Décision Morsang-sur-Orge
Arrêt Morsang-sur-Orge | ||||||||
Titre | Commune de Morsang-sur-Orge contre Société Fun Production et M. Wackenheim | |||||||
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Code | requête no 136727 | |||||||
Pays | France | |||||||
Tribunal | (fr) Conseil d'État Assemblée du contentieux |
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Date | ||||||||
Recours | Recours pour excès de pouvoir (cassation) | |||||||
Détails juridiques | ||||||||
Branche | Droit administratif | |||||||
Importance | Publié au Recueil Lebon | |||||||
Chronologie | 25 octobre 1991 : arrêté municipal interdisant l'événement
25 février 1992 : jugement du Tribunal administratif de Versailles annulant cet arrêté |
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Citation | l'autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l'absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine ; | |||||||
ECLI | ECLI:FR:CEASS:1995:136727.19951027 | |||||||
Voir aussi | ||||||||
Mot clef et texte | Ordre public, dignité humaine | |||||||
Lire en ligne | (fr)Conseil d'État, 27 octobre 1997, Commune de Morsang-sur-Orge, no 136727 | |||||||
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L'arrêt Morsang-sur-Orge est une décision rendue le 27 octobre 1995 par le Conseil d'État[1].
Elle est l’une des décisions les plus connues du droit administratif. Le Conseil d'État a jugé que le respect de la dignité de la personne humaine est une composante de l'ordre public[2]. En l’espèce, faisant usage de son pouvoir de police générale, le maire de Morsang-sur-Orge avait interdit un spectacle de "lancer de nains" devant se dérouler dans une discothèque de sa commune, au motif que cette représentation portait atteinte au respect de la dignité de la personne humaine[3].
Faits
[modifier | modifier le code]Une discothèque de la commune de Morsang-sur-Orge organisait des spectacles de "lancers de nain" consistant à lancer dans les airs un cascadeur nain, volontaire et équipé.
Le maire de la commune de Morsang-sur-Orge, en vertu de ses pouvoirs de police (actuel article 2212-2 du CGCT[4]), prend un arrêté le 25 octobre 1991 pour interdire cette pratique du "lancer de nain" qui troublerait l'ordre public[5].
Procédure
[modifier | modifier le code]La société Fun Production qui organisait ces spectacles souhaitait faire annuler l'arrêté du maire interdisant le lancer de nain. Par un jugement du 25 février 1992, le tribunal administratif fait droit au demandeur estimant qu'en l'absence de circonstances particulières justifiant l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police en vue de maintenir l'ordre public[6], son arrêté est illégal. S'ensuit l'annulation de l'acte.
La commune de Morsang-sur-Orge se pourvoit en cassation devant le Conseil d'État. Par une décision de principe du 27 octobre 1995, les juges affirment qu'il revient au maire de prendre toutes les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public et que, dès lors, celui-ci doit faire respecter le principe de dignité humaine[6],[3].
Valeur de la décision
[modifier | modifier le code]Dans les sillons de la décision du Conseil constitutionnel (DC 27 juillet 1994 « loi bioéthique »[7]), le Conseil d'État élargit la portée du principe de dignité humaine en l'érigeant en composante de l'ordre public. La conséquence en est une extension des pouvoirs de police du maire.
Dans ses conclusions, le commissaire au gouvernement Patrick Frydman fait mention de plusieurs éléments semblant avoir guidé la solution. Parmi eux, la référence à l'opinion publique, la participation du public ainsi que le caractère humiliant et discriminant de la réification du nain[8]. « Ceux-ci sont, en effet, habituellement organisés dans des discothèques à forte capacité, où les clients, plus ou moins ivres, sont invités à projeter le nain à la chaîne en s'en saisissant par une poignée à la manière d'une vulgaire valise [8]. » L’un des enjeux de cette décision est que les nains consentaient et souhaitaient cette activité.
Le Conseil d'État, par cette décision, promeut donc une vision protectrice du droit qui protège l'individu de lui-même et dépense ses propres intérêts au profit de l'ordre public motivé par l'intérêt général. La difficulté était que la décision Morsang-sur-Orge ouvrait potentiellement la porte à des solutions liberticides[9],[10].
Portée de la décision
[modifier | modifier le code]Essentiellement connu pour ses faits d'espèce, la portée de cette décision est limitée. Peu de décisions postérieures invoqueront ce principe vague de dignité humaine au soutien de leurs prétentions[11].
Quelques exemples peuvent être cités comme s'inscrivant dans la continuité de la décision Morsang-sur-Orge[12] : CE, ord., 2007, Association « Solidarité des Français ») – affaire dite "soupe de cochon"[13] ; CE, ord., 2014, Min. de l'Intérieur / Soc. Les Prod. de la Plume et Dieudonné M'Bala M'Bala[14]; CE, ord., 2015, Assoc. Médecins du Monde[15].
Par ailleurs, la décision Morsang-sur-Orge s'inscrit dans un mouvement lent de consécration et de définition d'un ordre public immatériel[16], mouvement initié par la jurisprudence Société des films Lutétia[6] [1].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Conseil d'Etat, Assemblée, du 27 octobre 1995, 136727, publié au recueil Lebon », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
- « Ordre public (Droit administratif) - Fiches d'orientation - septembre 2021 | Dalloz », sur www.dalloz.fr (consulté le )
- Le Conseil d'État, « Conseil d'État, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d’Aix-en-Provence », sur Conseil d'État (consulté le )
- « Article 2212-2 CGCT », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
- Par Le 28 octobre 2015 à 17h20, « Il y a 20 ans, Morsang-sur-Orge obtenait l'interdiction du lancer de nain », sur leparisien.fr, (consulté le )
- « Arrêt des films Lutétia », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
- « DC - 27 juillet 1994 - Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
- Frydman Patrick, « Conclusions du Commissaire au gouvernement Frydman » [PDF], sur dalloz, (consulté le )
- Vincent Schnebel, « Histoire d’un grand arrêt : Commune de Morsang-sur-Orge, une blague de juriste pas si drôle », sur Les Chevaliers des Grands Arrêts, (consulté le )
- Anicet Le Pors, « Le Service Public dans l'histoire : une notion simple devenue complexe », Raison présente, vol. 173, no 1, , p. 9–19 (DOI 10.3406/raipr.2010.4206, lire en ligne, consulté le )
- Benoît Plessix, Droit administratif général, LexisNexis, , 1770 p. (ISBN 2711029506)
- Laure Murat, Une révolution sexuelle ?: Réflexions sur l'après-Weinstein, Stock, (ISBN 978-2-234-08682-1, lire en ligne)
- Conseil d'Etat, « Conseil d'État, Juge des référés, 05/01/2007, 300311 », sur www.legifrance.gouv.fr, (consulté le )
- « « On s'achemine vers une jurisprudence Dieudonné » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Conseil d'Etat, « Conseil d'État, Juge des référés, 23/11/2015, 394540, Publié au recueil Lebon » , sur www.legifrance.gouv.fr, (consulté le )
- David Rivière, « Les rapports entre liberté politique et liberté d’expression. Enjeu de l’introduction du principe de proportionnalité dans la mise en œuvre de l’ordre public immatériel » , sur cairn, (consulté le )