Aller au contenu

« Kuwasi Balagoon » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
m v2.05b - Bot T1 - Correction syntaxique (Lien interne vers le titre de l’article - Orthographe et typographie - Paramètre inutilisé)
m Suppression du paramètre d'image « lien » mal utilisé
 
(70 versions intermédiaires par 20 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{En-tête label|BA|année=2023}}
{{Infobox Biographie2}}
{{Infobox Biographie2
| alt = Couverture de la défense de Kuwasi Balagoon lors de son procès pour le braquage de la Brink's. En bas à droite, une photo de lui en noir et blanc.
}}


'''Kuwasi Balagoon''', né '''Donald Weems''', ({{date de naissance|22|décembre|1946}} - {{date de décès|13|décembre|1986}}) est un membre du [[Black Panther Party]], puis de la [[Black Liberation Army]], qui évolua vers l'[[anarchisme]].
'''Kuwasi Balagoon''' (né '''Donald Weems''' le {{date de naissance|22|décembre|1946}} à Lakeland et mort le {{date de décès|13|décembre|1986}} en prison dans l'[[État de New York]]) est un membre du [[Black Panther Party]], puis de la [[Black Liberation Army]], devenu anarchiste et militant de la [[Republic of New Afrika]].

Il grandit dans le [[Maryland]] pendant la [[Ségrégation raciale aux États-Unis|ségrégation]], puis effectue son service militaire en [[Allemagne de l'Ouest]], où il fonde un groupe clandestin qui effectue des raids de vengeance contre des militaires qu'ils jugent racistes. À son retour aux [[États-Unis]], il vit chez sa sœur à [[New York]] et s'implique dans le militantisme local pour les droits des locataires. Il s'implique en même temps dans le temple [[Religion yoruba|yoruba]] [[African Theological Archministry]], où il change son nom en Kuwasi Balagoon.

Kuwasi Balagoon intègre le Black Panther Party en 1968. L'année suivante, il est arrêté pour le braquage d'une banque ; pendant sa détention provisoire en attente de jugement, il est également inculpé dans le cadre de l'affaire des [[Panther 21]]. Il est condamné pour le braquage et innocenté dans le cas des Panther 21. Avec le temps, il remet en question le fonctionnement du Black Panther Party et intègre la [[Republic of New Afrika]] dans les années 1970, tout en s'intéressant de plus en plus à l'[[anarchisme]]. Il intègre ensuite la Black Liberation Army. Il s'évade deux fois de prison, en 1973 et en 1978.

Il est impliqué dans le [[braquage de la Brink's de 1981]], pour lequel il est condamné à la prison à perpétuité. En prison, il écrit de la poésie ainsi que des articles politiques.

Kuwasi Balagoon meurt en prison, à l'âge de {{nobr|39 ans}}, d'une [[pneumocystose]] causée par le [[syndrome d'immunodéficience acquise]]. Ouvertement bisexuel et notamment en couple à long terme avec une femme transgenre, il est parfois attaqué par ses pairs à ce sujet et aucune mention n'est faite de sa partenaire ni de son orientation sexuelle dans les discours en son honneur lors de ses funérailles organisées par la [[New Afrikan People's Organization]].


== Biographie ==
== Biographie ==


=== Enfance et éducation ===
=== Enfance et éducation ===
Donald Weems naît dans le village noir de Lakeland du [[Comté du Prince George (Maryland)|comté du Prince George]], dans le [[Maryland]], le 22 décembre 1946. Au début des années 1960, il est influencé par {{Lien|trad=Gloria Richardson}}, qui mène la lutte pour les droits civiques des personnes noires dans le Maryland. Le mouvement qu'elle mène, le mouvement Cambridge, est surtout connu pour son refus de la [[résistance passive]] et son choix de l'auto-défense active comme tactique<ref name=":0">{{Article|langue=en|prénom1=Akinyele K.|nom1=Umoja|titre=Maroon: Kuwasi Balagoon and the Evolution of Revolutionary New Afrikan Anarchism|périodique=[[Science & Society]]|volume=79|numéro=2|date=2015-04|issn=0036-8237|doi=10.1521/siso.2015.79.2.196|lire en ligne=http://guilfordjournals.com/doi/10.1521/siso.2015.79.2.196|consulté le=2022-09-21|pages=196–220}}</ref>.
Kuwasi Balagoon naît sous le nom de Donald Weems dans le village noir de Lakeland du [[Comté du Prince George (Maryland)|comté du Prince George]], dans le [[Maryland]]<ref name=":1">{{Lien web |langue=en |titre=Kuwasi Balagoon: On Lineage |url=https://pinko.online/pinko-1/kuwasi-balagoon |site=pinko |consulté le=2023-02-01}}.</ref>, le 22 décembre 1946<ref name=":0">{{Article|langue=en|prénom1=Akinyele K.|nom1=Umoja|titre=Maroon: Kuwasi Balagoon and the Evolution of Revolutionary New Afrikan Anarchism|périodique=[[Science & Society]]|volume=79|numéro=2|date=2015-04|issn=0036-8237|doi=10.1521/siso.2015.79.2.196|accès doi=payant|lire en ligne=https://theanarchistlibrary.org/library/akinyele-k-umoja-maroon-kuwasi-balagoon-and-the-evolution-of-revolutionary-new-afrikan-anarchis|consulté le=2022-09-21|accès url=libre|pages=196–220}}.</ref>. Il est le dernier de trois enfants, très actif et peu obéissant<ref name=":1" />, et ses parents s'appellent Mary et James Weems{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=7}}. Ses deux sœurs aînées s'appellent Diane Weems, plus tard Weems Ligon, et Mary Day Weems, plus tard Hollomand{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=8}}. Il est proche de sa grand-mère ainsi que de deux institutrices, dont les noms de famille sont Reed et Shepard<ref name=":1" />, et va à l'école secondaire de Fairmont Heights{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=8}}.


Un jour, le petit ami de sa sœur, Jimmy, est accusé d'avoir violé une femme blanche. Jimmy est enfermé dans la prison du comté, située à [[Upper Marlboro]], avant d'avoir droit à un procès. D'après Balagoon, la délibération dure une quinzaine de minutes et Jimmy est condamné à perpétuité dans la prison d'État du Maryland, dont il s'évade en novembre 1968. C'est là que Balagoon se renseigne sur le [[racisme d'État]] et commence à se radicaliser<ref name=":1" />. Au début des années 1960, il est influencé par {{Lien|trad=Gloria Richardson}}, qui mène la lutte pour les droits civiques des personnes noires dans le Maryland. Le mouvement qu'elle mène, le mouvement Cambridge, est surtout connu pour son refus de la [[Désobéissance civile|résistance passive]] et son choix de l'auto-défense active comme tactique<ref name=":0" />.
Après le lycée, Weems intègre l'armée américaine et est déployé en Allemagne, où il est victime de racisme et d'agressions de la part d'officiers blancs. Il fonde, avec d'autres soldats noirs, un groupe secret appelé {{Citation|Da Legislators}}, qui effectue des raids de vengeance. Pendant qu'il vit en Europe, Weems visite [[Londres]] où il rencontre des personnes noires et britanniques, africaines ou caribéennes. Il commence alors à adopter un mode de vie [[Afrocentrisme|afrocentré]]. Après trois ans de service, il quitte l'armée avec les honneurs en 1967 et s'installe à [[New York]], où vit sa soeur Dianne<ref name=":0" />.


=== Militantisme et nationalisme noir ===
=== Service militaire et Da Legislators ===
Après le lycée, à dix-sept ans{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=8}}, Balagoon intègre l'armée américaine et sert en Allemagne, où il est victime de racisme et d'agressions de la part d'officiers blancs<ref name=":0" />. Il estime que la hiérarchie essaie de pousser les soldats non blancs au {{Citation|208}}, c'est-à-dire au renvoi pour comportement inapproprié, en multipliant les brimades pour tenter de rendre les soldats agressifs<ref name=":1" />. Il fait également remarquer que ces sanctions retirent le droit de vote aux hommes qui les reçoivent et ont un impact sur leur accès à l'emploi, pour des motifs qui valent normalement une simple réprimande aux hommes blancs{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=21}}.
Weems s'installe à New York il devient rapidement militant, commençant par participer à un syndicat de locataires, le Community Council on Housing (CCOH), et par organiser des grèves de paiement du loyer. En 1967, sa soeur et lui, deux autres locataires d'appartements et le dirigeant du CCOH Jesse Gray sont arrêtés à [[Washington (district de Columbia)|Washington]] pour avoir interrompu une session du congrès et amené une cage remplie de rats pour illustrer les conditions de vie des appartements urbains. Le CCOH perd tous ses fonds au cours de la procédure judiciaire qui s'ensuit et se dissout<ref name=":0" />.


Il fonde, avec d'autres soldats noirs, un groupe clandestin qui effectue des raids de vengeance contre des militaires racistes<ref name=":1" />{{,}}<ref name=":0" />. Le groupe Da Legislators<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":5">{{Lien web |langue=en |titre=Faerie Fire: On Revolutionary Queer History: Part Two |url=https://peoples-voice.org/2021/07/26/faerie-fire-on-revolutionary-queer-history-part-two/ |accès url=libre |site=People's Voice News |date=2021-07-26 |consulté le=2023-02-01}}.</ref> ou De Legislators<ref name=":1" />{{,}}{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=3}} est composé de cinq membres : De Judge, De Prosecutor, De Executioner, Hannibal, et De Prophet<ref name=":1" />. Pendant qu'il vit en Europe, Weems visite [[Londres]] où il rencontre des personnes noires et britanniques, africaines ou caribéennes. Il commence alors à adopter un mode de vie [[Afrocentrisme|afrocentré]]<ref name=":0" />. Après trois ans de service, il quitte l'armée avec les honneurs en 1967<ref name=":5" />{{,}}{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=21}}.
Il rejoint alors le {{Langue|anglais|Central Harlem Committee for Self-Defense}}, un groupe qui fournit de l'eau et de la nourriture aux groupes étudiants qui participent à l'{{Lien|trad=Columbia University protests of 1968|fr=occupation de l'université Columbia de 1968}}. À la même époque, il s'implique dans l'{{Lien|trad=African Theological Archministry}}, un temple [[Religion yoruba|yoruba]] traditionnel dirigé par {{Lien|trad=Adefunmi}}. Adefunmi soutient le [[nationalisme noir]] et encourage ses fidèles à s'africaniser. C'est sous cette influence que Donald Weems se renomme en Kuwasi Balagoon : Kuwasi est un prénom ghanéen désignant un homme né un dimanche, et le mot Balagoon signifie [[seigneur de guerre]] en [[Yoruba (langue)|yoruba]]<ref name=":0" />.


=== Militantisme à New York ===
À la fin des années 1960, Balagoon s'implique de plus en plus dans le mouvement [[Black Power]] et se penche sur le nationalisme noir. Il explique que {{Citation|[je suis] devenu un révolutionnaire et j'ai accepté la doctrine du nationalisme en réponse au génocide pratiqué par le gouvernement des États-Unis}}{{Note|texte={{citation étrangère|langue=en|[I] became a revolutionary and accepted the doctrine of nationalism as a response to the genocide practised by the United States government}}|groupe=a}}. Il s'inspire de [[Malcolm X]], de [[Robert F. Williams]] et de {{Lien|trad=H. Rap Brown}} et estime que la seule façon d'atteindre la libération des personnes noires est une [[guérilla]]. Il intègre alors le [[Black Panther Party]], qu'il a découvert en octobre 1967 avec l'arrestation de [[Huey P. Newton]]<ref name=":0" />. Il cite l'adoption du [[maoïsme]] par les Black Panthers comme une de ses raisons de s'y impliquer<ref name=":0" />.
À son retour d'Allemagne, Balagoon s'installe à New York chez sa sœur Dianne<ref name=":0" />.

Il intègre rapidement un syndicat de locataires, le Community Council on Housing (CCOH), et organise des grèves de paiement du loyer. Il participe à des réunions locales sur le logement et est bénévole pour {{Lang|anglais|Project Rescue}} et le {{Langue|en|Central Harlem Committee for Self-Defense}}<ref name=":1" />. Le {{Langue|en|Central Harlem Committee for Self-Defense}} fournit de l'eau et de la nourriture aux groupes étudiants qui participent aux [[manifestations de l'université Columbia en 1968]]{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=5}}{{,}}<ref name=":0" />. À la même époque, il s'implique dans l'[[African Theological Archministry]], un temple [[Religion yoruba|yoruba]] traditionnel dirigé par {{Lien|langue=en|Adefunmi}}. Adefunmi soutient le [[nationalisme noir]] et encourage ses fidèles à s'africaniser. C'est sous cette influence que Donald Weems se renomme en Kuwasi Balagoon : Kuwasi est un prénom ghanéen désignant un homme né un dimanche, et le mot Balagoon signifie [[seigneur de guerre]] en [[Yoruba (langue)|yoruba]]<ref name=":0" />. Il est ainsi rebaptisé au sein du temple par ses pairs. Il refuse dès lors l'utilisation de son ancien nom, affirmant que {{Citation|Donald}} est un prénom chrétien, alors que lui n'est pas chrétien, et que {{Citation|Weems}} est un nom écossais, ce qu'il n'est pas non plus<ref name=":3">{{Article|titre=New Africa : Déclaration de Kuwasi Balagoon à son procès|périodique=L’Internationale|numéro=N°9|date=Juillet-Août 1984|lire en ligne=https://www.archivesautonomies.org/spip.php?article65|accès url=libre|format=pdf|pages=18}}.</ref>.

En 1967, le [[Congrès des États-Unis]] vote contre une loi de financement de l'extermination des rats dans les logements sociaux. En 1967, sa sœur et lui, deux autres locataires d'appartements et le dirigeant du CCOH [[Jesse Gray]] sont arrêtés à [[Washington (district de Columbia)|Washington]] pour avoir interrompu une session du Congrès en y amenant une cage remplie de rats. Ils refusent de quitter les lieux en invoquant le premier amendement{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=20}}. Après cet événement, le Congrès installe une paroi de plexiglas entre les visiteurs et les sièges des membres élus{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=21}}. Le CCOH perd tous ses fonds au cours de la procédure judiciaire qui s'ensuit et s'auto-dissout<ref name=":0" />.


=== Black Panthers ===
=== Black Panthers ===

==== Intégration au groupe ====
[[Fichier:Malcolm X NYWTS 4.jpg|alt=Photo en noir et blanc d'un homme noir portant un costume-cravate et des lunettes.|vignette|[[Malcolm X]] est une inspiration majeure pour Kuwasi Balagoon dans les premières années de son militantisme.]]
À la fin des années 1960, Balagoon s'implique de plus en plus dans le mouvement [[Black Power]] et se penche sur le nationalisme noir. Il explique que {{Citation|[je suis] devenu un révolutionnaire et j'ai accepté la doctrine du nationalisme en réponse au génocide pratiqué par le gouvernement des États-Unis}}{{Note|texte={{citation étrangère|langue=en|[I] became a revolutionary and accepted the doctrine of nationalism as a response to the genocide practised by the United States government}}|groupe=a}}. Il s'inspire de [[Malcolm X]], de [[Robert F. Williams]] et de {{Lien|trad=H. Rap Brown}} et estime que la seule façon d'atteindre la libération des personnes noires est une [[guérilla]]. Il intègre alors le [[Black Panther Party]], qu'il a découvert en octobre 1967 avec l'arrestation de [[Huey P. Newton]]. Il cite l'adoption du [[maoïsme]] par les Black Panthers comme une de ses raisons de s'y impliquer<ref name=":0" />.

==== Affaire des Panther 21 ====
{{Article détaillé|Panther 21}}
{{Article détaillé|Panther 21}}
[[Fichier:Afeni Shakur (2390574878).jpg|alt=Photo d'une femme noire sur une tribune. Elle porte une chemise blanche, une casquette et des lunettes de soleil.|vignette|[[Afeni Shakur]] est elle aussi arrêtée et innocentée dans l'affaire des [[Panther 21]].]]
En février 1969, Balagoon et Richard Harris, un autre membre du BPP à New York, sont arrêtés à [[Newark (New Jersey)|Newark]] et accusés d'avoir braqué une banque. Pendant qu'il est en prison en attendant son jugement, le 2 avril 1969, il est inculpé d'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes [[terrorisme|terroristes]] avec vingt autres membres des Black Panthers, dans ce qui deviendra le cas des [[Panther 21]]<ref name="Feb 1970 arrest">{{article|nom=Evans Asbury|prénom=Edith|date=1 February 1970|titre=16 Black Panthers Go on Trial Tomorrow in State Court Here|url=https://www.nytimes.com/1970/02/01/archives/16-black-panthers-go-on-trial-tomorrow-in-state-court-here.html|périodique=[[New York Times]]|consulté le=28 août 2022}}</ref>. La plupart des accusés sont libérés en échange d'une caution ayant été fixée à la somme de {{unité|100000|dollars}} pour chacun, somme énorme dépassant celle ordonnée par la suite pour des militants blancs soupçonnés d'avoir organisé des attentats et inhabituelle pour des accusés dénués de [[casier judiciaire]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=Murray|nom1=Kempton|titre=The briar patch : the trial of the panther 21|éditeur=Da Capo Press|date=1997|isbn=0-306-80799-8|isbn2=978-0-306-80799-2|oclc=37043921|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/37043921|consulté le=2022-09-21}}</ref>. [[Sekou Odinga]] et lui-même sont accusés d'avoir essayé d'assassiner des policiers new-yorkais et n'ont pas droit à une libération sous caution. La défense de Balagoon établit que l'accusation est fondée sur le témoignage de Joan Bird, une membre des Black Panthers qui aurait fait ses aveux sous la torture<ref>{{article|nom=Evans Asbury|prénom=Edith|date=22 April 2022|titre=Lawyer for Joan Bird Says She Was 'Worked Over' by Police|url=https://www.nytimes.com/1971/04/22/archives/lawyer-for-joan-bird-says-she-was-worked-over-by-police.html|périodique=[[New York Times]]|consulté le=28 août 2022}}</ref>. Odinga parvient à s'évader et rejoint [[Eldridge Cleaver]] en Algérie<ref name=":0" />.
En février 1969, Balagoon et Richard Harris, un autre membre du [[Black Panther Party]] (BPP) à New York, sont arrêtés à [[Newark (New Jersey)|Newark]] et accusés d'avoir braqué une banque. Pendant qu'il est en prison en attendant son jugement, le 2 avril 1969, il est inculpé d'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes [[terrorisme|terroristes]] avec vingt autres membres des Black Panthers, dans ce qui deviendra le cas des [[Panther 21]]<ref name="Feb 1970 arrest">{{article|langue=en|prénom=Edith|nom=Evans Asbury|titre=16 Black Panthers Go on Trial Tomorrow in State Court Here|périodique=[[New York Times]]|date=1 February 1970|url=https://www.nytimes.com/1970/02/01/archives/16-black-panthers-go-on-trial-tomorrow-in-state-court-here.html|consulté le=28 août 2022|accès url=libre}}.</ref>. La plupart des accusés sont libérés en échange d'une caution ayant été fixée à la somme de {{unité|100000|dollars}} pour chacun, somme énorme dépassant celle ordonnée par la suite pour des militants blancs soupçonnés d'avoir organisé des attentats et inhabituelle pour des accusés dénués de [[casier judiciaire]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Murray|nom1=Kempton|titre=The briar patch : the trial of the panther 21|éditeur=Da Capo Press|date=1997|isbn=0-306-80799-8|isbn2=978-0-306-80799-2|oclc=37043921|présentation en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/37043921|consulté le=2022-09-21}}.</ref>. [[Sekou Odinga]] et lui-même sont accusés d'avoir essayé d'assassiner des policiers new-yorkais et n'ont pas droit à une libération sous caution. La défense de Balagoon établit que l'accusation est fondée sur le témoignage de Joan Bird, une membre des Black Panthers qui aurait fait ses aveux sous la torture<ref>{{article|langue=en|prénom=Edith|nom=Evans Asbury|titre=Lawyer for Joan Bird Says She Was 'Worked Over' by Police|périodique=[[New York Times]]|date=22 April 2022|url=https://www.nytimes.com/1971/04/22/archives/lawyer-for-joan-bird-says-she-was-worked-over-by-police.html|consulté le=28 août 2022|accès url=libre}}.</ref>. Odinga parvient à s'évader et rejoint [[Eldridge Cleaver]] en Algérie<ref name=":0" />.


La première semaine d'octobre 1970, attendant toujours le jugement, des membres du Black Panther Party, dont Balagoon, provoquent des émeutes simultanées dans deux prisons<ref name=":0" />{{,}}<ref>{{article|nom=Sibley|prénom=John|date=2 October 1970|titre=Prisoners Seize Hostages, Take Over Jail in Queens|url=https://www.nytimes.com/1970/10/02/archives/prisoners-seize-hostages-take-over-jail-in-queens-prisoners-take.html|périodique=[[New York Times]]|consulté le=27 août 2022}}</ref>{{,}}<ref>{{article|nom=Montgomery|prénom=Paul L.|date=31 October 1970|titre=28 Indicted Here For Role in Rioting At Detention Houses|url=https://www.nytimes.com/1970/10/31/archives/28-indicted-here-for-role-in-rioting-at-detention-houses-28-are.html|périodique=[[New York Times]]|consulté le=27 août 2022}}</ref>. Balagoon est en prison dans le [[Queens]] avec [[Lumumba Shakur]] et [[Kwando Kinshasa]]. Ensemble, ils prennent sept otages. Pendant que les autorités tentent de négocier avec les mutins, qui exigent des procès plus rapides et des meilleures conditions de vie en prison, Balagoon essaie de s'assurer que les décisions sont prises par consensus. Il estime que les prisonniers donnent trop de pouvoir aux Black Panthers et ne prennent pas assez d'initiatives, mais il exprime sa conviction que les émeutes, qui se soldent par un échec, ont quand même prouvé que des personnes normales peuvent remettre en question le pouvoir de l'État<ref name=":0" />.
La première semaine d'octobre 1970, attendant toujours le jugement, des membres du Black Panther Party, dont Balagoon, provoquent des émeutes simultanées dans deux prisons<ref name=":0" />{{,}}<ref>{{article|langue=en|prénom=John|nom=Sibley|titre=Prisoners Seize Hostages, Take Over Jail in Queens|périodique=[[New York Times]]|date=2 October 1970|url=https://www.nytimes.com/1970/10/02/archives/prisoners-seize-hostages-take-over-jail-in-queens-prisoners-take.html|consulté le=27 août 2022}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=en|prénom=Paul L.|nom=Montgomery|titre=28 Indicted Here For Role in Rioting At Detention Houses|périodique=[[New York Times]]|date=31 October 1970|url=https://www.nytimes.com/1970/10/31/archives/28-indicted-here-for-role-in-rioting-at-detention-houses-28-are.html|consulté le=27 août 2022}}.</ref>. Balagoon est en prison dans le [[Queens]] avec Lumumba Shakur et Kwando Kinshasa. Ensemble, ils prennent sept otages. Pendant que les autorités tentent de négocier avec les mutins, qui exigent des procès plus rapides et des meilleures conditions de vie en prison, Balagoon essaie de s'assurer que les décisions sont prises par consensus. Il estime que les prisonniers donnent trop de pouvoir aux Black Panthers et ne prennent pas assez d'initiatives, mais il exprime sa conviction que les émeutes, qui se soldent par un échec, ont quand même prouvé que des personnes normales peuvent remettre en question le pouvoir de l'État<ref name=":0" />.


Balagoon est acquitté avec les autres Panther 21, mais condamné pour le braquage du New Jersey en octobre 1971. Il plaide coupable et est condamné à une peine d'emprisonnement de 23 à 29 ans<ref>{{article|date=January 21, 1982|titre=Black Liberation Army member Donald Weems, wanted on murder|périodique=United Press International}}</ref>{{,}}<ref>{{article|nom=Vasquez|prénom=Juan M.|date=8 October 1971|titre=One of Panther 21 Admits Helping Antipolice Sniper|url=https://www.nytimes.com/1971/10/08/archives/one-of-panther-21-admits-helping-antipolice-sniper.html|périodique=[[New York Times]]|consulté le=28 août 2022}}</ref>.
Balagoon est acquitté avec les autres Panther 21, mais condamné pour le braquage du New Jersey en octobre 1971. Il plaide coupable et est condamné à une peine d'emprisonnement de 23 à {{nobr|29 ans}}<ref>{{article|langue=en|titre=Black Liberation Army member Donald Weems, wanted on murder|périodique=United Press International|date=January 21, 1982}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=en|prénom=Juan M.|nom=Vasquez|titre=One of Panther 21 Admits Helping Antipolice Sniper|périodique=[[New York Times]]|date=8 October 1971|url=https://www.nytimes.com/1971/10/08/archives/one-of-panther-21-admits-helping-antipolice-sniper.html|consulté le=28 août 2022}}.</ref>. Il se définit comme prisonnier de guerre<ref name=":1" />. Il publie plusieurs textes, dont des poèmes, dans l'ouvrage collectif des Panther 21, ''[[Look for Me in the Whirlwind]]''{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=3}}{{,}}<ref name=":6">{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Dhoruba|nom1=Bin Wahad|prénom2=Shaba|nom2=Om|prénom3=Jamal|nom3=Joseph|prénom4=déqui|nom4=kioni-sadiki|titre=Look for me in the whirlwind : from the Panther 21 to 21st-century revolutions|date=2017|isbn=978-1-62963-389-3|isbn2=1-62963-389-5|oclc=961409165|présentation en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/961409165|consulté le=2023-02-01}}.</ref>.


=== Anarchisme ===
=== Black Liberation Army ===
Balagoon remet en question la direction du BPP, surtout quand [[Geronimo Pratt]] est expulsé du parti quand il est arrêté pour le meurtre de Caroline Olsen, dont le jugement est annulé en 1997<ref name="Pratt dies">{{article|date=3 June 2011|titre=Former Black Panther leader dies|url=https://www.irishtimes.com/news/former-black-panther-leader-dies-1.877665|périodique=[[Irish Times]]|consulté le=27 août 2022}}</ref>. Les Panthers des côtes ouest et est continuent à se diviser, entre autres sur le choix du [[panafricanisme]] ou de l'[[internationalisme]]. Quand la direction californienne du parti renvoie les New Yorkais {{Lien|trad=Dhoruba bin Wahad}}, [[Michael Tabor (activiste)|Michael Tabor]] et [[Connie Matthews]], le chapitre local se sépare officiellement de l'organisation nationale<ref name=":0" />.
Balagoon remet en question la direction du BPP, surtout quand [[Geronimo Pratt]] est expulsé du parti après son arrestation pour le meurtre de Caroline Olsen, même si le jugement est annulé en 1997<ref name="Pratt dies">{{article|langue=en|titre=Former Black Panther leader dies|périodique=[[Irish Times]]|date=3 June 2011|url=https://www.irishtimes.com/news/former-black-panther-leader-dies-1.877665|consulté le=27 août 2022}}.</ref>. Les Panthers des côtes ouest et est continuent à se diviser, entre autres sur le choix du [[panafricanisme]] ou de l'[[internationalisme]]. Quand la direction californienne du parti renvoie les New Yorkais {{Lien|trad=Dhoruba bin Wahad}}, [[Michael Tabor (activiste)|Michael Tabor]] et [[Connie Matthews]], le chapitre local se sépare officiellement de l'organisation nationale<ref name=":0" />.[[File:Flag of the Republic of New Afrika.svg|vignette|200x200px|Dans les années 1970, Balagoon intègre la [[Republic of New Afrika]].|alt=Un drapeau constitué de trois bandes, verte, rouge et noire.]]Balagoon est en prison, mais il se tient au courant des nouvelles et les trouve désespérantes. Il s'intéresse alors de plus en plus à l'[[anarchisme]], comme d'autres Black Panthers emprisonnés avec lui<ref name=":0" />. Il critique les pays communistes de son époque comme la Chine, le Zimbabwe et l'URSS, y voyant un [[capitalisme d'État]] et de nouvelles formes d'oppression<ref name=":1" />. Il accuse le BPP d'avoir oublié les combats quotidiens des personnes noires en Amérique du Nord et de ne plus se concentrer que sur la défense de ses membres accusés de crimes. Il intègre alors la [[Black Liberation Army]]{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=3}}, qui cherche à mener une guerre clandestine contre l'État<ref name=":0" />, estimant que la répression engendre la résistance<ref name=":3" />.
Le 27 septembre 1973, Balagoon s'évade de prison et commence une cavale de huit mois. Il est arrêté quand il tente d'aider Richard Harris à s'évader pendant un enterrement pour lequel Harris a le droit de sortir de prison temporairement. Balagoon et Harris sont tous deux blessés par balle par des policiers et retournent en prison{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=5}}<ref name=":0" />. Pendant la suite de sa peine, Balagoon lit des anarchistes comme [[Wilhelm Reich]], [[Emma Goldman]], [[Errico Malatesta]], [[Buenaventura Durruti]] et [[Severino Di Giovanni]] et tente d'appliquer leurs réflexions à la cause noire. Il rejoint également la [[Republic of New Afrika]] et commence à se décrire comme un {{Citation|New Afrikan Anarchist}}<ref name=":0" />. Il est reconnu plus tard comme l'anarchiste de Nouvelle-Afrik le plus célèbre<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Spencer|nom1=Beswick|titre=From the Ashes of the Old: Anarchism Reborn in a Counterrevolutionary Age (1970s-1990s)|périodique=Anarchist Studies|volume=30|numéro=2|date=2022-09-16|issn=2633-8270|doi=10.3898/AS.30.2.02|lire en ligne=https://www.ingentaconnect.com/content/10.3898/AS.30.2.02|résumé=https://emptyhandshistory.com/from-the-ashes-of-the-old-anarchism-reborn-in-a-counterrevolutionary-age-1970s-90s/|consulté le=2023-02-01|accès url=payant|pages=31–54}}.</ref>. Son intérêt pour l'anarchisme s'explique entre autres par sa volonté d'éviter le [[culte de la personnalité]] des groupes hiérarchisés, comme ça a été le cas avec Huey Newton et [[Eldridge Cleaver]] au sein du Black Panther Party ; il apprécie aussi, étant lui-même bisexuel, les écrits d'Emma Goldman défendant les droits des homosexuels<ref name=":5" />.
[[Fichier:Assata Shakur FBI.jpg|alt=Photo de face et en noir et blanc d'une femme.|vignette|Kuwasi Balagoon a peut-être participé à l'évasion de prison d'[[Assata Shakur]].]]
Le 27 mai 1978, Balagoon s'évade à nouveau{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=5}}, cette fois de la prison de Rahway dans le New Jersey, aidé par la Black Liberation Army et Sekou Odinga. Le 2 novembre 1979, avec la BLA et la [[May 19th Communist Organization]], il participe probablement à l'évasion d'[[Assata Shakur]]<ref name=":0" />{{,}}{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=9}}, condamnée pour le meurtre du policier Werner Foerster en 1973<ref>{{article|langue=en|prénom=David|nom=Jones|titre=New Jersey trooper's killer is first woman on FBI most wanted terror list|périodique=[[Reuters]]|date=2 May 2013|url=https://www.reuters.com/article/us-usa-crime-wanted-idUSBRE94114020130502|consulté le=27 août 2022}}.</ref>.


=== Braquage de la Brink's ===
Balagoon est en prison, mais se tient au courant des nouvelles et les trouve désespérantes. Il s'intéresse alors de plus en plus à l'[[anarchisme]], comme d'autres Black Panthers emprisonnés avec lui. Il accuse le BPP d'avoir oublié les combats quotidiens des personnes noires en Amérique du Nord et de ne plus se concentrer que sur la défense de ses membres accusés de crimes. Il intègre alors la [[Black Liberation Army]], qui cherche à mener une guerre clandestine contre l'État<ref name=":0" />.
{{Article détaillé|Braquage de la Brink's de 1981}}
[[File:RNA_Flag_08I09.svg|lien=https://en.wikipedia.org/wiki/File:RNA_Flag_08I09.svg|vignette|200x200px|Dans les années 1970, Balagoon intègre la [[Republic of New Afrika]].]]
[[Fichier:Brinks Geldtransporter 04.jpg|alt=Photo d'un camion blanc et bleu dans une rue.|vignette|Camion blindé de la [[Brink's]].]]
Le 27 septembre 1973, Balagoon s'échappe de prison et commence une cavale de huit mois. Il est arrêté quand il tente d'aider Richard Harris à s'évader pendant un enterrement pour lequel Harris a le droit de sortir de prison temporairement. Balagoon et Harris sont tous deux blessés par balle par des policiers et retournent en prison. Pendant la suite de sa peine, Balagoon lit des anarchistes comme [[Wilhelm Reich]], [[Emma Goldman]], [[Errico Malatesta]], [[Buenaventura Durruti]] et [[Severino Di Giovanni]] et tente d'appliquer leurs réflexions à la cause noire. Il rejoint également la [[Republic of New Afrika]] et commence à se décrire comme un {{Citation|New Afrikan Anarchist}}<ref name=":0" />.
En 1981, quelques membres de la Black Liberation Army et du [[Weather Underground]] créent la {{Lang|anglais|Revolutionary Armed Task Force}}. L'objectif du groupe est de confisquer le capital pour le redistribuer à des programmes nationalistes et armés destinés à la jeunesse noire<ref name=":1" />.


Le braquage de la Brink's de 1981, qualifié d'« [[expropriation]] révolutionnaire », est organisé par la Black Liberation Army afin de s'emparer de fonds pour ses activités révolutionnaires et pour le soutien aux mouvements sociaux, notamment du Black Power et [[Anti-colonialiste|anti-colonialistes]]. Selon ''[[The Nation]]'', les fonds extorqués doivent servir en particulier à payer l'[[hypothèque]] de la clinique d'[[acupuncture]] de [[Mutulu Shakur]], qui soigne des [[toxicomane]]s à [[Harlem]]<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Carol Brightman|titre=Running on Empty|périodique=The Nation|date=December 18, 2003|lire en ligne=https://web.archive.org/web/20160305203818/http://www.thenation.com/article/running-empty-0/?page=full}}.</ref>. Une fusillade éclate pendant le cambriolage dans des circonstances controversées : selon Kuwasi Balagoon lors de son procès, la BLA n'a ouvert le feu qu'après que l'agent de la Brink's, Peter Paige, s'est emparé de son arme, tandis que les policiers affirment que la BLA a ouvert le feu sans raison<ref name=":7">{{Ouvrage|auteur1=Dan Berger|titre=Weather Underground histoire explosive du plus célèbre groupe radical américain|passage=375-377|éditeur=L'Échappée|date=DL 2010|isbn=978-2-915830-20-0|isbn2=2-915830-20-7|oclc=690359186|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/690359186|consulté le=2023-02-02|numéro chapitre=XI}}.</ref>, version alors reprise par ''[[Time (magazine)|Time Magazine]]''<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Claudia Wallis|auteur2=James Wilde|auteur3=Peter Staler|titre=Bullets from the Underground|périodique=Time Magazine|date=2 novembre 1981|lire en ligne=https://web.archive.org/web/20130216121212/https://time.com/time/magazine/article/0,9171,950580,00.html|accès url=limité|format=extrait}}.</ref>. Au cours du cambriolage, le coursier Peter Paige et les policiers Waverly Brown et Edward O'Grady II sont tués<ref>{{article|langue=en|titre=Memorial marks 40 years since deadly Brink's armored car robbery at Nanuet mall|périodique=[[ABC News]]|date=20 October 2021|url=https://abc7ny.com/brinks-robbery-peter-paige-waverly-brown-edward-ogrady/11147243/|consulté le=27 août 2022}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=en|titre=SKETCHES OF VICTIMS OF SHOOTINGS; Sgt. Edward O'Grady|périodique=[[New York Times]]|date=22 October 1981|url=https://www.nytimes.com/1981/10/22/nyregion/sketches-of-victims-of-shootings-sgt-edward-o-grady.html|consulté le=27 août 2022}}.</ref>. Les braqueurs prennent la fuite avec {{nombre|1,6|million}} de [[Dollar américain|dollars]]<ref name=":7" />.
Le 27 mai 1978, Balagoon s'évade de la prison de Rahway dans le New Jersey et est accompagné par la Black Liberation Army et Sekou Odinga. Le 2 novembre 1979, avec la BLA et la [[May 19th Communist Organization]], il participe à l'évasion d'[[Assata Shakur]]<ref name=":0" />, condamnée pour le meurtre du policier Werner Foerster en 1973<ref>{{article|nom=Jones|prénom=David|date=2 May 2013|titre=New Jersey trooper's killer is first woman on FBI most wanted terror list|url=https://www.reuters.com/article/us-usa-crime-wanted-idUSBRE94114020130502|périodique=[[Reuters]]|consulté le=27 août 2022}}</ref>.


Le 20 janvier 1982, Balagoon est arrêté et accusé d'avoir participé au cambriolage<ref>{{article|langue=en|titre=3 IN BRINK'S CASE GIVEN LONG TERMS|périodique=[[New York Times]]|date=7 October 1983|url=https://www.nytimes.com/1983/10/07/nyregion/3-in-brink-s-case-given-long-terms.html|consulté le=27 août 2022}}.</ref>{{,}}<ref name=":3" />. Bien qu'ayant demandé à être jugé avec Sekou Odinga, qui fait partie du même groupe militant que lui{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=17}}, il est finalement jugé avec David Gilbert et Judith Alice Clark, deux complices blancs<ref name="3goontrial">{{article|langue=en|titre=3 go on trial today in Goshen in '81 Brink's slayings|périodique=[[The New York Times]]|date=11 July 1983|url=https://www.nytimes.com/1983/07/11/nyregion/3-go-on-trial-today-in-goshen-in-81-brink-s-slayings.html|consulté le=24 août 2021}}.</ref>. Gilbert et Brown sont victimes de violences physiques au commissariat et la police refuse tout soin médical à Brown pendant onze semaines<ref name=":7" />. Il refuse d'être défendu par un avocat et décide de se représenter lui-même, utilisant sa plaidoirie pour rejeter l'autorité de la cour et se présenter comme un [[prisonnier de guerre]]<ref name=":0" />{{,}}<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Jonathan Beaty|auteur2=Michael S. Serrill|titre=Trials on Twin Tracks|périodique=Time|volume=122|numéro=10|date=1983|lire en ligne=https://search-ebscohost-com.bnf.idm.oclc.org/login.aspx?direct=true&db=edsbro&AN=edsbro.A246658730&lang=fr&site=eds-live|accès url=payant|pages=54}}.</ref>. Il est possible qu'Odinga et Balagoon aient volontairement été placés dans des procès séparés afin d'empêcher les jurys de les considérer comme un groupe organisé{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=17}}.
=== Vol ===
En janvier 1982, Balagoon est arrêté et accusé d'avoir participé au cambriolage d'un camion blindé [[Brink's]] le 20 octobre 1981<ref>{{article|date=7 October 1983|titre=3 IN BRINK'S CASE GIVEN LONG TERMS|url=https://www.nytimes.com/1983/10/07/nyregion/3-in-brink-s-case-given-long-terms.html|périodique=[[New York Times]]|consulté le=27 août 2022}}</ref>. Au cours du cambriolage, le coursier Peter Paige et les policiers Waverly Brown et Edward O'Grady II sont tués<ref>{{article|date=20 October 2021|titre=Memorial marks 40 years since deadly Brink's armored car robbery at Nanuet mall|url=https://abc7ny.com/brinks-robbery-peter-paige-waverly-brown-edward-ogrady/11147243/|périodique=[[ABC News]]|consulté le=27 août 2022}}</ref>{{,}}<ref>{{article|date=22 October 1981|titre=SKETCHES OF VICTIMS OF SHOOTINGS; Sgt. Edward O'Grady|url=https://www.nytimes.com/1981/10/22/nyregion/sketches-of-victims-of-shootings-sgt-edward-o-grady.html|périodique=[[New York Times]]|consulté le=27 août 2022}}</ref>. Il est jugé avec David Gilbert et {{Lien|trad=Judith Alice Clark}}, deux complices blancs<ref name="3goontrial">{{article|titre=3 GO ON TRIAL TODAY IN GOSHEN IN '81 BRINK'S SLAYINGS|url=https://www.nytimes.com/1983/07/11/nyregion/3-go-on-trial-today-in-goshen-in-81-brink-s-slayings.html|consulté le=24 août 2021|périodique=[[The New York Times]]|date=11 July 1983}}</ref>. Il refuse d'être défendu par un avocat et décide de se représenter lui-même, utilisant sa plaidoirie pour rejeter l'autorité de la cour et se présenter comme un [[prisonnier de guerre]]<ref name=":0" />. Sekou Odinga, appelé comme témoin, confirme que Balagoon et lui ont été responsables du cambriolage et que les morts étaient {{Citation|justifiées}}, alors qu'aucun accusé n'avait plaidé coupable jusque-là<ref name="Odinga testimony">{{article|nom=Hanley|prénom=Robert|date=13 September 1983|titre=Witness calls Brink's killings justified|url=https://www.nytimes.com/1983/09/13/nyregion/witness-calls-brink-s-killings-justified.html|périodique=[[New York Times]]|consulté le=28 août 2022}}</ref>.


Dans sa plaidoirie, Balagoon affirme n'être accusé que de crimes de nature politique ou militaire<ref name=":3" /> et confirme être un soldat de la Black Liberation Army{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=8}} ; il ajoute ne pas avoir ouvert le feu en premier et estimer qu'en tant que soldat pour la liberté, il peut attaquer des soldats de l'ennemi, c'est-à-dire des policiers, mais pas des civils{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=18}}. Il fait remarquer qu'il n'est jamais en contact avec des prisonniers accusés de crimes non politiques, et qu'il n'est pas traité comme un criminel classique. Il ajoute que sur les dix ans passés en prison jusque-là, il en a passé sept à l'isolement ou dans une section séparée de la population générale incarcérée{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=18}}.
Balagoon est condamné à 75 ans de prison, soit une condamnation à perpétuité<ref>{{article|url=https://www.nytimes.com/1984/10/24/nyregion/the-city-defendant-guilty-in-2d-brink-s-case.html|titre=THE CITY; Defendant Guilty In 2d Brink's Case|nom=Associated Press|date=October 24, 1984|périodique=The New York Times|consulté le=8 novembre 2009}}</ref>. Il écrit : {{Citation|Quant aux soixante-quinze ans de prison, ils ne m'inquiètent pas vraiment, non seulement parce que je n'ai pas pour habitude de purger mes peines en entier ni d'attendre une libération conditionnelle ou d'autres absurdités du genre, mais aussi parce que l'État ne durera de toute façon pas soixante-quinze ou même cinquante ans.}}{{Note|texte={{citation étrangère|langue=en|As to the seventy-five years in prison, I am not really worried, not only because I am in the habit of not completing sentences or waiting on parole or any of that nonsense but also because the State simply isn't going to last seventy-five or even fifty years.}}|groupe=a}}<ref>{{lien web|auteur=Kuwasi Balagoon |titre=Kuwasi Balagoon: Letters from Prison |url=https://theanarchistlibrary.org/library/kuwasi-balagoon-letters-from-prison |website= |date=9 December 1983 |consulté le=28 août 2022 }}</ref>

[[Sekou Odinga]], appelé comme témoin, confirme que Balagoon et lui sont responsables du cambriolage et que les morts étaient {{Citation|justifiées}}, alors qu'aucun accusé n'avait plaidé coupable jusque-là<ref name="Odinga testimony">{{article|langue=en|prénom=Robert|nom=Hanley|titre=Witness calls Brink's killings justified|périodique=[[The New York Times]]|date=13 September 1983|url=https://www.nytimes.com/1983/09/13/nyregion/witness-calls-brink-s-killings-justified.html|consulté le=28 août 2022}}.</ref>. Sekou Odinga, Kathy Boudin, et Mutulu Shakur sont finalement condamnés dans le cadre de la même affaire, mais lors de procès différents<ref name=":1" />.

La délibération dure moins de deux heures et demie<ref name=":2">{{Article|titre=Extrémistes trouvés coupables de meurtre|périodique=Le Soleil, Éditions Québec Régional et Est du Québec|date=15 septembre 1983|lire en ligne=https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2974067|accès url=libre|format=pdf|pages=8}}.</ref>. Le 15 septembre 1983<ref name=":2" />, Balagoon est condamné à {{nobr|75 ans}} de prison, soit une condamnation à perpétuité<ref name=":1" />{{,}}<ref>{{article|langue=en|nom=Associated Press|titre=THE CITY; Defendant Guilty In 2d Brink's Case|périodique=The New York Times|date=October 24, 1984|url=https://www.nytimes.com/1984/10/24/nyregion/the-city-defendant-guilty-in-2d-brink-s-case.html|consulté le=8 novembre 2009}}.</ref>. Comme ses co-accusés, il refuse d'assister au verdict<ref name=":4">{{Article|langue=en|titre=Reckoning Day|périodique=Time|volume=122|numéro=13|date=1983|lire en ligne=https://search-ebscohost-com.bnf.idm.oclc.org/login.aspx?direct=true&db=edsbro&AN=edsbro.A246658858&lang=fr&site=eds-live|accès url=payant|pages=63}}.</ref>. Il écrit : {{Citation|Quant aux soixante-quinze ans de prison, ils ne m'inquiètent pas vraiment, non seulement parce que je n'ai pas pour habitude de purger mes peines en entier ni d'attendre une libération conditionnelle ou d'autres absurdités du genre, mais aussi parce que l'État ne durera de toute façon pas soixante-quinze ou même cinquante ans.}}{{Note|texte={{citation étrangère|langue=en|As to the seventy-five years in prison, I am not really worried, not only because I am in the habit of not completing sentences or waiting on parole or any of that nonsense but also because the State simply isn't going to last seventy-five or even fifty years.}}|groupe=a}}{{,}}<ref>{{lien web |langue=en |auteur=Kuwasi Balagoon |titre=Kuwasi Balagoon: Letters from Prison |url=https://theanarchistlibrary.org/library/kuwasi-balagoon-letters-from-prison |website= |date=9 December 1983 |consulté le=28 août 2022}}.</ref> Le juge chargé du cas s'étonne de la sévérité des sanctions, et certains journalistes critiquent le fait que les témoignages utilisés contre le trio soient ceux d'autres personnes jugées, qui auraient eu intérêt à mentir pour limiter leur propre peine<ref name=":4" />. C'est notamment le cas des militants de Nouvelle Afrik Sammy Brown, Tyrone Rison, Kamau Bayette, et d'Yvonne Thomas, qui souffre de maladie mentale et fait une crise pendant une garde à vue prolongée{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=18}}.


=== Fin de vie ===
=== Fin de vie ===
En prison, Balagoon est vu comme une personne drôle et serviable, et son co-détenu et complice David Gilbert raconte que {{Citation|l'humour de prison est le plus souvent soit déprimant, soit sexiste. Kuwasi a su créer un humour communautaire plus sain où nous riions des autorités, ou de nos propres défauts et prétentions}}{{Note|texte={{citation étrangère|langue=en|Most jailhouse humor is either bleak or sexist. Kuwasi was able to create a healthier community humor where we'd be laughing at the authorities, or at our own foibles and pretensions.}}|groupe=a}}{{,}}{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=6}}. Il est aussi reconnu pour consacrer son seul jour de repos en prison à la pâtisserie et offrir des gâteaux aux prisonniers, ainsi que partager ses achats{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=7}}. Il organise également un cours d'éducation politique pendant plusieurs mois{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=7}}.
Au début des années 1980, Balagoon encourage le meurtre de membres de la BLA qui ont dénoncé leurs anciens camarades à la police. Dans la même interview, il fait l'apologie des [[attentats de Beyrouth du 23 octobre 1983]]<ref>{{cite AV media|title=Kuwasi Balagoon interview on WPIX News|url=|date=1983|publisher=[[WPIX]]|quote=|access-date=}}</ref>.


Il meurt en prison de [[pneumocystose]], une maladie causée par le [[Syndrome d'immunodéficience acquise]], le 13 décembre 1986, à 39 ans<ref>[http://www.citypaper.net/articles/2006/12/14/freedom-song "Freedom Song Building an Icon Out of Kuwasi Balagoon"]</ref>.
Il meurt de [[pneumocystose]], une maladie causée par le [[syndrome d'immunodéficience acquise]], le {{Date-|13 décembre 1986}}, à {{nobr|39 ans}}<ref name=":1" />. Sa mort a lieu dans un centre médical de l'[[État de New York]], où il a été transféré depuis l'[[établissement correctionnel d'Auburn]] où il était incarcéré{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=7}}.


Le {{Date-|21 décembre 1986}}, la [[New Afrikan People's Organization]] tient une cérémonie funèbre en l'honneur de Balagoon à [[Harlem]]{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=5}}. Sa compagne et ses convictions sur les droits LGBT ne sont à aucun moment mentionnées au cours de la cérémonie{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=14}}.
== Postérité ==


== Vie sexuelle et amoureuse ==
=== Bisexualité ===
Pendant sa vie, Balagoon est ouvertement [[Bisexualité|bisexuel]]<ref name=":0" />. Il a notamment une partenaire transgenre à long terme appelée Chicky<ref name=":5" />{{,}}{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=14}}. Les groupes politiques noirs dont il fait partie ne discutent généralement pas de la vie sexuelle ou amoureuse de leurs membres<ref name=":5" />, mais certains l'attaquent au sujet de sa relation avec une [[Femme trans|femme transgenre]]{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=18}}.
Pendant sa vie, Balagoon est ouvertement bisexuel. Or, après sa mort, de nombreux groupes dont la New Afrikan People's Organisation omettent cette information et la cause de sa mort de leurs nécrologies<ref name="Umoja 20152">{{article|prénom=Akinyele|nom=Umoja|titre=Maroon: Kuwasi Balagoon and the Evolution of Revolutionary New Afrikan Anarchism|journal=[[Science & Society]]|volume=79|numéro=2|périodique=[[Guilford Press]]|date=April 2015|issn=0036-8237|oclc=5798110341|doi=10.1521/siso.2015.79.2.196|url=https://www.researchgate.net/publication/273895582|consulté le=17 mars 2021|pages=196–220|id={{ProQuest|1662047452}}|lien auteur=Akinyele Umoja}}</ref>.


Après sa mort, de nombreux groupes dont il a fait partie, dont la New Afrikan People's Organisation, [[occultation de la bisexualité|occultent sa bisexualité]], ses relations amoureuses, et la cause de sa mort de leurs nécrologies<ref name=":0" />, jugeant soit que le sujet relève seulement de sa vie privée<ref name=":5" />, soit qu'il ne s'agit pas d'une mort au combat assez glorieuse<ref name=":1" />.
En 2020, l'organisation {{Lien|trad=Black and Pink}}, dédiée à l'[[abolition de la prison]] et au soutien des prisonniers LGBTQ et séropositifs, remet un prix Kuwasi Balagoon pour les activistes séropositifs<ref>{{lien web|titre=Black & Pink's Inaugural Kuwasi Balagoon Awards, Celebrating Those Thriving with HIV/AIDS |url=https://www.blackandpink.org/inaugural-kuwasi-balagoon-awards/ |website=[[Black and Pink]] |date= |consulté le=30 août 2022 }}</ref>.


En 2020, l'organisation [[Black and Pink]], vouée à l'[[abolition de la prison]] et au soutien des prisonniers LGBTQ et séropositifs, remet un prix Kuwasi Balagoon pour les activistes séropositifs<ref>{{lien web|titre=Black & Pink's Inaugural Kuwasi Balagoon Awards, Celebrating Those Thriving with HIV/AIDS |url=https://www.blackandpink.org/inaugural-kuwasi-balagoon-awards/ |website=[[Black and Pink]] |date= |consulté le=30 août 2022 }}.</ref>.
=== Écrits ===

Balagoon écrit plusieurs textes en prison, la plupart d'entre eux étant publiés puis distribués par des réseaux de soutien aux prisonniers dans les années 1980 et 1990<ref>{{ouvrage|url=https://theanarchistlibrary.org/library/kuwasi-balagoon-letters-from-prison|nom=Balagoon|prénom=Kuwasi|titre=Letters from Prison|website=The Anarchist Library|consulté le=9 mars 2021}}</ref>. En 2019, [[PM Press]] publie une collection d'essais, ''Kuwasi Balagoon: A Soldier's Story<ref>{{lien web|titre=A Soldier's Story: Revolutionary Writings by a New Afrikan Anarchist, Third Edition |url=https://pmpress.org/index.php?l=product_detail&p=884 |website=pmpress.org |consulté le=9 mars 2021}}</ref>.''
== Activités éditoriales ==
Balagoon écrit surtout de la poésie ; il en lit des extraits aux côtés des [[The Last Poets|Last Poets]] à leurs débuts, et continue à écrire des textes en prison. Il dessine aussi beaucoup{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=6}}.

Il publie plusieurs textes, dont des poèmes, dans l'ouvrage collectif des Panther 21, ''[[Look for Me in the Whirlwind]]''{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=3}}{{,}}<ref name=":6" />. Balagoon écrit plusieurs textes en prison, la plupart d'entre eux étant publiés puis distribués par des réseaux de soutien aux prisonniers dans les années 1980 et 1990<ref>{{ouvrage|url=https://theanarchistlibrary.org/library/kuwasi-balagoon-letters-from-prison|nom=Balagoon|prénom=Kuwasi|titre=Letters from Prison<!--|site=The Anarchist Library-->|consulté le=9 mars 2021}}.</ref>. En 2019, [[PM Press]] publie une collection de ses essais sous le titre ''Kuwasi Balagoon: A Soldier's Story<ref>{{lien web |langue=en |titre=A Soldier's Story: Revolutionary Writings by a New Afrikan Anarchist, Third Edition |url=https://pmpress.org/index.php?l=product_detail&p=884 |website=pmpress.org |consulté le=9 mars 2021}}.</ref>.'' Il écrit aussi des nouvelles et articles politiques, publiés dans des journaux américains et canadiens noirs{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=9}}. Un de ses poèmes principaux, {{Traduction|langue=en|I'm a Wild Man|Je suis un homme sauvage}}, est autobiographique{{Sfn|Balagoon|2003|texte=A Soldier's Story|p=10}}.

== Postérité ==
En 2003, l'ouvrage ''A Soldier's Story'' regroupe des essais de personnes ayant connu Balagoon et ses propres écrits à titre posthume. Le texte fait remarquer que le personnage a très peu été couvert et qu'on ne connaît presque rien de sa vie et de ses croyances en dehors de ses propres écrits et de ses affaires judiciaires{{Sfn|Balagoon|2003|p=2|texte=A Soldier's Story}}.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
Ligne 60 : Ligne 97 :


=== Références ===
=== Références ===
{{Traduction/Référence|lang1=en|art1=Kuwasi Balagoon|id1=1107596733}}
{{Traduction/Référence|en|Kuwasi Balagoon|1107596733}}
<references />
<references />


Ligne 71 : Ligne 108 :
=== Audiovisuel ===
=== Audiovisuel ===
* Joel Sucher, Steven Fischler, ''Anarchism in America'', The National Endowment for the Humanities, Pacific Street Film Projects, 1981, <small>[https://www.youtube.com/watch?v=R-TeGrv32Ig&list=PL6C21EE75F46CD7FD voir en ligne]</small>.
* Joel Sucher, Steven Fischler, ''Anarchism in America'', The National Endowment for the Humanities, Pacific Street Film Projects, 1981, <small>[https://www.youtube.com/watch?v=R-TeGrv32Ig&list=PL6C21EE75F46CD7FD voir en ligne]</small>.
* {{Lien vidéo|titre=Kuwasi Balagoon interviewed on local news television, 1980s|url=https://www.youtube.com/watch?v=bWn2B881BuQ|langue=en|medium=Production de télévision|éditeur=wpix-tv|consulté le=1 février 2023}}

=== Bibliographie ===

* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Kuwasi Balagoon|titre=Kuwasi Balagoon: A Soldier's Story|traduction titre=L'histoire d'un soldat : textes d'un anarchiste révolutionnaire de Nouvelle-Afrik|éditeur=Kersplebedeb|date=August 1, 2003|isbn=9781894946568|présentation en ligne=https://www.akpress.org/catalog/product/view/id/2740/s/kuwasi-balagoon-a-soldier-s-story-e-book/category/3/|consulté le=2023-02-01|id=pm|plume=oui}}


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
{{Liens}}
{{Liens}}

* [http://www.kersplebedeb.com/mystuff/profiles/closing.html Déclaration du 13 septembre 1983] de Kuwasi Balagoon lors de son procès
* [http://www.kersplebedeb.com/mystuff/profiles/balagoon.html Kersplebedeb pages on Balagoon]
* [http://www.illegalvoices.org/ Anarchist People of Color Website]
* [http://www.citypaper.net/articles/2006/12/14/freedom-song Article on Balagoon from Philadelphia City Paper, Dec. 14, 2006]
* [http://zapagringo.blogspot.com/2006/12/happy-60th-kuwasi.html Kuwasi at 60, Biography of Kuwasi Balagoon]
{{Palette|Black Panther Party}}
{{Palette|Black Panther Party}}
{{Portail|anarchisme|États-Unis|LGBT|Afro-Américains}}
{{Portail|anarchisme|États-Unis|LGBT|Afro-Américains}}
{{Bon article|vote=BA|oldid=201823423|date=27 février 2023}}


{{DEFAULTSORT:Balagoon, Kuwasi}}
{{DEFAULTSORT:Balagoon, Kuwasi}}
Ligne 86 : Ligne 125 :
[[Catégorie:Membre du Black Panther Party]]
[[Catégorie:Membre du Black Panther Party]]
[[Catégorie:Membre de la Black Liberation Army]]
[[Catégorie:Membre de la Black Liberation Army]]
[[Catégorie:Extrême gauche aux États-Unis]]
[[Catégorie:Terrorisme d'extrême gauche]]
[[Catégorie:Extrême gauche]]
[[Catégorie:Anarchiste américain]]
[[Catégorie:Anarchiste américain]]
[[Catégorie:Personnalité des droits civiques aux États-Unis]]
[[Catégorie:Personnalité des droits civiques aux États-Unis]]
[[Catégorie:Personnalité morte en prison]]
[[Catégorie:Personnalité américaine morte en prison]]
[[Catégorie:Mort d'une pneumonie]]
[[Catégorie:Mort d'une pneumonie]]
[[Catégorie:Mort du sida]]
[[Catégorie:Mort du sida]]
Ligne 95 : Ligne 137 :
[[Catégorie:Décès à 39 ans]]
[[Catégorie:Décès à 39 ans]]
[[Catégorie:Personnalité ayant fait son coming out]]
[[Catégorie:Personnalité ayant fait son coming out]]
[[Catégorie:Personnalité morte en prison aux États-Unis]]
[[Catégorie:Prisonnier de droit commun américain]]

Dernière version du 14 septembre 2024 à 03:25

Kuwasi Balagoon
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 39 ans)
Nom de naissance
Donald WeemsVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Autres informations
Membre de
Mouvements
Condamné pour

Kuwasi Balagoon (né Donald Weems le à Lakeland et mort le en prison dans l'État de New York) est un membre du Black Panther Party, puis de la Black Liberation Army, devenu anarchiste et militant de la Republic of New Afrika.

Il grandit dans le Maryland pendant la ségrégation, puis effectue son service militaire en Allemagne de l'Ouest, où il fonde un groupe clandestin qui effectue des raids de vengeance contre des militaires qu'ils jugent racistes. À son retour aux États-Unis, il vit chez sa sœur à New York et s'implique dans le militantisme local pour les droits des locataires. Il s'implique en même temps dans le temple yoruba African Theological Archministry, où il change son nom en Kuwasi Balagoon.

Kuwasi Balagoon intègre le Black Panther Party en 1968. L'année suivante, il est arrêté pour le braquage d'une banque ; pendant sa détention provisoire en attente de jugement, il est également inculpé dans le cadre de l'affaire des Panther 21. Il est condamné pour le braquage et innocenté dans le cas des Panther 21. Avec le temps, il remet en question le fonctionnement du Black Panther Party et intègre la Republic of New Afrika dans les années 1970, tout en s'intéressant de plus en plus à l'anarchisme. Il intègre ensuite la Black Liberation Army. Il s'évade deux fois de prison, en 1973 et en 1978.

Il est impliqué dans le braquage de la Brink's de 1981, pour lequel il est condamné à la prison à perpétuité. En prison, il écrit de la poésie ainsi que des articles politiques.

Kuwasi Balagoon meurt en prison, à l'âge de 39 ans, d'une pneumocystose causée par le syndrome d'immunodéficience acquise. Ouvertement bisexuel et notamment en couple à long terme avec une femme transgenre, il est parfois attaqué par ses pairs à ce sujet et aucune mention n'est faite de sa partenaire ni de son orientation sexuelle dans les discours en son honneur lors de ses funérailles organisées par la New Afrikan People's Organization.

Enfance et éducation

[modifier | modifier le code]

Kuwasi Balagoon naît sous le nom de Donald Weems dans le village noir de Lakeland du comté du Prince George, dans le Maryland[1], le 22 décembre 1946[2]. Il est le dernier de trois enfants, très actif et peu obéissant[1], et ses parents s'appellent Mary et James Weems[3]. Ses deux sœurs aînées s'appellent Diane Weems, plus tard Weems Ligon, et Mary Day Weems, plus tard Hollomand[4]. Il est proche de sa grand-mère ainsi que de deux institutrices, dont les noms de famille sont Reed et Shepard[1], et va à l'école secondaire de Fairmont Heights[4].

Un jour, le petit ami de sa sœur, Jimmy, est accusé d'avoir violé une femme blanche. Jimmy est enfermé dans la prison du comté, située à Upper Marlboro, avant d'avoir droit à un procès. D'après Balagoon, la délibération dure une quinzaine de minutes et Jimmy est condamné à perpétuité dans la prison d'État du Maryland, dont il s'évade en novembre 1968. C'est là que Balagoon se renseigne sur le racisme d'État et commence à se radicaliser[1]. Au début des années 1960, il est influencé par Gloria Richardson (en), qui mène la lutte pour les droits civiques des personnes noires dans le Maryland. Le mouvement qu'elle mène, le mouvement Cambridge, est surtout connu pour son refus de la résistance passive et son choix de l'auto-défense active comme tactique[2].

Service militaire et Da Legislators

[modifier | modifier le code]

Après le lycée, à dix-sept ans[4], Balagoon intègre l'armée américaine et sert en Allemagne, où il est victime de racisme et d'agressions de la part d'officiers blancs[2]. Il estime que la hiérarchie essaie de pousser les soldats non blancs au « 208 », c'est-à-dire au renvoi pour comportement inapproprié, en multipliant les brimades pour tenter de rendre les soldats agressifs[1]. Il fait également remarquer que ces sanctions retirent le droit de vote aux hommes qui les reçoivent et ont un impact sur leur accès à l'emploi, pour des motifs qui valent normalement une simple réprimande aux hommes blancs[5].

Il fonde, avec d'autres soldats noirs, un groupe clandestin qui effectue des raids de vengeance contre des militaires racistes[1],[2]. Le groupe Da Legislators[2],[6] ou De Legislators[1],[7] est composé de cinq membres : De Judge, De Prosecutor, De Executioner, Hannibal, et De Prophet[1]. Pendant qu'il vit en Europe, Weems visite Londres où il rencontre des personnes noires et britanniques, africaines ou caribéennes. Il commence alors à adopter un mode de vie afrocentré[2]. Après trois ans de service, il quitte l'armée avec les honneurs en 1967[6],[5].

Militantisme à New York

[modifier | modifier le code]

À son retour d'Allemagne, Balagoon s'installe à New York chez sa sœur Dianne[2].

Il intègre rapidement un syndicat de locataires, le Community Council on Housing (CCOH), et organise des grèves de paiement du loyer. Il participe à des réunions locales sur le logement et est bénévole pour Project Rescue et le Central Harlem Committee for Self-Defense[1]. Le Central Harlem Committee for Self-Defense fournit de l'eau et de la nourriture aux groupes étudiants qui participent aux manifestations de l'université Columbia en 1968[8],[2]. À la même époque, il s'implique dans l'African Theological Archministry, un temple yoruba traditionnel dirigé par Adefunmi (en). Adefunmi soutient le nationalisme noir et encourage ses fidèles à s'africaniser. C'est sous cette influence que Donald Weems se renomme en Kuwasi Balagoon : Kuwasi est un prénom ghanéen désignant un homme né un dimanche, et le mot Balagoon signifie seigneur de guerre en yoruba[2]. Il est ainsi rebaptisé au sein du temple par ses pairs. Il refuse dès lors l'utilisation de son ancien nom, affirmant que « Donald » est un prénom chrétien, alors que lui n'est pas chrétien, et que « Weems » est un nom écossais, ce qu'il n'est pas non plus[9].

En 1967, le Congrès des États-Unis vote contre une loi de financement de l'extermination des rats dans les logements sociaux. En 1967, sa sœur et lui, deux autres locataires d'appartements et le dirigeant du CCOH Jesse Gray sont arrêtés à Washington pour avoir interrompu une session du Congrès en y amenant une cage remplie de rats. Ils refusent de quitter les lieux en invoquant le premier amendement[10]. Après cet événement, le Congrès installe une paroi de plexiglas entre les visiteurs et les sièges des membres élus[5]. Le CCOH perd tous ses fonds au cours de la procédure judiciaire qui s'ensuit et s'auto-dissout[2].

Black Panthers

[modifier | modifier le code]

Intégration au groupe

[modifier | modifier le code]
Photo en noir et blanc d'un homme noir portant un costume-cravate et des lunettes.
Malcolm X est une inspiration majeure pour Kuwasi Balagoon dans les premières années de son militantisme.

À la fin des années 1960, Balagoon s'implique de plus en plus dans le mouvement Black Power et se penche sur le nationalisme noir. Il explique que « [je suis] devenu un révolutionnaire et j'ai accepté la doctrine du nationalisme en réponse au génocide pratiqué par le gouvernement des États-Unis »[a 1]. Il s'inspire de Malcolm X, de Robert F. Williams et de H. Rap Brown (en) et estime que la seule façon d'atteindre la libération des personnes noires est une guérilla. Il intègre alors le Black Panther Party, qu'il a découvert en octobre 1967 avec l'arrestation de Huey P. Newton. Il cite l'adoption du maoïsme par les Black Panthers comme une de ses raisons de s'y impliquer[2].

Affaire des Panther 21

[modifier | modifier le code]
Photo d'une femme noire sur une tribune. Elle porte une chemise blanche, une casquette et des lunettes de soleil.
Afeni Shakur est elle aussi arrêtée et innocentée dans l'affaire des Panther 21.

En février 1969, Balagoon et Richard Harris, un autre membre du Black Panther Party (BPP) à New York, sont arrêtés à Newark et accusés d'avoir braqué une banque. Pendant qu'il est en prison en attendant son jugement, le 2 avril 1969, il est inculpé d'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes avec vingt autres membres des Black Panthers, dans ce qui deviendra le cas des Panther 21[11]. La plupart des accusés sont libérés en échange d'une caution ayant été fixée à la somme de 100 000 dollars pour chacun, somme énorme dépassant celle ordonnée par la suite pour des militants blancs soupçonnés d'avoir organisé des attentats et inhabituelle pour des accusés dénués de casier judiciaire[12]. Sekou Odinga et lui-même sont accusés d'avoir essayé d'assassiner des policiers new-yorkais et n'ont pas droit à une libération sous caution. La défense de Balagoon établit que l'accusation est fondée sur le témoignage de Joan Bird, une membre des Black Panthers qui aurait fait ses aveux sous la torture[13]. Odinga parvient à s'évader et rejoint Eldridge Cleaver en Algérie[2].

La première semaine d'octobre 1970, attendant toujours le jugement, des membres du Black Panther Party, dont Balagoon, provoquent des émeutes simultanées dans deux prisons[2],[14],[15]. Balagoon est en prison dans le Queens avec Lumumba Shakur et Kwando Kinshasa. Ensemble, ils prennent sept otages. Pendant que les autorités tentent de négocier avec les mutins, qui exigent des procès plus rapides et des meilleures conditions de vie en prison, Balagoon essaie de s'assurer que les décisions sont prises par consensus. Il estime que les prisonniers donnent trop de pouvoir aux Black Panthers et ne prennent pas assez d'initiatives, mais il exprime sa conviction que les émeutes, qui se soldent par un échec, ont quand même prouvé que des personnes normales peuvent remettre en question le pouvoir de l'État[2].

Balagoon est acquitté avec les autres Panther 21, mais condamné pour le braquage du New Jersey en octobre 1971. Il plaide coupable et est condamné à une peine d'emprisonnement de 23 à 29 ans[16],[17]. Il se définit comme prisonnier de guerre[1]. Il publie plusieurs textes, dont des poèmes, dans l'ouvrage collectif des Panther 21, Look for Me in the Whirlwind[7],[18].

Black Liberation Army

[modifier | modifier le code]

Balagoon remet en question la direction du BPP, surtout quand Geronimo Pratt est expulsé du parti après son arrestation pour le meurtre de Caroline Olsen, même si le jugement est annulé en 1997[19]. Les Panthers des côtes ouest et est continuent à se diviser, entre autres sur le choix du panafricanisme ou de l'internationalisme. Quand la direction californienne du parti renvoie les New Yorkais Dhoruba bin Wahad (en), Michael Tabor et Connie Matthews, le chapitre local se sépare officiellement de l'organisation nationale[2].

Un drapeau constitué de trois bandes, verte, rouge et noire.
Dans les années 1970, Balagoon intègre la Republic of New Afrika.

Balagoon est en prison, mais il se tient au courant des nouvelles et les trouve désespérantes. Il s'intéresse alors de plus en plus à l'anarchisme, comme d'autres Black Panthers emprisonnés avec lui[2]. Il critique les pays communistes de son époque comme la Chine, le Zimbabwe et l'URSS, y voyant un capitalisme d'État et de nouvelles formes d'oppression[1]. Il accuse le BPP d'avoir oublié les combats quotidiens des personnes noires en Amérique du Nord et de ne plus se concentrer que sur la défense de ses membres accusés de crimes. Il intègre alors la Black Liberation Army[7], qui cherche à mener une guerre clandestine contre l'État[2], estimant que la répression engendre la résistance[9].

Le 27 septembre 1973, Balagoon s'évade de prison et commence une cavale de huit mois. Il est arrêté quand il tente d'aider Richard Harris à s'évader pendant un enterrement pour lequel Harris a le droit de sortir de prison temporairement. Balagoon et Harris sont tous deux blessés par balle par des policiers et retournent en prison[8][2]. Pendant la suite de sa peine, Balagoon lit des anarchistes comme Wilhelm Reich, Emma Goldman, Errico Malatesta, Buenaventura Durruti et Severino Di Giovanni et tente d'appliquer leurs réflexions à la cause noire. Il rejoint également la Republic of New Afrika et commence à se décrire comme un « New Afrikan Anarchist »[2]. Il est reconnu plus tard comme l'anarchiste de Nouvelle-Afrik le plus célèbre[20]. Son intérêt pour l'anarchisme s'explique entre autres par sa volonté d'éviter le culte de la personnalité des groupes hiérarchisés, comme ça a été le cas avec Huey Newton et Eldridge Cleaver au sein du Black Panther Party ; il apprécie aussi, étant lui-même bisexuel, les écrits d'Emma Goldman défendant les droits des homosexuels[6].

Photo de face et en noir et blanc d'une femme.
Kuwasi Balagoon a peut-être participé à l'évasion de prison d'Assata Shakur.

Le 27 mai 1978, Balagoon s'évade à nouveau[8], cette fois de la prison de Rahway dans le New Jersey, aidé par la Black Liberation Army et Sekou Odinga. Le 2 novembre 1979, avec la BLA et la May 19th Communist Organization, il participe probablement à l'évasion d'Assata Shakur[2],[21], condamnée pour le meurtre du policier Werner Foerster en 1973[22].

Braquage de la Brink's

[modifier | modifier le code]
Photo d'un camion blanc et bleu dans une rue.
Camion blindé de la Brink's.

En 1981, quelques membres de la Black Liberation Army et du Weather Underground créent la Revolutionary Armed Task Force. L'objectif du groupe est de confisquer le capital pour le redistribuer à des programmes nationalistes et armés destinés à la jeunesse noire[1].

Le braquage de la Brink's de 1981, qualifié d'« expropriation révolutionnaire », est organisé par la Black Liberation Army afin de s'emparer de fonds pour ses activités révolutionnaires et pour le soutien aux mouvements sociaux, notamment du Black Power et anti-colonialistes. Selon The Nation, les fonds extorqués doivent servir en particulier à payer l'hypothèque de la clinique d'acupuncture de Mutulu Shakur, qui soigne des toxicomanes à Harlem[23]. Une fusillade éclate pendant le cambriolage dans des circonstances controversées : selon Kuwasi Balagoon lors de son procès, la BLA n'a ouvert le feu qu'après que l'agent de la Brink's, Peter Paige, s'est emparé de son arme, tandis que les policiers affirment que la BLA a ouvert le feu sans raison[24], version alors reprise par Time Magazine[25]. Au cours du cambriolage, le coursier Peter Paige et les policiers Waverly Brown et Edward O'Grady II sont tués[26],[27]. Les braqueurs prennent la fuite avec 1,6 million de dollars[24].

Le 20 janvier 1982, Balagoon est arrêté et accusé d'avoir participé au cambriolage[28],[9]. Bien qu'ayant demandé à être jugé avec Sekou Odinga, qui fait partie du même groupe militant que lui[29], il est finalement jugé avec David Gilbert et Judith Alice Clark, deux complices blancs[30]. Gilbert et Brown sont victimes de violences physiques au commissariat et la police refuse tout soin médical à Brown pendant onze semaines[24]. Il refuse d'être défendu par un avocat et décide de se représenter lui-même, utilisant sa plaidoirie pour rejeter l'autorité de la cour et se présenter comme un prisonnier de guerre[2],[31]. Il est possible qu'Odinga et Balagoon aient volontairement été placés dans des procès séparés afin d'empêcher les jurys de les considérer comme un groupe organisé[29].

Dans sa plaidoirie, Balagoon affirme n'être accusé que de crimes de nature politique ou militaire[9] et confirme être un soldat de la Black Liberation Army[4] ; il ajoute ne pas avoir ouvert le feu en premier et estimer qu'en tant que soldat pour la liberté, il peut attaquer des soldats de l'ennemi, c'est-à-dire des policiers, mais pas des civils[32]. Il fait remarquer qu'il n'est jamais en contact avec des prisonniers accusés de crimes non politiques, et qu'il n'est pas traité comme un criminel classique. Il ajoute que sur les dix ans passés en prison jusque-là, il en a passé sept à l'isolement ou dans une section séparée de la population générale incarcérée[32].

Sekou Odinga, appelé comme témoin, confirme que Balagoon et lui sont responsables du cambriolage et que les morts étaient « justifiées », alors qu'aucun accusé n'avait plaidé coupable jusque-là[33]. Sekou Odinga, Kathy Boudin, et Mutulu Shakur sont finalement condamnés dans le cadre de la même affaire, mais lors de procès différents[1].

La délibération dure moins de deux heures et demie[34]. Le 15 septembre 1983[34], Balagoon est condamné à 75 ans de prison, soit une condamnation à perpétuité[1],[35]. Comme ses co-accusés, il refuse d'assister au verdict[36]. Il écrit : « Quant aux soixante-quinze ans de prison, ils ne m'inquiètent pas vraiment, non seulement parce que je n'ai pas pour habitude de purger mes peines en entier ni d'attendre une libération conditionnelle ou d'autres absurdités du genre, mais aussi parce que l'État ne durera de toute façon pas soixante-quinze ou même cinquante ans. »[a 2],[37] Le juge chargé du cas s'étonne de la sévérité des sanctions, et certains journalistes critiquent le fait que les témoignages utilisés contre le trio soient ceux d'autres personnes jugées, qui auraient eu intérêt à mentir pour limiter leur propre peine[36]. C'est notamment le cas des militants de Nouvelle Afrik Sammy Brown, Tyrone Rison, Kamau Bayette, et d'Yvonne Thomas, qui souffre de maladie mentale et fait une crise pendant une garde à vue prolongée[32].

En prison, Balagoon est vu comme une personne drôle et serviable, et son co-détenu et complice David Gilbert raconte que « l'humour de prison est le plus souvent soit déprimant, soit sexiste. Kuwasi a su créer un humour communautaire plus sain où nous riions des autorités, ou de nos propres défauts et prétentions »[a 3],[38]. Il est aussi reconnu pour consacrer son seul jour de repos en prison à la pâtisserie et offrir des gâteaux aux prisonniers, ainsi que partager ses achats[3]. Il organise également un cours d'éducation politique pendant plusieurs mois[3].

Il meurt de pneumocystose, une maladie causée par le syndrome d'immunodéficience acquise, le , à 39 ans[1]. Sa mort a lieu dans un centre médical de l'État de New York, où il a été transféré depuis l'établissement correctionnel d'Auburn où il était incarcéré[3].

Le , la New Afrikan People's Organization tient une cérémonie funèbre en l'honneur de Balagoon à Harlem[8]. Sa compagne et ses convictions sur les droits LGBT ne sont à aucun moment mentionnées au cours de la cérémonie[39].

Vie sexuelle et amoureuse

[modifier | modifier le code]

Pendant sa vie, Balagoon est ouvertement bisexuel[2]. Il a notamment une partenaire transgenre à long terme appelée Chicky[6],[39]. Les groupes politiques noirs dont il fait partie ne discutent généralement pas de la vie sexuelle ou amoureuse de leurs membres[6], mais certains l'attaquent au sujet de sa relation avec une femme transgenre[32].

Après sa mort, de nombreux groupes dont il a fait partie, dont la New Afrikan People's Organisation, occultent sa bisexualité, ses relations amoureuses, et la cause de sa mort de leurs nécrologies[2], jugeant soit que le sujet relève seulement de sa vie privée[6], soit qu'il ne s'agit pas d'une mort au combat assez glorieuse[1].

En 2020, l'organisation Black and Pink, vouée à l'abolition de la prison et au soutien des prisonniers LGBTQ et séropositifs, remet un prix Kuwasi Balagoon pour les activistes séropositifs[40].

Activités éditoriales

[modifier | modifier le code]

Balagoon écrit surtout de la poésie ; il en lit des extraits aux côtés des Last Poets à leurs débuts, et continue à écrire des textes en prison. Il dessine aussi beaucoup[38].

Il publie plusieurs textes, dont des poèmes, dans l'ouvrage collectif des Panther 21, Look for Me in the Whirlwind[7],[18]. Balagoon écrit plusieurs textes en prison, la plupart d'entre eux étant publiés puis distribués par des réseaux de soutien aux prisonniers dans les années 1980 et 1990[41]. En 2019, PM Press publie une collection de ses essais sous le titre Kuwasi Balagoon: A Soldier's Story[42]. Il écrit aussi des nouvelles et articles politiques, publiés dans des journaux américains et canadiens noirs[21]. Un de ses poèmes principaux, I'm a Wild Man (« Je suis un homme sauvage »), est autobiographique[43].

Postérité

[modifier | modifier le code]

En 2003, l'ouvrage A Soldier's Story regroupe des essais de personnes ayant connu Balagoon et ses propres écrits à titre posthume. Le texte fait remarquer que le personnage a très peu été couvert et qu'on ne connaît presque rien de sa vie et de ses croyances en dehors de ses propres écrits et de ses affaires judiciaires[44].

Notes et références

[modifier | modifier le code]

Citations en anglais

[modifier | modifier le code]
  1. « [I] became a revolutionary and accepted the doctrine of nationalism as a response to the genocide practised by the United States government »
  2. « As to the seventy-five years in prison, I am not really worried, not only because I am in the habit of not completing sentences or waiting on parole or any of that nonsense but also because the State simply isn't going to last seventy-five or even fifty years. »
  3. « Most jailhouse humor is either bleak or sexist. Kuwasi was able to create a healthier community humor where we'd be laughing at the authorities, or at our own foibles and pretensions. »

Références

[modifier | modifier le code]
  1. a b c d e f g h i j k l m n o et p (en) « Kuwasi Balagoon: On Lineage », sur pinko (consulté le ).
  2. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v et w (en) Akinyele K. Umoja, « Maroon: Kuwasi Balagoon and the Evolution of Revolutionary New Afrikan Anarchism », Science & Society, vol. 79, no 2,‎ , p. 196–220 (ISSN 0036-8237, DOI 10.1521/siso.2015.79.2.196 Accès payant, lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  3. a b c et d A Soldier's Story, p. 7.
  4. a b c et d A Soldier's Story, p. 8.
  5. a b et c A Soldier's Story, p. 21.
  6. a b c d e et f (en) « Faerie Fire: On Revolutionary Queer History: Part Two » Accès libre, sur People's Voice News, (consulté le ).
  7. a b c et d A Soldier's Story, p. 3.
  8. a b c et d A Soldier's Story, p. 5.
  9. a b c et d « New Africa : Déclaration de Kuwasi Balagoon à son procès », L’Internationale, no N°9,‎ , p. 18 (lire en ligne Accès libre [PDF]).
  10. A Soldier's Story, p. 20.
  11. (en) Edith Evans Asbury, « 16 Black Panthers Go on Trial Tomorrow in State Court Here », New York Times,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  12. (en) Murray Kempton, The briar patch : the trial of the panther 21, Da Capo Press, (ISBN 0-306-80799-8 et 978-0-306-80799-2, OCLC 37043921, présentation en ligne).
  13. (en) Edith Evans Asbury, « Lawyer for Joan Bird Says She Was 'Worked Over' by Police », New York Times,‎ (lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  14. (en) John Sibley, « Prisoners Seize Hostages, Take Over Jail in Queens », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. (en) Paul L. Montgomery, « 28 Indicted Here For Role in Rioting At Detention Houses », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. (en) « Black Liberation Army member Donald Weems, wanted on murder », United Press International,‎ .
  17. (en) Juan M. Vasquez, « One of Panther 21 Admits Helping Antipolice Sniper », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. a et b (en) Dhoruba Bin Wahad, Shaba Om, Jamal Joseph et déqui kioni-sadiki, Look for me in the whirlwind : from the Panther 21 to 21st-century revolutions, (ISBN 978-1-62963-389-3 et 1-62963-389-5, OCLC 961409165, présentation en ligne).
  19. (en) « Former Black Panther leader dies », Irish Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. (en) Spencer Beswick, « From the Ashes of the Old: Anarchism Reborn in a Counterrevolutionary Age (1970s-1990s) », Anarchist Studies, vol. 30, no 2,‎ , p. 31–54 (ISSN 2633-8270, DOI 10.3898/AS.30.2.02, résumé, lire en ligne Accès payant, consulté le ).
  21. a et b A Soldier's Story, p. 9.
  22. (en) David Jones, « New Jersey trooper's killer is first woman on FBI most wanted terror list », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. (en) Carol Brightman, « Running on Empty », The Nation,‎ (lire en ligne).
  24. a b et c Dan Berger, Weather Underground histoire explosive du plus célèbre groupe radical américain, L'Échappée, dl 2010 (ISBN 978-2-915830-20-0 et 2-915830-20-7, OCLC 690359186, lire en ligne), chap. XI, p. 375-377.
  25. (en) Claudia Wallis, James Wilde et Peter Staler, « Bullets from the Underground », Time Magazine,‎ (lire en ligne Accès limité [extrait]).
  26. (en) « Memorial marks 40 years since deadly Brink's armored car robbery at Nanuet mall », ABC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  27. (en) « SKETCHES OF VICTIMS OF SHOOTINGS; Sgt. Edward O'Grady », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  28. (en) « 3 IN BRINK'S CASE GIVEN LONG TERMS », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  29. a et b A Soldier's Story, p. 17.
  30. (en) « 3 go on trial today in Goshen in '81 Brink's slayings », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  31. (en) Jonathan Beaty et Michael S. Serrill, « Trials on Twin Tracks », Time, vol. 122, no 10,‎ , p. 54 (lire en ligne Accès payant).
  32. a b c et d A Soldier's Story, p. 18.
  33. (en) Robert Hanley, « Witness calls Brink's killings justified », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  34. a et b « Extrémistes trouvés coupables de meurtre », Le Soleil, Éditions Québec Régional et Est du Québec,‎ , p. 8 (lire en ligne Accès libre [PDF]).
  35. (en) Associated Press, « THE CITY; Defendant Guilty In 2d Brink's Case », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  36. a et b (en) « Reckoning Day », Time, vol. 122, no 13,‎ , p. 63 (lire en ligne Accès payant).
  37. (en) Kuwasi Balagoon, « Kuwasi Balagoon: Letters from Prison », (consulté le ).
  38. a et b A Soldier's Story, p. 6.
  39. a et b A Soldier's Story, p. 14.
  40. « Black & Pink's Inaugural Kuwasi Balagoon Awards, Celebrating Those Thriving with HIV/AIDS », sur Black and Pink (consulté le ).
  41. Kuwasi Balagoon, Letters from Prison (lire en ligne).
  42. (en) « A Soldier's Story: Revolutionary Writings by a New Afrikan Anarchist, Third Edition », sur pmpress.org (consulté le ).
  43. A Soldier's Story, p. 10.
  44. A Soldier's Story, p. 2.

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Audiovisuel

[modifier | modifier le code]

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • (en) Kuwasi Balagoon, Kuwasi Balagoon: A Soldier's Story [« L'histoire d'un soldat : textes d'un anarchiste révolutionnaire de Nouvelle-Afrik »], Kersplebedeb, (ISBN 9781894946568, présentation en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Liens externes

[modifier | modifier le code]