Vitrail de la vie de la Vierge (Chartres)
Type | |
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Partie de |
22 verrières figurées (déambulatoire et chapelles rayonnantes), cathédrale de Chartres (baies 0, 1, 2, 4, 5, 7 à 9, 11 à 18, 20, 21, 23, 28 à 30) (d) |
Fondation |
- |
Créateur |
Inconnu |
Matériau |
verre transparent (d) |
Restauration |
et |
Hauteur |
7,45 m |
Largeur |
2 m |
Patrimonialité |
Objet français classé monument historique (d) |
Localisation |
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Le vitrail dit de la Vie de la Vierge à Chartres est un vitrail narratif du déambulatoire sud de la cathédrale Notre-Dame de Chartres, qui raconte l'enfance de la Vierge Marie. Il partage cette baie, numérotée 028 dans le Corpus vitrearum, avec le vitrail du Zodiaque et travaux des mois, à gauche dans la même baie, et un oculus représentant le Christ bénissant, Alpha et Oméga.
Le thème en est la première partie de la vie de la Vierge Marie, combinaison des récits apocryphes de la Nativité de Marie et les évangiles de l'Enfance que l'on trouve principalement dans l'évangile selon Luc et l'évangile selon Matthieu.
Le vitrail fut offert par la corporation des vignerons et Thibaut VI de Blois.
Description d'ensemble
[modifier | modifier le code]La baie elle-même, de style gothique primitif, se compose de deux lancettes en arc brisé, surmontées d'un oculus de réseau[1].
Le vitrail de 7,45 × 2,01 m s'inscrit dans la lancette de droite, la lancette de gauche étant occupée par le vitrail du Zodiaque et travaux des mois[1]. La verrière a été exécutée entre 1217 et 1220, elle est contemporaine de la cathédrale actuelle reconstruite après l'incendie de 1194.
Elle a été restaurée en 1904 par Gaudin, puis par l'atelier Mauret en 1993[1]. Elle a été classée aux monuments historiques en 1840[1].
La lancette droite est divisée par neuf barlotières horizontales et deux verticales, délimitant neuf étages de panneaux rectangulaires légèrement allongés verticalement, disposés sur trois colonnes. À l'exception des panneaux centraux des motifs cruciformes, le motif séparant les scènes des différents panneaux est indépendant de ces ferrures.
Toutes ces scènes sont sur fond bleu. Le vitrail est principalement composé de trois losanges rectangles, dessinant un motif cruciforme complexe s'étendant sur cinq panneaux. Le panneau central inscrit sa scène dans un cercle bordé de deux filets rouge et blanc, posé sur un fond rouge bordé de blanc limité par le rectangle de ferronnerie. Ce rectangle étant allongé verticalement, la bordure du cercle déborde et est visible sur les deux panneaux latéraux, mais n'atteint pas les barlotières horizontales. Ornant le rectangle, un motif floral asymétrique vert et blanc fleuri de jaune occupe les quatre écoinçons à fond rouge.
Les quatre bords du rectangle se prolongent par un panneau s'inscrivant dans un arc d'ogive, dont les bords verticaux ou horizontaux s'incurvent pour se couper en tiers-point. Ces ogives sont bordées de deux filets bleu et rouge, et d'un filet de perles blanches. Du fait du caractère rectangulaire des panneaux, la bordure des ogives verticales déborde sur les deux panneaux latéraux, tandis que la pointe des ogives horizontales traverse la bordure du vitrail, dont elle vient toucher les filets extérieurs.
L'ensemble de ce motif en croix est posé sur un grand cercle à fond rouge bordé de deux filets verts et jaune, tangent au losange rectangle qui s'appuie sur les quatre pointes d'ogive. Entre ce cercle et les arcs en tiers-point, les écoinçons à fond rouge portent chacun un motif floral symétrique bleu fleuri de blanc.
Alternant avec les grands cercles, des demi-cercles latéraux se rattachent à la bordure. Ils présentent deux scènes sur fond bleu, séparées par la barlotière horizontale, et sont bordés de trois filets rouges, bleu et blancs. Du fait du caractère rectangulaire des panneaux, ces cercles ne sont tangents qu'avec les ogives verticales. Par ailleurs, les ogives verticales sont raccordées verticalement par un petit losange rectangulaire, traversé horizontalement par la barlotière, et dont le fond bleu à peine visible est bordé de trois filets rouge, bleu et blanc.
Entre ces éléments, le fond est tapissé d'une mosaïque à écailles[1] oblongues bleues ornées d'un motif floral en grisaille, dont les bordures à filet rouge se raccordent sur une perle blanche.
La bordure est formée de deux bandes, rouge à l'intérieur et bleue à l'extérieur, bordée vers l'intérieur de deux filets bleu et blanc et d'une bordure de perles blanches, et vers l'extérieur de deux filets rouge et blanc. Sur les deux bandes centrales se développe un délicat motif floral multicolore à palmettes[1],[2].
La dominante d'ensemble est bleue, couleur qui dans la symbolique chrétienne est souvent retenue pour celle de la Vierge Marie.
Thématique
[modifier | modifier le code]Le thème du vitrail est le récit légendaire de la première partie de la vie de la Vierge Marie. Le début s'appuie sur divers récits apocryphes de la Nativité de Marie, qui reprennent des thèmes bibliques en les appliquant à la conception et à la naissance de Marie. L'élément central du vitrail, au centre de la croix centrale, est le panneau de l'Annonciation[2] : ceci soulignant que le « fiat » de la Vierge en cette occasion est le sommet d'une vie tout entière tournée vers Dieu. Ce récit se prolonge par le début de la vie du Christ, que l'on trouve principalement dans l'évangile selon Luc et l'évangile de Matthieu.
Ce récit dit « de la vie de la Vierge Marie » s'arrête donc en réalité à Marie jeune accouchée. En réalité, la vie de la Vierge Marie se prolonge et fait encore l'objet de nombreux autres textes apocryphes. Les évangiles de l'enfance décrivent par exemple plus complètement la fuite en Égypte, que l'on voit détaillée sur le Vitrail de l'Enfance du porche ouest, et le thème de la Mort et Assomption de la Vierge fait l'objet d'un autre vitrail narratif de Chartres dans le côté sud de la nef.
La première partie de cette vie de Marie s'appuie sur des textes apocryphes remontant aux premiers siècles de l'ère chrétienne, principalement l'Évangile du Pseudo-Matthieu et le Protévangile de Jacques. Ces textes seront plus tard synthétisés dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, vers 1265, dans le récit de « La Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie » donné pour sa fête du (chapitre CXXIX). Ils avaient servi de base à un récit apocryphe connu à Chartres, le « De Nativitate Mariae » (la Nativité de Marie - IXe siècle?)[2]. On y trouve donc l'histoire de Anne et Joachim, et comment dans leur grand âge ils engendrèrent celle qui devint la Vierge Marie.
Comme en témoigne un sermon de Fulbert de Chartres, la fête de la Nativité de Marie était célébrée à Chartres dès le début du XIe siècle[2].
Les donateurs
[modifier | modifier le code]Les donateurs, la corporation des vignerons et le comte Thibaut VI, sont classiquement représentés aux deux angles inférieurs.
À gauche, les vignerons taillent la vigne, activité du mois de mars[2]. Ils sont protégés du froid par un capuchon, et émondent la vigne au moyen d'une serpette à talon[2]. Le sécateur ne sera inventé qu'au tout début du XIXe siècle.
À droite, trois personnages semblent implorer leur protecteur, un chevalier en armure qui porte un bouclier bleu à diagonale blanche, que l'on lit ici « d'azur à la bande d'argent »
Pour cette époque, ce sont les armes primitives de la Maison de Blois. Le chevalier n'est pas identifié, mais apparaît dans la lancette voisine, toujours en bas à droite, désigné comme COMES TEOBALD (comte Thibaut), qui appartient à une branche cadette de ce qui deviendra la « maison de Champagne »[2]. Ici, et compte tenu de la date d'élaboration du vitrail, on peut donc reconnaître Thibaut VI de Blois, comte de Chartres, qui contribua à la construction de la cathédrale de Chartres. On retrouve ce même Thibaut VI de Blois avec des armes cette fois-ci brisées, dans les vitraux hauts du chœur (baie 109).
Description des panneaux
[modifier | modifier le code]Le vitrail se lit classiquement, de bas en haut et de gauche à droite, chaque panneau rectangulaire porte une scène indépendante. Les passages correspondants sont cités d'après l'« évangile de la nativité de la vierge Marie », énergiquement résumés.
Nativité de la Vierge
[modifier | modifier le code](Ib) : Refus de l'offrande de Joachim[3].
La composition de la scène est marquée par l'opposition, de part et d'autre du pilier central, entre le clergé du Temple de Jérusalem à gauche, et Anne et Joachim à droite. Joachim, apportant un agneau (visible, quoique caricatural, avec une meilleure définition) se voit opposer un signe de dénégation. Anne, levant la main, paraît catastrophée et résignée[2]. Le thème de la stérilité correspond à celui de Anne, mère de Samuel (1Sam 1)[2] :
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(IIa) : Annonce divine faite à Joachim[3].
Joachim est vêtu comme un berger du Moyen Âge[2]. Il est ici représenté en train de garder un troupeau de chèvres, et peut-être aussi de moutons. Le thème de l'annonce de l'ange est parallèle à celui de l'annonce de la naissance de Jean-Baptiste (Lc 1:5-25), essentiellement : Ne crains rien, ta femme enfantera, son enfant sera consacré à Dieu, et vivra de pureté, et voici un signe. | |
(IIc) : : Annonce divine faite à Anne[3]. L'ordre de lecture naturel est ici inversé, l'annonce de l'ange (panneau de droite) vient avant la scène de la porte dorée (panneau central).
Anne est classiquement représentée comme filant la laine à domicile. De même que précédemment, le thème de la « pureté absolue » correspond à celui du nazir, personne consacrée à Dieu devant vivre dans un état de pureté permanente. L'annonce faite à Anne rappelle de plus l'histoire de Samuel (1Sa 1) : Anne, stérile, enfante Samuel qui passera sa vie au service du Temple. La vie de pureté à laquelle doit être consacrée Marie rappelle celle demandée au Nazir. L'Ancien Testament ne connaît que deux cas de nazir perpétuel : Samson[5] et Samuel[6],[7]. | |
(IIb) Rencontre d'Anne et de Joachim à la porte dorée[3].
Dans la composition du panneau, la séparation des époux par la porte dorée signifie la valeur attribuée à cette époque à la chasteté entre époux[2]. La tête de Joachim est une restauration inopportune le figurant à présent sous les traits d'un jeune homme[3]. La formulation décrivant le Seigneur qui « élève les humbles » est une évocation directe du Magnificat (Lc 1:52). | |
(IIIa) : Anne enceinte discute avec Joachim[3].
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| | (IIIb) : Nativité de la Vierge[3].
Anne est épuisée par l’accouchement[2], la sage-femme se penche sur elle pour lui présenter la petite Marie. Celle-ci porte déjà un nimbe[2], manifestant visuellement qu'elle est l'immaculée conception, c'est-à-dire sainte avant même toute purification, laquelle prendra place dans le panneau suivant. Les « matrones », qui ont pour fonction de mettre à la vie, sont toujours valorisées dans l'iconographie de l'époque lorsque l'occasion s'en présente[2]. |
(IIIc) : Premier bain de la Vierge[3].
Le premier bain après l'accouchement est un symbole de purification, très ritualisé[2]. Les deux servantes (sans nimbe) qui s'en occupent portent le costume de femmes élégantes du XIIe siècle[2]. Cet épisode a une forte connotation liturgique, qui pour le pèlerin chrétien fait immédiatement penser au baptême[2]. Ici, Marie est plongée dans ce qui reprend le code graphique d'un Calice liturgique, une coupe unie d'un anneau à mi-pied. Ce rappel visuel est évocateur des qualificatifs de la Vierge dans la litanie de la Sainte Vierge : « Vase spirituel, Vase d’honneur, Vase insigne de la dévotion »[8],[9]. Cette association graphique est un écho explicite de l'Épître aux Romains (Rm 6:3) : « nous tous, qui avons été baptisés pour Jésus-Christ, c'est en relation avec sa mort que nous avons été baptisés. » Dans la liturgie, le calice représente en effet le sang du Christ, « versé pour vous et pour la multitude ». |
L'enfance de la Vierge
[modifier | modifier le code](IVa) : Anne et Joachim présentent Marie à l'Enseignant[3].
Le jeu des mains (mieux discernable sur une haute résolution) est ici remarquable : Marie tend ses mains vers le maître, montrant qu'elle aspire à se rattacher à son enseignement ; Joachim dresse un index menaçant de la main droite, avertissant solennellement le maître sur la responsabilité qu'il prend vis-à-vis de sa responsabilité parentale d'éducation, mais en même temps ouvre la main gauche, montrant qu'il accorde sa confiance à l'enseignement de l'institution. Le maître, qui tient à la main sa férule, signe d'autorité[2], étend sa main sur Marie, montrant qu'il est là pour l'abriter et la guider dans son mûrissement, et regarde Joachim droit dans les yeux : il assumera. Anne, en arrière-plan, lève la main en un signe de simple bénédiction : la mère biologique cède alors le pas à la Mère Spirituelle. De fait, Anne et Joachim n'interviendront plus dans les écrits apocryphes : Marie a été confiée au Temple, le rapport avec ses parents n'est plus pertinent. Au Moyen Âge, l'instruction n'était pas répandue, et seules les filles de grandes familles étaient alphabétisées, mais elles ne l'étaient pas dans des écoles publiques. Cette interprétation graphique mélange deux réalités moyenâgeuses : l'enseignement institutionnel se rencontrait soit dans les monastères, soit dans des écoles cathédrales ou paroissiales. Il était effectivement courant de confier ses enfants à des monastères, ce que reflète la règle de saint Benoît qui traite du régime particulier de ces enfants. Cependant, la légende de la Vierge indique spécifiquement qu'elle est confiée « au temple », ce qui pour l'époque ne peut signifier qu'une école cathédrale. | |
(IVb) : La Vierge Marie à l'école[3].
Marie, portant un nimbe, est au premier rang. La scène est une illustration de ce que pouvait être une école cathédrale au XIIe siècle : Marie, en s'y montrant soumise, valide le modèle de l'élève soumis face à son maître. C'est une apologie pour l'école cathédrale de Chartres, alors renommée[2]. Les différents récits apocryphes n'insistent pas tellement ici sur l'enseignement proprement dit, mais sur la perfection de sa vie religieuse dès l'enfance. Sa vie mystique est intense, « tous les jours elle était fréquentée par les Anges, tous les jours elle jouissait de la vision divine qui la préservait de tous les maux et qui la comblait de tous les biens » ; et ses vertus sont celles qu'on attend d'une parfaite moniale, « Nul ne la vit jamais en colère, nul ne l'entendit jamais dire du mal ; toutes ses paroles étaient si pleines de grâce que l'on reconnaissait la présence de Dieu sur ses lèvres ; toujours elle était occupée à prier ou à méditer la loi, et elle se préoccupait de ses compagnes, veillant à ce qu'aucune d'entre elles ne péchât ». | |
(IVc) : Le tirage au sort désigne Joseph.
La verge que tient Joseph est florissante, alors que celle des deux autres derrière lui restent sèches[3]. Marie lève la main en signe d'acceptation[2]. Le récit renvoie explicitement à la prophétie d’Isaïe, illustré dans le vitrail de l'Arbre de Jessé de Chartres : « Un rameau sortira du tronc de Jessé, et un rejeton naîtra de ses racines » (Is 11:1). Symboliquement, le « tronc de Jessé » est la tribu de David, son dernier-né. Ici, le récit prend les choses littéralement : la verge est réellement une baguette de bois, le rameau qui sort est réellement fleuri, et Jessé est réellement représenté en la présence de Joseph. Par ailleurs, le récit reprend le récit biblique de la désignation d'Aaron comme grand prêtre décrite : « Moïse déposa les verges devant l’Éternel, dans la tente du témoignage. Le lendemain, lorsque Moïse entra dans la tente du témoignage, voici, la verge d'Aaron, pour la maison de Lévi, avait fleuri, elle avait poussé des boutons, produit des fleurs, et mûri des amandes. Moïse ôta de devant l’Éternel toutes les verges, et les porta à tous les enfants d'Israël, afin qu'ils les vissent et qu'ils prissent chacun leur verge » (Nb 17:7-9). | |
(Va) : Mariage de Marie et Joseph[3].
Quatre sains sont affirmés par leurs nimbes : Marie et Anne à gauche, Joseph et Joachim à droite. Les futurs époux matérialisent leur engagement en se donnant la main droite. Le rabbin qui officie porte le bonnet conique traditionnel des juifs dans l'iconographie de l'époque. Derrière Joseph on voit apparaître la tête d'un témoin. Le célébrant regarde fixement Marie, laquelle lève la main en signe de consentement : il est en train de demander le consentement de l'épouse. Yves de Chartres soulignait en effet que dans le mariage, « il faut que les deux consentements soient clairement exprimés, surtout celui de la fille »[2]. Les récits apocryphes insistent sur le fait que Joseph est un vieillard, et que le mariage proprement dit n'a pas été consommé mais doit l'être plus tard, si même il peut l'être. Ceci reflète la problématique de la virginité perpétuelle de Marie. |
Nativité de Jésus
[modifier | modifier le code]À partir de ce panneau, les récits apocryphes suivent essentiellement les récits des évangiles, qui sont ici résumés. Ils tendent cependant à y ajouter de nombreux détails rendant les épisodes à la fois plus précis et plus merveilleux.
(Vb) : L'Annonciation faite à la Vierge Marie[3].
Panneau central de la croix central, l'Annonciation est effectivement au cœur du mystère marial, ce que signifie ici sa place géométrique. Le texte biblique est donné par l'évangile selon Luc, 1:26-38. Comme souvent, l'ange a une aile pointée vers le ciel et l'autre vers le sol, manifestant sur le plan iconographique que sa fonction est d'être l'intermédiaire entre le Ciel et la Terre. ce messager tient dans sa main gauche le rouleau sur lequel est inscrit le message divin. La fleur de lys centrale, symbole associé aux vierges, rappelle ici la conception virginale de Marie ; elle est curieusement posée sur un candélabre, peut-être pour évoquer par sa couleur brune le bois de la tige de Jessé, fleurissant contre toute attente. À droite, le siège sur lequel était assise Marie présente une curieuse déformation perspective, rarissime dans l'art pré-renaissance. | |
(Vc) : La Visitation de la Vierge Marie[3].
La visitation fait suite à l'Annonciation dans l'évangile selon Luc (1:39-46). Les deux femmes s'accueillent mutuellement[2]. Après la salutation, les paroles de Marie constituent le futur cantique du Magnificat, qui dans la liturgie catholique est chanté tous les jours dans l'office de vêpres. Le symbolisme est ici très fort : avec son mari Zacharie, Elizabeth « était stérile, et ils étaient avancés l'un et l'autre en âge » (Lc 1:7). C'est l'image de l'Ancienne Alliance, vieillie, dont Jean Baptiste sera le dernier prophète. En face, Marie, à peine nubile, dans la fleur de la jeunesse, représente la Nouvelle Alliance que portera son enfant, Jésus-Christ. Ce thème de la stérilité physique, qui reprend encore une fois celui de Anne, mère de Samuel (1Sam 1)[2], met en valeur par contraste la puissance de Dieu qui va au-delà de cette naissance « impossible », et authentifie la fécondité divine que représente le prophète. Comme l'annonçait l'Ange au panneau précédent, Zacharie et Elizabeth ont donc un enfant contre toute attente, « Car rien n'est impossible à Dieu » - thème que l'on retrouve avec le vitrail de Saint Jean Baptiste situé dans les vitraux hauts de l'abside. Sur le même thème, et sur ce même vitrail, Anne et Joachim ont eu Marie dans leur vieillesse, ce que décrivaient les panneaux inférieurs. | |
(VIa) : La Nativité de Jésus[3].
La nativité n'est pas très développée dans l'évangile selon Luc (2:1-7), et à peine évoquée dans l'évangile selon Matthieu, qui s'appesantira plus sur l'épisode des rois mages.
L'âne et le bœuf que l'on voit apparaître dans la scène ne sont pas tirés des évangiles canoniques, mais de l'Évangile du Pseudo-Matthieu, où ils rappelle explicitement Isaïe, et implicitement l'aveuglement d'Israël : « Le bœuf connaît son possesseur et l'âne la crèche de son maître ; mais Israël n'a point de connaissance, mon peuple n'a point d'intelligence » (Is 1.3) :
Joseph paraît soucieux face à Marie, sereine et désignant l'enfant Jésus. L'enfant Jésus est dans une « mangeoire » figurée sous forme d'un autel, symbolisant son futur sacrifice[2], car selon la glose « le berceau du Christ est en même temps l'autel du sacrifice »[10]. | |
(VIb) : L'annonce faite aux bergers[3].
Le berger de droite est entouré d'une chèvre et d'un chien, à ses pieds paissent trois moutons. Comme souvent, la chèvre (au centre) est en train de brouter un arbre. | |
(VIc) : La Présentation de Jésus au Temple[3].
Tous les personnages, un homme et trois femmes, sont nimbés, désignant la sainteté. Ce sont évidemment au premier plan l'enfant Jésus (dont le nimbe portant une croix désigne une personne divine) et Marie, qui ici remet Jésus à Syméon. Les deux personnages à l'arrière-plan sont plus difficiles à identifier. L'un de ces personnages porte un cierge, rappelant que cette fête, dans le catholicisme, correspond à la Chandeleur,fête des lumières[2]. L'autre est probablement Anne la prophétesse. Les deux personnages Anne et Siméon, décrits dans l'évangile de Luc (2:22-38) prophétisent l'un et l'autre que cet enfant Jésus est le salut attendu par Israël. |
L'enfance de Jésus
[modifier | modifier le code]Contrairement aux panneaux précédents, dont les scènes se déroulent successivement, cette croix supérieure du vitrail se lit plutôt par bandes horizontales synchrones : en bas, la visite des rois mages, au milieu le massacre des Innocents, qui se complète par le Christ au sommet.
(VIIa) : Hérode le Grand consulte les spécialistes de la Loi.
Le panneau illustre le passage de Matthieu (2:1-8) où Hérode le Grand, roi des Juifs, apprend qu'un enfant qualifié de « roi des Juifs » par les écritures sacrées a été annoncé par les astres, et s'apprête à défendre son trône.
Le doigt d'Hérode pointe sur l'étoile des mages, figurant dans le panneau suivant : quelle est cette étoile, et que signifie-t-elle? Hérode est assis sur son trône, et est figuré la main sur la cuisse, signe de puissance[2]. L'un des spécialistes tiens en main et consulte un rouleau de la Loi. En haut, Jérusalem est figurée par une ligne de créneaux et une tour fortifiée. | |
(VIIb) : Les rois mages se rendent à Bethléem.
La suite du récit (Mt 2:9-10) correspond à ce panneau intermédiaire. Les mages sont représentés en train de sortir d'une porte rouge, figurant le palais d'Hérode[2]. L'étoile qui les guide rayonne en haut à droite du panneau. Les deux qui figurent ici sont encore en route, et portent leur présent (l'encens et la myrrhe) dans une boîte sphérique à couvercle ; le troisième est déjà arrivé au panneau suivant. Dans la composition de ce panneau, les rois mages ont toujours les yeux fixés sur Hérode le Grand, resté dans le panneau précédent. Ils viennent de le renseigner sur leur mission, et se rendent à Bethléem. L’Évangile arménien de l'Enfance précise (comme nombre d'autres textes antiques) que les mages sont trois rois, dont il donne les noms traditionnels[2] :
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(VIIc) : Adoration des Mages[3].
Ici, les « Mages venu d'orient » se réduisent à un seul personnage, les deux autres membres des traditionnels « Trois Rois Mages » étant restés figurés en route sur le panneau précédent. Le Mage présent est ici celui qui offre l'or, tirée du coffre posé sur ses genoux, il a ôté sa couronne en signe de déférence[2]. Cette « pièce d'or » est figurée ici, marquée par la grisaille, comme cerclée et marquée d'une croix (ce qui est visible aux jumelles ou sur une photographie de haute définition), ce qui évoque immédiatement, pour le pèlerin chrétien, l'image d'une hostie consacrée présentée à la communion. Un récit oriental de l'Antiquité tardive explique à ce propos que les mages entendent mettre Jésus à l'épreuve et connaître sa nature : s'il est roi, il choisira l'or, s'il est prêtre, l'encens et s'il est médecin, il optera pour la myrrhe. L'enfant déconcerte les trois sages en choisissant les trois présents[12]. | |
(VIIIa) : La fuite en Égypte[3].
Le passage « du prophète » est tirée du livre d'Osée (11:1), et renvoie à l'épisode biblique de la sortie d'Égypte. La fuite en Égypte est un thème fréquent dans l'iconographie, et cet épisode est plus détaillé dans l'Évangile du Pseudo-Matthieu[2]. Curieusement, le personnage guidant l'âne n'est plus présenté avec un nimbe mais avec le bonnet conique caractéristique des juifs dans l'iconographie de l'époque. S'agit-il toujours de Saint Joseph? La branche blanche que l'on aperçoit derrière Marie évoque peut-être l'épisode du palmier, décrit dans l'évangile du Pseudo-Matthieu :
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(VIIIb) : Hérode ordonne le Massacre des Innocents[3].
Les trois scènes de cet étage sont simultanées, mais le récit biblique introduit ici le panneau de droite avant celui du centre.
Hérode est assis sur son trône, dans son palais à Jérusalem, dont on aperçoit le sommet des remparts en haut du panneau. Le trône est le signe de la souveraineté, celui qui s'y assied est dit « en majesté ». L'escabeau sert à poser les pieds : il fait corps avec le siège et est orné comme lui[14]. Il est lui-même un symbole de domination : « Assieds-toi à ma droite, Jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. L’Éternel étendra de Sion le sceptre de ta puissance: Domine au milieu de tes ennemis! » (Ps 110:1-2) | |
(VIIIc) : Scène du Massacre des Innocents[3].
La scène est particulièrement violente. Deux soldats sont représentés en cotte de mailles de l'époque (début XIIe siècle). Celui de droite semble s'amuser d'une tête d'enfant qu'il tient de sa main gauche ; celui de gauche arrache un enfant nu à sa mère éplorée. À leurs pieds une mère vêtue de jaune se lamente sur la tête de son enfant, au milieu de cadavres dénudés et décapités. | |
(IXb) : Le Christ bénit une foule de pèlerins[3] (?)
Le rapport entre ce panneau et le reste du vitrail n'est pas immédiat. La scène représente peut-être les limbes, qui traditionnellement reçoit les âmes des justes et des enfants morts sans baptême : dans l'étage inférieur, les « Saints Innocents » ont reçu le « baptême du sang », mais « Les âmes des justes ne furent pas introduites dans le paradis avant la mort de Jésus-Christ, parce que le paradis avait été fermé par le péché d’Adam et qu’il convenait que Jésus-Christ, dont la mort le rouvrait, fût le premier à y entrer »[15]. Le panneau évoquerait alors la Descente aux Enfers, où le Christ vient libérer ces âmes — y compris, donc, celles des « Saints Innocents », représentant graphiquement que les âmes de ces innocents ont donc été directement sauvées par le sacrifice du Christ. Les deux panneaux latéraux ne portent que le raccord de la bordure, sans avoir de scène spécifique. |
Notes et références
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- « Verrière figurée : Zodiaque et Travaux des mois (baie 28) », notice no IM28000515, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
- Vie de la Vierge, vitrail 28b, La Cathédrale de Chartres.
- Bay 28b - The Life of the Virgin, Chartres Cathedral - the Medieval Stained Glass, The Corpus of Medieval Narrative Art
- Évangile de la Nativité de Marie, Traduction française : Gustave Brumet.
- Jg 13. 3-7, Jg 16-17.
- 1Sa 1. 11.
- Livre des Nombres, 6,6 "Tous les jours de son naziréat pour le Seigneur, il n’approchera d’aucun mort".
- Litanie de la Sainte Vierge
- Les litanies de la Sainte Vierge ou mois de Marie, M. l'abbé Xavier, Vagner, 1863.
- La cathédrale de Chartres, Malcom Miller, Pitkin guides 1985. (ISBN 978-0-85372-788-0) (reliée). (ISBN 978-0-85372-789-7) (brochée).
- Evangiles apocryphes, tome 2, Hippolyte HEMMER et Paul LEJAY, Auguste Picard ed., Paris 1914.
- Richard C. Trexler (trad. Marianne Groulez, préf. Jacques Le Goff), Le voyage des mages à travers l'Histoire, Armand Colin, , p. 39
- Histoire de la Nativité de Marie et de l'Enfance du Sauveur, in Les Évangiles apocryphes, traduits et annotés d'après l'édition de J. C. Thilo, par Gustave Brunet; Franck, 1848.
- Mgr Xavier Barbier de Montault, Traité d'iconographie chrétienne, Paris, Société de librairie ecclésiastique et religieuse, 1898.
- Catéchisme de Pie X
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Nativité de Marie
- Évangile du Pseudo-Matthieu, Protévangile de Jacques, Compilation J
- Anne (mère de Marie) et Joachim (père de Marie)
- Vitraux de Chartres
- Cathédrale Notre-Dame de Chartres
- Technique médiévale : Le Vitrail
- Vitrail
Liens externes
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- Ressource relative aux beaux-arts :
- Bay 28b - The Life of the Virgin, Chartres Cathedral - the Medieval Stained Glass, The Corpus of Medieval Narrative Art.
- The Life of the Virgin Window, Alison Stones, Images of medieval art and architecture.
- Évangile de la Nativité de Sainte Marie.
- Protévangile de Jacques (autre site).