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Tirage platine-palladium

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Le tirage platine-palladium est un procédé de tirage photographique. L'épreuve terminée est composée de platine et de palladium couchés sur un support en papier. Un tirage platine-palladium est aussi appelé platinotype ou palladiotype selon la proportion des composants[1].

Un tirage platine-palladium est caractérisé par une large gamme de gris, l'image s'étendant sous la surface du papier. Les ombres n'atteignent cependant pas les densités d'un tirage au charbon ou d'un tirage argentique. Un tirage platine-palladium est réputé stable et inaltérable[2], il durera autant que le papier qui le compose. Les tirages prennent un ton qui va du noir bleuté au brun chaud selon la proportion des composants ou les variations dans le procédé[3].

En 1804 Adolph Ferdinand Gehlen (en) montre que le chlorure de platine en solution dans l’éther est sensible à la lumière[4]. À partir de 1842 John Herschel développe des procédés de tirage photographique en combinant le citrate ferrique d'ammonium avec des sels de fer, d'argent, de mercure ou d'or, procédés regroupés sous le nom de sidérotype[5]. En 1873 William Willis (en) étend ces procédés au platine en utilisant une solution d'oxalate ferrique et de chloroplatinate de potassium développée dans un bain chaud d'oxalate de potassium. Willis dépose plusieurs brevets à partir de 1873 et commercialise différents papiers au platine et au palladium par l'intermédiaire de sa société "Platinotype Company" à partir de 1878. Le procédé devient populaire.

Portrait de Rodin.
Edward Steichen, Rodin, tirage au platine, 1902.

En 1883 Pizzighelli et Hübl publient une étude approfondie du tirage au platine-palladium[6]. Cette étude est publiée simultanément en France et en Angleterre et constitue la base du procédé actuel. En 1917 la Grande Bretagne impose un moratoire sur le platine, utilisé comme catalyseur dans la fabrication d'explosif, le prix du platine devient prohibitif[7]. Le procédé tombe en désuétude face au procédé au charbon et aux procédés argentiques plus économiques. La dernière fabrique de papier au platine-palladium aux États-Unis ferme en 1937. Plus tard, dans les années 1990, Rob et Sura Steinberg dirigent "The Palladio Company" qui commercialise un papier principalement au palladium pendant une dizaine d'années[8].

Cependant, dans les années 1960 un groupe de photographes américains dont Irving Penn, Dick Arentz[9], George Tice, Nancy Rexroth, Luis Nadeau[10] s’intéressent de nouveau au procédé et partagent leur savoir-faire. Ils couchent eux-mêmes leur papier. Irving Penn, frustré par la qualité de la reproduction de ses photographies dans les magazines, s'intéresse à la fin des années 1950 au tirage comme fin en soi. En juin 1964 il étudie les formules existantes[11] et réalise ses premiers tests, puis il construit un laboratoire dédié et met au point sa propre méthode de tirage platine-palladium en laminant le papier sur une feuille d'aluminium rigide pour pouvoir tirer en plusieurs passes[12]. En 1975, il expose au MoMA, une série de tirages au platine de mégots de cigarettes[13]. En 1979, il reprend un vieux cliché de sa femme et mannequin, Lisa Fonssagrives tiré en argentique en 1950 et le tire au palladium pour démontrer la supériorité du procédé[14].

En France, Pierre Brochet et l'Association pour les Procédés Anciens APA organisent des conférences, dont une en 1983 au Musée Nicéphore-Niépce de Chalon-sur-Saône à laquelle assiste Jean-Claude Mougin[15]. Le procédé est utilisé en Europe par des photographes contemporains tels que Isabel Muñoz, Pascal Bonneau ou des tireurs qui en ont fait leur spécialité comme par exemple Carlos Barrantes, Laurent Lafolie, Jean-Pascal Laux, ou Laurent Gloaguen au Canada.

Le procédé actuel

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Les épreuves photographiques en platine palladium sont tirées principalement sur papier. On peut aussi utiliser un support en bois, en tissu[16], en céramique, en verre ou en émail.

Les papiers utilisés sont sélectionnés selon des critères précis detaillés par Pizzighelli et Hübl[17] . Ils doivent être exempts d'impuretés métalliques, par exemple dues au passage de la pulpe de papier dans une pile hollandaise d'un moulin à papier. Ils doivent avoir un pH neutre ou même légèrement acide. Les papiers modernes "sans acide" tamponnés au carbonate de calcium ne conviennent pas. Ils ne doivent pas contenir d'azurant optique susceptible de jaunir lors du traitement. Le papier doit pouvoir endurer un traitement chimique et un lavage intensif. D'autres qualités comme la capacité d'absorption et l'état de la surface sont à considérer. Pizzighelli et Hübl conseillent un gélatinage[18], d'autres auteurs comme Arentz et Schreiber préconisent un prétraitement acide[19].

L'émulsion comprend d'une part une solution d'un sel sensible à la lumière: l'oxalate ferrique et d'autre part une solution d'un sel de platine: le tetrachloroplatinate de potassium et/ou d'un sel de palladium: le chloropalladite de sodium dans des proportions diverses. Différent additifs sont utilisés dans l'émulsion pour controler le contraste du tirage, l'additif de choix actuellement est l' hexachloroplatinate disodium déjà évoqué par Pizzighelli et Hübl[20] et popularisé par Sullivan. L'émulsion est couchée à l'aide d'un pinceau, d'une brosse ou d'un tube en verre sur le papier qui est ensuite mis à sécher. Un négatif de l'image à tirer est mis au contact du papier sec qui est alors exposé à la lumière. Le papier est sensible aux rayons ultraviolet (UV) dans une bande autour des 350µm[21]. La lumière du soleil ou d'une lampe UV convient.

Le papier exposé est ensuite développé dans un révélateur légèrement acide, généralement du citrate de sodium ou d'ammonium, ou de l'acétate de sodium[22]. L'oxalate de potassium chaud de Willis est maintenant plus rarement utilisé. Plus qu'un développement au sens de la photographie argentique, il s'agit ici d'une mise en présence de l'oxalate ferrique réduit par la lumière qui fait précipiter sous forme métallique les sels de platine et de palladium.

L'émulsion restante est alors clarifiée dans de l'EDTA et du bisulfite[7]. Le papier est enfin rincé abondamment pour faire disparaître toute trace de chimie.

Des variantes du procédé normal existent à toutes les étapes. Ware et Malde ont publié en 1988 une variante du tirage au platine palladium à noircissement direct utilisant de l'oxalate ferrique ammoniacal et un contrôle précis de l'humidité du papier[23]. Sullivan et Weese ont conçu le Ziatype en utilisant des sels de palladium combinés au césium et au lithium ainsi que d'autres métaux[24]. Les tirages contenant du palladium peuvent en outre être virés à l'or.

  1. Malde et Ware 2020, p. 16
  2. Lavédrine 1990, p. 70
  3. McCabe 2017, p. 15
  4. James 2009, p. 270
  5. McCabe 2017, p. 48
  6. Pizzighelli et Hübl 1883
  7. a et b McCabe 2017, p. 90.
  8. (en) Rob J Steinberg, « Why The Palladio Company Went Away: The True History of its Demise », sur rjsteinberg.wordpress.com, (consulté le )
  9. Arentz 2005
  10. (en) Nadeau, History and Practice of Platinum Printing
  11. McCabe 2017, p. 405
  12. Zatse dans Morris Hambourg 2017, p. 332-335
  13. Morris Hambourg 2017, p. 21-32,242-247
  14. Greenough 2005
  15. Mougin 2011, p. 12
  16. Pizzighelli et Hübl 1883, p. 59
  17. Pizzighelli et Hübl 1883, p. 53-56
  18. Pizzighelli et Hübl 1883, p. 56
  19. Arentz 2005, p. 47
  20. Pizzighelli et Hübl 1883, p. 47
  21. Arentz 2005, p. 12
  22. James 2009, p. 282
  23. Malde et Ware 2020
  24. (en) Sullivan, « Ziatype »

Bibliographie

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  • (en) Dick Arentz, Platinum and Palladium Printing, Elsevier, (ISBN 0-240-80606-9)
  • (en) Sarah Greenough, Irving Penn. Platinum Prints, Yale University Press,
  • (en) Christopher James, The Book of Alternative Photographic Processes, Delmar Cengage Learning, , 2e éd. (ISBN 978-1-4180-7372-5), p. 268-317
  • Bertrand Lavédrine, La conservation des photographies, Presses du CNRS, (ISBN 2-87682-044-7)
  • (en) Pradip Malde et Mike Ware, Platinotype : Making Photographs in Platinum and Palladium with the Contemporary Printing-out Process, Routledge, (ISBN 9780367415952)
  • (en) Constance McCabe (ed.), Platinum And Palladium Photographs : Technical History, Connoisseurship, and Preservation, American Institute for Conservation, (ISBN 978-0-9978679-0-9)
  • Maria Morris Hambourg, Irving Penn / Le Centenaire, Paris, Réunion des musées nationaux - Grand Palais,
  • Jean-Claude Mougin, Palladium : L’image aux sels de palladium et de platine, Jean-Claude Mougin, (lire en ligne)
  • Josef Pizzighelli et Arthur Hübl, La Platinotypie : Exposé théorique et pratique d'un procédé photographique aux sels de platine, Paris, Gauthier-Villars, (lire en ligne)
  • (en) Mike Ware, Platinomicon : A Technical Account of Photographic Printing in Platinum and Palladium, Mike Ware, (lire en ligne)
  • (en) William Crawford, The Keepers of Light. A History and Working Guide to Early Photographic Processes, Morgan & Morgan, 1979.
  • (en) Andrew Sanderson, « Platinum and Palladium », dans : Hand Colouring and Alternative Darkroom Processes, Rotovision, 2002, p. 100-109.
  • Andrew Sanderson, « Platine et palladium » dans : Procédés alternatifs en photographie, La Compagnie du livre, 2002, p. 100-109.
  • (en) Jill Enfield, « Platinum and Palladium Prints », dans : Photo-Imaging. A Complete Visual Guide to Alternative Techniques and Processes, Amphoto Books, 2002, p. 106-119.
  • (en) Malcolm Daniel, Stieglitz, Steichen, Strand. Masterworks from The Metropolitan Museum of Art, Yale University Press, 2010.
  • (en) Jill Enfield, Jill Enfield's Guide to Photographic Alternative Process. Popular Historical and Contemporary Techniques (Alternative Process Photography), Focal Press, 2013.
  • (en) Ian Leake, The Platinum Printing Workshop. Platinum/Palladium Printing Made Easy, CreateSpace Independent Publishing Platform, 3rd Edition, 2017.

Article connexe

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