Franc-maçonnerie en Pologne
Cet article traite de différents aspects de la franc-maçonnerie en Pologne.
Histoire
[modifier | modifier le code]Origines de la franc-maçonnerie polonaise
[modifier | modifier le code]La première « loge » voit le jour en Pologne en 1730, sous la forme d'une association de gentilshommes et d'officiers polonais et étrangers. Ces hommes se réunissent alors dans des salons, à l'abri des regards indiscrets et pratiquent des échanges, sans qu'il soit jusqu'à aujourd'hui acquis que de véritables travaux maçonniques y fussent organisés. Dans une Pologne alors en pleine régression et qui voit se produire un exode urbain important, cette loge des «Trois Frères» permet cependant d'échapper aux intrigues de la cour du Roi Auguste II.
Par ailleurs, des documents retrouvés (1733-1738) désignent Ramzesa Bartazan comme un représentant de la maçonnerie polonaise de la région de Lublin auprès de la Grande Loge d’Angleterre. Il existe des écrits et des preuves qu’une loge a existé à Lublin dont le maire de cette ville, Malachowski Lempicki fut le vénérable maître.[réf. nécessaire]
Il faudra attendre 1742 pour voir apparaître la première véritable loge de Saint-Jean, fondée par le Maréchal de Lituanie, Mniszek, dans la ville de Wisniovec.
En 1744, trois français entreprirent enfin de constituer en véritable atelier la loge des « Trois Frères », dont ils prirent la direction. La franc-maçonnerie spéculative polonaise était née. Il convient de noter que, dès ses origines, la maçonnerie polonaise fut très ouverte, et accueillit en son sein une majorité de maçons étrangers, intellectuels, notables ou militaires. Enfin, les travaux en loge furent immédiatement organisés en langue française. Pendant longtemps le français reste la langue officielle de la maçonnerie polonaise. La maçonnerie séduit intellectuels et notables et poursuit son développement en se distinguant tout particulièrement par sa forte activité philanthropique.[réf. nécessaire]
Aux XVIIIe et XIXe siècles
[modifier | modifier le code]Malgré les premières condamnations du clergé et le conformisme ambiant polonais, la maçonnerie écossaise prospère. En une dizaine d'années, grâce aux francs-maçons français, de nombreuses loges vont être créées sur tout le territoire de la Pologne.
Le 10 octobre 1776 a lieu le premier virage de la maçonnerie polonaise. Aloïse Brühl, proche du Roi de Saxe Auguste III, devient vénérable de la loge des « Trois Frères », et décide d'imposer le rite de la Stricte Observance. La Prusse prend l'ascendant sur la France. Les hauts grades propres à ce rite y sont organisés. Immédiatement, Aloïse Brühl met en place par ce biais une équipe acquise à sa cause. De manière autoritaire, il suspend les travaux de la loge des « Trois Frères » et fonde un nouvel atelier, Le « Vertueux Sarmate », allusion à peine voilée au « sarmatisme », forme de doctrine patriotique fondée sur le prestige d'un peuple de cavaliers virils. Obligé de rejoindre Dresde, il abandonne la direction de cette loge au premier surveillant, le frère Moscynski, qui fonde aussitôt la Grande Loge de Pologne dont il devient le grand maître.[réf. nécessaire]
Néanmoins, et durant toute cette période, le français reste la langue officielle de la maçonnerie polonaise. La maçonnerie continue de séduire intellectuels et notables et poursuit son développement en se distinguant tout particulièrement par sa forte activité philanthropique.
Le 21 septembre 1769, une tenue solennelle proclame la naissance de la « Grande Loge du Vertueux Sarmate », qui réorganise la Grande Loge autour d'un nouveau règlement général. Moscynski conserve la grande maîtrise. Le français Jean de Toux de Salvert devient grand maître adjoint. Deux nouvelles loges voient le jour, l'une allemande, l'autre française, tandis que les hauts grades s'organisent autour d'un chapitre écossais de saint André des « Quatre Nations parfaitement Unies » et d'un chapitre de Rose-Croix, autorité suprême. Un compromis permet la reconnaissance de la Grande Loge par Londres en 1770. En 1772, après une décennie très féconde pour le développement de la maçonnerie polonaise comme du pays tout entier, la Pologne se voit partagée une première fois, par la Russie, la Prusse et l'Autriche. La Grande Loge connaît alors une désorganisation complète. La loge des « Trois Frères » reprend ses anciens statuts. Le frère Moscynski quitte Varsovie, tandis que le frère Brühl revient en Pologne imposer en 1774 le rite de la Stricte observance templière, spécifiquement allemand. Pour l'occasion, une préfecture est créée, sans correspondance avec le découpage politique de la Pologne.[réf. nécessaire]
Dans les années qui suivent, la tendance « française » de la maçonnerie, dès lors dominée par l'obédience allemande, tente de résister à l'hégémonie, et un « Ordre des Amis à l'épreuve » voit le jour. Sans se déclarer comme un ordre maçonnique, il n'en procède pas moins à des initiations et à des affiliations et adopte une constitution maçonnique et un rituel.
En 1778, une première loge du Grand Orient de France apparaît à Varsovie, bientôt suivie par l'allumage des feux d'une seconde. Le Grand Orient de France autorise le 14 mai 1781 une commission à créer et à installer des Loges dans toute la Pologne. Le Grand Orient de Pologne naît le 2 février 1783.
« Liberté Retrouvée », première loge à Lublin
[modifier | modifier le code]Le 12 mars 1784, une loge régulière est créée à Lublin nommée « Wolnosc Odzyskana » « Liberté Retrouvée » dont le Vénérable Maître est le Général Polonais Ludwik Kamieniecki. D’autres membres de cet atelier sont, Kazimierz Machnicki, Francizek Kozakowski et Walerian Lukasinski, officier de l’armée napoléonienne, activiste polonais et fervent défenseur de l’indépendance et de la liberté de la Pologne.
Cette obédience sera très active et très influente sur les plans politique et social durant toute la période qui suivra.
Mais la réforme politique de 1791 inquiète les puissances étrangères, qui redoutent son caractère « jacobin ». La Russie et l'Autriche s'entendent sur un nouveau partage en 1793. La maçonnerie en sort très perturbée, et dans l'incapacité de poursuivre régulièrement ses Travaux.
Après une tentative d'insurrection infructueuse, la Pologne est divisée une troisième fois en 1795. Plus exactement, la Pologne est alors rayée de la carte et totalement partagée par la Russie, l'Autriche et la Prusse. La langue polonaise est interdite, ainsi que toute évocation de l'existence passée du pays. Seule la Prusse, qui occupe la région de Varsovie, tolère la maçonnerie. L’Autriche et la Russie prononcent son interdiction.
La très relative tolérance prussienne à l'égard de la maçonnerie polonaise ne satisfait pas les frères, même s'ils peuvent se réjouir, en 1805, de pouvoir ouvrir une loge à Varsovie, travaillant en polonais. Aussi, les francs-maçons polonais commencent-ils à placer leur espoir dans la France, pour rétablir leur liberté. Le frère Jan Henryk Dombrowski, général au service de la France et auteur d'un chant de la résistance adopté depuis comme hymne officiel de la Pologne, va fonder plusieurs loges lors des campagnes napoléoniennes, notamment en Italie. En 1807, alors que Napoléon Ier fonde le Grand Duché de Varsovie et autorise la maçonnerie, le frère Jan Henryk Dombrowski reprend l'atelier de Poznań, Frédéric Guillaume à la Concorde heureuse, pour le transformer en une loge française, Frères français et polonais réunis. Cette loge, qui adoptera le polonais comme langue de travail, suivie bientôt par Les « Frères polonais réunis », marque la renaissance de la maçonnerie polonaise, sous l'égide du Grand Orient de France. Le 22 mars 1810, le Grand Orient National voit le jour. De nombreuses loges le rejoignent ou sont alors créées. Un an plus tard, un accord fraternel lie les deux Grands Orients, français et polonais.
Le 8 juin 1816, deux nouvelles loges sont consacrées à Lublin, l’une nommée « Rownosc » « Égalité » et l’autre « Swiatynia Rownosc » « le Temple de l’Égalité ». Ces deux loges seront fermées en 1821. En 1817 il est reconnu que les réunions de la loge « Wolnosc Odzyskana » se sont longtemps tenues dans le « Pałac Biskupi » soit le palais de l’Évêque, non loin de la cathédrale.
La chute de l'Empire sonne le glas du renouveau maçonnique, alors que le Congrès de Vienne accorde une large partie du territoire polonais à la Russie sous forme d'un protectorat, dont Varsovie. Le Tsar Nicolas 1er, hostile à la Franc-Maçonnerie, finit par occuper militairement la Pologne, à la suite de la révolution romantique. Avec Alexandre 1er, la situation s'améliore grandement, et le Grand Orient National peut alors poursuivre son travail. Par delà les différentes juridictions politiques et les partages territoriaux, seuls la maçonnerie et le clergé catholique pourront conserver une juridiction unique. Mais, inquiet du libéralisme social qui se développe, le Tsar finit cependant par infiltrer les loges. C'est à ce moment que le frère Potocki, grand maître éclairé, et par ailleurs Président du Conseil des Ministres et du Sénat, va faire malencontreusement éclater l'obédience en tentant d'en modifier les règlements vers une plus grande concentration de pouvoirs dans le but de protéger l'ordre de la répression russe. Le frère Potocki, pourtant respecté, est « démissionné » le 3 mars 1821. Le 12 août de la même année, le Tsar publie un oukase interdisant une nouvelle fois la maçonnerie. L'an 1821, voit également se radicaliser les milieux catholiques contre les Maçons, à la suite de la publication de la Bulle papale Ecclesiam Jesus Christi, condamnant la maçonnerie. On comprend dès lors mieux la mobilisation clandestine de nombreux frères qui passent aux armes à compter de 1828 et la mise en place par le frère La Fayette en 1831 d'un comité d'aide à tous les réfugiés polonais. Dès lors, les loges françaises, américaines et anglaises accueilleront de nombreux francs-maçons polonais en exil et initieront leurs descendants.
Durant le XXe siècle
[modifier | modifier le code]Durant presque un siècle, la franc-maçonnerie polonaise a été en sommeil.
Entre deux-guerres
[modifier | modifier le code]À la fin de la première guerre mondiale, la Pologne, sort d'une période où son annexion et son anéantissement culturel, opérés par Bismarck et Guillaume II laissent un pays exsangue à la République que proclame le général Pilsudski. Une seule loge continue alors de travailler. Néanmoins, le 1er août 1920, une Grande Loge Nationale va voir le jour, grâce au retour sur le sol polonais de diverses loges en exil dans les pays d'Europe, et au retour des émigrés. En 1922, un Suprême conseil du Rite écossais ancien et accepté est créé à Varsovie.
Deux ans plus tard, 18 Loges regroupent moins de quatre cents maçons. En 1926, malgré le coup d'État du Maréchal-Président Józef Piłsudski (qui avait refusé d'être initié en 1909[1]), le nombre de maçons continue de croître lentement et au prix d'une certaine inféodation. Après le coup de force de 1930 contre les députés de l'opposition, les maçons quittent lentement les loges qui retrouvent leur étiage de 1926 avec 8 seulement d'entre elles en activité. Alors que le décès du Maréchal-Président laisse espérer une intensification des activités maçonniques. Un projet de loi très répressif contre les francs-maçons est déposé, et face à l'intention du pouvoir d'interdire la maçonnerie en Pologne, la Grande Loge Nationale et la fédération polonaise du Droit humain procèdent à leur auto-dissolution en 1938. Le 22 novembre de la même année, le décret d'interdiction est publié, les maçons poursuivis et interdits d'exercer dans la fonction publique. À Lublin plus aucune information sur la loge Wolnosc Odzyskana n’est retrouvée. Il semble donc que cette loge ait subi le même sort que toutes les autres.
Seconde Guerre mondiale
[modifier | modifier le code]Le 1er septembre 1939, les troupes hitlériennes envahissent la Pologne, déclenchant ainsi la seconde guerre mondiale.
Le décret portant interdiction de la Franc-Maçonnerie en Pologne, promulgué en 1939, n'a bien évidemment pas été abrogé lors de l'accession des communistes au pouvoir en Pologne. Tout porte à croire que la maçonnerie a été totalement mise en sommeil dans ce pays lors de la glaciation. Aucun témoignage ne laisse supposer qu'elle aurait pu poursuivre son œuvre, même de manière diffuse et clandestine pendant cette période, hormis à travers quelques réunions informelles, hors les temples et les rituels. Dans une Pologne soumise au diktat de Yalta et à la terreur stalinienne, il n'y avait pas de place pour les francs-maçons, rejetés tout autant par l'antimaçonnisme des communistes que par celui des catholiques hostiles au régime. Néanmoins, il est permis de considérer que la maçonnerie polonaise a pour partie survécu de 1945 à 1989, essentiellement grâce à la très grande diaspora polonaise que l'on retrouve principalement en France (Nord, Alsace-Lorraine, Centre), aux États-Unis (et surtout à Chicago, « deuxième ville polonaise du Monde » après Varsovie) ou en Grande-Bretagne.
Situation obédientielle
[modifier | modifier le code]Depuis 1989, la maçonnerie se réveille progressivement en Pologne. La Grande Loge de Pologne a été reconnue officiellement par la Grande Loge unie d’Angleterre.[réf. souhaitée]
Le 4 octobre 2008 dans le Palais de Gardzienice à côté de Lublin, a eu lieu la cérémonie de consécration de la loge et ainsi les feux de la loge « Wolnośc Odzyskana » ont pu être rallumés. Cette cérémonie s’est déroulée en présence des délégués de la Grande Loge nationale de Pologne et avec la participation de membres de loges de Grande-Bretagne, de France, de Suède, et d’Ukraine.[réf. nécessaire]
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Jean Sikora: Joseph Pilsudski 1867-1935. La Pologne: Survivre pour exister, éditions Bellona, 2004 (p. 29)