Mathieu 5
Mathieu 5
Mathieu 5
Jésus nous interpelle : « Vous êtes le sel de la terre ! Vous êtes la lumière du monde ! Sans
vous, dit Jésus, la terre est fade, la terre devient inconsommable. Sans vous, le monde devient
sombre.
Chers frères et soeurs, c’est avec un peu d’effroi que je lis ce passage. Quelle immense
exigence ! Elle risque même de nous surpasser à telle point que je peux me poser la question :
mais ces paroles sont-elles vraies ? Les chrétiens sont-ils le sel de la terre, la lumière du
monde ?
Et même si cela était vrai, ces paroles ne sont-elles pas l’expression d’une conscience élitiste
insupportable, d'un manque d'humilité ? Nous sommes la lumière du monde, nous les
chrétiens ! Avant nous étaient les ténèbres. Avant nous il n’y avait rien ! On entend ici et là
des chrétiens qui affirment qu’avant le christianisme, le monde était celui des barbares, de
même qu’on entend quelquefois des protestants dire qu’avant la Réforme, il n’y avait pas
grand chose d’intéressant.
Pour enlever à ces paroles de Jésus une interprétation élitiste, je voudrais rappeler deux
figures éminentes du XX siècles : la figure de Gandhi.
Gandhi a été bouleversé par le message de l’Evangile. Mais s’il n'est pas devenu pas devenus
chrétiens, ce n’est pas à cause de l’Evangile, c’est à cause de l’Eglise. Gandhi dans son
autobiographie dit avoir été particulièrement touché par le Sermon sur la Montagne Pensant
que le christianisme pouvait être une réponse au système des castes en Inde, il a pensé devenir
chrétien. Mais il raconte qu’un jour en Afrique du sud, lorsqu’il a voulu entrer dans une église
pour prier un dimanche, on lui a dit qu’il serait le bienvenu dans une église réservée aux
Noirs. En Inde, il verra l’attitude des riches colons anglais face à la misère de millions
d’Hindous. Et il dira un jour : le christianisme est très bon. Mais bpc de chrétiens sont très
mauvais.
Voilà qui devrait nous appeler à l’humilité, si ce n’est à la repentance. Mais, je voudrais
maintenant faire trois remarques sur cette parole de Jésus. Il me semble en effet que ces
paroles sont sous le signe d’une triple promesse liée à la lumière dans le chapitre 4 de
l’évangile de Matthieu.
D’abord, pour l’évangéliste, à travers les paroles et les actes de Jésus se réalise
une promesse de l’AT, une promesse d'Esaie qui dit ceci : « le peuple qui était dans les
ténèbres voit une grande lumière ; sur ceux qui habitent le pays de l’ombre de la mort, une
grande lumière resplendit. »
Ainsi, avant qu’il nous soit dit que nous sommes la lumière, nous entendons la promesse
selon laquelle la lumière est apparue. Ce n’est pas à nous de la créer. Ce n’est pas à nous à
l’introduire dans le monde. La lumière perce dans le monde comme au travers de sombre
nuages. Elle trouve en un lieu une trouée pour tous : en Jésus, dans ses paroles et ses actes. En
lui resplendit une lumière qui brille depuis le début, qui illumine chaque être humain venu au
monde. Il est la lumière de Dieu. Dieu lui-même est lumière.
Voilà pourquoi ce n’est pas nous qui jetons l’étincelle de sens dans un monde de non-sens,
mais c’est elle qui est allumée en nous par l’appel de Dieu. Cet appel de Dieu est l’étincelle
de sens qui allume dans l’obscurité une lumière, la lumière de la vérité
La seconde promesse liée à la lumière, au début du sermon sur la montagne fait de nous des
représentants de lumière. Je la relis « vous êtes la lumière du monde… lire les versets en
question.
En lisant ces versets, ma première impression est la suivante : cette promesse n’arrive t-elle
pas un peu trop rapidement ? Il y a à peine un instant, les auditeurs de Jésus étaient un peuple
assis dans les ténèbres, soupirant après le lumière et voilà qu’à présent ces gens qui écoutent
le Sermon sur la Montagne doivent devenir eux-mêmes lumière. Et parmi eux des boiteux,
des possédés, des estropiés, des gens faibles, des disciples.
Mais finalement, n’est-ce pas cela qui est la caractéristique de la lumière de Dieu en ce monde
: elle rayonne de façon d’autant plus lumineuse qu’elle tombe dans l’obscurité. Elle rayonne
d’autant plus qu’elle atteint une vie sans lumière. C’est précisément parce qu’il y a l’ombre
que la lumière peut se répandre, se rendre visible pour l’entourage. C’est précisément là que
l’obscurité devient lumière, que ceux qui reçoivent la lumière deviennent diffuseurs de
lumière.
Mais on peut alors se poser une question : par quel moyen ou par quel miracle ce qu’il y a
autour de nous s’illumine-t-il ?
Le sermon sur la Montagne dit que c’est par de bonnes œuvres. On ne doit pas les cacher
sous le boisseau mais les rendre visibles pour tous.
A ce sujet, je voudrais poser une autre question : cela n’est-il pas en contradiction avec un
autre passage du sermon sur la montagne où il est dit qu’il faut prier, jeuner et faire l’aumône
dans le secret ? Ici en revanche, Jésus invite à faire de bonne œuvres devant les hommes, non
en secret, mais en public.
La contradiction ne tient plus en fait lorsque l’on sait la manière dont le judaïsme comprenant
le terme « bonnes œuvres ». C’étaient des actes qui exigeaient l’engagement propre d’une
personne, comme par exemple visiter des malades, héberger des étrangers, participer à un
enterrement, consoler des endeuillés, faire la paix… L’aumone était parfois distinguée de ces
bonnes oeuvres en ce sens qu’on pouvait s’y consacrer incognito, en restant en retrait. Alors
que les autres bonnes œuvres, les œuvres d’amour ne sont véritables que si on les fait en tant
que personne propre. Et ce faisant, il est nécessaire d’entrer en contact avec ceux à qui
s’adressent ces œuvres. Ce faisant, on ne peut pas rester incognito. Il faut se rendre visible,
paraître en public.
Une dernière question découle alors immédiatement de cela : à quel public est-il fait allusion
ici ? A quel public s’adresse le sermon sur la montagne ? On comprend souvent le sermon
comme s’il se rapportait au fond au domaine privé de notre personne, à notre disposition
intérieure. C’est là-bas que devrait rayonner la lumière de l’Evangile dit-on.
Dans la promesse de lumière qui nous est adressée, il est au contraire fait allusion à trois
domaines.
D’abord le monde. Ceux qui suivent Jésus se doivent de ne pas être seulement la lumière pour
leurs amis, mais « lumière du monde ». Ensuite, on rencontre l’image d’une ville située sur
une montagne. Une ville dans l’Antiquité est identique à la société. Enfin, on parle du porte-
lampe dans la maison. La maison, c’est la famille. C’est donc le domaine public le plus
réduit. Mais dans l’Antiquité, la maison est plus que la famille, c’est déjà une petite entité
économique.
Alors que conclure sinon que c’est le monde entier, la société toute entière et la maison tout
entière aussi qui doivent être remplis de la lumière des bonnes œuvres. Il n’y a aucune
restriction à un domaine intériorisé, il n’y a pas un endroit où l’Evangile ne doive briller. Ce
que les chrétiens font par leur engagement personnel, cela doit rayonner dans tous les
domaines. Ce qu’ils font pour instaurer la paix, assurer la liberté, la justice, conserver la
création, c’est cela qui doit être visible, visible en ce qu’ils s’engagent personnelelement.
Mais j’en reviens à ma question de départ : n’est-ce pas un peu trop élitiste tout cela ? Quand
nous voyons ce que nous représentons , le nombre d e protestants, de chrétiens, une minorité,
?
Et bien, à cela, je ne peux que répondre que personne ne peut dire « nous sommes la lumière
du monde », nous sommes le sel de la terre. Ces deux choses, elles nous sont dites. On nous
les confie. Ceci est confié aux humains qui sont assis dans les ténèbres. Ceci est confié à ceux
qui sont interpellés par les béatitudes : les boiteux, les pauvres en forces vitales, les
endeuillés, ceux qui ont faim et soif de justice, ceux qui sont persécutés. Vous le voyez, les
gens à qui s’adresse ces paroles ne sont pas membre d’une élite. Et pourtant, c’est avec ces
personnes comme ça que Dieu veut faire des grandes choses. C’est à travers eux qu’il veut
faire luire sa lumière dans le monde. Avec nous, il prévoit de faire plus que ce que nous
pensons être capables nous-mêmes de faire.
Je pourrais alors avoir une parole consolatrice en disant : il n’est pas dit que « tu es la lumière
» mais « vous êtes la lumière ». Non pas « tu es le sel », mais « vous êtes le sel ».
Cela signifie que tu n’es pas seul. Et puisque c'est la semaine de prière pour l'unité,
extrapolons et disons que c'est tous ensemble, protestants, anglicans, catholiques, orthodoxes,
c'est tous ensemble que nous sommes lumière ; Tous ensemble et chacun en particulier.
Alors, soyons lumineux. Nous sommes lumineux si nous laissons entrer en nous cette lumière
qui vient de Dieu en Jésus.
Nous sommes lumière à travers notre existence, lorsque nous faisons tout pour que les
humains n’oublient pas de louer Dieu et de lui rendre grâce et de proclamez ses hauts faits
comme nous y invite Pierre dans son épitre.
Amen.
Pasteur Christian Barbéry