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L’orthographe de la plupart des livres français est ridicule. Presque tous les imprimeurs ignorants impriment Wisigoths, Westphalie, Wirtemberg, Wétéravie, etc.
Ils ne savent pas que le double V allemand, qu’on écrit ainsi W, est notre V consonne, et qu’en Allemagne on prononce Vétéravie, Virtemberg, Vestphalie, Visigoths[2].
Ils impriment Altona au lieu d’Altena, ne sachant pas qu’en allemand un O surmonté de deux points vaut un E.
Ils ne savent pas qu’en Hollande oe fait ou ; et ils font toujours des fautes en imprimant cette diphthongue.
Celles que commettent tous les jours nos traducteurs de livres sont innombrables.
Pour l’orthographe purement française, l’habitude seule peut en supporter l’incongruité. Emploi-e-roi-ent, octroi-e-roi-ent, qu’on prononce octroieraient, emploieraient ; pa-on, qu’on prononce pan ; faon, qu’on prononce fan ; La-on, qu’on prononce Lan, et cent autres barbaries pareilles, font dire :
Hodieque manent vestigia ruris.
Cela n’empêche pas que Racine, Boileau et Quinault, ne charment l’oreille, et que La Fontaine ne doive plaire à jamais.
Les Anglais sont bien plus inconséquents ; ils ont perverti toutes les voyelles ; il les prononcent autrement que toutes les autres nations. C’est en orthographe qu’on peut dire d’eux avec Virgile (Égl. i, vers 67) :
Et penitus toto divises orbe Britannos.
Cependant ils ont changé leur orthographe depuis cent ans : ils n’écrivent plus loveth, speaketh, maketh, mais loves, speaks, makes.
Les Italiens ont supprimé toutes leurs H[3]. Ils ont fait plusieurs innovations en faveur de la douceur de leur langue.
L’écriture est la peinture de la voix : plus elle est ressemblante, meilleure elle est.
- ↑ Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771. (B.)
- ↑ Voyez dans les Mélanges, année 1773, une note de Voltaire sur l’article xii des Fragments sur l’Inde.
- ↑ Voyez l’article A, tome XVII, page 9.