Aller au contenu

Kuwasi Balagoon

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 22 septembre 2022 à 07:09 et modifiée en dernier par WikiCleanerBot (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Kuwasi Balagoon
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 39 ans)
Nom de naissance
Donald WeemsVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Autres informations
Membre de
Mouvements
Condamné pour

Kuwasi Balagoon, né Donald Weems, ( - ) est un membre du Black Panther Party, puis de la Black Liberation Army, qui évolua vers l'anarchisme.

Biographie

Enfance et éducation

Donald Weems naît dans le village noir de Lakeland du comté du Prince George, dans le Maryland, le 22 décembre 1946. Au début des années 1960, il est influencé par Gloria Richardson (en), qui mène la lutte pour les droits civiques des personnes noires dans le Maryland. Le mouvement qu'elle mène, le mouvement Cambridge, est surtout connu pour son refus de la résistance passive et son choix de l'auto-défense active comme tactique[1].

Après le lycée, Weems intègre l'armée américaine et est déployé en Allemagne, où il est victime de racisme et d'agressions de la part d'officiers blancs. Il fonde, avec d'autres soldats noirs, un groupe secret appelé « Da Legislators », qui effectue des raids de vengeance. Pendant qu'il vit en Europe, Weems visite Londres où il rencontre des personnes noires et britanniques, africaines ou caribéennes. Il commence alors à adopter un mode de vie afrocentré. Après trois ans de service, il quitte l'armée avec les honneurs en 1967 et s'installe à New York, où vit sa soeur Dianne[1].

Militantisme et nationalisme noir

Weems s'installe à New York où il devient rapidement militant, commençant par participer à un syndicat de locataires, le Community Council on Housing (CCOH), et par organiser des grèves de paiement du loyer. En 1967, sa soeur et lui, deux autres locataires d'appartements et le dirigeant du CCOH Jesse Gray sont arrêtés à Washington pour avoir interrompu une session du congrès et amené une cage remplie de rats pour illustrer les conditions de vie des appartements urbains. Le CCOH perd tous ses fonds au cours de la procédure judiciaire qui s'ensuit et se dissout[1].

Il rejoint alors le Central Harlem Committee for Self-Defense, un groupe qui fournit de l'eau et de la nourriture aux groupes étudiants qui participent à l'occupation de l'université Columbia de 1968 (en). À la même époque, il s'implique dans l'African Theological Archministry, un temple yoruba traditionnel dirigé par Adefunmi (en). Adefunmi soutient le nationalisme noir et encourage ses fidèles à s'africaniser. C'est sous cette influence que Donald Weems se renomme en Kuwasi Balagoon : Kuwasi est un prénom ghanéen désignant un homme né un dimanche, et le mot Balagoon signifie seigneur de guerre en yoruba[1].

À la fin des années 1960, Balagoon s'implique de plus en plus dans le mouvement Black Power et se penche sur le nationalisme noir. Il explique que « [je suis] devenu un révolutionnaire et j'ai accepté la doctrine du nationalisme en réponse au génocide pratiqué par le gouvernement des États-Unis »[a 1]. Il s'inspire de Malcolm X, de Robert F. Williams et de H. Rap Brown (en) et estime que la seule façon d'atteindre la libération des personnes noires est une guérilla. Il intègre alors le Black Panther Party, qu'il a découvert en octobre 1967 avec l'arrestation de Huey P. Newton[1]. Il cite l'adoption du maoïsme par les Black Panthers comme une de ses raisons de s'y impliquer[1].

Black Panthers

En février 1969, Balagoon et Richard Harris, un autre membre du BPP à New York, sont arrêtés à Newark et accusés d'avoir braqué une banque. Pendant qu'il est en prison en attendant son jugement, le 2 avril 1969, il est inculpé d'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes avec vingt autres membres des Black Panthers, dans ce qui deviendra le cas des Panther 21[2]. La plupart des accusés sont libérés en échange d'une caution ayant été fixée à la somme de 100 000 dollars pour chacun, somme énorme dépassant celle ordonnée par la suite pour des militants blancs soupçonnés d'avoir organisé des attentats et inhabituelle pour des accusés dénués de casier judiciaire[3]. Sekou Odinga et lui-même sont accusés d'avoir essayé d'assassiner des policiers new-yorkais et n'ont pas droit à une libération sous caution. La défense de Balagoon établit que l'accusation est fondée sur le témoignage de Joan Bird, une membre des Black Panthers qui aurait fait ses aveux sous la torture[4]. Odinga parvient à s'évader et rejoint Eldridge Cleaver en Algérie[1].

La première semaine d'octobre 1970, attendant toujours le jugement, des membres du Black Panther Party, dont Balagoon, provoquent des émeutes simultanées dans deux prisons[1],[5],[6]. Balagoon est en prison dans le Queens avec Lumumba Shakur et Kwando Kinshasa. Ensemble, ils prennent sept otages. Pendant que les autorités tentent de négocier avec les mutins, qui exigent des procès plus rapides et des meilleures conditions de vie en prison, Balagoon essaie de s'assurer que les décisions sont prises par consensus. Il estime que les prisonniers donnent trop de pouvoir aux Black Panthers et ne prennent pas assez d'initiatives, mais il exprime sa conviction que les émeutes, qui se soldent par un échec, ont quand même prouvé que des personnes normales peuvent remettre en question le pouvoir de l'État[1].

Balagoon est acquitté avec les autres Panther 21, mais condamné pour le braquage du New Jersey en octobre 1971. Il plaide coupable et est condamné à une peine d'emprisonnement de 23 à 29 ans[7],[8].

Anarchisme

Balagoon remet en question la direction du BPP, surtout quand Geronimo Pratt est expulsé du parti quand il est arrêté pour le meurtre de Caroline Olsen, dont le jugement est annulé en 1997[9]. Les Panthers des côtes ouest et est continuent à se diviser, entre autres sur le choix du panafricanisme ou de l'internationalisme. Quand la direction californienne du parti renvoie les New Yorkais Dhoruba bin Wahad (en), Michael Tabor et Connie Matthews, le chapitre local se sépare officiellement de l'organisation nationale[1].

Balagoon est en prison, mais se tient au courant des nouvelles et les trouve désespérantes. Il s'intéresse alors de plus en plus à l'anarchisme, comme d'autres Black Panthers emprisonnés avec lui. Il accuse le BPP d'avoir oublié les combats quotidiens des personnes noires en Amérique du Nord et de ne plus se concentrer que sur la défense de ses membres accusés de crimes. Il intègre alors la Black Liberation Army, qui cherche à mener une guerre clandestine contre l'État[1].

Dans les années 1970, Balagoon intègre la Republic of New Afrika.

Le 27 septembre 1973, Balagoon s'échappe de prison et commence une cavale de huit mois. Il est arrêté quand il tente d'aider Richard Harris à s'évader pendant un enterrement pour lequel Harris a le droit de sortir de prison temporairement. Balagoon et Harris sont tous deux blessés par balle par des policiers et retournent en prison. Pendant la suite de sa peine, Balagoon lit des anarchistes comme Wilhelm Reich, Emma Goldman, Errico Malatesta, Buenaventura Durruti et Severino Di Giovanni et tente d'appliquer leurs réflexions à la cause noire. Il rejoint également la Republic of New Afrika et commence à se décrire comme un « New Afrikan Anarchist »[1].

Le 27 mai 1978, Balagoon s'évade de la prison de Rahway dans le New Jersey et est accompagné par la Black Liberation Army et Sekou Odinga. Le 2 novembre 1979, avec la BLA et la May 19th Communist Organization, il participe à l'évasion d'Assata Shakur[1], condamnée pour le meurtre du policier Werner Foerster en 1973[10].

Vol

En janvier 1982, Balagoon est arrêté et accusé d'avoir participé au cambriolage d'un camion blindé Brink's le 20 octobre 1981[11]. Au cours du cambriolage, le coursier Peter Paige et les policiers Waverly Brown et Edward O'Grady II sont tués[12],[13]. Il est jugé avec David Gilbert et Judith Alice Clark (en), deux complices blancs[14]. Il refuse d'être défendu par un avocat et décide de se représenter lui-même, utilisant sa plaidoirie pour rejeter l'autorité de la cour et se présenter comme un prisonnier de guerre[1]. Sekou Odinga, appelé comme témoin, confirme que Balagoon et lui ont été responsables du cambriolage et que les morts étaient « justifiées », alors qu'aucun accusé n'avait plaidé coupable jusque-là[15].

Balagoon est condamné à 75 ans de prison, soit une condamnation à perpétuité[16]. Il écrit : « Quant aux soixante-quinze ans de prison, ils ne m'inquiètent pas vraiment, non seulement parce que je n'ai pas pour habitude de purger mes peines en entier ni d'attendre une libération conditionnelle ou d'autres absurdités du genre, mais aussi parce que l'État ne durera de toute façon pas soixante-quinze ou même cinquante ans. »[a 2][17]

Fin de vie

Au début des années 1980, Balagoon encourage le meurtre de membres de la BLA qui ont dénoncé leurs anciens camarades à la police. Dans la même interview, il fait l'apologie des attentats de Beyrouth du 23 octobre 1983[18].

Il meurt en prison de pneumocystose, une maladie causée par le Syndrome d'immunodéficience acquise, le 13 décembre 1986, à 39 ans[19].

Postérité

Bisexualité

Pendant sa vie, Balagoon est ouvertement bisexuel. Or, après sa mort, de nombreux groupes dont la New Afrikan People's Organisation omettent cette information et la cause de sa mort de leurs nécrologies[20].

En 2020, l'organisation Black and Pink, dédiée à l'abolition de la prison et au soutien des prisonniers LGBTQ et séropositifs, remet un prix Kuwasi Balagoon pour les activistes séropositifs[21].

Écrits

Balagoon écrit plusieurs textes en prison, la plupart d'entre eux étant publiés puis distribués par des réseaux de soutien aux prisonniers dans les années 1980 et 1990[22]. En 2019, PM Press publie une collection d'essais, Kuwasi Balagoon: A Soldier's Story[23].

Notes et références

Citations en anglais

  1. « [I] became a revolutionary and accepted the doctrine of nationalism as a response to the genocide practised by the United States government »
  2. « As to the seventy-five years in prison, I am not really worried, not only because I am in the habit of not completing sentences or waiting on parole or any of that nonsense but also because the State simply isn't going to last seventy-five or even fifty years. »

Références

  1. a b c d e f g h i j k l m et n (en) Akinyele K. Umoja, « Maroon: Kuwasi Balagoon and the Evolution of Revolutionary New Afrikan Anarchism », Science & Society, vol. 79, no 2,‎ , p. 196–220 (ISSN 0036-8237, DOI 10.1521/siso.2015.79.2.196, lire en ligne, consulté le )
  2. Edith Evans Asbury, « 16 Black Panthers Go on Trial Tomorrow in State Court Here », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Murray Kempton, The briar patch : the trial of the panther 21, Da Capo Press, (ISBN 0-306-80799-8 et 978-0-306-80799-2, OCLC 37043921, lire en ligne)
  4. Edith Evans Asbury, « Lawyer for Joan Bird Says She Was 'Worked Over' by Police », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. John Sibley, « Prisoners Seize Hostages, Take Over Jail in Queens », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. Paul L. Montgomery, « 28 Indicted Here For Role in Rioting At Detention Houses », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Black Liberation Army member Donald Weems, wanted on murder », United Press International,‎
  8. Juan M. Vasquez, « One of Panther 21 Admits Helping Antipolice Sniper », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. « Former Black Panther leader dies », Irish Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. David Jones, « New Jersey trooper's killer is first woman on FBI most wanted terror list », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. « 3 IN BRINK'S CASE GIVEN LONG TERMS », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. « Memorial marks 40 years since deadly Brink's armored car robbery at Nanuet mall », ABC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. « SKETCHES OF VICTIMS OF SHOOTINGS; Sgt. Edward O'Grady », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « 3 GO ON TRIAL TODAY IN GOSHEN IN '81 BRINK'S SLAYINGS », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. Robert Hanley, « Witness calls Brink's killings justified », New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. Associated Press, « THE CITY; Defendant Guilty In 2d Brink's Case », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. Kuwasi Balagoon, « Kuwasi Balagoon: Letters from Prison », (consulté le )
  18.  Kuwasi Balagoon interview on WPIX News (), WPIX
  19. "Freedom Song Building an Icon Out of Kuwasi Balagoon"
  20. Akinyele Umoja, « Maroon: Kuwasi Balagoon and the Evolution of Revolutionary New Afrikan Anarchism », Guilford Press, vol. 79, no 2,‎ , p. 196–220 (ISSN 0036-8237, OCLC 5798110341, DOI 10.1521/siso.2015.79.2.196, lire en ligne, consulté le )
  21. « Black & Pink's Inaugural Kuwasi Balagoon Awards, Celebrating Those Thriving with HIV/AIDS », sur Black and Pink (consulté le )
  22. Kuwasi Balagoon, Letters from Prison (lire en ligne)
  23. « A Soldier's Story: Revolutionary Writings by a New Afrikan Anarchist, Third Edition », sur pmpress.org (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Audiovisuel

  • Joel Sucher, Steven Fischler, Anarchism in America, The National Endowment for the Humanities, Pacific Street Film Projects, 1981, voir en ligne.

Liens externes