Beaune de Bourgogne
BEAUNE DE BOURGOGNE
352 kilomètres de Paris, à 37 au delà de Dijon, sur la grande ligne
de Paris à Lyon, Beaune de Bourgogne, que brûlent les express,
est, au pied des longs coteaux de la Côte-d’Or fameux en vins, une
petite ville exquise et morte, close de murailles et de silence. Par
l’unité de son dessin à peine ébréché par la vie moderne ; par le calme
désertique de ses rues pavées, nettes et propres, où un sou qui tombe
éveille d’interminables résonances, où un enfant qui crie, un chien qui
hurle, semblent déchaîner des tonnerres ; par son beffroi à clocher, son
église à porche, ses longs toits bruns et ses logis à tourelles ; par le
magnifique joyau mystique de son Hôtel-Dieu, on dirait une cité des
Flandres.
Seuls, des bruits sourds de maillets de tonnelier, qui ça et là sortent des caves ; seuls des relents parfumés, âcres à la fois et sucrés, et des coulées violâtres, éparses dans les ruisseaux, vous disent que vous êtes dans la cité du vin. Non pas du vin populeux et bruyant du Midi, mais du vin de rubis, précieux et rare, soigneusement clos dans les celliers qui le gardent, et dont il ne partira que pièce à pièce pour le riche acheteur lointain qui l’attend. Le commerce même est ici tout aristocratique. Chacun vit dans sa maison. Les gens, lorsqu’ils parlent, ont le timbre doux et légèrement chantant.
Il fut un temps cependant où la rumeur de la vie emplissait Beaune. Sœur d’origine de Dijon, la ville, après avoir été pareillement un simple oppidum militaire des Romains chez les Gaulois Éduens[1], puis une bourgade brûlée par les Sarrasins au viiie siècle, s’érigea en commune dès 1203, ayant obtenu du duc de Bourgogne, Eudes III, une charte d’affranchissement, moyennant une redevance annuelle de 200 marcs d’argent. Son industrie se développa rapidement dès lors. D’habiles ouvriers y travaillaient le fer et l’acier, mais ses fabriques de drap étaient surtout renommées ; l’eau de la petite rivière de la Bouzoise, qui l’arrose, excellait pour la teinture de l’écarlate. Ses vins d’autre part commençaient déjà leur réputation. On les servait à la table des rois ; on en expédiait à Reims, pour les cérémonies du Sacre[2]. Les États Généraux de la province et le Parlement des ducs de Bourgogne tenaient souvent à Beaune leurs séances, depuis 1310, avec un grand concours de nobles, de clercs et de laïques. C’était une place forte, bien cerclée de murailles, de fossés où avait été dérivée la Bouzoise, de tours et de bastions.
Avec la mort de Charles le Téméraire, en 1577, commença la décadence. Le Parlement de Bourgogne fut transféré à Dijon et, avec lui, émigra une grande partie de la noblesse. Cependant le commerce des draps demeurait prospère et continuait à enrichir la ville. Mais, à la suite des excès de la Ligue, une grande partie de la bourgeoisie qui l’exécrait s’était tournée vers le protestantisme. La révocation de l’Édit de Nantes, en 1685, chassa de Beaune près de deux cents familles qui s’expatrièrent emportant avec elles leur industrie, jetant sur le pavé les deux à trois mille ouvriers qui en vivaient. La ville se vida. Il ne lui resta plus que ses vignes, presque toutes entre les mains de l’Église et des communautés catholiques.
Durant le xviiie siècle, Beaune dut à la renommée de son hôpital, où de riches malades ne dédaignaient pas de venir se faire soigner et guérir, un regain de vie et un certain nombre d’embellissements. Mais rien de saillant n’aurait marqué l’existence paisible de la petite ville, sans l’aventure extraordinaire et tragicomique de sa « prise » en pleine paix, le 18 Décembre 1754, par le fameux contrebandier Mandrin[3].
Ce hardi flibustier, dont Voltaire a pu dire qu’on ne savait s’il était un voleur ou un conquérant, ce révolté, jeté hors la loi par une ruine imméritée et par un crime de droit commun, commis dans une heure de violence, avait sans vergogne, précurseur des révolutions futures, déclaré la guerre, à lui seul, à la caste haïe des Fermiers Généraux, ces terribles pressureurs d’impôts de l’ancien régime. Ayant établi en Suisse, près du lac de Genève, ses quartiers de retraite et le centre de recrutement de ses bandes, il exécuta en France, à la barbe de la maréchaussée, des gens du roi et des régiments lancés à sa poursuite, six fantastiques randonnées, débitant au grand jour sa contrebande d’étoffes et de tabac, et, par une ironie vengeresse qui ne manquait pas d’esprit, imposant sa marchandise à prix d’or à tous les agents de la Ferme, dont il vidait la caisse sur son passage et auxquels il cassait la tête s’ils résistaient.
Pendant la nuit du 14 au 15 Décembre, Mandrin, à la tête de 90 hommes bien montés et bien armés, sans compter les valets et les chevaux de charge, avait pénétré en Franche-Comté par le col de Saint-Cergues, en pleine neige, déroutant tous les postes-frontière par l’audace et la rapidité de ses mouvements. Dépassant Pontarlier avant même d’y avoir été signalé, il coucha, le soir du 15, à trois lieues de Besançon, le 16 à Mont-sous-Vaudrey, le 17, après avoir passé la Saône, à Corberon, en Bourgogne, d’où, le lendemain, il marcha sur Beaune. Les Beaunois avaient beaucoup ri de l’avis de se tenir sur leurs gardes, que leur avait fait passer M. de Tavannes, gouverneur de la province ; mais, lorsque l’alarme eut été donnée par des bonnes femmes de Corberon, venues au marché et racontant les « couchées des bandits », le Conseil de ville se réunit d’urgence, sous la présidence du maire. Il fut décidé que les portes seraient closes et les remparts, encore intacts et formidables à cette époque, garnis des milices urbaines. En même temps, le tocsin du Beffroi sonnait la résistance et la bataille. Le 18, entre onze heures et midi, Mandrin et sa troupe apparaissaient sur la route durcie par la gelée, au galop sonore de leurs chevaux.
La garde de la Porte de la Madeleine avait été confiée à l’adjoint Terrade, qui avait négligé d’en pousser les battants et se faisait fort d’arrêter l’élan de l’ennemi avec ses braves miliciens, rangés par lui en ordre de combat. Mais ceux-ci, dès qu’ils aperçurent les contrebandiers, qui fonçaient sur eux comme une trombe, bride abattue, les fusils hauts et criant : « Tue ! Tue ! À feu la ville ! » furent pris d’épouvante et se débandèrent. En un clin d’œil la porte fut enlevée d’assaut ; des salves de coups de fusil balayèrent les rues, où ces démons, toujours courant, se répandirent ; des hommes tombèrent ; toutes les fenêtres qui s’ouvrirent reçurent une balle ; chacun se terra où il put, et Mandrin se trouva maître, en moins d’une heure, d’une ville de 8 000 habitants.
Le maire, mandé près de lui et amené entre deux gardes, comme un prisonnier de guerre, fut invité à lui verser sur-le-champ 25 000 francs « pour le mauvais accueil qui lui avait été fait par la ville, à lui et à ses hommes ». On transigea à 20 000 francs qui, sur le conseil même de Mandrin, furent pris dans la caisse du receveur des Fermiers Généraux, auquel il remit, en échange, un acquit régulier signé de sa main, et un bon à valoir pour l’équivalent de la somme en tabac de contrebande. Après quoi, on trinqua cordialement. Les Beaunois se rassurèrent et il y eut foule bientôt pour venir voir de près, dans le cabaret où il s’était installé, l’inconcevable bandit. Il se laissa contempler et approcher tant qu’on voulut. Puis, vers les quatre heures, Mandrin donna le signal du départ. Ses hommes et lui remontèrent en selle. Il salua les autorités de son grand feutre noir, festonné d’or : « Messieurs, à vous revoir au Carnaval ! » Et le tourbillon disparut.
Le 11 mai de l’année suivante, Mandrin était fait prisonnier en Savoie pendant son sommeil, ramené en France, et supplicié à Valence quinze jours après.
Pendant la première moitié du xixe siècle, la population de Beaune se renforça de quelques milliers d’habitants, par suite de l’extension croissante du vignoble. Stationnaire à 10 000 âmes environ, jusqu’à il y a une trentaine d’années, elle tend à s’élever par l’établissement, dans les faubourgs hors les murs, de diverses industries : distilleries et vinaigreries, fabriques de bouchons, brosses, pressoirs, machines agricoles, tuiles, poteries, céramiques. Beaune forme, à l’heure actuelle, un chef-lieu d’arrondissement de 13 887 habitants. Deux foires s’y tiennent, le 24 Février et le 15 Novembre, où affluent les blés des vastes plaines de la Saône.
Si l’on vient de la gare, on franchit l’enceinte de la ville entre deux gros bastions de pierre, restes du Donjon, élevé, en 1502, par Louis XII. Il fut démantelé en 1606 par ordre de Henri IV, sur la demande des habitants qui voyaient d’un mauvais œil ce vieux souvenir féodal. Si l’on arrive par la route de Dijon, on passe sous la Porte Triomphale de Saint-Nicolas, qui semble, au premier abord, quelque débris antique. Elle fut élevée au xviiie siècle sur l’emplacement de l’ancienne Porte du Bourg-Neuf, percée jadis dans le rempart, abattue à cette époque, et par laquelle les ducs de Bourgogne, les rois de France et les gouverneurs faisaient leur entrée dans Beaune. Cette enceinte de la ville, avec son rempart là où il subsiste et ses fossés noyés de jardins, représente un cercle parfait. Un boulevard moderne la marque et l’englobe extérieurement.
Le plan intérieur de la petite cité, qui forme un ensemble complet, est infiniment ingénieux. Sauf deux grandes voies transversales, correspondant aux quatre entrées principales, et se coupant en croix, l’une du nord au sud, l’autre de l’est à l’ouest, toutes les autres rues, reproduisant le dessin de l’enceinte, se développent en cercles concentriques, reliés par des rayons, et, ménageant habilement leurs courbes trompeuses, semblent faire de cette ville minuscule une grande ville. L’étranger, qui s’y perd, y tourne sur lui-même avec étonnement sans en pouvoir sortir, et revenant toujours à son point de départ.
Au centre de la circonférence, où s’intersectionnent les deux voies transversales, dont l’une ou l’autre nous amène, se trouve le Beffroi, du xve siècle, qui avait autrefois pour voisin l’Hôtel de Ville, de même époque, détruit en 1795. C’est une tour carrée à quatre horloges, récemment restaurée, élégante dans sa force, aux arêtes vives, et dont la toiture aiguë est coiffée de la lanterne à jour des anciens veilleurs. Devant le Beffroi s’étend la petite place Monge plantée de tilleuls, avec la statue de Monge[4], par Rude[5], bronze puissant et sobre. Puis, à quelques pas à peine, derrière une halle moderne, prétentieusement laide, hétéroclite et criarde, s’allonge, avec son immense toit d’ardoises argentées, surmonté en son milieu d’une flèche élancée, la sombre façade de l’Hôtel-Dieu, ou Hospice du Saint-Esprit.
L’Hôtel-Dieu, « royal palais plutôt que logis des pauvres », monument unique en France, fut fondé en 1443, par Nicolas Rolin[6], chancelier de Philippe le Bon, duc de Bourgogne et comte de Flandre[7]. Nicolas Rolin commençait à se faire vieux et à songer à ses fins dernières ; il avait, devait dire plus tard Louis XI, en ricanant, « fait assez de pauvres dans sa vie pour qu’il leur préparât un asile avant de mourir ». Toujours est-il qu’il n’y ménagea pas le luxe, ni la dépense. Guigone de Salins, sa seconde femme, l’aida dans son œuvre charitable et présida, en 1448, à l’installation près des malades, dans l’édifice terminé, des Hospitalières du Saint-Esprit, dont l’Ordre était originaire de Flandre et avait une succursale à Valenciennes.
Sombre façade, avons-nous dit, et qui semble plutôt un flanc d’église. Quelques fenêtres ogivales, et deux ou trois autres carrées, toutes bardées de fer, percent seules la muraille nue, où s’enfonce un tronc grillagé, pour les offrandes des passants. Il fallait pouvoir braver jadis un coup de main, une poussée de soldatesque ou de malandrins. Un auvent gothique, qui s’accroche au-dessus de la porte, arrête cependant le regard, léger et gracieux, pareil à un dais, avec quatre fléchettes de plomb repoussé, à personnages et à banderoles. Un heurtoir avec un lézard, dont le visiteur, en cognant, annonce son arrivée, et le guichet, ajouré comme un damier, à travers lequel on lui répond, sont deux admirables ouvrages de serrurerie, deux joyaux de sculpture de fer. Le seuil franchi, le lourd battant de chêne se referme sur vous, et c’est alors comme un coup de magie.
Il y a de la féerie dans la Cour Intérieure de l’Hospice de Beaune. Tout concorde à y saisir la vue, à frapper l’esprit. Les vastes bâtiments qui la bordent et se replient en encoignure, de style flamand, avec charpentes de bois apparentes, sont couverts de tuiles vernissées, brunes et jaunes, décrivant de grands dessins, pareilles à des peaux écailleuses de serpents. Une galerie à colonnettes de pierre court tout le long du rez-de-chaussée, soutenant au premier étage un balcon couvert, où s’appuient à leur tour les hautes lucarnes des toits. De ces lucarnes surgit, comme un fouillis pressé de mâts de navires, une forêt de pignons de plomb, de flèches, de girouettes, de banderoles et d’épis, aux mille ornements variés, rosaces et soleils d’or, couronnes, masques humains, figures des Rois Mages. Et, dans cet éclatant décor de missel, vont et viennent les hauts hennins carrés des Sœurs, leurs robes, blanches l’été ou bleues l’hiver, qui glissent rapides.
Ces bâtiments, où d’importantes restaurations ont été exécutées, ces dernières années, par les soins de la Commission des Monuments Historiques[8], abritent les différents services de l’Hospice : la Pharmacie, ancienne Apothicairerie, décorée encore de ses poteries de faïence peinte, aux inscriptions cabalistiques, de ses pichets d’étain, de ses mortiers de bronze, où la vieille pharmacopée amalgamait, en d’étranges remèdes, larmes d’or potable, dents de chien râpées, poils de loups, crapauds écorchés, acide nitreux, bézoard et mirobolam ; — la Cuisine, avec sa vaste cheminée, au linteau de pierre élégant, vigoureusement profilé ; avec ses chenets et son bras tournant, d’acier poli et étincelant, où s’accrochaient, sur les feux de bûches, les grandes marmites ; avec sa rôtisserie, qui a gardé son petit Tourne-broche automate, en tablier de cuisinier et bonnet de coton ; — la Salle du Conseil, remaniée au xviiie siècle, mais qui a conservé son ancien carrelage vernissé, rouge et jaune, aux armes de Guigone de Salins. Sur les murs, sont appendues des tapisseries des Flandres, du xviie siècle, de superbe allure et d’exécution toute raphaélique, magnifiques de conservation, et qui représentent l’Histoire de Jacob. C’est dans cette salle que se fait, chaque année, l’adjudication publique des vins de l’Hospice, qui forment un de ses principaux revenus, et qui établissent, pour tout le vignoble beaunois, le cours maximum de la récolte. Par un usage séculaire en effet, ces vins sont toujours vendus tels qu’ils sortent du pressoir, abondants ou rares, fins ou superfins, selon l’année, mais sans adjonction, en aucun cas, d’aucune autre cuvée. Attenante à la Salle du Conseil, dont la sépare la vieille porte de fer d’il y a cinq siècles, la Salle des Archives, en pierre et voûtée, renferme les titres et inventaires de l’Hospice et les registres où ont signé ses visiteurs illustres, dont Louis XIV et Colbert.
La Grande Salle des Malades, ou « Chambre des Pôvres », la plus ancienne, celle qui remonte à Nicolas Rolin, occupe le corps de logis parallèle à la rue, plus austère d’aspect, et que nous avons en entrant traversé sans nous arrêter. La fantasmagorie entrevue de la Cour nous attirait.
Mais combien saisissante, elle aussi, dès qu’on y pénètre ! C’est à la fois, une salle d’hôpital, et une église, une nef gothique de 45 mètres, large de 13 mètres, avec son autel, ses longues fenêtres en ogive et ses vitraux, avec le berceau de bois peint de ses voûtes, que soutiennent des poutres transversales bariolées, butées dans des gueules de Goules. Le long des murs sont rangés les lits où gémit et agonise la souffrance humaine. C’est à tous les pauvres êtres qu’ils enclosent de leurs rideaux blancs que, de son autel où il se dresse dans la lueur mystérieuse de la grande verrière, le Christ tend ses bras crucifiés. C’est lui qui console et hospitalise, dans sa propre église, toutes ces douleurs. Nous sommes bien ici dans la Maison du Seigneur, l’Hôtellerie de Dieu, l’« Hôtel-Dieu ».
Depuis, d’autres temps sont venus. La voix du prêtre officiant, à laquelle répondait le chant des Sœurs et celui des malades, s’est tue. Les cierges ne s’allument plus, chaque jour, étoiles de l’Au-Delà, à l’heure de la messe coutumière, dans les vapeurs bleues de l’encens. Mais l’impression de foi ardente qui édifia ce sublime symbole de charité divine a subsisté.
D’autres fondations pieuses (entre autres généreux donateurs, Jean de Massol, conseiller au Parlement de Bourgogne, légua à l’Hôtel-Dieu, en 1670, sa fortune évaluée à 2 millions de notre monnaie) permirent aux siècles qui suivirent de poursuivre l’œuvre de Nicolas Rolin et d’édifier de nouvelles salles d’hôpital. Différentes de style elles demeurèrent toutes d’allure vraiment royale, d’autant, comme nous l’avons dit, que la mode s’établit, pour les riches eux-mêmes, de venir, moyennant argent, se faire traiter à l’Hôtel-Dieu. Nos hôpitaux modernes, avec la beauté en moins, n’ont rien à envier à l’hygiène de ces vastes salles, à la hauteur de leurs plafonds, à la clarté de leurs larges baies, par où passent, l’été, des parfums d’orangers en fleur. Toutes aussi conservèrent, en chacune d’elles, leur autel plus ou moins somptueux qu’on y voit encore aujourd’hui, et le symbole du Dieu présent. La plus intéressante est la Salle Saint-Hugues, dont les murs sont couverts de fresques géantes du xviie siècle, représentant des Guérisons Miraculeuses.
Outre les œuvres d’art disséminées un peu partout et demeurées, si j’ose dire, en circulation — tableaux et portraits, accrochés dans les salles et provenant de dons ; bancs et coffres gothiques ; armoires de style bourguignon, aux panneaux de chêne taillés en diamant[9] ; serrures fleurdelisées des portes, du xve siècle, en acier forgé et poli, toutes diverses de travail, et dont la moindre ferait ailleurs l’ornement d’une vitrine — l’Hôtel-Dieu a son Musée. Des débris de sculpture y ont été réunis, des statuettes de bois et d’ivoires mille objets curieux, dont un « gaufrier » aux armes de Philippe le Bon ; puis des soies brodées et des tapisseries.
Parmi celles-ci, on remarque celles qui étaient jetées jadis, aux jours de fête et de procession, sur les lits des malades de la Grande Salle. Ce sont des tapisseries flamandes, écarlates, semées de tourterelles. Elles portent le monogramme de Guigone de Salins, la tour crénelée et fenestrée de ses armes et l’inscription répétée « Seulle », suivie d’une étoile[10]. Le Jeudi de l’octave de la Fête-Dieu, elles sont descendues encore, avec toutes les autres, dans la Cour intérieure de l’Hospice, au carillon des cloches, et suspendues le long des murs, sous les galeries et au balcon, parmi les buis et les branches vertes.
Mais le morceau principal du Musée, celui qui fait sa gloire, est le Retable polyptique du Jugement Dernier à six volets doubles, peints en treize panneaux et présentant, pour leurs deux faces, un développement total de 8 m. 40. L’auteur, qui n’a pas signé, comme le firent souvent les Primitifs, par déférence et effacement volontaire devant la Divinité qu’ils représentaient, est inconnu. Le premier inventaire de l’Hospice, de 1501, qui mentionne le tableau, ne donne aucun renseignement à ce sujet. Attribué parfois à Memling, longtemps et contrairement aux dates, à Jean de Bruges dit Van Eyck, il passe aujourd’hui pour l’œuvre d’un élève de celui-ci, Roger Van der Weyden. Tout ce qu’on peut dire avec certitude, c’est qu’il appartient à l’école flamande du xve siècle et fut exécuté pour l’Hospice, de 1443 à 1452[11].
Les volets extérieurs représentent l’Annonciation, deux petits panneaux en grisaille, et les portraits du Fondateur et de sa femme, accompagnés de saint Sébastien et de saint Antoine, quatre grands panneaux. Les deux saints sont en grisaille, tandis que Nicolas Rolin, vêtu d’une robe noire à chaperon, serrée à la taille par une ceinture d’or, est à genoux, les mains jointes, devant un livre d’Heures ouvert sur un prie-Dieu. Derrière lui un Ange de Guerre flamboyant le front ceint d’un bandeau de pierres précieuses, surmonté d’une croix. Guigone de Salins, épouse du chancelier, porte également une robe noire garnie de martre. Sa tête est couverte d’une sorte de voile blanc, transparent, en forme de hennin, rappelant la coiffure qu’elle donna elle-même aux Sœurs Hospitalières. Elle est, elle aussi, à genoux, et accompagnée d’un Ange très doux. Les volets intérieurs figurent, au revers des deux grisailles de l’Annonciation, quatre Anges, en deux panneaux, portant les Instruments de la Passion : la croix et la couronne d’épines, la colonne et les verges de la flagellation, le vase contenant le fiel et le vinaigre, l’éponge avec laquelle ce mélange amer fut offert au Christ crucifié, enfin la lance dont son flanc fut percé.
Le « Jugement Dernier » proprement dit, véritable épopée mystique, peinture symbolique où tout a une « clef »[12], occupe sept panneaux. Au centre, c’est le Christ Triomphant. On reconnaît en lui le Juge, impassible sans cesser d’être miséricordieux, et qui donne libre cours à sa justice, mais avec tristesse et pitié. Vêtu d’une robe de pourpre, il est assis sur l’arc-en-ciel, signe de l’alliance conclue entre Dieu et les hommes après le Déluge ; ses pieds ensanglantés, portant les stigmates de son supplice, reposent sur le globe terrestre, dont il est à la fois le Créateur et le Sauveur. Un nimbe crucifère auréole son front, rappelant que c’est par l’agonie de la croix qu’il a racheté ceux qui ont cru en lui. À droite de lui un lis tombe vers les Élus (rien de souillé ne doit entrer dans le ciel) ; à sa gauche, une épée vers les Damnés.
Près du Christ, saint Michel Archange fait dans une balance le Pèsement des âmes, tandis que quatre Anges, aux longues tuniques d’un rouge sombre, aux ailes écarlates, sonnent de leurs trompettes aux quatre vents du ciel ; les Morts, ressuscitant à cet appel, crèvent le sol de leur tête et de leurs mains, et sortent de la terre, maigres et nus. Le visage de saint Michel n’appartient à aucun sexe, car l’Archange n’est ni homme, ni femme. Il porte une tunique mauve pâle, la tunique de lin des lévites de la loi ancienne, et un manteau de brocard rouge, le « pluvial » de la loi nouvelle, unissant ainsi en lui les deux Testaments. Ses ailes, faites de plumes de paon, étincellent de milliers d’yeux ; elles sont le symbole de la Justice divine, qui sait tout, à qui n’échappent nulle faute, même la plus ignorée, nul bien, même le plus caché. Poursuivons. Une agrafe retient le manteau de l’Archange. Cette agrafe éveille, par son Cercle extérieur, l’idée de la Divinité qui, comme le cercle, n’a ni commencement, ni fin ; par ses Trois Lobes intérieurs, elle rappelle le mystère de la Sainte-Trinité ; par les Neuf Perles que renferment ces Trois Lobes, elle représente les Neufs Chœurs des Anges ; enfin, par le Rubis qui lui fait centre, elle symbolise le Sang du Christ, auquel tout se rapporte, au ciel et sur la terre, dans le temps et dans l’éternité.
Ce motif central du Christ et de l’Archange est flanqué de six panneaux plus petits. Les deux panneaux supérieurs représentent les Assesseurs du Christ au Tribunal suprême et les Assistants. Les Assesseurs, divisés en deux groupes, reposent sur des nuées lumineuses, de couleur rose, en signe de béatitude. Ils rayonnent dans la splendeur de la gloire, symbolisée par un fond d’or qui, plus éclatant à mesure qu’il s’approche davantage du Christ, s’empourpre à son contact, car il en est la source et le foyer même. La brillante auréole de l’Homme-Dieu ressort sur ce fond d’or, sans se confondre avec lui. De même, le front de chaque personnage est entouré d’un nimbe qui lui est propre, chacun conservant ses propres mérites, sans qu’ils soient absorbés par la Divinité. Parmi les célestes Assesseurs on remarque d’abord la Vierge Marie, dont les mains longues et fines supplient pour les péchés des hommes ; ses traits comme ceux du Christ demeurent sereins et douloureux à la fois. Puis les Douze Apôtres, assis sur des trônes. Saint Pierre a un siège d’or et porte la pourpre romaine ; saint Jean l’Évangéliste, imberbe, est revêtu d’une robe blanche, symbole de la chasteté qu’il garda toujours ; saint Paul porte un ample manteau vert, sur le bord duquel le Credo est écrit tout entier en lettres dorées qui en font une broderie. Enfin, joint aux Apôtres, saint Jean-Baptiste se reconnaît à sa maigreur ascétique, à son vêtement en poil de chameau, à son manteau de pénitent. Les Assistants sont en un premier groupe : le pape Eugène IV, qui encouragea la fondation de l’Hôtel-Dieu ; Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui autorisa Nicolas Rolin à prendre dans ses forêts tout le bois nécessaire à la construction de l’édifice ; Jean Rolin, évêque d’Autun et fils, d’un premier lit, de Nicolas Rolin ; enfin Nicolas Rolin, semblant plus jeune d’une dizaine d’années que sur son autre portrait qui est au revers du tableau. Quoique vivants encore ils sont nimbés et ont été placés par le peintre sur la nuée glorieuse, par anticipation et en faveur de leurs mérites. Un second groupe comprend pareillement nimbées : Guigone, deuxième femme de Nicolas Rolin ; Isabelle de Portugal, troisième femme de Philippe le Bon ; Philippote, fille, d’un premier lit, de Nicolas Rolin, et filleule du duc et de la duchesse de Bourgogne.
Des quatre derniers panneaux, placés au-dessous de ceux-ci, deux représentent le Paradis et deux autres l’Enfer. À la consommation des temps, le Purgatoire cesse d’exister ; pour tous les hommes, au sortir des grandes assises du Jugement, il n’y a plus que la félicité ou la damnation éternelles. L’Enfer, vers lequel les Damnés s’acheminent d’eux-mêmes, épouvantés, mais comme mûs par une force irrésistible, est, selon la mythologie ordinaire des religions, figuré par une sombre géhenne, un chaos de rochers entre les fissures desquels jaillissent des flammes : feu sans lumière et sans reflets, feu intelligent et conscient, qui mesure l’intensité de la souffrance à la gravité des fautes. Les Damnés sont entièrement nus, pauvres corps lamentables, et on en voit qui tombent dans la fournaise, la tête en bas et les pieds en l’air, en une complète culbute. Parmi eux on distingue un Moine, reconnaissable à sa tonsure : sa langue mensongère a tellement grossi que sa bouche ne peut plus la contenir. Un autre Damné mord sa main criminelle et s’arrache l’oreille, au souvenir des paroles licencieuses qu’il se complaisait à entendre et qui ont causé sa perte. Un Nègre qui, dans le naïf concept de nos pères, ne pouvait avoir l’âme blanche avec sa peau noire, est suspendu à une chaîne ; près de lui, un second Damné, au teint cuivré, symbolise la Race Jaune, non moins condamnée. Le Paradis est figuré par un temple gothique étincelant d’or à l’architecture de rêve. Les colonnes, faites de jaspe, sont enlacées par une vigne chargée de raisins, car c’est le Vin qui, par le mystère de l’Eucharistie, devient le sang de Jésus-Christ. Nef, flèche, clochetons et portiques ruissellent de lumière, et le faîte de l’idéale demeure, volontairement tronqué, s’achève dans une pluie de rayons au delà des dimensions du tableau. C’est la marque de la hauteur incommensurable de la Jérusalem Céleste, de son infini sans limites.
Tel est ce curieux tableau théologique, au symbolisme à la fois savant et simple. Picturalement parlant, il peut être mis au rang des plus purs chefs-d’œuvre. Éclatant par la richesse de son coloris, qui s’y joue, en de chaudes harmonies, des violets sombres aux mauves lie de vin, des verts ardents aux purs vermillons, il a, selon la marque coutumière des vieux maîtres flamands, l’infinie facture des détails, tout en conservant la largeur d’exécution de l’ensemble. C’est de la miniature qui, en se reculant, se transforme en fresque.
Primitivement placé au-dessus de l’autel de la Grande Salle des Malades, le Retable du Jugement Dernier fut caché durant le déchaînement révolutionnaire et ne revit le jour qu’en 1802. À cette époque, il choqua les Religieuses par ses nudités et, de même que, dans la chapelle Sixtine, Daniel de Volterra, dit « le Culottier », avait été chargé par le pape Paul IV de peindre des caleçons sur le Jugement Dernier de Michel-Ange, le peintre Bertrand Chevaux eut mission d’habiller de robes de bure brune les Élus et les Damnés. Après quoi, le tableau fut accroché très haut, dans la salle Saint-Louis.
C’est là qu’en 1836, le président de la Commission des Antiquités de Saône-et-Loire, Canat de Chizy, le découvrit littéralement. Il fut descendu et mis en bonne place, mais ce ne fut qu’en 1876 qu’on se décida à l’envoyer à Paris aux restaurateurs du Louvre, pour en nettoyer le barbouillage. Quelques autres travaux de retouche et de conservation y furent en même temps exécutés. Le tout coûta une quinzaine de mille francs. Après avoir figuré au Louvre, pendant l’Exposition de 1878, Le Retable revint au Musée de l’Hospice. Les volets, sciés dans leur épaisseur, en présentent simultanément les deux faces.
Après l’Hôtel-Dieu, le principal monument de Beaune est l’église Notre-Dame, qui s’élève au fond d’une calme place, avec ses toitures brunes, ses pignons triangulaires, son clocheton rond et le vaste porche qui la couvre presque tout entière. Inspirée, semble-t-il, de la cathédrale d’Autun, elle fut commencée au xiie siècle, remaniée dès le xiiie, puis aux xive, xve et xvie siècles ; ses faîtes n’ont jamais été terminés. Elle n’en demeure pas moins, dans son ensemble, un spécimen bien typique du style bourguignon. La grosse tour du clocher, du xiiie siècle, est, dit Viollet-le-Duc, intéressante à ce point de vue surtout. À sa base, en effet, on remarque des pilastres cannelés, dont au premier abord on ne s’explique pas la présence sur une construction de cette époque. Ils sont la marque de la force de la tradition antique, implantée dans le pays par le rayonnement de civilisation de la « Rome celtique », l’ancien Augustodunum, l’Autun moderne. La poussée est curieuse, jusqu’en plein Moyen âge, de cette survivance morale, de ce passé classique, auquel, sur cette même tour, se soude, directement et sans transition aucune, le style ogival et gothique.
Surélevé de marches, le porche, tout gothique, avec son triple portique, ses fines colonnettes et les nervures de ses voûtes, est un monument à lui seul. Superfétation à l’église proprement dite, il en enveloppe la façade de son énorme berceau. Mais la Révolution en a jeté bas toutes les statues, gratté à vif, « bouchardé et ravalé » toutes les sculptures.
Par trois portes s’ouvrant sous ce porche et dont les six vantaux de chêne, du xve siècle, admirablement ornementés, ont été épargnés, on pénètre dans l’église. Construits en pierre dure, indestructible, la nef et le chœur, malgré les déformations ultérieures, ont grande allure. Ils appartiennent au gothique primitif du xiie siècle, sobre et robuste. Les arcs, en fer-à-cheval brisé, des ogives donnent à l’édifice des aspects de mosquée. Dans une chapelle du bas-côté gauche, une fresque à personnages, très ancienne, s’effrite et semble rentrer dans la pierre. Une autre chapelle, au bas-côté droit, œuvre de la Renaissance, déroute l’esprit par son plafond plat, à caissons et à pendentifs, par ses rinceaux trop élégants, où les Anges tournent aux Amours.
Sortant de Notre-Dame, il faut errer maintenant, un peu au hasard, parmi ces rues paisibles de la ville, au charme simple et pénétrant, aux rares passants, où la vieille guimbarde jaune de Savigny-les-Beaune roule avec un bruit de ferraille, le cocher soufflant dans son cornet.
Çà et là, quelques maisons gothiques, à pignon et ventrues, et qui remontent au xiiie siècle. Une maison située rue de la Charité, dite la « maison romane », dont le rez-de-chaussée a été défiguré, mais qui a conservé, au premier étage, sa façade à colonnettes de pierre, appartiendrait au xiie. La plupart de ces maisons étaient jadis, comme les toits de la Cour intérieure de l’Hôpital, couvertes de tuiles de couleur vernissées ; quelques fragments de ces toitures ont subsisté. Puis des logis de la Renaissance, à mascarons, à palmettes et à coquilles, et de beaux hôtels des xviie et xviiie siècles.
Par des portes à claire-voie, on aperçoit des cours intérieures, tapissées de lierre, fleuries de lauriers-roses, d’hortensias bleus et de blanches hémérocalles, aux feuilles luisantes comme des toiles cirées. De petites places cocasses, avec des bancs, sont plantées de petits arbres, tondus en boule, semblables à des jouets d’enfants. Et places, cours, maisons, qu’elles soient gothiques, de la Renaissance ou contemporaines du Grand Roi, tout est comme enveloppé de léthargie, engourdi d’un sommeil surnaturel. Arrêtez-vous cependant quelques instants à lire votre Joanne, installez-vous à photographier une porte ou une façade, et observez. Un rideau se soulève, puis deux, puis trois, puis quatre. Des figures apparaissent, automatiquement dirait-on, derrière les vitres des fenêtres. Des nez s’aplatissent, des yeux s’écarquillent. Les habitants sont là. Pas un de vos mouvements n’échappe à leur curiosité. La demoiselle du magasin de modes quitte son comptoir. Le coiffeur, délaissant ses barbes, arrive, sa savonnette à la main, se planter sur sa devanture. Chacun veut voir l’étranger et savoir ce qu’il fait. Ces maisons closes sont, en réalité, des maisons de verre.
Plus bellement solitaires sont les Vieux Remparts, que l’on retrouve un peu partout autour de la ville, dominant en terrasse les gouffres de verdure de leurs fossés profonds, humides de sources et de ruisseaux. Plantés eux-mêmes de platanes tigrés, dont les feuilles tombées, jamais balayées, craquent sous les pieds, entrecoupés d’escaliers, ils évoquent avec leurs bancs de pierre des visions de femmes lamartiniennes et pensives, en longue robe noire à fourreau, et leur lévrier auprès d’elles.
Une folie de vandalisme les a, maintes fois, menacés déjà, sans l’excuse même d’une quelconque utilité pratique, car la ville, franchissant depuis longtemps leur encerclement, développe librement ses faubourgs autour d’eux vers l’infini de la campagne et des vignes dorées, au sol roux. Mais en France, hélas ! le temps des criminelles destructions n’est pas encore passé.
- ↑ Elle se serait d’abord appelée Minervia, du nom de la légion Minervienne qui y campa, puis Belena, d’un temple érigé à Belenus, l’Apollon gaulois, d’où, par abréviation, Belna, Belnum, Belno-Castum, qui devinrent Beaune, après le xiiie siècle.
- ↑ Ils se payaient 56 livres la queue, ou les deux pièces, contre 10 à 24 livres celui qui se récoltait en Champagne.
- ↑ Cf. Mandrin, Capitaine général des Contrebandiers de France, par F. Funck-Brentano, Paris (Hachette), 1908.
- ↑ Né à Beaune ; 1746-1818.
- ↑ Né à Dijon ; 1784-1855. La statue est de 1849.
- ↑ 1380-1461.
- ↑ Philippe le Bon (1396-1467) était fils de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière. Il hérita de la Bourgogne à la mort de son père, assassiné au pont de Montereau, en 1419, du Brabant et du Limbourg, en 1430, par son cousin germain Philippe de Saint-Pol ; il y adjoignit, quelques années après, le duché de Luxembourg. L’union politique de la Bourgogne et des Pays-Bas, qui en résulta, explique cette incursion d’art flamand sur le territoire français qu’est l’Hôtel-Dieu de Beaune. Philippe le Bon eut pour fils Charles le Téméraire, qui fut le dernier duc de Bourgogne.
- ↑ Les plomberies des toits qui furent copiées en partie, au milieu du siècle dernier, dans la restauration de la Sainte-Chapelle de Paris, ont été refondues. Leurs anciens moules de pierre ont été retrouvés sous les combles de l’Hospice. Plus récemment (1902-1907), les toitures, qui s’effondraient, ont été refaites, et leurs tuiles vernissées ont été remplacées, selon le modèle des tuiles primitives, qui existaient encore en partie. La dépense s’est élevée à 140 000 francs environ.
- ↑ Sorte de décoration en cabochons, en étoiles et en losanges, à arêtes vives découpées en plein bois, et qui rappelle, par sa forme et son aspect, la taille des pierres précieuses.
- ↑ Cette espèce de rébus formait la devise galante de Nicolas Rolin : « Guigone est ma seule étoile ».
- ↑ Van Eyek mourut en 1440, l’année même où Nicolas Rolin reçut la bulle du pape Eugène IV approuvant son premier projet, tout vague encore, de la fondation de l’Hospice. La date de 1443 est celle des premiers travaux effectifs. Le tableau, d’autre part, ne peut être postérieur à 1449, Jean Rolin, fils de Nicolas et évêque d’Autun, qui y figure dans la gloire des Élus, ayant été, cette année-là, promu cardinal, dignité dont le peintre n’aurait pas manqué de lui faire porter les insignes. Enfin la date de 1452 ne saurait être dépassée, même pour les vantaux extérieurs, qui semblent avoir été peints en dernier lieu (Nicolas Rolin y est représenté plus âgé que sur son portrait intérieur), car saint Antoine, qui y figure comme « patron » de l’Hospice, cédait, cette même année, son titre à saint Jean-Baptiste.
- ↑ Ces « clefs » nous sont fournies par un excellent opuscule, Le Jugement Dernier, Retable de l’Hôtel-Dieu de Beaune, par A. D. et M. G., Beaune, 1908.