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Pape

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Pape
Image illustrative de l’article Pape
Blason du pape François.

Image illustrative de l’article Pape
Titulaire actuel
François
depuis le

Création Ier siècle
Mandant Conclave
Durée du mandat élu à vie
Premier titulaire Saint Pierre
Site internet http://www.vatican.va/

Dans l'usage français reconnu par les dictionnaires usuels, et quoiqu'il ne résume pas la totalité de l'usage francophone, le terme de pape désigne l'évêque de Rome garant de l'unité de l'Église catholique romaine, et son chef visible en tant que successeur de saint Pierre (le chef invisible étant le Christ en personne), et monarque temporel de l'État du Vatican[1]. C'est dans ce sens seul que ce terme est employé dans cet article ainsi que dans les autres articles traitant des papes, sauf mention contraire. Toutefois, ce titre est également porté par le chef de l'Église copte orthodoxe : Théodore II, élu le 4 novembre 2012[2]. Le titre de pape n'est réellement apparu qu'à partir du concile de Nicée en 325, mais le terme n'a désigné exclusivement l'évêque de Rome qu'à partir de Grégoire VII, au XIe siècle. Selon la tradition apostolique, la succession pontificale légitime remonte à l'apôtre Pierre.

Le pape actuel est Jorge Mario Bergoglio sous le nom de François, élu le [3],[4] et qui succède à Benoît XVI[5]. Il devient ainsi le 266e pape[6].

Origine du nom

À l'origine, le terme pape (en grec πάπας / papas) n’a rien d’un titre officiel ; c’est une appellation d’affection respectueuse, celle que l’enfant donne à son père (« papa »). La première attestation documentée de ce mot pour désigner un chef religieux de premier plan remonte à 306, quand la population chrétienne d'Alexandrie le décerna comme titre à son évêque Pierre, qui avait organisé la résistance extérieure à la persécution de Dioclétien[7]. À partir du 1er concile œcuménique de Nicée, où siégèrent des évêques au nombre traditionnel de 318, l'appellation de « pape » a été affectueusement donnée à tout évêque en tant que chef de l'Église locale qu'il présidait. Ce n'est que progressivement, surtout à partir du VIe siècle, que ce nom a servi à désigner le seul pontife romain, et ce à l'échelle de l'Église universelle (Orient et Occident)[8]. Le titre de « pape », donné également au patriarche copte orthodoxe d'Alexandrie, est une tradition locale de l'Église copte.

Usage

Le premier évêque de Rome auquel est attribué le titre de « pape », au début du IVe siècle, sur le cubiculum d'un diacre nommé Severus est Marcellin (296-304) ; on y trouve l'inscription « jussu pp [papae] sui Marcellini »[9]. L'abréviation de « papa » en « PP » est constante, notamment dans la signature pontificale (par exemple, le pape Benoît XVI signait toujours les documents officiels ainsi : « Benedictus PP XVI »). On rencontre aussi des formules telles que « Papa urbis Romae (aeternae) » (« Le Pape de la ville (éternelle) de Rome »).

Jusqu'au VIe siècle le titre est commun à tous les évêques, et d'autant plus facilement utilisé si l'évêque est âgé[10]. Ce n'est donc qu'après le VIe siècle qu'il désigne plus spécifiquement l'évêque de Rome, comme l'atteste la chancellerie de Constantinople, qui utilise ce titre pour les pontifes romains, lesquels adopteront eux-mêmes ce titre à partir de la fin du VIIIe siècle. Un siècle plus tard, au cours du concile qui se tient à Pavie en 998, Grégoire V demande à l'archevêque Arnolfe II de Milan de renoncer à se faire appeler ainsi, puis Grégoire VII (1073-1085) édicte un Dictatus papae réservant l'usage du terme au pontife romain[11].

Aujourd’hui encore, les Grecs appellent pappas les simples prêtres de l’Église orthodoxe, mais dans le sens classique de « Père », équivalent au titre que l'on donne aux prêtres dans l'Église latine (ce mot grec est aussi à l'origine du mot bulgare et russe pop, utilisé péjorativement pour désigner les prêtres orthodoxes ; en revanche l'anglais « pope », de même origine, désigne exclusivement l'évêque de Rome).

Origine du magistère du pontife romain

Image accompagnant un article sur l'histoire de la papauté dans le Liber floridus (1120). BNF.

Le prestige éminent de la position de l'évêque de Rome dans la chrétienté depuis l'antiquité paléochrétienne[12] réside avant tout en la présence traditionnellement admise des tombeaux de Pierre et Paul de Tarse dans cette ville, l'un au Vatican, près de l'ancien cirque de Néron, et l'autre sur la via Ostiense, aux portes de Rome. Dans les premiers siècles de notre ère, Rome devient ainsi ville de pèlerinages « ad limina apostolorum »[13]. L'Église romaine a toujours proclamé sa fondation apostolique, sur laquelle elle base son autorité magistérielle dont elle se prévaut et que les titulaires du siège de Rome affirment à la suite de l'évêque Libère (352-366), le premier à utiliser l'expression de « Siège apostolique » (Sedes apostolica)[14]. Cependant, dans l'Église catholique, l'autorité du pape est ipso facto liée au fait qu'il est l'évêque de Rome. Ainsi, la seule titulature officielle du pape dans l'Antiquité est le mot « Évêque », (sous-entendu : de la ville). Aujourd'hui encore, dans les documents les plus solennels, le pape signe de ce seul titre d'« Évêque de l'Église catholique » (comme on le voit au paraphe du pape Paul VI sur toutes les constitutions et les décrets du concile Vatican II : « Ego PAULUS Catholicae Ecclesiae Episcopus », ou bien accompagné de la formule grégorienne: « Ego, N., episcopus, servus servorum Dei »[15].

Premiers siècles

Saint Pierre avec les clefs du salut des âmes et du Paradis (Saint-Pétersbourg).

L'origine de la fonction papale est avant tout d'ordre spirituel, ou mystique, bien avant d'être politique. Ainsi, la théologie catholique fait remonter la lignée des papes à l'apôtre Pierre. Elle affirme que le rôle de l'apôtre de présider à l'unité de l'Église a été énoncé par le Christ, ce qui s'exprime dans l'évangile de Matthieu : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église… je te donnerai les clefs du Royaume des cieux » (Mt 16. 18-19) et dans l'évangile de Jean, par les paroles : « Simon [Pierre], (…) Pais mes agneaux… Pais mes brebis » (Jn 21. 15,16,17). Il est cependant à noter que Augustin d'Hippone dans son ouvrage "Rétractations" affirme que dans Mt 16. 18-19, la pierre (ou Roc) sur laquelle le Christ allait bâtir son église n'était pas Pierre mais le Christ lui-même[16].

Au IIe siècle de notre ère, il existe des manifestations du prestige de la communauté chrétienne de Rome, ainsi qu'en atteste une lettre d'Ignace d'Antioche adressée à cette communauté, évoquant la mémoire des enseignements apostoliques dont elle est détentrice[17]. À la fin du siècle, Irénée de Lyon souligne lui aussi l'importance de cette tradition romaine dans son Contre les hérésies (III, 3, 2). Irénée - dans un texte qui entend combattre les gnostiques - présente le canal de la succession épiscopale comme le garant de la vérité apostolique pour chaque Église et pointe pour son exemplarité Rome, « cette Église très grande, très ancienne et connue de tous, que les deux très glorieux apôtres Pierre et Paul [y] fondèrent et [y] établirent (…) [car] en raison de son origine plus excellente[18] doit nécessairement s'accorder [avec elle] toute Église, c'est-à-dire les fidèles de partout, elle en qui toujours, au bénéfice de ces gens de partout[19], a été conservée la tradition qui vient des apôtres »[17].

La revendication d'apostolicité de Rome, qui est la seule ville occidentale de l'Empire à le faire, n'est pas contestée, pas plus que ne l'est celle d'autres villes orientales comme Corinthe ou Antioche ; ce n'est pas le cas de la revendication d'autorité et de primauté auxquelles elle prétend qui occasionnera nombre de débats, voire de schismes[17].

En 195, sollicité par des adversaire de l'évêque Polycrate d'Éphèse, l'évêque de Rome Victor, dans ce qui peut être lu comme un exercice de l'autorité romaine sur les autres Églises, rompt la communion avec les quartodécimans parce que ces derniers fêtent Pâques le 14 Nisan, même jour que la Pâque juive - une tradition transmise par Jean l'Évangéliste - tandis que les chrétiens de Rome la fêtent un dimanche[20]. Si cette première tentative est sans portée réelle, des documents attestent de la continuité dans cette souveraine prétention de l'Église de l'Urbs dans les décennies qui suivent[21]. Jean Guyon définit Victor Ier comme le premier évêque monarchique de Rome[22].

Émergence des métropolites

Le premier concile de Constantinople, mur peint dans l'église du monastère Stavropoleos, Bucarest (Roumanie).

Du point de vue de l’administration civile, l’Empire romain est divisé en provinces, chacune étant dirigée à partir de sa métropole (littéralement « ville-mère », en grec). Du point de vue de l'administration des églises, cette désignation ne s'applique qu'à Rome, Antioche, Alexandrie, Nicomédie puis Constantinople qui la remplace. À la fin du IIIe siècle ou au tout début du IVe siècle, l’évêque de chaque métropole, ou métropolite, a pris de l’ascendant sur les autres évêques de la province.

En 325, le Concile de Nicée entérine cet état de fait : nul évêque ne peut ordonner un prêtre ou un autre évêque sans l’accord de son métropolite. Le même concile affirme aussi, pour trancher le conflit mélitien et en se référant, dit-il, à un usage déjà constitué, que trois métropolites ont des compétences qui dépassent le cadre de leur province, ceux d’Alexandrie, de Rome et d’Antioche. La circonscription qui dépend d’Alexandrie regroupe toutes les provinces d’Égypte et de Libye. Bien que le concile ne précise pas quelles sont les limites des deux autres, on peut supposer qu’Antioche a la responsabilité de la Syrie, de la Palestine et des provinces limitrophes, et que Rome domine l’Italie (avec, peut-être, une certaine influence en Gaule et en Afrique, comme semble en témoigner le concile d’Arles en 314).

Les conciles de Constantinople (381) et de Chalcédoine (451) accordent le même statut de « super métropolite » (ce qui devait devenir la dignité de patriarche) aux sièges de Jérusalem et de Constantinople. Le premier échappe au pouvoir d’Antioche, arien, et devient autonome, le second obtient immédiatement un rang après celui de Rome, celui-ci ayant la « primauté d’honneur ». Ce système est calqué sur l’administration civile : Constantinople est la capitale de l'empire d'Orient, Rome se veut son égale en Occident - insistant spécifiquement sur une première place symbolique - tandis qu'Alexandrie demeure une capitale économique incontournable. Au même moment, le siège d’Antioche voit sa circonscription rognée par ses deux voisines (Constantinople et Jérusalem).

Une prééminence qui se manifeste lentement

Pendant le IVe siècle, le siège de Rome ne prend pas directement part aux principaux débats théologiques (surtout provoqués par des hérésies toutes nées en Orient : arianisme, sabellianisme, macédonianisme, apollinarisme). Aux grands conciles qui se réunissent pour juger ces hérésies, l'évêque de Rome envoie toujours des légats (prêtres ou évêques) pour le représenter (les prêtres ne prennent pas part aux votes, seulement les évêques). Souvent, des évêques et des sièges patriarchaux d'Orient en conflit interne envoient des ambassades à l'évêque de Rome pour en obtenir un arbitrage (le cas le plus célèbre est celui de S. Jean Chrysostome, patriarche de Constantinople, en butte avec une partie du clergé, avec l'empereur Arcadius, l'impératrice Eudoxie, et avec Théophile, patriarche d'Alexandrie, en appelle à Rome et obtient le plein soutien du pape S. Innocent Ier. Ainsi, malgré une apparente faible implication dans les affaires de la chrétienté orientale, le prestige de Rome est généralement reconnu en tant qu'instance non directement liée aux conflits, et par conséquent susceptible d'adopter une position non partiale ; cette implication non partisane, jointe au fait que Rome est reconnue comme la ville du martyre des apôtres Pierre et Paul, conduit nombre d'instances (empereurs et évêque d'Orient) à lui demander à plusieurs reprises l'arbitrage romain, notamment lors de la crise arienne. Au Ve siècle, notamment lors des grands débats christologiques suscités par Nestorius puis par Eutychès, Rome s'implique davantage : ce sera avec le plein soutien du pape S. Célestin Ier, sollicité par S. Cyrille, patriarche d'Alexandrie, que Nestorius et le nestorianisme seront condamnés au Concile œcuménique d'Éphèse en l'an 431. Déjà IVe siècle, Théodose, à son avènement, avait proclamé que la loi religieuse de tout l’empire était « la foi de l’évêque de Rome et de l’évêque d’Alexandrie ». En l'an 451, au cours du Concile œcuménique de Chalcédoine, à la lecture du Tome à Flavien, rédigé par le pape S. Léon Ier le Grand pour définir la foi catholique contre l'hérésie d'Eutychès niant les deux natures, divine et humaine, du Christ (et par conséquent niant l'union hypostatique et la communication des idiomes entre les deux natures), toute l'assemblée coniliaire, debout, acclama le pape au cri de : « Pierre vient de parler par la bouche de Léon ! » (exclamation que les notaires impériaux consignèrent dans les procès-verbaux des actes canoniques du Concile).

Au cours des siècles suivants (VIe siècle - VIIe siècle), à la suite de la chute de l'Empire d'Occident, le siège de Rome devient de plus en plus politiquement autonome et influent, notamment en Occident, alors considéré comme le territoire spécifiquement « patriarcal » du pontife romain. Dans le marasme général (peste à Rome, débordements catastrophiques du Tibre, invasions des Lombards), le pape S. Grégoire le Grand (590-604) est amené à organiser matériellement, à tous les niveaux, les besoins de la population romaine. Plusieurs facteurs ont favorisé cette évolution :

  • le prestige de Rome, ancienne capitale de l’Empire, et qui le reste dans les esprits longtemps après la chute de l’Empire d'Occident. C’est en ce sens que Michel Butor a pu parler au XXe siècle du pape comme le « fantôme des empereurs hantant leur ville éternelle ». À ce prestige s’ajoute celui conféré par le titre de « successeur de saint Pierre », que l'Église catholique lui reconnaît. Par ailleurs Rome était, et reste encore, un lieu de pèlerinage très fréquenté sur les tombes traditionnelles des apôtres Pierre et Paul, apôtres considérés comme les fondements de l'Église, selon le mot d'Irénée de Lyon ;
  • l’éloignement de la puissance civile et militaire : les empereurs s'installent d’abord à Ravenne, puis il ne reste plus que l’empereur installé à Constantinople ;
  • l’absence d’autre chef religieux de premier plan en Occident. Tous les patriarches sont en Orient, et le seul siège de métropolite qui ait quelque importance, celui de Carthage, est longtemps entre les mains des Vandales ariens, puis perd sa puissance ;
  • la politique active menée par des papes de forte personnalité, en particulier Grégoire le Grand, qui fut l'instigateur de la conversion des Anglo-Saxons, ou encore Léon dont l'épisode le plus connu est la rencontre avec Attila pour le dissuader d'envahir Rome. Si le pape envoie des missionnaires dans des pays lointains ou négocier face à Attila, cela manifeste désormais son indépendance politique (à Constantinople, le patriarche demeurait sous le contrôle étroit de l'empereur, donnant ainsi lieu au césaropapisme).

Prérogatives temporelles et spirituelles

Drapeau de l'État de la Cité du Vatican.

Le pape, jusqu'en 1870, a été le souverain des États pontificaux. Il est aujourd'hui souverain de l'État de la Cité du Vatican sur lequel il possède la plénitude du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Cette souveraineté sur un territoire, de dimension réduite, est la garantie d'indépendance de son pouvoir spirituel à l'égard de tous les États du monde. Le pape est avant tout le garant de l'unité et le chef visible de l'Église catholique (le Christ en étant le Chef invisible).

L'élection du pape est la prérogative exclusive du Collège des cardinaux de l'Église romaine, réunis en conclave (lieu fermé sous clefs) après la mort ou la renonciation du pape, et selon les strictes dispositions de la Constitution Universi Dominici Gregis, promulguée par le pape Jean-Paul II du 22 février 1996 (succédant à des constitutions antérieures), et par le motu proprio Constitutione Apostolica du pape Benoît XVI promulgué le 11 juin 2007. Les cardinaux sont eux-mêmes créés par le Pontife romain et sont actuellement électeurs jusqu'à l'âge de 80 ans. C'est seulement à partir du XIe siècle que l'élection du pape fut réservée aux cardinaux, (décret de Nicolas II en date du 13 avril 1059). Antérieurement, pendant le premier millénaire, l'élection du Pontife romain revenait canoniquement à l'Église de Rome, clercs et certains laïcs. Les interférences abusives du pouvoir politique finirent par pousser les papes à interdire une telle interférence.

Le pape est élu à vie, mais garde toujours la prérogative de résigner la charge apostolique ; cela s'est produit à de très rares fois, tel le pape Célestin V pour vivre dans un monastère, Grégoire XII en 1415, mais au sein du Concile de Constance dans le seul but de mettre fin au grand schisme. Il l'a fait non pas en personne, mais par la voix d'un procurateur, le , ce qui permit l'élection de son successeur Martin V, élu plus tard, le et tout dernièrement pour la troisième fois de l'histoire, le 28 février 2013 la résignation de sa charge le pape Benoît XVI pour vivre dans un monastère.

Le règne d'un pape se nomme pontificat. L'origine de ce mot tient à l'un des titres des papes : souverain pontife. La filiation de cette expression doit se trouver dans le titre du principal prêtre dans la Rome antique pontifex maximus, porté jusqu'au VIe siècle par l'empereur de Byzance.

Formellement, le pape n'est pas un « chef spirituel » : il reçoit mission du Christ (selon la foi catholique), en tant qu'évêque de Rome et successeur de l'apôtre Pierre, de veiller et de présider à l'unité de toutes les Églises locales catholiques, c'est-à-dire tous les diocèses gouvernés par les évêques en communion avec Rome (le Christ étant le Chef invisible de l'Église catholique).

Jusqu'en 800

Rome est menacée par les attaques des princes barbares : dès 410, la Ville éternelle est saccagée par les Wisigoths.

À la fin du Ve siècle, Gélase Ier envoya à l'empereur Anastase une lettre dans laquelle il réaffirme que le pouvoir des rois et celui des évêques sont dissociés, et que celui des évêques prévaut.

Au milieu du VIIIe siècle, les papes, lassés, d'une part, des querelles dogmatiques sans cesse suscitées par la politique césaropapiste des empereurs byzantins, et ne voulant plus, d'autre part, se laisser "enfermer" dans le cadre de la pentarchie qu'ils n'avaient jamais réellement reconnue (car la notion de "pentarchie" réduisait trop le Saint-Siège au rang des autres sièges patriarcaux alors qu'il exerce seul l'autorité de l'apôtre Pierre), rompent avec la tutelle politique de Constantinople. En particulier, le pape Léon III, menacé par les Lombards, n'hésitera pas alors à recourir à la puissance montante des Carolingiens, avec Pépin le Bref puis Charlemagne. La Donation de Constantin, un « faux vrai » document, formalisé à cette époque mais entérinant un pouvoir temporel attesté dans les faits au moins depuis le pontificat du pape Grégoire le Grand (590-604). Ce document faisait croire qu'en quittant la Ville, l'empereur Constantin en aurait remis le pouvoir à l'évêque de Rome, ainsi que le pouvoir (potestas) sur l'Occident. C'est Pépin le Bref qui en constitua l'embryon des États pontificaux en 754. En 800, le pape Léon III couronne Charlemagne empereur d'Occident à Rome.

À cette époque, le pape envoie des missionnaires, notamment dans les îles britanniques ainsi que dans l'est et le nord de l'Europe, afin d'évangéliser les populations païennes[23].

Pornocratie pontificale

Le Xe siècle est marqué par la période sombre de la pornocratie pontificale sous l'influence de femmes débauchées et de la famille des comtes de Tusculum.

La réforme grégorienne

La réforme grégorienne voit l'affirmation de la « monarchie pontificale » : le pape souverain, chef de l'Église universelle, exerce sur tous ses membres la plénitude du pouvoir (plenitudo potestatis), disposant des glaives spirituel et temporel. Elle révèle aussi la tendance théocratique de la papauté, formulée notamment dans le Dictatus papæ[24]. Cette « monarchie pontificale » culmine sous Innocent III, l'Église est alors considérée par tous comme une monarchie élective, universelle et absolue, assimilée à la Cité de Dieu sur la terre[25].

La lutte du sacerdoce et de l'Empire

L'histoire de la papauté est inséparable de l'évolution doctrinale de la christologie et de la baisse de puissance des empereurs romains d'Orient. Le pape cherche à affermir son pouvoir spirituel et temporel et à passer du statut de simple évêque de Rome à celui de souverain.

Pendant le Moyen Âge, le pape dut affirmer son pouvoir face à l'empereur et à la croissance des royautés. L'autre problématique concerne la définition de la souveraineté du pontife : doit-elle se limiter aux affaires spirituelles (nomination des évêques et des abbés, définition du dogme) ou bien doit-elle déborder sur la sphère temporelle ? Dans la seconde option, le pape ne peut éviter l'affrontement avec les souverains qui règnent alors en Occident.

Grand Schisme

De 1378 à 1418, ce schisme voit coexister et s'affronter deux séries de papes, l'un siégeant à Rome et l'autre à Avignon. Sur le terrain politique, il découle de l'affrontement entre la papauté et les États modernes qui se créent à la fin du Moyen Âge et que la papauté n'a plus les moyens d'assujettir.

Conciliarisme

Le conciliarisme est un mouvement de réforme qui se développe du XIVe au XVIe siècles et qui voit l'autorité suprême dans l'Église catholique passer des mains du pape à celles du concile œcuménique.

La Réforme et le concile de Trente

Caricature protestante du XVIe siècle représentant l'Église catholique romaine sous la double apparence du pape et du diable.

La Réforme protestante est un mouvement religieux qui met en cause radicalement l'existence même d'un pape.

Le concile de Trente est le dix-neuvième concile œcuménique reconnu par l'Église catholique. Convoqué par le pape Paul III en 1542, en réponse aux demandes formulées par Martin Luther[26] dans le cadre de la Réforme protestante, il débute le 13 décembre 1545. Il se déroule en dix-huit ans, sur vingt-cinq sessions, cinq pontificats (Paul III, Jules III, Marcel II, Paul IV et Pie IV ) et trois villes.

En réaction aux progrès de la Réforme protestante, il définit le péché originel, la justification, une autorité de la Bible spécifique au catholicisme romain et confirme les sept sacrements, le culte des saints et des reliques ainsi que le dogme de la transsubstantiation. Sur le plan disciplinaire, il crée les séminaires diocésains, destinés à former les prêtres. Trente est l'un des conciles les plus importants de l'histoire du catholicisme ; il est le plus abondamment cité par le concile Vatican II.

L'historienne Régine Pernoud présente ce concile comme « la coupure entre l'Église médiévale et l'Église des temps classiques[27] ».

La crise moderniste et le concile Vatican I

Plus de trois cents ans après le concile de Trente, Pie IX décide de convoquer un concile en 1869. Ce concile, le vingtième, s'ouvre en décembre 1869 et est ajourné le 20 octobre 1870 à cause de la guerre.

Vatican I affirme, par l'encyclique Pastor Æternus du 18 juillet 1870, l'infaillibilité pontificale et condamne les « idées nouvelles » issues du Siècle des Lumières au bénéfice de la primauté pontificale.

Une autre caractéristique de ce concile est d'avoir été reporté sine die du fait de l'invasion de Rome et de l'annexion des États pontificaux.

  • Encyclique Pastor Æternus Constitution dogmatique « Pastor aeternus » — 1er concile du Vatican — 18 juillet 1870 :

« C’est pourquoi, nous attachant fidèlement à la tradition reçue dès l’origine de la foi chrétienne, pour la gloire de Dieu notre Sauveur, pour l’exaltation de la religion catholique et le salut des peuples chrétiens, avec l’approbation du saint Concile, nous enseignons et définissons comme un dogme révélé de Dieu: le Pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par toute l’Église, jouit, par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église. Si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition, qu’il soit anathème. »

Le concile Vatican II et la collégialité

Le pape Jean XXIII, âgé de 82 ans, que l'on décrivait comme un pape de transition du fait de son âge lors de son élection, crée la surprise en annonçant un « aggiornamento » de l'Église catholique, c'est-à-dire un grand concile destiné à favoriser le dialogue de l'Église avec le monde moderne.

Vatican II s'ouvre le 11 octobre 1962. Parmi les grandes réformes figurent l'ouverture envers les autres religions, la possibilité d'utiliser le latin ou les langues vernaculaires pour les offices religieux et l'attention de l'Église aux problématiques sociales.

Titres pontificaux

  • Évêque sous-entendu du diocèse de la ville de Rome : (Urbis) episcopus.
  • Vicaire de Jésus-Christ (Vicarius Christi) : l'appellation est attestée du temps du pape Gélase Ier, au synode romain du 13 mai 495[28]. Au IIe siècle, est également attesté le titre de « Vicaire de Pierre », très vite tombé dans l'oubli car ecclésiologiquement erroné : d'une part, parce que le pape est le successeur, mais non l'intendant (serviteur) de Pierre ; il est même pleinement « Pierre » à son tour puisqu'il exerce la plénitude du ministère apostolique que le Christ avait accordé au « Prince des Apôtres » ; d'autre part, parce que le pape rendra compte de ses actes au Christ seul, tout comme Pierre avant lui. C'est pourquoi le titre de « Vicaire du Christ », théologiquement et ecclésiologiquement vrai, s'est imposé au cours des siècles (« vicaire », c'est-à-dire « intendant »). Innocent III se proclame en 1214 aussi bien « Vicaire du Christ » que « Vicaire de Dieu » (car la foi chrétienne reconnaît en Jésus-Christ Dieu fait homme)[29].
  • Successeur du prince des apôtres : Successor principis apostolorum.
  • Chef suprême de l'Église : Caput universalis ecclesiae.
  • Souverain pontife de l'Église universelle : Pontifex maximus.
  • Primat d'Italie : Primatus Italiae.
  • Archevêque métropolite de la Province romaine : Archiepiscopus ac metropolitanus provinciae ecclesiasticae Romanae.
  • Souverain de l'État de la Cité du Vatican : Princeps sui iuris civitatis Vaticanae.
  • Serviteur des serviteurs de Dieu : Servus servorum Dei.
  • Patriarche d'Occident : Patriarcha Occidentis (titre abandonné par Benoît XVI en 2006[30]).

En droit canonique, le pape est désigné sous l'appellation de « Pontife romain » (Pontifex Romanus), dérivé de l'appellation du grand prêtre romain (plus tard porté par les empereurs romains), en tant que représentant de Dieu sur terre : « Pontifex Maximus ».

La signature papale prend la forme « NN. PP. x » c'est-à-dire « un tel, Pontifex Primus [premier pontife], numéro tant » (ainsi, le pape Paul VI signait « Paulus PP. VI »), et son nom est fréquemment accompagné dans les inscriptions par les abréviations « Pont. Max » ou « P.M. » — abréviation de l'ancien titre hérité de l'Antiquité latine Pontifex Maximus, littéralement « le bâtisseur suprême de ponts » (entre Dieu et les hommes). Le Christ est le Pontife suprême et éternel entre Dieu et l'humanité. « Pontifex Maximus », concernant le pape, se traduit habituellement en français par « Souverain Pontife ».

Les bulles, décrets et constitutions du pape sont signés « NN. Episcopus Ecclesia Catholicæ » (« NN. Évêque de l'Église catholique »), alors qu'elles débutent par l'appellation « NN. Episcopus Servus Servorum Dei » (« NN. Évêque, serviteur des serviteurs de Dieu »), ce dernier titre datant du pape Grégoire Ier le Grand.

D'autres circonstances officielles voient l'usage de titres tels que Summus Pontifex, Sanctissimus Pater (Très Saint Père — cette formule est d'usage en France pour la correspondance adressée au pape), Beatissimus Pater, Sanctissimus Dominus Noster (Notre Très Saint Père), et à l'époque médiévale Domnus [et non Dominus] Apostolicus (Seigneur Apostolique).

Paramentique et insignes pontificaux

Dans l'Église catholique, un certain nombre d'insignes sont réservés au pape :

Emblème pontifical.
  • l'anneau du pêcheur, ou anneau piscatorial (en or), représente l'apôtre Pierre en pêcheur tirant son filet plein de poisson de la mer. L'anneau piscatorial est utilisé pour sceller les brefs, les constitutions, les décrets et les encycliques ; il est personnel à chaque pape. ; le cardinal camerlingue le brise solennellement immédiatement après la mort ou en cas de renonciation du pape ;
  • la férule crucifère simple, ou crucifère triple ; c'est le bâton liturgique réservé au pape seul ; le pape tient en sa main gauche la férule crucifère triple dans les très solennelles cérémonies, par exemple lorsqu'il procède à l'ouverture et à la fermeture de la Porte Sainte lors des jubilés (habituellement tous les 25 ans) ;
  • la soutane blanche, systématiquement portée depuis saint Pie V; ce pape l'adopta en hommage à l'habit blanc de l'Ordre des Prêcheurs auquel il appartenait (autrefois le pape était souvent vêtu de rouge -mais pas obligatoirement, par exemple, le blanc était aussi utilisé- comme le sont, depuis Paul II, les cardinaux romains). Bien d'autres ecclésiastiques (prêtres ou évêques) portent aussi une soutane blanche, mais d'une forme et d'une teinte légèrement différentes de celle du pape ; sur sa soutane blanche, le pape porte aussi le camail blanc (couvrant les épaules et les avant-bras, mais dont les deux pans sont ouverts sur la poitrine) ;
  • la calotte blanche. Si beaucoup d'évêques, surtout dans les pays chauds (et non uniquement dans les pays de mission), arborent la soutane blanche, seul le pape peut faire usage de la calotte blanche. C'est donc bien un signe distinctif du souverain pontife ;
  • la ceinture blanche moirée et la simarre blanche frappée aux armes personnelles du pape ; aucun autre dignitaire ecclésiastique ne porte la ceinture blanche et la simarre blanche (pendant de la ceinture); la simarre, également moirée, est brodée des armoiries personnelles du pape régnant; ces armes, en couleurs, figurent sur chacun des deux pans de la simarre ;
  • les mules de velours rouge, en référence à la pourpre souveraine ; jusqu'à Benoît XV (1914-1922), elles étaient ornées chacune d'une croix tissée de fil d'or, pour le baisement des pieds (en tant que Vicaire du Christ). Jean-Paul II a personnellement opté, durant la seconde moitié de son pontificat, pour des escarpins de couleur brun-rouge. Le pape Benoît XVI a rétabli le strict usage des escarpins rouges ; le rituel du baisement des pieds a été progressivement abandonné durant la première moitié du XXe siècle (en approchant aujourd'hui du pape, les catholiques mettent habituellement un genou à terre, accompagné du baisement de l'anneau piscatorial) ;
  • la mozette (ou mosette) rouge. À certaines occasions (cérémonies où il siège en habit de chœur sans célébrer la messe, audiences à des chefs d'État chrétiens ou au corps diplomatique, réception de corps constitués, etc.) le pontife romain revêt la mozette (camail fermé sur la poitrine et couvrant les avant-bras). Quand le pape reçoit un chef d'État catholique, il revêt l'étole au-dessus de la mozette). La mozette se porte exclusivement sur le rochet, constituant avec lui l'habit de chœur. En automne et en hiver, le pape porte la mozette de velours pourpre bordée d'hermine; au printemps et en été, la mozette est de satin pourpre non bordée d'hermine. Une fois par an, durant la Semaine in Albis (« semaine en blanc », c'est-à-dire l'Octave de Pâques), le pape revêt la mozette de velours blanc (non pourpre), bordée d'hermine.
  • le manteau et le chapeau rouges, en référence à la pourpre souveraine, qui fut celle aussi des empereurs romain durant l'Antiquité ; le manteau papal est une pèlerine rouge jusqu'aux pieds, doublée d'un camail rouge. Le pape porte aussi parfois un manteau de coupe classique, de couleur blanche, à boutons croisés ;
  • le camauro, bonnet rouge bordé d'hermine, plus guère porté par les papes depuis Clément XIV, au XVIIIe siècle ; mais, jusqu'à Pie XII, on en coiffait les papes durant leur première exposition sur leur lit de mort, dans leur chambre personnelle (avant leur exposition solennelle en habits pontificaux dans la basilique Saint-Pierre) ; Jean XXIII porta le « camauro » épisodiquement, ainsi que Benoît XVI.

Dans le domaine liturgique, seul le pape peut célébrer de droit à l'autel majeur des quatre basiliques majeures : basilique Saint-Pierre, archibasilique Saint-Jean-de-Latran, basilique Saint-Paul-hors-les-Murs et basilique Sainte-Marie-Majeure. Un cardinal peut y célébrer, mais pour cela il reçoit un mandat d'autorisation, pratique en usage au moins depuis la Renaissance. Au XVIIe siècle, lorsqu'un cardinal célébrait à l'autel majeur d'une des quatre basiliques majeures de Rome, on affichait une indulgence papale sur l'un des piliers du ciborium pour le signifier à tous[31].

Jusqu'à Paul VI (qui en abandonna l'usage), le pape possédait encore d'autres insignes particuliers :

  • la tiare papale : coiffure non liturgique, à triple couronne (pouvoir terrestre sur les États pontificaux, pouvoir spirituel sur les âmes, pouvoir moral sur les princes). Elle n'est plus portée depuis Paul VI. Dans la première version publiée des armoiries pontificales de Benoît XVI, elle était remplacée par une mitre ; actuellement, la tiare y figure à nouveau. Dans les armoiries officielles de l'État de la Cité du Vatican, la tiare figure avec les Clefs de saint Pierre ;
  • la nappe Incarnatus est : nappe constituée de 13 morceaux de toile damassée et frangée d'or. Repliée au début de la messe, elle était dépliée après l’« Incarnatus est » du symbole de Nicée-Constantinople ;
  • le chalumeau en or utilisé pour boire au calice; mais le chalumeau est un instrument prévu pour la communion au calice en toutes circonstances. Il n'est pas propre à la messe papale ;
  • les flabelli (pluriel de flabellum) : 2 éventails à long manche, frangés à leur sommet de plumes d'autruches, qui étaient en usage dans les cérémonies solennelles, supprimés par Paul VI ;
  • le gonfanon : étendard des armées pontificales, aujourd'hui remplacé par le drapeau de la Garde suisse pontificale et celui de la Gendarmerie pontificale ;
  • la sedia gestatoria : chaise à porteurs, qui n'est plus utilisée depuis la mort de Jean-Paul Ier (qui ne l'appréciait d'ailleurs pas, et qui ne l'utilisait que sur le conseil de son maître de cérémonie, dans le seul but de pouvoir être vu de tous), et que Jean-Paul II a remplacée par la papamobile.

N.B.

  • Les clefs de Saint Pierre qui figurent sur les armes pontificales sont un emblème héraldique dont la signification est symbolique et spirituelle, faisant référence à l'Évangile (Matthieu 16,19 : Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les Cieux). Elles concernent le pouvoir spirituel du pape, ce qui est également appelé « Pouvoir des Clefs ».

Mode d'élection

En termes de droit canonique, le pape est investi de sa charge directement par le Christ ; il ne tire la légitimité de sa charge ni de la succession des papes précédents, ni même du collège qui procède à son élection. Ce qui fait qu'un pape ne peut pas se donner un coadjuteur, ni choisir le pape suivant, ni interférer dans son élection[32]. De même, il ne saurait recevoir de mandat impératif du collège des cardinaux qui procède à son élection, malgré une tentative historique infructueuse d'obliger un futur pape à s'engager à respecter des capitulations.

La Constitution apostolique Universi Dominici Gregis publiée par Jean-Paul II le 22 février 1996 règlemente dans les détails la procédure à suivre à la mort d'un pape (ou sa renonciation)[33] jusqu'à l'élection du suivant[34].

Collège électoral

Il est composé des cardinaux âgés de moins de quatre-vingts ans. Le pape Paul VI en avait fixé le nombre maximal à cent vingt, nombre que Jean-Paul II a confirmé par la constitution apostolique du 22 février 1996.

Éligibilité

Elle n'est pas précisée par Universi Dominici Gregis. Néanmoins, la constitution apostolique sous-entend :

  • que le pape est forcément un homme — non une femme.
  • qu'il est prêtre catholique — le document n'envisage pas le cas contraire.

En revanche, Universi Dominici Gregis envisage que le nouveau pape ne soit pas évêque et prévoit une ordination épiscopale immédiate (ce qui eut lieu lors de l'élection du pape Grégoire XVI, qui était cardinal, simple prêtre, mais non évêque). Elle mentionne également qu'il n'est pas nécessaire d'être présent au Vatican pour être élu. Nul cardinal ne peut se déclarer « candidat », sous peine d'excommunication majeure latæ sententiæ. L'élection pontificale ne comporte donc aucune « campagne », aucune « candidature », de quelque nature qu'elles soient : c'est un acte de l’Église strictement spirituel et liturgique. L'élu peut accepter ou refuser son élection. S'il l'accepte, on lui demande immédiatement de quel nom pontifical il veut être appelé. Ce changement de nom signifie que les actes de l'élu ne sont plus désormais ceux d'une personne à titre privé, mais les actes, par définition apostoliques, du Souverain Pontife.

Bien qu'en pratique, à l'époque moderne, le collège des cardinaux correspond à celui des ecclésiastiques éligibles, ce fait n'est pas pour autant une règle. En effet, sur le plan théorique, et en se référant à la Constitution Universi Dominici Gregis promulguée par Jean-Paul II, tout prêtre catholique peut être élu pape si la majorité requise des cardinaux opte pour lui.

Élection pontificale

À la mort (ou en cas de renonciation) du pape, les cardinaux se réunissent en conclave à la chapelle Sixtine suivant un mode particulièrement réglementé [34].

Le nombre des cardinaux électeurs ne peut pas dépasser 120.

Avant chaque scrutin, deux ou trois bulletins de vote sont distribués aux cardinaux électeurs, puis un tirage au sort est effectué pour désigner parmi eux trois scrutateurs, trois délégués pour recueillir les votes des malades, et trois réviseurs ; ce tirage au sort est fait publiquement par le dernier cardinal diacre.

Débute ensuite le scrutin proprement dit, les cardinaux électeurs ont à leur disposition des bulletins de vote rectangulaires pouvant être pliés en deux comportant sur la partie supérieure l'inscription « Eligo in Summum Pontificem », le cardinal inscrit le nom de l'élu dans la partie inférieure.

Chaque cardinal se dirige ensuite vers l'autel de la chapelle où est placé un calice recouvert d'un plateau sur lequel il dépose son bulletin plié en deux. Il prononce alors la formule : « Je prends à témoin le Christ Seigneur, qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu », puis fait glisser son bulletin dans le calice.

Dès que tous les cardinaux électeurs ont voté, les scrutateurs procèdent au dépouillement et au décompte des voix. Une fois dépouillé chaque bulletin est enfilé à l'aide d'une aiguille le long d'un fil. Pour être élu, il faut obtenir deux tiers des voix. Si cette majorité n'est pas atteinte, les bulletins ainsi que toutes les notes des cardinaux sont brûlés dans le poêle de la chapelle Sixtine et un fumigène ajouté pour donner une fumée noire et un nouveau scrutin est organisé, aussi souvent que nécessaire à l'obtention d'une majorité des deux tiers.

Si la majorité des deux tiers est atteinte, le cardinal doyen pose plusieurs questions à l'élu. « Tout d'abord, Acceptez-vous votre élection canonique comme souverain pontife ? » Et aussitôt qu'il a reçu le consentement, il lui demande : « De quel nom voulez-vous être appelé ? »

Si l'élu n'est pas encore évêque, il est consacré immédiatement.

Les bulletins de vote et les notes des cardinaux sont alors brûlés dans le poêle de la chapelle de façon à produire une fumée blanche. Le décompte des voix est remis au pape et est ensuite conservé dans les archives du Vatican, dans une enveloppe scellée qui ne peut être ouverte par personne, sauf autorisation expresse du souverain pontife.

Le conclave prend fin aussitôt après que le nouveau souverain pontife a donné son consentement à son élection.

Les cardinaux ont l'interdiction de dévoiler des renseignements sur le déroulement de l'élection sous peine d’excommunication.

Habemus papam

Actes pontificaux[35]

Le siège pontifical émet divers types d'actes, suivant l'importance du sujet traité et la nature des destinataires :

  • La bulle (du latin bulla, le sceau) est un document scellé. Une bulle désigne habituellement un décret du pape rédigé en forme solennelle, et scellé soit d'une boule de métal (d'où elle tire son nom), soit plus simplement d'un cachet de cire. La bulle pontificale est normalement un décret traitant du gouvernement de l'Église, et présentant un intérêt public (contrairement au bref apostolique, à caractère privé). La qualification de « bulle » fait référence à la forme suivant laquelle le document est émis ; et cette forme peut concerner des documents de nature différente. C'est la forme normalement employée pour convoquer un concile et en publier ses décrets.
  • Le bref apostolique est un acte administratif d'Église, un rescrit du Saint-Siège appelé ainsi à cause de sa brièveté. Ne contenant ni préambule, ni préface, il ne comporte que ce que le pape accorde. Le bref est d'importance moindre qu'une bulle. Il porte sur une décision ou une déclaration, mais ayant en principe un caractère privé. Formellement, au sens strict, c'est un document scellé par l'anneau du pêcheur, marquant l'autorité du pape. Il est scellé de cire rouge, et est souscrit par le secrétaire du pape.
  • La lettre apostolique s'apparente à une exhortation apostolique pour ce qui est du fond. Dans la forme, elle s'en distingue car une lettre apostolique est adressée à un destinataire particulier, et non à l'ensemble des évêques comme pour une exhortation apostolique ou une encyclique. C'est l'équivalent d'une lettre ouverte publiée par le pape parce qu'elle est d'un intérêt général pour l'Église.
  • L'encyclique (lettre circulaire) est une lettre formellement adressée par le pape à tous les évêques. Une encyclique se rattache normalement à la mission d'enseignement du pape, elle est destinée à exposer à ses destinataires la position officielle de l'Église romaine sur un thème donné. Le plus souvent, le thème abordé est traité abstraction faite de questions d'actualité, ce qui donne à l'enseignement une portée générale et relativement permanente. Cependant, l'opportunité de traiter un thème particulier est souvent appréciée en fonction de l'état du monde; et les encycliques comportent parfois des mises en garde plus précises, voire des condamnations spécifiques. Bien que formellement destinée aux évêques, la lettre s'adresse en pratique à tous les fidèles de l'Église, confiés à l'enseignement de leur évêque respectif, et présente un intérêt pour toute personne intéressée par la position de l'Église. L'encyclique est un texte de référence sur la position de l'Église, mais sauf précision contraire, elle n'engage pas l'infaillibilité pontificale : un fidèle reste libre de ne pas suivre cet enseignement, si sa conscience le lui dicte, tout en restant dans l'Église.
  • La constitution apostolique (du latin constitutio apostolica) est en diplomatique vaticane un acte émanant du pape. Le terme constitution correspond ici à un sens large, et désigne un texte équivalent à une loi dans le domaine civil. Le qualificatif apostolique signifie simplement quelle est issue du siège apostolique ; une constitution apostolique est une loi que le pape promulgue au titre de son autorité de gouvernement général sur l'Église. Sont désignés ainsi les décisions les plus importantes du souverain pontife concernant la foi, les mœurs, l'administration de l'Église (par exemple, la constitution apostolique Sacrae disciplinae leges du 25 janvier 1983 promulgue le nouveau code de droit canonique). Elles se présentent souvent sous forme de bulles.

Sources

Références

  1. Jean-Michel Meurice, Le Vrai Pouvoir du Vatican : Enquête sur une diplomatie pas comme les autres, Albin Michel, , p. 13-15
  2. « Élection de Théodore II », sur orthodoxie, (consulté le )
  3. « L'archevêque argentin Bergoglio devient le pape François », Le Monde, (consulté le )
  4. « L'Argentin Jorge Mario Bergoglio devient le nouveau pape François Ier », Le Nouvel Observateur, (consulté le )
  5. Claire Chartier, « François 1er, pape de la Renaissance ? », L'express.fr, (consulté le )
  6. Tanguy de l'Espinay et Pasca Dronne, « Le pape François va rendre visite à son prédécesseur Benoît XVI », Le Parisien, (consulté le )
  7. Richard E. Rubenstein, Le jour où Jésus devint Dieu, Paris, Bayard, 2000
  8. Philippe Levillain, Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, 2003, s. v. « Pape ».
  9. Orazio Marucchi, Christian epigraphy, éd. Cambridge University Press Publication date, 1912, p. 207, retranscription de l'inscription en ligne
  10. Grégoire d'Auxerre, mort à 84 ans en 518, a parfois été cité comme pape dans les martyrologes peu détaillés. Voir Jean Lebeuf (abbé), Mémoire concernant l’histoire ecclésiastique et civile d’Auxerre, vol. 1, Auxerre, Perriquet, , 886 p. (lire en ligne), p. 108
  11. (en) Philippe Levillain, The Papacy. An Encyclopedia, vol. 2, éd. Routledge, 2002, p. 1227, extrait en ligne
  12. Voir, par exemple, l'épître attribué à Clément de Rome de la fin du Ier siècle
  13. Expression latine signifie, mot à mot, « au seuil des Apôtres ». Faire un pèlerinage ad limina apostolorum, se rendre à Rome
  14. Michel-Yves Perrin in Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté. 2000 ans de mission et de tribulations, éd. Tallandier/Seuil, 2003, p. 22-23
  15. « Moi, N., évêque, serviteur des serviteurs de Dieu »
  16. (en) Saint Augustine, The Retractions (The Fathers of the Church, Volume 60), CUA Press, (ISBN 9780813211602, lire en ligne)
  17. a b et c Michel-Yves Perrin in Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté. 2000 ans de mission et de tribulations, éd. Tallandier/Seuil, 2003, p. 35
  18. certains traduisent « de son autorité plus forte »
  19. La traduction de ce passage est malaisée et controversée
  20. Michel-Yves Perrin in Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté. 2000 ans de mission et de tribulations, éd. Tallandier/Seuil, 2003, p. 37
  21. Michel-Yves Perrin in Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté. 2000 ans de mission et de tribulations, éd. Tallandier/Seuil, 2003, p. 38
  22. Des origines au Ve siècle. Naissance de la Rome chrétienne, in Le monde de la Bible, hors série automne 2007
  23. Le monde de la Bible, Bayard, numéro hors-série : « Aux origines de la papauté moderne »
  24. (en) Adrian H. Bredero, Bernard Of Clairvaux, Continuum International Publishing Group, (lire en ligne), p. 153
  25. Jean François André, Histoire politique de la monarchie pontificale au XIVe siècle, Varon, , 515 p.
  26. Annick Sibué, Luther et la Réforme protestante, Paris, Eyrolles, 2011
  27. Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge, éd. Seuil, 1977, p. 159.
  28. Claude-Henry Du Bord, Le christianisme : Histoire, courants, cultures, Eyrolles, (lire en ligne), p. 79
  29. (en) Philip Schaff, History of the Christian church, Volume 5, C. Scribner's sons, , p. 36
  30. article de Zénit du 22 mars 2006 : Benoît XVI renonce au titre de « patriarche d’Occident », devenu « obsolète » sur le site catholique.org
  31. Cf. Dom Jean Mabillon, « Iter italicum ».
  32. Carlo Fantappiè, Papauté, vacance du siège et "pape émérite". Équivoques à éviter, cité par Sandro Magister, site Chiesa, L'Espresso
  33. La renonciation du pape est prévue dans le droit canon (paragraphe 332 § 2 du Code de Droit Canonique). Voir : Code de droit canonique (1983) sur le site de la Revue de droit canonique - Strasbourg
  34. a et b (fr) « Universi dominici gregis », sur http://www.vatican.va, Saint-Siège, (consulté le )
  35. Source : Site du diocèse de Poitiers.

Bibliographie

  • Yves-Marie Hilaire, Michel Perrin et Michel Rouche, Histoire de la papauté. 2000 ans de missions et de tribulations, éd. Seuil/Tallandier, coll. Points/Histoire, 2003, compte-rendu en ligne
  • Philippe Levillain, Dictionnaire historique de la papauté, Fayard,
  • (it) Claudio Rendina, I Papi, Storia e Segreti, Newton Compton, Roma, 1983
  • Jean-Louis Bachelet, La vie cachée des papes. Vices, excès & grandeurs de quelques successeurs de saint Pierre, La Librairie Vuibert, 2015
  • Jeannine Siat, Pierre et ses successeurs : histoire des premiers papes du Ier au VIIe siècle, Salvator, , 284 p. (ISBN 978-2706711633)

Annexes

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Articles connexes

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