Forêt plantée
Une forêt plantée est une « forêt établie en plantant ou en semant de nouveaux arbres sur des terres cultivées. Elle consiste normalement d'espèces introduites ou, parfois, d'espèces indigènes ». Cette définition de la FAO recouvre deux principaux écosystèmes : la plantation forestière constituée de forêts équiennes à une seule ou peu d’espèces, et la forêt dont une composante plantée vient compléter la régénération naturelle obtenue[note 2].
Elle se différencie de la plantation agricole de cultures arbustives (cocotier, hévéa et palmier notamment)[3].
Fonctions
[modifier | modifier le code]Les forêts plantées ont généralement pour objectif la fourniture d'un bien ou d'un service spécifique : les forêts de production sont créées essentiellement pour l'exploitation de produits ligneux (bois d'œuvre, bois-énergie ou pâte à papier) ou non-ligneux (latex, résine, fruits) ; les forêts de protection sont créées essentiellement en vue de fournir des services (restauration des écosystèmes, séquestration du carbone, protection de l'eau et des sols, notamment la lutte contre l'érosion dans le cadre de la restauration des terrains en montagne)[4].
Distribution
[modifier | modifier le code]Quatre pays (États-Unis, Brésil, Chine et Japon) possèdent à eux seuls la moitié des forêts plantées de la planète[5].
En France
[modifier | modifier le code]Après le mythe de la Gaule chevelue forestière, le début du Moyen Âge voit les souverains mérovingiens et carolingiens résider souvent auprès des bois pour bénéficier du gibier et des poissons d'étang, ce qui les amène à s'occuper de la gestion du « vert manteau de forêts[note 3] ». Leur successeurs à fin du Moyen Age et à l'époque moderne développent l'Administration des Eaux et Forêts (ordonnance de 1291 qui crée la Maîtrise des Eaux et Forêts en France, ordonnance de Brunoy en 1346, ordonnance de Colbert en 1669 qui généralise la règle du Quart en Réserve[note 4]). Les réglementations forestières émanant de cette administration interdisent les défrichements excessifs[note 5] qui ont entraîné une réduction du couvert forestier atteignant 25 % du territoire au XIVe siècle. Elles interdisent aussi les abus de droits d'usage des populations riveraines des massifs (droit au bois et aux produits de la forêt), et visent assurer le renouvellement des forêts par régénération naturelle ou plantations[6].
Sous l'effet de la surexploitation par les industries locales (forges et fourneaux, verreries, briqueteries, tuileries), la surface boisée en France s'effondre pour atteindre un minimum dans les années 1830 avec une couverture forestière estimée entre 8,9 et 9,5 millions d’hectares en 1830 (entre 16 et 17 % du territoire métropolitain). La tutelle de l'État sur les forêts permet la mise en œuvre d'une politique de reboisement qui s'appuie sur le code forestier promulgué en 1827[7]. Entre 1850 et 1950, plusieurs vagues de plantations sont menées. Les besoins de la révolution industrielle (poteaux téléphoniques, traverses de chemin de fer, étais miniers) invitent à convertir les taillis en futaies et à planter des conifères (Morvan, Champagne, boisement de marécages jugés insalubres tels que le massif landais ou la Sologne, fixation des dunes de tronçons allant du sud de la Bretagne jusqu'au Pays Basque concernés par le décret impérial du 14 décembre 1810[note 6]) ; les terrains érodés des montagnes du sud sont stabilisés par des plantations de restauration ; les zones rouges sont boisées ou reboisées massivement en résineux durant l’Entre-deux-guerres[8].
Le Fonds forestier national (FFN), lancé en 1946 juste après la Seconde Guerre mondiale, afin de renforcer la filière bois en France, est chargé de favoriser les reboisements grâce à des exonérations fiscales, des subventions, des aides en nature et des prêts. 2,3 millions d'hectares de forêt privée comme publique sont plantés entre 1948 et 1999[9]. Alors que les essences éligibles aux financements sont essentiellement des résineux (83 % des arbres sont des pins, Douglas et épicéas) au cours des trente premières années[note 7], le FFN ouvre ses aides depuis 1974 à six espèces feuillues (Chêne pédonculé, Chêne rouvre, Hêtre commun, Érable sycomore, Frêne, Merisier) et impose un minimum de 25 % de feuillus pour toute parcelle à « enrésiner »[10].
Les forêts plantées en France, recensées par l'IGN couvrent une surface d’environ 2,1 Mha, soit 12 % du couvert forestier national et 13 % de la superficie des forêts de production. Elles se répartissant entre forêts domaniales (10 %), autres forêts publiques (14 %), et forêt privée (76 %), distribution qui correspond à la répartition de l'ensemble des forêts[11]. Ces chiffres globaux ne doivent pas faire oublier les disparités régionales. Les forêts plantées « sont à 80 % résineuses alors que les résineux ne représentent que 26 % des forêts non plantées. Elles sont concentrées sur un petit nombre de régions et à basse altitude : le massif landais (pin maritime), les Vosges, le Jura et pour partie l’est du massif central, où les plantations résineuses constituent alors une sorte d’extension de la forêt non plantée, et certaines zones du massif Central (Limousin, Morvan, Haut Languedoc, Beaujolais et Monts du Lyonnais)[12] ».
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Aucune donnée n'est disponible dans les pays en blanc. La faible définition de la carte fausse grandement la lecture en gommant les variations locales.
- La classification des forêts par la FAO détermine les forêts selon une échelle de naturalité prenant en compte le degré d'intervention humaine. Bien qu'elle reconnaisse que les limites de classe dans des continuums sont toujours contestables et discutables, elle distingue les forêts établies par régénération naturelle assistée à travers des pratiques sylvicoles pour un aménagement intensif (désherbage, apports d’engrais, éclaircie, exploitation sélective), et les forêts à composante plantée, créées par plantation ou semis d'espèces indigènes, et gérées de manière intensive. Seules les secondes, à régénération artificielle, sont classées dans les forêts plantées[2]
- Expression en référence au mythe du « blanc manteau d'églises » de Raoul Glaber.
- Cette règle apparue en 1549, impose aux communautés laïques et ecclésiastiques de réserver au moins le quart de leur surface forestière en futaie pour la production de bois d’œuvre.
- Les défrichements qui ont lieu dès le Néolithique, s'intensifient au Moyen Âge central en relation avec l'expansion économique et démographique. À partir du XVe siècle et se prolongeant jusqu'au XVIIe siècle, de nombreux pays connaissent une importante déforestation, sous l'action conjuguée facteurs mais tous en relation avec la croissance démographique et ses effets : défrichements pour dégager de nouvelles surfaces agricoles, pour fournir des matériaux de construction civile et navale, du bois de chauffe pour les fabriques (petites forges, fours à chaux, verreries, briqueteries, tuileries) qui se fixent au cœur des massifs forestiers pour se fournir facilement en charbon de bois.
- Ce décret prescrit aux propriétaires forestiers de prendre les mesures pour l'ensemencement, la plantation et la culture des végétaux. L'ensemencement de graines de pin maritime est confié à l'administration des Eaux et Forêts puis celle des Ponts et Chaussées par l'ordonnance du 5 février 1817. La technique de régénération naturelle fait appel à l'ensemencement spontané, suivie en cas d'échec d’une régénération artificielle (semis en ligne ou plantation). Ce boisement de pins a en plus un double intérêt économique : produire de la résine indispensable pour calfater les navires en bois et entretenir les cordages, en extraire la térébenthine servant de matière première à la fabrication de plusieurs produits chimiques (peinture, vernis…) ; grâce à la récolte des pins qui se fait entre 45 et 60 ans selon la fertilité de la station, produire du bois, en particulier pour les traverses de chemins de fer et pour étayer les puits des mines, lors de la révolution industrielle.
- Deux espèces de feuillus non sociaux, le Peuplier et le Noyer, sont également éligibles.
Références
[modifier | modifier le code]- FAO, Evaluation des ressources forestières mondiales 2010. Rapport Principal, FAO Éditions, , p. 13
- (en) Situation des forêts du monde 2007, Food and Agriculture Organization of the United Nations, , p. 88.
- Nikos Alexandratos, Agriculture mondiale, FAO, , p. 195.
- Benjamin Singer, L'homme et les forêts tropicales, une relation durable ?, Éditions Quae, , p. 186.
- (en) « Production Forests », sur wri.org, .
- Jean Gadant, La forêt et le bois en France, La Documentation française, , p. 7-25
- Bruno Cinotti, « Évolution des surfaces boisées en France : proposition de reconstitution depuis le début du XIXe siècle », Revue forestière française, vol. 48, no 6, , p. 547-562 (lire en ligne).
- Anna Lochard, « Planter pour mieux régner. Fragments d’histoire de la monoculture forestière », Z : Revue itinérante d’enquête et de critique sociale, no 15, , p. 32-37 (DOI 10.3917/rz.015.0032).
- Marc Guérin, Politiques de développement rural. Enjeux, modalités et stratégies, Cemagref, , p. 92.
- « Le Fonds forestier national a 40 ans », Revue forestière française, vol. 39, no sp, , p. 49.
- Solène Du Puy, Nathalie Derrière, Stéphanie Wurpillot, « La forêt plantée en France : État des lieux », L’IF, la feuille de l’inventaire forestier, no 40, , p. 4 (lire en ligne).
- Quel rôle pour la forêt dans la transition écologique en France ?, Actu-Environnement, 2021, p. 17/60
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Évaluation des ressources forestières mondiales 2020, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, , 184 p. (lire en ligne)