accorder une
insigne faveur au lieu de vous incliner devant une obligation. Le prince d’ailleurs, serait un
charmant mari. Nul n’a meilleure mine, n’a plus de grâce que lui !
Turandot : Qu’oses-tu dire, malheureuse ? Que je rive moi-même les chaînes dont on me voudrait
charger ? Jamais je ne m’avouerai vaincue. Jamais !
Zélina : Est-ce être vaincue que de subir la grande loi commune, la douce et mystérieuse loi qui réunit
les âmes, que de s’abandonner à la joie de se livrer toute, de verser son cœur dans un autre cœur,
que céder à l’indicible charme du sacrifice, à la volupté de l’oubli dans les bras de l’être élu ? Non,
682
princesse, ce n’est pas la défaite ! Aimer, c’est naître véritablement, c’est rayonner dans une gloire.
Turandot : Tais-toi, fille impudique. Cette loi que tu oses glorifier, ne m’apparaîtra jamais que comme
une loi d’esclavage.
Truffaldin : La princesse a raison !
Zélina : Oh ! Toi, on ne te demande pas ton avis sur ces questions !
Scène 8e — Adelma.
Adelma : Ma récompense. Je ne t’en demande pas, princesse ! Découvrir le nom du prince, lui imposer
la défaite, l’empêcher par là de conquérir Turandot, c’est tout ce que souhaite ma jalousie ! Une fois
vaincu il tournera peut-être ses regards vers celle qui ne l’a jamais oublié et que lui n’a pas reconnue.
Ou n’a pas voulu reconnaître. On s’approche ! Cachons-nous !
Barak : Ainsi le merveilleux hasard qui conduisit hier le fils dans mon humble auberge, y conduit
aujourd’hui le père et la joie m’est donnée à quelques heures de distance d’embrasser mes deux
maîtres chéris.
Adelma : C’est son père !
Timour : Mon brave Barak ! Mon bonheur est grand aussi de te revoir. Ah ! Lorsque tout à l’heure je
tombais épuisé de fatigue devant ta porte, je n’osais espérer qu’une main amie m’aiderait à me
relever. Si tu savais le douloureux voyage que je viens de faire ! Quand j’eus fermé les yeux de la
reine, ma noble épouse, je ne songeais plus qu’à employer le peu de vie qui me restait à retrouver
mon fils, à l’étreindre une dernière fois. Mais où était-il ? D’étape en étape, je suivis péniblement
ses traces, enfin, j’appris qu’il s’était dirigé vers Pékin. Je m’y traînai à mon tour… Et voici que tu
m’apprends son extraordinaire aventure qui me ravit et m’épouvante à la fois ! Le cher enfant !
683
Quelque imprudence qu’il y ait sans doute à courir à sa poursuite, ma tendresse ne pouvait différer
davantage l’instant de le revoir ! De grâce, cherchons-le ! Amène-moi vers lui !
Adelma : Je vais tout savoir.
Barak : Sire, nul mieux que moi ne comprend votre impatience, mais le salut même du prince exige
mille précautions. Pour l’apercevoir, n’attendons rien que du hasard.
Timour : Dis-moi, comment est-il ? Ces années de lutte et de misère n’ont-elles rien changé à la fierté
de son visage, il est toujours beau, toujours charmant, n’est-ce pas ?
Adelma : Hélas ! Il n’est demeuré que trop séduisant.
Barak : Nulle épreuve n’a eu prise sur sa triomphante jeunesse. Les périls qu’il a courus, les angoisses
qu’il a traversées ont trempé son âme, ont anobli ses traits. C’est aujourd’hui le plus beau prince de
l’Asie.
Adelma : Mais son nom ? Son nom ?
Barak : Il n’en est aucun qui soit mieux fait pour la pourpre royale ? Son front appelle le diadème ! Et
demain matin si son étoile continue à le servir, il le pourra ceindre glorieusement.
Timour : Ah ! Cher, cher K…
Barak : Ne le nommez pas ! Je vous ai dit quel intérêt capital il y a à ce qu’il demeure encore inconnu.
Son succès dépend du mystère qui l’enveloppe. Or, dans les palais vous le savez, vous maître, les
murs ont des oreilles.
Timour : Tu as raison, mais ne pouvant le voir, il m’est doux de laisser couler son nom chéri sur mes
lèvres.
Adelma : Maudite retenue. Décidemment, je ne gagnerai rien à les écouter plus longtemps. Il faut agir
hardiment… Oh ! Quelle idée. Peut-être y a-t-il là le succès ! (Elle se montre.)
Barak : Ciel ! Quelqu’un ! Voyez, sire, n’avons-nous pas été déjà trop imprudents. Si on nous avait
entendus ?
Timour : Que me voulez-vous ? Qui êtes-vous ?
Adelma : Une amie !
Barak : Qui le prouve ?
Adelma : Ma volonté de vous servir, mon désir de réaliser votre vœu le plus cher… Si vous vous fiez à
moi, je vous ferai apercevoir le prince !
Barak : Nous ne vous demandons rien. Nous ne savons ce que vous voulez dire !
Adelma : Écoutez, le temps presse… Les explications seraient en ce moment superflues. Qu’il vous
suffise de savoir que vous pouvez compter sur moi, et que je vous connais, sire.
Timour : Je marche de surprise en surprise.
Barak : Moi aussi. Cette femme qui vous salue du titre royal.
Adelma : Plus bas, Barak !
Barak : Elle sait mon nom ?
Adelma : Je vous suis toute dévouée. Votre situation ne m’inspire que respect et pitié ! Je vous jure
qu’avant l’épreuve de demain, vous embrasserez votre fils.
Barak : Cette extraordinaire complaisance ne me dit rien qu’il vaille ! S’il y avait un piège là-dessous !
Timour : Hé ! Quoi ! Il serait possible ? Mon fils… Mais encore une fois, qui êtes-vous ?
Barak : Quel intérêt vous guide ? La seule sympathie…
Adelma : Vous ne tarderez pas à apprendre les raisons de ma conduite… D’ailleurs, qu’importe. Je
suis votre alliée et le prince est aussi cher à mon cœur qu’au vôtre. Éloignez-vous… Dans un instant
sans que nul soupçonne cette aventure, je vous amènerai celui que vous cherchez.
Timour : Oh ! Qui que vous soyez, combien je vous bénirai.
Adelma : Observez à la lettre mes instructions. Prenez cette clef, c’est celle de mes appartements dont
la porte s’ouvre au bout de cette galerie. Vous m’y attendrez. Le moment est propice. Personne ne
vous verra ! Hâtez-vous ! Moi, de mon côté, je vais sans réveiller l’attention prévenir la princesse.
Barak : Une femme qui vous donne sa clef.
Adelma : Allez ! Ah ! Mais j’y pense ! Le fils de Votre Majesté est justement contraint à la plus grande
684
défiance. Pour qu’il pût croire à votre présence en ce palais, peut-être faudra-t-il un gage de la
sincérité de mes paroles. De votre main, tracez deux lignes, là, sur ces tablettes.
Barak : Oh ! Oh ! Écrire !
Adelma : Rien que d’insignifiant sans risquer, ce qui vous plaira, qu’il puisse seulement reconnaître
votre écriture.
Timour : Soit ! (Écrivant.) L’affection se reflète dans les cœurs humains comme la lune dans les eaux
moirées de l’étang. Tenez !
Adelma : Merci… À tout à l’heure. Maintenant, je suis certaine de réussir. Prince mystérieux, c’est
toi-même qui me livreras ton nom.
685
Adelma : Il est ici.
Kalaf : C’est impossible ! Qui l’y aurait amené ?
Adelma : L’infortuné vous cherchait désespérément. Ses pas l’ont conduit jusqu’à cette ville. On a
surpris leur entretien. L’affection qu’a pour vous le vieux roi, l’a fait se trahir à demi. On ignore son
nom, mais on sait qu’il est votre père.
Kalaf : Mon cher père si près de moi ! Mais que disiez-vous qu’il fut en péril de mort ?
Adelma : Ne devinez-vous pas le parti que Turandot peut tirer de cette prodigieuse rencontre ? Elle a
fait arrêter le roi et pour le forcer à lui livrer le secret, elle s’apprête à lui faire subir les plus
monstrueuses tortures !
Kalaf : Ah ! Non, je ne veux pas vous croire. C’est une abominable fable ! Un piège affreux que l’on
me tend. Mon père n’est pas ici.
Adelma : Plût à Dieu ! Mais voyez ! Reconnaissez-vous sa main dans ce billet ?
Kalaf : C’est vrai ! Le doute n’est plus possible. Je le sauverai.
Adelma : Comment ? Vous vous rendez bien compte que vous n’avez rien à espérer de la clémence de
Turandot. Seul, sans amis, sans armes, que pouvez-vous contre une légion de geôliers et de
bourreaux ? Votre père ne trouverait grâce que par un aveu, mais il n’est pas homme à d’y abaisser,
puisque ce serait vous trahir !
Kalaf : Ah ! Dieu ! Que faire ?
Adelma : Le malheureux ! Quelles souffrances l’attendent ! J’ai vu préparer les tenailles, fondre le
plomb. C’est horrible !
Kalaf : Tais-toi ! Tais-toi ! Ces tortures, il me semble que je les subis moi-même ! Elles me brisent les
membres, me brûlent la chair ! Oh ! La pensée qu’il va souffrir pour moi, cet épouvantable
martyre ! Non, cela ne se peut pas.
Adelma : Comment l’empêcher ? Je suis impuissante à détourner de lui de tels maux ! Et chaque
minute rapproche le terrible moment.
Kalaf : Dieu !
Adelma : Il est à bout de résistances. Le moyen était bon.
Kalaf : Écoutez. C’est bien pour savoir mon nom que la cruelle… Ô la tant aimée cruelle a imaginé ce
jeu d’enfer. Elle ne veut que des armes contre moi !
Adelma : Sans doute !
Kalaf : Eh bien ! Ô mon père ! Comment mon lâche amour a-t-il fait hésiter un instant ma filiale
tendresse ? Eh bien ! Que l’on congédie les bourreaux ! Que l’on délivre la victime de ses liens !
J’abandonne tout espoir, je renonce à ce qui m’apparaissait comme la joie suprême, à la possession
de Turandot ! Ce nom, je le proclamerai moi-même !
Adelma (à part) : Enfin !
Kalaf : Allez, Adelma ! Courez ! Fasse Dieu que vous arriviez à temps ! Dites à votre inexorable
maîtresse que le désolé Kalaf, fils du magnanime roi Timour se rend à sa merci !
Adelma : Kalaf, fils de Timour !... Chassé par Turandot, demain tu seras à moi ! (Elle sort.)
Kalaf : Malheureux que je suis ! C’en est fait ! Le rêve dont je m’étais grisé s’évanouit ! Tout
s’obscurcit pour moi ! Tout devient ténèbres ! Maudit soit le destin qui m’a conduit ici puisque
l’espérance conçue et presque aussitôt détruite ne me laisse plus de raison de vivre ! Ah ! Mon
père ! Mon père bien-aimé ! Je ne pouvais hésiter, je me devais à toi, mais combien chèrement
j’aurai payé la dette de la piété filiale ! Si encore dans ma détresse je trouvais la force de maudire
l’implacable Turandot, perfide et délicieux artisan de mes maux, mais non, mon amour me le défend
et mon âme désemparée n’est plus capable que de souffrir !
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Scène 12e — Kalaf, Brighella, Tartaglia, Pantalon.
687
Pantalon : Qu’est-ce qu’il y a ? (rires prolongés.) Mais écoutez donc ? N’est-ce pas la princesse qui rit
ainsi avec ses femmes ?
Brighella : Si, je reconnais sa voix. Il y a longtemps que cela ne lui était arrivé ! Mais de quoi peut-elle
rire ainsi ?
Kalaf : De ma défaite !
(Rideau.)
Acte IV
Même décor. Le divan est disposé comme au 2e acte. Altoun Khan est sur son trône, entouré
de Pantalon, de Brighella, de Tartaglia et de ses gardes. Les docteurs sont assis sur leurs
sièges.
Altoun Khan : Bénis soient les dieux ! Enfin l’heure est venue qui va remettre les choses dans l’ordre
naturel et où mon orgueilleuse fille va se voir contrainte à prendre un époux. Nulle surprise ne me
paraît plus possible, nous touchons au dénouement heureux de l’aventure. Ah ! Qu’il est doux pour
un souverain dont le cœur se plaît au bien de tous, de n’avoir plus de supplice à ordonner et de
veiller au contraire à ce que l’on pare de fleurs et de lumières un autel nuptial. Selon mes ordres, le
prince a été bien gardé, on ne l’a pas quitté d’un instant.
Pantalon : Hum !
Altoun Khan : Je ne doute pas de la vigilance de ceux à qui j’avais dans son intérêt commis le soin de
le surveiller.
Pantalon (à part) : Le doux maître !
Tartaglia : Une telle confiance ! Et l’avoir si peu justifiée !
Brighella : J’en ai les larmes aux yeux ! Sans ce coquin de Truffaldin !
Altoun Khan : Toutes les recherches de Turandot pour découvrir le nom du prince ont évidemment
échoué ! Qu’importe qu’elle soit humiliée un instant ! Le bon droit triomphe ! Son malheur, au
surplus, est de ceux qui ont chance de s’oublier vite, et mon âme paternelle ne se peut résoudre à
beaucoup la plaindre. Docteurs, je compte sur vous pour appliquer inflexiblement la sentence. Et
puis, vous n’aurez plus qu’à brûler vos affreux livres d’énigmes, diabolique invention d’une folle
cervelle.
Pantalon : Les fonctions de ces messieurs vont devenir une sinécure de plus dans l’énigme.
Brighella : Hè ! Hè ! Tout n’est peut-être pas dit. Rappelle-toi la mine déconfite du prince.
Tartaglia : Oui, tant que nous ne saurons pas ce qui a pu se passer pendant notre absence.
Altoun Khan : Le mariage aura lieu sans délai : je veux que ce soir tout Pékin soit en fête !
Altoun Khan : Oui, viens là, mon cher prince. Encore quelques instants, et j’aurai la joie de t’appeler
mon fils ! Tu as été audacieux, habile, patient, généreux. Ce sont là les qualités qu’il faut aux
conducteurs de peuples. Et lorsque la vieillesse aura usé ce qui me reste de forces, lorsque le sceptre
s’échappera de ma main débile, c’est avec confiance que je te céderai le fardeau du pouvoir et que
je t’abandonnerai les destinées de mon empire. Mais quelle tristesse voile encore tes yeux, mon
enfant ?
Kalaf : Sire, votre bonté me confond, mais je crains qu’elle ne s’illusionne et que demain ne soit pas
688
pour moi l’aurore du sort glorieux que vous daignez m’annoncer.
Pantalon : Hum ! Hum ! Voilà les paroles qui ne sont guère faites pour calmer nos inquiétudes.
Altoun Khan : Eh ! Quoi ! Après avoir été si vaillant tu te troubles, à la minute décisive qui te doit
apporter le triomphe ?
Kalaf : Hélas ! Sire ! Regardez s’avancer la princesse ! Est-ce là l’attitude d’une résignée, le regard
d’une vaincue ?
689
semblerait faiblesse de sa part est fait pour le grandir encore !
Turandot : Tais-toi ! Tais-toi donc !
Adelma : Je lui avais fait croire que son père était en péril et qu’il dépendait de lui de le sauver par
l’aveu de sa naissance.
Zélina : Indigne moyen !
Pantalon : Nous nous demandions tout à l’heure ce qui avait bien pu se passer pendant notre absence ?
Voilà !
Brighella : Voilà !
Tartaglia : Voilà !
Altoun Khan : Ainsi ma fille te donnait de tels ordres ? J’en ai honte pour elle !
Adelma : Non, sire, ne l’accusez pas ! C’est moi qui ai tout conçu, tout mené ! Et non dans son intérêt.
Turandot : Quoi ?
Adelma : Mais dans le mien.
Altoun Khan : Dans le tien ?
Adelma : J’avais reconnu ce prince adorable que j’osais aimer, depuis longtemps, sans savoir qui il
était et ma passion cachée n’avait pas cédé devant celle que lui inspirait Turandot. Je supposais que
dénoncé, vaincu, désespéré, il me laisserait le consoler, me choisissant pour compagne de son exil.
Ainsi, mes vœux eussent été comblés, et c’est pourquoi je travaillais à sa défaite. Je suis une
malheureuse. Je n’avais pas compris qu’un amour comme celui dont il a le cœur plein, demeure
indestructible ! Mes yeux viennent de s’ouvrir. À mon tour, je réclame la joie du sacrifice, je
renonce à mes espoirs. Puisse cette confession qui ruine la gloire de Turandot, rétablir la balance en
faveur du prince et me valoir son pardon !
Kalaf : Je te pardonne ! (Adelma sort.)
Altoun Khan : Puisqu’il en est ainsi, ma fille ne peut plus invoquer ses prétendus droits. Je ne saurais
prêter les mains à une trahison. J’exige qu’elle se soumette à l’instant.
Kalaf : Non, sire, n’exigez rien, n’abusez pas de votre autorité. En proposant à la princesse l’énigme
de mon nom que je pouvais croire qu’elle ne devinerait point, mon but n’était pas d’abaisser son
orgueil, je voulais seulement donner à la pitié le temps de s’éveiller en son âme. Mais puisque rien
ne la touche, puisque je ne suis pour elle qu’un objet d’horreur, je ne saurais me prévaloir de votre
sentence. Rassurez-vous, Turandot, le prince Kalaf ne consentira jamais à ce que vous souffriez
pour lui. Il est pour vous l’obstacle, il disparaîtra de votre chemin. Et vous apprendrez combien pur,
combien désintéressé était son amour ! Je t’adore Turandot, je t’adore !
Turandot : Arrête, malheureux ! Arrête !
Kalaf : Quoi ! Tu t’opposes à ma mort ! Oh ! N’aie pas cette suprême cruauté !
Turandot : Si ! Si ! Je veux que tu vives.
Kalaf : Mais pour qui ?
Turandot : Pour moi !
Kalaf : Pour toi !
Turandot : Ma foi a vaincu mon orgueil ! Elle m’a révélé mon âme. Je t’aime !
Pantalon : Ô prodige ! Voici que les rocs s’attendrissent à présent.
Altoun Khan : Chère vision ! Aveu tant désiré, mon vieux cœur se réjouit.
Kalaf : Oh l’ineffable minute !
Turandot : Comment l’ai-je pu retarder ? Il semble que je m’ouvre à une vie nouvelle ! Je me sens
baignée d’une lumière à la fois si douce et si pénétrante que l’on croirait qu’elle vient du ciel ! Ô
Kalaf ! Kalaf, me pardonneras-tu mes coupables rigueurs ?
Zélina : Oh princesse de l’amour ! On n’en médit que lorsqu’on ne le connaît pas ! Qu’il passe, qu’il
vous effleure de son souffle embrasé et le cœur le plus rebelle se fond dans un ravissement extasié,
les yeux cherchent, les yeux, les lèvres, courent les lèvres [sic]. La loi d’amour est la loi suprême !
Et les seuls vrais coupables de ce monde, sont ceux qui s’y prétendent dérober !
Brighella : Bien dit, Zélina !
690
Tartaglia : Mon pauvre Truffaldin. Tant pis pour toi, si tu n’es pas sourd !
Adelma : Sire, dans un esprit de mensonge, j’avais promis au roi Timour de rendre son fils à sa
tendresse ! Je vous supplie de me permettre de tenir ma promesse. Ainsi, peut-être réparerai-je le
mal que je voulais faire.
Altoun Khan : Viens dans mes bras, infortuné souverain, victime héroïque de tant de coups du sort. Ô
béni soit le destin qui du jour de notre rencontre fait un jour de bonheur pour nous deux ! Embrasse
ton fils et sois fier de lui !
Timour : Magnanime empereur, nous allons avoir l’un et l’autre deux enfants à aimer. En leurs joies
refleuriront nos joies anciennes.
Kalaf : Ô mon bien aimé père !
Pantalon : Que d’émotion en une seule journée !
Brighella : Je me fais fête de voir un jour ici, un tas de petits princes… J’en veux une ribambelle !
Tartaglia : Per Bacco, nous aurons de belles histoires à leur raconter.
Pantalon : Oui, quand ce ne serait que celle du mariage de leurs parents.
(Rideau.)
(fin.)
691
692
ILLUSTRATIONS
693
694
Illustrations du Chapitre I*
Fig. 1.02
Roland (1685)
*
Pour les sources des illustrations, voir « Bibliographie – II. Sources des illustrations ».
695
Fig. 1.03 (b) Fig. 1.04
Matelot chinois Le Divorce (1688)
Roland (reprise, 1778) (éd. Briasson, 1741)
696
Fig. 1.06
La manière d’adorer les dieux chinois
(éd. Radigues, 1720)
(coll. Bibliothèque des Arts décoratifs)
Fig. 1.05(c)
Les Chinois (1692) (éd. Briasson, 1741)
Fig. 1.07
La danse chinoise (coll. Bibliothèque des Arts décoratifs)
697
Fig. 1.08 Fig. 1.09
Les Bains de la Porte Saint Bernard (1696) Les Chinois (1692)
(éd. Briasson, 1741) (éd. Lefèvre, 1810)
698
Fig. 1.11 (b)
Le Chinois dansant (coll. BnF-BMO)
699
Fig. 1.13
Mascarade chinoise (coll. BnF-Manuscrits, ca. 1700)
Fig. 1.14
Costumes de Chinois, par Jean Bérain
(coll. BnF-BMO)
700
Fig. 1.15 (a)
Mascarade chinoise, à Rome (1735)
701
Fig. 1.16 (a) Fig. 1.16 (b)
Costume de Chinois, par Louis-René Boquet Costume de Chinois, par Louis-René Boquet
Fig. 1. 17 (a)
Costume de Chinois, par Louis-René Boquet
702
Fig. 1.17 (b)
Costume de Tartare, par Louis-René Boquet
703
Fig. 1.20 (a) Fig. 1.20 (b)
Costume de Chinois Habit de Mandarin chinois
Par Jean Bérain Par Jean Mariette, d’après Jean Bérain
704
Fig. 1.23 (a)
Chinois dans les Indes galantes (1735) et autres ballets
(Inv. J.-B. Martin, 1778-1787)
(Réimpression de la Librairie centrale des beaux-arts, s.d.)
705
Fig. 1.23 (b)
Habillement qui sert dans plusieurs divertissements, comme le ballet des Indes Galantes
(Inv. J.-B. Martin, 1778-1787)
(Réimpression de la Librairie centrale des beaux-arts, s.d.)
706
Fig. 1.24 (a)
Le Ballet chinois. Dessiné par François Boucher, gravé par Adolphe Théodore Jules Martial Potémont.
(Réimpression, éd. Firmin-Didot, 1885, sous le titre de L’Opérateur chinois)
707
Fig. 1.25
Feu d'artifice dans un parc orné d’une pagode avec un magot chinois (Théâtre-Italien, 1749)
Dessiné par Charles Germain de Saint-Aubin
(Coll. Musée du Louvre)
Fig. 1.26
La Fête chinoise au Colisée (ca. 1771-1772)
Par Gabriel Jacques de Saint-Aubin
(Coll. Musée du Louvre)
708
Fig. 1.27 (a)
Ballet chinois,
Dans Ernelinde (reprise, 1773)
Fig. 1. 27 (b)
Ballet chinois,
Dans Ernelinde (reprise, 1773)
709
Fig. 1.28
Arlequin invisible chez le roi de Chine (1713)
(éd. Étienne Ganeau, 1721)
Fig. 1.29
La Princesse de la Chine (1729)
(éd. Pierre Gandouin, 1731)
710
Fig. 1.31
Mlle Clairon, dans le rôle d’Idamé (ca. 1773)
Par Jean-Baptiste Leprince
Fig. 1.30
La Reine du Barostan (1729)
(éd. Pierre Gandouin, 1731)
711
Fig. 1.32 (b)
Idamé, dans L’Orphelin de la Chine (1755)
(éd. 1779 ; éd. Librairie de France, 1933)
712
Fig. 1.35 (a)
Lekain, dans le rôle de Gengis-Khan
(éd. 1770-1788)
Fig. 1.36
« Ambassadeur de la Chine »,
mascarade turque à Rome (1748)
Gravure de Joseph-Marie Vien
713
Fig. 1.37 (a) Fig. 1.37 (b)
Lekain, dans le rôle de Gengis-Khan (1769) Lekain, dans le rôle de Gengis-Khan (1777)
Par Simon-Bernard Lenoir Par Simon-Bernard Lenoir
714
Fig. 1.40 (a) Fig. 1.40 (b)
Lekain, dans le rôle de Gengis-Khan (en buste) Lekain, dans le rôle de Gengis-Khan (en buste)
Gravure de J.-B. Michel, d’après le dessin de J.- Gravure d’Elluin, d’après J. Berteaux
H. Huquier fils
715
Fig. 1.41
Lekain dans le rôle de Gengis-Khan
Par Alexandre Roslin, 1755-1774
Fig. 1.42
Larive dans le rôle de Gengis-Khan
Peint par Joseph-Marie Vien, ca. 1790
716
Fig. 1.43
L’Orphelin de la Chine (1755)
Dessinée par Gravelot, gravée par Joseph De Longueil
(éd. Cramer, 1768-1777)
717
Fig. 1.44
L’Orphelin de la Chine (1755)
Gravée par François Nicolas Martinet
(éd. Cramer et Bardin, 1775)
718
Fig. 1.45
L’Orphelin de la Chine (1755)
Gravée par Alexander Bannerman
(éd. inconnue, ca. 1780)
719
Fig. 1.46
L’Orfano della China (1790)
720
Illustrations du chapitre II
Fig. 2.02
Monseigneur le dauphin labourant (1769)
Gravée par François-Marie-Antoine Boizot
721
Fig. 2.03
Lucinde Paradol,
dans le rôle d’Idamé (1827)
(L’Orphelin de la Chine,
coll. Comédie-Française)
722
Fig. 2.05
Chef des gardes du Sultan
Lithographie d’Engelmann
Il Crociato in Egitto (1825) (éd. 1826)
Fig. 2.06
Gengis Khan
L’Orphelin de la Chine
(éd. Laplace, Sanchez et Cie, 1874)
723
Fig. 2.07 (a) Fig. 2.07 (b)
Costume de Zamti Costume de Zamti
L’Orphelin de la Chine (coll. Comédie-Française) L’Orphelin de la Chine (coll. Comédie-Française)
724
(en haut) Fig. 2.07 (d)
Costume de Zamti,
porté par Vanhove
L’Orphelin de la Chine
(coll. Comédie-Française)
(à gauche)
Fig. 2.08 (a)
L’Orphelin de la Chine
(éd. A.-A. Renouard,
1819-1825)
725
Fig. 2.08 (b)
L’Orphelin de la Chine. Dessiné par Moreau, gravé par Lefèvre
(éd. Firmin-Didot, 1876)
726
Fig. 2.09 (a)
Mademoiselle Raucourt (rôle d’Idamé) et Brisard
(rôle de Zamti)
Miniature de Foëch de Basle et de Whirsker
L’Orphelin de la Chine (éd. Ch. Froment, 1829)
727
Fig. 2.10
L’Orphelin de la Chine
Dessiné par Jean-Michel Moreau le jeune, gravée par Joseph De Longueil
(éd. Kehl de Beaumarchais, 1786)
728
Fig. 2.11
L’Orphelin de la Chine
Dessinée par Pierre Chasselat, gravée par François Godefroy
(coll. BnF-RES, 1826-1835)
729
Fig. 2.12 (a)
Les Deux Magots, ou Les caricatures
Recueil d’airs populaires
Illustrations signées Seb. Le Roy Del. et Pomel Sc.
(éd. Le Fuel, s.d.)
730
Fig. 2.13 (a)
« La Toilette chinoise » (Le Bon Genre, 1827)
731
Fig. 2.14
Jeune fille, coiffée à la chinoise, vêtue d’une collerette
Par Frédéric Millet
(coll. Musée du Louvre, s.d.)
Fig. 2.15
Les Deux magots de la Chine (1813)
(éd. Martinet)
732
Fig. 2.16
Le Laboureur chinois (1813)
(Affiche, reprise de 1815)
733
Fig. 2.17 (b)
Le Laboureur chinois (1813)
Maquette des costumes, par François-Guillaume Ménageot
(coll. BnF-BMO, s.d.)
734
Fig. 2.18
Esclaves turcs
Dessin pour les costumes des ballets
Par Louis Boquet
(coll. BnF-BMO, s.d.)
Fig. 2.19
Les Scythes (1767)
Dessin de Moreau le Jeune
(éd. Garnier frères, s.d.)
735
Fig. 2.20
La Clochette, ou le Diable page (1817)
Costumes de Lesage (rôle de Bedour) et Visintini (rôle de Zédir)
(éd. Martinet)
736
Fig. 2.21 (a)
La Lampe merveilleuse (1822)
Décor de l’Acte II, par Gué
(coll. BnF-BMO, s.d.)
737
Fig. 2.22 (a)
Aladin et les marchands du marché
Les Mille et une nuits des familles
(éd. Garnier frères, ca. 1869)
738
Fig. 2.23
Potier jouant le Chinois
(éd. Charpentier et Fasquelle, 1909)
739
Illustrations du chapitre III
740
Fig. 3.01 (e) Fig. 3.01 (f)
Chao-Kang (1834) Chao-Kang (1834)
Le jeune mandarin (éd. Martinet) La Chinoise de la suite de la mariée (éd. Martinet)
Fig. 3.02
Dgenguiz-Kan (1837) (éd. Marchant, 1838)
741
Fig. 3.03
Dgenguiz-Kan (1837)
(Illustration du Monde dramatique, 1837)
742
Fig. 3.04 (a) Fig. 3.04 (b)
Dgenguiz-Kan (1837) Dgenguiz-Kan (1837)
Hiaotsong, ministre chinois (éd. Martinet) Idamé, princesse chinoise (éd. Martinet)
743
Fig. 3.05 (b)
Le Cheval de bronze (1835)
La grande pagode richement éclairée, lithographie des frères Thierry
Fig. 3.06
Le Cheval de bronze (1835)
Décor chinois
Dessiné par Pierre-Luc-Charles Cicéri
744
Fig. 3.07
Décor pour une ville chinoise (s. d.), par Pierre Cicéri
Fig. 3.08
La Chine et les Chinois, dessins exécutés d’après nature (éd. 1842)
par Auguste Borget, et lithographiés à deux teintes par Eugène Cicéri
745
Fig. 3.09 (a) Fig. 3.09 (b)
Le Cheval de bronze (1835) Le Cheval de bronze (1835)
Le Mandarin Tsing-Sing (éd. Martinet) Péki (éd. Martinet)
746
Fig. 3.09 (e) Fig. 3.09 (f)
Le Cheval de bronze (1835) Le Cheval de bronze (1835)
Yanko, villageois (éd. Martinet) Stella, Sylphide de la planète Vénus (éd. Martinet)
747
Fig. 3.10 (a)
Le Cheval de bronze (1835). Décor (Acte I), par frères Thierry
Indications de la mise en scène (coll. Louis Palianti, s. d.)
748
Fig. 3.10 (c)
Le Cheval de bronze (1835). Décor (Acte III, première partie), par frères Thierry
Indications de la mise en scène (coll. Louis Palianti, s. d.)
749
Fig. 3.10 (e)
Le Cheval de bronze (1835)
Costumes et accessoires
Indications de la mise en scène (coll. Louis Palianti, s. d.)
750
Fig. 3.10 (f)
Le Cheval de bronze (1835)
Costumes et accessoires
Indications de la mise en scène (coll. Louis Palianti, s. d.)
751
Fig. 3.11
Le Cheval de bronze (1835)
Lithographie de Bourdet (coll. BnF-ASP, s. d.)
752
Fig. 3.14 (a)
Scènes de Carnaval
(Pellerin, ca. 1841)
Fig. 3.13
Gustave III (1833)
Une Chinoise (éd. Martinet)
753
Fig. 3.15 Fig. 3.16 (a)
La Chatte métamorphosée en femme (1837) La Chatte métamorphosée en femme (1837)
Portrait de Fanny Elssler (ca. 1837) Fanny Essler (rôle de la princesse) (éd. Martinet)
754
Fig. 3.17
La Chatte métamorphosée en femme (1837)
Adda [Kié-Li], Page, danseuse chatte
755
Fig. 3.18 (c) Fig. 3.18 (d)
La Chatte métamorphosée en femme La Chatte métamorphosée en femme
Archer, par Paul Lormier (1837) Garde impérial, par Paul Lormier (1837)
756
Fig. 3.18 (g) Fig. 3.18 (h)
La Chatte métamorphosée en femme La Chatte métamorphosée en femme
Page de l’empereur, par Paul Lormier (1837) Dame d’honneur de la princesse, par Paul Lormier
(1837)
757
Fig. 3.18 (k) Fig. 3.18 (l)
La Chatte métamorphosée en femme La Chatte métamorphosée en femme
Mandarin, par Paul Lormier (1837) Femme du peuple, par Paul Lormier (1837)
758
Fig. 3.18 (o) Fig. 3.18 (p)
La Chatte métamorphosée en femme La Chatte métamorphosée en femme
Kiang-ssé-long, par Paul Lormier (1837) Empereur, par Paul Lormier (1837)
759
Fig. 3.19
Fantassin, nommé Tigre de guerre
La Chine, mœurs, usages, costumes
(éd. Firmin-Didot, 1825-1827)
Fig. 3.20
Mandarin chinois
Chine ou Description historique
(éd. Firmin-Didot, 1839)
760
Fig. 3.21
Mademoiselle Dangeville (1838)
Tching-Ka, la nourrice et la marquise de Nesles (coll. BnF-ASP, s. d.)
Fig. 3.22
Mademoiselle Dangeville (1838)
Tching-Ka (éd. Martinet)
761
Fig. 3.23 (a)
L’Eléphant du Roi de Siam (1829)
Première scène, lithographie de Frey (coll. BnF-ASP, s. d.)
762
Fig. 3.25 (b)
Les deux Chinois, Paul et Emile
du Cirque national (éd. Gramain, s. d.)
Fig. 3.24
Paul Franconi en Chinois sur son cheval
(coll. BnF-ASP, s. d.)
763
Fig. 3.26
Equilibristes chinois sur des échelles
Lithographie de A. Leroy (coll. BnF-BMO, s. d.)
Fig. 3.27
Danseurs Chinois et Turcs (pantins)
(coll. BnF-Estampe, 1854)
764
Illustrations du chapitre IV
Fig. 4.01
Jongleur et Mandarin (1845)
M. Sands et ses deux fils, lithographie d’Alexandre Lacauchie (éd. Martinet et Hautecœur)
Fig. 4.02
Micromégas
(éd. Le Monde dramatique,
1841)
765
Fig. 4.03
Les Mille et une nuits
(1843)
(éd. Vve Dondey-Dupré,
s. d.)
Fig. 4.04
La jonque chinoise « Keying »
(The Illustrated London News, 1848)
766
Fig. 4.05
Les Odalisques de Ka-Ka-O
Couverture illustrée par Castelli (éd. Librairie théâtrale, 1858)
767
Fig. 4.06 (b) Fig. 4.06 (d)
Les Chinois aux Variétés (L’Illustration, 1851) Les Chinois aux Variétés (L’Illustration, 1851)
Le fond de la musique chinoise Une drôle de Chinoise
768
Fig. 4.07
La Rose de Nan-king [Nankin], troupe chinoise
Lithographie de Decan (éd. 1851)
769
Fig. 4.08 (a) (b) (c)
Les Chinois aux Variétés (Le Charivari, 1851)
Les Chinois à leur hôtel. – Aux Variétés. – Toujours aux Variétés.
Fig. 4.09
Théâtre de la Porte Saint-Martin. – La Chine à Paris ; la cible vivante
(L’Illustration, 1854)
770
Fig. 4.10
Les Vrais Chinois, à l’Hippodrome
(Affiche, 1854)
771
Fig. 4.12
La Chine à Lyon.
Jongleurs chinois
(éd. Brunet-Fonville et
Bonnaviat, ca. 1854)
Fig. 4.13
Réception d’un Chinois de la Chine,
par les Chinois de Paris, chez la Mère
Moreau
(Le Journal pour rire, 1854)
772
Fig. 4.14
Les Jongleurs chinois,
quadrille pour piano
(éd. Benoît aîné, 1859)
Fig. 4.15
En avant, les Chinois ! (1858)
Scène de séduction
(dépliant, éd. A. Bourdilliat, 1859)
Fig. 4.16
As-tu vu la comète, mon gars ? (1858)
Frontispice (éd. Michel Lévy frères, 1859)
773
Fig. 4.17
Ba-ta-clan (1855)
Dessin de décor
(coll. BnF-ASP,
s. d.)
Fig. 4.18
Ba-ta-clan (1855)
Illustration de
scène (coll. BnF-
BMO, s. d.)
774
Fig. 4.19
Ba-ta-clan (reprise)
Illustration de presse
(coll. BnF-ASP, 1856)
Fig. 4.20
Ba-ta-clan (Polka et valse pour piano)
Lithographie de Félix Nadar
(éd. Léon Escudier, s. d.)
775
Fig. 4.21
La Poudre de Perlinpinpin (1853)
Couverture de la publication (éd. Barbré, s.d.)
Fig. 4.22
La Poudre de Perlinpinpin (quadrille)
(éd. J. Meissonnier fils, s. d.)
776
Fig. 4.23
Les Eléphants de la pagode (1845)
Acte II, « Déjeuner »
(éd. Martinet, s. d.)
Fig. 4.24
Si j’étais roi (1852)
Dessin de Nadar
(L’Éclair, coll. BnF-BMO, s. d.)
Fig. 4.25
Jaguarita (1855)
Lithographie de Victor Coindre
(coll. BnF-BMO, ca. 1855)
777
Fig. 4.26 Fig. 4.27 (a)
Le Cheval de bronze (Théâtre de Lille) Le Cheval de bronze
Lithographie d’Alphonse Jacques Lévy (s. d.) (coll. BnF-BMO, s. d.)
778
Fig. 4.28 (a) Fig. 4.28 (b)
Le Cheval de bronze (éd. Vialat, 1854) Le Cheval de bronze (éd. Vialat, 1854)
Péki sur le cheval de bronze. Tao-Jin lève son voile.
779
Fig. 4.29 Fig. 4.30
Le Cheval de bronze (reprise, 1857) Le Cheval de bronze (reprise, 1857)
« La Victoire est à moi ». Lithographie de Victor Coindre (s. d.)
Dessiné par Marckl, gravé par Blanchard
(éd. Gellée, s. d.)
780
Fig. 4.31 (b)
Le Cheval de bronze (reprise, 1857)
Esquisse du décor, Acte III,
par Charles Cambon
781
Fig. 4.32 (a)
Le Cheval de bronze (reprise,
1857)
Maquette du décor, Acte I,
dessinée par Hugues Martin
782
Fig. 4.32 (d)
Le Cheval de bronze
(reprise, 1857)
Maquette du décor, Acte I,
dessinée par Hugues
Martin
Fig. 4.33
Le Cheval de bronze
Gravure, par Durand
Godefroy
(L’Illustration, 1857)
783
Fig. 4.34 (a) Fig. 4.34 (b)
Le Cheval de bronze (reprise, 1857) Le Cheval de bronze (reprise, 1857)
Ballet dames Habitante de la planète
784
Fig. 4.34 (e) Fig. 4.34 (f)
Le Cheval de bronze (reprise, 1857) Le Cheval de bronze (reprise, 1857)
Tchin-Kao, fermier Tao-jin, femme de Tsing-Sing
785
Fig. 4.35 Fig. 4.36 (a)
Femme tartare (s. d.) Le Cheval de bronze
Manuscrit de la mise en scène, s. d.,
signé Alexandre Lapissida
786
Fig. 4.37 (a)
Le Cheval de bronze
Dessin de danse par J. Hansen
(coll. BnF-BMO, s. d.)
787
Fig. 4.37 (d)
Le Cheval de bronze
Dessin de danse par J.
Hansen
(coll. BnF-BMO, s. d.)
788
Fig. 4.37 (g)
Le Cheval de bronze
Dessin de danse par J.
Hansen
(coll. BnF-BMO, s. d.)
789
Fig. 4.38 (a)
Le Carnaval de Venise (1857)
Acte II, gravure d’E. Riou
790
Fig. 4.39
Pékin la nuit (1858)
Affiche de l’Hippodrome (Impr. Rouchon)
791
Illustrations du chapitre V
Fig. 5.01
« En Chine. - Laisse-moi donc
tranquille avec ta danse des
anciens magots. »
(Le Charivari, 1859)
Fig. 5.02
Les Français en Chine
(Imagerie Pellerin, 1860)
792
Fig. 5.03 (a)
La Prise de Pékin (1861)
Esquisse de décor, par Charles Cambon
793
Fig. 5.03 (c)
La Prise de Pékin
(1861)
Esquisse de décor,
par Charles
Cambon
794
Fig. 5.04
La Prise de Pékin, « Enlèvement des forts de Takou, à la fin du 2e acte ».
Estampe, signée Frishon (L’Univers illustré, 1861)
795
Fig. 5.05 (b) Fig. 5.05 (c)
La Prise de Pékin (1861) La Prise de Pékin (1861)
Maquette du décor : Maquette du décor :
une place publique de la ville de Yen-Taï une place publique de la ville de Yen-Taï
796
Fig. 5.06
La Prise de Pékin
Couverture de la publication, illustrée par Polac (éd. Michel Lévy frères, 1861)
Fig. 5.07
La Prise de Pékin
Scène de l’Acte III, illustrée par L. Dumont (L’Illustration, 1861)
797
Fig. 5.08 (a)
Fête du 15 août. – Illumination chinoise de la place de la Concorde
Par J. Gaidrau (L’Illustration, 1858)
798
Fig. 5.09
Les Chinois au Châtelet
(éd. Morris, 1862)
Fig. 5.10
Les Mille et un songes (1861)
Esquisse de décor, par Henri Robecchi
799
Fig. 5.11 Fig. 5.12
Le Voyage en Chine (1865) Le Voyage en Chine (1865)
Affiche, par A. Barbizet « Le bateau à vapeur la Pintade »,
Esquisse de décor de l’Acte III, par Philippe Chaperon
800
Fig. 5.14
Fleur-de-thé,
valse pour le
piano.
Lithographie de
Cham. Imp.
Thierry frères.
(éd. G. Brandus
et S. Dufour,
s. d.)
Fig. 5.15
Fleur-de-thé (1868)
Caricature (coll. BnF-BMO)
801
Fig. 5.16
Fleur-de- thé (1868)
« Partition arrangée pour piano et théière »
Caricature (coll. BnF-ASP)
Fig. 5.17
Fleur-de-thé
« M. Gourdon et M.
Léonce »,
Dessiné par Théo (éd. Le
Théâtre illustré [Ex-Album
des théâtres], 1869)
802
Fig. 5.18 (a) Fig. 5.18 (b)
Fleur-de-thé (1868) Fleur-de-thé (1868)
Désiré dans le rôle de Tien-Tien Léonce dans le rôle de Ka-O-Lin
Dessin de Draner (coll. BnF-ASP) Dessin de Draner
803
Fig. 5.19 (a)
Fleur-de-thé (1868)
Désiré dans le rôle de Tien-Tien
Dessin de Draner (coll. BHVP)
804
Fig. 5.19 (c)
Fleur-de-thé (1868)
Tien-Tien et Ka-O-Lin
Dessin de Draner (coll. BHVP)
805
Fig. 5.20
Fleur-de-thé (1868)
« Grâce à la vigilance de ses deux ébouriffants gardiens » (coll. BnF-ASP, s. d.)
Fig. 5.21
Fleur-de-thé (1868)
« Très fort le thé de Charles Lecoq ! »
Par Clément (Le Charivari, 1868)
806
Fig. 5.22
Fleur-de-thé
Programme du Théâtre de l’Athénée (1868)
807
Fig. 5.23
Fleur-de-thé
Affiche (éd. G. Brandus et S. Dufour, ca. 1868)
808
Fig. 5.24
« Pour rendre hommage au public, les Chinois se font
friser le dernier jour [de l’Exposition universelle] »,
Par Cham (Le Charivari, 1878)
Fig. 5.25
Un souper à la maison d’or (1861)
Mademoiselle Anna, dans le rôle de Zizine
Par Bisson (éd. Charpentier et Fasquelle, 1909)
809
Fig. 5.26 (a)
Fleur de thé
Manuscrit de la mise en scène
Plan de scène, Acte I
(Coll. BHVP, s. d.)
810
Fig. 5.27 Fig. 5.28
Le Sire de Fisch Ton Kan (1870) L’Étoile (1877)
Affiche, par Longin Dessin de presse, par Félix Régamey (coll. BnF-ASP)
Fig. 5.29
L’Étoile (1877)
Lithographie, par Eugène Lamy (coll. BnF-Musique, 1878)
811
Fig. 5.30 (a)
L’Étoile
M. Daubray dans le rôle d’Ouf
(Coll. Médiathèque de
l’Architecture et du Patrimoine,
s. d.)
812
Fig. 5.31 Fig. 5.32
Grand Mogol (1877) Monsieur et Mesdames Tin-Tun-Ling
Bouchet dans le rôle d’un Chinois. Par Henri Meyer
Par Jean Fabre (coll. privée de Pierre Échinard) (Le Sifflet, 1875)
813
Fig. 5.33 (b)
Kosiki (1876)
Acte II. Dessin de G. Fraipont (coll. BnF-BMO, s. d.)
814
Fig. 5.36
Exhibition de la princesse et du prince chinois
Affiche (Imprimerie Rouchon, ca. 1857)
815
Fig. 5.37 (b) Fig. 5.38
Le géant chinois avec sa femme et le nain tartare Le géant chinois à l’Hippodrome
(L’Univers illustré, 1867) Par Bertall (L’Illustration, 1878)
816
Fig. 5.41 (a)
Une représentation au
Théâtre chinois, au
Champs de Mars.
Dessin de Jules Pelcoq
(L’Univers illustré, 1867)
817
Fig. 5.42
Ismaïloff en Chine
Affiche (Imp. E. Lévy, 1879)
818
Fig. 5.43
Ismaïloff en Chine
Dessin d’Adrien Marie (Le Monde illustré, 1879)
819
Illustrations du Chapitre VI
Fig. 6.02
Billet d’invitation pour Les Français au Tonkin,
Théâtre du Château-d’Eau, 1885
820
Fig. 6.03 (a)
Les Français au Tonkin
Distribution des personnages (Impr. Gaffré & Cie., 1885)
821
Fig. 6.03 (b)
Les Français au Tonkin
Affiche (Impr. Gaffré & Cie., 1885)
822
Fig. 6.04
La Prise de Pékin
Affiche (Impr. Émile Levy, 1892)
823
Fig. 6.05 (a) Fig. 6.05 (b)
Le Pi-Pa-Ki, ou l’Histoire du luth Le Pi-Pa-Ki, ou l’Histoire du luth
Gravure chinoise, reproduite par La Revue (1901) Gravure chinoise, reproduite par La Revue (1901)
824
Fig. 6.06 (a) Fig. 6.06 (b)
La Marchande de sourires (1888) La Marchande de sourires (1888)
Mlle Charton (dans le rôle de Tika) M. Laroche (dans le rôle d’Ivashita) et Mlle
Sanlaville (dans le rôle de Fleur-de-Roseau)
825
Fig. 6.07 (a) Fig. 6.07 (b)
Exposition coloniale, à Lyon (1894) Exposition coloniale, à Lyon (1894)
Affiche pour les « Villages Annamites » Le théâtre et le village annamites
par Tamagno Francisco Le Progrès Illustré (1894)
826
Fig. 6.08 (c) Fig. 6.08 (d)
Taï-Tsoung (1894) Taï-Tsoung (1894)
(Coll. Musée Guimet) (Coll. Musée Guimet)
827
Fig. 6.08 (g) Fig. 6.08 (h)
Taï-Tsoung (1894) Taï-Tsoung (1894)
(Coll. Musée Guimet) (Coll. Musée Guimet)
828
Fig. 6.08 (k) Fig. 6.08 (l)
Taï-Tsoung (1894) Taï-Tsoung (1894)
(Coll. Musée Guimet) (Coll. Musée Guimet)
829
ig. 6.08 (o) Fig. 6.08 (p)
Taï-Tsoung (1894) Taï-Tsoung (1894)
(Coll. Musée Guimet) (Coll. Musée Guimet)
830
Fig. 6.08 (s) Fig. 6.08 (t)
Taï-Tsoung (1894) Taï-Tsoung (1894)
(Coll. Musée Guimet) (Coll. Musée Guimet)
831
Fig. 6.08 (w) Fig. 6.08 (x)
Taï-Tsoung (1894) Taï-Tsoung (1894)
(Coll. Musée Guimet) (Coll. Musée Guimet)
832
Fig. 6.09
Corpait dans le rôle de l’empereur Taï-Tsoung
Dessin de L. Bourgeois (s. d.)
833
Fig. 6.10 (b)
L’Avare chinois (1908)
La mort de l’avare
834
Fig. 6.11 (a)
Fan-Sou (L’Universelle, 1900-1901)
835
Fig. 6.11 (d) Fig. 6.11 (e)
Fan-Sou (L’Universelle, 1900-1901) Fan-Sou (L’Universelle, 1900-1901)
Madame Han Fan-Sou donne à Si-Man la lettre de Tshong
836
Fig. 6.13 (a)
Les Yeux fermés
(Figaro illustré, 1895)
837
Fig. 6.14 Fig. 6.15 (a)
Le Voile du bonheur Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911)
(éd. Eugène Fasquelle, 1901) Jean-Alexis Perier (rôle de Tchang-I)
838
Fig. 6.15 (d), (e), (f)
Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911)
Jean-Alexis Perier (rôle de Tchang-I)
839
Fig. 6.16 (a)
Le Voile du bonheur (1910)
Film d’Albert Capellani. Affiche illustrée par Atelier Faria.
840
Fig. 6.16 (b)
Le Voile du bonheur (1923)
Film d’Édouard-Émile Violet.
Photographies publiées dans Le Théâtre
(1923).
841
Fig. 6.17 (e)
La Vieille revue (1903)
Mlle Zambelli (rôle de Daïta)
842
Fig. 6.19 (a)
La Troisième Lune
Acte I. Photographie de Boyer (Le Monde illustré, 1904)
843
Fig. 6.19 (c) La Troisième Lune
Mlle Jeanne Thomassin (rôle de Si-Si)
Photographie de Reutlinger (Le Théâtre,
1904) Fig. 6.19 (e) La Troisième Lune, Acte II.
M. Louis Gauthier (rôle de Yeen) et Mlle Thomassin
Photographie de Boyer (Le Théâtre, 1904)
844
Fig. 6.19 (f) La Troisième Lune Fig. 6.19 (g) La Troisième Lune
Mlle Jeanne Thomassin (rôle de Si-Si) Mlle Marthe Régnier (rôle de Ly)
Photographie de Reutlinger (Le Théâtre, 1904) Photographie de Reutlinger (Le Théâtre, 1904)
845
Fig. 6.19 (i) La Troisième Lune
Acte III. Photographie de Boyer (Le Théâtre, 1904)
Fig. 6.19 (j) La Troisième Lune Fig. 6.19 (k) La Troisième Lune
Mlle Harlay (rôle d’Océan-de-Jade) Mlle J. Bernou (rôle d’Hirondelle)
Photographie de Reutlinger Photographie d’Ogereau (Le Théâtre, 1904)
(Le Théâtre, 1904)
846
Fig. 6.19 (l)
La Troisième Lune, Acte III.
Si-Si (Mlle J. Thomassin), Cœur d’Artichaut (Mlle Lebrec), Œil-qui-voit-tout (Mme Daynes-Grassot),
Kikao (M. Derval), Ly (Mlle M. Régnier), Fou-Pang (M. Baron fils)
(Le Théâtre, 1904)
847
Fig. 6.19 (m)
La Troisième Lune, Acte I.
Œil-qui-voit-tout (Mme Daynes-Grassot), Kung-Seng (M. Lérand), Ly (Mlle M. Régnier), Wang (M.
Prika), Mme Wang (Mme Bl. Méry). Photographie de P. Boyer. Décor de M. Amable.
(Le Théâtre, 1904)
848
Fig. 6.20
Les Alliés en Chine (1901)
Affiche, par Louis Galice
849
Fig. 6.22 (a)
Le Duel. Acte I, scène 1.
Photographie de H. Rudaux (L’Illustration théâtrale, 1905)
850
Fig. 6.22 (c) Le Duel Fig. 6.23 (a)
Acte I, scène 3. Photographie de Mathieu-Dereoche Le Chat et le Chérubin
(L’Illustration théâtrale, 1905) M. Lérand, rôle de Chim-Fang
(Le Théâtre, 1902)
851
Fig. 6.23 (c) Le Chat et le Chérubin Fig. 6.23 (d) Le Chat et le Chérubin
Docteur Wing Shée déchiffre le « Livre du destin » Wing Shée soutient invisiblement le cadavre de
(Le Théâtre, 1902) Chim-Fang (Le Théâtre, 1902)
Fig. 6.24
Divorçons ! (reprise, 1896)
Acte II. Photographie de Boyer (Le Théâtre, 1900)
852
Fig. 6.25 (a) Les Filles Jackson et Cie
Danseuse chinoise, danseuse cambodgienne
Dessins de M. Marcel (La Revue théâtrale, 1905)
853
Fig. 6.26 (a) La Burgonde (1898) Fig. 6.26 (b) La Burgonde (1898)
Femme asiatique, dessin de Charles Bianchini Chinoise, dessin de Charles Bianchini
(coll. BnF-BMO) (coll. BnF-BMO)
Fig. 6.26 (c) La Burgonde Fig. 6.27 Comédien dans un rôle de femme
Mlle L. Piron et Mlle Rachel Metzger Imp. Litho. de Mlle Formentin
Photographie de Mairet (Le Théâtre, 1898) (éd. Firmin-Didot, 1825-1827)
854
Fig. 6.28 L’Île du rêve
Dessin de M. Parys (Le Monde illustré, 1898)
855
856
Index des illustrations
857
Fleur-de-thé 5.14, 5.15, 5.16, 5.17, 5.18(a)-(d), Pi-Pa-Ki (Le), ou l’Histoire du luth 6.05(a)-(d)
5.19(a)-(c), 5.20, 5.21, 5.22, 5.23, 5.26(a)- Potier (acteur) 2.23
(c) Poudre de Perlinpinpin (La) 4.21, 4.22
Français au Tonkin (Les) 6.02, 6.03(a)-(b) Princesse de la Chine (La) 1.29
Prise de Pékin (La) (1861) 5.03(a)-(e), 5.04,
G 5.05, 5.06, 5.07
Grand Mogol (Le) 5.31 Prise de Pékin (La) (1892) 6.04
Gustave III, ou le Bal masqué 3.13 Prise de Pékin (La) (ombres chinoises)
6.21(a)-(b)
I
Île du rêve (L’) 6.28 R
Indes galantes (Les) 1.23(a)-(b) Reine du Barostan (La) 1.30
Ismaïloff en Chine 5.42, 5.43 Roland 1.01, 1.02
Roland (reprise 1778) 1.03(a)-(b)
J
Jaguarita 4.25 S
Jongleur et Mandarin 4.01 Scythes (Les) 2.19
Si j’étais roi 4.24
K Sire de Fisch Ton Kan (Le) 5.27
Kosiki 5.33(a)-(b)
T
L Taï-Tsoung 6.08(a)-(z), 6.09
Laboureur chinois (Le) 2.16, 2.17(a)-(c) Tarare 1.34
Laboureur (Dauphin français) 2.02 Tartare (costumes) 1.17(b), 4.35
Lampe merveilleuse (La) 2.21(a)-(b) Transmigrations de Yo-Tchéou (Les) 6.12(a)-
(b)
M Troisième Lune (La) 6.19(a)-(m)
Mademoiselle Dangeville 3.21, 3.22 Turc (costumes) 2.18
Marchande de sourires (La) 6.06(a)-(c)
Micromégas 4.02 U
Mille et un songes (Les) 5.10 Un souper à la maison d’or 5.25
Mille et une nuits (Les) (contes) 2.22(a)-(b)
Mille et une nuits (Les) (féerie) 4.03 V
Vieille revue (La) 6.17(a)-(e)
O Voile du bonheur (Le) (cinéma) 6.16(a)-(b)
Odalisques de Ka-Ka-O (Les) 4.05 Voile du bonheur (Le) (théâtre) 6.14, 6.15(a)-
Orphelin de la Chine (L’) 1.31, 1.32(a)-(b), (h)
1.33, 1.35(a)-(b), 1.37(a)-(b), 1.38, 1.39, Voyage en Chine (Le) 5.11, 5.12, 5.13(a)-(c)
1.40(a)-(c), 1.41, 1.42, 1.43, 1.44, 1.45,
1.46, 2.03, 2.04(a)-(b), 2.06, 2.07(a)-(d), Y
2.08(a)-(b), 2.09(a)-(b), 2.10, 2.11 Yeux fermés (Les) 6.13(a)-(b)
P Z
Pavillons-Noirs (récit) 6.01(a)-(b) Zazézizozu 3.12(a)-(b)
Pékin la nuit 4.39
858
Index des titres des spectacles
859
Chik-Kan-Fo 283 Combat pour le sol (Le) 367
Chine à Paris (La) (Variétés) 209-210, 287, Comte de Morcerf (Le) 235
350, 397 Concert chinois (Jullien) 184
Chine à Paris (La), ou les Chinois (Porte Conquête de la Chine (La) 174
Saint-Martin) 211-216, 253, 350, 397 Conquête du Mogol par Thamas Kouli-Kan
Chinese Must Go (The) 381 (La) 102
Chinois (Alas-Kas) 390 Conscrits de Fiche-ton-camp (Les) 333-334
Chinois (Ar-Hee, ou Arrhi) 206 Corsaire de Salé (Le) 39
Chinois (Ar-Hee et Ar-Sam) 272 Coulouf 94
Chinois (Ching-Fou-Young) 303 Course au plaisir (La) 222-223
Chinois (Chung Ataï et Yung-Achoy) 206 Couteaux chinois (Les) 220
Chinois (Ching-Ling-Foo) 390 Couvent du dragon vert (Le) 225, 298-301,
Chinois (Chung Ling Soo) 216, 390 348
Chinois (Exposition universelle de 1867) Crapauds immortels (Les) 222
308-309
Chinois (Fo-Hi) 209 D
Chinois (géant Chang) 303-304 Dago 76n
Chinois (Hippodrome) 216-219, 231 Danseurs anglais et chinois 183
Chinois (Ling-Look) 216, 305-307 Dansomanie (La) 121
Chinois (Lyon) 219-220 Débordement de Yang-Tsu-Kiang (Le) 293
Chinois (Mo-Gul-Tar-Tar) 309 Demi-monde (Le) 235
Chinois (nain) 302-303 De Paris en Chine, ou Je ne suis pas Tissier
Chinois (Rose de Nankin) 207-209, 223, 242, 268-269
307 Deux magots (Les), ou un bal de carnaval
Chinois (Sam-Hung) 305 233
Chinois (Sam-Sam) 390 Deux magots de la Chine (Les) 76-80, 85,
Chinois (Tchay-Chow-Bing, ou Tay-Chom- 109, 117-118, 128, 137, 150, 153, 190, 394
Beng) 350, 390-391 Deux porteurs de chaise (Les) 24
Chinois (To-Kul) 390 Dgenguiz-Kan, ou La conquête de la Chine
Chinois (Théâtre Thomas Holden) 302 49, 129, 140-147, 151, 152, 158, 160, 165,
Chinois (Le) (feux d’artifice) 33, 241 175, 190, 205, 254, 325
Chinois (Le, ou Les) (François et Paul) 390 Diable boiteux (Le) 181
Chinois (Le, ou Les) (les Franconi) 31, 172- Disparu !!! 384
173 Divorce (Le) 24-25, 147
Chinois (Le) (Opéra) 123-125 Divorçons ! 384
Chinois (Les) (Bertrand et Selles) 36 Docteur Kakao (Le) 201
Chinois (Les) (Regnard) 21, 25-27, 31, 40, Dom Thomas, martyr japonais 291n
78, 91, 102, 191 Don Quichotte chez la Duchesse 37, 291n
Chinois au Châtelet (Les) 263 Dormeur éveillé (Le) (Anseaume) 94
Chinois de Vaugirard (Le) 283-284 Dormeur éveillé (Le) (Marmontel) 94
Chinois (Les), ou Amour et Nature 61-64, 80, Dragon vert (Le) 348-351, 391
81, 108, 127 Drame en musique pour servir d’introduction
Chinois (Les), ou Les Chinois de retour 31, à un ballet chinois (Le Cinesi) 54
32, 41, 42-44, 86, 89, 99 Du Champagne à Pékin 178, 234
Chinois poli en France (Le) 41, 42-44, 169, Duel (Le) 380-381
234
Chinoise (La) (Exposition universelle) 391 E
Chinoiseries de l’année (Les) 332 Eldorado 390
Cimetière du Parnasse (Le), ou Tippo malade Éléphant du Roi de Siam (L’) 173
87n Éléphants de la pagode (Les) 234
Ci-devant jeune femme (La) 77 En avant les Chinois ! 224-226, 266, 303
Cinese rimpatriato (Il) 41-44 En Chine 333
Clochette (La), ou le Diable page 108-109, Entrée de l’ambassadeur de la Chine (L’) 35
357 Entrée en France de Don Quichotte de la
Combat de Palikao (Le) 261 Manche (L’) 21
860
Épisodes de la Guerre au Tonkin 318, 329- Frontin dans l’île de Macao 56
332
Ernelinde, princesse de Norvège 35 G
Étoile (L’) 282-283 Gage d’amour (Le) 369
Excelsior 387 Gardes du Roi de Siam (Les) 234
Geisha (The) 375n
F Gendre de M. Poirier (Le) 235
Fan-Sou, ou les Intrigues d’une soubrette Généreux mandarin (Le) 264
361, 362-363 Généreux Tartare (Le) 53
Fantasio 268 Gengis Kan (Châlons-sur-Marne) 54
Fausses confidences (Les) 76n Gengis-Kan (Délassements-Comiques) 68
Fausse coquette (La) 24 Gengiskan, ou L’Aimable Tartare 45, 118-
Femmes colères (Les) 78 121, 127, 190
Fête chinoise (La) (Colisée) 35 Gengis-Kan, ou La Conquête de la Chine
Fête chinoise (La) (ombres chinoises) 379 (ombres chinoises) 67
Fête de l’agriculture à la Chine (La) 80-81 Giselle 258
Fête lunéraire dans la ville de Nanchand (La), Grand Mogol (Le) 288
en Chine 122 Grands et les Petits (Les) 199
Fêtes chinoises (Les) (Noverre) 34 Grivois la Malice, ou la Flûte du Grand Mogol
Fiancée du Tonkin (La) 333 102
Fich-Ton-Kan (Charles Girrebeuk) 281 Guerre d’Orient (La) 201
Fich-Tong-Kan à Louis-Philippe, roi Guerrière du pays de Hou (La) 292-293
infiniment cher 170 Guillaume Tell 132
Fich-Tong-Kang (acclamation chinoise) 170 Gulistan, ou le Hulla de Samarcande 94
Fich-Tong-Khan, ou l’Orphelin de la Tartarie Gustave III, ou Le Bal masqué 157
168-171, 185, 190, 192, 198, 244, 260, 396
Fiche Ton Kin 333 H
Fille Angot jusqu’en Chine (La) 286 Han Koong Tsew, or the Sorrows of Han 130
Fille de Madame Angot (La) 286 Hanneton du Japon (Le) 291
Fille du ciel (La) 389 Héraclius 54
Filles Jackson et Cie (Les) 385 Héros chinois (Le) (L’Eroe cinese) 54, 98
Fils de Giboyer (Le) 268 Ho-han-chan, ou la Tunique confrontée 359
Fisch Ton Kan (Paul Verlaine) 170, 236, Ho-lang-tan, ou la Chanteuse 340-341, 361
281-282 Hoeï-lan-ki, ou L’Histoire du cercle de craie
Fleur-de-Thé 273-281, 284, 291, 323, 347, 14, 58, 115, 129
373, 398 Homme-mouche (L’) 199
Fleur-de-thé (valse) 276 Huguenots (Les) 231
Fleur enlevée (La) 348, 351-353, 398
Foire de Guibray (La) 27 I
Foire Saint-Germain (La) (Dancourt) 24 Île de Ka-Ka-O (L’) 203
Foire Saint-Germain (La) (Regnard) 23, 336 Île de Nénuphar (L’) 373
Folie chinoise (La), ou Kokoli à Capra 89-93 Île du rêve (L’) 351, 388-389
Folies de Cardenio (Les) 27, 29 Illusion comique (L’) 22, 266
Fou-Yo-Po (Palais-Royal) 203-205, 212, 232, Impératrice de la Chine (L’) 189
237, 260, 263, 276, 286, 347, 350 Incommodités de la grandeur (Les) 94
Fou-Yo-Po (Alcazar d’été) 283 Indes dansantes (Les) 30, 32
Français à Pékin (Les) 378 Indes galantes (Les) 29-31, 87, 100, 165
Français à Pé-king (Les) 271-272 Infortunes de Jovial (Les), huissier-
Français au Dahomey (Les) 331 chansonnier 234
Français au Tonkin (Les) 318, 323-329, 397 Inondation (L’) 293
Français devant Pékin (Les) 263 Inondé du Midi (L’) 293
Français en Chine (Les) (Eugène Moniot) Ismaïloff en Chine 310-312
271 Isménor 35
Français en Chine (Les) (Invalides) 261 Isle des nains (L’) 123
Français en Chine (Les) (quadrille) 263 Issé 29
861
Italie galante (L’) 29 Magnétisme en Chine (Le), ou Une révolution
dans l’autre monde 228-229
J Magot 76n
J’invite le colonel ! 270 Magot (Le) (Victorien Sardou) 234
Jaguarita, l’Indienne 234-235, 263 Magot de la Chine (Le) (Dancourt) 64-66, 76
Jammabos (Les), ou les moines japonais Magot de la Chine (Le) (Gymnase enfantin)
291n 174
Japonais (Sada Yacco) 373 Magot de Jacqueline (Le) 234
Japonais (Takan) 301 Magots (Les) 53, 76, 128
Japonais (Yeddo) 301 Maison de campagne (La) 24
Japonaise (La) 291 Mandarin (Le) (Moline) 44-45, 67
Jardins chinois (Les) 32 Mandarin (Le) (Pensionnat, à Lyon) 264
Je reviens du Tonkin 333 Mandarin Chi-han-li (Le), ou le Chinois de
Jeu de l’amour et du hasard (Le) 76n paravent 191-192, 284
Jeune Chinoise ou le Français en Chine (La) Mandarin Hoang-pouf (Le), ou l’Horoscope
45 25, 116-118, 137
Jeune Vieillard (Le) 39 Mandarin Lich-Tout-Lié (Le) (Tulus ou Lull)
Jeux chinois (Les) 183 390
Jongleur et Mandarin 185-187 Marchande de sourires (La) 339-341, 353,
Jongleurs chinois (Les) 222 357, 361, 380n
Joyeuses commères de Windsor (Les) 22 Mariage chinois (Le) (Théâtre de M. Comte)
183
K Mariage de l’Océan et de la Terre (Le) 136-
Kin-ki-na, ou Les Amours de Kin-kan-pois, ou 137
Kokoriko 286 Mariage de raison (Le) 108
Kokoli, ou le Chien et le Chat 89n, 90 Mascarade du roi de la Chine 27
Kokoly, ou le Chien et le Chat 89n, 90, 91 Matrone chinoise (La), ou L’Épreuve ridicule
Kosiki 300-301 55-56, 89, 117
Koukourgi 88 Mémorial de Sainte-Hélène (Le) 229
Koulikan, chef des Tartares 102-103 Me-Na-Ka 374
Koulikan, ou les Tartares 59, 97, 101-108, Mendiants chinois (Les) 33
148, 152, 395, 400 Menteur (Le) 76n
Koulouf, ou les Chinois 31, 59, 93-101, 122, Méprise de Pékin (La) 262
128, 146, 173, 185, 395 Mère Moreau (La) 223-224
Métamorphoses chinoises (Les) 34
L Micromégas, ou Gare l’Enfer 187-188
Laboureur chinois (Le) 76, 80-87, 107, 133, Mille et un songes (Les) 113, 265-267, 286
137, 145-146, 343-344, 394 Mille et une nuits (Les) 129, 187, 189-191,
Lakmé 336, 388 369
Lao-seng-éul 109-110, 115, 139-140, 357 Momie 35
Lampe merveilleuse (La) (Gaîté) 108 Monsieur Crédule 116
Lampe merveilleuse (La) (Panorama- Mort au Tonkin 332
Dramatique) 113-115, 190
Lekain à Draguignan 70, 151, 167-168 N
Li-Tsin (chœur chinois) 335 Nadir, ou Thamas-Koulikan 102
Lis du Japon (Le) 291 Nains grotesques (Les) 303
Loterie (La) 24 Naufrage au Port-à-l’Anglois (Le), ou les
Lucrèce Borgia 146n Nouvelles débarquées 40
Noce chinoise (La) 123
M Noces chinoises (Les) 32
Madame Angot au sérail de Constantinople Noces du Japon (Les) 291n
61 Nuit chinoise (La) 338-339, 361, 362, 363
Mademoiselle Dangeville 51, 70, 165-167 Nuit des rois (La) 22
862
Odalisque (L’) 152 Petite Tonkinoise (La) (Lebreton et Beissier)
Odalisques (Les) 200 333
Odalisques de Ka-Ka-O (Les) 200-203, 204, Petits Chinois (Les) (Lheman, Montée et
318, 321 Fernando) 303
Odalisques pour rire (Les) 200 Petits mandarins (Les) 385n
Ombres chinoises (Les) 174 Petits pieds (Les) 376
Opérateur Barry (L’) 24 Phénix (Le) 24
Opérateur chinois (L’) 32-33 Pied de bœuf et la queue de chat (Le) 122-
Opérateur chinois (L’), ou le père respecté 123
32 Pied de mouton (Le) 122
Opium et le Champagne (L’), ou la Guerre de Pierrot marquis 193
Chine 179-182, 192, 227, 237, 253, 261, Pierrot posthume 292
275, 284, 325, 397 Pi-Pa-Ki (Le), ou l’Histoire du luth 336-338,
Oracolo (L’) 381 353
Orphelin de la Chine (L’) (Auguste Jouhaud) Plat du jour (Le) 224
187-189 Plus de Mandarins, ou la Chine sauvée 45,
Orphelin de la Chine (L’) (Henri Dupin) 272 66-67
Orphelin de la Chine (L’) (Vauxhall) 54 Poudre de Perlinpinpin (La) 234
Orphelin de la Chine (L’) (Voltaire) 12, 13, Prince de Cathay (Le) 23
14, 21, 37, 48-55, 60, 63, 67, 68-76, 81, 89, Princesse de Carisme (La) 39
91, 97, 101, 102, 105, 109, 116, 119, 125, Princesse de la Chine (La) (Lesage) 38-39,
128, 129, 130, 141-142, 151, 165-168, 169, 93, 101, 191, 353
174, 188, 193, 291, 354, 357, 380n, 392, Princesse jaune (La) 284, 291, 297
395 Prise de Pékin (La) (Adolphe Dennery) 49,
Ours et le Pacha (L’) 169 242, 247-260, 261-263, 265-266, 273, 283,
289, 325, 331-332, 372, 397, 399
P Prise de Pékin (La) (ombres chinoises) 379
Papa la Vertu 384 Prophète de la Chine (Le) 122
Pagode enchantée (La) 192-193 Protocoleries de l’année (Les) 386
Paix (La) 88n Prude (La) 76n
Paladins (Les) 31 Prunes et Chinois 224
Panurge dans l’Ile des lanternes 31-32, 46,
135 Q
Paris-Pékin 386 Quatre parties du monde (Les) 197-198
Paris à Pékin, ou La Clochette de l’Opéra- Question d’Orient (La) 201
Comique 37, 110-113, 119, 127, 200, 225, Queue du diable (La) 122
266 Quinze août en Chine (Le) 260-262
Paris en Chine 221-222, 397
Partage de Midi 364, 367, 392 R
Pattes de mouche (Les) 268 Rage d’amour (La) 23
Pavillon chinois (Le) 193 Ramier blanc (Le) 294-297, 336, 339, 353,
Pavillons noirs (Les), ou la Guerre de Ton-kin 361, 363
277, 318-323, 326 Reine du Barostan (La) 39
Pearl of Pekin (The) 277 Reine des Péris (La) 29
Pêche de Vulcain (La), ou l’Île des Fleuves Relâche pour la répétition générale de
123 Fernand Cortez, ou le Grand opéra en
Peh-Li-Kan 282 province 89
Pékin à Bataclan 233 Rensi, ou les frères japonais 291n
Pékin la nuit 241-242 Repos du septième jour (Le) 364-367
Péril jaune (Théâtre Royale) 380 Retour de la Chine de François Gabouzot,
Péril jaune (Le) (Concert Brunin et Concert de futur Caporal dans un régiment de ligne
la Poste) 380 203
Péril jaune (Le) (Vaudeville) 380 Rêve du millet jaune (Le) 369
Perruquier et le Coiffeur (Le) 119 Revue de Li-Ongchamps (La) 386
Petite Tonkinoise (La) (Henri Christiné) 385 Revue Rosse (La) 385-386
863
Ricco 94 Trois cousines (Les) 42
Roi de Tonquin (Le) 54-55 Trois magots (Les) 233
Roland (Quinault) 23, 24, 38 Troisième lune (La) 374-375, 398
Roland (Marmontel) 23 Troubadours (Les) 29
Romans (Les) 29 Tulikan 123, 126-127
Tulican, ou les Tartares 125-126
S Tunique merveilleuse (La) 357, 359-361
Sacrifice indien (Le) 132 Turandot (Gozzi) 49, 353-357
San Toy 375n Turandot (Puccini) 299, 355, 392
Schahabaham II 118 Turandot, Princesse de Chine (Charles
Scythes (Les) 59, 106-108 Raymond) 39, 355-357, 392
Siège du clocher (Le) 88n Turcos en Cochinchine (Les) 283
Si j’étais roi 234
Sin 399
Sire de Fisch Ton Kan (Le) 281 U
Si-siang-ki, ou L’Histoire du pavillon Un Chinois sous le grillage 283
d’Occident 295-296, 363 Un combat d’éléphants 291
Sphinx (Le) 292 Un concert à Pékin 183-184, 186
Statue merveilleuse (La) 39 Un grand jour à Houpé 289-290
Superstitieux (Les) 47-48 Un mariage en Chine 287-288
Suréna 54 Un souper à la maison d’or 279
Un voyage en Chine 194-195, 202
T Une fête à Pékin 309
Taï-Tsoung 342-346, 400 Une reprise perdue 297-298
Tambour nocturne (Le), ou le Mari devin 24 Une semaine à Londres, ou les Trains de
Tamerlan 81 plaisirs 195-197, 397
Tarare 52
Tarare régnant 53-54 V
Tartares (Les) 32 V’la le mandarin 386
Tartares convertis (Les) 22 Vaucochard et Fils 1er 282
Tchao-chi cou-eulh, ou L’Orphelin de la Vieille revue (La) 373-374
maison de Tchao (De Prémare) 46, 58, Voilà ce qui vient de paraître 223
110n, 129, 130, 338, 363, 392 Voile du bonheur (Le) 370-373
Tchao-chi-kou-eul, ou L’Orphelin de la Chine Voltige du petit Chinois (Le) (Leguay) 303
(Stanislas Julien) 50, 70, 132, 137, 395 Voyage de Tchong-Li (Le) 399
Tchao-meï-hiang, ou les Intrigues d’une Voyage en Chine (Le) (Labiche) 238, 265,
soubrette 14, 71n, 293-297, 339, 351, 361, 269-271, 273, 397
362, 363 Voyageurs pour l’Exposition (Les) 267
Tchao, ou les marché aux femmes 54
Tékéli 90 Y
Télésis 48, 91 Yedda 312
Thsien-Niu-li-hoen, ou Le Mal d’amour 368 Yeux clos (Les) 370-371
Tie-khouaï-li, ou La Transmigration de Yo- Yeux fermés (Les) 370
Tchéou 368 Yo-You, ou les deux frères siamois 302
Tigre (Le) 284-286
Tonkinoises (Les) 333 Z
Tour Saint-Jacques (La) 235 Zazézizozu, ou les Échecs, les Cartes et les
Tout Paris la verra 276 Dominos 155-157, 189, 198
Tout Paris y passera 197 Zeit-Naz-Bé, ou les Jeux en action 171
Transmigrations de Yo-Tchéou (Les) 368- Zima, prince japonais 291n
369
864
TABLE DES ILLUSTRATIONS
865
1.31 Mlle Clairon dans le rôle d’Idamé (ca. 1773), par Jean-Baptiste Leprince. ..................................711
1.32 (a) Mlle Clairon dans le rôle d’Idamé (éd. 1778-1787), par Clerc et Dupin. .....................................711
1.32 (b) Mlle Clairon dans le rôle d’Idamé (éd. 1779), par Clerc et Dupin. ..............................................712
1.33 L’Orphelin de la Chine (1755). Costume de Gengis-Khan, par Louis-René Boquet .....................712
1.34 Tarare (1787). Costume de Tartare. ............................................................................................712
1.35 (a) Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (éd. 1770-1788), par Whirsker .............................................713
1.35 (b) Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (éd. 1770-1788), par Fesch et Whirsker ...............................713
1.36 Mascarade turque donné à Rome (1748). Ambassadeur de la Chine. ...........................................713
1.37 (a) Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (1769), par Simon-Bernard Lenoir. ......................................714
1.37 (b) Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (1777), par Simon-Bernard Lenoir .......................................714
1.38 Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (1765), par F.-A. Castelle et Pierre-Charles Levesque .........714
1.39 Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (s. d.), par un peintre anonyme. ...........................................714
1.40 (a) Lekain dans le rôle de Gengis-Khan, gravure de J.-B. Michel, d’après J.-H. Huquier fils..............715
1.40 (b) Lekain dans le rôle de Gengis-Khan, gravure de Gravure d’Elluin, d’après J. Berteaux................715
1.40 (c) Lekain dans le rôle de Gengis-Khan, gravure de Gravure d’Elluin, d’après J. Berteaux (détail)....715
1.41 Lekain dans le rôle de Gengis-Khan (1755-1774), par Alexandre Roslin......................................716
1.42 Larive dans le rôle de Gengis-Khan (ca. 1790), par Joseph-Marie Vien .......................................716
1.43 L’Orphelin de la Chine (1755). Gravure de Joseph De Longueil, d’après Gravelot ......................717
1.44 L’Orphelin de la Chine (1755). Gravure de François Nicolas Martinet.........................................718
1.45 L’Orphelin de la Chine (1755). Gravure d’Alexander Bannerman ...............................................719
1.46 L’Orfano della China (1790) ......................................................................................................720
866
2.17 (a) Le Laboureur chinois (1813). Costumes de Yon-Chin, Kan-Si et Nida. . ....................................733
2.17 (b) Le Laboureur chinois (1813). Costumes de Falzé, Zao et Lanoir [Zamti]. ..................................734
2.17 (c) Le Laboureur chinois (1813). Costumes de [Kan-Si, mandarin et] Nida .....................................734
2.18 Esclaves turcs (costumes de ballet)............................................................................................735
2.19 Les Scythes (1767) (éd. s. d.).....................................................................................................735
2.20 La Clochette, ou le Diable page (1817) (éd. Martinet). .............................................................736
2.21 (a) La Lampe merveilleuse (1822). Décoration par Gué. ..................................................................737
2.21 (b) La Lampe merveilleuse (1822). Décoration par Cicéri................................................................737
2.22 (a) Les Mille et une nuits des familles (éd. 1869). Aladin et les marchands du marché. ....................738
2.22 (b) Les Mille et une nuits des familles (éd. 1869). Aladin et sa mère. ...............................................738
2.23 Potier jouant le Chinois.............................................................................................................739
867
3.15 La Chatte métamorphosée en femme (1837). Portrait de Fanny Elssler........................................754
3.16 (a) La Chatte métamorphosée en femme (1837). Fanny Essler (rôle de la princesse) (éd. Martinet)...754
3.16 (b) La Chatte métamorphosée en femme (1837). Maria (rôle d’un page) (éd. Martinet). ...................754
3.16 (c) La Chatte métamorphosée en femme (1837). La danseuse Thérèse Essler (éd. Martinet). ............754
3.17 La Chatte métamorphosée en femme (1837). Adda [Kié-Li], Page, danseuse chatte. ...................755
3.18 (a) La Chatte métamorphosée en femme. Tigre de guerre, par Paul Lormier (1837)..........................755
3.18 (b) La Chatte métamorphosée en femme. Soldats porte-lance, par Paul Lormier (1837)....................755
3.18 (c) La Chatte métamorphosée en femme. Archer, par Paul Lormier (1837).......................................756
3.18 (d) La Chatte métamorphosée en femme. Garde impérial, par Paul Lormier (1837)..........................756
3.18 (e) La Chatte métamorphosée en femme. Magot, par Paul Lormier (1837). ......................................756
3.18 (f) La Chatte métamorphosée en femme. Page de l’empereur, par Paul Lormier (1837)....................756
3.18 (g) La Chatte métamorphosée en femme. Page de l’empereur, par Paul Lormier (1837) ...................757
3.18 (h) La Chatte métamorphosée en femme. Dame d’honneur de la princesse .......................................757
3.18 (i) La Chatte métamorphosée en femme. Dame d’honneur de la princesse........................................757
3.18 (j) La Chatte métamorphosée en femme. Dame chinoise, par Paul Lormier (1837) ...........................757
3.18 (k) La Chatte métamorphosée en femme. Mandarin, par Paul Lormier (1837) ..................................758
3.18 (l) La Chatte métamorphosée en femme. Femme du peuple, par Paul Lormier (1837).......................758
3.18 (m) La Chatte métamorphosée en femme. Femme du peuple, par Paul Lormier (1837).....................758
3.18 (n) La Chatte métamorphosée en femme. Pas comique, par Paul Lormier (1837)..............................758
3.18 (o) La Chatte métamorphosée en femme. Kiang-ssé-long, par Paul Lormier (1837)..........................759
3.18 (p) La Chatte métamorphosée en femme. Empereur, par Paul Lormier (1837) ..................................759
3.18 (q) La Chatte métamorphosée en femme. Dame chinoise, par Paul Lormier (1837) ..........................759
3.18 (r) La Chatte métamorphosée en femme. Maquette pour les accessoires ..........................................759
3.18 (s) La Chatte métamorphosée en femme. Maquette pour les accessoires ..........................................759
3.18 (t) La Chatte métamorphosée en femme. Maquette pour les accessoires ..........................................760
3.18 (u) La Chatte métamorphosée en femme. Maquette pour les accessoires .........................................760
3.19 Fantassin, nommé Tigre de guerre, La Chine, mœurs, usages, costumes (éd. 1825-1827) ............760
3.20 Mandarin chinois, Chine ou Description historique (éd. 1839)....................................................760
3.21 Mademoiselle Dangeville (1838). Tching-Ka, la nourrice et la marquise de Nesles ....................761
3.22 Mademoiselle Dangeville (1838). Tching-Ka (éd. Martinet). ......................................................761
3.23 (a) L’Eléphant du Roi du Siam (1829). Première scène, lithographie de Frey (s. d.)..........................762
3.23 (b) L’Eléphant du Roi du Siam (1829). Deuxième scène, lithographie de Frey (s. d.)........................762
3.24 Paul Franconi en Chinois sur son cheval (s. d.)...........................................................................763
3.25 (a) Trois Chinois sur un cheval, lithographie de Pascal (s. d.) ..........................................................763
3.25 (b) Les deux Chinois, Paul et Émile du Cirque national (éd. Gramain).............................................763
3.26 Equilibristes chinois sur des échelles, lithographie de A. Leroy. .................................................764
3.27 Pantins. Danseurs Chinois et Turcs (éd. 1854). ...........................................................................764
868
4.07 La Rose de Nan-king, troupe chinoise (éd. Martinet, 1851).........................................................769
4.08 (a) Les Chinois aux Variétés (Le Charivari, 1851). Les Chinois à leur hôtel. ..................................770
4.08 (b) Les Chinois aux Variétés (Le Charivari, 1851). Aux Variétés. ...................................................770
4.08 (c) Les Chinois aux Variétés (Le Charivari, 1851). Toujours aux Variétés.......................................770
4.09 Théâtre de la Porte Saint-Martin. La Chine à Paris : la cible vivante (L’Illustration, 1854) .........770
4.10 Les vrais Chinois, à l’Hippodrome (affiche, 1854)......................................................................771
4.11 (a) Les vrais Chinois, à l’Hippodrome (Le Journal pour rire, 1854) ................................................771
4.11 (b) Les vrais Chinois ou les chinois de la mère Moreau (Le Journal pour rire, 1854).......................771
4.12 La Chine à Lyon. Jongleurs chinois (éd. Brunet-Fonville et Bonnaviat, ca. 1854)........................772
4.13 Réception d’un Chinois de la Chine (Le Journal pour rire, 1854) ...............................................772
4.14 Les Jongleurs chinois, quadrille pour piano (éd. 1859) ...............................................................773
4.15 En avant les Chinois ! (1858). Scène de séduction (éd. A. Bourdilliat, 1859)...............................773
4.16 As-tu vu la comète, mon gars ? (1858). Frontispice (éd. Michel Lévy frères, 1859) .....................773
4.17 Ba-ta-clan (1855). Dessin de décor (manuscrit s. d.)...................................................................774
4.18 Ba-ta-clan (1855). Illustration de scène (éd. s. d.).......................................................................774
4.19 Ba-ta-clan (reprise). Illustration de presse (1856) .......................................................................775
4.20 Ba-ta-clan, polka et valse pour piano (éd. Léon Escudier, s. d.) ..................................................775
4.21 La Poudre de Perlinpinpin (1853). Couverture de la publication (s. d.).......................................776
4.22 La Poudre de Perlinpinpin (quadrille) (éd. J. Meissonnier fils, s. d.)...........................................776
4.23 Les Eléphants de la pagode (1845). Acte II, « Déjeuner » (éd. Martinet, s. d.).............................777
4.24 Si j’étais roi (1852). Dessin de Nadar (L’Éclair, s. d.) ................................................................777
4.25 Jaguarita (1855). Lithographie de Victor Coindre (ca. 1855)......................................................777
4.26 Le Cheval de bronze. Théâtre de Lille. Lithographie d’Alphonse Jacques Lévy (s. d.) .................778
4.27 (a) Le Cheval de bronze. Gravure (éd. s. d.) ....................................................................................778
4.27 (b) Le Cheval de bronze. Gravure (éd. s. d.) ....................................................................................778
4.28 (a) Le Cheval de bronze. Péki sur le cheval de bronze. (éd. Vialat, 1854). .......................................779
4.28 (b) Le Cheval de bronze. Tao-Jin lève son voile. (éd. Vialat, 1854). ................................................779
4.28 (c) Le Cheval de bronze. Péki, à genoux. (éd. Vialat, 1854). ...........................................................779
4.28 (d) Le Cheval de bronze. Péki : la victoire est à moi. (éd. Vialat, 1854). ..........................................779
4.29 Le Cheval de bronze. Dessin de Marckl, gravé par Blanchard (éd. Gellée, s. d.) ..........................780
4.30 Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Lithographie de Victor Coindre (éd. s. d.) ..........................780
4.31 (a) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Esquisse de décor, Acte IV, par Charles Cambon...............780
4.31 (b) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Esquisse de décor, Acte III, par Charles Cambon...............781
4.31 (c) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Esquisse de décor, Acte IV, par Charles Cambon. .............781
4.31 (d) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Deux esquisses de décor, Acte IV, par Charles Cambon. ...781
4.32 (a) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Maquette de décor, Acte I, par Hugues Martin...................782
4.32 (b) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Maquette de décor, Acte I, par Hugues Martin...................782
4.32 (c) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Maquette de décor, Acte I, par Hugues Martin...................782
4.32 (d) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Maquette de décor, Acte I, par Hugues Martin...................783
4.32 (e) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Maquette de décor, Acte I, par Hugues Martin...................783
4.33 Le Cheval de bronze. Gravure, par Durand Godefroy (L’Illustration, 1857) ...............................783
4.34 (a) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Ballet dames .....................................................................784
4.34 (b) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Habitante de la planète. ....................................................784
4.34 (c) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Villageois. ........................................................................784
4.34 (d) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Yanko, garçon de ferme. ..................................................784
4.34 (e) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Tchin-Kao, fermier ...........................................................785
4.34 (f) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Tao-jin, femme de Tsing-sing. ..........................................785
4.34 (g) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). Péki, fille de Tchin-Kao (2e costume). .............................785
4.34 (h) Le Cheval de bronze (reprise, 1857). M. Bauchet (rôle d’un jongleur-musicien) .........................785
4.35 Femme tartare (s. d.)..................................................................................................................786
869
4.36 (a) Le Cheval de bronze. Manuscrit de la mise en scène, signé Alexandre Lapissida (s. d.)...............786
4.36 (b) Le Cheval de bronze. Manuscrit de la mise en scène, signé Alexandre Lapissida (s. d.) ..............786
4.37 (a) Le Cheval de bronze. Dessin de danse par J. Hansen (s. d.) ........................................................787
4.37 (b) Le Cheval de bronze. Dessin de danse par J. Hansen (s. d.) ........................................................787
4.37 (c) Le Cheval de bronze. Dessin de danse par J. Hansen (s. d.) ........................................................787
4.37 (d) Le Cheval de bronze. Dessin de danse par J. Hansen (s. d.) ........................................................788
4.37 (e) Le Cheval de bronze. Dessin de danse par J. Hansen (s. d.) ........................................................788
4.37 (f) Le Cheval de bronze. Dessin de danse par J. Hansen (s. d.).........................................................788
4.37 (g) Le Cheval de bronze. Dessin de danse par J. Hansen (s. d.) ........................................................789
4.37 (h) Le Cheval de bronze. Dessin de danse par J. Hansen (s. d.) ........................................................789
4.38 (a) Le Carnaval de Venise (1857). Acte II. Gravure d’E. Riou ........................................................790
4.38 (b) Le Carnaval de Venise (1857). Acte II, scène ii. Gravure d’E. Riou ..........................................790
4.39 Pékin la nuit (1858) ...................................................................................................................791
870
5.19 (b) Fleur-de-thé. Léonce dans le rôle de Ka-O-Lin, par Draner (coll. BHVP, s. d.)...........................804
5.19 (c) Fleur-de-thé. Tien-Tien et Kao-O-Lin, par Draner (coll. BHVP, s. d.)........................................805
5.20 Fleur-de-thé. Caricature de Tien-Tien, Ka-O-Lin et Fleur-de-thé (coll. BnF-ASP, s. d.)..............806
5.21 Fleur-de-thé. « Très fort le thé de Charles Lecoq ! », par Clément (Le Charivari, 1868)..............806
5.22 Fleur-de-thé. Programme du Théâtre de l’Athénée (1868) ..........................................................807
5.23 Fleur-de-thé. Affiche (éd. G. Brandus et S. Dufour, ca. 1868) ....................................................808
5.24 « Pour rendre hommage au public, les Chinois se font friser », par Cham (Le Charivari, 1878) ...809
5.25 Un souper à la maison d’or (1861). Mlle Anna dans le rôle de Zizine, par Bisson.......................809
5.26 (a) Fleur-de-thé. Plan de scène, Acte I (coll. BHVP, s. d.) ..............................................................810
5.26 (b) Fleur-de-thé. Plan de scène, Acte II (coll. BHVP, s. d.) .............................................................810
5.26 (c) Fleur-de-thé. Plan de scène, Acte III (coll. BHVP, s. d.) ............................................................810
5.27 Le Sire de Fisch Ton Kan (1870). Affiche, par Longin................................................................811
5.28 L’Étoile (1877). Dessin de presse, par Félix Régamey (coll. BnF-ASP) ......................................811
5.29 L’Étoile (1877). Lithographie, par Eugène Lamy (coll. BnF-Musique, 1878) ..............................811
5.30 (a) L’Étoile (1877). M. Daubray dans le rôle d’Ouf (s. d.). ..............................................................812
5.30 (b) L’Étoile (1877). M. Daubray, et Jolly dans le rôle d’Hérrisson de Porc Epic (s. d.). ....................812
5.30 (c) L’Étoile (1877). Mlle Luce dans le rôle d’Aloès (s. d.). ..............................................................812
5.31 Grand Mogol (1877). Bouchet dans le rôle d’un Chinois. Photographie par Jean Fabre. ..............813
5.32 Monsieur et Mesdames Tin-Tun-Ling, par Henri Meyer (Sifflet, 1875) .......................................813
5.33 (a) Kosiki (1876). Acte I. Dessin de G. Fraipont ..............................................................................813
5.33 (b) Kosiki (1876). Acte II. Dessin de G. Fraipont ............................................................................814
5.34 Un théâtre chinois, à San Francisco (L’Univers illustré, 1874)....................................................814
5.35 Chinoiserie (Imagerie Pellerin, 1899).........................................................................................814
5.36 Exhibition de la princesse et du prince chinois (Imp. Rouchon, ca. 1857)....................................815
5.37 (a) Le géant et le nain chinois. Dessin de M. Gaildran (Exposition universelle de 1867 illustré) .......815
5.37 (b) Le géant chinois avec sa femme et le nain tartare (L’Univers illustré, 1867) ...............................816
5.38 Le géant chinois à l’Hippodrome, par Bertall (L’Illustration, 1878) ...........................................816
5.39 Chang géant chinois (Folies-Bergère, ca. 1890). Lithographie de F. Appel (ca. 1890) ................816
5.40 Ling-Look (Hippodrome). Affiche par Charles Lévy (1883) ......................................................816
5.41 (a) Une représentation au Théâtre chinois. Dessin de Jules Pelcoq (L’Univers illustré, 1867)...........817
5.41 (b) Le théâtre chinois. Dessin de Blanchard (L’Illustration, 1867) ...................................................817
5.41 (c) Représentation sur Théâtre chinois. Dessin de Lancelot (1876)...................................................817
5.42 Ismaïloff en Chine. Affiche (Imp. E. Lévy, 1879). .....................................................................818
5.43 Ismaïloff en Chine. Dessin d’Adrien Marie (Le Monde illustré, 1879)........................................819
871
6.06 (c) La Marchande de sourires (1888). Paul Mounet (Prince de Maëda) et M. Laroche (Ivashita)......825
6.07 (a) Exposition coloniale, à Lyon (1894) Affiche pour les « Villages annamites » .............................826
6.07 (b) Exposition coloniale, à Lyon. Le théâtre et le village annamites (Le Progrès Illustré, 1894) .......826
6.08 (a) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................826
6.08 (b) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................826
6.08 (c) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................827
6.08 (d) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................827
6.08 (e) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................827
6.08 (f) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................827
6.08 (g) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................828
6.08 (h) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................828
6.08 (i) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................828
6.08 (j) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................828
6.08 (k) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................829
6.08 (l) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................829
6.08 (m) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ...............................829
6.08 (n) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................829
6.08 (o) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................830
6.08 (p) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................830
6.08 (q) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................830
6.08 (r) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................830
6.08 (s) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................831
6.08 (t) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................831
6.08 (u) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................831
6.08 (v) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................831
6.08 (w) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................832
6.08 (x) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................832
6.08 (y) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). ................................832
6.08 (z) Taï-Tsoung (1894). Photographie des personnages (Coll. Musée Guimet). .................................832
6.09 Corpait dans le rôle de l’empereur Taï-Tsoung. Dessin de L. Bourgeois (s. d.) ...........................833
6.10 (a) L’Avare chinois (1908). Photographie. Par Larcher (L’Illustration, 1908)...................................833
6.10 (b) L’Avare chinois (1908). La Mort de l’avare. ..............................................................................834
6.10 (c) L’Avare chinois. Programme de l’Odéon (1908) .......................................................................834
6.11 (a) Fan-Sou. Couverture (L’Universelle, 1900-1901).......................................................................835
6.11 (b) Fan-Sou. Les guerriers chinois (L’Universelle, 1900-1901)........................................................835
6.11 (c) Fan-Sou. Tshong chante la sérénade (L’Universelle, 1900-1901) ...............................................835
6.11 (d) Fan-Sou. Mme Han (L’Universelle, 1900-1901). .......................................................................836
6.11 (e) Fan-Sou. Fan-Sou donne à Si-Man la lettre de Tshong (L’Universelle, 1900-1901) ....................836
6.12 (a) Les Transmigrations de Yo-Tchéou (éd. 1920). Costumes d’anciens lettrés chinois. ...................836
6.12 (b) Les Transmigrations de Yo-Tchéou (éd. 1920). Assesseurs de l’Empereur-aux-Perles. ...............836
6.13 (a) Les Yeux fermés (Figaro illustré, 1895) .....................................................................................837
6.13 (b) Les Yeux fermés (Figaro illustré, 1895) .....................................................................................837
6.14 Le Voile du bonheur (éd. d’Eugène Fasquelle, 1901). ................................................................838
6.15 (a) Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911). Jean-Alexis Perier dans le rôle de Tchang-I .........838
6.15 (b) Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911). Jean-Alexis Perier dans le rôle de Tchang-I.........838
6.15 (c) Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911). Jean-Alexis Perier dans le rôle de Tchang-I .........838
6.15 (d) Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911). Jean-Alexis Perier dans le rôle de Tchang-I.........839
6.15 (e) Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911). Jean-Alexis Perier dans le rôle de Tchang-I .........839
6.15 (f) Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911). Jean-Alexis Perier dans le rôle de Tchang-I..........839
6.15 (g) Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911). Fernand Francelle dans le rôle de Tou-Fou ..........839
872
6.15 (h) Le Voile du bonheur (Opéra-Comique, 1911). Fernand Francelle dans le rôle de Tou-Fou ..........839
6.16 (a) Le Voile du bonheur. Film d’Albert Capellani. Affiche par Atelier Faria (1910). ........................840
6.16 (b) Le Voile du bonheur. Film d’Édouard-Émile Violet. Photographies (Le Théâtre, 1923). .............841
6.17 (a) La Vieille revue (1903). Mlle Ruvier (rôle de Mousmé). ............................................................841
6.17 (b) La Vieille revue (1903). Mlle Ruvier (rôle de Mousmé). ...........................................................841
6.17 (c) La Vieille revue (1903). Mlle Jeanne Saulier (rôle de la Princesse chinoise)................................841
6.17 (d) La Vieille revue (1903). Mlle Hélène Maïa (rôle de Lou-Phoc)...................................................842
6.17 (e) La Vieille revue (1903). Mlle Zambelli (rôle de Daïta). .............................................................842
6.18 La Chauve-souris (1904). M. Rocher (rôle de Ramusine). .........................................................842
6.19 (a) La Troisième Lune. Acte I. Photographie de Boyer (Le Monde illustré, 1904).............................843
6.19 (b) La Troisième Lune. Si-Si, Océan-de-Jade et Ly. Photographie de Reutlinger (coll. BnF-ASP) ....843
6.19 (c) La Troisième Lune. Mlle Jeanne Thomassin (rôle de Si-Si) (Le Théâtre, 1904)...........................844
6.19 (d) La Troisième Lune. Acte I (Le Théâtre, 1904)............................................................................844
6.19 (e) La Troisième Lune. Acte II. Yeen et Si-Si (Le Théâtre, 1904) ....................................................844
6.19 (f) La Troisième Lune. Mlle Jeanne Thomassin (rôle de Si-Si) (Le Théâtre, 1904) ..........................845
6.19 (g) La Troisième Lune. Mlle Marthe Régnier (rôle de Ly) (Le Théâtre, 1904)..................................845
6.19 (h) La Troisième Lune. Acte II. 3e Tableau. Décor de M. Amable (Le Théâtre, 1904) ......................845
6.19 (i) La Troisième Lune. Acte III (Le Théâtre, 1904).........................................................................846
6.19 (j) La Troisième Lune. Mlle Harlay (rôle d’Océan-de-Jade) (Le Théâtre, 1904) ..............................846
6.19 (k) La Troisième Lune. Mlle J. Bernou (rôle d’Hirondelle) (Le Théâtre, 1904).................................846
6.19 (l) La Troisième Lune. Acte III (Le Théâtre, 1904) ........................................................................847
6.19 (m) La Troisième Lune. Acte I (Le Théâtre, 1904) ..........................................................................848
6.20 Les Alliés en Chine ...................................................................................................................849
6.21 (a) La Prise de Pékin. Couverture, ill. par R. de La Neizière (éd. Hachette, ca. 1901) ......................849
6.21 (b) La Prise de Pékin. Principaux personnages, ill. par R. de La Neizière (éd. Hachette, ca. 1901) ..849
6.22 (a) Le Duel. Acte I, scène 1. Photographie de H. Rudaux (L’Illustration théâtrale, 1905).................850
6.22 (b) Le Duel. M. Von-Yun-Ta, Acte I. Photographie de Paul Boyer (Le Théâtre, 1905).....................850
6.22 (c) Le Duel. Acte I, scène 3. Photographie de Mathieu-Dereoche (L’Illustration théâtrale, 1905).....851
6.23 (a) Le Chat et le Chérubin. M. Lérand, rôle de Chim-Fang (Le Théâtre, 1902).................................851
6.23 (b) Le Chat et le Chérubin. Chim Fang poignarde Sun Luey (Le Théâtre, 1902) ..............................851
6.23 (c) Le Chat et le Chérubin. Docteur Wing Shée déchiffre le Livre du destin (Le Théâtre, 1902) .......852
6.23 (d) Le Chat et le Chérubin. Dernière scène (Le Théâtre, 1902) ........................................................852
6.24 Divorçons ! (reprise, 1896). Acte II. Photographie de Boyer (Le Théâtre, 1900) .........................852
6.25 (a) Les Filles Jackson & Cie. Danseuse chinoise et cambodgienne (La Revue théâtrale, 1905).........853
6.25 (b) Les Filles Jackson & Cie. Danseuse javanaise et japonaise (La Revue théâtrale, 1905)...............853
6.26 (a) La Burgonde. Femme asiatique, dessin de Charles Bianchini (coll. BnF-BMO) ..........................854
6.26 (b) La Burgonde. Chinoise, dessin de Charles Bianchini (coll. BnF-BMO) ..................................... 854
6.26 (c) La Burgonde. Mlle L. Piron et Mlle Rachel Metzger (Le Théâtre, 1898).....................................854
6.27 Comédien dans un rôle de femme. Litho. de Mlle Formentin (éd. Firmin-Didot, 1825-1827).......854
6.28 L’Île du rêve. Dessin de M. Parys (Le Monde illustré, 1898).......................................................855
873
874
TABLE DES MATIERES
TOME I
Résumé..................................................................................................................................3
Abstract.................................................................................................................................5
Remerciements .....................................................................................................................7
Introduction ........................................................................................................................11
875
Le Chinois poli en France et Les Chinois, ou les Chinois de retour......................42
I. 4. (5) Le personnage du « mandarin » dans les pièces comiques ............................................44
I. 5 Les mœurs chinoises au théâtre..........................................................................................46
I. 5. (1) Les écrits des missionnaires en Chine et le théâtre chinois ............................................46
I. 5. (2) Les croyances des Chinois ...........................................................................................47
I. 5. (2). (a) La superstition chinoise......................................................................................47
I. 5. (2). (b) L’enseignement de l’école confucéenne ............................................................48
I. 5. (3) Le Chinois des Comédiens-Français : L’Orphelin de la Chine.......................................48
I. 5. (3). (a) L’apogée de la sinophilie ...................................................................................48
I. 5. (3). (b) La représentation de L’Orphelin de la Chine ......................................................49
I. 5. (3). (c) L’Orphelin de la Chine : une approche iconographique .....................................51
I. 5. (3). (d) Les (ré)écritures autour de L’Orphelin de la Chine.............................................53
I. 5. (4) La mise à l’épreuve de la chasteté des femmes chinoises ..............................................55
I. 5. (4). (a) Du conte chinois au théâtre français ...................................................................55
I. 5. (4). (b) L’interrogation sur la persécution des Chinoises.................................................56
I. 6 Conclusion : vers la Chine dans le théâtre français du XIXe siècle ...................................57
I. 6. (1) Les éléments chinois établis dans le répertoire de l’Ancien Régime ..............................57
I. 6. (2) Le répertoire du XIXe siècle : l’entreprise théâtrale, la presse et la sinologie .................57
876
II. 3. (2). (d) Le Laboureur chinois et la musique de pastiche ...............................................85
II. 4 La Chine « orientale » ........................................................................................................87
II. 4. (1) De l’expédition en Orient au sujet chinois dans le théâtre ...........................................87
II. 4. (2) La Folie chinoise de Kokoli ........................................................................................88
II. 4. (2). (a) Les origines de Kokoli .....................................................................................88
II. 4. (2). (b) La représentation de La Folie chinoise, ou Kokoli à Capra ..............................89
II. 4. (2). (c) Entre la loi et l’épreuve ridicule .......................................................................91
II. 4. (3) Le Koulouf chinois ....................................................................................................92
II. 4. (3). (a) Les sources de Koulouf de Pixérécourt .............................................................92
II. 4. (3). (b) La valeur de décoration : les Chinois sur la scène de l’Opéra-Comique ............94
II. 4. (3). (c) La Chine orientale, ou le conte oriental chinoisé par Pixérécourt ......................97
II. 4. (4) L’histoire chinoise du roi persan Thamas Kouli-Kan ................................................101
II. 4. (4). (a) La légende de Thamas Kouli-Kan dans le théâtre français ..............................101
II. 4. (4). (b) La version (non-)chinoisée de Koulikan .........................................................103
II. 4. (4). (c) Des Scythes (1766) à Koulikan :
Entre la tragédie et le mélodrame du Chinois ..................................................106
II. 4. (5) La lampe merveilleuse à la chinoise .........................................................................107
II. 4. (5). (a) De la lampe arabe à la clochette indienne .......................................................108
II. 4. (5). (b) La machinerie de l’Arlequin chinois ..............................................................110
II. 4. (5). (c) « Il n’y a qu’un Paris, et il y a tant de Pékin »..................................................111
II. 4. (5). (d) La lampe chinoise présentée à la salle panoramique ........................................113
II. 5 La Chine comique dans les années 1820 ..........................................................................115
II. 5. (1) La création du personnage du « mandarin » ..............................................................115
II. 5. (1). (a) De la science de l’astronome à la superstition de l’astrologue .........................115
II. 5. (1). (b) Potier et l’interprétation du Chinois ...............................................................117
II. 5. (2) Entre le bon goût et le mauvais goût .........................................................................118
II. 5. (2). (a) La reprise du « bon genre » de la Chinoise .....................................................118
II. 5. (2). (b) Les Chinoises aux enchères : une tendance sensuelle ?....................................119
II. 6 La Chine décorative ........................................................................................................120
II. 6. (1) La Chine décorative à la salle officielle .....................................................................120
II. 6. (2) La Chine décorative à la salle secondaire...................................................................121
II. 7 Les Chinois censurés .......................................................................................................123
II. 7. (1) Le Chinois censuré à la salle officielle ......................................................................123
II. 7. (1). (a) Les Chinois de l’Opéra : un genre inconvenant ...............................................123
II. 7. (1). (b) Les Chinois et les « nobles sujets » .................................................................124
II. 7. (2) Le Chinois censuré à la salle secondaire ...................................................................125
II. 7. (2). (a) Tulican : de l’esprit utopique au « successeur de la dernière dynastie »............125
II. 7. (2). (b) Un complot contre l’héritier du trône .............................................................126
Conclusion ................................................................................................................................127
877
III. 1. (1) L’intérêt pour la Chine ancienne : du missionnaire au sinologue ..............................130
III. 1. (1). (a) La recherche de l’Histoire et la traduction du drame historique .....................130
III. 1. (1). (b) Le retour de l’ « orphelin » de la Chine ancienne ..........................................131
III. 1. (2) De l’Histoire à la scène : le cas de Chao-Kang .........................................................132
III. 1. (2). (a) Un « mélodrame » franco-italien du héros chinois .........................................132
III. 1. (2). (b) La scène chinoise et les effets de l’ « hydrorama » ........................................135
III. 1. (2). (c) L’exactitude du costume ou la trahison de l’Histoire ? ...................................137
III. 1. (2). (d) Le « geste chinois » emprunté au théâtre des Chinois ....................................138
III. 1. (3) Dgenguiz-Kan : la conquête de la Chine ..................................................................140
III. 1. (3). (a) De la légende sino-tartare à l’allusion politique sino-européenne ...................140
III. 1. (3). (b) La dégradation des âmes malgré l’héroïne chinoise........................................142
III. 1. (3). (c) La fabrication des effets visuels : les détails et le grand spectacle ..................144
III. 1. (3). (d) La possibilité de la « mise en scène » de la Chine .........................................145
III. 2 « Chinoiser » l’Orient ....................................................................................................147
III. 2. (1) Le Cheval de bronze : le succès chinois d’Eugène Scribe .........................................147
III. 2. (1). (a) De La Corbeille au Cheval de bronze ............................................................147
III. 2. (1). (b) Entre l’authenticité chinoise et le « fond éclectique ».....................................150
III. 2. (1). (c) La ville d’eau chinoise : le décor et le costume du Cheval de bronze .............152
III. 2. (1). (d) Des didascalies à la publication des « indications de la mise en scène » ........153
III. 2. (2) Zazézizozu : le Chinois de la « féerie » .....................................................................155
III. 2. (2). (a) Une féerie orientale au teint chinois ..............................................................155
III. 2. (2). (b) Les Chinois de Zazézizozu ............................................................................156
III. 3 La Chine travestie, ou la fantaisie vêtue de chinois .......................................................157
III. 3. (1) Le bal chinois de l’Opéra franco-suédois ..................................................................157
III. 3. (2) Une expérience de l’Opéra : La Chatte métamorphosée en femme ............................157
III. 3. (2). (a) De la fable de La Fontaine à la chatte chinoise ..............................................157
III. 3. (2). (b) « Qui en sait long » : la problématique de l’adaptation chinoise ....................160
III. 3. (2). (c) Le costume chinois de la ballerine française :
L’exactitude et l’incompatibilité ..................................................................162
III. 3. (2). (d) Un échec de la « mise en Chine » ?................................................................164
III. 3. (3) Le travestissement de l’ « Orphelin de la Chine » .....................................................165
III. 3. (3). (a) Mademoiselle Dangeville : les « boîtes chinoises » du jeu d’actrice ...............165
III. 3. (3). (b) Le remplaçant comique de Lekain ................................................................167
III. 4 La Chine et les calembours politiques ...........................................................................168
III. 4. (1) Fich-Tong-Khan : la naissance d’une caricature .......................................................168
III. 4. (1). (a) Du calembour français au personnage chinois ................................................168
III. 4. (1). (b) De l’application de « Fich-Tong-Khan » à la caricature ................................169
III. 4. (1). (c) L’étude de mœurs chinoises de Fich-Tong-Khan ...........................................170
III. 4. (2) Zeit-Naz-Bé : sous le prétexte du Chinois .................................................................171
III. 5 La Chine acrobatique et les Chinois pour le jeune public ............................................171
III. 5. (1) Les numéros chinois et les acrobates français ..........................................................172
III. 5. (1). (a) Les numéros chinois de Franconi ..................................................................172
III. 5. (1). (b) Le geste chinois de Franconi .........................................................................173
878
III. 5. (2) Les spectacles pour le jeune public : la morale des « ombres chinoises » ..................173
Conclusion ................................................................................................................................174
879
IV. 4. (3). (a) Les Chinois de l’Hippodrome........................................................................216
IV. 4. (3). (b) Vous avez dit « vrai Chinois » ? ....................................................................220
IV. 5 La Chine : un événement de l’année ..............................................................................222
IV. 5. (1) Les Chinois mis en « revue » ...................................................................................222
IV. 5. (2) La liqueur nommée « Chinois »................................................................................223
IV. 5. (3) Paris et Pékin : la rencontre (in)attendue des deux mondes .......................................224
IV. 5. (3). (a) La scène comique sous le canon militaire ......................................................224
IV. 5. (3). (b) La Chine et la comète :
Une curiosité occasionnelle ou un malheur potentiel ? ..................................226
IV. 6 La Chine : allégorie politique .........................................................................................228
IV. 6. (1) Des républicains « du lendemain » au prince laboureur ............................................228
IV. 6. (2) Le « bataclan » du mandarin ....................................................................................229
IV. 6. (2). (a) Le souverain fainéant ...................................................................................229
IV. 6. (2). (b) L’ambigüité des vrais et des faux Chinois .....................................................231
IV. 7 La Chine : la chinoiserie reprise et dépoussiérée ..........................................................233
IV. 7. (1) Les objets chinois ....................................................................................................233
IV. 7. (1). (a) Le magot du… Japon ....................................................................................233
IV. 7. (1). (b) Du tamtam siamois au chapeau conique indien .............................................234
IV. 7. (2) Au nom de la Chine ................................................................................................235
IV. 7. (2). (a) L’assassinat du mandarin n’aura pas lieu .....................................................235
IV. 7. (2). (b) La Chine : le cas d’Alexandre Dumas père et fils ..........................................235
IV. 7. (3) La Chine reprise à l’Opéra : Le Cheval de Bronze ....................................................236
IV. 7. (3). (a) L’évolution de la forme : de l’Opéra-Comique à l’Opéra ...............................236
IV. 7. (3). (b) Les acteurs-chanteurs « chinois » sur la partition non-chinoise .....................237
IV. 7. (3). (c) Entre l’exactitude et le renouvellement : les décors et les costumes................238
IV. 7. (3). (d) La mise en scène : le cas de Lapissida ..........................................................239
IV. 7. (4) Anciennes formes, nouveaux éléments .....................................................................240
IV. 7. (4). (a) La mascarade du Chinois au carnaval ............................................................240
IV. 7. (4). (b) Le feu d’artifice à Pékin ...............................................................................241
Conclusion ................................................................................................................................242
880
V. 1. (2). (a) De la gloire française à la méprise chinoise ....................................................260
V. 1. (2). (b) Les représentation non-commerciales .............................................................263
V. 2 Le voyage inachevé ..........................................................................................................264
V. 2. (1) Les souvenirs de « voyage » .....................................................................................265
V. 2. (1). (a) L’illusion comique dans la revue ....................................................................265
V. 2. (1). (b) Les Chinois dans l’expédition d’hier ..............................................................267
V. 2. (2) Au nom du « voyage » .............................................................................................268
V. 2. (2). (a) Le voyage d’un « théâtre dans le théâtre » ......................................................268
V. 2. (2). (b) Le chantage du « voyage en Chine »...............................................................269
V. 2. (3) À la recherche de l’orphelin en Chine .......................................................................271
V. 3 Une chinoiserie banalisée sous le Second Empire : Fleur- de-thé .....................................273
V. 3. (1) La reprise du Chinois comique dans le genre lyrique .................................................273
V. 3. (1). (a) Retrouver le pays « fleuri et suave » ...............................................................273
V. 3. (1). (b) La fleur franco-chinoise s’épanouit dans le monde entier ...............................275
V. 3. (2) L’interprétation du Chinois : une « science » du « grotesque »...................................277
V. 3. (3) Les premières photographies des personnages chinois du théâtre français .................279
V. 4 La « comédie humaine » du Chinois au début de la
Troisième République (1870-1880) ..................................................................................281
V. 4. (1) La politique des « Fich-Tong-Khans » ......................................................................281
V. 4. (2) La fantaisie quotidienne : des Champs-Elysées au Vaugirard ....................................283
V. 4. (3) La réinvention des anciens éléments ? .......................................................................284
V. 4. (3). (a) Le bataclan du « Tigre » .................................................................................284
V. 4. (3). (b) Le mariage grâce à la comète..........................................................................286
V. 4. (3). (c) Le Mogol (non-)chinois .................................................................................288
V. 4. (4) La joie religieuse.......................................................................................................289
V. 5 La rencontre de la chinoiserie et du japonisme .............................................................290
V. 5. (1) Côté Japon : la naissance du « japonisme »................................................................290
V. 5. (2) Côté Chine : l’adaptation des œuvres dramatiques .....................................................291
V. 5. (2). (a) De l’air chinois de Flaubert au « Chinois de Théophile Gautier » ....................291
V. 5. (2). (b) Les initiatives de Judith Gautier : de Tchao-Meï-Hiang au Ramier blanc .......293
V. 5. (3) La croisée sino-japonaise : la pièce dramatique .........................................................297
V. 5. (3). (a) Le « Mikado » de la chinoiserie .....................................................................297
V. 5. (3). (b) Le dragon du japonisme ................................................................................298
V. 5. (4) La troupe itinérante des artistes japonais : du plateau à la presse ...............................301
V. 6 De l’Exposition au cirque ................................................................................................301
V. 6. (1) La « performance » du « vrai » Chinois à l’Exposition...............................................301
V. 6. (1). (a) Le nain chinois ..............................................................................................302
V. 6. (1). (b) Le géant chinois ............................................................................................303
V. 6. (2) La magie et la jonglerie du Chinois ..........................................................................304
V. 6. (2). (a) Les magiciens chinois ....................................................................................304
V. 6. (2). (b) L’avaleur de sabre Ling-Look ........................................................................305
V. 6. (3) Les troupes itinérantes des artistes chinois ................................................................307
V. 6. (4) Le cirque : de la fête à la guerre.................................................................................309
881
V. 6. (4). (a) La fête chinoise au cirque ..............................................................................309
V. 6. (4). (b) Ismaïloff en Chine : un spectacle d’après l’Histoire sino-russe .......................310
V. 6. (4). (c) De Pékin au Tonkin : le prélude à la guerre franco-chinoise ............................310
Conclusion ................................................................................................................................313
882
VI. 3. (1). (a) Le soleil se lève en Extrême-Orient ...............................................................346
VI. 3. (1). (b) Du goût chinois au sujet portant sur le taoïsme ..............................................347
VI. 3. (2) Les « œuvres » montées au Nouveau Théâtre .........................................................348
VI. 3. (2). (a) Le dragon sino-français .................................................................................348
VI. 3. (2). (b) L’adaptation du « théâtre provincial » chinois ...............................................351
VI. 3. (3) La représentation du répertoire classique : de l’Odéon à l’Exposition ......................353
VI. 3. (3). (a) La réception de Turandot en France ..............................................................353
VI. 3. (3). (b) Le « multiculturalisme » de Turandot à l’Odéon ...........................................355
VI. 3. (3). (c) L’intérêt de l’ « avare chinois » ....................................................................357
VI. 3. (3). (d) L’ « avare chinois » de Judith Gautier ..........................................................359
VI. 3. (3). (e) La soubrette chinoise à l’Exposition universelle.............................................362
VI. 3. (4) L’inspiration du taoïsme .........................................................................................364
VI. 3. (4). (a) Le « Tao » et la métamorphose chinoise .......................................................364
VI. 3. (4). (b) L’essai de Paul Claudel .................................................................................364
VI. 3. (4). (c) La fantaisie des transmigrations ....................................................................367
VI. 3. (5) Un recul vers la Chine du XVIIIe siècle ? ................................................................370
VI. 3. (5). (a) De la « voie » au « voile » du bonheur ..........................................................370
VI. 3. (5). (b) La métaphore de la maladie chinoise ............................................................372
VI. 3. (5). (c) La mélancolie comique de la Chinoise...........................................................373
VI. 4 Le « Péril jaune » ..........................................................................................................376
VI. 4. (1) De la germination du terme à l’application littéraire ................................................376
VI. 4. (2) Le « péril jaune » et les Boxers ...............................................................................377
VI. 4. (2). (a) Le siège de cinquante-cinq jours de Pékin .....................................................377
VI. 4. (2). (b) De la Prise de Pékin aux Alliés en Chine ......................................................378
VI. 4. (3) Le « péril jaune » domestique ..................................................................................380
VI. 4. (4) Le « communautarisme » du péril jaune à l’américaine : Le Chat et le Chérubin.......381
VI. 4. (4). (a) Du Chinatown californien à la scène parisienne ............................................381
VI. 4. (4). (b) Les mœurs des Chinois ou les mœurs de Chinatown ? ..................................383
VI. 5 Le collage des scènes chinoises à la fin du XIXe siècle ..................................................384
VI. 5. (1) Les souvenirs du Tonkin .........................................................................................384
VI. 5. (2) Le voyage du mandarin............................................................................................385
VI. 5. (3) Le Chinois décoratif ................................................................................................387
VI. 5. (3). (a) La danse et le défilé des Chinoises.................................................................387
VI. 5. (3). (b) La « Chine » d’après Pierre Loti ...................................................................388
VI. 6 La Chine des variétés ....................................................................................................390
VI. 6. (1) Les jongleurs « chinois »..........................................................................................390
VI. 6. (2) Les troupes itinérantes .............................................................................................391
Conclusion ................................................................................................................................391
883
TOME II
Annexes ............................................................................................................................477
Annexe 1.1 : Répertoire (avant 1789) .......................................................................................481
Annexe 1.2 : Répertoire (après 1789) .......................................................................................487
Annexe 1.3 : Spectacles donnés par les Chinois .......................................................................503
Annexe 2 : Frise chronologique d’événements franco-chinois et théâtraux ...........................505
Annexe 3 : Chronologie des pièces du théâtre chinois traduites en français avant 1900 ........540
Annexe 4 : Pièces exclues de notre répertoire .........................................................................545
Annexe 5 : Glossaire .................................................................................................................549
Annexe 6 : Calembours portant sur les noms de personnages ................................................562
Annexe 7.1 : Manuscrit des pièces non publiées (avant 1789) ................................................565
7. 1. (a) Ballet des porcelaines, ou le prince Pot-à-thé ............................................................565
7. 1. (b) Arlequin Chinois .......................................................................................................567
7. 1. (c) Le Mandarin ..............................................................................................................570
Annexe 7.2 : Manuscrit des pièces non publiées (après 1789) .................................................584
7. 2. (a) Gengiskan, ou l’Aimable Tartare................................................................................584
7. 2. (b) Jongleur et mandarin ................................................................................................612
7. 2. (c) La Chine à Paris (1851) ............................................................................................627
7. 2. (d) La Chine à Paris (1854) ............................................................................................639
7. 2. (e) Le Quinze août en Chine ...........................................................................................653
7. 2. (f) La Méprise de Pékin ..................................................................................................665
7. 2. (g) La Guerrière du pays de Hou ....................................................................................669
7. 2. (h) Turandot, princesse de Chine ....................................................................................670
Illustrations ......................................................................................................................693
Illustrations du chapitre I ........................................................................................................695
Illustrations du chapitre II .......................................................................................................721
Illustrations du chapitre III .....................................................................................................740
Illustrations du chapitre IV .....................................................................................................765
Illustrations du chapitre V........................................................................................................792
Illustrations du chapitre VI .....................................................................................................820
884
La Chine dans le théâtre français du XIXe siècle
De 1789 à 1905, la Chine fait partie des sujets exotiques les plus représentés dans le
théâtre français. Cette Chine imaginaire est l’héritière du répertoire théâtral du XVIIIe siècle,
époque marquée par le goût pour les « chinoiseries ». Elle fait aussi écho à l’actualité franco-
chinoise du XIXe siècle, empreinte d’un nouveau colonialisme voire d’ « orientalisme ».
En nous appuyant sur le répertoire du théâtre de thème chinois en France au XIXe siècle,
que nous nous sommes attaché à reconstituer, nous analysons dans ce travail la production et la
réception des images de la Chine sur la scène théâtrale à cette époque. Le corpus des œuvres
est divisé en trois catégories : les pièces de thème chinois, les œuvres traduites ou adaptées du
chinois et les spectacles donnés par les Chinois.
En ce qui concerne la périodisation historique, nous avons choisi de suivre celle des
grands événements ayant marqué les relations entre la France et la Chine au XIXe siècle. Les
trois premiers chapitres se focalisent sur l’emploi des éléments chinois et orientaux tels qu’ils ont
été mis en place au siècle précédent, ainsi que sur leur révision sous l’influence de la sinologie,
discipline scientifique nouvelle. Quant aux trois derniers chapitres, ils se développent autour des
deux guerres de l’Opium, de la guerre franco-chinoise du Vietnam, de la révolte des Boxers ainsi
que la germination de la peur du « péril jaune ».
Pour les dramaturges et les artistes de théâtre du XIXe siècle, cette « Chine » est un sujet
à la fois familier et étranger, proche et éloigné, cliché et varié, épuisé et exploitable. Tous ces
paradoxes concourent à créer dans le théâtre français une Chine kaléidoscopique.