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Obligation de quitter le territoire français

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Arrêté portant obligation de quitter le territoire, en 2023.

L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) est une mesure administrative d'éloignement des étrangers prévue en droit français par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile depuis 2006.

La décision est prise par les préfectures de département, principalement en cas d'entrée irrégulière sur le territoire, de refus de délivrance d'un titre de séjour, ou de refus d'attribution du statut de réfugié. Elle peut être accompagnée d'un délai de départ volontaire, d'une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), ou d'une mesure de restriction ou de privation de liberté (assignation à résidence ou enfermement en centre de rétention administrative).

Depuis 1993, les gouvernements français ont régulièrement augmenté la durée pendant laquelle la personne peut être enfermée le temps de l'exécution forcée de la mesure. Cependant, le taux d'exécution des mesures d'éloignement (le rapport entre le nombre de celles qui sont prononcées et celles qui sont exécutées), souvent présenté comme unique indicateur d’efficacité de la politique migratoire, demeure faible. La raison en est que les OQTF prononcées sont de plus en plus nombreuses et souvent difficiles à mettre en œuvre, notamment pour des raisons légales, humanitaires, techniques, financières ou diplomatiques. Toutefois, la France est le pays de l'UE qui exécute le plus grand nombre d'éloignements forcés.

Certains faits divers impliquant des étrangers en situation irrégulière faisant l'objet d'une OQTF non-exécutée sont très médiatisés. Des commentateurs et personnalités politiques réagissent en appelant à une fermeté accrue en matière de contrôle des frontières et d'exécution des mesures, dans une démarche que d'autres qualifient de récupération politique. Les statistiques sur les OQTF font également parfois l'objet d'infox.

Nature et effets de la mesure

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Les OQTF sont délivrées par les préfectures[1],[2],[3]. L'article L. 611 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA)[L 1] prévoit qu'un étranger de plus de dix-huit ans sans titre de séjour ni visa, ou dont la demande d'asile a été définitivement refusée, ou un étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois et dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public, peut faire l'objet d'une décision d'OQTF. Cette décision mentionne le pays à destination[4].

Depuis 2012, le séjour irrégulier en France n'est plus un délit[L 2], contrairement au maintien de séjour irrégulier (« le fait, pour un étranger, de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l'exécution d'une interdiction administrative du territoire français, d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une décision d'expulsion »)[L 3],[5].

Obligations de quitter le territoire français par nationalité prononcées (cumul 2019-2022, hors Mayotte)[1]. Le rouge le plus vif est l'Algérie, avec 58 700 OQTF.

Un citoyen européen, qui bénéficie en principe de la liberté de circulation au sein des États membres de l’Union européenne peut également faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, notamment en raison d'« abus de droit » ou d'une « menace à l'ordre public », assortie d'une interdiction de circulation sur le territoire français (ICTF)[6].

Selon la Cour des comptes, sur la période 2019-2022 et hors Mayotte, les principaux pays de destination étaient l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, l'Albanie, la Côte d'Ivoire, la Géorgie[7], le Bangladesh, le Mali, la Guinée et le Pakistan[1]. En 2022, environ 134 000 OQTF ont été prononcées, en raison de l’entrée ou du maintien irrégulier sur le territoire (41 %), à la suite du refus de délivrance d’un titre de séjour (18 % ), en raison du refus de la qualité de réfugié ou de la protection subsidiaire (27 %), et 7 % sur le motif de menace pour l’ordre public[8],[9].

Interdiction de territoire français

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IRTF et ICTF sont des décisions administratives distinctes et cumulatives à une OQTF. Ces décisions administratives ne doivent pas être confondues avec la peine d'interdiction de territoire français (ITF), qui peut compléter la décision d'OQTF[L 4],[1],[2],[3]. Celle-ci est prononcée à titre principal ou à titre complémentaire à une peine d’emprisonnement ou d’amende par le tribunal pénal à l’encontre d’une personne étrangère condamnée pour un crime ou un délit. Elle peut être temporaire (jusqu'à 10 ans) ou définitive, et bannit de tout l'espace Schengen. En cas d’incarcération, elle démarre à compter du jour de la libération. L'ITF entraîne le prononcé de trois mesures administratives: l’OQTF ; le cas échéant, la rétention administrative ou l’assignation à résidence ; la désignation d’un pays d’éloignement[10].

Un étranger obligé de quitter le territoire dispose de deux recours contentieux cumulatifs au tribunal administratif, dont l’un seulement (le recours pour excès de pouvoir) est suspensif. Des recours administratifs, gracieux (demande à l’administration de reconsidérer sa position) ou hiérarchique (courrier au ministre pour lui demander de réformer la décision qui a été prise par son administration), sont possibles mais peu courants ; ils ne sont pas cumulables, ils sont non suspensifs et ils ont de faibles chances d’aboutir[11],[12],[13].

Le département de Mayotte concentre la majorité des OQTF[14]. Contrairement à la situation en métropole, le recours ne suspend pas automatiquement l’obligation de départ, ce qui permet d'éloigner des personnes avant que le juge administratif n'ait été saisi. En 2022, 20% des OQTF prononcées à Mayotte ont été annulées par la justice, notamment au bénéfice de parents dont les enfants possèdent la nationalité française[15]. L’État peut être obligé d'organiser le retour de personnes expulsées illégalement[16]. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France en 2020 pour avoir expulsé deux enfants nés à Mayotte, en les ayant rattachés arbitrairement à un adulte tiers[17].

Sur la période 1994-2004, la juriste Danièle Lochak a recensé onze circulaires visant à améliorer le taux d’exécution des mesures d’éloignement[18],[19].

L'OQTF est créée par la loi no 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration[L 5],[20]. Cette loi visait à rendre plus efficace la procédure d'éloignement et à soulager des tribunaux déjà surchargés par le contentieux de dossiers d'étrangers. Mais l'effet est inverse : la loi supprime la possibilité d'un recours gracieux auprès de la préfecture, et la décision préfectorale de refus de séjour assortie d'une OQTF ne peut plus être attaquée devant le tribunal administratif que dans le délai d'un mois. Ces recours contre les mesures d'éloignement engorgent donc davantage les tribunaux administratifs[21],[22].

L'interdiction de retour (IRTF) est créée par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (loi Besson Hortefeux Guéant)[10],[12],[23].

L'OQTF évolue en à l'occasion de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie[24]: le gouvernement cherche alors à augmenter le taux d'éloignement des demandeurs d'asile déboutés[25],[26] par une meilleure communication entre la CNDA et les préfectures, qui délivrent une obligation de quitter le territoire[27].

La loi Darmanin légalise en 2024 les OQTF visant toutes les catégories d’étrangers jusqu’ici protégés par l'article L611-3[L 6],[L 7] sauf les mineurs, qui restent protégés[L 8], systématise les OQTF pour les étrangers à qui on a refusé l’asile[L 9],[28], et réduit de 12 à 3 le nombre de procédures contentieuses[29],[30]. Cette simplification s'inspire d'un rapport du Conseil d'État sur le sujet en 2020[31].

Évolution de la durée maximale de la rétention administrative en France[1],[32], et de sa durée moyenne[33].

La décision d'OQTF peut être accompagnée d'une mesure de restriction de liberté, telle qu'une assignation à résidence ou de privation, comme un enfermement en centre de rétention administrative. Le maintien des étrangers en centre de rétention n'est justifié que si l’éloignement est possible à court terme[34]. Les gouvernements français ont régulièrement allongé le temps pendant lequel un étranger peut être retenu le temps d'organiser son éloignement : dix jours selon la loi Pasqua, en 1993, douze jours avec la loi Chevènement en 1998, trente-deux avec la loi Sarkozy de 2003[22], quarante-cinq avec la loi Besson en 2011, et quatre-vingt-dix avec la loi Collomb de 2018[35]. En 2024, Bruno Retailleau envisage de porter cette durée à deux cent dix jours[36]. Il s'agit invariablement d'éviter que les personnes sans papiers n’aient purgé la durée maximale de rétention avant d’avoir pu être reconduites à la frontière, mais la durée de rétention n’a en fait que peu d’impact sur le taux d’éloignement, l'immense majorité d'entre eux ayant lieu dans les 45 premiers jours de la rétention[1],[33].

Vingt-et-une lois ont été votées entre 1990 et 2024 sur l’immigration et l’asile, sans réussir à diminuer le taux de non-exécution des mesures d'éloignement, parce que l'obstacle principal est en fait diplomatique[18],[19].

Exécution des OQTF

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Statistique d'exécution des OQTF en France. Nombre d'OQT par an sur la période 2011-2022[37],[38].

Les statistiques concernant les éloignements sont le principal indicateur de performance des politiques migratoires publiques[18],[22],[39],[40]. Nicolas Sarkozy, en 2003, est le premier Ministre de l'Intérieur à fixer aux préfets des objectifs sur le nombre d'étrangers en situation irrégulière à expulser[22],[41], et inaugure ainsi une « politique du chiffre »[40].

Depuis 2013, les statistiques publiques ne distinguent plus les différentes mesures d’éloignement selon le type de mesure — OQTF, ITF ou arrêté d’expulsion (motivé par l'ordre public[41]) —, mais seulement les éloignements « non aidés » ou « aidés »[42].

En 2018, le ministère de l'Intérieur a prononcé 132 978 mesures d'obligation de quitter le territoire français. 30 276 départs ont été dénombrés cette année-là, dont 19 957 sous l'effet d’une mesure administrative. Emmanuel Macron avait, au début de sa première présidence, évoqué dans un entretien accordé à Valeurs actuelles un objectif de 100 % du taux d'exécution des reconduites à la frontière (censées être appliquées à la fin du délai de 30 jours pour les OQTF qui ne font pas l'objet d'un recours[43]) ; la promesse était considérée comme intenable selon Libération[44], et « fantasmatique » selon la Cour des comptes[45]. Le président l'a reconnu en 2022, en annonçant concentrer ses efforts ultérieurs sur les étrangers « les plus dangereux »[46].

Le taux d'exécution des mesures d'OQTF s'établissait à environ 15 % en 2018, démontrant que les mesures d'éloignement prises n'étaient que très rarement exécutées[47]. Le taux d'exécution de ces mesures d'éloignement ne cesse de diminuer ces dernières années (13,5 % en 2017, 12 % en 2019, puis, avec la crise du Covid-19, seulement 6,9 % en 2020 et 5,6 % au premier semestre 2021)[37],[48] avant de retrouver une hausse de 30 % en 2023[49]. Le taux d'exécution des mesures d'éloignement est de 30 % au niveau européen[50].

Cependant, ce calcul consistant à diviser le nombre d'OQTF exécutées par celui des OQTF prononcées est imparfait. Il tire vers le bas le taux d'exécution en incluant dans le calcul des OQTF qui ne peuvent pas être exécutées et en sous-estimant le nombre de départs[51]. Manuel Valls contestait déjà en 2015 les « raisonnements simplificateurs » de la Cour des comptes[52], et Gérald Darmanin propose en octobre 2024 un autre calcul portant sur le premier semestre 2024 pour estimer le taux d'exécution des OQTF à 20%, et commente : « en tout cas, c’est très bas, on ne va pas chipoter »[51]. En août 2024, il avait pourtant transmis au Figaro[53] et à CNews[54] une note se félicitant de la récente augmentation du taux d’exécution, attribuée aux effets de sa loi immigration[51].

La droite et l’extrême droite voient dans ce faible taux d’exécution des OQTF un symbole de l’impuissance de l’État en matière politique migratoire[55]. Il s'explique pourtant par le fait que de les mesures d'éloignement sont très nombreuses et souvent prononcées à l'encontre de personnes difficilement éloignables en raison de leur situation familiale en France ou parce que les pays d'origine ne coopèrent pas en matière de délivrance de laissez-passer consulaire. Les mesures peuvent aussi être annulées par les juridictions administratives[1],[40],[56],[57]. Jean-Marc Leclerc, un journaliste du Figaro proche du Ministère de l'Intérieur[58], voit dans le faible taux d'exécution le résultat d'un « manque de volonté politique », et d'un manque de volonté des juges[59].

L’échec dans l'exécution des mesures d'éloignement augmente le nombre d'étrangers qui se maintiennent de manière irrégulière sur le territoire[60], dans une « zone grise » source de grand stress[61],[62]. Considérés comme une main-d’œuvre abondante, bon marché et docile, les travailleurs sans-papiers jouent un rôle économique important[22],[63].

Des OQTF en grand nombre

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Statistiques des obligations de quitter le territoire prononcées dans quelques pays d'Europe. Nombre d'OQT par trimestre. Données Eurostat[64].

La France prononce beaucoup plus de mesures d'éloignement que ses voisins[50] : 31 195 au deuxième trimestre 2024, contre 12 885 en Allemagne ou 6 380 en Italie[65]. Elle a doublé le nombre d'OQTF prononcées entre 2015 et 2024, sans arriver à faire varier le nombre de celles qui sont exécutées[1],[50],[56].

Leur nombre est tel qu'il aurait fallu procéder à 11 000 retours par mois en 2023 pour exécuter d'office toutes celles émises cette année-là. Chaque éloignement forcé est une opération lourde, impliquant de nombreux personnels (administratifs en Préfecture, forces de l'ordre, etc.) et un coût élevé (estimé à 20 000  par personne en incluant la rétention administrative[66])[50]. Les compagnies aériennes peuvent refuser un éloignement, par principe en amont du vol, mais aussi lors de l'embarquement, notamment si celui-ci se déroule mal.[67],[68].

De nombreuses OQTF sont délivrées en préfecture, provoquant de nombreuses critiques au titre de l'erreur manifeste d'appréciation[1],[44],[69] car, selon la Cour des comptes, « des services surchargés commettent des erreurs de fond et de procédure »[70]. Ces OQTF peuvent concerner des personnes qui sont insérées dans la société[71], ou travaillent dans des métiers en tension[72]. Les recours engorgent les tribunaux administratifs[73]. En 2022, ceux-ci ont annulé 18 % des OQTF contestées[1],[70].

La Cour des comptes écrit en 2024 qu'il « est difficile de prouver que des éloignements plus nombreux conduiraient à réduire le flux entrant d’immigration »[74].

Retours impossibles pour des raisons humanitaires

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Certaines OQTF sont inapplicables parce qu'on ne peut pas organiser de retour vers les pays de destination désignés. En 2023, près de 10% des OQTF concernaient des pays tels que l’Afghanistan, le Soudan ou la Syrie[71],[50],[75]. Le principe de non-refoulement, inscrit en 1951 dans l'article 33 de la Convention de Genève, protège toute personne d’un renvoi vers le territoire d’un pays où sa liberté ou sa sécurité serait menacée[41],[76],[77]. Le texte ne distingue pas les étrangers en fonction de la licéité de leur présence sur le territoire hôte, et l'article 31 de la même Convention interdit aux pays signataires de pénaliser les étrangers qui sont entrés ou séjournent irrégulièrement sur leur territoire, s'ils viennent d'un pays où ils sont menacés.

La France a été condamnée quatre fois par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2021 et 2022 pour avoir expulsé ou voulu expulser des ressortissants tchétchènes[78], et le juge des référés du Conseil d’Etat a annulé en 2023 l'expulsion d'un Ouzbek mise en œuvre en dépit d’une interdiction par la CEDH[79],[80].

Raisons diplomatiques

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La coopération des pays d’origine est nécessaire pour mettre en œuvre les éloignements forcés, parce que les personnes sous OQTF n’ont souvent pas les documents nécessaires pour voyager. Les pays de destination doivent vérifier leur identité et produire un laissez-passer consulaire (LPC)[50], et c'est la principale raison d'échec de la mise en œuvre forcée de la procédure d'éloignement[19].

Le refus de délivrer ces LPC est un moyen de pression des pays d'émigration sur les pays d’accueil, comme la France. En 2021, dans un contexte de relations diplomatiques tendues avec l'Algérie[81],[82], Jean Castex annonce un gel des visas aux pays du Maghreb en réponse à leur refus de délivrer ces laissez-passer[34]. Gérald Darmanin exagère alors largement le nombre de demandes de LPC refusés par l'Algérie en confondant le nombre d’OQTF prononcées et le nombre de demandes adressées à l’Algérie[83]. En 2023, l'Algérie freine l'émission de LPC en réaction à l'accueil par la France d'Amira Bouraoui, la gynécologue militante du Hirak opposée à Bouteflika[84],[85]. La stratégie qui conditionne l'attribution de visas accordés aux ressortissants du Maghreb à la délivrance de LPC est considérée comme peu efficace par la Cour des comptes en 2024[86],[1].

Des accords de réadmission bilatéraux obligent les gouvernements signataires à accepter le retour des personnes éloignées de leurs pays respectifs. Initialement destinés aux extraditions, ils sont devenus après la Seconde Guerre mondiale, et surtout à partir des années 1990, des outils de contrôle des flux migratoires permettant de renvoyer les migrants vers des pays de transit. Ceux-ci concluent des accords de réadmission avec d'autres pays, pour permettre des renvois en chaine jusqu'aux pays d'origine des réfugiés[87]. Certains accords conditionnent une aide au développement à la coopération d’un pays donné en matière de contrôle des flux migratoires[88],[89]. Mais la société civile peut y faire obstacle : les Maliens se sont fortement opposés à la signature d'accords de réadmission avec la France, parce que les envois de fonds par les personnes émigrées ont un rôle économique essentiel[50],[90]. En 2024, Bruno Retailleau promet de nouveaux accords bilatéraux avec la Tunisie et l'Égypte[91].

Enfin, certains pays n'ont pas les moyens administratifs nécessaires pour identifier leurs ressortissants émigrés, notamment dans la durée maximale de la rétention administrative (ce qui explique l’augmentation continue de celle-ci, de 6 jours en 1981 à 90 en 2019[41])[73],[50].

Pour toutes ces raisons, la pression exercée par la France sur les pays d’origine peut être sans effet, ou contre productive[50], et mettre en difficulté des équilibres diplomatiques déjà fragiles[92].

Traitement médiatique, récupération politique

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Le sujet réapparait dans les médias chaque fois qu'un étranger visé par une OQTF est soupçonné d'avoir commis un crime[8],[93]. L'affaire est alors invariablement récupérée avec un objectif politique : en faire un symbole de l'échec du gouvernement[94] et demander un durcissement des politiques migratoires. C'est le cas après les attentats à Arras[95] et Marseille en 2017[96],[97] ou après le meurtre de Lola à Paris en 2022[98],[99],[100],[101]. Selon un sondage CSA réalisé pour Europe 1, CNews et Le Journal du dimanche en septembre 2024, peu après le meurtre de Philippine Le Noir de Carlan à Paris, vraisemblablement par un homme marocain sous le coup d'une OQTF[35],[102], 78 % des Français se disent favorables à l’emprisonnement des individus sous OQTF[103]. Des associations féministes et le Syndicat de la magistrature appellent à penser ce crime sous le prisme des féminicides et de la récidive, non sous celui de l’immigration[104],[65], et Kévin Badeau dans Le Point estime que l'affaire est « instrumentalisée » à gauche comme à droite[105].

Le magazine Marianne explique que dans leur narration des faits divers, certains médias de type CNews mentionnent systématiquement l'OQTF si elle existe, parce que « au-delà de l’intérêt public d’une telle information, se joue aussi une bataille politique – et une droitisation du champ médiatique »[106]. Les médias alimentent ainsi la « confusion entre sécurité, identité et immigration »[35], « entre les étrangers ayant commis des infractions et les étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF »[8].

La médiatisation des faits divers est aussi responsable d'une inflation législative (133 modifications en moins de dix ans selon la Cour des comptes[107]) contre-productive[45].

La juriste et militante Danièle Lochak explique que les circulaires ministérielles sur les procédures d'éloignement sont des outils de propagande : pour réussir à remobiliser les fonctionnaires de police et à frapper l’opinion publique (voir la circulaire Chevènement du 11 octobre 1999[108]), et sont largement médiatisées[19]. Elles ne renseignent pas sur les pratiques de la police, et n'évoquent jamais ni l’usage de la force ni le recours aux charters[19],[109]. Elles montrent la réalité à travers un prisme administratif, dont la sécheresse « finit par faire oublier que c’est d’hommes, de femmes, d’enfants qu’il s’agit »[19].

Selon Stéphane Maugendre, avocat et militant au GISTI, la stratégie politique peut aussi être d'opposer les Français et les étrangers, comme quand Gérald Darmanin commente sur RTL le nombre d'« étrangers délinquants qui ont été expulsés »[110] en annonçant qu'il veut « dire aux Français que [sa] main ne tremble pas »[111].

Nombre total de personnes visées par une OQTF

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Le chiffre de 700 000 personnes ayant reçu une OQTF vivant actuellement en France, présent dans un projet de loi déposé en septembre 2024 par Laurent Wauquiez et entendu dans les émissions de Cyril Hanouna et Pascal Praud, est le résultat d'un calcul fantaisiste consistant à cumuler les OQTF prononcées sur une durée (arbitraire) de dix ans et soustraire le nombre d'OQTF exécutées, sans tenir compte des retours volontaires, des procédures annulées par les tribunaux administratifs, ni le fait que sur une période aussi longue, une même personne peut recevoir plusieurs OQTF[8],[112].

Taux d'exécution

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Il est faux de dire, comme l'a fait Marine Le Pen en 2021[113], que l’Allemagne exécute 90% de ses obligations de quitter le territoire. L'Allemagne délivre trois fois moins d'obligations de quitter le territoire que la France et en exécute 53%[114]. La France est en fait le pays de l'UE qui procède au plus grand nombre d'éloignements forcés[115].

Nombre de recours possibles

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Il est faux de dire, comme l'a fait sur France Inter Gérald Darmanin en 2022, pendant les premiers débats sur sa loi l'immigration, qu'un étranger peut former « jusqu’à 12 recours » contre une OQTF[116]. Le contentieux est complexe[117], et le Conseil d'État a proposé en 2020 sa simplification[31]. Il existe effectivement une douzaine de procédures de recours, mais qui correspondent à des situations différentes et ne peuvent pas être utilisées successivement par une personne unique[118],[119],[120]. La personne étrangère qui reçoit une OQTF ne peut former qu’un seul recours suspensif devant le tribunal administratif ; par ailleurs, si elle est enfermée en centre de rétention, elle peut exercer un recours pour contester sa privation de liberté devant le juge des libertés et de la détention (un juge judiciaire) à chaque fois que son placement est renouvelé. Le JLD ne se prononce toutefois pas sur la validité de l'OQTF.

Une universitaire et militante pour le droit des étrangers estime qu'avec cette annonce, « Gérald Darmanin joue sur une ambiguïté pour faire croire que les personnes sont ultra-protégées »[119].

Lien avec la délinquance

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Selon Libération, l’extrême droite entretient la confusion en assimilant les personnes ayant été l’objet d’OQTF à des délinquants, alors que l'OQTF est une décision administrative, qui est rarement motivée directement par une menace à l’ordre public, et celle-ci n’implique pas que la personne a été préalablement condamnée[9]. Il n'y a donc pas de lien entre OQTF et délinquance[8],[9],[121], ni d'ailleurs entre immigration et délinquance[122].

Possibilités de retour

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Un site commercial d'informations administratives, relayé par erreur sur les réseaux sociaux de l'Ofii, a donné des explications fausses sur la possibilité de retour en France après un départ forcé[2].

Alternatives

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La Cour des comptes encourageait en 2020 une « approche pragmatique : obtenir le départ des personnes susceptibles de le faire volontairement et trouver des solutions pour les autres »[123], c'est-à-dire régularisation par l'obtention d'un titre de séjour ou le développement de l'aide au retour. Selon l'analyse de Camille Le Coz, directrice associée du think tank Migration Policy Institute (en), tisser des liens avec les personnes sans papiers et les mettre à l'abri est un prérequis si l'on veut pouvoir proposer toutes les options possibles[50].

Retour aidé, plutôt que forcé

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Le retour aidé est un départ en échange du versement d'une allocation[124]. Il est proposé par l'OfII[125], peu coûteux[126], mais rarement utilisé (il a concerné moins de 5000 personnes en 2012[42], de même qu'en 2022[124])[50]. Il permet aux personnes exilées de se réintégrer plus facilement dans leur pays d'origine[127], mais ne peut être efficace que si il résout une situation individuelle[128]. La Cour des comptes a encouragé son développement en 2020 et 2024[129],[130].

En Allemagne, des permis de séjour en raison de l'impossibilité de quitter le pays

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En 2006, une loi allemande intitulée Bleiberechtsregelung (littéralement : réglementation du droit de rester), permet à des personnes en situation irrégulière (des anciens demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée mais qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine pour des raisons humanitaires) d'obtenir une admission au séjour temporaire (aufenthaltserlaubnis (de)) qui comporte une période d’essai (Probezeit) de deux ans et demi. L'intéressé doit démontrer sa « bonne intégration » à la société allemande, notamment par sa maitrise de la langue, n'avoir commis aucun délit, et vivre des revenus de son travail, plutôt que d’allocations ou de prestations sociales[131]. À la suite de la crise migratoire de 2015, l'Allemagne a développé la politique de retour volontaire et d'éloignement et, d'autre part, les mesures de régularisation, temporaires ou de long terme, en prévoyant de nombreux mécanismes différents de régularisation des étrangers en résidence tolérée (Duldung), qui ne peuvent pas être éloignés[132].

Notes et références

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Articles de loi

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  1. « Article L611-1 du CESEDA », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  2. « Article L621-1 du CESEDA (abrogé) », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  3. « Article L824-9 du CESEDA », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  4. « Titre IV : Peine d'interdiction du territoire français (Articles L640-1 à L641-3) du CESEDA », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  5. « Article 52 - Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  6. « (obsolète, modifié par la loi 2024) Article L611-3 du CESEDA », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  7. « Article L611-3 du CESEDA »
  8. « Article 37 de la Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration »
  9. « Article 64 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration »

Références

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  1. a b c d e f g h i j et k « OQTF : comprendre le débat sur les mesures d’éloignement des étrangers sans papiers en France », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. a b et c Elsa de La Roche Saint-André, « Pourquoi l’Ofii a-t-il supprimé un tweet sur les possibilités de revenir après une «obligation de quitter» la France ? », sur Libération (consulté le ).
  3. a et b « OQTF : comment se décide vraiment une obligation de quitter le territoire ? », sur Le Parisien, (consulté le )
  4. Serge Slama, « Arrêté de destination : éloignement vers nulle part: », Plein droit, vol. n° 107, no 4,‎ , p. I–VIII (ISSN 0987-3260, DOI 10.3917/pld.107.0024, lire en ligne, consulté le )
  5. « Peut-on rétablir le délit de séjour irrégulier comme l’a proposé Bruno Retailleau ? », sur Les Surligneurs, (consulté le )
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Articles connexes

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