Jaspe
Jaspe Catégorie IX : silicates[1] | |
Jaspe poli. | |
Général | |
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Classe de Strunz | 4.DA.05
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Formule chimique | SiO2 |
Identification | |
Masse formulaire[2] | 60,0843 ± 0,0009 uma O 53,26 %, Si 46,74 %, |
Couleur | blanc, beige, rouge, vert, marron voire rosé, noir |
Système cristallin | Trigonal |
Réseau de Bravais | microcristallin très fracturé, cryptocristallin |
Clivage | aucun |
Cassure | conchoïdale |
Échelle de Mohs | 6,5-7 |
Trait | blanc |
Éclat | brillant, vitreux, mat, gras |
Propriétés optiques | |
Fluorescence ultraviolet | aucune |
Transparence | translucide à opaque |
Propriétés chimiques | |
Masse volumique | 2,58 à 2,91 g/cm3 |
Densité | 2,75 |
Propriétés physiques | |
Magnétisme | aucun |
Radioactivité | aucune |
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire. | |
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Le jaspe est une roche sédimentaire contenant de 80 à 95 % de silice, souvent classée avec les quartz microcristallins mais qui peut aussi contenir de l'argile. Elle est constituée de radiolaires calcédonieux pris dans un ciment de calcédoine. Sa cassure est écailleuse, parfois conchoïdale. Le jaspe peut avoir plusieurs aspects : tacheté, rubané, rouge (ou oriental), à taches rouges sur fond vert, noir (de Sicile), etc. Par contre, il ne contient pas de grains de quartz détritique. D'origine sédimentaire ou volcanique, c'est donc un minéral de transformation, parfois classifié comme minéral, parfois comme roche, selon le point de vue ou son taux d'impuretés. Sa particularité essentielle, outre son abondance, est sa large palette de coloris naturels. On peut estimer, a priori, qu'aucun coloris n'est impossible pour le jaspe, ce qui, d'ailleurs, rend complexe son identification.
Variétés
[modifier | modifier le code]Il existe un grand nombre de jaspes dans la nature. Autrefois, ils étaient nommés par leurs couleurs dominantes, ou encore avec les corps minéraux ou cristaux qu'ils étaient susceptibles de contenir : ainsi, le jaspe pyritifère, le jaspe quartzifère, le jaspe argileux, jaspe rouge… Ils faisaient l'objet de collections spécialisées.
Voici une liste actuelle, non exhaustive :
Nom | Étymologie | Couleur | Composition | Gîtologie | Image |
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Basanite dite aussi Lydite[3] | ... | Noire | ... | .. | |
Bois silicifié[4] | Bois fossilisé par de la silice | Bariolé | C'est une catégorisation de bois fossile versé dans les jaspes car les cellules ont été remplacées par de la silice | Zones de sédimentation profondes riches en silice | |
Cacholong[Atlas_RoMi 1] | ... | Blanc | Avec de l'opale | .. | |
Chrysoprase[Atlas_RoMi 1] | ... | Vert poireau à vert bleuté | ... | .. | |
Cornaline[Atlas_RoMi 1] | ... | Rouge à orangé | Contient de l'hématite en quantité | .. | |
Jaspe bréchoïde | Vient de sa composition rocheuse en brèche | Beige à marron | Nous quittons ici les minéraux pour rentrer dans les roches | .. | |
Jaspe de terre | ... | Beige à marron | ... | .. | |
Jaspe léopard | Nommé ainsi car comportant des taches comme une peau de léopard | Tacheté | Constellé de taches avec des centres parfois en quartz pur | .. | |
Jaspe océan | ... | Verdâtre, à motifs | ... | .. | |
Jaspe plasma[Atlas_RoMi 1] | ... | Vert foncé uni | Coloré par la chlorite ou la serpentine | .. | |
Jaspe sanguin | ... | Fond vert à taches rouges ou complètement rouge-brunâtre | ... | .. | |
Jaspe orbiculaire[5] | ... | Fond vert à taches dorées | Son nom lui vient des nombreux formations en cercle | Parsemés de réseaux serrés de taches circulaires concentriques | |
Jaspe zoné | Parce que comportant les traces de couches de dépôt | Multicolore | Il comporte la trace des différentes couches de dépôts | Volcanique en mélange avec des roches | |
Lamparci ou Dalmatien[Atlas_RoMi 1] | ... | Blanc à taches noires | ... | .. | |
Lydienne[6] | ... | Gris ou noir | présence de matières charbonneuses, un peu de pyrite et quelques grains phosphatés | Elles alternent souvent avec des calcaires et des schistes, en bancs réguliers, dans les séries du Carbonifère. | |
Onyx[Atlas_RoMi 1] | ... | Noire à marron | Peut être une agate ou jaspe, selon sa composition | .. | |
Phtanite[6] | Vient du grec et signifie « je devance ». | Gris ou noir | Plus argileux que les lydiennes, formées de quartz en très petits cristaux, de quelques radiolaires encore visibles, de matière charbonneuse ou graphiteuse (d'où leur couleur), elles sont généralement considérées comme issues de dépôts marins. | Les phtanites annoncent souvent le passage à des schistes. | |
Sardoine[Atlas_RoMi 1] | ... | Marron | ... | .. | |
Sardonyx[Atlas_RoMi 1] | ... | Bariolé | ... | .. | |
Unakite | ... | verte tranchée d'orangé | ... | .. |
Étymologie
[modifier | modifier le code]Du latin iaspis, « agathe, jaspe », venant du grec ἴασπις / íaspis, « jaspe », issu lui-même des langues sémitiques (cf. hébreu יושפה yushphah, akkadien yashupu)[7], à rapprocher du persan یشپ (yašp)[réf. souhaitée], tous signifiant « pierre tachetée ».
Utilisations
[modifier | modifier le code]Outillage
[modifier | modifier le code]Le jaspe a été utilisé pour réaliser des forets à archet, pour allumer des feux, dans le Mehrgarh, entre le IVe et le Ve millénaire av. J.-C.
La phtanite a été utilisée pour façonner des outils préhistoriques en Bretagne[Note 1],[8].
Le jaspe a également été utilisé pour tailler des outils : c'est le cas du jaspe de Fontmaure[9],[10] par exemple, mais aussi, très localement, du jaspe de Bretagne.
Bijoux
[modifier | modifier le code]Le jaspe est connu pour avoir été le bijou préféré dans le monde antique, son nom peut être retracé en arabe, en persan, en hébreu, en assyrien, en grec et en latin. Sur l'île minoenne de Crète, le jaspe a été sculpté pour produire des sceaux vers 1800 av. J.-C., comme en témoignent les découvertes archéologiques dans le Palais de Knossos.
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Anneau jaspe vert et or, avec un sceau amovible, Égypte, 664 à 322 av. J.-C., Walters Art Museum, Baltimore, Maryland.
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Sceau cylindrique en jaspe : lions et aigles à tête de lion, Période d'Uruk, (4100–3000 av. J.-C.), Musée du Louvre, Paris.
Décoration
[modifier | modifier le code]Les chrétiens du Moyen Âge se servaient du jaspe sanguin, pour graver des scènes de la Crucifixion, ce qui amena l’appellation de « pierre des martyrs », compte tenu des taches rouges d'oxyde de fer, contenues dans la pierre, qui évoquent les gouttelettes de sang, ou la couleur du soleil couchant, d'où le nom héliotrope donné à la pierre[11].
Bohême (actuellement République tchèque)
- Le jaspe (associé à de l'améthyste), a été utilisé pour réaliser l'ornementation des façades ou des murs, comme dans la chapelle Saint-Venceslas à Prague, ou dans l'église de la Sainte-Croix à Karlštejn[12].
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Intérieur de la chapelle Saint-Venceslas (XIVe s), à Prague, en mai 2014.
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Intérieur de l'église de la Sainte-Croix, (1348), à Karlštejn.
- La passion des Médicis pour les objets en pierre semi-précieuse (jaspe, onyx, cornaline, améthyste, malachite, agate, marbre, ou lapis-lazuli) conduisit le grand-duc Ferdinand Ier de Médicis à fonder, à Florence en 1588, la manufacture d’art spécialisée dans le travail des pierres dures (Trésor des Grands-ducs). Dès la fin du XVIe siècle, la mode se répandit des vases et du mobilier en pierre dure et s’affirmèrent le goût et la technique de la mosaïque florentine. La manufacture poursuivit son activité pendant plus de trois siècles, et est devenue le Musée de la Manufacture de pierres dures de Florence.
- Une coupe en jaspe sanguin, issue de l'atelier du maître lapidaire milanais, Gasparo Miseroni, (1518-1573)[13], est exposée au musée de l'Argenterie, au palais Pitti, à Florence.
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Coupe en jaspe sanguin, en forme de coquillage, par Gasparo Miseroni (1557).
- Un superbe spécimen de jaspe, portant le monogramme « I.R.I », de l’empereur germanique Rodolphe II, est exposé au musée du Louvre, à Paris. La nef est l'œuvre (vers 1608), du lapidaire italien, Ottavio Miseroni, (1567-1624)[14], dans ses ateliers de Prague. Il est devenu (entre 1653 et 1661), le plus grand vase[15] de la collection de gemmes du roi Louis XIV[16].
- Les maîtres lapidaires des trois manufactures lapidaires impériales de Peterhof, Ekaterinbourg, ou de la Manufacture lapidaire impériale de Kolyvan (ru), en Sibérie[Note 2], avaient l'habitude de travailler sur des objets d'art volumineux, en utilisant la technique de la mosaïque russe (ou école russe de la mosaïque florentine)[17], par placage de fines lamelles de pierres semi-précieuses telles que la malachite, la rhodonite, le lapis-lazuli, habilement assemblées sur des œuvres d'art en bronze ou en pierre. Le jaspe a été aussi utilisé pour réaliser des coupes ornementales[18],[19]. De nombreux vases et objets d'art en jaspe, de différentes couleurs, sont exposés au Musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg[20].
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Vase en jaspe d'un poids de 3,2 tonnes, offert par la Russie, au palais de la Paix, à la Haye, Pays-Bas.
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Détail de l'ornementation du vase en jaspe, offert par la Russie, au Palais de la Paix.
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Vase aux griffons, musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg.
- Le célèbre vase de Kolyvan ou « Tsarine des vases », pesant 19,2 tonnes[21], est le symbole de l'extrême professionnalisme des tailleurs de pierre de l'Altaï et la preuve irréfutable de la richesse unique de cette chaîne de montagnes. Le vase a été conçu par l'architecte Avraam Melnikov (en), qui a lui-même supervisé la fabrication de 1831 à 1843. C'est un processus extrêmement difficile de travailler un bloc de cinq mètres de « jaspe de Resnev » pendant plus de onze ans. Un bloc monolithique trouvé en 1819 dans la montagne Revnyoukha[Note 3], et extrait en . Cette variété de pierre est très dure, mais en même temps fragile et incapable de résister à des chocs. La coupe ovale, de 5 mètres de long sur 3,25 mètres de large, a été taillée à la Manufacture lapidaire impériale de Kolyvan, puis transportée sur un traîneau, tiré par 154 chevaux, vers la rivière Chusovaya, pour être transférée sur une barge, et atteindre Saint-Pétersbourg, en . Le vase porte un grand nombre de retouches et de reprises (patches), mais elles ont été appariées avec une telle habileté qu'elles ne peuvent pas être repérées. Le travail a été achevé dans le Nouvel Ermitage, et maintenu emballé sur le remblai de la Neva. Ce n'est que le , que la « Tsarine des vases » a été transportée, grâce à un percement dans un mur et mise en valeur dans le hall sur un piédestal[Note 4] construit spécialement pour elle[Note 5].
- Certains jaspes polis développent des images surprenantes, à tel point que certaines origines, telles que celles de l'Idaho, ou de l'Oregon, ont reçu une dénomination distincte, comme le Jaspe Bruneau (ou Bruneau jasper)[22], ou encore Owyhee[23].
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Jaspe Bruneau, A.E. Seaman Mineral Museum, Idaho.
Gisements
[modifier | modifier le code]Le jaspe est extrêmement répandu dans le monde, mais chaque pièce est quasiment unique[24].
Formation
[modifier | modifier le code]Il est soit de source volcanique par hydrothermalisme, soit sédimentaire via les boues de dépôt des radiolaires et parfois nommé alors radiolarite[Universalis_RoMi 1].
Critères de discernement
[modifier | modifier le code]Le jaspe est constitué de SiO2 et donc formé de calcédoine[25], très proche de l'héliotrope mais, surtout, des agates[25].
On le différencie des autres à cause de ses coloris infinis, sa non-fluorescence, qu'il ne contient pas de quartz détritique mais, surtout parce que le jaspe contient 5 à 20 % d'autre chose que le gisement d'origine.
L'identification est d'autant plus délicate qu'il n'y a pas de fixation de critères objectifs entre ces 3 formations qui ont toutes la même origine. De nombreux minéraux resteront donc contestés ou indéterminables[26], la littérature étant parfois même contradictoire sur le sujet.
Si l'on a affaire à des jaspes très riches en impuretés, la densité peut être le facteur déterminant pour autant que la moyenne de la densité des matériaux ajoutés soit très différente de celle du quartz.
Les formations rubanées ou tachetées sont majoritairement des agates et c'est l'opacité qui sera souvent alors déterminante dans l'identification.
Galerie
[modifier | modifier le code]-
Jaspe de Madagascar.
-
Jaspes jumeaux.
-
… et sous forme de macro-photo.
-
Jaspe poli en sphère.
-
Jaspe dalmatien.
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Un bloc de phtanite, le « rocher Sainte Véronique » (Vendée).
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- La Préhistoire de Bretagne et d'Armorique, Jean Laurent Monnier, Les Universels Gisserot, 1991, (ISBN 978-2877470759).
- Après l'effondrement de l'URSS, l'usine intègre le ministère des Services publics de la Russie. Dès 1990, l'usine n'a pas été en mesure de survivre. Elle est mise en faillite en 1998. Depuis , l'usine fabrique des produits en granit, telles les bordures de protection. En conséquence, le premier centre de taille de pierre de la Sibérie, continue à fonctionner, à ce jour.
- La montagne Revnyukha, se trouve dans le district de Zmeinogorskiy.
- Les archives indiquent que deux socles destinés au vase ont été cassés pendant la fabrication.
- Le vase de Kolyvan figure sur les armoiries du kraï de l'Altaï.
Références
[modifier | modifier le code]- La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
- Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- Basanite, Mindat.
- Au cœur de la silice, ... du silex au wafer, sur le site www.futura-sciences.com
- Jaspe orbiculaire, sur le site www.futura-sciences.com
- A. Foucault et J.-F. Raoult, Dictionnaire de géologie, Dunod, Paris, 2001.
- (en) « jasper | Etymology, origin and meaning of jasper by etymonline », sur etymonline.com (consulté le ).
- Gallia préhistoire, 1971, Volume 14, p 339-361, « Circonscription de Bretagne », sur persee.fr (consulté le ).
- « Jaspe de Fontmaure (Vienne) », sur la-detection.com (consulté le ).
- « Musée Grand Pressigny - Préhistoire - Indre-et-Loire », sur hominides.com (consulté le ).
- Gem Select, « Le jaspe sanguin », sur gemselect.com (consulté le ).
- « Karlstein un château et un golf à couper le souffle », sur lindigo-mag.com (consulté le ).
- (en) Web Gallery of Art, « Gasparo Miseroni (1518-1573) », sur wga.hu (consulté le ).
- (en) Web Gallery of Art, « Ottavio Miseroni (1567-1624) », sur wga.hu (consulté le ).
- Muriel Barbier, « Musée du Louvre , nef en jaspe », sur louvre.fr (consulté le ).
- Daniel Alcouffe, « Musée du Louvre, Les gemmes du roi Louis XIV », sur louvre.fr (consulté le ).
- Splendeur et secrets du métro de Moscou, « La mosaïque florentine », sur metro-in-moscow.com (consulté le ).
- Christie's, « Vasque russe en jaspe revna (vers 1830-1840) », sur christies.com (consulté le ).
- « Les pierres précieuses - Jaspe 3 », sur les-pierres-precieuses.fr (consulté le ).
- (en) Ermitage Museum, « Basin Decorated with Griffins (Bassin orné de griffons) », sur hermitagemuseum.org (consulté le ).
- Maurice Albray, « Le vase Kolyvan au Musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg », sur flickr.com, (consulté le ).
- (en) « Idaho - jaspers : Bruneau jasper », sur worldofjaspers.com (consulté le ).
- (en) « The Gemstone Owyhee Picture Jasper », sur minerals-n-more.com (consulté le ).
- « Les pierres précieuses - Jaspe 2 », sur les-pierres-precieuses.fr (consulté le ).
- A. Foucault, JF Raoult, dictionnaire de Géologie, 1980, Dunod, 6e édition, 2005, page 187 ; (ISBN 9782100490714).
- Ole Johnsen, Guide Delachaux des minéraux, 2002, Paris, Delachaux & Niestlé, 438 pages, (ISBN 9782603017289), page 357.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Dictionnaire des Roches et des Minéraux, Paris, Albin Michel, coll. « Encyclopedia Universalis », , 1066 p. (ISBN 2-226-12715-1)
- p. 466-467.
- Minéraux et Pierres de collection, Paris (France), Éditions Atlas, , 1246 p. (Atlas_RoMi)
- Fiche de la gemme jaspe tailée.
- (en) Angeles Gavira et Peter Frances, Rocks and Minerals, The definitive visual guide [« Rock and Gem (2005) »], Londres (Grande-Bretagne), Dorling Kindersley Limited, , 364 p. (ISBN 978-1-4053-2831-9) (RoMiGuide)