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« Jacques Callot » : différence entre les versions

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| nom = Jacques Callot
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'''Jacques Callot''', né à [[Nancy]] en [[1592 en arts plastiques|1592]]<ref>C'est la date très généralement admise aujourd'hui, qui résulte du fait que l'épitaphe gravée sur le tombeau de Callot indique qu'il est mort le 24 mars 1635, ''à l'âge de 43 ans''. Depuis 1975, les travaux de [[Pierre Marot]] ont montré que le recoupement de documents sûrs situe la date de naissance de Callot entre le 25 mars et le 21 août 1592. Cf. Exposition 1992.</ref> et mort à Nancy le {{date de décès|24|mars|1635|en arts plastiques}}<ref name="décès">La date « traditionnelle », donnée par [[André Félibien|Félibien]], est le 28. Mais l'épitaphe du tombeau de Callot donne la date du 24 mars, sans doute la date réelle. [[Georges Sadoul]] donne cependant le 25, sur la base du texte latin de l'épitaphe écrite par [[Siméon Drouin]].</ref>, est un [[dessinateur]] et [[Gravure|graveur]] [[Duché de Lorraine|lorrain]], dont l'œuvre la plus connue aujourd'hui est une série de dix-huit eaux-fortes intitulée ''[[Les Grandes Misères de la guerre]] (''[[Les Grandes Misères de la guerre|ou ''les Misères et les malheurs de la guerre)'']], évoquant les ravages de la [[guerre de Trente Ans]] qui se déroulait alors en Europe<ref>La guerre de Trente Ans éclata en 1618, et s'étendit à la Lorraine en 1633, lorsqu'elle fut occupée par les troupes françaises, par suite des positions anti-françaises adoptées par Charles IV de Lorraine.</ref>.


Il est considéré comme l'un des maîtres de l'[[eau-forte]]. Son style se caractérise par la netteté du trait<ref>Netteté renforcée par le recours à la « taille unique » inventée par Jacques Callot.</ref> et la profondeur de l'encrage<ref>Profondeur de l'encrage, et étagement des différents plans, permis par la technique des « morsures multiples », largement développée par Callot.</ref>, qui permettent de conserver une parfaite lisibilité à ses eaux-fortes, malgré le fréquent foisonnement des scènes et des personnages, sur des gravures de surface souvent restreinte.
'''Jacques Callot''', né à [[Nancy]] en [[1592]]<ref>''Note :'' C'est la date très généralement admise aujourd'hui, qui résulte du fait que l'épitaphe gravée sur le tombeau de Callot indique qu'il est mort le 24 mars 1635, ''à l'âge de 43 ans''</ref> et mort dans la même ville le 24<ref>''Note :'' La date « traditionnelle », donnée par Félibien, est le 28. Mais l'épitaphe du tombeau de Callot donne la date du 24 mars, sans doute la date réelle. G. Sadoul donne cependant le 25, sur la base du texte latin de l'épitaphe écrite par Siméon Drouin</ref> mars [[1635]], est un [[dessinateur]] et [[Gravure|graveur]] [[Duché de Lorraine|lorrain]]. Il est considéré comme l'un des plus grands maîtres de l'[[eau-forte]]. On lui doit certaines innovations qui permirent le plein développement de cet art, en particulier l'utilisation du ''vernis dur''<ref>[http://expositions.bnf.fr/bosse/reperes/index2.htm Apport de Callot à l'eau forte (« procédé d'attaque indirecte »)]</ref>.


On doit à Callot plusieurs innovations qui permirent le plein développement de cet art, en particulier l'utilisation du « vernis dur »<ref>[http://expositions.bnf.fr/bosse/reperes/index2.htm Apport de Callot à l'eau forte (« procédé d'attaque indirecte »)]. [http://www.wittert.ulg.ac.be/fr/dossiers/techniques/eau-forte_notice.html Dossier sur la technique de l'eau-forte].</ref>. C'est [[Abraham Bosse]] qui diffusa ces innovations<ref>[http://www.haa.pitt.edu/callot/callot_printmaking.html Université de Pittsburg : Innovations de Callot, et leur diffusion par Abraham Bosse].</ref>, en publiant en 1645 le premier traité sur la gravure des eaux-fortes<ref>Selon Ivins, le traité d'Abraham Bosse fut {{citation étrangère|lang=en|not only the first on its subject but for more than a century it remained the standard}} (fut « non seulement le premier sur son sujet, mais encore, resta l'ouvrage de référence pendant plus d'un siècle ») - (Ivins, cité dans ''Norman Sale Catalogue'').</ref>, qui sera largement traduit en Europe.
==Biographie==
Jacques Callot est né dans une famille lorraine, récemment annoblie. Ses parents étaient Jean Callot, issu d'une famille originaire de [[Bourgogne]], gentilhomme, premier [[héraut]] d'armes de [[Lorraine]], et Renée Brunebault, son épouse, qui eurent huit enfants, six garçons et deux filles. Jacques Callot était le second des six fils<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA192,M1| Édouard Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot - Première partie : Biographie''. Voir page 192]</ref>.


== Biographie ==
Son grand-père paternel, Claude, avait épousé une petite-nièce de la [[Jeanne d'Arc|Pucelle d'Orléans]], et avait été anobli par le duc [[Charles III de Lorraine]], par lettres de noblesse datées de l'avant-dernier jour de juillet [[1584]], pour « services fidelz et aggréables que par l'espace de vingt deux ans et plus Il nous a faict »<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA271,M1| Édouard Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot - Première partie : Biographie''. Voir page 271]</ref>, et dit [[André Félibien]], en particulier « pour une occasion où il donna des marques de sa fidélité et de son courage<ref>André Félibien : ''Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes''. Édition de 1725, Entretien VII, page 361 </ref> ».
Jacques Callot est né en 1592 dans une famille lorraine récemment anoblie. Ses parents étaient Jean Callot, issu d'une famille originaire de [[Histoire de la Bourgogne|Bourgogne]], gentilhomme, premier [[héraut]] d'armes de [[Lorraine]], et Renée Brunebault, son épouse, qui eurent huit enfants, six garçons et deux filles. Jacques Callot était le second des six fils<ref name="Meaume 1860 PI p2">Meaume 1860, {{1re|partie}}, {{p.|2}}.</ref>.


Son grand-père paternel, Claude, avait épousé une petite-nièce de [[Jeanne d'Arc]]<ref name="Meaume 1860 PI p2"/>, et avait été anobli par le duc [[Charles III de Lorraine]], par lettres de noblesse datées du 30 juillet [[1584]], pour « services fidelz et aggréables que par l'espace de vingt deux ans et plus Il nous a faict »<ref>[http://www.archives.meurthe-et-moselle.fr/fileadmin/Sites/Archives_d__partementales_de_Meurthe_et_Moselle/documents/Guide/B186.htm Lettres de noblesse de Claude Callot] Archives départementales de Meurthe et Moselle.</ref>, et dit [[André Félibien]], en particulier « pour une occasion où il donna des marques de sa fidélité et de son courage<ref>Félibien 1725, Entretien VII, {{p.|361}}.</ref> ».
===Une irrésistible vocation===
[[Image:Gipsy Encampment Fac simile of a Copper plate by Callot.png|thumb|440px|left|<center>Jacques Callot : ''Les Bohémiens'' - La halte <small>(fac-simile)</small></center>]]
La passion de Callot pour le dessin est très précoce, nourrie par la fréquentation des artistes locaux : [[Jacques Bellange]], auréolé par son séjour en [[Italie]], Demenge Croq, l'[[orfèvre]] et graveur chez qui il sera plus tard apprenti, et surtout, le père de son ami [[Israël Henriet]], qui donnait des cours de dessin à son fils, ce dont Callot bénéficiait sans doute<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA196,M1 Édouard Meaume : Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie Voir page 196]</ref>.


=== Une vocation précoce ===
[[Arsène Houssaye]] imagine le jeune Callot, âgé d'à peine douze ans, dessinant déjà tout ce que lui inspiraient les rues de Nancy : soldats fanfarons, mendiants, pèlerins, saltimbanques, montreurs d'ours, Gilles, pierrots et autres figures bouffonnes...
[[Fichier:Gipsy Encampment Fac simile of a Copper plate by Callot.png|thumb|upright=1.5|left|<center>Jacques Callot : ''Les Bohémiens'' - La halte (facsimilé)</center>]]
[[Fichier:Estatua-Fuente Jacques Callot Nancy.jpg|thumb| Statue de Jacques Callot à [[Nancy]].]]
La passion de Callot pour le dessin est très précoce, nourrie par la fréquentation des artistes locaux : [[Jacques Bellange]], auréolé de gloire par son séjour en [[Italie]], Demenge Croq, l'[[orfèvre]] et graveur chez qui il sera plus tard apprenti, et surtout, le père de son ami [[Israël Henriet]], qui donne à son fils des cours de dessin dont Callot bénéficie sans doute également<ref>Meaume 1860 {{1re|partie}} {{p.|6}}.</ref>.


[[Arsène Houssaye]] imagine le jeune Callot, âgé d'à peine douze ans, dessinant déjà tout ce que lui inspiraient les rues de Nancy : soldats fanfarons, mendiants, pèlerins, saltimbanques, montreurs d'ours, [[Gille (personnage)|Gilles]], pierrots et autres figures bouffonnes...
Entraîné vers les arts par une passion que sa famille contrariait, il s'échappe, pour la satisfaire, de la maison paternelle. Les lettres d'Israël Henriet, plus âgé que lui de quelques années, alors parti étudier l'art à [[Rome]], avaient été pour lui d'irrésistibles incitations à s'en aller découvrir les beautés de la Ville Éternelle<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA197,M1 Édouard Meaume : Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie Voir page 197]</ref>.


Entraîné vers les arts par une passion que sa famille contrarie, il s'échappe, pour la satisfaire, de la maison paternelle, avec comme objectif de rejoindre [[Rome]], sans doute encouragé à sauter le pas par les lettres que lui adresse Israël Henriet, plus âgé que lui de quelques années, depuis cette ville où il est alors parti étudier l'art<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}}, {{p.|7}}.</ref>.
Selon l'historien [[André Félibien]]<ref>André Félibien : ''Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes''. Édition de 1725, Entretien VII, page 362</ref>, il s'enfuit de chez lui une première fois, à peine âgé de douze ans, pour gagner Rome à pied, en se joignant à une troupe de Bohémiens, qu'il accompagnera jusqu'à [[Florence]]. Le souvenir de cet épisode a sans doute été à l'origine de la jolie petite suite de quatre planches, ''Les Bohémiens'', qu'il gravera en [[1623]]-[[1624]]. À Florence, il rencontre le graveur Remiglio Canta-Gallina, chez qui il aurait travaillé très brièvement, avant que de continuer son chemin vers Rome. Arrivé finalement à Rome, il est reconnu par des marchands nancéiens amis de sa famille, qui le reconduisent à Nancy. Son père l'oblige à reprendre ses études.


Selon l'historien [[André Félibien]]<ref>Félibien 1725, Entretien VII, {{p.|362}}.</ref>, il s'enfuit de chez lui une première fois, à peine âgé de douze ans, pour gagner Rome à pied, en se joignant à une troupe de Bohémiens, qu'il accompagne jusqu'à [[Florence]]. Le souvenir de cet épisode a peut-être été à l'origine de la petite suite de quatre planches, ''Les Bohémiens'', qu'il gravera en [[1623]]-[[1624]]. À Florence, il rencontre le graveur [[Remigio Cantagallina]], chez qui il aurait travaillé très brièvement, avant que de continuer son chemin vers Rome. Arrivé finalement à Rome, il est reconnu par des marchands nancéiens amis de sa famille, qui le reconduisent à Nancy. Son père l'oblige à reprendre ses études.
À quatorze ans, toujours selon Félibien, « comme il n'avoit nulle inclination aux Lettres », il fait à nouveau une fugue vers l'Italie. Là, il est retrouvé à [[Turin]]<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA201,M1| E. Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot - Première partie : Biographie'' - Voir page 201]</ref> par son frère aîné Jean, qui le reconduit en Lorraine.


On peut certes douter quelque peu de l'exactitude de ces deux belles aventures<ref>Pierre-Paul Plan : Jacques Callot - Maitre graveur (1593-1635), page 29. Bruxelles et Paris, Librairie nationale d'art et d'histoire. G. Van Oest & Éditeurs (1914)</ref>, mais c'est en tout cas ainsi qu'elles furent rapportées de première main à Félibien, par des proches de Callot<ref>''Note :'' André Félibien, historiographe du roi Louis XIV, dit au sujet de Callot que lui, Félibien, est « ''assez instruit par des personnes qui l'ont connu et qui sont fort bien informées de toutes les choses qui regardent sa vie'' ». On peut penser qu'il s'agit en particulier de [[Claude Deruet]], d'Israël Henriet, et d'[[Israël Sylvestre]]</ref>.
À quatorze ans, toujours selon Félibien, « comme il n'avoit nulle inclination aux Lettres », il fait à nouveau une fugue vers l'Italie. Là, il est retrouvé à [[Turin]]<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|11}}.</ref> par son frère aîné Jean, qui le reconduit en Lorraine. Le doute est permis quant à l'exactitude de ces deux belles aventures<ref>Plan 1914 {{p.|29}}.</ref>, mais c'est en tout cas ainsi qu'elles furent rapportées de première main à Félibien, par des proches de Callot<ref>Félibien, historiographe du roi Louis XIV, dit au sujet de Callot que lui, Félibien, est « ''assez instruit par des personnes qui l'ont connu et qui sont fort bien informées de toutes les choses qui regardent sa vie'' ». On peut penser qu'il s'agit en particulier d'[[Israël Henriet]], de [[Claude Deruet]], et d'[[Israël Silvestre]].</ref>. Quoi qu'il en soit, après ces deux fugues et afin qu'il apprenne le métier d'orfèvre, il est mis en apprentissage par son père chez Demenge Croq, orfèvre-graveur et maître des monnaies du duc de Lorraine, dont il avait d'ailleurs déjà fréquenté bien souvent l'atelier<ref>Meaume 1860 {{1re|partie}}, {{p.|6}}.</ref>. Le contrat, signé le {{date|16 janvier 1607}}<ref>Sadoul 1990 {{p.|18}}.</ref>, prévoit que l'apprentissage de Jacques Callot dure quatre années consécutives. Bien qu'il réalise alors dans ce cadre ses premières gravures (notamment un portrait de [[Charles III de Lorraine]]), il abandonne cet apprentissage avant son terme.


Ce n'est que plus tard, à l'âge de seize ans, que son père accepte finalement de reconnaître la vocation de son fils, en l'envoyant étudier les techniques de la gravure en Italie. Jacques Callot s'y rend, en se joignant, dit-on, le {{date|1|décembre|1608}}, à l'ambassade de Lorraine qui part au même moment pour Rome annoncer au [[Pape]] l'avènement d'[[Henri II de Lorraine|Henri II]] au trône de Lorraine, à la suite du décès de Charles III<ref>Meaume 1860 {{1re|partie}} {{p.|13}}.</ref>.
Quoi qu'il en soit, après ces deux fugues, il est mis en apprentissage par son père chez Demenge Croq, orfèvre-graveur et maître des monnaies du duc de Lorraine, dont il avait d'ailleurs déjà fréquenté bien souvent l'atelier. Le contrat d'apprentissage de Jacques Callot, signé le 16 janvier [[1607]]<ref>{{Ouvrage|titre=Jacques Callot, miroir de son temps|éditeur=Gallimard|auteur=Georges Sadoul|langue=français|année=1969|publi=1990|pages=403|isbn=2-07-10625-X}}, page 18</ref>, portait en théorie sur quatre années consécutives pour qu'il apprenne le métier d'orfèvre. Même si c'est alors qu'il réalise ses premières gravures (un portrait de [[Charles III de Lorraine]], notamment), cela ne faisait guère l'affaire du jeune Callot qui ne devait jamais aller au bout de cet apprentissage.
Ce n'est que plus tard à l'âge de seize ans, que son père accepte finalement de reconnaître la vocation de son fils, en l'envoyant étudier les techniques de la gravure en Italie. Jacques Callot s'y rend, en se joignant, dit-on, le {{1er}} décembre [[1608]], à l'ambassade de Lorraine qui partait au même moment pour Rome annoncer au [[Pape]] l'avènement d'[[Henri II de Lorraine|Henri II]] au trône de Lorraine, suite au décès de Charles III<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA203,M1| Édouard Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot - Première partie : Biographie''. Voir page 203]</</ref>.


===Apprenti à Rome===
=== Apprenti à Rome ===
C'est donc ainsi qu'il arrive finalement en Italie, pour s'établir à Rome (sans doute au tout début de l'année [[1609]]), où il va retrouver son ami Israël Henriet<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA205,M1 Édouard Meaume : ''Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie'' Voir page 205]</ref>.
Il arrive sans doute au tout début de l'année [[1609]] à Rome, où il retrouve son ami [[Israël Henriet]]<ref name="Meaume 1860 p15">Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|15}}.</ref>.


Après, semble-t-il, une première brève rencontre avec [[Antonio Tempesta]], aquafortiste florentin fort admiré à Rome, il entre à l'atelier du graveur champenois [[Philippe Thomassin]], chez qui il va apprendre l'art de la gravure au [[Burin_(gravure)|burin]]. Les premiers travaux que son maître va lui confier seront des copies, ce qui constituera une bonne formation. C'est pendant cette période qu'il grave au burin une partie de la série des douze ''Mois'', trois planches des ''Saisons'', ainsi que bon nombre de copies d'œuvres religieuses.
Après une possible première brève rencontre avec [[Antonio Tempesta]]<ref name="Meaume 1860 p15"/>, aquafortiste florentin fort admiré à Rome, il entre à l'atelier du graveur champenois [[Philippe Thomassin]], chez qui il apprend l'art de la gravure au [[Burin (gravure)|burin]]. Les premiers travaux que son maître lui confie sont des copies, ce qui constitue une bonne formation. C'est pendant cette période qu'il travaille sur la série des douze ''Mois'' et sur les ''Saisons''<ref>[http://oeuvreclt.free.fr/prof.xml#MEAUME%200670 Lien sur le travail sur les Mois et les Saisons pendant le séjour chez Thomassin].</ref>, et qu'il effectue bon nombre de copies d'œuvres religieuses.


Vers la fin de [[1611]], il quitte Rome pour Florence, où la réputation de l'ingénieur-architecte-graveur [[Giulio Parigi]] l'attire<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA209,M1 Édouard Meaume : ''Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie'' Voir page 209]</ref>.
Vers la fin de [[1611]], il quitte Rome pour Florence, où la réputation de l'ingénieur-architecte-graveur [[Giulio Parigi]] l'attire<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|19}}.</ref>.


===Artiste reconnu à Florence===
=== Artiste reconnu à Florence ===
À la fin de 1611 ou au tout début de [[1612]], il arrive à Florence, où les [[Maison_de_Médicis|Médicis]] protègent et encouragent les artistes et les savants (dont [[Galilée]]). Après avoir été agréé par [[Cosme II de Médicis]], il entre dans l'atelier de Giulio Parigi.
À la fin de 1611 ou au tout début de [[1612]], il arrive à Florence, où les [[Maison de Médicis|Médicis]] protègent et encouragent les artistes et les savants (dont [[Galileo Galilei|Galilée]]). Après avoir été agréé par [[Cosme II de Médicis]], il entre dans l'atelier de [[Giulio Parigi]].


Mais on préparait alors à Florence la publication d'une pompe funèbre de la reine d'Espagne, [[Marguerite d'Autriche-Styrie|Marie-Marguerite d'Autriche]], femme de [[Philippe III d'Espagne]], morte à la fin de l'année 1611. Cosme II de Médicis, son beau-frère, confia à [[Tempesta]], l'aquafortiste, la réalisation des 29 planches qui devait composer l'œuvre. Surchargé par la commande, Tempesta va alors charger Callot de graver 15 de ses dessins, ce qui sera son premier travail à l'eau-forte<ref>Pierre-Paul Plan : ''Jacques Callot - Maitre graveur (1593-1635)'', page 21. Bruxelles et Paris, Librairie nationale d'art et d'histoire. G. Van Oest & Éditeurs (1914)</ref> <ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA213,M1 Édouard Meaume : ''Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie'' Voir page 213]</ref>.
On prépare alors à Florence la publication d'une pompe funèbre de la reine d'Espagne, [[Marguerite d'Autriche-Styrie|Marie-Marguerite d'Autriche]], femme de [[Philippe III d'Espagne]], morte à la fin de l'année 1611. Dans ce cadre, [[Cosme II de Médicis]], son beau-frère, confie à [[Tempesta]], l'aquafortiste, la réalisation des 29 planches qui doivent composer l'œuvre. Surchargé par la commande, Tempesta confie alors à Callot la gravure de 15 de ces dessins, lui permettant ainsi pour la première fois de travailler à l'eau-forte<ref>Plan 1914 {{p.|21}}.</ref>{{,}}<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|23}}. Cependant, selon [[Filippo Baldinucci]], c'est de [[Giulio Parigi]] que Jacques Callot apprend « le secret de l'eau-forte et le bel art du dessin à la plume et aux petites figures ».</ref>.


À l'automne [[1614]], il s'installe au Palais des Offices, où il est admis officiellement comme graveur; c'est alors le début d'une intense activité<ref>Exposition 1992 {{p.|62}}.</ref>.
Après avoir passés deux ans encore chez Giulio Parigi<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA215,M1 Édouard Meaume : ''Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie'' Voir page 215]</ref> à dessiner ou à graver différentes œuvres, en [[1615]], ce dernier se vit charger par Cosme II d'organiser des fêtes en l'honneur du prince d'[[Urbino]]. Giulio Parigi demanda alors à Callot de graver un certain nombre de grandes d'eaux-fortes pour conserver le souvenir de ces fêtes somptueuses. Ce fut pour Callot l'occasion de développer encore son talent. Sa carrière était véritablement lancée, et allait se poursuivre avec la réalisation des ''Caprices''.


Il passe encore deux ans chez Giulio Parigi<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|25}}.</ref> à dessiner ou à graver différentes œuvres. En [[1615]], ce dernier se voit chargé par Cosme II de Médicis d'organiser des fêtes en l'honneur du prince d'[[Urbino]]. Giulio Parigi demanda alors à Callot de graver un certain nombre de grandes eaux-fortes pour conserver le souvenir de ces fêtes somptueuses. C'est pour Callot l'occasion de développer son talent : sa carrière est dès lors véritablement lancée, et se poursuit avec la réalisation des ''Caprices''.
En [[1616]] ou [[1617]]<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA221,M1 Édouard Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot - Première partie : Biographie''. Voir page 221]</ref>, pense-t-on, il a l'idée d'utiliser le ''vernis dur'' des luthiers florentins pour protéger le cuivre des planches, ce qui va totalement changer les possibilités de l'eau-forte par rapport au ''vernis mol'' utilisé jusque là.

Probablement vers [[1616]] ou [[1617]]<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|31}}.</ref>, il a l'idée d'utiliser le ''vernis dur'' des luthiers florentins<ref>On voit parfois mentionné le « vernis des orfèvres », et non des luthiers ; mais [[Abraham Bosse]] (qui hérita de Callot cette technique et la diffusa en Europe) définit le vernis de Callot comme étant un vernis ''pour le bois'', repris ensuite par les historiens de Callot.</ref> pour protéger le cuivre des planches, ce qui va totalement changer les possibilités de l'eau-forte par rapport au ''vernis mol'' utilisé jusque-là. En {{date-|février 1617}}, à l'occasion des noces de Jeanne d'Autriche avec l'héritier Médicis, l'artiste lorrain grave les tableaux scéniques de l'[[Accademia delle Arti del Disegno|académie du dessin florentine]].


C'est à la fin de son séjour à Florence, après de nombreux succès, qu'il réalise l'une de ses eaux-fortes les plus grandes et les plus connues, ''La Foire de l'Impruneta''.
C'est à la fin de son séjour à Florence, après de nombreux succès, qu'il réalise l'une de ses eaux-fortes les plus grandes et les plus connues, ''La Foire de l'Impruneta''.


===Retour en Lorraine===
=== Retour en Lorraine ===
En [[1621]], à la mort du grand-duc [[Cosme II de Médicis]], il répond au désir de Charles de Lorraine de le voir revenir dans son pays<ref>Pierre-Paul Plan : ''Jacques Callot - Maitre graveur (1593-1635)'', page 27. Bruxelles et Paris, Librairie nationale d'art et d'histoire. G. Van Oest & C° Éditeurs (1914)</ref> <ref>[http://books.google.fr/books?hl=fr&id=g7EYAAAAYAAJ&dq=%C3%89douard-Meaume+II+%22+Recherches+sur+la+vie+et+les+ouvrages+de+Jacques+Callot%22&printsec=frontcover&source=web&ots=knp_6CcfI-&sig=j2s0uYLndn0WN3pHlNWxHZNFnVU&sa=X&oi=book_result&resnum=3&ct=result#PPA33,M1 Édouard Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot'', page 33. (1860). Paris. V{{e}} Jules Renouard, Libraire]</ref>, et rentre en [[Lorraine]], où il reçoit un accueil flatteur<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA226,M1 Édouard Meaume : ''Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie'' Voir page 226]</ref>. Après une douzaine d'années passées en Italie, c'est désormais ici qu'il vivra, ne quittant plus son pays que pour des voyages n'excédant guère six mois ou un an.
En [[1621]], à la mort du grand-duc [[Cosme II de Médicis]], il répond au désir de [[Charles IV de Lorraine|Charles de Lorraine]] de le voir revenir dans son pays<ref>Plan 1914, {{p.|27}} et Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|33}}.</ref>, et rentre en [[Lorraine]], où il reçoit un accueil flatteur<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|36}}.</ref>. Après une douzaine d'années passées en Italie, c'est désormais ici qu'il vivra, ne quittant plus son pays que pour des voyages n'excédant guère six mois ou un an.


Il donne alors libre cours à son génie créatif : il édite les séries pittoresques fondées sur ses souvenirs d'Italie que sont ''Les Balli'' et ''Les Gobbi'', ainsi que l'admirable série ''Les Gueux''. Dès cette période, il travaille sur l'immense série de planches (quatre-cent quatre-vingt-dix au total) que constitue le ''Livre des Saints'', et qui ne seront publiées qu'après sa mort.
Il donne alors libre cours à son talent créatif : il édite les séries pittoresques fondées sur ses souvenirs d'Italie que sont ''Les Balli'' et ''Les Gobbi'', ainsi que la série ''[[Les Gueux (Jacques Callot)|Les Gueux]]''. Dès cette période, il travaille sur l'immense série de planches (490 au total) que constitue le ''Livre des Saints'', et qui ne seront publiées qu'après sa mort.


C'est aussi de cette période que date sa petite suite ''Les Bohémiens'', ainsi que ''La Foire de Gondreville'', pendant français de ''La Foire de l'Impruneta''.
C'est aussi de cette période que date sa petite suite ''Les Bohémiens'', ainsi que ''La Foire de Gondreville'', pendant français de ''La Foire de l'Impruneta''. Il travaille aussi longuement à cette époque sur la gravure des ''Supplices'', où s'exprimera sa virtuosité.
Il travaille aussi longuement à cette époque sur la gravure des ''Supplices'', où s'exprimera pleinement son éblouissante virtuosité.


En novembre ou décembre [[1623]], il épouse Catherine Kuttinger<ref>Georges Sadoul, ''Jacques Callot, miroir de son temps'', Gallimard, 1969 (réimpr. 1990), 403 p. {{ISBN|2-07-10625-X}}, page 178 et page 388 </ref>{{,}}<ref>''Note :'' Félibien donnait comme date du mariage l'année [[1625]]. Les recherches entreprises depuis dans les archives lorraines ont permis de retrouver les bans du mariage à l'église [[Basilique_Saint-Epvre_de_Nancy|Saint-Epvre]], en date du 11 novembre 1623. Le contrat de mariage du 8 novembre est aujourd'hui perdu</ref>, fille de l'échevin en justice de la petite ville lorraine de [[Marsal]], et avec qui il n'eut pas d'enfant.
En novembre ou décembre [[1623]], il épouse Catherine Kuttinger<ref>Sadoul 1990 {{p.|178}} et 388. Félibien donnait comme date du mariage l'année [[1625]]. Les recherches entreprises depuis dans les archives lorraines ont permis de retrouver les bans du mariage à l'église [[Basilique Saint-Epvre de Nancy|Saint-Epvre]], en date du 11 novembre [[1623]]. Le contrat de mariage du 8 novembre est aujourd'hui perdu.</ref>, fille de l'échevin en justice de la petite ville lorraine de [[Marsal (Moselle)|Marsal]], et avec qui il n'aura pas d'enfant.


===Bref séjour aux Pays-Bas===
=== Bref séjour aux Pays-Bas ===
[[Image:Siege of Breda.jpg|thumb|280px|left|Jacques Callot : une planche du ''Siège de Bréda'']]
[[Fichier:Siege of Breda.jpg|thumb|right|Jacques Callot : une planche du ''Siège de Bréda'']]
En [[1625]], il reçoit une importante commande de l'infante [[Isabelle_d'Espagne_(1566-1633)|Isabelle-Claire-Eugénie]], fille de [[Philippe_II_d'Espagne|Philippe II]], et gouvernante des [[Pays-Bas]] : celle-ci souhaite en effet qu'il immortalise le [[Siège de Breda (1624)|siège de Breda]], suite à la reddition de la [[Breda|ville]], après le siège de près d'un an mené par le [[Ambrogio Spinola|marquis de Spinola]].
En [[1625]], il reçoit une importante commande de l'infante [[Isabelle-Claire-Eugénie d'Autriche|Isabelle-Claire-Eugénie]], fille de [[Philippe II d'Espagne]], et gouvernante des [[Pays-Bas]] : celle-ci souhaite en effet qu'il immortalise le [[Siège de Bréda (1624)|siège de Bréda]], à la suite de la reddition de la [[Bréda|ville]], après le siège de près d'un an mené par le [[Ambrogio Spinola|marquis de Spinola]].


Probablement au mois d'octobre 1625, selon Édouard Meaume, Jacques Callot se rend à [[Bruxelles]] à la demande de l'infante, et va recueillir sur place les informations nécessaires sur la disposition des lieux et des positions, de manière à pouvoir exécuter la commande qu'il avait reçu<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA232,M1 Édouard Meaume : ''Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie'' Voir page 232]</ref>.
Probablement au mois d'{{date-|octobre 1625}}, selon Édouard Meaume, Jacques Callot se rend à [[Bruxelles]] à la demande de l'infante, et recueille sur place les informations nécessaires sur la disposition des lieux et des positions, de manière à exécuter la commande reçue<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|42}}.</ref>.


Pendant son séjour aux Pays-Bas, il rencontre [[Antoine Van Dyck]], qui fait son portrait, à [[Bruxelles]] ou à [[Anvers]]. Ce portrait sera ensuite copié par deux graveurs, [[Lucas Vosterman]] et [[Esme de Boulonois]].
Pendant son séjour aux Pays-Bas, il rencontre [[Antoine Van Dyck]], qui fait son portrait, à [[Bruxelles]] ou à [[Anvers]]<ref>Ce portrait sera ensuite copié par deux graveurs, [[Lucas Vosterman]] et [[Esme de Boulonois]].</ref>.


C'est sans doute également pendant ce séjour aux Pays-Bas que Callot dessine les deux vues qu'il grave de Bruxelles. On pense qu'il rentra après cela en Lorraine, dès [[1626]], et c'est à Nancy qu'il grava les planches du Siège de Breda. Celles-ci seront éditées en [[1628]].
C'est sans doute également pendant ce séjour aux Pays-Bas que Callot dessine les deux vues qu'il grave de Bruxelles. Il rentre probablement en Lorraine dès [[1626]], et c'est à Nancy qu'il grave les planches du Siège de Bréda, qui seront éditées en [[1628]].


===Voyage à Paris, puis retour en Lorraine===
=== Voyage à Paris, puis retour en Lorraine ===
[[Image:Jacques callot miseres guerre.gif|370px|thumb|<center>Jacques Callot : ''Les grandes misères de la guerre'' - L'arbre aux pendus (1633)<br /><small>À la fin ces voleurs infâmes et perdus<br />Comme fruits malheureux à cet arbre pendus<br />Montrent bien que le crime horrible et noire engeance<br />Est lui-même instrument de honte et de vengeance<br />Et que c'est le destin des hommes vicieux<br />D'éprouver tôt ou tard la justice des cieux.</small></center>]]
Les six planches du Siège de Breda exécutées pour le compte de l'infante Isabelle connurent un grand succès, qui valut à Callot d'être approché par la cour du Roi de France après la chute de [[La Rochelle]].
Les six planches du [[Siège de Bréda (1624)|siège de Breda]] exécutées pour le compte de l'[[Isabelle-Claire-Eugénie d'Autriche|infante Isabelle]] connaissent un grand succès, ce qui vaut à Callot d'être approché par la maison du Roi de France après la fin du siège de [[Siège de La Rochelle (1627-1628)|La Rochelle]] en 1628.


Il vient alors à Paris, dans les premiers mois de l'année [[1629]], il est décidé de lui confier non seulement la commande de six planches représentant le siège de La Rochelle, mais aussi six autres planches sur l'attaque du fort de Saint-Martin de l'[[île de Ré]], à exécuter dans le style du ''Siège de Breda''.
Il vient alors à Paris, dans les premiers mois de l'année [[1629]], et il est décidé de lui confier non seulement la commande de six planches représentant le siège de La Rochelle, mais aussi six autres planches sur l'attaque du [[Saint-Martin-de-Ré|fort de Saint-Martin]] de l'[[île de Ré]], à exécuter dans le style du ''Siège de Breda''.
[[Fichier:Les misères et les malheurs de la guerre - 11 - La pendaison.png|thumb|upright=1.5|left|<center>Jacques Callot : ''[[Les Grandes Misères de la guerre]]'' - L'arbre aux pendus (1633)<br />À la fin ces voleurs infâmes et perdus<br />Comme fruits malheureux à cet arbre pendus<br />Montrent bien que le crime horrible et noire engeance<br />Est lui-même instrument de honte et de vengeance<br />Et que c'est le destin des hommes vicieux<br />D'éprouver tôt ou tard la justice des cieux.</center>]]
Il grave ces douze planches à Paris, où il retrouve son ami Israël Henriet, mais où il ne séjourne guère plus d'un an, semble-t-il, quittant la capitale française avant même l'édition des planches des deux ''Sièges'' commandés.
Il grave ces douze planches à Paris, où il ne séjourne guère plus d'un an, semble-t-il, quittant la capitale française avant même l'édition des planches des deux ''Sièges'' commandés.
Lors de ce séjour à Paris, il retrouve son ami Henriet, devenu éditeur ; il décide alors de lui confier l'édition de ses futures planches<ref>Plan 1914 {{p.|41}}.</ref>.


Il regagne Nancy en [[1630]]. Après la prise de Nancy, sa patrie, par [[Louis_XIII_de_France|Louis XIII]], le 25 septembre [[1633]], il refuse de consacrer par son art le souvenir de cette conquête<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA252,M1 Édouard Meaume : ''Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie'' Voir page 252, dernière ligne]</ref>, ajoutant ensuite, dit-on : « Je me couperais plutôt le pouce ! ». Lorsqu'on lui rapportera ce refus, Louis XIII déclarera simplement : « Monsieur de Lorraine est bien heureux d'avoir des sujets si fidèles et affectionnés »<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA253,M1| Édouard Meaume : ''Recherche sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot. Première partie - Biographie'' Voir page 253 ]</ref>, et offrira même une pension de mille écus à Callot pour l'attirer en France, et pour l'attacher à son service, ce que Callot refusera<ref>André Félibien : ''Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes''. Édition de 1725, Entretien VII, page 380
Il regagne Nancy en [[1630]]. Après la prise de Nancy, sa patrie, par [[Louis XIII de France|Louis XIII]], le {{date|25|septembre|1633}}, il refuse de consacrer par son art le souvenir de cette conquête<ref name="Meaume 1860 p 62">Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|62}}.</ref>, ajoutant ensuite : « Je me couperais plutôt le pouce ! ». Lorsqu'on lui rapporte ce refus, Louis XIII déclare simplement : « Monsieur de Lorraine est bien heureux d'avoir des sujets si fidèles et affectionnés. »<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|63}}.</ref>, et offre même une pension de mille écus à Callot pour l'attirer en France, et pour l'attacher à son service, ce que Callot refuse<ref>Félibien 1725, Entretien VII, {{p.|380}}.</ref>.
</ref>.


Bien loin de chanter les louanges du Roi de France, Jacques Callot publie son chef-d'œuvre le plus connu, la suite ''Les Grandes Misères de la Guerre''. Plus tard, alors qu'il s'apprête à quitter la Lorraine pour emmener sa famille en Italie, à Florence, le cancer de l'estomac dont il souffrait déjà depuis 1630 ou 1631<ref>Georges Sadoul, ''Jacques Callot, miroir de son temps'', Gallimard, 1969 (réimpr. 1990), 403 p. {{ISBN|2-07-10625-X}}, page 300
Loin de chanter les louanges du Roi de France, Jacques Callot publie alors son œuvre la plus connue, la suite ''Les Grandes Misères de la Guerre (''ou ''les Misères et les malheurs de la guerre)''. Plus tard, alors qu'il s'apprête à quitter la Lorraine pour emmener sa famille en Italie, à Florence, le cancer de l'estomac dont il souffrait déjà depuis 1630 ou 1631<ref>Sadoul 1990 {{p.|300}}.</ref> s'aggrave, et il décède en [[1635]], sans doute le {{date-|24 mars}}<ref name="décès"/>.
</ref> s'aggrave, et il décède en [[1635]].


==Œuvres==
== Œuvres ==
===Principaux thèmes abordés===
=== Principaux thèmes abordés ===
[[Fichier:Jacques Callot - La foire d'Impruneta, 1620.jpg|thumb|''Foire de l’Impruneta'', 1620 - [[Musée Lorrain]]]]
Son œuvre comprend de 1400<ref>[http://www.artworldbooks.com/pages/callot/callot_bio.php?lang=fr Texte indiquant que l'oeuvre de Callot ne compte pas moins de 1400 estampes]</ref> à 1600 gravures environ<ref>[http://books.google.fr/books?id=xT6iL4OBX1wC&pg=PA420&lpg=PA420&dq=rembrandt+callot++collection+OR+collectionneur&source=web&ots=AmIQ6kdDkk&sig=VHFXhIE1smrl71-P60-Fo_M27d0&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=3&ct=result#PPA423,M1 Guillaume Glorieux : ''A l'enseigne de Gersaint'', page 423. Champ Vallon, diffusion Presses Universitaires de France]</ref> <ref>''Note :'' Le catalogue établi par le célèbre marchand d'art Gersaint dénombre 1600 gravures de Callot, ''y compris les gravures faites par d'autres d'après ses dessins''. Il s'agit donc d'un maximum (Attention : il s'agit du nombre de gravures, et non de planches, car il y a fréquemment plusieurs gravures par planche)</ref>, abordant des thèmes divers :
Son œuvre comprend entre 1400 à 1600 gravures<ref>Le catalogue [[Jules Lieure|Lieure]] 1924-1927 en dénombre plus de 1400 ; le catalogue établi par le marchand d'art Gersaint dénombre 1600 gravures de Callot (Glorieux 2002 {{p.|423}}), ''y compris les gravures faites par d'autres d'après ses dessins'' ; il s'agit donc d'un maximum.</ref>, abordant des thèmes divers :
* Sujets religieux, quantitativement une part très importante de son œuvre. Ils comprennent des sujets de l'Histoire Sainte, des [[Passion_du_Christ|Passions]], des scènes du [[Nouveau Testament]], des [[Miracle|miracles]] divers, ''Les images de tous les Saints et Saintes'', etc.
* sujets religieux, quantitativement une part très importante de son œuvre. Ils comprennent des sujets de l'[[Histoire sainte]], des [[Passion du Christ|Passions]], des scènes du [[Nouveau Testament]], des [[miracle]]s divers, ''Les Images de tous les Saints et Saintes'', etc.
* Œuvres historiques, portraits, scènes de guerre : Les Sièges, portraits de Cosme II, de Louis XIII, ''Principaux faits du règne du grand-duc Ferdinand {{Ier}} de Médicis'', Les (petites et grandes) ''misères de la guerre'', des combats de galères florentines, des œuvres de circonstances (funérailles, généalogies...), etc.
* œuvres historiques, portraits, scènes de guerre : les sièges, les portraits de Cosme II, de Louis XIII, ''Principaux Faits du règne du grand-duc Ferdinand {{Ier}} de Médicis'', ''Les'' (''petites'' et ''grandes'') ''Misères de la guerre'', des combats de galères florentines, des œuvres de circonstances (funérailles, généalogies...), etc.
* Fêtes et foires : ''Foire de l'Impruneta'', ''Foire de Gondreville'', Fêtes à Florence...
* Séries de personnages pittoresques : ''Les Balli'', ''Les Gobbi'', ''Les Gueux'', ''Les Bohémiens''...
* fêtes et foires : ''Foire de l'Impruneta'', ''Foire de Gondreville'', les fêtes à Florence...
* Paysages : Les deux ''Grandes vues de Paris'', la petite vue de Paris (''Marché aux esclaves''), ''Les quatre paysages'', ''Les saisons'', ''Les mois'' ...
* séries de personnages pittoresques : ''Les Balli'', ''Les Gobbi'', ''[[Les Gueux (Jacques Callot)|Les Gueux]]'', ''Les Bohémiens''...
* paysages : Les deux ''Grandes Vues de Paris'', la ''Petite Vue de Paris'' (''Marché d'esclaves''), ''Les Quatre Paysages'', ''Les Saisons'', ''Les Mois''...
* Divers : ''Les supplices'', ''Les caprices''...
* divers : ''Les Supplices'', ''Les Caprices''...


En {{date-|novembre 2012}}, la [[Bibliothèque nationale de France|BnF]] a numérisé et mis en ligne 900 œuvres de Callot, conservées à la Réserve<ref>[http://blog.bnf.fr/gallica/?p=5220 La numérisation des gravures de Jacques Callot] sur le blog de Gallica, 14 novembre 2012.</ref>.
Par ailleurs, si l'on ne connaît pas de peintures de Jacques Callot, il a sans doute exécuté plus de 2000 dessins tout au long de sa vie, dont un grand nombre nous reste encore aujourd'hui : la [[Galerie des Offices]] à Florence en conserve par exemple trois cent trente (fonds Medicis), et le [[Musée_du_Louvre|Louvre]], cent soixante-dix<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{XVIIe}} siècle'', page 29 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974 </ref>.


Par ailleurs, il a exécuté de très nombreux dessins<ref>Le catalogue de ses dessins (Ternois 1962) en dénombre plus de 1440.</ref> tout au long de sa vie, dont un grand nombre nous reste encore aujourd'hui : la [[Galerie des Offices]] à Florence en conserve par exemple trois cent trente (fonds Medicis), et le [[Musée du Louvre|Louvre]], cent soixante-dix<ref name="Rouir 1974">Rouir 1974 {{p.|29}}.</ref>. On ne connaît aucune peinture de Callot.
===Détail de quelques œuvres marquantes===
[[Image:Jacques Callot Beggar.jpg|thumb|250px|Jacques Callot : ''Les Gueux'' - Le Mendiant à la jambe de bois (1622)]]
[[Image:Callot, The Temptation of Saint Anthony.jpg|thumb|250px|Jacques Callot : La Tentation de Saint-Antoine, {{2e}} version, 1634]]
Revenons plus en détail<ref>[http://books.google.fr/books?hl=fr&id=GvQnAAAAMAAJ&dq=callot+meaume&printsec=frontcover&source=web&ots=V9HbjZUBgo&sig=AfhtiDlwvL4kC97he8lzoaREPPg&sa=X&oi=book_result&resnum=1&ct=result#PPA195,M1| Édouard Meaume : « Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot - Deuxième partie (les œuvres)» (1860)]</ref> sur quelques œuvres qui vont ponctuer sa carrière de graveur et son évolution artistique<ref>Georges Sadoul, ''Jacques Callot, miroir de son temps'', Gallimard, 1969 (réimpr. 1990), 403 p. (ISBN 2-07-10625-X), pages 380 à 396</ref> :
====Les chefs-d'œuvre de la période florentine====
* 1612 : ''Pompe funèbre de la Reine d'Espagne''. Il s'agit des 15 planches de 18 x 13 cm environ confiées à Callot par Tempesta, et qui furent ses premières eaux-fortes.
* 1615-1620 : ''Principaux faits du règne du grand-duc Ferdinand {{Ier}} de Medicis''. C'est une série de seize planches (dont 15 au burin), qui marque le sommet de son œuvre de buriniste, mais aussi le moment où il va revenir définitivement à l'eau-forte, plus proche de sa sensibilité, et plus rapide à exécuter.
* 1617 : ''Les caprices''. Il s'agit d'une cinquantaine de planches, de 8 x 6 cm environ, que Callot, sur les conseils de son maître Parigi, dédia au frère du Grand Duc, Laurent de Médicis.
* 1618 : ''Le massacre des Innocents''. Il s'agit d'une planche de 13 x 10 cm environ, gravée deux fois par Callot, une première fois à Florence, puis une seconde fois à Nancy, car il n'avait sans doute plus la plaque à sa disposition.
* 1619 : ''La grande chasse''. Il s'agit d'une eau-forte de 46 x 20 cm environ (''NB :'' toutes les dimensions indiquées dans cet article le sont marge comprise), particulièrement intéressante par l'étagement des différents plans, l'arrière plan ne luttant jamais avec les premiers plans, grâce à la morsure plus profonde du trait de ceux-ci.
* 1620 : ''La foire de l'Impruneta''. C'est le chef-d'œuvre de sa période florentine. C'est une très grande eau-forte, de 67 x 42 cm environ, particulièrement notable par le nombre extraordinaire de personnages (plus de mille, auxquels il faut ajouter, dit-on, 45 chevaux, 65 ânes, et 137 chiens).


=== Détail de quelques œuvres marquantes ===
Il existe au sujet de cette planche une anecdote étonnante, et sans doute authentique, selon laquelle, après avoir trempé la planche dans l'eau-forte et enlevé le vernis, Callot, mécontent de la présence de zones vides dans l'image, la compléta séance tenante, à main levée, et sans aucun dessin préparatoire<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA219,M1| Édouard Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot - Première partie : Biographie''. Voir page 219]</ref> !
[[Fichier:Jacques Callot Beggar.jpg|thumb|upright|Jacques Callot : ''Les Gueux'' - ''Le Mendiant à la jambe de bois'' (1622)]]
* 1620-1622 : ''Les Balli'' (ou ''Balli di sfessania'', du nom napolitain d'une danse populaire), série de 24 planches (dont la planche de titre) de 10 x 7 cm environ, et décrivant des personnages inspirés de la Commedia dell'Arte.
[[Fichier:Callot, The Temptation of Saint Anthony.jpg|thumb|Jacques Callot : ''La Tentation de Saint-Antoine'', {{2e|version}}, 1634]]
* 1620-1622 : ''Les Gobbi'', série de 21 planches (dont la planche de titre), de 9 x 6 cm environ, gravés sur la base de dessins réalisés à Florence en 1616, et inspirés des bossus que l'on choisissait pour distraire le grand-duc Cosme II de Medicis.
L'œuvre gravée de Callot est trop importante pour qu'on l'analyse ici en détail. Cependant, les œuvres présentées ci-dessous comptent parmi les plus connues de l'artiste<ref>Elles sont choisies en référence à Meaume 1860, {{1re}} et {{2e|partie}}, et Sadoul 1990, {{p.|380-396}}. Toutes les dimensions indiquées ici le sont marge comprise.</ref>.


==== Les chefs-d'œuvre de la période florentine ====
====Le retour à Nancy====
* 1612 : ''Pompe funèbre de la Reine d'Espagne''. Il s'agit des 15 planches de {{Dunité|18|13|cm}} environ confiées à Callot par Tempesta, et qui furent ses premières eaux-fortes.
* 1622 : ''Les Gueux'' (ou ''Baroni''). Callot est rentré à Nancy, où il grave cette remarquable série de 25 planches (dont la planche de titre), de 14 x 9 cm environ, représentant des personnages très vivants, qui démontrent pleinement les vertus de la « taille unique ».
* 1615-1620 : ''Principaux faits du règne du grand-duc Ferdinand {{Ier}} de Medicis''. C'est une série de seize planches (dont quinze au burin), qui marque le sommet de son œuvre de buriniste, mais aussi le moment où il va revenir définitivement à l'eau-forte, plus proche de sa sensibilité, et plus rapide à exécuter.
* 1623-1624 : ''Les Bohêmiens''. Belle série de quatre eaux-fortes de 24 x 12 cm environ, où il est possible de voir le souvenir du voyage vers l'Italie de Callot, en compagnie d'une troupe de bohémiens.
* 1617 : ''Les Caprices''. Il s'agit d'une cinquantaine de planches, de {{Dunité|8|6|cm}} environ, que Callot, sur les conseils de son maître Parigi, dédia au frère du Grand Duc, Laurent de Médicis.
* 1627 : ''Le combat à la barrière''. Série de 11 planches (dont une de titre). Huit de ces planches font 24 x 15 cm, trois sont plus petites (dont le titre).
* 1618 : ''Le Massacre des Innocents''. Il s'agit d'une planche de {{Dunité|13|10|cm}} environ, gravée deux fois par Callot, une première fois à Florence, puis une seconde fois à Nancy, car il n'avait sans doute plus la plaque à sa disposition.
* 1619 : ''La Grande Chasse''. Il s'agit d'une eau-forte de {{Dunité|46|20|cm}} environ, particulièrement intéressante par l'étagement des différents plans, l'arrière plan ne luttant jamais avec les premiers plans, grâce à la morsure plus profonde du trait de ceux-ci.
* 1620 : ''La Foire de l'Impruneta''. C'est le chef-d'œuvre de sa période florentine : une très grande eau-forte, de {{Dunité|67|42|cm}} environ, particulièrement notable par le nombre inusité de personnages (plus de mille, auxquels il faut ajouter, dit-on, 45 chevaux, 65 ânes, et 137 chiens)<ref>[http://s227996712.onlinehome.fr/cyranodebergerac.fr/web/siecle_cyrano_contenu.php?contenu_id=25 Décompte du nombre de sujets figurant sur la Foire de l'Impruneta]. A. Hyatt Mayor (Curator of Prints, Metropolitan Museum of Arts) a compté 1138 personnages.</ref>.<br />Il existe au sujet de cette planche une anecdote étonnante, selon laquelle, après avoir trempé la planche dans l'eau-forte et enlevé le vernis, Callot, mécontent de la présence de zones vides dans l'image, la compléta séance tenante, à main levée, et sans aucun dessin préparatoire<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|29}}.</ref>.
* 1620-1622 : ''Les Balli'' (ou ''Balli di sfessania'', du nom napolitain d'une danse populaire), série de 24 planches (dont la planche de titre) de {{Dunité|10|7|cm}} environ, et décrivant des personnages inspirés de la [[Commedia dell'arte]].
* 1620-1622 : ''Les Gobbi'', série de 21 planches (dont la planche de titre), de {{Dunité|9|6|cm}} environ, gravés sur la base de dessins réalisés à Florence en 1616, et inspirés des bossus que l'on choisissait pour distraire le grand-duc Cosme II de Medicis.


====Les ''Sièges'', œuvres de commande royale====
==== Le retour à Nancy ====
* 1622 : ''Les Gueux'' (ou ''Baroni''). Callot est rentré à Nancy, où il grave cette série fort connue de 25 planches (dont la planche de titre), de {{Dunité|14|9|cm}} environ, représentant des personnages très vivants, qui démontrent pleinement les vertus de la « taille unique ».
* 1628 : ''Le siège de Breda''. Série de 6 planches destinées à être assemblées, de 54 ou 65 cm (selon les planches) x 48 cm environ. Réalisée selon la commande passée en 1625 par l'infante Isabelle, fille de Philippe II, roi d'Espagne.
* 1623-1624 : ''Les Bohémiens''. Belle série de quatre eaux-fortes de {{Dunité|24|12|cm}} environ, où il est possible de voir le souvenir du voyage vers l'Italie de Callot, en compagnie d'une troupe de bohémiens.
* 1629, date de la commande (édités en 1631 : ''Le siège du fort de Saint-Martin dans l'île de Ré'', ainsi que ''Le siège de La Rochelle''. Ces deux grandes œuvres ont fait l'objet de commandes de la Cour. Pour chacune de ces œuvres, il s'agit d'un ensemble de 6 planches (de 57 x 44 cm environ pour le ''Siège de l'Ile de Ré'', de 56 x 45 cm environ, dans le cas du ''Siège de la Rochelle''). Tout comme le ''Siège de Breda'', il s'agit de planches destinées à être assemblées, et non regardées séparément.
* 1627 : ''Le Combat à la barrière''. Série de 11 planches (dont une de titre), commémorant les fêtes données à Nancy en 1627 en l'honneur de la duchesse de Chevreuse<ref>Plan 1914 {{p.|37}}.</ref>. Huit de ces planches font {{Dunité|24|15|cm}}, trois sont plus petites (dont le titre).


==== Les ''Sièges'', œuvres de commande royale ====
====''Misères de la guerre'' et autres œuvres majeures====
* 1628 : ''Le Siège de Breda''. Série de six planches destinées à être assemblées, de 54 ou {{unité|65|cm}} (selon les planches) × {{unité|48|cm}} environ. Réalisée selon la commande passée en 1625 par l'infante Isabelle, fille de Philippe II, roi d'Espagne.
* 1629 : ''Le passage de la mer Rouge'', planche de 25 x 13 cm environ.
* 1629, date de la commande (édités en 1631) : ''Le Siège du fort de Saint-Martin dans l'île de Ré'', ainsi que ''Le Siège de La Rochelle''. Ces deux grandes œuvres ont fait l'objet de commandes de la maison du roi de France. Pour chacune de ces œuvres, il s'agit d'un ensemble de 6 planches (de {{Dunité|57|44|cm}} environ pour le ''Siège de l'Ile de Ré'', de {{Dunité|56|45|cm}} environ, dans le cas du ''Siège de la Rochelle''). Tout comme le ''Siège de Breda'', il s'agit de planches destinées à être assemblées, et non regardées séparément.
* 1629 ?: ''Le marché d'esclaves''. Belle eau-forte, de 22 x 11 cm environ, décrivant un marché d'esclaves imaginaire sur fond de décor parisien. Le véritable titre de cette eau-forte étant en réalité ''La petite vue de Paris''.
* 1631 : ''La Tour de Nesle'' : C'est une eau-forte de 34 x 17 cm environ, très belle réussite par sa composition et l'étagement des différents plans. C'est l'une des deux ''Grandes Vues de Paris'', dont le nom exact est ''Vue du Pont-Neuf, de la Tour, et de l'ancienne Porte de Nesle''. L'autre grande vue de Paris, représentant le même endroit vu dans l'autre sens, se nomme ''Vue du Louvre''.
* 1632 (édité en 1635) : ''Les petites misères de la guerre''. Il s'agit de 7 planches (dont la planche de titre) de 11 x 5 cm environ.
* 1632 (édité en 1633) : ''Les grandes misères de la guerre''. C'est une série de 18 planches (dont la planche de titre), de 18 x 8 cm environ, sans doute la plus connue de toute l'œuvre de Callot, qui démontre à la fois son talent, et son engagement politique, puisque les scènes décrites apparaissent en pratique comme une condamnation de l'invasion de la Lorraine par Louis {{XIII}}, et de la [[Guerre de Trente Ans]] de manière plus générale <ref>''Note :'' Cependant, il ne faut pas oublier que les Misères de la guerre devaient initialement s'appeler ''La vita del soldato'', « La vie du soldat », depuis l'enrôlement du soldat jusqu'à la remise des médailles par le souverain. [[Filippo Baldinucci]], l'autre grand biographe de Callot, atteste en effet que Callot comptait représenter là « tous les accidents qui peuvent survenir aux pauvres soldats, depuis l'instant où ils reçoivent leur première paie»</ref>.
* 1634 : ''Les supplices''. Planche de 22 x 11 cm environ, représentant six supplices (le bûcher, la roue, la potence, l'estrapade, la marque et la fustigation), une des œuvres les plus connues de Callot, intéressante par le grouillement des scènes et des personnages sur la planche.
* 1634 : La ''tentation de Saint-Antoine''. Dans cette eau-forte de 46 x 36 cm environ, Callot traite ce sujet pour la seconde fois, avec plus de maturité, et en pleine possession de son art. La première version avait été faite à Florence, en 1617, et était donc une œuvre de jeunesse.
* 1636 (date de l'édition) : ''Les images de tous les Saints et Saintes'' (« Le Livre des Saints »), immense série de 490 planches (probablement commencée dès 1625 cependant, selon Félibien et Meaume), qui ne paraîtront qu'après sa mort.


==== ''Misères de la guerre'' et autres œuvres majeures ====
===Sort des cuivres de Callot===
[[Fichier:The Slave Market (Le Marché d'esclaves) Met DP890399.jpg|vignette|droite|Jacques Callot.- Le Marché d'esclaves, Vers 1629,[[Metropolitan Museum of Art]].]]
De nombreuses planches de cuivre gravées par Callot existent encore aujourd'hui. Il ne conserva pas les cuivres qu'il avait gravés à Florence lorsqu'il quitta la ville, ce qui l'amena par la suite à regraver un certain nombre de ces planches (''La foire de l'Impruneta'', ou ''La tentation de Saint-Antoine''). La grande majorité des autres se trouvait chez Israël Henriet, son éditeur, lorsqu'il mourut. Ces planches furent ensuite partagées entre les neveux d'Henriet ; [[Israël Sylvestre]] ajouta à sa part d'héritage celle de Jean Callot, le frère aîné de Jacques, ainsi qu'un lot racheté à la veuve de Callot, Catherine Kuttinger. Le tout passa ensuite à son gendre, M. de Logny, puis fut vendu à Fagnani. Ce marchand avait alors à l'époque 568 cuivres en sa possession, qu'il continuait à imprimer.
{{Article détaillé|Les Grandes Misères de la guerre{{!}}''Les Grandes Misères de la guerre''}}
* 1629 : ''Le Passage de la mer Rouge'', planche de {{Dunité|25|13|cm}} environ.
* 1629 (?) : ''Le Marché d'esclaves''. Belle eau-forte, de {{Dunité|22|11|cm}} environ, décrivant un marché d'esclaves imaginaire sur fond de décor parisien. Le véritable titre de cette eau-forte étant en réalité ''La Petite Vue de Paris''.
* 1631 : ''La Tour de Nesle'' : c'est une eau-forte de {{Dunité|34|17|cm}} environ, belle réussite par sa composition et l'étagement des différents plans. C'est l'une des deux ''Grandes Vues de Paris'', dont le nom exact est ''Vue du Pont-Neuf, de la Tour, et de l'ancienne Porte de Nesle''. L'autre grande vue de Paris, représentant le même endroit vu dans l'autre sens, se nomme ''Vue du Louvre''.
* 1632 (édité en 1635) : ''Les Petites Misères de la guerre''. Il s'agit de 7 planches (dont la planche de titre) de {{Dunité|11|5|cm}} environ.
* 1632 (édité en 1633) : ''[[Les Grandes Misères de la guerre]] (''[[Les Grandes Misères de la guerre|ou ''les Misères et les malheurs de la guerre)'']]. C'est une série de 18 planches (dont la planche de titre), de {{Dunité|18|8|cm}} environ, sans doute la plus connue de toute l'œuvre de Callot<ref>On lit à ce sujet dans les notes manuscrites de [[Pierre-Jean Mariette]] : « Ceci représente particulièrement la vie du soldat et un tableau de tout ce qu'il fait souffrir aux autres et des malheurs auxquels il est lui-même exposé... C'est un des ouvrages où cet habile graveur a donné le plus de preuves de son savoir et qui lui a acquis, en même temps, le plus de réputation » (Cité par Édouard Meaume).</ref>, qui démontre son talent et évoque pour nous la violence de la [[guerre de Trente Ans]], qui sévissait alors en Europe<ref>En revanche, ''Les misères de la guerre'' n'évoquent pas l'invasion de la Lorraine, survenue après leur conception. D'ailleurs, cette série devait initialement s'appeler ''La vita del soldato'', « La vie du soldat », depuis l'enrôlement du soldat jusqu'à la remise des médailles par le souverain. [[Filippo Baldinucci]], l'autre grand biographe de Callot, atteste en effet que Callot comptait représenter là « tous les accidents qui peuvent survenir aux pauvres soldats, depuis l'instant où ils reçoivent leur première paie».</ref>.
* 1634 : ''Les Supplices''. Planche de {{Dunité|22|11|cm}} environ, représentant six supplices (le bûcher, la roue, la potence, l'estrapade, la marque et la fustigation), une des œuvres les plus connues de Callot, intéressante par le grouillement des scènes et des personnages sur la planche.
* 1634 : ''La Tentation de Saint-Antoine''. Dans cette eau-forte de {{Dunité|46|36|cm}} environ, Callot traite ce sujet pour la seconde fois<ref>http://www.artaujourdhui.info/q1323-quand-callot-grave-saint-antoine.html</ref>, avec plus de maturité. La première version avait été faite à Florence, en 1617, et était donc une œuvre de jeunesse.
* 1636 (date de l'édition) : ''Les Images de tous les Saints et Saintes'' (« Le Livre des Saints »), immense série de 490 estampes sur 124 planches<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|166}}.</ref> (probablement commencée dès 1625 cependant, selon Félibien et Meaume), qui ne paraîtront qu'après sa mort.


=== Sort des cuivres de Callot ===
Après de multiples péripéties, 384 de ces cuivres furent finalement légués, en 1921, au [[Musée_Historique_Lorrain|Musée Lorrain]]<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{XVIIe}} siècle'', page 30 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974 </ref>. En juillet 2007, le Musée Lorrain disait détenir « 316 plaques de cuivre gravées par l'artiste, soit la presque totalité de celles connues à ce jour ».<ref>[http://www.ot-nancy.fr/musees/callot.pdf Musée lorrain de Nancy : Communiqué de presse du 13 juillet 2007]</ref>
De nombreuses planches de cuivre gravées par Callot existent encore aujourd'hui. Il ne conserva pas les cuivres qu'il avait gravés à Florence lorsqu'il quitta la ville, ce qui l'amena par la suite à regraver un certain nombre de ces planches (''La Foire de l'Impruneta'', ou ''La Tentation de Saint-Antoine''). La grande majorité des autres se trouvait chez Israël Henriet, son éditeur, lorsqu'il mourut. Ces planches furent ensuite partagées entre les neveux d'Henriet ; [[Israël Silvestre]] ajouta à sa part d'héritage celle de Jean Callot, le frère aîné de Jacques, ainsi qu'un lot racheté à la veuve de Callot, Catherine Kuttinger. Le tout passa ensuite à son gendre, M. de Logny, puis fut vendu à Fagnani. Ce marchand avait alors à l'époque 568 cuivres en sa possession, qu'il continuait à imprimer.


Après de multiples péripéties, 384 de ces cuivres furent finalement légués, en 1921, au [[Musée Historique Lorrain|Musée Lorrain]]<ref>Rouir 1974 {{p.|30}}.</ref>. En {{date-|juillet 2007}}, le Musée Lorrain disait détenir « 316 plaques de cuivre gravées par l'artiste, soit la presque totalité de celles connues à ce jour »<ref>[http://www.ot-nancy.fr/musees/callot.pdf Musée lorrain de Nancy : Communiqué de presse du 13 juillet 2007].</ref>.
==Apports techniques et stylistiques==
===Innovations techniques===
[[Image:Callot Burlesque Violinist.jpg|thumb|350px|Jacques Callot : ''Les Gobbi'' - Le joueur de violon]]
Il apporta à la technique de l'eau-forte plusieurs innovations essentielles<ref>[http://expositions.bnf.fr/bosse/reperes/1.htm Texte BNF sur les innovations de Callot (''vernis dur'' et morsures multiples) et leur importance]</ref> pour les aquafortistes (utilisation du vernis dur, de l'échoppe, et des morsures multiples), qui furent largement diffusées en France et à l'étranger par les écrits d'Abraham Bosse<ref>[http://www.rogergaskell.com/gaskell38page.pdf Présentation de l'ouvrage d'Abraham Bosse, diffusant les innovations de son maître Jacques Callot (Ouvrage n° 9 : ''Traicté des manières de graver en taille douce sur l’airain'')]</ref>.


== Apports techniques et stylistiques ==
====Utilisation du ''vernis dur''====
=== Innovations techniques ===
Jacques Callot utilisera le ''vernis dur'', emprunté aux luthiers de Florence et de Venise, à la place du [[Vernis_mou|''vernis mol'']] connu jusqu'alors. Citons à ce sujet [[Abraham Bosse]], autre grand graveur de l'époque<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{XVIIe}} siècle'', page 18 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974</ref> : {{citation bloc|J'ay sceu par feu Monsieur Callot qu'on luy envoyoit son verny tout fait d'Italie, et qu'il s'y fait par les menuisiers, qui s'en servent pour vernir leurs bois; ils le nomment vernice grosso dà lignaioly; il m'en avait donné, dont je me suis servy longtemps.}}Cette innovation fut essentielle : elle permit en effet aux [[aquafortiste]]s de s'investir désormais sans crainte dans leur dessin.
[[Fichier:Callot Burlesque Violinist.jpg|thumb|Jacques Callot : ''Les Gobbi'' - Le joueur de violon]]
Il apporta à la technique de l'eau-forte trois innovations essentielles<ref>[http://www.tesionline.com/intl/pdfpublicview.jsp?url=../__PDF/11557/11557p.pdf ''Étude sur Callot sur sa présence au Musée Lorrain de Nancy'', {{p.|8}}] ; [http://expositions.bnf.fr/bosse/reperes/1.htm Texte de la BNF sur les innovations de Callot (''vernis dur'' et morsures multiples) et leur importance].</ref> pour les aquafortistes (utilisation du vernis dur, de l'échoppe, et des morsures multiples), qui furent largement diffusées en France et à l'étranger par les écrits d'Abraham Bosse<ref>[http://www.rogergaskell.com/gaskell38page.pdf Présentation de l'ouvrage d'Abraham Bosse, diffusant les innovations de Jacques Callot (Ouvrage {{n°|9}} : ''Traicté des manières de graver en taille douce sur l’airain'')].</ref>.


Jacques Callot utilisera le ''vernis dur'', emprunté aux luthiers de Florence et de Venise, à la place du [[Vernis mou|''vernis mol'']] connu jusqu'alors. Citons à ce sujet [[Abraham Bosse]], autre grand graveur de l'époque<ref>Rouir 1974 {{p.|18}}.</ref> : {{citation bloc|J'ay sceu par feu Monsieur Callot qu'on luy envoyoit son verny tout fait d'Italie, et qu'il s'y fait par les menuisiers, qui s'en servent pour vernir leurs bois; ils le nomment vernice grosso dà lignaioly; il m'en avait donné, dont je me suis servy longtemps.}}
Félibien nous a rapporté les multiples avantages que Jacques Callot trouvait en effet à ce vernis<ref>André Félibien : ''Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes''. Édition de 1725, Entretien VII, page 373 </ref> :
Voici la composition de ce ''vernis dur'' de Florence, tel que Callot l'utilisait, selon une recette meilleure que celle publiée ensuite par Abraham Bosse en 1645<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}} {{p.|113}}.</ref> : {{citation bloc|Prenez un quarteron d'huile grasse bien claire et faite de bonne huile de lin, pareille à celle dont les peintres se servent : faites la chauffer dans un poêlon de terre vernissée et neuf ; ensuite, mettez-y un quarteron de mastic en larmes pulvérisé, et remuez bien le tout, jusqu'à ce qu'il soit fondu entièrement. Alors, passez toute la masse à travers un linge fin et propre, dans une bouteille de verre à large col, que vous boucherez exactement.}}<br />Cette innovation fut essentielle : elle permit en effet aux [[aquafortiste]]s de s'investir désormais sans crainte dans leur dessin. Félibien rapporte les multiples avantages que Jacques Callot trouvait en effet à ce vernis<ref>Félibien 1725, Entretien VII, {{p.|373}}.</ref> : il séchait et durcissait promptement, on était mieux assuré de ne pas le gâter, lorsqu'en travaillant, on venait à poser la main dessus, et enfin, il n'était pas nécessaire de tremper tout de suite la plaque dans l'eau-forte comme avec le ''vernis mol'', et il devenait même possible d'attendre six mois ou un an s'il le fallait.
* il séchait et durcissait promptement ;
* on était mieux assuré de ne pas le gâter, lorsqu'en travaillant, on venait à poser la main dessus;
* et enfin, on n'était pas contraint à tremper tout de suite la plaque dans l'eau-forte comme avec le ''vernis mol'', et on pouvait même attendre six mois ou un an s'il le fallait.


Jacques Callot utilisa ''l'échoppe couchée'' (au lieu de la pointe), un instrument qu'il emprunta aux [[orfèvre]]s, dans le souci de pouvoir réaliser un trait plus dynamique, créant des effets « de pleins et de déliés » grâce au profil triangulaire de cet instrument. Il est clair que l'échoppe, et ses possibilités d'accentuer plus ou moins le trait, et de renforcer ainsi les ombres, était complémentaire de la « taille unique », puisque celle-ci abandonnait les hachures utilisées jusqu'alors pour le rendu des zones sombres.
Voici la composition de ce fameux ''vernis dur'' de Florence, tel que Callot l'utilisait, selon une recette meilleure que celle publié ensuite par Abraham Bosse en 1645<ref>[http://books.google.fr/books?id=QY4DAAAAMAAJ&pg=PA251&lpg=PA251&dq=richelieu+%22si%C3%A8ge+de+nancy%22&source=web&ots=J5gqS1P50S&sig=gVMOrZWu2Ro3F1Y2gETPyNwQ2U8&hl=fr&sa=X&oi=book_result&resnum=10&ct=result#PPA303,M1| E. Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot''. Notes justificatives. Voir page 303]</ref> : {{citation bloc|Prenez un quarteron d'huile grasse bien claire et faite de bonne huile de lin, pareille à celle dont les peintres se servent : faites la chauffer dans un poêlon de terre vernissée et neuf; ensuite, mettez-y un quarteron de mastic en larmes pulvérisé, et remuez bien le tout, jusqu'à ce qu'il soit fondu entièrement. Alors, passez toute la masse à travers un linge fin et propre, dans une bouteille de verre à large col, que vous boucherez exactement.}}


La technique des « ''morsures successives'' » consiste à plonger la plaque de [[cuivre]] dans des bains d'[[acide]] successifs pour obtenir une morsure plus ou moins profonde du trait, et donc une profondeur différente de l'encrage. Ceci donne en particulier une forte sensation de profondeur de champ à l'image, dans laquelle les premiers plans feront appel à des tailles très fortement mordues. Les lointains, eux, feront appel à des traits fins et déliés, parfois à peine visibles, car ils auront été recouverts d'une couche protectrice après le passage dans le premier bain. Cette technique des bains successifs, que Callot utilisa, avec un fort impact visuel, plus qu'aucun autre aquafortiste avant lui, sera reprise par [[Rembrandt]]<ref>[http://www.larousse.fr/ref/peinture/eau-forte_152018.htm Utilisation par Rembrandt des morsures multiples].</ref>, avec d'ailleurs d'autres objectifs stylistiques.
====Utilisation de l'''échoppe''====
Jacques Callot utilisera ''l'échoppe couchée'' (au lieu de la pointe), un instrument qu'il emprunta aux [[orfèvre]]s, dans le souci de pouvoir réaliser un trait plus dynamique, créant des effets « de pleins et de déliés » grâce au profil triangulaire de cet instrument. Il est clair que l'échoppe, et ses possibilités d'accentuer plus ou moins le trait, et de renforcer ainsi les ombres, était complémentaire de la « taille unique », puisque celle ci abandonnait les hachures utilisées jusqu'alors pour le rendu des zones sombres.


=== Apports stylistiques ===
====Utilisation des ''morsures successives''====
Jacques Callot sera fort admiré par Félibien, mais aussi par [[Georges de Scudéry|Scudéry]], ou encore [[Vincent Voiture|Voiture]], pour l'aptitude qu'il avait à représenter « une multitude de détails toujours lisibles, (...) des espaces vastes et profonds, et tout cela dans des formats réduits et souvent minuscules » ; mais aussi, « pour le caractère fantasque et fantastique de son génie »<ref>Exposition 1992 {{p.|34}}.</ref>.
Cela consiste à plonger la plaque de [[cuivre]] dans des bains d'[[acide]] successifs pour obtenir une morsure plus ou moins profonde du trait, et donc une profondeur différente de l'encrage. Ceci donne en particulier une extraordinaire sensation de profondeur de champ à l'image, dans laquelle les premier plans feront appel à des tailles très fortement mordues. Les lointains, eux, feront appel à des traits fins et déliés, parfois à peine visibles, car ils auront été recouverts d'une couche protectrice après le passage dans le premier bain. Cette technique des bains successifs, que Callot utilisera, avec un remarquable impact visuel, plus qu'aucun autre aquafortiste avant lui, sera reprise par [[Rembrandt]]<ref>[http://www.larousse.fr/ref/peinture/eau-forte_152018.htm Utilisation par Rembrandt des morsures multiples]</ref>, avec d'ailleurs d'autres objectifs stylistiques.


Pour conserver la lisibilité de ses eaux-fortes, Callot recourut à ce qu'il appelait la ''taille simple'', ou la ''taille unique'', par l'utilisation de traits parallèles, et non plus entrecroisés, ce qui donne plus de force à ses eaux-fortes, et de netteté au trait<ref>Rouir 1974 {{p.|23-24}}.</ref>. L'idée d'une taille unique, par laquelle, nous dit Félibien, {{citation|il se proposa de ne faire souvent qu'un seul trait pour graver les figures, grossissant plus ou moins le trait avec (...) l'échoppe, sans se servir de hachures}} lui vint de l'observation du pavé de la [[Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption de Sienne|cathédrale de Sienne]], fait par [[Duccio]]<ref>Félibien 1725, Entretien VII, {{p.|374}}. Même si c'est [[Domenico Beccafumi]] qui a en réalité dessiné le pavé de la cathédrale de Sienne, c'est néanmoins bien Duccio qui a inventé la technique décorative qui en est à la base, et qui inspira donc Callot.</ref>. Toujours selon Félibien en effet, Callot trouvait que cette manière de faire « dans les petites choses particulièrement, faisoit un bon effet, et les représentoit avec plus de netteté ».
===Apports stylistiques===
====La ''taille unique''====
Jacques Callot va avoir recours à ce qu'il appellera la ''taille simple'', ou la ''taille unique'', par l'utilisation de traits parallèles, et non plus entrecroisés, ce qui donne plus de force et de lisibilité à ses eaux-fortes<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{XVIIe}} siècle'', pages 23 et 24 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974</ref>.


Callot préféra très vite l'eau-forte au burin, d'une exécution trop lente pour son tempérament impatient<ref>Plan 1914, {{p.|22}}, Rouir 1974 {{p.|18}}.</ref>. Mais il faut surtout y voir l'amour de Callot pour la caricature, ou plutôt, son sens de la vie et du mouvement, plus aisés à transcrire à l'eau-forte qu'au burin : quand on compare en effet une œuvre de Callot à un beau burin classique, on est frappé par le style plus conventionnel de la gravure au burin, et au contraire, par la vie qui anime, jusque dans ses plus petits détails<ref>Certains détails nécessitent le recours à la loupe.</ref>, les eaux-fortes de Callot. La gravure [http://www.spamula.net/blog/i43/callot22.jpg ''Les apprêts du festin''], dernière planche de la série ''Les Bohémiens'', une eau-forte d'à peine {{Dunité|24|12|cm}}, en donne un exemple. Les petites scènes saisies sur le vif y sont nombreuses :
L'idée d'une taille unique, par laquelle, nous dit Félibien, {{citation bloc|il se proposa de ne faire souvent qu'un seul trait pour graver les figures, grossissant plus ou moins le trait avec (...) l'échoppe, sans se servir de hachures}} lui vint de l'observation du pavé de la [[Cathédrale_Notre-Dame-de-l'Assomption_de_Sienne|cathédrale de Sienne]], fait par [[Duccio]]<ref>André Félibien : ''Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes''. Édition de 1725, Entretien VII, page 374</ref>{{,}}<ref>''Note :'' Même si c'est [[Domenico Beccafumi]] qui a en réalité dessiné le pavé de la cathédrale de Sienne, c'est néanmoins bien Duccio qui a inventé la technique décorative qui en est à la base, et qui inspira donc Callot</ref>. Toujours selon Félibien en effet, Callot trouvait que cette manière de faire « dans les petites choses particulièrement, faisoit un bon effet, et les représentoit avec plus de netteté ».
* une jeune mère est en train d'accoucher, entourée par deux femmes, pendant que la [[sage-femme]] récupère le nouveau-né, après avoir posé quelques instruments sur la pierre plate à côté d'elle ;

====Le sens de la caricature====
On le sait, Callot préféra très vite l'eau-forte au burin, d'une exécution trop lente pour son tempérament impatient<ref>Pierre-Paul Plan : ''Jacques Callot - Maitre graveur (1593-1635)'', page 22. Bruxelles et Paris, Librairie nationale d'art et d'histoire. G. Van Oest & C° Éditeurs (1914)</ref> <ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{s-|XVII|e}}'', page 18 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974. (OCLC 163708781)
</ref>. On a pu dire que c'est parce que Callot n'était au fond qu'un buriniste fort moyen, et que l'eau-forte lui permettait d'obtenir des résultats plus rapides. Il faut surtout y voir l'amour de Callot pour la caricature, croquée sur le vif. Ou plutôt, son sens de la vie et du mouvement : quand on compare en effet une œuvre de Callot à un beau burin classique, on est frappé par le style conventionnel, compassé, de la gravure au burin, et au contraire, par la vie qui anime, jusque dans ses plus petits détails, les eaux-fortes de Callot.

Regardons par exemple la gravure ''Les apprêts du festin'', dernière planche de la série ''Les Bohémiens'', une eau-forte d'à peine 24 x 12 cm. <br />''Cliquer ici :'' [http://www.spamula.net/blog/i43/callot22.jpg ''Les apprêts du festin'']

Les petites scènes saisies sur le vif y pullulent :
* une jeune mère est en train d'accoucher, entourée par deux femmes, pendant que la [[sage-femme]] récupère le nouveau-né, après avoir posé les [[forceps]] sur la pierre plate à côté d'elle ;
* un homme fait une sieste, calé sur une branche en haut d'un arbre, pendant qu'un autre défèque sur la branche inférieure ;
* un homme fait une sieste, calé sur une branche en haut d'un arbre, pendant qu'un autre défèque sur la branche inférieure ;
* une femme prépare un bouillon dans un grand seau sur le feu, pendant que deux autres font rôtir quatre poulets à la broche ;
* une femme prépare un bouillon dans un grand seau sur le feu, pendant que deux autres font rôtir quatre poulets à la broche ;
Ligne 190 : Ligne 185 :
* un jeune homme prépare une biche, accrochée à un arbre, cependant qu'un chien se régale des viscères tombés au sol ;
* un jeune homme prépare une biche, accrochée à un arbre, cependant qu'un chien se régale des viscères tombés au sol ;
* pendant que sa mère égorge une volaille, une petite fille l'aide à plumer les autres...
* pendant que sa mère égorge une volaille, une petite fille l'aide à plumer les autres...
C'est ce sens inné de la « photographie instantanée » du monde qui l'entoure qui est l'une des caractéristiques de Callot. C'est lui également qui contribue à en faire le « miroir de son temps »<ref>Comme l'a justement appelé George Sadoul.</ref>, y compris, le moment venu, lorsqu'il sera appliqué à des sujets autrement graves, tels que ceux inspirant ''Les Misères de la guerre''.


=== Influence de Jacques Callot ===
C'est ce sens inné de la « photographie instantanée » du monde qui l'entoure qui fait la caractéristique première de Callot. C'est lui qui nous le rend si précieux aujourd'hui, par les détails qu'il nous montre de la société qu'il décrit. C'est lui aussi qui, le moment venu, appliqué à des sujets autrement plus graves, l'amènera à faire cette œuvre exceptionnelle que sont ''Les misères de la guerre''.
À l'instar d'un [[Rembrandt]] - qui collectionnait les estampes de Callot<ref>[http://www.carlos.emory.edu/content/virgin-and-child-clouds Collection d'eaux-fortes de Callot par Rembrandt].</ref> - Jacques Callot a eu une influence considérable sur l'histoire de l'eau-forte<ref>Rouir 1974 {{p.|26}}.</ref>. Ses sujets, notamment ses scènes de guerre (''Les Misères de la guerre''), sont un témoignage très vivant de la cruauté de l'époque.


[[Fichier:Desastres de la guerra 33 Qué hay que hacer más.jpg|thumb|Goya : ''[[Les Désastres de la guerre]]'' - ¿Que hay que hacer más?]]
===Influence de Jacques Callot===
S'il n'eut pas d'élèves directs, il influença en revanche quelques grands artistes, des peintres en particulier<ref>En effet, un avantage décisif apporté par le ''vernis dur'' était la possibilité qu'il donnait désormais aux peintres d'exécuter facilement des gravures de grande qualité, alors que le burin était affaire de spécialiste, et que l'eau-forte faisant appel au ''vernis mol'' n'offrait que des possibilités moindres.</ref>, qui profitèrent de ses leçons, stylistiques ou, plus encore, techniques. On compte parmi eux des graveurs ou peintres tels que :
À l'instar d'un [[Rembrandt]] - qui collectionnait les estampes de Callot<ref>[http://209.85.135.104/search?q=cache:zr8zDbPDv5MJ:www.carlos.emory.edu/virgin-and-child-in-the-clouds+rembrandt+callot+etchings+admire+OR+admirer+OR+collect+OR+collected&hl=fr&ct=clnk&cd=16&gl=fr&lr=lang_en Collection d'eaux-fortes de Callot par Rembrandt]</ref> - Jacques Callot a eu une influence considérable sur l'histoire de l'eau-forte<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{s-|XVII|e}}'', page 26 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974
* [[Abraham Bosse]]<ref>Rouir 1974 {{p.|56}}.</ref> ;
</ref>. Ses sujets, notamment ses scènes de guerre (''Les Misères de la guerre''), sont un témoignage très vivant de la cruauté de l'époque.
* [[Rembrandt]]<ref>[http://www.metmuseum.org/toah/hd/rembp/hd_rembp.htm Influences sur Rembrandt des ''Gueux'' de Callot].</ref> ;

* [[Antoine Van Dyck|Van Dyck]]<ref name="Rouir 1974"/> ;
[[Image:Desastres de la guerra 33 Qué hay que hacer más.jpg|thumb|300px|Goya : ''Les désastres de la guerre'' - ¿Que hay que hacer más?]]
* [[Claude Gellée]]<ref>Rouir 1974, {{p.|44}}.</ref> (Claude Lorrain).
S'il n'eut pas d'élèves directs, il influença en revanche quelques grands artistes, des peintres en particulier<ref>Note : En effet, un avantage décisif apporté par le ''vernis dur'' était la possibilité qu'il donnait désormais aux peintres d'exécuter facilement des eaux-fortes, alors que le burin - ou l'eau-forte d'avant Callot - était affaire de spécialiste</ref>, qui profitèrent de ses leçons, stylistiques ou, plus encore, techniques. On peut citer en particulier :
* [[Abraham Bosse]]<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{s-|XVII|e}}'', page 56 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974 </ref>,
* [[Rembrandt]]<ref>[http://209.85.135.104/search?q=cache:vcB5CWlw3XMJ:www.metmuseum.org/toah/hd/rembp/hd_rembp.htm+rembrandt+callot+etchings+admire+OR+admirer+OR+collect+OR+collected&hl=fr&ct=clnk&cd=6&gl=fr&lr=lang_en Influences sur Rembrandt des ''Gueux'' de Callot]</ref>, bien sûr,
* [[Antoine Van Dyck|Van Dyck]]<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{s-|XVII|e}}'', page 29 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974
</ref>,
* [[Claude Gellée]]<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{s-|XVII|e}}'', page 44 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974</ref> (Claude Lorrain).


D'autres artistes, sans peut-être pour autant avoir été directement influencés par Callot, ont suscité des comparaisons avec son style :
D'autres artistes, sans peut-être pour autant avoir été directement influencés par Callot, ont suscité des comparaisons avec son style :
* [[Watteau]], et son penchant pour la Commedia dell' Arte<ref>[http://www.jstor.org/pss/2738864 Parallèle entre Watteau et Callot]</ref>
* [[Antoine Watteau|Watteau]], et son penchant pour la Commedia dell' Arte<ref>{{Article|auteur=Daniel Heartz|titre=Watteau's Italian Comedians|langue=en|périodique=Eighteenth-Century Studies|volume=22|numéro=2|année=1988–1989|passage=156-181|jstor=2738864|extrait=Subsequent to this early phase two major artists devoted their skills to capturing such theatrical representations: Jacques Callot (1592-1635) and Antoine Watteau (1684-1721).}}.</ref> ;
* [[Francisco de Goya|Goya]], que Théophile Gauthier rapprocha de Callot dans un parallèle qui sera souvent repris<ref>[http://www.univ-paris13.fr/cenel/articles/LarueDurer.pdf Parallèle entre Goya et Callot : voir ''Chapitre II : des arts plastiques à la littérature'']</ref>.
* [[Francisco de Goya|Goya]], que [[Théophile Gautier]] rapprocha de Callot dans un parallèle qui sera souvent repris<ref>[http://www.univ-paris13.fr/cenel/articles/LarueDurer.pdf Parallèle entre Goya et Callot : voir ''Chapitre II : des arts plastiques à la littérature''].</ref>, et dont la série « Les désastres de la guerre » ne peut manquer d'évoquer « Les misères de la guerre » de Callot.


Abraham Bosse fut celui qui contribua le plus à diffuser les innovations apportées par Callot (telles que l'utilisation du ''vernis dur'' et de l'échoppe), au travers de son ouvrage : ''Traicté des manières de graver en taille douce sur l'airain par le moyen des eaux-fortes'', de 1645. Cet ouvrage connaîtra une large diffusion dans toute l'Europe, et sera traduit en italien, hollandais, allemand<ref>''Note :'' Le traité d'Abraham Bosse sera traduit en allemand dès 1689 ; C.G. Nitzsche en effectuera une traduction en 1765, fondée sur l'édition française de 1745.</ref>, anglais<ref>''Note :'' C'est le graveur et peintre William Faithorne qui effectuera la traduction anglaise</ref> et portugais<ref>''Note :'' Première traduction portugaise publié en 1801, effectuée par le graveur brésilien José Joaquim Vega de Menezes, et fondée sur l'édition française de 1758.</ref>.
C'est Abraham Bosse qui contribua à diffuser les innovations apportées par Callot (telles que l'utilisation du ''vernis dur'' et de l'échoppe), au travers de son ouvrage : ''Traicté des manières de graver en taille douce sur l'airain par le moyen des eaux-fortes'', de 1645. Cet ouvrage connaîtra une large diffusion dans toute l'Europe, il sera traduit en une dizaine de langues jusqu'au {{s-|XIX|e}}<ref>Sur les traductions de cet ouvrage, voir [http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/celebrations2004/abosse.htm Ministère de la Culture : Traité d'Abraham Bosse et ses traductions] et l'article [[Abraham Bosse]] de Wikipedia.</ref>.


Il faut enfin noter qu'à une époque où les graveurs copiaient les peintres, ce furent les peintres qui, dans un certain nombre de cas, copièrent l'œuvre de Callot. Ainsi, la Pinacothèque de Munich conserve un tableau de [[David Teniers le jeune]], qui est une copie de l'eau-forte de Callot ''La Foire de l'Impruneta''<ref>Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{XVIIe}} siècle'', page 29 - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974 </ref>. C'est d'ailleurs le fait que plusieurs gravures de Callot aient été copiées par des peintres qui a longtemps fait croire que c'est Callot lui-même qui avait peint quelques toiles<ref>''Note :'' Voir par exemple la plaque de la rue Jacques Callot, dans le arrondissement de Paris, qui porte la mention « Jacques Callot, peintre et graveur français ». </ref>.
À une époque où les graveurs copiaient les peintres, ce furent les peintres qui, dans un certain nombre de cas, copièrent l'œuvre de Callot. Ainsi, la Pinacothèque de Munich conserve un tableau de [[David Teniers le Jeune]], qui est une copie de l'eau-forte de Callot ''La Foire de l'Impruneta''<ref name="Rouir 1974"/>. C'est d'ailleurs le fait que plusieurs gravures de Callot aient été copiées par des peintres qui a longtemps fait croire que c'est Callot lui-même qui avait peint quelques toiles<ref>Voir par exemple la plaque de la rue Jacques Callot, dans le {{6e}} arrondissement de Paris, qui porte la mention « Jacques Callot, peintre et graveur français ».</ref>.


Le peintre expressionniste français, [[Francis Gruber]], fortement influencé par Jacques Callot, lui dédia un tableau intitulé ''Hommage à Jacques Callot'' en 1942.
==Notes et Références==
{{Références|colonnes=2}}


Dans un domaine bien différent, Jacques Callot a également inspiré l'œuvre fantastique du romancier [[Ernst Theodor Amadeus Hoffmann]], ''[[Princesse Brambilla|Princesse Brambilla. Un caprice dans la manière de Jacques Callot]]'' (en [[allemand]], ''Prinzessin Brambilla. Ein Capriccio nach Jakob Callot''), paru en [[1820 en littérature|1820]] à [[Berlin]] ; l'action narrative en est fondée sur les vingt-quatre [[gravure]]s de l'artiste, intitulées les ''Balli di sfessania'', dont huit figurent dans la plupart des éditions de l'ouvrage de Hoffmann<ref>{{Ouvrage|prénom1=Ernst T. A.|nom1=Hoffmann|titre=The Golden Pot and Other Tales|éditeur=[[Oxford University Press]]|année=1992|isbn=|lire en ligne={{Google Livres|GbX3InsLwcwC|page=23}}}}, p. xxiii.</ref>.
==Bibliographie==
* André Félibien : ''Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes''. 1666-1688, Édition de 1725.
* Édouard Meaume : ''Recherches sur la vie et les œuvres de Callot'', Nancy, [[1854]] et [[1860]]. {{OCLC|40706013}}
* Pierre-Paul Plan : ''Jacques Callot - Maitre graveur (1593-1635)'', page 22. Bruxelles et Paris, Librairie nationale d'art et d'histoire. G. Van Oest & C° Éditeurs (1914)
* Jules Lieure : ''L'école française de gravure au {{XVIIe}} siècle''. Paris, 1931. {{OCLC|11883222}}
* Jules Lieure : ''Catalogue de l'œuvre gravée de Jacques Callot'', en 4 volumes. Paris, 1925.
* Pierre Marot : ''Jacques Callot, d'après des documents inédits''. Paris, Nancy Berger-Levrault, 1939. {{OCLC|22610161}}
* Pierre Marot : ''Peintres et graveurs lorrains du {{XVIIe}} siècle : Jacques Callot''. ''Le pays lorrain'', n° 3, 1953.
* Eugène Rouir : ''La gravure originale au {{XVIIe}} siècle'' - Éditions Aimery Somogy, Paris - Dépôt légal : 3° trimestre 1974. {{OCLC|163708781}}
* {{Ouvrage|titre=Jacques Callot, miroir de son temps|éditeur=Gallimard|auteur=Georges Sadoul|langue=français|année=1969|publi=1990|pages=403|isbn=2-07-10625-X}}


== Callot et son temps ==
==Articles connexes==
=== L'environnement politique ===
[[Fichier:Blason Lorraine.svg|thumb|upright=0.6| Blason du duché de Lorraine]]
[[Fichier:Bar Arms.svg|thumb|upright=0.6| Blason du duché de Bar]]
La Lorraine compte, à l'époque de Callot, environ un million d'habitants. Composée des duchés de [[duché de Lorraine|Lorraine]] et de [[duché de Bar|Bar]], elle est alors un État souverain, ayant depuis 1431 un prince unique, le duc de Lorraine. Celui-ci tient sa cour à Nancy, animée par les festivités, les visites d'ambassades et autres manifestations que l'on trouve dans une capitale, ce qui irrigue la ville d'une vie intellectuelle et artistique importante, et lui donne une ouverture sur le monde. Jacques Callot saura mettre à profit ces deux avantages offerts par Nancy.

Cependant, si la souveraineté du duché de Lorraine est entière, il en est autrement du duché de Bar : depuis le traité de Bruges de 1301, en effet, le Roi de France est suzerain de la partie du Bar située sur la rive gauche de la Meuse, appelée « Barrois mouvant » ; le duc de Lorraine a donc trois capitales : [[Nancy]] pour le duché de Lorraine (et qui est bien entendu sa capitale principale), [[Bar-le-Duc]] pour le « Barrois mouvant », et [[Saint-Mihiel]] enfin pour le « Barrois non mouvant »<ref>Exposition 1992 {{p.|21}}.</ref>.

La politique extérieure de la Lorraine est donc un exercice délicat : c'est le « pays d'entre-deux », qui doit veiller à ses bonnes relations avec ses deux puissants voisins, le Royaume de France, et le [[Saint-Empire romain germanique]].

Enfin, la carte politique de la Lorraine est compliquée par la religion : la Lorraine englobe en effet les [[Trois-Évêchés]], qui sont les évêchés de [[Metz]], [[Toul]] et [[Verdun (Meuse)|Verdun]], et qui, bien qu'appartenant nominalement encore au Saint-Empire, sont ''de facto'' sous la tutelle du Royaume de France depuis 1552.

Le début du {{s-|XVII|e}} est un moment de prospérité et d'expansion économique en Europe. Mais à partir de 1630, une série de catastrophes s'abattent sur la région : l'intervention suédoise dans la guerre de Trente Ans (en 1630) va se traduire par un durcissement de la guerre dont vont souffrir, non seulement l'Allemagne, mais aussi la Lorraine, passage obligé vers l'Est pour la France en cas de guerre. En 1630 également, la peste frappe durement la Lorraine ; Nancy est touchée, et Jean, le père de Jacques Callot, en meurt cette même année<ref>Sadoul 1990 {{p.|392}}.</ref>.

Enfin, alors que la tension politique et religieuse rend la situation dangereuse pour la Lorraine, les positions prises par Charles IV de Lorraine en faveur de l'Empire<ref>Charles IV se range aux côtés de l'Empereur contre les protestants, donne asile à Gaston d'Orléans, manifeste sa sympathie aux rebelles français...</ref> vont provoquer son invasion par la France. <br />Louis XIII entre dans Nancy le {{date-|25 septembre 1633}}<ref name="Meaume 1860 p 62"/>. C'est la fin d'un âge d'or, et la Lorraine restera occupée par les troupes françaises pendant 26 ans, jusqu'en 1659<ref>Ternois 1993 {{p.|51}}.</ref>.

=== Les arts ===
[[Fichier:Commedia dell'arte - troupe Gelosi.JPG|thumb|left|Peinture flamande de la fin du {{s-|XVI|e}} : Troupe de la Commedia dell'arte.]]
Vers la fin du {{s-|XVI|e}}, la Lorraine est un carrefour d'influences entre la Flandre, l'Allemagne, la France et l'Italie.
Appuyé sur son statut de pays souverain, qui attire de nombreux artistes à Nancy, elle est sensible à toutes ces influences, qui se traduisent dans le domaine de l'estampe par le grand nombre de graveurs que le duché compte alors : Callot bien sûr, mais aussi [[Jacques Bellange]], [[Israël Henriet]], [[Israël Silvestre]], puis [[Claude Lorrain]]…

Pour ces graveurs, la tentation de l'Italie est entière. Car l'Italie est alors au sommet tant de sa réputation artistique que de sa puissance commerciale. La [[bataille de Lépante]], en [[1571]], a repoussé pour un temps le péril turc, et [[Venise]] règne encore sur les mers.
Le {{s-|XVII|e}} verra cette prédominance s'effacer, devant l'avancée de l'[[Empire ottoman]] de 1645 à 1669, face au développement du commerce anglais et hollandais, et enfin à la suite des épidémies dévastatrices de peste, de [[1626]] à [[1631]], puis de [[1650]] à [[1656]] en Italie du nord<ref>Ternois 1993 {{p.|49}}.</ref>.
[[Fichier:Callot, Jacques - The Two Pantaloons - 1616.jpg|200px|thumb|Gravure ''Les Deux Pantalons'' (1616).]]
Callot tirera de son expérience italienne, outre la maîtrise technique qu'il y acquiert, un sens de la caricature encore accru. Par exemple, les séries des ''Gobbi'' et des ''Balli'', dessinés pendant sa période florentine, sont inspirées non seulement de la [[Commedia dell'arte]], mais aussi du goût qu'avaient les Italiens pour les scènes grotesques : ainsi, à Florence, lorsque se déroulaient les joutes, le {{6e|jour}} de San Romolo, avait lieu une « joute des bossus » où se produisaient des bossus et des nains difformes. Les représentations de ''[[Zanni]]'' masqués, ou encore les dessins de ''caramogi'' (de petits nains grotesques) comme en dessinait Baccio del Bianco furent autant d'éléments qui contribuèrent à développer le sens de la caricature chez Callot<ref>Ternois 1993 {{p.|281}}.</ref>.

En France, en revanche, Callot sera sensible à des influences bien différentes, qui permettent de mieux comprendre la genèse des ''Misères de la guerre''.

La conception des ''Grandes Misères de la guerre'', qui évoque la guerre de Trente Ans qui ravageait l'Europe depuis quinze ans déjà lorsque Callot publie son œuvre, est sans doute également liée aux influences littéraires qui s'exerçaient alors en France. Même si Callot a certainement été heureux de publier en 1633 une pareille critique de l'invasion de son pays, son propos initial était simplement de décrire la « dure vie du pauvre soldat », comme l'a dit son biographe [[Filippo Baldinucci]], et non pas, comme on a pu l'écrire<ref>Meaume 1860, {{1re|partie}}, {{p.|65}}.</ref>, de s'élever contre les ravages de la guerre en Lorraine même.

Pour comprendre ce qui a pu pousser Callot à graver de telles scènes d'horreur, il faut rapprocher cette série d'eaux-fortes de Callot d'une catégorie de livres qui connaissent alors un grand succès et qui témoignent d'un goût marqué pour le picaresque<ref>Ternois 1993 {{p.|56-58}}.</ref> :
* ''Histoires tragiques'' de Matteo Bandello, en 1559, qui remporte un succès marqué et est traduit en français par [[François de Belleforest]] en 1566 ;
* ''Histoires tragiques de notre temps'', de François de Rosset, en 1614 ;
* ou encore, ''Cruautés des hérétiques de notre temps'' : publié par R. Verstagen à Anvers, et illustré de planches gravées par les [[Famille Wierix|frères Wierix]].

L'esprit du temps était donc déjà imprégné par le goût des histoires tragiques ; les ravages de la [[guerre de Trente Ans]], qui éclate en 1618 et dévastera l'Europe, vont lui donner une dramatique actualité.

=== La religion ===
La Lorraine de Callot était terre catholique, sur laquelle le protestantisme n'eut que très peu de prise.

Après la victoire des Impériaux contre les armées protestantes à la [[Montagne Blanche]] en [[1620]], Charles IV de Lorraine pense que le moment est venu de marquer la sincère adhésion de son pays au catholicisme : l'occasion était bonne aussi de renforcer encore les excellentes relations avec la papauté, et d'obtenir du pape Clément VII la création d'un siège épiscopal à Nancy même.

C'est le début d'un renforcement sensible de l'implantation catholique en Lorraine<ref>Ternois 1993, {{p.|166-173}}.</ref> :
* les confréries se multiplient, passant de 8 confréries créées entre 1551 et 1600 à 17 confréries entre 1601 et 1650 (et 4 seulement entre 1501 et 1550) ;
* le nombre de miracles entre 1605 et 1626 explose, représentant 57 % de tous les miracles du {{s-|XVII|e}} ;
* les implantations monastiques se multiplient<ref>Exposition 1992 {{p.|27}}.</ref>.

Callot de son côté fait partie de la confrérie mariale de l'[[Immaculée Conception]]. Il est en relation avec un ermite fort influent à Nancy de 1605 à sa mort en 1636, Pierre Séguin, un ancien [[Ligue catholique (France)|Ligueur]] au service des [[Guise]]. Jacques Callot s'est engagé au service de la Réforme Catholique, et adhère au dogme de la [[Communion des saints]] rappelé solennellement par le [[Concile de Trente]]. On retrouvera ce mysticisme dans les 20 estampes des ''Mystères de la vie de Jésus et de la vie de la Sainte-Vierge'', ainsi que dans les 27 planches de ''La vie de la Mère de Dieu représentée par emblesmes''<ref>Exposition 1992 {{p.|29}}.</ref>.

Ce poids de la vie religieuse dans la vie quotidienne, et l'importance que prenait la question alors que l'Europe était dévastée par une guerre de religion, contribuent à expliquer pourquoi l'œuvre religieuse de Callot est quantitativement si considérable, alors que c'est aujourd'hui son œuvre profane qui retient notre attention.

== Jacques Callot dans la peinture, la littérature et la musique ==
* [[Antoine van Dyck]] a peint un portrait de Jacques Callot qui fut gravé par [[Felice Polanzani]] en 1748.
* {{Ouvrage|auteur1=Paulette Choné|titre=Renard-pèlerin : mémoires de Jacques Callot écrites par lui-même|lieu=Paris|éditeur=Le Bruit du Temps|année=2009|isbn=}}. Dans cet essai, très documenté, Paulette Choné imagine Jacques Callot rédigeant ses mémoires, seul, alors qu'il sait la mort proche. Il s’adresse à l’aimée, sa confidente, et se souvient.
* En référence explicite aux ''Fantaisies à la manière de Callot'' de [[E.T.A. Hoffmann]] publiées en 1814-1815, le poète français [[Aloysius Bertrand]] (1807-1841) donnera comme sous-titre à son recueil de poèmes en prose ''[[Gaspard de la Nuit]]'' (publié en 1842) : ''Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot''. L'œuvre de E.T.A. Hoffman a inspiré au compositeur [[Robert Schumann]] les [[Fantasiestücke opus 12 de Schumann|Fantasiestücke opus 12]], 73, 88 et 111 (soit quatre compositions pour piano, clarinette, violon et violoncelle), et celle d'Aloysius Bertrand a inspiré le [[Gaspard de la nuit (Ravel)|Gaspard de la Nuit]], également un cycle de pièces pour piano, au compositeur [[Maurice Ravel]].
* Edmond Rostand fait référence à Jacques Callot dans ''Cyrano de Bergerac'' (1897), imaginant celui-ci comme « le plus fol spadassin » qu'aurait pu dessiner Callot, et utilisant, avec plus ou moins de bonheur, le nom du dessinateur pour rimer avec « falot ».

[[Fichier:A Ouvré Jacques Callot 20c + 10c 1936.jpg|vignette|Timbre émis en France en 1936.]]

== Honneurs posthumes ==
* Paris a baptisé une rue à [[Rue Jacques-Callot (Paris)|son nom]] ainsi que quelques autres villes en France.
* En 1935, pour célébrer le tricentenaire de la mort du graveur Jacques Callot, La Poste française émet un timbre à son effigie<ref>[http://www.wikitimbres.fr/timbres/5101/jacques-callot-1635-1935 Voir la fiche technique du timbre-poste].</ref>, puis une nouvelle fois en 1936 et 1939 dans les séries à surtaxe ''Pour les chômeurs intellectuels''<ref>[https://www.timbres-de-france.com/collection/graveurs/script/detail_timbre.php?col=france%20&%20ligne=381 Notice] sur le site Timbre-de-france.com''.</ref>.
* En 1984 le peintre expressionniste [[Henri Déchanet]] a rendu un ''Hommage à Jacques Callot'' en inspirant son œuvre de la série d'eaux-fortes ''Les Grandes Misères de la guerre''.

== Notes et références ==
{{références nombreuses|taille=30}}

== Annexes ==
=== Bibliographie ===
Par ordre chronologique :
* {{nl}} [[Cornelis de Bie]], ''[[Het Gulden Cabinet]]'', 1662, p. 522.
* ''Jacques Calot graveur'', dans [[Charles Perrault]], ''Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle'', chez Antoine Dezallier, 1697, tome 1, {{p.|95-96}} [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96422473/f213.item.zoom (''lire en ligne'')].
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=André|nom1=Félibien|titre=Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes|lieu=Paris|éditeur=|année=1666-1688|isbn=}}{{Commentaire biblio|L'édition citée est celle de 1725.}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Claude-Robert|nom1=Husson|titre=Eloge historique de Callot, noble lorrain, célèbre graveur|lieu=Bruxelles|éditeur=|année=1766}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Marguerite|nom1=de Maretz|titre=Eloge historique de Callot, graveur lorrain|lieu=Nancy|éditeur=|année=1828}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Édouard|nom1=Meaume|titre=Recherches sur la vie et les œuvres de Callot|lieu=Nancy|éditeur=|année=1854 et 1860|oclc=40706013}}.
* {{Ouvrage|auteur=Marius Vachon|lien auteur=Marius Vachon|titre=Jacques Callot|collection=Les artistes célèbres|année= 1886|éditeur=J. Rouam, Librairie de l'art|lieu=Paris|pages=72}}
* [[Henri Bouchot]], ''Jacques Callot, sa vie, son œuvre et ses continuateurs'', Coll. « [[La Bibliothèque des merveilles|Bibliothèque des merveilles]] », [[Librairie Hachette]] et {{Cie}}, 1889 ([https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5540977z lire en ligne sur Gallica]).
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Edmond|nom1=Bruwaert|titre=Vie de Jacques Callot|sous-titre=graveur lorrain (1592-1635)|lieu=Paris|éditeur=Imprimerie nationale|année=1912|lire en ligne=https://archive.org/details/viedejacquescall00bruw/page/n9/mode/2up}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre-Paul|nom1=Plan|titre=Jacques Callot|sous-titre=maître graveur (1593-1635)|lieu=Bruxelles et Paris|éditeur=G. Van Oest & C°|année=1914}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jules|nom1=Lieure|lien auteur1=Jules Lieure|titre=Catalogue de l'œuvre gravée de Jacques Callot|lieu=Paris|éditeur=|année=1924-1927|format=4 volumes|isbn=}}.
* {{ouvrage|langue=fr|prénom1=Jules|nom1=Lieure|lien auteur1=Jules Lieure|titre=L'école française de gravure au {{s-|XVII|e}}|lieu=Paris|année=1931|oclc=11883222}}.
* ''Le Pays lorrain. Revue régionale mensuelle illustrée. Numéro spécial consacré à Jacques Callot'', 1935.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Marot|lien auteur1=Pierre Marot|titre=Jacques Callot, d'après des documents inédits|lieu=Paris et Nancy|éditeur=[[Berger-Levrault]]|année=1939|oclc=22610161}}.
* {{Article|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Marot|titre=Peintres et graveurs lorrains du {{s-|XVII|e}} : Jacques Callot|périodique=Le Pays lorrain|numéro=3|année=1953}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Daniel|nom1=Ternois|titre=Jacques Callot|sous-titre=catalogue complet de son œuvre dessiné|lieu=Paris|éditeur=F. de Nobele|année=1962|pages totales=614}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Thomas|nom1=Schröder|titre=Jacques Callot|sous-titre=Das gesamte Werk in zwei Bänden. 1 : Handzeichnungen. 2 : Druckgraphik|lieu=Munich|éditeur=Rogner und Bernhard GMBH|année=1971|isbn=}}.
* {{ouvrage|langue=fr|prénom1=Eugène|nom1=Rouir|titre=La gravure originale au {{s-|XVII|e}}|lieu=Paris|éditeur=Éditions Aimery Somogy|année=1974|oclc=163708781}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Georges|nom1=Sadoul|titre=Jacques Callot|sous-titre=miroir de son temps|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1990|année première édition=1969|pages totales=402|isbn=2-07-010625-X}}.
* Musée historique lorrain, ''Jacques Callot''. Exposition, Nancy, {{date-|13 juin}} - {{date-|14 septembre 1992}}. Nancy : 1992. {{ISBN|2-7118-2561-2}}.
* ''Jacques Callot (1592 - 1635)''. Actes du colloque du Louvre, sous la direction de Daniel Ternois. Paris : Klincksieck, 1993. {{ISBN|2-252-02930-7}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Guillaume|nom1=Glorieux|titre=À l'enseigne de Gersaint : Edme-François Gersaint, marchand d'art sur le pont Notre-Dame (1694-1750)|lieu=Paris|éditeur=Champ vallon|année=2002|isbn=}}.
* {{article|langue=de|prénom1=Peter|nom1=Bell|prénom2=Dirk|nom2=Suckow|titre=Geordnete Unordnung und Familie in Serie. Jacques Callots Zyklus Les Bohémiens|périodique=Arbeitskreis “Repräsentationen” (Hg.): Die andere Familie. Repräsentationskritische Analysen von der Frühen Neuzeit bis zur Gegenwart|lieu=Francfort-sur-le-Main|année=2013|pages=81-116}}.
* Jean Pirou, ''Les exercices militaires, de Jacques Callot, dédiés au marquis de Sennecey'', bulletin de la [[Société des amis des arts et des sciences de Tournus]], tome CXVIII, Tournus, 2019, pp. 73-92. {{ISSN|0153-9353}}.
* {{bibliographie|Q116793921}}
* Anne Motta, « Les Callot », dans Isabelle Guyot-Bachy et Jean-Christophe Blanchard (dir.), ''Dictionnaire de la Lorraine savante'', Metz : Éditions des Paraiges, 2022, p. 83

=== Articles connexes ===
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}}
* [[Gravure]]
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* [[Eau-forte]]
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* {{page h|Rue Jacques-Callot}}, nom de plusieurs rues portant son nom
* [[Nicolas de Son]]


== Liens externes ==
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* [http://books.google.fr/books?hl=fr&id=g7EYAAAAYAAJ&dq=%C3%89douard-Meaume+II+%22+Recherches+sur+la+vie+et+les+ouvrages+de+Jacques+Callot%22&printsec=frontcover&source=web&ots=knp_6CcfI-&sig=j2s0uYLndn0WN3pHlNWxHZNFnVU&sa=X&oi=book_result&resnum=3&ct=result#PPP7,M1 Édouard Meaume : ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot'' (1860). Paris. V{{e}} Jules Renouard, Libraire]
* Édouard Meaume, [https://books.google.fr/books?hl=fr&id=g7EYAAAAYAAJ ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot''], 1860, Paris, {{Ve}} Jules Renouard, Libraire - ''Biographie, Catalogue de l'œuvre, et Œuvres (section première : Histoire Sainte et sujet de dévotion)''
{{Commons}}
* Édouard Meaume, [https://books.google.fr/books?hl=fr&id=GvQnAAAAMAAJ ''Recherches sur la vie et les ouvrages de Jacques Callot''], 1860, Paris, {{Ve}} Jules Renouard, Libraire - ''Œuvres (section deuxième : œuvres profanes)''
*{{en}} [http://www.artcyclopedia.com/artists/callot_jacques.html Jacques Callot dans Artcyclopedia]
*{{en}} [http://www.artcyclopedia.com/artists/callot_jacques.html Jacques Callot dans Artcyclopedia]
* [http://oeuvreclt.free.fr/ Catalogue en ligne de l'œuvre gravée de Jacques Callot]
* [http://oeuvreclt.free.fr/ Catalogue en ligne de l'œuvre gravée de Jacques Callot]
* [http://www.jacquescallot.com/repros.html Reproductions de Callot (''Les grandes misères de la guerre'', ''Les Gueux'', ''Les Gobbi''..)]


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Jacques Callot
Portrait de Jacques Callot gravé par Lucas Vorsterman, d'après Van Dyck
Naissance
Décès
Nationalité
Activité
Formation
À Rome, puis à Florence
Maître
Lieux de travail
Mécène
Œuvres principales
Les Grandes Misères de la guerre, La Foire de l'Impruneta, Les Gueux, Vues de Paris, Les Bohémiens, Les Supplices

Jacques Callot, né à Nancy en 1592[1] et mort à Nancy le [2], est un dessinateur et graveur lorrain, dont l'œuvre la plus connue aujourd'hui est une série de dix-huit eaux-fortes intitulée Les Grandes Misères de la guerre (ou les Misères et les malheurs de la guerre), évoquant les ravages de la guerre de Trente Ans qui se déroulait alors en Europe[3].

Il est considéré comme l'un des maîtres de l'eau-forte. Son style se caractérise par la netteté du trait[4] et la profondeur de l'encrage[5], qui permettent de conserver une parfaite lisibilité à ses eaux-fortes, malgré le fréquent foisonnement des scènes et des personnages, sur des gravures de surface souvent restreinte.

On doit à Callot plusieurs innovations qui permirent le plein développement de cet art, en particulier l'utilisation du « vernis dur »[6]. C'est Abraham Bosse qui diffusa ces innovations[7], en publiant en 1645 le premier traité sur la gravure des eaux-fortes[8], qui sera largement traduit en Europe.

Jacques Callot est né en 1592 dans une famille lorraine récemment anoblie. Ses parents étaient Jean Callot, issu d'une famille originaire de Bourgogne, gentilhomme, premier héraut d'armes de Lorraine, et Renée Brunebault, son épouse, qui eurent huit enfants, six garçons et deux filles. Jacques Callot était le second des six fils[9].

Son grand-père paternel, Claude, avait épousé une petite-nièce de Jeanne d'Arc[9], et avait été anobli par le duc Charles III de Lorraine, par lettres de noblesse datées du 30 juillet 1584, pour « services fidelz et aggréables que par l'espace de vingt deux ans et plus Il nous a faict »[10], et dit André Félibien, en particulier « pour une occasion où il donna des marques de sa fidélité et de son courage[11] ».

Une vocation précoce

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Jacques Callot : Les Bohémiens - La halte (facsimilé)
Statue de Jacques Callot à Nancy.

La passion de Callot pour le dessin est très précoce, nourrie par la fréquentation des artistes locaux : Jacques Bellange, auréolé de gloire par son séjour en Italie, Demenge Croq, l'orfèvre et graveur chez qui il sera plus tard apprenti, et surtout, le père de son ami Israël Henriet, qui donne à son fils des cours de dessin dont Callot bénéficie sans doute également[12].

Arsène Houssaye imagine le jeune Callot, âgé d'à peine douze ans, dessinant déjà tout ce que lui inspiraient les rues de Nancy : soldats fanfarons, mendiants, pèlerins, saltimbanques, montreurs d'ours, Gilles, pierrots et autres figures bouffonnes...

Entraîné vers les arts par une passion que sa famille contrarie, il s'échappe, pour la satisfaire, de la maison paternelle, avec comme objectif de rejoindre Rome, sans doute encouragé à sauter le pas par les lettres que lui adresse Israël Henriet, plus âgé que lui de quelques années, depuis cette ville où il est alors parti étudier l'art[13].

Selon l'historien André Félibien[14], il s'enfuit de chez lui une première fois, à peine âgé de douze ans, pour gagner Rome à pied, en se joignant à une troupe de Bohémiens, qu'il accompagne jusqu'à Florence. Le souvenir de cet épisode a peut-être été à l'origine de la petite suite de quatre planches, Les Bohémiens, qu'il gravera en 1623-1624. À Florence, il rencontre le graveur Remigio Cantagallina, chez qui il aurait travaillé très brièvement, avant que de continuer son chemin vers Rome. Arrivé finalement à Rome, il est reconnu par des marchands nancéiens amis de sa famille, qui le reconduisent à Nancy. Son père l'oblige à reprendre ses études.

À quatorze ans, toujours selon Félibien, « comme il n'avoit nulle inclination aux Lettres », il fait à nouveau une fugue vers l'Italie. Là, il est retrouvé à Turin[15] par son frère aîné Jean, qui le reconduit en Lorraine. Le doute est permis quant à l'exactitude de ces deux belles aventures[16], mais c'est en tout cas ainsi qu'elles furent rapportées de première main à Félibien, par des proches de Callot[17]. Quoi qu'il en soit, après ces deux fugues et afin qu'il apprenne le métier d'orfèvre, il est mis en apprentissage par son père chez Demenge Croq, orfèvre-graveur et maître des monnaies du duc de Lorraine, dont il avait d'ailleurs déjà fréquenté bien souvent l'atelier[18]. Le contrat, signé le [19], prévoit que l'apprentissage de Jacques Callot dure quatre années consécutives. Bien qu'il réalise alors dans ce cadre ses premières gravures (notamment un portrait de Charles III de Lorraine), il abandonne cet apprentissage avant son terme.

Ce n'est que plus tard, à l'âge de seize ans, que son père accepte finalement de reconnaître la vocation de son fils, en l'envoyant étudier les techniques de la gravure en Italie. Jacques Callot s'y rend, en se joignant, dit-on, le , à l'ambassade de Lorraine qui part au même moment pour Rome annoncer au Pape l'avènement d'Henri II au trône de Lorraine, à la suite du décès de Charles III[20].

Apprenti à Rome

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Il arrive sans doute au tout début de l'année 1609 à Rome, où il retrouve son ami Israël Henriet[21].

Après une possible première brève rencontre avec Antonio Tempesta[21], aquafortiste florentin fort admiré à Rome, il entre à l'atelier du graveur champenois Philippe Thomassin, chez qui il apprend l'art de la gravure au burin. Les premiers travaux que son maître lui confie sont des copies, ce qui constitue une bonne formation. C'est pendant cette période qu'il travaille sur la série des douze Mois et sur les Saisons[22], et qu'il effectue bon nombre de copies d'œuvres religieuses.

Vers la fin de 1611, il quitte Rome pour Florence, où la réputation de l'ingénieur-architecte-graveur Giulio Parigi l'attire[23].

Artiste reconnu à Florence

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À la fin de 1611 ou au tout début de 1612, il arrive à Florence, où les Médicis protègent et encouragent les artistes et les savants (dont Galilée). Après avoir été agréé par Cosme II de Médicis, il entre dans l'atelier de Giulio Parigi.

On prépare alors à Florence la publication d'une pompe funèbre de la reine d'Espagne, Marie-Marguerite d'Autriche, femme de Philippe III d'Espagne, morte à la fin de l'année 1611. Dans ce cadre, Cosme II de Médicis, son beau-frère, confie à Tempesta, l'aquafortiste, la réalisation des 29 planches qui doivent composer l'œuvre. Surchargé par la commande, Tempesta confie alors à Callot la gravure de 15 de ces dessins, lui permettant ainsi pour la première fois de travailler à l'eau-forte[24],[25].

À l'automne 1614, il s'installe au Palais des Offices, où il est admis officiellement comme graveur; c'est alors le début d'une intense activité[26].

Il passe encore deux ans chez Giulio Parigi[27] à dessiner ou à graver différentes œuvres. En 1615, ce dernier se voit chargé par Cosme II de Médicis d'organiser des fêtes en l'honneur du prince d'Urbino. Giulio Parigi demanda alors à Callot de graver un certain nombre de grandes eaux-fortes pour conserver le souvenir de ces fêtes somptueuses. C'est pour Callot l'occasion de développer son talent : sa carrière est dès lors véritablement lancée, et se poursuit avec la réalisation des Caprices.

Probablement vers 1616 ou 1617[28], il a l'idée d'utiliser le vernis dur des luthiers florentins[29] pour protéger le cuivre des planches, ce qui va totalement changer les possibilités de l'eau-forte par rapport au vernis mol utilisé jusque-là. En , à l'occasion des noces de Jeanne d'Autriche avec l'héritier Médicis, l'artiste lorrain grave les tableaux scéniques de l'académie du dessin florentine.

C'est à la fin de son séjour à Florence, après de nombreux succès, qu'il réalise l'une de ses eaux-fortes les plus grandes et les plus connues, La Foire de l'Impruneta.

Retour en Lorraine

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En 1621, à la mort du grand-duc Cosme II de Médicis, il répond au désir de Charles de Lorraine de le voir revenir dans son pays[30], et rentre en Lorraine, où il reçoit un accueil flatteur[31]. Après une douzaine d'années passées en Italie, c'est désormais ici qu'il vivra, ne quittant plus son pays que pour des voyages n'excédant guère six mois ou un an.

Il donne alors libre cours à son talent créatif : il édite les séries pittoresques fondées sur ses souvenirs d'Italie que sont Les Balli et Les Gobbi, ainsi que la série Les Gueux. Dès cette période, il travaille sur l'immense série de planches (490 au total) que constitue le Livre des Saints, et qui ne seront publiées qu'après sa mort.

C'est aussi de cette période que date sa petite suite Les Bohémiens, ainsi que La Foire de Gondreville, pendant français de La Foire de l'Impruneta. Il travaille aussi longuement à cette époque sur la gravure des Supplices, où s'exprimera sa virtuosité.

En novembre ou décembre 1623, il épouse Catherine Kuttinger[32], fille de l'échevin en justice de la petite ville lorraine de Marsal, et avec qui il n'aura pas d'enfant.

Bref séjour aux Pays-Bas

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Jacques Callot : une planche du Siège de Bréda

En 1625, il reçoit une importante commande de l'infante Isabelle-Claire-Eugénie, fille de Philippe II d'Espagne, et gouvernante des Pays-Bas : celle-ci souhaite en effet qu'il immortalise le siège de Bréda, à la suite de la reddition de la ville, après le siège de près d'un an mené par le marquis de Spinola.

Probablement au mois d', selon Édouard Meaume, Jacques Callot se rend à Bruxelles à la demande de l'infante, et recueille sur place les informations nécessaires sur la disposition des lieux et des positions, de manière à exécuter la commande reçue[33].

Pendant son séjour aux Pays-Bas, il rencontre Antoine Van Dyck, qui fait son portrait, à Bruxelles ou à Anvers[34].

C'est sans doute également pendant ce séjour aux Pays-Bas que Callot dessine les deux vues qu'il grave de Bruxelles. Il rentre probablement en Lorraine dès 1626, et c'est à Nancy qu'il grave les planches du Siège de Bréda, qui seront éditées en 1628.

Voyage à Paris, puis retour en Lorraine

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Les six planches du siège de Breda exécutées pour le compte de l'infante Isabelle connaissent un grand succès, ce qui vaut à Callot d'être approché par la maison du Roi de France après la fin du siège de La Rochelle en 1628.

Il vient alors à Paris, dans les premiers mois de l'année 1629, et il est décidé de lui confier non seulement la commande de six planches représentant le siège de La Rochelle, mais aussi six autres planches sur l'attaque du fort de Saint-Martin de l'île de Ré, à exécuter dans le style du Siège de Breda.

Jacques Callot : Les Grandes Misères de la guerre - L'arbre aux pendus (1633)
À la fin ces voleurs infâmes et perdus
Comme fruits malheureux à cet arbre pendus
Montrent bien que le crime horrible et noire engeance
Est lui-même instrument de honte et de vengeance
Et que c'est le destin des hommes vicieux
D'éprouver tôt ou tard la justice des cieux.

Il grave ces douze planches à Paris, où il ne séjourne guère plus d'un an, semble-t-il, quittant la capitale française avant même l'édition des planches des deux Sièges commandés. Lors de ce séjour à Paris, il retrouve son ami Henriet, devenu éditeur ; il décide alors de lui confier l'édition de ses futures planches[35].

Il regagne Nancy en 1630. Après la prise de Nancy, sa patrie, par Louis XIII, le , il refuse de consacrer par son art le souvenir de cette conquête[36], ajoutant ensuite : « Je me couperais plutôt le pouce ! ». Lorsqu'on lui rapporte ce refus, Louis XIII déclare simplement : « Monsieur de Lorraine est bien heureux d'avoir des sujets si fidèles et affectionnés. »[37], et offre même une pension de mille écus à Callot pour l'attirer en France, et pour l'attacher à son service, ce que Callot refuse[38].

Loin de chanter les louanges du Roi de France, Jacques Callot publie alors son œuvre la plus connue, la suite Les Grandes Misères de la Guerre (ou les Misères et les malheurs de la guerre). Plus tard, alors qu'il s'apprête à quitter la Lorraine pour emmener sa famille en Italie, à Florence, le cancer de l'estomac dont il souffrait déjà depuis 1630 ou 1631[39] s'aggrave, et il décède en 1635, sans doute le [2].

Principaux thèmes abordés

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Foire de l’Impruneta, 1620 - Musée Lorrain

Son œuvre comprend entre 1400 à 1600 gravures[40], abordant des thèmes divers :

  • sujets religieux, quantitativement une part très importante de son œuvre. Ils comprennent des sujets de l'Histoire sainte, des Passions, des scènes du Nouveau Testament, des miracles divers, Les Images de tous les Saints et Saintes, etc.
  • œuvres historiques, portraits, scènes de guerre : les sièges, les portraits de Cosme II, de Louis XIII, Principaux Faits du règne du grand-duc Ferdinand Ier de Médicis, Les (petites et grandes) Misères de la guerre, des combats de galères florentines, des œuvres de circonstances (funérailles, généalogies...), etc.
  • fêtes et foires : Foire de l'Impruneta, Foire de Gondreville, les fêtes à Florence...
  • séries de personnages pittoresques : Les Balli, Les Gobbi, Les Gueux, Les Bohémiens...
  • paysages : Les deux Grandes Vues de Paris, la Petite Vue de Paris (Marché d'esclaves), Les Quatre Paysages, Les Saisons, Les Mois...
  • divers : Les Supplices, Les Caprices...

En , la BnF a numérisé et mis en ligne 900 œuvres de Callot, conservées à la Réserve[41].

Par ailleurs, il a exécuté de très nombreux dessins[42] tout au long de sa vie, dont un grand nombre nous reste encore aujourd'hui : la Galerie des Offices à Florence en conserve par exemple trois cent trente (fonds Medicis), et le Louvre, cent soixante-dix[43]. On ne connaît aucune peinture de Callot.

Détail de quelques œuvres marquantes

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Jacques Callot : Les Gueux - Le Mendiant à la jambe de bois (1622)
Jacques Callot : La Tentation de Saint-Antoine, 2e version, 1634

L'œuvre gravée de Callot est trop importante pour qu'on l'analyse ici en détail. Cependant, les œuvres présentées ci-dessous comptent parmi les plus connues de l'artiste[44].

Les chefs-d'œuvre de la période florentine

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  • 1612 : Pompe funèbre de la Reine d'Espagne. Il s'agit des 15 planches de 18 × 13 cm environ confiées à Callot par Tempesta, et qui furent ses premières eaux-fortes.
  • 1615-1620 : Principaux faits du règne du grand-duc Ferdinand Ier de Medicis. C'est une série de seize planches (dont quinze au burin), qui marque le sommet de son œuvre de buriniste, mais aussi le moment où il va revenir définitivement à l'eau-forte, plus proche de sa sensibilité, et plus rapide à exécuter.
  • 1617 : Les Caprices. Il s'agit d'une cinquantaine de planches, de 8 × 6 cm environ, que Callot, sur les conseils de son maître Parigi, dédia au frère du Grand Duc, Laurent de Médicis.
  • 1618 : Le Massacre des Innocents. Il s'agit d'une planche de 13 × 10 cm environ, gravée deux fois par Callot, une première fois à Florence, puis une seconde fois à Nancy, car il n'avait sans doute plus la plaque à sa disposition.
  • 1619 : La Grande Chasse. Il s'agit d'une eau-forte de 46 × 20 cm environ, particulièrement intéressante par l'étagement des différents plans, l'arrière plan ne luttant jamais avec les premiers plans, grâce à la morsure plus profonde du trait de ceux-ci.
  • 1620 : La Foire de l'Impruneta. C'est le chef-d'œuvre de sa période florentine : une très grande eau-forte, de 67 × 42 cm environ, particulièrement notable par le nombre inusité de personnages (plus de mille, auxquels il faut ajouter, dit-on, 45 chevaux, 65 ânes, et 137 chiens)[45].
    Il existe au sujet de cette planche une anecdote étonnante, selon laquelle, après avoir trempé la planche dans l'eau-forte et enlevé le vernis, Callot, mécontent de la présence de zones vides dans l'image, la compléta séance tenante, à main levée, et sans aucun dessin préparatoire[46].
  • 1620-1622 : Les Balli (ou Balli di sfessania, du nom napolitain d'une danse populaire), série de 24 planches (dont la planche de titre) de 10 × 7 cm environ, et décrivant des personnages inspirés de la Commedia dell'arte.
  • 1620-1622 : Les Gobbi, série de 21 planches (dont la planche de titre), de 9 × 6 cm environ, gravés sur la base de dessins réalisés à Florence en 1616, et inspirés des bossus que l'on choisissait pour distraire le grand-duc Cosme II de Medicis.

Le retour à Nancy

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  • 1622 : Les Gueux (ou Baroni). Callot est rentré à Nancy, où il grave cette série fort connue de 25 planches (dont la planche de titre), de 14 × 9 cm environ, représentant des personnages très vivants, qui démontrent pleinement les vertus de la « taille unique ».
  • 1623-1624 : Les Bohémiens. Belle série de quatre eaux-fortes de 24 × 12 cm environ, où il est possible de voir le souvenir du voyage vers l'Italie de Callot, en compagnie d'une troupe de bohémiens.
  • 1627 : Le Combat à la barrière. Série de 11 planches (dont une de titre), commémorant les fêtes données à Nancy en 1627 en l'honneur de la duchesse de Chevreuse[47]. Huit de ces planches font 24 × 15 cm, trois sont plus petites (dont le titre).

Les Sièges, œuvres de commande royale

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  • 1628 : Le Siège de Breda. Série de six planches destinées à être assemblées, de 54 ou 65 cm (selon les planches) × 48 cm environ. Réalisée selon la commande passée en 1625 par l'infante Isabelle, fille de Philippe II, roi d'Espagne.
  • 1629, date de la commande (édités en 1631) : Le Siège du fort de Saint-Martin dans l'île de Ré, ainsi que Le Siège de La Rochelle. Ces deux grandes œuvres ont fait l'objet de commandes de la maison du roi de France. Pour chacune de ces œuvres, il s'agit d'un ensemble de 6 planches (de 57 × 44 cm environ pour le Siège de l'Ile de Ré, de 56 × 45 cm environ, dans le cas du Siège de la Rochelle). Tout comme le Siège de Breda, il s'agit de planches destinées à être assemblées, et non regardées séparément.

Misères de la guerre et autres œuvres majeures

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Jacques Callot.- Le Marché d'esclaves, Vers 1629,Metropolitan Museum of Art.
  • 1629 : Le Passage de la mer Rouge, planche de 25 × 13 cm environ.
  • 1629 (?) : Le Marché d'esclaves. Belle eau-forte, de 22 × 11 cm environ, décrivant un marché d'esclaves imaginaire sur fond de décor parisien. Le véritable titre de cette eau-forte étant en réalité La Petite Vue de Paris.
  • 1631 : La Tour de Nesle : c'est une eau-forte de 34 × 17 cm environ, belle réussite par sa composition et l'étagement des différents plans. C'est l'une des deux Grandes Vues de Paris, dont le nom exact est Vue du Pont-Neuf, de la Tour, et de l'ancienne Porte de Nesle. L'autre grande vue de Paris, représentant le même endroit vu dans l'autre sens, se nomme Vue du Louvre.
  • 1632 (édité en 1635) : Les Petites Misères de la guerre. Il s'agit de 7 planches (dont la planche de titre) de 11 × 5 cm environ.
  • 1632 (édité en 1633) : Les Grandes Misères de la guerre (ou les Misères et les malheurs de la guerre). C'est une série de 18 planches (dont la planche de titre), de 18 × 8 cm environ, sans doute la plus connue de toute l'œuvre de Callot[48], qui démontre son talent et évoque pour nous la violence de la guerre de Trente Ans, qui sévissait alors en Europe[49].
  • 1634 : Les Supplices. Planche de 22 × 11 cm environ, représentant six supplices (le bûcher, la roue, la potence, l'estrapade, la marque et la fustigation), une des œuvres les plus connues de Callot, intéressante par le grouillement des scènes et des personnages sur la planche.
  • 1634 : La Tentation de Saint-Antoine. Dans cette eau-forte de 46 × 36 cm environ, Callot traite ce sujet pour la seconde fois[50], avec plus de maturité. La première version avait été faite à Florence, en 1617, et était donc une œuvre de jeunesse.
  • 1636 (date de l'édition) : Les Images de tous les Saints et Saintes (« Le Livre des Saints »), immense série de 490 estampes sur 124 planches[51] (probablement commencée dès 1625 cependant, selon Félibien et Meaume), qui ne paraîtront qu'après sa mort.

Sort des cuivres de Callot

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De nombreuses planches de cuivre gravées par Callot existent encore aujourd'hui. Il ne conserva pas les cuivres qu'il avait gravés à Florence lorsqu'il quitta la ville, ce qui l'amena par la suite à regraver un certain nombre de ces planches (La Foire de l'Impruneta, ou La Tentation de Saint-Antoine). La grande majorité des autres se trouvait chez Israël Henriet, son éditeur, lorsqu'il mourut. Ces planches furent ensuite partagées entre les neveux d'Henriet ; Israël Silvestre ajouta à sa part d'héritage celle de Jean Callot, le frère aîné de Jacques, ainsi qu'un lot racheté à la veuve de Callot, Catherine Kuttinger. Le tout passa ensuite à son gendre, M. de Logny, puis fut vendu à Fagnani. Ce marchand avait alors à l'époque 568 cuivres en sa possession, qu'il continuait à imprimer.

Après de multiples péripéties, 384 de ces cuivres furent finalement légués, en 1921, au Musée Lorrain[52]. En , le Musée Lorrain disait détenir « 316 plaques de cuivre gravées par l'artiste, soit la presque totalité de celles connues à ce jour »[53].

Apports techniques et stylistiques

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Innovations techniques

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Jacques Callot : Les Gobbi - Le joueur de violon

Il apporta à la technique de l'eau-forte trois innovations essentielles[54] pour les aquafortistes (utilisation du vernis dur, de l'échoppe, et des morsures multiples), qui furent largement diffusées en France et à l'étranger par les écrits d'Abraham Bosse[55].

Jacques Callot utilisera le vernis dur, emprunté aux luthiers de Florence et de Venise, à la place du vernis mol connu jusqu'alors. Citons à ce sujet Abraham Bosse, autre grand graveur de l'époque[56] :

« J'ay sceu par feu Monsieur Callot qu'on luy envoyoit son verny tout fait d'Italie, et qu'il s'y fait par les menuisiers, qui s'en servent pour vernir leurs bois; ils le nomment vernice grosso dà lignaioly; il m'en avait donné, dont je me suis servy longtemps. »

Voici la composition de ce vernis dur de Florence, tel que Callot l'utilisait, selon une recette meilleure que celle publiée ensuite par Abraham Bosse en 1645[57] :

« Prenez un quarteron d'huile grasse bien claire et faite de bonne huile de lin, pareille à celle dont les peintres se servent : faites la chauffer dans un poêlon de terre vernissée et neuf ; ensuite, mettez-y un quarteron de mastic en larmes pulvérisé, et remuez bien le tout, jusqu'à ce qu'il soit fondu entièrement. Alors, passez toute la masse à travers un linge fin et propre, dans une bouteille de verre à large col, que vous boucherez exactement. »


Cette innovation fut essentielle : elle permit en effet aux aquafortistes de s'investir désormais sans crainte dans leur dessin. Félibien rapporte les multiples avantages que Jacques Callot trouvait en effet à ce vernis[58] : il séchait et durcissait promptement, on était mieux assuré de ne pas le gâter, lorsqu'en travaillant, on venait à poser la main dessus, et enfin, il n'était pas nécessaire de tremper tout de suite la plaque dans l'eau-forte comme avec le vernis mol, et il devenait même possible d'attendre six mois ou un an s'il le fallait.

Jacques Callot utilisa l'échoppe couchée (au lieu de la pointe), un instrument qu'il emprunta aux orfèvres, dans le souci de pouvoir réaliser un trait plus dynamique, créant des effets « de pleins et de déliés » grâce au profil triangulaire de cet instrument. Il est clair que l'échoppe, et ses possibilités d'accentuer plus ou moins le trait, et de renforcer ainsi les ombres, était complémentaire de la « taille unique », puisque celle-ci abandonnait les hachures utilisées jusqu'alors pour le rendu des zones sombres.

La technique des « morsures successives » consiste à plonger la plaque de cuivre dans des bains d'acide successifs pour obtenir une morsure plus ou moins profonde du trait, et donc une profondeur différente de l'encrage. Ceci donne en particulier une forte sensation de profondeur de champ à l'image, dans laquelle les premiers plans feront appel à des tailles très fortement mordues. Les lointains, eux, feront appel à des traits fins et déliés, parfois à peine visibles, car ils auront été recouverts d'une couche protectrice après le passage dans le premier bain. Cette technique des bains successifs, que Callot utilisa, avec un fort impact visuel, plus qu'aucun autre aquafortiste avant lui, sera reprise par Rembrandt[59], avec d'ailleurs d'autres objectifs stylistiques.

Apports stylistiques

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Jacques Callot sera fort admiré par Félibien, mais aussi par Scudéry, ou encore Voiture, pour l'aptitude qu'il avait à représenter « une multitude de détails toujours lisibles, (...) des espaces vastes et profonds, et tout cela dans des formats réduits et souvent minuscules » ; mais aussi, « pour le caractère fantasque et fantastique de son génie »[60].

Pour conserver la lisibilité de ses eaux-fortes, Callot recourut à ce qu'il appelait la taille simple, ou la taille unique, par l'utilisation de traits parallèles, et non plus entrecroisés, ce qui donne plus de force à ses eaux-fortes, et de netteté au trait[61]. L'idée d'une taille unique, par laquelle, nous dit Félibien, « il se proposa de ne faire souvent qu'un seul trait pour graver les figures, grossissant plus ou moins le trait avec (...) l'échoppe, sans se servir de hachures » lui vint de l'observation du pavé de la cathédrale de Sienne, fait par Duccio[62]. Toujours selon Félibien en effet, Callot trouvait que cette manière de faire « dans les petites choses particulièrement, faisoit un bon effet, et les représentoit avec plus de netteté ».

Callot préféra très vite l'eau-forte au burin, d'une exécution trop lente pour son tempérament impatient[63]. Mais il faut surtout y voir l'amour de Callot pour la caricature, ou plutôt, son sens de la vie et du mouvement, plus aisés à transcrire à l'eau-forte qu'au burin : quand on compare en effet une œuvre de Callot à un beau burin classique, on est frappé par le style plus conventionnel de la gravure au burin, et au contraire, par la vie qui anime, jusque dans ses plus petits détails[64], les eaux-fortes de Callot. La gravure Les apprêts du festin, dernière planche de la série Les Bohémiens, une eau-forte d'à peine 24 × 12 cm, en donne un exemple. Les petites scènes saisies sur le vif y sont nombreuses :

  • une jeune mère est en train d'accoucher, entourée par deux femmes, pendant que la sage-femme récupère le nouveau-né, après avoir posé quelques instruments sur la pierre plate à côté d'elle ;
  • un homme fait une sieste, calé sur une branche en haut d'un arbre, pendant qu'un autre défèque sur la branche inférieure ;
  • une femme prépare un bouillon dans un grand seau sur le feu, pendant que deux autres font rôtir quatre poulets à la broche ;
  • des soudards jouent aux cartes, pendant qu'une femme épouille la tête d'une autre ;
  • un jeune homme prépare une biche, accrochée à un arbre, cependant qu'un chien se régale des viscères tombés au sol ;
  • pendant que sa mère égorge une volaille, une petite fille l'aide à plumer les autres...

C'est ce sens inné de la « photographie instantanée » du monde qui l'entoure qui est l'une des caractéristiques de Callot. C'est lui également qui contribue à en faire le « miroir de son temps »[65], y compris, le moment venu, lorsqu'il sera appliqué à des sujets autrement graves, tels que ceux inspirant Les Misères de la guerre.

Influence de Jacques Callot

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À l'instar d'un Rembrandt - qui collectionnait les estampes de Callot[66] - Jacques Callot a eu une influence considérable sur l'histoire de l'eau-forte[67]. Ses sujets, notamment ses scènes de guerre (Les Misères de la guerre), sont un témoignage très vivant de la cruauté de l'époque.

Goya : Les Désastres de la guerre - ¿Que hay que hacer más?

S'il n'eut pas d'élèves directs, il influença en revanche quelques grands artistes, des peintres en particulier[68], qui profitèrent de ses leçons, stylistiques ou, plus encore, techniques. On compte parmi eux des graveurs ou peintres tels que :

D'autres artistes, sans peut-être pour autant avoir été directement influencés par Callot, ont suscité des comparaisons avec son style :

  • Watteau, et son penchant pour la Commedia dell' Arte[72] ;
  • Goya, que Théophile Gautier rapprocha de Callot dans un parallèle qui sera souvent repris[73], et dont la série « Les désastres de la guerre » ne peut manquer d'évoquer « Les misères de la guerre » de Callot.

C'est Abraham Bosse qui contribua à diffuser les innovations apportées par Callot (telles que l'utilisation du vernis dur et de l'échoppe), au travers de son ouvrage : Traicté des manières de graver en taille douce sur l'airain par le moyen des eaux-fortes, de 1645. Cet ouvrage connaîtra une large diffusion dans toute l'Europe, où il sera traduit en une dizaine de langues jusqu'au XIXe siècle[74].

À une époque où les graveurs copiaient les peintres, ce furent les peintres qui, dans un certain nombre de cas, copièrent l'œuvre de Callot. Ainsi, la Pinacothèque de Munich conserve un tableau de David Teniers le Jeune, qui est une copie de l'eau-forte de Callot La Foire de l'Impruneta[43]. C'est d'ailleurs le fait que plusieurs gravures de Callot aient été copiées par des peintres qui a longtemps fait croire que c'est Callot lui-même qui avait peint quelques toiles[75].

Le peintre expressionniste français, Francis Gruber, fortement influencé par Jacques Callot, lui dédia un tableau intitulé Hommage à Jacques Callot en 1942.

Dans un domaine bien différent, Jacques Callot a également inspiré l'œuvre fantastique du romancier Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, Princesse Brambilla. Un caprice dans la manière de Jacques Callot (en allemand, Prinzessin Brambilla. Ein Capriccio nach Jakob Callot), paru en 1820 à Berlin ; l'action narrative en est fondée sur les vingt-quatre gravures de l'artiste, intitulées les Balli di sfessania, dont huit figurent dans la plupart des éditions de l'ouvrage de Hoffmann[76].

Callot et son temps

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L'environnement politique

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Blason du duché de Lorraine
Blason du duché de Bar

La Lorraine compte, à l'époque de Callot, environ un million d'habitants. Composée des duchés de Lorraine et de Bar, elle est alors un État souverain, ayant depuis 1431 un prince unique, le duc de Lorraine. Celui-ci tient sa cour à Nancy, animée par les festivités, les visites d'ambassades et autres manifestations que l'on trouve dans une capitale, ce qui irrigue la ville d'une vie intellectuelle et artistique importante, et lui donne une ouverture sur le monde. Jacques Callot saura mettre à profit ces deux avantages offerts par Nancy.

Cependant, si la souveraineté du duché de Lorraine est entière, il en est autrement du duché de Bar : depuis le traité de Bruges de 1301, en effet, le Roi de France est suzerain de la partie du Bar située sur la rive gauche de la Meuse, appelée « Barrois mouvant » ; le duc de Lorraine a donc trois capitales : Nancy pour le duché de Lorraine (et qui est bien entendu sa capitale principale), Bar-le-Duc pour le « Barrois mouvant », et Saint-Mihiel enfin pour le « Barrois non mouvant »[77].

La politique extérieure de la Lorraine est donc un exercice délicat : c'est le « pays d'entre-deux », qui doit veiller à ses bonnes relations avec ses deux puissants voisins, le Royaume de France, et le Saint-Empire romain germanique.

Enfin, la carte politique de la Lorraine est compliquée par la religion : la Lorraine englobe en effet les Trois-Évêchés, qui sont les évêchés de Metz, Toul et Verdun, et qui, bien qu'appartenant nominalement encore au Saint-Empire, sont de facto sous la tutelle du Royaume de France depuis 1552.

Le début du XVIIe siècle est un moment de prospérité et d'expansion économique en Europe. Mais à partir de 1630, une série de catastrophes s'abattent sur la région : l'intervention suédoise dans la guerre de Trente Ans (en 1630) va se traduire par un durcissement de la guerre dont vont souffrir, non seulement l'Allemagne, mais aussi la Lorraine, passage obligé vers l'Est pour la France en cas de guerre. En 1630 également, la peste frappe durement la Lorraine ; Nancy est touchée, et Jean, le père de Jacques Callot, en meurt cette même année[78].

Enfin, alors que la tension politique et religieuse rend la situation dangereuse pour la Lorraine, les positions prises par Charles IV de Lorraine en faveur de l'Empire[79] vont provoquer son invasion par la France.
Louis XIII entre dans Nancy le [36]. C'est la fin d'un âge d'or, et la Lorraine restera occupée par les troupes françaises pendant 26 ans, jusqu'en 1659[80].

Peinture flamande de la fin du XVIe siècle : Troupe de la Commedia dell'arte.

Vers la fin du XVIe siècle, la Lorraine est un carrefour d'influences entre la Flandre, l'Allemagne, la France et l'Italie. Appuyé sur son statut de pays souverain, qui attire de nombreux artistes à Nancy, elle est sensible à toutes ces influences, qui se traduisent dans le domaine de l'estampe par le grand nombre de graveurs que le duché compte alors : Callot bien sûr, mais aussi Jacques Bellange, Israël Henriet, Israël Silvestre, puis Claude Lorrain

Pour ces graveurs, la tentation de l'Italie est entière. Car l'Italie est alors au sommet tant de sa réputation artistique que de sa puissance commerciale. La bataille de Lépante, en 1571, a repoussé pour un temps le péril turc, et Venise règne encore sur les mers.

Le XVIIe siècle verra cette prédominance s'effacer, devant l'avancée de l'Empire ottoman de 1645 à 1669, face au développement du commerce anglais et hollandais, et enfin à la suite des épidémies dévastatrices de peste, de 1626 à 1631, puis de 1650 à 1656 en Italie du nord[81].

Gravure Les Deux Pantalons (1616).

Callot tirera de son expérience italienne, outre la maîtrise technique qu'il y acquiert, un sens de la caricature encore accru. Par exemple, les séries des Gobbi et des Balli, dessinés pendant sa période florentine, sont inspirées non seulement de la Commedia dell'arte, mais aussi du goût qu'avaient les Italiens pour les scènes grotesques : ainsi, à Florence, lorsque se déroulaient les joutes, le 6e jour de San Romolo, avait lieu une « joute des bossus » où se produisaient des bossus et des nains difformes. Les représentations de Zanni masqués, ou encore les dessins de caramogi (de petits nains grotesques) comme en dessinait Baccio del Bianco furent autant d'éléments qui contribuèrent à développer le sens de la caricature chez Callot[82].

En France, en revanche, Callot sera sensible à des influences bien différentes, qui permettent de mieux comprendre la genèse des Misères de la guerre.

La conception des Grandes Misères de la guerre, qui évoque la guerre de Trente Ans qui ravageait l'Europe depuis quinze ans déjà lorsque Callot publie son œuvre, est sans doute également liée aux influences littéraires qui s'exerçaient alors en France. Même si Callot a certainement été heureux de publier en 1633 une pareille critique de l'invasion de son pays, son propos initial était simplement de décrire la « dure vie du pauvre soldat », comme l'a dit son biographe Filippo Baldinucci, et non pas, comme on a pu l'écrire[83], de s'élever contre les ravages de la guerre en Lorraine même.

Pour comprendre ce qui a pu pousser Callot à graver de telles scènes d'horreur, il faut rapprocher cette série d'eaux-fortes de Callot d'une catégorie de livres qui connaissent alors un grand succès et qui témoignent d'un goût marqué pour le picaresque[84] :

  • Histoires tragiques de Matteo Bandello, en 1559, qui remporte un succès marqué et est traduit en français par François de Belleforest en 1566 ;
  • Histoires tragiques de notre temps, de François de Rosset, en 1614 ;
  • ou encore, Cruautés des hérétiques de notre temps : publié par R. Verstagen à Anvers, et illustré de planches gravées par les frères Wierix.

L'esprit du temps était donc déjà imprégné par le goût des histoires tragiques ; les ravages de la guerre de Trente Ans, qui éclate en 1618 et dévastera l'Europe, vont lui donner une dramatique actualité.

La religion

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La Lorraine de Callot était terre catholique, sur laquelle le protestantisme n'eut que très peu de prise.

Après la victoire des Impériaux contre les armées protestantes à la Montagne Blanche en 1620, Charles IV de Lorraine pense que le moment est venu de marquer la sincère adhésion de son pays au catholicisme : l'occasion était bonne aussi de renforcer encore les excellentes relations avec la papauté, et d'obtenir du pape Clément VII la création d'un siège épiscopal à Nancy même.

C'est le début d'un renforcement sensible de l'implantation catholique en Lorraine[85] :

  • les confréries se multiplient, passant de 8 confréries créées entre 1551 et 1600 à 17 confréries entre 1601 et 1650 (et 4 seulement entre 1501 et 1550) ;
  • le nombre de miracles entre 1605 et 1626 explose, représentant 57 % de tous les miracles du XVIIe siècle ;
  • les implantations monastiques se multiplient[86].

Callot de son côté fait partie de la confrérie mariale de l'Immaculée Conception. Il est en relation avec un ermite fort influent à Nancy de 1605 à sa mort en 1636, Pierre Séguin, un ancien Ligueur au service des Guise. Jacques Callot s'est engagé au service de la Réforme Catholique, et adhère au dogme de la Communion des saints rappelé solennellement par le Concile de Trente. On retrouvera ce mysticisme dans les 20 estampes des Mystères de la vie de Jésus et de la vie de la Sainte-Vierge, ainsi que dans les 27 planches de La vie de la Mère de Dieu représentée par emblesmes[87].

Ce poids de la vie religieuse dans la vie quotidienne, et l'importance que prenait la question alors que l'Europe était dévastée par une guerre de religion, contribuent à expliquer pourquoi l'œuvre religieuse de Callot est quantitativement si considérable, alors que c'est aujourd'hui son œuvre profane qui retient notre attention.

Jacques Callot dans la peinture, la littérature et la musique

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  • Antoine van Dyck a peint un portrait de Jacques Callot qui fut gravé par Felice Polanzani en 1748.
  • Paulette Choné, Renard-pèlerin : mémoires de Jacques Callot écrites par lui-même, Paris, Le Bruit du Temps, . Dans cet essai, très documenté, Paulette Choné imagine Jacques Callot rédigeant ses mémoires, seul, alors qu'il sait la mort proche. Il s’adresse à l’aimée, sa confidente, et se souvient.
  • En référence explicite aux Fantaisies à la manière de Callot de E.T.A. Hoffmann publiées en 1814-1815, le poète français Aloysius Bertrand (1807-1841) donnera comme sous-titre à son recueil de poèmes en prose Gaspard de la Nuit (publié en 1842) : Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot. L'œuvre de E.T.A. Hoffman a inspiré au compositeur Robert Schumann les Fantasiestücke opus 12, 73, 88 et 111 (soit quatre compositions pour piano, clarinette, violon et violoncelle), et celle d'Aloysius Bertrand a inspiré le Gaspard de la Nuit, également un cycle de pièces pour piano, au compositeur Maurice Ravel.
  • Edmond Rostand fait référence à Jacques Callot dans Cyrano de Bergerac (1897), imaginant celui-ci comme « le plus fol spadassin » qu'aurait pu dessiner Callot, et utilisant, avec plus ou moins de bonheur, le nom du dessinateur pour rimer avec « falot ».
Timbre émis en France en 1936.

Honneurs posthumes

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  • Paris a baptisé une rue à son nom ainsi que quelques autres villes en France.
  • En 1935, pour célébrer le tricentenaire de la mort du graveur Jacques Callot, La Poste française émet un timbre à son effigie[88], puis une nouvelle fois en 1936 et 1939 dans les séries à surtaxe Pour les chômeurs intellectuels[89].
  • En 1984 le peintre expressionniste Henri Déchanet a rendu un Hommage à Jacques Callot en inspirant son œuvre de la série d'eaux-fortes Les Grandes Misères de la guerre.

Notes et références

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  1. C'est la date très généralement admise aujourd'hui, qui résulte du fait que l'épitaphe gravée sur le tombeau de Callot indique qu'il est mort le 24 mars 1635, à l'âge de 43 ans. Depuis 1975, les travaux de Pierre Marot ont montré que le recoupement de documents sûrs situe la date de naissance de Callot entre le 25 mars et le 21 août 1592. Cf. Exposition 1992.
  2. a et b La date « traditionnelle », donnée par Félibien, est le 28. Mais l'épitaphe du tombeau de Callot donne la date du 24 mars, sans doute la date réelle. Georges Sadoul donne cependant le 25, sur la base du texte latin de l'épitaphe écrite par Siméon Drouin.
  3. La guerre de Trente Ans éclata en 1618, et s'étendit à la Lorraine en 1633, lorsqu'elle fut occupée par les troupes françaises, par suite des positions anti-françaises adoptées par Charles IV de Lorraine.
  4. Netteté renforcée par le recours à la « taille unique » inventée par Jacques Callot.
  5. Profondeur de l'encrage, et étagement des différents plans, permis par la technique des « morsures multiples », largement développée par Callot.
  6. Apport de Callot à l'eau forte (« procédé d'attaque indirecte »). Dossier sur la technique de l'eau-forte.
  7. Université de Pittsburg : Innovations de Callot, et leur diffusion par Abraham Bosse.
  8. Selon Ivins, le traité d'Abraham Bosse fut « not only the first on its subject but for more than a century it remained the standard » (fut « non seulement le premier sur son sujet, mais encore, resta l'ouvrage de référence pendant plus d'un siècle ») - (Ivins, cité dans Norman Sale Catalogue).
  9. a et b Meaume 1860, 1re partie, p. 2.
  10. Lettres de noblesse de Claude Callot Archives départementales de Meurthe et Moselle.
  11. Félibien 1725, Entretien VII, p. 361.
  12. Meaume 1860 1re partie p. 6.
  13. Meaume 1860, 1re partie, p. 7.
  14. Félibien 1725, Entretien VII, p. 362.
  15. Meaume 1860, 1re partie p. 11.
  16. Plan 1914 p. 29.
  17. Félibien, historiographe du roi Louis XIV, dit au sujet de Callot que lui, Félibien, est « assez instruit par des personnes qui l'ont connu et qui sont fort bien informées de toutes les choses qui regardent sa vie ». On peut penser qu'il s'agit en particulier d'Israël Henriet, de Claude Deruet, et d'Israël Silvestre.
  18. Meaume 1860 1re partie, p. 6.
  19. Sadoul 1990 p. 18.
  20. Meaume 1860 1re partie p. 13.
  21. a et b Meaume 1860, 1re partie p. 15.
  22. Lien sur le travail sur les Mois et les Saisons pendant le séjour chez Thomassin.
  23. Meaume 1860, 1re partie p. 19.
  24. Plan 1914 p. 21.
  25. Meaume 1860, 1re partie p. 23. Cependant, selon Filippo Baldinucci, c'est de Giulio Parigi que Jacques Callot apprend « le secret de l'eau-forte et le bel art du dessin à la plume et aux petites figures ».
  26. Exposition 1992 p. 62.
  27. Meaume 1860, 1re partie p. 25.
  28. Meaume 1860, 1re partie p. 31.
  29. On voit parfois mentionné le « vernis des orfèvres », et non des luthiers ; mais Abraham Bosse (qui hérita de Callot cette technique et la diffusa en Europe) définit le vernis de Callot comme étant un vernis pour le bois, repris ensuite par les historiens de Callot.
  30. Plan 1914, p. 27 et Meaume 1860, 1re partie p. 33.
  31. Meaume 1860, 1re partie p. 36.
  32. Sadoul 1990 p. 178 et 388. Félibien donnait comme date du mariage l'année 1625. Les recherches entreprises depuis dans les archives lorraines ont permis de retrouver les bans du mariage à l'église Saint-Epvre, en date du 11 novembre 1623. Le contrat de mariage du 8 novembre est aujourd'hui perdu.
  33. Meaume 1860, 1re partie p. 42.
  34. Ce portrait sera ensuite copié par deux graveurs, Lucas Vosterman et Esme de Boulonois.
  35. Plan 1914 p. 41.
  36. a et b Meaume 1860, 1re partie p. 62.
  37. Meaume 1860, 1re partie p. 63.
  38. Félibien 1725, Entretien VII, p. 380.
  39. Sadoul 1990 p. 300.
  40. Le catalogue Lieure 1924-1927 en dénombre plus de 1400 ; le catalogue établi par le marchand d'art Gersaint dénombre 1600 gravures de Callot (Glorieux 2002 p. 423), y compris les gravures faites par d'autres d'après ses dessins ; il s'agit donc d'un maximum.
  41. La numérisation des gravures de Jacques Callot sur le blog de Gallica, 14 novembre 2012.
  42. Le catalogue de ses dessins (Ternois 1962) en dénombre plus de 1440.
  43. a b et c Rouir 1974 p. 29.
  44. Elles sont choisies en référence à Meaume 1860, 1re et 2e partie, et Sadoul 1990, p. 380-396. Toutes les dimensions indiquées ici le sont marge comprise.
  45. Décompte du nombre de sujets figurant sur la Foire de l'Impruneta. A. Hyatt Mayor (Curator of Prints, Metropolitan Museum of Arts) a compté 1138 personnages.
  46. Meaume 1860, 1re partie p. 29.
  47. Plan 1914 p. 37.
  48. On lit à ce sujet dans les notes manuscrites de Pierre-Jean Mariette : « Ceci représente particulièrement la vie du soldat et un tableau de tout ce qu'il fait souffrir aux autres et des malheurs auxquels il est lui-même exposé... C'est un des ouvrages où cet habile graveur a donné le plus de preuves de son savoir et qui lui a acquis, en même temps, le plus de réputation » (Cité par Édouard Meaume).
  49. En revanche, Les misères de la guerre n'évoquent pas l'invasion de la Lorraine, survenue après leur conception. D'ailleurs, cette série devait initialement s'appeler La vita del soldato, « La vie du soldat », depuis l'enrôlement du soldat jusqu'à la remise des médailles par le souverain. Filippo Baldinucci, l'autre grand biographe de Callot, atteste en effet que Callot comptait représenter là « tous les accidents qui peuvent survenir aux pauvres soldats, depuis l'instant où ils reçoivent leur première paie».
  50. http://www.artaujourdhui.info/q1323-quand-callot-grave-saint-antoine.html
  51. Meaume 1860, 1re partie p. 166.
  52. Rouir 1974 p. 30.
  53. Musée lorrain de Nancy : Communiqué de presse du 13 juillet 2007.
  54. Étude sur Callot sur sa présence au Musée Lorrain de Nancy, p. 8 ; Texte de la BNF sur les innovations de Callot (vernis dur et morsures multiples) et leur importance.
  55. Présentation de l'ouvrage d'Abraham Bosse, diffusant les innovations de Jacques Callot (Ouvrage no 9 : Traicté des manières de graver en taille douce sur l’airain).
  56. Rouir 1974 p. 18.
  57. Meaume 1860, 1re partie p. 113.
  58. Félibien 1725, Entretien VII, p. 373.
  59. Utilisation par Rembrandt des morsures multiples.
  60. Exposition 1992 p. 34.
  61. Rouir 1974 p. 23-24.
  62. Félibien 1725, Entretien VII, p. 374. Même si c'est Domenico Beccafumi qui a en réalité dessiné le pavé de la cathédrale de Sienne, c'est néanmoins bien Duccio qui a inventé la technique décorative qui en est à la base, et qui inspira donc Callot.
  63. Plan 1914, p. 22, Rouir 1974 p. 18.
  64. Certains détails nécessitent le recours à la loupe.
  65. Comme l'a justement appelé George Sadoul.
  66. Collection d'eaux-fortes de Callot par Rembrandt.
  67. Rouir 1974 p. 26.
  68. En effet, un avantage décisif apporté par le vernis dur était la possibilité qu'il donnait désormais aux peintres d'exécuter facilement des gravures de grande qualité, alors que le burin était affaire de spécialiste, et que l'eau-forte faisant appel au vernis mol n'offrait que des possibilités moindres.
  69. Rouir 1974 p. 56.
  70. Influences sur Rembrandt des Gueux de Callot.
  71. Rouir 1974, p. 44.
  72. (en) Daniel Heartz, « Watteau's Italian Comedians », Eighteenth-Century Studies, vol. 22, no 2,‎ 1988–1989, p. 156-181 (JSTOR 2738864) :

    « Subsequent to this early phase two major artists devoted their skills to capturing such theatrical representations: Jacques Callot (1592-1635) and Antoine Watteau (1684-1721). »

    .
  73. Parallèle entre Goya et Callot : voir Chapitre II : des arts plastiques à la littérature.
  74. Sur les traductions de cet ouvrage, voir Ministère de la Culture : Traité d'Abraham Bosse et ses traductions et l'article Abraham Bosse de Wikipedia.
  75. Voir par exemple la plaque de la rue Jacques Callot, dans le 6e arrondissement de Paris, qui porte la mention « Jacques Callot, peintre et graveur français ».
  76. Ernst T. A. Hoffmann, The Golden Pot and Other Tales, Oxford University Press, (lire en ligne), p. xxiii.
  77. Exposition 1992 p. 21.
  78. Sadoul 1990 p. 392.
  79. Charles IV se range aux côtés de l'Empereur contre les protestants, donne asile à Gaston d'Orléans, manifeste sa sympathie aux rebelles français...
  80. Ternois 1993 p. 51.
  81. Ternois 1993 p. 49.
  82. Ternois 1993 p. 281.
  83. Meaume 1860, 1re partie, p. 65.
  84. Ternois 1993 p. 56-58.
  85. Ternois 1993, p. 166-173.
  86. Exposition 1992 p. 27.
  87. Exposition 1992 p. 29.
  88. Voir la fiche technique du timbre-poste.
  89. Notice sur le site Timbre-de-france.com.

Bibliographie

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Par ordre chronologique :

  • (nl) Cornelis de Bie, Het Gulden Cabinet, 1662, p. 522.
  • Jacques Calot graveur, dans Charles Perrault, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, chez Antoine Dezallier, 1697, tome 1, p. 95-96 (lire en ligne).
  • André Félibien, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Paris, 1666-1688
    L'édition citée est celle de 1725.
  • Claude-Robert Husson, Eloge historique de Callot, noble lorrain, célèbre graveur, Bruxelles, .
  • Marguerite de Maretz, Eloge historique de Callot, graveur lorrain, Nancy, .
  • Édouard Meaume, Recherches sur la vie et les œuvres de Callot, Nancy, 1854 et 1860 (OCLC 40706013).
  • Marius Vachon, Jacques Callot, Paris, J. Rouam, Librairie de l'art, coll. « Les artistes célèbres », , 72 p.
  • Henri Bouchot, Jacques Callot, sa vie, son œuvre et ses continuateurs, Coll. « Bibliothèque des merveilles », Librairie Hachette et Cie, 1889 (lire en ligne sur Gallica).
  • Edmond Bruwaert, Vie de Jacques Callot : graveur lorrain (1592-1635), Paris, Imprimerie nationale, (lire en ligne).
  • Pierre-Paul Plan, Jacques Callot : maître graveur (1593-1635), Bruxelles et Paris, G. Van Oest & C°, .
  • Jules Lieure, Catalogue de l'œuvre gravée de Jacques Callot, Paris, 1924-1927, 4 volumes.
  • Jules Lieure, L'école française de gravure au XVIIe siècle, Paris, (OCLC 11883222).
  • Le Pays lorrain. Revue régionale mensuelle illustrée. Numéro spécial consacré à Jacques Callot, 1935.
  • Pierre Marot, Jacques Callot, d'après des documents inédits, Paris et Nancy, Berger-Levrault, (OCLC 22610161).
  • Pierre Marot, « Peintres et graveurs lorrains du XVIIe siècle : Jacques Callot », Le Pays lorrain, no 3,‎ .
  • Daniel Ternois, Jacques Callot : catalogue complet de son œuvre dessiné, Paris, F. de Nobele, , 614 p..
  • (de) Thomas Schröder, Jacques Callot : Das gesamte Werk in zwei Bänden. 1 : Handzeichnungen. 2 : Druckgraphik, Munich, Rogner und Bernhard GMBH, .
  • Eugène Rouir, La gravure originale au XVIIe siècle, Paris, Éditions Aimery Somogy, (OCLC 163708781)
  • Georges Sadoul, Jacques Callot : miroir de son temps, Paris, Gallimard, (1re éd. 1969), 402 p. (ISBN 2-07-010625-X).
  • Musée historique lorrain, Jacques Callot. Exposition, Nancy, - . Nancy : 1992. (ISBN 2-7118-2561-2).
  • Jacques Callot (1592 - 1635). Actes du colloque du Louvre, sous la direction de Daniel Ternois. Paris : Klincksieck, 1993. (ISBN 2-252-02930-7).
  • Guillaume Glorieux, À l'enseigne de Gersaint : Edme-François Gersaint, marchand d'art sur le pont Notre-Dame (1694-1750), Paris, Champ vallon, .
  • (de) Peter Bell et Dirk Suckow, « Geordnete Unordnung und Familie in Serie. Jacques Callots Zyklus Les Bohémiens », Arbeitskreis “Repräsentationen” (Hg.): Die andere Familie. Repräsentationskritische Analysen von der Frühen Neuzeit bis zur Gegenwart, Francfort-sur-le-Main,‎ , p. 81-116.
  • Jean Pirou, Les exercices militaires, de Jacques Callot, dédiés au marquis de Sennecey, bulletin de la Société des amis des arts et des sciences de Tournus, tome CXVIII, Tournus, 2019, pp. 73-92. (ISSN 0153-9353).
  • Étienne Martin et Pierre-Hippolyte Pénet, « Le monument funéraire de Jacques Callot au couvent des Cordeliers de Nancy », Le Pays lorrain, SHLML, nos 3/2022,‎ , p. 215-227 (ISSN 0031-3394 et 2540-3745).Voir et modifier les données sur Wikidata
  • Anne Motta, « Les Callot », dans Isabelle Guyot-Bachy et Jean-Christophe Blanchard (dir.), Dictionnaire de la Lorraine savante, Metz : Éditions des Paraiges, 2022, p. 83

Articles connexes

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