Cycnos fils de Poséidon
Dans la mythologie grecque, Cycnos (en grec ancien Κύκνος / Kúknos, en latin Cygnus, « cygne »), fils de Poséidon et de Calycé, fille d'Hécato, est roi de Colones en Troade, au sud-ouest de Troie, vis-à-vis de l'île de Ténédos[1],[2],[3]. Son royaume est contigu à celui de Troie[4]. Il a la réputation d'être invulnérable. Il est tué par Achille durant la guerre de Troie.
Aperçu généalogique
[modifier | modifier le code]On le fait communément fils du dieu Poséidon et de Calycé, fille d'Hécato[5],[6]. Mais on trouve parfois comme sa mère Harpalé (Ἁρπάλη / Harpálê)[7] ou encore Scamandrodicé (Σκαμανδοδίκης / Skamandodíkês)[8] dont le nom rappelle le fleuve Scamandre de Troade.
Il porte le nom de Cycnos, « cygne » en grec. Cela est dû à sa mère Scamandrodicé qui l'a abandonné sur le rivage d'un fleuve ou de la mer et alors nourrisson, il est recueilli et sauvé par des pécheurs qui le découvrent alors que des cygnes s'envolent au-dessus de lui[8] ; ou bien s'agit-il du fait qu'il a une peau très blanche lui donnant une tête claire, plutôt considérées comme d'aspect féminin[6].
Il se marie avec Procléia, une fille de Laomédon[8],[9], roi de Troie, ou bien est-ce du fils de ce dernier, Clytios[3].
Ils ont un fils et une fille : Ténès (Tennès), parfois considéré comme fils d'Apollon[10],[8], et Hémithéa[8],[11],[3], nommée quelquefois Leucothée[12] (Λευκόθεα / Leukóthea, « blanche déesse », « divine blancheur ») s'il ne s'agit pas d'une autre fille.
L'auteur latin douteux Dictys de Crète considère à la place des précédents d'autres enfants mâles Cobis (sic en latin Cobin) et Corian (Corianurn) et une autre fille Glaucé (Glaucen)[13].
Procléia décède pour des raisons inconnues avant son mari[3]. Cycnos se remarie avec Philonomé, fille de Tragasos[9],[8] ou Cragasus (Κράγασος / Krágasos)[3]. Elle est parfois nommée Polyboia (Πολύβοιαν / Polúboian[12]) ou trouve-t-on encore le nom de Scamandria (« du [fleuve] Scamandre »)[14].
Exil de son fils vers l'île de Ténédos
[modifier | modifier le code]Philonomé tombe amoureuse de son beau-fils. Ne pouvant parvenir à ses fins, elle le calomnie auprès de son père, peut-être par l'intermédiaire d'un témoin joueur de flûte nommé Eumolpos ou Molpos[11],[8],[15].
Furieux et ayant cru les calomnies, Cycnos fait enfermer Ténès dans un coffre qu'il jette à la mer. Sa sœur Hémithéa pleurant son malheureux frère subit la même peine. Emporté par les flots, le coffre finit par échouer sur l'île voisine. Ses habitants surpris à l'ouverture du coffre d'y trouver deux personnes pleines de vie, les regardent comme envoyées du Ciel, protégés du dieu Poséidon[12], et leur donne leur île comme leur royaume. C'est la raison pour laquelle l'île, d'abord nommée Leucophrys, prend le nom de Ténès, ou île de Ténédos.
Apprenant plus tard la vérité, Cycnos s'embarque pour avouer son imprudence et en obtenir pardon ; il aborde dans l'île et à l'aide d'une corde, d'un câble, il attache son navire à une pierre ou à un arbre. Cycnos le conjure d'oublier sa cruauté, mais Ténès, par colère, sourd à ses prières, et ne voulant point qu'il mette pied à terre, rompt le lien d'un coup de hache. Cette hache devient proverbiale dans la culture gréco-romaine : « il l'a coupé avec la hache Ténédienne » signifie que dans toute affaire embarrassante, on tranche la difficulté[3],[16],[15].
Cycnos se vengera en faisant lapider le joueur de flûte et enterrer sa femme vivante[17],[8].
Diodore donne une autre version moins mythologique : Ténès, plein de vertu, suivi par ses compagnons, est allé coloniser l'île alors déserte et fonda une ville appelée Ténédos. Sa gestion de l'île ravit ses habitants qui lui dresseront un temple à sa mémoire où les joueurs de flûte seront interdits d'entrer[15].
Ceci est l'explication mythologique de l'étymologie du nom de l'île de Ténédos. D'autre plus prosaïque suggère que l'île pouvait être un centre de production d'argile rouge utilisée dans les poteries réputées de l'île[18].
Jeux funèbres en l'honneur de Pâris
[modifier | modifier le code]Selon Hygin, il participe aux jeux funèbres organisés par Priam qui a érigé un cénotaphe en l'honneur de son fils Pâris qu'il a ordonné d’assassiner et qu'il croit mort. De nombreux autres héros y participent : Nestor, quelques fils de Priam, Hélénos, Déiphobe, Polites, ainsi que Télèphe, fils d'Hercules, Sarpédon, fils de Zeus… mais aussi Pâris-Alexandre dont alors on ignore qu'il est en vie et son identité. C'est d'ailleurs lui qui remporte et se voit reconnaître sa filiation à Priam[19].
À la guerre de Troie
[modifier | modifier le code]Il prend aussi part à la guerre de Troie, aux côtés des Troyens. Il tue de nombreux Grecs grâce à l'invulnérabilité que Poséidon lui avait conférée. Ainsi, les traits que lui lance Achille n’ont aucun effet. D’après Apollodore, Achille parvient pourtant à le tuer en lui lançant une pierre à la tête [20], son point vulnérable[8]. D’après Ovide, Achille s’élance vers lui, le frappe au visage avec rage, le fait trébucher puis, le maintenant sous son bouclier contre un rocher, l’étrangle. Cependant Poseidon le transforme en cygne avant qu’il n’expire [21].
Dictys de Crète ajoute que Cycnos lance son attaque secrètement et à l'improviste, alors que les Grecs, qui ne pensent pas à craindre l'ennemi, sont occupés à la cérémonie funèbre en l'honneur de Protésilas, le premier grec à périr sous les coups d'un premier assaut troyen mené par Hector[22]. Les Grecs s'enfuient. Ceux qui ne prenaient pas part à la cérémonie se réunissent et marchent en force vers les troupes de Cycnos. Parmi eux se trouve Achille[4]. Monté sur char, il tue tous les ennemis qui croisent son chemin, cherchant soit Hector, soit Cycnos[21]. La mort de Cycnos permet aux Grecs de contenir l’assaut troyen[23] et de repousser de dix ans le destin final du chef troyen Hector qui tombera aussi sous le joug d'Achille[24],[25],[4]. Sa mort a endeuillé les Troyens[26].
Les attaques réitérées des Troyens et les pertes que les Grecs éprouvent inquiètent les chefs grecs, qui divisent l'armée et se résolvent à presser les villes voisines de Troie en portant des incursions sur tous les points de leur territoire. Le royaume de Cycnos est le premier concerné. Les troupes grecques s'en emparent et le ravagent. Certaines villes sont prises d'assaut, comme Cille, d'autres sont épargnées mais doivent parfois livrer les enfants de Cycnos qui y avaient trouvé refuge. C'est ainsi, selon Dictys de Crète, que Cobis et Corian sont livrés par la population aux Grecs et que Glaucé est offerte en récompense à Ajax fils de Télamon, qui a pris part à l'attaque du royaume de Cycnos [13]. Thétis, mère d'Achille, donne l'armure complète de Cycnos à Agapénor durant les jeux funèbres organisés en l'honneur de son fils[27].
Palaiphatos ne croit pas à l’invulnérabilité de Cycnos, qui n'est selon lui que le dire de témoins. Voyant le cadavre de Cycnos sans vie, il se souvient de lui comme d’un homme de guerre, expert au combat, et qui n'avait jamais été blessé. Il ajoute que d'autres héros connaissent pareil fait, comme Ajax fils de Télamon, également réputé invulnérable, mort de sa propre épée, de sa propre main. Il parle aussi de Cénée[28].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Actuelle île de Bozcaada en Turquie.
- Strabon, Géographie [détail des éditions] [lire en ligne], XIII, 1, 19.
- Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], X, 14.
- Dictys de Crète, Éphéméride de la guerre de Troie [détail des éditions] [lire en ligne], II, 12.
- Hygin, Fables [détail des éditions] [(la) lire en ligne], CLVII.
- Scholie sur l'Idylle-Hiéron ou les Grâces (XIV) de Théocrite, 49 (auteur anonyme) faisant aussi témoignage des fragments d'Hellanicos et d'Hésiode. Voir —(grc) Carolus Wendel, Scholia in Theocritum vetera, t. 3, Leipzig, Aedibus B.G. Teubneri, , 481 p. (lire en ligne), p. 328 (373).
- Scholie sur les Olympiques de Pindare, ode II, 147 (auteur anonyme). Voir (grc) Drachmann, Scholia vetera in Pindari carmina, t. 1, Leipzig, Aedibus B.G. Teubneri, , 436 p. (lire en ligne), p. 96-97.
- Scholie de Tzétzès sur Lycophron no 232/233. Voir (grc) Christian Gottfried Müller, Ισαακιου και Ιωαννου του τζετζου Σχολια εις Λυκοφρονα [« Isaac et Jean Tzétzès Scholies sur Lycophron »], t. 3, Leipzig, Sumtibus F.C.G. Vogelii, , 763 p. (lire en ligne), p. 496-499 (572-577).
- Pseudo-Apollodore, Épitome [détail des éditions] [lire en ligne], III, 24.
- Apollodore, E, III, 23.
- Apollodore, E, III, 23 et 24.
- Scholie sur l’Iliade d'Homère, Chant I, 38 (auteur anonyme). Voir (grc) Gulielmus Dindorfius, Scholia Graeca in Homeri Iliadem, t. 1, Londres, A. Macmillan et Socios, , 502 p. (lire en ligne [PDF]), p. 10-11 (69/70).
- Dictys de Crète, Éphéméride de la guerre de Troie [détail des éditions] [lire en ligne], II, 13.
- Scholie sur Ibis d'Ovide, 463 (auteur anonyme). Voir (la) R. Ellis, P. Ovidii Nasonis Ibis, Londres, Oxonii E typographeo Clarendoniano, , 328 p. (lire en ligne), p. 79.
- Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], V, 50.
- Conon, Narrations [détail des éditions] [lire en ligne], 28.
- Apollodore, E, III, 25.
- Voir la note 15 ici.
- Hygin, Fables [détail des éditions] [(la) lire en ligne], CCLXXIII (273).
- Apollodore, E, III, 31.
- Ovide, Métamorphoses [détail des éditions] [lire en ligne], XII, 143-145.
- Homère, Iliade [détail des éditions] [lire en ligne], II, 695-710.
- (en) Chants cypriens [détail des éditions] [lire en ligne] (fragment issu de Chrestomathie de Proclos de Constantinople).
- Ovide, mét. XII, 76-77.
- Iliade, (voir le chant 22 pour la mort d'Hector).
- Quintus de Smyrne, Suite d'Homère [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 471.
- Quintus de Smyrne, Suite d'Homère [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 468-469.
- Palaiphatos, Histoires incroyables [détail des éditions] (lire en ligne), XI « Cycnos » ; X, « Cénée (Cænéis) ».
Voir aussi
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Michael Grant et John Hazel (trad. Etienne Leyris), Dictionnaire de la mythologie [« Who’s Who in classical mythology »], Paris, Marabout, coll. « Savoirs », (ISBN 2-501-00869-3), p. 100.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Ressource relative aux beaux-arts :