Soir
Littérature
[modifier]Prose poétique
[modifier]Paul Éluard , Capitale de la douleur, 1926
[modifier]Baigneuse du clair au sombre
- Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Éluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966 (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, Baigneuse du clair au sombre, p. 95
- Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Éluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966 (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, Baigneuse du clair au sombre, p. 95
Roman
[modifier]Gabriele D'Annunzio, Le Feu, 1900
[modifier]Le fleuve coulait, sombre entre ses berges, sous un ciel de violette et d’argent où montait la pleine lune. Une barque noire descendait le courant, halée au bout d’une corde par deux chevaux gris qui marchaient sur l’herbe de la rive avec de sourdes foulées, conduits par un homme qui s’en allait sifflant, d’un air paisible ; et sur le pont de la barque, un tuyau fumait, comme la tourelle d’une cheminée sur le toit d’une chaumière ; et, dans la cale, une lanterne répandait sa lumière jaune, et l’air du soir s’imprégnait de l’odeur du repas. Et, de-ci, de-là dans la campagne noyée, les statues passaient, passaient.
C’était une lande stygienne, une vision de l’Hadès : un pays d’ombres, de brumes et d’eaux. Toutes les choses s’évaporaient et s’évanouissaient comme des esprits. La lune enchantait et attirait la plaine comme elle enchante et attire la mer ; de l’horizon, elle buvait la grande humidité terrestre, avec une bouche insatiable et silencieuse. Partout brillaient des mares solitaires ; on voyait, dans un lointain indéfini, miroiter de petits canaux entre les files inclinées des saules. D’heure en heure, la terre semblait perdre sa solidité et devenir liquide ; le ciel pouvait y mirer sa mélancolie que reflétaient d’innombrables miroirs immobiles. Et, de-ci, de-là, sur la rive décolorée, pareilles aux Mânes d’un peuple disparu, les statues passaient, passaient.
- Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. II. L'empire du silence, p. 740
- Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. I. L'épiphanie du feu, p. 5
Michel Déon, Les Poneys sauvages, 1970
[modifier]Il y eut ainsi une série de soirées sublimes où tout s'accordait : la pâleur magique des clairs de lune, l'odeur du maquis - thym et marjolaine - par bouffées doucereuses, la mer moirée que nous déchirions de l'étrave et, éclairé en dessous par la lumière du compas, le visage de Delia dessiné d'un seul trait nerveux et hautain.
- Les Poneys sauvages (1970), Michel Déon, éd. Gallimard, 1970, p. 247
Renée Dunan, La Culotte en jersey de soi, 1923
[modifier]- La Culotte en jersey de soi (1923), Renée Dunan, éd. Le Cercle Poche, 2011 (ISBN 978-2-84714-152-8), p. 17
Irène Némirovsky, Le vin de solitude, 1935
[modifier]Dans la partie du monde où Hélène Karol était née, le soir s’annonçait par une poussière épaisse qui volait lentement dans l’air et retombait avec la nuit humide. Une trouble et rouge lumière errait au bas du ciel ; le vent ramenait vers la ville l’odeur des plaines ukrainiennes, une faible et âcre senteur de fumée et la fraîcheur de l’eau et des joncs qui poussaient sur les rives. Le vent soufflait d’Asie ; il avait pénétré entre le mont Oural et la mer Caspienne ; il avait roulé devant lui des flots de poussière jaune qui craquait sous les dents ; il était aride et cinglant ; il emplissait l’air d’un grondement sourd qui s’éloignait et se perdait vers l’ouest. Tout s’apaisait alors. Le soleil couchant pâle, et sans forces, voilé d’un nuage livide, plongeait dans le fleuve.
- Incipit