Baptême civil en France
Le baptême civil ou parfois baptême républicain ou parrainage républicain est, en France, une façon de célébrer la naissance d'un enfant en dehors de toute référence religieuse, dans le respect de la laïcité.
Il a lieu à l'hôtel de ville, mais la mairie n'a pas l'obligation de le célébrer car il n'a pas de valeur légale. Il répond néanmoins au besoin des parents de transmettre des valeurs républicaines à leur enfant, et de marquer sa naissance par des festivités.
Trouvant son origine dans la Révolution française, il a connu une popularité variable depuis, parfois encouragé par des municipalités socialistes ou communistes, sur fond d'anticléricalisme.
Définition
[modifier | modifier le code]Le baptême civil a lieu à l'hôtel de ville, mais la mairie mais n'a pas l'obligation de le célébrer[1]. En effet, sur le plan juridique, cette forme de baptême laïque n'est mentionnée par aucun texte et n'a donc pas de valeur légale. En particulier, les parrains et marraines ne sont soumis à aucune obligation[1]. N'étant pas un acte d'état civil, il ne figure pas dans ses registres[1].
Cette cérémonie correspond néanmoins à des valeurs républicaines défendues par les parents de l'enfant. Ludovic Naudeau écrit à ce sujet : « Souvent les familles éprouvent le besoin de marquer néanmoins par des festivités l'existence de leur rejeton, et alors elles organisent ce que l'on appelle ici un baptême civil[2]. »
Avec la démocratisation de la cérémonie laïque de mariage, de plus en plus de couples choisissent d'organiser une cérémonie laïque de baptême ou parrainage laïque. Elle offre un espace de personnalisation et libère des contingences administratives pour un moment fort en émotions.
Histoire
[modifier | modifier le code]Le baptême civil ou baptême républicain, ou encore parrainage civil, est institué par la loi du 20 prairial an II () relative aux actes d'état civil, réservés aux municipalités[3]. Peuvent être baptisés civilement tous les mineurs de moins de 13 ans, mais les parrains et marraines doivent, eux, être majeurs[4]. Fouché l'avait institué : « À Nevers, ce nouveau pape est le premier à introduire dans le pays le baptême civil pour sa fille qu'il appelle Nièvre du nom du département[5]. »
Il tombe en désuétude au XIXe siècle, mais est relancé en 1892 par la municipalité socialiste de Saint-Denis, afin de « soustraire la jeunesse à l'influence néfaste des religions déistes qui atrophient et faussent son intelligence[6] » Le baptême, même s'il a lieu à la mairie de Saint-Denis, n'est pas célébré par le maire, mais par le "président de la société des baptêmes civils", Anthelme Monneret ; l'acte de baptême mentionne la date du calendrier républicain et contient l'engagement du parrain et de la marraine d'inculquer "des sentiments de fraternité propre à faire de l'enfant un bon citoyen et un bon républicain[7]."
Le baptême civil devient très en vogue à la Belle Époque dans le nord de la France, avant de se raréfier. Il a toujours cours au XXIe siècle dans certaines municipalités et connait un regain de célébrations. À Rennes, on compte environ 80 parrainages par an. Pour 2015, on en recense 181 à Lyon, 135 à Nantes (+15 %), une douzaine à Vesoul en 2016, 325 à Paris mais dans seulement 13 des 20 mairies d'arrondissement, les municipalités pouvant aussi refuser de célébrer ce type de cérémonie[4].
En , l'amendement no 434 au projet de loi « Égalité et citoyenneté » est présenté, afin de donner un cadre légal à cette pratique[8]. L'article 42 qui en résulte[9] est censuré par le Conseil constitutionnel pour raison de procédure[10].
Baptême rouge
[modifier | modifier le code]Dans les années 1920, dans les municipalités communistes de la région parisienne, avaient parfois lieu une cérémonie similaire, appelée « baptême rouge » qui est allée jusqu'à faire l'objet d'actes signés et enregistrés dans les archives municipales[11]. Par exemple, le , lors d'une telle cérémonie, la municipalité de Bobigny fit entonner des chants anticléricaux devant l'église Notre-Dame-du-Bon-Secours[12]. Un « baptême rouge » a lieu à Cusset en [13].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Quelle est la valeur juridique du baptême civil ? », sur service-public.fr, Direction de l'information légale et administrative, .
- Ludovic Naudeau, La France se regarde : Le problème de la natalité, Paris, Librairie Hachette, , 470 p. (BNF 34013715).
- Guidoni 2004.
- Catherine Rollot, « Les bébés baptisés par la République », Le Monde, (consulté le ).
- Stefan Zweig, Joseph Fouché, Paris, Grasset, , p. 46. Nièvre Fouché naquit en 1793.
- Pierre-Brice Lebrun, Guide pratique du droit de la famille et de l'enfant en action sociale et médico-sociale, Paris, Dunod et La Gazette santé sociale, coll. « Guides d'action sociale », , 370 p. (ISBN 978-2-10-054470-7), p. 284.
- La Libre Parole, 23 septembre 1892, p.3. L'article transcrit l'intégralité de l'acte de baptême civil en date du 1er vendémiaire, l'an 101 de la République (22 septembre 1892) de Jules Louis Lhomme, né à Saint-Denis.
- « Amendement no 434 (adopté) » sur nosdeputes.fr.
- Texte de la loi adoptée définitivement par l'assemblée nationale, consulté le 20 mars 2017.
- Décision no 2016-745 DC du , site du conseil constitutionnel, consulté le 20 mars 2017.
- Jonathan Barbier et Antoine Mandret-Degeilh, Le travail sur archives : Guide pratique, Malakoff, Armand Colin, , 281 p. (ISBN 978-2-200-62105-6, lire en ligne).
- Le patrimoine des communes de la Seine-Saint-Denis, Charenton-le-Pont, Flohic, coll. « Le patrimoine des communes de France » (no 93), , 413 p. (ISBN 2-908958-77-5), p. 73.
- Haksu Lee, « Culture bourbonnaise, culture communiste (1920-1939) », Études rurales, nos 171-172, , p. 147–157 (DOI 10.4000/etudesrurales.8098, lire en ligne).
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Rachel Guidoni, « Le parrainage civil : Une pratique française revisitée », Ateliers d'anthropologie, no 28, , p. 9–38 (DOI 10.4000/ateliers.8452, lire en ligne).
- Vincent Gourdon, « L'affirmation d'un rite familial : Premiers résultats d'une enquête sur les baptêmes civils auprès des municipalités de Charente-Maritime », Écrits d'Ouest, no 13, , p. 169–198 (HAL halshs-00174650).
- Antoine Mandret-Degeilh, « S'unir à la mairie : Les rites d'alliance dans la France du XXIe siècle, § L'essor du baptême républicain », dans Jacques Cherblanc (dir.), Rites et symboles contemporains : Théories et pratiques, Québec, Presses universitaires du Québec, , 206 p. (ISBN 978-2-7605-2983-0), p. 160–165 [lire en ligne].
- Antoine Mandret-Degeilh, « Le baptême républicain : Entre usages institutionnels et usages profanes des symboles républicains », dans Évelyne Cohen (dir.) et Gérard Monnier (dir.), La République et ses symboles : Un territoire de signes (colloque Un territoire de signes, les manifestations de la symbolique républicaine de la Révolution à nos jours, Institut national d'histoire de l'art, Paris, -), Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe – XXe siècles » (no 73), , 439 p. (ISBN 978-2-85944-747-2, DOI 10.4000/books.psorbonne.58557, HAL hal-02408429), p. 263–274.
- Antoine Mandret-Degeilh, « Le baptême républicain, un baptême catholique comme les autres ? : Une histoire des pratiques baptismales séculières en France depuis la Révolution française », dans Guido Alfani (dir.), Vincent Gourdon (dir.) et Isabelle Robin (dir.), Le parrainage en Europe et en Amérique : Pratiques de longue durée (XVIe – XXIe siècle), Bruxelles, Peter Lang, coll. « Histoire des mondes modernes » (no 1), , 487 p. (ISBN 978-2-87574-289-6, HAL halshs-01264229), p. 459–482.
- Jacqueline Lalouette, « Les baptêmes républicains de la Révolution à nos jours », dans Marie-France Morel (dir.), Accueillir le nouveau-né, d'hier à aujourd'hui (4e colloque de la Société d'histoire de la naissance, Sablé-sur-Sarthe, -), Toulouse, Érès, coll. « 1 001 BB : bébés au quotidien » (no 134), , 388 p. (ISBN 978-2-7492-3911-8, DOI 10.3917/eres.morel.2013.01.0287, lire en ligne), p. 287–306.
Point de vue théologique chrétien :
- Bernard Kaempf, « Le “baptême” républicain », dans Rites et ritualités (3e congrès de théologie pratique, Strasbourg, 1998), Le Cerf, Lumen Vitae, Novalis, coll. « Théologies pratiques », , 435 p. (ISBN 2-204-06394-0, 2-87324-139-X et 2-89507-098-9), p. 339–345.